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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 38e Législature,
Volume 142, Numéro 62

Le mercredi 18 mai 2005
L'honorable Shirley Maheu, Présidente intérimaire


 

 

LE SÉNAT

Le mercredi 18 mai 2005

La séance est ouverte à 13 h 30, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATION DE SÉNATEUR

LA NOUVELLE-ÉCOSSE

LE PROGRAMME MUSIQUE ET MÉDECINE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE DE L'UNIVERSITÉ DALHOUSIE

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, j'ai eu l'occasion dernièrement d'assister à un concert intitulé « Tuned In To Words » au théâtre Alderney Landing, à Dartmouth. Le concert visait à appuyer le fonds de dotation Margaret et John Savage.

Toutefois, honorables sénateurs, je voudrais aujourd'hui vous parler des interprètes de ce concert. À l'automne de 1998, on lançait le programme musique et médecine à l'école de médecine de l'Université Dalhousie. Le Dr Ron Stewart, un ancien ministre de la Santé de la Nouvelle-Écosse, est le directeur des lettres et sciences humaines médicales à l'école de médecine. Il est également le fondateur du programme musique et médecine.

Le programme musique et médecine de l'Université Dalhousie donne à des étudiants en médecine, à des professeurs de médecine, à des médecins et à des membres de la collectivité médicale l'occasion de se réunir pour chanter ensemble. Il tient des activités de financement pour des causes liées à la santé.

Honorables sénateurs, ces étudiants en médecine et leurs amis donnent beaucoup de leur temps et de leur talent pour financer de bonnes causes au service d'autrui. Malgré les devoirs de recherche et les examens de fin de trimestre et le travail en clinique, ce sont des interprètes qui chantent avec ardeur et enthousiasme. Celui qui dirigeait le concert « Tuned In To Words » à Dartmouth était un jeune homme talentueux et dynamique de Corner Brook, à Terre-Neuve. Il s'agit de Jonathan Brake, étudiant de deuxième année à l'école de médecine de l'Université Dalhousie. Il sait faire une imitation délicieusement perverse de sir Elton John.

Honorables sénateurs, ces jeunes hommes et ces jeunes femmes ont beaucoup donné à la collectivité néo-écossaise. Ils ne se produisent pas seulement dans la chorale. Certains font partie du groupe vocal de chambre des Ultrasounds, et d'autres du sextuor des Testoster Tones. Comme l'a dit le Dr Ron Stewart :

La musique est pour nous une excellente façon d'évacuer le stress de l'école de médecine, mais la chorale exerce également un effet très bénéfique dans notre milieu [...] ce qui nous donne une satisfaction encore plus grande.

Honorables sénateurs, durant le spectacle, on pouvait lire sur une banderole tendue sur la scène l'inscription suivante : « Chanter, c'est santé ». Quel bonheur pour nous que les futurs diplômés de l'école de médecine de l'Université Dalhousie se préparent à être des médecins intelligents, enthousiastes, compatissants qui exploitent leurs talents musicaux pour découvrir le côté humain de la médecine.

Je voudrais profiter de cette occasion pour féliciter le Dr Ron Stewart et les interprètes du programme musique et médecine.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

LE CODE CRIMINELLA LOI SUR L'IDENTIFICATION PAR LES EMPREINTES GÉNÉTIQUES
LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Lise Bacon, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le mercredi 18 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-13, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et la Loi sur la défense nationale, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 16 mai 2005, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
LISE BACON

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Pearson, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

LA LOI SUR LES GRAINS DU CANADA
LA LOI SUR LES TRANSPORTS AU CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Joyce Fairbairn, présidente du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le mercredi 18 mai 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-40, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 16 mai 2005, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
JOYCE FAIRBAIRN

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Mitchell, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1340)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

ADOPTION DE LA MOTION VISANT À APPLIQUER DE NOUVEAU LA PROCÉDURE NORMALE D'AJOURNEMENT ET
À AUTORISER LES COMITÉS À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement et l'ordre du Sénat du 2 novembre 2004, je propose :

Que, aujourd'hui, le mercredi 18 mai 2005, le Sénat poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement conformément à l'article 6(1) du Règlement et

Que les comités sénatoriaux devant se réunir aujourd'hui soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

LA LOI SUR L'IMMUNITÉ DES ÉTATS
LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable David Tkachuk présente le projet de loi S-35, Loi modifiant la Loi sur l'immunité des États et le Code criminel (activités terroristes).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

LE SÉNAT

HOMMAGE AUX PAGES À L'OCCASION DE LEUR DÉPART

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de mentionner les noms de deux autres pages qui vont nous quitter.

Janelle Boucher est une Néo-Écossaise fière de ses origines et elle vient de Monastry, une petite localité du Nord-Est de sa province. L'an prochain, elle s'affairera à terminer un baccalauréat spécialisé en sciences politiques et en communications à l'Université d'Ottawa. Elle s'estime incroyablement privilégiée d'avoir pu participer au programme des pages et d'avoir ainsi pu rencontrer une foule de personnes fascinantes au Sénat et ailleurs.

Même si on ne sait jamais ce que l'avenir nous réserve, Janelle pense que les voyages seront quelque part dans son parcours. Elle se souviendra à jamais de la gentillesse et des sourires des honorables sénateurs et elle espère que ce sera réciproque.

Des voix : Bravo!

[Français]

David Bousquet, de la ville de Saint-Hyacinthe, au Québec, a terminé dernièrement ses études en sciences et en philosophie.

[Traduction]

Il compte utiliser le temps dont il disposera désormais pour s'investir un peu plus dans la politique locale et provinciale, notamment au sein du conseil scolaire où il a été élu il y a deux ans. Son expérience comme page au Sénat sera certainement pour lui une source d'inspiration par rapport à son leadership et à ses valeurs.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

LA LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CONCERNANT LES OISEAUX MIGRATEURS
LA LOI CANADIENNE SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT (1999)

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE—SUSPENSION DU DÉBAT

L'honorable Elizabeth Hubley propose : Que le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), soit lu une troisième fois.

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Willie Adams : Honorables sénateurs, avec votre permission, je voudrais expliquer ce qui s'est passé hier au Comité de l'énergie pendant l'examen du projet de loi C-15. Le comité était censé passer à l'étude article par article. Je n'étais pas au courant du fait que la salle attribuée au comité avait été changée. J'ai donc mis un certain temps pour arriver dans la bonne salle. Entre-temps, j'ai été remplacé par un autre sénateur, ce qui m'a empêché de participer au vote sur la motion relative à l'étude article par article du projet de loi C-15.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À l'ordre, sénateur Adams.

Sénateur Stratton, est-il entendu que le sénateur Adams a 45 minutes?

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Je crois que le sénateur Adams invoque le Règlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur, réservez-vous 45 minutes pour votre intervention au sujet du projet de loi?

Le sénateur Stratton : S'agit-il d'un recours au Règlement au sujet du projet de loi C-15 ou bien d'un recours distinct?

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Nous examinons le projet de loi C-15.

Le sénateur Stratton : Si c'est le cas, je voudrais réserver pour notre côté le droit de disposer de 45 minutes. Le sénateur Adams a-t-il actuellement la parole à titre de premier orateur du côté libéral?

Le sénateur Rompkey : Non.

Le sénateur Stratton : Par conséquent, il dispose de 15 minutes. C'est un recours au Règlement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Adams invoque le Règlement.

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'aimerais savoir s'il s'agit effectivement d'un recours au Règlement concernant le projet de loi C-15 ou d'un recours au Règlement relatif à une autre question.

Le sénateur Adams : C'est un recours au Règlement concernant ce qui s'est passé hier matin à la séance du comité.

Les membres du comité ont reçu un message de son président jeudi dernier. D'une façon ou d'une autre, l'heure a été modifiée et la salle a été changée le lundi soir. Nous avons l'habitude de nous réunir dans la salle 257 de l'édifice de l'Est. Hier, j'étais perdu et je n'arrivais pas à trouver le comité. J'ai ensuite découvert que la réunion se tenait dans l'édifice Victoria. Toutefois, lorsque je suis finalement arrivé, le projet de loi avait été adopté par motion, sans étude article par article.

(1350)

Je suis au Sénat depuis 28 ans et, d'après les règles appliquées ici, nous faisons habituellement l'étude article par article avant d'adopter un projet de loi. Toutefois, hier, le sénateur Milne a proposé une motion permettant au comité de se dispenser de l'étude article par article. La motion a été adoptée, même si le président n'était pas très content. Le projet de loi C-15 a aussi été adopté.

J'ai assisté aux réunions que le comité a consacrées au projet de loi C-15. J'étais très préoccupé par les dispositions pénales de cette mesure. Plus de 300 000 oiseaux meurent chaque année par suite de déversements d'hydrocarbures.

Le comité a engagé un avocat indépendant pour veiller à bien faire les choses. Nous avons entendu le témoignage de spécialistes du droit constitutionnel et du droit international pour nous assurer du bien-fondé de cette mesure législative.

Une chose très étrange s'est produite hier. Il ne nous arrive pas souvent d'adopter un projet de loi sans passer par l'étude article par article. Au cours de cette étude, le titre du projet de loi est la dernière disposition qui est adoptée. Une fois le titre adopté, le comité adopte le projet de loi. Hier, cependant, à cause de l'adoption de la motion, il n'y a pas eu d'étude article par article.

Je crois par ailleurs que le projet de loi constitue une bonne mesure législative.

Le lundi, à 15 h 45, le ministre de l'Environnement a donné une conférence de presse, de concert avec des groupes de défense des droits des animaux, et a dit que le projet de loi était encore à l'étude au comité du Sénat et qu'il n'avait pas encore été adopté.

J'ai demandé aux témoins représentant les groupes de défense des droits des animaux qui ont comparu devant le comité s'ils ont participé à la rédaction du projet de loi. Ils ont répondu qu'ils n'y ont pas participé. Dans ce cas, pourquoi le ministre Dion a-t-il, lundi après-midi, donné une conférence de presse de concert avec des groupes de défense des droits des animaux pour dire que le projet de loi serait adopté par le Sénat hier? Je ne crois pas qu'un ministre puisse annoncer l'adoption d'un projet de loi avant que celui-ci n'ait reçu la sanction royale. Je crois que cela est caractéristique du gouvernement, tout comme il aime réécrire l'histoire.

J'ai assisté à toutes les réunions du comité, et je peux dire qu'il a adéquatement étudié le projet de loi.

Mon recours au Règlement est le suivant : je ne sais pas si l'adoption du projet de loi C-15 par le comité était régulière en l'absence d'une étude article par article.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, le sénateur Adams a soulevé deux ou trois points que j'aborderai plus tard, si j'en ai l'occasion au cours du débat. Toutefois, j'aimerais maintenant répondre à son recours au Règlement concernant la procédure suivie hier.

La pratique à laquelle se reporte le sénateur Adams est établie dans l'ouvrage de Marleau et Montpetit, chapitre 16, page 650, au paragraphe intitulé « Articles mis en délibération », qui porte sur l'étude et le vote de projets de loi par les comités du Parlement.

La première phrase est la suivante :

Chaque article du projet de loi constitue une question distincte et doit être étudié séparément.

C'est un fait; on a dû procéder ainsi à un moment donné et en faire une pratique. Toutefois, malgré mon peu d'expérience au Sénat, j'ai constaté qu'on ne procède pas toujours de cette façon.

Lorsque nous nous sommes réunis hier pour étudier le projet de loi, la première motion proposée devait nous dispenser de l'étude article par article et nous permettre d'étudier le projet de loi dans son entier et de présenter un rapport sans amendement au Sénat.

Étant donné que les comités sénatoriaux déterminent eux-mêmes leur façon de procéder et que j'avais constaté plusieurs fois qu'on procédait ainsi, y compris lors de l'étude de projets de loi controversés, j'ai conclu que cette façon de procéder était effectivement conforme au Règlement. La motion a été adoptée par un vote de sept contre trois, de sorte que le comité a décidé de présenter au Sénat un rapport sans amendement à l'issue de son étude du projet de loi.

Pour ce qui est de l'heure de la réunion, je présente des excuses au sénateur Adams et à d'autres sénateurs pour ce désagrément. Cependant, dans ce cas comme dans toute autre chose, nous sommes assujettis aux règles et aux procédures du Sénat. Comme je pensais bien qu'il faudrait un certain temps au comité pour étudier ce projet de loi, j'avais demandé au Sénat d'ordonner une séance hier matin, soit mardi à 9 heures, en plus du temps normalement prévu pour notre séance normale du mardi à 17 heures, parce que je jugeais que nous pourrions avoir besoin de tout ce temps.

J'ai donné avis de cette motion, comme il faut le faire avant de présenter la motion, au cas où je recevrais l'autorisation du Sénat mardi soir dernier. La motion ordonnant au comité sénatorial de siéger mardi matin à 9 heures dépendait donc de l'adoption par le Sénat d'une motion lors de sa séance de lundi soir. Comme on le sait, l'article « motions » figurent en dernier au Feuilleton.

Un vote a donc eu lieu ici, au Sénat, à 20 h 33, en vertu duquel le Sénat a ordonné au comité de se réunir mardi matin à 9 heures. À 20 h 34, l'avis a été envoyé à tous les membres du comité, selon lequel, premièrement, la réunion aurait lieu à 9 heures mardi et, deuxièmement, cette réunion aurait lieu dans une pièce différente de celle où nous nous réunissons habituellement, même si c'était une pièce où nous nous étions déjà réunis. Tous les membres du comité ont reçu l'avis de la même façon et en même temps. Je considère donc que les travaux d'hier étaient corrects et conformes au Règlement.

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, le recours au Règlement du sénateur Adams m'intéresse vivement et je comprends ses arguments, car j'ai assisté à la réunion et je suis au courant de ce que le sénateur Banks vient de déclarer, c'est-à-dire qu'en plus des trois heures d'hier matin, il se pouvait fort bien qu'il nous aurait fallu consacrer deux heures hier soir à l'étude article par article de ce projet de loi très complexe, qui a fait l'objet d'une étude de trois mois au cours desquels nous avons tenu 12 séances et entendu 42 témoins.

(1400)

Les honorables sénateurs peuvent imaginer ma surprise lorsque, en arrivant hier matin dans la bonne salle de comité, j'ai constaté que les sénateurs Adams et Lavigne étaient absents même si leur opposition au projet de loi était notoire. Soudain, une motion a été présentée afin de passer outre à l'étude article par article du projet de loi, ce qui a engendré une confusion totale. Le compte rendu ne laisse aucun doute là-dessus. J'en ai le texte. Je suis persuadé que Son Honneur voudra s'y reporter pendant son étude de la motion avant de se prononcer.

En fait, quelle que soit la raison, le projet de loi C-15 a été étudié très rapidement, avant que tous les sénateurs qui font partie du comité et qui étaient préparés à intervenir ne puissent se présenter pour participer au débat. Le comité avait même retenu les services de conseillers indépendants pour guider les membres du comité dans cette étude détaillée. Vers 9 h 30, la motion visant à passer outre à l'étude article par article était déjà adoptée. Comme je l'ai dit hier, dès ce moment, l'affaire était chose faite. Aucune discussion n'a été autorisée.

Je ne veux prêter aucune intention au président du comité. Il est clair que la motion l'a pris par surprise. Avant que quiconque ait vraiment compris ce qui se passait, tout était terminé.

Honorables sénateurs, une longue discussion a suivi, et il a été fait rapport du projet de loi, puisque le président nous a dit qu'il était tout à fait conforme au Règlement de ne pas faire d'étude article par article. À tort ou à raison, personne n'a invoqué le Règlement ni élevé d'objection. Ensuite, il a été fait rapport du projet de loi avec des observations.

Les honorables sénateurs pourront constater qu'il ne s'agit pas d'une procédure normale pour l'étude d'un projet de loi. Je ne suis pas sénateur depuis aussi longtemps que bien d'autres collègues, mais je siège tout de même depuis le 13 juin 1993. J'ai donc participé à des comités où on nous a informés que tel ou tel projet de loi était de nature administrative. En pareil cas, au moment de l'étude article par article, le président ou le vice-président dit souvent : « Honorables sénateurs, êtes-vous disposés à passer outre à l'étude article par article? » Je dois admettre que c'est là une pratique dont j'ai été témoin à l'occasion dans les comités sénatoriaux.

Cependant, avec un projet de loi aussi complexe que le projet de loi C-15, étant donné qu'il y avait une division claire au comité, que les services d'avocats avaient été retenus et que les sénateurs étaient prêts à discuter des amendements préparés par les fonctionnaires du Parlement en anglais et en français et présentés, ils n'auraient peut- être pas été adoptés, mais ces amendements auraient dû voir le jour.

J'appuie donc le recours au Règlement du sénateur Adams. Les événements d'hier étaient scandaleux. Je le dis sans blâmer le président ou la vice-présidente, car les circonstances étaient inhabituelles. Je dois reconnaître que beaucoup d'entre nous étions vraiment en état de choc tard dans la soirée, sans parler des autres événements qui se sont produits hier, honorables sénateurs, et qui étaient tout aussi renversants.

Le sénateur Rompkey : Honorables sénateurs, je ne veux pas répéter les arguments présentés par le sénateur Banks. Il a très bien couvert le processus suivi. Comme il l'a dit, ce processus était bon.

Il est regrettable qu'on n'ait pas rejoint le bureau du sénateur Adams, mais je suis persuadé qu'on a avisé les sénateurs une fois que la procédure a été suivie. Le sénateur Banks a donné avis de sa motion et il a présenté sa motion. Une fois que la motion a été adoptée, l'avis a été envoyé aux bureaux des sénateurs.

La whip a fait son travail. La responsabilité des deux whips est de combler les lacunes qu'il pourrait y avoir aux comités, surtout dans le cadre d'une étude article par article d'un projet de loi proposé. Madame le sénateur Losier-Cool avait prévu que le sénateur Adams serait à la réunion du matin, mais ce dernier ne s'est pas rendu à cette réunion, car il n'a pu lire l'avis qui avait été envoyé à son bureau.

De même, le sénateur Lavigne nous a signalé qu'il n'assisterait pas à la réunion de ce matin-là. Madame le whip a remplacé les membres de notre côté comme elle le fait régulièrement dans le cadre de ses fonctions. Je suis persuadé que les procédures voulues ont été suivies à cet égard.

Je voudrais lire au Sénat un extrait de la page 47 des Décisions des Présidents du Sénat, 1984-1993 sur le recours au Règlement. C'est un recours au Règlement soulevé par le sénateur Murray en 1990 exactement au sujet de la même situation quant aux pratiques au comité. Voici l'extrait en question :

[...] son argument est essentiellement le suivant : étant donné que le Comité des banques et du commerce n'a pas procédé à une étude article par article du projet de loi C-62, le Sénat ne devrait pas entreprendre en ce moment l'étude du rapport du Comité.

Et le Président ajoute :

Par tradition, ces comités sont maîtres de leur propre procédure et, tandis que certains pratiquent l'examen article par article, d'autres ne le font pas.

Le Président avait alors décidé que le recours au Règlement du sénateur Murray était irrecevable.

Je siège au Sénat depuis 1995 et j'étais, auparavant, à la Chambre des communes. L'expérience m'a appris que l'on a recours à l'étude article par article dans certains cas, mais non dans d'autres. C'est le comité qui décide. Le comité est maître de sa destinée et je crois que le sénateur Banks a pris les bonnes décisions.

Il est regrettable que le sénateur Adams n'ait pas été présent au comité à ce moment-là. Je comprends ses préoccupations et, comme lui, je déplore que 300 000 oiseaux soient tués chaque année. Je suis né sur une île et je sais que ce genre de chose se produit aussi dans sa région.

Votre Honneur, autant que je puisse voir, le recours au Règlement n'est pas fondé.

L'honorable John Buchanan : Votre Honneur, le sénateur Adams m'avait dit qu'il avait l'intention de faire ce recours au Règlement et je lui avais dit que je serais ici. Je vous prie de m'excuser de ne pas être arrivé plus tôt. J'avais des visiteurs de la Nouvelle-Écosse. Ils se trouvent à la tribune. Je suis heureux de leur présence ici. À chaque fois que j'en ai l'occasion, je parle de la Nouvelle-Écosse.

