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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 59

Le mercredi 28 mai 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 28 mai 2003

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA SEPTIÈME REMISE DES PRIX ESQUAO

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, l'un des plus grands plaisirs personnels de notre travail ici est l'occasion de se familiariser avec des organisations communautaires de tout le pays. J'ai toujours été particulièrement inspirée par des groupes qui ont comme mission la préservation et la célébration du patrimoine, la promotion de la justice sociale et des droits de la personne et la construction positive du Canada par l'entremise d'un grand respect pour tous et chacun.

J'ai rencontré un groupe de ce genre il y a deux semaines, honorables sénateurs, lorsque j'ai participé à la septième remise des prix Esquao, à Edmonton, un programme de l'Institut pour l'avancement des femmes autochtones qui est conçu pour reconnaître et honorer les contributions et les réalisations des femmes autochtones.

J'ai vécu une soirée merveilleuse. Le thème des prix Esquao, « Angels Among Us », montre le rôle essentiel que les femmes des premières nations jouent dans leurs collectivités locales et dans tout le Canada à titre d'aînées, de dirigeantes d'entreprises, d'enseignantes, de mentors, d'artistes et de guérisseuses. On a reconnu le mérite de 45 femmes remarquables ce soir-là.

J'ai eu pour ma part l'honneur de présenter un prix pour l'action communautaire à Mme Angela Lighting, de Calling Lake, en Alberta, une jeune femme qui avait fait une différence en aidant à créer un programme de hockey mineur et de base-ball mineur et en montrant son dévouement et sa loyauté à l'égard des jeunes de sa collectivité.

Honorables sénateurs, chaque année, l'institut présente également un prix spécial, le Circle of Honour Award, pour reconnaître une vie de réalisations dans nos collectivités autochtones. Vous serez heureux d'apprendre que notre estimée collègue, le sénateur Chalifoux, a été la récipiendaire du Circle of Honour Award de 2003. J'ai été parmi les personnes qui ont rendu hommage au sénateur Chalifoux ce soir-là et je suis sûre que je l'ai fait avec tout votre appui et votre consentement enthousiastes.

Il y a plusieurs années, notre collègue a été la récipiendaire d'un autre prix remis par le Edmonton Catholic Services Bureau. À l'époque, le père James Holland de la Sacred Heart Church a parlé de l'esprit de Thelma, de sa force intérieure et de sa détermination à aider les Métis ainsi que de sa sagesse, de sa grande connaissance et de sa grande expérience de vie, des qualités qu'elle continue de bien représenter en tant que parlementaire, selon moi.

Honorables sénateurs, je sais que vous allez vous joindre à moi aujourd'hui pour saluer le sénateur Chalifoux ainsi que les autres récipiendaires remarquables des prix Esquao 2003.

[Français]

DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

STRATÉGIE EMPLOI JEUNESSE

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, la transition de l'école au travail n'est pas toujours une tâche aisée pour les jeunes. Sans expérience, plusieurs jeunes Canadiens et Canadiennes arrivent difficilement à se trouver un emploi permanent.

C'est dans le but d'aider nos jeunes à acquérir les compétences et les habiletés nécessaires pour une entrée réussie dans le marché du travail que le gouvernement du Canada a créé la Stratégie emploi jeunesse.

Dans le cadre de ce programme, au nom de l'honorable Jane Stewart, j'ai lancé la semaine dernière deux importants projets destinés aux jeunes de la division sénatoriale de Chaouinigane, région que je représente ici au Canada. La Société d'aménagement et de mise en valeur du bassin de la Batiscan a reçu une aide financière de 139 442 dollars.

Le mandat de cet organisme est de favoriser des activités pour une meilleure gestion de l'eau de la rivière Batiscan. Ainsi, grâce à ces fonds, neuf jeunes vont acquérir une expérience de travail enrichissante dans le domaine de l'environnement. Les activités qu'ils vont exécuter auront pour effet d'améliorer la qualité de l'eau et des habitats fauniques du bassin versant de la rivière Batiscan.

La société d'aide au développement des collectivités de la vallée de Batiscan a, pour sa part, également reçu un montant d'argent. Ces fonds permettront à 22 jeunes de participer à des ateliers de connaissance de soi et d'intégration au marché de l'emploi pour ensuite effectuer un stage dans une entreprise de la région.

Ces deux projets, dont les fonds étaient prévus dans le budget fédéral de février 2003, sont très importants pour nos jeunes. Ils leur offrent tous les outils nécessaires à assumer pleinement leur rôle de citoyens actifs au sein d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée et compétente dont nous avons besoin.


AFFAIRES COURANTES

LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Rapport de la vérificatrice générale du Canada à la Chambre des communes, daté de mai 2003.

(1340)

[Traduction]

L'ÉTUDE DU RAPPORT INTITULÉ «ÉTAT DES LIEUX SUR LA SITUATION DE L'ACCÈS À LA JUSTICE DANS LES DEUX LANGUES OFFICIELLES»

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES LANGUES OFFICIELLES

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, au nom de l'honorable sénateur Losier-Cool, j'ai l'honneur de déposer le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Ce rapport conclut notre étude du document publié par Justice Canada et intitulé « État des lieux sur la situation de l'accès à la justice dans les deux langues officielles. »

L'ÉTUDE SUR LA POSSIBILITÉ D'ADHÉRER À LA CONVENTION AMÉRICAINE RELATIVE AUX DROITS DE L'HOMME

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE

L'honorable Shirley Maheu : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé « Améliorer le rôle du Canada dans l'OEA : l'adhésion du Canada à la Convention américaine relative aux droits de l'homme. »

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Maheu, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

SÉCURITÉ NATIONALE ET DÉFENSE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, je donne avis que, lors de la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à siéger le lundi 9 juin 2003, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 29 mai 2003, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, conformément à l'alinéa 95(3)a) du Règlement, à siéger pendant l'ajournement du Sénat, même s'il se pourrait que le Sénat se soit alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À DÉPOSER DES RAPPORTS INTÉRIMAIRES AUPRÈS DU GREFFIER DU SÉNAT

L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, je donne avis que, le jeudi 29 mai 2003, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer les rapports intérimaires qui pourraient être prêts pendant l'ajournement du Sénat, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA SANTÉ

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LA RÉACTION À LA NOUVELLE FLAMBÉE DE SRAS—LA MISE EN QUARANTAINE D'UNE ÉCOLE

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le virus du SRAS semble s'être propagé à l'extérieur du milieu hospitalier à Toronto et avoir gagné la collectivité. Hier, la Father Michael McGivney Catholic Academy, de Markham, a été fermée et quelque 1 700 élèves et enseignants ont été mis en quarantaine après qu'il eut été révélé qu'un élève s'était rendu en classe alors qu'il présentait des symptômes de la maladie. Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si les responsables de la santé publique ont été en mesure d'établir un lien entre ce cas le plus récent et le nouveau groupe?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : L'honorable sénateur a tout à fait raison. L'école a été fermée jusqu'au 3 juin. Le jeune garçon malade a été en contact avec sa mère, une travailleuse de la santé dans un des hôpitaux affecté. C'est désormais une personne soupçonnée d'être infectée qui est associée au même groupe. Les responsables ont été en mesure de déterminer que le patient de 96 ans dont nous avons fait mention hier à la Chambre a été en contact avec d'autres travailleurs de la santé. Il ne s'agit pas d'un cas se situant hors de la zone affectée. Autrement dit, ce n'est pas un nouveau cas, dans cette perspective.

Le sénateur Keon : Honorables sénateurs, on nous apprend également aujourd'hui que du personnel infirmier de deux hôpitaux de Toronto a exprimé des préoccupations parce que des patients présentaient des symptômes assimilables à ceux du SRAS dans la semaine ayant précédé l'annonce du nouveau groupe de cas. Toutefois, il n'y a pas eu de réaction immédiate devant ces cris d'alarme. Selon l'Association des infirmières et infirmiers de l'Ontario, si la réaction avait été plus rapide, des hôpitaux auraient pu être fermés plus tôt, de sorte que l'on aurait pu éviter qu'un nombre plus grand de personnes soient mises en quarantaine ou qu'elles puissent même contracter la maladie. La direction de ces hôpitaux a déclaré qu'elle n'était pas au courant des préoccupations exprimées par les infirmières et infirmiers à ce moment-là.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous expliquer la procédure suivie par les hôpitaux pour repérer les cas de SRAS et nous dire si l'on modifiera cette procédure compte tenu des plus récents événements?

Le sénateur Carstairs : L'honorable sénateur soulève une question d'importance vitale. Lorsqu'une épidémie comme celle du SRAS survient, aucune information ne devrait être prise à la légère. Si les symptômes observés par le personnel infirmier ont été signalés, des mesures conséquentes auraient dû être adoptées. Toutefois, comme le sait fort bien l'honorable sénateur, l'exploitation des hôpitaux est entièrement de compétence provinciale. On ne peut qu'espérer que, mis au courant de cette situation, le gouvernement de l'Ontario, par l'entremise du ministère de la Santé, adoptera les changements nécessaires.

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LA RÉACTION DE L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ À LA NOUVELLE FLAMBÉE ÉPIDÉMIQUE

L'honorable Brenda M. Robertson : Honorables sénateurs, j'ai moi aussi une question à poser au leader du gouvernement au Sénat au sujet de la flambée de SRAS à Toronto. Lundi, la ministre de la santé, Mme Anne McLellan, déclarait aux journalistes : « Il y a lieu de croire que l'Organisation mondiale de la santé n'émettra pas d'avis aux voyageurs tant que la maladie ne se propagera pas à la communauté et qu'il n'y aura aucune preuve d'exportation de la maladie. »

Suite à l'information faisant état d'une contagion de la maladie à Toronto, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle dire aux honorables sénateurs si Santé Canada craint maintenant que l'Organisation mondiale de la santé n'émette de nouveau un avis aux voyageurs?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme je le disais au sénateur Keon, la définition de « contagion dans la communauté » s'appliquerait à des personnes autres que le noyau de personnes à l'origine de la contagion de la maladie dans le milieu de la santé. Le cas qui a été identifié pourrait donner à penser qu'il y a contagion à l'extérieur du milieu hospitalier, mais ce n'est pas le cas puisque le garçon est le fils d'un travailleur de la santé. Par conséquent, le noyau demeure le même et il n'y a pas lieu de s'attendre à ce que l'OMS émette un avis aux voyageurs.

J'aimerais ajouter quelque chose à l'information que je donnais hier au sénateur Robertson. La ministre a clairement indiqué aujourd'hui que les autorités n'ont pas l'intention de retirer les scanners des aéroports, qui y ont été installés dans le cadre d'un projet pilote. Si une technologie se révélait moins efficace qu'une autre, le gouvernement la remplacerait par quelque chose de mieux. Cela se fait dans le cadre de conversations et de contacts avec l'OMS.

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LES RÉPERCUSSIONS SUR LES EMPLOIS D'ÉTÉ POUR ÉTUDIANTS

L'honorable Brenda M. Robertson : Espérons qu'aucun autre noyau n'apparaîtra à l'école du jeune garçon.

Honorables sénateurs, la Chambre de commerce de Toronto rapporte que trois entreprises torontoises sur quatre ont subi le contrecoup du SRAS. Dix p. 100 des entreprises ont déjà mis du personnel à pied, et autant leur emboîteront le pas. Selon la Chambre de commerce, la plupart des étudiants ne trouveront pas d'emplois d'été au cours des semaines à venir, à cause de ces mises à pied.

(1350)

Ma question est tout simplement la suivante : Le gouvernement fédéral envisage-t-il de renforcer les programmes actuels d'emploi pour les étudiants ou d'en créer de nouveaux pour aider les étudiants de la région de Toronto à se trouver un emploi d'été?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Hier, lorsque j'ai répondu à une question du sénateur Grafstein, j'ai indiqué qu'un Comité spécial du Cabinet dirigé par l'honorable Allan Rock se penchera sur l'incidence économique de la situation, non seulement à Toronto, mais aussi ailleurs au pays. La suggestion faite par le sénateur Robertson aujourd'hui est fort intéressante, et je veillerai à ce que le comité en soit informé.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LE NUNAVUT—L'ACCÈS À LA PÊCHE À LA CREVETTE

L'honorable Gérald J. Comeau : Honorables sénateurs, je désire également poser une question à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Le 28 février 2003, le gouvernement du Nunavut a été assuré, par écrit, que le ministre des Pêches et des Océans avait accepté les recommandations d'un comité indépendant concernant les critères d'accès. Aucun accès additionnel ne devait être accordé à des intérêts ne relevant pas du Nunavut pour la pêche à la crevette nordique, dans les eaux bordant le territoire, tant et aussi longtemps que ce dernier n'aurait pas accès à la plus grande partie de cette ressource.

Le 26 mai, le gouvernement fédéral a annoncé que la moitié de l'augmentation de la pêche à la crevette dans les eaux bordant le Nunavut serait accordée à des intérêts de l'extérieur du territoire.

Madame le ministre peut-elle expliquer au Sénat comment il se fait que le gouvernement n'a pas respecté la promesse qu'il a faite au peuple du Nunavut?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne suis pas certaine qu'un engagement ait été pris à cet égard. L'acceptation d'un rapport ne signifie pas nécessairement que les gouvernements ne prendront pas de décisions ultérieures.

Toutefois, pour ce qui est de cette question précise, je ne dispose pas de l'information que l'honorable sénateur demande. Je prends donc note de sa question et lui communiquerai toute l'information que je recevrai.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, j'attire l'attention de madame le ministre sur une lettre du ministère des Pêches et des Océans datée du 28 février 2003 et signée par M. Alain Jolicœur, sous-ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, et par M. Jean-Claude Bouchard, sous-ministre délégué des Pêches et des Océans. Dans cette lettre, il est dit qu'aucun nouveau permis ne sera délivré à des intérêts extérieurs au Nunavut tant que les pêcheurs du Nunavut n'auront pas accès à la plus grande part des ressources qui sont à proximité. Madame le ministre voudra peut-être prendre connaissance de cette lettre dont je suis prêt à lui procurer une copie, au besoin.

Les habitants du Nunavut ont dit clairement qu'ils souhaitaient devenir autonomes sur leur propre territoire et que la clé de leur autonomie résidait dans l'accès aux ressources en mer. Le premier ministre du Nunavut a déclaré que le gouvernement fédéral condamnait les Nunavummiut à la pauvreté et au chômage en dilapidant leurs ressources.

Madame le leader du gouvernement au Sénat acceptera-t-elle de se battre pour que les promesses qui ont été faites aux habitants du Nunavut soient honorées?

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, comme je l'ai indiqué, je n'ai pas de note d'information sur ce dossier. Je me procurerai cette information et dès que j'estimerai être suffisamment renseignée, je veillerai à éclairer le sénateur.

L'honorable Willie Adams : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire au sujet des quotas de crevettes au Nunavut. Le gouvernement du Canada a pris un engagement à l'égard des Nunavummiut, relativement à la gestion de la faune, dans l'article 15.3.7 de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Le ministère des Pêches et des Océans et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien ont brisé la promesse du ministre Thibault de ne pas délivrer de nouveaux permis à des intérêts extérieurs au Nunavut, comme en fait état la lettre du 28 février. Selon moi, plus de 1 000 tonnes de crevettes, d'une valeur de 3 millions de dollars, ont été cédées. Les Nunavummiut devraient être indemnisés pour la valeur de la ressource dont leurs pêcheurs ont été privés.

Le sénateur Carstairs : Je remercie le sénateur de sa question. Comme je l'ai déjà indiqué au sénateur Comeau, je n'ai pas d'information sur ce dossier particulier. Je transmettrai donc aussi sa question au ministre des Pêches.

