Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 62
Le mercredi 4 juin 2003
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATION D'UN SÉNATEUR
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- L'Agence des douanes et du revenu du Canada
- La santé
- La citoyenneté et l'immigration
- Les affaires étrangères
- Le développement des ressources humaines
- Visiteurs de marque
- La santé
- Le patrimoine
- Dépôt de réponses à des questions inscrites au
Feuilleton
- Développement des ressources humaines Canada—La Loi sur la sécurité de la vieillesse
- Patrimoine canadien—La reconnaissance des édifices patrimoniaux
- Patrimoine canadien—La Loi sur les parcs nationaux et la Loi sur les aires marines nationales de conservation
- Patrimoine canadien—Projet de loi constituant Bibliothèque et Archives
- Anciens combattants—La Loi sur les carburants de remplacement
- Affaires étrangères—La Loi sur les carburants de remplacement
- Revenu Canada—Le crédit pour frais médicaux des personnes handicapées
- La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale
- La pénurie de main-d'oeuvre dans les métiers techniques et spécialisés
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 4 juin 2003
La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATION D'UN SÉNATEUR
LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE
LE QUATORZIÈME ANNIVERSAIRE DU MASSACRE DE LA PLACE TIAN'ANMEN
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, il y a quatorze ans jour pour jour, le monde a été horrifié par les reportages télévisés et radiodiffusés sur le massacre survenu sur la place Tian'anmen. Ces événements ont soulevé un tollé, non seulement à cause de la mort d'innocents, mais également en raison de ce que toute cette violence représentait, c'est-à-dire une mesure de répression brutale des mouvements de démocratisation chinois, et de façon plus générale, une attaque contre les droits et libertés fondamentaux de l'homme.
Les événements de la place Tian'anmen ont attiré l'attention du monde entier sur la question des violations des droits de la personne en Chine. Près de quinze ans plus tard toutefois, les citoyens chinois continuent de subir la violence de leur gouvernement. Les rapports présentés par les organismes de défense des droits de la personne tels Amnistie Internationale et Human Rights Watch ne sont pas encourageants. Ces organismes font état d'une nouvelle tendance où l'on enferme les dissidents religieux et politiques dans un hôpital psychiatrique.
Dans le numéro du Globe and Mail du 31 mars, M. John Lloyd a dénoncé l'emprisonnement systématique. Citant l'expert en matière d'affaires chinoises Jonathan Mirsky, M. Lloyd a décrit en détail le traitement réservé aux adeptes du Falun Gong par les autorités chinoises. Selon M. Mirksy:
Des dizaines de milliers de personnes ont été détenues, arrêtées, accusées, emprisonnées et parfois même torturées, et des centaines ont été envoyées dans des hôpitaux psychiatriques.
Honorables sénateurs, la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont le gouvernement chinois continue de faire fi, prévoit que «Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.»
Il est essentiel que nous continuions à dénoncer vigoureusement les atrocités commises par le gouvernement chinois et que nous lui demandions de rendre des comptes sur les mesures de répressions utilisées envers ses propres citoyens.
En ce sombre jour d'anniversaire, honorables sénateurs, il est important que nous n'oubliions pas les leçons que nous avons apprises du massacre de la place Tian'anmen et que renouvelions notre engagement à l'égard de la lutte contre les violations des droits de la personne en Chine.
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'AGENCE DES DOUANES ET DU REVENU DU CANADA
LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LA SÉCURITÉ À LA FRONTIÈRE
L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat; elle concerne le chapitre 2 du dernier rapport de la vérificatrice générale. Ce chapitre a trait aux progrès accomplis par l'Agence des douanes et du revenu du Canada au titre de l'amélioration de la sécurité à la frontière depuis les événements du 11 septembre.
La vérificatrice générale félicite l'ADRC, mais elle souligne que des secteurs cruciaux de la sécurité à la frontière nécessitent une attention accrue. Cela inclut:
[...] intégrer les risques d'autres entités du gouvernement dans les évaluations de risques des douanes et l'analyse des résultats des examens afin d'obtenir de meilleurs renseignements pour le ciblage des voyageurs et des expéditions à risque élevé, analyser les résultats des vérifications de l'observation [...], et veiller à ce que les agents des douanes reçoivent à temps la formation dont ils ont besoin.
L'ADRC a dit qu'elle continuerait d'améliorer son rendement dans ces secteurs.
Honorables sénateurs, plus d'une année et demie s'est écoulée depuis le 11 septembre. L'ADRC a obtenu 433 millions de dollars pour les cinq prochaines années dans le cadre du financement de l'initiative de sécurité personnelle et économique des Canadiens. La vérificatrice générale soulève certaines questions qu'elle avait déjà signalées en 2000, il y a trois ans.
Madame le leader du gouvernement peut-elle apporter quelques éclaircissements quant à savoir pourquoi l'ADRC ne s'est pas acquittée de sa responsabilité de rendre notre frontière plus sûre dans de meilleurs délais? Est-ce un cas d'inertie bureaucratique, ou s'agit-il des conséquences d'un manque de leadership aux plus hauts échelons du gouvernement?
(1340)
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est inhabituel, mais je suis en désaccord sur tout ce qu'a dit l'honorable sénateur, car, en toute franchise, c'est tout à fait faux. Dans son rapport, la vérificatrice générale a reconnu les progrès remarquables, comme elle l'a dit elle-même, que l'ADRC et d'autres ministères avaient réalisé dans la mise en oeuvre du Plan d'action pour une frontière intelligente, ce qui comprend les questions de sécurité mêmes dont l'honorable sénateur a parlé.
Avons-nous maximisé le travail qui doit être fait? Non. Nous continuons de former de plus en plus de travailleurs. Nous concluons d'autres accords avec les États-Unis au sujet de la frontière intelligente, ce qui va non seulement permettre une meilleure surveillance pour empêcher que des indésirables n'entrent dans l'un ou l'autre des pays, mais en même temps permettre aux Canadiens ayant de bonnes références et qualités d'entrer aux États-Unis le plus rapidement possible et inversement, donner aux Américains ayant les mêmes qualités la possibilité d'entrer au Canada.
Le sénateur Di Nino: Il est intéressant que nous faisions une interprétation différente du même document, même si ce n'est pas totalement surprenant. J'ai dit que la vérificatrice générale félicitait l'ADRC pour les améliorations apportées. Cependant, lorsqu'on dit que les meilleurs renseignements pour cibler les gens à risque élevé ne sont pas reçus et lorsque la vérificatrice générale laisse entendre que les douaniers ne reçoivent pas à temps la formation dont ils ont besoin, je ne pense pas, honorables sénateurs, que ce soit un compliment.
Dans son rapport, la vérificatrice générale dit également que l'ADRC n'a pas systématiquement suivi les dépenses relatives aux projets reliés à la sécurité publique et à la lutte contre le terrorisme et qu'il est probable qu'elle ne puisse pas rendre pleinement compte de l'utilisation de ces fonds. C'est ce qu'elle dit. Comment les Canadiens peuvent-ils être assurés que les fonds alloués à l'ADRC pour les initiatives tendant à accroître la sécurité à la frontière et à lutter contre le terrorisme ont bien été dépensés si elle ne procède pas au suivi voulu et que vont faire les dirigeants de notre gouvernement pour remédier à cette situation?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, l'honorable ministre responsable a indiqué que l'ADRC était en train d'examiner toutes les observations et préoccupations de la vérificatrice générale et qu'elle allait y répondre rapidement.
Quant à savoir s'il est plus sûr d'entrer dans ce pays ou d'en sortir que ce ne l'était avant le 11 septembre, je crois que c'est assurément le cas. Avons-nous atteint tous nos objectifs? Notre propre comité sénatorial a dit que non. Il y a de toute évidence encore du travail à faire. Le gouvernement l'a reconnu et continue d'appliquer ces mesures.
LA SANTÉ
LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LES CRITÈRES DE L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ CONCERNANT L'EXPORTATION DE LA MALADIE
L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne l'épidémie de SRAS dans la région de Toronto. Toronto compte actuellement 64 cas actifs ou probables de SRAS, ce qui surpasse le chiffre de 60 à partir duquel l'Organisation mondiale de la santé émet un avis aux voyageurs concernant le SRAS. L'OMS a indiqué ne pas avoir décidé d'émettre un nouvel avis au sujet de Toronto, mais l'organisation est préoccupée par les bulletins selon lesquels la ville aurait exporté des cas de la maladie. Ces bulletins se rapportent peut-être à la rumeur selon laquelle un cas aurait été exporté à Philadelphie, mais peut-être aussi aux cinq cas de SRAS qui ont été signalés à Parry Sound, en Ontario, et qui proviendraient du groupe de cas de Toronto.
Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si, selon Santé Canada, les critères de l'OMS concernant l'exportation de cas concernent uniquement les cas exportés à l'extérieur du pays, ou s'il vise aussi les cas exportés de Toronto vers d'autres villes canadiennes?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je crois savoir que les déclarations de l'OMS visaient les cas de SRAS exportés à l'extérieur du Canada.
Cela dit, cette situation cause beaucoup d'inquiétude, car il est absolument crucial d'endiguer la maladie. C'est pourquoi deux personnes de Parry Sound ont été hospitalisées à Toronto, où elles bénéficient des soins appropriés.
Comme l'honorable sénateur le sait, l'OMS a décidé hier, au cours de sa réunion du mardi, de ne pas émettre d'avis conseillant aux voyageurs d'éviter Toronto. L'organisme applique trois critères. Le premier est le nombre de 60, que nous avons malheureusement légèrement dépassé. Le second critère est la propagation de la maladie au sein de la population, c'est-à-dire à l'extérieur du groupe des travailleurs de la santé. Jusqu'à maintenant, la maladie ne s'est pas propagée à l'extérieur de ce groupe. Tous les cas recensés provenaient du groupe initial des travailleurs de la santé. Le troisième critère, celui dont parlait l'honorable sénateur, est le cas d'une personne qui quitte le pays après avoir été infectée par le virus du SRAS. Il n'y a aucune preuve qu'une personne porteuse du virus du SRAS ait quitté le Canada depuis qu'on a identifié le premier groupe de cas. C'est pourquoi l'OMS s'est abstenue d'émettre un avis aux voyageurs.
Je devrais également signaler au sénateur parce que je crois que cela revêt une importance capitale pour nous tous, que le ministère de la Santé et l'OMS entretiennent des contacts quotidiens. Si l'OMS décidait de prendre d'autres mesures cette fois-ci, elle en informera le ministère de la Santé au préalable, pour que l'on puisse préparer des contre-arguments avant que de telles mesures soient prises et non après, comme cela est arrivé avec le premier groupe de cas.
Le sénateur Keon: Je vous remercie. Cela est digne de mention, et je suis certain que cela améliorera grandement la situation.
LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE—LE CONTRÔLE DES VOYAGEURS EN PARTANCE DE L'AÉROPORT INTERNATIONAL PEARSON
L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, le site Web de l'Organisation mondiale de la santé recommande encore le contrôle des voyageurs prenant l'avion à Toronto pour aller à l'étranger, ce qui suppose des entrevues obligatoires au comptoir d'enregistrement. La ministre de la Santé, Mme Anne McLellan, a déclaré que certaines compagnies aériennes se sont montrées plus coopératives que d'autres en ce qui concerne la réalisation de ces entrevues. Je dois dire, comme je suis passé par l'aéroport de Toronto deux fois en deux jours, que je n'envie pas les autorités qui doivent faire face à un tel problème.
Madame le leader du gouvernement pourrait-elle nous dire si le gouvernement pourrait faire en sorte que toutes les compagnies aériennes qui exploitent des vols à partir de l'aéroport Pearson fassent subir ces entrevues à leurs passagers en partance vers des destinations étrangères?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la ministre a dit que certains responsables étaient plus faciles à convaincre que d'autres. Je crois savoir que tous ont maintenant été convaincus de l'opportunité de ces entrevues.
Les passagers qui quittent le Canada franchiront un certain nombre d'étapes. Les agents des compagnies aériennes leur poseront des questions. Il y en trois principales. S'ils répondent oui à n'importe laquelle de ces questions, une infirmière en poste à l'aéroport leur fera subir une entrevue. S'ils présentent des signes d'infection, la marche à suivre déjà en place continuera de s'appliquer. Les précautions prévues dans ce système ont été renforcées depuis que le deuxième groupe de cas a été signalé. Espérons que le système est maintenant bien rodé et complètement opérationnel.
LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION
LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LA SURVEILLANCE MÉDICALE DES IMMIGRANTS
L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, dans un rapport de suivi rendu public la semaine dernière, la vérificatrice générale a exprimé des préoccupations concernant la surveillance médicale des immigrants arrivant au Canada. À l'heure actuelle, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ne connaît pas le pourcentage d'immigrants qui respectent les exigences touchant la surveillance médicale pour des maladies comme la tuberculose inactive, ni les délais dans lesquels ils le font. Par ailleurs, l'évaluation médicale des demandeurs du statut de réfugié ne se fait pas selon les mêmes délais d'une province à l'autre. Par exemple, au Québec, le délai est de cinq jours, mais en Ontario, il est de soixante jours. Comme nous l'a appris la crise créée par le SRAS à Toronto, il est crucial que nous soyons vigilants dans le dépistage et le traitement des maladies introduites dans notre pays et que nous réagissions aussi rapidement que possible.
Ma question à madame le leader du gouvernement au Sénat est simplement celle-ci: est-ce que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration travaille à l'élaboration de lignes directrices concernant l'évaluation et la notification rapides des immigrants relativement à leurs problèmes de santé et à l'obligation qui leur est faite de se présenter aux responsables de la santé publique?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est important de savoir exactement en quoi consiste le processus actuel. Pour le moment, ce n'est pas le même pour les immigrants et pour les réfugiés. Les immigrants sont examinés avant d'arriver au Canada.
(1350)
Quand ils arrivent au Canada, s'il est indiqué que, par exemple, ils souffrent de tuberculose inactive, et le mot «inactive» est important, les provinces reçoivent un avis que ces personnes sont entrées dans la communauté des immigrants.
Ce qui semble être beaucoup plus problématique, et ce sur quoi le ministère a convenu de faire enquête immédiatement à la suite du rapport de la vérificatrice générale en vue de prendre des mesures rectificatives, est le fait que les réfugiés, qui n'ont pas été examinés avant d'arriver au Canada, ne le sont pas tant qu'ils n'ont pas été acceptés comme réfugiés. Clairement, puisque ces gens, pour la plupart, ne sont pas incarcérés et qu' ils se retrouvent dans la collectivité, il est donc important qu'ils soient examinés et reçoivent tout traitement nécessaire dans les plus brefs délais. Le ministère reconnaît que ce problème ne reçoit pas l'attention qu'il mérite et y remédie.
Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, madame le ministre a répondu en partie à la deuxième question que j'ai posée, mais pas entièrement. Le rapport d'étape a révélé que, à l'heure actuelle, si l'examen médical établit qu'une personne nécessite une surveillance, les fonctionnaires du ministère de l'Immigration n'avisent le demandeur ou les autorités de la santé publique de la province ou du territoire visés que si la personne demande un permis de travail ou un visa d'étudiant, non lorsqu'elle obtient la citoyenneté. Il pourrait donc s'agir d'un citoyen canadien. Tant qu'il n'y a pas de demande de visa d'étudiant ou de permis de travail, rien n'est fait en matière de surveillance médicale.
J'aimerais que madame le leader du gouvernement au Sénat soit plus précise à ce sujet. Nous voulons savoir si le gouvernement fédéral collabore avec les provinces pour établir un processus précis et exact de déclaration médicale que les agents d'immigration pourraient suivre. À l'heure actuelle, le processus est chaotique. La situation ne se limite pas uniquement à ce qu'a déclaré l'honorable leader du gouvernement, cela s'y ajoute. J'aimerais avoir une réponse qui éclaircisse ce point.
Le sénateur Carstairs: Je ne pense pas que le sénateur Robertson soit très claire en ce qui concerne le fait qu'il peut s'agir de citoyens. Ils ne peuvent demander la citoyenneté tant et aussi longtemps que leur revendication du statut de réfugié n'a pas été officiellement acceptée. La déclaration est faite au moment de l'acceptation officielle de la revendication du statut de réfugié.
Le problème est lié à l'intervalle de temps entre l'arrivée au pays à titre de réfugiés et le moment où la revendication est acceptée. Pour l'instant, c'est sur ce point que le bât blesse. Le sénateur Robertson a bien raison de dire que c'est une véritable source de préoccupation. Le ministère collabore avec les provinces pour faire en sorte qu'il y ait un système de déclaration plus rapide, particulièrement en ce qui concerne deux maladies, en l'occurrence la tuberculose, qui est inactive, et la syphilis.
Le sénateur Robertson: En moyenne, combien de temps un réfugié doit-il attendre avant de devenir un citoyen canadien? Madame le ministre pourrait-elle indiquer la moyenne pour que nous puissions mieux déterminer la période d'exposition ?
Le sénateur Carstairs: Je n'ai pas de chiffres exacts en main. Néanmoins, je crois que, dans le moment, la moyenne est de trois à cinq ans. Il y a donc un écart considérable sur lequel nous devons nous pencher.
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'ÉTUDE SUR LES RELATIONS COMMERCIALES AVEC LES ÉTATS-UNIS ET LE MEXIQUE—DÉPÔT DU RAPPORT FINAL
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères. Les sénateurs se rappelleront que, le 21 novembre dernier, le Sénat a adopté un ordre de renvoi demandant au Comité des affaires étrangères de procéder à un examen de l'ALENA et de l'ALE. Le président du Comité des affaires étrangères pourrait-il dire à la Chambre si les audiences du comité ont débuté et quand nous pouvons espérer recevoir un rapport du comité?
L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, oui, nos audiences ont débuté. Le comité a tenu 25 ou 26 audiences et entendu toutes sortes de témoins. Nous avons entendu des témoins remarquables de Vancouver, de Calgary, de Winnipeg, d'Ottawa et des provinces atlantiques.
Nous mettons la dernière main à notre rapport. Sauf erreur, nous examinons la troisième ébauche. J'ai bon espoir que, avec la collaboration des membres du comité, nous pourrons déposer notre rapport d'ici la semaine prochaine. C'est du moins notre intention. Cependant, comme les sénateurs le savent, les rapports comportent toujours des éléments administratifs, comme la traduction, la correction et des choses de ce genre. Nous en sommes aux dernières étapes.
Le sénateur Kinsella: Je remercie le président du Comité des affaires étrangères de ces renseignements. Tous les sénateurs ont certainement hâte de recevoir un exemplaire du rapport sur l'examen de l'ALENA et de l'ALE.
Si ma question n'est pas jugée prématurée, j'ai remarqué en lisant la transcription d'une des séances que l'honorable ministre Pettigrew a comparu. Si j'ai bien lu le procès-verbal de la réunion du comité, M. Pettigrew a fait l'éloge du Comité des affaires étrangères pour avoir procédé à cet examen; est-ce exact?
Le sénateur Stollery: Honorables sénateurs, le ministre nous a félicités pour nos audiences.
Nous avons entendu les professeurs Helliwell et Harris, de Vancouver, deux des personnes les plus en vue au Canada au sujet de l'Accord de libre-échange. Comme tous les sénateurs le savent, je crois que nous célébrons le quatorzième ou le quinzième anniversaire de l'ALE et le dixième anniversaire de l'ALENA. Je crois que beaucoup de renseignements contenus dans notre rapport intéresseront vivement non seulement les sénateurs, mais également les Canadiens en général.
LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES
L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—L'AIDE AUX TRAVAILLEURS DE L'INDUSTRIE DU BOEUF
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et porte sur la crise dans l'industrie du boeuf, et surtout sur ses répercussions en Alberta.
Je suis convaincu que madame le ministre sait que 650 autres bêtes seront abattues en Alberta et qu'on procédera à des tests pour voir si elles étaient atteintes de la maladie de la vache folle; le nombre total d'animaux abattus se rapproche donc de 2 000. Quinze fermes de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique demeurent en quarantaine, ce qui accroît le nombre de chômeurs; à ce problème s'ajoute aussi celui de la frontière qui demeure fermée. Rien n'indique que cette frontière sera bientôt ouverte. Aux États- Unis, certains font pression pour que la frontière demeure fermée pendant quelque temps encore.
Tout cela m'amène à la question de l'aide aux quelque 500 à 1 000 travailleurs de l'Alberta déjà mis à pied. Le gouvernement du Canada ne veut pas renoncer à la période d'attente de deux semaines imposée à ceux qui demandent des prestations d'assurance-emploi, mais madame le ministre peut-elle nous dire si des discussions ou des négociations ont lieu relativement à la possibilité de venir en aide non seulement à ces travailleurs, mais aussi à de très nombreux travailleurs dans les secteurs connexes qui subiront de graves difficultés économiques si cette crise persiste? Existe-t-il un programme auquel le gouvernement fédéral pourrait participer ou qu'il pourrait lui-même mettre en oeuvre pour procurer de l'aide à ces gens?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux dire à l'honorable sénateur qu'il a parfaitement raison. Le délai de carence de deux semaines avant d'être admissible à l'assurance-emploi est maintenu, tout comme il est maintenu pour les travailleurs de toute autre industrie paralysée pour quelque raison que ce soit. Certaines personnes comparent cette situation à celle du SRAS, un cas où nous avons supprimé la période d'attente de deux semaines, mais il s'agissait alors d'une urgence médicale. Les gens confinés chez eux en quarantaine ne pouvaient chercher du travail en aucune circonstance. De même, nous voulions les inciter à respecter la quarantaine qui leur avait été imposée.
(1400)
Pour ce qui est des programmes d'aide, il est trop tôt pour parler de programmes précis, car les programmes d'aide pour le SRAS en sont encore à leur tout début. De la même façon, les programmes d'aide annoncés hier pour les pêches à Terre-Neuve ont tardé, le temps que nous puissions mesurer l'ampleur du problème. Néanmoins, je peux donner à l'honorable sénateur l'assurance que les ministres travaillent sur des plans à l'intention de cette industrie.
DRHC a dit très clairement qu'il utiliserait le régime d'assurance- emploi d'une manière innovatrice, si possible. Jusqu'à aujourd'hui, trois demandes de partage de travail en Saskatchewan ont été reçues par le ministère et approuvées, de façon que les travailleurs puissent maximiser leurs possibilités de travail et leurs avantages avec ceux qui ont été mis à pied. Ces programmes sont déjà en place.
En ce qui concerne l'aide à long terme, comme l'honorable sénateur l'a dit, la réouverture de la frontière est ce qui importe le plus. Plus tôt elle sera rouverte, moins les besoins en aide seront importants. Ce qui doit surtout préoccuper le gouvernement, c'est l'ouverture de la frontière. Toutefois, je donne à l'honorable sénateur l'assurance que les autres problèmes sont également à l'étude.
VISITEURS DE MARQUE
Son Honneur la Présidente intérimaire: Avant de donner la parole au sénateur Roche, je voudrais signaler aux honorables sénateurs la présence à la tribune de délégués de la mission d'étude des législateurs de Bahreïn.
[Français]
Son Honneur la Présidente intérimaire: Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Également, je tiens à souligner la présence dans nos tribunes de M. Guy Lafleur, invité du sénateur Mahovlich. Au nom de tous les sénateurs, monsieur Lafleur, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
[Traduction]
Des voix: Bravo!
LA SANTÉ
L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE—UN ORGANISME NATIONAL D'INSPECTION DU BOEUF
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, je remercie madame le ministre de sa réponse. Saisirait-elle le Cabinet des considérations humanitaires relatives à l'aide à accorder aux gens touchés par cette crise, considérations humanitaires qu'elle devrait normalement inclure dans ses démarches?
Je passe maintenant à une autre question importante concernant cette crise. Au coeur de celle-ci se trouve le système d'inspection parallèle de l'industrie bovine. Un abattoir relevant de la compétence provinciale avait inspecté la vache atteinte de la maladie de la vache folle parce que la viande de cet animal était destinée à la consommation intérieure et non à l'exportation à l'intérieur de la province, alors que les bovins destinés à la consommation à l'extérieur de la province sont assujettis à une inspection fédérale. Il est peut-être temps de réexaminer cette inspection parallèle. Le gouvernement a-t-il songé à établir une seule norme nationale d'inspection qui supposerait une collaboration fédérale-provinciale et qui permettrait de prévenir toute crise semblable?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de poser la question. Celui-ci n'ignore manifestement pas que le secteur agricole relève à la fois du gouvernement fédéral et des provinces. Les gouvernements provinciaux devraient évidemment convenir de tout système national de normes à appliquer. Toutefois, je puis assurer au sénateur que le ministre fédéral de l'Agriculture tiendra des discussions là-dessus. Il n'est pas nécessaire que le gouvernement fédéral s'occupe des inspections. Celles-ci pourraient continuer d'être faites au palier provincial, mais il serait extrêmement utile que les normes soient nationales et acceptées par les dix provinces et les trois territoires aussi bien que par le gouvernement fédéral. Compte tenu de la situation actuelle, il est certes urgent qu'on tienne ces discussions. Il y en a déjà eu dans le passé, mais il faut dire en toute justice qu'il n'y avait alors pas d'urgence. Il y a désormais urgence.
