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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 60

Le lundi 16 mai 2005
L'honorable Daniel Hays, Président


 

 

LE SÉNAT

Le lundi 16 mai 2005

La séance est ouverte à 18 heures, le président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'ÉNONCÉ DE POLITIQUE INTERNATIONALE

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je souhaite attirer votre attention sur le document de politique du gouvernement du Canada déposé au Sénat le 19 avril 2005, intitulé Énoncé de politique internationale du Canada — Fierté et influence : notre rôle dans le monde.

Comme l'a annoncé l'honorable Pierre Pettigrew, ministre des Affaires étrangères, cet énoncé représente le

... premier cadre de politique internationale pangouvernemental et complètement intégré du Canada. L'énoncé nous donne les outils et l'orientation stratégique dont nous avons besoin pour faire face à nos responsabilités et influencer le cours des événements dans le monde.

Le consensus canadien est clair. Nous devons comprendre les réalités de cette partie du XXIe siècle. Pour préserver notre prospérité, nous devons demeurer compétitifs sur les marchés mondiaux et améliorer le développement des exportations en accroissant notre productivité et notre pénétration des marchés.

Pour atteindre ces objectifs, notre stratégie comprend un axe prioritaire sur le marché nord-américain; une plus grande participation aux processus multilatéraux, dont l'Organisation mondiale du commerce et ses processus; enfin, des rapports plus étroits avec les plus grands pays en développement que sont la Chine, l'Inde et le Brésil.

Le Canada accordera une priorité égale au respect des droits de la personne, à la promotion de la démocratie et à la primauté du droit dans l'ensemble de la collectivité mondiale. Nous avons un rôle réel à jouer dans le renforcement des capacités des États fragiles. À cet égard, le gouvernement du Canada met sur pied le START, le Groupe de travail pour la stabilisation et la reconstruction, et l'épaulera avec le Fonds pour la paix et la sécurité mondiales, doté de 500 millions de dollars.

À l'échelle du gouvernement, nous établissons une équipe à déploiement rapide qui nous aidera à faire face aux crises et aux catastrophes de première importance.

L'Énoncé de politique internationale du Canada réunit nos stratégies en matière de diplomatie, de défense, de développement, de commerce et d'investissement.

La section de l'énoncé consacrée à la défense ainsi que les augmentations des dépenses de défense annoncées dans le budget de 2005 marquent un tournant décisif dans l'établissement de meilleures capacités militaires. Comme l'a dit le ministre de la Défense nationale, Bill Graham, « De cette façon, celles-ci les Forces canadiennes seront mieux en mesure de répondre aux exigences de plus en plus complexes posées par le nouveau contexte de la sécurité. »

Je sais que les honorables sénateurs reconnaissent l'importance de l'énoncé de politique du gouvernement. Nous attendons avec grand intérêt l'examen attentif que feront de ses objectifs le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

L'HONORABLE WILBERT J. KEON

RECONNAISSANCE DE SES RÉALISATIONS

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, au Sénat, nous avons des agriculteurs, des avocats, des médecins et des enseignants. Nous comptons également des comptables, des journalistes, des généraux, des comédiens et même, des musiciens de jazz.

Nous avons également un cardiochirurgien de renommée mondiale, le sénateur Wilbert Keon. Dans un sondage mené récemment par le Sun d'Ottawa auprès de plus de 500 habitants d'Ottawa, les répondants dont l'âge variait entre 45 et 56 ans l'ont classé premier parmi les « plus grands héros vivants » de la ville.

Le sénateur Keon s'est classé deuxième auprès des 18 à 34 ans, juste derrière la rock star internationale Alanis Morissette, qui est née à Ottawa. Le grand titre du Sun disait : « Si les jeunes d'Ottawa veulent du rock, leurs aînés veulent un coeur en bonne santé ».

Le sénateur Keon est un des plus grands cardiochirugiens au monde et l'un des plus grands chercheurs dans le domaine des maladies cardiovasculaires. Il a fondé l'Institut de cardiologie d'Ottawa, un centre d'excellence international pour le diagnostic, le traitement, la réadaptation et la prévention des maladies du cœur axée sur les soins, la recherche et la sensibilisation.

Depuis sa fondation, en 1969, l'Institut de cardiologie d'Ottawa est devenu un chef de file mondial dans la création de programmes visant à prévenir les maladies du cœur. C'est l'unique centre du Canada consacré entièrement aux maladies du cœur, et il compte le plus vaste programme de cœurs artificiels.

Honorables sénateurs, le 1er mai 1986, il y a eu 19 ans dimanche dernier, le Dr Keon devenait le premier chirurgien canadien à greffer avec succès un cœur artificiel, en attendant une greffe de coeur humain. Grâce à ses travaux et à ses compétences, il a aidé à prolonger la vie de milliers de Canadiens.

Or, les réalisations du sénateur Keon ne se limitent pas au domaine de la médecine au Canada. Il a également appuyé le développement en Afrique, en faisant généreusement don de sa bibliothèque d'ouvrages de médecine à l'Association for Higher Education and Development — AHEAD. Grâce à sa générosité, des milliers d'étudiants de l'Université d'Addis-Abeba, en Éthiopie, recevront un enseignement en médecine, dans un pays qui en a désespérément besoin.

Honorables sénateurs, le sénateur Keon possède plusieurs titres : médecin, auteur, professeur, philanthrope et parlementaire. Il possède désormais un titre de plus : un des plus grands héros vivants d'Ottawa.


AFFAIRES COURANTES

LA LOI SUR L'AÉRONAUTIQUE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-33, Loi modifiant la Loi sur l'aéronautique et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

LA LOI SUR LE MINISTÈRE DE LA JUSTICELA LOI SUR LA COUR SUPRÊME

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Anne C. Cools présente le projet de loi S-34, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Justice et la Loi sur la Cour suprême afin de préciser le rôle constitutionnel du procureur général du Canada et de clarifier les liens constitutionnels de celui-ci avec le Parlement.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1810)

[Français]

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À EXAMINER LES DISPOSITIONS DU CODE CRIMINEL RELATIVES AUX TROUBLES MENTAUX

L'honorable Lise Bacon : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à inviter, le cas échéant, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, le ministre de la Santé, leurs fonctionnaires et d'autres témoins à comparaître devant lui pour l'examen des dispositions du Code criminel relatives aux troubles mentaux, et en particulier pour l'examen du recours accru au système de justice pénale afin de régler les questions de santé mentale; et

Que le Comité continue de suivre l'évolution du dossier et présente un rapport final au Sénat au plus tard le 19 mai 2006.

ADOPTION DE LA MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Lise Bacon : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à 16 heures demain, le mardi 17 mai 2005, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

[Traduction]

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : J'imagine que la raison de la demande est que le ministre doit participer à la séance, est-ce exact?

Le sénateur Bacon : Oui.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, d'autres comités ont-ils l'intention de demander la permission de siéger pendant que le Sénat siège? Mon appréhension est toujours la même à l'effet que ce ne soit que quelques-uns d'entre nous qui puissions rester pour faire le quorum.

Je n'ai aucune objection à ce qu'on appuie la motion de l'honorable sénateur Bacon. Toutefois, j'ose un peu en posant des questions qui ne sont pas reliées à sa requête. J'aimerais donc savoir si plusieurs comités ont l'intention de siéger demain pendant que le Sénat siège.

J'ignore ce qui se passe sur la Colline du Parlement. Je ne me laisse pas exciter par les événements qui pourraient se produire, on ne peut que les présumer. Je me demande comment on peut demander la permission de siéger pour étudier un projet de loi qui n'a pas encore été présenté. S'il s'agit d'un projet de loi qui vient d'être adopté à la Chambre des communes, il n'a certes pas été présenté au Sénat encore.

J'aimerais que l'honorable sénateur Bacon confirme s'il s'agit en effet du projet de loi auquel je fais allusion.

Le sénateur Bacon : Honorables sénateurs, je ne m'inquiète pas plus que le sénateur. Je suis toutefois assez réaliste pour savoir que si l'ordre du jour est adopté, nous devrons siéger demain à 16 heures.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

L'INFLUENCE DE LA CULTURE

AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Viola Léger : Honorables sénateurs, je donne avis que, le 19 mai 2005 :

J'attirerai l'attention du Sénat sur l'importance de la création artistique dans la vitalité d'une nation. J'insisterai particulièrement sur l'importance que le gouvernement fédéral devrait accorder à la culture, selon la définition de l'UNESCO, au sein de ses ministères et des autres organismes qui relèvent de sa responsabilité.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LES FINANCES

LE BUDGET DE 2005—LES FONDS DESTINÉS AU PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je tiens à lui poser quelques questions pour être en mesure de mieux comprendre certains chiffres et certaines prévisions qui figurent dans le budget en ce qui a trait à l'infrastructure.

Le gouvernement tente de faire valoir que, si le projet de loi d'exécution du budget meurt au Feuilleton, les engagements de cinq ans qui y sont pris seront compromis. Cependant, des 5 milliards de dollars provenant de la taxe sur l'essence que l'on promettait de consacrer à l'infrastructure dans le budget, on ne trouve plus, dans le projet de loi de C-43, la Loi d'exécution du budget, que 600 millions de dollars, et ce, seulement pour l'exercice en cours.

Est-ce que le leader du gouvernement peut confirmer que le projet de loi d'exécution du budget proposé n'englobe pas les sommes qui seront nécessaires pour respecter les engagements de cinq ans que prend actuellement le gouvernement? Le ministre pourrait-il également indiquer au Sénat pourquoi le gouvernement refuse d'engager par voie législative l'argent provenant de la taxe sur l'essence au-delà de l'exercice en cours?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Oliver pour cette question. J'en prends bonne note, et je consulterai le ministre des Finances pour connaître sa réponse.

LA SANTÉ

LES VIOLATIONS PAR CERTAINES PROVINCES DE LA LOI CANADIENNE SUR LA SANTÉ

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et fait suite à une question qu'a posée le sénateur Keon la semaine dernière concernant la prestation des soins de santé au Canada.

Santé Canada a annoncé son intention d'imposer des amendes aux gouvernements de la Colombie-Britannique, de la Nouvelle- Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador pour avoir permis l'exploitation de cliniques privées sur leur territoire. Cette annonce a soulevé des interrogations quant aux motifs pour lesquels certaines provinces sont constamment mises à l'amende pour avoir enfreint la Loi canadienne sur la santé tandis que d'autres continuent d'exploiter ces cliniques sans être sanctionnées.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il expliquer le processus que suit le ministre de la Santé afin de décider d'imposer une amende à une provincedonnée pour avoir enfreint la Loi canadienne sur la santé? En d'autres mots, quels sont ses critères?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, bien entendu, en vertu de la Loi canadienne sur la santé, le ministre des Finances a le pouvoir de défalquer des fonds des transferts aux provinces lorsque certaines d'entre elles ne se sont pas conformées à cette loi. Je n'ai pas entendu le ministre de la Santé dire qu'il allait imposer une amende à quelque province que ce soit. Je sais toutefois que le ministre a écrit à certaines provinces pour leur demander de le rencontrer et discuter du fonctionnement des cliniques privées. Madame le sénateur LeBreton sait peut-être que les soins de santé relèvent de la compétence des provinces. Le gouvernement du Canada ne dispose pas de mécanisme distinct d'enquête; il se fie plutôt à l'information que lui soumettent les provinces en réponse à ses demandes de renseignements.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

LE SOUDAN—LA RÉPONSE À LA SITUATION AU DARFOUR—L'ENTENTE ENTRE LE GOUVERNEMENT ET LE DÉPUTÉ D'EDMONTON—MILL WOODS—BEAUMONT

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Depuis quelques semaines, nous voyons le gouvernement libéral s'accrocher si désespérément au pouvoir qu'il donne l'impression de dépenser par milliards l'argent des contribuables pour acheter des appuis en vue des prochaines élections générales. Toutefois, ce qui est le plus troublant, c'est la réaction épidermique du gouvernement devant une crise humanitaire grave, tout cela pour s'attirer la sympathie de l'électorat. Le gouvernement du Canada a fait savoir qu'il enverrait 30 conseillers militaires au Darfour. La semaine dernière, ce nombre est passé à 60; aujourd'hui, je pense qu'on envisage d'envoyer jusqu'à 100 conseillers militaires, ainsi qu'une aide financière de 170 millions de dollars.

(1820)

Je crois en outre qu'il n'existe aucune résolution ratifiée par les Nations Unies qui sanctionne l'envoi de soldats et que le gouvernement de Khartoum ainsi que le Congrès africain n'ont pas été consultés pour déterminer ce que le Canada peut faire. Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il fait abstraction de la crise pendant deux ans et n'y a-t-il réagi que lorsqu'il a jugé politiquement commode de le faire pour plaire au député Kilgour?

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur se trompe sur les faits. Le gouvernement a fait preuve de leadership dans l'affaire du Soudan, tout d'abord dans le Sud où le Canada a joué un rôle de premier plan pour aider à conclure un accord de paix entre le gouvernement de Khartoum et la population du Sud-Soudan.

En ce qui concerne le Darfour, un problème s'est posé dans les quelques derniers mois, et le Canada s'est empressé de réagir avant tous les autres pays. L'Union africaine a reçu des Nations Unies le mandat de poster des troupes au Darfour. Aucun autre pays n'a un mandat de l'ONU l'autorisant à aller au Soudan. Le gouvernement de Khartoum se fonde sur la position prise par les Nations Unies, rejetant la présence de tout personnel militaire qui ne relèverait pas de l'Union africaine.

Cela étant, le gouvernement du Canada a collaboré activement avec l'Union africaine. Nous avons fourni des moyens de transport aux troupes de l'Union. Nous avons affrété des hélicoptères pour les mettre à leur disposition. Nous avons posté des conseillers sur le terrain, dans les pays voisins, pour les aider.

L'OTAN a été invitée à aider l'Union africaine. Le diplomate Alpha Konare a demandé à l'OTAN d'offrir une aide logistique, comme celle du Canada, pour aider l'Afrique à porter ses forces au Darfour à 12 000 soldats et policiers, par rapport au nombre actuel de 2 400. Si chacun des membres de l'OTAN adoptait l'approche canadienne, l'Union africaine recevrait une aide de 4 milliards de dollars et disposerait de 2 500 conseillers de l'OTAN ainsi que d'un matériel dont elle a grandement besoin.

Honorables sénateurs, la réalité est que le Canada joue un important rôle de soutien et fait sa part au Darfour.

