Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 36

Le mercredi 16 février 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 16 février 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

L'honorable Shirley Maheu : Honorables sénateurs, il est généralement admis qu'au Canada, l'histoire des Noirs a commencé en Nouvelle- Écosse, en 1606, avec l'arrivée du premier Noir. En fait, ce pionnier faisait partie des toutes premières tentatives de colonisation du territoire qui correspond aujourd'hui au Canada. Grâce à l'arrivée de ce pionnier, on peut dire que la collectivité noire est un des éléments fondateurs de notre pays dans l'acception la plus large du terme « nation fondatrice ».

La plupart des Canadiens ne savent pas que les premiers Noirs étaient, généralement parlant, des esclaves. L'histoire du Québec en est un exemple particulièrement évident. Dans les premières années de la Nouvelle-France, les Noirs n'étaient pas soumis à l'esclavage, parce que cette condition avait été abolie en France. Cependant, Jean Talon, le premier intendant de la Nouvelle-France, a persuadé Louis XIV d'autoriser l'esclavage parce qu'on croyait, à l'époque, que la prospérité économique de la Nouvelle-Angleterre était en partie attribuable à la pratique de l'esclavage dans treize colonies. Par conséquent, si la prospérité devait régner en Nouvelle-France, ce serait grâce à l'esclavage des Noirs. Ainsi, en 1709, l'esclavage est devenu parfaitement légal en Nouvelle-France. Ce n'est pas une belle histoire.

En Nouvelle-France, après 1709, presque tous les citoyens respectables, y compris le gouverneur et les évêques, avaient des esclaves noirs. En fait, le premier gouverneur britannique, James Murray, a demandé aux esclavagistes de New York, en 1763, une cargaison d'esclaves. Ainsi, il précise dans sa demande que, « comme les Canadiens ne travaillent pour personne d'autre que pour eux-mêmes, les esclaves noirs sont les seules personnes sur qui on peut compter ».

Nous célébrons maintenant le Mois de l'histoire des Noirs. C'est une excellente occasion pour nous interroger sur le silence presque total de nos principaux manuels d'histoire en ce qui concerne une pratique pourtant fort répandue en Nouvelle-France et en Amérique du Nord britannique. Ce mois nous donne également une excellente occasion de nous rappeler qu'il est inapproprié de la part des Canadiens d'adopter une attitude suffisante à l'égard de l'esclavage aux États-Unis, comme si cette pratique n'avait pas existé ou n'avait pas été très courante dans notre propre société.

Il y a à peine 200 ans, les annonces dans les journaux montréalais étaient très courantes non seulement pour la vente et l'achat d'esclaves noirs, mais également pour offrir des récompenses à ceux qui permettraient de récupérer des esclaves qui avaient échappé à leurs maîtres.

Aujourd'hui, la communauté noire de Montréal est florissante. Elle compte de nombreux descendants des premiers esclaves et des néo- Canadiens venant de l'Afrique occidentale française, des pays du Commonwealth, des Caraïbes et en particulier de Haïti. Elle représente donc en elle-même une contribution interculturelle au Québec et au Canada en plus d'apporter une contribution vraiment dynamique à notre société dans son ensemble.

Au premier coup d'oeil, la musique, les restaurants et un éventail d'activités culturelles sont visibles, mais les racines de la communauté noire sont profondes et les résultats aujourd'hui de cette présence à long terme dans notre société reflètent une contribution importante au monde universitaire, au monde des affaires et dans le domaine des professions.

Je me joins à mes collègues qui ont déjà parlé du Mois de l'histoire des Noirs pour saluer la contribution de nos concitoyens d'origine africaine.

L'honorable Pana Merchant : Honorables sénateurs, le Mois de l'histoire des Noirs honore les contributions de Canadiens d'origine africaine à l'amélioration et au bien-être de notre pays. Nous saluons le nombre croissant de modèles de comportement remarquables dans la communauté noire du Canada. Je pense à des modèles dans notre vie publique comme Stephen Blizzard, l'ancien président de la Société canadienne de médecine aérospatiale; le Dr Felix Durity, pionnier en neurochirurgie au laser; Oscar Peterson, compositeur et pianiste; Austin Clarke, journaliste et communicateur; Daniel G. Hill père, ancien président de la Commission ontarienne des droits de la personne; l'honorable Rosemary Brown, législatrice légendaire de la Colombie-Britannique; Julius A. Isaac, juge en chef de la Cour fédérale et Howard McCurdy, militant social et législateur ontarien, sans parler des gens d'origine africaine qui siègent à l'heure actuelle dans les deux Chambres de notre Parlement, y compris nos collègues, les sénateurs Cools et Oliver.

Cependant, la discrimination raciale contre les Noirs au Canada n'a pas disparu. Des incidents récents où les Noirs en particulier ont été victimes de profilage racial, des taux de chômage par habitant inacceptables parmi les groupes racisés et les taux de décrochage parmi les étudiants sont d'énormes défis que doivent relever les familles canadiennes d'origine noire.

La communauté noire du Canada a commencé à s'établir dans notre pays au XVIIe siècle. Pourtant, beaucoup trop de Noirs n'ont pas eu droit au traitement égal auquel ils s'attendaient à ce moment-là. Rares sont ceux qui ont réussi à réaliser leurs ambitions, à devenir aussi riches et à accéder au même statut social que les membres de la population dominante, que ce soit dans le secteur privé ou public.

(1340)

J'ai siégé au conseil d'administration de la Fondation canadienne des relations raciales au moment de sa création. Cette Fondation, qui constitue un élément important dans la lutte contre la discrimination raciale, était alors présidée par l'honorable Lincoln Alexander, un ancien lieutenant-gouverneur de l'Ontario. Elle avait été fondée suite à la conclusion de l'Entente de redressement à l'égard des Canadiens japonais. C'est une société d'État indépendante du gouvernement fédéral — comme on en trouve déjà de ce genre dans le portefeuille de Patrimoine canadien. La tâche de cette fondation est énorme. Au commencement, le gouvernement fédéral, en partenariat avec la communauté canadienne d'origine japonaise, lui a remis un fonds de dotation unique de 24 millions de dollars. Afin de s'acquitter de son mandat important et très particulier, la fondation a besoin d'un financement stable et ne devrait pas avoir à concurrencer les organismes sans but lucratif. J'espère que le gouvernement considérera favorablement l'urgent besoin de financer adéquatement la Fondation canadienne des relations raciales.

L'honorable Ione Christensen : Honorables sénateurs, en cette période de célébrations et de commémoration entourant le Mois de l'histoire des Noirs, je voudrais raconter une histoire du Yukon, celle d'une femme noire très spéciale qui s'appelait Lucille Hunter. J'ai entendu parler d'elle au fil des ans, mais je ne connaissais pas tout de son passé. Je me dois toutefois de remercier la journaliste du Yukon, Flo Whyard, et les Archives du Yukon pour m'avoir aidée à rassembler les éléments manquants sur cette femme exceptionnelle.

Lucille voit le jour dans le Grand-Sud des États-Unis en 1878 et, dès l'âge de 13 ans, elle travaille aux champs. Elle déménage ensuite au Michigan, où elle épouse Charles Hunter. Lucille a 19 ans, en 1879, lorsque des gisements d'or sont découverts au Klondike. Elle et Charles décident alors de prendre la route vers le nord, vers le pays de l'or.

Ils ont dû traverser le continent en train, puis se diriger vers la côte en bateau, jusqu'à Wrangell, dans le sud-est de l'Alaska. Plusieurs chemins mènent aux champs aurifères du Klondike, mais les Hunter ont choisi de suivre la rivière Stikine, l'un des trajets les plus difficiles. Depuis Wrangell, ils ont longé la grande rivière à travers les montagnes côtières escarpées. Comme l'hiver approchait à grands pas, les eaux étaient périlleuses. Néanmoins, la partie la plus pénible du trajet restait à venir.

Les attendent 150 milles de portage dans des sentiers terrestres quasi impraticables, qui les amèneront de la rivière aux sources du lac Teslin. Bien des chercheurs d'or habitués se plaignaient vertement de l'état du sentier mais Lucille Hunter, elle, poursuivait son chemin, malgré le fait qu'elle en était à son neuvième mois de grossesse.

Teslin, sur les berges du lac Teslin, est le premier village où ils se sont arrêtés. Pour les Autochtones, la horde de prospecteurs blancs était en soi un spectacle peu commun, mais ils n'avaient jamais vu de Noirs auparavant. Ne sachant pas trop comment appeler les Hunter parmi tous ces prospecteurs blancs, les Autochtones les ont simplement associés à une « autre sorte de Blancs ».

