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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 37e Législature,
Volume 141, Numéro 16

Le mercredi 25 février 2004
L'honorable Dan Hays, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 25 février 2004

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'AVANCEMENT DES MINORITÉS VISIBLES DANS LA FONCTION PUBLIQUE

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'attire aujourd'hui votre attention sur une crise qui prend de l'ampleur au sein de la fonction publique du Canada. Je parle plus précisément des barrières systémiques qui freinent l'avancement des Canadiens de couleur. Je parle également du racisme systémique qu'on y trouve et qui a virtuellement paralysé le progrès et l'avancement des minorités visibles dans la fonction publique. Il n'y a pas de mobilité ascendante, et plus grave encore, il n'y a pas de volonté de la part du gouvernement, en l'occurrence du gouverneur en conseil ou du premier ministre, de faire quoi que ce soit à cet égard.

Le discours du Trône est resté muet en ce qui concerne les minorités visibles. Le discours que le premier ministre a prononcé à la Chambre des communes suite à la présentation du discours du Trône au Sénat ne fait aucune mention des minorités visibles. Enfin, le principal discours prononcé dans cette enceinte la semaine dernière par le leader du gouvernement au Sénat, l'honorable Jack Austin, n'aborde absolument pas la question des minorités visibles. Qui plus est, le gel que le gouvernement Martin a imposé en matière de promotions et d'avancement a anéanti tout espoir d'avancement pour les minorités visibles dans la fonction publique.

Quel est le problème, me demanderez-vous peut-être?

Comme les honorables sénateurs le savent probablement, dans les années 80, le gouvernement du Canada a établi que quatre groupes particuliers devaient faire l'objet de mesures spéciales pour leur permettre d'atteindre l'égalité. Ces quatre groupes sont les Autochtones, les femmes, les handicapés et les minorités visibles.

Le nouveau gouvernement Martin a présenté de nouvelles initiatives grandioses en faveur des trois premiers groupes, mais n'a rien prévu en ce qui concerne le quatrième groupe — en l'occurrence les minorités visibles — qui, malheureusement, demeurent encore au bas de l'échelle sociale. J'ai écrit huit fois au greffier du Conseil privé à ce sujet, mais je n'ai reçu aucun accusé de réception et encore moins de réponse.

Je demandais dans ma dernière note au greffier du Conseil privé, premièrement, une mention des minorités visibles dans le discours du Trône et, deuxièmement, la création au sein du Bureau du Conseil privé d'un secrétariat spécial des minorités visibles, comme celui qui a été créé par le régime Martin pour les personnes handicapées et les Autochtones. C'était peine perdue.

Les minorités visibles brillent par leur absence dans les rangs supérieurs de la fonction publique, où ils ne représentent que 3,8 p. 100 des effectifs.

Honorables sénateurs, le racisme systémique dans la fonction publique du Canada a atteint un niveau inégalé. Chez les minorités visibles, le moral est au plus bas. Elles n'ont guère d'espoir de voir leur situation s'améliorer ou d'être traitées sur un pied d'égalité avec leurs collègues.

Honorables sénateurs, c'est maintenant le temps que le gouvernement agisse. Je vais bientôt préparer un avis d'interpellation demandant au gouvernement de prendre immédiatement de nouvelles mesures pour accorder au quatrième groupe cible, en l'occurrence les minorités visibles, les droits, privilèges et protections dont jouissent tous les autres Canadiens. Je vous saurai gré de vous associer à mes efforts pour corriger ce problème urgent.

LES JEUX OLYMPIQUES SPÉCIAUX D'HIVER DU CANADA

L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je veux aujourd'hui rendre hommage à un groupe exceptionnel de Canadiens qui ont démontré que chacun de nous a le potentiel de relever de nouveaux défis. Je veux parler des membres des équipes de tout le pays qui ont participé la semaine dernière aux Jeux olympiques spéciaux d'hiver du Canada à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard.

Les Jeux olympiques spéciaux ont eu lieu pour la première fois à Charlottetown en 1968. Leur fondateur, le Dr Frank Hayden, croyait que les gens souffrant d'un handicap mental pouvaient développer une meilleure forme physique et acquérir les aptitudes nécessaires pour participer aux sports organisés. Le mouvement regroupe maintenant plus de 28 000 athlètes inscrits aux programmes sportifs des Jeux olympiques spéciaux à la grandeur du Canada.

Aujourd'hui, les Jeux olympiques spéciaux illustrent le courage et l'engagement des athlètes, le dévouement des entraîneurs et des volontaires, la compétition équitable et positive et l'engagement de créer des expériences satisfaisantes et enrichissantes pour tous les participants. Grâce aux Jeux olympiques spéciaux, les personnes frappées d'un handicap intellectuel peuvent vivre une vie plus heureuse, plus saine et plus rassurante et plus productive.

En même temps, le programme des Jeux olympiques spéciaux contribue à accroître le niveau d'acceptation comme membres de la société des personnes frappées de handicaps intellectuels. Ce programme donne à la société l'occasion de constater le potentiel des personnes handicapées et non seulement leurs limites.

On se rappellera tout particulièrement des Jeux olympiques d'hiver qui se sont tenus à Charlottetown la semaine dernière — les premiers à avoir lieu à l'Île-du-Prince-Édouard. La violente tempête hivernale qui s'est abattue sur la province a forcé un état d'urgence. Cependant, toutes les compétitions ont été terminées et les athlètes olympiques spéciaux ne se sont pas laissés troubler pour autant en faisant la démonstration de leur capacité de récupération. Ainsi, le véritable esprit olympique a triomphé.

Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi pour féliciter les organisateurs, les participants, les entraîneurs, les amis et les membres de la famille qui ont contribué à faire des Jeux olympiques spéciaux d'hiver du Canada 2004 un si vif succès.

LE SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je veux lire quelques extraits du communiqué publié aujourd'hui par l'Association médicale canadienne. Je crois qu'on y dépeint clairement les dommages infligés à notre système de soins de santé par l'actuel gouvernement libéral.

Honorables sénateurs, nos prestateurs de soins de santé ont fait un bon travail avec un système qui est sous-financé. L'approche du gouvernement concernant le financement des soins de santé est le reflet de sa politique des 35 dernières années qui consiste à sous-financer la défense nationale et, honorables sénateurs, nous savons le tort que cette politique a créé.

Honorables sénateurs, l'AMC avait ceci à dire au sujet de l'état de notre système de santé. Voici ce que le Dr Sunil Patel, président de l'AMC, a déclaré:

Les Canadiens nous disent qu'ils en ont assez d'attendre pour obtenir des soins de santé. Comme médecin, j'en ai assez moi aussi — j'en ai assez d'avoir toujours à défendre le système lorsque mes patients me demandent pourquoi — Pourquoi dois-je attendre si longtemps pour voir le spécialiste, pour subir mes tests ou pour recevoir mon traitement?

La plupart des Canadiens jugent que les périodes d'attente ne font que s'allonger.

Le Dr Patel poursuit:

Les Canadiens sont convaincus que le plus grand obstacle à l'accès, c'est la pénurie de prestateurs de soins de santé. Ce n'est peut-être pas une nouvelle, mais il est plus que temps qu'on intervienne — et les Canadiens en souffrent.

L'AMC préconise la création d'un fonds de réinvestissement pour les ressources humaines de la santé d'un milliard de dollars sur cinq ans. Conjugué à la création d'un institut pour les ressources humaines de la santé, ce fonds permettra d'entreprendre une planification nationale durable à long terme des ressources humaines de la santé afin d'augmenter les effectifs non seulement de médecins, mais aussi, notamment, d'infirmières et de techniciens. Ces initiatives aideront aussi à répondre à des besoins critiques comme la pénurie actuelle de postes de résidence en médecine.

(1340)

Pour s'attaquer aux préoccupations relatives à l'infrastructure de la santé, comme l'amélioration des installations hospitalières et la capacité de moderniser les appareils médicaux, l'AMC exhorte aussi le gouvernement fédéral à cesser de réduire le financement de la santé, en remboursant entièrement ou en ramenant à zéro la TPS payée par le système de santé. Cette initiative allégera au moins un peu les pressions constantes exercées par les coûts et s'inscrirait dans le contexte des annonces récentes du fédéral au sujet de la TPS et des municipalités.

Le Dr Patel a conclu ainsi:

En dépit des commissions royales, des études du Sénat et des accords des premiers ministres, les Canadiens ne voient pas l'accès aux soins de santé s'améliorer; la plupart pensent en fait que les périodes d'attente ne font que s'allonger.

L'accès rapide à des soins de qualité doit devenir notre credo si nous voulons nous attaquer à cette crise de confiance causée par l'accès aux soins médicaux et préserver le système de santé dont nous sommes tous tellement fiers.

[Français]

LE CINÉMA QUÉBÉCOIS

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de féliciter les artisans du cinéma québécois qui ont été honorés dimanche dernier lors de la Soirée des prix Jutra.

Lors de ce gala, le film Les Invasions barbares a confirmé son excellente réputation en recevant quatre prix, dont le Jutra du meilleur film. Son réalisateur, Denys Arcand, s'est également vu décerner le prix du meilleur scénario et celui de la meilleure réalisation. Ce film a remporté les mêmes honneurs lors de la Nuit des César, qui récompense les productions cinématographiques en France.

En raflant sept prix, La Grande séduction, de Jean-François Pouliot, a été l'autre grande attraction de cette soirée. En plus de remporter le Billet d'or et les prix des meilleurs rôles de soutien, ce film s'est aussi illustré pour sa direction artistique et son montage.

Serge Thériault a reçu le Jutra du meilleur acteur pour sa prestation dans Gaz Bar Blues, un film dont la musique a été récompensée d'un Jutra.

Cette sixième soirée des Jutra couronne une année particulièrement faste pour le cinéma québécois. À vrai dire, l'année 2003 a même été exceptionnelle pour le septième art du Québec.

Je tiens sincèrement à rendre hommage à tous ceux et celles qui ont contribué dans une large mesure au succès des films, aux acteurs, réalisateurs, distributeurs, scénaristes, producteurs, techniciens et compositeurs de musique. J'aimerais leur dire combien nous avons apprécié leur travail. Vous avez créé de magnifiques œuvres qui nous ont tantôt fait rêver, tantôt émus, mais pour la plupart nous ont poussés à porter un regard en profondeur sur notre monde et les êtres qui le composent.

Dans un environnement dominé par la grosse machine hollywoodienne, nos talentueux cinéastes sont parvenus à faire apprécier un autre genre de cinéma, pas seulement celui animé par des motivations commerciales.

Ce type de cinéma se veut le miroir de notre culture québécoise dans sa différence et montre la culture canadienne dans toute sa diversité. Ces productions cinématographiques de qualité font rayonner nos valeurs et notre vision du monde à travers la planète.

Je ne saurais clore sans souhaiter bonne chance à Denys Arcand et à Mme Denise Robert dont le film, Les Invasions barbares, est en nomination à la Soirée des Oscar de cette fin de semaine. Bonne continuité à l'équipe de La Grande séduction et de Gaz Bar Blues ainsi qu'à tous les cinéastes québécois.

[Traduction]

LE SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, j'ai trouvé la déclaration de cet après-midi de l'honorable sénateur St. Germain intéressante, parce que j'ai lu le même communiqué de presse et, en toute franchise, j'ai eu une réaction tout à fait différente. Le gouvernement fédéral ajoute constamment aux budgets de santé des provinces — quelque 34 milliards de dollars dans l'accord sur la santé de 2003. De cette somme, 16,5 milliards de dollars ont été réservés à la modification du système de soins de santé, pour qu'il dépende moins des hôpitaux de soins de courte durée et qu'il offre davantage de services de soins à domicile. Trois questions en particulier ont été relevées dans cet ensemble de services: les soins suivant une opération, les soins psychiatriques dans la collectivité et, une question qui me tient à coeur, les soins palliatifs et les soins aux personnes en fin de vie.

Malheureusement, les provinces et le gouvernement fédéral ne sont pas encore parvenus à une entente sur la façon dont ces 16,5 milliards de dollars devraient être dépensés. Selon moi, il n'y a pas un manque de financement, mais un manque de volonté de la part des intervenants dans la prestation des soins de parvenir à des conclusions rationnelles sur la façon dont l'argent devrait être dépensé.

Quant à la nécessité de former davantage de médecins au Canada, cette question est tout à fait de la compétence des provinces; ce sont elles qui financent les 16 écoles de médecine au Canada. Ce sont elles également qui ont pris la décision de réduire le nombre de médecins. Il leur reviendra donc de décider d'accroître leur nombre.

Le sénateur St. Germain: Le gouvernement devrait peut-être cesser d'imposer des décisions aux provinces et collaborer plutôt avec elles.


AFFAIRES COURANTES

BANQUES ET COMMERCE

AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À ÉTUDIER LES DONS DE CHARITÉ

L'honorable Richard H. Kroft: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les questions traitant de dons de charité au Canada, et en particulier les aspects suivants:

- les besoins et les occasions qui se présentent aux Canadiens dans le contexte des divers aspects de la vie au Canada (comme les soins de santé, l'éducation, les institutions et les programmes sociaux et culturels, les soins aux personnes âgées, la préservation du patrimoine et la recherche scientifique), et la capacité des Canadiens à contribuer à ces domaines par l'entremise des dons de charité;

- les politiques fédérales en vigueur sur les dons de charité;

- l'amélioration ou l'élaboration de nouvelles politiques fédérales, notamment en matière fiscale, susceptibles de rendre le don charitable plus abordable pour les Canadiens, quel que soit leur revenu;

- les conséquences des politiques fédérales actuelles et proposées sur les dons de charité à l'échelle locale, régionale et nationale et d'une organisation charitable à l'autre;

- les conséquences des politiques fédérales actuelles et proposées sur le trésor public fédéral; et

- tout autre aspect connexe; et

Que le Comité dépose son rapport final au plus tard le 31 décembre 2004.