Des voix : Bravo!

Le sénateur St. Germain : Je ne sais pas pourquoi les libéraux applaudissent. Le Canada semble mener la parade; pourtant, 300 000 personnes serait mortes depuis la dernière visite du premier ministre. Les viols et les meurtres se poursuivent. Le premier ministre s'est rendu sur place. Ce n'est que lorsque David Kilgour a présenté ses exigences que le gouvernement a accepté d'envoyer un plus grand nombre de conseillers sur le terrain et de verser un montant supplémentaire de 170 millions de dollars.

Honorables sénateurs, madame le sénateur Fairbairn était leader du gouvernement au Sénat lorsque je posais des questions du même genre au sujet du Rwanda. Je lui avais posé des questions, jour après jour, comme je le fais maintenant. Ce qui se produit est totalement inacceptable. L'OTAN est allée prêter son concours en Serbie. Est- ce parce que les Serbes sont Blancs et que ces gens ne le sont pas? Y a-t-il un autre motif?

Le sénateur Rompkey secoue la tête. Pourquoi ne faisons-nous rien? Dès qu'il s'agit de l'Afrique, nous nous croisons les bras. Jour après jour, nous assistons aux meurtres et aux viols, sans bouger le petit doigt. Pourtant, lorsque Bill Clinton a décidé d'aller en Serbie, nous l'avons suivi de très près. Il n'y avait rien de mal à le faire, mais pourquoi restons-nous immobiles quand il s'agit de l'Afrique?

Pourquoi le gouvernement a-t-il dépêché deux émissaires, tous deux libéraux? Pourquoi ne pas envoyer un indépendant ou un membre de l'opposition, au moins pour qu'on ait l'impression que les rapports présentés reflètent la réalité? Je ne mets pas en doute la crédibilité du sénateur Jaffer ou du sénateur Dallaire. Mais pourquoi seulement des libéraux? Y a-t-il quelque chose que ce côté-ci devrait savoir?

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, il est très difficile de répondre d'une façon rationnelle à un débordement aussi chargé d'émotion.

En réalité, le gouvernement du Canada ne peut pas tout seul régler les problèmes du Darfour. La réalité, c'est qu'il faut un accord international, que les pays africains ont demandé aux Nations Unies le mandat de régler leurs problèmes en Afrique et que les Nations Unies ont réagi en donnant à l'Union africaine le mandat d'agir. C'est à l'Union africaine qu'il incombe d'organiser les ressources provenant de la communauté internationale. Le Canada a fait sa part. L'Union africaine l'a confirmé. Le Canada aide l'Union africaine à approcher les pays de l'OTAN pour qu'ils ajoutent à la contribution canadienne.

Honorables sénateurs, nous ressentons tous la même indignation devant ce qui se passe au Darfour. Il est regrettable que les Nations Unies ne disposent pas d'un instrument permettant une réaction immédiate. Au Canada, nous sommes très inquiets de la situation au Darfour, mais la suggestion du sénateur St. Germain selon laquelle le Canada pourrait, à lui tout seul, assumer toute la responsabilité du problème du Darfour est pour le moins erronée.

Pour ce qui est de la question posée, le gouvernement a choisi un diplomate de carrière, Robert Fowler, pour diriger un groupe de travail chargé d'examiner les événements au Darfour, de déterminer la contribution du Canada et d'intercéder, là où c'est possible, pour améliorer la situation. Nous avons également fait intervenir deux sénateurs de ce côté-ci qui connaissent bien ce genre de situation, comme le sénateur St. Germain l'a indiqué, je crois.

Le gouvernement choisit ses conseillers de son mieux. Dans ce cas, il a fait un choix judicieux. Je ne sais pas si le sénateur St. Germain s'est rendu compte de l'agressivité qui règne au Parlement aujourd'hui et des efforts déployés par le parti qu'il soutient à l'autre endroit pour faire adopter une motion de défiance. Dans notre régime parlementaire, c'est la nature du modèle de Westminster. Dans de telles conditions politiques, le gouvernement est donc peu susceptible de choisir une personne déterminée à le faire tomber.

Le sénateur St. Germain : Je peux garantir que si des sénateurs de ce côté-ci avaient accompagné madame le sénateur Jaffer et le sénateur Dallaire, ils auraient fait leur devoir sans se lancer dans des affrontements. Le leader du gouvernement laisse entendre qu'il est impossible d'en arriver à une représentation adéquate ici. Nous avons toujours dit que ce qui se fait à l'autre endroit reste à l'autre endroit, et que ce que nous faisons ici est complètement différent. Je crois qu'il est honteux que le sénateur d'en face place les choses dans ce contexte.

(1830)

On nous dit que Robert Fowler examine les événements. Que va-t- il examiner? Plus de meurtres? Plus de viols? Nous savons ce qui se passe. Le premier ministre était là. Interrogez madame le sénateur Jaffer. Demandez au ministre de nous dire ce qui se passe. Nous n'avons pas besoin de M. Fowler là-bas. S'il peut aider, très bien.

Nous parlions d'émotions. Beaucoup de situations dans le monde, honorables sénateurs, exigent qu'on fasse appel aux émotions pour faire avancer les choses. Nous pouvons tous rester les bras croisés. Nous l'avons fait en 1939 et à d'autres reprises. Je tiens à vous dire que ce n'est pas une question politique. Il est question de la vie de gens qui sont comme vous et moi. Ils élèvent leur famille, vont à l'église et croient en Dieu. On nous dit de ne pas nous laisser emporter par les émotions à ce sujet. Si nous ne sommes pas vraiment ébranlés par cette situation, il n'y a rien dans le monde qui pourra jamais nous toucher, car ces gens sont assassinés et violés. Dans le monde libre, nous restons fondamentalement à ne rien faire en disant que c'est la responsabilité de quelqu'un d'autre. L'Union africaine ne fait pas son travail. Écartons-la et faisons ce qui s'impose, en prenant l'initiative.

Le sénateur Austin : À la suite de l'intervention très émotive du sénateur St. Germain, je me demande comment nous pourrions écarter l'Union africaine.

Le sénateur St. Germain : Nous sommes allés en Serbie avec l'OTAN et nous pourrions faire la même chose dans le cas présent, sans aucun doute. Si l'OTAN est incapable d'agir, personne ne pourra le faire, car les plus grandes puissances du monde font partie de l'OTAN.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, l'histoire montrera que, même si la guerre en Yougoslavie se déroulait tout près d'eux, les Européens n'ont rien fait jusqu'à ce que le président Clinton les force à agir. Le Canada était, bien entendu, aux côtés des États-Unis et faisait partie de la coalition formée pour mettre un terme à la situation.

Nous attendons dans ce cas que les États-Unis ou l'Europe donnent l'exemple. Nous ne sommes pas une grande puissance dans le monde, mais nous attachons beaucoup d'importance à la vie humaine. Je ne cesse de répéter au sénateur — mais il ne veut pas l'entendre — que le Canada fait plus que tout autre pays pour aider à régler le conflit au Darfour. Nous avons accepté d'agir sous l'égide des Nations Unies. Nous aidons l'Union africaine de toutes les façons possibles. On apprécie manifestement beaucoup ce que nous faisons.

Des voix : Bravo!

Le sénateur St. Germain : Nous avons fait ce que nous avons pu, sénateur Austin, mais en faisons-nous assez? Telle est la question. Je n'en dirai pas plus.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, je voudrais clarifier un point qui n'a pas été soulevé par le sénateur St. Germain, un point de nature politique, comme il le dit, parce qu'aucune des questions qu'il a posées n'ont un caractère politique, et cela concerne David Kilgour de l'autre endroit. Les décisions du Canada relativement au Darfour sont prises en fonction de notre connaissance de la situation. Jusqu'à maintenant, le sénateur l'a peut-être constaté, M. Kilgour n'a pas approuvé les mesures du Canada.

L'honorable Marcel Prud'homme : Je voudrais que tous les sénateurs s'entendent pour remercier le sénateur Smith d'être présent. C'est son anniversaire aujourd'hui.

Le sénateur Austin : C'est son devoir d'être présent le jour de son anniversaire.

Le sénateur Prud'homme : Il y a toujours la possibilité d'avoir l'unanimité au Sénat.

[Français]

Madame Carolyn Parrish, députée indépendante, a-t-elle été consultée pour faire partie du groupe, avec les sénateurs Jaffer et Dallaire, sur la question du Darfour?

[Traduction]

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, ce n'est pas une question qui m'est posée correctement.

LA JUSTICE

LE PROJET DE LOI SUR LE MARIAGE HOMOSEXUEL—LE SOUTIEN DU VATICAN

L'honorable Noël A. Kinsella (chef de l'opposition) : Honorables sénateurs, le collègue du leader du gouvernement, le ministre de la Justice, aurait dit, selon la Gazette d'aujourd'hui, qu'il avait senti que les porte-parole du Vatican étaient disposés à écouter ses arguments concernant le projet de loi sur le mariage homosexuel. Je me demande si le ministre peut déterminer qui étaient ces représentants du Vatican dont a parlé M. Cotler.

L'honorable Jack Austin (leader du gouvernement) : Nous allons certainement nous renseigner, honorables sénateurs.

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter deux réponses différées à des questions orales posées au Sénat. La première concerne une question orale posée le 22 mars 2005 par le sénateur Kinsella au sujet des autorités portuaires de Halifax et, plus précisément, de la réduction du nombre de policiers patrouilleurs.

[Français]

J'ai aussi la réponse à une question orale du sénateur Comeau, posée au Sénat le 4 mai 2005, concernant la protection des pêches intérieures.

LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET LA PROTECTION CIVILE

L'ADMINISTRATION PORTUAIRE DE HALIFAX—LA RÉDUCTION DU NOMBRE D'AGENTS DE POLICE EN PATROUILLE

(Réponse à la question posée par l'honorable Noël A. Kinsella le 22 mars 2005)

La gestion du port de Halifax, programmes de sécurité y compris, est confiée à une administration portuaire autonome. Toute question sur les décisions touchant la sécurité relève de cette administration. Aussi, les questions concernant le nombre d'agents du Service de police régional de Halifax affectés au port devraient être adressées à l'Administration portuaire de Halifax ou au Service de police régional de Halifax.

Transport Canada a pour mandat d'élaborer et d'administrer des lois et des règlements particuliers à l'appui de la sécurité au sein du réseau de transport maritime du Canada, ce qui englobe les ports. Il assume également la responsabilité globale des règlements en matière de transport de cargaisons et de matières dangereuses, de sécurité des navires et de services de navigation.

L'Administration portuaire de Halifax assume sa part d'une telle responsabilité en s'assurant que les installations, infrastructures et plans portuaires satisfont aux normes de sécurité applicables établies par Transport Canada.

La GRC est chargée de mener des enquêtes criminelles au port de Halifax afin de contrer les menaces ayant trait à la sécurité nationale, au crime organisé et à d'autres domaines faisant l'objet de lois fédérales. La GRC travaille également en partenariat avec d'autres organismes, comme le Service de police régional de Halifax, pour mener des activités de recherche et d'analyse du renseignement, d'intervention en cas d'urgence et de répression dans les ports du Canada.

L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) doit veiller à ce que les biens et les personnes qui arrivent au port de Halifax et qui en partent le fassent conformément au droit canadien et ne posent aucun risque pour la sécurité des Canadiens. L'ASFC s'acquitte d'activités liées à l'inspection et à l'examen des passagers, des équipages, des bâtiments de mer et de leur cargaison, et elle veille, de concert avec d'autres organismes, à la recherche et à l'analyse du renseignement dans les ports canadiens.

Le Service de police régional de Halifax, en sa qualité de force policière compétente pour le port de Halifax, s'occupe d'enquêter dans les dossiers relevant du Code criminel, par exemple ceux de vol et de voies de fait. Le Service de police

régional de Halifax travaille en étroite collaboration avec les organismes fédéraux à favoriser la sécurité dans les ports du Canada, notamment en appuyant les activités du renseignement et en agissant comme premier intervenant en situation d'urgence.

LES PÊCHES ET LES OCÉANS

LA PÊCHE ÉTRANGÈRE—LES PROPOS DU PREMIER MINISTRE

(Réponse à la question posée par l'honorable Gerald J. Comeau le 4 mai 2005)

Comme le premier ministre et le ministre des Pêches et des Océans ont indiqué clairement, le renforcement de la gouvernance internationale des océans et des pêches est nécessaire, non pas seulement sur le Nez et la Queue du Grand Banc, mais sur les mers du monde entier.

Du 1er au 5 mai 2005, le gouvernement a été l'hôte d'une importante conférence internationale à St. John's (Terre- Neuve-et-Labrador), intitulée « Conférence internationale sur la Gouvernance en haute mer et l'Accord des Nations Unies sur les pêches — Passons à l'action ». Cette conférence était une des activités clés de la stratégie adoptée par le Canada pour lutter contre la surpêche à l'échelle mondiale et pour améliorer la gouvernance internationale des pêches. Elle a servi à lancer un processus international qui doit mener à une gouvernance renforcée et moderne de la gestion des pêches en haute mer.

Le premier ministre Paul Martin a accordé son appui entier à ce processus dès le départ. Le Cabinet a approuvé des fonds à cette fin — 15 millions de dollars par année dans le budget de février pour lutter contre la surpêche et accroître la surveillance dans la zone de réglementation de l'OPANO et, récemment, 20 millions de dollars de plus pour les trois prochaines années, afin de combattre ce problème et d'améliorer la gouvernance internationale des pêches. Ce domaine prioritaire fait aussi partie du nouvel Énoncé de politique internationale du Canada. Le premier ministre a également démontré son engagement envers le processus en s'adressant aux délégués à l'ouverture de la conférence, le 1er mai 2005.

Les ministres de 19 pays ou leurs représentants ont tracé les grandes lignes d'une vision pour la réforme de la gouvernance des pêches en mer sous forme d'une déclaration ministérielle. Ce document résultait des débats que le ministre Regan a présidés à la conférence. La déclaration établit un certain nombre d'engagements politiques et un solide consensus mondial envers la modernisation des organisations qui nous servent à gérer les stocks de poissons du monde. Elle établit les objectifs que nous voulons atteindre et la façon dont nous voulons les atteindre en tant que collectivité mondiale.

