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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 45

Le jeudi 2 novembre 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 2 novembre 2006

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL SUR LE TROISIÈME ÂGE

LES AÎNÉS DU CANADA : BULLETIN 2006

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, le 26 octobre, le Conseil consultatif national sur le troisième âge a rendu public son rapport intitulé Les aînés au Canada : Bulletin 2006. Il s'agit de la suite de l'étude entreprise il y a sept ans et du rapport provisoire présenté en 2001.

Le Conseil consultatif national sur le troisième âge, le CCNTA, a été créé par décret le 1er mai 1980 pour aider et conseiller le ministre de la Santé sur les questions touchant le vieillissement de la population canadienne et la qualité de vie des aînés. Les membres du comité consultatif ont consulté des experts en gérontologie, des organisations nationales d'aînés et des fonctionnaires fédéraux.

L'étude a porté sur cinq domaines clés : l'état de santé, l'accès aux soins de santé, la situation économique, les conditions de vie et la participation sociale.

(1335)

Honorables sénateurs, je voudrais vous faire part de certaines conclusions.

Le Canada compte aujourd'hui 4,2 millions d'aînés, c'est-à-dire des personnes âgées de plus de 65 ans, qui représentent ainsi 7 p. 100 de la population. En ce qui concerne l'état de santé, le conseil a donné aux aînés une note de B moins. Depuis la présentation du dernier rapport en 2001, l'espérance de vie à l'âge de 65 ans s'est améliorée et l'incidence des douleurs chroniques et de l'insuffisance de poids a baissé. Cependant, on a constaté une augmentation de l'obésité et d'un certain nombre de maladies chroniques et il n'y a pas eu de nette amélioration relativement à plusieurs problèmes comme le manque d'activité physique et les chutes. Cependant, chose surprenante, honorables sénateurs, le taux de suicide chez les hommes demeure encore très élevé.

Le conseil souligne qu'au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest, l'espérance de vie des Autochtones à l'âge de 65 ans était de près de quatre ans inférieure à la moyenne nationale.

Dans le domaine des soins de santé, le conseil a accordé une note de C moins et pour ce qui est des conditions de vie, la note a été de B. En ce qui a trait à la participation sociale, 17 p. 100 de tous les bénévoles sont des aînés et 72 p. 100 des aînés ont dit éprouver un fort sentiment d'appartenance à la collectivité.

En conclusion, honorables sénateurs, nous allons être témoins au cours des prochaines décennies d'une augmentation alarmante du nombre d'aînés et de retraités. Nous ne pouvons nous permettre de rester les bras croisés et laisser ce segment de notre population éprouver toutes sortes de difficultés à obtenir l'essentiel, soit un logement, la promesse et la certitude de pouvoir se nourrir, la certitude d'un accès abordable à des soins de santé et l'estime de soi que les gens ressentent en étant actifs dans leur famille et leur collectivité.

Je crois que nous devons à ces citoyens importants de notre pays de tenir compte de ce bulletin du Conseil consultatif national sur le troisième âge et de prendre des mesures constructives pour corriger les lacunes relevées.

LES BOURSES D'ÉTUDES SUR LA PAIX ET LES CONFLITS DU CONGRÈS ISLAMIQUE CANADIEN

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, alors que nous approchons de la semaine du souvenir, je voudrais honorer les hommes et les femmes qui ont perdu leur vie pour que nous puissions jouir de la liberté au Canada.

Bien entendu, certains des sacrifices sont de fraîche date. Nous pensons aux 40 hommes et femmes qui ont perdu la vie en Afghanistan, y compris la capitaine Nichola Goddard, la première Canadienne à perdre la vie comme combattante.

Après la mort tragique de la capitaine Goddard, le Congrès islamique canadien a communiqué avec sa famille et, avec son consentement, a créé la bourse capitaine Nichola K.S. Goddard pour l'étude de la paix et des conflits.

Le père de la capitaine Goddard, Tim Goddard, et son gendre Jason se sont interrogés sur la pertinence d'une telle bourse et ont conclu que ce serait un hommage tout à fait digne de sa mémoire.