LE SÉNAT

LE DÉBAT SUR LE PROJET DE LOI SUR LA PROCRÉATION ASSISTÉE

L'honorable Douglas Roche : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement pourrait-elle confirmer que le projet de loi C-13, Loi concernant la procréation assistée, qui devrait être soumis au Sénat très bientôt, ne sera pas étudié à toute vapeur, mais qu'on nous accordera suffisamment de temps pour pouvoir l'étudier soigneusement en deuxième lecture et entendre un vaste éventail de témoins importants pendant les audiences du comité?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : J'assure aux honorables sénateurs que, étant donné les grandes ramifications de ce projet de loi, nous l'étudierons avec beaucoup de soin et de prudence, comme nous le faisons normalement pour tous les projets loi. Nous y consacrerons le temps nécessaire.

Le sénateur Roche : Je remercie madame le ministre. Le projet de loi C-13 est un projet de loi omnibus. Dans un volet, il interdit le clonage d'êtres humains et, dans l'autre, il réglemente les activités de recherche. Plusieurs autorités en la matière ont demandé au gouvernement de le scinder en deux. Le volet portant sur l'interdiction du clonage pourrait être adopté rapidement. Par contre, le deuxième volet portant sur la réglementation des activités de recherche, vu qu'il touche au caractère sacré de la vie humaine, pourrait être étudié séparément, permettant ainsi de préparer à loisir le règlement d'application plutôt que de se presser à adopter le projet de loi à toute vapeur.

Pourquoi le gouvernement a-t-il refusé de scinder ce projet de loi discutable?

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, il est évident que le sénateur n'a pas suivi attentivement ce qui s'est passé dans le cas du projet de loi C-10 qui a été scindé en deux projets de loi, le C-10A et le C-10B. S'il l'avait fait, il se serait rendu compte que la scission ne fut pas une solution particulièrement satisfaisante pour le Sénat comme pour l'autre endroit. Nous avons pourtant scindé le projet de loi. Nous avions le pouvoir de le faire, mais je dois avouer que c'était un processus compliqué et que ça l'est toujours. Ni les sénateurs, ni les députés de la Chambre des communes n'aiment qu'on y ait recours. Par conséquent, je crois qu'il serait préférable que nous étudiions le projet de loi C-13 dans son intégralité, en y apportant toute l'attention nécessaire.

Le sénateur Roche : Avant que le projet de loi ait été déposé, des autorités dans le domaine médical ont demandé qu'il soit scindé. Ç'aurait été possible de le scinder alors.

LA SANTÉ

L'ENCÉPHALOPATHIE BOVINE SPONGIFORME—LE RÉGIME DES ANALYSES

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, ma question porte encore une fois sur la façon dont le Canada a réagi après la détection de la maladie de la vache folle.

En novembre 2000, lorsque l'Allemagne a détecté la présence de cette maladie parmi ses bovins, il a fallu seulement huit jours à son gouvernement pour ordonner l'analyse obligatoire des vaches, et seulement six semaines à ses laboratoires pour analyser plus de 85 p. cent de toutes les vaches abattues.

Des analyses rapides sont utilisées au Japon. Elles ont été implantées après que le Japon eut découvert un seul cas de maladie de la vache folle en août 2001.

Dans de nombreuses parties de l'Europe, une vache sur quatre de plus de 30 mois fait l'objet d'analyses au moment de l'abattage. Si je comprends bien, au Canada, c'est environ une sur 10 000. Par conséquent, notre programme de surveillance analyse environ 0,02 p. 100 de nos bovins. La situation est la même aux États-Unis.

Ma question est la suivante : étant donné qu'on examinera le programme de surveillance en vue de le renforcer, le gouvernement envisage-t-il de procéder à des analyses pour que les consommateurs et les producteurs de boeuf soient protégés?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, soyons bien clairs. Jusqu'ici, on a découvert qu'une seule vache a été atteinte de la maladie de la vache folle au Canada.

Lorsque nous parlons de ce qui s'est passé en Europe, nous devons nous rappeler qu'il a fallu abattre jusqu'à 2 millions de vaches. La situation au Canada est bien différente de celle qui s'est produite en Europe.

Cela étant dit, je tiens à assurer au sénateur que, bien qu'on examine toutes les mesures, j'estime qu'il faudrait également examiner les méthodes d'analyse et la quantité d'analyses que nous effectuons, pour nous assurer d'agir correctement.

Madame le sénateur Spivak sera peut-être intéressée de savoir que, aujourd'hui, les analyses qu'effectuent les laboratoires fédéraux sur les animaux sont entièrement à jour, et on me dit que, d'ici huit jours, toutes les analyses effectuées par les provinces seront également à jour.

Le sénateur Spivak : Honorables sénateurs, je souligne que le Japon a procédé à des analyses rapides après la découverte d'un seul cas.

Quant à l'examen du programme de surveillance, croit-on que le Canada devrait suivre l'exemple des Européens et interdire l'utilisation de restes d'animaux pour nourrir des animaux destinés à la consommation, et non seulement pour nourrir des ruminants avec des restes de ruminants? Est-ce qu'on songe à cela?

(1400)

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, je ne le crois pas. Il est évident que le problème touche le sous-ordre des ruminants et l'enquête se limite à ce groupe. Au-delà de cela, nous ne prévoyons pas examiner d'autres animaux car rien n'indique que cette maladie peut se transmettre autrement qu'entre ruminants.

LA JUSTICE

LE PROJET DE LOI SUR LA DÉCRIMINALISATION DE LA MARIJUANA—LE FINANCEMENT DE LA STRATÉGIE CANADIENNE ANTIDROGUE—LES EFFETS SUR LE TABAGISME

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse aussi à madame le leader du gouvernement au Sénat. Dans le cadre de sa nouvelle Stratégie canadienne antidrogue, le gouvernement a présenté hier le projet de loi C-38 qui décriminalise la possession de ce qu'on appelle une petite quantité de marijuana. Le projet de loi est beaucoup moins rigoureux envers les jeunes de moins de 18 ans arrêtés en possession de moins de 15 grammes de marijuana et beaucoup plus sévère à l'égard des adultes. L'amende pour les moins de 18 ans serait de 100 $ alors que les adultes devraient payer une amende de 150 $. Honorables sénateurs, les jeunes échappent donc en partie aux conséquences de la possession de marijuana.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire quelle est la cohérence entre cette mesure et la stratégie de lutte contre la consommation de drogue et contre le tabagisme, une habitude décriée et critiquée dans tous les pays? Le premier ministre a indiqué un jour qu'il était pro-choix et le président des États-Unis a pour sa part indiqué qu'il était pro-vie. Or, je suis aussi pro-vie.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous expliquer cette stratégie et nous dire comment elle sera mise en œuvre? Qu'est-ce que tout cela signifie pour les jeunes?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, cela signifie beaucoup. Je sais que le sénateur St. Germain a des enfants, comme moi d'ailleurs. Je sais aussi que, pour mes enfants, l'amende aurait probablement eu beaucoup moins d'impact que le fait que je sois informée de leur comportement. Effectivement, l'amende est de 100 $ pour les moins de dix-huit ans, mais elle s'accompagne de l'annonce à leurs parents. Ceux qui ont plus de 18 ans devront payer 150 $ mais leurs parents ne seront pas mis au courant de leur comportement.

D'après ma propre expérience avec mes enfants, la peine visant les moins de 18 ans est plus lourde.

Le sénateur St. Germain : J'en suis convaincu, honorables sénateurs. Je ne le contesterai pas et aucun autre sénateur ne dirait le contraire je crois.

Honorables sénateurs, nous devrions tenir compte des propos tenus par notre allié le plus proche et notre partenaire commercial le plus important au sujet de l'utilisation de la marijuana. Comme l'a dit hier le premier ministre, les États-Unis et le Canada demeurent en excellents termes.

Quant à la stratégie pour contrer la hausse marquée de la consommation que certains prévoient, le programme électoral libéral de 2000 annonçait 440 millions de dollars pour la stratégie antidrogue. Or, hier, on apprenait que 49 millions de dollar y seraient consacrés chaque année pendant cinq ans, ce qui est considérablement moins que les 440 millions de dollars annoncés.

Il incombe au gouvernement d'expliquer aux Canadiens que les fonds destinés à la stratégie dépendent du projet de loi C-38, comme madame le ministre l'a si justement souligné dans sa réponse à une question que j'ai posée ici même il y a peu de temps. Comment le gouvernement peut-il justifier le fait que la somme de 440 millions de dollars promise pour la stratégie antidrogue soit maintenant réduite à environ 250 millions de dollars?

Le sénateur Carstairs : Honorable sénateur, il y a déjà beaucoup d'argent dans la stratégie antidrogue. Cette somme de 245 millions de dollars sur cinq ans vient s'ajouter à ce qui a déjà été investi dans la stratégie antidrogue.

Il est important d'examiner les données scientifiques provenant du monde entier. Fait intéressant, en Australie, où environ la moitié des États ont décidé de décriminaliser, il n'y a pas eu de hausse marquée de la consommation, contrairement à ce qu'on avait prévu.

Honorables sénateurs, je crains malheureusement que la hausse marquée de la consommation ne soit un fait accompli. La consommation augmente régulièrement depuis le début des années 1990. Selon des études récentes, 100 000 Canadiens consomment de la marijuana sur une bas quotidienne. Il y a déjà eu une hausse marquée. Nous devons maintenant essayer d'éviter que la marijuana ne fasse davantage d'adeptes en mettant en place une stratégie antidrogue globale.

L'honorable sénateur a mentionné la consommation du tabac. On n'impose pas d'amende aux gens qui fument du tabac, en dépit du fait que beaucoup d'entre nous pensons que les cigarettes sont beaucoup plus nocives que le cannabis, comme l'indique l'étude du Sénat.

Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, il est vrai que nous n'imposons pas d'amende aux gens qui fument des cigarettes, mais les fumeurs sont harcelés de toutes les manières possibles et imaginables. Je ne fume pas, bien qu'ayant déjà été un gros fumeur. Je n'ai jamais consommé de drogue, sous quelque forme que ce soit. Contrairement au meilleur ami du premier ministre, Bill Clinton, je n'ai jamais fumé de la marijuana ni inhalé.

Honorables sénateurs, comment le gouvernement peut-il justifier une mesure législative qui aggravera la consommation d'un produit carcinogène, ce qu'est la marijuana, alors qu'il continue à harceler les fumeurs, y compris certains de mes très bons amis ici même? Je les vois fumer à l'extérieur de l'édifice Victoria, harcelés par un système qui maintenant, essentiellement, pousse à la consommation de marijuana.

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, certains s'en étonneront peut-être, mais on absorbe la marijuana en la fumant. Les consommateurs de cannabis seront donc soumis au même harcèlement que les fumeurs de tabac.

À mon avis, il faut « les harceler à mort pour leur protéger la vie ».

LA DÉFENSE NATIONALE

L'ACQUISITION DE TECHNOLOGIE POUR L'APPAREIL AURORA

L'honorable J. Michael Forrestall : Honorables sénateurs, j'ai une autre question sur l'accoutumance à poser au leader du gouvernement au Sénat. Il s'agit de l'incapacité chronique du gouvernement d'entretenir le matériel militaire.

Je crois savoir que, pour prolonger la durée de vie de l'appareil Aurora, on vient d'accorder à Thales un marché qui porte sur la fourniture d'un système de gestion des communications faisant partie d'un ensemble avionique. L'ensemble, acheté après un appel à la concurrence qui devait faire l'objet d'une attention spéciale, comprenait des éléments de vieille technologie analogique. Vous vous rappellerez que nous avons dû nous adresser à la Russie pour acheter les tubes à vide nécessaires pour faire fonctionner de l'équipement. La situation est identique. Il semble maintenant que, fort judicieusement, les États-Unis aient décidé de ne pas autoriser le système.

Madame le ministre peut-elle le confirmer? Si oui, demanderait- elle qu'on revoie la décision prise sur ce marché, étant donné que nous avons acheté une technologie ancienne, du moins du point de vue militaire, et que nous ne pouvons obtenir l'autorisation de l'utiliser?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Comme toujours, l'honorable sénateur pose une question fort intéressante. Je ne sais pas si nous avons signé un marché pour acquérir du matériel dépassé. Je signalerai la question au ministre cet après-midi, dans l'espoir d'obtenir une réponse rapidement.

LE SORT DES MUNITIONS NON UTILISÉES APRÈS UN EXERCICE CONJOINT AVEC LES FORCES ARMÉES AMÉRICAINES

L'honorable J. Michael Forrestall : Honorables sénateurs, il m'a été signalé, et une demande faite en vertu de la Loi sur l'accès à l'information l'a confirmé, qu'une unité du Secteur de l'Atlantique de la Force terrestre a emporté une importante quantité de munitions à Fort Indiantown Gap, en Pennsylvanie, pour l'exercice Southbound Trooper, en 2001. Une partie appréciable de ces munitions n'a pas été inutilisée au cours de l'exercice, et elle a été laissée aux États-Unis, sans qu'il en soit rendu compte aux autorités canadiennes. Il semble également que ces munitions aient été radiées illégalement, par dérogation aux Ordres et Règlements royaux et à l'Ordonnance administrative des Forces canadiennes.

Il se peut que l'Unité des enquêtes spéciales enquête sur toute cette affaire. Comme ne l'ignore pas madame le ministre, si ces munitions disparaissaient et finissaient entre des mains criminelles, cela engagerait la responsabilité du gouvernement canadien.

(1410)

Madame le leader du gouvernement se renseignera-t-elle sur le déroulement de l'enquête, si enquête il y a? S'il n'y a pas d'enquête, exhortera-t-elle comme il se doit son collègue à examiner cette affaire afin de s'assurer que nous ne risquons pas d'être éventuellement tenus responsables?

Le sénateur Carstairs : La question du sénateur est grave et je la transmettrai dans les plus brefs délais au ministre de la Défense.

LES FINANCES

LE SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES—LA SOLVABILITÉ DES RÉGIMES DE RETRAITE

L'honorable David Tkachuk : Il y a six mois, honorables sénateurs, une cinquantaine de régimes de retraite réglementés par le gouvernement fédéral éprouvaient des difficultés financières. Le 21 mai 2003, le surintendant des institutions financières, M. Nicholas Le Pan, a déclaré que plusieurs de ces régimes risquaient de ne pas pouvoir verser à leurs cotisants les prestations qui leur ont été promises. Les régimes ne sont tout simplement pas solvables.

Le problème vient en partie de ce que des employeurs majorent les prestations sans investir dans le régime des fonds additionnels nécessaires pour les verser. M. Le Pan dit avoir demandé, il y a cinq ans, au gouvernement de promulguer une mesure législative l'autorisant à bloquer toute majoration des prestations pour les régimes qui n'en ont pas les moyens.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire pourquoi cela n'a pas été fait et pourquoi l'on tarde à promulguer une telle mesure législative?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Je crois savoir, honorables sénateurs, que la majorité de ces régimes relèvent de la compétence non pas fédérale, mais provinciale. Il incombe donc au gouvernement provincial d'adopter une telle mesure législative.

Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, la ministre pourrait- elle nous dire si le gouvernement fédéral a jamais tenté de convaincre ses partenaires provinciaux de promulguer une telle mesure législative? A-t-on envisagé de promulguer une telle mesure législative pour les sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale?

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, je ferai très respectueusement remarquer au sénateur qu'il revient aux provinces de décider des lois qu'elles doivent adopter car, je le répète, la majorité de ces grands régimes de retraite à prestations déterminées sont constitués en vertu d'une loi non pas fédérale, mais provinciale.

Le BSIF ne surveille que les régimes de retraite enregistrés au niveau fédéral afin de protéger les intérêts des cotisants contre les pertes indues. Il examine actuellement les lignes directrices et les pratiques financières et évalue l'opportunité de les mettre à jour et de les renforcer compte tenu des baisses récentes enregistrées sur les marchés. Il fera des recommandations au gouvernement du Canada.

Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, je vais essayer de récapituler deux points en un. C'est peut-être une question de leadership, car ces régimes semblent se conformer aux mêmes pratiques que le Régime de pensions du Canada. Celui-ci a enregistré des pertes de 4 milliards de dollars sur les marchés boursiers l'an dernier, pertes compensées par des bénéfices de 3 milliards de dollars, la perte nette s'établissant ainsi à 1 milliard de dollars. Ce régime a connu les mêmes problèmes que les autres, pour les mêmes raisons.

Les prestations se sont bonifiées depuis la création du régime. À l'origine, elles étaient versées aux bénéficiaires à partir de 68 ans; l'âge a ensuite été ramené à 65 ans, puis à 60 ans. Une assurance-vie et d'autres avantages ont ensuite été ajoutées sans que le montant de la cotisation augmente. Selon des rapports actuariels récents, le RPC était viable lorsque le taux de cotisation combiné employeur- employé était de 9,9 p. 100 dans la conjoncture qui existait à la fin de l'an 2000, peu après que les marchés d'actions eurent atteint des sommets. Il n'y a pas eu d'évaluation actuarielle depuis. Il n'y en aura pas avant la fin de cette année.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle donner aux sénateurs l'assurance que le Régime de pensions du Canada est encore viable avec les niveaux de cotisation actuels, ou doit-on s'attendre à ce que les cotisations soient encore plus élevées dans l'avenir?

Air Canada est un organisme assujetti à la réglementation fédérale. C'est une société fédérale. C'est de cela dont je parlais lorsque j'ai obtenu une réponse à une question antérieure. Il faudrait proposer un projet de loi à l'égard de ces sociétés.

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, voilà pourquoi j'ai expliqué que le BSIF examine actuellement leurs normes et leurs lignes directrices. S'il est d'avis que des dispositions législatives sont nécessaires, nous en proposerons alors.

Pour en revenir aux observations que l'honorable sénateur a faites au sujet du RPC, une nouvelle étude actuarielle sera faite cette année, comme le sénateur le sait sans doute. La dernière étude a conclu que le régime était très solide.

Il convient de signaler que, lorsque je suis allée en Espagne il y a un an pour assister à une conférence sur le vieillissement, j'ai entendu à maintes occasions des gens dire que le Canada était le seul pays occidental à avoir placé sur de solides assises financières la partie de son système de sécurité sociale qui concerne ses régimes de pension.

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à notre tribune de M. Sephiri Enoch Montanyane, vice-président de l'Assemblée nationale du Royaume du Lesotho.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

LE SÉNAT

LE DÉPART DU PAGE MAXIME GAGNÉ

Son Honneur le Président : Pendant que j'y suis, honorables sénateurs, je voudrais vous apprendre une nouvelle qui est à la fois bonne et mauvaise. Il s'agit du départ de Maxime Gagné, qui nous quitte aujourd'hui.

[Français]

Maxime Gagné est originaire de la ville d'Alma située au Saguenay-Lac-Saint-Jean, Québec. Il a été au service du Programme des pages du Sénat durant les trois dernières années, dont deux à titre de chef page adjoint.

[Traduction]

Il nous quitte pour aller travailler à l'étude d'avocats Stikeman Elliot, à Montréal. Il compte commencer à travailler comme avocat au sein de cette étude en 2006.

[Français]

Il sera de retour l'an prochain pour compléter sa licence en droit civil à l'Université d'Ottawa. Il tient à remercier toute la famille du Sénat pour avoir fait de son passage au Programme des pages une expérience mémorable.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR L'ENREGISTREMENT DES LOBBYISTES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, tel que modifié;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Murray, C.P., que le projet de loi, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié de nouveau, à l'article 3, à la page 2, par adjonction, après la ligne 19, de ce qui suit :

«(3) L'article 4 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit :

2.1) Le gouverneur en conseil doit, par règlement, préciser le sens de «renseignements» et déterminer les circonstances dans lesquelles une communication est réputée ne pas se limiter à une demande de renseignements pour l'application de l'alinéa (2)c).

(2.2) Avant la prise par le gouverneur en conseil du règlement prévu au paragraphe (2.1), le projet de règlement est déposé devant chaque Chambre du Parlement et est renvoyé au comité de celle-ci désigné ou constitué à cette fin.

(2.3) Le gouverneur en conseil prend le règlement prévu au paragraphe (2.1) dans les cas suivants :

a) aucune des deux Chambres du Parlement n'a donné son agrément au rapport du comité sur le projet de règlement dans les trente jours de séance de la Chambre suivant le dépôt du projet de règlement; dans ce cas, le règlement pris doit être conforme au projet déposé;

b) les deux Chambres du Parlement ont donné leur agrément au rapport du comité approuvant le projet de règlement; dans ce cas, le règlement pris doit être conforme au projet agréé;

c) l'une des deux Chambres du Parlement a donné son agrément au rapport du comité approuvant une version modifiée du projet de règlement; et l'autre Chambre a donné son agrément à la version modifiée; dans ce cas, le règlement pris doit être conforme à la version agréée.

(2.4) Pour l'application du paragraphe (2.3), « jour de séance » s'entend d'un jour où la Chambre visée siège. ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, êtes-vous prêts à vous prononcer sur la motion d'amendement?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Di Nino, appuyé par l'honorable sénateur Murray, propose : Que le projet de loi modifié ne soit pas lu une troisième fois maintenant, mais qu'il soit de nouveau amendé à l'article 3, page 2, par l'ajout, après la ligne 18, de ce qui suit...

Le sénateur Carstairs : Suffit!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent. La motion d'amendement est rejetée à la majorité.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, le sénateur Di Nino et moi avons un autre amendement à proposer. Permettez-moi d'expliquer brièvement, mais de façon assez précise, pourquoi cet amendement nous semble nécessaire et ce qui nous amène à le proposer. Voici le problème. Rien n'empêche un lobbyiste de signer un contrat avec le gouvernement ou l'un des ministères et de faire, en même temps, des démarches auprès de ce ministère ou de tout autre ministère au nom d'un client du secteur privé. Je crois que la plupart d'entre nous sont d'avis que c'est répréhensible. Dans quelle mesure cette pratique est courante, je n'en sais rien. Ce que je sais, et je crois que tous les honorables sénateurs le savent également, c'est que, de nos jours, les lobbyistes-conseils travaillent rarement seuls. Ils font partie d'un grand cabinet de lobbying qui s'adonne à diverses activités.

(1420)

Certains membres du cabinet font des démarches auprès du gouvernement au nom de clients du secteur privé, d'autres s'occupent de communications ou offrent des conseils aux termes de marchés conclus avec des ministres ou des ministères. Arrive-t-il que les mêmes personnes s'adonnent à ces deux activités? Je n'en sais rien. Toutefois, selon nos usages actuels, rien ne les empêcherait de le faire.

Les personnes et les sociétés les plus éthiques diront qu'elles ont érigé un mur du silence afin d'éviter les communications indésirables, par exemple entre une personne qui, moyennant une certaine rétribution, pourrait faire des démarches auprès du gouvernement pour le compte d'un collègue du secteur privé, et une autre personne travaillant pour le gouvernement, peut-être le ministre concerné ou quelqu'un de son ministère.

C'est la seule assurance ou garantie que nous ayons en la matière. Je pense que nous devons trouver mieux.

Le sénateur Di Nino, qui sera je crois mon comotionnaire, et moi- même avons discuté et mûrement réfléchi à la question et, même si nous savons que l'amendement que nous proposons pourrait causer certaines difficultés aux sociétés privées, nous sommes convaincus que les lobbyistes-conseils devront faire un choix. Soit qu'ils travaillent pour le gouvernement ou qu'ils fassent des démarches auprès de lui. Ils ne peuvent pas faire les deux.

Après ces quelques mots, honorables sénateurs, je proposerai un amendement. Mais avant, j'aimerais essayer d'établir clairement la position du gouvernement sur le sujet. Je ne peux pas vraiment faire cela, mais je peux dire que cette position est assez significative.

Le 14 mai, au cours des audiences du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, j'ai demandé au haut fonctionnaire venu témoigner devant nous, M. Howard Wilson, le conseiller en éthique, ce qu'il pensait de l'amendement ainsi que de tous les autres amendements proposés par les divers témoins ayant comparu devant le comité. Il s'est prononcé sur chacun des amendements. C'est assez révélateur. De quoi, je n'en suis pas sûr. Je laisse aux honorables sénateurs le soin d'en juger. Voici ce qu'il a dit :

Je ne vais pas me prononcer à savoir si les lobbyistes devraient travailler pour le gouvernement. C'est une question plus générale.

Précisément, et qui mieux que nous, les sénateurs, est en mesure de traiter de questions plus générales?

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Lowell Murray : Afin de traiter de cette question et de lancer le débat, je propose :

Que le projet de loi C-15 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 8, à la page 10, par adjonction, après la ligne 31, de ce qui suit :

«(1.1) Le conseiller insère dans le code des dispositions visant à interdire à tout lobbyiste-conseil de se livrer à des activités de lobbying pendant que lui ou son entreprise exerce une charge, une commission ou un emploi au service du gouvernement du Canada ou est partie à un contrat de prestation de biens ou services conclu avec ce gouvernement ou l'un de ses ministères ou agents.

(1.2) Pour l'application du paragraphe (1.1), l'entreprise d'un lobbyiste s'entend de la personne, de la société de personnes, de l'association ou de la firme dont il est l'employé ou avec qui il est associé au plan professionnel en vue d'exercer des activités de lobbyiste-conseil.».

J'ai évidemment des copies de cette motion dans les deux langues officielles. Je demanderais au page d'en remettre une demi-douzaine dans les deux langues officielles à notre ami, le sénateur Rompkey, qui en a été privé hier.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, à titre d'explication, je dirais qu'un amendement qui enjoindrait au conseiller en éthique d'insérer ces dispositions dans le code serait vraiment une bonne chose. Il faut procéder d'une façon un peu indirecte puisque ce projet de loi est une loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Quant à savoir ce que les lobbyistes peuvent faire ou ne pas faire, il faudrait le préciser dans le code. Pour notre part, nous recourons à un amendement pour amener le conseiller en éthique à modifier le code.

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, je n'ai pas tout manqué hier puisque le sénateur Murray a eu la bonté de me laisser discrètement savoir dans la salle de lecture la nature de sa proposition d'aujourd'hui. En apprenant cela, je lui ai dit que je n'étais pas d'accord et que je tenterais de lui expliquer pourquoi.

Ce n'est pas une nouvelle question. En fait, le conseiller en éthique en a traité dans son rapport annuel au Parlement concernant le code de déontologie pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999. La façon dont une organisation règle les questions conflictuelles a également été examinée par la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Martin c. Gray concernant un avocat qui s'était joint à un nouveau cabinet d'avocats engagé dans des actions contre des anciens clients de cet avocat. La cour a conclu que les renseignements confidentiels pouvaient être protégés par l'établissement de mesures que le sénateur a déjà mentionnées et qui incluraient des mécanismes comme le cloisonnement et la loi du silence, les mécanismes que Maxwell Smart utilisait.

Qu'est-ce que des mesures de cloisonnement efficaces? L'Association du Barreau canadien a produit, en 1993, un rapport qui renferme des lignes directrices pour l'établissement de mesures de cloisonnement pour régler des questions conflictuelles au sein d'une organisation. Le Barreau du Haut-Canada a adopté ces lignes directrices et les a intégrées à son code de déontologie.

La question s'est posée au Royaume-Uni relativement aux firmes comptables. La Chambre des lords, en tranchant la question, a dit ceci :

Il n'existe aucune règle de droit selon laquelle le cloisonnement et d'autres mécanismes semblables sont insuffisants pour éliminer le risque.

Le conseiller en éthique a conclu que, si le cloisonnement était maintenant acceptable pour la profession juridique, il devrait être acceptable pour les lobbyistes. Ces mesures verraient à ce que des renseignements confidentiels pour chacun des deux clients, un étant privé et l'autre, public, ne seraient pas utilisés par inadvertance à l'avantage ou au détriment de l'autre.

(1430)

Le préambule de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes reconnaît que le lobbyisme est une activité légitime. La profession de lobbyiste ne devrait pas être traitée différemment de toute autre profession.

L'attitude que j'ai remarquée de ce côté-ci, honorables sénateurs, c'est que les lobbyistes sont de plus en plus traités comme des professionnels qui ont un métier reconnu et qu'il faut les traiter de la même manière que nous traitons les professionnels d'autres domaines. Ainsi, je m'oppose à cet amendement.

Le sénateur Murray : Si j'ai bien compris l'honorable sénateur, il affirme que l'Association du Barreau canadien a établi un code pour ses membres, qui exercent la profession d'avocats et qu'elle a précisé comment le « cloisonnement » fonctionnerait. Comment savons- nous que cela existe dans le cas de lobbyistes-conseils? Comment connaissons-nous les détails et le fonctionnement de tout cela? Où est le code établissant les mécanismes de « cloisonnement » qui s'applique et qui lie les lobbyistes-conseils? L'honorable sénateur connaît-il la réponse à ces questions?

Le sénateur Rompkey : Je ne suis pas certain d'avoir une réponse précise, honorables sénateurs, mais je peux vous répéter ce que je vous ai déjà dit. Nous devrions traiter les lobbyistes comme nous traitons les membres d'autres professions. La plupart dans cette catégorie s'autoréglementent. Si ce n'est pas le cas, ce devrait l'être et ce sera le cas avec les lobbyistes.

Ce qui importe avant tout, c'est que nous devrions les traiter de la même façon que les gens dans d'autres organisations semblables.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais présenter un argument au sujet du processus, voulant que cet amendement du sénateur Murray devrait être adopté par le Sénat même si le whip en chef du gouvernement a déjà signalé ouvertement à ses troupes qu'elles devraient se prononcer contre.

Honorables sénateurs, mon point est celui-ci : Pourquoi ne pas donner à nos collègues à l'autre endroit une occasion d'examiner ceci? Ils vont recevoir ce projet de loi auquel on aura déjà joint un amendement. En adoptant cet amendement, ils pourraient réfléchir à la proposition en l'occurrence qui porte sur une chose bien réelle.

Si les députés décident dans leur sagesse de ne pas accepter cet amendement, eh bien soit. Rien ne sera perdu. Il pourrait être tout à fait dans l'intérêt public d'adopter cet amendement à un projet de loi qui est déjà amendé et de le renvoyer à l'autre endroit pour que les députés puissent l'examiner.

On a beaucoup travaillé et réfléchi pour tenter de rendre aussi pures que faire se peut les relations qu'entretiennent les parlementaires, que ce soit ici ou à l'autre endroit. Même les députés sont parfois critiqués pour des gestes qui, à une époque, n'auraient pas été considérés comme relevant du lobbyisme. On aurait tout simplement estimé qu'ils s'acquittaient de leurs fonctions de députés représentant les intérêts de leurs électeurs en s'adressaint à un ministère afin de veiller à ce que les citoyens de leur circonscription aient une toute aussi bonne chance que les autres de profiter des programmes et services offerts.

Nous avons mis en place toutes sortes de règles et de normes, et nous continuons de le faire, pour régir les rapports entre les parlementaires et les agents de l'appareil gouvernemental.

Dans ce cas-ci, il ne semble pas exister de règles s'appliquant à une situation où une personnes travaille directement pour un ministère et se livre en même temps à des activités de lobbying concernant des aspects liés directement au dossier qui lui est confié et pour lequel elle est rémunérée.

Le sénateur Murray a mis le doigt sur un important problème que nous devrions à tout le moins porter à l'attention des députés de l'autre endroit pour qu'ils y réfléchissent. Par conséquent, j'encourage le gouvernement à appuyer cet amendement.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'encourage les députés de mon parti à ne pas appuyer cet amendement cet après-midi pour les raisons éloquentes évoquées par l'honorable sénateur Rompkey, le whip de ce côté-ci de la Chambre.