Dans la déclaration, les ministres pressent tous les États de ratifier les ententes internationales comme l'Accord des Nations Unies sur les pêches. Ils acceptent également de moderniser les organisations régionales de gestion des pêches dont le rôle est de gérer les pêches en haute mer :

  • en fondant les décisions sur les informations scientifiques les plus fiables;

  • en ayant recours à l'approche de précaution pour assurer la conservation des stocks de poissons;

  • en veillant à ce que les règles utilisées par ces organisations soient claires, compréhensibles et conformes aux ententes internationales;

  • en surveillant les prises et l'effort de pêche pour s'assurer que les comportements de pêche sont en conformité avec la réglementation.

Pour faire suite à la déclaration ministérielle, cinq ateliers ont été organisés au cours desquels des représentants internationaux, des universitaires et des ONGE se sont penchés sur les considérations relatives aux écosystèmes, l'observation et l'application des règlements, les processus décisionnels, la nécessité d'équilibrer la capacité et les aspirations des États en voie de développement et les nouveaux domaines d'intérêt de même que les lacunes. Un rapport sommaire sur la voie à suivre a été rédigé pour présenter les principales conclusions de ces ateliers.

Le gouvernement se servira de la déclaration ministérielle et du rapport sommaire sur la voie à suivre comme plan directeur. Nous collaborerons avec d'autres membres de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO) pour renforcer l'OPANO, améliorer sa capacité de gérer les stocks de poissons qui relèvent de sa compétence, moderniser ses pratiques de gestion — y compris l'application de l'approche de précaution et de la gestion écosystémique, et améliorer l'observation et l'application de ses règlements. L'investissement additionnel de 20 millions de dollars sur trois ans, annoncé récemment, nous aidera à avancer sur plusieurs plans, notamment l'accroissement des travaux scientifiques sur les Grands Bancs et la mise sur pied d'une campagne mondiale de promotion de la lutte contre la surpêche dans le monde entier.

Nous entreprenons un certain nombre d'initiatives de suivi conformément aux objectifs de la conférence qui sont d'aller de l'avant vers des mesures concrètes. En plus de l'OPANO, nous travaillerons à rendre plus efficaces et redevables toutes les organisations régionales de gestion des pêches et tous les mécanismes en modernisant leur rôle, leur mandat et leurs démarches. Le Canada veillera aussi à encourager la coopération et la synergie entre les organisations régionales de gestion des pêches afin qu'elles prennent des mesures dans des domaines de préoccupation commune, comme la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. Compte tenu de la capacité d'agir différente des organisations régionales face à ces problèmes, on ne peut s'attendre à ce qu'un régime international rigoureux voie le jour d'ici cinq ans; il faudra des efforts continus.

D'autres délégations ont aussi annoncé des mesures précises que leur État entend prendre au cours des deux prochaines années, pour donner suite aux engagements de la déclaration ministérielle. Ces mesures sont décrites dans le rapport sommaire.

En plus de ce qui précède, le Groupe consultatif sur la gestion durable des stocks de poissons chevauchants dans l'Atlantique Nord-Ouest, créé par le ministre Regan en décembre 2004, doit présenter au ministre son rapport au début de juin. Ses conclusions et ses recommandations seront importantes tandis que nous progressons dans ce dossier.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Catherine S. Callbeck propose : Que le projet de loi C- 10, Loi modifiant le Code criminel (troubles mentaux) et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu une troisième fois.

Une voix : Le vote!

Le sénateur Prud'homme : Le vote!

Son Honneur le Président : Certains sénateurs se lèvent.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je tiens à formuler certaines observations au sujet du projet de loi C-10. Ce projet de loi fait suite à un premier projet de loi adopté en 1992, qui contenait une initiative audacieuse et novatrice en matière de traitement des maladies ou des handicaps mentaux par les tribunaux canadiens. Le projet de loi prévoyait un processus de révision qui n'a pas été appliqué comme il aurait dû l'être, et qui a connu un certain retard. Cependant, comme je l'ai dit dans ma première intervention, je félicite le comité de la Chambre des communes d'avoir entendu des témoins et d'avoir analysé les nouvelles modifications proposées à l'égard de cette façon de faire.

Lors de l'étude du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, un certain nombre de points m'ont paru évidents et méritent d'être soulignés, selon moi. Premièrement, on utilise nos tribunaux pour répondre aux besoins des malades mentaux. Dans notre empressement à sortir ceux-ci de nos établissements psychiatriques, qui, peut-être, auraient pu recevoir davantage de ressources et auraient pu être gérés autrement, nous avons relâché ces malades dans la collectivité sans leur accorder les moyens appropriés. Selon certains témoins, les handicapés mentaux, souvent, ne bénéficiaient pas du logement, du soutien ni de la prise en charge dont ils avaient besoin pour se débrouiller dans la collectivité. Par conséquent, ces personnes continuaient à être affectées par leurs troubles mentaux, jusqu'au point où elles en venaient à avoir affaire à la justice. Elles se retrouvaient devant les tribunaux plutôt que dans un établissement ou devant des professionnels de la santé capables de leur venir en aide.

Nous avons fait des victimes de personnes souffrant d'un handicap mental qui les empêchent, dans certains cas, de distinguer le bien du mal ou, dans d'autres cas, de fonctionner adéquatement. Nous aurions dû nous rendre compte que nous aurions besoin de plus de ressources au sein des collectivités pour que ces personnes ne se retrouvent pas confrontées au système de justice criminelle. À mon avis, nous ne leur avons pas procuré ce qu'une société moderne devrait offrir à ses citoyens, du moins à ceux qui sont les moins en mesure de prendre soin d'eux-mêmes. Dans les faits, nous avons réduit le nombre d'établissements de santé au cours des dernières décennies. En conséquence, ceux qui en avaient le plus besoin ont souffert le plus.

Nous avons créé une deuxième catégorie de victimes, celles qui sont entrées en conflit avec les personnes atteintes de handicap mental. Certaines de ces personnes ont perdu la vie, certaines ont été violées, d'autres agressées et d'autres ont subi des torts mineurs. Ces gens ont souffert inutilement et ont parfois été atteints de maladies longues et débilitantes. Ils n'ont pu vivre leur vie normalement parce que la personne responsable de leur état n'était pas elle-même capable de s'adapter à la vie dans la collectivité. Cette mesure législative porte sur deux types de circonstances et sur deux groupes de victimes.

(1840)

Le projet de loi C-10 est une tentative juste et équilibrée pour tenir compte, d'une part, des personnes atteintes d'un trouble mental et, d'autre part, des victimes. Nous avons discuté de la pertinence des déclarations des victimes. À mon avis, de telles déclarations sont pertinentes pour l'évaluation de l'état mental d'une personne. Si de tels examens nuisent de quelque façon que ce soit aux accusés qui en font l'objet, la commission d'examen ou le tribunal peuvent décider, au départ, de ne pas permettre aux victimes de faire des déclarations. Toutefois, le président de la commission d'examen a déclaré, lors de son témoignage, qu'il ne voyait que peu de cas où de telles déclarations ne seraient pas utiles, même pour la personne atteinte d'un trouble mental, et qu'il valait la peine d'entendre la déclaration de la victime.

Nous avons constaté que, dans 80 p. 100 des cas, les victimes des personnes atteintes d'un trouble mental et qui ont des démêlés avec la justice sont soit des parents, soit de proches collaborateurs, soit des voisins. Nous avons également constaté que, dans la plupart des cas, il y avait eu une relation antérieure entre les personnes mises en cause et que cette relation se poursuivait probablement. Par conséquent, ce n'est pas aussi traumatisant qu'il n'y paraît à première vue. On peut vraisemblablement invoquer certains arguments juridiques contre, mais à la lumière des informations dont nous disposons, il semble que la déclaration de la victime soit nécessaire, même, dans certains cas, pour la réadaptation de la personne qui a fait l'objet de l'évaluation. Toutefois, la victime a besoin de savoir où se trouvera la personne évaluée et comment elle sera traitée, si la réadaptation est la mesure appropriée.

Honorables sénateurs, j'estime que nous allons dans la bonne direction en supprimant la nécessité de révisions constantes, lorsque l'on sait que l'état de la personne ne changera pas et qu'elle ne se rétablira pas. En pareil cas, la commission d'examen pourrait accorder une libération inconditionnelle, qui est la mesure appropriée.

Je ne répéterai pas ce qui a été dit par les témoins qui ont comparu devant le comité. Certains excellents points ont été soulevés. Je remercie madame le sénateur Bacon, présidente du Comité des affaires juridiques, qui a prolongé les audiences pour permettre aux membres d'entendre le Barreau du Québec et bien d'autres témoins sur les points de droit du projet de loi C-10. Il ne fait aucun doute que ce projet de loi pourrait et devrait être amélioré, car la compréhension de la maladie mentale et de la façon dont ses états peuvent s'adapter représente un processus dynamique. Nous devons continuer à revoir notre projet de loi afin de faire de notre mieux pour ceux qui ont des démêlés avec la justice.

Honorables sénateurs, le système de justice pénale est en train de devenir le dépositaire de tous les autres maux de la société. Lorsque nos services sociaux échouent, il est inévitable que des gens se retrouvent devant les tribunaux, car ils sont statiques. Lorsque certains ont des démêlés avec la loi, leur cas est réglé. Ce n'est pas ainsi que la société devrait évoluer. En fait, il s'agit de régression.

Nous avons recours aux tribunaux de la jeunesse plutôt que d'offrir des services de prévention le plus tôt possible dans la vie des jeunes. Il y en a maintenant beaucoup plus qui ont des démêlés avec la justice. De même, un nombre croissant de personnes atteintes de troubles mentaux se retrouvent maintenant devant les tribunaux parce qu'elles n'ont pas accès aux hôpitaux ou aux traitements dont elles auraient besoin. Cette situation est intolérable. Nous sommes une société moderne, évoluée, dotée d'un excellent filet de protection sociale, mais ce filet a trop de brèches par où peuvent s'échapper un grand nombre d'individus. Il ne peuvent alors aboutir qu'à un seul endroit et c'est le tribunal. Cela ne peut continuer.

Il me plait de constater que le comité continuera de suivre cette situation et de rappeler au gouvernement que le système actuel ne peut continuer à élargir les possibilités relevant du Code criminel et considérer comme des actes criminels des gestes qui nécessitent d'autres types de soins. Il me plait également de savoir que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se penche également sur la santé mentale. Les deux comités arriveront peut-être à faire mieux connaître ces questions et à formuler des recommandations qui inciteront le gouvernement à s'en occuper.

Il existe de trop nombreuses catégories de victimes dans notre société. Nous devons établir davantage de services préventifs et collaborer avec les provinces pour trouver de meilleures façons de soigner les gens. Si nous y arrivions, les tribunaux seraient peut-être moins surchargés et on s'entêterait peut-être moins à en exiger le durcissement. Ce régime servirait alors à la fin à laquelle il est destiné. Nous n'aurions pas à entendre le genre de témoignages qui ont été faits devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles concernant le projet de loi C-10.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-10 constitue une bonne tentative. Il a été amendé à l'autre endroit et nous devons y donner suite. Ce n'est pas le projet de loi C-10 qui pose problème, mais l'insuffisance de services.

Son Honneur le Président : Puisqu'aucun sénateur ne se lève, je vais mettre la motion aux voix.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Votre Honneur, j'aimerais que les articles inscrits à l'ordre du jour soient appelés dans l'ordre suivant : l'article no 3, le projet de loi C-13, puis l'article no 2, le projet de loi C-31.

LE CODE CRIMINEL
LA LOI SUR L'IDENTIFICATION GÉNÉTIQUE
LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Landon Pearson propose : Que le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'interviens en faveur du projet de loi C- 13. La loi visant la banque de données génétiques du Canada a été promulguée en décembre 1998. Elle est entrée en vigueur le 30 juin 2000, créant ainsi la Banque nationale de données génétiques.

On peut dire sans risquer de se tromper qu'à l'époque le concept des empreintes génétiques commençait à être connu. On était très préoccupé par leur utilisation et par la manière dont les tribunaux accepteraient la collecte obligatoire de substances corporelles. Je me rappelle très bien des discussions que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a eues à ce sujet.

Étant donné toutes ces préoccupations, la loi a été rédigée avec beaucoup de soin. La définition d'« infraction désignée » est fondamentale. La police peut obtenir un mandat autorisant un prélèvement pour analyse génétique seulement en cas d'infraction désignée; seules les personnes ayant commis une infraction désignée sont susceptibles de voir leurs données incluses dans la Banque nationale de données génétiques; et seules les données génétiques constituant des éléments de preuve liés à une infraction désignée peuvent être saisies dans cette banque.

(1850)

Aux fins des ordonnances de prélèvement pour inclusion du profil d'identification génétique dans la banque de données génétiques, on a créé deux catégories d'infractions désignées : les infractions désignées primaires et secondaires. Dans le cas d'une personne déclarée coupable d'une infraction désignée primaire, le tribunal est tenu, sous réserve d'un pouvoir discrétionnaire limité, de prononcer une ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil d'identification génétique dans la banque de données génétiques. Dans le cas d'une infraction secondaire, le procureur peut, à sa discrétion, demander une ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil d'identification génétique dans la banque de données génétiques et le tribunal a un pouvoir discrétionnaire plus vaste lui permettant de ne pas prononcer l'ordonnance.

La loi prévoit aussi des mesures importantes de protection contre le mauvais usage des profils génétiques. Commet une infraction quiconque utilise un profil génétique à d'autres fins que d'enquêter sur un crime. La Banque nationale de données génétiques dispose d'un système qui sépare le profil génétique des renseignements identifiant le contrevenant. C'est ainsi que cela fonctionne. L'échantillon de substances corporelles à analyser et les données permettant d'identifier le contrevenant, lesquelles reposent sur les empreintes digitales, sont identifiés à l'aide du même code à barres.

La banque de données génétiques ne garde que les échantillons et transmet les données d'identification aux responsables de l'identité judiciaire. On peut retrouver cette analyse au moyen du code à barres et les préposés de la banque ne connaissent pas l'identité du délinquant. Lorsqu'il y a correspondance, le code à barres est communiqué à l'identité judiciaire qui identifie le délinquant condamné.

Je crois comprendre que le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile de l'autre endroit a entendu des témoins qui avaient déjà travaillé à la banque britannique de données génétiques et qui ont souligné que les protections prévues au Canada à l'égard de l'utilisation abusive des profils d'identification génétique sont bien supérieures à ce qui existe en Grande-Bretagne où les données d'identification sont jointes aux profils.

