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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 8

Le mardi 26 octobre 2004
L'honorable Daniel Hays, Président


 

 

LE SÉNAT

Le mardi 26 octobre 2004

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de l'honorable Matlapeng Ray Molomo, président de l'Assemblée nationale du Botswana. Il est accompagné de Mme Keabe S. Tshukudu, adjointe au greffier principal. Ils sont ici en visite officielle.

Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune des participants au Programme d'études des agents du Parlement de 2004.

Je vous prierais de bien vouloir vous lever.

Nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

SON EXCELLENCE VICENTE FOX QUESADA, PRÉSIDENT DES ÉTATS-UNIS DU MEXIQUE

ALLOCUTION DEVANT LES MEMBRES DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES COMMUNES—ADOPTION DE LA MOTION VISANT À FAIRE IMPRIMER L'ALLOCUTION EN ANNEXE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, les leaders parlementaires demandent la parole au sujet de l'allocution que le président Vicente Fox Quesada a prononcée devant les deux Chambres du Parlement.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 59(18) du Règlement, je propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Stratton :

Que l'allocution de Son Excellence M. Vicente Fox Quesada, président des États-Unis du Mexique, prononcée le lundi 25 octobre 2004 devant les deux Chambres du Parlement, le discours de présentation du très honorable premier ministre du Canada et les discours du Président du Sénat et du Président de la Chambre des communes soient imprimés en annexe aux Débats du Sénat de ce jour.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(Le texte des discours figure en annexe, à la page 137.)


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

JOHN BRAGG

FÉLICITATIONS À L'OCCASION DE SA NOMINATION À TITRE DE CHANCELIER DE L'UNIVERSITÉ MOUNT ALLISON

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour féliciter John Bragg, un grand Canadien et un grand ami, de sa nomination au poste de chancelier de l'Université Mount Allison, à Sackville, au Nouveau-Brunswick.

Homme d'affaires respecté de la région de l'Atlantique, le chancelier Bragg est un diplômé de l'Université Mount Allison et a tenu le rôle, de façon fort efficace, d'ambassadeur de cet établissement. En plus d'être un entrepreneur de premier ordre et d'avoir été intronisé au Temple de la renommée de l'entreprise canadienne, il s'est beaucoup impliqué sur le plan communautaire. Sa générosité a été saluée de plusieurs prix.

Son épouse, Judy MacLean, est une ancienne insulaire. Ils ont quatre enfants.

Je m'en voudrais de ne pas profiter de l'occasion pour souligner l'apport de l'ancien chancelier, James Keith. Je lui exprime, à lui et à sa famille, mes meilleurs vœux.

(1410)

La nomination de John Bragg témoigne de ses importantes réalisations, de son dévouement envers l'Université Mount Allison et de son intérêt pour ses concitoyens. Je suis convaincue qu'il remplira ses nouvelles fonctions de chancelier avec brio et que ses talents et son dévouement enrichiront cette Université pour de nombreuses années.

J'invite tous les honorables sénateurs à se joindre à moi pour féliciter le chancelier John Bragg.

LA SEMAINE DE LA PETITE ENTREPRISE

LE VINGT-CINQUIÈME ANNIVERSAIRE

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, puisque je n'ai pas été en mesure d'aborder ce sujet la semaine dernière, je prends la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur l'importance de promouvoir les intérêts des propriétaires de petites entreprises au Canada. La Semaine de la petite entreprise fête cette année son 25e anniversaire. Du 17 au 23 octobre, les Canadiens ont souligné le rôle primordial des propriétaires de petites entreprises dans la stimulation d'une économie canadienne vigoureuse.

Cette année, le thème de la Semaine de la PME était : « VOUS ÊTES L'ÉNERGIE qui anime l'économie canadienne, créons une synergie! »

Il va de soi que les propriétaires de petites entreprises sont le moteur de l'économie canadienne. Les PME comptent pour environ la moitié du PIB canadien. Elles emploient six Canadiens sur dix. On estime que ce secteur d'activité était responsable de 250 000 emplois en 2003.

Compte tenu du dévouement et de l'engagement des propriétaires de PME, les experts financiers prédisent que l'activité économique des petites entreprises sera supérieure à la croissance économique dans les deux prochaines années.

L'un des éléments clés du thème de cette année met l'accent sur la nécessité de maîtriser les coûts croissants inhérents à la gestion d'une petite entreprise au Canada. La CIBC a récemment publié un rapport intitulé Canadian Small Business : A Growing Force où l'on dit que les coûts croissants de l'énergie, les taux d'assurance élevés et un lourd fardeau fiscal sont les principaux défis auxquels doivent faire face les propriétaires de PME.

Honorables sénateurs, nous devons reconnaître les préoccupations de nos entreprises et mettre de l'avant une stratégie agressive visant à favoriser la croissance de nos PME.

Depuis 2002, ce pays compte au-delà de 200 000 nouveaux entrepreneurs en plus. Il est prévu qu'il y aura de 150 000 à 200 000 nouveaux entrepreneurs qui se joindront à leurs rangs au cours des deux prochaines années. On croit qu'à la fin de la décennie, un Canadien sur cinq travaillera à son compte à un titre ou à un autre.

LE RÉCHAUFFEMENT DE LA PLANÈTE

L'IMPACT SUR L'ARCTIQUE

L'honorable Lorna Milne : Honorable sénateurs, je prends la parole cet après-midi pour souligner un rapport récent commandé par le Conseil de l'Arctique et intitulé L'évaluation de l'impact du changement climatique dans l'Arctique. Le Conseil de l'Arctique est un groupe de gouvernements nationaux et d'organisations autochtones qui collaborent à l'étude de questions qui ont un impact sur la région arctique. L'étude en question portait sur l'impact du réchauffement de la planète sur l'Arctique, et je dois dire que les conclusions sont pessimistes. Certains d'entre nous sont déjà aux prises avec le problème.

Le rapport confirme, et c'est là sa principale conclusion, que le réchauffement de la planète frappe l'Arctique plus tôt et plus fort que la plupart des autres régions du monde. Les modèles permettent de démontrer que la température va augmenter dans l'Arctique deux fois plus vite que dans le reste du monde. Les résultats précis de ce réchauffement seront importants et j'exhorte tous les honorables sénateurs à réfléchir aux conséquences de ces changements sur leurs collectivités et, bien entendu, sur la biodiversité planétaire.

Les zones de végétation s'étendent de plus en plus vers le nord à cause du réchauffement de la planète. Si on ne fait rien, cela conduira probablement à des feux de forêt fréquents et à l'augmentation des invasions d'insectes. Nous avons pu le constater de façon tout à fait dramatique en Colombie-Britannique.

La répartition des espèces animales va également changer. Cela va décroître la zone d'habitat pour de nombreuses espèces septentrionales de plantes et d'animaux et pourrait entraîner l'arrivée dans la région de nouveaux prédateurs naturels. Cette situation risque d'amener certaines espèces au bord de l'extinction, et cela touche notamment les ours polaires, les caribous et certains oiseaux de mer.

Les collectivités côtières seront également confrontées à de graves dommages si rien n'est fait pour enrayer le réchauffement de la planète. Les changements dans la hauteur des marées et dans les courants océaniques ont également un impact sur l'érosion et les inondations. Cela pourrait menacer de nombreuses collectivités canadiennes dans le Nord, la plupart autochtones.

Enfin, même si on s'est attaqué dans une certaine mesure aux problèmes de la couche d'ozone, la diminution de la couche d'ozone est encore un grave problème dans l'Arctique. Le réchauffement du globe est exacerbé par les dommages historiques à la couche d'ozone et les scientifiques prédisent qu'il faudra des décennies avant que la couche d'ozone au-dessus de l'Arctique ne constitue plus un problème. Les jeunes Canadiens dans le Nord sont maintenant soumis à des doses de rayons ultraviolets d'au moins 30 p. 100 supérieures à celles auxquelles étaient soumises les générations précédentes. Cela aura probablement des répercussions importantes sur les taux de cancer dans le Nord dans les années à venir.

Honorables sénateurs, ce ne sont que quelques-uns des problèmes auxquels l'Arctique canadien sera confronté si rien n'est fait pour enrayer le réchauffement de la planète. Je n'ai pas à parler aux honorables sénateurs des terribles conséquences d'une augmentation de la concentration de dioxyde de carbone dans l'atmosphère lorsque le pergélisol dégèle de plus en plus vite.

J'espère que le Sénat va poursuivre le travail entrepris par le sénateur Banks et le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles au cours de la dernière législature pour trouver des façons de stopper ou du moins de ralentir le réchauffement de la planète. J'exhorte fortement le gouvernement fédéral à mettre en oeuvre un programme complet de protection de l'Arctique canadien.

L'HONORABLE ANNE C. COOLS

LA SÉRIE GREATEST CANADIAN DE LA CBC—FÉLICITATIONS À L'OCCASION DE LA MISE EN CANDIDATURE

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je voudrais signaler au Sénat les récents résultats de deux sondages officieux qui ont eu lieu dans tout le Canada au cours des dernières semaines et des derniers mois.

Tout a commencé avec une question : qui est le plus grand Canadien? Au printemps dernier, le réseau anglais de la Société Radio-Canada a lancé la série The Greatest Canadian, et depuis, on a reçu plus de 140 000 mises en candidatures pour ce titre venant de toutes les régions du pays. Je ne parle pas de moi-même, honorables sénateurs, c'est certain.

Dans l'émission, on demandait aux Canadiens de voter pour déterminer qui est le plus grand Canadien. La semaine dernière, on a révélé les noms des 100 premiers candidats à ce titre et c'est avec fierté que je vous annonce que la candidature de l'un des nôtres a été retenue. À vrai dire, madame le sénateur conservateur Anne Cools est la seule parlementaire en exercice à avoir été choisie par des Canadiens de toutes les catégories sociales et de toutes les régions du pays pour figurer parmi les 100 premiers noms de la liste.

Voici le texte que l'on trouve à son sujet sur le site Web :

Après avoir fondé Women in Transition, l'un des premiers refuges pour femmes battues créés au Canada, elle est devenue, en 1984, la première personne de race noire à être nommée au Sénat du Canada. Elle continue de défendre vigoureusement les valeurs et les droits familiaux, se portant à la défense des droits des pères et revendiquant un traitement équitable pour les hommes et les femmes qui doivent composer avec les suites du divorce.

Et ce n'est pas tout, honorables sénateurs. On peut lire aujourd'hui en manchette du Sun de Toronto : « La sénatrice Anne est tellement « cool » qu'un sondage du Sun la classe parmi les dix plus grandes femmes. » N'est-ce pas merveilleux?

Des électeurs de partout au Canada, des hommes surtout, ont voté pour choisir le plus grand Canadien et, parmi les dix plus grandes Canadiennes, elle a triomphé dans le sondage du Sun de Toronto en récoltant pratiquement 50 p. 100 des voix.

Honorables sénateurs, vous savez que madame le sénateur Cools s'est battue pour faire établir en matière de divorce des lignes directrices accordant aux hommes un droit égal de visite à leurs enfants après la rupture entre eux et leur épouse.

Félicitons donc l'une des candidates au titre de plus grand Canadien et la première parmi les femmes, ainsi que l'une des parlementaires les plus éminentes que le public ait à son service. Sénateur Anne, continuez à interpeller le gouvernement, ne lui donnez pas de répit et défendez toujours chèrement vos positions et vos principes.

LA NÉCESSITÉ D'UN PROGRAMME NATIONAL SUR L'AUTISME

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, il y a deux semaines, dans ma réplique au discours du Trône, j'ai mis l'accent sur la nécessité d'un programme national visant le traitement de l'autisme, qui soit autre chose que le fatras de programmes qui existent à l'heure actuelle dans diverses régions du pays.

Depuis que j'ai pris la parole, j'ai reçu des douzaines de courriels de partout au pays contenant des messages qui sont à la fois réconfortants et déchirants. Nous vivons censément dans un pays qui bénéficie d'un régime universel d'assurance-maladie. Or voici ce que m'écrit le parent d'un enfant autiste :

Je suis l'un de ces parents qui, durant des années, a payé de sa poche les frais du programme d'intervention précoce pour son enfant [...]. Pour payer le programme, j'ai vendu ma maison, mes parents âgés ont renoncé à leur petit coussin de retraite et j'ai dû liquider le fonds d'épargne pour les études universitaires de mon autre fils.

En fin de compte, la banque a refusé de me prêter d'autres fonds pour les traitements médicaux dont mon fils avait besoin et, aujourd'hui, je suis encore lourdement endetté. Cependant, mon fils a fait des progrès marqués grâce à cette thérapie, qui valait bien tout l'argent que je lui ai consacré.

Mesdames et messieurs les sénateurs, j'espère que, lorsque nous faisons écho aux mots des Canadiens dans cette enceinte, ce ne soient pas des paroles creuses et que quelqu'un écoute. Mon gouvernement, tous les gouvernements provinciaux doivent en faire plus. C'est une crise, et si vous lisez les statistiques, elle ne va qu'empirer.

Une autre mère a dit :

Je suis la mère d'une enfant de trois ans qui souffre d'autisme [...]

Si ma fille avait le cancer, elle serait rapidement conduite à l'hôpital, où elle serait immédiatement entourée de médecins et de spécialistes. Mais comme elle est autiste, il faudrait attendre au moins 10 mois pour qu'elle soit vue par un médecin, ce qui est trop long pour cette maladie.

Mesdames et messieurs les sénateurs, il s'agit d'enfants du Canada qui, sans aide financière et professionnelle, n'auront jamais la chance de participer à la vie de leur collectivité.

[...] Il doit y avoir une volonté nationale de venir en aide à des dizaines de milliers de Canadiens.

En terminant, je dirai qu'un parent a déclaré : « Je prie seulement que les choses changent pour le mieux bientôt. » Pour que les choses s'améliorent bientôt, les gouvernements provinciaux, travaillant de concert avec le gouvernement fédéral, doivent financer davantage, pas moins, le traitement des enfants autistes.