Ainsi, lundi, au gala annuel du Congrès islamique canadien, M. Goddard a déclaré :

Je crois que cette œuvre aidera à concrétiser les espoirs et les rêves de Nichola, à savoir que la résolution pacifique des conflits est possible et pave la voie à la reconstruction de la société civile et à la constitution d'États-nations stables.

Il a prononcé ces paroles au moment même où était révélé le nom du récipiendaire de la bourse nouvellement créée, une bourse visant à favoriser le développement et la promotion de compétences en matière de résolution et de prévention de conflits.

Ahmad Syed, un étudiant de 27 ans du programme de maîtrise en mondialisation et en développement international de l'Université d'Ottawa est le premier récipiendaire de cette bourse. En l'acceptant, il en a souligné l'importance, en déclarant :

C'est vraiment un honneur pour moi tout d'abord d'avoir vu ma candidature considérée et ensuite d'avoir reçu cette bourse. En l'acceptant, je voudrais remercier le comité des bourses. Également, j'espère que je serai en mesure d'intégrer à mon travail universitaire les idéaux que chérissait la capitaine Goddard.

Honorables sénateurs, j'estime que l'attribution de ce prix rend un hommage attentionné à la capitaine Nichola Goddard et constitue l'occasion de consolider les valeurs de paix que le Canada a la réputation de représenter à l'échelle mondiale.

J'espère que, comme moi, vous allez féliciter Ahmad Syed et le Congrès islamique canadien pour cette bourse attribuée en mémoire de Nichola.

LA SEMAINE DES ANCIENS COMBATTANTS

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, le 5 novembre marque le début de la Semaine des anciens combattants, une semaine consacrée à rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont servi et continuent de servir notre pays. Des événements et des cérémonies se dérouleront partout au Canada et les Canadiens de tous les horizons auront l'occasion de dire merci à ceux qui ont combattu pour nos valeurs et notre liberté.

Avant de rendre hommage aux militaires en service, j'aimerais attirer l'attention des honorables sénateurs sur une personne qui a servi ceux qui servent notre pays.

Jack Stagg, sous-ministre d'Anciens Combattants Canada, est décédé le 9 août 2006. M. Stagg était un champion des questions touchant les anciens combattants et a joué un rôle important dans la création de la nouvelle Charte des anciens combattants et de 2005, l'Année de l'ancien combattant.

Fils de deux anciens combattants, M. Staff avait une compréhension innée des défis que les anciens combattants doivent relever et des programmes dont ils ont besoin. Ses innombrables efforts visant à améliorer les programmes d'Anciens Combattants Canada ont permis d'importants progrès dans les services offerts à nos distingués anciens combattants. Son travail assidu et son solide leadership dans ce ministère étaient sans aucun doute insurpassés. Ceux qui l'ont connu et ceux pour qui il a travaillé sans compter se rappelleront sa compassion et son engagement envers les anciens combattants.

(1340)

En tant que sous-ministre d'Anciens Combattants Canada, M. Stagg a supervisé un important projet commémoratif, qui est maintenant presque terminé. Le Projet de restauration des monuments commémoratifs canadiens des champs de bataille, un plan quinquennal colossal entrepris par Anciens Combattants Canada, a débuté en 2001. Ce projet vise la réparation, la restauration et la remise en état des monuments commémoratifs des 13 champs de bataille canadiens de la Première Guerre mondiale en Europe. Parmi ces monuments, le Monument commémoratif du Canada à Vimy, en France, est celui qui constitue le défi de loin le plus important de cette entreprise. Je suis heureux d'apprendre que la restauration suit son cours tel que prévu et qu'elle devrait se terminer d'ici la fin de l'année. Le monument de Vimy servira ainsi de nouveau à rappeler le sacrifice et le courage des Canadiens qui ont combattu pour notre pays il y a tant d'années.

[Français]

En commémorant le passé, il est important de reconnaître la contribution de ceux et celles qui servent dans les Forces armées canadiennes aujourd'hui. Désormais, le terme « anciens combattants » ne désigne pas seulement les militaires qui ont combattu dans les deux guerres mondiales et en Corée.

La Semaine des anciens combattants est l'occasion de rendre hommage et de commémorer les membres des Forces armées canadiennes qui ont participé aux conflits contemporains et qui font aujourd'hui partie des anciens combattants. Certains d'entre eux sont rentrés au pays après avoir servi dans des zones de conflits, mais les blessures et les cicatrices de la guerre les ont marqués à jamais.