Premièrement, nous ne devrions pas transmettre à la Chambre des communes des amendements que la vaste majorité d'entre nous n'appuient pas, ce qui est je crois ce que semblait laisser entendre l'honorable sénateur. Si nous ne les appuyons pas, nous ne devrions pas les transmettre à l'autre endroit avec le projet de loi.

Le projet de loi C-15 comprend des règles claires à l'intention des lobbyistes. Selon moi, ce ne sera pas la dernière fois qu'un projet de loi prévoyant l'enregistrement des lobbyistes sera soumis à cette Chambre ou à l'autre endroit. Toutefois, il y a eu un excellent débat en comité au sujet des principes fondamentaux énoncés dans ce projet de loi, et nous devrions procéder sans tarder.

Le sénateur Murray : Le leader du gouvernement au Sénat est-il disposé à reconnaître que ce projet de loi, s'il est étayé comme il se doit, constitue un document d'accompagnement logique du projet de loi sur le financement des partis politiques et, dans ce contexte, ne l'assimile-t-il pas à l'héritage que celui-ci ainsi que le premier ministre vont laisser?

Le sénateur Carstairs : Je remercie l'honorable sénateur d'avoir laissé entendre que je pourrais laisser un héritage. Dans un communiqué que je viens de lire cet après-midi, dans lequel on rapporte que je dois recevoir ce week-end un diplôme honorifique, on me qualifie d'« icône canadienne ». Tout comme la déclaration de l'honorable sénateur, c'est une exagération.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, les propos de mon collègue, le sénateur Kinsella, m'ont incité à approfondir ma réflexion à ce sujet. Tout en appuyant l'amendement du sénateur Murray, je rappelle à tous mes honorables collègues que notre profession— car je crois que c'est effectivement une profession, et une bonne—a beaucoup souffert ces dernières années parce que nous n'avons pas su régler divers problèmes qui ont entaché notre relation avec certains éléments de la population, comme les lobbyistes. Nous avons été témoins récemment d'un certain nombre d'incidents, y compris celui qui est relaté dans un journal ce matin, sur la façon dont une personne peut influencer le système.

J'espère que mes collègues des deux côtés de la Chambre seront ouverts à ma suggestion. Étant donné que ce projet de loi doit retourner à l'autre endroit, c'est pour le Sénat, en tant que Chambre de second examen modéré et réfléchi de poser une question qui nous préoccupe : une personne qui aurait un contrat avec le gouvernement ou un ministère devrait-elle être autorisée à s'adonner à des activités de lobbying pour le compte d'un autre ministère ou à faire quoi que ce soit qui relève du lobbyisme?

Notre rôle est de poser de telles questions. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Il nous incombe de signaler aux députés de l'autre endroit que nous avons une préoccupation qu'ils devraient examiner. Nous pensons qu'il serait valable de se pencher là-dessus. De toute façon, ce projet de loi doit être renvoyé à l'autre endroit. Il serait utile d'envoyer cette information à l'autre endroit pour qu'il puisse en discuter. Nous pourrions peut-être inviter certains lobbyistes à nous faire connaître leur opinion à ce sujet.

(1440)

Si on leur posait la question, la plupart des lobbyistes ne seraient probablement pas contre. Comme je le disais hier, ce n'est pas la majorité d'entre eux qui posent un problème, mais seulement les brebis galeuses, les rares personnes qui chercheraient à profiter d'une échappatoire pour abuser du système dans leur intérêt personnel. Aussi, je ne pense pas que les lobbyistes professionnels s'opposeraient à ce genre de modification.

J'invite donc les honorables sénateurs à continuer de réfléchir à l'amendement du sénateur Murray jusqu'à ce que nous votions et à lui accorder leur appui.

L'honorable John Fraser : Honorables sénateurs, je ne veux pas prendre trop de votre temps. Je crois que le sénateur Rompkey a remarquablement bien expliqué le fond de la question.

Je crois, comme madame le leader du gouvernement au Sénat, que nous ne devrions pas envoyer un amendement à l'autre endroit si nous ne sommes pas convaincus qu'il est justifié. À première vue, je n'accorde pas foi à cet amendement. Dans sa forme actuelle, il interdirait, par exemple, à une personne de faire du lobbying pour des pêcheurs de morue de Terre-Neuve si un avocat travaillant cinq étages plus haut dans un gratte-ciel s'est engagé à faire une enquête sur les droits de propriété dans le parc national de Banff. C'est un amendement de portée générale.

J'ai essayé de voir rapidement s'il serait possible d'en limiter la portée, afin de pouvoir l'appuyer. Mais plus j'y réfléchissais, plus j'étais convaincue que je ne pouvais pas l'appuyer. Il y a des secteurs où il est préférable de ne pas légiférer. Si nous le faisions, je pense que cela constituerait un empiètement injustifié sur la liberté d'association et la liberté d'entreprise dans ce pays. Par respect pour ces libertés, je crois que nous devons laisser le projet de loi tel qu'il est. Si des difficultés surviennent, nous pourrons faire une autre tentative. Toutefois, tant qu'il n'y aura pas clairement de difficultés, je ne puis appuyer ce genre d'amendement.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement les interventions des honorables sénateurs au sujet de cette modification. Je me dois d'indiquer que je me range à l'avis du sénateur Rompkey.

Je crois que madame le sénateur Fraser a mis le doigt sur le problème. Prenons le cas de l'agriculteur qui fait directement affaire avec le gouvernement, qui reçoit des prestations à la suite d'une catastrophe, par exemple. Est-ce qu'il devrait lui être interdit de faire du lobbying pour lui-même ou pour un groupe de personnes qu'il représente en vue d'obtenir une aide financière additionnelle? Je ne crois pas.

Le sénateur Rompkey a soulevé un excellent point. En voulant légiférer toutes ces activités, nous empêchons les législateurs de se renseigner le plus possible afin de pouvoir se prononcer objectivement sur une mesure législative, point que je considère primordial. Le sénateur Rompkey m'a convaincu sur ce point même si j'ai d'autres réserves au sujet du projet de loi. Il ne s'agit pas d'un amendement salutaire.

Son Honneur le Président : La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent. La motion est rejetée à la majorité.

Le vote porte maintenant sur la motion principale.

L'honorable sénateur Rompkey, appuyé par l'honorable sénateur Milne, propose : Que le projet de loi modifié soit lu une troisième fois. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'honorable Mobina S.B. Jaffer propose : Que le projet de loi C-10B modifié, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), soit lu une troisième fois.

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Anne C. Cool : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement au sujet de la troisième lecture du projet de loi.

Mon recours au Règlement repose sur trois arguments principaux. Premièrement, ce projet de loi ne devrait pas passer à l'étape de la troisième lecture au motif qu'il n'a pas franchi les étapes de la première et de la deuxième lectures en cette Chambre.

Le deuxième argument concerne ce que je peux seulement décrire comme l'honneur du Président de la Chambre des communes et la nécessité pour notre Chambre de respecter et de préserver l'honneur de ce dernier.

Le troisième argument, au sujet duquel je demanderais à Son Honneur de se prononcer, est la question de la subordination des travaux de notre Chambre aux ordres de la Chambre des communes.

Je maintiens, honorables sénateurs, que les projets de loi doivent franchir les étapes de la première, de la deuxième et de la troisième lectures au Sénat et à la Chambre des communes. Le projet de loi C- 10B est un nouveau projet de loi, présenté sous une forme nouvelle, qui a été créé entièrement par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles quand ce dernier, conformément aux instructions de notre Chambre, a scindé le projet de loi C-10 en deux, donnant le projet de loi C-10A et le projet de loi C-10B. Le projet de loi C-10 a franchi les étapes de la première et de la deuxième lectures au Sénat, mais pas le projet de loi C-10B. Le projet de loi C-10B est entièrement nouveau et, en outre, il revêt une forme entièrement nouvelle.

Honorables sénateurs, sur la question de la forme des projets de loi, les commentaires 626 à environ 631 de la sixième édition de Beauchesne nous disent en quoi elle consiste et quels en sont les éléments constitutifs. À savoir essentiellement : le titre, le titre intégral et le titre abrégé; le préambule; la formule d'édiction; les articles ou dispositions; et, si nécessaire, les annexes.

Si on comparait le projet de loi C-10B au projet de loi C-10, on s'apercevrait qu'il est de forme totalement différente . En fait, c'est un différent projet de loi puisque les titres sont différents. Le nombre d'articles est différent. Les dispositions sont différentes. Je dirais même que la formule d'édiction est différente.

Honorables sénateurs, j'affirme que le projet de loi C-10B est une création nouvelle du comité sénatorial et qu'il n'a pas franchi les étapes de la première et de la deuxième lectures au Sénat. Ce n'était pas l'intention du comité sénatorial de priver le projet de loi de ces deux étapes. Le Comité sénatorial a donné l'option à notre Chambre d'adopter les projets de loi scindés à l'étape de la première et de la deuxième lectures.

Le projet de loi C-10B, qui est un nouveau projet de loi différent du projet de loi C-10, doit franchir les étapes de la première, deuxième et troisième lectures au Sénat si on veut pouvoir dire qu'il est légal.

(1450)

Honorables sénateurs, selon le deuxième argument, en entreprenant la troisième lecture du projet de loi C-10B, nous compromettons et nous déshonorons la présidence de la Chambre des communes. Les sénateurs savent que c'est parce que la présidence de la Chambre des Communes l'a accepté que le projet de loi C-10 a été adopté par les Communes. Les sénateurs n'ont pas oublié que le projet de loi C-10 reprend l'ancien projet de loi C-15B de la session précédente.

Je suis d'avis que, en procédant à la troisième lecture du projet de loi C-10B, nous compromettons et nous déshonorons la présidence de la Chambre des communes. Le projet de loi C-15B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, est mort au Feuilleton du Sénat lorsque le Parlement a été prorogé le 16 septembre 2002. Les sénateurs ont ensuite été informés du rétablissement du projet de loi C-10 aux Communes. Si nous examinons un instant le processus, nous constaterons que le projet de loi C-10B n'a pas non plus été soumis à trois lectures à la Chambre des communes.

Le processus de rétablissement des projets de loi a été lancé par l'honorable Don Boudria. Le 4 octobre 2002, le ministre Boudria a présenté la motion suivante visant à rétablir certaines initiatives ministérielles :

Que, dans le but de pourvoir à la reprise et à la suite des travaux de la Chambre amorcés durant la session antérieure de cette législature, il est ordonné :

La motion comporte plusieurs volets. Le deuxième volet dit ceci :

2. Que, pendant les trente premiers jours de la présente session de la législature, lorsqu'un ministre de la Couronne, proposant une motion portant première lecture d'un projet de loi, déclare que celui- ci se présente sous la même forme qu'un projet de loi déposé par un ministre de la Couronne à la session précédente, si le Président est convaincu que ce projet de loi a la même forme que celui présenté avant la prorogation, ledit projet de loi, nonobstant l'article 71 du Règlement, soit réputé avoir été étudié et adopté à la présente session à toutes les étapes complétées au moment de la prorogation de la session précédente.

En d'autres termes, le rétablissement d'un tel projet de loi à la Chambre des communes doit réunir deux conditions : premièrement, qu'il soit dans le même état qu'au moment de la prorogation, et deuxièmement, que la parole, l'honneur et la fiabilité du Président qui a confirmé que le projet de loi est identique constitue l'élément sur lequel la Chambre des communes se fie pour estimer que la mesure législative est passée par les diverses étapes du processus. La motion du ministre Boudria a été adoptée le 7 octobre 2002. Le rétablissement du projet de loi a nécessité une motion habilitante.

Honorables sénateurs, un coup d'œil au rétablissement proprement dit du projet de loi C-10, révèle qu'il dépendait entièrement de ce que je désignerai comme la certification donnée par le président Milliken qui a assuré que le projet de loi était identique à celui de la session précédente. Le ministre de la Justice Cauchon a présenté le projet de loi C-10 le 9 octobre 2002. Il faut se rappeler que l'ordre spécial général a été adopté le 7 octobre. Au moment de la présentation, le ministre a demandé au Président Milliken de certifier que le projet de loi C-10 était identique au projet de loi C-15B examiné avant la prorogation. Si les honorables sénateurs consultent les débats tenus à la Chambre à cette date, ils constateront que lorsque l'honorable Martin Cauchon, ministre de la Justice, a demandé à présenter le projet de loi C-10, il a dit :

Monsieur le Président, cette mesure législative est identique au projet de loi C-15B présenté à la première session de cette législature et elle est conforme à l'ordre spécial de la Chambre, adopté le 7 octobre 2002. Je demande qu'elle soit rétablie à la même étape que celle où elle se trouvait au moment de la prorogation.

(Les motions sont adoptées et le projet de loi est lu une première fois et imprimé.)

Le ministre Cauchon est intervenu à la Chambre des communes pour demander au président d'intervenir et de déclarer, conformément à la déclaration du 7 octobre, que le projet de loi C-10 est identique au projet de loi C-15B au moment de la prorogation. Je signale que tout cela vise à la poursuite des travaux de la Chambre des communes. En réponse et conformément à l'ordre donné par la Chambre le 2 octobre, le président a certifié, ou confirmé, que le projet de loi C-10 est identique au projet de loi C- 15B.

Répondant au ministre, le Président Milliken a déclaré :

La présidence est d'avis que ce projet de loi est dans le même état où était le projet de loi C-15B au moment de la prorogation de la première session de la 37e législature.

Par conséquent, conformément à l'ordre adopté le lundi 7 octobre, le projet de loi est adopté à toutes les étapes et adopté par la Chambre.

(Le projet de loi est lu une deuxième fois et étudié en comité; rapport est fait du projet de loi, qui est agréé et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

Nous devons comprendre ce qui se passe ici, honorables sénateurs. La Chambre des communes a adopté le projet de loi C- 10 sans que celui-ci ne se rende à l'étape de la troisième lecture puisque son honneur le Président a attesté que celui-ci était dans le même état que le projet de loi C-15B. Il resterait donc à déterminer si le projet de loi C-10B est dans le même état que le projet de loi C- 15B, si vous me suivez.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-10B dont nous sommes saisis n'est pas celui sur lequel le Président Miliken s'est prononcé à la Chambre des communes l'automne dernier. En outre, le projet de loi C-10B n'est pas dans le même état où était le projet de loi C-15B au moment de la prorogation du Parlement. Il porte un autre titre; il comporte un éventail différent de dispositions et il a une formule d'édiction différente. C'est un projet de loi différent.

Honorables sénateurs, il est impossible pour cette Chambre, pour le ministre de la Justice ou pour quiconque d'attester, à l'instar du Président de la Chambre des communes, que le projet de loi C-10B est un rejeton du projet de loi C-15B. Le Président s'en est tenu au projet de loi C-10. En attestant le projet de loi C-10, le 9 octobre, la présidence n'aurait pas pu envisager que le Sénat le diviserait en deux et elle ne lui a pas permis de le faire. Les règles et procédures ne prévoient pas une telle division. Le fait est qu'il y a quelques jours, le message de la Chambre des communes a reproché au Sénat d'empiéter sur son privilège.

Il est inconcevable que le Président de la Chambre des communes ait pu penser que le Sénat puisse commettre une infraction ou empiéter sur le privilège de la Chambre des communes. Ces deux questions doivent être étudiées ensemble et ces documents doivent être lus ensemble, comme ne faisant qu'un.

