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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 80

Le mercredi 1er octobre 2003
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 1er octobre 2003

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE SYNDROME D'ALCOOLISME FŒTAL

L'honorable Yves Morin: Honorables sénateurs, un nouveau-né est un signe de promesse et d'espoir pour l'avenir. Toutefois, dans le cas des 3 000 bébés canadiens qui naissent chaque année atteints du syndrome d'alcoolisme fœtal, cet espoir est obscurci par la perspective d'une vie semée d'embûches. Dès leur naissance, simplement parce que leur mère a décidé de consommer de l'alcool pendant sa grossesse, ces enfants sont accablés par un retard de développement, des difficultés d'apprentissage, des problèmes de comportement, des anomalies physiques.

On trouve des enfants affectés par le syndrome d'alcoolisme fœtal partout au Canada, mais le problème est cinq fois plus fréquent dans les collectivités autochtones et nordiques. Ce syndrome entraîne un fardeau social et émotif énorme. On estime que, pour la durée de vie de chaque personne affectée par le syndrome d'alcoolisme fœtal, il faudra investir jusqu'à 1,5 million de dollars dans des soins de santé et des programmes éducatifs et sociaux spécialisés.

Or, cette situation est à la fois désolante et frustrante quand on sait qu'il est entièrement possible de prévenir le syndrome d'alcoolisme fœtal. L'Institut de recherche en santé du Canada appuie nombre de projets destinés à enrayer le cycle du syndrome d'alcoolisme fœtal et à améliorer la qualité de vie de ceux qui en sont déjà les victimes.

[Français]

Honorables sénateurs, l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, sous l'habile direction du docteur Rémi Quirion, a entrepris de financer un important programme de recherche sur le syndrome d'alcoolisme fœtal, sur ses causes, sa fréquence et son traitement. L'équipe de recherche est dirigée par le docteur James Brien, de l'Université Queen's et comprend des chercheurs de quatre autres universités du pays.

[Traduction]

Sous la direction compétente du Dr Jeff Reading, l'Institut de la santé des Autochtones (ISA), qui fait partie du réseau des IRSC, a désigné la santé des enfants et des adolescents, y compris le syndrome d'alcoolisme fœtal, comme priorité stratégique en matière de recherche. L'ISA fait intervenir des collectivités autochtones et des chercheurs dans le domaine de la santé comme le Dr Stuart MacLeod, de l'Université McMaster, et ses collègues qui travaillent avec les mères, en vue d'élaborer une stratégie de prévention du syndrome d'alcoolisme fœtal.

Honorables sénateurs, le 9 septembre, nous avons célébré, au Canada, la Journée de sensibilisation au syndrome d'alcoolisme fœtal. Marquons cet événement en nous engageant avec détermination à éradiquer ce tragique fléau. Des programmes de sensibilisation et un bon appui en phase prénatale, renforcés par les conclusions des recherches, peuvent mettre un terme au problème de l'alcoolisme fœtal, mais tous les Canadiens doivent appuyer cette bataille.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE PROGRAMME PARLEMENTAIRE DES FORCES CANADIENNES

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, l'an dernier, je me suis inscrit au Programme parlementaire des Forces canadiennes, plus précisément dans la section de la force aérienne. En juin dernier, j'ai passé une semaine à la base de la force aérienne de Greenwood, en Nouvelle-Écosse.

C'est un programme tellement extraordinaire que j'ai cru bon partager mon expérience avec mes collègues et, plus important encore, de les exhorter à songer à la possibilité de participer à ce programme de formation. Il ne fait aucun doute que cette expérience permettra aux sénateurs de vivre dans un environnement opérationnel en temps réel et de se rendre compte du dévouement des hommes et des femmes des Forces canadiennes à l'égard de la sécurité nationale.

Honorables sénateurs, il est vraiment renversant de constater de visu le dévouement et le professionnalisme avec lesquels les membres de l'Aviation royale du Canada remplissent leurs fonctions au service du pays. Même dans les périodes et les situations les plus difficiles, ils sont toujours à la hauteur de la tâche pour laquelle ils se sont fièrement portés volontaires.

Sans compter les troupes de réserve, l'effectif des Forces canadiennes a été réduit d'environ 30 000 membres au cours des dix dernières années, et il n'est plus maintenant que de 62 150 membres. Le budget de cette année est de 13,07 milliards de dollars, sur un budget de dépenses global de 175,94 milliards. Ce budget est insuffisant pour leur permettre de faire le travail qu'on leur a confié et il semble que le gouvernement ait décidé de réduire encore davantage leur budget de fonctionnement. Il donne d'une main et reprend de l'autre. C'est loin d'être acceptable.

Affectés de la Bosnie à l'Afghanistan et appelés en cas de tempêtes de verglas comme de feux de forêts et même par suite du passage d'un ouragan, les Forces armées canadiennes manquent de fonds et sont surchargées de travail. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à le dire. On peut lire un commentaire similaire dans l'édition du 15 septembre dernier du respecté hebdomadaire Jane's Defence Weekly de Grande-Bretagne.

Le temps est venu pour les gouvernements, et tous les Canadiens s'en rendent bien compte, de reconnaître l'importance de nos forces armées. Nous devons leur fournir les outils nécessaires pour qu'elles puissent mieux répondre à nos besoins en cas de désastre ou d'atteinte à notre liberté.

LE CODE CRIMINEL

LE PROJET DE LOI SUR LA CRUAUTÉ ENVERS LES ANIMAUX—DÉPÔT D'UN ARTICLE DU NEWSNORTH

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, j'aimerais obtenir le consentement unanime du Sénat pour déposer sur les pupitres des sénateurs ainsi que sur le Bureau un article paru dans le numéro du 8 septembre 2003 du NewsNorth et intitulé «Un homme survit à une attaque par un ours polaire», avec une lettre d'accompagnement de votre serviteur. Je saurais gré aux honorables sénateurs de leur donner consentement.

Son Honneur le Président: Le sénateur Watt a-t-il la permission de déposer un document?

Des voix: D'accord.


(1340)

AFFAIRES COURANTES

LA VISITE D'UNE DÉLÉGATION PARLEMENTAIRE EN INDE

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA DÉLÉGATION

L'honorable Dan Hays: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'une délégation parlementaire qui s'est rendue en Inde du 17 au 23 novembre 2002, à l'invitation du vice-président indien Sri Bhairon Singh Shekhawat, qui est également président de la Rajya Sabha, chambre haute de l'Inde, et de Shri Manohar Joshi, président de la Lok Sabha, chambre basse du Parlement indien.

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool (Son Honneur la Présidente suppléante): La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

[Français]

L'ÉTUDE SUR L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES, LES RÈGLEMENTS, LES INSTRUCTIONS
ET LES RAPPORTS PERTINENTS

DÉPÔT DU RAPPORT DU COMITÉ DES LANGUES OFFICIELLES

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Ce rapport a pour titre «Langues officielles: Point de vue 2002-2003».

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Losier-Cool, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'ARABIE SAOUDITE—LES SÉVICES INFLIGÉS À UN CITOYEN CANADIEN INCARCÉRÉ

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, hier soir, Peter Mansbridge, animateur du journal télévisé de CBC, a présenté une interview exclusive de William Sampson, citoyen canadien qui a été torturé par des responsables du royaume d'Arabie saoudite. C'était vraiment poignant. Le témoignage de M. Sampson dans le cadre de cette première interview de la série se poursuivra ce soir.

Pour faire suite à ma question d'il y a quelques jours, je voudrais demander à madame le ministre de nous informer si le gouvernement du Canada a l'intention de déposer une plainte officielle contre le royaume d'Arabie saoudite pour violation des dispositions de la Convention contre la torture?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je dois dire à l'honorable sénateur que je n'ai rien de nouveau à lui communiquer au sujet de l'affaire Bill Sampson.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

LE GROUPE DE TRAVAIL SUR LA POLITIQUE DE DÉNONCIATION DANS L'INTÉRÊT PUBLIC

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, au lieu d'interroger le nouveau sénateur venant d'Ottawa-Centre, ce que je ne peux évidemment pas faire, je vais aborder les commentaires formulés hier par la vérificatrice générale.

La vérificatrice générale a déclaré que, du point de vue du personnel du Commissariat à la protection de la vie privée, les mécanismes de dénonciation dans l'intérêt public sont inefficaces ou inexistants. De plus, la présidente du Conseil du Trésor a dit que le SCT avait fait faire une enquête auprès des employés du Commissariat pour déterminer dans quelle mesure ils sont au courant de la politique de divulgation interne et pourquoi ils n'y ont pas recouru pour dénoncer les agissements de certains membres du Commissariat. Elle a ajouté que des séances d'information sont organisées à ce sujet. La vérificatrice générale avait indiqué que ceux qui avaient osé contester des mesures prises par l'ancien commissaire on lui avaient déplu avaient été «chassés de l'étage du bureau du commissaire et exclus des réunions auxquelles ils auraient dû assister, n'avaient pas été autorisés à mettre leur nom sur des rapports et avaient été transférés à d'autres postes. Dans un cas, le travail d'un employé a été donné à contrat».

Le gouvernement croit-il sérieusement qu'il a besoin d'une enquête afin de déterminer les raisons pour lesquelles les gens n'ont pas parlé? Pense-t-il vraiment que des séances d'information auront un effet quelconque dans un climat où les employés craignaient des représailles?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il est clair que les dispositions concernant la dénonciation dans l'intérêt public qui avaient été mises en place il y a quelques années n'ont pas été efficaces au Commissariat. Nous n'en doutons pas. C'est la raison pour laquelle un groupe de travail a été formé. Il se compose d'éminentes personnalités: M. Kenneth Kernaghan, professeur de sciences politiques et de gestion à l'Université de Brock, Mme Hélène Beauchemin, présidente de HKBP Inc., entreprise spécialisée dans le développement professionnel et personnel, M. Denis Desautels, directeur du Centre de gouvernance de l'Université d'Ottawa et ancien vérificateur général du Canada, M. Merdon Hosking, président de l'Association des gestionnaires financiers de la fonction publique, et M. Edward Keyserlingk, agent de l'intégrité de la fonction publique. Le groupe de travail doit présenter son rapport au plus tard fin janvier 2004 et formuler des recommandations sur ce qu'il convient de faire au sujet de mesures législatives sur la dénonciation dans l'intérêt public ou, s'il juge préférable d'adopter un processus différent, sur les meilleurs moyens d'affronter ces questions pour éviter qu'à l'avenir, d'autres fonctionnaires soient intimidés, comme l'ont été les employés du Commissariat à la protection de la vie privée.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, je voudrais remercier madame le ministre pour sa réponse. Je profite de l'occasion pour dire à quiconque occupera ce siège à l'avenir que l'honorable leader du gouvernement au Sénat a donné un excellent exemple de la façon dont il convient de répondre à des questions ici.