Dans l'arrêt Hendry, une décision de la Cour d'appel de l'Ontario souvent citée dans des décisions prises dans d'autres provinces en faveur de la loi, il a été statué que :

En cherchant le juste équilibre entre le droit du délinquant à la protection de la vie privée et à la sécurité de sa personne, d'une part, et les intérêts de l'État d'obtenir le profil d'identification génétique du délinquant, d'autre part, le tribunal doit tenir compte des éléments suivants : la loi prévoit d'importantes protections contre l'utilisation abusive des renseignements sur des profils d'identification génétique, minimisant ainsi les risques d'atteinte injustifiée à la vie privée du délinquant. Ayant été déclaré coupable d'une infraction désignée, le délinquant a déjà une attente moins grande quant à la protection de sa vie privée. Dans une affaire ordinaire de délinquant adulte, les modalités du prélèvement de l'échantillon n'ont aucune incidence sur la sécurité de sa personne ou, au pire, une incidence minimale. Donc, dans le cas d'un adulte délinquant ordinaire, la banque de données génétiques sert d'importants intérêts de l'État et il n'existe que peu de motifs relatifs à la protection de la vie privée ou à la sécurité de sa personne qui militent en faveur du refus de prononcer l'ordonnance.

La mesure législative actuelle prévoit une certaine rétroactivité. On pourrait obtenir un échantillon de substances corporelles en en faisant la demande à un juge d'une cour provinciale dans le cas où un délinquant dangereux aurait commis deux meurtres, ou deux infractions sexuelles à des moments différents.

Aujourd'hui, près de cinq ans après l'adoption de la mesure, les tribunaux acceptent très bien l'utilisation des données génétiques et on reconnaît mieux que celles-ci peuvent permettre de résoudre des crimes et de disculper des innocents, si bien que nous pouvons désormais maximiser l'utilisation de cet outil important.

Comme le savent les honorables sénateurs, la Banque nationale de données génétiques comprend un fichier criminalistique, qui renferme les profils d'identification génétique établis à partir des empreintes génétiques trouvées sur la scène d'un crime non résolu, et un fichier des condamnés qui renferme les profils génétiques des personnes reconnues coupables d'infractions désignées.

La Banque nationale de données génétiques permet d'établir une correspondance entre les nouveaux profils d'identification génétique et tous les autres. Lorsqu'une correspondance est établie entre un profil versé dans le fichier des condamnés et le profil établi à partir de la scène d'un crime donné, la police est informée de l'identité du condamné. La police peut alors cibler son enquête. La présence de l'empreinte génétique d'un contrevenant peut faire l'objet d'une explication légitime, mais il reste que, dans nombre de cas, la police peut résoudre un crime qui serait autrement classé dans les affaires irrésolues. De même, si on établit une correspondance entre deux profils versés dans le fichier criminalistique, on en informe les corps policiers qui enquêtent sur les deux crimes. Ils peuvent discuter de la preuve qu'ils ont accumulée dans les deux affaires et leurs efforts conjoints peuvent peut-être les mener à élucider des crimes et à arrêter un récidiviste.

En date du 9 mai, le fichier des condamnés comptait 77 255 profils, et le fichier criminalistique, 21 424 profils. Dans 3 270 cas, on a établi une concordance entre le fichier criminalistique et le fichier des délinquants et, dans 408 cas, entre fichiers criminalistiques. En tout, la Banque nationale de données génétiques a été utile dans près de 3 700 enquêtes policières, dont 210 concernant des meurtres, 74, des tentatives de meurtres, 507, des agressions sexuelles et 417, des vols à main armée.

Les honorables sénateurs doivent aussi se rappeler qu'un résultat négatif peut être utile à la police. Un échantillon de substances corporelles trouvé sur la scène d'un crime peut rapidement être comparé au contenu de la banque de données génétiques, ce qui permet à la police de restreindre son champ de recherche et d'éviter d'interroger d'anciens délinquants, inscrits dans la banque de données, qui tentent de vivre une vie normale. Ce processus permet d'économiser un temps et des ressources précieux et de mieux protéger le public.

Le projet de loi C-13 est l'aboutissement d'un long processus. En août 2001, alors que la loi était en vigueur depuis un peu plus d'un an, la Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada a adopté un certain nombre de résolutions demandant au gouvernement d'examiner en priorité, et en consultation avec les provinces, les territoires et les autres parties intéressées, des modifications à la législation sur la banque de données génétiques. Les consultations ont été retardées jusqu'à la fin de 2002, parce que le gouvernement a dû s'occuper des conséquences des événements du 11 septembre. Leur portée était plus étendue que celle des résolutions adoptées par la Conférence pour l'harmonisation des lois du Canada, mais le gouvernement a obtenu un large appui en faveur de l'examen de certaines questions avant la tenue de l'examen quinquennal, qui doit avoir lieu cette année. Les consultations ont démontré un appui en faveur des changements recommandés par la conférence.

Ces changements sont, premièrement, l'inclusion, dans la liste des infractions désignées, des infractions passées d'attentat à la pudeur contre une personne du sexe féminin, d'attentat à la pudeur contre une personne du sexe masculin et de grossière indécence; deuxièmement, l'inclusion, dans la banque de données génétiques, des noms des personnes ayant fait l'objet d'un verdict de non- responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux; troisièmement, la clarification de la méthode par laquelle on peut contraindre un délinquant à comparaître devant un tribunal chargé de statuer sur l'opportunité de prononcer une ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil d'identification génétique dans la banque de données génétiques; quatrièmement, la création d'un processus qui permettrait à un juge de prononcer une seconde ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil d'identification génétique dans la banque de données génétiques, dans les cas où la Banque nationale de données génétiques a refusé d'exécuter la première ordonnance en raison d'une erreur commise par la police dans les formulaires qui doivent accompagner les substances corporelles soumises pour fins d'analyse; cinquièmement, la création de mécanismes permettant de contraindre un délinquant à comparaître afin de fournir un échantillon de substances corporelles; sixièmement, l'inclusion des personnes déclarées délinquants dangereux autrement qu'en vertu de la partie XXIV du Code criminel et des délinquants condamnés pour entrée par effraction et infraction sexuelle et, enfin, l'inclusion des infractions passées d'attentat à la pudeur contre une personne du sexe féminin, d'attentat à la pudeur contre une personne du sexe masculin et de grossière indécence dans la définition de l'infraction sexuelle au paragraphe 487.55(3), aux fins de l'application rétroactive.

En outre, pendant les consultations, on semblait appuyer les mesures suivantes : premièrement, ajouter des infractions à la liste des infractions désignées aux fins de la banque de données génétiques, y compris l'appartenance à une organisation criminelle, les menaces et le harcèlement criminel; deuxièmement, faire passer le vol qualifié et l'introduction par effraction dans une maison d'habitation de la liste des infractions secondaires à la liste des infractions primaires de manière à augmenter la probabilité qu'un tribunal émette une ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil génétique dans la banque de données génétiques; troisièmement, veiller à l'application rétroactive de la loi; quatrièmement, adopter une procédure permettant la révision d'une ordonnance de prélèvement pour inclusion du profil génétique dans la banque de données génétiques qui aurait été émise pour une infraction non désignée, et autoriser la destruction de prélèvements qui auraient été effectués en vertu d'une telle ordonnance; finalement, conserver dans la base de données le profil génétique d'une personne tant que toutes les ordonnances la concernant n'ont pas été annulées.

Toutes ces modifications étaient contenues dans le projet de loi C- 35, qui est mort au Feuilleton en mai 2004. Le projet de loi C-13 reprend essentiellement ce qui se trouvait dans le projet de loi C-35. Il propose d'importantes modifications à la liste des infractions primaires, y compris l'ajout de toutes les infractions de pornographie juvénile, de l'exploitation sexuelle d'une personne handicapée, de la corruption d'enfants au moyen d'Internet, du fait de vivre des produits de la prostitution de mineurs, du fait de vaincre la résistance à la perpétration d'une infraction, de l'introduction par effraction dans une maison d'habitation et de l'extorsion.

(1900)

De plus, dans sa forme initiale, le projet de loi C-13 a prévu des ajouts à la liste des infractions secondaires, y compris le harcèlement criminel, le fait de proférer des menaces et la présence illégale dans une maison d'habitation.

De toute évidence, le gouvernement n'a pas proposé ces changements de manière arbitraire. Il l'a fait en réponse aux préoccupations exprimées par les provinces, les groupes de victimes et d'autres intervenants qui estimaient que des infractions graves avaient été omises de la liste. Après avoir entendu de nombreux témoignages, tous les partis représentés à l'autre endroit se sont entendus pour renforcer davantage la mesure législative sur les empreintes génétiques, tout en maintenant le cadre existant et en respectant les droits reconnus par la Charte.

Les changements importants qui suivent ont été apportés. Premièrement, on a prévu des dispositions permettant à la banque de données d'entrer en communication, y compris d'échanger des profils d'identification génétique, sans identifier l'information, avec des laboratoires judiciaires régionaux dans les cas où le profil fourni par ces laboratoires n'est pas complet et où il subsiste un doute quant à savoir s'il correspond à un profil d'identification génétique de la banque de données génétiques.

Deuxièmement, on étend la portée rétroactive de la loi de manière à ce qu'elle couvre tous les meurtriers et les délinquants sexuels, ainsi que les individus condamnés pour homicide involontaire coupable, qui ont été condamnés avant le 30 juin 2000, date d'entrée en vigueur de la loi, au lieu d'exiger que le délinquant ait commis deux meurtres, deux infractions sexuelles ou un meurtre et une infraction sexuelle pour être assujetti à l'application rétroactive de la loi. L'ordonnance n'est pas rendue automatiquement. La Couronne devra présenter une demande en ce sens, et un juge d'une cour provinciale devra conclure qu'il est opportun, dans un cas donné, de rendre une ordonnance à cause du danger que peut présenter le délinquant pour la société s'il est remis en liberté dans la collectivité. Avec cette modification, environ 4 700 délinquants de plus pourront voir leur profil d'identification génétique versé dans la banque de données.

Cette façon de procéder, qui a été jugée conforme à la Constitution, n'a pas été modifiée. La Couronne devra convaincre un juge que, compte tenu des antécédents du délinquant et des circonstances entourant les délits qu'il a commis, son profil d'identification génétique devrait être inclus dans le fichier des condamnés de la banque de données génétiques. Le juge tiendra compte de tout le dossier de l'individu.

Le fait d'étendre la portée rétroactive de la loi ne modifie pas la peine imposée à quelqu'un. Il s'agit d'une disposition de nature procédurale qui n'a pas d'incidence sur la vie quotidienne d'une personne si elle est libérée sous condition. Son profil d'identification génétique sera simplement dans un fichier, dans l'éventualité où elle commettrait des infractions dans l'avenir.

Troisièmement, le projet de loi qui nous est soumis contient une modification destiné à donner moins de latitude à l'appareil judiciaire concernant les personnes condamnées pour les pires infractions primaires, notamment le meurtre, la tentative de meurtre, l'homicide involontaire coupable, les voies de fait causant des lésions corporelles, les voies de fait graves, l'agression sexuelle armée, l'agression sexuelle grave, l'enlèvement, le vol qualifié et l'extorsion. Ces infractions sont les plus connues des infractions primaires et elles constituent des actes de violence terribles contre la personne.

Cette modification résulte du fait que, même pour les crimes les plus abominables, la Banque nationale de données génétiques ne semble pas recevoir autant de profils qu'elle le devrait. Il semble qu'une ordonnance de prélèvement de substances corporelles ne soit délivrée que dans la moitié des condamnations pour une infraction primaire. Personne ne sait exactement pourquoi la latitude donnée aux juges en ce qui a trait aux ordonnances de prélèvement de substances corporelles a conduit à une sous-utilisation des dispositions législatives, mais en prévoyant l'obligation de délivrer une ordonnance pour les pires infractions, on s'attend à ce que le nombre de ces ordonnances augmente considérablement.

Quatrièmement, dans le projet de loi C-13, il est prévu en outre que tous les actes punissables en vertu du Code criminel d'un maximum de cinq ans d'emprisonnement ou plus seraient considérés comme des infractions secondaires. Le commerce illicite, la possession dans le but de faire un commerce illicite, l'importation, l'exportation ou la production, tels que prévus dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, seraient également considérés comme des infractions secondaires.

En établissant la limite inférieure à cinq ans, on établit un lien significatif avec la Charte. La durée de cinq ans d'emprisonnement ne correspond pas seulement à un point de repère important quand vient le temps de juger de la gravité d'une infraction. C'est aussi le critère employé dans la Charte pour déterminer si l'accusé a droit à un procès devant jury. Puisque l'ordonnance peut seulement être délivrée lorsqu'une demande est adressée au juge, puisque celui-ci doit tenir compte de la nature et des circonstances de l'infraction ainsi que des antécédents criminels du délinquant et puisque la demande ne peut être faite que si l'accusé a été poursuivi par voie de mise en accusation, on croit que le changement sera conforme à la Charte.

Honorables sénateurs, c'était un aperçu des améliorations importantes prévues dans le projet de loi C-13 relativement aux dispositions législative régissant la banque de données génétiques. À l'instar des dispositions législatives existantes, qui ont été de ce fait bien acceptées par les tribunaux, le projet de loi ne diminue pas la protection de la confidentialité et des autres droits garantis par la Charte.

Il ne fait aucun doute que si le projet de loi C-13 est adopté, le nombre d'ordonnances de prélèvement de substances corporelles augmentera de beaucoup, ce qui aura pour effet de grossir sensiblement le nombre de délinquants dont les empreintes génétiques figureront dans le fichier des condamnés. De plus, la police pourra obtenir des mandats permettant de prélever des substances corporelles pour un plus grand nombre d'infractions et d'enregistrer davantage d'empreintes génétiques dans le fichier criminalistique. Quand il y aura plus de profils dans la banque de données, on pourra procéder à plus d'identifications qui aideront les policiers dans leurs enquêtes. Plus on aura d'empreintes génétiques des contrevenants, plus la sécurité sera accrue au Canada.

J'exhorte tous les honorables sénateurs à faire en sorte que le projet de loi C-13 soit adopté rapidement.