LA SITUATION DU CANCER

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, je donne avis que, le 2 mars 2004, j'attirerai l'attention du Sénat sur la situation du cancer au Canada, soit les soins donnés aux patients, le traitement de la maladie et les perspectives d'avenir.

LES LANGUES OFFICIELLES

LE STATUT BILINGUE DE LA VILLE D'OTTAWA—PRÉSENTATION DE PÉTITIONS

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 4h) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer des pétitions signées par 48 autres personnes demandant de déclarer Ottawa, la capitale du Canada, ville bilingue reflétant la dualité linguistique du pays.

Les pétitionnaires prient le Parlement de considérer les points suivants:

Que la Constitution du Canada reconnaît le français et l'anglais comme les deux langues officielles de notre pays, ayant un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du gouvernement du Canada;

Que l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 désigne la ville d'Ottawa comme le siège du gouvernement du Canada;

Que les citoyens ont le droit, dans la capitale nationale, d'avoir accès aux services offerts par les institutions du gouvernement du Canada dans la langue officielle de leur choix, soit en français, soit en anglais;

Que la capitale du Canada doit être le reflet de la dualité linguistique qui est au cœur de notre identité collective et qui caractérise la nature même de notre pays;

Par conséquent, les pétitionnaires demandent au Parlement de confirmer dans la Constitution du Canada qu'Ottawa, la capitale du Canada, doit être déclarée officiellement bilingue en vertu de l'article 16 de la Loi constitutionnelle de 1867 à 1982.


(1350)

PÉRIODE DES QUESTIONS

LA SANTÉ

L'ACCÈS AUX SOINS DE SANTÉ

L'honorable Wilbert J. Keon: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat. En réalité, j'ai obtenu une réponse partielle à cette question en écoutant les sénateurs St. Germain et Carstairs. En passant, je dois dire au sénateur Carstairs qu'elle s'est acquittée avec brio de ses fonctions de leader du gouvernement au Sénat. Nous en avons déjà parlé à quelques reprises.

Le sénateur Prud'homme: Bravo!

Le sénateur Keon: Toujours est-il que ce matin, j'étais présent et j'ai participé à la conférence de presse de l'Association médicale canadienne, qui s'est lancée dans une campagne nationale d'accès aux soins de santé.

Selon les études de l'Association, 70 p. 100 des Canadiens estiment que l'accès aux soins de santé laisse à désirer. Parmi ces 70 p. 100, 50 p. 100 sont d'avis que le manque d'accès aux soins de santé est préjudiciable à leur santé. L'association voudrait qu'au cours des cinq prochaines années, un milliard de dollars soient consacrés à l'augmentation des effectifs pour régler ce problème d'accès. Les honorables sénateurs aurons remarqué qu'hier, les provinces ne voulaient autre chose que de l'argent. La solution n'est pas d'injecter encore de l'argent.

Voici ma question au leader du gouvernement: Le gouvernement fédéral a-t-il formulé des plans quelconques qui permettront de faire avancer ce dossier et de multiplier le nombre de médecins, d'infirmiers et d'infirmières dans le système?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur Keon le sait, le gouvernement fédéral, en collaboration avec la plupart des provinces, a entrepris la création d'un conseil canadien de la santé. La mission de ce conseil est d'assurer le type de coordination et de direction que le sénateur Keon réclame dans ce cas particulier.

Par ailleurs, la coordination de la santé est un important point à l'ordre du jour de la réunion fédérale-provinciale sur la santé qui est censée avoir lieu au mois de juillet. Les premiers ministres s'y trouveront pour faire progresser le dossier collectif des soins de santé au Canada.

Le sénateur Keon a raison, il faut davantage de coordination et de cohésion dans la définition des priorités afin d'optimaliser les sommes consacrées aux soins de santé. Je suis sûr que le gouvernement prendra les mesures voulues pour répondre à ce besoin.

Le sénateur Keon: Honorables sénateurs, encore une fois ce matin, quelqu'un a dit qu'il y a environ 40 000 diplômés étrangers en médecine qui vivent au Canada, dont un grand nombre pourraient recevoir la formation voulue pour dispenser des soins de santé. Le problème, encore une fois, c'est la bureaucratie dans sa pire manifestation. Beaucoup de gens sont en cause, notamment le corps médical, mais là encore, rien ne se fait.

Dernièrement, l'Ontario College of Physicians and Surgeons a dit qu'il était prêt à travailler pour trouver une solution à ce problème, mais qu'il ne possède pas les postes de résidence qui lui permettraient de le faire ni l'argent nécessaire pour offrir les postes de résidence qui apporteraient un début de solution.

Je répète la question au leader du gouvernement — peut-être sous forme de supplication: Quelqu'un est-il prêt à prendre les rênes à l'échelle nationale pour débloquer ce dossier et faire bouger les choses dans ce domaine?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, on a émis pas mal d'opinions au sujet de la compétence des professionnels de la santé formés à l'étranger. Comme le sénateur le sait, le problème vient en partie de ce que la profession médicale s'autoréglemente dans chacune des provinces. Il vient aussi en partie de ce que d'autres composantes du secteur de la santé ont des règles semblables, toutes établies au niveau provincial. Comme le sénateur l'a fait ressortir, il y a des contraintes institutionnelles qui sont inhérentes au système.

Je le répète, peut-être que je fais trop confiance au nouveau conseil canadien de la santé et aux réunions des premiers ministres, mais il me semble que nous devrions poursuivre l'objectif de mettre tous les talents que nous avons au Canada à la disposition des Canadiens. Je vais certainement faire valoir le point de vue du sénateur auprès du ministre de la Santé.

LA DÉFENSE NATIONALE

LE MANQUE DE FONDS—LA POSSIBILITÉ QUE DES BASES SOIENT FERMÉES

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, selon le National Post et d'autres médias d'information, l'armée, la marine et l'aviation du Canada seraient aux prises avec un manque de fonds qui pourrait atteindre 500 millions de dollars. En conséquence, les autorités militaires recommandent la fermeture de certaines des plus grandes bases du pays. Selon les médias, pour l'exercice qui commencera le 1er avril prochain, soit dans très peu de temps, la force aérienne s'attend à être à court de 150 millions de dollars pour pouvoir remplir ses engagements actuels. Si elle n'obtient pas les fonds qui lui manquent, la force aérienne n'aura d'autre choix que de fermer sa base de Goose Bay.

Le sénateur Rompkey: Jamais!

Le sénateur Forrestall: Je suis heureux de l'entendre dire par le sénateur.

Le sénateur Stratton: Et pourquoi pas celle de Winnipeg?

Le sénateur Rompkey: Il faudra me tuer avant.

Le sénateur Forrestall: Bagotville.

Le sénateur St. Germain: Quand auront lieu les funérailles?

Le sénateur Forrestall: North Bay et Winnipeg, y a-t-il des preneurs?

Le sénateur Stratton: Il a dit «non».

Le sénateur Forrestall: De plus, honorables sénateurs, le rapport des forces aériennes indique qu'à moins que la flotte vieillissante d'avions de transport tactique Hercule 130 soit remplacée ou modernisée, la principale base de transport de Trenton pourrait très bien fermer ses portes bien avant 10 ans.

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut confirmer ces projets et la fermeture éventuelle de Goose Bay, Bagotville, North Bay, Winnipeg et, peut-être, Trenton et, en même temps, le problème très réel que l'armée éprouve avec la BFC de Gagetown?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme c'est souvent le cas dans les débats portant sur les dépenses militaires, les histoires débutent sous forme de plaidoyers de défense faits par diverses personnes. Très souvent, ces histoires sont utiles pour clarifier la situation réelle.

La situation actuelle, c'est que le ministre de la Défense, David Pratt, nie envisager la fermeture éventuelle de l'une de ces bases. En fait, il dit envisager la possibilité d'en créer une nouvelle. Je suis enchanté de me faire poser la question et d'avoir la possibilité de clarifier la situation.

Le sénateur Stratton: Sans d'argent.

Le sénateur Tkachuk: Sans liquidités.

Le sénateur Forrestall: Avant d'aller plus loin, je dois demander au distingué leader du gouvernement s'il aurait l'obligeance de me faire parvenir cette réponse, ainsi que l'assurance verbale qu'il vient de donner ici, par écrit.

Honorables sénateurs, lorsque vous ne pouvez mettre sur pied un programme de commandites, vous devez trouver une autre façon de trouver des fonds. Je pense que nous avons peut-être affaire à une première ici. Évidemment que le ministre Pratt a des projets pour la création d'une toute nouvelle base. Elle s'appelle QGDN. C'est le sigle qu'on lui donne. Les consultations vont maintenant au-delà des Travaux publics et du Conseil du Trésor, qui, tous deux, m'a-t-on dit, ont approuvé cette décision. La décision, évidemment, est de déménager les quartiers généraux de la Défense nationale à Nepean. Nous savons qui représente cette circonscription. Voilà la nouvelle base.

(1400)

Quelle que soit la position avancée par le ministre, j'aimerais obtenir une assurance écrite que toutes ces autres fermetures de base, que je n'accepte pas parce qu'il y a tout simplement trop d'indications militant contre ces fermetures, n'ont pas pour but de permettre de financer le déménagement et la réinstallation du QG de la Défense nationale au cœur de la circonscription du ministre. Je demande cette assurance tout en étant parfaitement conscient de la difficulté que nous avons eue il y a des années lorsqu'on nous a forcés à accepter l'emplacement actuel. Je n'ai pas d'objection à ce que le quartier général soit déplacé dans un endroit plus sûr, mais pas au prix de la fermeture de cinq autres bases canadiennes. Qu'en est-il de tout cela?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, avec le plus grand respect, si une déclaration que je fais au nom du gouvernement devant le Sénat n'est pas acceptable aux yeux du sénateur Forrestall, pourquoi devrais-je répondre à sa question?

Le sénateur Forrestall: Monsieur, c'est à vous de choisir. Si vous ne répondez pas à mes questions, si vous pensez que je me fie trop à vos réponses, je regrette de vous décevoir, mais ce n'est pas le cas. Vous me dites ce qui se trouve dans votre petit livre et ce que, à votre avis, je désire entendre. Je veux, quant à moi, que cela soit mis par écrit. Les gens auront ainsi un document à lire et à consulter et ils n'auront plus à se fier uniquement aux réponses improvisées que vous donnez à mes questions. J'ajouterai que je trouve également tout à fait inadmissible la désinvolture que vous avez manifestée dans votre dernière réponse.

Le sénateur Austin: Vous avez ma réponse par écrit dans le hansard du Sénat. Je ne vois pas la nécessité de mettre autre chose par écrit. Je ne veux pas me montrer désinvolte, mais je suis un peu indigné lorsque vous déclarez catégoriquement que vous rejetez toutes mes affirmations. Vous perdez votre temps à me poser des questions si mes réponses ne vous intéressent pas ou si vous ne leur accordez aucune valeur.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

LES PROGRAMMES DE PROMOTION DES MINORITÉS VISIBLES

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. En tout, 73 p. 100 des nouveaux immigrants qui s'établissent au Canada de nos jours appartiennent à des minorités visibles. Lorsque les membres des minorités visibles obtiennent un emploi, ils touchent un revenu de 15 p. 100 inférieur au revenu moyen des Canadiens. Comme l'a signalé le sénateur Keon, la non-reconnaissance de leurs compétences et les frais associés à leur apprentissage coûtent à l'économie canadienne entre deux milliards et trois milliards de dollars par année. Seulement 3,8 p. 100 des hauts fonctionnaires fédéraux appartiennent à des minorités visibles. La fonction publique n'est pas à l'image du Canada. L'honorable leader du gouvernement au Sénat peut-il expliquer pourquoi son gouvernement — le gouvernement actuel — ne met pas en oeuvre de programmes à l'intention de ce quatrième groupe cible afin de favoriser et de promouvoir la représentation des minorités visibles dans les rangs des hauts fonctionnaires?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'appuie l'objectif dont parle le sénateur Oliver. Je trouve que cela devrait faire partie de la politique gouvernementale du Canada. Je ne suis pas en mesure de préciser aujourd'hui la politique de notre gouvernement en la matière, mais je répondrai à la question dès que j'aurai obtenu les renseignements nécessaires.

Le sénateur Oliver: À supposer que le ministre se renseigne, il y avait un ratio de un sur cinq découlant d'une étude intitulée «Faire place au changement dans la fonction publique fédérale». À la suite de cette étude, il a été établi que, pour offrir des chances égales, il faudrait qu'un nouvel employé sur cinq appartienne à une minorité visible. Je crois savoir que le financement prévu pour cette initiative est maintenant à sec. Le leader du gouvernement peut-il vérifier si ce financement sera rétabli et, le cas échéant, à quels niveaux?

Le sénateur Austin: Je vais me renseigner.

LE SÉNAT

LE PROGRAMME VISANT À PROMOUVOIR LES MINORITÉS VISIBLES

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, à au moins deux ou trois occasions, j'ai demandé, à cet endroit, dans quelle mesure le Sénat s'acquittait de ses responsabilités en la matière.

Monsieur le ministre, je ne sais pas si c'est à vous que je dois poser la question, mais pourrions-nous avoir un rapport faisant état des progrès que nous avons accomplis à ce chapitre au Sénat, tant aux échelons supérieurs qu'aux échelons intermédiaires de la gestion? Je ne crois pas que nous ayons fait du bon travail dans nos propres rangs.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais soumettre la question à l'attention de la présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, comité responsable de cet aspect de la gestion des affaires du Sénat.