Sachant tout l'intérêt que les honorables sénateurs attachent à l'établissement d'un mécanisme adéquat de dénonciation dans l'intérêt public, est-ce que madame le ministre ou le gouvernement convient en principe que nous avons besoin de mesures législatives sur cette question, comme le premier ministre l'avait promis dans sa lettre de 1993?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le gouvernement a formé ce groupe de travail. Nous n'essaierons pas de lui mettre des bâtons dans les roues en lui dictant d'avance ses conclusions. Comme il s'agit d'un groupe d'éminents Canadiens, j'attends son rapport avec beaucoup d'intérêt, en espérant qu'il sera publié le plus tôt possible, avant même l'échéance de la fin janvier.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE BUDGET—LA DEMANDE RELATIVE AUX ÉCONOMIES

L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement fédéral a confirmé hier que le ministère de la Défense nationale devra trouver 200 millions de dollars — c'est le montant le plus important exigé d'un ministère — pour contribuer aux efforts déployés par le gouvernement pour financer de nouvelles initiatives et des dépenses inattendues.

La présidente du Conseil du Trésor a déclaré lundi que les montants ainsi recueillis des différents ministères seraient consacrés aux domaines prioritaires suivants: les familles et les collectivités, les soins de santé, l'éducation, l'environnement, le SRAS, la maladie de la vache folle, la pêche à la morue et la reconstruction de l'Irak.

On a déclaré ici même il y a quelques semaines que la part de la Défense nationale dans les montants recueillis resterait dans le ministère. Est-ce encore le cas pour la totalité des 200 millions de dollars? Si oui, est-ce que madame le ministre peut nous dire si l'argent réaffecté contribuera à financer les 237 millions que la Défense nationale a reçu l'ordre de payer pour la mission en Afghanistan?

(1350)

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je peux assurer au sénateur que le Budget supplémentaire des dépenses déposé la semaine dernière concrétise un apport d'argent frais de 193 millions de dollars au ministère de la Défense nationale, pour la mission en Afghanistan.

Le sénateur Atkins: Honorables sénateurs, sauf pour les crédits consentis à l'ACDI, le Conseil du Trésor n'a pas encore fourni les détails précis sur la réaffectation des fonds pour chaque ministère. La ministre peut-elle nous dire quand l'information sur les crédits accordés au ministère de la Défense nationale sera accessible?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur a posé une question précise qui concerne l'examen du Budget supplémentaire des dépenses en cours au sein du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Les membres de ce comité examinent le Budget supplémentaire des dépenses, et j'espère qu'ils obtiendront des réponses complètes des fonctionnaires du Conseil du Trésor, y compris une réponse à la question du sénateur.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LA COMMISSION DU SAUMON DU PACIFIQUE—LE FINANCEMENT AMÉRICAIN

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, à qui j'ai donné avis de ma question.

La Commission du saumon du Pacifique a été établie aux termes d'un traité conclu entre le Canada et les États-Unis en 1985, sous notre gouvernement conservateur, afin que nos deux pays assurent, en coopération, la conservation, la gestion et le partage des stocks de saumons du Pacifique, notamment le saumon sockeye du fleuve Fraser, une ressource précieuse et menacée. Ce traité a été reconduit en 1999.

La commission bilatérale, qui est basée à Vancouver, est censée être financée également par le Canada et les États-Unis, en vertu du traité. Au cours de l'actuelle saison de la pêche au saumon, les États- Unis n'ont pas apporté leur contribution, laquelle représente quelque 1,5 million de dollars canadiens, si bien qu'on envisage des mises à pied et la fermeture des bureaux de la commission, faute de financement adéquat. Le département d'État américain promet de trouver 600 000 dollars, moins que la moitié de la contribution prévue, pour garder les portes de la commission ouvertes, mais ce montant est insuffisant pour maintenir la commission au-delà de la fin décembre.

Le gouvernement canadien a été étrangement silencieux sur cette question. Que fait le gouvernement pour veiller à ce que les Américains paient leur pleine part des coûts nécessaires pour que cette commission sanctionnée par un traité poursuive ses travaux?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de remercier madame le sénateur de m'avoir donné avis de cette question, car, comme elle l'a fait remarquer, mon état de santé n'était pas à son meilleur hier. Je lui suis donc très reconnaissante.

D'abord, le Canada a fait sa pleine contribution pour l'année à la Commission du saumon du Pacifique. Il semble que les États-Unis dégageront sous peu le montant partiel dont madame le sénateur a parlé dans sa question, et le ministère affiche un optimisme prudent, en espérant que les États-Unis surmonteront leurs problèmes de financement et paieront leur pleine part avant la fin de l'année.

Si je comprends bien, les fonds sont actuellement suffisants pour garder la commission en pleine activité jusqu'à la fin de décembre, de sorte que, si des montants supplémentaires sont déboursés — et nous avons certes reçu cette assurance — cet organisme devrait obtenir tous les fonds nécessaires à ce moment-là.

Le sénateur Carney: Honorables sénateurs, je souligne que l'exercice de la commission diffère de l'année civile, de sorte que le montant de 600 000 $ ne suffirait pas à payer la part des Américains. Voilà tout le problème. Je remercie néanmoins madame le ministre de sa réponse.

Le traité de 1999 augmentait la proportion des prises allouée aux pêcheurs américains et réduirait celle qui était allouée à la flotte commerciale canadienne. Pourtant, en plus du manque de fonds cette année, les États-Unis ne se sont pas engagés à financer leur part de la Commission du saumon du Pacifique l'année prochaine. Autrement dit, le Canada subventionne les pêcheurs américains pour qu'ils pêchent le saumon, alors qu'on interdit aux pêcheurs canadiens de le pêcher.

Que fait le gouvernement pour s'assurer que les États-Unis honoreront leur engagement international de payer leur part de la gestion et de la conservation de cette ressource internationale, ou les contribuables canadiens devront-ils payer la note des Américains encore une fois? Je voudrais savoir quelles mesures prend le gouvernement canadien. A-t-il fait parvenir une note diplomatique aux États-Unis ou leur a-t-il rappelé les obligations que leur impose le traité? Un optimisme prudent est mieux que le pessimisme, mais ce n'est pas suffisant, à mon avis, pour atténuer les préoccupations des localités de pêche en cause.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je peux dire à madame le sénateur qu'une conférence téléphonique a eu lieu, aussi récemment que le 25 septembre, et que c'est de là que vient cet optimisme. Nous avons bon espoir que les États-Unis remplissent totalement leurs obligations.

Le sénateur Carney: Madame le ministre peut-elle nous dire quelles sont ces étapes? L'espoir ne suffit pas pour remplir les filets des pêcheurs canadiens et préserver le saumon.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, il y a deux nations en jeu dans ce dossier. De toute évidence, les commissaires ont communiqué par téléphone. Les commissaires canadiens ont fait connaître leur position et ont clairement dit que, selon eux, les États- Unis devraient assumer leurs responsabilités.

Tout ce que je peux dire à l'honorable sénateur, c'est que nous savons qu'ils vont bientôt fournir un financement partiel. Celui-ci permettra certainement de maintenir le fonctionnement de l'organisation pendant quelques mois; le ministre des Pêches et des Océans affiche un optimisme prudent et croit que nous pourrons surmonter les difficultés de financement qui existent.

LA SANTÉ

LE FINANCEMENT ADDITIONNEL POUR LES PROVINCES

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre des Finances, John Manley, a déclaré qu'il était fort peu probable que le gouvernement fédéral puisse verser aux provinces les 2 milliards de dollars additionnels promis pour les soins de santé, à cause de l'impact économique du SRAS, de la maladie de la vache folle, des incendies de forêt en Colombie-Britannique et de la gigantesque panne d'électricité. En février dernier, le gouvernement fédéral avait promis d'effectuer ce paiement si l'excédent fédéral dépassait les 3 milliards de dollars. Le ministre des Finances affirme que le prochain rapport va probablement annoncer un excédent budgétaire égal à zéro pour l'exercice financier 2002-2003.

Voici ma question au leader du gouvernement au Sénat: le gouvernement fédéral consultera-t-il les provinces avant de prendre la décision finale de retirer le financement?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur le sait, le montant du financement avait été établi en fonction des prévisions financières pour le Canada et les données sont excellentes puisque le PIB a grimpé de 0,6 p. 100 au mois de juillet, un taux supérieur à ce qui avait été prévu, et puisque la croissance trimestrielle semble vouloir atteindre 3 p. 100 alors que certaines prévisions avaient laissé entendre qu'elle serait bien inférieure à 3 p. 100. Les nouvelles sont donc bonnes.

Compte tenu de cette information, il pourrait fort bien y avoir un excédent budgétaire. Toutefois, l'ensemble des décisions de l'entente sur la santé reposaient sur un accord entre les provinces et les autorités fédérales selon lequel les provinces recevraient leur part de l'excédent, puisqu'il devait y en avoir un.

Le sénateur Keon: Honorables sénateurs, si aucun excédent ne se concrétisait, madame le ministre pense-t-elle qu'il y aurait un rajustement de toute façon ou le gouvernement fédéral s'abstiendrait-il de verser quoi que ce soit aux provinces?

Le sénateur Carstairs: Il s'agit d'une question hypothétique, honorables sénateurs. J'ignore s'il y aura un excédent ou non. À en juger d'après ce qu'on a annoncé hier au sujet du PIB en août, les perspectives sont meilleures qu'elles ne l'étaient à peine un mois avant.

LES ANCIENS COMBATTANTS

LE PROGRAMME DE COURONNES DU JOUR DU SOUVENIR

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, le ministre des Anciens combattants, l'honorable Rey Pagtakhan, a confirmé cette semaine que son ministère commencera cette année à limiter le nombre de couronnes distribuées pour le jour du Souvenir. Comme les honorables sénateurs le savent, l'usage voulait qu'on envoie une couronne à chaque section de la Légion royale canadienne. Désormais, si on en croit les journaux, Ottawa fera parvenir une seule couronne dans la circonscription de chacun des députés. Je signale au passage qu'il s'agit des seuls députés et non des sénateurs. Beaucoup de députés ont plus d'une section de la Légion dans leur circonscription, et ils devront par conséquent téléphoner aux Anciens combattants d'ici le début de la semaine prochaine pour commander d'autres couronnes.