Lucille et Charles ne se sont établis que le temps de donner naissance à leur fille. Ils l'ont baptisée Teslin, comme le village. Plus tard, Lucille disait souvent en plaisantant que leur fille était le premier enfant « blanc » à y être né.

Tous leurs compagnons passaient l'hiver à Teslin, mais Lucille et Charles ont quand même décidé de poursuivre leur chemin avec leur bébé. Ils ont voyagé en traîneau à chiens pour arriver à Dawson City juste après Noël, en 1897. Ce périple de près de 1 000 km ne comportait que peu ou prou de sentiers praticables. Charles avait donc probablement acquis une certaine expérience de trappeur ou de mineur car, sans techniques de survie nordiques, ils auraient à coup sûr péri à des températures de moins 60 degrés.

Ils sont arrivés à destination bien avant le gros des hordes de prospecteurs et ils ont jalonné leur claim le long du ruisseau Bonanza en février 1898. Leur fille Teslin a été élevée près des cours d'eau des environs de Dawson et, après le décès de Charles, au début des années 30, Lucille a continué à exploiter trois claims aurifères dans la région de Dawson et un claim de prospection d'argent à Mayo. Lucille ne possédait pas de voiture, mais, chaque année, elle parcourait à pied, aller-retour, une distance de 225 km, pour se rendre de Mayo à Dawson afin de s'acquitter des formalités administratives sur ses claims.

Lorsque la plupart des mines ont fermé, pendant la Seconde Guerre mondiale, Lucille est allée vivre à Whitehorse. Elle y a ouvert une petite buanderie et, avec l'ouverture de l'autoroute, elle a fait de très bonnes affaires. Elle avait une fille qui était décédée avant elle, mais elle avait aussi un petit-fils qui vivait en Alaska.

À la fin de sa vie, Lucille a été atteinte de cécité, mais, grâce à la radio, elle était restée bien informée des nouvelles locales et nationales. Elle adorait faire la conversation aux visiteurs. Elle est décédée en 1972, à l'âge de 94 ans, en rêvant encore de jalonner le gros filon.


AFFAIRES COURANTES

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et d'autres lois en conséquence (paiements de péréquation aux provinces et financement des territoires).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

PROJET DE LOI SUR LA STRATÉGIE NATIONALE CONTRE LE CANCER

PREMIÈRE LECTURE

L'honorable J. Michael Forrestall présente le projet de loi S-26, Loi sur la stratégie nationale contre le cancer.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Forrestall, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du 24 février 2005.)

L'ASSASSINAT DE L'ANCIEN PREMIER MINISTRE DU LIBAN, RAFIC HARIRI

AVIS DE MOTION DE CONDAMNATION DE L'ASSASSINAT ET DE MANIFESTATION D'APPUI À LA JUSTICE

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat du Canada se joigne au gouvernement du Canada pour condamner l'attentat terroriste ayant entraîné la mort de l'ex-premier ministre du Liban, Rafic Hariri, et pour transmettre ses condoléances aux familles des personnes tuées ou blessées et, en fait, à tout le peuple du Liban;

Que le Sénat du Canada exhorte le gouvernement du Canada à demander au gouvernement du Liban et à la communauté internationale de faire en sorte que les responsables de la planification et de l'exécution de cette attaque soient traduits en justice;

Que le Sénat du Canada exhorte vivement le gouvernement du Canada à se joindre au Conseil de sécurité des Nations Unies pour exiger le strict respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique du Liban;

Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes après l'adoption de la présente motion.

Des voix : Bravo!


(1350)

PÉRIODE DES QUESTIONS

LE COMMERCE INTERNATIONAL ET LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE REJET D'UN PROJET DE LOI VISANT À SCINDER LE MINISTÈRE EN DEUX

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, hier, dans l'autre endroit, il s'est produit un fait inusité dans l'histoire parlementaire : un projet de loi portant sur un engrenage de l'appareil gouvernemental a été rejeté sur le fond à l'étape de la deuxième lecture.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Kinsella : Comme le ministre le sait, le gouvernement prévoit déposer le Budget principal des dépenses la semaine prochaine; or, le budget est constitué d'un ensemble de crédits pour chaque ministère et organisme. Compte tenu de ce qui s'est passé hier soir dans l'autre endroit, où a été rejeté un projet de loi visant à créer deux ministères distincts, soit les Affaires étrangères et le Commerce international, le gouvernement a-t-il l'intention de demander, pour ces deux ministères, une autorisation de dépenser fondée sur leur structure réorganisée, ou a-t-il l'intention de respecter le Parlement en demandant une autorisation de dépenser fondée sur la structure qui existait avant décembre 2003?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, tout sera révélé au moment opportun.

Le sénateur Kinsella : Si le gouvernement dort aux commandes, on peut comprendre la pauvreté des travaux législatifs ainsi que l'incapacité et l'incompétence du gouvernement à piloter l'étude de quelques projets de loi, même des projets de loi d'ordre administratif concernant l'appareil gouvernemental. C'est de mauvais augure. Cette situation se reflète sur notre propre Feuilleton.

Depuis que le gouvernement a annoncé, en 2003, son intention de scinder en deux le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, les deux ministères fonctionnent grâce à des décrets temporaires.

Comment le gouvernement entend-il réagir à ce qui s'est passé l'autre soir dans l'autre endroit, et prévoit-il honorer la promesse faite par le premier ministre de respecter le Parlement, en abrogeant les décrets? Le gouvernement a-t-il l'intention de continuer comme si de rien n'était, dans l'espoir de faire adopter les projets de loi au cours d'une autre session? A-t-il l'intention de faire complètement fi de la volonté du Parlement et de permettre à ces deux ministères de continuer de fonctionner indéfiniment grâce à des décrets?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, le projet de loi C-31 et le projet de loi C-32 illustrent l'importance, pour le gouvernement, de donner un but et une orientation à un ensemble de mesures qui sont cruciales pour la prospérité future du Canada, pour sa capacité d'innover, pour la croissance de l'emploi et pour la création de la richesse. Le gouvernement regrette que l'opposition officielle ait voté contre ces idéaux et objectifs.

Le gouvernement est également déçu et troublé par l'attitude du Parti conservateur au moment du vote sur les projets de loi C-31 et C-32. Les conservateurs, dans l'autre endroit, s'étaient engagés à appuyer ces projets de loi jusqu'à l'étape de l'étude au comité; ils n'ont pas tenu parole.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Austin : Par exemple, le 7 février, la porte-parole conservatrice en matière de commerce international, la députée de Newmarket—Aurora, qui doit être extrêmement mal à l'aise, a déclaré :

Au nom du Parti conservateur, je recommande que nous renvoyions le projet de loi C-31 au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international pour que nous puissions mieux en examiner le fondement, les répercussions et les coûts.

Je tiens à bien signaler qu'elle a dit : « Au nom du Parti conservateur... » De toute évidence, ses pouvoirs plénipotentiaires ne lui sont d'aucune utilité. Le gouvernement a montré sa volonté de faire fonctionner le Parlement en situation minoritaire mais, pour ce faire, il faut un certain degré de bonne volonté et de confiance entre les partis.

Le sénateur St. Germain : Ce dont les libéraux ne bénéficient pas.

Le sénateur Austin : Il est profondément regrettable, selon moi, que le Parti conservateur se soit transformé en un parti qui suscitera énormément de méfiance pour ce qui est de la gestion des affaires du Parlement.

Quel manque de respect pour le Parlement : un parti qui ne respecte pas la parole donnée, qui viole un engagement pris publiquement manque de respect à l'égard du Parlement...

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur St. Germain : Pour ce qui est de se dédire d'une promesse, vous êtes l'expert.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur St. Germain : Contrôle des prix et des salaires; 18 cents sur le gallon d'essence! La mythomanie est votre caractéristique.

Le sénateur Austin : Le caucus d'en face prend des allures clownesques.

Parlons-en du respect du Parlement, ou même du Sénat. On m'a demandé ce que j'en pensais. Je voulais prendre la question au sérieux mais, de toute évidence il ne s'agit que d'un stratagème pour faire valoir un comportement insidieux dans l'autre endroit.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Stratton : Il est à plaindre, le pauvre!