LE PATRIMOINE
L'ATTRIBUTION DES FONDS POUR LES CÉLÉBRATIONS DE LA FÊTE DU CANADA
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat et concerne les courriels que j'ai reçus de l'ouest du Canada concernant les fonds fédéraux attribués pour les célébrations de la Fête du Canada. Je ne dispose d'aucun document, mais, selon les courriels que je viens de recevoir de Canadiens de l'Ouest en colère, sur 8,3 millions de dollars, 5,4 millions sont allés au Québec; l'Alberta en a reçu 6 p. 100, et la Colombie-Britannique, 4 p. 100. Est-ce exact?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Oui, honorables sénateurs, c'est exact, et cela est directement attribuable au nombre accru de demandes de subvention provenant du Québec. Malheureusement, il semblerait peut-être que certains organisateurs n'aient pas présenté de demandes de subvention pour les festivités qu'ils tenaient, car je sais que des célébrations ont eu lieu dans l'ouest du pays. Rappelons que tous ceux qui ont soumis des demandes, et qui ont satisfait aux critères, ont obtenu une subvention. La grande majorité des demandes de subventions pour la fête du Canada et d'autres journées de festivités, comme la Journée nationale des Autochtones, provenaient du Québec.
Le sénateur St. Germain: Honorables sénateurs, je participe à l'organisation de la fête du Canada à Langley, fête qui attirait au départ quelque 200 personnes et qui en attire désormais des milliers. Le problème que les organisateurs ont connu ne tient pas au fait, je crois, qu'ils n'aient pas demandé de subvention. Les Canadiens de l'Ouest ont l'impression que les subventions qui leur sont accordées ne représentent qu'un pourcentage des fonds qu'ils ont demandés. Ils se demandent donc si les règles qui s'appliquent dans l'ouest du Canada sont identiques à celles qui s'appliquent au Canada central. Les Canadiens de l'Ouest sont déçus de constater que la Colombie- Britannique ne reçoit que 4 p. 100 du montant total des subventions. Je sais que dans la région que je représente, de grandes célébrations sont organisées pour souligner la fête du Canada et je sais aussi que, dans un cas, les organisateurs avaient demandé quelque chose comme 100 000 $, je n'ai pas de chiffres précis, et ils n'ont reçu que 15 000 $ ou 30 000 $. Obtenons-nous le même pourcentage que les autres provinces?
Le sénateur Carstairs: Le montant de la subvention est fonction de la demande et doit répondre à des critères qui sont les mêmes dans tout le pays. Les critères s'appliquent de façon uniforme partout au pays. Ils sont identiques. Ils ne varient pas d'une province à l'autre.
[Français]
Son Honneur la Présidente intérimaire: Honorables sénateurs, le temps alloué à la période des questions est écoulé.
DÉPÔT DE RÉPONSES À DES QUESTIONS INSCRITES AU FEUILLETON
DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES CANADA—LA LOI SUR LA SÉCURITÉ DE LA VIEILLESSE
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 111 inscrite au Feuilleton par le sénateur Stratton.
PATRIMOINE CANADIEN—LA RECONNAISSANCE DES ÉDIFICES PATRIMONIAUX
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 112 inscrite au Feuilleton par le sénateur Stratton.
PATRIMOINE CANADIEN—LA LOI SUR LES PARCS NATIONAUX ET LA LOI SUR LES AIRES MARINES NATIONALES DE CONSERVATION
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 113 inscrite au Feuilleton par le sénateur Stratton.
PATRIMOINE CANADIEN—PROJET DE LOI CONSTITUANT BIBLIOTHÈQUE ET ARCHIVES
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 115 inscrite au Feuilleton par le sénateur Stratton.
ANCIENS COMBATTANTS—LA LOI SUR LES CARBURANTS DE REMPLACEMENT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): dépose les réponses aux questions nos 71 et 72 inscrites au Feuilleton par le sénateur Kenny.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES—LA LOI SUR LES CARBURANTS DE REMPLACEMENT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 85 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kenny.
REVENU CANADA—LE CRÉDIT POUR FRAIS MÉDICAUX DES PERSONNES HANDICAPÉES
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 123 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kinsella.
[Traduction]
LA LOI CANADIENNE SUR L'ÉVALUATION ENVIRONNEMENTALE
PROJET DE LOI MODIFICATIF—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ
Permission ayant été accordée de revenir à la présentation des rapports des comités permanents ou spéciaux:
L'honorable Tommy Banks, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant:
Le mercredi 4 juin 2003
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son
HUITIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-9, Loi modifiant la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 13 mai 2003, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Respectueusement soumis,
Le président,
TOMMY BANKS
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Kenny, la troisième lecture de ce projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1410)
LA PÉNURIE DE MAIN-D'OEUVRE DANS LES MÉTIERS TECHNIQUES ET SPÉCIALISÉS
AVIS D'INTERPELLATION
Permission ayant été accordée de revenir aux avis d'interpellation:
L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 57(2) du Règlement, je donne avis:
Que, lundi prochain, le 9 juin 2003, j'attirerai l'attention du Sénat sur le problème de la pénurie de main-d'œuvre qui s'aggrave dans les métiers techniques et spécialisés.
ORDRE DU JOUR
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je crois comprendre que, sous réserve du consentement du parti ministériel et par courtoisie envers notre collègue, le sénateur Andreychuk, l'affaire dont elle souhaite nous entretenir sera appelée en premier.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous sommes d'accord pour que l'article no 108 à l'ordre du jour soit abordé maintenant pour satisfaire certains sénateurs.
[Traduction]
DROITS DE LA PERSONNE
AUTORISATION AU COMITÉ D'ÉTUDIER DES ASPECTS JURIDIQUES AYANT
UNE INCIDENCE SUR LES BIENS IMMOBILIERS MATRIMONIAUX SITUÉS
DANS UNE RÉSERVE EN
CAS DE RUPTURE D'UN MARIAGE OU D'UNE UNION DE FAIT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maheu, appuyée par l'honorable sénateur Bacon:
Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les aspects juridiques clés ayant une incidence sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés sur une réserve en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait ainsi que leur contexte politique particulier.
Le Comité sera notamment autorisé à examiner:
- L'interaction entre les lois provinciales et les lois fédérales en ce qui concerne la répartition des biens matrimoniaux (biens personnels et immobiliers) se trouvant sur une réserve et, en particulier, l'exécution des décisions des tribunaux;
- La pratique de l'attribution des terres sur les réserves, en ce qui concerne en particulier, l'attribution coutumière;
- Dans le cas de mariage ou d'union de fait, le statut des conjoints et la façon de répartir les biens immobiliers en cas de rupture d'une union; ainsi que,
- Les solutions possibles qui maintiendraient un équilibre entre les intérêts personnels et les intérêts communautaires.
Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 27 juin 2003;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Carney, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Keon, que la motion soit modifiée, au premier paragraphe, en remplaçant les mots «le Comité sénatorial permanent des droits de la personne» par les mots «le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones»; et
Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 mars 2004 au lieu du 27 juin 2003.—(L'honorable sénateur Andreychuk).
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'accorder le privilège de prendre la parole en premier cet après-midi. Je ne prendrai que quelques minutes de votre temps.
Cette motion vise à autoriser le Comité sénatorial permanent des droits de la personne à étudier des aspects juridiques ayant une incidence sur les biens immobiliers matrimoniaux situés dans une réserve en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait. Cette question n'a rien de nouveau. Le Sénat a, de bien des manières et à diverses occasions, souligné les problèmes entourant les mariages ou les unions de fait dans les réserves. En fait, le gouvernement a dit, à un certain nombre d'occasions, qu'il étudierait cette question.
La motion soulève une question fondamentale, celle de savoir comment harmoniser les droits collectifs des peuples autochtones du Canada tels qu'ils sont énoncés à l'article 25 de la Charte canadienne des droits et libertés et à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 avec le droit à l'égalité qui est conféré à tous les Canadiens et qui est protégé par l'article 15 de la Charte.
Dans le contexte du présent débat, je veux féliciter le sénateur Rossiter de son analyse détaillée et de son raisonnement pour appuyer l'amendement et, en fait, de proposer d'autres options.
Même si je peux appuyer l'amendement et peut-être toute autre option à cet égard, je voulais simplement signaler que ce n'est pas le moment de continuer notre étude de cette question. En fait, le problème est bien connu. Les questions juridiques ont déjà été étudiées et déterminées et les aspects liés aux droits de la personne ont été relevés. Ainsi, il est temps d'agir et non d'étudier.
À cet égard, je voudrais vous faire part de quelques-unes des études qui ont été entreprises jusqu'à maintenant. Ce sont, premièrement, le rapport de 1997 de la Commission royale sur les peuples autochtones; deuxièmement, le document de travail intitulé «Les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves» publié le 28 novembre 2002 par le cabinet Cornet Consulting & Mediation qui, si je ne m'abuse, a été engagé par le gouvernement du Canada; troisièmement, le rapport Where are the women? de la représentante spéciale sur la protection des droits des femmes des Premières nations publié le 12 janvier 2001; quatrièmement, un article intitulé «Home-land» par Mary Ellen Turpel, en 1991, dans le volume 18 de la Revue canadienne de droit familial, à la page 17; et cinquièmement, le rapport de 1998 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies qui a noté avec préoccupation l'incapacité du Canada d'assurer la protection égale de la loi aux femmes autochtones et non autochtones en ce qui concerne les biens immobiliers matrimoniaux. On en discute à la page 7 du document de travail intitulé «Les biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves».
Honorables sénateurs, je pourrais vous signaler beaucoup d'autres articles et rapports publiés par la collectivité autochtone et par le gouvernement du Canada. Je crois que ce n'est pas le moment d'étudier. Nous avons les faits. Je le répète, ce n'est pas une question juridique. Les questions juridiques ont été déterminées et les conséquences des positions juridiques sont connues. Il est bien connu qu'il y a une violation des droits de la personne. Il n'y a pas une protection égale des femmes vivant dans les réserves comparativement à celles vivant à l'extérieur des réserves.
Les dirigeants autochtones ont reconnu que c'est une question sur laquelle ils vont se pencher, y compris dans le cadre des négociations touchant les Nisga'as. Le chef, lorsqu'il est venu ici, a déclaré qu'il allait examiner cette question. Dans ma province, les Autochtones ont noté cette question, à l'instar du gouvernement de la Saskatchewan.
Lorsque nous avons étudié le projet de loi C-23 au Comité des affaires juridiques, nous avons estimé qu'il était temps d'agir. Nous nous sommes engagés à ce moment-là à ce que le gouvernement procède rapidement et à nous tourner vers la collectivité autochtone. Ainsi, je suis perplexe et je m'inquiète quelque peu de voir que nous allons retarder la défense de ce droit fondamental de la personne. Il n'y a rien de plus à étudier. Il est temps d'avoir la volonté politique d'agir. Je pense que nous avons tous une responsabilité de fiduciaire de ne pas retarder davantage les mesures à prendre. Le gouvernement a certes les renseignements voulus.
Si le gouvernement a des hésitations quant au processus et à la façon de traiter avec les dirigeants autochtones dans ce dossier, je crois que seul le Comité des peuples autochtones est en mesure de convoquer les témoins et de donner les conseils voulus. Je crois que, même devant cette tribune-là, les dirigeants autochtones ont donné ce conseil directement au gouvernement. J'exhorte la Chambre à ne pas poursuivre l'examen de la question, mais à reconnaître et appliquer intégralement la Charte des droits et libertés et à accorder aux hommes et aux femmes autochtones qui vivent dans les réserves le même traitement qu'à ceux d'entre nous qui vivent à l'extérieur des réserves.
[Français]
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je crois que, pour les raisons invoquées par ma collègue, ce sujet ne devrait pas faire l'objet d'une étude comme telle. L'égalité entre les hommes et les femmes a été étudiée à fond. En plus de l'article 15 de la Charte des droits et libertés, l'article 28 dit très clairement que, nonobstant tout ce qui est écrit dans la Charte des droits et libertés, les droits s'appliquent également aux hommes et aux femmes.