Voici ma question: madame le ministre peut-elle nous dire pourquoi on a pris cette décision singulière? Applique-t-on les mêmes principes qui ont fait qu'on accorde des prestations du Programme pour l'autonomie des anciens combattants à certaines veuves seulement et non à toutes?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, cette décision sur les couronnes correspond à ce que la majorité des députés souhaitent. Ils peuvent aussi demander des couronnes supplémentaires s'ils en ont besoin.

Pour ce qui est de la remarque sur le fait que la décision s'applique seulement aux députés, je peux donner à l'honorable sénateur l'assurance qu'un message a été diffusé ce matin, disant que je considère que les sénateurs sont sur le même pied d'égalité que les autres parlementaires.

(1400)

Le sénateur Meighen: Je suis persuadé que nous partageons tous ce point de vue de madame le leader du gouvernement au Sénat et nous la remercions d'avoir précisé cela une fois de plus.

Comme question complémentaire, madame le leader pourrait-elle nous préciser les besoins auxquels M. Pagtakhan a fait allusion et en quoi cette approche permet mieux d'y répondre, et plus précisément si les partenaires du projet — quels qu'ils soient — ont été avisés de ce changement de politique et quand ils l'ont été?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je n'ai pas cette information. J'ignore le nom des partenaires et je ne sais pas s'ils ont été avisés. J'essaierai d'obtenir cette information pour l'honorable sénateur.

Le sénateur Meighen: Je voudrais remercier madame le leader de cette réponse et peut-être que, pendant qu'elle y est, elle pourrait déterminer ce qu'est un «partenaire de projet». Je n'ai jamais entendu ce terme, mais il y a beaucoup d'expressions modernes que je n'ai jamais entendues.

Enfin, pendant qu'elle va aux renseignements, madame le ministre pourrait peut-être vérifier si le changement découlait de démarches faites par les partenaires du projet ou s'il venait du ministère des Anciens Combattants.

Le sénateur Carstairs: Je serai heureuse de trouver d'où vient l'initiative, qu'il s'agisse du ministère ou de ces partenaires de projet, quels qu'ils soient.

LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION

LA DEMANDE DU STATUT DE RÉFUGIÉ DE M. ERNST ZUNDEL

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, en février dernier, un des personnages bien connus pour nier l'existence de l'Holocauste a été expulsé des États-Unis vers le Canada. Le gouvernement fédéral a émis une attestation de sécurité contre lui en mai afin d'ordonner son renvoi en Allemagne, où il est recherché pour des crimes motivés par la haine. Il fait l'objet à l'heure actuelle d'une révision des motifs de la détention tendant à déterminer s'il devrait être libéré en attendant l'évaluation du risque qu'il pose pour la sécurité nationale. Sauf erreur, cette révision reprendra le 10 décembre.

Pourquoi tenir une révision de ce genre pour un individu qui a été accusé par le gouvernement fédéral d'être un risque pour la sécurité nationale? Si le gouvernement croit qu'un individu est suffisamment dangereux pour être expulsé du Canada, pourquoi permet-il une audience de ce genre qui pourrait conduire à la libération de l'individu en question?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Nous avons des lois en vigueur dans notre pays, et toute personne se trouvant dans ce pays peut s'en prévaloir. Comme le sénateur le sait, M. Zundel avait précédemment demandé d'être libéré. Sa demande a été rejetée. Il faudra attendre de voir ce qui se produira le 10 décembre, mais même si l'honorable sénateur et moi-même n'aimons pas toujours la façon dont les lois s'appliquent à chacun, c'est ce qui fait du Canada un pays si particulier.

Le sénateur Tkachuk: Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire combien de temps encore, de l'avis du gouvernement fédéral, ce processus durera?

Le sénateur Carstairs: Il n'y a aucun moyen d'évaluer le temps que prendra ce processus. Les choses suivent leur cours normal.

LE COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LES RAPPORTS FINANCIERS

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, dans son rapport, la vérificatrice générale a fait état de la mauvaise gestion généralisée des fonds publics et des abus de pouvoir commis par le Commissariat à la protection de la vie privée. Les rapports financiers étaient au nombre des aspects mentionnés. Selon la vérificatrice générale, ceux qui ont préparé les états financiers du Commissariat à la protection de la vie privée pour l'exercice ayant pris fin le 31 mars 2003 ont sciemment omis d'y inclure environ 234 000 $ de comptes créditeurs à la fin de l'exercice. Ces états financiers erronés ont été présentés en juin 2003.

Dans son rapport, la vérificatrice générale ajoute que les agents financiers étaient chargés de veiller à ce qu'il soit rendu compte fidèlement des dépenses et à ce que les états financiers soient présentés convenablement. Selon la vérificatrice générale, ces agents «ne se sont pas acquittés de leurs responsabilités les plus fondamentales». La population en général considérerait certainement pareille conduite de la part des autorités concernées comme une fraude fiscale méritant de faire l'objet de poursuites pertinentes.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si des poursuites en justice ont été intentées contre les personnes qui ont préparé les états financiers du Commissariat à la protection de la vie privée pour l'exercice ayant pris fin en mars 2003?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Ce que je peux dire à l'honorable sénateur, c'est que la GRC mène actuellement jusqu'à douze enquêtes.

Le sénateur Stratton: Il me faut poser une question complémentaire avant de passer à la prochaine question et je ferai un lien entre les deux.

Madame le leader du gouvernement veut-elle dire douze enquêtes de la GRC concernant le commissaire à la protection de la vie privée? Je lui saurais gré de répondre à cette question ainsi qu'à cette autre question complémentaire.

Les incohérences ne s'arrêtent pas à la falsification des états financiers. Cela peut expliquer en partie la réponse de la ministre à propos des douze enquêtes. La vérificatrice générale a laissé savoir que plusieurs autres cas d'usage à mauvais escient de fonds publics ont été renvoyés à la GRC et font l'objet d'enquête. Il y a entre autres les paiements non justifiés de crédits de congés annuels, comme le signale la vérificatrice générale dans son rapport:

De juin 2001 à mai 2003, l'ancien commissaire a encaissé des soldes de crédits de congés annuels à six reprises, recevant des paiements d'environ 56 000 $ au total.

Ces paiements ont été versés même si les congés avaient déjà été pris mais non déclarés. La vérificatrice générale ajoute:

À notre avis, cette pratique n'était pas justifiée et, par conséquent, ces paiements étaient inappropriés.

Mentionnons également les paiements injustifiés versés à l'ancien commissaire qui ne sont rien d'autre que des prêts personnels consentis à même les fonds publics. Toujours selon le rapport de la vérificatrice générale:

[...] les deux paiements de 15 000 $ qui ont été versés à l'ancien commissaire (en mai 2002 et en avril 2003) n'étaient ni accompagnés de pièces justificatives ni consentis conformément à la politique du Conseil du Trésor sur les avances permanentes...

Le rapport poursuit:

[...] nous croyons que ces paiements étaient inappropriés, ce qui contrevient à l'article 26 et à l'article 33 de la Loi sur la gestion des finances publiques.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous expliquer comment l'ex-commissaire à la protection de la vie privée a pu utiliser les fonds publics à sa guise sans en subir de conséquences? Quelles sanctions, si sanctions il y a, seront prises contre l'ex-commissaire à la protection de la vie privée qui est au coeur de ce scandale financier?

Le sénateur Carstairs: Comme le souligne l'honorable sénateur, le rapport déposé hier par la vérificatrice générale est cinglant; cela ne fait aucun doute. Pour ce qui est des enquêtes, je crois comprendre qu'il y en a une douzaine en tout et non 12 dirigées contre une même personne.

La fonction publique du Canada ne tolère pas les agissements répréhensibles. C'est pourquoi les personnes ayant enfreint le code de valeur et d'éthique de la fonction publique ou d'autres lois et politiques font l'objet de mesures disciplinaires qui peuvent aller jusqu'au congédiement. Elles peuvent même faire l'objet d'accusations au criminel si jamais la GRC détermine qu'une mesure semblable s'impose. Le Conseil du Trésor a indiqué qu'il collaborerait pleinement avec la GRC, comme on est en droit de s'y attendre, et les enquêtes débutent.

Le sénateur Stratton: Si vous me le permettez, j'ai une dernière question à ce sujet. Le problème, c'est que ces affaires semblent surgir à répétition, et cette situation assombrit toute la fonction publique que nous aimons tous tenir en haute estime. Selon moi, les honorables sénateurs des deux côtés de la Chambre partagent ce sentiment. Toutefois, cela m'amène à me poser la question suivante: si l'on tient compte de ce qui s'est produit chez le commissaire à la protection de la vie privée, des enquêtes sont-elles en cours dans d'autres ministères pour assurer que ce n'est qu'un cas isolé?

Honorables sénateurs, je ne veux pas d'une chasse aux sorcières et je ne demande pas qu'il y en ait une. Pour l'amour du ciel, cependant, nous devons endiguer cet incident, car il porte préjudice à tout le monde. Les personnes les plus touchées sont les bureaucrates, mais les sénateurs le sont également.

D'autres enquêtes sont-elles en cours afin qu'on ait la certitude que ce genre de comportement est limité et demeurera limité au Commissariat à la protection de la vie privée du Canada?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je serais très étonnée d'apprendre que les sous-ministres du gouvernement n'ont pas tous pris très au sérieux le rapport de la vérificatrice générale et adopté les dispositions voulues pour que leur ministère ne se retrouve pas au coeur d'une histoire d'horreur semblable, car agir autrement ne témoignerait pas du professionnalisme qui, nous en conviendrons vous et moi, correspond à ce que nous attendons de notre fonction publique.

Toutefois, le problème est particulièrement épineux dans le cas d'un fonctionnaire du Parlement. Ces fonctionnaires relèvent de nous et, à mon avis, nous n'avons peut-être pas fait preuve de toute la vigilance qui s'imposait dans leur cas.

(1410)

Honorables sénateurs, nous avons déjà été témoins de scandales dans le passé. Le gouvernement — je parle ici de l'institution politique qui comprend le Cabinet, le premier ministre — n'a pas la tâche facile lorsqu'il prend des mesures énergiques contre un haut fonctionnaire du Parlement. Ce haut fonctionnaire est, à juste titre, notre haut fonctionnaire. C'est la raison pour laquelle j'ai suggéré hier à la Chambre, et j'espère que les honorables sénateurs examineront la suggestion sérieusement, que nous devrions peut- être songer à imiter l'autre endroit, qui s'est doté d'un Comité des opérations gouvernementales, ou encore élargir le mandat du Comité sénatorial permanent des finances nationales, ce que je préférerais.

LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUELE CONSEIL DU TRÉSOR

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LES IRRÉGULARITÉS EN MATIÈRE DE DOTATION AU COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, l'un des aspects les plus troublants du rapport de la vérificatrice générale est le fait que, il y a deux ans, la Commission de la fonction publique a effectué une vérification au sujet de présumés abus concernant les pratiques de gestion du Commissariat à la protection de la vie privée et, selon la vérificatrice générale, le ministère n'a pas donné suite à la vérification, ou si peu que les mesures prises n'ont eu aucun effet.

En outre, le Conseil du Trésor était certainement au courant des abus commis, notamment le non-respect de ses lignes directrices et directives par le commissaire à la protection de la vie privée, et pourtant il n'a rien fait.

Il y a une semaine environ, nous avons reçu des communiqués de la Commission de la fonction publique et du Conseil du Trésor, indiquant qu'ils allaient apporter des correctifs, ordonner ceci et cela, nommer des superviseurs, et ainsi de suite. Pourquoi ne l'ont-ils pas fait immédiatement après avoir appris ce qui se passait au Commissariat?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'information que j'ai reçue indiquait que rien, dans les échanges courants avec le Commissariat à la protection de la vie privée, qui avaient lieu régulièrement, n'indiquait la gravité des problèmes mis au jour par la vérificatrice générale.

La vérificatrice générale a reçu des documents qui indiquent que le Secrétariat du Conseil du Trésor a communiqué des directives au Commissariat à la protection de la vie privée à plusieurs reprises. Le secrétariat a procédé, à la lumière des dépenses excessives du Commissariat, à un examen de ses besoins financiers, mais les dépenses excessives n'indiquaient pas une mauvaise gestion financière endémique.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, madame le ministre répondra peut-être à ma prochaine question. La vérificatrice générale indique, au paragraphe 48 de son rapport:

La Commission de la fonction publique n'a pas réagi fermement quand elle a été mise au courant d'irrégularités en matière de dotation au Commissariat.

Comment a-t-on permis que cette situation se détériore à ce point tandis que l'agence la plus responsable fermait les yeux?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je n'ai aucune information de la Commission de la fonction publique, mais je peux dire que le Secrétariat du Conseil du Trésor savait que tous les cadres supérieurs du bureau du commissaire à la protection de la vie privée avaient reçu la rémunération au rendement maximale prévue par le Programme de gestion du rendement, mais il n'a appris qu'au cours de l'été qu'aucun accord de rendement n'était en place pour autoriser ces versements. À ce moment-là, on avait déjà fait appel à la vérificatrice générale, qui avait alors entrepris une enquête approfondie et très minutieuse.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de l'honorable Linda Baboolal, présidente du Parlement de Trinidad et Tobago. Elle est accompagnée par son collègue, le sénateur Ramesh Deosaran, et par le haut commissaire au Canada, Son Excellence Arnold Alvin Piggott.

Bienvenue au Sénat du Canada.


ORDRE DU JOUR

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—MESSAGE DES COMMUNES—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux).

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose:

Que, en ce qui concerne le message envoyé au Sénat par la Chambre des communes en date du 29 septembre 2003, concernant le projet de loi C-10B,

(i) le Sénat n'insiste pas sur son amendement no 2;

(ii) le Sénat n'insiste pas sur sa version modifiée de l'amendement no 3 que la Chambre des communes a rejeté;

(iii) Le Sénat n'insiste pas sur sa version modifiée de l'amendement no 4, mais agrée l'amendement fait par la Chambre des communes à l'amendement no 4, et

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Nous sommes censés étudier le message de la Chambre des communes concernant le projet de loi. Comment pouvons-nous nous prononcer sur une motion proposant de prendre certaines mesures si nous n'avons pas étudié le message? La motion est quelque peu prématurée.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la motion n'est pas prématurée. Le message de la Chambre des communes nous est parvenu hier. J'ai proposé une motion pour que nous puissions débattre le message et la motion dont nous sommes saisis. Je la commenterai dès que nous aurons réglé la question du rappel au Règlement.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, examinons le Feuilleton. Le message est devant nous. Nous avons convenu d'étudier le message. Cette étude n'avait même pas encore commencé que le leader du gouvernement au Sénat nous exhortait à ne pas trop insister sur le message. C'est à croire que la maxime «Rien n'est dans l'intelligence qui n'ait pas été d'abord dans les sens» n'est plus vraie. Le latin dit nihil est in intellectu, quod non prius fuerit in sensu, une maxime que les habitants de Hampton, au Nouveau-Brunswick, ne cessent de répéter.

Honorables sénateurs, il se peut que nous trouvions la motion recevable lorsque nous l'aurons étudiée, mais pour l'instant l'article à l'ordre du jour dont nous sommes saisis est le message. Nous devrions certainement écouter ce que madame le ministre en pense. Après avoir entendu son point de vue, nous devrions écouter d'autres honorables sénateurs. Alors, si un honorable sénateur souhaite présenter une motion fondée sur notre étude, c'est bien. Toutefois, tout cela est plutôt a priori.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne vois absolument pas le problème. Nous étudions régulièrement des projets de loi sur lesquels les honorables sénateurs peuvent parler, sans donner de préavis, et proposer des amendements ou des motions se rattachant à cette question.

Aujourd'hui, nous avons un message de la Chambre des communes. Le gouvernement présente une motion que nous étudierons par la suite. Je ne vois pas pourquoi on ne procéderait pas de cette façon.

[Traduction]

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, j'aimerais faire part de certaines préoccupations relatives à la motion présentée. J'ai lu le message que nous avons reçu de la Chambre des communes. Je crois qu'il n'est pas très explicite. D'une part, l'autre endroit semble apprécier et comprendre la clarification apportée par le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

(1420)

Son Honneur le Président: Je regrette d'interrompre le sénateur Watt. Je tiens seulement à préciser que nous discutons pour l'instant d'un rappel au Règlement fait par le sénateur Kinsella.

Le sénateur Watt souhaite-t-il parler du rappel au Règlement ou de la question dont nous sommes saisis?

Le sénateur Watt: Je voulais parler du rappel au Règlement.

Son Honneur le Président: Dans ce cas, continuez.

Le sénateur Watt: Comme le message que nous avons reçu de la Chambre des communes n'est pas clair, je suis d'accord avec mes collègues de l'autre côté pour dire qu'il est prématuré de présenter une motion d'agrément.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, je crois que le rappel au Règlement qui vient d'être fait est parfaitement valable. J'ai insisté hier pour que le message de la Chambre des communes soit lu et consigné au compte rendu afin que nous puissions l'avoir devant nous aujourd'hui, parce que j'ai cru comprendre que l'étude de ce message serait inscrite à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui.

Peut-être qu'on devrait commencer par le début, comme on a tendance à le faire, et tenter de se rappeler la signification du mot «étude». Pour moi, ce mot désigne toutes les discussions et tout le débat qui ont cours à la Chambre avant qu'une décision ne soit prise. Il se pourrait même que l'étude ne donne lieu à aucune décision.

La question dont nous sommes saisis est «l'étude du message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux)».

Ce qu'a fait le sénateur Carstairs est plus que prématuré. Je qualifierais même son geste d'anticipé, puisqu'elle demande essentiellement à la Chambre de laisser tomber le débat, l'étude et la discussion sur le message afin de prendre tout de suite une décision. Ce n'est pas tout à fait régulier. Il faudrait étudier le message et en discuter, car on ne nous a pas dit de quoi il s'agit. On ne nous a pas avisés des fondements du message. En fait, nous n'avons même pas été en mesure jusqu'à présent de découvrir le moindre indice quant au raisonnement et à la logique qui ont motivé le message. Tout ce que nous savons, c'est que la motion du sénateur Carstairs nous invite essentiellement à conclure que le Sénat est une institution de second plan qui non seulement devrait se plier et renoncer à sa position originale, mais qui devrait le faire avant même d'avoir discuté comme il se doit du message.

J'ai beaucoup de mal à accepter cette conclusion, honorables sénateurs. La meilleure chose à faire serait que le leader du gouvernement au Sénat et les sénateurs du parti ministériel nous disent d'abord ce que les députés de la Chambre des communes avaient en tête lorsqu'ils nous ont envoyé ce message, après quoi, les sénateurs ayant obtenu les renseignements indispensables, nous pourrions engager un bon débat.

Honorables sénateurs, l'examen de ce message est d'autant plus important que, j'oserais dire, ce n'est pas un message. Nous pourrions le désigner sous divers vocables, notamment une épître ou une conférence. Il est extrêmement important que nous débattions cette question, parce qu'il s'agit là du message le plus long que j'aie jamais vu.

Honorables sénateurs, j'estime que l'initiative du sénateur Carstairs est préventive et prématurée. Je crois qu'il serait préférable qu'elle ne révèle pas tout de suite sa motion, de sorte que, durant notre débat, nous ayons un certain suspense quant aux intentions réelles du gouvernement. Pour une fois, nous pourrions connaître une ou deux surprises.

Peu importe la façon dont vous pourriez la scinder, honorables sénateurs, cette motion n'est pas recevable parce qu'elle vise à faire taire le débat, à l'interrompre, à l'orienter et à le forcer vers une certaine conclusion, à laquelle pourraient aboutir beaucoup d'entre nous éventuellement, mais pas tout de suite.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Son Honneur le Président: Je tiens à remercier tous les sénateurs pour les observations qu'ils ont faites sur le recours au Règlement visant à savoir si les travaux du Sénat devaient actuellement porter sur la motion présentée par le sénateur Carstairs au sujet du débat sur le message relatif au projet de loi C-10B qui a été reçu de la Chambre des communes hier.

Nous présentons habituellement les questions au Sénat sous forme de motions. Le fait que cette motion presse le Sénat de parvenir à une conclusion ne signifie pas que le Sénat parviendra effectivement à une conclusion. Je ne vois donc pas d'inconvénient, sur le plan de la procédure, à débuter le débat sur le message par voie de motion. Je ne crois pas avoir besoin de temps pour examiner ce rappel au Règlement.

J'attire l'attention des honorables sénateurs sur le hansard du 10 juin de cette année, page 915, qui indique que nous avons reçu un message sur le même projet de loi. Nous avions alors débattu ce message au moyen d'une motion. J'estime donc qu'il convient d'examiner de nouveau la réponse que nous donnerons au message reçu de la Chambre des communes au moyen d'une motion.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'amorce cet après-midi un débat qui, je l'espère, sera très intéressant et permettra à certains sénateurs de participer au processus d'examen du projet de loi C-10B. J'aimerais revenir en arrière à propos de ce projet de loi pour expliquer pourquoi j'ai présenté cette motion cet après-midi.