Une voix : Nous l'avons remarqué.

Le sénateur Buchanan : J'ai quelques observations à faire au sujet du recours au Règlement. Je savais que le sénateur Adams avait l'intention d'invoquer le Règlement, et je sais qu'il est très contrarié. J'étais présent à la séance du comité.

Même si la procédure a été suivie correctement, je crois pouvoir affirmer que le président a été quelque peu surpris lorsque la motion proposant d'omettre l'étude article par article du projet de loi a été proposée. À la réflexion, outre le fait que nous n'ayons pas procédé à l'étude article par article, je ne pense pas que nous ayons adopté le titre du projet de loi, mais peut-être que c'est sans importance.

Je siège au Sénat depuis 1991. Avant cela, j'avais été membre d'une autre assemblée législative pendant 24 ans; j'ai donc une bonne connaissance de la procédure. Honorables sénateurs, j'ai été interloqué de voir avec quelle rapidité les choses se sont passées, hier. Deux sénateurs sont arrivés quelques minutes après la présentation et l'adoption de la motion. Trois d'entre nous se sont opposés à la motion, mais elle a néanmoins été adoptée.

Je sympathise avec les sénateurs Lavigne et Adams qui sont arrivés trois ou quatre minutes après que la motion ait été adoptée. Je comprends le refus de la présidence de revenir à l'étude article par article, puisque la motion avait déjà été adoptée.

(1410)

C'est malheureux, parce que le conseiller juridique du comité était présent pour répondre à toute question qui aurait pu être soulevée au cours de l'étude article par article, mais nous n'avons jamais eu l'occasion de faire cette étude. Nous avons eu d'autre avis juridiques. Je suppose que lorsque ce sera le moment, nous en discuterons. La façon dont la situation a évolué hier est malheureuse, y compris le fait que deux membres du comité n'ont pas eu la possibilité de participer au débat sur la motion. Il est également malheureux que le comité n'ait pas eu l'occasion de procéder à l'étude article par article, y compris le titre.

L'honorable Marcel Prud'homme : Mon bureau a reçu un appel, mais j'assistais à une réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes, qui avait décidé, à la dernière minute, d'inviter le Comité sénatorial des affaires étrangères à participer à un échange avec la délégation de la Choura d'Arabie saoudite. On m'a demandé de consentir à siéger après 16 heures. Je ne me suis pas empressé de dire non. Je sais qu'il est tard, mais je peux m'en accommoder.

Toutefois, je serais très peiné s'il arrivait au Sénat ce que je détestais le plus à la Chambre des communes, de même qu'à l'Assemblée nationale du Québec. Nous arrivons à la dernière minute... La dernière minute de quoi? Je ne le sais pas. Il n'y a pas de dernière minute pour moi. Un événement qui pourrait se produire demain est sans conséquence sur ce que nous faisons aujourd'hui. Nous sommes ici au Sénat du Canada. Nous ne sommes pas à l'Assemblée nationale du Québec, ni à l'autre endroit. À la dernière minute, pour des raisons inconnues aujourd'hui, on nous impose un projet de loi qui pourrait ne pas satisfaire un homme pour qui j'ai le plus grand respect, le sénateur Adams. Ce n'est pas ainsi que le Sénat du Canada devrait travailler.

Je voudrais informer les honorables sénateurs qui croient qu'il est possible d'adopter ce projet de loi aujourd'hui qu'il existe d'autres options. Nous pouvons proposer un amendement, si c'est ainsi que vous voulez procéder. Je n'ai pas parlé de cette option aux conservateurs. J'espère que quelqu'un proposera un amendement, qui pourra faire l'objet d'un débat et d'un vote. Toutefois, le vote final sur le projet de loi n'aura pas lieu aujourd'hui, car je serai celui qui dira : « À la prochaine séance du Sénat. »

Votre Honneur, je vous exhorte à bien considérer mon argument. Y a-t-il une urgence nationale qui justifie l'adoption d'un projet de loi qui semble tellement important pour le sénateur Adams? Nous voyons pour la quatrième fois un projet de loi sur la question du traitement des animaux. Une fois de plus, il y a un certain manque de délicatesse. Nous n'arrêtons pas de parler de la nécessité de ménager les susceptibilités des Premières nations. Nous sommes très bon pour faire des discours, mais quand vient le temps de ménager leurs sentiments, nous envoyons Sa Majesté la reine du Canada. Les premières personnes que Sa Majesté a rencontrées en Saskatchewan sont des membres des Premières nations. Ces gens sont-ils là pour figurer dans les photos, ou bien sont-ils là pour manifester leur respect?

Je vous rappelle ce qu'a dit le sénateur Buchanan et d'autres. Il faut tenir compte du fait que, toutes règles mises à part, nous sommes le Sénat et nous ne devons pas nous conduire de cette façon. J'ai le plus grand respect pour le sénateur Adams depuis que je l'ai rencontré, il y a bien des années. Peut-être n'est-il pas aussi à l'aise d'être ici que certains d'entre vous. Lui et moi avons cela en commun. Je vous parle dans une langue qui n'est pas ma langue maternelle. J'essaie d'être à l'aise.

Cela étant dit, je remercie le sénateur Hubley, qui m'a corrigé hier. J'ai appris deux nouveaux mots. Je remercie également le sénateur Fraser, qui a corrigé un autre de mes mots hier.

Je continue tous les jours. Ne me mettez pas en colère, parce que je peux continuer pendant des heures en français. Au nom de ceux qui ne veulent peut-être pas prendre la parole aujourd'hui, je dirais que j'espère que nous en avons fini de recevoir des projets de loi à la dernière minute pour des raisons inconnues, qui ne devraient de toute façon pas influencer le Sénat du Canada. Autrement, nous ne serions qu'une copie de l'autre Chambre. Dieu sait que nous en avons assez avec une seule Chambre et que nous ne voulons pas en avoir deux pareilles.

[Français]

L'honorable Raymond Lavigne : Honorables sénateurs, j'ai demandé à ma secrétaire de téléphoner au bureau du whip afin de l'aviser de mon absence lundi dernier puisque je devais être à Montréal pour défendre le dossier de l'Hôpital Shriners, mais que je serais de retour mardi matin. J'ai quitté ma résidence à 3 h 45 pour être ici à l'heure. Comme le sénateur Adams, l'information que j'avais reçue était que la réunion avait lieu à l'édifice de l'Est. Je m'y suis rendu et j'ai dû ensuite me rendre à l'édifice Victoria.

La semaine dernière, le président du comité m'a demandé si j'allais être présent à la séance et il m'a avisé qu'il allait procéder à l'étude article par article du projet de loi C-15. Je ne dis pas que le processus est illégal. Je dis simplement que nous avons travaillé pendant des mois sur un dossier et comme on arrive à la fin, on adopte une motion et pouf!, c'est terminé. On n'a plus un mot à dire. On m'avait pourtant dit qu'on allait procéder à l'étude article par article.

Ce matin, ma secrétaire a dû téléphoner à la greffière du comité pour savoir si le comité siégeait demain matin. La réponse a été non, que le comité ne siégerait pas demain matin. J'ai téléphoné à Mme Hogan, la greffière, pour lui demander si j'étais encore membre du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Elle m'a dit que oui, j'ai été tout simplement remplacé hier. Je ne comprends plus. Suis-je membre du comité ou non? Quand nous ne sommes pas présents lors des réunions des comités, le whip nous dit que nous n'assistons pas à nos comités. Il est certain que, de temps à autre, nous avons des travaux à l'extérieur d'Ottawa pour des causes comme celle de l'Hôpital Shriners ou d'autres. Nous devons, en tant que sénateurs, travailler sur le terrain. Cela fait partie de notre travail et je le fais.

Lorsque j'arrive à la séance de mon comité et que tout est terminé, je ne comprends pas pourquoi on m'a fait travailler pendant des mois et que tout à coup, je n'en suis plus membre. Ma secrétaire avise le whip que je serai présent le mardi. Lorsque j'arrive, pourquoi tout à coup suis-je inscrit comme étant absent? Lorsque nous nous absentons, le whip nous demande des explications et nous avise qu'il va nous enlever une journée sur les 21 jours d'absence alloués. Je me suis exprimé ce matin au caucus du Québec.

Les sénateurs Gill et Watt disent souvent qu'ils ont de la difficulté à se faire entendre et comprendre. En tant que sénateurs, nous nous devons d'être responsables de nos propos et de nos gestes. Le sénateur Prud'homme l'a très bien exprimé tout à l'heure. Il est important que nous demeurions la Chambre haute du Canada. Si nous devons adopter des projets de lois et que nous disons que nous en ferons l'étude article par article, faisons-le. S'il y a des modifications d'horaire ou de lieu, que cela ne soit pas à la dernière minute alors que notre personnel a quitté le bureau à la fin de la journée.

(1420)

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais aider Son Honneur à trancher le recours au Règlement soulevé par le sénateur Adams.

En dépit du passage cité par le sénateur Rompkey, le paragraphe 96(7) du Règlement dit ceci :

Sauf si le présent Règlement le prévoit, un comité particulier ne doit pas, sans l'approbation du Sénat, adopter une procédure ou une pratique spéciale incompatible avec les pratiques et les usages du Sénat lui-même.

Voilà le point essentiel que je voudrais faire valoir. Si les membres d'un comité s'entendent pour accélérer l'étude article par article d'un projet de loi, c'est différent. Il nous arrive souvent d'accélérer les choses avec le consentement unanime. Quand il est clair qu'il n'y a pas consentement unanime et qu'un sénateur membre d'un comité souhaite proposer un amendement à un projet de loi, il a le droit de le faire à l'étape de son étude en comité, de la même façon qu'il a le droit de le faire à l'étape de sa troisième lecture à la Chambre.

D'après le paragraphe 96(7) du Règlement, nous devons nous conformer aux pratiques du Sénat. Or la pratique du Sénat consiste à toujours permettre à un sénateur qui le souhaite de présenter un amendement à un projet de loi. Il ne peut pas le présenter à l'étape de la deuxième lecture; ce serait irrecevable. Il ne peut pas non plus le faire à l'étape de la première lecture; ce serait également irrecevable. Il y a seulement deux moments pour le faire : à l'étape de la troisième lecture à la Chambre ou à l'étape de l'étude en comité.

Interrompre sans ménagement un sénateur qui souhaite présenter un amendement à un projet de loi à l'étape de l'étude en comité alors qu'il n'a pas été décidé à l'unanimité de procéder à l'étude article par article, c'est agir de façon incompatible avec la procédure que nous devons suivre. À la Chambre, il est clair qu'un sénateur a le loisir et le droit de présenter un amendement. Cela ne préjuge en rien du sort qui sera réservé à cet amendement.

Pourquoi un sénateur viendrait-il à un comité pour écouter les divers témoignages sans avoir la possibilité de les analyser et de présenter ensuite des amendements à certains articles du projet de loi? Ce serait totalement absurde.

Nous pouvons revenir sur d'autres expériences passées où les comités se sont livrés à cette pratique. Il peut y avoir eu des ratés. Je n'ai pas approfondi la question, car on vient d'invoquer le Règlement il y a quelques instants à peine.

Nous verrons que, dans la majorité des cas, les membres du comité s'entendent pour procéder de façon globale à l'étude d'un projet de loi article par article. Je ne crois pas que l'on ait jamais tenté d'empêcher un amendement d'être apporté à l'étape de l'étude en comité. Ce serait une erreur fondamentale, et les principes énoncés dans l'article du Règlement que je viens de citer devraient aider la présidence à l'énoncer clairement. C'est important.

Il se trouve que j'appuie le projet de loi visé, mais là n'est pas la question. La procédure irrégulière qui a été suivie me préoccupe vivement. Peut-on procéder globalement à l'étude d'un projet de loi article par article lorsqu'on sait qu'un membre du comité veut proposer un amendement? Ce n'est pas clair.

Passons maintenant à un deuxième point qui a été abordé et sur lequel Votre Honneur devrait se pencher. Des sénateurs nous ont raconté cet après-midi qu'ils avaient été mis à l'écart d'un comité par le whip parce qu'ils n'étaient pas du même avis que les parrains du projet de loi.

Le sénateur Losier-Cool : Ce n'est pas ce qui s'est passé.

Le sénateur Kinsella : Je reformule. D'après ce que l'on vient de dire, certains sénateurs ont eu l'impression d'avoir été exclus de leur comité. Ils ont été choisis pour siéger au comité, j'insiste sur ce point. Puisque les membres des comités sont choisis par le Sénat il me semble qu'ils ne devraient pas être révoqués avant d'avoir été consultés et d'avoir donné leur accord.

Un autre article du Règlement stipule que les leaders de part et d'autre du Sénat peuvent désigner des remplaçants. Nous devons nous attarder à cette question. Qu'advient-il lorsque le sénateur qui a été choisi par le Sénat et que l'on entend remplacer refuse de l'être? Voilà une difficulté qui mérite d'être examinée.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, plus le débat avance, plus je reconnais les discussions que nous avons déjà eues dans cette assemblée sur une question que j'avais moi-même soulevée il y a un bon moment déjà, en 1990.

Autrefois, après l'étape de la deuxième lecture, les Chambres renvoyaient les projets de loi au comité plénier, qui les étudiait article par article. Bon nombre d'entre nous sont assez vieux pour se rappeler l'époque où l'on fonctionnait ainsi au Sénat et à la Chambre des communes

Depuis quelques années, le Sénat renvoie les projets de loi à cette fin à des comités permanents ou spéciaux. Nous aimerions croire que l'étape de l'étude en comité a pour objet d'entendre les témoignages des parties intéressées, ce qui constitue un complément important au processus, mais cette étape a en fait pour but de procéder à l'étude article par article.

Le sénateur Cools : C'est exact.

Le sénateur Murray : Il y a quelques années de cela, après une décision de la présidence qui, à mon avis, était mauvaise et irréfléchie, j'ai consulté différents collègues ayant siégé au Sénat et à la Chambre des communes. Je préserverai toutefois leur anonymat. Eh bien, ils m'ont affirmé que l'étude article par article d'un projet de loi était une étape du processus parlementaire aussi importante que la première, la deuxième et la troisième lecture. En conclusion, je dirais que nous ne pouvons pas décider par un vote majoritaire de passer outre à l'étude article par article, pas plus que nous ne pouvons décider par un vote majoritaire d'escamoter les étapes de la deuxième ou de la troisième lecture.

J'espère qu'on examinera sérieusement les points qui ont été soulevés, ainsi que la légitimité du recours au vote majoritaire pour nous permettre d'outrepasser une étape essentielle de l'examen des projets de loi par le Parlement.

[Français]

(1430)

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, je pense qu'il est important de clarifier ce qui arrive lorsque les sénateurs se font remplacer aux séances de comités. Il arrive souvent que le sénateur est remplacé à la réunion. S'il juge qu'il ne peut pas être présent, il n'est pas retiré du comité. Le sénateur Lavigne est encore membre du comité. S'il n'a pas reçu de convocation pour la réunion de demain, c'est parce que le président n'a pas convoqué de réunion. Le sénateur Lavigne est toujours membre du comité et il n'a pas été exclu du comité. Il a plutôt été remplacé, suite à sa demande, parce qu'il était absent. Il savait qu'il serait en retard. Ce sont les faits.

Le sénateur Lavigne : Honorables sénateurs, lorsque madame le whip me dit qu'il n'y a pas de réunion demain, à mon agenda une réunion est inscrite à huit heures demain matin. La greffière, responsable d'aviser les membres s'il n'y a pas de réunion, a appelé tout le monde, sauf moi. C'est ma secrétaire qui a été obligée de lui téléphoner pour lui demander s'il y avait une réunion. Demandez à ma secrétaire, la greffière n'a vraiment pas appelé. Je savais que je devais me rendre à une réunion du comité à huit heures.

La greffière a appelé tout le monde pour dire qu'elle s'excusait parce que j'étais rayé temporairement, mais que maintenant on allait me remettre sur la liste des membres du comité.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'interviens au sujet de ce recours au Règlement, surtout pour appuyer la déclaration du sénateur Kinsella. Je voudrais aussi remercier le sénateur Murray d'avoir présenté son point de vue sur la question.

Honorables sénateurs, un projet de loi qui est à l'étude au Sénat est une chose en mouvement. Les délibérations le font toujours avancer. L'étude d'un projet de loi comporte de nombreuses étapes et le sénateur Murray a raison de dire que l'étude article par article en est une.

La tendance actuelle, qui a été confortée par la motion du sénateur Milne au comité sénatorial le mardi 17 mai et qui avait pour objet de ne pas faire l'étude article par article, est une de ces mauvaises pratiques qui persistent. Elle est extrêmement nuisible et antiparlementaire. Ces pratiques pernicieuses continuent de s'insinuer dans notre existence. J'ai exprimé de nombreuses objections à la dispense de l'étude article par article et je l'ai fait à plusieurs comités.

Un comité est un mandataire. En d'autres termes, un comité existe pour obéir à un ordre qui lui est donné et cet ordre est habituellement appelé un ordre de renvoi. Paraphrasant sir Reginald Palgrave, je dirais que le comité reçoit l'ordre d'étudier la question afin d'aider le Sénat à tirer des conclusions.

Honorables sénateurs, la seule procédure qui permet à un comité de prouver à l'ensemble du Sénat que tous ses membres se sont penchés sur chaque mot d'un projet de loi est l'étude article par article. Cela relève de l'histoire. On parle des « lectures des projets de loi », parce que les membres sont censés lire les projets de loi. Bien sûr, à notre époque, bon nombre des membres ne lisent pas les projets de loi, mais le terme « lecture » signifie qu'à un moment donné, ils étaient littéralement tenus de les lire.

À une certaine époque, les première, deuxième et troisième lectures d'un projet de loi étaient vraiment faites article par article. L'étude article par article est une partie indispensable du débat d'un projet de loi, parce que c'est la seule preuve qu'a le Sénat que le comité a vraiment obéi à ses instructions lui ordonnant d'étudier le projet de loi.

De nombreux sénateurs ont soulevé d'importantes questions concernant la possibilité ou l'impossibilité de proposer des amendements. Toutes ces questions sont importantes, mais il reste que la seule manière dont le comité peut exprimer son opinion sur un projet de loi consiste à l'étudier article par article et à permettre à tous ses membres de se faire une idée sur chaque ligne du projet de loi.

Honorables sénateurs, je crains fort que de nombreuses habitudes détestables ne s'insinuent au Sénat, et ce, avec une fréquence terrifiante. Je déplore ces habitudes et les condamne. Chaque fois que je siège à un comité, j'essaie, dans la mesure du possible, de veiller à ce que les règles et les pratiques appropriées soient respectées. Le seul fait que nous soyons saisis de ce recours au Règlement conforte mon argument et prouve qu'il y a de quoi s'inquiéter.

On entend souvent dire qu'un comité est maître de sa propre procédure, mais le fait qu'il soit maître dans sa maison — peu importe comment on le dit — signifie qu'il est maître dans la mesure où il respecte les règles et les coutumes du droit parlementaire. Un comité n'est pas maître dans sa maison au point de dire qu'il peut se dispenser de faire rapport au Sénat. Si les gens d'en face soutiennent que le comité peut se dispenser de l'étude article par article, je répliquerai qu'il peut aussi se dispenser de faire rapport au Sénat de son étude d'un projet de loi.

Si le comité peut se dispenser de toutes ces choses, alors la Chambre peut se dispenser d'en faire beaucoup d'autres, y compris la première, la deuxième et la troisième lectures. Ce n'est pas une possibilité à écarter.

Nous avons eu un ministre, un leader du gouvernement à l'autre endroit, qui croyait fermement que les trois lectures n'étaient qu'une perte totale de temps.

Le sénateur Mercer : Nommez-le!

Le sénateur Cools : Il restera sans nom.

Certaines de ces coutumes et pratiques sont séculaires. Toutes les pratiques entourant les étapes d'un projet de loi, de même que les étapes mêmes de la première, deuxième et troisième lectures par lesquelles un projet de loi doit passer remontent à très loin. J'ai réussi à trouver des références aux trois lectures qui dataient du XIVe siècle.