[Français]

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais intervenir dans le débat à l'étape de la deuxième lecture de ce projet de loi. Dans le sommaire attaché au projet de loi, nous voyons que le texte modifie les dispositions du Code criminel relatives au prélèvement des substances corporelles pour analyse génétique et à l'inclusion des profils d'identification génétique dans la Banque nationale de données génétiques et apporte des modifications corrélatives à la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et à la Loi sur la défense nationale. Le sommaire précise que l'analyse génétique des substances corporelles prélevées sur les condamnés en vue de l'inclusion de leur profil d'identification génétique dans la banque nationale de données génétiques est éffectuée par le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada.

[Traduction]

Les honorables sénateurs se souviendront sûrement des lois précédentes sur l'utilisation des empreintes génétiques dans les enquêtes criminelles, notamment du projet de loi C-104, qui est entré en vigueur en 1995. Cette loi a habilité les juges à délivrer des mandats permettant à la police de recueillir des substances corporelles pour analyse génétique aux fins des enquêtes criminelles.

Ensuite, il y a eu le projet de loi C-3, Loi sur l'identification par les empreintes génétiques, qui a reçu la sanction royale en 1998. Cette mesure législative a établi la Banque nationale de données génétiques, la BNDG, qui sert de dépôt pour les échantillons des criminels reconnus coupables de certains crimes et pour les prélèvements recueillis sur les lieux des crimes.

Le projet de loi S-10, qui a modifié la Loi sur la défense nationale, a suivi. Les honorables sénateurs se rappellent sûrement que cette loi a reçu la sanction royale en 2000. Aux termes de cette loi, les juges militaires peuvent maintenant délivrer des mandats permettant de prélever des substances corporelles en vue d'une analyse génétique dans le cadre d'enquêtes portant sur des infractions désignées commises par des personnes assujetties au code de discipline militaire et prendre des ordonnances de prélèvement pour analyse génétique.

Ces projets de loi étaient sans précédent au moment de leur adoption en ce qui concerne la mesure dans laquelle ils constituaient une intrusion dans la vie privée d'une personne, au niveau de ses renseignements personnels, de ses empreintes génétiques et de son code génétique. Ce code contient non seulement des caractéristiques distinctives, comme les empreintes digitales, mais aussi des renseignements qui, un jour, pourraient avoir d'importantes conséquences, notamment la prédisposition à certaines maladies ou même le comportement probable de l'individu.

Honorables sénateurs, bien que ces projets de loi, qui ont depuis été adoptés, aient effectivement amélioré le système de justice pénale, ils soulèvent aussi des préoccupations à propos du droit à la vie privée et du droit à la sécurité. Comme l'a dit mon collègue, le sénateur Grafstein, devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 25 novembre 1998 dans le cadre du débat sur la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques :

[...] Les analyses génétiques peuvent révéler beaucoup plus au sujet d'une personne qu'un échantillon d'haleine, une empreinte digitale ou une analyse de sang courante. Les analyses génétiques peuvent grandement porter atteinte à la vie privée d'une personne. La plupart d'entre nous ici s'inquiètent de ce que les renseignements recueillis dans le cadre d'analyses génétiques soient utilisés uniquement aux fins prévues par le projet de loi.

Jusqu'à présent, nos tribunaux ont jugé que les atteintes à la vie privée des gens étaient constitutionnelles. Ce régime permettant l'émission de mandats a survécu à une contestation en vertu de la Charte.

(1910)

Le 31 octobre 2003, dans l'affaire R. c. S.A.B., la Cour suprême du Canada a rendu un jugement unanime selon lequel la saisie d'échantillons corporels d'un suspect à des fins d'analyses génétiques, conformément à un mandat ADN émis en vertu du Code criminel, ne porte par atteinte aux droits constitutionnels du suspect contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Madame la juge Louise Arbour a écrit :

Les facteurs tenant à l'importance de la recherche de la vérité l'emportent sur les facteurs tenant à la protection de la personne contre la contrainte indue de l'État [...] Tout bien considéré, ces dispositions assurent le caractère non abusif de la fouille et de la saisie de matériel génétique.

Honorables sénateurs, nous devons être sûrs de ne pas contribuer à l'érosion des droits de la personne au Canada. Dans l'intérêt de la sécurité du public, nous avons conféré de vastes pouvoirs aux autorités de l'État, au péril des droits de la personne. Nous devons faire très attention en accordant ces pouvoirs, parce qu'une fois accordés, ils sont très difficiles à contrôler.

Nous devons aussi reconnaître que la démocratie n'est pas seulement basée sur la confiance mais aussi sur la vérification, la justification, la responsabilité et la fiabilité. Il ne suffit pas pour nous d'« être persuadés » que les autorités n'abuseront pas de leurs pouvoirs, un peu comme un dictateur bienveillant. Nous devons avoir des freins et des contrepoids pour veiller à ce que les droits fondamentaux et, dans ce cas-ci, le droit à la protection des renseignements personnels, soient protégés.

Il est manifestement question d'un domaine scientifique, le prélèvement et l'analyse d'échantillons de substances corporelles, qui ne cesse de progresser. Le petit échantillon de substances corporelles qui ne sert aujourd'hui qu'à lier une personne à la scène d'un crime pourrait demain nous apporter beaucoup plus. La technologie utilisée pour étudier les empreintes génétiques évolue constamment et s'améliore sans cesse. Avec cela à l'esprit, nous devons toujours nous assurer que des garanties et des mécanismes de surveillance sont en place pour protéger la vie privée des gens, même ceux qui sont coupables de crimes, contre toute invasion indue touchant leurs traits caractéristiques les plus fondamentaux.

Le Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile à l'autre endroit a examiné ce projet de loi et y apporté un certain nombre d'amendements qui, selon les membres du comité, renforcent le projet de loi pour qu'il résiste à une contestation fondée sur la Charte. Nous voudrons, au sein de notre comité, porter une attention spéciale à ces dispositions.

Je voudrais vous signaler deux amendements importants. Tout d'abord, le pouvoir discrétionnaire des juges demeure, afin de leur permettre de rejeter une demande présentée par la Couronne pour obtenir un échantillon de substances corporelles. C'est nécessaire pour que la loi résiste à une contestation constitutionnelle, mais dans le cas des pires infractions, ce pouvoir discrétionnaire sera éliminé.

Ensuite, le projet de loi adopté par la Chambre des communes, renferme maintenant une mesure rétroactive, à laquelle madame le sénateur Pearson a fait allusion, qui exigera que les détenus reconnus coupables d'un seul meurtre, d'une seule agression sexuelle ou d'un seul homicide involontaire coupable fournissent des échantillons pour la Banque nationale de données génétiques.

Je félicite nos collègues de l'autre endroit du travail acharné qu'ils ont accompli pour obtenir ces changements. Cependant, j'ai encore des préoccupations au sujet du projet de loi proposé. Ce sont les mêmes préoccupations que j'avais au sujet de l'utilisation des empreintes génétiques dès le départ. En 1998, lorsque nous discutions du projet de loi C-3, qui créait la Banque nationale de données génétiques, j'ai fait remarquer ce qui suit :

Il incombe aux parlementaires de déterminer si l'analyse des empreintes génétiques peut être utilisée comme un scalpel, pour démasquer les auteurs de crimes graves, et non pas comme un instrument de calomnie envers tous les membres d'une société.

La Banque nationale de données génétiques a mis en place plusieurs mécanismes de protection destinés à protéger la vie privée. Nous devrons être vigilants lorsqu'il s'agira de nous demander s'ils continuent d'être suffisants pour protéger les renseignements personnels d'un condamné.

Un représentant du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada siège actuellement au Comité consultatif de la Banque nationale de données génétiques, et ce comité fait rapport annuellement au commissaire de la GRC. Ni ce comité ni la représentation du commissaire à la protection de la vie privée ne sont garantis par la mesure. Or, ces deux aspects risquent de ne pas suffire à assurer le suivi des dossiers. En réalité, il se peut que le commissaire à la protection de la vie privée ne dispose pas des ressources nécessaires pour contrôler adéquatement le travail qui se fait à la banque de données. Il faut peut-être accorder au commissaire à la protection de la vie privée un pouvoir de vérification plus considérable à l'égard de la Banque nationale de données génétiques, compte tenu des caractéristiques du matériel génétique et des possibilités d'abus.

La question de la protection de la vie privée se complique lorsqu'il est question de partager des renseignements avec d'autre pays pour résoudre des crimes. Le Canada n'exerce plus aucun contrôle sur l'information à partir du moment où elle quitte le pays, à moins que des mesures de contrôle ne soient prévues dans les ententes d'échange conclues avec d'autres pays. Cette question est abordée à l'article 6 de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Les honorables sénateurs se souviendront peut-être cependant que Bruce Phillips, l'ancien Commissaire à la protection de la vie privée, avait manifesté ses inquiétudes à ce sujet lorsqu'il a déclaré, en 1998, devant notre comité sénatorial permanent :

Par contre, en ce qui concerne les échanges de renseignements faits en vertu d'ententes entre le gouvernement canadien et des autorités non seulement provinciales mais également internationales, oui, il y a là un grave problème. Cette loi, ainsi que de nombreuses autres, autorise les échanges de renseignements. Dans un grand nombre de cas, notre bureau n'a aucun droit ou rôle dans leur constitution afin de s'assurer que le destinataire de ces renseignements protégera le caractère confidentiel de ces derniers.

Le projet de loi C-13 n'aborde pas du tout cette question. J'estime qu'il nous faudra peut-être y revenir. J'ose espérer que le comité qui se penchera sur ce projet de loi en fera l'examen.

Dans une certaine mesure, même l'utilisation de matériel génétique reste en suspens dans ce projet de loi. La définition de l'« analyse génétique » n'a pas changé depuis la première discussion sur la loi en 1991. Certains pourraient soutenir qu'il y a là une échappatoire pouvant donner lieu à des abus dans l'utilisation subséquente de substances corporelles. Comme l'a déclaré l'ancien commissaire à la protection de la vie privée dans son témoignage au sujet du projet de loi C-3, créant la Banque nationale de données génétiques, le projet de loi :

... ne définit pas suffisamment ce qu'est une analyse génétique à des fins médico-légales. Il n'y a rien dans ce projet de loi qui limite précisément l'utilisation de cette information à des fins d'identification. Cela permet d'utiliser l'information à d'autres fins.

Encore une fois, il s'agit là d'une question qui mérite notre attention et il faudra la réévaluer en permanence.

Je crois savoir que pour des raisons de coût, les profils génétiques sont élaborés en groupes d'environ 36. En d'autres termes, on procède à un regroupement de profils. De ce fait, il ne sera peut-être pas possible de détruire un profil ou de l'éliminer sans détruire tous les profils qui ont été traités ensemble.

(1920)

Certes, les techniques vont incontestablement évoluer, mais, dans l'intervalle, une personne qui reçoit « un acquittement final pour toute infraction à l'origine d'une ordonnance » constatera qu'il n'est peut-être pas possible, concrètement, aux autorités de se conformer au projet de loi, qui prévoit à l'article 18, la modification suivante au paragraphe 9(2) :

[Tout renseignement contenu dans le fichier des condamnés] doit être rendu inaccessible une fois pour toutes...

Le profil demeure en place, mais l'information qui identifie la personne disparaît. Est-ce une protection suffisante du droit à la vie privée d'une personne? La preuve semble donner à penser que ce l'est, parce la personne n'est plus liée à son profil. Voilà une autre question qui mérite une étude plus poussée que je confie à mes collègues qui siégeront au comité et effectueront un examen article par article de ce projet de loi.

Il y a également la question de l'arriéré des analyses génétiques judiciaires, même si les fonctionnaires du ministère de la Justice ont assuré au comité de l'autre endroit qu'il n'y a pas de retard à la Banque nationale de données génétiques. Toutefois, le projet de loi C-13, particulièrement avec les amendements prévus, entraînera une augmentation de la charge de travail. Si les laboratoires qui accusent déjà du retard ne sont pas en mesure d'absorber une charge plus lourde, l'objet de la mesure législative peut être compromis, car le travail ne sera pas fait.

En général, la mise en oeuvre d'une mesure législative ne suffit pas si on ne prévoit pas des ressources adéquates. Il est crucial que la banque de données dispose des ressources nécessaires pour s'acquitter de la tâche que nous lui confions.

Il vaut la peine de souligner qu'un examen de la Loi sur l'identification génétique doit commencer plus tard cette année. Il ne fait aucun doute que nous aurons l'occasion d'examiner certaines de ces questions plus à fond à ce moment-là. Par conséquent, c'est peut-être un élément que pourront prendre en compte nos collègues du comité qui étudieront cette mesure législative. Le Sénat aura un rôle essentiel à jouer dans cet examen plus approfondi et j'envisage cette perspective avec enthousiasme.

Nous avons soulevé quelques questions et problèmes liés au projet de loi. Ces questions se sont déjà posées lors de l'examen d'autres mesures législatives sur l'ADN dans le passé. Lorsqu'on examine les comptes rendus des examens que le Sénat a fait des mesures législatives antérieures, on constate qu'il a une certaine compréhension de ce type de mesure législative et que c'est armés de ces connaissances que nous en abordons l'examen. Je sais que les honorables sénateurs qui siègent au comité chargé d'étudier cette mesure législative se pencheront sur le sujet de façon attentive et diligente.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois??

(Sur la motion du sénateur Moore, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LES PONTS NÉCESSAIRES AU PARACHÈVEMENT DE L'AUTOROUTE 30

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Pierre De Bané propose : Que le projet de loi S-31, Loi autorisant la construction et l'entretien d'un pont franchissant le fleuve Saint-Laurent et d'un pont franchissant le canal de Beauharnois en vue du parachèvement de l'autoroute 30, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai le plaisir aujourd'hui de m'adresser à vous dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi S-31, portant sur la construction des ponts nécessaires au parachèvement de l'autoroute 30 dans la province de Québec.

Le projet de parachèvement de l'autoroute 30 est d'un très grand intérêt pour les résidants de la grande région de Montréal et surtout pour les citoyens de la Montérégie et du Suroît. Entre 1968 et 1982, quatre tronçons décousus de l'autoroute 30 ont été construits et depuis, les gens des municipalités telles que Châteauguay, Beauharnois et Salaberry-de-Valleyfield, ainsi que tous les camionneurs devant passer par l'île de Montréal, attendent avec impatience le parachèvement de cette voie de contournement. Aujourd'hui, honorables sénateurs, le gouvernement du Canada démontre encore une fois sa volonté de compléter cet important projet d'infrastructure stratégique.