Le sénateur Austin : C'est facile à dire, « le pauvre », mais l'opposition officielle a clairement montré qu'elle ne souhaitait pas que la présente législature fonctionne. Ce serait autre chose si aucun engagement n'avait été pris, mais comme vous êtes revenu sur un engagement, nous ne pouvons plus faire confiance à votre parti. Cela nuira à la capacité de l'opposition officielle d'assurer le fonctionnement du gouvernement minoritaire. Nous verrons bien ce que cela donnera.

Le sénateur St. Germain : Déclenchez les élections. Allez-y.

Le sénateur Austin : Le gouvernement défend le principe de sa réorganisation du 12 décembre 2003. Ces changements devaient faire en sorte que les deux ministères soient plus attentifs aux priorités des Canadiens. Le gouvernement continuera de travailler à la réalisation de cet objectif.

Entre-temps, le décret du 12 décembre 2003, qui établissait le ministère du Commerce international, est toujours en vigueur. Ce décret a été adopté conformément aux pouvoirs accordés au gouvernement par le Parlement lui-même, aux termes de la Loi sur les restructurations et les transferts d'attributions dans l'administration publique.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre nous a dit pourquoi le gouvernement souhaitait que le ministère soit scindé. Nous pensions qu'il voulait simplement créer un autre ministère avec une autre limousine, quelques dollars de plus et un autre vote non libre.

L'autre aspect intéressant, c'est que l'ancien ambassadeur du Canada aux États-Unis, Allan Gotlieb, a prédit que la scission ne serait pas permanente et que les deux ministères seraient, à court terme, de nouveau réunis.

Allan Gotlieb a été nommé, sauf erreur, par le premier ministre Trudeau. Pourquoi a-t-il dit cela?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, la réorganisation ne crée pas de nouveaux ministères et aucun ministère n'est perdu par suite d'une défaite. Nous avons un ministre du Commerce international et un ministre des Affaires étrangères. Il n'y a pas de nouvelle voiture, pas de nouveau personnel, tout cela est tout à fait erroné.

Ce qu'il s'agit de savoir ici, c'est pourquoi l'opposition officielle n'était pas disposée à renvoyer ces deux projets de loi au comité pour y étudier la question posée par le sénateur Stratton.

Le sénateur Stratton : La question, c'était que l'ancien ambassadeur aux États-Unis nommé par Pierre Elliott Trudeau, un certain Allan Gotlieb, avait prédit que, s'il y avait scission, elle serait de courte durée, qu'elle serait annulée par le gouvernement suivant, ou que le gouvernement actuel, prenant conscience de son erreur, réglerait le problème.

(1400)

Le sénateur Austin : J'ai un grand respect pour l'ancien ambassadeur, Allan Gotlieb, et pour ses opinions. Il y a des gens que je respecte tout autant qui ont des opinions différentes. En fait, l'opposition officielle ne voulait pas étudier la question au comité de l'autre chambre. Pourquoi pas?

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, je n'oserais pas me lancer à la défense de l'opposition officielle, mais je ne me suis pas caché pour dire que c'était une catastrophe. Du jour au lendemain, on a décidé de scinder le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international en deux entités. Il n'y a eu aucune consultation auprès des autorités du processus politique. Hier soir, il y a eu un vote de 125 contre 157, avec huit votes pairés et une erreur, puisque M. Kilgour, un libéral de l'Alberta, aurait dit qu'il votait en faveur du projet de loi, alors qu'il a voté contre. Je lui ai dit aujourd'hui qu'il devait demander une rectification du compte rendu.

Honorables sénateurs, nous n'avons pas pu trouver un seul fonctionnaire qui pensait que ce n'était pas une erreur fatale pour le moral du ministère des Affaires étrangères. La scission a été faite par décret du conseil. Pour ma part, je ne me soucie pas de la façon dont on a voté hier soir. Il y avait 125 libéraux d'un côté et tous les autres partis politiques de l'autre. Aucun bureaucrate ne veut parler ouvertement des effets catastrophiques que cette mesure aurait eus sur le ministère.

Jusqu'en 1982, le ministère était divisé ainsi. Puis, en 1982 — et je m'en souviens puisque j'y étais —, on a fusionné toutes ces entités distinctes, et cela a très bien marché. Puis, soudain, un décret est sorti de nulle part. J'en conviens, le gouvernement a le droit de réorganiser. Le gouvernement parle de déficit démocratique, mais il prend ensuite une grave décision sans passer d'abord par le processus politique. Comment le gouvernement entend-il se sortir de ce mauvais pas? Les nominations ont été faites pour un an, et on est en train de renouveler le processus. La semaine dernière, pendant que le sénateur Stollery présidait le Comité des affaires étrangères, nous avons demandé à la principale responsable du Bureau de l'Afrique de nous dire comment cela allait fonctionner. Elle n'avait pas l'air très satisfait, mais elle n'a fait aucun commentaire.

Il règne généralement un bon climat de collaboration au ministère des Affaires étrangères. Ce climat a maintenant disparu, ce qui est catastrophique.

J'étais prêt, de concert avec le sénateur Lynch-Staunton, à prendre la tête d'un mouvement d'opposition si ces deux projets de loi avaient été adoptés. Le sénateur m'a donné la permission de citer son nom. C'est un homme très bien, et je le lui ai d'abord demandé. Nous, les anciens, croyions que l'on commettait une erreur à l'époque et nous le croyons toujours. Nous voulons savoir quelle sera la prochaine étape. Envisage-t-on de rester dans l'erreur ou essaieron-nous de corriger la situation avant qu'il ne soit trop tard?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, nous ne saurons jamais quels avantages ou inconvénients pourrait présenter la division de l'ancien ministère en deux, puisque l'opposition officielle ne veut pas qu'un comité entende des témoins. Sa décision est prise. Elle n'est pas disposée à examiner les politiques sur lesquelles s'est appuyé le gouvernement pour élaborer les projets de loi C-31 et C-32. Mon honorable collègue pourrait avoir raison, ou il pourrait avoir tort. La première question qu'il convient de se poser, c'est comment peut- on prétendre au bon fonctionnement du Parlement lorsque l'opposition officielle refuse d'entendre les principes sur lesquels repose le projet de loi, refuse d'en écouter les défenseurs et refuse d'écouter la partie adverse? Honnêtement, j'estime que l'opposition officielle a commis une erreur monumentale dans sa façon de procéder, et l'on s'en souviendra.

Je tiens également à souligner que le Parlement ne s'est pas prononcé au sujet de cette législation. L'une des deux chambres du Parlement a présenté une opinion, mais le Sénat n'a encore rien dit sur la question. On ne doit donc pas dire « le Parlement a formulé une opinion », mais plutôt « l'autre endroit a formulé une opinion ».

Honorables sénateurs, selon les conventions parlementaires et les conventions de l'État, les questions relatives à l'appareil gouvernemental ont toujours été considérées d'abord par l'exécutif. L'exécutif a agi en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par le Parlement. Les mesures prises étaient tout à fait appropriées. Le gouvernement s'est présenté devant le Parlement pour demander l'assentiment des deux chambres concernant les projets de loi C-31 et C-32.

Honorables sénateurs, la boucle est bouclée. Et voilà maintenant que l'opposition officielle décide de se soustraire à son engagement et pis encore, si cela est possible, décide qu'elle fera preuve d'étroitesse d'esprit à l'égard des projets de loi qui sont présentement examinés par l'autre endroit, ce qui est regrettable. On assiste à une transformation des rapports politiques et de la façon dont va fonctionner le gouvernement minoritaire.

Son Honneur le Président : Il convient de rappeler notre Règlement aux sénateurs, qui stipule que la période des questions est le moment où, après un bref préambule, on pose une question ou on répond à une question. La période des questions ne dure que 30 minutes. Cette durée a été établie parce qu'elle permettait de présenter plus de réponses et plus de questions.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, d'après ce que je comprends du Règlement du Sénat et de celui de l'autre endroit, à l'étape de la deuxième lecture, les honorables sénateurs doivent voter pour approuver le principe général proposé par le gouvernement, et jusqu'au moment du vote, j'ai, en tant que membre de l'opposition, le droit de changer d'avis si j'ai été persuadée de le faire par mes collègues ou à la lumière d'information provenant de l'extérieur. Est-ce toujours le cas?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, tous les députés de la Chambre des communes et tous les membres du Sénat sont libres de voter selon leur conscience, mais il y a aussi les partis politiques. Il y a les whips et les porte-parole des partis. Lorsqu'un porte-parole officiel comme la députée de Newmarket—Aurora, qui est chargée du commerce international pour le Parti conservateur, intervient comme elle l'a fait le 7 février en disant : « Au nom du Parti conservateur », eh bien, je me demande comment madame le sénateur Andreychuk voudrait que le processus parlementaire fonctionne.