Souvenons-nous, honorables sénateurs, que nous avons pris connaissance du projet de loi C-10, sous sa forme unifiée, il y a près d'un an. Le Sénat est en effet saisi de ce projet de loi depuis octobre 2002. Le Sénat a adopté cinq amendements et il a procédé à la troisième lecture de ce projet de loi le 29 mai de cette année.

(1430)

Honorables sénateurs, il est clair que l'étude que nous avons faite en octobre, novembre, décembre, février, mars, avril et mai a permis de débattre à fond cette mesure législative. Comme je l'ai mentionné, nous avons proposé cinq amendements, que nous avons envoyés à la Chambre des communes. Cette dernière a accepté deux d'entre eux. Elle a aussi accepté en principe le troisième amendement, qui porte sur l'apparence de droit. Cependant, on peut dire que la Chambre des communes a adopté une version différente de cet amendement. Elle a rejeté les deux autres amendements, qui portent sur les pratiques de chasse des Autochtones et sur les dispositions visant à fusionner deux infractions. Cela laissait en fait trois questions en suspens, même s'il y avait, je crois, un certain consensus à cet égard.

En juin, après des délibérations en comité et dans cette Chambre, le Sénat a décidé d'exprimer à la Chambre des communes son désaccord sur les trois points, même si, encore une fois, il y avait un certain consensus au sujet de la question de l'apparence de droit. Par conséquent, les amendements ont été retournés à la Chambre des communes.

Nous sommes saisis aujourd'hui d'un message de la Chambre des communes qui dit que, non, la Chambre des communes n'est pas d'accord pour que ces trois amendements continuent d'être modifiés. Elle a une attitude différente à cet égard et insiste sur ses propres amendements.

Honorables sénateurs, il est important que nous comprenions bien en quoi consistent ces amendements. L'amendement no 2 aurait pour effet de fusionner deux infractions, c'est-à-dire tuer un animal sans excuse légitime et infliger des souffrances sans nécessité. Le gouvernement, appuyé par la Chambre des communes, rejette cet amendement. La Chambre des communes croit que cet amendement donnerait lieu à une certaine confusion, particulièrement étant donné que les deux infractions portent sur deux comportements différents, que les composantes de chaque infraction sont complètement différentes et que le terme «sans nécessité» n'est pas défini dans le droit pénal et qu'on ne sait donc pas clairement comment il serait interprété. Par conséquent, elle est d'avis que les deux infractions devraient demeurer distinctes dans la loi.

L'amendement no 3 ferait en sorte que les pratiques de chasse des Autochtones et l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 soient mentionnés de façon précise dans la loi. Au mieux, le gouvernement estime que cet amendement est inutile puisque le Code criminel est une loi ordinaire qui ne pourrait absolument pas enlever aux Autochtones les droits qui leur sont accordés en vertu de l'article 35 de la Constitution. La Constitution est la loi suprême. Une simple loi du Parlement ne peut pas faire quelque chose qui soit contraire à la Constitution, sans quoi cette loi serait déclarée inconstitutionnelle.

Honorables sénateurs, la question des dispositions de non- dérogation est complexe. Comme tous les honorables sénateurs le savent, en juin dernier, j'ai présenté une motion demandant au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'étudier toute cette question. Malheureusement, nous en sommes encore saisis. Nous ne l'avons pas soumise à ce comité qui, je le sais, est plus que disposé à se pencher sur cette question.

Pourquoi ai-je jugé que cette étude était nécessaire? Honorables sénateurs, nous avons maintenant dans nos recueils de lois quatre versions différentes des dispositions de non-dérogation — quatre! L'amendement en représente une cinquième. Je pense qu'il est beaucoup plus important de trouver, grâce à des études et à la consultation, une solution que tout le monde peut appuyer. C'est pourquoi j'ai proposé cette motion. Nous voulons une solution globale. Nous ne voulons pas adopter une disposition de non- dérogation différente pour chaque projet de loi où la question se pose. À mon avis, en agissant ainsi, on rendrait un mauvais service aux Autochtones, car cela crée de la confusion. Qu'est-ce que cette disposition de non-dérogation signifie au juste? Si nous pouvons modifier son sens juridique d'une loi à l'autre, cette expression n'a alors aucun sens. Il est important pour nous d'étudier cette question en profondeur. Je crois que le Sénat est le meilleur endroit pour le faire.

L'amendement no 4 recueille un fort appui, car on s'est entendu pour inclure une allusion explicite à un moyen de défense basé sur l'apparence de droit dans la common law. Les Communes ont reconnu que cela devait être fait. Cependant, les Communes avaient des préoccupations et elles continuent d'en avoir au sujet de la façon dont l'amendement du Sénat a été rédigé.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a accepté l'approche proposée par les Communes en ce qui concerne le libellé. L'utilité de l'approche des Communes est qu'en incluant des moyens de défense prévus par la common law grâce à des renvois au paragraphe 429(2) actuel, on ne risque pas de perdre la jurisprudence établie au fil des décennies aux termes de cette disposition. Cependant, notre comité a apporté un amendement au libellé proposé par la Chambre des communes en supprimant l'expression «dans la mesure où ils sont pertinents». Le gouvernement croit que cette expression est importante. Les moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) du Code criminel s'appliquent à un éventail d'infractions et pas simplement à la cruauté envers les animaux. L'expression «dans la mesure où ils sont pertinents» montre clairement l'intention du Parlement de faire en sorte qu'on ne modifie pas la façon dont on applique à l'heure actuelle ces moyens de défense aux infractions liées à la cruauté envers les animaux. En fait, on préserve le statu quo.

Pour mettre les choses dans un contexte différent, je vous pose la question suivante: pourquoi une personne accusée devrait-elle avoir accès à un moyen de défense qui n'est pas pertinent à l'infraction présumée?

Le message que nous avons reçu hier révèle que la Chambre des communes insiste effectivement sur les trois aspects, dans la suite logique du message qu'elle nous avait fait parvenir le 2 juin 2003. Ce message explique dans le détail les motifs de ses désaccords avec le Sénat, et j'en ai d'ailleurs évoqué plusieurs.

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. J'ai écouté très attentivement les propos du leader du gouvernement et, simultanément — parce que nous étudions présentement sa motion — la motion demandant que le Sénat n'insiste pas sur son amendement, qui comprend trois parties, et qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer. Pendant que j'écoutais les propos de l'honorable sénateur, je consultais la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, au sujet de la façon dont les Chambres peuvent exprimer leur désaccord et entretenir des échanges. Il m'est apparu que cette motion est irrecevable pour une importante série de raisons non liées à ce dont nous parlions plus tôt.

Pour étayer ce que j'avance, je renvoie les honorables sénateurs à la cinquième édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, et en particulier au commentaire 814. Il doit y avoir beaucoup de confusion car, soit nous étudions le message proprement dit, soit nous étudions concrètement la motion demandant que l'on n'insiste pas sur les amendements.

(1440)

Honorables sénateurs, je vous renvoie au commentaire 814, à la page 248 de la cinquième édition de Beauchesne, sous la rubrique «Prise en considération par la Chambre des modifications proposées par le Sénat». On y dit que:

Lorsque la Chambre des communes refuse d'accepter des amendements apportés par le Sénat, elle adopte une résolution déclarant les raisons de son refus.

Le commentaire 814 ajoute ensuite ce qui suit:

Cette résolution est envoyée au Sénat. Si les sénateurs insistent sur leurs amendements, ils envoient un message à la Chambre pour l'en informer.

Honorables sénateurs, le Sénat a apporté des amendements et a transmis un message à la Chambre des communes. Cette dernière nous a répondu et nous lui avons fait parvenir un nouveau message. Autrement dit, les sénateurs ont insisté. Le commentaire 814 comprend ensuite les phrases cruciales suivantes:

Sur ce, la Chambre, ou bien accepte les amendements, ou bien adopte une motion portant institution d'une conférence, à laquelle chaque Chambre nomme ses représentants. On fixe une date pour la réunion. Si le désaccord persiste, la Chambre peut accepter les amendements ou le Sénat les retirer. Si aucune de ces deux solutions n'est adoptée, le projet de loi en reste là.

Il y a quelque chose qui ne va pas du tout dans la façon dont la Chambre des communes traite cette question aujourd'hui. Le Sénat a apporté des amendements et la Chambre des communes les a examinés, puis nous a fait parvenir son opinion. Le Sénat a de nouveau examiné les amendements et a ensuite envoyé le message dans lequel il faisait valoir son insistance. Encore une fois, voici ce que dit la cinquième édition de Beauchesne, après que les sénateurs aient envoyé le message à la Chambre indiquant qu'ils insistaient:

Sur ce, la Chambre, ou bien accepte les amendements, ou bien adopte une motion portant institution d'une conférence, à laquelle chaque Chambre nomme ses représentants. On fixe une date pour la réunion. Si le désaccord persiste, la Chambre peut accepter les amendements ou le Sénat les retirer. Si aucune de ces deux solutions n'est adoptée, le projet de loi en reste là.

Honorables sénateurs, ni la Chambre des communes ni le leader du gouvernement au Sénat ne suivent la ligne de conduite prescrite dans la cinquième édition de Beauchesne.

Il y aurait beaucoup à dire au sujet de ce message, qui, je crois, devrait faire l'objet d'un débat, peut-être à un autre moment. Le message porte gravement atteinte aux privilèges du Sénat; il n'était pas rédigé en langage parlementaire et ne se présentait pas comme un message d'une Chambre du Parlement à l'autre. Voici, par exemple, ce que dit la première phrase du message de la Chambre des communes:

Qu'un message soit envoyé au Sénat afin d'informer les honorables sénateurs que, en ce qui concerne le projet de loi C- 10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), la Chambre des communes maintient son refus de donner suite à ce que le Sénat demande avec insistance, soit approuver l'amendement no 2...

J'ai des nouvelles pour la personne qui a rédigé ce message: la Chambre des communes ne peut maintenir son refus de donner suite à ce que le Sénat demande avec insistance. Le Sénat a insisté, et cela signifie qu'il insiste toujours. La Chambre peut avoir des objections de fond aux amendements, mais elle ne peut simplement persister à désapprouver l'insistance du Sénat. Tout le document est rédigé dans un style bizarre et non parlementaire.

Voici encore, à titre d'exemple, ce que dit le paragraphe (1) du message: «Elle n'est pas d'accord avec l'amendement no 2...» N'importe quel parlementaire saurait que les messages échangés entre les deux Chambres sont toujours rédigés dans la forme positive; aussi, le message ne devrait pas dire: «Elle n'est pas d'accord», mais «Elle désapprouve». On retrouve ce genre de formulation tout au long de ce document. En fait, il est douteux que ce document ait été rédigé par quelqu'un du Parlement.