Le sénateur Di Nino: Le ministre pourrait-il s'engager à nous fournir une réponse à cette question?

Le sénateur Austin: Je vais certainement soumettre la question à madame le sénateur Bacon, présidente du Comité de la régie interne, mais elle a un esprit très indépendant. Je ne sais pas quel traitement elle réservera à ma demande.

LES FINANCES

LE RENOUVELLEMENT DU PROGRAMME DE PÉRÉQUATION—DEMANDE DE DÉPÔT DE DOCUMENT

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, il semble que vendredi dernier, le ministre des Finances a déposé, lors d'une réunion avec ses homologues provinciaux, un document exposant le plan du gouvernement en vue du renouvellement du programme de péréquation l'année prochaine. Je pense que c'était censé être un document confidentiel. Cependant, tout juste après son dépôt, les ministres provinciaux ont défilé devant les caméras de télévision pour le dénoncer, suivis de peu par le ministre fédéral qui défendait son document. Cette question fera beaucoup de bruit de fond dans le débat sur le projet de loi C-18, qui nous proviendra probablement bientôt et dont le seul but est de reconduire pour un an le programme de péréquation actuel. Je pense qu'il est important que nous sachions de quoi il retourne. Je demande donc au leader du gouvernement au Sénat de bien vouloir persuader M. Goodale de déposer ce document au Parlement, ou de le publier d'une manière quelconque, afin que je n'aie pas à attendre qu'une enveloppe anonyme soit glissée sous ma porte.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais faire part au ministre des Finances de la demande du sénateur Murray pour qu'il en soit averti.

LE PATRIMOINE

LES ARCHIVES NATIONALES—L'ÉTAT DES INSTALLATIONS D'ENTREPOSAGE

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, hier après-midi, nous avons entendu le sénateur Léger nous parler de l'état lamentable des archives publiques. À Radio-Canada dimanche soir dernier, on a exposé, tout au moins à l'auditoire francophone canadien, le mauvais état de ces archives canadiennes très importantes. On a donné l'exemple des documents originaux de Samuel de Champlain, fondateur de la ville de Québec, lesquels remontent à 1608. Si nous étions aux États-Unis, je suis sûr que de tels documents originaux seraient enfermés dans une vitrine et qu'un édifice aurait été construit pour les protéger et les montrer au public. Qu'est-ce que le gouvernement entend faire, pas dans un an, mais tout de suite? D'après ce que j'ai vu à la télévision dimanche dernier, c'est une question de semaines si nous voulons protéger la qualité de ces archives publiques. Qu'est-ce que le gouvernement compte faire à ce sujet?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement a certainement lu et étudié le rapport de la vérificatrice générale sur les sites patrimoniaux et sur l'état des archives. La ministre du Patrimoine canadien a lancé à son ministère une enquête devant déboucher sur une intervention rapide. J'espère que des mesures pourront être prises sous peu pour s'attaquer aux problèmes les plus immédiats, mais le problème systémique persiste. Cela coûte cher et il faudra s'y attaquer également très bientôt.

(1410)

Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, j'espère que les coûts ne sont pas la principale préoccupation. Tout a un coût, mais il s'agit des archives nationales, de documents nationaux qui sont liés à l'histoire de notre pays. J'espère que l'argent n'est pas le facteur principal qui retarde les mesures nécessaires à la bonne protection de ces documents exceptionnels.

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, je suis on ne peut plus d'accord avec le sénateur pour dire qu'il est important de protéger notre patrimoine documentaire. Ces documents sont un trésor. S'il y a des lacunes, et il y en a, dans notre façon de traiter ces documents, de préserver l'histoire du Canada, je vais certainement me ranger aux côtés de la ministre du Patrimoine canadien pour trouver les fonds nécessaires.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE PROGRAMME DE COMMANDITES—LA SUSPENSION DE DIRIGEANTS DE SOCIÉTÉS D'ÉTAT

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, le premier ministre a annoncé hier la suspension de trois présidents de sociétés d'État, soit André Ouellet, président-directeur général de Postes Canada, Marc LeFrançois, président de VIA Rail, et Michel Vennat, président de la Banque de développement du Canada. MM. Vennat et LeFrançois ont été suspendus sans rémunération, tandis que M. Ouellet a été suspendu avec rémunération, dans l'attente d'une vérification plus étendue.

Pourquoi le premier ministre a-t-il conclu que M. Ouellet méritait ce congé payé?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne dirais pas que c'est un congé payé. Pendant toute la période du programme des commandites et des publicités, M. Ouellet était le premier dirigeant de Postes Canada. La vérificatrice générale n'a pas dit qu'il était intervenu directement dans les tractations entre la Direction des communications des Travaux publics et Postes Canada. Il n'en demeure pas moins qu'il est responsable des mesures à prendre à l'égard des erreurs administratives qui ont été commises pendant qu'il était aux commandes. Le gouvernement a donc décidé que les questions qui se posent sont les suivantes: de quelle façon les mesures relatives au programme des commandites et à Postes Canada ont-elles été prises? Qui a pris ces mesures? Quand M. Ouellet a-t-il été mis au courant de ces mesures? Qu'a-t-il fait pour remédier à la situation?

Cependant, il n'y a aucune allégation à l'heure actuelle voulant que M. Ouellet ait joué un rôle actif dans l'affaire ni même qu'il ait été au courant des événements. Le gouvernement a demandé à M. Ouellet de lui fournir toute la documentation voulue concernant les réponses à une série de questions. Comme l'a dit le président du Conseil du Trésor, si le gouvernement est satisfait des réponses, M. Ouellet sera rétabli dans ses fonctions.

Le sénateur Comeau: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire.

D'après ce que j'ai lu dans la presse, M. Vennat déclare qu'il a perdu la confiance du premier ministre. Étant donné que, la semaine dernière, le conseil d'administration de la Banque de développement du Canada a procédé à un vote de confiance à l'endroit de M. Vennat, nous nous trouvons dans un dilemme, car les administrateurs sont nommés par le gouvernement. Dans l'état actuel des choses, le premier ministre ne devrait-il pas envisager la démission de tous les administrateurs de la Banque de développement du Canada compte tenu de la confiance dont ils font preuve à l'égard de M. Vennat?

Le sénateur Austin: Honorables sénateurs, dans un article de journal, on indiquait que le conseil d'administration de la Banque de développement du Canada avait adopté une motion de confiance envers M. Vennat. Cependant, je n'ai pas réussi à valider cette information. Ce que je sais par contre, c'est que le conseil d'administration de la Banque de développement du Canada a décidé de ne pas porter en appel la décision rendue dans le procès Beaudoin et n'a pris aucune mesure à l'endroit de M. Vennat. C'est là toute l'information dont je dispose pour l'instant.

LES TRAVAUX PUBLICS ET LES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LE PROGRAMME DES COMMANDITES—LA DISPONIBILITÉ DE FONDS

L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question fait suite à celles du sénateur Comeau.

Honorables sénateurs, je cite Jamie Kelley:

Ils m'ont parlé d'une caisse noire à laquelle ils pourraient avoir accès pour obtenir de l'argent pour des programmes dans leur circonscription. Il n'y avait pas de formule de demande à remplir, rien à faire, si ce n'est écrire une lettre à M. Pierre Tremblay à Travaux publics.

Hier, le leader du gouvernement au Sénat a déclaré que tous les députés avaient accès aux fonds de commandite. J'ai sondé les députés de notre caucus ce matin. Je leur ai demandé à dessein combien étaient au courant du processus et des fonds. En toute honnêteté, deux ou trois d'entre eux m'ont dit avoir été informés que des fonds avaient été octroyés dans leur circonscription, dans des organisations qu'ils considéraient de bonne foi. Cependant, on ne leur a jamais dit qu'ils pouvaient y avoir accès. De leur point de vue, ces fonds semblaient être strictement réservés aux députés libéraux. Le ministre Anderson s'est plaint du fait que 80 p. 100 du financement ait été attribué à une province en particulier.

Voici ma question au leader du gouvernement: il dit être dégoûté. Comment croit-il que nous nous sentons, en tant que membres de l'opposition? Tout comme moi, il a fait du travail de circonscription, et du travail crédible. Je ne lui enlèverai jamais cela. Cependant, quand nous étions au pouvoir, j'ai travaillé avec des gens comme Brian Tobin, notamment, avec qui j'entretiens encore des relations parce que j'étais disposé, si nous avions un programme, à y faire participer tout le monde — et non pas seulement un camp en particulier.

Le ministre n'était peut-être pas au courant, mais sûrement pas le leader. Qu'entend faire le gouvernement libéral au sujet de ce comportement scandaleux?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me réjouis toujours de l'ardeur que met le sénateur St. Germain dans ses questions.

Je tiens à ce qu'il soit clair que les programmes du gouvernement du Canada devraient être accessibles à tous les parlementaires sans exception, et non pas attribués sur la base de la partisanerie. C'est une norme de crédibilité et d'éthique publique que le gouvernement doit maintenir.

Dans le cas du programme de commandites, le gouvernement a pris des mesures pour examiner ce qui s'est passé. En fait, la nature et le caractère de ce programme seront très bien connus une fois l'enquête judiciaire terminée et, j'espère, bien avant, grâce au travail du Comité des comptes publics à l'autre endroit.

Comme le sait l'honorable sénateur St. Germain, l'ancien ministre Gagliano témoignera demain devant le Comité des comptes publics de l'autre Chambre. J'ai la certitude que les événements seront examinés en détail par les membres de ce comité.

LE SÉNAT

LES ÉTATS-UNIS—LA PARTICIPATION AU SYSTÈME DE DÉFENSE ANTIMISSILE—DEMANDE D'UN DÉBAT

L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat doit savoir que près de 30 députés libéraux ont voté, hier, aux Communes contre la participation du Canada au système de défense antimissile. À tout le moins, cela révèle le sentiment profond suscité par ce sujet extrêmement controversé, qui revêt une importance primordiale face au rôle du Canada dans l'instauration de la sécurité mondiale.

Le leader sait que j'ai demandé à plusieurs reprises que le gouvernement parraine un débat au Sénat sur cette question. J'ai étudié les réponses du leader et je ne comprends pas ce qu'il veut dire quand il affirme qu'il n'est pas convaincu que la tenue d'un débat au Sénat, en ce moment, apporterait quelque chose de plus.

(1420)

Le leader du gouvernement au Sénat examinera-t-il de nouveau la question et permettra-t-il au Sénat et aux sénateurs de s'exprimer pour contribuer à calmer les inquiétudes de nombreuses personnes, comme en témoigne le débat à la Chambre des communes? Les sénateurs devraient se faire entendre maintenant sur cette question très importante.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord souligner que la réforme démocratique du premier ministre a connu une victoire à l'autre endroit lors du vote sur le système de défense antimissile. Que les députés au pouvoir aient pu voter selon leur conscience est une étape importante du renforcement du rôle des parlementaires, surtout du rôle des députés de l'autre endroit. Il est intéressant de noter que les partis de l'opposition ont tous voté en bloc. Par conséquent, il est évident qu'ils ne sont pas prêts à ce que leurs députés soient de véritables parlementaires convaincus de leur position.

Pour ce qui est de la question du sénateur Roche, j'aimerais dire à notre collègue et à tous les sénateurs que bien que je reconnaisse que ce débat pourrait avoir un certain mérite, le gouvernement est d'avis qu'il n'y a pas lieu de le parrainer à l'heure actuelle. Beaucoup d'informations sont déjà du domaine public. Je crois qu'il faut laisser le temps au public de se former une opinion.

Le temps viendra toutefois, sénateur Roche, où cette question pourra faire l'objet d'un débat parrainé par le gouvernement.

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse différée à la question orale posée par le sénateur Gauthier le 16 février 2004 concernant la décision prise par la Cour fédérale relativement à l'action intentée par le Forum des maires de la péninsule acadienne et dont le gouvernement a fait appel.

LA JUSTICE

L'ACTION INTENTÉE EN COUR FÉDÉRALE PAR LE FORUM DES MAIRES DE LA PÉNINSULE ACADIENNE—APPEL DE LA DÉCISION PAR LE GOUVERNEMENT

(Réponse à la question posée le 16 février 2004 par l'honorable Jean-Robert Gauthier)

Le gouvernement continue d'assumer ses responsabilités en ce qui a trait à la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Cette partie de la Loi énonce l'engagement solennel du gouvernement à promouvoir le français et l'anglais dans la société canadienne, y inclus le développement des communautés en situation minoritaire. Bien qu'il s'agisse d'un engagement de nature politique, cette partie de la Loi lie chaque institution fédérale.

Le Cadre d'imputabilité et de coordination en langues officielles précise les modalités d'exécution de cet engagement de même que les responsabilités de chaque institution fédérale à cet égard.

C'est par l'entremise des rapports déposés par le ministre du Patrimoine canadien, chargé de coordonner la mise en œuvre de la partie VII, que les institutions fédérales rendent compte au Parlement des mesures qu'elles ont prises pour assurer la mise en oeuvre de cet engagement.

Les dispositions de la partie VII de la Loi sur les langues officielles ne sont pas exécutoires, en ce qu'elles ne créent ni droits ni obligations fondamentaux de façon expresse; elles énoncent un engagement du gouvernement du Canada. Par conséquent, la partie VII n'est pas justiciable, c'est-à-dire qu'elle ne peut faire l'objet d'un recours judiciaire en cas d'un possible manquement. La portée juridique de cet engagement suscite un débat depuis plusieurs années.

Comme vous le savez, le 8 septembre dernier, la Cour fédérale a rendu son jugement dans le dossier Forum des maires de la péninsule acadienne. Le juge Blais y traite notamment de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Le gouvernement est d'avis que l'appel logé en Cour d'appel fédérale aidera à élucider la portée juridique de la partie VII.