En toute franchise, il est impossible de prétendre que les mauvaises pratiques des comités peuvent aboutir à du bon travail.

Honorables sénateurs, je voudrais dire en conclusion que je souscris pleinement à la notion que l'étude article par article constitue une partie essentielle de l'examen de ce projet de loi et que le comité n'est pas habilité à s'en dispenser, car il n'est investi que des pouvoirs que la Chambre lui confère. Or le Sénat n'a jamais autorisé un comité à se dispenser de l'étude article par article.

(1440)

J'irais même un peu plus loin, honorables sénateurs. Je dirais que le fait de se dispenser de l'étude article par article d'un projet de loi revient à se moquer de l'ordre donné par la Chambre et à empêcher toute étude ultérieure de la mesure législative par suite de l'élimination d'une étape très critique de l'examen.

Honorables sénateurs, je voudrais que vous compreniez que beaucoup de ces pratiques sont devenues courantes. Je souhaite que nous puissions réfléchir à tout ce phénomène. Nous sommes à un endroit très spécial. Nous travaillons dans le cadre de traditions qui nous ont été transmises depuis des siècles. Nous avons le devoir de maintenir ces traditions et de produire des mesures législatives ayant fait l'objet d'un examen adéquat de tous les sénateurs.

Honorables sénateurs, de nombreux sénateurs évoquent ici des décisions de la présidence. D'après mon expérience, beaucoup de ces décisions sont changeantes et fluides, et reflètent souvent, non pas le droit parlementaire, mais le point de vue des maîtres politiques des Présidents. J'exhorte aujourd'hui Son Honneur à comprendre que ces dimensions de l'examen d'un projet de loi sont indispensables au bon fonctionnement d'une Chambre du Parlement. Si nous nous en dispensons, nous nous dispensons de tout ce qui est parlementaire. C'est un grave problème.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je propose de faire un second tour très rapide, pourvu que les honorables sénateurs ne prennent pas trop de temps. J'ai déjà entendu un bon nombre d'importantes recommandations.

Le sénateur Banks : Honorables sénateurs, certains d'entre nous ont été mal compris. Nous avons pris une tangente et devons revenir à la question qui se pose. Sauf erreur, c'est la suivante : le projet de loi peut-il avancer à l'étape suivante? Si j'ai bien compris le recours au Règlement du sénateur Adams, il voudrait que nous ne poursuivions pas l'étude du projet de loi parce que la procédure d'hier était contraire au Règlement.

Je souhaite formuler deux observations à ce sujet. D'abord, comme le sénateur Lavigne peut le constater aisément, il n'est pas du tout difficile de se lever et de se faire entendre en ce lieu, et cela vaut pour n'importe quel sénateur. Tout ce que nous avons à faire, c'est nous lever et prendre la parole. La deuxième chose, c'est qu'il n'est pas possible, sénateur Lavigne, qu'un avis ait été envoyé indiquant que la réunion du mardi matin à 9 heures se tiendrait à la salle 257 de l'édifice de l'Est. Ce n'est pas possible. Je sais, en fait, que cela ne s'est pas produit.

Je présente à nouveau des excuses pour cet inconvénient, qui a été causé par la nécessité procédurale de donner avis d'une motion, et de la proposer à la séance suivante, ce qui s'est fait à la fin de la séance, moins, il se trouve, de 12 h 30 avant le début de la réunion, mais ce sont les procédures du Sénat.

Deuxièmement, le leader de l'opposition a eu raison de dire, lorsqu'il a fait allusion à la question de l'observation de la pratique de l'examen article par article, ou de son inobservation, qu'il s'agissait d'un dérapage. Je crois que ce terme est tout à fait pertinent. Nous avons peut-être dérapé à cet égard. Toutefois, la règle à laquelle le leader de l'opposition a fait allusion dit que nous étions gênés dans nos travaux en comité par la pratique du Sénat, et de ses comités, à raison ou à tort, de ne pas procéder de temps à autre à l'étude article par article. La question de savoir si cela est juste ou erroné ne fait pas partie du recours au Règlement.

Le sénateur Rompkey a cité une décision de la présidence tirée des Décisions des Présidents du Sénat, 1990, et c'est ce à quoi le sénateur Murray a fait allusion. Je veux en lire d'autres passages. L'argument était que le Sénat ne devait pas entreprendre l'étude du rapport à ce moment-là. Le Président avait déclaré :

Comme quelques sénateurs l'ont noté, [...] les comités du Sénat ne se sont pas toujours conformés à cette façon de procéder.

— ce par quoi le Président voulait dire l'étude article par article, littéralement —

Par tradition, ces comités sont maîtres de leur propre procédure et, tandis que certains pratiquent l'examen article par article, d'autres ne le font pas.

Voici la partie convaincante, honorables sénateurs, qui étaye mon argument selon lequel il n'y a pas matière à recours au Règlement. Je cite à nouveau la décision du Président :

La présidence n'a pas à se prononcer sur la question de savoir si les comités du Sénat doivent ou non examiner les projets de loi article par article.

Ce n'est pas la question qui a été posée. Je reprends la citation :

Cette question relève davantage de notre Comité permanent du Règlement et de la procédure ainsi que du Sénat dans son ensemble. La présidence est cependant invitée à trancher la question suivante : si un comité ne s'est pas conformé à une pratique ou à une règle donnée, faut-il retarder des délibérations découlant de ses travaux?

Comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, [...] il ne me semble pas possible d'empêcher le Sénat d'entreprendre certaines délibérations parce qu'une question de privilège a été posée ou, dans le cas présent, que le Règlement a été invoqué au sujet d'infractions aux règles ou aux pratiques du Sénat, qui auraient été commises par un comité ou son président.

Je saute quelques paragraphes et termine avec la phrase que le sénateur Rompkey a citée plus tôt.

Je ne peux pas accepter le rappel au Règlement du sénateur Murray.

Si j'ai bien compris, le sénateur Adams a fait exactement le même recours au Règlement. Par conséquent, honorables sénateurs, ce recours au Règlement est irrecevable.

Le sénateur Day : La chose est jugée.

Le sénateur Angus : Honorables sénateurs, sauf le respect que je lui dois, je suis en désaccord avec notre collègue, le sénateur Banks. Je le répète, après avoir entendu les arguments en faveur de ce recours au Règlement, qui étaient très convaincants, je pense que nous devons trouver une issue à cette situation difficile.

À la lecture du compte rendu — ce que Son Honneur fera, j'en suis sûr — , les événements d'hier seront clairs. J'aimerais simplement dire aux honorables sénateurs qui n'ont pas lu le compte rendu que, tout calme et pondéré que je sois, je qualifierai ce qui s'est passé d'hier de tribunal bidon. C'était vraiment terrible, honorables sénateurs. J'en ai été choqué au plus profond de mon sens de la justice naturelle. Selon moi, les principes fondamentaux de la justice naturelle ont été violés. J'avais des amendements à proposer et tout le monde le savait. Je les avais entre les mains, dans les deux langues officielles, et il y avait suffisamment d'exemplaires pour tout le monde, même pour les pauvres sénateurs qui ont été envoyés vers un autre édifice.

Si Son Honneur cherche une solution, je lui suggère de renvoyer le projet de loi au comité avec la directive de procéder à l'étude article par article, ce qui serait la conclusion logique de ce recours au Règlement tout à fait légitime. Nous devrions laisser le processus législatif se dérouler naturellement tel que prévu dans notre Règlement.

Je ferai un dernier commentaire sur le prétendu précédent auquel le sénateur Murray a été personnellement mêlé il y a quelques années. Je crois que Son Honneur devrait prendre bonne note des commentaires du sénateur Murray, qui a dit que la décision rendu alors par la présidence était mauvaise pour les raisons qu'il vous a savamment expliquées.

(1450)

En toute franchise, je dirai que nous n'avons même pas approuvé le titre du projet de loi, encore moins procédé à l'étude article par article. Je comprends, d'après ce qu'ont dit ceux qui connaissent mieux que moi le Règlement du Sénat et la jurisprudence parlementaire, que ce seul fait suffit à invalider le processus. Je suis d'avis que ce projet de loi n'est pas dûment soumis au Sénat à l'heure actuelle et qu'il devrait être renvoyé au comité.

Le sénateur Adams : Votre Honneur, je vais être bref. J'ai une copie du recours au Règlement qu'avait fait le sénateur Murray, le 26 septembre 1990.

Pour commencer, je rappelle que mardi matin de la semaine dernière, au cours de la réunion du comité, madame le sénateur Milne a proposé une motion visant l'étude article par article. Toutefois, le président a dit que la vice-présidente n'était pas présente, car elle était à Terre-Neuve avec un autre comité Le sénateur Lavigne et moi avons voté contre la motion du sénateur Milne mardi matin de la semaine dernière, selon laquelle le comité ferait l'étude article par article du projet de loi à sa prochaine réunion. Hier matin, le comité a passé à l'étude article par article du projet de loi.

Je voulais m'assurer que le comité procède à l'étude article par article parce que nous avons entendu 42 témoins, dont beaucoup étaient opposés au projet de loi C-15, qui traite du droit international.

En 1990, le recours au Règlement du sénateur Murray sur le projet de loi C-62 concernait le treizième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, qui portait sur le droit international. Des expéditeurs étaient venus d'Angleterre au Canada pour expliquer au comité le fonctionnement de leur système. Nous n'avions pas entendu seulement des Canadiens. La question avait un caractère international et ne touchait pas uniquement les Canadiens. À mon avis, le projet de loi C-15 est différent du projet de loi C-62, comme le sont la décision du Président en 1990 et la motion récente du sénateur Milne.

Je répète au leader et au whip qu'il y a des règles à observer au comité. Le président doit attendre qu'il y ait quorum, ce qu'il n'a pas fait. Un autre sénateur m'a remplacé et quelqu'un a remplacé le sénateur Lavigne, sans qu'un avis ne soit donné au président que je n'y serais pas. Si je ne peux pas assister à un comité, je peux avertir le whip et quelqu'un peut me remplacer. Mais le whip n'a pas fait cela. Je suis arrivé en retard, mais l'autre sénateur était déjà là au cas où je voterais contre le projet de loi. Si j'avais voulu me prononcer contre le projet de loi, j'aurais pu exprimer mes craintes concernant le projet de loi ici. Mais je n'ai pas fait cela, parce que je n'allais pas voter contre le projet de loi hier. Je voulais simplement que nous entendions notre conseiller juridique, M. Gold, et M. Sharpe sur le droit maritime international et sur son incidence sur le projet de loi.

Permettez-moi simplement d'ajouter qu'à mon avis, le comité aurait dû procéder à l'étude article par article de ce projet de loi. C'est la procédure que prescrit notre Règlement. Il faudrait éviter de dire : « Le ministre est un ami et il veut que ce projet de loi soit adopté aujourd'hui. » Nous avons tous des amis et nous voulons tous faire du bon travail. Je suis au Sénat depuis tant d'années et cela m'est arrivé à deux reprises, en particulier dans le cas du projet de loi créant le parc national Tuktut Nogait, il y a quelques années. Tout le monde sait que je me suis opposé à ce projet de loi une simple raison qu'il est impossible de protéger des animaux dans un parc, étant donné qu'ils sont libres de se déplacer partout.

J'ignore comment le ministère est arrivé à ce chiffre de 300 000 oiseaux qui seraient tués chaque année à cause des déversements d'hydrocarbures. Des représentants du Sierra Club ont comparu devant notre comité et je leur ai demandé : « Combien de membres avez-vous? » Ils m'ont répondu : « Cette année, nous avons 300 000 membres. » C'est le nombre des oiseaux tués chaque année. Comment expliquer cela? C'est bizarre. Je leur ai demandé comment ils étaient arrivés à ce nombre, mais ils n'ont pas pu me répondre. Je trouve cela difficile à comprendre.

Honorables sénateurs, il faut faire quelque chose, que ce soit au moyen de l'étude article par article au Sénat ou au comité.

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je veux insister sur un ou deux points. La question n'est pas de savoir si un comité ou le Sénat est maître de ses propres règles. À mon avis, nous reconnaissons tous que nous sommes maîtres de nos règles et de nos procédures.

Or, dans presque tous les cas que je connais, le consentement unanime permet de sauter l'étape de l'étude d'un projet de loi article par article. La question est de savoir si nous pouvons nous passer de cette étape cruciale du processus législatif à la suite d'un vote de la majorité, ce qui a empêché un sénateur, à ce qu'on me dit, de présenter une foule d'amendements qu'il voulait proposer.

À première vue, il est scandaleux que la majorité puisse détenir ce pouvoir. Je crois qu'il y a lieu d'examiner sérieusement cette question. Nous ne devrions pas être liés — et nous ne sommes pas liés — par la décision qu'a rendue le Président Charbonneau en 1990. Le Sénat sait que nous avons coutume de tenir pour un précédent une décision de la présidence qui a été maintenue après avoir contestée. Si je me souviens bien, la décision du Président Charbonneau n'a pas été contestée. Par conséquent, Son Honneur est tout à fait libre de prendre la décision qui s'impose.

Le sénateur Kinsella : Honorables sénateurs, je voudrais citer plusieurs commentaires de la 6e édition du Beauchesne, que Son Honneur trouvera sans doute utiles.

À la page 205, le commentaire 688 dit ceci :

Le comité a pour rôle d'examiner le projet de loi article par article, voire mot par mot, afin d'y apporter les amendements dont on peut croire qu'ils le rendraient plus acceptable en général.

À la même page, le commentaire 690 dit que :

Sauf décision contraire du comité, on aborde le texte du projet de loi dans l'ordre suivant :

1) articles,
2) articles nouveaux,
3) annexes,
4) annexes nouvelles,
5) préambule (s'il en est),
6) titre.

Le commentaire 691(1) dit ce qui suit :

En comité, les articles d'un projet de loi doivent être abordés dans l'ordre, c'est-à-dire qu'on commence par l'article un...

En outre, à la page 213, le commentaire 694 dit :

Il est permis d'amender toutes les parties du projet de loi, tant le titre et le préambule que les articles et les annexes, de supprimer des articles et d'ajouter des annexes ou des articles nouveaux.

(1500)

De toute évidence, l'ensemble des ouvrages de procédure indique que le comité doit respecter la possibilité de proposer des amendements. Je recommande à Son Honneur d'examiner ces citations.

Le sénateur Banks : Si vous le permettez, j'aimerais demander au sénateur Kinsella de relire le commentaire auquel il a fait référence, qui commence par le mot « sauf »?

Le sénateur Kinsella : Bien sûr. C'est le commentaire 690 qui dit ceci :

Sauf décision contraire du comité, on aborde le texte du projet de loi...

Le sénateur Prud'homme : Notre collègue, le sénateur Angus, nous a dit qu'étant donné l'urgence d'adopter le projet de loi C-15 hier en comité, le titre n'a pas fait l'objet d'un vote. J'aimerais donc savoir de quoi nous sommes en train de parler. Il n'y a rien à examiner si le titre n'a pas été adopté. Comprenez-vous?

Le Président doit se réjouir de ne pas être présent ici aujourd'hui.

Le sénateur Cools : De quoi sommes-nous saisis?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je remercie les honorables sénateurs de leurs observations dans le cadre de ce recours au Règlement. Si les honorables sénateurs le permettent, j'aimerais quitter le fauteuil durant environ 15 minutes, puis revenir rendre une décision le plus rapidement possible.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Prud'homme : Prenez la journée!

(La séance du Sénat est suspendue.)

(1520)

Le Sénat reprend sa séance.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je vais maintenant rendre ma décision sur le recours au Règlement soulevé par le sénateur Adams. Le projet de loi C-15 a été adopté à l'étape de la deuxième lecture au Sénat le 2 février 2005 et a été renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Le comité a tenu 13 réunions et a entendu plus de 40 témoins. À sa réunion d'hier, le comité a adopté une motion l'autorisant à ne pas procéder à l'étude article par article du projet de loi. Il a fait rapport du projet de loi le 17 mai 2005, soit hier, sans propositions d'amendement. Le Sénat a alors adopté un ordre portant que le projet de loi soit lu une troisième fois à la prochaine séance.

Le comité est traditionnellement considéré comme étant maître de ses propres travaux. Par ailleurs, le paragraphe 96(7) du Règlement du Sénat dit ceci :

[...] un comité particulier ne doit pas, sans l'approbation du Sénat, adopter une procédure ou une pratique spéciale incompatible avec les pratiques et les usages du Sénat lui- même.

L'objet du renvoi d'un projet de loi à un comité est de permettre à celui-ci d'effectuer un examen détaillé du projet de loi, ce qui comprend habituellement l'étude article par article et l'audition de témoins. Comme le sénateur Banks l'a signalé en citant Marleau et Montpetit, l'étude article par article est une pratique qui permet aux membres du comité de proposer des amendements à un projet de loi durant l'étude de celui-ci par le comité.

Pour arriver à ma décision, j'ai besoin d'examiner plusieurs facteurs. Une motion ayant pour effet de priver les membres d'un comité de la possibilité de proposer des amendements, ce qui est un but fondamental du renvoi au comité par le Sénat, me semble irrégulière. Cependant, il est difficile pour moi, en tant que Présidente, d'intervenir de façon rétroactive relativement à quelque chose qui semble s'être passé au comité, étant donné que le Sénat a adopté hier l'ordre portant que le projet de loi soit lu une troisième fois aujourd'hui.

Il est important que tous les sénateurs soient bien conscients du fait que tout sénateur membre d'un comité a le droit de proposer des amendements s'il juge bon de le faire. Une motion empêchant les sénateurs d'exercer ce droit me semble irrecevable et constitue peut- être une infraction au paragraphe 96(7) du Règlement du Sénat.

Si le comité cherche à suspendre l'application d'une disposition ou d'une pratique relativement à l'étude article par article, il pourrait peut-être envisager de le faire en demandant la permission, plutôt qu'en proposant une motion, afin de s'assurer qu'il n'y a pas violation des droits des sénateurs.

Comme je l'ai mentionné, je ne crois pas être investie du pouvoir de renverser des décisions déjà prises par le Sénat. Par contre, je tiens à rappeler aux sénateurs qu'ils ont encore le droit de proposer des amendements au projet de loi à l'étape de la troisième lecture. Ma décision est donc que je ne peux pas défaire ce qui a été fait par le comité et déjà accepté par le Sénat. Nous pouvons commencer le débat de troisième lecture en sachant bien que les sénateurs ont le droit de proposer des amendements aux diverses dispositions du projet de loi.

(1530)

À mon avis, le Comité du Règlement pourrait examiner la pratique et faire en sorte que les comités soient tenus de faire une étude article par article des projets de loi qui leur sont renvoyés à moins que leurs membres ne l'en dispensent.

Par conséquent, le recours au Règlement n'est pas justifié. Nous pouvons maintenant commencer le débat sur le projet de loi C-15 à l'étape de la troisième lecture.

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je suis ravie de parler aujourd'hui du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999). Le projet de loi est revenu au Sénat pour la troisième lecture après avoir fait l'objet d'un examen attentif au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Je tiens à exprimer ma gratitude au président du comité, le sénateur Banks, à la vice-présidente, madame le sénateur Cochrane, et à tous les membres du comité pour avoir examiné ce projet de loi avec rigueur et impartialité.

Le projet de loi a pour objectif d'accroître notre capacité d'appliquer les lois canadiennes en matière d'environnement qui visent à protéger les oiseaux contre la pollution marine, particulièrement contre la pollution par les hydrocarbures causée par les navires. Tous les témoins entendus par le comité, y compris les représentants de l'industrie du transport maritime, ont appuyé cet objectif sans réserve. Le problème auquel s'attaque le projet de loi C-15, c'est-à-dire le fait que des centaines de milliers d'oiseaux de mer soit tués chaque année dans l'environnement marin du Canada, a été décrit avec force détail.

Je suis convaincue que les honorables sénateurs seront d'accord avec moi pour dire qu'il est inadmissible que le Canada, un pays reconnu à l'échelle internationale pour sa grande biodiversité, ses ressources naturelles abondantes et son écocivisme rigoureux, tienne lieu de dépotoir à un petit nombre d'armateurs. À l'heure actuelle, cette minorité échappe à l'application de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994 et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999.