(1420)

Le traitement recommandé s'appelle intervention behaviorale intensive. Les régimes d'assurance-maladie provinciaux devraient être modifiés pour comprendre ce traitement médicalement nécessaire pour les enfants atteints d'autisme. Le financement de ce traitement devrait être accordé à toutes les personnes atteintes d'autisme, quels que soient leur âge ou la sévérité de la maladie.

On dit que ce traitement est coûteux. Eh bien, il ne devrait pas y avoir de prix quand il s'agit de soigner nos enfants malades dans ce pays béni et généreux qu'est le Canada.

LE SOUS-LIEUTENANT D'AVIATION ANDREW CHARLES MYNARSKI

LE RÉCIPIENDAIRE DE LA CROIX DE VICTORIA DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE — L'ÉRECTION D'UNE STATUE

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, comment reconnaît-on le sommet de la bravoure et du courage face à l'ennemi, l'altruisme — un acte héroïque des plus manifestes qui appelle la plus haute décoration?

Depuis 1856, le Commonwealth britannique reconnaît la bravoure en décernant la Croix de Victoria. Avant que le Canada ne modifie son système de distinctions, quelque 94 Canadiens ont été décorés de la plus haute distinction du Commonwealth britannique. De nombreux historiens et beaucoup de Manitobains estiment que le plus grand héros de l'Aviation royale du Canada, un exemple de bravoure dans le ciel de l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, a été le jeune sous-lieutenant d'aviation A. C. Mynarski, qui est né à Winnipeg et s'est joint à l'Aviation royale canadienne en 1941. Pendant un raid sur la gare de triage de Cambrai, en France, le 12 juin 1944, Andrew Mynarski a fait un effort héroïque pour arracher le mitrailleur arrière à la tourelle de son Lancaster en feu, même si son propre parachute et ses propres vêtements étaient en feu. Ironie du sort, Mynarski, qui était en mesure de se sauver, est mort au combat, tandis que le mitrailleur emprisonné a survécu et a pu raconter cet épisode. Pour son héroïsme, Mynarski a reçu la Croix de Victoria.

Voici le texte de la citation :

Le sous-lieutenant d'aviation Mynarski était mitrailleur de bord d'un appareil Lancaster qui devait attaquer une cible à Cambrai, en France, la nuit du 12 juin 1944. L'appareil fut attaqué par dessous et par l'arrière par un avion ennemi et finit par s'écraser en flammes.

Immédiatement après cette attaque, les deux moteurs de gauche s'arrêtèrent. Un incendie se déclara entre la tourelle arrière de même que dans l'aile gauche. Les flammes s'intensifièrent et le capitaine ordonna à l'équipage d'abandonner l'appareil.

Le sous-lieutenant Mynarski quitta sa tourelle et se dirigea vers la trappe d'évacuation. C'est alors qu'il s'aperçut que le mitrailleur arrière était toujours dans sa tourelle et semblait incapable d'en sortir. En fait, la tourelle était fixe, étant donné que l'équipement hydraulique était devenu hors d'usage depuis l'arrêt des moteurs de gauche et que le mitrailleur avait brisé l'équipement manuel en tentant de s'échapper. Sans hésitation, le sous-lieutenant Mynarski traversa les flammes pour tenter d'atteindre la tourelle arrière et dégager le mitrailleur. Ce faisant, son parachute et ses vêtements, jusqu'à la taille, prirent feu. Tous ses efforts pour dégager son compagnon demeurèrent vains. Celui-ci lui indiqua clairement qu'il ne pouvait rien faire de plus et qu'il devait essayer de sauver sa propre vie. Le sous-lieutenant Mynarski retourna à regret à travers les flammes vers la trappe d'évacuation.

Il se retourna alors vers le mitrailleur emprisonné et, dans un dernier geste, se mit au garde-à-vous dans ses vêtements en flammes et le salua avant de sauter de l'appareil. La descente fut aperçue par des Français qui se trouvaient au sol. Son parachute et ses vêtements étaient en feu. Les Français finirent par le trouver mais ses brûlures étaient si graves qu'il n'y survécut pas.

Pat Brophy s'en sortit par miracle lorsque l'appareil s'écrasa. Il affirma plus tard que si le sous-lieutenant Mynarski n'avait pas tenté de lui sauver la vie, il aurait pu quitter l'avion en toute sécurité et échapper sans doute à la mort. Le sous-lieutenant Mynarski devait être tout à fait conscient qu'en essayant de libérer le mitrailleur arrière, il était presque sûr qu'il y laisserait sa propre vie. Il se porta quand même au secours de son compagnon avec un courage remarquable et au mépris de sa propre sécurité. Acceptant volontairement le danger, il perdit la vie en raison d'un acte d'héroïsme insigne exigeant un courage peu commun.

Des années après les faits, l'homme que Mynarski a tenté de sauver a déclaré que les derniers mots de celui-ci, au moment où il se tenait debout en flammes près de la trappe d'évacuation en faisant ce dernier salut, avaient été : « Bonne nuit, monsieur ».

Lorsqu'un pays oublie son patrimoine et les gens qui ont tout sacrifié pour le construire, il court à sa perte. Un courage comme celui dont a fait preuve Andrew Mynarski mérite reconnaissance; c'est pourquoi j'invite tous les sénateurs à se joindre à moi, à la ville dont il était originaire, Winnipeg, à sa famille, à la 1re Division aérienne du Canada ainsi qu'à tous les Britanniques, à leur tête nul autre que le premier ministre Tony Blair, pour contribuer à rappeler la mémoire de ce héros par l'érection d'une statue en Grande- Bretagne. L'objectif est d'amasser une somme avoisinant 96 000 dollars canadiens dans le cadre de la campagne intitulée « Le Héros oublié ». Je serai heureux de venir en aide à quiconque aura besoin de renseignements additionnels pour faire un don généreux en vue d'ériger un mémorial, ô combien mérité, en l'honneur de ce grand héro canadien.

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur le Président : Je signale aux honorables sénateurs la présence à la tribune de M. Milton K. Wong, chancelier de l'Université Simon Fraser, invité de l'honorable sénateur Jaffer.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je lui souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


AFFAIRES COURANTES

LA COMMISSAIRE À L'ENVIRONNEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DURABLE

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE 2004

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de 2004 à la Chambre des communes de la commissaire à l'environnement et au développement durable.

GENOME CANADA

DÉPÔT DU RAPPORT ANNUEL DE 2003-2004

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de Genome Canada de 2003-2004.

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

DÉPÔT DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le premier rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui constitue une réimpression du Règlement du Sénat, en date d'octobre 2004.

DÉPÔT DU RAPPORT VISÉ À L'ARTICLE 104 DU RÈGLEMENT

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le deuxième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la troisième session de la trente- septième législature.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, à la page 91.)

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SE JOINDRE AU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL DE LA CHAMBRE DES COMMUNES POUR UNE SÉANCE CONJOINTE EN VUE DE RENCONTRER DES PARLEMENTAIRES ALLEMANDS

L'honorable Peter A. Stollery : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à se joindre au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes pour une séance conjointe en vue de rencontrer une délégation de parlementaires allemands; et

Que le Comité des affaires étrangères soit autorisé à siéger le mercredi 3 novembre 2004 à 16 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

(1430)

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ MIXTE À PERMETTRE LA DIFFUSION DE SES DÉLIBÉRATIONS PUBLIQUES

L'honorable John G. Bryden : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible ses travaux.

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ENGAGER DU PERSONNEL

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été renvoyés.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À PERMETTRE LA DIFFUSION DE SES DÉLIBÉRATIONS PUBLIQUES

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement soit habilité à permettre la couverture de ses audiences publiques par des médias électroniques en causant le moins de perturbations possible lors de ces audiences.

DROITS DE LA PERSONNE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À ENGAGER DU PERSONNEL

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité permanent des droits de la personne soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été renvoyés.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À PERMETTRE LA DIFFUSION DE SES DÉLIBÉRATIONS PUBLIQUES

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible ses travaux.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LA SANTÉ

L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE—LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE SUR LA VENTE DE MÉDICAMENTS SUR ORDONNANCE À DES CITOYENS AMÉRICAINS

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et a trait à une activité qui a cours depuis plusieurs mois, c'est- à-dire depuis que des Américains se procurent des médicaments sur ordonnance au Canada soit par l'intermédiaire d'Internet soit lors de voyages effectués au Canada, et aux questions qui se posent quant à la disponibilité des médicaments au Canada. Le ministre peut-il dire aux sénateurs si le gouvernement du Canada a une politique à cet égard et, dans l'affirmative, peut-il donner une brève description de cette politique et faire le survol des questions d'intérêt public pour les Canadiens?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis heureux de répondre brièvement à la question du sénateur Kinsella. Le gouvernement du Canada surveille l'état des approvisionnements de médicaments pour les Canadiens pour s'assurer qu'il est adéquat; il le fait en collaboration avec les provinces, qui sont particulièrement touchées par l'activité que vient de décrire le sénateur.

Le sénateur Kinsella sait que les provinces procurent les médicaments à leurs habitants et sont responsables de la gestion des approvisionnements. À l'heure actuelle, rien ne laisse présager une pénurie de médicaments destinés à la consommation canadienne. J'ajouterai que le gouvernement a constaté que le niveau de recherche émanant de l'industrie pharmaceutique au Canada a diminué par rapport au niveau promis dans l'entente conclue entre cette industrie et le gouvernement Mulroney. Les contraintes empêchant l'industrie pharmaceutique de respecter ses engagements font actuellement l'objet de discussions.

Le sénateur Kinsella : Le ministre sait certainement que, pas plus tard qu'hier soir, des représentants de l'industrie pharmaceutique canadienne effectuaient une visite sur la colline du Parlement. Le collègue du ministre, le ministre de la Santé, déclarait récemment que la vente aux Américains de médicaments d'ordonnance canadiens était « une question intérieure américaine ». Bien que la situation actuelle implique principalement des Américains, elle pourrait entraîner une pénurie de médicaments chez nous, sans parler de ses conséquences économiques, notamment la hausse du prix des médicaments. Il importe de signaler, honorables sénateurs, que les deux candidats à la présidence des États-Unis ont dit qu'ils cherchaient des moyens de faciliter l'achat de médicaments d'ordonnance canadiens.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si, selon lui, le gouvernement fédéral a adopté, sur cette question, une position qui tient compte à la fois de la hausse possible du prix des médicaments et de leur approvisionnement?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, nous examinons ces questions à l'heure actuelle. Comme le sénateur Kinsella l'a dit, de nombreux États et villes, aux États-Unis, encouragent leurs habitants à acheter des médicaments au Canada. La question a également été abordée pendant les débats des candidats à la présidence, mais pour l'instant la situation exige que nous fassions preuve de vigilance.

En outre, le gouvernement est au courant du débat qui a cours actuellement, dans l'industrie pharmaceutique, au sujet de la comparabilité des prix au Canada et aux États-Unis. Inutile de rappeler que les Canadiens ont bénéficié de la loi, qui imposait l'examen du prix des médicaments pharmaceutiques au Canada et permettait, en contrepartie, des prolongations de la période de protection assurée par les brevets.

L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE—L'INCAPACITÉ DES SOCIÉTÉS D'ATTEINDRE LES OBJECTIFS EN MATIÈRE DE RECHERCHE

L'honorable Lowell Murray : Sur un sujet connexe, comment le gouvernement entend-il donner suite à certains rapports voulant que les industries pharmaceutiques n'atteignent pas les objectifs de recherche qu'elles s'étaient engagées à atteindre au Canada?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Comme je le disais en réponse à la première question du sénateur Kinsella, le gouvernement sait que ces objectifs n'ont pas été atteints. Des discussions sont en cours au sujet des contraintes survenues dans l'industrie pharmaceutique, afin de voir si la situation est attribuable au système, ou à un manque d'investissements du fait de l'attrait exercé sur ces sociétés par d'autres centres de recherche et de fabrication.

Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question pour le moment.

LA JUSTICE

LA SÉCURITÉ NATIONALE—L'INERTIE DU GOUVERNEMENT RELATIVEMENT À LA DÉSIGNATION DU GROUPE AL-TAWHID WAL JIHAD COMME ORGANISATION TERRORISTE

L'honorable J. Michael Forrestall : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. C'est la troisième fois que je soulève cette question sur les intentions ou l'attitude du gouvernement envers ce qui est maintenant un groupe d'Al-Qaïda, le groupe Al-Tawhid wal Jihad en activité en Irak. Ces deux organisations travaillent ensemble depuis presque deux ans maintenant, et comme je l'ai expliqué dans le passé, plus de 1 000 personnes sont mortes de façon souvent barbare à cause des actions de ce groupe. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire s'il y a une raison pour laquelle le gouvernement n'est pas encore intervenu jusqu'à maintenant afin d'interdire ce groupe?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai fait pression afin que les représentants du ministère concerné répondent aux deux premières questions que le sénateur Forrestall a soulevées à ce sujet, et je vais de nouveau les presser de répondre à sa troisième question sur le même sujet.

(1440)

Le sénateur Forrestall : Honorables sénateurs, je veux bien admettre qu'il est parfaitement possible que le gouvernement ne se soit pas penché sur cette question, mais j'en doute fort.

Je tiens à en souligner de nouveau l'importance. Après tout, le gouvernement est pour ou contre le terrorisme. De toute évidence, il s'agit là d'un groupe de terroristes. Ces gens-là adoptent le style des terroristes et ils agissent comme eux; si la chose a l'air d'un canard et qu'elle cancane comme un canard, c'en est très probablement un.