L'existence d'un débat juridique ne diminue d'aucune façon l'engagement du gouvernement du Canada à favoriser l'épanouissement des collectivités de langues officielles au Canada ou à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. D'ailleurs, le nouveau Cadre d'imputabilité consigne très clairement les responsabilités des ministres et des fonctionnaires à l'égard de la partie VII de la Loi et est venu renforcer des mécanismes déjà en place pour réaliser l'engagement du gouvernement du Canada à l'égard de la dualité linguistique.

Comme cette affaire est maintenant devant la Cour d'appel fédérale, il ne serait pas approprié de donner des commentaires plus détaillés.


ORDRE DU JOUR

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, puis-je demander que les projets de loi du gouvernement soient appelés dans l'ordre suivant sous la rubrique «Initiatives ministérielles»? D'abord, le projet de loi C-4, suivi des projets de loi C-20, C-17, C-14 et C-7. Par respect pour le sénateur Forrestall, je m'arrêterai là.

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence.

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, j'essaierai d'être bref et d'aller droit au but, comme disent les avocats.

Il y a deux points que j'aimerais aborder suite au discours prononcé hier par le leader du gouvernement au Sénat. Le premier porte sur la nomination de celui que je préfère appeler le «conseiller» en éthique. Le deuxième a trait à la référence qu'a faite le leader du gouvernement à un point précis que j'ai soulevé en ma qualité de sénateur sur la question des privilèges et la mesure dans laquelle ces privilèges peuvent être étendus au conseiller en éthique dans l'exécution de ses fonctions.

Ce dernier point est fondamental parce qu'il ouvre immédiatement la porte à une intervention du tribunal si le conseiller en éthique n'est pas protégé en vertu des droits du Parlement. Les honorables sénateurs se rappelleront de nos discussions précédentes. Nous disions que l'intervention du judiciaire dans les affaires internes du Sénat a été un facteur majeur. En fait, il s'agissait d'un de deux facteurs.

Le premier concerne la nomination du conseiller en éthique par le gouverneur en conseil. Je félicite le leader du gouvernement d'avoir reconnu qu'il y a un problème. Je crois comprendre qu'il partage notre préoccupation, à savoir que le processus, tel qu'il est décrit dans le projet de loi, n'est à tout le moins pas complet.

Le leader du gouvernement a reconnu qu'il est impossible pour le conseiller en éthique de bien s'acquitter de ses tâches s'il ne jouit pas de l'appui d'une majorité des sénateurs des deux côtés de cette Chambre. Il s'agit là du point fondamental de l'intervention du conseiller en éthique, contrairement à celle du vérificateur général, du commissaire à la protection de la vie privée, du commissaire à l'information, du directeur général des élections, et j'en passe. Pourquoi? La réponse est que cette personne aura une responsabilité unique dans les affaires internes du Sénat. À ce titre, chaque sénateur, peu importe son allégeance politique, doit faire aveuglément confiance au conseiller en éthique. Je félicite le leader du gouvernement d'avoir reconnu cela.

Le leader du gouvernement a manifesté le souhait que, par l'entremise d'une convention, nous mettions au point dans cette Chambre un système qui répondrait à nos préoccupations. Mon inquiétude, avec une telle intention, est que cela ne se concrétise pas dans la mesure législative. J'ai soulevé ce point lorsque nous avons étudié, l'automne dernier, la version antérieure de ce projet de loi.

Les garanties dont le leader du gouvernement a parlé hier devraient être incorporées au texte de la mesure législative afin que le parti qui forme le gouvernement du jour soit tenu de respecter ce processus de sélection, et ce, afin de maintenir l'indépendance et l'intégrité du conseiller en éthique.

D'après le projet de loi, le gouverneur en conseil qui nommera ce haut fonctionnaire ne sera assujetti à aucune contrainte. J'aimerais donc soulever quelques questions. Où pose-t-on sa candidature au poste de conseiller en éthique? Quelles qualités doit-on avoir en tant que conseiller? Qui fera partie du jury de sélection? Toutes ces questions sont normalement du ressort du Conseil privé, comme dans les cas du vérificateur général, du commissaire à l'information et de tous les autres hauts fonctionnaires dont le poste est prévu dans une loi. Nous connaissons la procédure. Nous avons d'ailleurs fait savoir que nous la désapprouvons. Les honorables sénateurs se souviennent de l'affaire Radwanski de l'année dernière et de ce qu'avait alors dit le leader du gouvernement de l'époque, soit que nous devrions examiner ce mécanisme parce qu'il ne répond pas à nos objectifs.

À moins que le gouvernement ne s'engage à créer une loi habilitante qui permettrait d'examiner le processus de nomination auquel a recours le gouverneur en conseil pour procéder à des nominations de hauts fonctionnaires du Parlement, nous devrons faire confiance au ciel. Cependant, pour l'instant, nous n'avons pas reçu de réponse précise au sujet du processus de nomination des hauts fonctionnaires du Parlement qui nous préoccupe et que nous avons soulevé à maintes reprises.

Je rappelle aux honorables sénateurs la déclaration qu'a faite le leader du gouvernement de l'époque relativement à l'affaire Radwanski.

Cette question comporte un autre aspect. Le gouvernement déclare: «Eh bien! peut-être devrions-nous songer à une convention.» Comme les honorables sénateurs le savent, une convention n'a pas force obligatoire devant les tribunaux. Par contre, une loi a force obligatoire devant les tribunaux. La Cour suprême, dans le renvoi sur le rapatriement de la Constitution auquel l'honorable leader a fait référence hier, a déclaré, pour reprendre l'expression, clairement et sans ambiguïté qu'une convention n'a pas force obligatoire devant les tribunaux.

(1430)

Ce qu'on peut faire appliquer devant un tribunal, c'est une loi. Si le gouverneur en conseil du moment décidait de nommer un conseiller ou un commissaire en éthique, même si nous avons élaboré une convention ici, cette convention ne sera pas reconnue par le tribunal. Voilà pourquoi j'estime toujours que l'amendement présenté par l'honorable sénateur Bryden a un certain bien-fondé.

Il y a un élément dans l'amendement du sénateur Bryden — et j'ai continué de réfléchir à cela — qu'on pourrait peut-être améliorer. Les honorables sénateurs se souviendront du fait que l'amendement du sénateur Bryden porte sur l'obligation qu'a notre Chambre de nommer un conseiller en éthique par une résolution recevant l'approbation des partis reconnus à la Chambre. Voilà l'essence de l'amendement du sénateur Bryden qui a été approuvé par une majorité de sénateurs.

Ma préoccupation tient au fait que cet amendement ne prévoit pas de limite de temps. En d'autres termes, si le Sénat décide de «reporter» la question — la procédure magique en cette Chambre, comme nous le savons —, il n'y a pas de limite de temps. Je crois que nous devrions envisager l'ajout d'une obligation claire de nommer le conseiller en éthique dans un délai précis, peut-être 30 ou 50 jours de séance, de manière à ce notre Chambre soit confrontée à une obligation incontournable d'agir. Je reconnais en partie le bien-fondé des remarques positives faites après l'adoption de cet amendement.

Honorables sénateurs, il y a des moyens par lesquels, à la deuxième lecture, à l'étape du comité et à la troisième lecture, nous pouvons tenter de protéger le principe de l'indépendance à l'égard de l'exécutif d'une façon qui soit compatible avec les objectifs gouvernementaux visant la nomination d'un conseiller en éthique. Le conseiller en éthique serait nommé dans un délai raisonnable, et nous garderions la gouvernance de nos affaires internes par-devers nous, par nous et pour nous.

Je souhaite soulever un autre élément. L'honorable leader du gouvernement au Sénat a fait une référence expresse à moi dans son allocution, ainsi qu'à quelques autres sénateurs. À ce moment-là, je me suis efforcé d'attirer l'attention de notre Président pour poser quelques questions et je suis heureux que le leader du gouvernement soit ici aujourd'hui, car je voudrais lui soumettre mes arguments sur la question des privilèges.

De quoi est-il question lorsque nous parlons de privilèges? Il ne s'agit pas d'une situation exceptionnelle propre aux sénateurs ou aux députés. Il est question de la capacité de cette Chambre d'accomplir son devoir constitutionnel de réviser des mesures législatives. C'est pourquoi tous les sénateurs ont le droit d'exercer leur jugement sans aucune intervention externe, au mieux de leur capacité ou de leurs connaissances et en leur âme et conscience. Cela relève du droit constitutionnel. Le gouvernement ne peut pas tomber; nous ne pouvons pas renverser le gouvernement. Lorsque nous nous prononçons, nous le faisons à la fin du processus, en notre âme et conscience.

Le leader du gouvernement au Sénat dit que mon interprétation du paragraphe 20.5(2) qui est proposé est erronée parce que je soutiens que nous ne pouvons pas accorder au conseiller en éthique des privilèges qui n'existent pas à la Chambre des communes britannique.

Le leader du gouvernement dit que la Constitution est en évolution, et non stagnante, et que le tribunal a la responsabilité de l'interpréter.

Je présente au leader du gouvernement et aux sénateurs différents cas de jurisprudence qui n'étayent pas sa conclusion.

Le premier cas que je devrais souligner au leader du gouvernement est très récent et remonte au 6 février 2004. La décision dans l'affaire Telezone a été rendue il y a trois semaines et concerne une question de privilèges.

Dans cette cause, la Cour d'appel de l'Ontario a examiné les privilèges de l'ancien ministre des Finances, qui a refusé de témoigner pendant une session parlementaire. Le tribunal a évoqué les privilèges et leur origine. Je cite le paragraphe 18 du jugement:

Deux aspects ressortent clairement du préambule et de l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 et des articles 4 et 5 de la Loi sur le Parlement du Canada: (1) les parlementaires canadiens jouissent de certains privilèges, immunités et pouvoirs; et (2) la portée et la teneur de ces privilèges, immunités et pouvoirs doivent être conformes à ceux que «détenait et exerçait» le Royaume-Uni, particulièrement en 1867.

Permettez-moi de le répéter: Nos privilèges doivent être conformes à ceux dont bénéficiaient le Royaume-Uni en 1867. C'est la décision que la Cour d'appel de l'Ontario a rendue il y a trois semaines.

Elle a ajouté au paragraphe 41:

[...] je ne constate aucun changement apporté au droit constitutionnel ou à la législation depuis 1867 qui modifierait cette conclusion.

Qu'est ce que cela veut dire, honorables sénateurs? Que conformément à l'article 18 du texte de la Constitution, nos privilèges sont mesurés à l'aune des privilèges dont jouissait la Chambre des communes du Royaume-Uni à l'époque. Honorables sénateurs, cela ne me plaît guère, car en 1982, lors du rapatriement de la Constitution, nous voulions que le Canada ait un pouvoir constitutionnel complet. En fait, la reprise en main de notre Constitution a donné lieu à un texte dont les articles 52 et 53 énoncent clairement que, à moins d'avoir été modifiées à l'époque, les dispositions restent en vigueur.

La Cour d'appel de la Colombie-Britannique, que le leader du gouvernement connaît très bien, a dû déterminer si, parce qu'ils étaient obscurs ou parce qu'ils venaient d'une époque révolue, certains articles de la Constitution étaient inopérants. Je rappelle aux sénateurs que cette Chambre a participé à une telle réflexion en 1990. Les sénateurs se souviennent-ils de l'article 26 de la Constitution, l'article qu'a utilisé le premier ministre de l'époque pour nommer huit sénateurs lors du débat sur la TPS? On se demandait si l'article 26 de la Constitution était inopérant. En fait, dans le cas d'un renvoi du gouvernement de la Colombie-Britannique à la Cour d'appel de cette province, le procureur général de la Colombie-Britannique soutenait que certains articles de la Loi constitutionnelle étaient inopérants tout simplement parce qu'ils étaient obsolètes. Le texte de l'article 26 est très obscur. On y lit que la Reine, sur les conseils du Gouverneur général, peut, sous son grand sceau, non pas sous le grand sceau du Canada, mais sous son grand sceau, le sceau du Parlement britannique, nommer un certain nombre de sénateurs.

La cour a conclu que l'on ne saurait faire autrement que de se conformer au texte de la Constitution lorsque celui-ci est clair.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Règlement est clair. Il prévoit que le deuxième intervenant dispose de 45 minutes, mais en pratique, lorsque c'est le côté ministériel qui présente la mesure, la période prévue est accordée à l'opposition. Le sénateur Oliver a ajourné le débat, mais le sénateur Joyal prononce un discours. Quinze minutes se sont écoulées.

Puis-je demander aux honorables sénateurs s'ils sont d'accord pour que l'opposition jouisse de la période de 45 minutes?

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Par conséquent, sénateur Joyal, vos 15 minutes sont écoulées. Demandez-vous la permission de continuer?

Le sénateur Joyal: Oui, je demande la permission de continuer. J'aurai terminé mon discours dans cinq minutes.

Des voix: D'accord.

(1440)

Le sénateur Joyal: Il y a 15 ans, le Sénat a été confrontée à cette même question du caractère inopérant de certains articles de la Constitution, particulièrement celui portant sur la nomination des sénateurs, et j'ajouterai que, par coïncidence, le problème touchait la Colombie-Britannique. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a déclaré dans un renvoi, le 6 février 1991, que, lorsqu'il y a une expression claire et non ambiguë dans la Constitution, l'approche évolutive ne s'appliquait pas. La décision a été rendue par cinq juges. J'ai été surpris de la clarté de la décision de la cour. Le juge en chef a dit ce qui suit:

Enfin, je suis d'avis que l'approche évolutive de l'interprétation constitutionnelle relativement à l'article 24 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique [...] ne justifie pas qu'on modifie la signification de l'article 26, qui est exprimé en termes clairs et non ambigus.