Une voix : Une petite voix dans le désert!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le sénateur Oliver a la parole, et c'est à lui de poser sa question.

LE CONSEIL DU TRÉSOR

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LA GOUVERNANCE DES SOCIÉTÉS D'ÉTAT

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le rapport de la vérificatrice générale, qui a relevé des problèmes dans la structure de vérification interne des sociétés d'État. Au chapitre 7 de son rapport déposé hier, Mme Fraser écrit :

Dans l'ensemble, les progrès réalisés en vue de donner suite aux recommandations que nous avions formulées dans notre rapport de vérification de 2000 sur la gouvernance des sociétés d'État (autrefois appelée régie) ne sont pas satisfaisants. [...] Cependant, les améliorations que nous avions proposées en vue de renforcer le cadre général de la gouvernance et de la reddition de comptes n'ont pas été apportées [...]

Voilà, honorables sénateurs, ce que j'appelle un comportement insidieux.

(1410)

Honorables sénateurs, en mars 2004, le gouvernement a annoncé son intention de publier les rapports de vérification des sociétés d'État en les déposant au Parlement, mais, à l'heure actuelle, il n'est toujours pas officiellement tenu de le faire. Le Bureau du vérificateur général a produit huit rapports d'examen spécial depuis l'annonce du gouvernement en mars, mais sur ces huit rapports, quatre seulement ont été diffusés dans le site Web de la société d'État concernée.

Honorables sénateurs, ce manque de transparence est inacceptable. Il y a actuellement 43 sociétés d'État, sans compter les filiales, et elles ont au total 73 000 employés. Elles gèrent un actif de 78 milliards de dollars. Les crédits parlementaires destinés aux sociétés d'État se sont élevés à 5,2 milliards de dollars en 2003-2004. Ma question est la suivante : le gouvernement a-t-il l'intention de suivre les conseils de la vérificatrice générale en obligeant les sociétés d'État à rendre des comptes et en améliorant leur gouvernance ou bien va-t-il se contenter du manque de transparence actuel?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, puisque le sénateur Oliver pose cette question, je suis sûr qu'il n'a pas entendu l'échange d'hier à la Chambre des communes, au cours duquel le président du Conseil du Trésor a dit que le gouvernement avait rédigé une réponse complète aux rapports précédents de la vérificatrice générale, mais que celui-ci ne voulait pas la déposer avant que la vérificatrice générale n'ait produit son dernier rapport, le 15 février. La question qui m'occupe, c'est la gouvernance des sociétés d'État.

Je demande au sénateur Oliver de patienter un jour ou deux. Selon moi, le gouvernement fera connaître, avant la fin de la présente semaine, son nouvel énoncé de politique à ce sujet.

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire sur les sociétés d'État. Elle donne suite à la question du sénateur Oliver, et peut-être le leader du gouvernement me donnera-t-il la même réponse. Cet examen se fonde sur le même principe que la vérification effectuée par la vérificatrice générale, reposant sur la norme de l'optimisation des ressources, bien que cet examen puisse être effectué soit par la vérificatrice générale, soit par quelqu'un d'autre. La plupart des sociétés d'État sont tenues par la loi de se soumettre à un examen spécial de temps en temps. L'année dernière, le gouvernement a annoncé son intention de rendre public le résultat de ces examens et de le déposer au Parlement mais, à l'heure actuelle, il ne donne pas suite à son intention et il semble que rien n'oblige ces sociétés à le faire.

La question que j'adresse au leader du gouvernement au Sénat est la suivante : le dépôt obligatoire de ce résultat sera-t-il prévu dans le projet de loi sur les sociétés d'État que le gouvernement entend présenter, et quand pouvons-nous nous attendre à ce qu'il présente ce projet de loi?

Le sénateur Austin : Il me semble avoir répondu à cette question, sénateur LeBreton, lorsque j'ai répondu à celle du sénateur Oliver. Plus tard cette semaine, je crois que le gouvernement procédera à un examen approfondi de la gouvernance de ces sociétés et fera sans doute connaître diverses mesures qui permettraient au gouvernement de veiller à ce que les sociétés d'État rendent davantage de comptes, fassent preuve de plus de transparence et assurent une meilleure gestion.

Le sénateur LeBreton : L'été dernier, en apprenant qu'un projet de loi pourrait être présenté, la Société canadienne des postes, la SRC, Énergie atomique du Canada limitée, l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada, Exportation et développement Canada ainsi que le Centre national des Arts ont soutenu par écrit au Conseil du Trésor qu'ils devraient continuer à être soustraits aux lois sur l'accès à l'information et ce, pas seulement en cas de vérification, mais aussi en ce qui concerne les demandes d'accès à l'information.

Étant donné les problèmes qu'on ne cesse de constater en ce qui concerne les sociétés d'État, le leader du gouvernement peut-il nous assurer que celles-ci ne seront plus soustraites aux vérifications et aux lois sur l'accès à l'information, en particulier la SRC et la Société canadienne des postes?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, nous verrons bien ce que contiendra le rapport lorsqu'il sera publié. Je ne peux pas prédire quoi que ce soit, mais j'aimerais préciser que le gouvernement a pour politique de protéger les renseignements exclusifs d'intérêt commercial qui font partie des opérations de toute société de la Couronne. Je présume que cette doctrine continuera d'être respectée.

LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LE PROJET D'ENTENTE AVEC LES PROVINCES SUR LES SERVICES DE GARDE D'ENFANTS—LES DISPOSITIONS RELATIVES AUX MINORITÉS DE LANGUE OFFICIELLE

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au leader du gouvernement au Sénat à propos des négociations en cours entre le gouvernement fédéral, représenté par l'honorable Ken Dryden, et les provinces sur les services de garde d'enfants.

Le leader du gouvernement est-il en mesure de garantir qu'en ce qui touche le gouvernement fédéral, toute entente conclue entre le gouvernement fédéral et les provinces contiendra des dispositions précises et pertinentes à l'égard des minorités de langue officielle au pays? Je pose la question parce que, comme bien d'autres sénateurs, j'ai assisté à une rencontre qui a duré toute la journée lundi dernier au Comité sénatorial permanent des langues officielles, où nous avons entendu bon nombre de témoignages sur l'éducation en général et la question de l'éducation préscolaire était au centre de presque tous les commentaires.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, les résultats des discussions tenues au comité dont parle le sénateur Murray ont été soumis au ministre Dryden. Je ne peux vous donner une réponse précise à l'heure actuelle.

En ce qui a trait aux langues officielles toutefois, j'aimerais préciser que ces questions sont également liées à la compétence des provinces et que la présentation d'une partie ou de tout le programme qui a fait l'objet de discussions au comité fait l'objet d'une entente bilatérale. Quand je dis « présentation », je veux dire que nous pouvons bien sûr présenter ces questions, mais le fait de les reconnaître devrait faire l'objet d'une entente bilatérale.

Le sénateur Murray : Je comprends cela, honorables sénateurs, et je comprends également que, selon la réponse écrite que j'ai reçue à une question que j'ai posée il y a très longtemps, le gouvernement a souligné que ces négociations ont lieu dans le contexte de l'Entente cadre sur l'union sociale. Toutefois, il n'en reste pas moins qu'en entreprenant ces négociations, le gouvernement fédéral a mis de l'avant un certain nombre de principes auxquels il souscrit. Ce que je voudrais savoir, c'est si le gouvernement fédéral accorde une certaine priorité à une disposition portant sur les minorités de langue officielle dans toute entente bilatérale ou multilatérale qu'il conclut avec les provinces. Le ministre pourra certainement me le confirmer.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, « certainement » est un mot fort intéressant. Ce que je peux faire, c'est dire que j'ai porté cette question des langues officielles à l'attention du ministre, et que je m'attends à ce qu'il me réponde.

L'IMMIGRATION ET LA CITOYENNETÉ

LA DEMANDE DE STATUT DE RÉFUGIÉ DE M. ERNST ZUNDEL

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, le samedi qui vient marquera le deuxième anniversaire de la déportation au Canada, par les autorités américaines, d'Ernst Zundel, qui nie l'existence de l'Holocauste. Il y a deux ans, on a dit aux Canadiens que son séjour serait de courte durée, mais il est toujours en territoire canadien. Bien que les procédures judiciaires intentées contre lui tirent à leur fin, M. Zundel recourt à d'autres moyens pour empêcher sa déportation vers l'Allemagne. Il a déposé une plainte à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, demandant sa mise en liberté et l'interdiction de son renvoi. Il a également intenté des poursuites contre le gouvernement fédéral, faisant valoir que ses deux années de détention ont violé les droits que lui confère la charte.