Honorables sénateurs, lorsque le Sénat insiste pour maintenir un amendement, la procédure indiquée pour la Chambre des Communes, qui est en possession d'un message, est d'adopter une motion demandant la tenue d'une conférence des membres des deux Chambres du Parlement. C'est la procédure indiquée. Il y a un scénario indiqué quand les deux Chambres du Parlement sont en désaccord, et il faut s'y conformer au lieu d'avoir simplement une motion demandant au Sénat de renoncer à ce qu'il a adopté après maintes discussions.

Dans le cas présent, le comportement de la Chambre est inadmissible. Le ministre et d'autres députés de la Chambre des communes auraient dû présenter une motion demandant la tenue d'une conférence des membres des deux Chambres. Jusqu'ici, la procédure suivie est très inhabituelle et très irrégulière.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, pour plusieurs raisons, il est difficile de comprendre comment on peut considérer qu'il soit, dans le cas échéant, question d'un rappel au Règlement. On questionne plutôt la décision selon laquelle tout était recevable et qu'on devait procéder.

Le message nous est arrivé hier, de la Chambre des communes. La Chambre des communes est indépendante de cette Chambre, et nous ne pouvons lui dicter ce qu'elle doit faire. Le message nous est arrivé, il a été lu et inscrit à l'ordre du jour. Dans la mesure où il existait un problème avec ce message, nous aurions dû le soulever hier. Le message a été accepté, et il est devant nous. La motion présentée était inscrit et se rapportait au message qui est devant nous. La décision a été prise que nous devions procéder. Comment peut-on essayer de retarder le débat? Ce rappel au Règlement est tout simplement frivole, honorables sénateurs.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, la question devant nous actuellement est l'amendement et non le message.

S'il s'agissait du message présenté par l'honorable sénateur Cools, le commentaire serait approprié. Il ne s'agit pas du message devant nous actuellement, mais de l'amendement. Le paragraphe 59(8) du Règlement de Sénat est-il en jeu? Cet article traite des situations pour lesquelles un avis est nécessaire.

59. Nul préavis n'est requis pour:

(8) l'étude, sur-le-champ ou à une séance future, des amendements apportés par les Communes [...]

Dans la situation actuelle, les Communes ne font pas un amendement. En réalité, les Communes ont rejeté les amendements proposés par le Sénat. Par conséquent, la question se pose: doit-il y avoir un avis? Sans un avis, les sénateurs n'ont pas la possibilité de savoir, avant d'arriver en Chambre, ce qui est sur la table. Voilà le problème.

(1450)

Nous sommes venus à la Chambre avec l'intention d'avoir un débat sur le contenu du message provenant de la Chambre des communes. Le leader du gouvernement nous propose autre chose. C'est la question qui est devant nous. Nous n'avons pas reçu un avis. Le leader du gouvernement n'a pas réglé la question de savoir si un avis était nécessaire ou non.

Je vois dans le Règlement du Sénat qu'un avis est nécessaire dans certaines circonstances. Toutefois, au paragraphe 59(8) du Règlement, il est stipulé que:

59. Nul préavis n'est requis pour:

(8) l'étude, sur-le-champ ou à une séance future, des amendement apportés par les Communes à un projet de loi d'intérêt public;

Cependant, dans le message de la Chambre des communes, il n'y a pas d'amendement. Cela veut dire que ce message ne se trouve pas dans la catégorie où nul préavis n'est requis. Cela veut dire qu'un avis est nécessaire, sinon nous arriverons à la Chambre sans savoir ce qui est à l'ordre du jour.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je crois que les sénateurs Robichaud et Kinsella en ont suffisamment dit au sujet de la question qu'a soulevée le sénateur Cools. Je remercie les sénateurs de leur intervention.

De fait, selon madame le sénateur Cools, la seule façon de régler cette affaire est de suivre la procédure des conférences, procédure qu'elle a décrite en se fondant sur la cinquième édition du Beauchesne. Ce n'est pas la première fois que nous examinons cette question au Sénat. Nous avons établi des pratiques. Je ne sais pas au juste la date de la cinquième édition, mais nous utilisons actuellement la sixième édition, et j'aimerais m'y référer. Vu la question soulevée par le sénateur Cools, je juge important de lire les passages pertinents de la sixième édition du Beauchesne. Voici le commentaire 743 qui se trouve à la page 224:

Lorsque la Chambre des communes refuse d'accepter les amendements du Sénat, elle adopte une motion déclarant les raisons de son refus et la fait parvenir sous forme de message au Sénat. Si les sénateurs insistent sur leurs amendements, ils envoient un message à la Chambre pour l'en informer. La Chambre peut accepter les amendements ou les renvoyer au Sénat avec un nouveau message.

[Traduction]

J'insiste sur les mots qui suivent:

Le projet de loi peut aller et venir ainsi plusieurs fois.

Je vais m'arrêter là et laisser les honorables sénateurs poursuivre eux-mêmes la lecture de ce commentaire.

Je veux également citer un autre texte dont nous nous servons, Marleau-Montpetit, dans la seule édition jamais publiée, à ma connaissance. Il s'agit de la page 675, sous le titre «Adoption par les Communes des amendements du Sénat (le cas échéant)». Au dernier paragraphe, avant le titre «Conférence entre les Chambres», on peut lire ce qui suit:

Il...

— le Sénat —

... peut décider soit d'accepter la décision de la Chambre, soit de la refuser en insistant pour maintenir ses amendements, soit encore de modifier ce que la Chambre a proposé. Peu importe la décision du Sénat, il transmet un autre message à la Chambre pour l'en informer. Cette communication entre les deux Chambres se continue jusqu'au moment où, finalement, elles arrivent à s'entendre sur un même texte.

Les deux Chambres peuvent recourir à des dispositions concernant la tenue de conférences. Toutefois, elles peuvent aussi adopter la procédure que nous suivons, c'est-à-dire échanger des messages jusqu'à ce qu'elles puissent s'entendre.

Par conséquent, notre façon de procéder n'a rien qui soit contraire au Règlement, surtout que la seule autre façon de procéder consisterait à recourir à la procédure des conférences.

Quant à la question de l'avis, le sénateur Kinsella a correctement interprété le Règlement. La question aurait pu être réglée hier, aucun avis n'étant nécessaire. Nous poursuivons aujourd'hui. Je déclare que le débat peut continuer.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je félicite les honorables sénateurs qui ont réussi à ne pas perdre le fil de leur pensée malgré les interruptions. Je ne suis pas moi-même sûre de savoir exactement où j'en suis, mais je ferai de mon mieux.

Il est clair que les Communes sont en désaccord avec le Sénat pour la deuxième fois en ce qui concerne les trois amendements dont nous discutons cet après-midi par suite de la réception de leur message. Je crois personnellement que le Sénat peut être fier du fait que les Communes ont accepté trois de nos cinq amendements. Les députés ont décidé de ne pas insister sur les changements apportés à ces trois dispositions. Il en résultera un projet de loi qui, quand il entrera en vigueur, aura été sensiblement amélioré par le Sénat du Canada. De toute évidence, c'est le résultat privilégié par le gouvernement. C'est la raison pour laquelle je propose ce message aujourd'hui.

Le Sénat a le pouvoir, s'il le souhaite, d'insister sur le maintien de ses trois amendements. Toutefois, je crois que les Communes ne changeront pas d'avis. Si le Sénat décidait d'agir ainsi, il ne réussirait qu'à laisser le projet de loi mourir au Feuilleton. Honorables sénateurs, à mon avis, ce serait tragique.

Personne ici ne contesterait l'idée que les peines contre ceux qui se montrent cruels envers les animaux devraient être plus sévères. Je ne crois pas que quiconque ici s'opposerait à ce qu'on prévienne la cruauté envers les animaux dans tous les cas où il nous est possible d'intervenir. N'oublions pas que c'est là l'objectif du projet de loi.

Honorables sénateurs, le Sénat fait une importante contribution au processus législatif du Canada. Ce projet de loi en est un exemple parfait. Il arrive souvent au Sénat de modifier des projets de loi, et les Communes acceptent ordinairement nos amendements. Nous savons tous qu'à l'occasion, le Sénat empêche l'adoption d'importantes mesures législatives du gouvernement. Cela arrive rarement, mais c'est pour une bonne raison que le Sénat est investi du pouvoir constitutionnel de le faire. Je ne crois pas par ailleurs que le Sénat veuille empêcher l'adoption de ce projet de loi. En fait, le Sénat souhaite le contraire.

Il est également rare pour le Sénat d'insister sur le maintien de ses amendements, mais il l'a fait dans ce cas. Je crois qu'il est important de ne pas perdre de vue qu'il est également rare pour les Communes de rejeter les amendements du Sénat, et encore plus rare qu'elles insistent à ce sujet.

Je pense que les sénateurs n'ont qu'une seule alternative: nous pouvons adopter le projet de loi avec les trois amendements pour lesquels nous avons tant combattu, ou alors nous pouvons insister pour maintenir les amendements qui n'ont pas encore été acceptés et prendre ainsi le risque que le projet de loi ne soit jamais adopté. Dans ce cas, tous nos efforts, tous les efforts des sénateurs qui ont travaillé si dur au comité auront été gaspillés. Honorables sénateurs, je crois qu'il est temps d'adopter le projet de loi.

(1500)

[Français]

L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, avec tout le respect que je dois au leader du gouvernement au Sénat, j'aimerais obtenir des clarifications. Nous sommes tous d'accord pour dire que nous nous opposons à la cruauté faite aux animaux. Il n'y a pas tellement d'opposition à ce sujet.

Par contre, si ce projet de loi touche un mode de vie, s'il remet en question une partie des coutumes d'un peuple, ce projet de loi mérite de sérieuses études. Je reviens à un autre débat. Au Canada, est-il possible que les Autochtones se sentent bien et aient des droits protégés comme tous les citoyens du pays? Tous seront d'accord pour dire que chaque fois qu'un projet de loi touche les Autochtones, nous sommes toujours en second lieu et les droits des Autochtones sont toujours brimés. Je sais que ce n'est pas de la mauvaise volonté, que le pays doit fonctionner et que souvent, les lois sont très bonnes, mais les Premières nations écopent toujours des résultats de l'application de ces lois. Quand va-t-on arrêter?

Je comprends que le système a ses façons de procéder. Il faut tâcher de faciliter les choses. S'il y a un peu de sable dans l'engrenage, des problèmes surgiront. Si l'on met en parallèle le système et les réalités de la vie, les besoins des gens, n'y a-t-il pas des priorités, même si le système sera affecté? Je sais que les choses ont été faites de façon habituelle.