Bien que l'objectif du projet de loi C-15 fasse l'objet d'un vaste consensus, l'industrie du transport maritime a soulevé un certain nombre de questions. Peu avant la fin des délibérations du comité, l'honorable Stéphane Dion, ministre de l'Environnement, et Mme Mary Dawson, sous-ministre déléguée à la Justice, ont comparu et répondu à toutes les questions en suspens à la satisfaction du comité.

Voici un résumé de ces délibérations. On s'inquiétait des dispositions de responsabilité objective prévues dans le projet de loi C-15. Or, le régime de responsabilité objective fonctionne admirablement bien dans le système judiciaire du Canada. Des infractions de cette nature existe depuis presque 60 ans, que ce soit dans la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994, la Loi sur les pêches où elles figurent depuis au moins 30 ans et dans de nombreuses autres lois fédérales dont la Loi sur la marine marchande du Canada. La constitutionalité du régime de responsabilité objective a été examinée et confirmée par la Cour suprême du Canada.

Certains témoins ont également dit craindre que le projet de loi C- 15 ne mène à la criminalisation des marins. Nous reconnaissons que cette crainte est partagée par de nombreuses parties à l'étranger, particulièrement dans les pays où les droits des accusés ne sont pas toujours protégés. Toutefois, le système judiciaire canadien protège fondamentalement les droits des accusés en vertu du principe de la présomption d'innocence, particulièrement lorsqu'ils risquent l'emprisonnement. Le projet de loi C-15 ne modifie en rien ces faits.

De plus, les tribunaux imposent des peines qui varient en fonction de la gravité des infractions commises, de la conduite du contrevenant et de différents autres critères, dont ceux que l'on propose d'ajouter à la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994 par l'intermédiaire du projet de loi C-15.

Les obligations internationales du Canada influenceront et orienteront les recommandations que pourront formuler les procureurs de la Couronne concernant la détermination de la peine dans le cas d'équipages étrangers de navires étrangers.

Certains membres de l'industrie du transport maritime ont suggéré de supprimer la disposition du projet de loi C-15 prévoyant l'imposition d'une amende minimale. Cette disposition a été ajoutée à l'autre endroit. Actuellement, le projet de loi stipule que les bâtiments jaugeant « 5 000 tonnes ou plus de port en lourd » et reconnus coupables d'avoir déversé illégalement des déchets d'hydrocarbures et autres produits dangereux — et d'enfreindre ainsi la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs de 1994 — se verront imposer une amende minimale de 500 000 $. L'établissement d'une amende minimale vise à assurer que les peines imposées au Canada se rapprocheront davantage de celles qui sont appliquées ailleurs dans le monde, notamment aux États-Unis. Il est anormal que des navires puissent déverser librement leurs déchets dans les eaux canadiennes parce que les lois fédérales canadiennes n'ont pas un effet dissuasif suffisant.

Certains représentants des expéditeurs craignent toujours que le projet de loi ne soit incompatible avec d'autres lois canadiennes ou certaines conventions internationales. Honorables sénateurs, le projet de loi C-15 n'est incompatible avec aucune autre loi canadienne. Il contient justement des dispositions visant à coordonner les pouvoirs prévus dans les deux lois qu'il modifierait avec ceux prévus dans d'autres lois. De plus, pendant les audiences du comité, nous avons appris que le projet de loi C-15 contient de nombreuses sauvegardes ainsi qu'une politique administrative et des pratiques judiciaires qui garantissent sa conformité avec le droit international. Pendant la rédaction du projet de loi, le ministère de la Justice s'est assuré qu'il serait conforme à tous les engagements internationaux pris par Canada.

Le projet de loi C-15 reconnaît les normes internationales déjà existantes en matière de pollution par les hydrocarbures. Toute compagnie dont les opérations actuelles sont déjà conformes au droit interne canadien, qui est lui-même conforme aux engagements et aux obligations du Canada en vertu des conventions internationales, n'ont pas à s'inquiéter des modifications qui seraient apportées aux deux lois visées par le projet de loi C-15.

Le projet de loi C-15 précise l'applicabilité des deux lois concernées à l'intérieur de la zone exclusive du Canada et confère aux agents fédéraux les pouvoirs pour ce faire. En ce qui concerne les ressources financières nécessaires pour faire respecter les lois ainsi modifiées, l'honorable Stéphane Dion, ministre de l'Environnement, nous a donné l'assurance qu'il y aurait une réaffectation interne des ressources pour faire face plus efficacement aux navires soupçonnés d'avoir déversé illégalement des eaux de cale et d'autres polluants.

Certaines préoccupations ont été exprimées au sujet de la capacité des gardes-chasse de faire respecter ce projet de loi. Soyez assurés qu'il y aura une action concertée des principaux ministères et organismes fédéraux concernés pour fournir les compétences spécialisées nécessaires au succès des mesures d'exécution. Le projet de loi C-15 n'introduit aucune nouvelle interdiction, mais il aura pour effet de réduire l'avantage pécuniaire dont jouissent actuellement ceux qui continuent d'enfreindre les lois en déchargeant en toute impunité des saletés dans les eaux de la zone économique exclusive du Canada.

(1540)

J'exhorte les sénateurs à appuyer le projet de loi C-15 afin d'aider à protéger les ressources marines du Canada pour les générations à venir.

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, je suis heureuse de dire quelques mots aujourd'hui, à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-15.

Dans le cadre de son étude sur ce projet de loi, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a entendu bon nombre de témoins représentatifs de tous les intervenants dans ce dossier et je les remercie de leur importante contribution.

Malheureusement, il n'est pas rare dans ma province de voir des oiseaux de mer couverts d'huile de cale. Les navires rejettent leur huile dans l'océan au large de Terre-Neuve et du Labrador depuis les années 1950. De plus, plusieurs déversements de pétrole causant de graves dommages environnementaux ont également eu lieu au fil des ans, le plus récent s'étant produit plus tôt ce printemps. Au début du mois de mars, les agents de la faune de ma province ont fait savoir que des eiders couverts d'huile s'échouaient le long de la côte est. Des tests ont démontré qu'ils étaient couverts d'huile de cale. Environ 1 400 oiseaux ont été atteints en tout. Selon le Service canadien de la faune, cet incident a été le plus meurtrier de tous les incidents de ce genre à avoir touché les eiders.

Comme les eiders restent en général près des côtes, les agents de la faune croient que le navire a dû déverser son huile de cale dans les environs. Malgré le fait que le navire devait se trouver près des côtes, aucune accusation n'a été portée parce qu'on n'a jamais pu le retrouver. Il importe de préciser que les canards atteints ont été retrouvés dans la région de Witless Bay et de Baccalieu Island, deux réserves marines écologiques bien connues.

Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à renforcer et à étendre les mesures de mise en application qui protègent l'environnement marin du pays. Les navires qui déversent illégalement de l'huile de cale dans l'océan devront assumer une responsabilité financière pouvant aller jusqu'à un million de dollars. Cela portera nos amendes à un niveau comparable aux amendes imposées aux États-Unis.

Il est arrivé par le passé que des navires se dirigeant vers les États- Unis déversent leur huile de cale dans les eaux canadiennes, en grande partie parce que les peines imposées au Canada étaient peu sévères. Espérons que le durcissement de notre position à cet égard mettra un terme à notre réputation de refuge pour les pollueurs marins. La plus grande sévérité des peines et des sanctions prévues dans ce projet de loi est un élément positif, mais pour que ces peines soient vraiment efficaces, le gouvernement fédéral devra aussi réaffirmer son engagement à l'égard de la garde côtière. La réduction du budget de la garde côtière a contribué à la réduction du nombre de patrouilles.

Honorables sénateurs, nous devons nous demander comment nous pourrons faire appliquer la présente mesure législative si nous ne sommes pas en mesure d'arrêter ceux qui y contreviennent. Le budget fédéral du 23 février comprend une allocation de 276 millions de dollars sur les cinq prochaines années pour la Garde côtière canadienne. Le gouvernement affirme que ces fonds permettront d'amorcer la modernisation de la flotte et d'acheter quatre patrouilleurs semi hauturiers. Je salue la bonification de l'engagement financier, mais je crois que le ministère doit consacrer des ressources additionnelles à l'application de la loi.

Lorsqu'il a renvoyé ce projet de loi au Sénat, le comité l'a assorti d'observations à trois égards importants, à commencer par nos préoccupations au sujet de la surveillance maritime du Canada et des efforts d'application de la loi. Le comité tient compte de l'annonce du ministre de l'Environnement, l'honorable Stéphane Dion, à savoir une augmentation prévue de 3 millions de dollars des sommes consacrées à la surveillance et à l'application de la loi. Le comité a réagi à cette allocation potentielle en disant ceci :

C'est un petit pas dans la bonne direction, mais ce montant est loin d'être suffisant pour s'attaquer à cette tâche. Pour que les efforts déployés pour protéger nos oiseaux migrateurs portent fruit, le gouvernement doit prendre un engagement bien plus considérable. À cet égard, il faut moderniser sensiblement les moyens dont dispose la Garde côtière canadienne et créer une masse critique.

Honorables sénateurs, c'est un domaine que nous devons surveiller avec attention, car il préside à toute réussite éventuelle dans ce sens. Une garde côtière bien présente pourrait faire davantage que d'intercepter les navires qui contreviennent à la loi. Elle pourrait les dissuader d'effectuer des déversements illégaux.

Dans ses observations, le comité envisage d'inviter le ministre un an après le dépôt du rapport pour qu'il lui fasse part de la façon dont a progressé la mise en œuvre de la mesure et des suites qu'on a données à nos principales préoccupations. Des témoins ont dit que l'application des dispositions relatives à la responsabilité objective contreviendrait à la Charte canadienne des droits et libertés. Le comité a formulé ses préoccupations relativement à des témoignages selon lesquels des dispositions de la mesure contreviendraient à certaines obligations internationales en vertu de conventions dont le Canada est signataire. Ces questions sont sérieuses, mais dans les deux cas le comité s'est fait dire que le gouvernement ferait l'impossible pour éviter toute violation de la Charte et des conventions en cause. J'assure aux sénateurs que le comité suivra de près l'application de la mesure.

Lorsqu'il a comparu devant le comité, le ministre de l'Environnement de Terre-Neuve-et-Labrador nous a rappelé que ce projet de loi ne vise pas uniquement les oiseaux. L'honorable Tom Osbourne a dit que ceux-ci donnaient une idée de l'effet cumulatif des déversements d'hydrocarbures sur les écosystèmes côtiers et extracôtiers, y compris le poisson.

Honorables sénateurs, j'espère que l'adoption du projet de loi C- 15 et son application subséquente aura pour effet de réduire le nombre d'oiseaux qui meurent dans les eaux relevant de la compétence canadienne. En fait, je pense que cette mesure aidera grandement à protéger l'habitat de millions d'oiseaux marins le long des deux côtes du pays.

Le sénateur Angus : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

Le sénateur Banks : Non!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Angus, avec l'appui du le sénateur Eyton, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Convoquez les sénateurs. Le timbre retentira pendant 15 minutes.

(1600)

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams Keon
Angus Kinsella
Buchanan McCoy
Comeau Murray
Cools Oliver
Corbin Prud'homme
Di Nino Stratton
Gill Watt—17
Johnson

CONTRELES HONORABLES SÉNATEURS

Bacon Jaffer
Banks Léger
Bryden Losier-Cool
Callbeck Mahovlich
Chaput Mercer
Christensen Milne
Cochrane Mitchell
Cook Moore
Cordy Munson
Cowan Pearson
Day Phalen
De Bané Poulin
Fairbairn Poy
Finnerty Robichaud
Fraser Rompkey
Grafstein Trenholme
Counsell—33
Hubley

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Ferretti Barth Sibbeston
Joyal Tardif—4

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Willie Adams : Honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles pour une étude article par article.

(1610)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Son Honneur a déjà statué que le Sénat entreprendrait aujourd'hui la troisième lecture du projet de loi dont le comité lui avait fait rapport. Je ne vois pas comment nous pouvons revenir là- dessus.

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, je désire parler du recours au Règlement du sénateur Banks. D'après mon interprétation de la décision de la présidence, c'est le Sénat qui a le dernier mot dans ce genre de cas.

Attendu que, à la lumière de la décision de la présidence, la procédure suivie hier était contraire au Règlement et inappropriée quelles que soient les circonstances; attendu que les honorables sénateurs sont maintenant saisis de la nature du problème; enfin, attendu que les sénateurs présents sont conscients du fait que des amendements importants et qu'un débat sérieux s'imposent mais qu'ils feraient perdre inutilement son temps au Sénat si on procédait de la façon proposée par la présidence aujourd'hui, je suis d'avis qu'il convient tout à fait de renvoyer le projet de loi au comité. Si les sénateurs souhaitent que le comité se réunisse en début de soirée ou à minuit, eh bien, soit! C'est au comité que revient cette tâche, et j'appuie de tout cœur l'honorable sénateur Adams.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avant que d'autres intervenants ne prennent la parole, je renvoie les sénateurs au paragraphe 1 du commentaire 737 de la 6e édition de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne :

Il est loisible à tout député de proposer un amendement à la motion de troisième lecture en vue de renvoyer de nouveau le projet de loi en comité plénier ou à un autre comité.

L'honorable Eymard G. Corbin : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir sur le recours au Règlement et appuyer la motion d'amendement du sénateur Adams.

Je ne reviendrai pas sur la décision de la présidence, mais je tiens à souligner que je ne suis pas d'accord avec mon collègue le sénateur Banks, qui soutient que la décision de la présidence peut être interprétée comme un empêchement à tout amendement à l'étape de la troisième lecture. Bien au contraire, la présidente a établi clairement que des amendements pouvaient être apportés à cette étape-là. La motion présentée par le sénateur Adams constitue un amendement. C'est sur l'effet de cet amendement que le Sénat doit se prononcer.

Plus précisément, les torts causés dans ce cas doivent recevoir toute l'attention qu'ils méritent à l'étape de l'étude en comité. J'accorde beaucoup d'importance à cette question. Je suis l'évolution de la situation depuis deux jours. Je ne suis pas du tout à l'aise avec la procédure suivie. La question devrait être renvoyée au comité.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'amendement est recevable. Je vois que madame le sénateur Cools et le sénateur Murray veulent prendre la parole.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir en faveur du sénateur Adams. Je ne suis pas d'accord non plus sur le recours au Règlement du sénateur Banks. Ce recours n'est pas valable. En fait, je dirais qu'il a mal compris la décision de Son Honneur. Le sénateur Banks a dit que la Présidente avait établi que la façon de procéder proposée par le sénateur Adams n'était pas possible parce qu'il fallait passer au débat de troisième lecture. À ma connaissance, Son Honneur n'a pas abordé la question des délibérations aujourd'hui. Selon moi, Son Honneur a dit que le Sénat avait adopté un ordre hier l'enjoignant de passer à l'étape de la troisième lecture ou, en d'autres termes, d'inscrire la troisième lecture au Feuilleton d'aujourd'hui. Cependant, Son Honneur n'a pris aucune décision quant à la façon dont doit se dérouler le débat de troisième lecture dans cette assemblée. Par conséquent, la décision de Son Honneur n'empêche aucunement le Sénat de débattre de la motion du sénateur Adams ni de l'adopter. J'ajouterais que, dans sa décision, la présidence établit essentiellement qu'il est très inhabituel, pour un comité, de faire ce que ce comité a fait en passant outre à l'étude article par article et a également mis en garde le Sénat pour qu'il ne permette pas à ses comités de déposséder les sénateurs de leurs droits.

Une voix : Son Honneur a déterminé que l'amendement était recevable.

Le sénateur Cools : Ah oui? Comment peut-elle rendre une décision avant que le débat sur le rappel au Règlement soit terminé?

L'honorable Lowell Murray : J'invoque le Règlement. Je crois que le rappel au Règlement précédent est terminé. Son Honneur a déclaré que l'amendement proposé par le sénateur Adams était recevable. Le sénateur Rompkey a demandé la parole. J'ignore s'il avait l'intention de contester la décision de la présidence, mais c'est la seule possibilité que nous ayons faute de commencer le débat sur l'amendement du sénateur Adams.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, il est clair que la motion du sénateur Adams n'est pas un amendement; il s'agit d'une motion visant à renvoyer le projet de loi au comité. Sauf erreur de ma part, c'est la teneur de la motion du sénateur Adams.

Son Honneur a été très claire dans sa décision. Nous avons eu un débat complet. Son Honneur a entendu les deux parties, puis a rendu sa décision et nous avons repris le débat. Le sénateur Adams a proposé que le projet de loi soit renvoyé au comité. Je m'opposerai à cette motion.

Le sénateur Banks a parfaitement raison. La question a été traitée comme il se doit. Nous avons eu ce débat en comité. Nous devrions maintenant voter sur la motion du sénateur Adams.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateurs, j'ai déjà déclaré que la motion était recevable.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Reprise du débat sur l'amendement.

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de prendre part au débat sur le projet de loi, car je n'ai pas d'opinion bien arrêtée sur la question. Je m'en remettrai aux autres sénateurs là-dessus.

Je ne sais même pas combien d'article contient le projet de loi. Je ne l'ai pas étudié. Cependant, nous avons dans l'amendement proposé par le sénateur Adams...

Une voix : Ce n'est pas un amendement.

Le sénateur Murray : C'est un amendement. Que l'on me corrige si je me trompe, mais la motion principale à l'étude en ce moment propose que le projet de loi soit lu une troisième fois. En amendement, le sénateur Adams propose que le projet de loi ne soit pas lu une troisième fois, mais renvoyé au comité pour un examen article par article. Je crois que c'est de cela que nous discutons.

Je disais donc que, dans son amendement, le sénateur Adams nous donne la possibilité de corriger l'irrégularité à laquelle la présidence a fait allusion dans une décision précédente et qu'elle affirme ne pas pouvoir corriger rétroactivement. Nous avons l'occasion de corriger l'irrégularité et, mais je ne parle que pour moi-même, nous pourrions probablement le faire rapidement.

(1620)

Je ne sais pas combien de dispositions il y a ni combien de sénateurs voudraient prendre la parole ou proposer des amendements. Nous avons la chance de pouvoir renvoyer le projet de loi en comité afin qu'il soit étudié article par article. Son Honneur a d'ailleurs reconnu que c'était la bonne chose à faire.

Le sénateur Rompkey : Je pense que nous devrions établir clairement ce que nous faisons. Nous avions compris que le sénateur Angus voulait proposer un amendement, ainsi que le sénateur Buchanan. Libre à eux de le faire. Ils n'ont pas besoin que le projet de loi soit renvoyé en comité pour proposer des amendements.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J'ai déjà statué que la motion d'amendement en troisième lecture du sénateur Adams était recevable. La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Adams, avec l'appui de l'honorable sénateur Angus, propose que le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles pour qu'il en fasse l'étude article par article.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : D'après moi, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Convoquez les sénateurs. Y a-t-il entente sur la durée du timbre?

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Une heure.

(1720)

(La motion, mise aux voix, est rejetée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Adams Kinsella
Angus Murray
Atkins Oliver
Comeau Prud'homme
Cools Sibbeston
Di Nino Stratton
Gill Watt—15
Keon

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Bacon Hubley
Banks Léger
Bryden Losier-Cool
Callbeck Mahovlich
Chaput Mercer
Christensen Milne
Cochrane Mitchell
Cook Munson
Cordy Pearson
Cowan Pépin
Day Phalen
De Bané Poulin
Fairbairn Poy
Finnerty Robichaud
Fraser Rompkey
Grafstein Smith
Harb Trenholme Counsell—34

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Ferretti Barth Moore—2

L`honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, j'ai pris la parole au Sénat il y a tout juste une semaine au sujet du projet de loi C-33 et j'ai dit, en reprenant les paroles du sénateur Moore, que c'était une mauvaise mesure. En dépit de cela, je dois à regret rappeler aux sénateurs, dont le devoir est d'entreprendre un second examen objectif, qui est le rôle de cette Chambre, qu'ils ont laissé adopter le projet de loi C-33 même s'il contient des pouvoirs d'imposition rétroactifs à 1988, en violation les principes de droit fiscal solidement établis de longue date.