Le parachèvement de l'autoroute 30 comprend deux tronçons : un tronçon d'une longueur de 13 kilomètres, entre Candiac et Sainte- Catherine, et un tronçon ouest, entre Châteauguay et Vaudreuil- Dorion, d'une longueur de 35 kilomètres. Ce dernier tronçon comprend aussi la construction de deux ponts enjambant respectivement le fleuve Saint-Laurent et le canal de Beauharnois.

Selon l'article 5 de la Loi sur la protection des eaux navigables, il est interdit de construire ou de placer un ouvrage au-dessus des eaux navigables à moins que l'ouvrage, ainsi que son emplacement et ses plans, n'aient été approuvés par le ministre des Transports. Les ponts nécessaires au parachèvement de l'autoroute 30 sont inclus parmi ses ouvrages.

Cependant, l'article 13 de cette même loi stipule qu'il est interdit d'approuver l'emplacement ou les plans d'un pont au-dessus du fleuve Saint-Laurent ou du canal de Beauharnois. Une loi spéciale du Parlement s'avère donc nécessaire pour autoriser la construction de ces deux ponts.

Honorables sénateurs, l'obtention de nouvelles lois pour la construction de ponts au-dessus du fleuve Saint-Laurent n'a rien de nouveau. Depuis plus de 90 ans, les gouvernements ont fait adopter des lois similaires autorisant la construction d'autres ouvrages sur le fleuve Saint-Laurent, dont le pont Pierre-Laporte, situé dans la région de Québec, mis en service en 1970; le pont tunnel Louis-Hippolyte Lafontaine, inauguré en 1967; le pont Laviolette de Trois-Rivières, construit en 1967; et le pont de Québec, terminé en 1917 et proclamé monument historique international de génie civil par la Société canadienne de génie civil.

Ce projet de loi, quoique très bref, est d'une importance capitale afin d'assurer que les prochaines étapes du projet se réalisent selon l'échéancier prévu. Honorables sénateurs, sans cette loi, il ne peut y avoir de ponts, et sans ponts, il n'y a pas d'autoroute 30.

Premièrement, ce projet de loi vise à autoriser le Québec à construire et à entretenir un pont au-dessus du fleuve Saint-Laurent et un pont au-dessus du canal de Beauharnois.

Deuxièmement, ce projet de loi vise à autoriser la province de Québec à construire et à entretenir tout ouvrage accessoire requis lors de la construction et de l'entretien de ces ponts, et à limiter la portée du projet au secteur prévu pour le parachèvement de l'autoroute 30.

[Traduction]

Le projet de loi S-31 donnera au gouvernement du Canada le droit de surveiller les aspects de la construction de l'autoroute 30 qui ont une incidence sur la navigation, le transport maritime et divers domaines de compétence fédérale.

Nous aurons ce droit parce que le projet de loi impose quatre obligations au gouvernement du Québec. Premièrement, celui-ci doit soumettre au ministre des Transports les plans et devis des ponts ainsi qu'une carte bathymétrique des cours d'eau. Deuxièmement, avant de commencer les travaux, il doit attendre que le gouverneur en conseil approuve l'emplacement des ponts et des installations auxiliaires ainsi que les plans et devis.

(1930)

Troisièmement, il doit obtenir une nouvelle approbation du gouverneur en conseil pour tout changement important de l'emplacement des deux ponts et des installations auxiliaires et pour tout changement apporté aux plans et devis concernant ces constructions. Enfin, il doit se conformer à toutes les dispositions législatives fédérales qui s'appliquent, y compris la Loi sur la protection des eaux navigables et la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

L'industrie du transport maritime est considérée depuis longtemps comme un élément essentiel du système de transport et de l'économie du Canada, et sa survie dépendra toujours de sa capacité à œuvrer de manière sécuritaire et efficace.

Honorables sénateurs, chaque année, près de 2 600 bâtiments commerciaux circulant entre Montréal et les Grands Lacs empruntent le canal de Beauharnois. La construction des deux ponts nécessaires pour terminer l'autoroute 30 doit se faire en protégeant les voies navigables essentielles à ces bâtiments, pour que les 29 millions de tonnes de marchandises qu'ils transportent arrivent à bon port.

Cela dit, au Canada, la navigation est un droit public. Ce droit n'est écrit nulle part; il s'agit d'un droit en common law. Si les eaux sont navigables, n'importe qui a le droit d'y naviguer. Ce droit ne peut être restreint que par une loi adoptée par le Parlement du Canada, comme la Loi sur la protection des eaux navigables ou ce nouveau projet de loi concernant la construction de deux ponts. Ces lois veillent à maintenir l'équilibre entre le droit public à la navigation et la nécessité de faire des travaux de construction dans les eaux navigables, comme ceux requis pour le prolongement de l'autoroute 30.

Pour terminer, honorables sénateurs, en adoptant un cadre législatif régissant la construction des ponts nécessaires au prolongement de l'autoroute 30, le gouvernement du Canada respecte son engagement envers le Québec de veiller à ce que les lois autorisant la construction de ces ponts soient adoptées le plus rapidement possible.

Ce projet de loi aura des retombées importantes sur le transport terrestre des marchandises et des passagers, en plus de la marine marchande. Selon la Constitution du Canada, les provinces et les territoires sont responsables des réseaux routiers. Le Québec sera donc responsable de la construction et de l'entretien de l'autoroute 30, y compris des ponts sur le fleuve Saint-Laurent et sur le canal de Beauharnois. Néanmoins, ces travaux devront être conformes aux lois provinciales et fédérales applicables et aux exigences fédérales en matière de navigation et de sécurité maritime.

[Français]

Honorables sénateurs, un système de transport performant intégré et flexible est indispensable au développement économique du pays, de la province de Québec et d'une grande métropole telle que Montréal. Le parachèvement de l'autoroute 30 est essentiel au mouvement efficace des personnes et des marchandises en provenance de l'Est canadien, du Québec, de l'Ontario et des États-Unis. Cette voie de contournement permettra ainsi aux camions et au trafic de transit d'éviter le centre de Montréal, épargner ainsi temps et argent, tout en réduisant la congestion sur les routes et les ponts.

Une grande partie de notre qualité de vie se déplace sur nos routes. Si le réseau routier fonctionne au ralenti, la qualité de vie des utilisateurs et des résidants en souffre. Nous n'avons qu'à penser au temps perdu par des milliers de travailleurs matin et soir ou encore au coût accru des marchandises que nous achetons en raison de temps supplémentaire effectué pour les livrer.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-31 est une importante étape au parachèvement de l'autoroute 30, projet qui réduira le niveau de congestion dans la grande région montréalaise. Le gouvernement du Canada a un engagement envers le Québec à faire adopter ce projet de loi. En ce sens, honorables sénateurs, je vous incite fortement à appuyer cette initiative qui fera progresser le projet du tronçon autoroutier tant attendu.

(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

LA LOI SUR LES GRAINS DU CANADA
LA LOI SUR LES TRANSPORTS AU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Grant Mitchell propose : Que le projet de loi C-40, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de proposer la deuxième lecture du projet de loi C-40, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada. C'est un grand honneur de pouvoir parrainer un projet de loi, et je dois préciser qu'il s'agit du premier que je parraine en tant que sénateur. Ce projet de loi vise l'un des premiers secteurs économiques en importance au Canada, soit celui de l'agriculture et de l'agroalimentaire, et plus particulièrement le secteur céréalier, qui est exemplaire.

C'est un honneur particulier pour moi de présenter ce projet de loi, parce qu'il porte sur un secteur de l'économie qui revêt une importance de premier plan pour ma province, l'Alberta.

Comme nous le savons tous dans cette assemblée, l'industrie céréalière canadienne a travaillé avec ardeur au fil des ans pour se bâtir une réputation enviable à l'échelle internationale pour la qualité et la pureté de ses produits. Comme résultat, elle constitue aujourd'hui une industrie de 10 milliards de dollars qui est synonyme de création d'emplois et de prospérité pour de nombreux Canadiens.

Les modifications à la Loi sur les grains du Canada et à la Loi sur les transports au Canada proposées dans le projet de loi C-40 sont une conséquence directe d'une décision rendue par l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce, ou OMC, le 10 février 2004. Cette décision a été prise à la suite d'une demande ou, pour être plus exact, d'une plainte présentée par le gouvernement américain auprès de l'Organe de règlement des différends. Cette plainte portait sur deux points, soit le rôle de la Commission canadienne du blé en vertu de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou GATT, et certaines pratiques commerciales relatives à la manutention et au transport des grains importés. Le jugement s'est révélé une très bonne nouvelle pour la Commission canadienne du blé et une assez bonne nouvelle aussi sur certaines questions touchant à la manutention des grains.

La bonne nouvelle d'abord. La Commission canadienne du blé a fait l'objet d'un certain nombre de plaintes de la part des États-Unis, devant les instances tant de l'OMC que de l'ALENA et chaque fois, y compris dans le dernier jugement, le droit du Canada de commercialiser ses produits céréaliers par l'entremise de la Commission canadienne du blé a été reconnu. Encore une fois, la plus importante autorité en matière de commerce, l'OMC, a donné raison au Canada à cet égard. En effet, l'OMC a déterminé que la Commission canadienne du blé était un commerçant juste qui respectait les engagements pris devant l'OMC. Elle a également précisé que les États-Unis n'avaient pas fourni la preuve crédible que la Commission canadienne du blé agissait d'une façon contraire aux obligations faites au Canada par l'OMC.

Ensuite, il convient également de souligner que, dans son jugement, l'OMC insiste sur le fait que le Canada a le droit de préserver et de protéger les systèmes d'assurance de la qualité qu'il mis au point dans le secteur céréalier. Ces systèmes ont beaucoup d'importance. Toutefois, le groupe d'experts a déterminé que dans certaines de ses pratiques en matière de manutention des grains, particulièrement en ce qui a trait au mélange de grains différents, à l'autorisation d'entrée et au transport ferroviaire, le Canada désavantageait les grains importés. Le projet de loi C-40 vient corriger ces pratiques et permet au Canada de se conformer à la décision sans, et j'insiste fortement sur le mot « sans », compromettre nos systèmes d'assurance de la qualité des grains de quelque façon que ce soit.

Une fois le projet de loi C-40 adopté, nous traiterons les grains importés de la même façon que les grains canadiens et, ainsi, nous nous conformerons à la doctrine du traitement national de l'OMC de la façon suivante : premièrement, certaines dispositions de la Loi sur les grains du Canada seront abrogées de sorte que les exploitants de silos agréés ne seront plus obligés d'obtenir la permission de la Commission canadienne des grains pour entreposer des grains étrangers dans les installations canadiennes. Ici, c'est l'alinéa 57c) de la loi qui sera aboli.

(1940)

Deuxièmement, les exploitants des installations terminales et des installations de transbordement agréées n'auront plus à obtenir l'autorisation de la Commission canadienne des grains avant de mélanger des grains de grades différents, grâce à l'abrogation de l'alinéa 72(1)a), des paragraphes 72(2) et 72(3) et de l'article 56 du Règlement sur les grains du Canada.

De plus, certains articles du Règlement sur les grains du Canada seront rédigés de façon à exiger que les exploitants de silos fassent rapport de l'origine de tous les grains. S'ils mélangent des grains canadiens et des grains étrangers, ils devront préciser qu'il y eu mélange. Cette mesure vise à assurer que l'origine du grain n'est pas présentée de façon inexacte.

Il est essentiel que le Canada puisse continuer de pouvoir assurer à nos acheteurs qu'ils obtiennent ce pour quoi ils paient, c'est-à-dire le grain de qualité supérieure qu'ils ont l'habitude d'obtenir au Canada. La Commission canadienne des grains est d'avis que les changements prévus ne compromettront en rien notre capacité dans ce sens.

En plus des modifications à la Loi sur les grains du Canada, des modifications doivent en outre être apportées aux dispositions relatives au revenu admissible maximal de la Loi sur les transports au Canada, afin que le revenu maximal prescrit soit conforme à la décision de l'OMC. Les compagnies ferroviaires canadiennes doivent respecter ce maximum lorsqu'elles transportent des grains au Canada. Finalement, cette mesure limite le prix qu'elles peuvent demander pour ce service dans certaines circonstances.

En vertu du projet de loi C-40, le revenu admissible maximal s'appliquerait également au grain importé au Canada, mais pas au grain étranger importé au Canada, transporté au Canada puis réacheminé à l'extérieur du Canada vers une autre destination.

Je veux prendre un instant pour souligner les efforts acharnés et diligents qui ont été déployés dans l'autre endroit pour que le projet de loi soit adopté rapidement et sans délai injustifié. Comme mes honorables collègues le savent probablement, il est très urgent d'adopter à point nommé ce projet de loi car le Canada et les États- Unis sont convenus d'une date d'échéance, à savoir le 1er août 2005. On peut se demander « Et après? ». La non-conformité aux changements exigés à cette date pourrait avoir pour conséquence d'exposer le Canada à des représailles de la part des États-Unis. Ces représailles pourraient être autorisées par l'OMC dès le 1er octobre 2005 et prendraient sans doute la forme de droits punitifs sur les exportations de grain canadien.

De plus, comme son économie de taille moyenne repose en grande partie sur les exportations, le Canada doit faire preuve de vigilance et s'assurer que les autres pays se conforment également aux régimes de commerce fondé sur des règles, en particulier en ce qui concerne les différends commerciaux internationaux. Le non-respect de cette décision placerait le Canada dans une position inhabituelle et inconfortable vis-à-vis de ses partenaires commerciaux, y compris les États-Unis. Je félicite nos collègues de l'autre endroit d'avoir adopté ce projet de loi à l'unanimité, la semaine dernière, sans débat aux étapes du rapport et de la troisième lecture.

Le secteur céréalier, qui comprend les agriculteurs, les exploitants d'élévateurs à grain et autres intervenants, est certainement prêt à se rallier. C'est rassurant. Il est prêt à appuyer toute mesure rapide, de la part du Canada, pour se conformer à la décision de l'OMC.

Le 4 mai, le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de l'autre endroit a entendu un certain nombre de représentants d'intervenants clés, y compris les Producteurs de grain du Canada, la Western Grain Elevator Association, la Inland Terminal Association du Canada et le Canadien Pacifique. Il a été saisi également de plusieurs mémoires. Tous les intervenants ont exprimé la volonté commune de mettre en oeuvre les changements aussi rapidement que possible pour que le Canada puisse se conformer à la décision.