Le ministre peut-il nous dire s'il s'agit ou non d'un canard et si le gouvernement envisage la possibilité de proposer, aux termes du Code criminel du Canada, le retrait de ce groupe de la liste des organisations légitimes de notre société qui visent non seulement à faire le bien et à le professer, mais qui, concrètement, font aussi le bien et non pas le mal?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, en ce qui concerne l'essentiel de la question du sénateur Forrestall, nous devons évidemment attendre l'évaluation, entre autres, du SCRS. J'espère que cette évaluation sera assez claire pour donner prochainement satisfaction au sénateur Forrestall. Je n'ai toutefois pas de réponse à lui fournir aujourd'hui.

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LA PROTECTION CIVILE

LE PROGRAMME D'ENREGISTREMENT DES ARMES À FEU—LE COÛT—L'ÉCART DANS LES CHIFFRES ANNONCÉS PAR LA MINISTRE

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat.

Le 20 mai, juste avant le déclenchement des élections, la ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, Anne McLellan, a annoncé que le gouvernement allait éliminer les droits d'enregistrement d'une arme et plafonner le coût annuel du registre des armes à feu pour les contribuables à 25 millions de dollars. Dans un communiqué de presse, la ministre a laissé entendre que d'autres réductions de coûts seraient faciles lorsqu'elle a déclaré : « Les coûts annuels du Registre [...] s'établissent maintenant à 33 millions de dollars. »

Honorables sénateurs, le 8 octobre, nous avons reçu le Rapport sur les plans et les priorités du Centre des armes à feu Canada pour l'exercice 2004-2005. Nous ignorons quand la ministre a apposé son nom, mais à la page 5, nous voyons que William V. Baker, commissaire aux armes à feu, et John Brunet, chef de la direction financière, ont approuvé ce rapport le 19 mai, soit deux jours avant l'annonce de la ministre. À la page 61 du rapport, on voit que le coût net du programme devrait être de 101 millions de dollars cette année. Si on fait abstraction des recettes, le coût devait être de 120 millions de dollars. Comment se fait-il que le chiffre sur le coût figurant dans le Rapport sur les plans et les priorités ne coïncide pas avec celui de 33 millions de dollars annoncé par la ministre?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aurai une réponse à cette question le plus tôt possible.

Le sénateur St. Germain : Je lui souhaite bonne chance à cette fin.

Un député à l'autre endroit a déjà présenté une demande d'accès à l'information pour découvrir d'où venait ce chiffre de 25 millions de dollars et il a reçu 11 pages blanches. Le Rapport sur les plans et les priorités donne généralement un aperçu pour les deux prochaines années du coût du programme. Or, on y trouve une déclaration selon laquelle un estimé des coûts ne peut être donné, car le programme fait l'objet d'un examen.

Peut-on supposer que le gouvernement n'a pas d'idée sur la façon de réduire le coût du registre des armes à feu pour qu'il passe de 120 millions de dollars à 25 millions de dollars?

Le sénateur Austin : Je voudrais donner au sénateur St. Germain une réponse précise et détaillée. Je le ferai le plus tôt possible.

L'EXIGENCE DE LA SIGNATURE DE DEUX MINISTRES SUR LES ATTESTATIONS DE SÉCURITÉ NATIONALE

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Puisque j'y suis, le sénateur Tkachuk m'a posé mercredi dernier une question au sujet des attestations de sécurité. Avec sa permission, je vais lui donner une réponse rapide.

Depuis 1991, 27 attestations de sécurité ont été délivrées, et chacune d'entre elles portait la signature de deux ministres. Aucune n'a été délivrée l'année où un seul ministre avait le pouvoir de signature.

LA FRONTIÈRE CANADA-ÉTATS-UNIS — L'ACCROISSEMENT DE LA MENACE TERRORISTE À L'APPROCHE DES ÉLECTIONS AMÉRICAINES — L'INTENSIFICATION DES MESURES DE SÉCURITÉ

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat porte aussi sur la ministre de la Sécurité publique, Anne McLellan, qui a dit le week-end dernier que le Canada intensifierait ses mesures de sécurité à la frontière en prévision des élections à la présidence des États-Unis. Lors de son entretien à Ottawa avec Mme McLellan, John Ashcroft, procureur général des États-Unis, a laissé entendre que les terroristes prévoyaient peut-être un attentat au moment où le monde sera tourné vers les élections américaines.

Le procureur général Ashcroft a-t-il fait part aux autorités canadiennes des preuves qu'il avait de l'accroissement de la menace terroriste à l'approche des élections?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, lors de leur rencontre le 14 octobre, la vice-première ministre et le secrétaire Ridge ont longuement discuté de la question de la sécurité des frontières. Le sénateur Comeau saura que les responsables américains de la sécurité sont en état d'alerte accrue, estimant qu'il y a un risque d'attentat sur le territoire américain d'ici les élections, qui auront lieu le 2 novembre.

Le Canada et les États-Unis doivent s'assurer que des procédures appropriées existent pour faire en sorte qu'ils n'abritent pas de terroristes et ne servent pas de base pour les actions de ces derniers contre l'autre pays. Nous nous sommes engagés, à l'instar des États- Unis, à mettre en place un régime efficace à la frontière pour garantir la sécurité de nos deux pays.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat peut-il indiquer aux Canadiens les mesures que prend le Canada pour renforcer la sécurité à la frontière? Les Canadiens devraient-il s'inquiéter quant à la possibilité accrue d'attaques terroristes? Les Canadiens peuvent-ils faire quelque chose concernant ce qui pourrait être une alerte de sécurité accrue visant les États-Unis depuis le Canada et vice versa?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je donnerai une réponse générale aux questions du sénateur Comeau. Des programmes précis sont en voie d'élaboration pour faire en sorte que les voyageurs à faible risque entre nos deux pays puissent se déplacer rapidement. Cela vaut aussi pour les marchandises. Le sénateur Comeau sait sûrement que différentes marchandises sont maintenant désignées pour un dédouanement rapide grâce à une déclaration de prédédouanement, de sorte qu'on peut vérifier rapidement si tout est conforme à la déclaration.

Nous visons aussi un programme de sécurité commun pour les millions de conteneurs provenant de l'extérieur de l'Amérique du Nord qui transportent des marchandises qui sont importantes pour nos économies respectives.

Des systèmes de surveillance sont en cours d'installation ou ont déjà été installés dans le cadre du Plan d'action pour une frontière intelligente que le Canada et les États-Unis ont adopté.

LA PROCÉDURE DE PRÉCONTRÔLE AUX AÉROPORTS—LA FOUILLE CORPORELLE DES PARLEMENTAIRES POLONAIS EN VISITE

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question porte sur une autre sorte de sécurité. Le leader du gouvernement au Sénat a mentionné que les passagers à faible risque passeraient rapidement les contrôles douaniers ainsi que les marchandises accompagnées d'une déclaration. Malheureusement, ce n'est pas ce qui s'est passé à l'aéroport de Calgary. Comme le leader du gouvernement s'en souvient peut-être, le président du Sénat de la République de Pologne, Son Excellence Longin Pastusiak, était de passage au Canada la semaine dernière, où il a été l'hôte du Président du Sénat du Canada à un dîner et à d'autres activités en cet endroit.

(1450)

Or, au cours d'une visite dans l'Ouest canadien, alors que le président du Sénat de Pologne et ses collègues sénateurs passaient les contrôles de sécurité à l'aéroport, le président du Sénat de Pologne ainsi que madame le sénateur Sienkiewicz ont fait l'objet d'une fouille corporelle. Lors de l'enregistrement des passagers vendredi soir dernier, madame le sénateur Sienkiewicz a dû enlever ses chaussures et son sac à main a fait l'objet d'une fouille minutieuse. Elle a aussi été scrutée au moyen d'un détecteur de métal. M. Pastusiak s'est plaint à la direction de l'aéroport. Mme Sienkiewicz a déclaré qu'ils avaient été traités comme des terroristes et que les méthodes employées étaient indignes d'un pays civilisé.

Bien entendu, si, dans d'autres pays, les passagers à faible risque sont autorisés à passer les contrôles de sécurité rapidement, nous devrions être capables, nous aussi, d'appliquer cette règle de courtoisie dans nos aéroports. Si des marchandises peuvent passer rapidement les contrôles de sécurité lorsqu'ils sont accompagnés d'une déclaration en bonne et due forme, il me semble qu'avec un avis préalable en bonne et due forme, des sénateurs étrangers en visite au Canada devraient, eux aussi, être autorisés à passer les contrôles rapidement.

N'a-t-on rien fait? Quelle est la procédure applicable aux dignitaires dans un cas pareil? Les sénateurs polonais considéraient que leur voyage était très réussi jusqu'au moment où ils eut dû passer les contrôles de sécurité à l'aéroport de Calgary.

Étant donné que des représentants de notre ministère des Affaires étrangères voyageaient avec eux, on aurait cru qu'ils auraient demandé un précontrôle pour ces voyageurs.

Y a-t-il une procédure à cet égard? Des membres du ministère des Affaires étrangères accompagnent-ils, de façon générale, pareils dignitaires pour les aider dans des situations semblables?

Tout le bien qui a été fait a été perdu à cause de ce qui s'est produit à Calgary.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne sais rien de tout cela. C'est la première fois que j'en entends parler. Je suppose que cela s'est produit lors des contrôles de sécurité canadiens.

Le sénateur Stratton : Oui. Quels autres contrôles voulez-vous que ce soit?

Le sénateur Austin : Ils voyageaient peut-être à destination des États-Unis et il s'agirait alors du précontrôle américain.

Le sénateur Stratton : C'étaient les contrôles de sécurité à l'un de nos aéroports.

Le sénateur Austin : J'examinerai la question, et j'espère pouvoir expliquer ce qui s'est produit.

Le sénateur Stratton : Je remercie le sénateur. Tous les sénateurs apprécieraient sans doute de savoir s'il y a une procédure relativement à la déclaration préalable et au précontrôle afin que nous puissions, à tout le moins, demander au ministère des Affaires étrangères d'arranger un précontrôle des dignitaires qui nous rendent visite.

Quelle est la procédure?

Le sénateur Austin : Je vais examiner la procédure. Je sais que les autorités ont le dernier mot quand elles estiment qu'une situation exige des fouilles et une sécurité plus poussées, mais, de toute évidence, cet événement qui, semble-t-il, s'est produit nous mettrait tous mal à l'aise.

DEMANDE D'EXCUSES AU GOUVERNEMENT

L'honorable Leonard J. Gustafson : À titre de question complémentaire, la secrétaire de mon fils, qui enseigne l'anglais en Pologne, a reçu un appel lorsque nous revenions de l'aéroport. On l'informait, semble-t-il, que les grands titres des journaux en Pologne traitaient de cette affaire. La personne en cause aurait dit qu'elle ne reviendrait jamais au Canada.

Le gouvernement songe-t-il à présenter des excuses?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, encore une fois, je n'ai jamais entendu parler de cette affaire. Le sénateur fait-il allusion au même événement dont a parlé le sénateur Stratton?

Le sénateur Gustafson : Oui.

Le sénateur Austin : J'ajouterai cela à mon enquête.


[Français]

ORDRE DU JOUR

PROJET DE LOI D'HARMONISATION NO 2 DU DROIT FÉDÉRAL AVEC LE DROIT CIVIL

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Carstairs, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-10, Loi no 2 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, comme le disait la semaine dernière le sénateur Joyal, il s'agit de la deuxième étape d'un important et historique processus d'harmonisation des lois fédérales avec le nouveau Code civil du Québec. Ce processus a commencé il y a environ trois ans lorsque nous avons adopté le projet de loi S-4. Une série de projets de loi verront à harmoniser toutes les lois fédérales au droit civil québécois. Je n'ai pas l'intention de reprendre les propos du sénateur Joyal. Il faut le remercier de nous avoir si éloquemment présenté les origines du droit civil québécois et des principales dispositions du projet de loi S-10.

D'entrée de jeu, je dirai, et cela pourrait en étonner et faire sourire quelques-uns, le ministre de la Justice ou ses prédécesseurs, que j'appuie cette initiative : il s'agit d'une démonstration éloquente des avantages indéniables du fédéralisme asymétrique pour notre pays. Le projet de loi S-10 respecte pleinement, selon moi et selon plusieurs d'entre nous, l'esprit du pacte fédératif de 1867. Pour cette raison, l'opposition officielle au Sénat appuiera avec empressement et diligence cette proposition législative du gouvernement.

Comme le faisait notre collègue le sénateur Joyal, faisons un peu d'histoire. Posons-nous la question : à quand remonte cette idée d'avoir au Québec un Code civil d'inspiration française, spécifiquement issu de la Coutume de Paris? Cela remonte à beaucoup plus loin que l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. En 1774, les Britanniques, de façon très pragmatique et très réaliste, ont accepté de relever la population francophone de la nouvelle colonie anglaise de certaines obligations. Ces obligations étaient partagées ailleurs dans d'autres colonies britanniques à l'époque et ils ont décidé de respecter la foi catholique partagée par la majorité de ces nouveaux citoyens britanniques de langue française et de leur accorder un droit civil qui leur était propre et qui était différent du droit privé en vigueur ailleurs dans l'empire. C'est dans l'Acte de Québec, en 1774, que les autorités britanniques ont reconnu à la population francophone, vivant principalement dans ce qui est aujourd'hui la province de Québec, le droit de voir son droit civil régi par une loi qui lui était propre et qui était nettement d'inspiration française. C'est certainement cette réalité historique qui a influencé les Pères de la Confédération canadienne. Vous me permettrez de mentionner au passage le travail remarquable d'un Québécois de l'époque, Sir George-Étienne Cartier, qui n'a pas hésité à vouloir faire reconnaître, dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, cette particularité propre aux Québécois. Il a voulu s'assurer que les Québécois puissent jouir, à l'intérieur d'un pays fédéré, de ce particularisme tout en étant des citoyens canadiens.

(1500)

Grâce à leur détermination et à leur leadership, les Pères de la Confédération ont été au cœur du « grand compromis » qui a donné naissance à l'idéal qui a toujours animé le fédéralisme canadien qui, en passant — et vous me permettrez cette petite touche de partisanerie —, a toujours été fort bien défendu par le parti qui forme l'opposition officielle au Sénat.