Je prends maintenant la parole pour exhorter les sénateurs à voter contre le projet de loi C-15, dont nous débattons depuis trois ou quatre heures, pour des raisons que je n'ai pas été en mesure de formuler hier au Comité de l'énergie à cause des circonstances qui ne doivent pas se répéter et qui ne se répéteront pas, tous les sénateurs en conviendront.

De par sa nature même, ce projet de loi est purement et simplement une mauvaise mesure. Je l'affirme sans aucune hésitation en tant que membre du Barreau du Québec, du Barreau de Montréal et de l'Association du Barreau canadien et en tant que membre honorifique à vie de l'Association canadienne de droit maritime. Je m'appuie pour ce faire sur l'opinion jamais remise en question d'un éminent constitutionnaliste de Toronto, M. Alan D. Gold, qui a distribué à tous les honorables sénateurs de la documentation présentant ses arguments. M. Gold dit carrément que le projet de loi, tel qu'il est rédigé, viole la Charte canadienne des droits et libertés. Il dit que la mesure est injustifiable et qu'elle serait inconstitutionnelle compte tenu de la jurisprudence de la Cour suprême mentionnée dans nos délibérations, notamment l'arrêt Sault Ste. Marie. La raison en est bien simple. C'est que le projet de loi C-15 criminalise certaines activités de personnes travaillant à bord de navires, en particulier les capitaines, les mécaniciens en chef et les deuxièmes mécaniciens, qui, en vertu de cette loi, pourraient être arrêtés à bord de leur navire et jetés en prison sans qu'on ne détienne aucune preuve qu'ils auraient commis une infraction criminelle. Leurs droits les plus fondamentaux seraient violés. En outre, ils pourraient se voir imposer de longues peines d'emprisonnement et des amendes exorbitantes. Dans certaines circonstances, les amendes minimales seraient de 500 000 $. En raison de ces peines sévères et de cette criminalisation inhabituelle de personnes, M. Gold s'est dit nettement d'avis que le projet de loi C- 15 serait invalidé par les tribunaux.

Honorables sénateurs, nous aurions tort d'adopter ensemble un projet de loi qui serait inconstitutionnel, de toute évidence, et qui serait par le fait même invalidé par les tribunaux. En ce qui concerne le principe sous-tendant le projet de loi, tous les sénateurs sont d'accord.

(1730)

Si le véritable objet de ce projet de loi est de protéger les oiseaux de mer migrateurs contre les hydrocarbures que les navires océaniques déversent délibérément, il faut punir sévèrement les auteurs de telles infractions et prévoir des mesures dissuasives pour faire cesser cette pollution dans les eaux canadiennes. Je n'ai entendu aucune objection à cet égard, ni dans cette enceinte, ni dans l'autre endroit.

Avant que les honorables sénateurs se prononcent sur cette mesure législative à l'étape de la troisième lecture, je tiens à ce qu'ils comprennent que nous avons un avis juridique non contesté.

L'honorable sénateur Banks est le président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Comme l'ont dit certains membres du comité, tant de l'opposition que du gouvernement, le sénateur Banks a tenu des audiences exhaustives, il a fait preuve d'énormément d'équilibre et s'est révélé un excellent président. Je ne l'attaque absolument pas au sujet de ce qui s'est produit hier à 9 heures au comité.

Les membres du comité ont décidé de demander au ministre de la Justice, Irwin Cotler, de venir témoigner. On nous avait promis que le ministre viendrait comparaître. On nous avait même envoyé un avis à cet effet que j'ai juste ici. Toutefois, à la dernière minute, le ministre n'a pu se libérer et il a chargé des fonctionnaires de le remplacer.

J'ai énormément de respect à l'égard de nos fonctionnaires. Néanmoins, je m'inquiète pour eux quand, à la dernière minute, on les charge non seulement de défendre une mesure législative au sujet de laquelle ils n'ont ni entendu, ni lu les témoignages, mais aussi quand on leur demande de dire des choses dont ils ne peuvent prouver le bien-fondé.

Ce qui s'est produit dans le cas qui nous intéresse est du domaine public. Comme l'a dit l'avocat, si le projet de loi est adopté, les tribunaux se chargeront d'invalider cette mesure législative peu judicieuse. Les magistrats examineront l'historique du texte législatif et constateront que les fonctionnaires du ministère de la Justice n'ont pas été en mesure de réfuter de façon claire ou convaincante les avis juridiques que nous avions obtenus. Voilà qui suffit pour que je m'oppose à ce projet de loi, même si d'autres éléments contribuent également à en faire une mesure législative peu judicieuse.

Il s'agit d'une loi sur le transport maritime qu'on vient ajouter à un groupe de lois portant sur la protection de l'environnement et qui sont qualifiées d'écologiques.

Je suis connu dans de nombreux cercles comme le « sénateur vert », un environnementaliste converti; j'en suis fier et c'est dû en partie en raison du fait que je suis membre de ce comité.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Angus : Sous la merveilleuse direction du sénateur Banks, je suis maintenant un « vert » convaincu.

Ce projet de loi devrait plutôt être présenté par le ministère des Transports, car il porte, dans une large mesure, même si ce n'est pas entièrement, sur des questions maritimes qui exigent que des experts nautiques en matière d'application de la loi montent à bord des navires et qui exigent également une connaissance des épurateurs d'eaux mazouteuses sur les navires. Ce projet de loi porte sur la responsabilité objective relative à des crimes qui exigent l'arrestation et l'incarcération de gens, même dans le cas de déversements accidentels.

On nous a dit qu'il y a eu un différend entre le ministre des Transports et le ministère de l'Environnement à la première étape du processus législatif. Le ministère des Transports voulait séparer les questions maritimes et les insérer dans une mesure législative dont l'application serait laissée à la Garde côtière. Le ministère des Transports a perdu la bataille et on retrouve maintenant dans ce projet de loi des dispositions qui n'y ont pas leur place.

Normalement, une mesure législative comme celle-ci touche un certain nombre d'industries. J'exerce le droit maritime depuis 45 ans. Dans la préparation de toutes les lois maritimes qui ont été édictées depuis 1961, on a consulté largement les intéressés pour voir si les lois étaient applicables et sensées et, en fait, si elles pouvaient être invalides.

Dans ce cas-ci, honorables sénateurs, on n'a pas consulté les intéressés comme on aurait dû le faire. En fait, un projet de loi avait été présenté au cours de la législature précédente pratiquement sous la même forme que celui-ci et il est mort au Feuilleton. Cependant, l'industrie n'avait appris qu'à ce moment-là que le projet de loi suivait le processus parlementaire. Au début de la présente législature, le projet de loi a été présenté à l'autre endroit et, à l'exception de l'Association canadienne de droit maritime et d'un petit groupe d'armateurs, les intervenants, y compris les entreprises de transport international, n'ont pas été autorisés à témoigner à l'autre endroit. C'est ce qu'ils ont dit à notre comité.

J'aurai des choses à dire au sujet de la raison pour laquelle nous avons une mauvaise réputation lorsque nous parlons de notre nouveau code de conduite.

Honorables sénateurs, la population nous surveille. Certaines des audiences qui ont été tenues sous la direction du sénateur Banks étaient télévisées et toutes ces audiences ont fait l'objet d'un compte rendu. On nous surveille.

Lorsque le ministre responsable de ce projet de loi, l'honorable Stéphane Dion, a comparu devant le comité, il a été pathétique. Je n'ai qu'à vous demander de vous reporter au compte rendu. Je dis sans partisanerie que j'avais honte d'être Québécois et de participer à ce processus. Son approche à l'égard de ce projet de loi consistait à dire qu'il ne fallait pas s'embarrasser des faits et que le Sénat devait approuver le projet de loi.

Moins de 24 heures après avoir quitté la salle d'audience, M. Dion a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a attaqué la réputation du sénateur Banks et celle des dirigeants des deux côtés de cette Chambre. Il nous a reproché de retarder l'étude du projet de loi, alors que, en fait, nous faisions simplement notre travail; nous tentions d'éviter de tomber dans le piège du projet de loi C-33 et d'adopter un mauvais texte de loi.

À quoi servirions-nous si nous nous contentions d'approuver un projet de loi qui est clairement et manifestement inconstitutionnel? Je m'y refuse. Le processus que nous suivons aujourd'hui a des apparences de mascarade pour le public, et j'en déteste tous les aspects. Chaque appel du timbre et chaque tactique procédurale m'indisposent, honorables sénateurs, et je suis convaincu que c'est le cas de tous les honorables sénateurs. Je suis convaincu que nous avons tous mieux à faire aujourd'hui. Je n'ai pris ni mon un petit déjeuner ni mon déjeuner aujourd'hui à cause de ce projet de loi.

Le sénateur Mercer : Nous vous achèterons un sandwich.

Le sénateur Angus : J'invite les honorables sénateurs à lire les observations qui accompagnent le rapport sur ce projet de loi. Elles font ressortir un certain nombre de problèmes que soulève cette mesure. Je n'en donnerai encore qu'un exemple ou deux, pour que chacun voit de quoi il s'agit.

Dans le domaine maritime, le Canada adhère à de nombreux traités internationaux qui sont établis par des organismes multigouvernementaux oeuvrant souvent sous les auspices de l'ONU. L'un de ces traités est la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Plusieurs experts nous ont dit que le projet de loi à l'étude pourrait, selon la façon dont il sera appliqué, violer certaines de nos obligations internationales. Il suffirait, là encore, d'une légère modification pour remédier au problème.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette d'informer le sénateur Angus que son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Angus : Pourrai-je avoir un peu plus de temps?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Angus est-il autorisé à poursuivre pendant encore cinq minutes?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Angus : Je n'ai pas l'intention de souscrire à la violation de certaines de nos obligations internationales. Je ne suis pas un spécialiste en la matière, mais les témoignages que nous avons entendus nous confirment qu'il aurait effectivement violation.

Le projet de loi pourrait criminaliser les marins, les capitaines et les mécaniciens en chef; les dirigeants des syndicats qui représentent, sauf erreur, plus de 35 000 gens de mer nous ont dit que cela dissuaderait grandement ces derniers de prendre la mer. On nous a dit que l'utilisation de ces navires coûte des millions de dollars par jour et que leur coût de construction est supérieur à 100 millions de dollars. Ce sont des pièces d'équipement très techniques et très chères. Ce sont des biens qui se déplacent partout autour du globe. Laisser des gens qui n'ont pas reçu de formation poussée ou qui ne sont pas compétents serait comme ouvrir une porte à la pollution de nos océans et au mazoutage de nos oiseaux marins et des habitats marins. Cela constituerait une menace énorme pour nos milieux écologiques. Il nous suffit de changer deux mots dans ce projet de loi pour éliminer cette menace. Personne ne s'oppose à ce qu'on impose de lourdes peines ni à ce qu'on rende le navire —qui est normalement personnifié selon le droit maritime— passible de ces peines.

(1740)

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, sans aller plus loin, je vais maintenant proposer les amendements suivants. Je les ai fait préparer, je l'espère, dans les règles. J'ai distribué des exemplaires en anglais et en français à tous les sénateurs ici présents.

Je propose :

Que le projet de loi C-15 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 9,

(a) à la page 13, par substitution des lignes 12 à 18 par ce qui suit :

« (1.11) Lorsqu'un bâtiment qui jauge 5 000 tonnes ou plus de port en lourd est déclaré coupable d'une infraction à l'article 5.1 et que cette infraction a été commise de façon intentionnelle ou imprudente :

a) l'amende imposée au bâtiment en vertu de l'alinéa (1.1)a) pour l'infraction ne peut être inférieure à 500 000 $;

b) l'amende imposée au bâtiment en vertu de l'alinéa (1.1)b) pour l'infraction ne peut être inférieure à 100 000 $; »;

(b) à la page 14, par adjonction, après la ligne 26, de ce qui suit :

« (1.9) Une personne physique ne peut être déclarée coupable d'une infraction à la présente loi si les conditions suivantes sont réunies :

a) l'infraction aurait été commise lors de l'exploitation du bâtiment;

b) au moment où l'infraction aurait été commise, la personne est un capitaine, un officier ou un membre de l'équipage de bâtiment, ou fait partie du personnel à bord de celui-ci.

Font exception à cette règle les cas où il est prouvé à la fois que la personne a agi de façon intentionnelle ou imprudente, que, au moment où l'infraction aurait été commise, la personne est un étranger et le navire est étranger, et que l'infraction aurait été commise dans les eaux intérieures ou la mer territoriale du Canada.

(1.91) Le paragraphe (1.9) n'empêche pas de déclarer coupable aux termes de la présente loi un bâtiment ou une personne — autre qu'un personne physique décrite à l'alinéa (1.9)b) — au titre de la conduite d'une telle personne physique. ».

Honorables sénateurs, comme vous l'avez entendu aujourd'hui, le comité avait son propre avocat approuvé par le Comité de la régie interne. Je crois comprendre d'après les avis de cet avocat et d'autres avocats de l'extérieur que si nous intégrons ces petits amendements, ce projet de loi serait alors conforme à la Charte, tout à fait dans les limites des pouvoirs du Parlement, et qu'on éliminerait la criminalisation des marins professionnels. Ces derniers pourraient aller en mer sans craindre d'être emprisonnés pour quelque chose qui pourrait se produire même quand ils dorment pendant leurs huit heures de repos.

Je n'en dirai pas davantage. Le sénateur Buchanan parlera des éléments humains de la criminalisation des marins.

Je ferai valoir un dernier point pour exhorter les honorables sénateurs à adopter ces amendements. On nous a dit que s'il est prouvé que ce projet de loi contrevient à nos obligations en vertu d'ententes internationales comme la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires et d'autres conventions anti-pollution ou que ce projet de loi est inconstitutionnel, le Canada, en plus d'être embarrassé sur la scène internationale, se verra imposer de lourdes sanctions. Récemment, dans une affaire devant la Cour fédérale à Vancouver, le gouvernement du Canada a été condamné à une amende de 4 millions de dollars dans une situation semblable. Je n'ai pas la référence, mais elle se trouve dans les délibérations du comité.

Sans plus tarder, je remercie les sénateurs de leur patience. Je me livre à cet exercice en toute bonne foi. J'exhorte les honorables sénateurs à examiner attentivement ces amendements pour que nous puissions remédier aux lacunes du projet de loi. Nous sauverons les oiseaux. Imaginez-vous ce qui se produirait si nous adoptions ce projet de loi tel quel et qu'il soit invalidé par les tribunaux dès la première poursuite. Les oiseaux seraient alors sérieusement mazoutés, honorables sénateurs.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Deux sénateurs voudraient poser des questions. La permission est- elle accordée?

Des voix : D'accord.

L'honorable Wilfred P. Moore : L'honorable sénateur acceptera-t-il une question?

Le sénateur Angus : Oui.

Le sénateur Moore : L'honorable sénateur a mentionné au début de son discours que les capitaines, les mécaniciens en chef et les premiers lieutenants pourraient être incarcérés sans qu'ils puissent bénéficier de garanties procédurales, est-ce exact?

Le sénateur Angus : Honorables sénateurs, ce n'est pas exactement ce que j'ai dit, il me semble. Le projet de loi ne concerne pas les lieutenants, mais les capitaines, les mécaniciens en chef et les seconds mécaniciens.

Essentiellement, il s'agit d'une infraction de responsabilité stricte. On peut utiliser une défense fondée sur la diligence raisonnable, mais comme c'est une infraction criminelle et que les peines sont lourdes, l'avocat Alan D. Gold a jugé que l'infraction contrevient à la Charte, en particulier dans les cas d'accident, où il serait impossible de prouver hors de tout doute l'innocence de la personne. Il y a inversion du fardeau de la preuve.

Le sénateur Moore : S'il y avait une défectuosité mécanique à bord, par exemple, si le navire fonctionnait bien et que tout à coup quelque chose se produisait, ce qui arrive régulièrement à bord des navires, est-ce que les officiers se verraient attribuer la responsabilité absolue? Est-ce là ce que l'honorable sénateur est en train de dire?

Le sénateur Angus : C'est bien ce que je dis. Et on pourrait avoir recours à une défense fondée sur la diligence raisonnable. Dès le départ, il y aurait présomption de culpabilité.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Certaines observations du sénateur Angus par rapport à la divergence d'opinions entre le ministère de la Justice et l'avocat indépendant nommé par le comité m'ont dérangé.

Je suis désolé, mais comme je devais m'occuper d'autres affaires, je n'ai pas eu l'occasion d'étudier cet avis. Toutefois, avec l'aide du sénateur Banks, j'ai examiné le rapport qui se trouve maintenant dans les Journaux du Sénat. Le rapport indique que :

Le gouvernement a donné l'assurance que les directives et la politique de détermination des peines qu'il formulera feront en sorte que l'application de la Loi ne contreviendra pas à la Charte canadienne des droits et libertés.

Je comprends le point de vue du sénateur. Je ne mets pas en doute le fait que l'avocat indépendant a formulé une mise en garde. Comment l'honorable sénateur interprète-t-il la réaction du gouvernement à cet avis, soit qu'il va appliquer les directives de détermination des peines? Ce que je comprends, c'est que le gouvernement a fourni des assurances. J'aimerais aborder ce point; je ne suis pas convaincu que des assurances du gouvernement suffisent dans le contexte d'une mesure criminelle.

(1750)

Le sénateur Angus : C'est tout à fait ça.

Le sénateur Grafstein : Je ne veux pas souffler de réponse à mon collègue. J'ai été troublé lorsque j'ai pris connaissance de cette question et que j'ai étudié le rapport. Quelles sont exactement les assurances que le gouvernement a fournies? A-t-il donné des assurances ou simplement l'opinion, que nous n'avons pas, suivant laquelle cela ne contrevenait pas à la Charte?

Le sénateur Angus : Honorables sénateurs, tout ce que je peux dire au sénateur Grafstein, c'est que ce document d'observations vaut ce qu'il vaut. On obtient les avis juridiques qui correspondent à la somme que l'on verse.

Le comité a été informé par certains fonctionnaires d'Environnement Canada qu'ils étaient en train de rédiger un protocole d'entente concernant cette réglementation interministérielle. C'est un peu comme traverser les lignes de partis. Certaines de ces questions relèvent d'Environnement Canada, d'autres de Pêches et Océans Canada et d'autres de Transports Canada. C'est une situation compliquée.

Phénomène intéressant, il y a un certain nombre d'années, on a transféré à Pêches et Océans Canada, par décret, toute la responsabilité des activités de la naguère fière Garde côtière canadienne. Nous avons étudié un projet de loi semblable à la Chambre, l'autre jour. Le gouvernement s'est rendu compte, à la suite de gros cas de pollution et du mazoutage d'oiseaux dans des circonstances semblables, que c'était une erreur d'avoir soustrait la Garde côtière à la compétence de Transports Canada, ministère qui comptait des marins et qui était habitué de traiter des problèmes de navigation maritime. Depuis, le gouvernement a remis la Garde côtière sous l'autorité de Transports Canada.

Le président de notre comité, le sénateur Banks, a fait son travail avec diligence. Il a rencontré le ministre de l'Environnement et celui des Transports. Il s'est entretenu avec des fonctionnaires. Il nous a dit avoir reçu des assurances suivant lesquelles ces mesures seraient prises dans l'exécution et la mise en œuvre du projet de loi C-15. Rien ne me permet de douter de la parole du sénateur Banks. Mais ce que je lui ai dit et ce que j'ai tenté de faire valoir auprès du comité, comme je tente de le faire auprès de mes collègues ici aujourd'hui, c'est que ce texte ne vaut pas le papier sur lequel il est couché. Demain, nous aurons affaire à une autre personne et, vendredi, encore à une autre, pour autant que je sache.

Il s'agit d'une très mauvaise mesure législative dans sa version actuelle, mais on peut facilement la corriger grâce à mes amendements. J'exhorte mes collègues à se mettre au « vert ».