Permettez-moi de citer brièvement une partie du témoignage de M. Cam Dahl, le représentant de la Western Grain Elevator Association :

Je tiens à dire d'emblée que nous appuyons l'adoption hâtive du projet de loi C-40 [...] La prise de mesures de rétorsion par les États-Unis ne serait pas dans l'intérêt de l'industrie agricole du Canada. Nous espérons que le gouvernement va entreprendre les démarches nécessaires pour se conformer à la décision de l'Organisation mondiale du commerce.

En plus des audiences du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a mené de vastes consultations en janvier sur les modifications à la Loi sur les grains du Canada et à la Loi sur les transports au Canada. Les agriculteurs, les associations de producteurs, les divers groupes agricoles, les exploitants de silos, les sociétés de chemin de fer et les compagnies céréalières privées ont été consultés. Tous ces intervenants ont appuyé l'approche préconisée dans le projet de loi C-40 en ce qui concerne la mise en œuvre de la décision de l'Organisation mondiale du commerce. Ils estiment en majorité que le Canada devrait honorer ses obligations auprès de l'OMC.

Des questions importantes ont été soulevées au sein du comité de l'autre endroit ainsi que dans le cadre des consultations quant à savoir si les modifications proposées donneraient lieu à des importations accrues de grains des États-Unis et si cela aurait une incidence sur le volume de grains canadiens destinés à l'exportation durant les périodes de pointe. Cela créerait-il un engorgement indu au détriment des producteurs de grains canadiens? Il est clair que les modifications proposées à la Loi sur les grains du Canada ne donneront pas lieu à une augmentation des importations. Cela reste moins évident en ce qui concerne le plafond des revenus aux termes de la Loi sur les transports au Canada. Somme toute, la possibilité que les importations augmentent est faible, du moins à court terme.

Il est possible que l'on voie entrer davantage de grains au Canada en raison des tarifs de fret plus bas dont voudront sans doute bénéficier les Américains, ce qui pourrait intensifier l'engorgement durant les périodes de pointe. Toutefois, les compagnies céréalières et les sociétés de chemin de fer pourraient toujours recourir à des pratiques commerciales en matière d'établissement de prix afin de s'adapter, au besoin, à la situation d'engorgement. Ces pratiques sont acceptées dans le cadre du marché libre et elles ne contreviendraient pas aux décisions de l'OMC.

À cause des incertitudes d'une telle modification à long terme, les intervenants ont exprimé le besoin que la Loi sur les grains du Canada et le projet de loi fassent l'objet d'un examen, si bien que le projet de loi a été modifié par le comité de l'autre endroit de manière à ce que l'on prévoie un tel examen dans l'année suivant l'entrée en vigueur de la mesure.

La Loi sur les grains du Canada n'ayant pas été modifiée depuis un certain temps, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire est d'avis qu'un tel examen est approprié et il appuie son inclusion dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

En terminant, je demande instamment aux honorables sénateurs d'appuyer ce projet de loi, en particulier compte tenu de la nécessité qu'il entre en vigueur à temps pour l'échéance du 1er août.

En s'engageant à respecter ses obligations commerciales, le Canada s'assure de continuer à faire figure de leader. Non seulement le projet de loi C-40 illustre l'engagement du Canada, mais il permet à celui-ci de demeurer un exemple pour les autres nations.

À mon avis, notre réponse rapide et responsable à la décision de l'OMC aura des répercussions plus vastes, notamment sur nos relations avec les États-Unis. Alors que l'on se demande si le Canada agit en bon voisin des États-Unis, voici une autre preuve que c'est effectivement le cas.

Le projet de loi C-40 fera en sorte que notre système d'assurance de la qualité du grain, un système de classe mondiale, continue d'appuyer l'industrie céréalière canadienne. Cette industrie, qui représente 10 milliards de dollars, doit sa réussite au fait d'offrir des produits de qualité uniforme sur les marchés mondiaux, envoi après envoi, année après année. Elle fait l'envie des producteurs des autres pays.

Dans une certaine mesure, les changements sont secondaires par rapport à l'aspect déterminant de la décision, qui justifie le fonctionnement de la Commission canadienne du blé en vertu du GATT. C'est extrêmement important. En ce qui concerne les éléments de la décision qui touchent la manutention et le transport du grain, nous n'avons pas d'autre option raisonnable que de mettre en œuvre les changements, vu nos obligations envers l'OMC et l'éventualité de mesures de représailles de la part des États-Unis. D'un autre côté, les changements n'auront été mis en oeuvre qu'à la suite de vastes consultations auprès de l'industrie et qu'avec son accord.

(1950)

De plus, ces changements occasionneront peu de perturbations, n'entraîneront aucune augmentation des formalités administratives, et feront l'objet d'un examen dans l'année. Ce projet de loi mérite certainement l'appui du Sénat, et je presse mes collègues de s'y montrer favorables.

[Français]

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi C-40, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada.

[Traduction]

Le projet de loi C-40 modifie la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada afin d'apporter des rajustements mineurs au système canadien de manutention et de transport des grains et produits céréaliers étrangers. Ce projet de loi reflète une décision récente de l'Organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce.

Les modifications à la Loi sur les grains du Canada, la LGC, contenues dans le projet de loi C-40 éliminent la nécessité de demander l'autorisation de la Commission canadienne des grains, la CCG, avant de faire entrer des grains étrangers dans des silos à grains agréés. Le projet de loi C-40 modifie la LGC et le Règlement sur les grains du Canada afin d'éliminer l'obligation faite aux exploitants d'installations terminales ou de silos de transbordement agréés de demander la permission de la CCG avant de mélanger des grains.

On note aussi dans les documents d'information qui accompagnent le projet de loi C-40 que les anciennes dispositions concernant les grains étrangers et mélangés seront remplacées par un nouveau règlement exigeant que les exploitants de silos signalent à la CCG l'origine de tous les grains. Si des grains canadiens et étrangers sont mélangés, les grains devront être identifiés comme tels. Selon le gouvernement, ce règlement vise à éviter toute fausse représentation concernant les grains canadiens.

Le projet de loi C-40 modifie également la Loi sur les transports au Canada, la LTC, de manière à ce que le plafond des revenus des sociétés ferroviaires inclue les grains importés. Je crois que le CPR a exprimé des préoccupations à ce sujet.

Je le répète, les modifications prévues dans le projet de loi C-40 ont été rendues nécessaires par une décision de l'Organe de règlement des différends de l'OMC en raison d'un différend entre le Canada et les États-Unis. Le 31 mars 2003, le gouvernement des États-Unis avait demandé à l'OMC d'examiner si certaines activités de la CCG et certaines politiques canadiennes concernant l'importation de grains étaient conformes à ses règles. L'OMC a rendu une décision favorable au Canada dans le cas de la CCB, mais a donné raison aux États-Unis au sujet de certains aspects des politiques du Canada concernant la manutention et le transport des grains et des produits céréaliers étrangers au Canada.

En réponse à ces décisions, les États-Unis et le Canada se sont entendus le 12 novembre 2004 pour mettre en oeuvre la décision de l'OMC sur les questions de politique sectorielle concernant les grains.

Le Parti conservateur du Canada estime que le Canada doit se conformer à ses obligations devant l'OMC et tient à ce que nous conservions des relations commerciales multilatérales et bilatérales étroites avec les autres pays du monde, dont les États-Unis. À cet égard, le Parti conservateur du Canada appuie les principes généraux du projet de loi C-40. Nous comprenons aussi que la date limite de la mise en œuvre de la décision de l'OMC et de l'entente avec les États-Unis, fixée au 1er août 2005, pose problème. Selon le gouvernement :

...si le Canada ne met pas en œuvre ces changements d'ici le 1er août 2005, le pays risque de voir les États-Unis lui imposer des mesures de rétorsion. Ces mesures prendraient probablement la forme de droits de douane punitifs frappant les exportations canadiennes aux États-Unis, bien qu'il soit difficile de préciser la valeur des échanges commerciaux qui seraient touchés.

À cet égard, il faut tenir compte de l'imminence d'élections. Il convient cependant de noter que le risque de mesures de rétorsion de la part des États-Unis est constant, quelle que soit l'évolution de la situation politique au Canada. Comme le mentionne le résumé législatif de la Bibliothèque du Parlement sur le projet de loi C-40 :

...la CCB a fait l'objet de 13 enquêtes ou études menées par divers services du gouvernement américain. Il ne faut pas oublier non plus qu'il arrive de plus en plus fréquemment que des décisions semblables de l'OMC ne soient pas respectées. D'ailleurs, l'ambassadeur de l'Union européenne auprès de l'OMC, Carlo Trojan, déplore que les États-Unis affichent un bilan assez déprimant pour ce qui est de se plier aux décisions de l'OMC.

Il importe de signaler que si le Canada ne se conforme pas à la décision de l'OMC dans le délai prévu dans l'entente de novembre, il ne serait pas le seul pays à passer outre aux décisions de l'OMC.

Cependant, grâce au projet de loi C-40, il n'y a aucune raison pour que le Canada se retrouve dans cette position. Il faut signaler, en ce qui concerne le délai serré qui nous est imposé, que le gouvernement a mis quatre mois à partir de la conclusion de l'entente entre le Canada et les États-Unis pour déposer ce projet de loi visant à mettre en œuvre l'entente visée. Ce n'est pas un texte législatif volumineux. Le projet de loi C-40 ne contient que quatre articles. Il tient sur quelques pages seulement, y compris le résumé et les notes explicatives.

Honorables sénateurs, le gouvernement est minoritaire et Paul Martin sait très bien que son gouvernement peut tomber n'importe quand et que tous les projets de loi à l'étude mourront alors au Feuilleton. Il sait aussi que le Parlement ajourne ses travaux à la fin juin et, comme je l'ai dit plus tôt, les changements prévus dans de ce projet de loi doivent être en place d'ici le 1er août. Pourquoi, malgré l'imminence d'élections, a-t-il fallu tant de temps pour lancer ce processus? Si le projet de loi avait suivi le processus habituel à la Chambre des communes, il aurait fait l'objet d'audiences du comité et, compte tenu du déroulement habituel ici, nous n'aurions pas terminé l'étude du projet de loi avant la fin du mois ou le début de juin. Cette situation a de quoi nous tenir en haleine, même si le gouvernement ne risquait pas de tomber. Je me demande vraiment pourquoi.

[Français]

Or, il reste que la machine gouvernementale aurait pu agir un peu plus vite qu'elle ne l'a fait dans ce dossier afin de nous éviter ce suspense législatif.

Honorables sénateurs, toutes les mesures législatives portées à notre attention méritent que nous leur accordions le temps requis pour les examiner avec soin et avec toute la diligence voulue. Le processus législatif ne doit pas être qu'une arrière-pensée.

[Traduction]

Je voudrais applaudir aux efforts que l'honorable députée de Haldimand—Norfolk a déployés pour faire adopter son amendement visant à renforcer la surveillance parlementaire exercée à l'égard de la mesure législative. La loi devra être soumise à un examen qui fera l'objet d'un rapport à la Chambre des communes et au Sénat une année après l'entrée en vigueur de l'article en question.

Le Parti conservateur appuie le projet de loi C-40, mais prévient le gouvernement libéral qu'il lui faut se garder de faire un hochet politique d'un projet de loi comportant des échéances serrées, surtout à un moment où le gouvernement a perdu ou est sur le point de perdre l'appui du Parlement.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Mitchell, avec l'appui de l'honorable sénateur Downe, propose que ce projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Mitchell, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.)

(2000)

[Français]

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

TROISIÈME RAPPORT DU COMITÉ—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, C.P., tendant à l'adoption du troisième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs), déposé au Sénat le 11 mai 2005.—(L'honorable sénateur Robichaud, C.P.)

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, lorsque j'ai proposé, la semaine dernière, que la suite du débat soit reportée, c'était bien à la suggestion du leadership du parti du gouvernement et celui de l'opposition. Ceux-ci voulaient s'assurer que les honorables sénateurs disposent de quelques jours afin d'examiner le document pour ensuite, si telle était leur intention, pouvoir prendre la parole cette semaine.

Honorables sénateurs, si je devais faire un discours aujourd'hui, il soulèverait les mêmes propos que ceux tenus par le président et le vice-président du comité. S'il n'en tenait qu'à moi, je serais prêt à voter sur cette question dès maintenant. Toutefois, je crois que certains sénateurs aimeraient avoir l'occasion de s'exprimer et je les encourage à le faire.

[Traduction]

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention de parler du rapport, mais j'ai une question concernant une définition. Le projet de code définit bien le mot « famille », mais non le mot « invité ». C'est ma seule préoccupation, que je ne veux cependant pas soumettre à un débat. Elle est importante parce qu'elle concerne les déplacements. Le mot « invité » est employé et j'aimerais qu'il soit défini dans le code. J'ai lu les versions anglaise et française du texte, hier soir, et j'y ai trouvé quelques différences mineures. Si le mot « invité » n'est pas défini, un sénateur pourrait éprouver de la difficulté au moment de s'inscrire avec un invité. Peut-être chaque personne est-elle tenue de s'enregistrer. J'aimerais savoir comment procéder.

Le sénateur Joyal prononcera un excellent discours sur cette question. Il a l'esprit d'un juriste et saura peut-être répondre à cette question.

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je rédige mes notes à l'invitation du sénateur Robichaud et je prends note de la question du sénateur Prud'homme. Je voudrais parler du rapport du Comité du Règlement demain, lorsque le Sénat reprendra ses travaux. J'ai passé en revue les 26 séances du comité, auxquelles j'ai assisté, et, au cours des 15 minutes qui me seront accordées, j'expliquerai à cette assemblée pourquoi j'appuie le rapport.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

L'ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ

MOTION D'APPUI À LA DEMANDE D'OBTENTION DU STATUT D'OBSERVATEUR PRÉSENTÉE PAR LE GOUVERNEMENT DE TAÏWAN—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Stratton :

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada d'appuyer la demande d'obtention du statut d'observateur à l'Organisation mondiale de la santé présentée par le gouvernement de Taïwan.—(L'honorable sénateur Downe)

L'honorable Percy Downe : Honorables sénateurs, j'appuie la demande d'obtention du statut d'observateur à l'Organisation mondiale de la santé présentée par le gouvernement de Taïwan. L'Organisation mondiale de la santé est un organisme des Nations Unies créé en 1948. Le Canada était alors membre fondateur de cette organisation. La demande de Taïwan fait l'objet d'un débat depuis de nombreuses années. Le sujet peut, à juste titre, être considéré comme une question de droits humains mais, d'autre part, la dimension politique ne saurait être ignorée. Comme de nombreux autres sénateurs avant moi, j'attire l'attention des honorables sénateurs sur le préambule de la constitution de l'OMS, qui stipule :

La possession du meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale.