Malheureusement, certains soldats canadiens ont perdu la vie lorsqu'ils étaient postés en Afghanistan ou au Liban. La Semaine des anciens combattants nous permet également d'honorer leur mémoire.

[Traduction]

Le thème de la Semaine des anciens combattants, cette année, est « Partageons l'histoire ». Je m'attends à ce que nos anciens combattants partagent beaucoup d'histoires avec nous. J'encourage tous les Canadiens à parler avec des anciens combattants et des membres des Forces canadiennes encore en service pour apprendre leur histoire, afin que toutes ces histoires puissent ensuite être transmises à d'autres.

Le temps passant, il reste maintenant peu de ces anciens combattants des deux guerres mondiales et de la guerre de Corée. Toutefois, leur esprit demeure puisque leur histoire sera transmise à la postérité. Nous avons une grande dette de reconnaissance envers ceux qui ont combattu pour nous. Sans les sacrifices et le courage de nos militaires, notre grand pays ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui.

LES COUPES DANS LE FINANCEMENT DU PROGRAMME PLACEMENT CARRIÈRE-ÉTÉ

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, récemment, le gouvernement conservateur a annoncé des coupes d'un peu plus de 1 milliard de dollars dans le financement de programmes gouvernementaux valables et nécessaires, malgré un excédent déclaré de 13,2 milliards de dollars pour le dernier exercice.

L'une de ces coupes touchera le programme Placement carrière- été, dont le financement a été amputé de moitié. Cela signifie une perte de 55,4 millions de dollars sur deux ans. L'an dernier, ce programme a permis l'embauche de quelque 50 000 étudiants des niveaux secondaire et postsecondaire d'un bout à l'autre du pays. Au cours de l'été, dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, 400 étudiants ont eu la chance de développer leurs habiletés et d'acquérir une expérience de travail précieuse. Pour ceux qui poursuivent leurs études postsecondaires à la fin de l'été, le revenu qu'ils en ont tiré est particulièrement utile, parce qu'il les aide à payer leurs études et à éviter les dettes à long terme.

Toutefois, il n'y a pas que les étudiants qui en bénéficient. Je signale que beaucoup d'organismes communautaires à but non lucratif comptent sur ce programme pour engager des étudiants. Bon nombre de ces organismes ne pourront plus se payer d'employés sans l'aide de ce programme.

L'automne dernier, le Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a étudié le programme Placement carrière-été. Il a recommandé l'expansion du programme, par exemple en prolongeant la période de travail pour les étudiants qui y participent et en augmentant la part du salaire subventionnée pour ceux qui étudient au niveau postsecondaire. Ces coupes font l'inverse de ce que le comité recommandait.

Le gouvernement conservateur a aussi éliminé totalement le budget de 10 millions de dollars attribué au programme de stages internationaux pour les jeunes. Ce programme était géré par l'Agence canadienne de développement international et donnait à de jeunes Canadiens la possibilité de travailler dans un pays en développement. Les participants pouvaient acquérir une expérience de travail précieuse tout en aidant le Canada à atteindre ses objectifs en matière de développement international.

(1345)

Honorables sénateurs, dans un monde où les connaissances, l'éducation et l'expérience sur la scène mondiale deviennent de plus en plus importantes, il est décourageant de voir le gouvernement conservateur priver les jeunes Canadiens d'intéressantes possibilités. Le gouvernement devrait plutôt investir dans leur avenir et les aider à acquérir les compétences et l'expérience dont ils ont besoin pour s'affirmer dans le monde.

Honorables sénateurs, j'exhorte le gouvernement conservateur à revenir sur ses décisions inacceptables et à rétablir le plein financement de ces très bons programmes.

SÉRIE DE CONFÉRENCES EN SCANDINAVIE SUR LA DIVERSITÉ ET LE PLURALISME

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour faire rapport sur une série de conférences sur la diversité et le pluralisme que je viens de donner en une semaine à la demande des gouvernements de la Norvège et du Danemark. On m'avait demandé de parler du cadre multiculturel du Canada en tant que modèle pour l'intégration des minorités raciales et ethniques en Scandinavie. J'ai fait remarquer aux Scandinaves que certaines conditions font que la diversité est plus facilement intégrée au Canada que dans certains de leurs pays.