Honorables sénateurs, je suis d'avis que l'article 18, qui définit nos privilèges, est clair et non ambigu, en ce sens que nous devons mesurer nos privilèges en fonction de ceux qui existent à la Chambre des communes britannique.

Au cas où les sénateurs penseraient que j'invente cette interprétation, j'attire leur attention sur le témoignage présenté par le greffier de la Chambre des communes, le 17 février, devant le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Il a dit clairement que l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada est aussi valide aujourd'hui qu'il l'était lorsqu'il a été adopté en avril 1868. Le Parlement canadien a reconnu pour la première fois dans une loi de 1868 que nos privilèges et ceux de la Chambre des communes britannique étaient équivalents. Cette disposition a été reprise dans les codifications de 1886, 1906, 1952, 1971 et, enfin, 1985.

Chaque fois que le Parlement a examiné la nature et la source de ses privilèges au cours des 137 dernières années, il l'a fait de la même façon et en respectant les mêmes limites, soit celles précisées à l'article 18 de notre Constitution.

Honorables sénateurs, en me levant ce matin et en ouvrant mon ordinateur, j'ai été encore plus surpris de l'évolution de la situation concernant l'affaire Vaid à la Cour suprême. Les sénateurs ne sont pas sans savoir que cette affaire, dont est saisie la Cour suprême du Canada, concerne les privilèges parlementaires. Certains honorables sénateurs ont consacré beaucoup de temps à cette question.

Hier, la Chambre des communes a déposé son mémoire sur la question devant la Cour suprême. Ce document vient à peine de sortir des presses et on peut y lire au paragraphe 29 que les privilèges énoncés aux alinéas 4a) et b) ont été formulés dans la loi essentiellement de la même façon depuis la toute première législature en 1867-1868. L'autre endroit a reconnu que ses membres non plus ne peuvent se soustraire à la nature des privilèges de 1867, ou que, si le Parlement du Royaume-Uni a modifié ses privilèges, nous pouvons rajuster les nôtres.

Il y a un motif pour cela et il y a une conséquence négative. Le motif est dans le préambule de la Constitution. Nous devons obligatoirement avoir une constitution «reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni». Voilà la première chose qu'apprend en première année un étudiant en droit constitutionnel.

Cette limitation de notre pouvoir de légiférer par rapport à ces privilèges soulève certaines questions. Selon le sénateur Oliver, notre Parlement ayant atteint la maturité, il conviendrait peut-être de faire quelque chose à cet égard. Je suis entièrement d'accord, mais il faudra modifier la Constitution. L'article 18 porte aussi bien sur les privilèges du Sénat et de la Chambre des communes que sur ceux des assemblées législatives provinciales.

Si nous supprimons la mention du Parlement britannique à l'article 18, telle que reprise à l'article 4 d'une loi du Parlement, nous sommes obligés de modifier la Constitution. Tant que nous ne modifions pas la Constitution, nous devons respecter la décision Rost v. Edwards qui, malheureusement, a reconnu qu'il n'y avait pas de privilège de cette nature au Royaume-Uni et a proposé à la Chambre des communes du Royaume-Uni de légiférer en la matière. Malheureusement, elle ne l'a pas fait. Même si un comité mixte de la Chambre des communes et de la Chambre des lords du Royaume-Uni a recommandé en 1999, dans un rapport de deux pouces d'épaisseur, qu'on légifère, personne n'a légiféré, si bien que nous devons nous plier à cette situation.

Honorables sénateurs, lorsque nous examinons la nomination et le rôle du conseiller en éthique, même si nous insistons pour que cette personne demeure assujettie à un accord consensuel des membres de cette Chambre, consacré par le consentement libre de tous les partis quel que soit leur nombre, nous devons faire en sorte que les tribunaux n'interviendront pas dans les affaires internes du Sénat qui relèvent de cette Chambre.

J'ai essayé de simplifier les choses, honorables sénateurs. Il nous faut réexaminer ces questions de la manière la plus objective possible, parce qu'une fois que nous aurons adopté une loi, nous devrons vivre avec ses conséquences. Comme je l'ai dit, si nous ne voulons pas nous retrouver devant la cour tôt ou tard pour cette question, comme c'est le cas de l'autre endroit, à l'heure actuelle, nous devrions procéder à un second examen objectif de cette question.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je veux poser une question au très connaissant sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal: C'est avec plaisir que j'accepterai une question.

Le sénateur Austin: C'est très amusant, honorables sénateurs.

Le sénateur St. Germain: Amusant?

Le sénateur Austin: Oui, c'est sérieux, mais c'est très amusant.

Ce Parlement a toujours été désigné comme «la Haute Cour du Parlement» et je pense que le débat actuel met encore une fois en évidence cet aspect de son rôle.

Je comprends l'argument de l'honorable sénateur Joyal jusqu'à un certain point mais, comme je l'ai dit hier, je suis d'avis que la décision rendue dans l'affaire Rost v. Edwards prévoit que le pouvoir de légiférer pour conférer ce privilège est inhérent au Parlement britannique. Ce pouvoir existait en 1867 et, par conséquent, nous avons le même pouvoir. Est-ce là la nature du privilège parlementaire tel qu'on l'exerce habituellement? Quand je dis cela, je veux dire que, dans le projet de loi C-4, nous cherchons à légiférer pour accorder un privilège parlementaire, comme le permet l'affaire Rost v. Edwards, et cela pouvait se faire au Royaume-Uni. On en arrive à un point très clair, bien que ce ne soit pas le seul, mais un point que je demande aux honorables sénateurs de prendre en considération et je leur demande d'y répondre maintenant ou plus tard.

(1450)

Le sénateur Joyal: L'honorable sénateur soulève un point important: comment créons-nous de nouveaux privilèges? Eh bien, c'est facile. La cour a déjà répondu à cette question dans de nombreuses causes très célèbres dans le hansard qui remontent jusqu'à 1770. La façon de créer des privilèges, c'est essentiellement par l'intermédiaire d'une loi du Parlement qui a reçu l'accord des deux Chambres. En d'autres mots, l'autre endroit ne peut créer un privilège pour lui-même que nous ne partagerions pas. Il faut l'accord des deux Chambres.

L'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada, qui est très ancien et qui remonte aux premiers jours de la Confédération, affirme très clairement, dans les paragraphes 4a) et 4b) que lorsque nous créons des privilèges, il faut le faire par une loi du Parlement et il faut que ce soit en conformité avec ce qui existe au Royaume-Uni à ce moment-là. L'article 4 compte une autre condition qui précise: «...dans la mesure où ils sont conformes à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.»

Nous avons légiféré en 1868 et, même si nous avons restructuré ce pouvoir au fil des années, nous avons maintenu ces deux limites à notre capacité de légiférer de nouveaux privilèges tel qu'indiqué à l'article 4. J'ose croire que le Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui a étudié la question des privilèges et l'affaire pertinente que j'ai citée, s'efforcera de comprendre cela. Au fil des années, il y a eu tellement d'affaires devant les tribunaux que nous savons exactement quelles devraient être nos limites et si nous devrions réexaminer l'article 4. Je crois que l'honorable leader veut nous inviter à réfléchir à l'ensemble des conséquences d'une seule disposition du projet de loi, qui semble être la manière la plus efficiente de protéger notre capacité de diriger nos affaires internes; mais ce pourrait être une disposition comportant maintes lacunes.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, lorsque nous avons rapatrié la Constitution en 1982, nous avons demandé à Londres de nous donner la permission de faire tous les amendements possibles et à venir. J'ai toujours cru, en vertu de l'article 41, que nous pouvions changer notre système constitutionnel de fond en comble, sauf qu'il faut le consentement unanime des gouvernements fédéral et des dix provinces.

Nous pouvons même légiférer sur la charge de la reine, du gouverneur général, du lieutenant-gouverneur, sur le Sénat, son abolition, sur la formule d'amendement, et cetera. J'arrive à la conclusion que le très important article 18 peut être amendé. Si nous ne pouvons pas amender l'article 18, qui traite seulement des privilèges des parlementaires — c'est beaucoup, mais quand même — comment interprétez-vous l'article 41, qui dit que nous pourrions avoir un autre système que le système monarchique? Je ne veux pas lancer un débat sur la république, ou la monarchie.

On peut avoir celui de notre choix. Je pose une question c'est tout. Je pense que le Canada est demeuré fidèle à la Couronne britannique. La reine est la reine du Canada.

Je ne peux pas concevoir, dans notre Constitution totalement rapatriée au Canada, comment on pourrait empêcher la modification de l'article 18 de notre propre Constitution. Sinon, cela veut dire qu'en 2500, nous pourrions encore être soumis à la limite des privilèges parlementaires du Parlement britannique. Cela n'a pas de sens, c'est le moins que l'on puisse dire! Je plaiderais contre cette position avec beaucoup d'enthousiasme dans un renvoi à la Cour suprême.

À mon avis, nous avons rapatrié totalement la Constitution, et si nous voulions changer notre système, nous pourrions le faire. Cela demande l'unanimité, bien sûr, ce n'est pas facile. Pourquoi les Canadiens n'auraient-ils pas le pouvoir d'amender l'article 18, qui fait partie de notre Constitution? Sinon, nous serons éternellement sous le pouvoir britannique. On est Canadien ou on ne l'est pas.

Je pense qu'avec l'accord des gouvernements fédéral et de toutes les provinces, nous pouvons amender l'article 18 de la Constitution. Si nous pouvons amender la charge de la reine, du gouverneur général ou d'un lieutenant-gouverneur, si nous pouvons amender la composition de la Cour suprême, si nous pouvons modifier notre formule d'amendement, a fortiori, nous pouvons modifier l'article 18.

Le sénateur Nolin: Je ne dis pas le contraire.

Le sénateur Beaudoin: Nous pouvons tout amender au Canada, sinon notre Constitution n'est pas rapatriée.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le sénateur de sa question. Je dirai deux choses. Je partage avec lui l'opinion que nous pouvons modifier l'article 18. Je n'ai jamais soutenu le contraire dans mes explications.

Le sénateur Beaudoin: J'ai parlé pour rien alors.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Je n'ai jamais affirmé que nous ne pouvions pas modifier l'article 18, et j'irai même plus loin: je crois que nous pourrions modifier l'article 18 au moyen de l'article 44 adopté lors du rapatriement en 1982. L'article 44 stipule que:

Le Parlement a compétence exclusive pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au pouvoir exécutif fédéral, au Sénat ou à la Chambre des communes.

L'article 18 traite du Sénat et de la Chambre des communes. Il est dit clairement à l'article 44 de la Constitution que l'article 18 pourrait être modifié. Or l'article 18 n'a pas été modifié. Il a force de loi tel quel. Je soutiens qu'aussi longtemps qu'il n'a pas été modifié, et certains auteurs ont d'ailleurs écrit à ce sujet, nous devons l'appliquer conformément à ce qu'a dit la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, c'est-à-dire «...quand les dispositions sont claires et sans ambiguïté». Cela résume l'essentiel de l'argumentation.

J'invite l'honorable leader à réfléchir à cela. Peut-être que nous ne devrions pas modifier l'article. C'est peut-être le mandat que devrait se donner le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, parce que, comme le sénateur l'a dit, cela fait partie d'une démocratie ayant atteint la maturité au Parlement. C'est le nœud du problème.

Si l'honorable sénateur a des convictions profondément ancrées à ce sujet, il a quatre semaines, à partir du dépôt du document à la Chambre des communes, pour envisager d'intervenir devant la Cour suprême. S'il y a dans ce document un élément avec lequel nous ne sommes pas d'accord, en toute civilité, l'honorable sénateur a quatre semaines pour décider de s'adresser à la cour pour demander d'avoir qualité d'intervenant et plaider sa cause. Peut-être pourrions-nous y aller ensemble pour défendre cette position parce que c'est au cœur de l'affaire sur laquelle la cour devra rendre bientôt une décision.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Honorables sénateurs, je suis très content que l'honorable sénateur Joyal dise que l'on peut amender l'article 18. Bravo! Si vous l'aviez dit au début, cela aurait été plus simple, mais je vous taquine. Nous nous connaissons bien. Tant et aussi longtemps que cet article n'est pas amendé, il nous gouverne.

Je n'ai rien à dire de plus. Le rapatriement est très important. C'est la raison pour laquelle j'attache tant d'importance à l'année 1982: nous avons eu une Charte des droits et libertés dans la Constitution, c'est énorme; nous avons rapatrié la formule d'amendement, c'est énorme; nous avons gardé notre système monarchique parce que nous l'aimions; nous avons gardé notre système parlementaire britannique parce que nous l'aimions. Mais nous pouvons faire ce que nous voulons, c'est tout ce que je demande.

(1500)

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai suivi le débat avec attention. J'ai une ou deux questions à poser au sénateur Joyal, mais j'aimerais dire tout d'abord que je crois qu'il a raison.

Concernant l'article 18 de l'AANB de 1867, je souscris à ce que vient juste de dire le sénateur Austin. Je ne l'ai pas sous les yeux, mais il existe une citation célèbre de sir Edward Coke, tirée de son ouvrage The Fourth Part of the Institutes of the Laws of England, où il dit:

De même que chaque tribunal a des lois et des coutumes pour le guider, [...] de même la Haute Cour du Parlement a aussi sa propre loi appelée lex et consuetudo parliamenti.

Le leader du gouvernement a ceci de bien qu'il connaît l'histoire et l'esprit du droit. Cela est un prélude à ma question.