Le sénateur Grafstein : Honorables sénateurs, je lis présentement pour la première fois les observations faites dans le rapport. Le sénateur Angus pourra peut-être m'aider. Au paragraphe intitulé « Obligations internationales du Canada », le rapport déclare que :

Le comité suivra avec grand intérêt et rigueur la surveillance, l'action policière, les poursuites et les peines relatives à cette Loi.

De toute évidence le comité s'engage à surveiller activement les poursuites en vertu de cette loi.

Dans son rapport unanime, le comité dit également :

Nous espérons qu'il y aura effectivement surveillance et application, et que les poursuites et les peines témoigneront d'une action prudente.

C'est là une déclaration plutôt inhabituelle. Le sénateur Angus ou le sénateur Banks peuvent peut-être l'expliquer. Le paragraphe dit en réalité que la loi semble moins que parfaite, moins que constitutionnelle, en ce qui a trait à la Charte et à nos obligations internationales. Nous espérons que les poursuites et l'application de la loi n'iront pas à l'encontre de la Constitution et de nos obligations internationales. C'est un document plutôt bizarre. C'est un rapport unanime. Mon honorable ami pourrait-il expliquer ce fait à ceux qui ne sont pas membres du comité?

Le sénateur Angus : Je serais plus qu'enchanté d'expliquer cela au sénateur Grafstein, particulièrement au vu du fait qu'il n'était pas ici plus tôt aujourd'hui, lorsque nous avons eu un long contretemps prolongé en cette enceinte.

Ce qui s'est produit hier matin, en deux mots, c'est que nous nous sommes présentés au comité pour l'étude article par article du projet de loi. Mes amendements étaient prêts. Une motion a été sommairement préparée, proposant que nous omettions l'étude article par article et que nous fassions rapport du projet de loi sans amendement. Dans mon univers à moi, cela rappelle le proverbe : faute de grives, on mange des merles. C'est ce que le sénateur Angus, le sénateur Buchanan, le sénateur Lavigne et le sénateur Adams ont pu tirer de nos collègues en lieu et place du droit même de discuter et de présenter des amendements.

L'honorable Ione Christensen : Juste un éclaircissement, sénateur Angus. Dans vos discussions avec le sénateur Moore, je crois que sa question concernait un marin contre lequel des accusations criminelles pourraient être portées. Je crois que vous avez répondu que oui, c'était une responsabilité absolue. Je crois que c'est une responsabilité stricte, n'est-ce pas?

Le sénateur Angus : Je crois qu'il a employé le mot « absolue ». J'ai dit : « responsabilité stricte avec défense basée sur la diligence raisonnable ».

L'honorable Tommy Banks : Je souhaite intervenir maintenant au sujet de l'amendement, après quoi j'aurais quelques choses à dire à propos du projet de loi et du processus.

J'ai admiré le discours du sénateur Angus. C'était un excellent discours, particulièrement lorsqu'il a dit qu'il était un sénateur vert, un environnementaliste converti. Je peux en témoigner. Il trouve facile d'adopter un comportement vert.

Les préoccupations exprimées par le sénateur s'inscrivent dans un continuum. Comme les sénateurs le savent, quelle que soit la question, il existe une foule de points de vue, c'est particulièrement vrai des questions juridiques. Si je demandais à trois juristes de formuler un avis sur une question donnée, j'obtiendrais sept avis.

Sauf le respect que je dois au sénateur Angus, il a tort de dire qu'on n'a pas réfuté les arguments de certains experts juristes qui ont témoigné. On l'a fait. On peut croire les postulats des uns ou les réfutations des autres, voire un peu des deux. Il est faux de dire que les opinons exprimées par l'un ou l'autre des deux experts juristes retenus par le comité ou celles de M. Gold ou de n'importe lequel des avocats qui ont comparu devant le comité pour représenter les intérêts des armateurs n'ont pas été réfutées par le gouvernement. Elles l'ont été. On peut croire ce qu'on veut.

Les préoccupations auxquelles le sénateur a fait allusion sont correctement exposées dans les observations. Je tiens à ajouter également que le sénateur Angus n'a pas raison de dire que ces observations ont été obtenues comme un pis-aller. Le compte rendu de la séance du comité montrera que j'ai dit à ce moment-là que tous les membres du comité savaient depuis longtemps que des observations seraient jointes au projet de loi pour exposer les préoccupations inspirées par ce dernier. Ces préoccupations vont dans tous les sens, mais elles sont légitimes.

On s'inquiète de l'introduction de ce que certains considèrent comme des éléments nouveaux dans le projet de loi. Je signale aux sénateurs que la notion de responsabilité objective, aussi contestée soit-elle, existe dans de nombreuses lois au Canada. Si nous modifiions cette notion — et je ne dis pas qu'il ne faudrait pas le faire — telle qu'elle se retrouve dans le projet de loi, il nous faudrait en toute logique la modifier dans un très grand nombre d'autres lois fédérales, dont beaucoup concernent l'environnement. Je tiens à ce que les honorables sénateurs comprennent pourquoi il en est ainsi.

J'espère qu'un juriste me corrigera si je me trompe au sujet de la notion de responsabilité objective. Un fait se produit, et on peut le prouver à un tribunal hors de tout doute raisonnable. On peut démontrer dans ce cas qu'un bâtiment ou une personne se trouvait à proximité. La même notion s'appliquerait si une personne était au volant d'un pick-up transportant un cerf.

(1800)

Un événement s'est produit, et dès ce moment, il y a eu en matière de responsabilité objective, présomption de culpabilité et inversion de la charge de la preuve. C'est le cas dans une bonne partie du droit de l'environnement. Si nous appliquions la mens rea à cette notion juridique, nous serions obligés de prouver l'état d'esprit dans lequel se trouvait la personne qui a tué ce chevreuil ou celle qui était responsable d'une façon ou d'une autre du déversement des eaux de cale polluées dans l'océan.

(Le débat est suspendu.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, je suis désolé d'interrompre le sénateur Banks, mais je dois faire savoir aux sénateurs qu'il est maintenant 18 heures. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que nous ne tenions pas compte de l'heure?

Des voix : D'accord.

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, si nous procédions ainsi, je peux vous assurer qu'un bon goûter sera servi dans la salle de lecture. Je suggère que le sénateur Angus soit le premier à se servir, puisqu'il nous a dit lui-même qu'il n'avait pas mangé de la journée et je ne voudrais vraiment pas perdre aussi vite un nouvel adepte du Parti vert.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : La question que je me pose, à l'instar de tous mes collègues j'en suis certain, c'est combien de temps le leader adjoint estime-t-il que cela prendra. Que ferons-nous pendant le reste de la soirée? Nous ne pourrons certainement pas étudier tous les points au programme. Le sénateur pourrait-il nous préciser sur quelles questions il compte se pencher, et pendant combien de temps?

Le sénateur Rompkey : J'aimerais pouvoir étudier le projet de loi dont nous sommes saisis et passer ensuite à la question du code sur les conflits d'intérêts. Je crois que les autres points pourront être étudiés demain. Une fois que nous aurons terminé ce débat, j'aimerais que nous parlions du code et nous pourrions ensuite ajourner jusqu'à demain.

Le sénateur Stratton : Je présume que tous les points qui n'auraient pas été traités aujourd'hui seraient reportés.

Le sénateur Rompkey : Oui.

Le sénateur Stratton : Je vous remercie.

LA LOI DE 1994 SUR LA CONVENTION CONCERNANT LES OISEAUX MIGRATEURS
LA LOI CANADIENNE SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT (1999)

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hubley, appuyée par l'honorable sénateur Mercer, tendant à

la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999).

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Angus, appuyée par l'honorable sénateur Buchanan,

Que le projet de loi C-15 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 9,

(a) à la page 13, par substitution des lignes 12 à 18 par ce qui suit :

« (1.11) Lorsqu'un bâtiment qui jauge 5 000 tonnes ou plus de port en lourd est déclaré coupable d'une infraction à l'article 5.1 et que cette infraction a été commise de façon intentionnelle ou imprudente :

a) l'amende imposée au bâtiment en vertu de l'alinéa (1.1)a) pour l'infraction ne peut être inférieure à 500 000 $;

b) l'amende imposée au bâtiment en vertu de l'alinéa (1.1)b) pour l'infraction ne peut être inférieure à 100 000 $; »;

(b) à la page 14, par adjonction, après la ligne 26, de ce qui suit :

« (1.9) Une personne physique ne peut être déclarée coupable d'une infraction à la présente loi si les conditions suivantes sont réunies :

a) l'infraction aurait été commise lors de l'exploitation du bâtiment;

b) au moment où l'infraction aurait été commise, la personne est un capitaine, un officier ou un membre de l'équipage de bâtiment, ou fait partie du personnel à bord de celui-ci.

Font exception à cette règle les cas où il est prouvé à la fois que la personne a agi de façon intentionnelle ou imprudente, que, au moment où l'infraction aurait été commise, la personne est un étranger et le navire est étranger, et que l'infraction aurait été commise dans les eaux intérieures ou la mer territoriale du Canada.

(1.91) Le paragraphe (1.9) n'empêche pas de déclarer coupable aux termes de la présente loi un bâtiment ou une personne — autre qu'un personne physique décrite à l'alinéa (1.9)b) — au titre de la conduite d'une telle personne physique. ».

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, en droit environnemental, un grand nombre de lois du Parlement reconnaissent qu'il est impossible d'appliquer le critère de l'intention coupable au droit environnemental. C'est bien établi. La Cour suprême du Canada a maintenu les décisions portant sur les infractions de responsabilité stricte. Elles sont appliquées et ont été jugées acceptables.

Les amendements que le sénateur Angus a proposés auraient pour effet de supprimer la responsabilité personnelle à l'égard d'infractions commises à bord de navires. C'est comme si on supprimait du Code de la route la responsabilité d'un conducteur à l'égard du fonctionnement de son véhicule. On ne peut pas faire cela.

Les amendements proposés auraient également pour effet, dans certains cas, de supprimer la compétence du Canada à l'égard de la zone économique exclusive. Nous ne pouvons pas faire cela. Nous devons élargir cette compétence.

Les amendements proposés feraient également en sorte qu'il serait difficile de prouver qu'un membre d'équipage s'est rendu coupable d'une infraction.

Honorables sénateurs, je m'explique. Lorsqu'un navire se trouve dans le brouillard, la nuit, et que des hydrocarbures se déversent de ce navire, il n'est pas impossible — en fait, il est souvent fort possible — de prouver que ces hydrocarbures provenaient de ce navire, car on peut les retracer. On peut montrer sans l'ombre d'un doute que ces hydrocarbures provenaient de ce navire. Des navires peuvent être poursuivis en justice en vertu du droit maritime. Reste à savoir si le navire est responsable des hydrocarbures. La réponse est oui. Le capitaine, l'officier mécanicien, le second officier mécanicien, ceux-là sont-ils individuellement ou solidairement coupables d'une infraction? C'est possible, et on présume qu'ils le sont, à moins qu'ils peuvent prouver avoir fait preuve de diligence raisonnable.

Le critère de diligence raisonnable est moins exigeant de celui de la preuve hors de tout doute raisonnable. Le critère de diligence raisonnable repose uniquement sur la prépondérance des probabilités; il est beaucoup moins difficile d'en faire la preuve.

Honorables sénateurs, nous n'avons pas une infraction unique en cas de mort. La personne ayant causé la mort d'une autre personne peut être reconnue coupable ou non de négligence, d'homicide involontaire coupable, de meurtre ou de meurtre qualifié. Des peines différentes s'appliquent à ces infractions, comme ce sera le cas en vertu de cette mesure.

Au Canada, les poursuites pour des infractions passibles d'une peine d'emprisonnement ne sont normalement pas intentées à moins que le procureur général ne détermine qu'il y a de bonnes chances d'obtenir une condamnation.

C'est le cas des articles les plus complexes du projet de loi. Le projet de loi C-15 ne permettra en aucun cas que des gens manifestement innocents soient accusés de façon déraisonnable d'actes criminels, emprisonnés ou soumis à des amendes indues. Si nous devions inclure dans toutes les lois canadiennes une forme ou une autre de restriction exemptant les gens de poursuites à moins de démontrer sans aucun doute raisonnable qu'ils ont commis un acte criminel avec une intention coupable, nous pourrions contourner d'un seul coup toutes les lois canadiennes sur la protection de l'environnement. Nous ne pouvons pas faire cela.

Il n'y a habituellement pas de poursuites à moins qu'il y ait une probabilité qu'elles aboutissent à une condamnation. En comité, nous avons accepté du gouvernement une assurance en ce sens pour ce qui est de l'imposition de pénalités.

Honorables sénateurs, c'est là mon opinion sur les amendements proposés au projet de loi. J'en aurai davantage à dire plus tard, sur le fond du projet de loi lui-même.

L'honorable John Buchanan : Honorables sénateurs, je ne m'oppose pas au projet de loi comme tel. Comme le président du comité le sait, j'ai déclaré en comité que j'appuie le principe du projet de loi. Qui pourrait s'y opposer? C'est quelque chose qui va de soi. Je suis du Canada atlantique et il me paraît évident que nous devons protéger les oiseaux de mer et les oiseaux migrateurs.

De toute évidence, nous n'avons pas un problème aussi grave qu'à Terre-Neuve. Je ne sais pas comment expliquer cela, mais si on me dit que 300 000 oiseaux par année sont tués au large de Terre-Neuve à cause des vidanges d'huiles usées en mer, c'est bien possible. Je n'ai toutefois vu aucune preuve en ce sens, soit dit en passant. J'ai entendu des gens d'Environnement Canada en parler, mais comme l'ont dit le sénateur Angus et, si je ne m'abuse, le sénateur Adams, ce n'est pas prouvé. On n'a pas réussi à présenter des preuves à cet égard.

Je voudrais faire part aux honorables sénateurs d'une découverte que je viens de faire. Elle concerne la question des causes de la pollution marine. Voici ce que dit le Groupe d'experts sur les aspects scientifiques de la pollution marine — une agence des Nations Unies : « En tout, 88 p. 100 de la pollution marine vient de sources non marines; 44 p. 100, de rejets terrestres; 33 p. 100, de retombées atmosphériques; 1 p. 100, de la prospection extracôtière; et 10 p. 100, de déversements extracôtiers illégaux attribuables à une industrie autre que l'industrie maritime. » Honorables sénateurs, il reste donc 12 p. 100 de la pollution qui est causée par des sources marines. Évidemment, ces 12 p. 100 pourraient être très importants par rapport au grand nombre d'oiseaux qui ont été tués par les vidanges d'huiles usées en mer.

Toutefois, les honorables sénateurs doivent comprendre une chose. Comme l'étude des Nations Unies l'a indiqué clairement, de nombreuses autres causes peuvent expliquer la mort d'oiseaux en mer, tout comme de nombreuses causes peuvent expliquer celle d'oiseaux sur la terre ferme. Il faut en tenir compte, mais oublions cela pour un instant.

Le principe du projet de loi est fort louable, mais il y a un autre facteur à considérer. Nous avons entendu les témoignages de représentants de la Fédération internationale des armateurs, de Fairmont Shipping Canada, de British Columbia Ferry Services, de l'Association des armateurs canadiens et de la Chambre internationale de la marine marchande.

(1810)

Ils nous ont dit que 90 p. 100 des navires canadiens, et peut-être davantage, ne sont pas responsables de la pollution prétendument causée par les vidanges d'huile de cale. Cela signifie qu'entre 5 et 10 p. 100 des navires canadiens sont responsables de cette pollution et que la majeure partie de la pollution provient de navires étrangers.

C'est ce que les témoins des groupements maritimes nous ont dit, y compris le coordonnateur national de la Fédération internationale des ouvriers du transport. Je lui ai demandé qui la fédération représentait, et il a répondu qu'elle représentait les débardeurs de Halifax et d'autres ports, le syndicat des pointeurs, les capitaines et les mécaniciens. En fait, elle représente quelque 35 000 gens de mer du Canada.

Fait incroyable, ce syndicat est du même avis que tous les groupements maritimes et tous les armateurs. Je ne me souviens pas qu'aucun d'entre eux se soit opposé au principe de ce projet de loi, qui est de mettre un terme à la pollution extracôtière.

On a mentionné que, puisque les États-Unis imposent de lourdes amendes, les bateaux déversent leurs eaux de cale au large de Terre- Neuve, et peut-être de la Nouvelle-Écosse, plutôt qu'aux États-Unis. C'est peut-être le cas. Toutefois, il importe de comprendre une autre chose. Dans la plupart des cas, les États-Unis ne criminalisent pas les déversements accidentels. Ils criminalisent la négligence grave — imposent de lourdes amendes dans tel cas —, mais il y a plus de causes au civil qu'au criminel.

Les États-Unis exercent un contrôle beaucoup plus grand que ne le fait le Canada. Pourquoi? Ils le font par l'entremise de leur garde côtière qui est la troisième flotte au monde. Ils attrapent les pollueurs et les poursuivent au civil. Ils saisissent les bateaux et ils imposent de lourdes amendes.

Nous ne nous opposons pas à l'imposition de lourdes amendes aux pollueurs. Toutefois, lorsqu'on poursuit au criminel le capitaine d'un bateau ou son premier officier parce qu'un déversement de pétrole accidentel s'est produit, on va trop loin, car cela est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés.

Souvenons-nous de ce que sont l'inversion du fardeau de la preuve et la présomption d'innocence. Cela remonte aux origines de notre système de common law.

Une voix : Étiez-vous là?

Le sénateur Buchanan : L'honorable sénateur a essayé durant 25 ans de faire perdre le pouvoir au gouvernement dont je faisais partie. Il a contribué à notre défaite une fois, en 1974, mais ensuite, soit en 1978, 1981, 1984 et 1988, nous l'avons battu à chaque fois. Par conséquent, il fait mieux d'être prudent dans ses propos à mon endroit.

Le sénateur Mercer : Voulez-vous une revanche?

Le sénateur Buchanan : J'ai passé l'âge.

Revenons à la common law. Il existe une présomption générale selon laquelle une personne est innocente jusqu'à preuve du contraire et, d'une façon générale, plus le crime est grave, plus la culpabilité doit être clairement prouvée. C'est ainsi que fonctionne la common law. C'est ce qu'on dit dans l'ouvrage intitulé Halsbury's Laws of England, ainsi que dans le Oxford Companion to Law.

D'après la Déclaration canadienne des droits, toute personne a droit à la présomption d'innocence jusqu'à ce que la preuve de sa culpabilité ait été établie.

Avançons maintenant jusqu'en 1982, année de la signature de la Charte des droits et libertés par le premier ministre Trudeau et 10 premiers ministres provinciaux après de longs efforts.

La Charte canadienne des droits et libertés dit :

Tout inculpé a le droit :

d) d'être présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l'issue d'un procès public et équitable.

Le sénateur Banks : Lisez l'article 1.

Le sénateur Buchanan : J'y viens. Nous avons inclus cet article dans la Charte des droits pour protéger...

Le sénateur Mercer : Pour protéger les capitaines et les officiers mécaniciens. Et qu'en est-il des oiseaux?

Son Honneur la Présidente intérimaire : À l'ordre, s'il vous plaît.

Le sénateur Buchanan : L'article 1 dit ceci :

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Qu'ont dit les érudits avocats qui ont comparu devant le comité? Ils comprennent la Charte des droits et libertés et la présomption d'innocence.

Alan Gold a comparu devant le comité. Il est un des meilleurs criminalistes du Canada, et il a une réputation internationale. Il a dit :

D'après moi, la constitutionnalité de certains amendements apportés au projet de loi C-15 est bien douteuse.

Il parlait d'amendements apportés par la Chambre des communes.

Je signale que plus de la moitié des témoins que nous avons entendus n'ont jamais été appelés à comparaître devant un comité de la Chambre des communes. Ils ont écrit au comité de la Chambre, mais n'ont jamais reçu de réponse et n'ont pas été invités à témoigner. Cependant, la Chambre de second examen objectif a entendu leur témoignage.