Si le certificat de sécurité émis contre M. Zundel est reconnu par les tribunaux, sera-t-il immédiatement renvoyé du pays ou devra-t-il demeurer au Canada pendant que les autres procédures suivent leur cours?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la question requiert une décision relativement à un événement qui se produira plus tard. Je ne suis pas en mesure de donner une réponse précise pour le moment.

Le sénateur Tkachuk : L'automne dernier, dans une réponse différée à une question que j'avais posée à propos du coût pour les contribuables du séjour de M. Zundel au Canada, le gouvernement a indiqué ce qui suit :

En date du 30 novembre 2004, M. Ernst Zundel est détenu au Metro Toronto West Detention Centre depuis 650 jours. Les frais engagés pour cette période totalisent 113 750 $.

Je ne crois pas que ce montant ait inclus le coût des longues procédures judiciaires visant M. Zundel. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il s'informer à ce sujet et faire rapport au Sénat du coût total pour les contribuables du séjour de M. Zundel au Canada, y compris le coût des procédures judiciaires? Je fais observer que je parle au passé.

Le sénateur Austin : Sénateur Tkachuk, je vais m'informer pour vous.

L'ENVIRONNEMENT

LE PLAN DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD DE KYOTO

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, comme nous le savons tous, les quotidiens de ce matin sont remplis d'articles soulignant que c'est aujourd'hui la journée de Kyoto. C'est aujourd'hui que l'accord entre en vigueur. Si je me souviens bien, une éminente autorité, le premier ministre Paul Martin lui-même, a dit un jour que les Canadiens commettraient une grande erreur s'ils entamaient la mise en œuvre de Kyoto sans un plan.

(1420)

J'ignore si j'ai perdu la vue, mais je ne vois aucun plan. Il ne semble y avoir aucun plan, sauf peut-être, et je suis aimable, une démarche plutôt controversée en vue d'acheter des émissions d'air chaud auprès d'autres pays.

Est-ce là le plan? Est-ce tout? Sinon, je demande au leader du gouvernement : où est la substance? Il n'y a aucun plan, et nous sommes dans le noir.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la question du sénateur Meighen est extrêmement louable. Comme les sénateurs le savent, la conférence de Rio de 1992, à laquelle le Canada était un participant important et sur laquelle le premier ministre de l'époque, Brian Mulroney, a exercé une forte influence, a donné lieu au processus qu'on appelle aujourd'hui le processus de Kyoto. À la suite de ce processus, le Canada a pris des engagements et a signé un protocole en 1997.

Le gouvernement du Canada compte rendre public un plan qui visera à atteindre les objectifs énoncés dans ce protocole. Comme le ministre Dion l'a dit cette semaine, le plan n'est pas prêt, et nous avons encore un peu de temps pour le présenter.

Les sénateurs de l'opposition doivent prendre bien soin de ne pas critiquer les Canadiens, mais c'est ce qu'ils font. Ils critiquent un grand nombre de Canadiens parce que la création d'un plan pouvant être mis en œuvre avec succès dépend d'un dialogue avec les Canadiens et d'un consensus parmi ces derniers.

Peut-être l'opposition est-elle au courant des discussions qui se poursuivent actuellement au sein du secteur de l'automobile en ce qui concerne le respect du protocole, ou peut-être l'opposition est- elle indifférente et a un plan qui est indifférent au secteur de l'automobile. Peut-être a-t-elle un plan qui est indifférent aux grands producteurs du pays comme les producteurs de sables bitumineux. Peut-être l'opposition ne se soucie-t-elle pas des conséquences pour le bien-être économique des producteurs et, par conséquent, pour le bien-être économique du Canada.

Le gouvernement du Canada s'en soucie, et nous sommes disposés à faire preuve de patience et à favoriser le dialogue afin de parvenir à un consensus qui sera conforme à nos engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto.

RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai la réponse à une question posée au Sénat le 15 décembre 2004 par le sénateur Di Nino concernant la réponse du gouvernement fédéral aux liens qu'auraient certaines entreprises présentes aux aéroports avec le crime organisé

LES TRANSPORTS

LE RAPPORT DE LA VÉRIFICATRICE GÉNÉRALE—LES LIENS ENTRE LES ENTREPRISES PRÉSENTES AUX AÉROPORTS ET LE CRIME ORGANISÉ

(Réponse à la question posée le 15 décembre 2004 par l'honorable Consiglio Di Nino)

En mars 2004, la vérificatrice générale du Canada a publié un rapport (La sécurité nationale au Canada — L'initiative de 2001 en matière d'antiterrorisme) indiquant que la GRC avait identifié 16 entreprises présentes aux aéroports qui avaient des liens avec les activités criminelles, comme l'organisation de services de voyage pour des représentants du crime organisé, la facilitation de fraudes d'identité ou la vente de laissez-passer volés. Ces entreprises avaient à voir avec les bandes de motards, le crime organisé et le trafic de stupéfiants.

Pendant le processus de vérification du BVG, on a demandé à la GRC de vérifier les dossiers d'un certain nombre de détenteurs d'une cote de sécurité travaillant dans des aéroports canadiens, et un certain nombre de solutions possibles ont été déterminées.

En ce qui a trait aux 16 entreprises dont il est question dans le rapport du BVG, la GRC n'émet pas de commentaires sur les questions opérationnelles ou les enquêtes policières, mais elle prendra des mesures au besoin pour lutter contre le crime organisé.

La GRC continue à travailler en collaboration avec Transports Canada dans le cadre du plan du gouvernement consistant à renforcer les mesures de sécurité et à reconnaître les situations qui pourraient compromettre la sécurité dans les aéroports canadiens pour y remédier.

En mars 2004, la GRC et Transports Canada ont signé un protocole d'entente (PE) pour donner suite aux recommandations du BVG de combler les lacunes en matière de sécurité dans les aéroports canadiens, comme celles soulignées dans le rapport de vérification de mars 2004.

En vertu du PE, les noms que Transports Canada soumet à la GRC pour une vérification approfondie de la fiabilité sont traités par la GRC au moyen de différentes banques de données. La GRC informe Transports Canada des résultats.

À titre de propriétaire du Programme d'habilitation de sécurité en matière de transport, Transports Canada est responsable de toutes les décisions liées à l'annulation ou à l'attribution de cotes de sécurité.

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Le ministre nous a demandé de ne plus faire d'hypothèses, mais il se rappellera, bien sûr, que dans une réponse fournie à une question, il avait fait l'hypothèse que la députée de Newmarket—Aurora serait membre du Cabinet après les prochaines élections. Il citait les propos d'un député et, comme nous le savons, conformément à l'article 46 du Règlement, s'il est permis de citer les propos d'un ministre dans cet endroit, c'est défendu de citer ceux d'une autre personne.

L'article 46 dit ceci :

Il est permis de résumer un discours prononcé à la Chambre des communes pendant la session en cours, mais il ne convient pas d'en citer des passages, à moins qu'il n'ait été prononcé par un ministre sur une question de politique gouvernementale. Par contre, un sénateur peut toujours citer un discours d'une session antérieure.

Je voulais simplement signaler ce petit accroc au Règlement.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Je peux comprendre pourquoi ma citation indispose le sénateur Kinsella.

Son Honneur le Président : Je crois, honorables sénateurs, qu'en soulevant la question, le sénateur Kinsella a eu raison de porter à notre attention une disposition de notre Règlement qu'il a d'ailleurs correctement citée. J'invite les honorables sénateurs à la respecter à l'avenir.


[Français]

ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DU PATRIMOINE CANADIEN
LA LOI SUR L'AGENCE PARCS CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Aurélien Gill propose : Que le projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Patrimoine canadien et la Loi sur l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications connexes à d'autres lois, soit lu une troisième fois.

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais soulever certaines questions à propos du projet de loi C-7, qui est maintenant devant nous à l'étape de la troisième lecture.