Honorables sénateurs, il est inconvenant de supposer qu'il suffise d'attester, à l'instar du Président, qu'un projet de loi est dans le même état qu'un autre. Si on pouvait faire une telle attestation à l'égard d'un deuxième projet de loi, on pourrait certainement la faire pour un troisième ou un quatrième projet de loi. L'attestation du Président n'offre tout simplement pas autant de souplesse, elle ne peut s'appliquer à un autre projet de loi.

Qu'on se le dise, le projet de loi C-10B n'est pas dans le même état où était le projet de loi C-15B au moment de la prorogation.

(1500)

En fait, le projet de loi C-10B, qui constitue un nouveau projet de loi tant au niveau des dispositions qu'il renferme que de son numéro d'ordre, de son titre et même de son origine, n'a pas fait l'objet de trois lectures à la Chambre des communes non plus. C'est une question très intéressante parce que nous considérons désormais comme une infraction d'ordre criminel ce qui aurait autrefois été pour bon nombre de Canadiens un comportement bien ordinaire et innocent, comme le fait de chasser par exemple.

Nous ne pouvons pas passer à la troisième lecture parce que le projet de loi C-10B constitue un compromis et que ce serait aller à l'encontre de la parole donnée par le président Milliken. Cela jette le discrédit sur le président et affaiblit la déclaration qu'il a faite à la Chambre des communes et les garanties qu'il lui a données, attestant qu'il pouvait personnellement certifier que le projet de loi dont elle était saisie était identique au projet de loi C-15 qui leur avait été soumis avant la prorogation.

Mon troisième argument porte sur ce que je considère être la subordination des procédures du Sénat à celles de la Chambre des communes. J'aimerais que nous en revenions à la première partie. J'ai dit que la prémisse sur laquelle était fondé l'ordre de la Chambre des communes du 7 octobre en vue de rétablir les projets de loi était la suivante et je citerai à nouveau les paroles du ministre Boudria. Le 4 octobre, il a proposé la motion suivante :

Que, dans le but de pourvoir à la reprise et à la suite des travaux de la Chambre amorcés durant la session antérieure de cette législature, il est ordonné :

Autrement dit, le processus menant au rétablissement d'un projet de loi appliqué là-bas est particulier aux projets de loi étudiés par la Chambre des communes puisque leur ordre vise tout particulièrement la reprise et la suite des travaux de la Chambre des communes.

Je crois qu'au moment de la prorogation, le projet de loi C-15B n'était pas à l'étude à la Chambre des communes. Si nous décidions de voir les choses ainsi et de nous comporter de cette façon, nous subordonnerions les procédures du Sénat aux ordres de la Chambre des communes. Je maintiens que le projet de loi C-15B n'aurait pas pu être ressuscité ou rétabli à la Chambre des communes puisque cette dernière n'était alors pas saisie du projet de loi C-15B. Je suis donc d'avis que lorsque le Président Milliken a authentifié le projet de loi C-10 comme étant identique au projet de loi C-15B, ce projet de loi ne faisait pas partie des travaux de la Chambre des communes puisque le projet de loi C-15B était étudié par le Sénat au moment de la prorogation.

Le sénateur Robichaud : Il ne s'agit pas là d'un rappel au Règlement.

Le sénateur Cools : Il s'agit d'un rappel au Règlement. Nous ne pouvons pas passer à la troisième lecture parce que le projet de loi n'a pas été étudié convenablement. Il n'a pas été soumis à trois lectures dans cette Chambre, et vous refusez qu'il le soit. Il n'a pas fait l'objet de trois lectures non plus à la Chambre des communes. La question est sérieuse, particulièrement lorsque nous avons un message des Communes selon lequel nous portons atteinte à leurs privilèges.

Aucun ordre de la Chambre des communes ne peut récupérer un projet de loi dont le Sénat est saisi, car aucun ordre de la Chambre des communes ne peut l'emporter sur quelque étude que ce soit du Sénat, surtout sur un projet de loi renvoyé à un comité du Sénat.

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) : Je souligne à Son Honneur qu'il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.

Le sénateur Cools : ... surtout sur un projet de loi renvoyé à un comité du Sénat. Il faudrait ramener ce projet de loi du comité du Sénat avant qu'il ne puisse être envoyé à la Chambre des communes.

L'ordre du 7 octobre de la Chambre ne peut nullement s'appliquer au Sénat, car les travaux du Sénat ne font pas partie des travaux de la Chambre des communes.

Il y a un quatrième argument, que je ne veux pas soulever aujourd'hui. Cependant, aux fins du compte rendu, je dirai que j'entends le soulever plus tard.

Si nous examinions le message que nous avons tenté de débattre il y a quelques jours, le message du mardi 6 mai envoyé par la Chambre des communes, nous constaterions que, au deuxième paragraphe, il dit :

Que la Chambre, tout en désapprouvant toute atteinte à ses droits et privilèges par l'autre Chambre, renonce dans ce cas-ci à insister sur ces droits et privilèges, étant entendu que cette renonciation ne pourra être interprétée comme un précédent...

La motion donnant suite au message a été présentée par le ministre de la Justice et procureur général, le même ministre qui, à la Chambre des communes, a assuré à la Chambre des communes que le projet de loi avait la même forme, et qui a demandé au Président de confirmer et de certifier que le projet de loi C-10 avait la même forme que le projet de loi C-15B. Cette question est très importante, car elle porte sur trois lectures au Sénat.

Les sénateurs se rappelleront l'ordre de la Chambre, dont j'ai parlé au début. Il renvoyait à la motion du ministre Boudria portant sur la reprise des travaux de la Chambre et disant que, au cours des trente premiers jours de séance, si un ministre déclarait que le projet de loi avait la même forme qu'un projet de loi présenté par un ministre lors de la session précédente, et si le Président était convaincu que le projet de loi avait la même forme qu'au moment de la prorogation, nonobstant l'article 71 du Règlement — et cet article est l'ordre de la Chambre des communes qui dit très clairement qu'un projet de loi doit être soumis à trois lectures — par conséquent, on ne peut absolument pas attaquer le Président de la Chambre des communes en laissant entendre...

Son Honneur le Président : Je regrette de vous interrompre, sénateur Cools, mais certains sénateurs demandent si votre intervention constitue un recours au Règlement. Pendant combien de temps avez-vous l'intention de parler?

Madame le sénateur Cools a la parole. Nous déterminerons plus tard s'il s'agit bien d'un recours au Règlement. Pour le moment, le sénateur Cools présente un quatrième argument et je vais l'entendre. Madame le sénateur Cools, vous avez la parole.

Le sénateur Kinsella : Bravo!

Le sénateur Cools : Je disais donc que, en procédant ainsi, nous attaquons le Président de la Chambre des communes. Cela me pose problème. Non seulement nous l'attaquons, mais nous lui donnons le rôle de serviteur du gouvernement. Cela me dérange énormément. Nous n'avons pas débattu de ces questions. Lorsque le comité a reçu instruction de scinder le projet de loi, nous n'avons pas débattu ici de cette instruction et nous n'avons pas analysé pourquoi ou comment cette instruction avait été donnée.

Le sénateur Robichaud : Le Président s'était prononcé à ce sujet.

Le sénateur Cools : Votre Honneur...

Le sénateur Kinsella : Continuez.

Le sénateur Cools : C'est très important car nous parlons du comportement du Parlement; nous parlons des normes, des principes et des règles que le Parlement doit observer lorsqu'il décide d'adopter des projets de loi qui s'appliqueront à tous les citoyens de la nation.

Il me semble qu'une porte a été grande ouverte lorsque la Chambre des communes a déclaré, dans son message, qu'elle renonçait à certains privilèges, sans qu'on sache de quels privilèges il s'agissait et pour combien de temps on y renonçait.

Tout cela signifie aussi que les citoyens de ce pays pourront entamer des poursuites devant les tribunaux en invoquant ces délibérations parce que la Chambre des communes aura renoncé à ses privilèges. Je m'oppose à cela; je n'accepterai jamais une telle chose.

Le fin du fin dans cette affaire, c'est qu'on ne peut renoncer à des privilèges. Les privilèges sont inscrits dans les lois du pays et personne ne peut déroger à ces lois, pas plus qu'on ne pourrait déroger aux lois concernant l'homicide. Certains collègues m'ont dit, par exemple, que si n'importe qui peut demander à la Chambre des communes de déroger à la loi pour renoncer à ses privilèges, alors toute personne pourrait demander aux tribunaux de déroger aux lois concernant la conduite avec facultés affaiblies. On ne peut pas renoncer aux privilèges. Ils sont inscrits dans les lois du pays et sont garantis par l'article 18. Il existe une jurisprudence abondante à cet égard. Je m'en tiens là pour ce qui est du quatrième argument, quitte à le développer plus tard.

(1510)

Honorables sénateurs, le gouvernement, dans sa hâte de faire adopter le projet de loi C-10 avant le 31 décembre dernier, a foncé tête baissée dans un problème que, selon moi, on pouvait et aurait pu mieux gérer. Nous n'avons pas à approuver ce genre de chose.

Les sénateurs qui ont assisté aux séances du comité en novembre dernier savent que j'ai soutenu, tout comme le sénateur Sparrow, que les textes issus de la scission du projet de loi devraient faire l'objet de trois lectures dans chacune des Chambres. Là encore, le débat s'est résumé à peu de chose.

Je demande aux honorables sénateurs de prendre leur travail très au sérieux. Nous sommes en train d'adopter des lois en vertu desquelles les chasseurs seront considérés comme des criminels. Comme les sénateurs Watt et Adams nous l'ont fait remarquer, nous risquons de considérer comme des criminels de nombreux autochtones. Nous devons respecter la procédure.

J'ai l'honneur de m'adresser à la présidence. En réalité, le projet de loi C-10B est complètement différent du projet de loi C-10, qui était identique au projet de loi précédent, le C-15B. Je dirais à tous les honorables sénateurs que ces deux projets de loi, le C-10A et le C-10B méritent de franchir l'étape des trois lectures dans chacune des Chambres. Dans ce cas particulier, il est tout simplement inadmissible de faire abstraction de toutes les règles, car la première règle du Parlement veut qu'un projet de loi reçoive trois lectures dans chacune des Chambres. Il n'y a personne ici qui peut soutenir raisonnablement que le projet de loi C-10B a fait l'objet de trois lectures dans une Chambre ou l'autre.

Honorables sénateurs, si le sénateur Robichaud a quelque chose à dire, je me ferai un plaisir de l'entendre.

Le sénateur Robichaud : Oui, monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Nous sommes en train d'écouter la même chose pour la troisième fois.

Son Honneur le Président : Sénateur Cools, puis-je intervenir un instant?

Le sénateur Cools : J'en ai assez qu'on m'interrompe.

Son Honneur le Président : Je voudrais signaler quelque chose. Nous avons consacré beaucoup de temps à cette question. Le sénateur Cools a expliqué quatre aspects différents de son rappel au Règlement. Comme le temps n'est pas illimité et que d'autres sénateurs souhaitent intervenir à ce propos, j'invite le sénateur Cools à conclure ses observations, après quoi je donnerai la parole au sénateur Robichaud.

Le sénateur Cools : J'étais en train de résumer, honorables sénateurs. Bref, mon recours au Règlement porte sur trois points.

Premièrement, le projet de loi C-10B ne devrait pas être lu maintenant pour la troisième fois, car il n'a pas été lu ici une première ni une deuxième fois.

Deuxièmement, le lire ici pour la troisième fois revient à compromettre et à déshonorer la présidence de la Chambre des communes. C'est elle, en effet, qui a permis que le projet de loi C-10 soit adopté à la Chambre des communes sans être lu trois fois, car elle a certifié et affirmé clairement, sur son honneur, que le projet de loi C-10 était formulé exactement de la même manière que l'était le projet de loi C-15B à la prorogation du Parlement.

Troisièmement, les délibérations du Sénat ne sauraient être subordonnées aux ordres de la Chambre des communes. L'ordre adopté le 7 octobre par la Chambre des communes ne saurait s'appliquer au Sénat. Le fait est que, à la prorogation du Parlement, les travaux de la Chambre des communes ne comprenaient pas le projet de loi C-15B, que l'ordre de la Chambre visait à ressusciter, mais était en fait à l'étude au Sénat. Le Sénat ne devrait pas être assujetti aux ordres de l'autre Chambre.

Merci, honorables sénateurs.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne saurais trop dire à quel point le recours au Règlement du sénateur Cools n'est fondé dans aucun de ses points. Commençons par le premier.

Nous avons lu le projet de loi C-10B une première et une deuxième fois. Nous l'avons lu lorsqu'il faisait partie du projet de loi C-10 que, dans sa sagesse, le Sénat a convenu de scinder en projets de loi C-10A et C-10B. Nous avons ensuite adopté le C-10A. Nous espérons maintenant adopter le C-10B et nous n'avons pas une, mais deux décisions de la présidence à cet effet.

Pour ce qui est du deuxième argument qu'invoque le sénateur, à savoir que nous avons compromis la présidence de l'autre endroit, je dirai que ce n'est évidemment pas le cas. Très franchement, nous n'avons rien à voir avec la présidence de l'autre endroit. Toutefois, l'autre endroit a un Règlement. Ce Règlement lui permet de ressusciter un projet de loi d'une session à l'autre d'une même législature. Cela n'est pas autorisé s'il y a eu des élections, car il s'agit alors d'une nouvelle législature, mais le Règlement de la Chambre des communes lui permet effectivement de ressusciter une mesure législative d'une session à l'autre.

Aux termes d'un ordre de la Chambre, le Président de l'autre endroit s'est rendu à la demande du leader du gouvernement à la Chambre des communes, l'honorable Don Boudria, et a reconnu que le nouveau projet de loi appelé C-10 était identique au projet de loi C-15B.

Évidemment, à toute étape du processus législatif, exception faite de la première lecture qui n'est qu'une étape pro forma, le projet de loi peut être amendé, que ce soit à l'étape de la deuxième lecture ou à l'étape de la troisième lecture. Par conséquent, il est faux de prétendre qu'on ne peut jamais modifier la version originale d'un projet de loi pour lui donner la forme dans laquelle il sera finalement débattu, adopté ou rejeté au Sénat. Autrement, jamais nous ne serions autorisés à amender un projet de loi, et c'est pourtant ce que nous décidons de faire très souvent.

Le Président de l'autre endroit a décidé, selon le Règlement de la Chambre, que le projet de loi devrait être ressuscité. Cette règle n'existe pas au Sénat. Il fallait donc attendre de recevoir un message de la Chambre des communes avant de pouvoir étudier le projet de loi. Cette règle devrait-elle exister à la Chambre des communes; c'est aux députés d'en décider, pas à nous. Conformément à cet article de leur Règlement, ils ont ressuscité le projet de loi, puis nous ont envoyé un message, après quoi, nous avons reçu le projet de loi.

Enfin, il me semble qu'il est clair que le Sénat n'est aucunement subordonné à la Chambre des communes. Le fait qu'un certain nombre d'amendements aient été apportés à ce projet de loi et que, malgré les objections que j'ai formulées en tant que leader du gouvernement au Sénat, ces amendements pourraient fort bien être envoyés à l'autre endroit prouve à quel point nous étudions attentivement les mesures législatives qui nous sont soumises et que nous leur apportons les transformations que nous jugeons nécessaires.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin : Honorables sénateurs, j'aimerais revenir sur un point que nous semblons oublier. Nous avons créé un précédent. C'est la première fois dans l'histoire parlementaire qu'un projet de loi est divisé de la façon dont il a été divisé.

Je ne parlerai pas des privilèges de l'autre Chambre, ni des privilèges de la nôtre. C'est une autre question. Le fait est que nous avons commencé avec le projet de loi C-10. À un moment donné, nous avons cru, des deux côtés de la Chambre, qu'il fallait diviser, partager le projet de loi. Nous avons agit en conséquence. Nous avions les études C-10A et C-10B. Nous avons fait notre travail. Nous avons demander à l'autre Chambre d'accepter la division du projet de loi initial. Nous n'étions saisis que d'un seul projet de loi, C-10, qui a passé les étapes de la première et de la deuxième lecture dans les deux Chambres comme tout le monde le sait.