Mon voyage sera peut-être mieux expliqué par l'ambassadrice du Canada en Norvège, Son Excellence Jillian Stirk, qui m'écrivait ceci dans sa lettre de bienvenue :

Le Canada et la Norvège ont beaucoup en commun lorsqu'il est question de politique sociale, de politique étrangère et de manière naturelle de penser. Nous pouvons également apprendre les uns des autres sur la manière d'intégrer les immigrants et les minorités visibles dans notre société. À ce chapitre, le Canada a un avantage direct puisque, à mesure que la population de la Norvège se diversifie, les autorités à tous les paliers doivent relever les défis que cela pose. Ils souhaitent ardemment apprendre à partir de l'expérience canadienne.

Des hauts fonctionnaires, des journalistes, des professeurs, des dirigeants du milieu des affaires et des étudiants de l'Université d'Aarhus étaient présents à Oslo et à Copenhague.

Les exposés avaient pour but d'élargir le dialogue sur certaines des causes et des solutions possibles aux difficultés d'intégration sociale et économique qui sont largement répandues en Scandinavie. Par exemple, au Danemark, nous avons discuté des caricatures qui a font tellement de bruit.

Honorables sénateurs, j'ai expliqué le contexte historique de la fondation du Canada par les Anglais et les Français, la cohabitation de deux systèmes de loi, deux cultures, deux langues et deux religions, et j'ai fait allusion à la possibilité d'accepter d'autres cultures, langues et religions. Le biculturalisme a prédisposé les Canadiens à faire preuve d'une plus grande ouverture à l'égard des autres cultures.

J'ai aussi souligné que les incitatifs économiques peuvent favoriser la diversité. J'ai insisté sur le fait que l'un des plus grands défis auxquels sont actuellement confrontées les démocraties occidentales consiste à trouver une main-d'œuvre qualifiée et compétente. Lorsque les baby-boomers commenceront à prendre leur retraite, nous allons connaître une pénurie de main-d'œuvre qualifiée et compétente dans tous les secteurs. En raison des faibles taux de fertilité et du phénomène de la pyramide d'âge inversée, il n'y aura pas suffisamment de jeunes Canadiens pour doter les postes dans nos institutions de recherche et nos usines, de sorte que nous devrons nous tourner vers l'immigration.

Honorables sénateurs, j'ai aussi expliqué que le phénomène de la pyramide inversée touche également d'autres pays développés. Ainsi, les taux de fertilité dans toute l'Europe sont tellement faibles que les démographes prédisent que le nombre d'Européens va diminuer de façon dramatique au cours des cinq prochaines décennies, même avec l'immigration. Par exemple, on s'attend à ce que la population de l'Italie, qui comptait 57 millions d'habitants en l'an 2000, aura baissé à 45 millions en 2050. Au cours de la même période, la population de l'Espagne va enregistrer une baisse de 3 millions d'habitants. Par ailleurs, dans 25 ans à peine, presque la moitié de tous les Allemands d'âge adulte auront 65 ans ou plus.

En conclusion, honorables sénateurs, ma tournée au Danemark et en Norvège a été stimulante sur le plan intellectuel et a été un catalyseur, au point que l'on m'a demandé de faire un autre exposé à des hauts fonctionnaires danois, dans environ un mois.

Honorables sénateurs, je suis d'avis que la crise dont le monde occidental doit s'occuper en priorité est la pénurie de main-d'œuvre qualifiée que l'on voit poindre à l'horizon. Dans ce contexte, l'immigration joue et continuera de jouer un rôle essentiel dans la croissance de notre population active. J'ai bien apprécié l'occasion qui m'a été fournie de discuter de cette question avec un grand nombre de personnes aussi intéressées, en Scandinavie.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'ÉTUDE SUR L'APPLICATION DE LA LOI SUR LES LANGUES OFFICIELLES, LES RÈGLEMENTS, LES INSTRUCTIONS ET LES RAPPORTS PERTINENTS

DÉPÔT DE LA RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au sixième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, intitulé L'éducation en milieu minoritaire francophone : un continuum de la petite enfance au postsecondaire.