Ceci est très vrai en droit constitutionnel. Je crois que nous n'avons pas à aller plus loin sur ce plan.
(1420)
J'ai toujours été d'avis, tant au Sénat qu'au Comité des droits de la personne, que si cette motion était renvoyée à un comité, elle devrait être renvoyé au Comité des peuples autochtones. À ce moment, les sénateurs pourront participer aux travaux de ce comité. Pour cette raison, j'appuie entièrement les propos de l'honorable sénateur sur ce point précis.
[Traduction]
Son Honneur le Président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?
Des voix: Le vote!
Son Honneur le Président: Nous en sommes à l'amendement proposé par le sénateur Carney. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?
Des voix: Non.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, procédons en bonne et due forme.
Que ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que ceux qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Je crois que les non l'emportent. La motion d'amendement est donc rejetée avec dissidence.
La Chambre est-elle prête à se prononcer sur la motion principale?
Des voix: Le vote!
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: Oui.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Je mettrai officiellement la motion aux voix.
Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Je crois que les oui l'emportent. La motion est adoptée.
Le sénateur Lynch-Staunton: Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence.)
PROJET DE LOI D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2003
DEUXIÈME LECTURE
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-28, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 18 février 2003.
L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, le projet de loi C- 28, Loi d'exécution du budget, est une mesure omnibus de quelque 135 pages. Je vais parler brièvement des éléments principaux de ce projet de loi, qui, de façon générale, renferme des mesures annoncées dans le budget du mois de février dernier.
[Français]
Tout d'abord, il confirme que le nouveau ministre des Finances a fréquenté la même école de comptabilité que l'ancien. On nous demande encore une fois d'approuver des dépenses qui seront comptabilisées dans les livres d'un exercice antérieur, bien que le gouvernement ne dépensera pas un sou avant cette année ou l'an prochain et, dans certains cas, avant dix ans.
Le projet de loi C-28 prévoit le versement de 1,5 milliard de dollars à une fiducie pour l'équipement diagnostique et médical, montant qui sera comptabilisé dans les livres de l'an dernier. En 2000, une somme affectée à une fiducie semblable a fini par financer l'achat de tondeuses à gazon. Le gouvernement a promis des sauvegardes pour faire en sorte qu'une telle situation ne se reproduise plus. Nous l'aurons à l'oeil.
[Traduction]
Le projet de loi C-28 autorise le gouvernement à accorder des subventions d'un maximum de 250 millions de dollars à la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable; de 50 millions de dollars à la Fondation canadienne pour les sciences du climat et de l'atmosphère; de 600 millions de dollars à l'Inforoute Santé du Canada Inc.; 25 millions de dollars à la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé; 70 millions de dollars à l'Institut canadien d'information sur la santé; 500 millions de dollars à la Fondation canadienne pour l'innovation; et 75 millions de dollars à Génome Canada.
À l'exception des paiements à la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable, toutes les subventions doivent être engagées pour 2002-2003. Par magie, le résultat comptable net, c'est que le surplus de l'an dernier est tombé à zéro.
Dans son rapport du mois d'avril 2002, la vérificatrice générale a soulevé plusieurs préoccupations concernant le recours aux fondations. Tenant compte d'une de ces préoccupations, le projet de loi C-28 prévoit que toute somme non engagée doit être renvoyée au gouvernement par la Fondation canadienne pour l'innovation, la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire et la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable. Cette obligation aurait dû être prévue dès le départ.
Toutefois, le gouvernement a rejeté ces préoccupations relativement à la reddition de comptes de ces fondations. Il préfère trafiquer les chiffres.
[Français]
Le projet de loi C-28 contient deux mesures qui touchent l'assurance-emploi.
En premier lieu, il prévoit le versement de nouvelles prestations pendant une période maximale de six semaines aux personnes qui dispensent des soins à un membre gravement malade de leur famille et qui risque de décéder dans les 26 semaines suivantes. Nous accueillons chaudement cette mesure.
En deuxième lieu, le projet de loi C-28 fixe à 1,98 $ le taux de cotisation à l'assurance-emploi pour 2004. C'est la troisième année consécutive que le gouvernement passe outre à l'exigence portant sur la prise en considération de l'état du compte d'assurance-emploi avant l'établissement du taux de cotisation.
Le gouvernement prétend que le taux de 1,98 $ représente le point mort pour 2004, c'est-à-dire la différence entre ce que cela coûte et ce que l'on débourse. C'est en fait une réduction des prestations. En fait, cela est exact seulement si l'on ne tient pas compte de l'intérêt sur l'excédent du compte d'assurance-emploi, sinon le taux de cotisation serait plutôt de 1,75 $, c'est-à-dire un gros 20 cents de moins.
Le gouvernement continue de maintenir artificiellement les cotisations à la hausse, ce qui fait gonfler l'excédent cumulatif de l'assurance-emploi.
Le gouvernement croit que le fait d'établir les taux dans la loi pour encore une autre année lui donnera le temps de tenir des consultations sur la fixation des taux pour les années à venir, bien qu'il semble avoir déjà décidé de fermer les yeux sur l'excédent du compte d'assurance-emploi. Cela fait quatre ans que le gouvernement étudie cette mesure et apparemment, cela nécessite encore des études. Cela a l'air bien compliqué. Pourtant, il y a déjà des actuaires qui ont répondu à cette question.
Honorables sénateurs, il y a trois ans, le gouvernement s'est arrogé le pouvoir d'établir des cotisations, pouvoir qui revenait autrefois à la Commission de l'assurance-emploi, un organisme indépendant. Il a justifié son geste en disant qu'il voulait utiliser le mode de fixation des taux! Il étudiera le dossier pendant encore combien de temps?
Je n'y vois qu'une manoeuvre dilatoire conçue pour permettre au gouvernement d'accumuler des fonds au moyen du programme d'assurance-emploi pendant qu'il essaie de trouver un moyen légal de garder l'excédent de 50 milliards de dollars soutiré aux travailleurs canadiens et à leurs employeurs.
Par ailleurs, honorables sénateurs, le projet de loi C-28 augmente les transferts fédéraux.
En 1993, le gouvernement fédéral versait aux provinces des transferts pécuniaires totalisant environ 19 milliards de dollars en vertu du Régime d'assistance publique du Canada et de ce que l'on a appelé le financement des programmes établis. Paul Martin a réuni ces deux programmes en un seul Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et il a amputé les transferts pécuniaires de 12,5 milliards de dollars en 1996.
Malgré l'excédent affiché depuis 1997, il a fallu attendre 2002 pour que les paiements de transfert dépassent les niveaux auxquels ils s'établissaient lorsque le gouvernement actuel est arrivé au pouvoir. Pendant neuf ans, le gouvernement fédéral a sabré dans les transferts aux provinces, ce qui a forcé celles-ci à réduire les services de santé par des mises à la retraite des médecins, des infirmières, et cetera. Les malades ont écopé par la file d'attente.
Ce projet de loi divise le fonds de transfert canadien en deux transferts distincts et crée un fonds pour la réforme de la santé, de manière à ce que les transferts pécuniaires s'établissent à environ 28 milliards de dollars en 2007.
C'est à peu près les montants que les transferts auraient atteint si, en 1993, ils avaient simplement été indexés aux taux d'inflation et de croissance de la population.
Par ailleurs, pendant que le gouvernement s'adresse des félicitations dans le budget et nous dit combien il entend dépenser au cours de chacun des exercices jusqu'en 2010, il ne légifère pas après 2007. Ce projet de loi ne prévoit aucun engagement à long terme en matière de santé et de d'éducation. Les provinces, qui présentent déjà des arguments de taille relativement à leur capacité fiscale, pourraient fort bien se retrouver le bec à l'eau dans cinq ans.
Pendant ce temps, le premier ministre fait la leçon au président des État-Unis.
(1430)
Le projet de loi C-28 supprime également le plafond des paiements de péréquation versés aux provinces. Si, comme le laissent entendre les rumeurs, l'actuel premier ministre songe à proroger le Parlement à l'automne et si le nouveau premier ministre a l'intention de déclencher des élections peu après son arrivée, ils pourraient vouloir garder à l'esprit que le programme de péréquation prendra fin le 31 mars prochain, à moins que le Parlement n'adopte une loi pour le renouveler.
[Traduction]
Le projet de loi C-28 réduit la taxe à la sécurité aérienne, qui passera de 12 $ à 7 $ pour les voyages intérieurs.
Cette taxe a été annoncée en 2001 pour financer les mesures de sécurité dans les aéroports. C'est une mesure controversée depuis le début, à la fois à cause de son incidence sur le transport aérien et à cause de l'hésitation du gouvernement à rendre des comptes sur la façon dont cet argent est dépensé. Rien dans ce projet de loi ne forcera le gouvernement à nous rendre des comptes à cet égard.
Le projet de loi C-28 augmente d'un montant pouvant atteindre 185 $ par enfant le supplément de la Prestation nationale pour enfants, qui est versé aux familles à faible revenu, ce qui fera plus de 5 000 $ pour une famille à faible revenu avec trois enfants. Cela vient s'ajouter à la prestation fiscale pour enfants. Comme vous voyez, je suis un homme objectif et je l'ai d'ailleurs toujours été.
Le projet de loi C-28 crée aussi une prestation pour enfants handicapés de 1 600 $ par enfant pour les familles à faible revenu qui ont des enfants handicapés. Les premières prestations pour enfants handicapés ne seront pas versées avant mars 2004. À ce moment-là, les familles admissibles recevront des prestations rétroactives à juillet 2003.
Le gouvernement dit que ce délai de neuf mois avant qu'on ne commence à verser les prestations est nécessaire pour donner le temps à l'Agence des douanes et du revenu du Canada de mettre le système en place. Cependant, par pure coïncidence, il se pourrait que des élections soient déclenchées vers mars 2004.
Il n'est pas difficile d'imaginer la campagne de publicité qui entourera l'envoi des premiers chèques qui, à cause de la rétroactivité, seront d'environ 1 200 $. Les honorables sénateurs se souviennent-ils comme moi des allocations familiales en 1945? Mackenzie King est venu à Québec et a gagné la province tout entière grâce à cette promesse-là. C'est ce qu'on appelle acheter des votes.
J'aimerais attirer votre attention sur deux détails au sujet de ces crédits. Premièrement, il y a une question de comptabilité. Bien que le gouvernement dise que cela représente un allégement fiscal, la vérificatrice générale maintient qu'une dépense de ce genre devrait être comptabilisée comme une augmentation des dépenses et non comme une réduction des recettes. Il y a une grande différence entre les deux. Deuxièmement, pour que les prestations soient le plus généreuses possible, le gouvernement en récupère la plus grande partie possible, jusqu'à un tiers pour ceux qui ont trois enfants ou plus.
Quand on combine ce projet de loi avec les autres taxes, impôts et recouvrements fiscaux auxquels font face les Canadiens à faible et à moyen revenu, le résultat peut être bizarre. La plupart du temps, les recouvrements fiscaux sévères qui accompagnent le supplément de la Prestation nationale pour enfants et la prestation pour enfants handicapés font en sorte qu'il ne reste plus rien de ces deux prestations à partir du moment où la famille accède à la catégorie des ménages disposant d'un revenu moyen. Il ne reste plus rien lorsque le gouvernement se met à recouvrer les autres prestations fondées sur le revenu offertes par l'entremise du crédit pour TPS et de la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Ce n'est pas le cas si un enfant sur trois est handicapé, ni si la famille compte quatre enfants non handicapés ou plus.
Afin d'illustrer mes propos au leader du gouvernement, prenons le cas d'une mère monoparentale qui habite au Manitoba avec ses trois enfants, dont deux sont handicapés. Elle gagne 35 000 $ par année et a l'occasion d'obtenir 1 000 $ supplémentaires. Sur cette somme, elle versera 220 $ en impôts au fédéral et 149 $ au provincial. La réduction d'impôt provincial pour famille sera réduite de 10 $. Son crédit pour TPS sera réduit de 50 $. Le montant de sa prestation nationale pour enfants et celui de la prestation pour enfants handicapés seront réduits de 321 $. Le montant de la prestation fiscale canadienne pour enfants auquel elle a droit sera réduit de 50 $, une fois enlevés les crédits d'impôts fédéral et provincial. Elle devra également verser 15 $ supplémentaires en cotisations d'assurance-emploi et 36 $ de plus au RPC. Cela fait un montant total de 851 $, ce qui correspond à un taux marginal d'imposition de 85 p. 100. Voilà ce qu'il lui en coûtera d'avoir gagné 1 000 $ de plus.
Des voix: Oh, oh!