De toute évidence, ce principe illustre la priorité accordée à la santé et aux droits de la personne par rapport à la question politique qui sous-tend l'opposition à Taïwan. Dans le contexte actuel de la mondialisation, la santé préoccupe tous les habitants de la planète. Les maladies ne respectent pas les frontières et on ne peut les empêcher de franchir celles-ci. Nous avons été à même de constater cette réalité lors de l'éclosion du SRAS et de sa propagation rapide dans le monde. C'est dans de telles circonstances que la nécessité de partager l'information et de coopérer prend toute son importance. Taïwan avait besoin de l'aide de l'OMS durant cette crise, mais n'a pu obtenir le plein appui requis, parce qu'elle n'est pas membre de l'OMS et qu'elle n'y jouit pas du statut d'observateur. La Chine continue de s'y opposer. Il existe des précédents au sein de l'organisation en vertu desquels des participants ont obtenu ce statut. À l'heure actuelle, il y a cinq entités qui ont le statut d'observateur à l'OMS.

Un autre point important mentionné par le sénateur Di Nino est la contribution que Taïwan apporterait à l'Organisation mondiale de la santé. Taïwan a un système de santé bien établi et très moderne qui fournirait des renseignements et des données à cette organisation internationale et à ses membres. Le fait de refuser d'accepter Taïwan au sein de l'OMS met non seulement sa population de 23 millions d'habitants à risque, mais aussi tous les Taïwanais qui visitent le Canada et d'autres régions du monde. Il n'y a aucune raison de courir un tel risque.

Le Canada a appuyé la demande de Taïwan dans le passé, à l'instar d'autres pays et organisations, comme les États-Unis, le Japon et l'Union européenne. Le 27 mai 2003, la Chambre des communes a adopté une résolution appuyant la demande du gouvernement de Taïwan. Le 12 juin 2003, le Sénat a adopté une résolution semblable à l'unanimité. C'est donc dans l'espoir que le Sénat appuie de nouveau la demande du statut d'observateur à l'OMS faite par Taïwan que je prends la parole ce soir.

(Sur la motion du sénateur Rompkey, le débat est ajourné.)

(2010)

LA PROVINCE DE L'ALBERTA

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell, attirant l'attention du Sénat sur la province de l'Alberta et sur le rôle qu'elle joue au Canada. —(L'honorable sénateur Prud'homme, C.P.)

L'honorable Shirley Maheu : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer à cette interpellation. Et je dois dire que je ne m'attendais pas à le faire en réponse à l'excellent premier discours prononcé par notre distingué nouveau collègue, l'honorable sénateur Grant Mitchell.

L'honorable Marcel Prud'homme : Comme les honorables sénateurs l'ont peut-être remarqué, c'est avec grand plaisir que je cède la parole au sénateur Maheu, mais je signale que l'article est inscrit à mon nom. J'avais l'intention de reporter le débat aujourd'hui, mais, par courtoisie, je céderai volontiers la parole au sénateur Maheu. Je proposerai l'ajournement du débat à la fin de son intervention.

[Français]

Le sénateur Maheu : Honorables sénateurs, parmi les sujets abordés par le sénateur Mitchell trois en particulier, m'ont poussée à prendre la parole : l'attitude des Québécois et des Albertains envers la réalité canadienne, la réforme du Sénat et l'importance de notre Charte canadienne des droits et libertés face à cette réalité.

[Traduction]

Je voudrais faire écho à ce que le sénateur Mitchell a dit à propos de l'importante contribution du Québec et des Québécois au caractère unique de notre pays. Je le remercie de ces observations. Il nous rappelle que le fait québécois encourage les distinctions positives entre nous et nos voisins du Sud, qui prennent beaucoup de place sur le plan culturel, la réalité québécoise ne cessant jamais, par ailleurs, d'enrichir notre expérience collective.

Le sénateur Mitchell se réjouit de la façon dont nous avons su marier les droits des minorités et les droits collectifs. Il se réjouit de la façon dont nous avons su élever la culture et le multiculturalisme, du respect et de la dignité dont nous faisons preuve, et du principe judiciaire sur lequel nous avons fondé l'équité et la justice.

Je sais qu'il a notamment parlé de la prétendue aliénation de quelques Canadiens par rapport à la Charte des droits et libertés, et je veux revenir expressément là-dessus. J'espère que cette aliénation est de nature provisoire. La Charte est encore jeune, et les droits de la personne continuent d'évoluer à un rythme beaucoup trop rapide pour certains.

Cette aliénation est, dans une large mesure, générationnelle. Il y a, je pense, certains moyens d'y remédier. L'actuel juge en chef du Canada a déclaré, en 1994, que l'adoption de la Charte des droits et libertés équivalait à une révolution de l'envergure de l'adoption du système métrique, des grandes découvertes médicales de Louis Pasteur et de l'invention de la pénicilline et du laser.

Avant l'adoption de la Charte, les tribunaux s'en remettaient à la Déclaration des droits de Diefenbaker. Il ne faut pas oublier qu'il s'agissait là d'un très noble développement et que le texte laissait entrevoir la possibilité de conséquences pratiques très importantes.

Malheureusement, les réformes éclairées attendues ne devaient pas être adoptées aussi rapidement. Au cours de la période qui a suivi Diefenbaker, la Cour suprême du Canada était dominée par des conservateurs en matière judiciaire et il n'y avait rien dans le document lui-même pour empêcher ces éléments réactionnaires du plus haut tribunal de réduire les objectifs de ce grand effort.

En nous donnant la Charte, le premier ministre Trudeau a remédié aux faiblesses du document de Diefenbaker, y compris 7 pages de subtilités qui ont forcé depuis 1982 les juges de la plus haute cour du pays à tenir davantage compte des grandes polémiques en matière de droits de la personne. Cette plus grande optique a bien sûr permis aux opposants à l'évolution de la législation en matière de droits de la personne de tourner la Charte en dérision. Nous en avons eu des exemples en provenance de l'Alberta, mais pas uniquement de cette province. Comme je l'ai déjà dit avec beaucoup d'optimisme ici au Sénat, les efforts des éléments réactionnaires d'une minorité plus en plus faible les mèneront à leur perte à mesure que nous appuierons l'expansion naturelle des droits de la personne.

[Français]

Aujourd'hui, les Canadiens vouent à la Charte le plus grand respect. Elle est reconnue non seulement comme un symbole, mais comme un document de grande importance pratique. En fait, la Charte représente la pierre angulaire de notre unité nationale. Son message s'entend en Alberta, au Québec et dans l'ensemble du Canada. La Charte constitue réellement une force essentielle qui nous unit d'un océan à l'autre.

[Traduction]

Honorables sénateurs, la Charte dit aux Canadiens qu'un droit est un droit. Elle affirme l'égalité des Canadiens en ce sens que personne n'est tenu de s'asseoir à l'arrière de l'autobus. L'idée même d'un recours à la disposition de dérogation dans le contexte des droits de la personne constitue une atteinte terrifiante, malvenue et destructive à notre pancanadianisme primordial.

N'empêche que, comme le soulignait le sénateur Mitchell, il y a des Canadiens qui considèrent la Charte comme une source d'aliénation et qui ne demandent qu'à en réduire l'influence unifiante. J'ai déjà déclaré en cet endroit que notre Constitution, et notre Charte en particulier, est un document vivant, qui évolue, mais que, en même temps, plusieurs réalités en mettent l'efficacité ultime à l'épreuve.

Il y a deux faces à la médaille de l'aliénation à l'égard de la Charte. D'un côté, on a les personnes qui occupent divers postes d'autorité et qui sont incapables de saisir pleinement le sens de droits généraux. De l'autre côté, on a une répartition inégale des ressources pouvant servir à concrétiser les promesses découlant des décisions relatives à la Charte. Dans les deux cas, les lacunes tirent leur origine de réalités ou de concepts à caractère géologique, religieux, générationnel ou culturel. La tâche qui consiste à allier droits des minorités et droits collectifs n'a pas de fin.

Le sénateur Mitchell rappelle à juste titre que les opinions négatives qu'entretiennent certains Albertains à l'égard des questions liées à la Charte ne sont pas monolithiques. Dans tous les coins de ce pays, et surtout au Québec, on embrasse des opinions pancanadiennes progressistes sur le plan social.

(2020)

Afin de veiller à l'accès efficace de tous aux protections garanties par la Charte, trois éléments essentiels doivent être présents. Le premier est un groupe de soutien organisé pour ceux qui intentent des procès en vertu de la Charte. Cela veut dire qu'un tel groupe de soutien doit être présent dans toutes les régions de l'Alberta et ailleurs pour contester les protestations motivées par la Charte. Le second est le financement nécessaire des appels en vertu de la Charte interjetés par ceux qui n'ont pas l'appui de groupes. Et le troisième est le besoin urgent que nous avons de renouveler la structure de la profession juridique afin que tous les Canadiens puissent profiter des protections garanties par la Charte. Ces trois éléments constituent la nouvelle frontière de l'application et de l'expansion des droits de la personne au Canada.

[Français]

Il est évident que ceux qui ont recours à la Charte de façon répétitive, pour régler leurs litiges, semblent avoir davantage de succès.

[Traduction]

Les plaideurs modestes ont beaucoup de mal à faire valoir leurs droits en vertu de la Charte, parce que les contestations coûtent cher en frais juridiques et prennent beaucoup de temps. L'étendue de la diversité dans la profession juridique, surtout dans les grands cabinets, semble dicter la mesure dans laquelle les affaires relatives à la Charte vont de l'avant, surtout lorsqu'il s'agit de questions féminines ou multiculturelles.

Les femmes défendent les droits des femmes. Les avocats issus des minorités visibles et autres promeuvent le multiculturalisme et une vaste gamme d'intérêts culturels. Ici, les propos du sénateur Mitchell à propos de la conciliation des droits des minorités et des droits collectifs tombent à point.

On dirait que c'est une loi de la nature : il y a renouvellement quand une masse critique cherche le changement. Disons qu'une masse critique de 30 p. 100 est un bon point de départ pour un renouvellement significatif. Le sénateur Mitchell fait référence à un des sujets de préoccupation préférés de ce que j'appellerais les « intellos » de l'Alberta, je parle de la réforme du Sénat.

Avant de continuer, j'aimerais dire à nos nouveaux collègues sénateurs que le changement et le renouvellement au Sénat sont le fait des plus de 30 p. 100 des sénateurs qui sont des femmes, arrivées dans les 12 dernières années grâce au premier ministre Chrétien. De surcroît, le premier ministre Martin a déjà montré qu'il continuerait dans la même direction.

La plus grande réforme du Sénat jamais réalisée n'a pas été le plafonnement à 75 ans de l'âge des sénateurs, mais la venue d'une masse critique de femmes dans cette Chambre. Il s'agit d'une réforme d'envergure que nous vivons en ce moment même.

À ce sujet, que doit-on penser des municipalités de l'Alberta, du Québec et d'autres provinces dont seules 10 p. 100 ont des mairesses? Que dire de notre corps diplomatique, dont seuls 17 p. 100 des ambassadeurs sont des femmes? Et de notre haute fonction publique, qui compte moins de 25 p. 100 de femmes sous-ministres au plan national? Et des juges nommés par le gouvernement fédéral, dont moins de 19 p. 100 sont des femmes? Et du nombre de députées qui n'a jamais dépassé les 20 p. 100? Et de la représentation tout aussi malingre de femmes dans les assemblées législatives provinciales? Le Sénat est vraiment le dernier endroit à pointer du doigt en matière de réforme des institutions politiques au Canada.

Que le gouvernement et la population de l'Alberta et de toutes les autres provinces instaurent un meilleur climat favorisant la nomination de femmes aux postes de législateurs, de maires et de hauts fonctionnaires. Le Sénat est un chef de file au Canada au chapitre des droits des femmes et des immenses espoirs que suscite la Charte des droits et libertés.

Cela va de soi, les décisions rendues en vertu de la Charte ne changent les choses que sur papier; ce sont les gens qui changent vraiment les choses en pratique. À défaut d'une masse critique qui se charge de mettre en œuvre les changements, les décisions rendues en vertu de la Charte ne constituent que des victoires sans lendemain.

Sans le concours actif d'organisations féminines, sans le financement sonnant de contestations devant les tribunaux et sans la présence de femmes dans les sociétés d'avocats au niveau local, la promesse inhérente à la Charte reste trop souvent lettre morte. L'inégalité d'accès à l'application des lois en vertu de la Charte génère l'aliénation par rapport à celle-ci. Dans de telles circonstances, les Canadiens des petites villes de l'Alberta et d'autres petites collectivités de tout le pays ne goûtent pas aux fruits de la Charte.

Honorables sénateurs, la Charte a besoin de sève pour donner ses fruits. Cette sève viendra de la multiplication des groupes déterminés à tirer profit de la Charte, de programmes de contestation judiciaire suffisamment bien financés et de sociétés d'avocats restructurées. Je suis confiante que la Charte continuera à jouer un rôle déterminant dans l'unification des forces disparates de notre nation.

Le sénateur Prud'homme : Honorables sénateurs, le sénateur Mitchell devrait savoir, tout comme les Albertains, que j'ai de profondes convictions en tant que Canadien français originaire du Québec. Comme je veux prononcer un bon discours, je demande l'ajournement du débat pour l'instant.

(Sur la motion du sénateur Prud'homme, le débat est ajourné.)

LANGUES OFFICIELLES

RETRAIT DE L'AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT

L'honorable Eymard G. Corbin, conformément à l'avis du 10 mai 2005, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à siéger le lundi 16 mai 2005, de 9 h 30 à 17 h 30, pour étudier une ébauche de rapport.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, étant donné le cours des événements, je propose que cette motion soit rayée du Feuilleton.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(La motion est retirée.)

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER

L'honorable Tommy Banks, conformément à l'avis du 12 mai 2005, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à se réunir à 9 heures, le mardi 17 mai 2005, pour l'étude article par article du projet de loi C-15.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 17 mai 2005, à 14 heures.)


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