Honorables sénateurs, le terme constitutionnel est «reçu». L'article 18 a fait plus qu'édicter les privilèges du Parlement. Sur le plan constitutionnel, cet article a «reçu» de l'Angleterre la loi ancienne, la lex et consuetudo parliamenti, celle qui accorde les privilèges au Parlement. Ce que fait l'article 18, honorables sénateurs, c'est accueillir au Canada la loi ancienne qui avait cours et a évolué pendant près de mille ans.

Si les privilèges du Parlement du Canada sont immuables, c'est notamment parce que les privilèges conférés par la loi du Parlement de l'Angleterre l'étaient alors eux aussi. J'aimerais soumettre au sénateur Joyal la résolution qui a été adoptée — compte tenu de l'importance de la question au Royaume-Uni — pour déterminer dans quelle mesure les Chambres pourraient étendre et augmenter leurs privilèges.

En 1704, honorables sénateurs, une résolution adoptée au Royaume-Uni, par les deux Chambres, stipulait ce qui suit:

Aucune des deux Chambres du Parlement n'a le pouvoir, que ce soit par vote ou déclaration, de s'octroyer de nouveaux privilèges, non garantis par les lois et coutumes connues du Parlement;...

Honorables sénateurs, en 1867, en élaborant l'AANB et en y intégrant le droit reçu du Parlement, on a tenté d'être fidèles à ce qui se passait au Royaume-Uni où les privilèges avaient déjà été fermement établis. Donc, dans cette mesure, le sénateur Joyal a tout à fait raison.

Voici ma question. Je ne sais pas si le sénateur Joyal a réfléchi à ceci. Comme les privilèges du Parlement sont immuables, et nous sommes saisis du projet de loi C-4, un projet de loi ressuscité — je ne comprends pas comment il a pu être ressuscité à la Chambre des communes puisqu'il était mort ici, mais c'est une autre question — si les privilèges du Sénat et de la Chambre des communes sont égaux, aux termes de l'article 18, et s'ils sont immuables, le sénateur Joyal s'est-il demandé pourquoi ce projet de loi nous est soumis? Si les privilèges sont immuables, et s'ils sont égaux et coordonnés, comment se fait-il que la Chambre des communes ait acquis le privilège de défaire ou d'annuler une proclamation royale de prorogation? Je me demande si l'honorable sénateur y a réfléchi parce que, à mon avis, la Chambre des communes n'a aucun pouvoir de défaire un bref de prorogation. Aucune des deux Chambres n'a ce pouvoir.

Honorables sénateurs, ma deuxième question est la suivante: si les privilèges sont immuables et qu'aucun nouveau ne peut être créé par la Chambre des communes ou le Sénat, comment se fait-il que nous soyons encore saisis de ce projet de loi? Sans trois lectures, sans un débat à l'étape des trois lectures et sans vote à la Chambre des communes, comment se fait-il alors que la Chambre des communes se soit arrogé un privilège de façon à pouvoir modifier la grande loi et coutume du Parlement en ce qui concerne l'ancienne loi, qui stipule que tous les projets de loi présentés au Parlement, pour pouvoir recevoir la sanction royale de Sa Majesté, devraient faire l'objet de trois lectures dans chaque Chambre?

Comment se fait-il que la Chambre des communes ait pu adopter ces nouveaux privilèges et tout simplement les créer? Comment se fait-il que cette Chambre soit obligée d'étudier ce projet de loi sur la base de privilèges inconnus, sinon obtenus de façon frauduleuse, privilèges que la Chambre des communes s'est arrogés?

Le sénateur Smith me regarde, mais je vous assure, honorables sénateurs, qu'il s'agit d'une question des plus critiques. Honorables sénateurs, aucune des deux Chambres ne possède le pouvoir de rejeter ou d'abroger un bref de prorogation. Un bref de prorogation, c'est la cessation de toutes les procédures.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, je serai bref. Je pense que les honorables sénateurs partageront mon inquiétude en lisant l'article 18 parallèlement aux paragraphes 4a) et b) de la Loi sur le Parlement du Canada, parce que c'est une approche par étape.

L'article 18, comme l'a si bien dit le sénateur Cools, transfère à notre Parlement les privilèges que possédait la Chambre des communes du Parlement du Royaume-Uni en 1867. Dans l'année qui a suivi la Confédération, un problème est survenu parce qu'une mesure législative, adoptée par le Parlement canadien de l'époque, édictait un privilège pour un comité de la Chambre des communes lui permettant d'assermenter les témoins qui comparaissaient au sujet de questions relatives, disons, à un scandale du chemin de fer à l'époque.

La Chambre des communes a adopté une mesure législative permettant d'assermenter les témoins. Le Sénat a adopté le projet de loi, mais certains sénateurs sont intervenus à l'époque et ont dit: «Il y a un problème, car nous avons l'article 18, qui ne reconnaît pas qu'au Royaume-Uni, à l'époque, en 1867, on n'assermentait pas les témoins qui comparaissaient devant les comités». Certains sénateurs ont exprimé ce point de vue. Quoi qu'il en soit, le projet de loi a été adopté, le gouverneur général l'a signé et l'a envoyé à Sa Majesté.

La reine Victoria, dans son Conseil privé impérial, a rejeté le projet de loi. Elle l'a rejeté en se fondant sur le fait que le Parlement britannique ne possédait pas ce privilège à l'époque. Dans les mois qui ont suivi, le Parlement britannique a adopté la mesure législative; nous avons promulgué de nouveau notre mesure législative et elle est en vigueur depuis. C'était en 1868, la toute première année de la Confédération.

J'attire l'attention de l'honorable sénateur Cools sur le fait que nous avons la possibilité de créer des privilèges — c'est ce que prévoit l'article 4. Toutefois, ces privilèges doivent être évalués en fonction du niveau des privilèges qui ont cours au moment où ils sont créés, à la Chambre des communes du Royaume-Uni. Comme je l'ai indiqué, je pourrais citer une autre décision que la Cour d'appel de l'Ontario a rendue l'an dernier, dans laquelle on reconnaît précisément cela.

En d'autres termes, c'est la loi. Si cela ne nous plaît pas, nous devrions charger notre Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement d'étudier la question et de faire une recommandation pour modifier cette partie de la Constitution.

(1510)

L'honorable John G. Bryden: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question. Je veux comprendre l'incidence de ce remarquable débat sur le projet de loi dont nous sommes saisis. Je suis un simple avocat de campagne de Murray Corner, au Nouveau-Brunswick. Je crois savoir quelle est la question importante, mais je veux être certain d'avoir bien compris le sénateur Joyal.

Le paragraphe 20.5(2) du projet de loi, qui envisage l'élargissement des privilèges consentis au conseiller sénatorial en éthique, dispose notamment:

Lorsqu'il s'acquitte de ces fonctions, il agit dans le cadre de l'institution du Sénat et possède les privilèges et immunités du Sénat et des sénateurs.

Selon ce que je peux comprendre, si ce projet de loi est adopté, nous, sénateurs, devrions faire affaire avec un conseiller en éthique officiellement nommé. Nous ferions part à cette personne de nos pensées les plus intimes, en lui indiquant par exemple les conseils d'administration auxquels nous siégeons et les actions que nous possédons dans certaines entreprises. Si quelqu'un devait poursuivre l'un d'entre nous en dommages-intérêts, ou s'il y avait un litige ou que le conseiller en éthique était au courant de choses concernant une action quelconque en justice, cet article proposé serait censé offrir une protection ou éviter que ce conseiller en éthique soit obligé de communiquer des renseignements.

Si j'ai bien compris les observations de l'honorable sénateur, à moins de modifier la Constitution, cette protection est une chimère. En d'autres mots, cet article proposé ne nous protège nullement et pourrait faire l'objet d'une très sérieuse contestation de sa constitutionnalité.

Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, c'est essentiellement ce que je voulais dire. Le conseiller en éthique ne serait pas un sénateur ni un député. Cette personne ne jouirait pas des droits qui sont les nôtres dans l'exécution de nos obligations. Quels sont ces privilèges? Ils nous permettent essentiellement de nous acquitter de nos obligations sans être exposés aux interventions des tribunaux. Personne ne peut demander une injonction contre le sénateur Bryden lorsque celui-ci vient ici, pour faire certaines déclarations ou pour voter d'une certaine manière. Dès qu'il met les pieds ici, il est entièrement protégé dans sa fonction de législateur. Dans ce projet de loi, on essaie d'accorder à un conseiller en éthique, qui n'est ni sénateur ni député, les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les honorables sénateurs dans leurs fonctions de sénateurs.

Si cet article est nul et sans effet, honorables sénateurs, on peut en déduire que n'importe quel tribunal peut intervenir et examiner tous ces aspects de ses activités, et nous avons incontestablement exposé un aspect de nos affaires internes à l'examen par un tribunal. Nous devrions bien y réfléchir avant de permettre une telle situation, car, bien entendu, le Parlement a toujours défini essentiellement son autorité législative à partir de la non-ingérence de la magistrature.

(Sur la motion du sénateur Oliver, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI VISANT À MODIFIER LE NOM DE CERTAINES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable David P. Smith propose: Que le projet de loi C-20, Loi visant à modifier le nom de certaines circonscriptions électorales, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de parrainer le projet de loi C-20 et d'ouvrir le débat sur cette mesure en deuxième lecture.

Les honorables sénateurs sont conscients que les circonscriptions de l'autre endroit ont récemment été mises à jour par des commissions de délimitation des circonscriptions électorales créées en vertu de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Évidemment, cela se produit après chaque recensement décennal. Conformément aux exigences de la loi, le processus a débuté après le recensement décennal de 2001 par la création d'une commission de délimitation des circonscriptions électorales dans chacune des provinces.

Grâce au travail de ses commissions, un nouveau décret de représentation a été proclamé le 25 août 2003, prévoyant une nouvelle carte électorale pour le Canada. Sept nouvelles circonscriptions ont été créées: deux en Colombie-Britannique, deux en Alberta et trois en Ontario.

Ces nouvelles circonscriptions visent à faire en sorte que l'augmentation relative de la population de ces trois provinces se reflète dans la composition de la Chambre des communes. Cependant, le décret de représentation a également modifié de nombreux noms de circonscriptions, et certains députés de l'autre endroit, appartenant à trois des quatre partis — il n'en reste que quatre maintenant — ont exprimé leur désaccord au sujet du nouveau nom choisi pour leur circonscription.

Maintenant, honorables sénateurs, nous pouvons comprendre que le nom d'une circonscription est très important pour son député et la population que cette personne représente. Divers facteurs sont pris en considération comme la géographie, l'histoire et d'autres caractéristiques distinctives du district électoral que le député représente. En ce qui concerne les 38 circonscriptions visées dans le projÏet de loi dont nous somme saisis, le nouveau nom a fait l'objet d'un consensus. J'y reviendrai dans un instant.

À partir des suggestions des députés concernés, un nouveau projet de loi a été présenté à la Chambre des communes le 22 octobre 2003; il s'agit du présent projet de loi. C'est un projet de loi qui modifie le nom de 38 circonscriptions électorales figurant dans le décret de représentation de 2003. Le projet de loi C-53, comme il s'appelait alors — maintenant il s'agit du projet de loi C-20 — a fait l'objet d'un consentement unanime pour franchir toutes les étapes restantes le jour suivant. J'aimerais simplement répéter cette phrase parce qu'à mes oreilles, elle est très harmonieuse et mélodieuse: il a fait l'objet d'un consentement unanime pour franchir toutes les étapes le jour suivant. C'est la preuve que le projet de loi était très équitable. Tout le monde peut mettre de côté les considérations partisanes. J'espère que nous ferons preuve du même degré d'impartialité, et je crois que c'est ce qui va nous arriver.

Le projet de loi précédent a été lu en première et deuxième lectures au Sénat les 27 et 29 octobre de l'an dernier et il a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Son étude en comité n'avait pas commencé lorsqu'il y a eu prorogation le 12 novembre 2003.

Le gouvernement a présenté de nouveau le projet de loi le 23 février 2004, sous le nom de projet de loi C-20. Encore une fois, le projet de loi a fait l'objet d'un consentement unanime et il a franchi toutes les étapes le même jour. Cette belle unanimité s'est manifestée non pas une, mais deux fois.

Le nouveau projet de loi est identique sauf pour un point. Il comporte maintenant une date d'entrée en vigueur qui a été fixée au 1er septembre 2004. Cette mesure vise simplement à tenir compte des pressions opérationnelles qui s'exercent sur Élections Canada, surtout à la suite de l'entrée en vigueur du projet de loi C-24, le 1er janvier 2004. C'est le projet de loi concernant le financement des partis politiques. Il y a en outre la mise en application des nouvelles délimitations des circonscriptions électorales du Canada à la suite de leur proclamation le 25 août 2003.

Cette date d'entrée en vigueur qui repousse légèrement l'application du projet de loi donnera à Élections Canada le temps nécessaire pour s'ajuster et mettre en œuvre les changements de nom de circonscription tout en s'occupant des autres tâches qui lui incombent.

(1520)

En même temps, le projet de loi garantit aux députés concernés que le nom de leur circonscription sera changé conformément à leur volonté et à l'accord conclu par tous les partis à l'autre endroit.

Il convient de noter que ce projet de loi n'est pas le premier de son genre. Le Parlement est intervenu pour modifier le nom de circonscriptions électorales à plusieurs reprises dans le passé. En fait, 57 changements de nom de circonscriptions électorales ont été effectués aux termes de quatre lois distinctes depuis la mise en vigueur du décret de représentation électorale de 1996.

Les leaders parlementaires de tous les partis ont ainsi accepté le principe voulant qu'il y ait unanimité pour qu'on puisse changer le nom d'une circonscription électorale. Si je ne m'abuse, il y a eu 40 propositions de changement de nom. Deux d'entre elles n'ont pas fait l'unanimité. Je ne pense pas que nous ayons besoin de parler de cela, car même si l'un des députés des circonscriptions visées s'est plaint à moi ce matin, il était vraiment résigné à son sort.