Ce projet de loi est du même genre que les projets de loi C-32 et C- 31, qui ont eu une histoire intéressante à la Chambre des communes hier soir.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous sommes saisis du projet de loi C-7, un autre projet de loi sur les rouages du gouvernement qui a été adopté en première lecture à l'autre endroit, c'est-à-dire qui a reçu un accord de principe. Tout le monde était informé. Le projet de loi a été renvoyé à un comité qui a fait rapport et il nous arrive maintenant. Nous avons eu un bon débat en deuxième lecture. Nous avons soulevé la très importante question des parcs au Canada et nous avons reconnu qu'ils relevaient auparavant du ministère de l'Environnement et que, il y a quelques années, ils ont été transférés sous la responsabilité de ce qui s'appelait alors le Secrétariat d'État du Canada, maintenant Patrimoine canadien. À l'époque, beaucoup de gens avaient contesté que ce soit là le bon ministère à qui confier la responsabilité des parcs.

Comme nous le savons, le Sénat a donné une approbation de principe au projet de loi à l'étape de la deuxième lecture et il l'a renvoyé à un comité, qui l'a étudié. Ce comité a fait rapport du projet de loi et nous en débattons maintenant à l'étape de la troisième lecture. C'est le cheminement normal des mesures législatives qui portent sur les rouages du gouvernement lorsque tous ceux qui ont une responsabilité s'en acquittent.

Plusieurs choses méritent d'être soulignées au sujet de ce projet de loi. J'admets que c'est une prérogative du premier ministre d'organiser les rouages du gouvernement comme il l'entend, mais le premier ministre doit se présenter au Parlement pour obtenir son approbation. Étant donné que, dans le cadre du processus budgétaire, on décidera du financement à accorder à ces ministères, d'une certaine façon, le Parlement a la responsabilité distincte de veiller à ce qu'il y ait une structure adéquate pour gérer les sommes que le Parlement décidera d'accorder.

(1430)

À propos du projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Patrimoine canadien et la Loi sur l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications connexes à d'autres lois, nous voulons remercier les honorables sénateurs qui ont siégé au comité et les témoins qui ont comparu. Il s'agit d'un projet de loi qui, comme l'a expliqué le ministre quand le comité en était saisi, n'a aucune réelle substance, à l'exception de ce dont j'ai parlé. Cependant, il nous a donné l'occasion de mettre en valeur l'importance qu'accordent les Canadiens au réseau des parcs et de rappeler, de diverses façons, les liens qui existent entre les parcs et les membres des Premières nations. On a bien fait valoir ces réalités, ainsi que l'importance de la gestion des parcs.

J'aimerais souligner que le mécanisme législatif gouvernemental, même s'il peut sembler excessivement technique, et je ne parle que du mécanisme, permet aux parlementaires de soulever le genre de questions que nous avons soulevées pendant l'examen du projet de loi C-7.

L'autre question que nous avons eu l'occasion de mettre en lumière se rapporte à la nécessité de créer de nouveaux parcs nationaux dans les aires marines de conservation. Nous estimons qu'il faut faire le suivi de la question.

Honorables sénateurs, je suis d'avis que le projet de loi a été adéquatement traité et géré. Nous l'avons étudié. Je suis heureux, à l'étape de la troisième lecture, de me prononcer en sa faveur.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, êtes-vous prêts à vous prononcer au sujet du projet de loi?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Gill, avec l'appui de l'honorable sénateur Watt, propose : Que le projet de loi soit lu une troisième fois maintenant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

PROJET DE LOI SUR LA GESTION FINANCIÈRE ET STATISTIQUE DES PREMIÈRES NATIONS

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fitzpatrick, appuyée par l'honorable sénateur Bacon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi prévoyant les pouvoirs en matière d'imposition foncière des premières nations, constituant la Commission de la fiscalité des premières nations, le Conseil de gestion financière des premières nations, l'Administration financière des premières nations ainsi que l'Institut de la statistique des premières nations et apportant des modifications corrélatives à certaines lois.

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi C- 20, la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations.

Le projet de loi C-20 prévoit la création de trois institutions financières nationales et d'un nouvel institut statistique national, comme l'a très bien expliqué hier mon collègue et ami de la Colombie-Britannique, le sénateur Fitzpatrick. Il s'agit de l'Administration financière des premières nations, de la Commission de la fiscalité des premières nations, du Conseil de gestion financière des premières nations et de l'Institut de la statistique des premières nations.

Fondamentalement, le projet de loi C-20 constitue une loi habilitante. Les collectivités qui veulent se placer sous son régime ont cette possibilité. Certains ont manifesté leur opposition au projet de loi lorsqu'il a été déposé pour la première fois, car ils pensaient que la participation au régime était obligatoire. Le gouvernement a dit que tel n'est pas le cas. Je pense qu'il y a longtemps que se fait sentir le besoin de créer des organismes chargés d'aider les collectivités autochtones à maîtriser leur avenir.

Le Canada doit prendre ces mesures afin d'assurer la revitalisation et la continuité des cultures des peuples autochtones. Cependant, il y certains éléments fondamentaux qui doivent être reconnus, respectés et mis en place.

Un soir de décembre dernier, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a eu le plaisir de s'entretenir avec le professeur Steven Cornell, codirecteur du projet de l'université Harvard sur le développement économique des Amérindiens. C'était en rapport avec une étude menée par le Comité des peuples autochtones, présidé par le sénateur Sibbeston, sur le rôle des collectivités et des entreprises autochtones dans le développement économique du Canada.

Le professeur Cornell et ses collègues ont essayé de comprendre pourquoi certaines nations autochtones aux États-Unis réussissent mieux que d'autres à mettre en place des économies durables et productives. Ils ont constaté que l'éducation — sujet dont j'ai souvent parlé ici — l'emplacement, les ressources naturelles, l'accès aux capitaux et d'autres facteurs sont des éléments essentiels au succès. Toutefois, ces éléments ne peuvent assurer un développement durable sur les terres autochtones, si d'autres facteurs, d'un caractère très politique, ne sont pas déjà en place.

Le professeur Cornell nous a dit que, selon ses recherches, il y a trois éléments essentiels au développement durable sur les terres autochtones. Le premier est la compétence. En résumé, là où les nations autochtones ont obtenu un plus grand pouvoir de décision, les possibilités de développement ont augmenté. Les spécialistes croient que plusieurs raisons expliquent cette constatation, mais la plus importante est la notion de responsabilité. Le professeur Cornell a dit :

Lorsque le pouvoir de décision est transféré aux Autochtones, ceux-ci tirent profit des bonnes décisions et assument les conséquences des mauvaises décisions. Il s'ensuit qu'à la longue la qualité des décisions s'améliore [...] La notion de compétence est importante, en ce sens que la responsabilité du développement se retrouve entre les mains des Autochtones [...] À mesure que le pouvoir de décision est transféré aux Autochtones, les idées de ces derniers en matière de développement se retrouvent au premier plan des efforts de développement.

La deuxième constatation qui est ressortie des travaux de recherche de l'équipe du professeur Cornell c'est que la compétence doit être appuyée par une gouvernance efficace. Le professeur Cornell a dit :

[...] le seul pouvoir décisionnel ne suffit pas. Les décisions doivent être prises de façon intelligente. Le contexte doit être propice, afin que les citoyens de ces nations, et ceux qui ne le sont pas, investissent du temps, de l'énergie et des idées dans l'avenir de ces peuples. C'est là une constatation faite dans le monde entier.

Il ajoute que les investisseurs, avant d'investir, s'intéressent à la qualité de la gouvernance; ils veulent savoir si la primauté du droit est reconnue et si, le cas échéant, ils seront traités de façon équitable par les tribunaux. La compétence doit être combinée à des institutions gouvernantes efficaces.

La troisième constatation était que ces institutions doivent savoir concilier la conception qu'ont les Autochtones de la structure et de l'exercice de l'autorité. En effet, s'ils veulent connaître du succès, les gouvernements autochtones doivent être légitimes aux yeux de ceux qu'ils gouvernent. Selon les recherches faites, il semblerait que lorsque ces trois éléments, à savoir la compétence, la gouvernance efficace et la présence d'institutions adéquates du point de vue culturel, sont en place, les possibilités de développement augmentent de façon spectaculaire. Une fois cette étape franchie, on peut commencer à récolter les fruits dans d'autres domaines, comme l'éducation, les ressources naturelles, l'accès au capital et l'emplacement de la collectivité. Sinon, les efforts dans ces domaines risquent d'être vains.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-20 semble apporter certains éléments qui, à la lumière des travaux du professeur Cornell et de son groupe, sont désormais jugés nécessaires pour l'essor économique des collectivités autochtones.