(1350)

[Traduction]

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

PRÉSENTATION DU SIXIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable George J. Furey, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le jeudi 2 novembre 2006

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité recommande une augmentation économique de 2.5 p. 100, à compter du 1er avril 2006, le salaire des SEG et des MMG-2 du Sénat, en plus d'une augmentation de 1.1 p. 100 de salaire à risque, pour 2006-2007, parallèle aux augmentations adoptées par le Conseil du Trésor pour les cadres de la fonction publique.

Respectueusement soumis,

Le président,
GEORGE J. FUREY

Son Honneur le Président : Quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Furey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

PROJET DE LOI SUR L'AGENCE DE LA SANTÉ PUBLIQUE DU CANADA

RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Art Eggleton, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :

Le jeudi 2 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-5, Loi concernant l'Agence de la santé publique du Canada et modifiant certaines lois a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 28 septembre 2006, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Ont été jointes en annexe au présent rapport les observations de votre Comité sur le projet de loi C-5.

Respectueusement soumis,

Le président,
ART EGGLETON

ANNEXE

Observations annexées au 6e rapport du Comité sénatorial permanent
des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (le Comité) a entendu les témoignages sur le projet de loi C-5, Loi sur l'Agence de la santé publique du Canada, qu'il a adopté sans amendement. Il profite toutefois de l'occasion pour porter à l'attention du Sénat diverses questions auxquelles il faut donner suite en ce qui a trait aux activités de l'Agence de la santé publique du Canada. Plus précisément, le Comité souhaite une prise de conscience accrue des problèmes de santé des Premières nations et des Inuits ainsi que la reconnaissance des Premières nations et des Inuits dans la législation sur la santé.

Par conséquent, le Comité annexe au présent rapport certaines observations relatives au projet de loi.

A. Liens avec la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits de Santé Canada

Le Comité est préoccupé que dans sa forme actuelle, le projet de loi n'oblige ni l'administrateur en chef de la santé publique ni l'Agence à consulter la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits ou à la faire participer à ses activités. Il demande que des liens soient établis entre la Direction générale et l'Agence.

B. Rapports

Le Comité met l'accent sur le fait que l'Agence fasse rapport de l'état de la santé des Premières nations et des Inuits. Le Comité demande que l'administrateur en chef de la santé publique envisage de nommer des médecins hygiénistes pour faire rapport régulièrement de la situation et des besoins des Premières nations et des Inuits, comme le prévoit l'article 13 du projet de loi.

C. Comités

Le Comité exige que les Premières nations et les Inuits soient représentés aux comités consultatifs et autres que le ministre établira

D. Collecte et protection des renseignements personnels

Le Comité n'oublie pas que les Premières nations ont soulevé le problème de la confidentialité des renseignements demandés dans le formulaire de consentement. Le Comité veut obtenir l'assurance que des données seront recueillies et diffusées uniquement avec le consentement des membres des Premières nations et des Inuits et que des mesures de protection de la vie privée appropriées seront prises.

E. Loi sur la santé publique dans les Premières nations et chez les Inuits

Le Comité note de plus que le projet de loi ne décrit pas expressément le rôle et les responsabilités qui incombent au gouvernement fédéral dans la prestation des services de santé aux Premières nations et aux Inuits, et il insiste pour que le gouvernement élabore, en symbiose avec les Premières nations et les Inuits, une Loi sur la santé publique dans les Premières nations et chez les Inuits et d'autres mesures législatives pertinentes. Le Comité entend être impliqué dans la question de la santé publique pour les Premières Nations et les Autochtones

F. Examen de l'Agence

Dans six mois le Comité réentendra l'Agence afin de réviser leurs opérations et de déterminer si les présentes observations ont été mise-en-œuvre et spécifiquement afin de confirmer l'engagement de l'Agence auprès de Premières Nations et des Inuits.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la troisième fois ?

(Sur la motion du sénateur Eggleton, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-19, Loi modifiant le Code criminel (courses de rue) et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en conséquence

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance dans deux jours.)