Je me suis permis cette petite rétrospective parce que le projet de loi S-10 nous permet d'expliquer aux Canadiens des réalités qui ont un fondement historique. Malheureusement, ils ont tendance, pour la plupart, à les tenir pour acquises. Je pense que les Canadiens sont en droit de comprendre pourquoi le gouvernement canadien a décidé d'entreprendre ce processus d'harmonisation.

Nous sommes, nous Canadiens, enviés par plusieurs citoyens d'origines diverses. Ce particularisme juridique, que nous appelons le bijuridisme canadien, fait partie de cette réalité canadienne qui permet aux Canadiens d'exporter cette façon juridique de réfléchir.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, au moment de l'examen du premier projet de loi qui visait l'harmonisation, a entendu plusieurs juristes canadiens qui ont développé cet art d'interpréter et d'harmoniser deux droits. Certains experts sont venus nous expliquer comment ils sont appelés à faire face à des problèmes similaires en Europe. Les Européens en sont, en ce moment, à amalgamer des réalités juridiques semblables à celles auxquelles sont confrontés les Canadiens, et surtout les Québécois. Le droit criminel fédéral canadien s'applique partout, même dans la province de Québec, où la réalité juridique civile est tout autre que celle des autres provinces. Bravo à l'asymétrisme canadien!

Cela n'a rien à voir avec l'Accord du lac Meech. Honorables sénateurs, ne vous laissez pas embrouiller par des déclarations intempestives qui n'ont rien à voir avec mes propos.

J'aimerais citer une déclaration historique. En 1865, George- Étienne Cartier nous a dit ceci :

Nul autre projet — il faisait référence à la Confédération — n'est possible que le système fédéral. Quelques-uns ont prétendu qu'il était impossible de faire fonctionner la Confédération, par suite des différences de race et de religion. Ceux qui partagent cette opinion sont dans l'erreur; c'est tout le contraire. C'est précisément en conséquence de cette variété de races, d'intérêts locaux que le système fédéral doit être établi et qu'il fonctionnera bien.

Honorables sénateurs, cette citation vous aidera à saisir l'importance d'un projet de loi qui, pour plusieurs d'entre vous, sera perçu comme un projet de loi technique, un peu ennuyeux à examiner, mais hautement important pour la réalité bijuridique canadienne. Cette déclaration de George-Étienne Cartier, 140 ans plus tard, a toute son importance.

Le projet de loi que le sénateur Joyal nous invite à étudier, au nom du gouvernement, fait partie de cette réalité fédérative. Nous devons lui emboîter le pas et accepter cette invitation. Pour ceux qui n'auraient pas été intéressés par l'étude de ce projet de loi, je suis sûr que, comme moi, le sénateur Joyal aimerait vous inviter à venir nous aider au Comité permanent sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles — et je vois la présidente du comité, le sénateur Bacon, opiner de la tête. C'est avec un énorme plaisir que nous vous ferons partager cette découverte du bijuridisme canadien, et c'est pour cette raison, honorables sénateurs, que l'opposition officielle au Sénat appuiera ce projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Joyal, avec l'appui du sénateur Carstairs, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Quand le projet de loi sera- t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Joyal, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Traduction]

LE DISCOURS DU TRÔNE

MOTION D'ADOPTION DE L'ADRESSE EN RÉPONSE—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Munson, appuyée par l'honorable sénateur Chaput, relative à l'Adresse à Son Excellence la Gouverneure générale en réponse au discours qu'elle a prononcé lors de l'ouverture de la première session de la trente-huitième législature.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Kinsella, appuyée par l'honorable sénateur Stratton, que le texte suivant soit ajouté à l'Adresse :

« et nous exhortons les conseillers de Votre Excellence, lors de la mise en œuvre des détails de leurs propositions, à revoir le programme d'assurance-emploi pour s'assurer qu'il demeure bien adapté aux besoins de la main-d'œuvre canadienne, à réduire les impôts et les rendre plus équitables, à appliquer sans compromis la discipline financière, à s'interroger sur la nécessité et la manière de réformer nos institutions démocratiques, y compris le système électoral pour s'élever au-dessus de la partisanerie pour servir l'intérêt public;

Que les conseillers de Votre Excellence envisagent l'opportunité des éléments suivants :

1. un ordre de renvoi au comité pertinent de chacune des chambres du Parlement ordonnant au comité de recommander des mesures qui assurent que toute utilisation future du programme de l'assurance-emploi sera pour le seul bénéfice des travailleurs et ne peut être utilisé à d'autres fins;

2. des moyens de réduire encore davantage le fardeau fiscal des familles à revenu faible ou modeste conformément à l'engagement général du gouvernement en matière de budgets équilibrés et de gestion financière saine;

3. un ordre de renvoi au comité pertinent de chacune des chambres du Parlement ordonnant au comité qu'il produise des recommandations relativement aux conseils fiscaux indépendants en matière des prévisions pour les parlementaires, et ce, en tenant compte des recommandations de l'expert externe;

4. un ordre de renvoi au comité pertinent de chacune des chambres du Parlement ordonnant au comité de recommander un processus qui engage les citoyens et les parlementaires dans une étude de notre système électoral en procédant à un examen de toutes les options;

5. pour un accord sur le système de défense antimissile balistique, l'assurance que le Parlement aura l'occasion d'examiner toutes les informations publiques relatives à cet accord et la possibilité de voter avant que le gouvernement ne prenne une décision;

Et nous demandons aux conseillers de Votre Excellence de prévoir que, dans toutes les mesures visant à mettre en œuvre le discours du Trône, y compris dans celles ci-haut mentionnées, les compétences des provinces soient intégralement respectées et que les pressions financières que certains appellent le déséquilibre fiscal soient allégées. »—(5e jour de reprise du débat)

L'honorable J. Michael Forrestall : Honorables sénateurs, le 5 octobre dernier, il y a trois semaines à peine, Son Excellence la Gouverneure générale a prononcé un autre discours du Trône exposant le programme législatif des libéraux de Paul Martin. Ce même jour fatidique, dans l'Atlantique Nord, au large des côtes de l'Irlande, le NCSM Chicoutimi a été victime d'un incendie, ses moteurs sont tombés en panne et l'équipage a dû attendre que des secours étrangers leur viennent en aide.

Comme c'est devenu si souvent la norme dans les discours du Trône libéraux, d'abord ceux du gouvernement Chrétien puis maintenant ceux du gouvernement Martin, on ne mentionne qu'à peine la défense nationale et la question plus large de la sécurité nationale. Au contraire, ces deux questions sont des ajouts insérés à la hâte dans les derniers paragraphes du discours. Cela n'est pas pour nous surprendre car il semble que les ministres du Cabinet Martin se sont davantage intéressés à la question de savoir laquelle de leurs circonscriptions hériterait du quartier général de la Défense nationale et des retombées présumées sur la création matière d'emplois, car il s'agit d'un déménagement d'un endroit à un autre, qu'aux détails relatifs au mandat réel de la Défense nationale, comme par exemple la disponibilité de forces bien équipées et prêtes au combat. C'est en effet un commentaire sévère sur un gouvernement à qui répugnent manifestement les questions de sécurité nationale, mais qui ne semble même pas les comprendre ou même en saisir les enjeux.

(1510)

Le discours du Trône promettait l'examen tant attendu depuis longtemps sous la forme d'une déclaration globale de politique internationale. On nous a dit que cette politique tiendrait compte de l'intégration de la défense et des politiques étrangères au commerce international. La déclaration de politique internationale a été rédigée pendant l'été dans les sombres corridors de l'édifice Pearson, promenade Sussex, et la rumeur voulait que le gouvernement libéral était alors en train de concevoir la brigade de maintien de la paix de 5 000 personnes qui avait été promise pendant les élections — pour un certain type de maintien de la paix, les bérets bleus, qui n'existent plus vraiment — et dont accoucherait la structure actuelle des forces armées. La déclaration de politique internationale devait également servir de stratégie de communication pour dire au monde que le Canada est indépendant du gouvernement Bush, au sud, qu'abhorrent les libéraux.

Le discours du Trône expose également ce qui devait être l'une des plus importantes faiblesses de la politique dite d'engagements efficaces au niveau international. Alors que la plupart des États mettent sur pied une importante politique nationale de sécurité et produisent ensuite des politiques complémentaires en matière d'affaires étrangères, de défense, de commerce international, d'immigration et autres, les libéraux de M. Martin ont fonctionné à l'envers en préparant une politique de sécurité nationale qui est en fait une annexe de sa politique étrangère, avant même que son énoncé de politique internationale ne soit rédigé.

Malheureusement, la politique de sécurité nationale ne comprenait pas d'évaluation approfondie de la menace ou d'objectifs clairement définis en vue de permettre une mise en oeuvre ordonnée. Alors que le gouvernement annonçait dans son discours du Trône qu'il avait déjà commencé à mettre en oeuvre ce qu'il a appelé sa toute première politique globale de sécurité nationale, ses fonctionnaires travaillaient à la préparation d'une importante grève nationale qui nous aurait privés de certains de nos plus importants atouts en matière de sécurité nationale, c'est-à-dire nos yeux et nos oreilles à l'Agence des services frontaliers du Canada, ainsi que nos agents et analystes du renseignement qui ne sont pas considérés comme faisant partie des services essentiels.

Bien que je sois très heureux par exemple du déjeuner d'hier en compagnie de la vice-première ministre, qui visait à étudier la possibilité de former un comité parlementaire mixte en vue de surveiller le dossier du renseignement et de la sécurité nationale, j'ai bien peur que les membres de ce comité soient en grève au moment où le comité pourrait être des plus utiles si des terroristes d'Al-Qaïda ou autres se manifestaient au cours des prochaines élections présidentielles aux États-Unis.

Enfin, juste au moment où nous croyions que le gouvernement pourrait fournir un peu d'aide et d'appui à nos forces armées, et tout particulièrement aux 57 Canadiens qui étaient alors à la dérive dans l'Atlantique Nord à bord d'un sous-marin de classe Victoria en très mauvais état, les libéraux ont annoncé dans le discours du Trône que :

Pour accroître la sécurité du Canada, il nous faut investir davantage dans nos forces armées, que ce soit pour assurer notre propre défense au pays ou encore en Amérique du Nord et dans le monde [...]. Mais notre force militaire ne sera jamais la plus grande; il nous faut donc l'organiser de façon intelligente, stratégique et bien ciblée.

Quelle belle façon de dire qu'il n'y aurait pas de fonds supplémentaires! Toutefois, le gouvernement a promis d'ajouter quelque 5 000 membres à nos forces régulières et quelque 3 000 à nos forces de réserve, afin « que le Canada soit mieux préparé et mieux équipé pour relever ce défi ».

Pour ce qui est de la réserve, des difficultés que nous avons à recruter et à garder ces recrues, une fois que nous les avons formées, ce problème ne se pose pas du tout. Un aspect des difficultés qui figurent depuis longtemps sur la liste des questions d'une importance cruciale, c'est la question de la retraite de ces membres de la réserve qui servent soit à temps complet, soit en grande partie à temps complet, dans la structure des Forces canadiennes.

Ce que le gouvernement n'a pas dit, c'est que ces nouvelles forces purement parsoniennes de maintien de la paix, légèrement armées, seront mises en place au détriment probable de la marine et de l'aviation par l'intermédiaire de fermetures de bases et de réductions d'équipement, et donc de personnel. Les nouvelles troupes qui sont promises représentent au bas mot, et je parle ici de l'investissement initial, une promesse de 2,5 milliards de dollars, plus 500 millions de dollars annuellement par la suite. Cette aide arrivera à l'armée de terre surmenée au moment même ou le déficit des opérations et de la maintenance des forces armées dépasse largement le plateau du milliard et demi de dollars, selon les estimations, et s'approche rapidement du déficit de 2 milliards de dollars pour la seule année en cours.

Il ne faut pas s'étonner de ce que notre ministre précédent et, maintenant, le ministre associé de la Défense nationale s'intéressent plus au choix de la circonscription libérale où ils veulent installer le quartier général de la défense nationale. Prise isolément, cette question apparemment, sûrement même l'emporte sur le fait que la vingtaine de nos chasseurs CF-18 remis à niveau ne peuvent se rendre indépendamment à une zone de combats. Cela tient au fait que nous n'avons pas de ravitailleur stratégique capable de réapprovisionner ces chasseurs en carburant. C'est là une mesure que le gouvernement avait dit vouloir examiner et corriger dans le Livre blanc de 1994.

Le déménagement du quartier général de la Défense nationale doit être plus attrayant que le fait d'admettre que nous n'avons pas de remplacement des Sea King capable de voler. Il y a peu de gens dans cette enceinte qui ne savent pas que je me préoccupe depuis fort longtemps de l'absence de cet appareil de remplacement. Le gouvernement ne veut pas admettre que dix années se sont maintenant écoulées depuis la promesse de remplacer notre capacité d'appui-feu direct pour l'armée de terre ou depuis que le gouvernement a parlé d'acquérir quatre sous-marins opérationnels de classe Upholder ou de nouveaux navires de soutien opérationnels qui pourraient contribuer à assurer la survie, au moins en théorie, du concept de groupe opérationnel naval, et aussi de notre marine, en vérité.

En conclusion, honorables sénateurs, que cela soit dû à un plan concerté ou à de la simple négligence, le gouvernement actuel et son prédécesseur ont continué d'éroder notre sécurité nationale. Le plus récent discours du Trône ne fait que poursuivre ce qu'on doit maintenant qualifier de tendance alarmante.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, ma contribution au débat portera principalement sur mes opinions relativement aux amendements qui ont été proposés.

J'ai l'habitude de voir que l'on propose des modifications à des mesures législatives gouvernementales car je suis né, j'ai grandi et je vis dans la magnifique province de l'Alberta, source d'un tas de choses merveilleuses et uniques. C'est la province natale de Ralph Klein; elle fut l'hôte du premier festival international de jazz au Canada; elle abrite le plus grand centre commercial sur la planète; elle est l'hôte du Stampede de Calgary, le plus grand spectacle en plein air au monde; elle est le royaume des Edmonton Grads, une dynastie sportive qui a établi des records inégalés, tous sports confondus.