Le rôle de l'opposition au Parlement consiste en partie à soulever des questions et à mettre en évidence des problèmes comme ceux qui, dans ce cas, ont été signalés par plusieurs collectivités autochtones, y compris par leurs dirigeants, à titre indépendant ou au sein de l'Assemblée des Premières Nations, sur la place publique et lors des débats sur les versions antérieures du projet de loi, comme le projet de loi C-19 et le projet de loi C-23, dans l'autre endroit.

(1440)

Les honorables sénateurs se souviendront sûrement que le gouvernement avait déposé pour la première fois cette mesure législative dans cadre d'une série de mesures sur la gouvernance des Premières nations. Le projet de loi sur la gouvernance avait soulevé des protestations partout au pays et avait fini par mourir au Feuilleton. Aujourd'hui, le projet de loi C-20 constitue la troisième version de cette mesure législative. Bien que le gouvernement y ait apporté des petits changements comme suite des préoccupations formulées à l'autre endroit, certaines questions ne sont toujours pas réglées concernant l'Institut de la statistique des premières nations. Pourquoi la participation n'est-elle pas volontaire ou facultative, comme c'est le cas pour les trois autres institutions? Certaines communautés autochtones craignent que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, AINC, contraigne certains groupes à participer sous peine de voir leurs transferts financiers fédéraux bloqués ou diminués.

On s'inquiète également du fait que le gouvernement semble contourner ses règles relativement à la protection des renseignements personnels afin de recueillir de l'information. Est-il simplement plus pratique, pour le gouvernement, de créer ainsi cet Institut de la statistique? Pourquoi l'institut ne gagnerait-il pas à faire l'objet d'une mesure législative distincte?

La participation à l'Institut de la statistique ne sera pas facultative. Cet institut pourra par ailleurs recueillir et utiliser des données de nature délicate sur les Premières nations sans le consentement de ces dernières. C'est ce que dit l'article 105. Certains affirment que le projet de loi C-20 ira en fin de compte à l'encontre des droits et des intérêts de l'ensemble des Premières nations du Canada, qu'elles décident ou non de participer.

Une communauté pourra adhérer facilement à un institut financier par voie de résolution du conseil de bande, mais il semble qu'il sera difficile de le quitter. Pour ce faire, le conseil de bande devra obtenir la permission du gouverneur en conseil, autrement dit, un décret. Le cas échéant, le comité du Sénat devrait se demander si, peut-être, il ne serait pas préférable de faire décider par référendum à une Première nation si elle souhaite participer ou non. On doit permettre aux Premières nations d'être davantage maîtres de leur destin plutôt que de les forcer à rester sous la coupe paternaliste d'Ottawa. On doit laisser ces peuples et leur gouvernement tracer leur avenir et leurs réussites.

Le projet de loi C-20 est d'abord et avant tout un projet de loi omnibus regroupant un ensemble de mesures financières visant à aider les Premières nations à développer leur économie. Si tout se passe bien après la mise en oeuvre de cette loi, alors ce sera tant mieux. Cependant, on craint que, dès qu'une communauté aura omis un paiement, l'affaire tombera sous le contrôle d'une tierce partie, de sorte que d'autres bandes pourront saisir ses biens et même adopter des résolutions en son nom. On craint également que le contrôle externe exercé étouffe les décisions de la communauté visée, qui pourrait perdre le contrôle de ses propres biens. En vertu des règles de ces institutions, les communautés ne sont pas habilitées à adopter leurs propres politiques de développement, notamment en ce qui concerne les exemptions de taxe, puisqu'elles sont toutes régies par le même ensemble de règles et qu'elles sont toutes liées les unes aux autres.

Le comité devrait peut-être recommander la réalisation d'une étude de faisabilité visant à déterminer si le nouveau système fonctionnera vraiment. Le projet de loi semble proposer la nomination de six titulaires à plein temps et de plus de 45 titulaires à temps partiel. Honorables sénateurs, le projet de loi n'a pas encore force de loi, mais le gouvernement a déjà nommé des titulaires. Si c'est vrai, c'est le comble de l'arrogance et c'est pour cette raison que, sauf le respect que je leur dois, les libéraux ont mordu la poussière à l'autre endroit hier soir.

Si cette allégation et ce que je dis sont exacts, c'est de l'arrogance à l'état pur.

Le sénateur Robichaud : N'en êtes-vous pas certain?

Le sénateur St. Germain : Non, je ne suis pas certain parce qu'il est bien difficile de savoir ce qui se passe de ce côté-là; il s'agit d'une opération clandestine. On achète des balles de golf et on verse d'énormes commissions à ses amis libéraux. Voilà ce que le gouvernement fait depuis un certain temps. Pourquoi ce projet de loi est-il nécessaire si rien ne change à part le fait qu'on procède désormais à des nominations partisanes à l'égard de postes qui étaient auparavant assujettis au processus de dotation de la fonction publique? Pourquoi le gouvernement dépense-t-il d'autre fonds publics pour de nouveaux postes? Les conseils dont les membres sont tous nommés par le gouvernement perpétuent la mainmise du gouvernement fédéral, sans compter le fait que AINC embauchera probablement d'autres personnes pour surveiller ces nouvelles sociétés d'État.

En ce qui concerne le processus de nomination des membres des conseils dont on propose la création, dans un rapport rendu public hier, la vérificatrice générale a déclaré ceci :

Les modifications au processus de nomination des administrateurs des sociétés d'État, annoncées en mars 2004, n'ont pas encore été entièrement définies ni mises en oeuvre. Ces changements ont été mis de l'avant par le gouvernement pour améliorer la transparence et convaincre les citoyens que les personnes les plus compétentes sont nommées au sein des institutions publiques.

Pourquoi n'écoutez-vous pas la vérificatrice générale?

Le sénateur Smith : Je l'écoute.

Le sénateur St. Germain : Que dire de l'ex-premier ministre du Nouveau-Brunswick, qui bénéficie d'une nomination?

Le sénateur Robichaud : C'est un homme assez exceptionnel.

Le sénateur St. Germain : Toujours au sujet de la transparence et de la reddition de comptes, la vérificatrice générale a déclaré que, à son avis, des pratiques du secteur privé pourraient être pertinentes pour les sociétés d'État, notamment les suivantes :

[...] veiller à ce que le conseil d'administration joue un rôle prépondérant dans le renouvellement de ses membres et dans la sélection du président et du premier dirigeant; renforcer l'indépendance des conseils d'administration et des comités de vérification; exiger que le mandat et les activités du conseil d'administration soient précisés; renforcer les pratiques de la société en matière de valeurs et d'éthique; et améliorer la divulgation de l'information et la qualité des rapports.

Ces nouveaux organismes seront-ils pleinement assujettis aux vérifications du BVG? Voilà, honorables sénateurs, une bonne question. Les Canadiens, en particulier les collectivités autochtones qui relèvent de cette loi, doivent savoir s'ils en obtiennent pour leur argent. Bref, le comité devrait peut-être envisager de demander l'avis du Bureau du vérificateur général.

Honorables sénateurs, je crois que nous convenons tous qu'une des responsabilités des comités sénatoriaux consiste à veiller à ce que durant l'examen d'un projet de loi, tous les groupes qui ont des préoccupations différentes aient l'occasion de se faire entendre. J'espère que le comité entendra les différents points de vue suscités par ce projet de loi. Je crois qu'il devrait envoyer des avis, demander des mémoires, tenir des audiences et, après analyse, adopter ce projet de loi s'il le juge valable. Le Sénat ne doit pas examiner ce projet de loi à la hâte.

J'estime que ces institutions fourniraient aux collectivités autochtones les mécanismes nécessaires pour préserver leur culture au Canada et que les collectivités autochtones pourront un jour apporter une contribution nette — certaines le font déjà d'ailleurs — au pays et à notre mode de vie. Je crois aussi que les peuples autochtones et l'ensemble de la population canadienne verraient d'un bon œil la mise en œuvre de ces changements qui affranchiront les collectivités autochtones de la Loi sur les Indiens, qui est à la fois paternaliste et archaïque.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre patience. J'ai l'intention de travailler en étroite collaboration avec le sénateur Sibbeston et les autres membres du Comité des peuples autochtones, si le Sénat juge bon de recommander ce projet de loi à ce comité.

L'honorable Tommy Banks : Le sénateur répondra-t-il à une question?

Le sénateur St. Germain : Absolument.

Le sénateur Banks : Parle-t-il au nom du Parti conservateur lorsqu'il recommande qu'on soumette ce projet de loi à l'examen d'un comité?