(1355)

[Traduction]

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À RENVOYER DES DOCUMENTS DE LA LÉGISLATURE PRÉCÉDENTE EN VUE DE L'ÉTUDE SUR LE PROJET DE LOI S-3

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanant des affaires juridiques et constitutionnelles sur le projet de loi S-39, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire, au cours de la première session de la trente-huitième législature soient renvoyés au comité en vue de son étude sur le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire.

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À RENVOYER LES DOCUMENTS SUR L'ÉTUDE DE LA SANTÉ MENTALE ET DES MALADIES MENTALES DES LÉGISLATURES PRÉCÉDENTES AUX FINS DE L'ÉTUDE SUR LA QUESTION DU FINANCEMENT DU TRAITEMENT DE L'AUTISME

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur l'étude de la santé mentale et des maladies mentales par le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie durant les 37e et 38e législatures soient déférés au Comité pour son étude sur la question du financement du traitement de l'autisme.

AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À REPORTER LA DATE DE PRÉSENTATION DE SON RAPPORT FINAL SUR LE FINANCEMENT POUR LE TRAITEMENT DE L'AUTISME

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le jeudi 22 juin 2006, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, autorisé à examiner, pour en faire rapport, le sujet du financement pour le traitement de l'autisme, soit habilité à reporter la date de présentation de son rapport final du 30 novembre 2006 au 31 mai 2007.


PÉRIODE DES QUESTIONS

LE SÉNAT

LE CABINET DU LEADER DU GOUVERNEMENT—LES RÉVÉLATIONS AUX MÉDIAS CONCERNANT LE VOYAGE DU COMITÉ DE LA SÉCURITÉ NATIONALE ET DE LA DÉFENSE À DUBAÏ

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a appris ce matin qu'un échange de courriels a eu lieu entre un collaborateur de madame le leader et l'administration de l'hôtel où a séjourné le Comité de la sécurité nationale et de la défense lors de son déplacement à Dubaï. Ces courriels demandaient des renseignements précis qui étaient par la suite révélés aux médias. Le collaborateur a-t-il agi ainsi à sa demande?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question.

Je n'ai pas écouté le témoignage de ce matin. On m'a parlé de cette allégation, mais j'ignore si elle est exacte.

Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, selon les documents présentés ce matin à la réunion du Comité de la régie interne, un employé du cabinet du leader du gouvernement aurait posé une question précise au sujet des notes d'hôtel au nom du sénateur Kenny qui ont été remises par l'hôtel Renaissance à Dubaï; il aurait également demandé une ventilation détaillée pour chaque chambre et, si possible, des renseignements ayant trait aux frais de chambre. Ce sont là les grandes lignes de l'affaire. Madame le leader a-t-elle une meilleure idée du sujet dont je parle?

Le sénateur LeBreton : L'honorable sénateur serait-il en train de me demander si j'étais au courant de cette demande faite à l'hôtel ou si je savais que ces renseignements avaient fait l'objet d'une fuite aux médias? Je comprends mal le sens de la question.

(1400)

Le sénateur Hays : Ma question était : la demande de renseignements adressée à l'hôtel et la fuite aux médias faisaient- elles suite à une demande du leader du gouvernement?

Le sénateur LeBreton : La réponse est non.

Le sénateur Hays : Compte tenu de ce que j'ai dit et ayant le compte rendu de la réunion tenue aujourd'hui par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, est-ce que madame le leader du gouvernement a entrepris une enquête sur cette affaire, tant en ce qui concerne les documents que j'ai mentionnés et qui ont été présentés au Comité de la régie interne, que l'idée que le bureau du leader serait à l'origine de tout cela?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur voudrait savoir si tout cela fait l'objet d'une enquête, mais je ne comprends pas le sens de la question. Nous savons tous que le comité est allé à Dubaï. Nous savons tout que ceux qui étaient du voyage ont logé dans un hôtel. Sur quoi le sénateur voudrait-il que je fasse enquête? J'étais bel et bien au courant du témoignage de ce matin et, comme je viens de le dire, j'ignorais si les renseignements étaient exacts. Le sénateur a des documents qui ont été présentés au Comité de la régie interne, mais quel est le problème ici? Le comité est-il allé à Dubaï? Oui. Ceux qui étaient du voyage ont-ils logé à l'hôtel? Oui. Y a-t-il une raison pour laquelle la population ne devrait pas être au courant de ces renseignements? C'est ce que je voudrais savoir.

Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, tout d'abord, je remercie madame le leader du gouvernement d'avoir répondu qu'elle n'était pas au courant de cette affaire et qu'elle n'y avait aucune part. Il reste néanmoins que les documents établissent clairement qu'un employé de son cabinet a bel et bien demandé les renseignements. Les documents ont été fournis le 17 octobre, si je comprends bien, et, le 18 octobre, un réseau de télévision a diffusé une émission sur le sujet, rendant publics des renseignements qui se trouvaient dans les documents. Le site web du réseau de télévision en question indique qu'il s'agissait d'une fuite.

Sachant cela, est-ce que madame le leader mène une enquête au sein de son cabinet pour connaître la source de cette fuite et déterminer si un de ses employés en est responsable? Je pose la question parce que, comme elle m'a déjà entendu le dire, elle représente le gouvernement au Sénat et elle représente le Sénat au gouvernement. Elle est aussi, après le Président, la personne la plus importante au Sénat en raison du modèle qu'elle incarne et de ce qu'elle fait.

L'affaire qui a été soulevée au Comité de la régie interne est grave. Elle mérite l'attention du leader. La question que je lui pose est la suivante : cette affaire retient-elle son attention et, sinon, le fera-t- elle?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le sénateur Hays parle de mes responsabilités au Sénat en ma qualité de leader du gouvernement. Je siège au Sénat depuis 1993. Je considère que c'est un grand honneur. Je ne pense pas faire partie d'une société fermée et je ne pense pas avoir droit au moindre privilège spécial. Je prends mes responsabilités au sérieux, mais je me trouve à faire partie d'un gouvernement, et d'un parti, qui croit dans la franchise et la transparence. La population exige la franchise et la transparence, et elle s'attend à ce que le Sénat en fasse preuve lui aussi.

Le sénateur Hays : Honorables sénateurs, je ne suis pas certain que ce soit là une réponse, mais, de toute façon, je m'en tiens à ceci : je ne l'ai pas entendu, mais je voudrais que madame le leader dise que, si cette affaire a pris sa source dans son cabinet — et c'est bien documenté — elle examinera l'affaire et répondra à la question que j'ai posée. Elle a répondu qu'elle n'avait rien à voir avec cette affaire et qu'elle n'était pas au courant, mais pourrait-on dire la même chose de son personnel?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, dans sa question précédente, le sénateur Hays a parlé d'une fuite aux médias. Quand il y a une fuite, un document secret est en cause. Je crois que quatre sénateurs et plusieurs employés ont participé au voyage en question. Je suppose qu'ils ont tous logé au même hôtel.

(1405)

On attribue la fuite à mes collaborateurs, mais ce n'est qu'une hypothèse. Les documents semblent révéler qu'il y a eu des demandes de renseignements. Après tout, les faits étaient certainement bien connus, même avant que n'éclate cette histoire au sujet du voyage à Dubaï. Je ne vais lancer aucune enquête. Mon personnel est réduit et il travaille fort. Je signale que, alors que mes prédécesseurs avaient de 20 à 22 personnes à leur bureau, je n'en ai que neuf. Je ne vais me lancer dans aucune chasse aux sorcières contre un de mes collaborateurs pour savoir comment certains médias ont mis la main sur un document. Ils l'ont peut-être reçu d'un sénateur d'en face.

Des voix : C'est une honte!

Le sénateur Hays : Je regrette que madame le sénateur ait répondu que cela lui est égal. Elle devrait se soucier de cette question, et je l'exhorte à se raviser. Si ce genre d'information est nécessaire, il y a des ressources au Sénat — le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et les greffiers — et je l'invite à utiliser ces ressources à l'avenir. La réponse de madame le leader me laisse mal à l'aise; elle dit que cela lui est indifférent, et je la prie de se raviser.

Des voix : Bravo!

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je n'ai pas dit que cela m'était égal. J'ai dit que l'information communiquée aux médias a pu venir de diverses sources. Trois ou quatre sénateurs ont pris part à ce voyage, et il y avait des greffiers également. Je ne vais pas me prononcer à la hâte au sujet de l'origine de la fuite en me fondant sur l'information présentée au Comité de la régie interne ce matin.