(1520)

Nous avons demandé l'accord de l'autre Chambre. En anglais, nous avons fait bien attention, nous avons dit : «We concur». Et l'autre Chambre a dit : «We concur».

Le projet de loi a été scindé en deux. C'était juridique, parlementaire. Ils avaient le droit de dire non, ils ont dit oui, et le projet de loi a été divisé en deux. Après avoir terminé notre étude sur le projet de loi C-10A, nous avons passé à l'étude du projet de loi C- 10B en comité. Lors de la première séance du comité à ce sujet, j'ai mentionné pour le compte-rendu, que nous étudiions C-10B. Toutefois, ce n'était pas un projet de loi, mais une étude. Nous avons fait notre travail. Un recours au règlement a été soulevée en Chambre qui a mené à une décision du Président. Nous avons alors pu terminer l'étude du projet de loi C-10B.

Une fois le projet de loi C-10 divisé en deux, nous avions donc le projet de loi C-10A et le projet de loi C-10B. Aujourd'hui, nous sommes à l'étape de la troisième lecture. Si nous adoptons ce projet de loi aujourd'hui, la troisième lecture aura été donnée aux projets de loi C-10A et C-10B. Nous ne sommes pas pour répéter ad vitam aeternam ces choses. Nous avons suivi la procédure.

Lorsque nous avons demandé à l'autre Chambre de scinder le projet de loi C-10, elle a dit oui. C'est la fin du débat. Hier, on a déposé le rapport du comité avec les amendements, et le rapport a été adopté. Aujourd'hui, nous sommes à l'étape de la troisième lecture, et si le projet de loi est adopté, c'est fini. Nous ne sommes pas pour revenir sur ces problèmes. Nous avons créé un précédent. Il n'y a rien d'inconstitutionnel.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vois le sénateur Andreychuk qui veut intervenir sur ce rappel au Règlement, et le sénateur Cools qui demande encore la parole. Si on n'y voit pas d'objection, je vais demander aux sénateurs d'être très brefs. Je crois que nous avons déjà passé assez de temps sur cette question. Je comprends très bien les arguments qui ont été soulevés.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : J'ai toujours été brève, honorables sénateurs, et je vais continuer de l'être dans ce cas. Je demanderais simplement à Son Honneur d'inclure dans toute décision qu'il rendra un commentaire concernant le troisième argument soulevé par madame le sénateur Cools.

Son premier argument est plutôt intriguant et intéressant. Cependant, je crois qu'il a été interprété différemment et qu'il mérite un commentaire.

En ce qui concerne le troisième argument, il est vrai que nous sommes maîtres de nos propres affaires et qu'il en est de même pour la Chambre des communes. Le problème que je vois relativement au message envoyé par l'autre Chambre, c'est qu'il impose une condition. La Chambre dit qu'elle accepte de scinder le projet de loi, mais que, tout en désapprouvant une infraction à ses privilèges et à ses droits, elle consent à se désister, dans le présent cas, de ses droits et privilèges. Autrement dit, elle sait que nous avons enfreint ses droits et privilèges, ou du moins c'est ce qu'elle prétend, et elle accepte cela. C'est son droit. Cependant, elle précise ensuite que ce désistement desdits droits et privilèges ne pourra pas être invoqué comme un précédent. Elle ne dit pas s'il s'agit d'un précédent pour elle ou pour le Sénat.

Si nous acceptons ce message de la Chambre, sous sa forme actuelle, c'est nous, et non la Chambre des communes, qui créons un précédent pour nous-mêmes, et ce précédent est que la Chambre des communes peut désapprouver nos actions. Les fois précédentes, la Chambre acceptait ou refusait nos actions, avec respect, et nous acceptions ou refusions ses actions, avec respect. Nous interprétons nos propres règles, nous interprétons nos propres procédures, et nous pouvons même tâter le terrain, si je puis m'exprimer ainsi, comme nous l'avons fait dans le cas du projet de loi C-10. C'est un pas de plus que de dire que ce n'est pas un précédent, et je crois qu'il faut le préciser clairement. Si nous acceptons que ce n'est pas la Chambre des communes qui ne veut pas que cela devienne un précédent et que nous disons que nous ne considérerons pas cela comme un précédent, nous nous trouvons à accepter que la Chambre des communes fasse des commentaires à notre sujet.

Je ne commente pas ce que fait la Chambre des communes. Je ne dis pas que le Président de la Chambre a eu raison ou a eu tort, ni que la Chambre des communes a bien agi ou non ou qu'elle a imposé sa majorité et nous a causé ce problème. Ce que je dis, c'est que, d'après moi, si nous acceptons le message et que nous passons à la troisième lecture, nous créons en fait un précédent qui permet à la Chambre des communes de commenter notre façon de procéder. Nous allons un cran plus loin pour dire que ce que nous avons fait, malgré les renseignements et les avis que nous avons reçus, ne constituera pas un précédent. Nous n'avons pas étendu notre sphère d'influence ou nos droits ou privilèges. En fait, nous les avons réduits, parce que nous donnons maintenant à la Chambre le droit de faire des commentaires sur nous.

Ce sont nos initiatives que je souhaiterais voir commentées. Je n'ai pas eu d'évaluation complète d'une situation comme celle-ci, mais il me semble que ce sera la première fois que nous restreignons nos droits et privilèges et que nous autorisons la Chambre à commenter nos initiatives et nos comportements en cet endroit. Je pense que l'on peut mentionner cela à juste titre en ce qui concerne le troisième point du recours au Règlement.

Son Honneur le Président : Avant que je cède la parole à madame le sénateur Cools, quelqu'un veut-il intervenir?

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition) : Je serai bref, honorables sénateurs. En ce qui concerne le dernier point soulevé par le sénateur Andreychuk, je voudrais faire remarquer à Son Honneur le Président que c'est une situation inédite. C'est la première fois que pareille situation se présente. En conséquence, il conviendrait peut-être de faire preuve d'un peu de créativité dans le message adressé à l'autre endroit avec le projet de loi. Par exemple, nous pourrions dire dans notre message que le Sénat ne souscrit pas à son observation, ou quelque chose du genre...

Son Honneur le Président : J'entendrai une dernière intervention de la part du sénateur Cools. Soyez brève, s'il vous plaît.

Le sénateur Cools : Je veux simplement répondre à ce qui a été dit.

Le sénateur Beaudoin a dit qu'en scindant le projet de loi, le Sénat a créé un précédent. Le sénateur Andreychuk l'a fort brillamment souligné, car la Chambre des communes a dit très clairement que ce n'est pas un précédent. La Chambre des communes réagissait ainsi aux propos du sénateur Beaudoin, lequel a dit que nous avions créé un précédent. Dans son message, la Chambre des communes soutient que ce n'est pas le cas. La Chambre des communes a rejeté l'affirmation du sénateur Beaudoin.

Quant aux propos du sénateur Carstairs, je n'ai jamais fait valoir qu'amender un projet de loi équivaut à en modifier la forme. Je n'ai jamais fait valoir une telle chose, contrairement à ce que semble penser le sénateur Carstairs. Toutefois, j'ai dit que scinder un projet de loi n'est pas l'amender, que c'est un processus tout à fait différent.

(1530)

Madame le leader a fait une autre erreur. Elle affirme que notre Règlement ne nous permet pas de ressusciter les projets de loi qui sont morts au Feuilleton au moment de la prorogation, contrairement aux Communes. Le sénateur Carstairs fait erreur. La Chambre des communes n'a pas agi en vertu de quelque Règlement à ce moment-là. Elle a agi en vertu d'un ordre spécialement pris pour cette circonstance. Je l'ai lu au début lorsque j'ai précisé que le ministre Boudria avait proposé la motion visant à avoir cet ordre. L'ordre autorisait la reprise et la poursuite des travaux que la Chambre avait commencés au cours de la session précédente.

Par conséquent, la Chambre des communes n'a pas agi en vertu de son Règlement. Elle a agi en vertu d'un ordre qui l'autorisait à faire comme elle l'a fait. En fait, selon cet ordre, l'intervention du Président devait se limiter à un seul acte, soit celui de déclarer si le projet de loi en question avait la même forme que le projet de loi précédent.

Honorables sénateurs, personne ici ne peut contester que le projet de loi C-10B avait la même forme que le projet de loi C-15B au moment de la prorogation. En outre, comme je l'ai dit tout à l'heure, au moment de la prorogation à l'automne dernier, le projet C-15B ne faisait pas partie des travaux de la Chambre des communes, mais bien des travaux et des délibérations du Sénat.

Honorables sénateurs, jamais on n'a vu ces derniers temps au Sénat de recours au Règlement aussi fondé que celui-ci.

Son Honneur le Président : Je remercie tous les honorables sénateurs de leurs interventions sur ce point intéressant. C'est manifestement un sujet auquel les honorables sénateurs ont mûrement réfléchi. Il s'avère qu'ils ont quelque difficulté à accepter la séquence des événements qui nous amène maintenant à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-10B modifié.

Normalement, je prendrais un certain temps pour réfléchir à une question de cette nature. Cependant, comme nous le savons tous, elle a déjà fait l'objet de deux décisions au Sénat et d' au moins une décision à l'autre endroit. Il se trouve que je connais bien le sujet, et je fonderai ma décision sur la connaissance que j'en ai.

Je rappelle aux honorables sénateurs l'importance que revêt cette question compte tenu de l'étape où nous en sommes. Nous sommes saisis d'une mesure législative visant à modifier le Code criminel. C'est une lourde responsabilité. S'il fallait que nous entravions de quelque façon que ce soit le processus en vertu duquel les lois sont adoptées, cela aurait d'énormes conséquences.

Je vais aborder la question selon laquelle le projet de loi n'a pas été lu en première ou deuxième lecture, comme les sénateurs Carstairs et Beaudoin l'ont signalé, en précisant que le projet de loi avait bien été étudié à ces étapes dans cette enceinte sous la forme du projet de loi C-10. Si nous considérons, comme je le fais, le changement du projet de loi C-10 en projet de loi C-10A ou C-10B comme un amendement ou quelque chose de nature semblable, un tel changement rentre dans le cadre des pouvoirs du Sénat. Nous avons fait ce changement et je ne crois pas que cela nous empêche de poursuivre l'étude du projet de loi C-10B à ce stade-ci.

Je vais aborder toutes les autres questions, à l'exception de celle soulevée par les sénateurs Andreychuk et Kinsella, qui a également été discutée par le sénateur Cools, au sujet du libellé du message. Les autres questions sont fondamentalement du ressort de l'autre endroit. Je crois si fermement qu'il ne nous incombe pas de décider pour les députés s'ils ont suivi les bonnes procédures que je ne parlerai même pas de cela. Je note que plusieurs questions intéressantes ont été soulevées au sujet de la ressuscitation des projets de loi C-15B, C-10A et C-10B, et de la façon dont ils ont été étudiés à l'autre endroit.

Cependant, ce sont les travaux et les règles de l'autre endroit. Ces règles diffèrent des nôtres.

Honorables sénateurs, j'ai examiné les messages pour me rappeler comment les choses se sont déroulées dans cet endroit. J'ai confirmé que les choses se sont déroulées conformément au Règlement. Cela a déjà été mentionné dans des décisions antérieures.

La question du libellé du message a déjà été soulevée par le sénateur Cools. Je l'ai déjà tranchée dans ma décision du 8 mai 2003. Je renvoie tous les honorables sénateurs à cette décision.

À ce stade-ci, je considère que la façon dont nous procédons ne viole ni nos règles ni nos conventions. Par conséquent, rien dans notre Règlement ne nous interdit de reprendre le débat sur le projet de loi C-10B à ce stade-ci.

Des voix : Le vote!

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, je souhaiterais parler en troisième lecture. Je voudrais signaler que c'est un moment historique alors que nous sommes placés dans une position où, si nous votons en troisième lecture, nous accepterons une réprimande très claire de la part de la Chambre des communes. Cela sera noté par les universitaires et les historiens et se reflétera dans nos façons de faire à l'avenir. Cependant, je me plie à la décision de l'honorable Président et à la volonté de la majorité de poursuivre l'étude de ce projet de loi.

Si j'ai bien compris, le gouvernement a accepté le rapport du comité et est disposé à passer à l'étape de la troisième lecture avec tous les amendements. Je ne peux qu'en déduire que le gouvernement ne s'oppose pas à ces amendements, étant donné que les critiques ne se sont pas prononcées contre les amendements présentés à l'étape de la troisième lecture. Toutefois, je tiens à faire certaines observations.

Premièrement, je remercie le sénateur Furey. Ce ne fut pas un exercice facile au comité, ni dans cette Chambre.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Andreychuk : Je me dois de souligner que l'intérêt qu'il a manifesté à l'égard des problèmes et son indépendance d'esprit ont été fort appréciés. Tous les membres ont dit qu'ils avaient pu s'exprimer sur cette question et que tous les aspects du projet de loi C-10 avaient été abordés. On convient que tous les témoins ont bénéficié d'une occasion raisonnable de faire valoir leur point de vue.

Honorables sénateurs, j'accepte certains des amendements. J'étais clairement en faveur des amendements. Par conséquent, je ne traiterai pas de chacun d'entre eux.

La définition du terme « animal » nous préoccupait tous beaucoup. L'amendement clarifie la définition du mot « animal », comme l'a souligné le sénateur Furey dans son discours à l'étape du rapport.

Nous étudions ce projet de loi parce que l'attitude du public à l'égard du traitement réservé aux animaux a changé. Nul Canadien ne doit tolérer le fait que des souffrances inutiles soient imposées à des animaux, ni fermer les yeux là-dessus.

Comme je l'ai dit en comité, c'est un signal clair de changement et d'évolution des attitudes à l'égard des animaux au sein de la société en général. Nous tirons parti de nos connaissances et des technologies. À chaque étape, nous avons revu ce que nous estimons être des pratiques acceptables à l'endroit des animaux. Le projet de loi C-10B donne clairement le signal que l'on ne tolérera pas que les animaux endurent des douleurs et des souffrances inutiles. Voir un animal souffrir ou se tordre de douleur ne sera désormais plus assimilé à un jeu ou à un sport.

J'approuve toutes les observations faites au sujet de cet amendement. Il convient de souligner que cet amendement a aussi été présenté parce que le ministère, qui représentait la position du ministre, a indiqué que cette définition élargie n'obligerait pas le gouvernement à retourner devant le Parlement pour la faire approuver. Autrement dit, le gouvernement pourrait, dans le cadre d'un décret ou d'une autre mesure, élargir la définition énumérant les animaux ou les espèces qui seraient protégés. Il a indiqué qu'il serait trop long de revenir devant le Parlement.

(1540)

Honorables sénateurs, ce genre de débat est nécessaire pour renseigner la population quant à l'objet du projet de loi et entendre les différents points de vue. On devrait réduire la portée de la définition et la modifier en fonction de l'amendement.

Pendant qu'on se penchait sur la question, on nous a annoncé d'Allemagne qu'on ne tuerait plus les fourmis mais qu'on les attraperait pour les remettre en liberté dans la forêt. Voilà un changement d'attitude. On a aussi reconnu pour la première fois que les poissons pouvaient ressentir de la douleur. Nous sommes donc en présence d'un domaine qui évolue, d'où la nécessité pour tous ceux qui font de l'élevage ou pour les Autochtones qui jouissent de droits traditionnels, de même que pour la population en général, de bénéficier d'un débat parlementaire. On ne devrait pas laisser à un obscur bureaucrate le soin de déterminer à quel point nos attitudes ont évolué. Cet amendement est assurément important.