Le sénateur Kinsella : Ne faites pas preuve de partisanerie.

Le sénateur St. Germain : C'est en tant que sénateur que je souhaite que ce projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je ne parle pas au nom de tous ces gens. Si vous voulez leur poser la question, posez-la à chacun d'entre eux. Je suis certain qu'ils vous répondront.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Fitzpatrick, avec l'appui de l'honorable sénateur Bacon, propose : Que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

((La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur la Présidente intérimaire : Quand ce projet de loi sera- t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Fitzpatrick, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

(1450)

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Bryden, appuyé par l'honorable sénateur Milne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-24, Loi modifiant le Code Criminel (cruauté envers les animaux).—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.)

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, notre usage veut que le leader adjoint de l'opposition ou le leader adjoint du gouvernement ajourne le débat à son nom pour avoir le temps de consulter son groupe parlementaire et voir si des sénateurs souhaitent prendre la parole. Comme je veux parler du projet de loi S-24, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

LA LOI SUR LES TRANSPORTS AU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Corbin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada (droits de circulation pour le transport du grain).— (L'honorable sénateur Banks)

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'avais l'intention de parler du projet de loi S-6 aujourd'hui, mais j'ai l'impression que les sénateurs préféreraient ajourner tôt pour se rendre aux séances de leurs comités. Je vais réserver ma période d'intervention pour reprendre le débat sur ce projet de loi le mardi 22 février.

(Sur la motion du sénateur Banks, le débat est ajourné.)

LE GENERAL SYNOD OF THE ANGLICAN CHURCH OF CANADA

PROJET DE LOI PRIVÉ VISANT À MODIFIER LA LOI CONSTITUTIVE—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) propose : Que le projet de loi S-25, Loi modifiant la Loi constituant en corporation « The General Synod of the Anglican Church of Canada », soit lu une deuxième fois. — (L'honorable sénateur Rompkey)

— Honorables sénateurs, l'intention du projet de loi S-25 est d'étendre les pouvoirs de l'Église anglicane du Canada en matière d'investissement, qui sont présentement limités par des mesures législatives adoptées il y a plus de 50 ans. Le General Synod, qui est l'assemblée nationale et l'instance dirigeante de l'Église anglicane du Canada, a été constitué en personne morale par une loi du Parlement en 1921. La loi a été modifiée en 1951, en partie pour lui permettre de faire des investissements, mais sous réserve de certaines restrictions énoncées à l'article 6A de la loi. Cet article, que l'Église souhaite voir modifier par ce projet de loi, restreint les valeurs dans lesquelles le Synode peut placer ses fonds. Ces restrictions sont présentées sous forme d'une liste légale qui énumère les investissements qui sont expressément permis. Pendant de nombreuses années, les listes légales circonscrivaient les possibilités de placement pour les institutions caritatives et les fiducies en général. Une telle liste était souvent utilisée dans les projets de loi à l'époque de la loi de 1951. La liste légale était adéquate à une époque où l'inflation était nulle et où un rendement de 3 p. 100 représentait des recettes suffisantes pour les bénéficiaires des fiducies. Cependant, en 35 ans, ce concept a été presque universellement remplacé au Canada par la règle de l'investisseur prudent.

En termes plus clairs, cette règle dit qu'un fiduciaire doit, dans le choix de ses placements, faire ce qu'un investisseur prudent ferait. Par exemple, le Parlement a revu les lois régissant les institutions financières en 1991. Il a inclus dans la Loi sur les banques, la Loi sur les compagnies d'assurance et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt une disposition permettant à ces institutions d'adopter les politiques de placement qu'un investisseur raisonnable et prudent adopterait pour éviter tout risque indu tout en obtenant un rendement raisonnable. Tel que recommandé par la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada, l'Ontario a adopté la règle de l'investisseur prudent et l'a inscrite dans sa Loi sur les fiduciaires de 1990. Toutefois, l'Église anglicane du Canada est encore tenue de se limiter à une liste légale des placements admissibles. De ce fait, elle doit modifier sa loi constitutive pour pouvoir faire des investissements conformes aux règles modernes s'appliquant aux placements de fonds en fiducie.

Le General Synod of the Anglican Church of Canada propose donc de modifier l'article 6A de sa loi constitutive pour qu'il se lise dorénavant comme suit :

Le Synode peut aussi placer et remployer une partie de ses fonds, y compris les fonds détenus en fiducie, dans tout investissement qu'il estime indiqué.

Certains sénateurs se rappellent sans doute que le Sénat s'est penché sur le projet de loi S-15, intitulé « Loi modifiant la Loi constituant en personne morale l'évêque des régions arctiques pour l'Église anglicane au Canada », que le sénateur Meighen a parrainé il y a quelques années. Cette mesure législative portait également sur les pouvoirs d'investissement limités du diocèse de l'Arctique de l'Église anglicane, et le Sénat a accepté le même amendement que je propose aujourd'hui pour le General Synod. Je me réjouis également du fait que le sénateur Meighen ait accepté d'appuyer le présent projet de loi.

Honorables sénateurs, je vous demande d'autoriser le General Synod of the Anglican Church of Canada à investir son argent conformément aux règles modernes.

(Sur la motion du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)

LES INSUFFISANCES DU PROGRAMME POUR L'AUTONOMIE DES ANCIENS COMBATTANTS

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Callbeck, attirant l'attention du Sénat sur les insuffisances actuelles du Programme pour l'autonomie des anciens combattants.—(L'honorable sénateur Stratton)

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, permettez-moi de parler du Programme pour l'autonomie des anciens combattants, le PAAC, qui fait l'objet de l'interpellation du sénateur Callbeck.

[Français]

Je me réjouis également des changements à ces programmes annoncés par la ministre des Anciens Combattants, Mme Albina Guarnieri. En cette Année de l'ancien combattant, je suis heureux que la ministre étende les bénéfices et qu'elle accorde la priorité aux anciens combattants et à leurs familles. Les conjoints et les soignants jouent un rôle important pour assurer que les anciens combattants puissent vivre de façon autonome à la maison.

Eux aussi sont des héros et les changements annoncés récemment garantissent que les conjoints et les soignants, qui étaient auparavant exclus des bénéfices pourront maintenant en profiter.

[Traduction]

Je suis ravi des progrès réalisés jusqu'à maintenant, mais il reste des conjoints et des soignants qui ne sont pas admissibles au Programme pour l'autonomie des anciens combattants. Ces personnes ont la responsabilité d'assurer que nos anciens combattants puissent vivre leur vie dans le confort de leur foyer. Je parle des conjoints et des soignants des anciens combattants qui ont choisi de ne pas participer au programme.

Nombre de facteurs expliquent pourquoi des anciens combattants ont choisi de ne pas participer à ce programme. Certains ou certaines d'entre eux étaient peut-être trop fiers pour accepter des prestations ou peut-être étaient-ils mal à l'aise d'accepter de l'aide de la part du gouvernement. Après tout, ce sont les mêmes hommes et les mêmes femmes qui ont défendu avec tant de fierté notre pays et n'ont jamais rien demandé en retour.

(1500)

Une fois que ces anciens combattants disparaissent, leurs conjoints et leurs soignants ont souvent besoin d'aide. Il se peut que certaines tâches de base aient toujours été faites en coopération avec l'ancien combattant décédé, mais il est possible que les conjoints ou les soignants soient maintenant moins en mesure d'accomplir les tâches quotidiennes à cause de leur âge ou de leur état de santé. Ces gens qui ont toujours appuyé les anciens combattants deviennent tout à coup incapables de faire le ménage et de s'occuper du terrain, mais ils ne sont pas admissibles aux avantages du PAAC.

J'implore donc la ministre de terminer le travail, d'agir maintenant sans tarder, d'élargir le programme pour que ces conjoints et soignants puissent également recevoir l'aide du gouvernement pour leur dévouement et l'appui qu'ils ont apportés à nos anciens combattants toute leur vie.

Honorables sénateurs, leur nombre diminue et le coût est peu élevé en fait pour veiller à ce que tous les conjoints et les soignants des anciens combattants soient traités de façon juste et équitable. Je demande à tous les sénateurs de m'appuyer ainsi que madame le sénateur Callbeck et d'autres en recommandant que le gouvernement élargisse le Programme pour l'autonomie des anciens combattants pour honorer les hommes et les femmes qui, dans l'ombre, ont apporté un si grand appui à nos anciens combattants.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 17 février 2005, à 13 h 30.)


Haut de page