L'Alberta représente l'Ouest, la belle époque de l'Ouest; elle jouit des spectaculaires montagnes Rocheuses et des magnifiques Prairies. C'est aussi en Alberta que sont nées d'éminentes traditions. Par exemple, c'est dans cette province que fut nommée la première femme magistrat de l'Empire britannique; les Cinq femmes célèbres, à l'origine du jugement « personne », vivaient en Alberta; cette province détient le championnat du monde pour le bénévolat et elle est le berceau de la pensée politique au Canada.

Le sénateur Corbin : Vous oubliez les dinosaures.

Le sénateur Banks : Oui, les dinosaures politiques et les autres. Parmi les dinosaures, il y a des partis politiques : la Confederation of Region Parties, l'Alberta First Party, le Parti progressiste et le mouvement du Crédit social. C'est aussi en Alberta qu'on a tenu les congrès de fondation de la Fédération du commonwealth fédératif, du Parti Crédit social du Canada et du Parti réformiste.

(1520)

Le sénateur Mercer : Pas cette bande!

Le sénateur Banks : Oui, même elle. Une des plus grandes traditions, le dénigrement du gouvernement fédéral, a vu le jour en Alberta. Il s'agit du sport le plus populaire en Alberta.

Le sénateur Joyal : Au Québec aussi.

Le sénateur Banks : Ce sport fait vibrer la fibre patriotique en Alberta, et au Québec. Le dénigrement du gouvernement fédéral vise tous les partis au pouvoir, sans aucune discrimination. L'allégeance politique du gouvernement fédéral ne fait aucune différence.

Le Parti réformiste, par exemple, est né au point culminant d'une longue suite de gouvernements conservateurs, bien garnis en hommes forts de l'Alberta comme Joe Clark. Je me souviens de l'époque où le très honorable Don Mazankowski était le ministre d'à peu près tout. Le gouvernement dont il faisait partie peut notamment compter parmi ses réalisations — et c'en est véritablement une — l'introduction du libre-échange, qui s'est avéré très avantageux pour le Canada.

Cependant, cela n'avait pas d'importance puisque c'est à ce moment-là, alors que tous les députés de l'Alberta siégeant à la Chambre étaient sans exception des progressistes-conservateurs, que le Parti réformiste vit le jour. Voilà qui correspond à la nature même de l'Alberta. Pratiquement partout en Alberta, toute personne qui souhaite être invitée à se joindre au bon club, à jouer au golf sur le terrain qui a la cote et à aller aux fêtes où il faut être vu doit nécessairement casser au moins un peu de sucre sur le dos du fédéral. Dès la tendre enfance, les jeunes Albertains se font inculquer leur mission, qui est de protéger l'Alberta — dans la prospérité comme dans la pauvreté, que la province a d'ailleurs connue jusqu'en 1963 — de ce qu'Alan Kellogg décrivait non sans ironie dans l'Edmonton Journal comme étant « la rapacité et la voracité de la populace de l'Est », à savoir le Manitoba et tout ce qui est plus à l'Est.

Voici le genre de conversation qu'on entend dans les foyers albertains : « Que feras-tu quand tu seras grand, fiston? » « Je ne sais pas encore, papa, mais ce que je sais, c'est que je vais casser du sucre sur le dos du fédéral. » « Bravo, fiston! »

Depuis quelques mois cependant, et en particulier depuis le dernier discours du Trône, les journaux et périodiques, les éditoriaux, les émissions-débats, les émissions de radio et les conversations autour de la table révèlent un certain ramollissement des attaques contre le fédéral. L'explication, simple et irréfutable, c'est que la situation au pays s'est améliorée depuis une dizaine d'années. Au cours du débat qui a eu lieu il y a deux semaines, le chef de l'opposition a déclaré que certains passages du discours du Trône lui étaient familiers. À juste titre. Le discours du Trône annonçait de nouvelles mesures, dont nous nous réjouissons, notamment un nouveau sens du fédéralisme, l'engagement à mieux collaborer avec les gouvernements territoriaux et provinciaux et avec les peuples autochtones, l'annonce d'une stratégie globale pour le Nord, des initiatives en matière d'alphabétisation, des changements à la péréquation, de nouvelles stratégies d'inclusion pour les villes, la revitalisation des vieilles localités, la création de partenariats pour venir en aide aux sans-abri, une importance nouvelle accordée à l'économie et aux services de garde d'enfants. Ce sont les thèmes sur lesquels le gouvernement a fait campagne aux dernières élections. Le gouvernement est en voie de réaliser ce qu'il a promis, et il le fera non pas à la belge mais à la manière canadienne.

Outre les nouvelles mesures annoncées, le gouvernement est déterminé à poursuivre la politique éclairée, prudente et bénéfique adoptée pour le Canada dès 1993, une politique dont l'uniformité et la continuité ont fait de notre pays l'envie du monde entier.

La politique de prudence budgétaire et financière du gouvernement a récemment fait l'objet de critiques, et l'une de ces critiques, reprise dans l'amendement à l'étude, dénonce le fait que le Canada ait des excédents budgétaires plus importants que prévus dans le dernier budget.

Les libéraux sont-ils les seuls à voir d'un bon oeil des excédents plus importants que ceux qui étaient prévus? Sont-ils les seuls à comprendre qu'il est préférable de sous-évaluer les excédents budgétaires plutôt que les déficits, comme c'était systématiquement le cas avant 1993? Les libéraux sont-ils les seuls à penser que, en définitive, il est préférable d'avoir un excédent plus important et que le remboursement de la dette, par dizaines de milliards, est une bonne chose? Sont-ils les seuls à avoir compris qu'il faut créer de la richesse avant de pouvoir dépenser? Les libéraux sont-ils les seuls à penser que des prévisions de revenus modérées constituent une attitude prudente et que c'est la meilleure façon de fonctionner?

J'ai passé ma vie dans un secteur d'activité où il va de soi qu'on ne prévoit pas ses dépenses en comptant faire salle comble. Ce serait folie et on se retrouverait plongé dans de redoutables difficultés comme celles qu'éprouvait notre pays il y a dix ans.

Ce sont les libéraux qui pratiquent la prudence. Quant à l'amendement qui propose l'intervention d'un expert indépendant en prévisions financières dans les affaires du gouvernement, j'avoue que le régime parlementaire de gouvernement est une chose fort peu commode. Parfois, c'est très peu efficace. Toutefois, c'est le Parlement qui est censé gouverner. Autrement, nous ferions aussi bien de confier la gestion de notre pays à PricewaterhouseCoopers et à une bande de gens qui ont leur MBA et de rentrer chez nous.

Si quelqu'un savait, lorsque les dernières prévisions budgétaires ont été faites, que notre dollar vaudrait 80 cents et que cela n'aurait — ou en tout cas n'a pas eu jusqu'à maintenant — un effet catastrophique sur nos exportations, que le cours du pétrole monterait à 55 $ le baril, avec les résultats que cela peut avoir, j'espère qu'il lèvera la main et s'avancera, car nous l'honorerions comme était honorée autrefois la pythie de Delphes.

Personne ne savait. Il n'était pas possible de prévoir avec quelque exactitude que ce soit l'ampleur réelle de l'excédent.

La prudence, la simple prudence financière, voilà pourquoi le gouvernement actuel a été le seul à jamais rembourser ne fût-ce qu'un sou sur la dette nationale. Or, le gouvernement a remboursé des dizaines de millions de dollars. C'est cette même prudence, ce même bon sens, cette même créativité qui sont illustrés dans le discours du Trône et qui, grâce au gouvernement, feront en sorte que le Canada continue de faire l'envie du reste du monde.

J'ai de grandes réserves, pour dire le moins, au sujet des aspects des amendements que nous étudions maintenant dans la réponse au discours du Trône.

(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)

VISITEUR DE MARQUE

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'une ancienne collègue, l'honorable Sheila Finestone. Vous êtes la bienvenue.

Des voix : Bravo!

[Français]

LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gauthier, appuyée par l'honorable sénateur Fraser, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais).—(L'honorable sénateur Comeau).

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, permettez- moi de féliciter notre ancien collègue maintenant à la retraite, le sénateur Jean-Robert Gauthier, pour sa ténacité en ce qui concerne ce projet de loi.

Ce projet de loi est devant nous pour une quatrième fois au Sénat. Il a fait l'objet de deux études exhaustives en comité en 2001 et 2003, et il est mort au Feuilleton à trois reprises.

Le projet de loi a trois principes visés : il précise l'obligation des institutions fédérales d'appliquer la partie VII de la Loi sur les langues officielles et la possibilité d'adopter des règlements pour des modalités d'exécution des obligations prévues à l'article 41 de la loi.

Il oblige le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les engagements prévus à la partie VII de la Loi sur les langues officielles et donne un droit de recours devant les tribunaux permettant de contester une violation de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Je cite, pour ceux qui ne s'en rappellent pas, la portée de l'article 41 :

Le gouvernement fédéral s'engage à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophone du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

(1530)

Le gouvernement nous montre que l'article 41 est appuyé par un engagement politique. En fin de compte, c'est une déclaration de bonne intention.

En d'autres mots, le gouvernement nous dit : « Vous pouvez vous fier à nous, ce n'est pas nécessaire de nous obliger à suivre les intentions de l'article 41, nous allons nous y conformer. »

Dans un premier temps, le projet de loi, par règlement, crée les mesures positives nécessaires à la réalisation de l'engagement contenu à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. Dans un deuxième temps, le projet de loi vise à rendre le ministre du Patrimoine canadien davantage imputable vis-à-vis la mise en œuvre de l'engagement énoncé. Le mot clé ici est « imputable », un mot souvent utilisé par le gouvernement ces dernières années. Dans un troisième temps, le projet de loi vise à octroyer un droit de recours en vertu des droits prévus à la partie VII.

[Traduction]

Je voudrais maintenant me reporter au rapport annuel de 2003- 2004 du Commissariat aux langues officielles et à un certain nombre d'observations qu'il contient sous la rubrique « Une clarification de la partie VII de la Loi s'impose ».

Dans son rapport annuel précédent, la commissaire a recommandé à nouveau au gouvernement de préciser la portée juridique de l'engagement prévu à l'article 41 de la Loi et de prendre les mesures nécessaires pour s'acquitter efficacement de ses responsabilités à cet égard [...].

La commissaire regrette que le gouvernement [...] ait plutôt choisi la voie judiciaire pour faire clarifier la portée de la partie VII.

Dans cette Chambre, nous sommes tout aussi désolés que la commissaire par la voie empruntée. Ce devrait être le Parlement, et non les tribunaux, qui décide de la teneur des lois, en laissant ensuite aux tribunaux le soin d'interpréter ce que nous avons proposé. Nous ne devrions pas laisser aux tribunaux le soin de décider de la promotion à faire des deux langues officielles du Canada.

À nouveau, je me reporte directement au rapport du commissariat. D'après celui-ci, le gouvernement :

[...] a expliqué sa position de la façon suivante au cours des travaux parlementaires : « Les dispositions de la partie VII de la Loi sur les langues officielles ne sont pas exécutoires, en ce qu'elles ne créent ni droits ni obligations fondamentaux de façon expresse [...]. Par conséquent, la partie VII n'est pas justiciable, c'est-à-dire qu'elle ne peut faire l'objet d'un recours judiciaire en cas d'un possible manquement. »

Le rapport poursuit ainsi :

[...] le gouvernement déclare que cela ne diminue en rien son engagement à favoriser l'épanouissement des communautés.

[...] La commissaire [...] constate [...] une profonde ambivalence au sein de l'appareil fédéral concernant le respect de la partie VII de la Loi. [...] les communautés [...] réclament davantage d'un gouvernement qui n'a pourtant cessé de dire qu'il est véritablement engagé à favoriser leur épanouissement.

Selon la commissaire, il est temps d'agir :

La voie législative semble plus raisonnable que la voie judiciaire. Dans ce contexte, signalons que le Sénat, le défenseur traditionnel des minorités, avait déjà adopté un projet de loi (le projet de loi S-4) pour faire clarifier les obligations du gouvernement en la matière.

[Français]

Ces déclarations de la commissaire devraient nous faire agir. C'est pour cette raison que je propose l'adoption de ce projet de loi sans délai, pour que nous respections les obligations décrites dans le projet de loi et les intentions des gens qui avaient préparé ce projet de loi à l'époque.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lapointe, appuyée par l'honorable sénateur De Bané, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-11, Loi modifiant le Code criminel (loteries).—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai fait le tour de mon caucus et il semble que personne ne souhaite prendre la parole au sujet de cet article de l'ordre du jour. Je signale cependant que les loteries relèvent généralement des provinces. Nous nous aventurons en terrain dangereux et inconnu en nous introduisant dans leur monde. Je pense qu'il faudrait tenir des consultations avec les gouvernements provinciaux, à l'étape de l'étude en comité, à condition bien sûr que ces derniers veuillent bien venir témoigner. Je pense que c'est important.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

PROJET DE LOI SUR L'ABROGATION DES LOIS

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction.—(L'honorable sénateur Stratton).

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai fait le tour de notre caucus au sujet de ce projet de loi également. Personne ne s'y oppose ou ne souhaite prendre la parole à ce sujet.

Si nous adoptons ce projet de loi, comment allons-nous être sûrs qu'il entrera en vigueur? D'autres projets de loi ont été adoptés, et rien ne s'est passé.

L'honorable Tommy Banks : J'ai l'impression que si nous recevions le rapport d'un comité se montrant favorable à l'adoption du présent projet de loi, qui nous serait alors soumis pour que nous décidions de son sort, la seule disposition de mise en vigueur que nous pourrions adopter serait une disposition prévoyant la date et l'heure d'entrée en vigueur du projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.).