Le sénateur Bolduc: Et c'est ce que nous appelons un gouvernement plein de compassion. N'est-ce pas extraordinaire?
Des voix: Bravo!
Le sénateur Bolduc: Si elle doit payer des frais de garderie, cela signifie qu'elle devra payer pour travailler. Qu'est-ce qui motive dans ce cas une personne à travailler et à améliorer son niveau de vie? Quelle est cette justice sociale qui justifie un taux d'imposition de 85 p. 100 à un niveau salarial de 35 000 $? Je ne comprends pas la logique derrière tout cela.
Le projet de loi C-28 annulera une décision prise par le tribunal en mars 2002, laquelle accordait le crédit d'impôt pour personnes handicapées à ceux qui doivent passer beaucoup de temps à faire leurs courses ou à préparer leurs aliments en raison de problèmes alimentaires. Je ne serais pas étonné que nous en entendions parler en comité.
Aux termes de la loi actuelle, le plafond de cotisation à un REER devait passer de 13 500 $ cette année à 15 500 $ en 2005. Le projet de loi C-28 augmente plutôt le plafond à 18 000 $ et prévoit une indexation pour les années subséquentes.
Le plafond des cotisations était déjà à 15 500 $ avant que Paul Martin ne décide de le réduire à 13 500 $ dans son budget de 1995. Sans cette réduction, l'indexation l'aurait de toute façon porté à 18 000 $ d'ici 2006. Ce projet de loi sert en fait à annuler les modifications apportées par M. Martin au budget il y a huit ans.
La règle qui restreint les contributions à 18 p. 100 du revenu gagné n'est pas modifiée. Dans cette optique, certains critiques ont souligné que la limite annuelle de 18 000 $ ne s'appliquera qu'à ceux qui tirent des revenus de plus de 100 000 $.
Il y a plusieurs mesures fiscales d'allègement dans ce budget qui sont bien entendu les bienvenues, dont le roulement de gains en capital, la liste des dépenses médicales, le report des REER, la réduction du taux d'imposition des petites entreprises, l'élimination de l'impôt sur le capital, le crédit d'impôt à l'exploration minière et une augmentation du crédit d'impôt pour les films et les services de production vidéo.
Toutefois, cet allégement fiscal est plutôt limité et il ne fait rien pour alléger le fardeau fiscal des Canadiens à revenu moyen.
[Français]
Le projet de loi C-28 apporte également quelques modifications à la taxe d'accise et à la taxe de vente. Je veux dire quelques mots au sujet de l'une de ces modifications.
Il y a quelques années, un tribunal rendait une décision défavorable au gouvernement au sujet du remboursement de la TPS applicable aux services de transport scolaire. L'explication est très technique, mais je vais faire de mon mieux pour la simplifier.
Il s'agissait de déterminer si le remboursement devait s'établir à 100 p. 100 de la TPS parce que les services de transport scolaire sont une activité imposable, ou encore à 68 p. 100, c'est-à-dire le remboursement applicable aux organismes de services publics.
Un groupe de 29 commissions scolaires du Québec contestait le remboursement de 68 p. 100. La Cour fédérale a rendu une décision unanime en leur faveur dans l'affaire désormais connue sous le nom de l'«affaire des Chênes».
De nombreuses autres commissions scolaires non seulement du Québec mais aussi de l'Ontario, du Manitoba et des provinces maritimes ont attendu le dénouement de l'«affaire des Chênes» avant d'entamer à leur tour une contestation judiciaire.
Lorsque la Cour fédérale a rendu sa décision, ces commissions scolaires ont engagé des poursuites contre le gouvernement, lequel faisait valoir que les faits n'étaient pas tel que présentés par les commissions. Une entente à l'amiable est alors intervenue de bonne foi et prévoyait que le deuxième groupe de commissions scolaires bénéficierait des mêmes avantages que le premier, à la condition que les faits soient identiques. L'affaire n'a jamais été portée devant la Cour fédérale. Toutefois il y avait eu une entente entre le gouvernement et les commissions scolaires, et les avocats du gouvernements ont dit que l'entente fonctionnerait.
Quelques semaines après cette entente, le dernier vendredi précédant le jour de Noël 2001, le gouvernement a annoncé qu'il adopterait une loi pour confirmer que le remboursement intégral ne s'appliquerait que dans les affaires qui avaient été jugées par la Cour fédérale. Tant pis pour les autres. Les gens ordinaires croient le gouvernement. J'ai travaillé avec beaucoup d'hommes d'affaires et lorsqu'ils s'entretenaient avec des gens du gouvernement, ils les croyaient sur parole. Parfois, le gouvernement se rétracte. Ce n'est pas très sérieux et les gens deviennent cyniques.
Par ailleurs, il a annoncé que la loi s'appliquerait rétroactivement à 1990, au moment où la TPS est entrée en vigueur, pour faire en sorte que personne d'autre ne puisse se prévaloir du remboursement intégral.
(1440)
Honorables sénateurs, cette mesure soulève de graves problèmes. Ces derniers seront, bien sûr, étudiés en comité mais, à mon avis, cette mesure n'a pas de sens. J'ai examiné de près la question. Nous disposons de très bons avocats — dont un ancien ministre des Finances du Parti libéral — qui présenteront un dossier.
Les commissions scolaires, avec qui le gouvernement avait négocié une entente, ne sont pas visées par le projet de loi C-28. Ce texte législatif laisse clairement entendre à quiconque ayant l'intention de négocier un règlement avec le gouvernement en matière fiscale d'oublier cette idée; le gouvernement pourrait fort bien ne pas négocier de bonne foi; il est préférable d'aller en cour et d'obtenir une décision judiciaire.
Deuxièmement, nous allons créer différentes règles fiscales pour différentes commissions scolaires, peu importe si elles étaient visées ou non par une décision rendue en 1991 sur une affaire fiscale. Voilà un manque de cohérence aberrant en matière de politique fiscale.
À mon avis, certaines personnes au ministère des Finances ont voulu prendre un raccourci au profit de l'efficacité. Quel geste ridicule, pour sauver quelques millions et se mettre à dos une série d'organismes publics et de gens élus à travers la société québécoise, ontarienne, des Maritimes et manitobaine! Je trouve donc ce geste plutôt malhabile.
Il s'agit bien d'une erreur bureaucratique. Je doute que le ministre en soit responsable. Il n'a d'ailleurs pas le temps de s'occuper de ce genre de problème. Cette erreur bureaucratique doit être réparée.
Au Sénat, nous ne sommes pas bien placés pour dire que nous allons changer le budget. Toutefois, nous pouvons nous prononcer avec suffisamment de force pour faire en sorte que la Chambre des communes rectifie la situation.
Lorsque le gouvernement annonce un changement visant le droit fiscal, ce changement entre généralement en vigueur à la date ou au cours de l'année où il est prononcé. Dans la présente cause, on nous demande d'adopter une loi rétroactive à il y a 13 ans.
Le ministre, étant avocat de profession, en examinant la question de plus près, comprendra très vite qu'il faut apporter des changements à cette mesure.
L'honorable ministre MacEachen a, dans le passé, su apporter jusqu'à 15 amendements à son budget. Je présume que l'honorable ministre Manley peut en faire autant.
À quoi pouvons-nous désormais nous attendre? Devons-nous nous attendre à des modifications à la Loi sur l'impôt sur le revenu antidatées pour tenir compte des réformes de 1971 de M. Benson? Devons-nous nous attendre à des révisions à la Loi sur l'impôt datant du temps de la guerre en 1917? Tout est possible.
[Traduction]
Honorables sénateurs, le projet de loi C-28 supprime le compte de service et de réduction de la dette, ce qui signifie que la loi n'exigera plus que toutes les recettes nettes tirées de la TPS aillent au service et à la réduction de notre dette. Les libéraux se sont faits élire, il me semble, en promettant de supprimer la TPS et non le compte de service et de réduction de la dette.
Dans la même veine, enfin, je tiens à signaler que la baisse des impôts à laquelle nous avons assisté jusqu'à maintenant a été en grande partie accidentelle et non planifiée. En fait, elle découle entièrement de ce que le gouvernement a perçu 50 milliards de dollars de trop au titre des charges sociales et de ce que Paul Martin avait réduit de 20 milliards de dollars au moins au total les transferts de paiement aux provinces.
Le sénateur Robichaud: C'était de la bonne gestion.
[Français]
Le sénateur Bolduc: Ce n'est pas partisan.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Le Sénat est-il prêt à se prononcer?
Des voix: Le vote.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Carstairs, avec l'appui de l'honorable sénateur Robichaud, propose que ce projet de loi soit lu maintenant une deuxième fois. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
RENVOI AU COMITÉ
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une troisième fois?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose: Que le projet de loi C-28 soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.
L'honorable Lowell Murray: Si cette motion est adoptée, honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunira pour étudier ce projet de loi mardi prochain à 9 h 30 et à nouveau mercredi, à 18 h 15. En prévision de cette décision, nous avions déjà avisé les témoins de cette possibilité.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À EXAMINER L'INCLUSION DANS LA LOI
DE DISPOSITIONS DE NON-DÉROGATION CONCERNANT LES DROITS ISSUS
DE
TRAITÉS—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement), conformément à l'avis du 3 juin 2003, propose:
Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les conséquences de l'inclusion, dans la loi, de dispositions de non-dérogation concernant les droits ancestraux et issus de traités existants des peuples autochtones du Canada aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982; et
Que le Comité présente son rapport au plus tard le 31 décembre 2003.
— Honorables sénateurs, je suis ravie de présenter cette motion, car c'est le Sénat, par l'entremise de ses comités, qui a offert une tribune pour engager de nombreuses discussions et de nombreux débats sur la non-dérogation.
Ces quelques dernières années, la discussion sur la non-dérogation se limitait à l'examen d'un projet de loi particulier. J'estime qu'il est maintenant temps de discuter de la question, non dans le cadre d'un débat sur un projet de loi, mais d'une façon autonome et objective.
Le Sénat examine depuis longtemps des articles de non- dérogation, leur inclusion et leur exclusion, et leurs conséquences ultérieures sur un projet de loi particulier. Étant donné la fréquence de nos discussions sur cette question, je suis heureuse d'affirmer que le gouvernement est en faveur d'une discussion élargie sur l'article de non-dérogation. À cette fin, je propose que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner les conséquences de l'inclusion, dans la loi, des articles de non-dérogation.
Les droits ancestraux et issus de traités de nos Autochtones sont protégés aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La préoccupation qu'on soulève constamment, c'est qu'il faut trouver un libellé qui rappelle au tribunal que les lois ordinaires sont subordonnées à l'article 35.
Les lois comportent déjà de nombreuses versions d'articles de non-dérogation. Depuis 1985, à commencer par la Loi fédérale sur les hydrocarbures, quatre libellés différents ont été utilisés pour les dispositions de non-dérogation dans les lois fédérales. Cela ne comprend pas le nouveau libellé utilisé dans le projet deloi C-10B que nous avons adopté la semaine dernière.
Depuis 1994, les dispositions de non-dérogation ont fait l'objet de trois formulations différentes. En 1998, on en a révisé la formulation afin de les rendre plus claires, semble-t-il. La prétendue nouvelle formulation était censée indiquer plus clairement que ce type de disposition ne devait pas être interprété comme induisant un changement fondamental au degré de protection prévu aux termes de l'article 35 de la Loi constitutionnelle, mais qu'il devait plutôt être vu comme un type de disposition déclaratoire. Cette modification a suscité de vives inquiétudes chez nos sénateurs autochtones ainsi que chez les autres sénateurs. Il convient de dire que ce sont les sénateurs autochtones qui ont les premiers porté cette question à notre attention.
Le Sénat a été témoin de l'intérêt accru que la disposition de non- dérogation a suscité chez les sénateurs. Depuis 2001, d'abord avec le projet de loi C-33, Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, les sénateurs remettent en question la formulation des dispositions de non-dérogation dans les lois fédérales. Dans certains cas, on a modifié des lois de manière à supprimer la disposition de non-dérogation. Dans d'autres, les sénateurs ont appuyé l'adoption de projets de loi assortis de telles dispositions. Plus récemment, comme je l'ai dit plus tôt, le Sénat a modifié le projet de loi C-10B sur la cruauté à l'égard des animaux en ajoutant une disposition relative aux droits des Autochtones.
Il est intéressant de noter que cette dernière approche concernant la protection des droits des Autochtones dans les lois fédérales est entièrement nouvelle. On peut dire qu'on a là une cinquième formulation; en tout cas on a une approche entièrement différente qui mérite aussi l'attention de ce comité.