La défense d'apparence de droit a aussi été justifiée convenablement dans sa forme modifiée. Des représentants du gouvernement nous ont dit qu'elle n'était pas nécessaire, qu'il y avait déjà une protection prévue dans la common law et que cette défense, comme on nous l'a clairement indiqué, est quelque peu redondante. Une personne a fait remarquer qu'elle encombre le droit pénal et qu'on a peut-être commis une erreur d'omission en la maintenant en place alors que toutes les autres défenses d'apparence de droit ont été supprimées en faveur d'une défense globale en vertu de la common law.

Le droit pénal a plusieurs raisons d'être et l'une d'elles consiste à éduquer les gens et à préciser aux principaux intéressés les différentes dispositions du Code criminel.

Les gens se sentent menacés d'avoir à emprisonner une défense d'apparence de droit bien précise à l'intérieur d'une défense plus générale. Les autochtones, les agriculteurs, les éleveurs, les personnes ayant des traditions bien particulières tels les musulmans et les juifs, ne devraient pas avoir l'impression qu'on leur a enlevé quelque chose, même si, légalement, il n'en est rien. On ne devrait pas miner la confiance des gens dans le droit pénal. Il est peut-être compliqué de conserver la défense d'apparence de droit, mais cela me semble nécessaire.

Si jamais le Code criminel faisait l'objet d'une autre révision générale, nous pourrions peut-être l'examiner à ce moment-là. Toutefois, cibler particulièrement les personnes qui se sentent vulnérables semble constituer un recours inutile au processus judiciaire, à mon avis. Le sens pratique devrait primer.

Quant à la modification touchant les Autochtones, je tiens à préciser que, sauf erreur, tous les membres du comité croyaient qu'il était temps que le gouvernement renforce les droits des Autochtones au lieu de se contenter de promesses. Nous ne consultons pas assez les Autochtones lorsque nous discutons de leurs droits, et nous n'en tenons pas assez compte dans nos projets de loi. Ce n'est qu'après avoir amorcé le processus de rédaction d'un projet de loi que nous décidons de les consulter. Malgré les nombreux projets de loi qui nous ont été soumis et malgré les promesses du gouvernement de donner suite aux priorités des Autochtones et de ne pas s'ingérer dans leurs droits et leurs privilèges, nous sommes encore saisis de projets de loi qui montrent que nous n'avons pas appris notre leçon .

En l'occurrence, il était très évident que peu d'attention avait été accordée aux droits traditionnels de chasse et de piégeage des peuples autochtones. Il y avait une excellente raison d'insérer une disposition non pas tant pour protéger les peuples autochtones — parce qu'ils sont manifestement protégés par la Constitution et la Charte des droits et libertés — mais pour bien faire comprendre au gouvernement que la situation ne peut continuer ainsi et que le Sénat continuera de jouer son rôle de protecteur des droits des Autochtones en assumant sa responsabilité fiduciaire.

Tous les membres du comité, sans exception, ont souhaité apporter certaines modifications privilégiant les droits des Autochtones. Toutefois, l'amendement dont nous avons été saisis me préoccupe, bien qu'il ne semble pas inquiéter qui que ce soit du côté des ministériels, puisque personne n'en a parlé à l'étape de la troisième lecture.

J'ai soulevé la question au comité et je la soulève une nouvelle fois ici. L'amendement présenté pourrait en fait être interprété comme une inversion du fardeau de la preuve. Certains articles commencent par les mots : « Nul ne peut être déclaré coupable... » Cela n'entraîne pas une inversion du fardeau de la preuve. Mais si l'on revient à l'objet du projet de loi — les droits détaillés et complexes des Autochtones — ce n'est certainement pas l'agent chargé de l'application de la loi, mais bien l'accusé qui devra prouver son innocence. Cela me pose problème.

Je suis également embêté par le fait que ce domaine soit mal connu. Les droits des Autochtones sont garantis dans la loi, par exemple la Loi concernant l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut et la loi concernant les Nisga'a, mais il y en a bien d'autres qui sont en cours de négociation. Par conséquent, certains policiers dans ma région devront confronter des Autochtones et décider si ces personnes s'adonnent à la chasse, au piégeage et à la pêche selon les traditions autochtones et dans le respect des droits issus des traités. Si le gouvernement n'a pas été en mesure de conclure tous ces traités, comment veut-on que l'agent chargé de l'application de la loi et chargé de toutes ces responsabilités sache comment procéder, si on ne lui communique pas de lignes directrices bien précises, qu'on ne lui donne pas de formation, et ainsi de suite?

Dans ma province, où les permis de chasse sont obligatoires et où les Autochtones sont exemptés de cette obligation, la police a suivi une formation pour apprendre comment procéder aux poursuites qui risquent d'empiéter sur les droits des Métis. Je ne vois pas que ce genre d'initiative ait été entreprise en l'occurrence et cela me pose problème.

Je fais là une mise en garde.

L'amendement proposé que je trouve le plus problématique est celui qui concerne l'article 2, à la page 3, et qui dit ceci :

«3) Nul ne peut être déclaré coupable de l'infraction visée à l'alinéa (1)a) si la douleur, la souffrance, la blessure ou la mort est causée pendant l'exercice, par une personne de l'un des peuples autochtones du Canada, de pratiques ancestrales de chasse, de piégeage ou de pêche

— c'est la partie qui vient que je trouve problématique —

dans une zone où les peuples autochtones possèdent des droits de récolte découlant des droits existants—ancestraux ou issus de traités—au sens de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982,

— puis l'amendement continue en ces termes, et je n'y vois aucune objection —

et que la douleur, la souffrance ou la blessure se limite à ce qui est raisonnablement nécessaire à ces pratiques ancestrales. »

Le libellé « dans une zone où les peuples autochtones ont des droits de récolte » pourrait être interprété comme signifiant que : d'abord, vous prouvez que vous êtes autochtones au sens de la Constitution et ensuite vous prouvez que vous avez des droits de récolte, en vertu de droits existants, ancestraux ou issus de traités — et j'ai un peu expliqué de quoi il retournait. L'objet global de l'amendement est qu'une personne qui chasse, piège ou pêche dans une zone où les peuples autochtones ont des droits de récolte ne peut être déclarée coupable. Par conséquent, une personne venant de la Saskatchewan, qui est autochtone et à qui s'applique un processus de négociation de traité, pourra pratiquer la chasse, le piégeage et la pêche traditionnels dans sa région, sans qu'il y ait la moindre difficulté.

Toutefois, cet amendement laisse entendre qu'une personne autochtone, armée de droits issus de traités, peut chasser, pêcher ou piéger dans n'importe quelle zone où les peuples autochtones ont des droits de récolte.

Certains prétendent que ce n'est pas l'interprétation qui sera faite de cette disposition, mais ces mots peuvent clairement être lus comme étant « dans n'importe quelle zone ». Une personne venant de la Saskatchewan et qui n'a jamais été ailleurs au Canada pourrait réellement ne pas être déclarée coupable, en vertu de cette disposition, pour avoir chassé, piégé ou pêché là où les droits existants issus de traités appartiennent à quelqu'un d'autre.

Je n'aurais rien à redire si les Autochtones y gagnaient des droits. On pourrait le souhaiter, et une telle politique pourrait être bonne. Puisqu'il s'agit des droits de récolte, des droits de subsistance, le fait est que dans l'avenir, alors que les ressources environnementales sont tellement rares et que nous savons que la pêche, la chasse et le piégeage sont déjà menacés, la mesure pourrait entraîner des affrontements entre des intérêts autochtones contradictoires, ce qui n'est assurément pas l'affaire de ce Parlement. Ce Parlement devrait s'employer à conférer leurs droits aux Autochtones et non pas à les dresser les uns contre les autres pour qu'ils établissent leurs droits.

(1550)

Les sénateurs n'auront pas oublié que lorsque nous avons discuté du traité des Nisga'a, j'ai soutenu qu'il ne revenait pas au gouvernement fédéral de déterminer si les Nisga'a avaient des droits privilégiés par rapport aux Gwich'in et aux Gitxsan. Je pense que les tribunaux pourraient interpréter cet amendement, de façon très valide d'ailleurs, comme étant une mesure ouvrant l'accès à des zones de pêche, de chasse et de piégeage non occupées traditionnellement par ces peuples, en raison de l'appartenance à une réserve ou d'un autre type d'appartenance, etc.

Si l'amendement est adopté, comme il semble devoir l'être, j'espère de tout cœur que le gouvernement comprendra la difficulté qu'il créera. La décision Marshall a peut-être causé des difficultés, mais cet amendement pourrait en causer beaucoup plus. À long terme, on pourrait nous accuser d'exercer notre devoir de fiduciaire de façon très paternaliste et rigoriste, tout en créant d'autres problèmes au lieu de nous attacher aux difficultés découlant des revendications existantes.

Cette situation aurait pu être évitée si le gouvernement canadien, conformément à sa politique, avait d'abord et avant tout consulté les peuples autochtones. Il va sans dire que pour des activités aussi évidentes que la chasse, le piégeage et la pêche, il aurait dû y avoir un long processus de consultation avant que le projet de loi C-10, et à plus forte raison le projet de loi C-10B, ne soit mis en oeuvre. On disposait de suffisamment de temps pour présenter de tels amendements.

L'objet est valable, mais le libellé peut entraîner plus de difficultés que d'avantages pour les peuples autochtones. J'ose espérer que le gouvernement se penchera sur cette question et protégera les droits des Autochtones de façon concrète et ne se contentera pas simplement de dire que la situation lui tient à cœur. J'espère qu'on trouvera une véritable solution pratique aux problèmes des peuples autochtones.

Le sénateur Carstairs : Honorables sénateurs, en ce qui concerne le premier point qu'a soulevé le sénateur Andreychuk au sujet des privilèges du Sénat, je ne pense absolument pas que l'autre Chambre puisse porter atteinte à nos privilèges. Elle peut dire tout ce qu'elle veut. Elle peut envoyer tous les messages qu'elle juge opportuns. Néanmoins, elle ne peut se pencher que sur sa propre conduite, non sur la nôtre. Par conséquent, je ne partage pas l'avis de l'honorable sénateur qui craint que nos privilèges aient été limités de quelque façon que ce soit parce que l'autre Chambre nous a fait parvenir un message. Ce message concerne uniquement l'autre Chambre. Elle nous fait tout le temps parvenir des messages. Si nous ne réagissons pas à ces messages, ils n'ont alors aucune pertinence pour nous.

Il est évident que nos privilèges demeurent intacts. Nous les avons peut-être même accrus en agissant comme nous l'avons fait à l'égard de la scission de ce projet de loi.

Madame le sénateur a également soulevé la question de l'appui du gouvernement à ces amendements. Elle sait probablement que le gouvernement ne les appuie pas, mais il a toutefois accepté l'excellent travail réalisé par le comité. Dans cette optique, j'aimerais remercier tout particulièrement le sénateur Jaffer, qui a parrainé ce projet de loi, de son travail acharné dans ce dossier. J'aimerais également remercier le sénateur Furey qui a présidé le comité comme le sénateur Andreychuk l'a décrit, c'est-à-dire de façon très compétente et équitable, dans le but d'en arriver au compromis que nous avons aujourd'hui.

En ce qui a trait à l'amendement même, les députés de l'autre endroit se sont dits d'accord avec la définition du terme « animal ». Ils ont également recommandé et appuyé l'amendement mineur qui a été proposé pour la version française du texte.

Comme le sénateur Andreychuk et ses collègues le savent, leur définition du moyen de défense fondé sur l'apparence de droit était légèrement différente de celle qui a été acceptée par le comité. Ils ont également fait part de certaines préoccupations quand à la formulation de l'amendement portant sur les Autochtones. Selon ce que j'ai pu comprendre d'après les audiences du comité, l'amendement portant sur les Autochtones a donné lieu à certaines préoccupations au sein du comité même. Cinq membres du comité ont voté en faveur et deux ont voté contre alors que cinq autres se sont abstenus. Il y a donc un certain malaise au niveau de l'appui à l'égard de cet amendement.

Il est important de renvoyer à l'autre endroit le projet de loi avec les amendements que le comité a réussi à faire adopter de haute lutte et de permettre à l'autre endroit de répondre comme il le souhaite. Par conséquent, nous discuterons peut-être de cette question un autre jour. Il se peut que la Chambre des communes accepte les amendements dans leur intégralité, comme l'a recommandé le comité sénatorial. Je n'ai pour l'instant aucun moyen de savoir ce que l'avenir nous réserve.

Je veux maintenant parler d'une question qui, à mon avis, est capitale. Depuis deux ans et demi, le Sénat a exprimé ses réserves quant au recours aux dispositions de non-dérogation concernant les Autochtones. En fait, compte tenu du libellé dont nous sommes saisis aujourd'hui, nous aurons maintenant cinq dispositions de non-dérogation formulées différemment.

J'ai déjà pris la parole à cet endroit pour demander que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles étudie très attentivement cette question. J'ai dit cela parce que je pense sincèrement que le gouvernement a besoin des avis et recommandations de cet endroit sur cette question, par l'entremise du Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles.

Cet après-midi, j'ai le plaisir d'annoncer que je déposerai un ordre de renvoi, au début de la semaine prochaine, j'espère, afin que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles entreprenne pareille étude. À mon avis, c'est la seule façon de régler cette question afin que nous soyons justes envers les Autochtones de notre pays et que nous respections la Constitution, en particulier l'article 35. Et surtout, je pense que c'est la seule façon responsable d'examiner la question des futurs projets de loi qui pourraient comporter ou non des dispositions de non- dérogation.

Même si c'est au comité qu'il appartiendra d'en décider, j'aimerais qu'il examine, entre autres, la possibilité d'inclure une disposition de non-dérogation dans la Loi d'interprétation, ce qui pourrait peut- être régler le problème une fois pour toutes. Ce ne sera peut-être pas le cas, mais cela vaut la peine envisager cette possibilité.

Sur ces observations, honorables sénateurs, je conclus mon discours.

Son Honneur le Président : Le sénateur Robichaud a demandé la permission d'aborder une question concernant les travaux du Sénat.

(Le débat est suspendu.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

PERMISSION AUX COMITÉS DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que tous les comités sénatoriaux devant siéger aujourd'hui soient autorisés à le faire pendant la séance du Sénat et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, au nom de l'opposition, je voudrais dire que, oui, nous donnons notre consentement ainsi que l'a demandé le leader adjoint du gouvernement. Ce faisant, je voudrais faire remarquer que certains d'entre nous sont membres de comités qui siègent cet après-midi. Nous ne refusons pas notre consentement à la légère. Par exemple, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit pour discuter de son étude sur la santé mentale au Canada. Je suis membre de ce comité. En tant que psychologue, je m'intéresse d'une façon particulière à cette étude. Toutefois, mon premier devoir est ici au Sénat.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Jaffer, appuyée par l'honorable sénateur LaPierre, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), tel que modifié.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser à madame le leader du gouvernement au Sénat au sujet de ce qu'elle a dit. D'abord, cependant, je voudrais lui dire que nous nous réjouissons de la résolution qu'elle a dit qu'elle présenterait demain. Il nous tarde de la débattre.

Madame le ministre accepterait-elle que le message qui accompagnerait ce projet de loi à l'autre endroit soit modifié par l'ajout d'un paragraphe qui pourrait se lire comme suit : « En outre, le Sénat informe la Chambre des communes qu'elle ne souscrit pas à la partie du message de la Chambre des communes daté du 6 mai 2003 concernant l'affirmation liée à une violation de privilèges ou de droits »?

*** Il serait donc établi officiellement que nous avons retiré le deuxième paragraphe du message que nous avons reçu des Communes parce que nous ne sommes pas d'accord. Je conviens avec la ministre qu'elles peuvent faire valoir leurs droits. Cependant, les termes utilisés dans ce paragraphe ne sont peut-être pas très bien choisis, mais nous sommes maintenant saisis de ce message.