M. Gold a également dit :

L'inversion de la charge de la preuve est inconstitutionnelle, [...] il est clair qu'obliger celui qui invoque la diligence raisonnable à la prouver est indéniablement contraire à l'alinéa 11 d) de la Charte qui garantit la présomption d'innocence. Pour être acceptable, l'inversion de la charge de la preuve doit être justifiable en vertu de l'article 1 de la Charte. À mon avis, ce n'est pas le cas. Par conséquent, l'inversion de la charge de la preuve est inconstitutionnelle parce qu'elle est contraire à la présomption d'innocence garantie par la Charte canadienne des droits et libertés.

M. Gold a dit que les sanctions et la criminalisation prévues dans le projet de loi C-15 ne pouvaient se justifier devant aucun juge. Ce ne serait pas justifié aux termes de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés et ainsi, l'article 11 continue de s'appliquer au Canada.

(1820)

Il ne peut y avoir inversion de la charge de la preuve. Cela contredit et viole la Charte canadienne des droits et libertés que de criminaliser ainsi. Qui voudrait que son fils ou sa fille devienne capitaine, mécanicien en chef ou marin à bord d'un navire qui a eu un déversement accidentel? Les observations annexées au rapport du Comité de l'énergie précisent que le ministre a déclaré que le gouvernement ne laisserait pas cela se produire. Ce n'est tout simplement pas vrai. Que se passe-t-il si un garde-chasse est la personne qui peut porter des accusations contre le mécanicien en chef ou le capitaine? Je sais que les agents de conservation du Cap- Breton ou de la Nouvelle-Écosse prennent les chasseurs de cervidés qui chassent illégalement. Supposons qu'un garde-chasse est formé pour se rendre en mer. Honorables sénateurs, selon MM. Alan Gold et William Sharp, auxquels nous avons versé de bons honoraires pour obtenir un avis juridique indépendant, le projet de loi C-15 ferait d'un capitaine et d'un mécanicien en chef des criminels parce qu'ils pourraient être accusés d'un acte criminel si, pendant qu'ils dorment et naviguent dans le brouillard, leur navire devait accidentellement déverser du pétrole.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Buchanan, j'ai le regret de vous informer que votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Buchanan : Honorables sénateurs, je demande la permission de poursuivre pendant cinq minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Buchanan : Le capitaine ou le mécanicien en chef pourrait être au large de la côte de la Nouvelle-Écosse ou de Terre- Neuve lorsque tout à coup un bateau du ministère des Pêches et des Océans se rangerait le long du navire avec à son bord un garde- chasse qui pourrait accuser la capitaine et le mécanicien en chef à la suite d'un déversement accidentel de pétrole. Des fonctionnaires pourraient dire que les gardes-chasses n'oseront pas faire cela, alors que d'autres diront que oui, ils le pourraient. Le ministre de l'Environnement a déclaré qu'il ne permettrait pas que cela se produise, mais le problème, c'est que le ministre est à Ottawa.

Quelqu'un a déjà dit qu'on devait appeler le ministre des Transports pour obtenir la permission de traverser une route en motoneige. Un ami s'est demandé ce qu'il ferait s'il était avec sa motoneige un dimanche après-midi et devait traverser la route, mais que le ministre des Transports ne pouvait être joint. Il a décidé qu'il ne pourrait traverser la route. La même chose se produirait dans le cas du capitaine et du mécanicien en chef.

Un agent de contrôle antipollution pourrait monter à bord du navire en expliquant avoir découvert du pétrole à côté du navire. Puis, des accusations pourraient être portées contre le capitaine et les autres responsables conformément aux articles pertinents du projet de loi. Dans le cas où les accusés seraient capables de prouver avoir fait preuve d'une diligence raisonnable pour éviter tout déversement, ils s'en sortiraient, mais seulement après que des accusations eurent été portées contre eux et après avoir dû prouver leur innocence devant le juge.

Le pauvre capitaine et son mécanicien seraient obligés, en dépit peut-être d'un dossier sans tache après 25 ans de loyaux services, de subir un procès pour prouver qu'ils n'étaient pas au courant du déversement. Ils pourraient être acquittés, mais leurs réputations seraient ternies par ces accusations désormais portées à leurs dossiers.

C'est le genre de situation qui risque sérieusement de se produire avec ce projet de loi. M. Alan Gold a dit que c'était inconstitutionnel. M. William Sharpe a dit que c'était inconstitutionnel. Des représentants de la Fédération maritime du Canada et de la Western Canadian Shippers Association ont dit que c'était inconstitutionnel. Leurs avis concordent puisqu'ils ont tous étudié le droit. Nul ne devrait s'attendre à pouvoir contredire Alan Gold sans risquer de se retrouver à contre-courant.

Pensons-y. Pourquoi les honorables sénateurs adopteraient-ils un projet de loi dont la constitutionnalité risquerait d'être contestée et qui risquerait nettement d'être invalidé par les tribunaux? Lors de la Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, la position du Canada donnera lieu à des contestations parce que tous les avocats spécialisés en droit maritime qui nous ont donné leur avis, y compris notre propre conseiller juridique et Alan Gold, nous ont dit que le projet de loi était contraire à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et à la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires.

Honorables sénateurs, rappelez-vous le projet de loi sur le MMT, c'est-à-dire le projet de loi C-94. Voici ce qui s'est produit à l'époque. Le MMT était un additif ajouté aux carburants par les raffineries, y compris à Halifax et Dartmouth. Les raffineries s'opposaient au projet de loi C-94, mais les fabricants automobiles insistaient pour qu'on interdise le MMT. Environnement Canada disait qu'il allait présenter un projet de loi en vue d'interdire le MMT. Mais la société Ethyl et les autres fabricants de MMT étaient plutôt d'avis que le gouvernement ne pouvait pas interdire le MMT parce que, ce faisant, il violerait l'ALENA et l'accord sur le commerce interprovincial. Environnement Canada donnait l'assurance que la loi serait conforme à l'ALENA, tout comme il donne le même type d'assurances relativement au projet de loi C-15.

Le projet de loi a été adopté. Certains s'y sont opposés, y compris moi-même, et ont voté contre en invoquant des raisons juridiques, des traités internationaux auxquels le Canada était partie et l'Accord sur le commerce intérieur, sujet que je connais très bien. Qu'est-il arrivé? La société Ethyl a dit que si le projet de loi était adopté, elle saisirait immédiatement de la question le tribunal de l'ALENA et le tribunal de l'Accord sur le commerce intérieur. Ethyl a vraiment mis sa menace à exécution. Qu'est-il arrivé? Le gouvernement a perdu sa cause devant le tribunal du commerce intérieur. Il a perdu la bataille et on l'a averti qu'il la perdrait également devant le tribunal de l'ALENA. Le gouvernement a donc réglé hors cour. Il a abrogé la loi et il a versé 26 millions de dollars en dommages-intérêts, simplement parce que personne n'avait voulu tenir compte des avis juridiques. Au contraire le Parlement s'est fié aux hauts fonctionnaires du ministère, qui lui ont donné l'assurance que cela ne pourrait se produire. Le résultat s'est chiffré à 26 millions de dollars. Pourquoi faisons-nous exactement la même chose en ce moment?

Pensons-y un instant. Le Sénat envisage d'adopter un projet de loi qui sera jugé inconstitutionnel et qui sera invalidé par les tribunaux. Sénateur Cochrane, il y aura des quantités inimaginables d'oiseaux qui remonteront à Terre-Neuve, parce que le projet de loi sera de l'histoire ancienne et que vous devrez recommencer à zéro. Comme M. Sharpe et M. Gold l'ont suggéré, en ajoutant seulement un petit amendement, le projet de loi pourrait être réparé et il continuerait de protéger les oiseaux.

Des voix : Bravo!

L'honorable Willie Adams : Je voudrais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-15. Je n'ai jamais dit que je m'y opposais. Dans les années 1960, un accord international a été conclu entre le gouvernement du Canada et d'autres pays pour réglementer le traitement des oiseaux migrateurs. Les territoires n'avaient aucune représentation et la loi nationale s'est appliquée. J'ai entendu un grand nombre de gens des communautés et il y a eu des manoeuvres de couloirs au gouvernement.

(1830)

En 1970, les pièges à mâchoires ont été interdits. Le prix d'une peau de renard arctique est passé de 70 $ à 5 $, et celui des peaux de phoque, de 40 $ à 5 $. Le trappage n'était plus rentable pour les chasseurs. Les équipages de chiens ont disparu. Les gens s'achetaient des motoneiges pour aller chasser.

Les membres de la communauté n'avaient plus les moyens d'acheter des choses. Ils ne pouvaient plus enseigner à leurs enfants comment tirer leur subsistance des ressources du territoire et de la chasse. À compter de 1970, le gouvernement est intervenu dans les écoles et au sein de la communauté. Les gens sont devenus oisifs se sont tournés vers l'aide sociale. Ils restaient chez eux et s'enivraient. Les drogues ont commencé à faire leur apparition.

Avant 1970, le suicide était rare. Au cours des années qui ont suivi, cependant, les parents ont cessé d'enseigner la chasse à leurs et sont restés chez eux. De nombreux jeunes de 10 à 14 ans parlaient de suicide.

Si nous adoptons le projet de loi C-15, ce sera criminel. Si les défenseurs des droits des animaux ont plus de droits dans l'avenir, ce sera criminel. Il ne sera plus seulement question des oiseaux de mer mais de toutes les espèces d'oiseaux. Les oies sont nombreuses dans le Nord, mais les Inuits ne sont pas autorisés à les chasser au printemps.

Autrefois, il y avait un garde-chasse dans ma circonscription. À cette époque de l'année, il fait clair 24 heures par jour. Lorsque nous sortions, en fin de semaine, nous nous assurions que le garde-chasse dormait. Nous étions de retour au plus tard à 2 heures du matin, afin d'éviter de recevoir une amende ou d'être jetés en prison.

Si le projet C-15 est adopté, je ne veux pas que les défenseurs des droits des animaux puissent dire que les habitants des communautés du Nord sont des criminels parce qu'ils tuent des oiseaux de mer. Peu importe la quantité d'hydrocarbures déversée, ne serait-ce qu'un litre ou un demi-litre, des accusations pourront être portées. Chaque fin de semaine, lorsque nous partons à la chasse, nous utilisons une embarcation équipée d'un moteur hors-bord. Ce type de moteur fonctionne au pétrole. Au début des audiences, j'ai demandé si le projet de loi s'appliquerait seulement aux déversements d'hydrocarbures en mer, et les représentants du ministère m'ont répondu qu'il s'appliquerait partout, sur terre, sur les lacs et les rivières.

La Compagnie de la Baie d'Hudson a été fondée il y a plus de 300 ans, mais elle n'est plus présente dans notre communauté. C'est la Compagnie de la Baie d'Hudson qui a édifié le Canada. À l'époque, la majeure partie du territoire canadien lui appartenait. C'était, je crois, dans les années 1800, et le gouvernement a alors commencé à acheter le territoire à la pièce.

La perte de notre culture et de nos activités de chasse nous a attristés. C'est pourquoi je dois veiller à ce que nos droits de chasse soient protégés et ne soient pas brimés par des lois. La chasse fait partie de notre avenir.

En décembre 2002, notre comité sénatorial a traité du projet de loi C-5, sur les espèces en péril. Les quotas pour les baleines et les ours polaires ont été réduits, ce qui veut dire une diminution de revenus pour les chasseurs. Le lobbying des défenseurs des droits des animaux auprès d'autres pays, comme le Japon, fait baisser les prix.

Dans les années 1970 et 1980, une peau d'ours polaire se vendait entre 3 000 $ et 4 000 $. Aujourd'hui, nous sommes chanceux si on tire 1 000 $ ou 1 500 $. Dans l'intervalle le coût des aliments et autres nécessités a doublé.

(1840)

Tous les étés, nous sommes ravitaillés par bateau. Je représente 26 collectivités du Nunavut. Une seule d'entre elles est située à l'intérieur des terres et les 25 autres sont sur la côte. Nous n'avons pas de route. Nous n'avons que quelques magasins, une coopérative, par exemple. Les magasins sont approvisionnés en aliments une fois par semaine, de manière à ce que nous ayons des fruits frais et du lait pour nos enfants. Deux litres de lait coûtent entre 10 $ et 11 $.

Lorsque les gens de Grise Fjord ou de Pond Inlet au Nunavut et sur l'île de Baffin commandent des aliments frais, le transport à lui seul leur coûte 6 $ le kilogramme. Lorsque nous achetons du porc, du poulet, du bœuf ou des aliments de ce genre, il peut nous en coûter 3 $ ou 4 $ le kilo et même jusqu'à 15 $ le kilo incluant les frais d'expédition.

Ce qui m'inquiète, c'est ce qui va arriver si on impose des amendes aux expéditeurs et si les primes d'assurance augmentent à cause du risque de déversements. Ils auront des amendes à payer. C'est l'objet du projet de loi C-15. Tuer des oiseaux de mer sera un crime tout comme déverser des quantités minimes de mazout.

Je ne cherche pas à accuser qui que ce soit, mais vous vivez dans le Sud. Vous recevez à la maison des encarts publicitaires et des coupons qui vous informent des aliments que vous pouvez acheter. Cela n'existe pas en inuktitut. De 60 à 80 p. 100 de nos aliments proviennent de la terre, de la mer et des cours d'eau.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Adams, j'ai le regret de vous annoncer que votre temps de parole est écoulé.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Convoquez les sénateurs.

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint de l'opposition) : Je suggère que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes, compte tenu du fait qu'un comité est en train de siéger dans l'édifice Victoria.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sonnerie retentira pendant 30 minutes.

(1910)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Angus Murray
Buchanan Oliver
Comeau Prud'homme
Di Nino Stratton
Kinsella Tkachuk—11
McCoy

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Bacon Harb
Banks Hubley
Bryden Léger
Callbeck Losier-Cool
Chaput Mahovlich
Christensen Mercer
Cochrane Milne
Cook Mitchell
Corbin Moore
Cordy Munson
Cowan Pearson
Day Pépin
De Bané Phalen
Fairbairn Ringuette
Ferretti Barth Robichaud
Finnerty Rompkey
Fraser Smith
Gill Trenholme Counsell
Grafstein Watt—38

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Hubley, avec l'appui de l'honorable sénateur Mercer, propose que le projet de loi soit lu une troisième fois.

Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

(1920)

RÈGLEMENT, PROCÉDURE ET DROITS DU PARLEMENT

ADOPTION DU TROISIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Smith, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Robichaud, C.P., tendant à l'adoption du troisième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs), déposé au Sénat le 11 mai 2005.—(L'honorable sénateur Angus)

L'honorable W. David Angus : Honorables sénateurs, lorsque nous nous prononcerons demain — enfin je le crois, à moins que nous n'ayons une autre surprise ce soir — sur le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, nous poserons un jalon important dans l'histoire du Sénat.

En adoptant ce code, nous mettrons un terme à un processus long, complexe, mais très valable qui, dans son incarnation moderne, a commencé il y a plus de dix ans, pendant la première session de la trente-cinquième législature. À l'époque, un comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes a été formé et chargé d'élaborer un code de conduite censé aider les sénateurs et les députés à concilier leurs responsabilités officielles à titre de parlementaires et leurs activités et intérêts personnels dans leur vie privée.

Le comité mixte n'avait pas terminé son travail lorsque la première session de la trente-cinquième législature a été prorogée. Par conséquent, ce comité mixte spécial a été formé de nouveau le 21 mars 1996, dès le début de la session parlementaire suivante; il était coprésidé par notre collègue, l'honorable sénateur Donald Oliver, et par l'actuel Président de la Chambre des communes, M. Peter Milliken.

J'ai eu l'honneur et le privilège de faire partie de ce comité mixte, avec les sénateurs Bosa, Di Nino, Gauthier, Spivak et Stollery. Je félicite le sénateur Oliver du leadership dont il a fait preuve au sein de ce comité mixte; il y a mené une bataille incessante. Le sénateur Oliver a fait pour nous un excellent travail.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Angus : Ce comité mixte a terminé ses travaux et il a présenté son rapport aux deux Chambres du Parlement en mars 1997. Le rapport comprenait une ébauche de code de déontologie parlementaire.

Honorables sénateurs, cette importante initiative du comité mixte a été la réponse du Parlement à une perception de plus en plus grande parmi les Canadiens, celle selon laquelle les députés et sénateurs étaient déphasés par rapport à leurs homologues des autres parlements ou assemblées législatives du monde démocratique, dans la mesure où ils ne divulguaient pas publiquement leurs activités et intérêts personnels.

Cette situation créait ainsi climat d'inquiétude parmi les Canadiens qui se demandaient si les parlementaires fédéraux prenaient des décisions dans l'intérêt supérieur de l'ensemble de la population et si notre système ne s'exposait pas indûment aux abus de pouvoir de la part de députés et sénateurs.

Honorables sénateurs, lorsque j'ai été convoqué à cet endroit le 10 juin 1993, j'ai abandonné la pratique du droit où je m'exposais quotidiennement à une foule de blagues sur les avocats, dont voici quelques exemples.

En voici un premier. On trouve 200 avocats au fond du lac Ontario.

Quelque part, près de Calgary, un guerrier autochtone entre dans la tente du chef. Le chef lui demande : « Quelles sont les nouvelles? » Le guerrier lui répond : « J'ai une bonne nouvelle et une mauvaise nouvelle. » « Quelle est la mauvaise nouvelle? » demande le chef. « Trois cent avocats de Montréal viennent d'arriver. » « Quelle est la bonne nouvelle? » demande alors le chef. « Ils goûtent la même chose que le bison » de répondre le guerrier.

Il ne m'a pas fallu plus de deux semaines ici pour être assailli par les plaisanteries sur les sénateurs. Le Sénat et les gens comme nous étions pain bénit pour les journaux qui publiaient chaque jour des allégations ou des articles qui nous dénigraient et dénigraient le travail que nous tentions de faire de bonne foi pour le Canada.

Tous, de bonne foi, nous tentions d'aller au devant des préoccupations des Canadiens. Le code de conduite élaboré à cette époque par le comité mixte n'était qu'une des initiatives prises pour améliorer l'image du Sénat.

Au moment de la mise sur pied du comité mixte, la Bibliothèque du Parlement soulignait ceci dans un document d'appui préparé pour le comité :

La divulgation publique des intérêts privés est une caractéristique de pratiquement tous les codes modernes sur les conflits d'intérêt. La divulgation publique est normalement précédée d'une divulgation confidentielle aux autorités responsables, qui préparent ensuite les documents en vue de la divulgation publique. La plupart des codes excluent la divulgation publique de choses comme les résidences principales et secondaires et les automobiles.

Le rapport du comité conjoint disait, en mars 1997, que les objectifs du code de conduite proposé étaient les suivants :

i) reconnaître que les fonctions parlementaires constituent une charge publique;

ii) montrer au public que tous les parlementaires doivent respecter des normes qui font passer l'intérêt public avant l'intérêt personnel et établir un mécanisme transparent permettant au public de juger que c'est bien le cas;

iii) fournir des indications claires aux parlementaires sur la façon de concilier leurs intérêts personnels et leurs fonctions officielles, notamment en établissant des règles communes et en créant un poste de conseiller indépendant et impartial chargé de répondre aux questions d'ordre déontologique.

Dans ce rapport de mars 1997, on soulignait que les députés et les sénateurs devaient se conduire avec honnêteté et intégrité, conformément aux normes morales les plus strictes, de manière à conserver et à accroître la confiance du public envers chaque député et sénateur ainsi qu'envers les institutions elles-mêmes, à savoir la Chambre des communes et le Sénat.

Bref, le code prévoyait que les députés et les sénateurs devaient s'acquitter de leurs fonctions officielles et organiser leurs affaires personnelles de manière à ne laisser planer aucun doute à leur sujet. On devait y parvenir au moyen du nouveau système de divulgation publique de portée considérable, dont j'ai parlé. On devait établir un nouveau régime fondé sur la transparence et le respect des règles jusqu'à maintenant sans équivalent dans notre partie du monde.

(1930)

Honorables sénateurs, nous le savons tous, ce code n'a jamais été adopté, en dépit de persistantes doléances publiques en ce sens et de critiques publiques quasi quotidiennes de la part d'homologues de Jack Aubry, publiées dans un journal d'Ottawa de mars 1997 jusqu'au début de la dernière session de la législature, où le gouvernement, dans sa sagesse, a manifesté son intention de mettre en œuvre ce code ainsi que la mesure législative appropriée.