Le comité aura un rôle essentiel, celui de trouver une langue claire qui confirme le principal pouvoir de l'article 35 de la Loi constitutionnelle et qui ne diminue ni ne rehausse les droits des Autochtones. J'espère que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles étudiera l'ensemble de la question des dispositions de non-dérogation et qu'il ne limitera pas son étude à un projet de loi donné, comme ce fut malheureusement le cas dans le passé. J'espère qu'au terme de son étude le comité pourra recommander une solution satisfaisante pour toutes les parties.
L'honorable Anne C. Cools: Le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Carstairs: Bien sûr.
Le sénateur Cools: Je vois que la motion prévoit le renvoi de la question au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
(1450)
Je sais aussi qu'il n'y a aucun Autochtone membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Madame le leader pourrait-elle nous dire si elle a l'intention de créer un siège à ce comité pour un sénateur autochtone?
Le sénateur Carstairs: Je dois très respectueusement faire remarquer à madame le sénateur que, connaissant le Règlement du Sénat comme elle le connaît, elle sait que je ne peux créer un siège au sein du comité. J'espère toutefois que les sénateurs autochtones participeront régulièrement aux travaux de ce comité. Si jamais un membre du comité était dans l'impossibilité d'assister à une réunion, nous pourrions demander qu'il soit remplacé par l'un de nos quatre sénateurs autochtones. De toute évidence, je ne peux remplacer les sénateurs d'en face et je ne le voudrais pas d'ailleurs.
Honorables sénateurs, si un sénateur membre du comité proposait de céder sa place à un sénateur autochtone pour la durée de cette étude, j'en serais fort aise.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, d'après mon expérience, les leaders peuvent faire des miracles en ce qui concerne la participation aux comités. Ils peuvent faire apparaître, disparaître et réapparaître des membres de comités. S'il n'existe pas, au sein de ce comité, un siège permanent pour un de nos collègues autochtones, une meilleure technique serait peut-être de créer un comité spécial, qui étudiera ce dossier et où pourront automatiquement, à juste titre, formellement et de plein droit, siéger tous les sénateurs autochtones.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, les sénateurs autochtones ont été consultés à ce sujet. Ils ont choisi de renvoyer la question au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Ils reconnaissent la compétence et le savoir de ce comité. Ils reconnaissent aussi qu'ils ont le droit, à titre de sénateurs ordinaires, d'assister à toute séance de comité de leur choix.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, étant donné que je veux participer à ce débat, je demande que le débat soit ajourné en mon nom lorsque les sénateurs en auront fini avec leurs questions.
[Français]
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je suis fort intéressé par cette proposition. Nos collègues devraient comprendre que chaque fois que nous sommes confrontés à ce phénomène au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, notre objectif n'est pas de répéter ce que la Constitution nous dit.
La Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît ces droits. Les juristes sont toujours confrontés à l'idée de savoir si l'on doit répéter ce que la Constitution nous dit.
Malheureusement, on arrive toujours à la réponse suivante: on devrait normalement ne pas être obligé de le dire dans une loi. La pratique administrative fait en sorte que les tribunaux doivent établir le droit au lieu que ceux-ci soient reconnus d'emblée par l'administration. Nous en sommes venus à vouloir que l'administration reconnaisse a priori l'existence de ces droits plutôt que d'attendre que la cour les reconnaisse a posteriori.
Le sénateur nous demande si l'on doit reconnaître — je veux citer le texte exact:
[...] à examiner, pour en faire rapport, les conséquences de l'inclusion [...]
Je veux seulement comprendre si c'est vraiment l'objectif visé. Si l'importance de l'inclusion est de répéter ce que la Constitution nous dit, c'est une chose; l'inclusion de cet article dans une loi visant à s'assurer que la reconnaissance de ces droits soit prise en compte par l'administration dans l'exécution de la loi en question est autre chose; le projet de loi C-10B en est un très bon exemple.
Est-ce que le sénateur reconnaît que l'administration doit prendre en considération l'existence de ces droits ancestraux a priori plutôt qu'a posteriori?
A posteriori, nous forçons les communautés autochtones canadiennes à l'entreprendre chaque fois. C'est surtout le cas pour les Métis, parce que nous en sommes au tout début de la reconnaissance de ces droits. La Cour suprême est interpellée quant à la reconnaissance des droits ancestraux des Métis sur la chasse, et ce n'est que le début. Lorsque le sénateur présente cette motion, est-ce qu'elle reconnaît qu'il serait à propos d'inclure ces articles pour s'assurer que les droits ancestraux des communautés autochtones canadiennes soient pris en considération a priori dans l'exécution d'une loi spécifique?
[Traduction]
Le sénateur Carstairs: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il soulève de graves questions. Je ne veux pas présumer des conséquences que pourraient avoir les décisions du comité, mais je peux simplement dire que des conseillers juridiques nous ont proposé comme solution d'insérer dans la loi d'interprétation une disposition qu'approuveraient tant les Autochtones que les non- Autochtones à l'effet que toute loi devrait être interprétée en fonction de cette disposition.
Honorables sénateurs, il me paraît évident que les Autochtones sont loin d'être convaincus que l'article 35 est pris en considération chaque fois qu'un projet de loi qui pourrait avoir une incidence sur les peuples autochtones est étudié ici ou à l'extérieur d'une assemblée législative. Cela les inquiète. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, nous avons pris soin d'insérer une disposition de ce genre dans le projet de loi C-68 sur le contrôle des armes à feu et dans d'autres projets de loi.
Malheureusement, ce qui m'ennuie actuellement, c'est de savoir comment les tribunaux trancheront s'ils se trouvent en présence, disons, de cinq formulations différentes. Diront-ils: «Les gouvernements ne savent pas ce qu'ils disent au sujet des Autochtones et de leurs droits. Cela déroge-t-il de quelque manière que ce soit à leurs droits»? Je reconnais que la Constitution est une loi fondamentale et que rien ne peut y déroger.
Où ces diverses interprétations laissent-elles nos peuples autochtones? Nous devons veiller, dans notre étude, à examiner toutes ces questions afin de pouvoir conseiller le gouvernement sur ce qu'il devrait faire au sujet des dispositions de non-dérogation.
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, pouvons-nous nous entendre sur le fait qu'il n'est pas nécessaire d'amender le projet de loi? Les tribunaux reconnaissent la Constitution. Dans le cadre de l'application de la nouvelle loi, ils reconnaîtront l'existence d'un droit.
Nous en sommes venus à la conclusion que le problème soulevé dans le projet de loi C-68 et les conséquences de la mise en oeuvre de cette mesure législative devraient être réglés dans le projet de loi C- 10B. Nous avons décidé de surenchérir en demandant: «Pourquoi ne pas maintenant inclure dans la loi un mécanisme qui impose non seulement aux tribunaux, mais aussi à ceux qui sont chargés de son application, la reconnaissance de ces droits dès le départ et non pas à la fin?»
Certains soutiennent que la Constitution existe déjà de sorte qu'il n'est pas nécessaire de modifier la loi. La Constitution s'applique à toutes les lois. Il n'est pas nécessaire de modifier la Loi d'interprétation du Canada. La Constitution existe pour être lue et comprise par tous. Cependant, ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons une reconnaissance a priori, dès le début. Nous ne voulons pas que l'administration recommande qu'il appartient aux tribunaux de déterminer si les peuples autochtones jouissent d'un certain droit ou non. C'est inadmissible.
Nous avons reconnu l'existence de ces droits en 1982. Nous voulons que l'existence de ces droits soit reconnue dès le début de l'application d'une loi et non pas à la fin.
(1500)
Si la motion a pour objet d'amener nos collègues à réfléchir ensemble sur la meilleure façon de modifier la loi de manière à ce que tous ces droits s'appliquent à toutes les lois dès le début de leur application et non pas à la fin, alors je dirais oui. Toutefois, si l'objet de la motion est seulement de réfléchir à la nécessité de modifier la Loi d'interprétation, ma réponse est honnêtement que nous n'en avons pas besoin. Nous avons la Constitution et nous n'avons donc pas besoin de modifier la Loi d'interprétation. Toutefois, s'il a pour objet de procéder à l'insertion chirurgicale, comme nous avons essayé de le faire avec le projet de loi C-10B, d'un amendement qui forcerait les juges à prendre en considération, avant d'émettre un mandat, l'existence possible d'un tel droit, c'était exactement l'intention de certains membres du comité quand nous avons adopté l'amendement.
Le sénateur Carstairs: L'honorable sénateur l'a dit beaucoup mieux que je n'aurais pu le faire. C'est exactement ce que nous devons faire. C'est, de toute évidence, dans la Constitution; cela, nous l'acceptons. Toutefois, il n'est pas évident, et le sénateur Nolin l'a reconnu, qu'une personne qui applique la loi bien en deçà du niveau des tribunaux prenne cela en considération. Cela doit être la base de notre étude car si nous incluons la portée de l'article 35 dans l'interprétation que doivent faire les personnes chargées d'appliquer la loi, alors c'est important pour nous.
Je regrette qu'il nous ait fallu si longtemps pour entreprendre cette étude. Elle ne sera pas simple; elle mettra à l'épreuve tous les sénateurs qui feront partie de ce comité. Depuis 1982, nous avons eu différentes manières de trancher la question. Les Autochtones diraient que leurs besoins et leurs aspirations n'ont souvent pas été tenus en compte dans l'application de la loi, et que cela doit changer.
Le sénateur Nolin: Prenons à nouveau le projet de loi C-10B comme exemple; si un agent de la paix est chargé d'appliquer la loi dans un district précis, nous pensons qu'il devrait savoir que certaines personnes ont certains droits et que d'autres personnes ont d'autres droits, dont les Autochtones. Quand nous avons rédigé cet amendement, nous ne voulions pas que l'agent de la paix dise: «Nous laisserons les tribunaux décider si vous avez ces droits ou non.» C'était inacceptable. Si ces droits sont inscrits dans la Constitution, ils doivent être reconnus a priori. Si on reconnaît un droit, ce n'est pas seulement pour l'avenir, mais également pour le présent. Les autorités devraient ordonner à ceux qui sont chargés d'appliquer la loi de reconnaître ces droits.
Si on regarde de l'autre côté de la lorgnette, on peut supposer que les Autochtones ont ces droits plutôt que le contraire, forçant ainsi un juge à déterminer ce qu'il en est. Tel est le dilemme dans lequel nous sommes enfermés.
J'appuierai pareille motion à condition qu'il soit clair pour tous que c'est précisément ce que nous voulons faire.
[Français]
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Carstairs d'avoir soulevé un sujet aussi important et dont on parle depuis des années. Les Autochtones eux-mêmes en parlent depuis très longtemps. J'aimerais être bien sûr qu'une étude sera faite non seulement sur le plan procédural mais aussi sur le plan substantif. Il s'agit d'un des rares cas dans la Constitution canadienne où l'on traite de droits collectifs. L'article 35 parle des droits collectifs. Le seul autre article que je connaisse dans la Constitution canadienne qui parle des droits collectifs est l'article 93. Cela n'existe plus pour le Québec et c'est la même chose pour Terre-Neuve.
Je voudrais être bien sûr que c'est une étude à la fois sur la procédure, sur le fond et sur l'administration de la justice. Je pense que c'est ce qui doit être fait. J'imagine que le Comité permanent sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a le pouvoir de circonscrire lui-même son mandat sur cette question très importante.
[Traduction]
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le comité décidera lui- même de son mandat, c'est-à-dire ce qu'il veut étudier et ce qu'il veut mettre dans son rapport. J'ai veillé à ce que le libellé soit le plus clair possible afin que le comité ne soit aucunement limité dans son mandat. Je pense que l'étude n'aura aucune valeur si elle est limitée.
L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, même sans avoir sous les yeux l'article 35, j'ai une bonne idée de ce qu'il dit.
Je ne suis pas membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et même si je sais que tous les sénateurs ont le droit d'assister à ses séances, il est peu probable que je puisse le faire assidûment. Il me semble que nous avons fait du chemin depuis l'adoption de la Loi constitutionnelle, 1982. J'espère qu'au cours du présent débat, de la prochaine séance du comité ou du débat qui suivra le dépôt du rapport du comité, nous entendrons les sénateurs qui sont présents aujourd'hui et qui ont participé à l'exercice de 1982. Le sénateur Joyal a été coprésident du comité mixte qui a étudié la Charte. Le sénateur Kirby a été principal conseiller du premier ministre de l'époque, M. Trudeau. Le sénateur Buchanan était alors premier ministre de la Nouvelle-Écosse. Un certain nombre de sénateurs ont été intimement liés à ce processus.