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Banks, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

(1540)

PROJET DE LOI SUR LES MOTOMARINES

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Mira Spivak propose : Que le projet de loi S-12, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai présenté au Sénat un projet de loi concernant les motomarines dans les eaux navigables à quatre occasions depuis mai 2001. Des comités sénatoriaux ont examiné ce projet de loi au cours de trois sessions parlementaires; à deux occasions, le projet de loi sur les motomarines a franchi l'étape de la troisième lecture et a été renvoyé à l'autre endroit. La dernière fois sous la forme du projet de loi S-8, cette mesure législative a fait l'objet, à la Chambre des communes, d'un débat animé à l'étape de la deuxième lecture. Les élections ont alors été déclenchées, et le projet de loi est encore une fois mort au Feuilleton — sans que j'y sois pour quoi que ce soit.

Pour rafraîchir la mémoire de tout le monde, disons que cette mesure simple et populaire vise à corriger un oubli de notre réglementation actuelle sur les restrictions à la navigation de plaisance. Le projet de loi S-12 n'interdirait pas systématiquement l'utilisation des motomarines, aussi appelées motoneiges nautiques; il n'en interdirait pas automatiquement l'utilisation partout. Il donnerait plutôt aux municipalités et aux associations de propriétaires de chalets un moyen de faire un choix et d'exercer leurs pouvoirs locaux afin de déterminer les circonstances dans lesquelles ces embarcations peuvent être utilisées en toute sécurité et celles où elles présentent un risque trop important pour la sécurité et l'environnement.

Le projet de loi jette les bases d'un processus de consultations locales qui mènerait à l'adoption d'une résolution visant à interdire certaines utilisations des motomarines, à la publication d'un proposition à ce sujet dans la Gazette du Canada, à une période de commentaires devant permettre aux intervenants autres que les intérêts locaux de s'exprimer sur la question et à l'octroi d'un pouvoir discrétionnaire permettant au ministre de refuser la demande d'une localité dans certaines circonstances. Ce processus correspond à celui qui existe déjà pour les autres embarcations de plaisance et le ski nautique. Il s'inspire d'un règlement que la Garde côtière a proposé en 1994 — jusqu'à ce que les fabricants de motomarines y fassent obstruction.

Le projet de loi actuel propose une approche raisonnable, équilibrée et transparente pour régler le problème que ces puissantes embarcations créent sur nos lacs et rivières depuis plus d'une décennie. Les Canadiens sont tout aussi impatients qu'ils l'étaient il y a trois ans et demi de voir cette mesure législative avoir force de loi. Cet été, mon bureau a reçu des appels et des courriels de nombreuses personnes qui voulaient savoir ce qu'il était advenu des projets de loi S-8, S-10 ou S-26. Ils voulaient savoir quand le Parlement serait saisi du projet de loi à nouveau et, avant tout, quand ils pourraient l'utiliser pour protéger leurs lacs.

En tout, quelque 80 organisations appuient ce projet de loi. Des centaines de personnes ont écrit à leur député pour demander son adoption. Plus de 3 400 personnes ont signé des pétitions pour inciter le Sénat à approuver le projet de loi. Rien n'a changé sur ce plan; l'appui que reçoit le projet de loi ne cesse de croître. Par ailleurs, l'appui dont bénéficie le projet de loi pour des motifs de sécurité et de protection environnementale ne cesse de croître.

Le printemps dernier, nous avons pu communiquer l'évaluation d'experts de la Société de sauvetage qui déclaraient que les motomarines étaient plus dangereuses que les autres bateaux. Malheureusement, cet automne, le bilan s'est alourdi. Au cours de l'été, les journaux ont rapporté la mort d'un homme de St. Catharines âgé de 32 ans trouvé inconscient près de sa motomarine; la mort d'une fillette de quatre ans qui prenait place avec sa grand-mère et sa tante à bord d'un pédalo sur le lac Vert au Québec lorsqu'elles ont été frappées par une motomarine; la mort d'un couple de l'Alberta dont le matelas pneumatique a été renversé après le passage d'une motomarine — leur fille de cinq ans a été sauvée, mais elle est orpheline. Combien d'autres morts tragiques faudra-t-il avant que les gens puissent disposer de ce projet de loi pour appliquer leurs connaissances des eaux locales et désigner où il est sécuritaire d'utiliser ces petites embarcations rapides et parfois dangereuses?

Sur le plan environnemental, nous disposons également de rapports pleins d'espoir. Il y a cinq ans, sur le lac Tahoe, au Nevada, les autorités chargées de la planification régionale étaient tellement préoccupées par les gaz d'échappement des motomarines qu'elles ont interdit tous les moteurs à deux temps. Cet automne, les mêmes autorités ont rapporté une réduction de 80 p. 100 du niveau d'essence et de résidus d'essence dans l'eau. Dans les régions où la pollution de l'eau potable est la principale préoccupation, le projet de loi S-12 permettrait aux localités de prendre des mesures semblables. La compagnie Evinrude, une division de l'ex- Bombardier Produits Récréatifs Inc., pourrait peut-être les aider, de la même façon qu'elle a contribué à assainir l'eau du lac Tahoe.

Du côté des fabricants, il y a aussi des nouvelles. Le principal fabricant américain, Polaris, a mis fin à la production des motomarines, en prétextant un marché en déclin n'ayant que peu de chances de reprise. Une compagnie privée américaine spécialisée dans les titres boursiers, Bain Capital, la famille Bombardier et la Caisse de dépôt et placement sont maintenant propriétaires de l'ancienne division de Bombardier. Le mois dernier, il a été annoncé que les acheteurs ont reçu quelque 22 millions de dollars en commissions pour organiser le financement des 807 millions de dollars nécessaires pour la fabrication de motoneiges, de VTT et de motomarines.

La pire nouvelle de toutes, du point de vue d'un propriétaire de chalet, c'est qu'un modèle extrême de motomarine sera mis sur le marché plus tard ce mois-ci et qu'il sera en production au début de l'année prochaine : une planche de surf propulsée par un moteur à jet.

Il y a 15 ans, des représentants de nombreux ministères ont reconnu que le système de réglementation de navigation au Canada n'avait pas évolué de manière à tenir compte de la motomarine, qui était alors nouvelle. Ils se sont rendu compte que, sans réglementation, on permettait aux quelque 50 000 propriétaires de motomarines d'avoir préséance sur la sécurité, l'environnement et le plaisir de millions de Canadiens qui pratiquent la nage, le canot, la pêche sportive, le tourisme ou qui sont propriétaires de chalet.

Depuis plus de cinq ans, je tente, par la voie de ce projet de loi, d'équilibrer les choses, c'est-à-dire d'offrir aux utilisateurs de motomarines les endroits les plus sûrs pour pratiquer leur sport là où ils sont autorisés à le faire et à procurer un peu de tranquillité à des millions d'autres. J'espère que les honorables sénateurs jugeront bon d'étudier et d'adopter avec diligence ce projet de loi afin qu'il puisse cette fois faire l'objet d'un vote à l'autre endroit.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, au nom du sénateur Hervieux-Payette, le débat est ajourné.)

(1550)

EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

ADOPTION DU PREMIER RAPPORT DU COMITÉ MIXTE

Le Sénat passe à l'étude du premier rapport du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation (ordre de renvoi et dépenses conformément à l'article 104 du Règlement), présenté au Sénat le 21 octobre 2004.—(L'honorable sénateur Bryden).

L'honorable John G. Bryden propose : Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'ÉTUDE DE QUESTIONS RELATIVES AUX ALLOCATIONS DE QUOTAS ET AUX RETOMBÉES ÉCONOMIQUES POUR LES PÊCHEURS DU NUNAVUT ET DU NUNAVIK

LE RAPPORT DU COMITÉ DES PÊCHES ET DES OCÉANS—ADOPTION DE LA MOTION VISANT À DEMANDER UNE RÉPONSE AU GOUVERNEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau, conformément à l'avis donné le 20 octobre 2004, propose :

Que, en application du paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement de fournir une réponse complète et détaillée au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé Les pêches au Nunavut : Allocations de quota et retombées économiques, déposé au Sénat le 1er avril 2004 et adopté le 13 mai 2004, au cours de la troisième session de la trente- septième législature, et de confier cette tâche au ministre des Pêches et des Océans.

— Il me semble évident que la motion est explicite. Ce rapport demande au gouvernement de fournir une réponse.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

[Français]

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE PERMETTRE LA DIFFUSION DE SES DÉLIBÉRATIONS PUBLIQUES

L'honorable Lise Bacon, conformément à l'avis du 21 octobre 2004, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électroniques, de manière à déranger le moins possible ses travaux.

(La motion est adoptée.)

AUTORISATION AU COMITÉ D'ENGAGER DU PERSONNEL

L'honorable Lise Bacon, conformément à l'avis du 21 octobre 2004, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour examiner les projets de loi, la teneur de projets de loi et les prévisions budgétaires qui lui ont été renvoyés.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain)

ANNEXE

Discours

de

Son Excellence Vicente Fox Quesada,

président des États-Unis du Mexique,

adressé aux

deux Chambres du Parlement

à la

Chambre des communes, à Ottawa

le

lundi 25 octobre 2004

 

Son Excellence et madame Vicente Fox Quesada ont été accueillis par le très honorable Paul Martin, premier ministre du Canada, par l'honorable Daniel Hays, Président du Senat, et par l'honorable Peter Milliken, Président de la Chambre des communes.

[Traduction]

L'hon. Peter Milliken (Président de la Chambre des communes): Monsieur le Président Fox, Señora Sahagún de Fox, Monsieur le premier ministre, Madame Martin, Monsieur le Président, Madame Hays, mesdames et messieurs, ladies and gentlemen, señores y señoras, c'est avec grand plaisir que je vous souhaite à tous la bienvenue à la Chambre des communes, même si je sais que certains d'entre vous connaissent bien l'endroit.

Sans autre formalité, je demanderais au premier ministre du Canada, l'honorable Paul Martin de dire quelques mots.

Monsieur le premier ministre.

Le très hon. Paul Martin (premier ministre, Lib.): M. le Président du Sénat, M. le Président de la Chambre, mesdames et messieurs. C'est un grand privilège pour moi d'accueillir au Parlement le président du Mexique, M. Vicente Fox et Madame Marta de Fox.

Je tiens tout d'abord à féliciter le gouvernement du président Fox, qui a donné suite à son engagement en faveur de la démocratie, de la prospérité, et de la construction des solides relations qui existent dans toute l'Amérique du Nord.

Sous la direction du président Fox, le Mexique fait de grands progrès dans le cadre du processus fondamental visant à promouvoir des réformes politiques et économiques, à assurer un gouvernement ouvert, responsable et transparent, et à améliorer la confiance du peuple mexicain à l'égard de ses institutions.

Plus que jamais, le Mexique constitue un modèle de développement pacifique et démocratique.

[Français]

En effet, l'héritage le plus important du président Fox comprendra peut-être des fondements démocratiques solides, des élections libres et justes, une croissance macro-économique et la stabilité ainsi qu'une confiance accrue dans le gouvernement et les institutions publiques.

Collègues, nous accueillons au Canada le président Fox et sa délégation de ministres, de parlementaires et de chefs d'entreprises à un moment propice dans notre relation bilatérale. Cette année, nous soulignons conjointement plusieurs anniversaires significatifs.

Premièrement, soixante ans se sont écoulés depuis l'établissement de relations diplomatiques entre nos deux pays. C'est en janvier 1944 que le premier ministre Mackenzie King et le président Manuel Avila Camacho ont noué des liens officiels et échangé des ambassadeurs.

[Traduction]

C'était une époque où le ciel de nos deux pays était assombri par la guerre. Nos gouvernements et nos populations étaient préoccupés par les hostilités en Europe. C'était également une époque où le Mexique connaissait une période de changement et de transition en profondeur. Malgré ces circonstances, les dirigeants de nos deux pays ont eu la prévoyance et la sagesse de valoriser la collaboration entre voisins d'Amérique du Nord.

[Français]

Deuxièmement, nous célébrons la réussite, après 10 ans, de l'Accord de libre-échange nord-américain conclu avec nos partenaires du Mexique et des États-Unis. Grâce à l'ALENA, les trois pays de l'Amérique du Nord ont bénéficié de la création de nouveaux emplois et d'une prospérité accrue.

Au cours des 10 dernières années, toujours grâce à l'ALENA, la valeur de nos relations commerciales avec le Mexique a triplé, pour s'établir à près de 15 milliards de dollars annuellement. Aujourd'hui, en effet, le Mexique exporte autant de biens au Canada que vers l'ensemble de l'Union européenne et du Japon. Nous sommes aujourd'hui le deuxième marché d'exportation du Mexique, tandis que le Mexique est notre sixième marché extérieur.

Troisièmement, nous marquons le 30e anniversaire de la réussite du Programme des travailleurs agricoles saisonniers mis sur pied en collaboration avec le Mexique, un programme qui fournit aux travailleurs mexicains des possibilités d'emplois saisonniers au Canada, tout en répondant à nos besoins en main-d'oeuvre.

[Traduction]

L'an prochain, nous allons commémorer une autre étape importante, à savoir le centième anniversaire du Service des délégués commerciaux du Canada à Mexico.

Le président Fox et sa délégation nous visitent aujourd'hui à titre de véritables amis, de bons voisins et de partenaires stratégiques du Canada. Alors que les trois gouvernements du continent envisagent l'avenir, nous définissons les enjeux et les solutions qui permettront de prendre appui sur la prospérité nord-américaine pour l'accroître encore davantage et porter vers de nouveaux sommets la compétitivité et la réussite de notre région dans l'économie mondiale.

Notre gouvernement espère également que la réussite du Canada, du Mexique et des États-Unis dans le cadre de l'ALENA servira de base à l'établissement d'une zone commerciale plus vaste à l'échelle de l'hémisphère, source d'une plus grande prospérité et d'un rapprochement entre tous les peuples des Amériques.