J'écoutais l'argumentation juridique. Je ne peux pas m'en mêler, je ne suis pas un juriste. Si je veux un canot, je dois le fabriquer et le bateau doit m'amener à un endroit. Le Parlement légifère. Les lois doivent respecter les droits des citoyens.

Madame le leader du gouvernement, quelle est la priorité? Est-ce le système ou sont-ce les gens qui attendent des lois justes au pays, y compris les Premières nations?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, la plus grande protection offerte aux Autochtones est celle que leur confère l'article 35 de la Loi constitutionnelle. L'article 35 respecte les droits des Autochtones. C'est clair. Comme je l'ai dit dans mes observations, aucune mesure législative ne peut enlever aux Autochtones les droits que leur garantit la Constitution.

Des dispositions de ce projet de loi protègent certains usages des chasseurs, des trappeurs et des pêcheurs et, partant, des chasseurs, trappeurs et pêcheurs autochtones.

Tous les sénateurs rassemblés ici aujourd'hui doivent savoir que les Autochtones ne sont pas cruels à l'endroit des animaux. Ils savent ce qu'est la cruauté envers les animaux. Ils savent que la cruauté envers les animaux existe. Toutefois, je ne crois pas qu'ils sont cruels envers les animaux en tant que peuple. Rien ne me permet de croire, du moins je n'ai jamais rien lu à ce sujet, que les Autochtones sont cruels envers les animaux. Je ne comprends pas les vives inquiétudes du sénateur.

[Français]

Le sénateur Gill: Si la Constitution protège les droits des Autochtones, pourquoi sont-ils toujours obligés de recourir aux tribunaux? Si la Constitution est bonne, pourquoi sont-ils obligés de se présenter en cour pour faire valoir leurs droits et y débattre toutes sortes de cas?

[Traduction]

Le sénateur Carstairs: Il est indéniable que des peuples autochtones ont parfois été obligés de défendre leur cause devant des tribunaux. C'est malheureux parce que ces recours coûtent cher et prennent du temps. Nous devrions faire tout en notre pouvoir pour éviter à nos peuples autochtones de se trouver dans une telle position.

Honorables sénateurs, je crois que la mesure législative est très claire. Les coutumes et les pratiques des Autochtones, les coutumes des chasseurs, des pêcheurs et des trappeurs, sont protégées. Toutefois, la société canadienne ne tolérera pas, et nos peuples autochtones ne toléreront pas, que l'on soumette les animaux qui partagent notre territoire à des actes de cruauté inutiles.

L'honorable Charlie Watt: Honorables sénateurs, madame le leader est peut-être prête à répondre à quelques questions.

Si le projet de loi reconnaissait les pratiques et les usages, je ne crois pas que nous aurions des arguments aussi opiniâtres.

Je comprends les explications du sénateur Carstairs. Nos droits sont inscrits dans la Constitution, et nous ne remettons pas cela en question. Néanmoins, le problème se pose lorsqu'on présente une mesure législative ordinaire comme moyen d'expliquer une réalité. Or, si j'ai bonne mémoire, aucune disposition de ce projet de loi particulier ne porte sur les pratiques habituelles. L'honorable sénateur pourrait-elle éclairer ma lanterne en ce qui concerne la loi actuelle et, ce qui est plus important encore, préciser quelle disposition de ce projet de loi particulier fait état des pratiques habituelles?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je vais vous fournir cette information, mais, pour l'instant, je ne l'ai pas à la portée de la main.

L'honorable Herbert O. Sparrow: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à madame le leader du gouvernement au Sénat. Si on revient à la présentation du projet de loi C-10 à la Chambre et à son renvoi à un comité, le gouvernement a insisté pour qu'aucune modification ne soit apportée aux dispositions concernant la cruauté envers les animaux, sauf pour ce qui est du resserrement des sanctions. Compte tenu de ces faits, nous avons accepté le projet de loi. Toutefois, quand nous avons pris connaissance du projet de loi et que nous avons entendu le point de vue de témoins et d'autres intervenants, nous avons constaté que le gouvernement ne s'était pas contenté de resserrer les sanctions. Nous soutenons que personne, à la Chambre des communes, au gouvernement ou ailleurs, n'est en faveur de la cruauté envers les animaux, et c'est un fait.

Honorables sénateurs, il ne s'agit pas uniquement de mettre les animaux à l'abri de la cruauté, mais aussi d'éviter de causer du tort aux gens qui gagnent leur vie grâce au piégeage, à la chasse et à la pêche. Or, il est possible de causer du tort à ces gens, pas uniquement aux animaux que nous entendons mettre à l'abri de sévices.

Pour en venir au coeur de mon argument, madame le leader du gouvernement au Sénat insiste pour dire que, si ce projet de loi n'est pas adopté, ce sera la faute du Sénat. Or, j'estime que ce ne sera pas la faute du Sénat, et que ce sera la faute, si une Chambre est responsable, de la Chambre des communes. Ne nous imposez pas le blâme d'avoir rejeté le projet de loi. Nous ne le rejetons pas. Nous y avons proposé des amendements appropriés et nous appuyons le projet de loi ainsi amendé. Il n'est pas question que le Sénat fournisse des munitions à d'autres personnes pour qu'elles lui imputent ensuite le blâme. C'est la Chambre des communes qui est à blâmer, parce que c'est elle qui ne veut pas accepter les amendements proposés.

(1510)

Ne reconnaissez-vous pas, madame le leader du gouvernement, que ce n'est pas la faute du Sénat si la Chambre des communes n'adopte pas ce projet de loi avec les amendements proposés?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, comme je l'ai fait observer précédemment, la motion que j'ai présentée aujourd'hui est de mise. À défaut de l'adopter, il est peu probable que les mesures législatives proposées obtiennent force de loi, ce qui serait une grande tragédie, à mon avis.

Le sénateur Sparrow: Je suis désolé. L'honorable leader du gouvernement au Sénat n'a pas répondu à ma question. Insinue-t- elle que le Sénat serait à blâmer dans les circonstances?

Le sénateur Carstairs: Ce que j'ai dit, et ce que je répète, même si ma réponse n'a pas l'heur de plaire à l'honorable sénateur, c'est que si nous n'allons pas de l'avant avec ce projet de loi, nous risquons de le perdre, et ce serait une chose tragique.

(Sur la motion du sénateur Beaudoin, le débat est ajourné.)

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de Son Excellence C. Fernandez De Cossio Dominguez, ambassadeur de la République de Cuba au Canada. Il est accompagné de Mme Aleida Guevara, pédiatre à Cuba et fille d'Ernesto «Che» Guevara, elle-même accompagnée de Mme Irma Gonzalez.

Bienvenue au Sénat du Canada.

PROJET DE LOI SUR LA MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Harb, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Beaudoin, appuyée par l'honorable sénateur Comeau, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 12, à la page 126, par substitution, aux lignes 9 à 13, de ce qui suit:

«30. (1) Les nominations — internes ou externes — à la fonction publique par la Commission sont indépendantes de toute influence politique, sont fondées sur le mérite et sont faites par concours ou par tout autre mode de sélection du personnel permettant d'établir le mérite relatif des candidats qui, de l'avis de celle-ci, sert les intérêts de la fonction publique.

(1.1) Malgré le paragraphe (1), une nomination peut être fondée sur le mérite individuel dans les circonstances prévues par règlement de la Commission.

(2) Une nomination est fondée sur le mérite individuel».

L'honorable Joseph A. Day: Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots pour exprimer mon opposition à l'amendement proposé sur ce sujet précis. Il a été proposé par l'honorable sénateur Beaudoin, mais comme il l'a dit lors de son allocution, l'amendement est fondé sur le fait qu'il a été convaincu par notre ancien collègue l'honorable sénateur Bolduc.

Honorables sénateurs, je vous rappelle que le projet de loi C-25 porte sur la réorganisation de la fonction publique, mais plus particulièrement sur la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Les sénateurs n'ignorent pas que le besoin de changement et de renouveau dans la gestion des ressources humaines au sein de la fonction publique se fait sentir depuis environ 35 ans. Notre ministre actuelle, Mme Robillard, a finalement entrepris cette tâche très importante et qu'on attendait depuis longtemps.

Le projet de loi dont vous êtes saisis, le projet de loi C-25, porte sur plusieurs aspects de la gestion des ressources humaines. Il propose, entre autres, une modification concernant l'éducation et la formation continue au sein de la fonction publique, à savoir la création de l'École de la fonction publique du Canada en modifiant la Loi sur le Centre canadien de gestion, qui est incorporé à la nouvelle école. La Loi sur l'emploi dans la fonction publique est remaniée en profondeur. La Loi sur la gestion des finances publiques est modifiée. Le régime de relations de travail est profondément remanié aux termes d'une nouvelle loi intitulée Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Tous ces aspects se retrouvent dans un seul projet de loi, le projet de loi C-25.

Passons maintenant à l'amendement. L'amendement proposé par mon collègue d'en face concerne l'article 30 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Si les honorables sénateurs se reportent à l'amendement, ils verront qu'il présente plusieurs aspects. Si on se contente de ne lire que l'amendement, on a l'impression qu'il essaie d'instaurer le principe du mérite. Pour commencer, honorables sénateurs, je veux qu'il soit très clair que le principe du mérite est la pierre angulaire de la fonction publique. C'est l'essence même de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

En fait, l'amendement tente de miner les efforts en vue de renforcer le principe, et c'est en partie pourquoi j'invite les honorables sénateurs à ne pas l'appuyer. L'article 30 établit très clairement que le principe du mérite est à la base de la dotation au sein de la fonction publique.

Les sénateurs se souviendront que, il y a quelque temps, dans le cadre de mes remarques à l'étape de la troisième lecture du projet de loi, nous avons discuté du rapport de 2001 de la vérificatrice générale, constatant que la situation concernant la dotation dans la fonction publique laissait à désirer. C'était avant que le projet de loi ne soit proposé. Par la suite, la vérificatrice générale a comparu devant le comité. Elle était heureuse que le projet de loi ait été présenté et qu'il soit à l'étude au Sénat. Elle a dit qu'il représentait un bon pas dans la bonne direction. Tout ça pour que les honorables sénateurs se rappellent des problèmes qui existaient par le passé, problèmes que cette mesure législative est censée corriger.

Le principe du mérite avait été soumis aux tribunaux tellement souvent au cours des 40 dernières années que tous ces tests avaient dû être établis. Les gestionnaires faisaient l'une des deux choses suivantes au moment d'engager un nouvel employé. Une des façons de tenir compte de toutes ces décisions judiciaires était de réagir non pas comme un gestionnaire en évaluant le mérite d'un employé potentiel, mais plutôt d'essayer de respecter toutes les petites étapes et règles ayant découlé de toutes ces décisions judiciaires. C'était une façon de fonctionner qui s'éloignait du principe fondamental de l'embauche en fonction du mérite.