(1600)

Pour ce qui est de la procédure, honorables sénateurs, nous devrions peut-être en discuter après que le projet de loi aura franchi l'étape de la troisième lecture, mais avant que Son Honneur ne mette la question aux voix, de sorte qu'un message puisse être envoyé, à condition que nous puissions avoir le temps de le débattre. Madame le leader du gouvernement au Sénat voudrait peut-être faire une observation.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) : Cette façon de procéder serait raisonnable, honorables sénateurs. Nous pourrions passer à la troisième lecture. Je sais que le sénateur Adams désire prendre la parole, et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas débattre ce message. Cela serait peut-être possible si nous adoptions le projet de loi à la troisième lecture. Je devrai me renseigner pour savoir si nous pourrions reporter l'envoi du message à demain — jusqu'à ce que nous ayons pu ajouter quelques observations à cet effet.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, pourrait-on m'expliquer où nous en sommes maintenant? Avons-nous repris l'étude du projet de loi C-10B?

Son Honneur le Président : La Chambre procède maintenant au débat sur le projet de loi C-10B à l'étape de la troisième lecture. Nous avons entre-temps étudié la requête d'un comité qui demandait l'autorisation de siéger en même temps que le Sénat.

Le sénateur Cools : Je voudrais ajourner le débat.

L'honorable Willie Adams : Honorables sénateurs, j'aimerais développer un peu les propos du sénateur Andreychuk au sujet de l'amendement portant sur les peuples autochtones. Nous comprenons et nous reconnaissons que nous sommes tous des Autochtones, peu importe qui nous sommes; c'est inscrit dans la Loi sur les Indiens. Ceux qui ont maintenu le style de vie des Autochtones n'ont pas de problème et peuvent chasser tous les genres d'animaux qu'ils désirent. Cependant, le projet de loi C-10B a été présenté au Sénat en décembre dernier et il ne précise pas à quels genres d'animaux il s'applique.

À l'heure actuelle, il existe dans le Nord des centaines d'animaux différents de ceux qu'on trouve dans le Sud. De même, nous avons des mammifères différents dans la mer, les rivières et les lacs. Nous chassons, mais nous ne nous occupons pas des animaux visés par le projet de loi C-10B. Rien dans ce projet de loi nous dit à quels types d'animaux s'appliquent les dispositions qu'il renferme sur la cruauté envers les animaux.

Bien des amoureux des animaux et des ornithologues amateurs viennent dans le Nord, mais ils repartent dans le Sud, horrifiés parce que les habitants du Nord tuent les pauvres animaux. Voilà la situation qui serait la vôtre si le projet de loi était adopté sans les amendements proposés pour les Autochtones. En ce moment, nous avons un contingentement pour la chasse à la baleine et l'ours polaire, et il peut y en avoir un également si nous pratiquons la pêche commerciale.

Nous n'aurions aucune difficulté s'il y avait un amendement pour les Autochtones. Il y a là une question de droit, et les Autochtones veulent obtenir la protection d'un amendement. Il est question d'une amende de 5 000 $ ou d'une peine d'emprisonnement de cinq ans, mais le projet de loi ne dit pas quel genre d'animal nous pouvons tuer. Il ne parle que de la cruauté envers les animaux. Chaque fois que je prends mon fusil pour aller à la chasse, est-ce que je suis cruel envers les animaux? Voilà les conséquences du projet de loi pour les Autochtones.

Le projet de loi ne dit pas un mot sur le type d'animal. Il parle plutôt des sentiments des animaux. Un témoin du ministère a parlé de l'utilisation des vers sur les hameçons. On pourrait prétendre que c'est de la cruauté envers les animaux. Nous ne mangeons pas les vers.

Le gouverneur en conseil pourrait corriger le projet de loi après son adoption, mais il serait plus facile d'adopter maintenant un amendement, et le projet de loi pourrait retourner aux Communes. Si la Chambre ne comprend pas pourquoi, il y a là-bas des députés autochtones qui pourront le lui expliquer. C'est ce que nous devons faire, je crois. Pourquoi l'article 35 a-t-il été prévu dans la Constitution? Nous allons attendre encore 100 ans pour commencer à l'invoquer. Les autochtones doivent maintenant s'adresser à un juge de la Cour suprême pour savoir si le gouvernement a tort ou raison. Il faut agir immédiatement, avant que des habitants des localités du Nord ne finissent en prison par suite des dispositions du projet de loi C-10B sur la cruauté envers les animaux.

Je suis non pas un juge, mais un simple chasseur. Je n'ai pas vraiment de problèmes, mais je tiens à savoir ce qui m'arrivera si le projet de loi C-10B est adopté. Qu'arrivera-t-il à mes compatriotes du Nord? Que signifie le projet de loi C-10B?

L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de prendre la parole mais, compte tenu de l'intervention du sénateur Andreychuk, je me sens obligé de dire quelque chose.

Pour ce qui concerne le manque de consultation de la part du gouvernement fédéral, je conviens parfaitement avec le sénateur Andreychuk que l'on a manqué sur ce point. Je ne peux pas contredire le sénateur Andreychuk là-dessus. J'ai essayé de suivre du mieux que j'ai pu l'argumentation du sénateur sur ses préoccupations en tant que personne de la Saskatchewan. Il y a beaucoup d'autochtones en Saskatchewan. Je partage l'inquiétude de l'honorable sénateur au sujet de ce qu'ils pourraient obtenir en sus de ce qu'ils ont déjà. Je dois étudier attentivement la question.

(1610)

Le sénateur Andreychuk a fait valoir que les mesures proposées pourraient permettre à des Autochtones de n'importe où au pays d'aller chasser librement dans une autre région du pays. Je pense que c'était sa principale inquiétude. Elle a aussi mentionné qu'on n'avait pas traité équitablement les Autochtones. J'ai donc bien du mal à comprendre sa position sur toute la question des droits des Autochtones. Elle semble se livrer à un numéro d'équilibre quand elle dit avoir des difficultés et entretenir certaines réserves au sujet des amendements.

Je tiens à assurer à tous les honorables sénateurs, non seulement le sénateur Andreychuk, comme le dit le sénateur Adams, que les peuples autochtones ont un accord spécifique, en plus de la reconnaissance constitutionnelle. Cet accord est enchâssé dans la Constitution. Cet accord est clair et englobe les aspects administratifs et la question de savoir qui peut ou ne peut pas entrer dans les divers territoires. Mes commentaires visent aussi la Baie James et l'accord du nord du Québec. Les peuples autochtones de l'extérieur de la région jouissent également d'une certaine reconnaissance du droit de chasse dans certaines zones désignées. Ces questions ont été abordées. Des contrôles administratifs ont été mis en place.

Le gouvernement du Québec et le Nunavik ont déjà conclu un accord de gestion conjointe. Il existe un accord semblable à l'égard du Nunavut, qui faisait partie des Territoires du Nord-Ouest, et qui relève du gouvernement fédéral. Un accord de gestion conjointe existe également entre le gouvernement du Canada et les Inuits.

Je voudrais maintenant parler de la raison de l'amendement. Je n'apprécie guère l'idée que mes congénères aient à comparaître devant un tribunal. C'est pourtant ce qui se passera si nous adoptons cet amendement. Ce qui m'amène à me demander, en tant que parlementaire et politicien, si j'expose mes congénères à des poursuites judiciaires à cause de leur droit de chasse traditionnel.

Une autre question se pose également : serait-il mieux de n'avoir aucun amendement? Non. Si nous n'avons aucun moyen de nous défendre, si nous n'adoptons pas d'amendement et nous en remettons uniquement à l'article 35 et aux accords spécifiques pour nous défendre, nous nous retrouverons malheureusement dans une situation encore pire.

Honorables sénateurs, c'est la raison pour laquelle, bien que j'aie encore des réserves, il me semble nécessaire d'aller de l'avant, même si la situation n'est pas entièrement satisfaisante.

En ce qui concerne la disposition non dérogatoire, si cette disposition est respectée mot pour mot, comme à l'article 25 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, je me demande quelle serait l'utilité de ces amendements. En fait, le ministère de la Justice a décidé, peu après 1995, de trafiquer le libellé des dispositions législatives. Cela a pour effet de rogner lentement sur nos droits. Deux lois rognent sur nos droits. Il faut y mettre un terme.

Ayant déjà participé à des négociations, j'en viens à me demander si nous avons raison de continuer à nous en remettre aux tribunaux pour définir ces droits. Je crois qu'il nous faut accepter le fait que cela fait partie de nos responsabilités en tant que parlementaires. Le Sénat est l'endroit idéal pour commencer à analyser ce que nous faisons de mal. Nous devons rajuster le tir. Nous devons tous comprendre que nous sommes des parlementaires et qu'à ce titre nous devons nous acquitter de nos responsabilités. Au lieu de confier tout ce travail aux tribunaux, amorçons ici même le processus. Voilà ce que nous devons faire.

Le sénateur Carstairs dit espérer pouvoir progresser dans cette direction. Je défends ce dossier depuis longtemps. Je siège ici depuis 19 ans. Cela fait deux bonnes années que je tente de faire accepter cette notion, et nous ne bougeons pas. Voilà pourquoi, malgré toutes les réserves que nous pouvons avoir, il nous faut aller de l'avant.

Je suis certain que les honorables sénateurs comprennent qu'il s'agit d'un amendement très important et que nous devons en assumer les conséquences.

J'ai fait l'impossible, en tant que sénateur et en tant qu'Inuit, pour consulter mon peuple sur ces questions, et non seulement mon peuple, mais également les Métis et l'Assemblée des Premières nations. Malheureusement, encore une fois, nous ne sommes pas sur la ligne de front. Nous sommes invités à donner notre avis qu'à la fin du processus. Les choses seraient peut-être différentes si on pouvait faire un peu de place aux Autochtones à l'intérieur du système. Pour l'instant, ils n'ont pas de place. Nous devons être intégrés au système.

Son Honneur le Président : Y a-t-il des questions pour le sénateur Watt?

Le sénateur Cools : Je pense avoir une question à poser. J'avais prévu prendre la parole demain pour participer au débat sur ce projet de loi à l'étape de la troisième lecture, parce qu'on nous avait dit très clairement au caucus hebdomadaire du Sénat que les libéraux avaient jusqu'à jeudi pour prendre la parole à ce sujet. J'ai maintenant l'impression que le débat va prendre fin aujourd'hui. Pourrais-je avoir des précisions à cet égard? Je voudrais parler demain.

Son Honneur le Président : Ce qui se passe au caucus ne concerne que le caucus; nous sommes ici au Sénat. Vous pouvez poser des questions ou faire des observations au sujet du discours du sénateur Watt.

Le sénateur Carstairs : Si madame le sénateur veut prendre la parole demain et souhaite ajourner le débat, nous, de ce côté-ci, serions tout à fait disposés à lui laisser rassembler ses notes pour pouvoir parler demain.

[Français]

L'honorable Aurélien Gill : Honorables sénateurs, le sénateur Watt a élaboré sur la question des territoires de chasse autochtones. Avant même l'arrivée des Européens, il y avait des règles qui voulaient que des territoires de chasse soient assignés aux grandes familles autochtones et aux nations. Cela s'est poursuivi jusqu'à aujourd'hui. En ce qui a trait au territoire de la Baie de James dans l'Arctique, des règles ont déjà été confirmées par une entente. Par contre, chez nous, il n'y a pas d'entente. Les Innus ont des règles établies depuis toujours. Des terrains sont assignés pour certaines familles. Lorsque d'autres familles veulent chasser sur ces territoires, elles doivent demander la permission à la famille qui gère ce territoire, pour en extraire des ressources.

(1620)

Il ne faut pas penser que les règles du jeu commencent à s'établir aujourd'hui. La civilisation autochtone est millénaire. Il ne faudrait pas penser que le monde commence à exister aujourd'hui. C'est sur ces points que l'on voudrait apporter des suggestions au Sénat et pour lesquels on aimerait obtenir une collaboration. Le monde a déjà existé. Il faudrait continuer à bâtir ce monde et établir des relations convenables entre les Autochtones et les non-Autochtones. C'est ce qu'on essaie de faire. Plusieurs sénateurs, j'aimerais le souligner, comprennent déjà cela et essaient d'y participer.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Voulez-vous répondre à cette observation, sénateur Watt?

Le sénateur Watt : Non.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Andreychuk : Honorables sénateurs, je veux faire comprendre clairement au sénateur Watt que je ne suis pas contre l'amendement. Je n'ai jamais été préoccupée par la conduite des peuples traditionnels. Ma préoccupation relativement à l'inclusion de l'amendement est que le gouvernement du Canada comprenne que les droits des Autochtones doivent être respectés et que, lorsqu'il y a conflit, ces derniers retournent aux pratiques traditionnelles.

L'amendement n'a jamais été une source de préoccupation pour moi. Mon problème est que, parfois, le ministère de la Justice et les administrateurs de la justice d'un bout à l'autre du pays interprètent les mesures législatives.

En exprimant ces préoccupations ici, on se trouve à dire clairement au gouvernement qu'il doit agir dès le début, et non à la fin, et respecter pleinement les droits des Autochtones. Aucun langage permettant de passer outre à ces droits ne devrait être utilisé dans la législation.

Je tiens à féliciter le sénateur Watt d'avoir su exposer avec autant d'éloquence et de sensibilité ces questions au nom de tous les partis et de tous les Canadiens. A-t-il bien compris que mes préoccupations portent vraiment sur l'interprétation que donne souvent le gouvernement fédéral, par la suite, à de tels amendements? Par exemple, nous avons déjà proposé par le passé d'inclure des dispositions de non-dérogation, mais en vain. Trouvera-t-on un autre prétexte dans le libellé que nous proposons pour contourner l'esprit véritable de la disposition?

Le sénateur Watt : Honorables sénateurs, il nous arrive d'avoir affaire à une interprétation du gouvernement qui soit complètement différente de l'intention originale. Je ne m'attends pas à ce que la situation change aujourd'hui.

Le sénateur Cools : C'est profond.

Le sénateur Watt : Nous devons faire tout notre possible afin de continuellement exprimer la réalité des choses à cet égard. Les acteurs gouvernementaux qui formulent les lois et les politiques doivent penser à l'application pratique des mesures législatives. Sinon, les mesures finiront par n'être rien de plus que des politiques gouvernementales. Ce n'est pas d'hier que c'est comme ça que les choses se passent dans notre institution.

Comme je l'ai dit, je ne m'attends pas à ce que cela cesse. Notre responsabilité consiste à continuer de rappeler aux législateurs qu'il existe une réalité qu'ils doivent comprendre. Le fait est que nous sommes différents des Canadiens du Sud. Nous nous comportons différemment. Notre mode de vie, notre économie sont différents, car nous n'avons pas le même confort et ni la même facilité d'accès aux biens de consommation que les gens du Sud.

Cette protection peut sembler extraordinaire à un non-autochtone qui ignore tout de la vie quotidienne d'une personne qui vit dans le Nord. Bien des citoyens canadiens ignorent comment un habitant du Nord organise sa vie pour assurer sa survie et celle de sa famille.

En somme, comprenons-nous la façon dont votre système fonctionne? Je siège ici depuis assez longtemps maintenant pour avoir une certaine compréhension de la façon dont votre système fonctionne. Je n'adhère pas à toutes les règles et les procédures. Vous avez trop de règles et trop de lois. Et il vous arrive parfois de dépenser davantage d'argent que vous ne générez de recettes.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, notre collègue vient d'énoncer une grande vérité. Il y a trop de règles et de lois.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demanderais la permission d'ajourner maintenant. Je propose que tous les points figurant à l'ordre du jour et au Feuilleton demeurent dans leur ordre actuel.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 29 mai 2003, à 13 h 30.)


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