En 1982, nous avons affirmé les droits ancestraux et issus des traités des peuples autochtones. Il y avait une disposition complémentaire qui a donné lieu à une série de conférences constitutionnelles visant à définir ces droits. Aucune de ces trois conférences constitutionnelles, dont une s'est déroulée sous la présidence de l'ancien premier ministre Trudeau et deux sous la présidence de l'ancien premier ministre Mulroney, n'a donné les résultats souhaités.
La prochaine étape dans l'accord de Charlottetown de 1992 était l'affirmation du «droit inhérent» des Autochtones à l'autonomie gouvernementale. Ce concept a été réaffirmé peu de temps après l'assermentation du gouvernement actuel par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de l'époque comme étant un concept qui devait être plus clairement défini.
Le sénateur Nolin a depuis très bien décrit l'évolution de ce dossier, et nous avons eu une série de dispositions de non- dérogation, dont certaines avant et d'autres après l'adoption de mesures législatives. On suggère ici que le comité examine les répercussions de l'inclusion dans des mesures législatives d'une disposition de non-dérogation concernant les droits ancestraux et issus des traités des Autochtones en vertu de l'article 35 et fasse rapport à ce sujet. Je ferai remarquer que nous avons conclu le traité avec les Nisga'as, si c'est vraiment cela, en vertu de l'article 35. C'est ce qui s'est passé de plus récent à cet égard.
(1510)
Je veux obtenir l'avis du comité sur les répercussions de l'inclusion dans des mesures législatives de dispositions de non-dérogation concernant les droits ancestraux et issus des traités des Autochtones tels qu'ils existent déjà. Renonçons-nous à définir plus clairement les droits ancestraux et issus des traités des Autochtones? Est-ce là une façon détournée de le faire?
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): J'invoque le Règlement. Je crois que les gens ne peuvent pas entendre ce que dit le sénateur parce qu'il se tient trop loin du microphone.
Le sénateur Murray: Est-ce que le sténographe parlementaire m'a entendu? Je ne sais pas si ce que j'ai dit est particulièrement grave. La vraie question est la suivante: quel est l'objet de cette mesure? Tentons-nous maintenant de façon indirecte ou en quelque sorte détournée de faire ce que nous n'avons pu faire directement, en l'occurrence définir et, il va sans dire, conclure une entente avec les peuples autochtones qui, à chaque fois que MM. Trudeau et Mulroney ont convoqué une conférence, dans le cadre des négociations, ont été représentés par quatre organisations? Essayons-nous de faire indirectement ce que nous n'avons pas pu faire directement et, le cas échéant, est-ce vraiment une idée si judicieuse? J'aimerais bien entendre le point de vue d'autres intervenants qui connaissent mieux cette question que moi. En toute franchise, j'ai besoin d'éclaircissements.
L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, je ne sais pas vraiment si le sénateur Murray voulait poser une question à madame le leader du gouvernement au Sénat. Quoi qu'il en soit, voudrait-elle répondre?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement les propos du sénateur Murray. Il a indiqué qu'il voulait faire quelques commentaires. Il n'a pas dit qu'il posait une question. De ce fait, je n'ai pas répondu.
Le sénateur soulève des questions qui doivent être examinées en comité; c'est pour cette raison que j'ai des réticences à répondre. En toute franchise, je n'ai pas pris position au sujet de l'orientation que le comité doit prendre à cet égard. Je veux que le comité décide lui- même. Je n'ai absolument pas l'intention d'indiquer aux membres du comité quelles conclusions tirer.
Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, je félicite notre leader, madame le sénateur Carstairs, d'avoir eu le courage de soulever cette question.
Des voix: Bravo!
Le sénateur Watt: Comme je l'ai maintes fois mentionné dans le passé, il aurait fallu le faire bien avant. À l'instar du sénateur Nolin, je nourris certains doutes à ce sujet. Quand on nous demande de voter sur la motion visant à étudier les conséquences de l'inclusion de ces dispositions dans la loi, je dois dire qu'elle me semble un peu trop générale. Je comprends qu'elle a été rédigée ainsi à cause des incertitudes et de l'absence de définition à propos de la reconnaissance dans la loi suprême du pays, la Loi constitutionnelle de 1982.
Le sénateur Murray et moi-même avons eu l'occasion de nous pencher sur l'article 35 ainsi que sur l'article 25, qui est censé sceller l'article 35. J'étais présent à la dernière conférence des premiers ministres, mais non au même titre qu'à l'époque où Brian Mulroney essayait d'accélérer et de faire avancer le processus. Il a échoué à deux reprises, comme l'a souligné le sénateur Murray.
J'ai participé aux négociations qui ont abouti aux événements de 1982, quand il était clair qu'il restait encore du travail à faire. Nous avons bien essayé d'étoffer la définition afin de guider les personnes chargées de l'application de la loi lorsqu'elles sont appelées à traiter de certains sujets lors de la rédaction d'un projet de loi.
Ma question ressemble à celle du sénateur Nolin. Nous n'avons pas l'intention de remettre en question les articles 25 et 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Nous nous demandons s'il est utile d'inclure un rappel dans n'importe quelle loi touchant les peuples autochtones. Sinon, il y a lieu de se demander si les dispositions aux termes de la Constitution seront considérées. C'est pour cela que nous essayons de voir s'il ne conviendrait d'élaborer une loi autonome qui nous aiderait et nous guiderait dans nos délibérations sur les projets de loi ou de maintenir le statu quo et de continuer d'insérer une disposition de non-dérogation dans tous les projets de loi, surtout lorsque nous reconnaissons que les moyens de subsistance des gens seront touchés.
Depuis 1995, je suis mal à l'aise au sein de cette assemblée, sachant que la vie de mon peuple, la vie des gens que je représente, est très différente de la vie des gens du Sud, que ce soit au plan économique, social ou éducatif, en fait à tous les plans. Je n'aime pas être dans cet endroit alors que je suis témoin de l'adoption de lois qui grugent lentement mais sûrement ce que j'estime être le trésor des peuples autochtones. Vous avez vos droits. Nous n'en avons qu'un seul, le droit que garantit la Constitution aux peuples autochtones. Nous n'en avons pas d'autre.
Je vais continuer de soulever cette question très importante. Nous avons le droit de vivre comme Autochtones. Ce n'est peut-être pas votre intention, mais je crois que, parfois, le système impose des lois sans tenir compte des conséquences pour les petites gens. C'est pourquoi je suis très heureux de pouvoir soulever cette question importante et de constater que nos dirigeants l'abordent de cette façon aujourd'hui.
J'espère que le comité essaiera de voir si nous acceptons que les droits des Autochtones doivent avoir des conséquences pour l'ensemble de la société canadienne. Nous sommes ici. Nous allons rester. Il faut quelquefois des compromis entre les deux races, entre les deux peuples. Je n'aime pas beaucoup le dire, mais il faut parfois vous le rappeler: nous avons des droits que vous n'avez pas. C'est un fait. C'est à cela que rime la reconnaissance constitutionnelle. Certains demanderont peut-être pourquoi nous avons des droits qu'ils n'ont pas. Nous étions ici avant vous. La Constitution reconnaît ce fait, et il a été accepté et reconnu par l'ensemble du Canada. Qu'il en soit ainsi. Continuons de progresser.
(1520)
L'honorable George Baker: Honorables sénateurs, j'ai observé le sénateur Watt pendant des jours au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Sa réaction à la dernière mesure législative a été suscitée par l'avocat principal du ministère de la Justice, qui a affirmé avec beaucoup d'insistance, en réponse à une question du sénateur, que le projet de loi ne prévoyait pas deux normes, qu'il s'appliquait également à tous, où qu'ils habitent au Canada. Bien entendu, le sénateur était inquiet, car d'autres lois adoptées par le Parlement, par exemple le règlement sur les mammifères marins qui découle de la Loi sur les pêches, exemptent les bénéficiaires. Les bénéficiaires se définissent comme les personnes visées par l'accord de la baie James, l'accord sur le Nunavut, et cetera. Il s'agit d'accords négociés. En matière de pêche, le règlement et la loi disent explicitement que nous ne pouvons tuer les blanchons et vendre leur peau. Les habitants de Terre-Neuve, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard ne peuvent le faire, mais les bénéficiaires de ces accords y sont autorisés, et c'est normal.
J'ai vu deux mesures législatives portant sur les mammifères marins dans lesquelles des représentants du ministère de la Justice ont dit que ce n'était pas le cas, que tous ces règlements s'appliquaient à tous les Canadiens, où qu'ils vivent au pays. Des gens se trouvaient alors dans une mauvaise position parce qu'ils auraient à faire face à des groupes de défense des droits des animaux partout au pays et dans le monde entier qui voudraient les poursuivre en vertu du Code criminel. Ces derniers avaient là un nouveau moyen de les traîner devant les tribunaux et de les mettre en prison. Ils ne pouvaient pas le faire aux termes de la loi existante. Pourquoi? Parce que les bénéficiaires étaient exclus des dispositions de la loi qui prévoyaient que l'on ne peut vendre de blanchons ou de phoques à dos bleu, ni en faire l'échange ou le troc. Ils se trouvaient donc dans une position difficile et ils ont demandé au ministère de la Justice si la situation était différente dans leur cas. Le ministère a répondu que non, que tous devaient être traités de la même façon.
Le sénateur Nolin: Vous le saurez lorsque vous comparaîtrez devant le tribunal.
Le sénateur Baker: Ce fut effectivement leur réaction.
Au Canada, nous pouvons compter sur la protection qu'offre notre système juridique. C'est ce qu'on appelle le pouvoir discrétionnaire de poursuivre et nous utilisons ce pouvoir discrétionnaire devant un tribunal. Le fait que vous ayez été accusé et envoyé en prison pour avoir commis un acte répréhensible n'a rien à y voir. Vous saurez ce qui vous arrivera une fois que vous serez en cour et que vous aurez dépensé beaucoup d'argent pour engager un avocat qui devra probablement affronter Clayton Ruby. Je ne sais pas où vous pourriez trouver cet argent. C'était un problème auquel ils devaient faire face.
À quoi le Sénat, la Chambre des communes et le Parlement du Canada sont-ils confrontés maintenant? Nous devons prendre une décision. Les gens doivent se décider. Devons-nous, dans toutes les mesures législatives, comme on l'a fait dans la Loi sur les pêches, dans le cadre des règlements, ainsi que dans d'autres mesures législatives, reconnaître ce qui figure vraiment dans la Constitution?
Je pense que madame le leader du gouvernement devrait être félicitée d'avoir présenté cette motion. Je pense que nous avons au comité le bon groupe de personnes au bon moment avec les compétences voulues pour régler ce problème. Ainsi, le sénateur Adams n'a pas à se rendre au comité, comme il l'a fait si souvent, pour dire que ce n'est tout simplement pas juste. Cela touche à l'équité même de notre système juridique de devoir soumettre cette question aux tribunaux alors que cela aurait dû être exclu dès le départ.
Je pense que les sénateurs Watt et Adams ont tout à fait raison de demander cette étude et je suis sûr que le comité leur rendra justice.
L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, je ne peux résister à une invitation de notre collègue, le sénateur Murray, de dire quelques mots sur cette motion que j'appuie totalement pour de nombreuses raisons.
La première raison est que, comme le sénateur Murray l'a déclaré, il s'agit ici d'une question qui reste à régler. Cela ne fait aucun doute. Lorsque nous avons couché dans la Constitution les droits des peuples autochtones en 1982, la notion des droits autochtones était encore très vague. La notion d'autonomie gouvernementale n'était même pas discutée couramment. On en parlait, mais personne ne savait exactement ce que cela voulait dire. Je vois le sénateur Watt et il va se rappeler les discussions que nous avons eues à ce moment-là.
Le problème relié aux droits des peuples autochtones est très complexe. Essayez d'imaginer que, dans la Constitution, nous ayons reconnu l'égalité linguistique, et notre collègue le sénateur Gauthier va certainement reconnaître l'importance de cela, mais qu'il n'y ait pas de mécanisme pour faire respecter quotidiennement le respect de ce principe d'égalité, comme le fait le commissaire aux langues officielles depuis maintenant plus de 20 ans.