La deuxième façon, très courante et dont nous avons tous entendu parler et qui est presque devenue inévitable, consistait à engager des employés sur une base temporaire, pour une durée déterminée. Pour éviter les contestations judiciaires et contourner le processus normal d'embauche, on avait l'habitude d'engager une personne de façon temporaire et de la faire passer par la suite à un poste plus permanent.

Voilà les grandes lignes de ce que nous voulons voir disparaître. C'était la principale préoccupation de la vérificatrice générale et l'article 30 apporte une solution à cette difficulté en définissant le mérite à l'article 2.

À présent, si l'on examine cet amendement, on se rend compte, entre autres, qu'il restreindra, dans le projet de loi, la définition du mérite au seul mérite individuel. Il aura donc pour effet, en embauche normale, de faire peser à nouveau toutes ces décisions de tribunaux. Il redonnera aux gestionnaires un rôle qui n'est pas du tout le leur, celui de commis qui cherchent à vérifier que tous ces critères étaient réunis.

Honorables sénateurs, certains des critères que les tribunaux ont imposés par leurs récentes décisions déterminent comment noter l'examen subi par un employé, comment noter chaque réponse d'un examen au moyen d'une note de passage distincte. Les décisions rendues par les tribunaux ont atteint ce degré de précision, et voilà ce dont devaient tenir compte les gestionnaires. Nous ne souhaitons pas revenir à tout cela. En dépit des bonnes intentions de l'honorable sénateur Beaudoin et de notre collègue l'honorable sénateur Bolduc, c'est exactement ce qu'entraînerait, entre autres, cet amendement.

L'autre partie introduit le terme «concours». Honorables sénateurs, l'autre but visé par le présent projet de loi consiste à laisser les gestionnaires gérer, et aussi à mettre en place un système efficace de freins et contrepoids pour que les gestionnaires remplissent leurs obligations et n'abusent pas de leurs pouvoirs. Il a été question de la création d'un tribunal de la dotation dans la fonction publique qui aurait le pouvoir de nommer une personne provenant de l'intérieur de la fonction publique, ainsi que du rôle de la Commission de la fonction publique à cet égard pour d'autres nominations. Cela vise à permettre aux gestionnaires d'effectuer leur travail de gestion.

(1520)

J'espère que les honorables sénateurs admettront que, dans cet amendement, il est question de concours, car, dans le cadre de leur travail de gestion, les gestionnaires veulent parfois mettre en application les principes énoncés ici, comme, du reste, nous pouvons nous attendre de leur part. L'un de ces principes est celui de l'équité en matière d'emploi. Un autre concerne la Loi sur les langues officielles. Si nous poursuivons cet examen en nous intéressant strictement à la notion de concours, nous en revenons au processus en usage pour tenir un concours, suivant lequel on note les individus en fonction de leurs résultats dans une épreuve, processus qui ne permet pas aux gestionnaires de tenir compte d'autres exigences et d'établir un équilibre entre les questions de l'équité en matière d'emploi, des minorités visibles et de l'équité linguistique. Mais, si nous donnons aux gestionnaires un certain pouvoir dans ces secteurs, nous devons pouvoir le contrôler. Il doit être possible de retirer ce pouvoir et de prendre des mesures à l'encontre des gestionnaires qui en abusent.

Honorables sénateurs, tout cela est déjà prévu dans la loi et serait sérieusement compromis par cet amendement. Je vous invite donc respectueusement à rejeter cet amendement.

L'honorable Lowell Murray: Puis-je poser à l'honorable sénateur une ou deux questions?

Le sénateur Day: Je serais heureux de répondre à une ou deux questions.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, en guise de préambule, je dois d'abord dire que je suis toujours perplexe quand j'entends des avocats se plaindre de la «judiciarisation» du système.

Cela étant dit, en déplorant le recours aux tribunaux et le rôle que jouent ces derniers dans ces affaires, l'honorable sénateur ne dénonce-t-il pas le principe des concours? Ne dénonce-t-il pas le mérite relatif d'une manière générale? Comment pouvons-nous espérer que le fait de laisser les gestionnaires s'acquitter de la gestion donnera quelque chose d'intéressant par le biais des concours, compte tenu du fait que, même aux termes de la loi actuelle, plus de 40 p. 100 des postes sont accordés sans qu'il y ait de concours?

Deuxièmement, au cours des deux derniers jours, est-ce que l'attention du sénateur s'est portée sur le rapport de la vérificatrice générale sur la Commission de la fonction publique et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada? Le sénateur se souvient-il d'un discours du sénateur Bolduc, qui nous avait prévenus que des gestionnaires pourraient élaborer des descriptions de tâches précisément adaptées aux personnes qu'ils voulaient embaucher? Le rapport de la vérificatrice générale révèle que c'est exactement ce qui s'est produit au Commissariat à la protection de la vie privée. Ce fait ne prouve-t-il pas qu'il faut apporter un amendement à ce projet de loi pour exiger que le concept du mérite relatif soit appliqué par le truchement des concours?

Le sénateur Day: Je remercie le sénateur de ces questions. Je réponds toujours aux blagues et aux plaintes concernant les avocats en rappelant aux honorables sénateurs que mon premier métier, et celui que je pratique encore à titre de profession secondaire, est celui d'ingénieur; alors, je suis toujours prêt à participer aux discussions se rapportant aux avocats.

En ce qui concerne les concours, la chose importante est de ne pas obliger les gestionnaires à tenir des concours pour toute activité de dotation, mais de leur laisser l'option de ne pas les tenir. S'il n'ont pas de motif raisonnable pour combler un poste sans procéder par voie de concours ou d'avis, il s'agit alors d'un abus de pouvoir relevant de la compétence des tribunaux, qui pourront annuler les nominations.

Quant à l'établissement de normes et au rapport récent de la vérificatrice générale, je dois dire qu'il y a eu plusieurs rapports. Il y en a eu un de la Commission de la fonction publique, et les deux rapports ont été publiés ces derniers jours. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit du Commissariat à la protection de la vie privée. Il ne s'agit pas du noyau central de la fonction publique, mais plutôt du service d'un mandataire du Parlement. Le système fonctionne bien, puisqu'un comité des Communes a commencé à faire un examen serré du commissariat. Nous avons un certain nombre de freins et contrepoids qui font intervenir les deux Chambres du Parlement.

Si je comprends bien la procédure envisagée pour la délégation des pouvoirs de dotation, la Commission de la fonction publique pourra s'occuper surtout de la vérification au lieu de se charger de bien d'autres choses, comme l'information et une foule de tâches liées à l'embauche, dont elle s'occupait auparavant. Toutefois, elle s'occupera toujours de l'établissement de certaines normes et de certains règlements qui devront être respectés, et elle pourra faire des vérifications pour s'assurer qu'ils le sont. Je crois que c'est une bonne solution.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je ne peux accepter que, parce qu'on est mandataire du Parlement, on peut se soustraire aux lignes directrices élémentaires qui s'appliquent aux sous-ministres. La vérificatrice générale est la première à soutenir qu'elle-même, ainsi que d'autres fonctionnaires, se trouve dans cette catégorie et doit donc suivre les lignes directrices applicables.

Où, dans le projet de loi, pouvons-nous trouver des garanties ou même une mention des critères dont le sénateur Day a parlé et que j'appuie pleinement, critères que nous devrions toujours garder à l'esprit en matière d'emploi, comme l'égalité des sexes, les droits des minorités, les personnes handicapées, et cetera? Où est-il prévu que ces critères font partie du processus de concours et du système du mérite?

Le sénateur Day: Honorables sénateurs, je dois maintenant mettre mon chapeau d'avocat pour voir si je peux trouver ces critères pour mon honorable ami. Je pense en premier lieu au paragraphe 34(1) envisagé de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Il se trouve à la page 127 du projet de loi. Il est ainsi libellé:

En vue de l'admissibilité à tout processus de nomination sauf un processus de nomination fondé sur les qualités du titulaire...

— ce qui se rapporte à une personne qui est déjà dans le système —

... la Commission peut définir une zone de sélection en fixant des critères géographiques, organisationnels ou professionnels, ou en fixant comme critère l'appartenance à un groupe désigné au sens de l'article 3 de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Je n'ai pas ici la liste des groupes désignés, mais les membres des minorités visibles en font partie, je crois.

Si l'honorable sénateur le souhaite, je peux faire des recherches à ce sujet.

Le sénateur Lynch-Staunton: Non, je vous remercie, je les ferai moi- même.

J'ai l'impression que l'amendement proposé hier par le sénateur Beaudoin ne contredit pas les dispositions qu'il souhaite modifier, mais les renforce en confirmant que certains critères actuellement prescrits dans la loi doivent être pris en considération lors de l'évaluation de n'importe quel candidat. Il y a une disposition qui parle d'indépendance de toute influence politique et qui mentionne le mérite. L'amendement proposé maintient l'essentiel de la disposition en y ajoutant tout simplement ce qui suit:

...ou par tout autre mode de sélection du personnel permettant d'établir le mérite relatif des candidats qui, de l'avis de celle-ci, sert les intérêts de la fonction publique.

Pour moi, cela comprend les minorités, les Autochtones, les personnes handicapées et d'autres personnes qui ont besoin d'une considération particulière lors de l'évaluation des candidats. Voilà pourquoi j'appuie fortement cet amendement qui renforce le texte existant et confirme ce qui, d'après le sénateur Day, devrait faire partie du processus de concours et de la décision finale prise au sujet de toute candidature.

(1530)

Le sénateur Day: Était-ce une question? Je n'en suis pas certain.

Le sénateur Lynch-Staunton: Mes observations avaient pour but de suggérer à l'honorable sénateur de reconsidérer l'amendement et, en fonction de mes arguments, d'appuyer le sénateur Beaudoin.

Le sénateur Day: J'apprécie les commentaires de l'honorable sénateur.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

[Français]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous sommes mercredi et plusieurs comités doivent siéger. Comme nous l'avons fait très souvent par le passé dans cette Chambre, nous pourrions reporter tous les points à l'ordre du jour qui n'ont pas été abordés sans qu'ils perdent leur place au Feuilleton. À ce moment, nous pourrons procéder à l'ajournement. Y a-t-il consentement, honorables sénateurs, pour agir de cette façon?

[Traduction]

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, de passer à la motion d'ajournement, toutes les autres affaires gardant leur place au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 2 octobre 2003, à 13 h 30.)


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