Honorables sénateurs, diverses raisons valables expliquent pourquoi cela nous a pris si longtemps, apparemment, pour en venir au point où nous en sommes. De notre point de vue de sénateurs, la plus importante d'entre elles a sans doute été notre conviction ferme et immuable que les mêmes règles ne peuvent s'appliquer à tous, que les fonctions et caractéristiques du Sénat et des personnes qui y sont nommées diffèrent notablement de celles de la Chambre des communes et, pris ensemble, de ses députés d'arrière-ban et de ceux qui assument de plus grandes responsabilités, les ministres. Tout logiquement, les membres de notre Chambre ont donc insisté pour que soient adoptés un code de déontologie, autrement dit un ensemble de règles, distinct pour régir le comportement public et privé tout autant que des normes éthiques distinctes pour les sénateurs.

Le 31 mars 2004, après de longs débats au Sénat et à l'autre endroit, la troisième session de la trente-septième législature a adopté le projet de loi C-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique) et certaines lois en conséquence. C'est la loi habilitante dont a parlé hier le sénateur Joyal dans son intervention fouillée sur le nouveau code qui a été proposé pour notre Chambre, et à la suite duquel MM. Jean Fournier et Bernard Shapiro, de Montréal, ont été nommés respectivement conseiller sénatorial en éthique et commissaire à l'éthique de l'autre endroit, tous deux par décret du gouverneur en conseil, après étude et approbation appropriées du Sénat et de la Chambre des communes. Il s'agit également de la loi- cadre du Code régissant les conflits d'intérêts dont nous sommes saisis ce soir et qui sera mis aux voix demain.

Ce code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs est un document remarquable. Il est le fruit du labeur long et réfléchi, et ô combien excellent, d'un grand nombre de nos collègues, de leurs assistants et de leurs conseillers, et nous avons à l'égard d'eux tous une énorme dette de gratitude. Dans sa portée et son application, ce code diffère grandement du Code de déontologie parlementaire de 1997, tout en ayant conservé ce principe noble et essentiel suivant lequel notre fonction se fonde sur la confiance du public et notre conduite doit répondre de normes d'intégrité et d'éthique particulièrement strictes.

Honorables sénateurs, les sénateurs Smith, Di Nino et Joyal nous ont assuré qu'il s'agissait toujours d'un document organique et que, même s'il était adopté et qu'il devenait notre code de conduite, il pourrait toujours être modifié.

Il est très important que nous adoptions des normes élevées en matière d'éthique parce que, comme nous le savons tous, nous vivons dans un monde où nos moindres gestes sont épiés. Nous sommes en 2005 et tout ce que nous faisons, de même que la façon dont nous nous comportons, tant dans notre vie privée qu'ici à Ottawa, est scruté à la loupe. Nous devrions tirer une leçon du genre de comportement dont nous avons parlé plus tôt aujourd'hui, et dont la présidente intérimaire a parlé dans sa décision. J'ai relevé quatre articles d'importance pour nous dans le Quorum d'aujourd'hui. Il y en a tous les jours. Nous devons faire attention à ce que nous faisons.

Pourquoi devrions-nous adopter le projet de loi C-33 alors que nous savons qu'il ne traite pas les contribuables de façon juste, contrairement à ce que prévoient les lois et principes en vigueur depuis des siècles? Pourquoi devrions-nous l'adopter alors que tous les experts nous disent qu'il est mauvais? Pourquoi avons-nous adopté le projet de loi C-15 alors que nous savons qu'il est inconstitutionnel et qu'on aurait facilement pu y apporter des corrections? Je ne sais pas pourquoi. J'espère qu'à l'avenir nous garderons à l'esprit les obligations que nous avons envers le public.

La qualification déjà ancienne ou le surnom de « chambre de réexamen objectif » n'a rien perdu de sa validité depuis 1867. Je suis enchanté que cette désignation ait été aussi bien reconnue et prise en compte dans la rédaction et la nouvelle rédaction de ce nouveau code. De ce fait, notre code est de beaucoup supérieur à celui qui a été adopté plus tôt cette année à l'autre endroit — parce que nous avons pris le temps de faire un réexamen objectif. Nous avons une énorme dette de reconnaissance envers non seulement le président et les autres membres de ce comité spécial, mais aussi envers tous nos collègues qui ont pris le temps d'envoyer des lettres pendant les vacances de Noël et d'assister aux réunions du comité. Le sénateur Joyal a dit avoir assisté à 26 réunions. Tous ces efforts ont pour résultat que nous avons un document taillé sur mesure pour nous. Je suggère que nous le traitions avec grand respect et que nous montrions aux Canadiens que nous nous en soucions.

Je suis enchanté, honorables sénateurs, de relever un des principes directeurs fondamentaux de ce code au paragraphe 2(1) :

[...] qu'on s'attend à ce que les sénateurs : continuent à faire partie intégrante de leurs communautés et régions et y poursuivent leurs activités tout en servant, au mieux de leurs moyens, l'intérêt public et les personnes qu'ils représentent;

En d'autres termes, il reconnaît que nous avons une autre vie dans le monde réel et on nous encourage à nous acquitter des fonctions envisagées pour nous lorsque la présente institution a été créée en 1867.

Sir John A. Macdonald a déclaré :

Ce doit être une Chambre indépendante, menant librement sa propre action, car elle n'est précieuse qu'à titre d'organe régulateur, examinant calmement les projets de loi engagés par le pouvoir populaire, mais elle ne se placera jamais en situation d'opposition aux voeux mesurés et compris du peuple.

Dans l'Aperçu législatif et historique du Sénat du Canada, qui, je crois, est à la disposition de nous tous dans la trousse qu'on offre maintenant aux nouveaux sénateurs, on peut lire :

Comme le stipule le décret de nomination des sénateurs, le sénateur est nommé « afin d'obtenir votre avis et votre aide

sur toutes les affaires importantes et ardues de nature à intéresser l'État et la défense du Canada ». En théorie, les sénateurs ont donc une fonction différente de celle des membres élus par le peuple.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Angus, votre temps est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Angus : Oui, s'il vous plaît.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Angus : Je vous remercie.

Honorables sénateurs, en 1980, le rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles concernant certains aspects de la Constitution canadienne énumérait quatre rôles qui incombaient aux sénateurs, des rôles qui complétaient les fonctions de la Chambre des communes. Il s'agissait d'un rôle de révision des projets de loi, d'un rôle d'enquête, d'un rôle de représentation régionale — par conséquent, de la nécessité d'être présents et actifs dans nos districts pour que nous puissions y travailler — et un rôle de protecteurs des minorités linguistiques et autres.

Qui pourrait prétendre que nous ne nous acquittons pas fort bien de ces rôles? La question est de savoir si on les reconnaît.

Ce sont les rôles, honorables sénateurs, dont le Sénat s'est acquitté depuis le début, par l'entremise des sénateurs qui sont nommés à leur poste. C'est pour cette raison que nous sommes nettement différents de nos collègues de l'autre endroit. C'est pourquoi il est important que nous prenions le temps, avec l'aide admirable de personnes comme les sénateurs Smith, Di Nino et Joyal, de nous doter d'un code sur mesure, qui nous reconnaisse pour ce que nous sommes et pour ce que nous sommes censés être, et qui reconnaisse le génie qui a animé sir John A. Macdonald et les autres Pères de la Confédération lorsqu'ils ont créé cette institution.

(1940)

Honorables sénateurs, je ne saurais vous dire, dans le peu de temps que j'ai passé ici, combien de sénateurs de nomination récente sont venus à mon bureau me dire à quel point ils étaient émerveillés par cette institution, qu'il s'agisse des installations de la Bibliothèque du Parlement, du magnifique personnel que nous avons au Sénat, de nos bureaux splendides ou des budgets généreux que nous avons pour accomplir notre travail. Peut-on imaginer qu'on puisse abuser d'une institution aussi admirable que le Sénat? Pourtant, nous savons tous qu'il n'est pas tenu en haute estime, et c'est une honte.

En jetant un coup d'œil sur cette assemblée, je remarque des sénateurs qui viennent de toutes les régions de notre beau pays, et tous, nous prenons notre travail à cœur. Mais le Sénat fait l'objet de plaisanteries : « Comment appelle-t-on un avocat qui a mal tourné? Un sénateur. » Allons donc. C'est pourtant ce qu'on dit.

J'exhorte les honorables sénateurs à lire le code. D'ailleurs, je suis sûr que vous l'avez déjà fait. Il n'est pas parfait, loin de là. Sur bien des points, il risque de provoquer des difficultés, mais l'esprit est le bon. Sa teneur générale me semble concorder avec ce que les auteurs avaient en tête, et il me semble que nous pouvons nous en accommoder et rendre les Canadiens et les premiers ministres qui nous ont nommés fiers de nous. C'est le moins que nous puissions faire.

Honorables sénateurs, je suis fermement convaincu que, dans sa forme actuelle, le code est un excellent texte qui non seulement répond aux besoins propres au Sénat, mais tient compte également des besoins du public, de son droit à l'assurance que notre conduite est surveillée comme il convient, et qu'un processus bien adapté, juste et équilibré, reposant sur des règles, est en place pour faire en sorte que nous nous acquittions de la charge publique qui nous est confiée tout en nous assurant le respect de notre intimité dans nos vies et nos affaires personnelles.

Je dois avouer aux honorables sénateurs que, à un moment donné, j'ai craint que la nouvelle approche fondée sur des règles ne risque de rompre cet équilibre crucial, n'impose aux sénateurs des restrictions injustifiées dans la conduite de leur vie et de leurs affaires privées et ne décourage peut-être d'autres Canadiens de bonne volonté d'accepter une nomination au Sénat.

Honorables sénateurs, ces préoccupations ont été dissipées. Demain, nous pourrons voter avec confiance en faveur de ce code. Nous devons tous de grands remerciements aux sénateurs Smith et Di Nino, ainsi qu'à tous nos autres collègues qui ont travaillé si fort pour élaborer à l'intention des sénateurs un code sur les conflits d'intérêts qui correspond bien aux fins visées.

Des voix : Bravo!

L'honorable Terry M. Mercer : Je me demande si le sénateur me permettrait une brève question afin de clarifier un point. Il s'est montré très généreux dans ses éloges à l'endroit des sénateurs Di Nino, Joyal et Smith. Je suis certain que c'est un oubli de sa part que d'avoir omis de mentionner l'excellent travail accompli par madame le sénateur Fraser. Je tiens à souligner clairement cette contribution, et je sais que mon ami voudra se joindre à moi pour remercier notre collègue de son bon travail.

Le sénateur Angus : Tout à fait.

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, il n'y a rien comme de se parler franchement. Ce soir, je dois remplacer quelqu'un qui était censé accueillir une délégation très influente, en visite au Canada. Il serait très impoli de ma part de ne pas être présent.

Si les deux côtés ont conclu une entente afin d'adopter le rapport ce soir, étant donné que le sénateur Rompkey semble avoir dit que ce rapport ne fera pas l'objet d'un débat demain, je vais m'abstenir. Si le rapport fait l'objet d'un vote faisant suite à une entente, je dirai « avec dissidence ». Cela ne me gênera pas de rencontrer les médias relativement à cette question.

Le sénateur Angus, qui connaît bien les faits, a fait mention du fameux comité du sénateur Oliver, que je respecte beaucoup, et de M. Milliken. Il se trouve que j'ai siégé à un comité, il y a longtemps, qui traitait de la même question. Le sénateur Callbeck et moi sommes des survivants d'une époque où nous voulions un code d'éthique que nous voulions avoir. Nous étions en faveur d'un tel code.

Ce qui me préoccupe c'est l'élection à ce nouveau comité de deux sénateurs de chaque côté et d'un cinquième devant être choisi par les quatre premiers. J'aimerais vous faire part de certaines préoccupations. Je suis préoccupé par le fait que ceux-ci pourraient réglementer notre comportement. Les parlementaires devraient débattre des questions de cette façon, sur le champ, en écoutant les autres et sans avoir de notes.

Les sénateurs savent qu'avant le comité Oliver-Milliken, il y a eu un comité bien connu, coprésidé par le sénateur Richard Stanbury, qui est un ancien fameux président du Parti libéral du Canada, et M. Don Blenkarn, de l'autre endroit. Je remonte à 20 ans en arrière.

Je ne suis pas heureux de la façon que nous allons choisir ceux qui vont nous représenter. Le sénateur Angus est-il convaincu que ce comité est absolument essentiel? Nous serons critiqués parce que nous aurons un comité formé de nos pairs qui regardera le travail accompli par le conseiller sénatorial en éthique.

Le sénateur Angus : Je me répète, c'est un code organique. Hier, le sénateur Joyal a expliqué de façon très éloquente qu'il était important de trouver un moyen de soumettre les intérêts des sénateurs à la supervision nécessaire du Sénat et du CSE. Il s'agit du mécanisme conçu par le comité où le sénateur Fraser a joué un rôle important. Je pense que le sénateur Smith ou le sénateur Fraser seraient mieux placés pour répondre à la question. Je suis à l'aise avec le concept.

Comme je l'ai dit hier dans ma question, ces cinq personnes auront un sacré travail à faire. C'est nouveau. Il y a maintenant des règles. N'oubliez pas mes propos.

Par le passé, nous étions guidés par des principes. Il y a le Code criminel, la Loi sur la Chambre des communes et la Loi sur le Parlement du Canada. Ce système opératoire a très bien fonctionné et nous a très bien servis, comme je l'ai exprimé dans une lettre. Cependant, nous avions un certain retard par rapport à d'autres démocraties en ce qui concerne la transparence. C'est pourquoi nous avons choisi de faire ce que nous faisons. J'étais préoccupé, comme je l'ai dit.

Ce mécanisme est ingénieux. Je le trouve merveilleux. Je comprends ce que ressentent les 11 sénateurs, mentionnés hier, qui ne s'affilient ni au gouvernement ni à l'opposition. J'ai proposé une solution simple, notamment, qu'une phrase soit ajoutée selon laquelle, aux fins du code, les 11 sénateurs non affiliés devraient être considérés comme des conservateurs.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Angus : Ça réglerait le problème.

Le sénateur Smith ou un autre sénateur pourrait peut-être répondre. C'est une bonne solution, et je ne sais pas comment traiter le cas du sénateur Prud'homme.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, le temps de parole du sénateur Angus est écoulé.

Le sénateur Prud'homme : Le sénateur Angus est un ami de longue date et un ami de mon meilleur ami à Montréal, le père Gabriel. Il serait content de savoir cela. Lorsqu'il dit qu'il ne sait pas comment satisfaire toutes les exigences, il ne parle pas des miennes. Il s'agit de savoir ce qui est bien, ce qui est douteux et ce qui est mal. Je suis sûr que vous n'avez aucune objection sénateur à ce que je lève mon chapeau à notre ami commun, le père Gabriel.

(1950)

[Français]

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, j'aimerais vous faire part de mes commentaires et réflexions en ce qui a trait au Code d'éthique. Après 20 ans de services sur la Colline parlementaire, ayant servi dans les deux Chambres, je crois que mon expérience et mes observations pendant toutes ces années me permettent de vous offrir, de façon non partisane, des commentaires qui auraient pu servir aux honorables sénateurs.

Le grand philosophe américain Yogi Berra disait :

You can observe a lot by watching.

Malheureusement, aujourd'hui est la date butoir pour prendre part au débat. Le message est clair : précipiter le dépôt du Code d'éthique semble primordial et mes commentaires ne sont donc pas bienvenus.

Étant donné l'enjeu politique du code, il faut être prudent et réfléchir quant à la façon de présenter nos commentaires puisqu'il s'agit d'un sujet délicat. Dans un tel cas, il est difficile de présenter des commentaires sans courir le risque d'être mal interprété. Le sénateur Prud'homme indiquait tout à l'heure que nous devrions pouvoir nous lever et faire des commentaires sur n'importe quel sujet, et ce, sans notes. Par contre, lorsqu'il s'agit d'un sujet aussi sensible, vaut mieux peser ses mots adéquatement.

Nous sommes très conscients du fait que des journalistes peuvent tournoyer nos commentaires dans leurs reportages. J'aurais voulu que mes commentaires soient bien reçus par tous ceux qui ont consacré beaucoup de leur temps à l'élaboration de ce Code d'éthique.

Pour toutes ces raisons, je limiterai mes remarques au processus utilisé par le gouvernement. Le comité a souvent siégé à huis clos pour élaborer ce code. J'apprécie beaucoup le temps et l'effort fournis. Par contre, ceci ne devrait pas prendre la place d'un réel débat public.

Mercredi dernier, on m'a indiqué que si j'avais des commentaires à présenter, j'aurais dû le faire pendant les délibérations du comité. Je cite exactement ce qui m'a été dit :

The train has left the station.

Si je n'ai pas participé aux discussions au sein du comité, c'est que j'avais d'autres responsabilités. Si vous examinez ce côté-ci de la Chambre, vous pouvez remarquer que nous sommes peu nombreux. Cela s'explique par le fait que, de plus en plus, nous devons partager notre temps pour accomplir de plus en plus de travail.

J'avais espoir qu'avec un peu de bonne volonté de la part du gouvernement, on nous aurait alloué un peu de temps pour débattre de la question, en cette enceinte. Cela n'est pas le cas. Nous adoptons des projets de loi à toute vitesse et ce, sans réfléchir et sans suivre les normes historiques de cette Chambre.

Puisque les délibérations du comité se faisaient la plupart du temps à huis clos, je crois qu'une part de débat public aurait été appréciée. La majorité docile des sénateurs, ayant exposé ses instructions, va donc limiter et clore le débat, point final et c'est fini.

Mon intervention d'aujourd'hui, en ce qui a trait au code, concernait la minorité en cette enceinte. Tous conviendront avec moi que la qualité d'une démocratie se mesure par le respect que témoigne la majorité envers la minorité.

Comment cette Chambre peut-elle respecter les minorités au Canada si elle ne respecte même pas sa propre minorité? Le manque de respect envers des opinions divergentes et l'empressement manifeste démontrent clairement le manque de valeur que le gouvernement affiche à l'ensemble des sénateurs.

Nos inquiétudes n'ont aucune valeur. Le gouvernement peut faire à sa guise, avec impunité et ce, à l'aide de sa majorité. Voilà comment fonctionne cette Chambre maintenant. Rappelons-nous qu'elle fut conçue selon les principes de respect, de réflexion et de civilité.

Oublions les beaux principes qui ont fait de cette Chambre dans le passé une Chambre de réflexion. La réalité, c'est que la majorité impose les décisions du bureau du premier ministre et d'après ce qu'on peut voir, les beaux principes sont inutiles et démodés.

Encore aujourd'hui, nous avons vu ce qui se produit lorsqu'il y a manque de préparation et de réflexion. On a pu le constater pendant une bonne partie de la journée. Que faire? Le leader du gouvernement au Sénat a clairement indiqué qu'il imposera une allocation de temps sur le débat. Dois-je abandonner toutes mes autres responsabilités et devoirs afin de rapidement préparer mes commentaires sur le Code d'éthique? Non, je ne suis pas prêt à le faire.

Si j'avais à préparer des observations sur un sujet si complexe et si controversé, il faudrait que je dispose de suffisamment de temps pour le faire. Mais pour le moment, je n'ai d'autre choix que de me soumettre à la force de la majorité.

Cependant, je rappelle à tous les sénateurs que chaque fois que nous limitons le débat, chaque fois que la minorité se voit imposer une direction, nous perdons toujours un peu plus de la valeur et l'esprit de cette Chambre. Honorables sénateurs, si tel est le cas, nous en sommes tous les perdants.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Smith, avec l'appui de l'honorable sénateur Robichaud, propose que le rapport soit adopté maintenant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Le sénateur Comeau : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le rapport est adopté.)

L'honorable Bill Rompkey (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, y a-t-il consentement pour que l'étude de tous les autres articles inscrits au Feuilleton soit reportée à demain.

Des voix : D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 19 mai 2005, à 13 h 30.)


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