Où en sommes-nous? Nous avons laissé aux Autochtones la responsabilité, d'abord, de définir eux-mêmes leurs droits. La plupart du temps, nous nous sommes battus contre eux devant les tribunaux, avec une armée d'avocats, à commencer par le ministère de la Justice. Ensuite, lorsque la question n'était pas très claire, nous avons parfois contribué à la rendre nébuleuse. Si nous avons différentes dispositions non dérogatoires, c'est que, à la suite d'un jugement de la cour, le ministère de la Justice a décidé de revoir la disposition non dérogatoire prévue dans l'article 35 et a présenté un libellé différent. Le problème n'a pas été créé par les Autochtones eux-mêmes. C'est nous qui l'avons créé. Le problème est accentué par le fait que le gouvernement, de façon générale, comme le sénateur Nolin l'a dit, ne connaît pas clairement son obligation lorsqu'il élabore des lois qui pourraient avoir des conséquences ou empiéter sur les droits des Autochtones.
Des jugements ont été rendus pour la Cour suprême du Canada. À mon avis, le jugement Sparrow exposait très clairement l'obligation qu'a le gouvernement lorsqu'il présente un projet de loi. Il doit respecter trois critères. Il doit d'abord consulter officiellement les Autochtones. En ce qui concerne le projet de loi que le sénateur Nolin a mentionné, le projet de loi C-10B, il est établi très clairement que le sous-ministre adjoint du ministère de la Justice a dit n'avoir pas consulté officiellement les Autochtones. Ensuite, le gouvernement doit adopter la solution la moins dommageable à la proposition en question. Enfin, il doit indemniser les Autochtones.
Mettez-vous à la place des Autochtones. Ils sont obligés de lutter à toutes les étapes de l'élaboration de la politique. Pendant qu'ils se battent, nous leur disons: «Vous avez la Constitution. Adressez- vous aux tribunaux.» Nous savons tous ce que cela implique. Les jugements rendus diffèrent. Il y a deux ans, la Cour d'appel de l'Ontario a rendu une décision dans la célèbre affaire Powley. Le sénateur Chalifoux, qui est une Métisse, était visée par ce jugement.
La Cour a été très claire au sujet de l'interprétation de l'article 35. Elle a dit que l'inclusion de l'article 35 dans la Loi constitutionnelle de 1982 a eu deux résultats fondamentaux. Premièrement, il a été reconnu que les peuples autochtones possédaient des droits qui existaient avant ceux des colons européens. Ils possèdent des droits antérieurs à ceux du sénateur Murray, du sénateur Jaffer, de moi- même, du sénateur Austin et de tout autre sénateur non autochtone. Autrement dit, avant l'arrivée de nos ancêtres, les miens comme ceux du sénateur Austin, il y avait ici des gens qui possédaient des droits, qui vivaient dans une société organisée. Ils possédaient une culture, des religions. Ils possédaient leur propre gouvernement, des traditions, et la structure d'une société à part entière.
(1530)
Le premier objectif, en 1982, était de reconnaître que les peuples autochtones avaient des droits antérieurs. Le second objectif était de protéger et de reconnaître ces droits, non pas de les réduire ou de les assujettir progressivement à toutes sortes de lois et règlements. Voilà ce que nous avons voulu faire lorsque nous avons enchâssé l'article 35.
Vingt et un ans après le rapatriement, nous tentons toujours d'établir quelles procédures le gouvernement doit appliquer lorsqu'il est saisi d'une question qui concerne les droits des peuples autochtones, c'est-à-dire leur façon de vivre, leur façon de se gouverner, leur façon d'être, en tant que Canadiens mais différents de nous.
Après 21 ans, nous nous retrouvons avec cinq interprétations différentes de la disposition non dérogatoire, non pas parce qu'ils l'ont demandée, dans la plupart des cas, mais parce qu'elle leur a été imposée.
Il faut d'abord définir — et j'approuve la façon de faire que préconise le sénateur Nolin — quelle est la responsabilité du gouvernement en matière de rédaction législative, car il s'agit d'une disposition qui revient dans diverses lois. Avant de décider qu'il convient d'incorporer cette disposition, il faut réfléchir à la façon dont on élabore les lois. Comment aborde-t-on une mesure législative qui intéresse les Autochtones? C'est la première étape. Il faut ensuite se demander si celle-ci empiète sur des droits garantis par la Constitution. Les Autochtones jouissent de certains droits dont nous ne jouissons pas et ils ont le droit d'être qui ils sont.
Honorables sénateurs, ce n'est pas un sujet facile. Je dirai bien franchement au sénateur Murray que le processus politique n'a pas été un succès. Notre culture demeure une culture d'affrontement entre une minorité vivant au Canada et le reste du Canada, par l'intermédiaire de leurs gouvernements. Ce n'est pas une mince affaire pour un membre d'une communauté autochtone, compte tenu de son héritage centenaire de vie dans des réserves, d'acculturation et de conflit de civilisations, de se présenter devant nous et de nous dire: «Vous avez une responsabilité. Nous cohabitons sur ce territoire. Comment pouvons-nous faire en sorte de continuer à nous développer tout en protégeant notre identité fondamentale en tant qu'Autochtones?» Le sénateur Watt nous dit que tout ce qu'ils ont, c'est leur identité. Ils comptent sur nous pour leur permettre de protéger cette identité et prospérer tout en préservant cette entité dans le cadre législatif canadien.
Ce n'est pas une mince affaire, honorables sénateurs. On s'en remet aux tribunaux. Ceux-ci ont plus fait en matière de protection des Autochtones que nombre de politiciens dans l'histoire du Canada. Comment cela? Ils se sont essentiellement fondés sur la protection que fournit l'article 35. C'est leur seule disposition de protection. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'ils nous demandent aujourd'hui de les aider à trouver le moyen d'invoquer cet article pour les protéger dans l'avenir, dans le cadre des activités législatives qui sont les activités courantes du Sénat.
Honorables sénateurs, il nous incombe à tous de puiser au fond de nos connaissances et de notre sensibilité pour reconnaître le rôle unique que nous avons dans cette enceinte de remettre en question le statut et les droits des Autochtones et pour déterminer jusqu'où nous pouvons aller. On ne peut pas dire à ces derniers que s'ils ne sont pas contents, ils n'ont qu'à s'adresser aux tribunaux. Ce serait nous dérober à notre responsabilité d'administrateurs des droits des Autochtones. C'est ce qu'a conclu la Cour suprême en décembre dernier dans son jugement concernant la bande indienne de Wewaykum.
Nous devons entretenir une relation de confiance avec les Autochtones. Imaginez un instant que vous êtes la personne de confiance d'un groupe de gens. Vous ne pouvez pas leur dire: «Faites de votre mieux et revenez me dire si ça marche ou non.» Nous devons aider les Autochtones à obtenir la pleine reconnaissance de leur statut. Le rôle du gouvernement est de nous amener à tout mettre en oeuvre pour lui proposer la démarche que, comme l'a expliqué le sénateur Nolin, l'administration devrait suivre pour la rédaction d'un projet de loi traitant de toutes les questions qui intéressent les Autochtones du Canada.
Le sénateur Murray: J'aimerais poser une question à l'honorable sénateur. Je comprends sa position et j'admire la passion et l'éloquence avec laquelle il la défend.
Il a raison de dire que le processus politique n'a pas réussi à définir les droits des Autochtones. Nous avons été témoins de ce processus politique ayant fait intervenir différentes administrations fédérales, les provinces ainsi que quatre organisations autochtones, et certains d'entre nous y ont même participé.
J'ai constaté de part et d'autre un certain degré de ce que j'ai appelé à l'époque une «intransigeance se nourrissant de celle des autres» et, malheureusement, de la dissension au sein même des organisations autochtones. Mais ce n'est pas ce qui nous intéresse pour l'instant.
Ai-je raison de dire que, selon l'honorable sénateur, les droits des Autochtones qui n'ont pas encore été définis doivent être définis par l'application des clauses de non-dérogation aux lois fédérales? En sommes-nous arrivés à ce point?
Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, nous devrons éventuellement trouver une solution à ce problème. Le débat que nous avons eu il y a trois ou quatre semaines au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet de l'amendement du projet de loi C-10B et la participation à l'étude du projet de loi au cours des six mois précédents ont permis aux membres du comité de se rendre compte de l'importance de cette question et de la nécessité de s'y attaquer.
Ce serait extrêmement utile que tous les sénateurs unissent leurs efforts pour analyser certaines options et les présenter ensuite au Sénat. Il n'y a pas une seule question. Il n'y a pas une seule solution. Il pourrait exister de multiples approches. Nous pourrions examiner diverses options et en débattre dans cette enceinte.
Il nous appartient d'aider les tribunaux à mieux comprendre ce que nous entendons par «droits des Autochtones». À titre de Parlement, nous avons un rôle à jouer et c'est celui d'aider les tribunaux à comprendre. Nous ne pouvons pas confier cette responsabilité aux seuls tribunaux. Ce n'est pas parce que le processus politique n'a pas toujours produit tous les résultats escomptés que nous ne pouvons plus réfléchir en notre qualité de législateurs et élaborer des propositions.
Nous prenons part à la définition des droits dans ce pays. Le Parlement du Canada fait partie du processus, surtout lorsqu'il s'agit des peuples autochtones. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes une assemblée législative unique au Canada. Nous sommes la seule Chambre où siègent six Autochtones qui peuvent participer quotidiennement à nos discussions et à nos réflexions. Voilà une occasion exceptionnelle de faire progresser le processus. L'honorable sénateur Murray, qui a participé à tant de discussions constitutionnelles avec les gouvernements fédéral et provinciaux, reconnaîtra sans aucun doute que c'est nous, comme représentants de toute la nation, qui devons nous pencher sur cette question. Ce débat fait partie de la définition fondamentale du Canada.
Honorables sénateurs, en tant que membre du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles — dont sont ici présents tous les membres avec d'autres sénateurs qui ont déjà participé à la discussion — j'espère que tous les membres participeront à cette étude et à cette réflexion. Nous devrons faire rapport dans les six mois, soit en décembre 2003, ce qui ne nous laisse pas beaucoup de temps. Il ne fait aucun doute que nous voudrons entendre divers groupes autochtones, représentants, experts, etc. Nous voudrons examiner les jugements de la Cour suprême du Canada sur ces questions. C'est un mandat impérieux que tous les sénateurs contribueront à remplir, je l'espère.
[Français]
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, puis-je poser une question au président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles?
[Traduction]
Est-ce correct de faire cela?
Son Honneur le Président: Le sénateur peut prendre la parole ou présenter une observation.
(1540)
Le sénateur Nolin: C'est une question pratique. Avons-nous les ressources? Avons-nous le temps? Quelle est l'intention du comité? Nous aurons très certainement besoin de personnel de soutien pour accomplir cela.
Nous pouvons réfléchir à cette importante question. Je ne veux pas fournir de demi-réponse. Si nous fournissons une réponse, nous en fournirons une qui sera complète.
Je ne suis pas convaincu que six mois suffisent. Si c'est le seul temps dont nous disposons, alors allons-y.
Le président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a-t-il l'intention de demander plus de fonds pour pouvoir fournir au comité le personnel suffisant pour relever un défi aussi important?
L'honorable George J. Furey: Honorables sénateurs, il m'est difficile de répondre à cette question pour l'instant. Je vais devoir examiner cela avec les leaders et avec le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Nous verrons bien.
Je conviens avec l'honorable sénateur que des ressources seront nécessaires. Existent-elles? Je ne peux répondre à cette question pour l'instant.
Le sénateur Cools: Honorable sénateurs, il pourrait être possible de répondre à ces questions ultérieurement au cours du débat. Si je comprends bien, un sénateur d'en face s'apprête à proposer l'ajournement en son nom. J'ai l'intention de parler de cette motion au cours de la semaine prochaine. Les réponses pourraient certainement se présenter au cours des prochains jours.
Le sénateur Furey: Je ne veux pas interrompre le sénateur Cools, mais je veux qu'on sache que même si je ne connais pas la réponse pour l'instant, je ferai tout mon possible pour la trouver.
(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)
[Français]
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je fais mon intervention du mercredi puisque c'est une journée où l'on essaie de terminer le plus près possible de 15 h 30 pour permettre aux comités de siéger. Pouvons-nous avoir le consentement pour que tous les points à l'ordre du jour puissent garder leur place respective jusqu'à la prochaine séance du Sénat?
[Traduction]
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, est-il entendu que nous acceptons la suggestion du sénateur Robichaud et que tous les points à l'ordre du jour gardent leur place respective jusqu'à la prochaine séance du Sénat?
Des voix: D'accord.
(Le Sénat s'ajourne au jeudi 5 juin 2003, à 13 h 30.)