Le Canada et le Mexique annoncent aujourd'hui une nouvelle initiative visant à approfondir aussi bien qu'à élargir notre coopération bilatérale, déjà très remarquable. Le nouveau partenariat Canada-Mexique ne sera pas uniquement fondé sur nos rapports de gouvernement à gouvernement mais, ce qui importe encore davantage, il fera appel à la participation engagée des milieux d'affaires et universitaires ainsi que des architectes de la politique sociale de nos deux pays pour accroître notre prospérité commune.

[Français]

Collègues, notre relation avec le Mexique ne peut être jugée uniquement d'après son succès commercial. Elle renferme aujourd'hui des rapports et des actions conjointes dans des secteurs tout à fait nouveaux. Le Canada a été au premier rang de ceux qui appuyaient les réformes entreprises au Mexique par le président Fox. Il a en effet travaillé avec le Mexique à la mise en oeuvre des six points du programme de réforme du gouvernement mexicain.

Dans un domaine comme la gouvernance, par exemple, les deux pays ont partagé leur expertise et leurs meilleures pratiques de planification budgétaire, d'amélioration de la fonction publique, d'accès à l'information, de protection des renseignements personnels et de fédéralisme.

[Traduction]

Monsieur le président Fox, je viens de remarquer que j'ai parlé du fait que nous échangeons de l'information sur les meilleurs moyens d'élaborer des prévisions financières. Je ferai simplement remarquer au président Fox que lui et moi avons une grande confiance dans le travail qu'effectue le ministre Goodale à cet égard, mais je ne suis pas convaincu que tout le monde dans cette enceinte partage cette opinion.

Dans des secteurs tels que la coopération électorale, Élections Canada et l'institution électorale du Mexique échangent de l'information depuis bon nombre d'années. Il est très impressionnant aujourd'hui de constater que d'autres pays envoient des observateurs des élections au Mexique pour apprendre comment tenir des élections transparentes, libres et efficaces.

Nous devrions tous être fiers du fait que divers aspects de la loi adoptée récemment par le Mexique en matière d'accès à l'information s'inspirent de l'expérience canadienne passée et du dialogue avec le Canada, et de l'échange d'information que nous sommes sur le point d'amorcer avec le Mexique au chapitre des lois relatives à la protection des renseignements personnels.

Je souligne également le potentiel de renforcer la coopération dans des secteurs tels que les affaires autochtones qui constituent une importante priorité pour nos gouvernements respectifs et un sujet sur lequel nous avons beaucoup à mettre en commun.

[Français]

À l'échelle internationale, notre gouvernement est heureux de constater que nos deux pays ont commencé à collaborer étroitement à la résolution des défis mondiaux, comme le programme international des droits de la personne et la promotion de la saine gestion publique, notamment dans un contexte multilatéral, la question de la surpêche dans un contexte global, et la création d'un organisme comme le G-20 à l'échelle des chefs d'État.

Nous applaudissons le Mexique pour le rôle de leader qu'il a adopté vis-à-vis d'enjeux complexes, telle la réforme de l'ONU. À cet égard, le Canada a travaillé avec le Mexique pour explorer de quelle façon la communauté internationale peut changer les institutions onusiennes et ainsi les rendre plus efficaces et plus représentatives.

En fait, dans nombre de domaines, nos perspectives et nos priorités internationales se ressemblent de plus en plus. Comme le Canada, le Mexique reconnaît que certains enjeux, par exemple la dégradation mondiale de l'environnement, la pauvreté et la menace terroriste doivent être traitées par la communauté internationale comme les incubateurs d'une grande partie de l'instabilité, des conflits et de la faim auxquels le monde fait face aujourd'hui.

Dans leurs relations avec les États-Unis, nos deux pays cherchent aussi à augmenter la coopération trilatérale de la frontière afin de renforcer la sécurité de nos peuples, tout en veillant à la bonne circulation des biens, qui est si vitale pour l'économie nord- américaine.

[Traduction]

Chers collègues parlementaires, je m'en voudrais de ne pas parler brièvement du remarquable renforcement des liens qui unissent nos deux pays. Qui aurait pu imaginer, il y a seulement quelques années, qu'un visiteur sur vingt au Mexique viendrait du Canada? De plus en plus, les Canadiens visitent le Mexique, pas seulement pour ses plages en hiver, mais encore pour ses villes et ses lieux historiques, afin d'en apprendre plus au sujet de son expérience, de son histoire palpitante, de sa culture et de sa langue.

Qui aurait pu croire que près de 200 000 Mexicains visiteraient maintenant le Canada tous les ans pour profiter de sa beauté naturelle et de ses villes multiculturelles trépidantes, que le Mexique deviendrait l'une des principales sources d'étudiants étrangers au Canada et que nous serions témoins d'une impressionnante augmentation des programmes d'études canadiennes au Mexique, aux termes de plus de 400 ententes bilatérales signées par nos deux pays?

Aujourd'hui, le président Fox et moi avons assisté à la signature d'un certain nombre d'ententes semblables, lesquelles se traduiront par une collaboration et des échanges accrus.

[Français]

Qui aurait pu s'imaginer qu'avec le déplacement vers le Canada de gens du Mexique et d'autres pays de notre hémisphère, l'espagnol prendrait une place de plus en plus importante dans le portrait linguistique du Canada et que dans certaines provinces comme le Québec, l'espagnol serait déjà la troisième langue parlée.

Nous sommes aussi très heureux de constater la présence croissante au Canada d'artistes mexicains en arts visuels et en arts de la scène, ainsi que la demande croissante de culture canadienne au Mexique.

Hier soir, nous avons été nombreux à assister avec ravissement à la magnifique représentation du ballet Folklórico d'Amalia Hernández. Parallèlement, la compagnie de ballet de Marie Chouinard, de Montréal, et la troupe du Boca del Lupo Theater, de Vancouver, ont représenté le Canada au festival culturel mexicain Cervantino, qui est connu dans le monde entier et qui se tient dans l'État où est né le président Fox.

[Traduction]

En ma qualité de parlementaire, je voudrais souligner l'importance de notre dialogue et de nos échanges parlementaires avec nos collègues du Congrès mexicain, dont certains font aujourd'hui partie de la délégation du président Fox. Le Canada est favorable à un élargissement du dialogue interparlementaire.

Je crois savoir que, dans quelques mois, le Mexique accueillera une délégation du Canada. Nous ne manquerons pas d'assister à la 13e assemblée interparlementaire Canada-Mexique. Je ne doute pas, monsieur le président Fox, que les représentants canadiens proposeront Cancun comme lieu de l'assemblée, peut-être au mois de janvier prochain.

Chers collègues parlementaires, j'ai l'honneur de vous présenter le président du Mexique, M. Vicente Fox.

S. E. M. Vicente Fox Quesada (président des États-Unis du Mexique): [Le président Fox s'exprime en espagnol et la traduction se lit ainsi:]

[Traduction]

Je vous remercie. Votre message de bienvenue est révélateur de l'amitié et de l'association intenses et vigoureuses existant entre votre pays et le Mexique. Je vous remercie chaleureusement au nom du peuple mexicain.

Très honorable Monsieur Paul Martin, premier ministre du Canada, Madame Beverley McLachlin, juge en chef de la Cour suprême du Canada, Monsieur Dan Hays, Président du Sénat, Monsieur Peter Milliken, Président de la Chambre des Communes, Mesdames et Messieurs les membres de cet honorable Parlement, je tiens à remercier cet honorable Parlement pour l'honneur qu'il me fait en me recevant aujourd'hui.

Je tiens ici, dans la Chambre du Canada, à souligner que cette visite témoigne des excellentes relations de coopération et de collaboration qu'entretiennent les gouvernements du Canada et du Mexique ainsi que du désir partagé de resserrer encore ces relations et, plus particulièrement, de l'affection et de la profonde amitié qui unissent nos pays.

Cette amitié a présidé à six décennies de relations diplomatiques harmonieuses, mûres et mutuellement bénéfiques. Elle explique le fonctionnement exemplaire, depuis trente années, de notre programme d'ouvriers agricoles ainsi que le succès du partenariat économique amorcé en 1994, dans le cadre de l'Accord de libre- échange nord-américain. L'indissoluble amitié entre le Mexique et le Canada est le pilier de l'alliance que nous avons forgée, sur lequel les deux pays construisent leur prospérité commune actuelle et à venir.

Je tiens à saisir l'occasion que vous m'offrez aujourd'hui pour traiter de trois questions qui me semblent tout particulièrement intéressantes J'aborderai d'abord les profonds changements que vit le Mexique, je parlerai ensuite de l'empreinte de ces changements sur la politique extérieure mexicaine et enfin, de la manière dont tout cela a renforcé l'amitié et les liens entre nos pays.

Quel est le changement qui caractérise le Mexique d'aujourd'hui? Son entrée dans une véritable démocratie, un régime dans lequel la voix du peuple s'exprime dans les urnes et est respectée, un régime de libertés civiles et de respect des droits de la personne, un régime dans lequel le respect des lois est la norme de notre coexistence.

Les Mexicains et les Mexicaines ont ouvert la porte à la démocratie, aux libertés des citoyens, au respect des décisions prises par la majorité, au respect des droits des minorités et à l'État de droit. Ce sont là les principaux traits de la démocratie mexicaine.

Aujourd'hui, mon gouvernement reconnaît, valorise et respecte la richesse du pluralisme politique de la nation, que l'on retrouve dans la composition de notre Congrès et dans les autorités locales appartenant à différents partis politiques. Fait sans précédent dans notre histoire politique, le pouvoir de l'exécutif se limite à ce qu'indique notre Constitution, dans le respect des attributions des autres pouvoirs fédéraux, de façon à permettre que s'exerce et fonctionne pleinement le système de l'équilibre des poids et contrepoids.

Le dialogue franc avec les différentes forces politiques représentées au Congrès en est la preuve. Il donne lieu à un débat intense, pas toujours aisé, mais toujours démocratique et fécond. C'est cela, la démocratie; c'est ainsi que l'on vit, avec intensité, dans un effort politique soutenu, avec une passion créatrice et dans l'enthousiasme, la nouvelle ère démocratique mexicaine.

Les parlements font que la diversité qui les caractérise permette de faire mûrir des engagements mutuels, que le débat s'installe entre les différents points de vue, que chacun explore et découvre des terrains d'entente, pour créer un tout à la recherche du bien commun. Loin de craindre le débat politique, mon gouvernement l'a encouragé et guidé dans le plein respect des travaux du Congrès, organe démocratique par excellence.

Nous sommes loin de l'époque où l'ordre reçu ou la crainte faisait que l'on se rangeait à la volonté présidentielle. La démocratie nous a éloignés d'un temps où l'appartenance au gouvernement était gage d'impunité. Aujourd'hui, être au gouvernement est synonyme de travail, d'engagement et de respect du citoyen et de la loi.

À l'initiative de mon administration, le Congrès a adopté de nouvelles lois importantes qui viennent consolider et enraciner le changement démocratique et l'État de droit dans lequel vivent les Mexicains. Les lois sur la transparence et la fonction publique, par exemple, visent à garantir que les fonctionnaires se conduisent selon un code de déontologie qui préconise l'honnêteté, la transparence et le bien commun.

Ces lois, comme bien d'autres qui ont été adoptées ces dernières années, favorisent la participation de la société dans son ensemble. La démocratie mexicaine est aussi à l'origine de la participation active des citoyens dans tous les domaines d'intérêt public.

La démocratie nous a permis de prendre des initiatives en vue de garantir la modernisation non seulement des structures politiques du Mexique, mais aussi de ses institutions économiques, financières et sociales. Après avoir réformé les structures politiques, nous nous sommes lancés avec la même détermination dans les réformes financières, nous avons cherché à faire des réformes économiques et avons apporté de profonds changements et modernisé d'importantes institutions sociales.

Il s'agit bien d'une véritable réforme de l'État que nous avons menée peu à peu et que nous nous devrons de consolider dans ce même cadre démocratique.

C'est grâce à cette réforme ainsi qu'au grand sens des responsabilités du gouvernement fédéral que le Mexique a atteint une stabilité économique qu'il n'avait pas connue depuis des décennies, avec des taux d'inflation et d'intérêt plus faibles que jamais et des niveaux croissants d'investissement.

En neuf ans, la taille de l'économie mexicaine a doublé. En neuf ans, l'économie mexicaine est devenue la plus importante de l'Amérique latine. Pendant la même période, le revenu par habitant a doublé et le nombre de familles qui vivent dans une pauvreté extrême a diminué de plus de 30 p. 100, et la répartition du revenu s'est améliorée.

Dans le domaine social, notre démocratie nous a permis de nous attaquer de front aux conditions difficiles auxquelles se heurtent un grand nombre de nos frères et soeurs, par exemple au sein des peuples autochtones. Nous avons aujourd'hui des lois contre la discrimination et surtout des règles qui protègent les droits des peuples autochtones et d'autres groupes minoritaires ou socialement vulnérables.

Nous appliquons également une nouvelle stratégie sociale qui vise, au moyen d'investissements en éducation, en santé, dans les infrastructures et dans le logement, à donner à chacun de nos concitoyens la possibilité de développer ses dons et ses capacités.

Par un effort sans précédent, nous nous assurons qu'aucun étudiant mexicain n'abandonne ses études. Nous créons les conditions pour que les familles exercent leur droit à un logement digne et nous élaborons des programmes visant à garantir, pour tous, le droit à la santé.

La démocratie nous permet aujourd'hui d'oeuvrer avec succès pour un développement fondé sur une croissance économique soutenue et durable, un développement humain qui offre un meilleur niveau de vie pour tous les Mexicains, de l'enfance à l'âge adulte. Notre objectif est de donner à chacun les outils nécessaires à l'épanouissement et au bonheur.