Je pense qu'il convient de noter que sur les 38 propositions, 11 venaient du Bloc, 9 du Parti libéral, 9 du Parti conservateur et 9 de l'Alliance. Cela fait 38 au total. Je le répète, il n'y a pas eu unanimité dans le cas de deux autres changements de nom et ils n'ont pas été inclus.

Honorables sénateurs, comme je l'ai dit tout à l'heure, le projet de loi a reçu le consentement unanime à l'autre endroit. Je suis persuadé que les Canadiens peuvent voir le nom de leur circonscription changer à la suite d'un processus au sujet duquel il est difficile d'être en désaccord lorsque les quatre partis proposent ces changements de nom à l'unanimité.

Je tiens à mentionner que le NPD n'a proposé aucun changement de nom. Cependant, les néo-démocrates ont coopéré et ils faisaient partie du groupe qui a déclaré qu'il y avait unanimité sur les 38 changements de nom qui ont été effectués.

Je remercie les honorables sénateurs de leur attention.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, puis-je tout d'abord poser une question à l'honorable sénateur Smith?

Le sénateur Smith: Bien entendu.

Le sénateur Murray: Les noms qui sont changés ont été établis par les diverses commissions de redécoupage dans les provinces, n'est-ce pas? Les députés en question et le grand public n'ont-ils pas eu l'occasion durant le processus de demander aux commissions de redécoupage de changer les noms avant que le rapport final soit déposé?

Le sénateur Smith: Au début du processus, c'est effectivement ce qui s'est passé. Cependant, dans certains cas, le nom qui avait été proposé n'a pas été accepté, pour diverses raisons. Chacun des partis a participé à ce même processus. Comme je l'ai dit, honorables sénateurs, il y avait 11 propositions pour le Bloc et les trois autres partis, à l'exclusion du NPD, en avaient neuf chacun. Les leaders parlementaires se sont rencontrés, se sont consultés et se sont entendus. Le tout a été déterminé par les leaders à la Chambre, après consultation.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, c'est du même ordre que le processus de redécoupage électoral lui-même. Les députés qui se trouvent à représenter actuellement ces circonscriptions ne sont pas propriétaires de ces circonscriptions. On ne devrait pas s'en remettre à eux, comme on le fait actuellement, pour décider du nom de la circonscription.

Le sénateur parle d'un processus. Peut-il décrire ce processus? Il dit qu'il y avait 40 demandes, dont deux ont été abandonnées, et les autres ont été acceptées dans un bel esprit de — faut-il parler de courtoisie ou de marchandage?

Le sénateur Smith: Je crois que «courtoisie» est le mot juste. En fait, je trouve qu'il est rafraîchissant et agréable à l'oreille d'entendre dire que nos leaders à la Chambre peuvent se rencontrer, discuter et s'entendre.

L'honorable sénateur demande: qui est responsable? Dans la plupart des cas, je pense que les députés sont candidats à la réélection. Je suppose que si quelqu'un avait des objections virulentes et voulait transformer l'affaire en problème, il ou elle pourrait le faire.

Je crois comprendre que tout s'est fait dans un esprit de bonne volonté. Franchement, si ce n'était pas le cas, je ne pense pas que tout le processus aurait pu être mené à bien rapidement, à deux reprises. Cela ne serait tout simplement pas possible.

Le sénateur Murray: Je dis à l'honorable sénateur que ce n'est pas pertinent de savoir si l'affaire a été conclue dans un esprit de bonne volonté. Je suis sûr qu'il y a eu beaucoup de bonne volonté parce que dès que les intérêts des députés en poste sont en cause, selon leur propre perception, il y a beaucoup d'entraide et il est facile d'obtenir le consentement unanime.

Je vais demander au sénateur s'il peut défendre les propositions suivantes, dont je vais donner quelques exemples. La circonscription de Charlevoix—Montmorency s'appellera désormais Montmorency—Charlevoix—Haute-Côte-Nord. C'est le fait d'un député au Parlement qui veut mettre dans le nom de sa circonscription le plus grand nombre possible de régions de sa circonscription.

Honorables sénateurs, voyez le cas de Matapédia—Matane, qui deviendra Haute-Gaspésie—La Mitis—Matane—Matapédia. Dieu du ciel!

Rimouski—Témiscouata, dont le nom est déjà assez long, devient Rimouski-Neigette—Témiscouata—Les Basques.

La circonscription électorale de Rivière-du-Loup—Montmagny, dont le nom est déjà assez long, devient Montmagny—L'Islet—Kamouraska—Rivière-du-Loup. Ils ont nommé quasiment tous les bureaux de scrutin de la circonscription.

Je ne veux pas pointer du doigt le Québec. Les gens pourraient m'accuser de m'en prendre au Québec. Passons donc à l'Ontario. Kitchener—Conestoga devient Kitchener—Wilmot—Wellesley—Woolwich. C'est absurde.

Nous devrions empêcher cela. Nous ne devrions absolument pas permettre que cette proposition soit adoptée. Laissons les noms des circonscriptions tels que les commissions de redécoupage électoral les ont établis. Les députés ont eu l'occasion de proposer des changements. Pour de bonnes raisons, des commissions impartiales leur ont donné tort.

Quoi qu'il en soit, je ne serai pas le principal intervenant sur ce projet de loi.

Le sénateur Smith: Le sénateur a-t-il terminé sa question?

Le sénateur Murray: Oui, j'ai terminé, honorable sénateur, et j'ai hâte d'entendre votre réponse.

Le sénateur Smith: J'ai davantage confiance en la bonne volonté des divers députés qui ont proposé ces motions. Il me semble normal de leur manifester du respect pour leur sensibilité, leur sens des nuances, les messages qu'ils veulent faire passer, dans la recherche du nom qui convient le mieux.

Honorables sénateurs, dans ce même esprit d'harmonie, il est acceptable de donner suite à cette mesure, étant donné qu'elle a été adoptée à l'unanimité à l'autre endroit.

L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, je ne vois pas très bien pourquoi cette mesure n'entre en vigueur qu'en septembre prochain. Le gouvernement réclame avec beaucoup d'insistance l'adoption d'un autre projet de loi pour que la nouvelle carte électorale puisse entrer en vigueur à tout moment après le 1er avril. Dois-je comprendre que, si des élections étaient déclenchées entre le 1er avril et septembre, ce sont les noms recommandés par les commissions qui figureront sur les bulletins, et non les nouveaux noms que ces députés tiennent à faire adopter? Pourquoi ce retard?

Le sénateur Smith: Je crois comprendre que, effectivement, les nouveaux noms ne s'appliqueront qu'après le 1er septembre. Je sais qu'il y a eu un certain scepticisme injustifié au sujet de l'état de préparation d'Élections Canada pour la tenue d'élections après le 1er avril, par exemple. Cela fait l'objet d'un autre projet de loi. M. Kingsley a souvent dit qu'Élections Canada serait prêt. Je crois qu'il comparaît au comité aujourd'hui. On pourra lui poser cette question.

Sauf erreur, Élections Canada a déjà une certaine charge de travail, notamment à cause du projet de loi sur le financement. Tous ont accepté que l'application de cette mesure soit repoussée jusqu'au 1er septembre. C'est ce qu'on a fait.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, au début je voulais poser des questions à mon vieil ami des jeunes libéraux de l'époque — et toujours ami, j'espère!

[Traduction]

Au lieu de le faire, sans mes notes, je vais parler du projet de loi. Il est bien connu que je m'oppose à ce projet de loi pour les mêmes raisons que celles exposées par notre estimé collègue, le sénateur Murray.

(1530)

Un processus régulier a été suivi. C'est presque comme si nous refaisions complètement les travaux effectués par les commissaires qui ont siégé d'un bout à l'autre du Canada et ont entendu des exposés.

Le fait que mon collègue affirme qu'il y avait une belle unanimité à l'autre Chambre ne me surprend aucunement. Les députés sont totalement en conflit d'intérêts, comme ils l'ont toujours été, car ils traitent de choses qui les concernent. Je me suis toujours opposé à cela à la Chambre des communes et je ne vois pas pourquoi je ne devrais pas m'y opposer ici.

J'ai toujours eu l'honneur de représenter la circonscription de Montréal-Saint-Denis, qui était détenue par mon prédécesseur, Azellus Denis, qui a eu la vie de parlementaire la plus longue au Canada — un total de 55 ans. Il a siégé dans les deux Chambres. Je ne sais pas comment il y est arrivé. J'ai été député plus longtemps que lui à la Chambre des communes, mais, malheureusement, je ne peux pas battre son record pour ce qui est du Sénat — il est mort en fonction après avoir été sénateur pendant 27 ans —, parce que je dois prendre ma retraite à 75 ans. Voilà pourquoi j'annonce que je serai peut-être candidat dans mon ancienne circonscription si elle est disponible.

Ceci étant dit, je m'oppose au projet de loi pour des raisons que j'ai souvent mentionnées. Je ne les répéterai pas afin de ne pas ennuyer les sénateurs. Il y a un conflit d'intérêts ici. C'est fantastique que tous les partis politiques fassent l'unanimité — et je comprends très bien l'argument du sénateur Smith —, mais je ne suis pas convaincu pour autant que c'est la façon de faire. En une occasion, honorables sénateurs, n'étant même pas candidat au poste de Président de la Chambre des communes — et je n'avais même pas proposé mon nom —, mon nom est resté inscrit sur le bulletin de vote jusqu'au septième tour. Est-ce que c'était une erreur? Seulement 26 libéraux sur 301 députés se sont prononcés.

Je ne peux concevoir le Président de la Chambre des communes obligé de composer avec les nouveaux noms des circonscriptions électorales chaque fois qu'il doit donner la parole à un député. Je ne les nommerai pas toutes, mais il devra, par exemple, dire ce qui suit: « Je donne maintenant la parole à l'honorable député de Kitchener—Connestoga—Wilmot—Wesley—Woolwich.

Ce n'est pas en soi un grand argument, mais j'aime la brièveté. Le sénateur Murray a oublié de mentionner la dernière — West Vancouver-Sunshine Coast deviendrait West Vancouver—Sunshine Coast Sea to Sky. Au début, je pensais que c'était «Sea-to-sea sky country». Il y a des limites à ce que l'on peut faire.

Deuxièmement, je ne suis pas convaincu, mais l'honorable sénateur est en train de me convaincre avec son solide argument en réponse à l'honorable leader de l'opposition, le distingué sénateur Lynch-Staunton, dont le grand-père a siégé au Sénat. Certains honorables sénateurs ne le savent peut-être pas. J'espère ne pas me tromper sur ce point.

L'honorable sénateur a dit qu'il n'entrerait pas en vigueur avant le 1er septembre. Je n'en suis pas si certain car la plupart de ceux qui sont venus m'en parler sont convaincus que nous devons adopter ce projet de loi parce qu'ils veulent qu'il soit en vigueur si jamais il y a une élection avant l'été. Je ne nommerai personne.

Dans leur hâte à l'autre endroit, certains députés n'ont peut-être pas lu la deuxième moitié du projet de loi. On leur a promis, à la dernière minute, que le nom de leur circonscription serait modifié et cela a suffi. Ils l'ont adopté à l'unanimité. Comme cela se produit souvent à la Chambre des communes, certains députés n'ont peut-être pas lu la deuxième moitié du projet de loi, qui stipule que la loi entrera en vigueur le 1er septembre 2004.

Je compte m'empresser de dire à ceux qui sont venus me voir que le projet de loi n'entrera pas en vigueur avant septembre, s'il est adopté comme on le demande. Je suis certain que chacun de ces députés s'empressera d'aller voir son whip. Les personnes qui sont venues me voir provenaient de deux des partis qui ont été mentionnés. Une personne était du Bloc — et je ne mentionnerai pas l'autre. Personnellement, je pense que le temps est venu de dire non.

Honorables sénateurs, pour conclure, j'ai une question pour l'honorable sénateur. Il y a de nombreuses années, un député de la rive sud de Montréal — c'était un bon ami à moi et aussi à de nombreux sénateurs — a eu un sérieux conflit avec son directeur du scrutin. Je veux parler de M. Pierre Deniger. Il y a eu un sérieux conflit dans son association locale concernant le directeur du scrutin. Il représentait la circonscription de Laprairie, Québec. Il y avait là-bas un directeur du scrutin qui déplaisait à bien des gens. Un projet de loi a été présenté en vue de modifier le nom de Laprairie pour LaPrairie. J'ai dû regarder comme il faut. On avait changé Laprairie à LaPrairie — «P» majuscule. Il s'agissait d'une nouvelle circonscription électorale, si bien qu'il fallait nommer un nouveau directeur du scrutin.

Voici ma question pour l'honorable sénateur — et il peut me répondre dans le corridor. Faut-il en conclure que tous les directeurs du scrutin — il y en a 308 — devront être nommés à nouveau? Je suppose qu'il faudra les nommer, sans doute par le biais d'un décret.

Il semble y avoir une avalanche de décrets ces temps-ci. Il faut croire que 38 de plus ne feront pas une grande différence. Toutefois, on devra entreprendre à nouveau la consultation et procéder à nouveau aux décrets, pour arriver à la monstruosité de cette multiplicité de noms.

Honorables sénateurs, si cette question est mise aux voix, sauf tout le respect que je dois à mon cher collègue d'en face, je voterai contre. Fidèle à mes opinions à ce sujet, je n'accueille pas ce projet de loi avec beaucoup d'enthousiasme.

Le sénateur Smith: Honorables sénateurs, je ne me rendais pas compte que c'était là une question.

Le sénateur Prud'homme: Non, j'ai bien dit que c'était un discours.

Le sénateur Smith: C'était un discours.

Son Honneur le Président: En ce cas-là, vous n'êtes pas obligé de répondre, sénateur Smith, mais vous pouvez intervenir si vous le voulez.

Le sénateur Lynch-Staunton: Laissez-le intervenir.

Le sénateur Austin: Vous pouvez lui poser une question.

Son Honneur le Président: Moi aussi je me demandais si le sénateur Prud'homme faisait un discours ou s'il posait une question.

Apparemment, le sénateur Prud'homme posait une question. Je voulais le savoir à cause de la tradition que nous suivons dans nos règles prévoyant un temps de parole de 45 minutes pour l'opposition lorsque le débat commence du côté gouvernemental. J'avais l'intention d'interrompre le sénateur Prud'homme après 15 minutes pour éclaircir ce point, comme je l'ai fait dans le cas du sénateur Joyal. Il n'est pas toujours facile de savoir si un honorable sénateur pose une question.

Dans ce cas, il s'avère que l'honorable sénateur Prud'homme ne posait pas une question, mais qu'il prenait plutôt la parole.

Le sénateur Prud'homme: Je l'ai indiqué clairement.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, en l'occurrence, je n'aurais pas dû donner la parole au sénateur Smith, sauf que le sénateur Smith a le droit, non pas de mettre fin au débat, parce que notre Règlement le prévoit, mais de faire des observations ou de poser une question au sénateur Prud'homme.

Le sénateur Prud'homme: C'est exact, oui.

Son Honneur le Président: Voulez-vous formuler une observation, sénateur Smith?

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, concernant le Règlement, Son Honneur retournait à son fauteuil lorsque j'ai dit très clairement au début de mon discours qu'initialement j'avais l'intention de poser une question, mais que j'avais plutôt décidé de faire un discours. C'est ce que j'ai dit. Ce n'était pas une question.

Cependant, Son Honneur a tout à fait raison: j'ai terminé mon discours. Je n'ai pas l'intention d'utiliser les 15 minutes qui me sont accordées. Par conséquent, l'honorable sénateur peut évidemment me poser des questions maintenant. Comme l'a fait remarquer Son Honneur, il ne mettra pas fin au débat.

Son Honneur le Président: Désirez-vous faire une observation, sénateur Smith?

Le sénateur Smith: Honorables sénateurs, je dirai simplement que je défendrais jusqu'à la mort le droit du sénateur Prud'homme de voter contre ce projet de loi.

(1540)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, laissez-moi préciser que nous comprenons bien que les 45 minutes seront accordées à la première personne de l'opposition qui prendra la parole. Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

[Français]

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harb, appuyée par l'honorable sénateur Biron, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-14, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui afin de commenter certaines dispositions du projet de loi C-14.

Bien qu'il s'agisse d'un texte législatif omnibus, ce dernier apporte des modifications importantes au Code criminel canadien, qui devront être étudiées très attentivement par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Hier, le sénateur Harb, pressé par le temps, a fait une trop brève présentation des amendements proposés par cette initiative parlementaire relativement à l'installation, entre autres, de pièges ou, comme le dit l'amendement, de trappes à des fins criminelles ainsi qu'à l'interception de communications privées.

Bien que j'appuie les principes qui sous-tendent ces modifications, j'aimerais vous donner quelques éléments de réflexion qui guideront, du moins je l'espère, l'étude de ce projet de loi. Sans plus tarder, débutons avec la question de l'installation de trappes.

D'entrée de jeu, il est clair que le projet de loi C-14 vise à réprimer davantage, plus que ne le prévoit le Code criminel, l'usage par les organisations criminelles de trappes afin de protéger leurs installations de culture de cannabis contre les visites impromptues de citoyens trop curieux, de policiers ou de pompiers.

Au cours des dernières années, le nombre d'installations vouées à la culture du cannabis et à la production de ses dérivés a beaucoup augmenté notamment au Québec, en Ontario et en Colombie-Britannique, les trois principales provinces productrices de cette substance illicite au Canada.

Afin de déjouer les policiers, le crime organisé a grandement raffiné ses techniques de production de cannabis.

En effet, dans les trois provinces que je viens de mentionner, la culture extérieure est progressivement abandonnée au profit de celle qui privilégie le recours aux maisons ou aux immeubles à logements dans des quartiers résidentiels autrefois paisibles, aux camions semi-remorques, aux granges, aux entrepôts, aux usines désaffectées ainsi qu'aux bunkers souterrains dans les grands centres urbains.

Or, l'utilisation de trappes, de par leur caractère clandestin, menace de plus en plus la sécurité et parfois même la vie de nombreux habitants.

Elles menacent également celle des policiers, qui appliquent les dispositions du Code criminel et de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, et des pompiers qui répondent à des appels de citoyens inquiets par les fortes chaleurs ou émanations toxiques dégagées par la culture de cannabis et les autres activités suspectes, voire violentes, provoquées par la présence du crime organisé dans leur quartier ou dans leur immeuble à logements.

Ces «systèmes de protection» prennent souvent la forme de trous dans les planchers ou dans le sol, de fils électriques, d'explosifs, d'engins conçus pour amorcer une cartouche de fusil de chasse ou une flèche d'arbalète ou de morceaux de métaux disposés sur le sol. Les rapports de la GRC font remarquer qu'il s'agit d'une tendance à la hausse.

Honorables sénateurs, le Code criminel contient déjà une disposition qui criminalise le fait d'installer une trappe dans l'intention de causer des lésions corporelles ou la mort.

Or, la division canadienne de l'Association internationale des pompiers ou l'Association canadienne de la police professionnelle nous informe que cette mesure s'est révélée inefficace pour protéger adéquatement leurs membres respectifs, dont plusieurs ont été gravement blessés par de tels systèmes.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-14 répond ou tente de répondre aux inquiétudes légitimes des deux associations que je viens de mentionner.

Cela dit, j'aimerais maintenant vous poser la question suivante: les modifications proposées par le projet de loi C-14, mettront-elles fin à l'utilisation de pièges par les producteurs de cannabis?

Au fil des années, l'augmentation des sanctions pénales pour combattre le phénomène du cannabis n'a eu aucun effet tangible sur les tendances d'usage de cette substance ni au Canada ni ailleurs dans le monde.

Dans cette optique, j'aimerais le croire, mais je ne crois pas que l'augmentation de la peine d'emprisonnement prévue pour l'usage de trappes de cinq à dix ans ainsi que la création d'une nouvelle infraction visant à réprimer sévèrement l'usage de ces dispositifs dans un lieu tenu en vue de la perpétration d'autres actes criminels, modifieront les pratiques du crime organisé. Voici pourquoi.

Les méthodes de culture intérieure que j'ai citées plus tôt permettent de produire plus facilement des milliers de plants de cannabis. Par exemple, en janvier 2002, les policiers de Sainte-Marthe-sur-le-Lac — il s'agit d'une municipalité située au nord-ouest de Montréal — ont découvert 13 installations de culture hydroponique dans un quartier résidentiel récent.

Au total, plus de 6 000 plants de cannabis furent saisis par les forces policières. En janvier dernier, les policiers ont découvert et saisi plus de 30 000 plants dans une ancienne brasserie située à Barrie, en Ontario.

Selon la GRC, environ deux ou trois cas de culture intérieure de 10 000 à 20 000 plants sont découverts chaque année au Canada.

La production de cannabis constitue une activité extrêmement lucrative pour le crime organisé puisqu'elle finance la majeure partie de ses autres activités illicites comme le blanchiment d'argent, les jeux illégaux et l'extorsion.

Bien que les estimations sur la taille du marché canadien pour le cannabis ne soient pas fiables, le Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites a évalué la valeur de la production totale de cette substance au Canada à près de 6 milliards de dollars pour l'année 2002.

On peut donc comprendre pourquoi les organisations criminelles n'hésitent plus à recourir aux trappes pour protéger leurs installations. L'appât du gain est tellement important qu'il supplante les considérations fondamentales pour la santé, la sécurité et la vie humaine.

Honorables sénateurs, certains d'entre vous diront peut-être que je fais preuve de pessimisme sur les chances réelles de succès des modifications au Code criminel en matière de pièges puisque le rapport du comité que j'ai eu l'honneur de présider proposait des solutions qui auraient considérablement freiné la prolifération de ces installations souvent très dangereuses un peu partout au Canada.

(1550)

Loin de moi cette idée! Tant que la prohibition du cannabis perdurera, nous, les législateurs, devons veiller à ce que le Code criminel punisse sévèrement les personnes qui utilisent sciemment des trappes dans le but ultime de causer des lésions corporelles ou la mort de personnes innocentes, notamment les pompiers et les policiers.

Honorables sénateurs, je voulais seulement éviter que les modifications proposées par le projet de loi C-14 soient perçues comme étant la panacée, l'ultime moyen qui réglera définitivement les problèmes engendrés par, entre autres, la production de cannabis. C'est une solution temporaire. Est-ce la solution définitive à ce fléau? Non. N'allez pas croire qu'en augmentant les peines d'incarcération au Code criminel, nous allons régler le problème.

Qui plus est, si le gouvernement fédéral adopte un régime qui réglementerait la production, la distribution et la possession de cannabis, comme le propose notre comité, les infractions relatives aux pièges ne seraient pas pour autant éliminées puisque ces derniers pourraient être employés pour contrer les activités des contrebandiers.

J'aimerais maintenant aborder brièvement les amendements proposés par le projet de loi C-14 en matière d'interception de communications privées.

Dans l'optique des attentats du 11 septembre 2001, et des nombreuses attaques cybernétiques survenues au cours des dernières années dans les secteurs public et privé, la protection des systèmes informatiques et des données personnelles et confidentielles qui y sont emmagasinées contre les actes de criminels cybernétiques et les dispositions du projet de loi C-14 dans ce domaine constituent un objectif plus que louable.

N'oublions pas que plusieurs secteurs névralgiques de l'économie canadienne ou de l'administration publique dépendent de la sécurité et de la stabilité de ces systèmes.

Or, les assurances fournies par les représentants du ministère de la Justice afin de minimiser les risques d'intrusion abusive engendrés par le projet de loi C-14 dans la vie privée des citoyens ne doivent pas nous empêcher de nous renseigner promptement sur la formation que recevront les gestionnaires de systèmes informatiques publics sur la manipulation responsable des données qu'ils intercepteront dans un avenir rapproché.

Nous devons également être informés sur le contenu des normes qui seront promulguées par le Secrétariat du Conseil du Trésor afin de prévenir les abus et garantir le respect du droit à la vie privée des Canadiennes et des Canadiens.

Dans le même ordre d'idées, nous devrions nous interroger sérieusement sur les mesures qui seront adoptées par les diverses associations nationales représentant les intérêts des entreprises privées afin de minimiser les risques d'abus et d'éviter l'utilisation frauduleuse des données qui seront interceptées.

Le paragraphe 2 de l'article 184 du Code criminel autorise déjà les entreprises à intercepter des communications privées en vue d'assurer la fourniture ou la qualité du service téléphonique ou électronique.

Il serait donc intéressant de connaître les pratiques actuelles des entreprises canadiennes dans ce domaine afin de protéger la vie privée de leurs clients et garantir l'imputabilité de leurs gestionnaires.

Honorables sénateurs, il s'agit d'inquiétudes légitimes puisqu'il ne s'agit pas de policiers, mais bien de gestionnaires qui interceptent ces informations hautement personnelles.

À l'heure actuelle, un nombre croissant de Canadiennes et de Canadiens s'inquiètent de la prolifération d'agences de sécurité privée qui, bien qu'elles disposent de pouvoirs importants, n'ont pas à respecter les mêmes contraintes que les services de police en matière de formation professionnelle, de déontologie et d'imputabilité afin que soient respectés les droits fondamentaux prévus par la Charte canadienne des droits et libertés.

La situation que je viens de décrire s'apparente à celle que pourrait engendrer le projet de loi C-14. Nous devons donc être vigilants avant d'accorder ces nouveaux pouvoirs à des gestionnaires.

De plus, les modifications au Code criminel ne peuvent, à elles seules, protéger adéquatement les systèmes informatiques du secteur privé ou, plus particulièrement, ceux des gouvernements des attaques cybernétiques.

En 1999, le rapport du Comité spécial du Sénat sur la sécurité et les services de renseignements avait noté de sérieuses lacunes dans la stratégie fédérale pour combattre ce nouveau fléau. Il serait intéressant de savoir si, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les ministères impliqués dans ce dossier ont adopté les mesures nécessaires pour corriger cette inquiétante situation.

Honorables sénateurs, avant de conclure mon discours, j'aimerais souligner que le projet de loi C-14 modifie également les dispositions du Code criminel afin que les victimes d'actes criminels soient compensées plus rapidement par leur agresseur.

En terminant, je tiens à réitérer mon appui aux principes qui sous-tendent le projet de loi C-14. Encore une fois, le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles mènera une étude rigoureuse et exhaustive de cette initiative parlementaire pour s'assurer que les droits fondamentaux des Canadiennes et des Canadiens soient pleinement respectés.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Traduction]

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je sais que nous interromprons la séance à 16 heures, mais avant de le faire, je pense que nous pouvons nous entendre pour décréter que toutes les affaires restantes qui figurent au Feuilleton et Feuilleton des Avis conservent leur position.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs, pour dire qu'à 16 heures, heure à laquelle je suis tenu d'ajourner, tous les points qui resteront au Feuilleton et Feuilleton des avis conserveront leur place jusqu'à la prochaine séance du Sénat?

Des voix: D'accord.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Quelle heure est-il, Votre Honneur?

Son Honneur le Président: Il est 15 h 59. Dois-je déclarer qu'il est 16 heures, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Je constate qu'il est 16 heures.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 26 février 2004, à 13 h 30.)


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