Telle est la démocratie que les Mexicains construisent ensemble: une démocratie intégrale totale dans le domaine politique et une démocratie en développement pour ce qui est du domaine économique et social. La démocratie est un processus qui ne connaît pas d'interruption; c'est un travail continu qui débute par l'exercice et la jouissance des droits politiques et civils du citoyen et qui se doit de garantir aussi la jouissance des droits économiques et sociaux. Y parvenir exige un travail constant et décidé, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les progrès sont évidents mais nombreux sont encore les défis à relever.

C'est ce qui m'amène au thème de la politique extérieure de la démocratie mexicaine. Le Mexique n'est pas seulement une des économies les plus ouvertes du monde, ayant des accords de libre- échange avec 42 pays, c'est aussi une nation qui, comme le Canada, s'exprime sur les questions essentielles à l'ordre du jour international, comme la défense des droits de la personne, le respect du droit international, le bien-fondé du multilatéralisme, la promotion de la coopération en vue du développement, de la paix et de la sécurité sur la scène internationale.

Les Mexicains croient à l'importance du dialogue et du débat, et à l'établissement d'ententes à l'échelle nationale; de même, ils croient à l'importance du dialogue et du débat démocratiques à l'échelle internationale, afin que les pays s'entendent pour résoudre, ensemble, les graves problèmes internationaux qui nous touchent tous.

En ce qui concerne les droits de la personne, le Mexique a élaboré des programmes de coopération avec le haut-commissaire des Nations Unies chargé de la question, et appuie les initiatives visant à garantir le respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, ainsi que le respect des droits fondamentaux des peuples autochtones, des travailleurs migrants et des personnes handicapées. Il a défendu la cause des Mexicains vivant à l'étranger devant les plus influentes tribunes internationales. Nous croyons au droit et à la justice, et le droit et la justice nous ont donné raison.

Le Mexique préconise le développement durable et soutenu partagé par tous les peuples, comme nous l'avons indiqué à la conférence de Monterrey sur le financement du développement. Dans un monde globalisé, le développement ne peut se faire en autarcie. Il est essentiel d'entretenir un environnement international favorable aux efforts réalisés par chaque pays en vue de progresser. Nous devons nous élever contre la tendance internationale à diminuer l'aide publique au développement.

Comme le Canada, nous sommes convaincus que le multilatéralisme est le meilleur moyen de tirer parti du potentiel que le monde d'aujourd'hui a à offrir et de relever les défis qu'il nous lance.

L'élimination de la pauvreté, la lutte contre les grandes épidémies, la lutte contre le terrorisme international, la détérioration de l'environnement et la prolifération des armes de destruction massive, entre autres, font partie des plus importants défis que nous ayons à relever.

Toutes les nations doivent aujourd'hui s'attacher à réfléchir, plus que jamais à la façon de résoudre, ensemble, les problèmes qui les affligent. C'est pourquoi nous nous sommes prononcés en faveur d'une réforme intégrale des Nations Unies, afin que l'Organisation soit en mesure d'atteindre les objectifs élevés que nous lui avons fixés.

Avec quatorze autres pays, le Mexique a amorcé une réflexion approfondie sur la manière de parvenir à cette réforme intégrale de l'ONU, avec l'aide de tous les États membres. Nous remercions le Canada pour sa participation à ce Groupe d'amis autour de la réforme de l'ONU. Nous sommes convaincus que nos points de vue coïncident et que nos efforts conjoints en vue de la construction d'un monde de paix, de sécurité et de développement nous permettront de parvenir à des conclusions utiles pour donner aux Nations Unies un nouvel élan.

Le Mexique reconnaît l'engagement inébranlable du Canada dans ces dossiers cruciaux, et dans d'autres dossiers qui sont à l'ordre du jour sur la scène internationale. Il se félicite de la similitude des points de vue et des positions de nos deux nations. C'est sur cette base que nous continuerons à encourager les efforts conjoints dans la sphère multilatérale, convaincus que l'union donnera force et prestige à notre tâche.

Tout au long de six décennies de relations harmonieuses, les gouvernements mexicain et canadien ont su, grâce à l'amitié qui unit leurs peuples, non seulement partager largement leurs positions sur les thèmes multilatéraux, mais aussi et surtout se retrouver dans les domaines bilatéral et régional. Au cours des dix dernières années, nos liens se sont progressivement resserrés en matière politique, économique et sociale.

L'entrée du Mexique dans la démocratie n'a fait que renforcer et intensifier considérablement cette tendance. Ceci est dû au fait que nous sommes deux démocraties dont les préoccupations fondamentales coïncident, à l'échelon tant national qu'international.

À l'heure actuelle, la consolidation de la démocratie, le fédéralisme et le bon gouvernement, la protection des droits de la personne, la conservation de l'environnement, la sécurité régionale, le développement de la culture et la promotion des liens éducatifs et technologiques sont des domaines de coopération et d'intérêt partagé.

En matière économique, les échanges commerciaux se sont accrus de plus de 150 p. 100 au cours des dix dernières années. Le Mexique est devenu le principal partenaire commercial du Canada en Amérique latine. Les possibilités de multiplier et de développer les échanges sont encore nombreuses, et nous devons en tirer parti.

La croissance des investissements, l'élargissement de la coopération ainsi que le renforcement des échanges culturels et sociaux entre nos deux pays, au cours de ces dernières années, nous poussent à explorer de nouveaux espaces en vue d'approfondir nos relations.

Nous devons renforcer la complémentarité de nos économies et en faire une plus grande force de la région que nous partageons et, surtout, en tirer de plus grands avantages pour nos peuples.

Au moyen de nouveaux modes de coopération et d'intégration, nous devons veiller à ce que l'amitié canado-mexicaine se transforme en puissant moteur de l'économie nord-américaine et à ce que les retombées de cette croissance touchent tous les secteurs de nos populations. De nos jours, le seul développement possible est un développement partagé.

Nous devons également renforcer les échanges et liens croissants entre divers secteurs sociaux des deux pays: étudiants et enseignants, gens d'affaires et investisseurs, travailleurs et touristes, parmi beaucoup d'autres.

La réalité actuelle du Mexique fait du Congrès un intervenant de plus en plus actif dans la politique étrangère de notre pays. Je formule donc sincèrement le voeu que l'interaction de nos parlements s'accroisse.

Aujourd'hui, nous avons fait un pas historique dans nos relations bilatérales avec la création de l'Alliance Mexique-Canada. Cette alliance vise à établir une structure de coopération bilatérale avec la participation des gouvernements et des secteurs privés, dans le but de promouvoir l'investissement, le commerce, le développement et la prospérité de nos pays.

Comme vous le savez, à l'occasion de ma dernière visite officielle, j'ai fait ressortir, en guise d'engagement personnel, la nécessité d'analyser l'avenir de l'Amérique du Nord comme région de coopération et d'intégration. Mon administration a suivi attentivement l'évolution de cette question au cours de ces trois dernières années.

En particulier, nous saluons les efforts faits par les Comités des affaires étrangères à la fois à la Chambre des communes et du Sénat, qui font ressortir la nécessité d'inclure le Mexique dans les discussions portant sur le renforcement des relations interrégionales en Amérique du Nord.

Nos pays ont des objectifs communs. Nous voulons renforcer la sécurité dans notre région, garantir la libre circulation des personnes et des biens, et obtenir accès à de nouveaux niveaux de développement, plus élevés, dans l'intérêt de nos populations.

Mesdames et messieurs les membres de cet honorable Parlement, je suis convaincu que le moment est venu de réfléchir à la meilleure manière de construire une nouvelle communauté de l'Amérique du Nord. Je suis également convaincu que le Canada et le Mexique ont beaucoup à apporter à l'élaboration et au fonctionnement de ce projet de coopération et d'intégration régionale, ainsi qu'à la nouvelle architecture qu'exige un monde de paix et de prospérité, et aussi beaucoup à apporter à la réorganisation des Nations Unies.

Lester Pearson, un éminent Canadien et prix Nobel de la paix, disait, il y a des années, et je cite:

Nous abordons une ère dans laquelle différentes civilisations vont devoir apprendre à vivre côte à côte dans la paix, en apprenant les unes des autres, en découvrant l'histoire et les idéaux, l'art et la culture de chacune d'entre elles, enrichissant ainsi les expériences vécues par tous.

Ces paroles, d'une grande sagesse, conservent aujourd'hui la même valeur. Je suis convaincu qu'avec votre aide précieuse, mesdames et messieurs les parlementaires, les peuples du Canada et du Mexique seront en mesure de forger, dans notre région et dans le monde, un avenir de liberté, de paix, de prospérité et de justice.

Je vous remercie.

[Traduction]

L'hon. Daniel Hays (président du Sénat, Lib.): Monsieur le Président, Excelentísimo Señor Presidente, Monsieur le premier ministre, honorables collègues, distinguidos invitados, dear friends, au nom de tous les parlementaires et des personnes ici rassemblées, c'est pour moi un très grand honneur, Monsieur le Président, de vous remercier d'avoir pris la parole, au cours de cette séance conjointe, avec autant de passion et d'éloquence et de nous avoir rappelé en des termes aussi convaincants que notre amitié est solidement ancrée sur des valeurs et des aspirations communes et sur des partenariats stratégiques.

[Monsieur le Président Hays s'exprime en espagnol et la traduction se lit ainsi:]

[Traduction]

Votre présence parmi nous n'est pas le fruit du hasard, puisqu'elle coïncide avec le soixantième anniversaire de relations diplomatiques ininterrompues entre nos deux pays. Cet anniversaire donne encore plus d'éclat à votre visite et met en évidence l'importance de vos paroles.

[Français]

En célébrant le 60e anniversaire de nos liens diplomatiques et le 10e anniversaire de l'Accord de libre-échange nord-américain, nous avons également l'occasion de souligner les valeurs qui nous unissent et de rappeler les engagements que nous partageons.

Nulle part n'exprime-t-on mieux ces valeurs et ces engagements que dans le nouveau programme des relations bilatérales adopté par nos pays en 2001, un programme qui nous engage à promouvoir la démocratie, renforcer la société civile, protéger l'environnement, défendre les droits de la personne et instaurer la paix et la prospérité à l'échelle mondiale.

[Traduction]

L'allocution que vous avez prononcée ici aujourd'hui, Monsieur le Président, l'objet de votre mission et l'histoire de nos relations nous rappellent les paroles suivantes d'Octavio Paz: « Toutes nos entreprises, tous nos actes et nos rêves sont autant de ponts jetés pour éliminer ce qui nous sépare, nous unir au monde et à nos semblables. »

Nous vous saluons et vous remercions pour les efforts que vous déployez, au-delà des frontières et à la grandeur de ce continent, pour jeter les bases et les ponts qui nous garantiront à tous un avenir meilleur, plus prospère et plus pacifique.

[Monsieur le Président Hays s'exprime en espagnol et la traduction se lit ainsi:]

[Traduction]

Permettez-moi donc encore une fois, Monsieur le Président, de vous remercier pour avoir exprimé en des termes aussi clairs la profondeur et l'étendue de notre amitié et pour avoir rappelé toute la confiance que vous placez dans l'évolution, la diversification et la réussite de nos relations bilatérales au cours des années qui viennent.

Le Président: Président Fox, monsieur le premier ministre, monsieur le Président, mesdames et messieurs, je suis heureux d'avoir la tâche, au nom de tous les députés du Parlement, de vous remercier, Président Fox, de vous être adressé à nous aujourd'hui à la Chambre. En leur nom, je vous dis — même si mon espagnol ne se compare nullement à celui du Président Hays — estás en su casa. Au cas où ma prononciation serait incorrecte, je crois savoir que ces mots signifient « considérez-vous comme chez vous ».

Monsieur le Président, je pense que l'ampleur et le rythme de vos activités durant votre visite au Canada en disent long sur les relations entre le Mexique et notre pays. Au cours des trois jours que vous passez chez nous, vous allez rencontrer des Canadiens de toutes les secteurs de la société: des ministres, des gens d'affaires, des étudiants et des leaders au sein de la collectivité. Tous entretiennent un lien d'amitié et de coopération avec leurs voisins du Mexique.

[Français]

C'est une amitié facile à maintenir. Nos liens sont nombreux et continuent de se renforcer. Nos échanges culturels, éducatifs, commerciaux, diplomatiques, parlementaires même, ne font qu'approfondir notre partenariat.

J'ai moi-même eu le plaisir de mener une délégation de parlementaires au Mexique en 2001, pour discuter avec nos homologues des échanges entre nos deux pays, tels que les réunions interparlementaires Canada-Mexique, le Forum international des parlementaires de l'Amérique, et j'en passe.

Cette visite fut courte, mais j'ai pu apprécier la chaleur non seulement de nos hôtes mexicains, mais également de la cuisine mexicaine.

[Traduction]

En plus des nombreux liens qui nous unissent, nous devons tous deux vivre avec les conséquences de partager une frontière avec le pays le plus puissant du monde: les États-unis. La proximité de ce voisin parfois écrasant a créé un lien unique entre nos deux pays. Comme disait le regretté Pierre Trudeau, ancien premier ministre du Canada, vivre à côté des États-Unis, c'est un peu comme dormir avec un éléphant: l'animal a beau être amical et calme, le moindre mouvement nous touche. J'ai le sentiment qu'un grand nombre de gens pense la même chose au Mexique. Toutefois, avec les nombreux liens qui ne cessent de se créer en Amérique du Nord, il est primordial que nous apprenions les uns des autres les meilleures façons de relever le défi.

Les prochains jours poseront un autre genre de défi: les médias canadiens ont qualifié ce séjour d'une sorte de « fiesta », puisque nous profiterons de votre séjour parmi nous pour souligner les nombreux anniversaires que nos deux pays partagent. Le rythme sera sûrement endiablé et les événements, nombreux! J'espère, toutefois, que vous apprécierez votre court séjour chez nous et que vous reviendrez peut-être pour une visite un peu plus décontractée.

D'ici là, monsieur le Président, Gracias, y que le vaya bien.

[Applaudissements]


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