Je n'ai de leçons à recevoir d'aucun sénateur d'en face au sujet de mes responsabilités de sénateur, car je prends mon travail au sérieux.

Le sénateur Fraser : Quel est le rapport?

Le sénateur LeBreton : Bien sûr qu'il y en a. Le sénateur Hays dit que la question m'importe peu. Or, je me soucie du Sénat. Cela dit, je ne crois pas que les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement ou les institutions qui sont à la charge du contribuable doivent être soustraits à l'obligation d'ouverture et de transparence au sujet des deniers publics qu'ils dépensent.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je n'envie pas madame le leader du gouvernement aujourd'hui, et je comprends la position dans laquelle elle se trouve.

Le sénateur Tkachuk : Que se passe-t-il donc?

Des voix : Asseyez-vous.

Le sénateur Tkachuk : Votre Honneur, j'invoque le Règlement.

Des voix : Il n'y a pas de rappel au Règlement.

Son Honneur le Président : Silence. Honorables sénateurs, nous allons poursuivre la période des questions comme nous en avons l'habitude.

Le sénateur Banks a la parole.

Le sénateur Banks : Quand madame le leader a-t-elle appris que M. Jeffrey Kroeker, qui travaille à son bureau, avait correspondu avec le Renaissance Dubai Hotel pour demander des détails précis sur les notes d'hôtel de sénateurs qui étaient sur les lieux pour les affaires du Sénat?

Le sénateur LeBreton : Dans son entrée en matière, le sénateur dit qu'il ne m'envie pas. Je n'ai aucune difficulté à assumer mes fonctions de leader du gouvernement au Sénat, à défendre mes collaborateurs, à réclamer ce que les contribuables ont le droit d'attendre de leurs sénateurs, c'est-à-dire l'ouverture, l'honnêteté et la transparence.

Pour répondre à la question, je dois dire que j'ai entendu parler du témoignage ce matin, mais que je ne l'ai pas écouté. Comme je l'ai dit dans une autre réponse, tout à l'heure, j'ignore si ce témoignage est véridique. Le sénateur Hays prétend avoir des documents. Il m'a demandé si M. Kroeker était à l'origine de la fuite. Aucun élément ne permet de l'affirmer.

(1410)

Le sénateur Banks : Ce n'est pas ce que j'ai demandé. Quand madame le leader du gouvernement a-t-elle appris que Jeffrey Kroeker avait téléphoné puis écrit au Renaissance Dubai Hotel pour demander des détails précis sur la note d'hôtel de sénateurs qui étaient là pour faire leur travail? Quand a-t-elle pris connaissance de ce fait irréfutable?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, d'abord, je ne crois pas que ce soit un geste terrible qu'un membre du personnel demande des renseignements. J'ai déjà répondu que j'ignorais que M. Kroeker l'eût fait. Toutefois, je reconnais son droit, puisqu'il travaille sur ces dossiers, de demander les renseignements qu'il souhaite.

Cela dit, pour répondre à la question précise du sénateur, j'ai appris ce qui s'est dit au comité ce matin. Je n'avais aucune raison d'y ajouter foi, mais vous prétendez avoir des documents. Je me range du côté de mes collaborateurs.

Quant aux préoccupations évoquées tout à l'heure au sujet de l'origine de la fuite, je le répète, je n'ai aucune preuve, et le sénateur Banks non plus, que ce membre de mon personnel est à l'origine des fuites.

Le sénateur Banks : Madame le leader du gouvernement au Sénat a employé le terme « fuite », et elle n'a pas répondu à ma question. Elle a parlé du moment où elle a appris ce qui s'était dit au comité aujourd'hui.

J'ai demandé quand elle avait été mise au courant des demandes de renseignements faites par M. Kroeker. Je repose la question et j'y ajoute une question complémentaire.

Madame le leader vient de dire qu'elle juge normal que son personnel demande des renseignements. Il ne faut pas oublier qu'une note d'hôtel détaillée contient des éléments comme les numéros de téléphone qu'on a pu composer depuis sa chambre. Elle vient de dire qu'on s'attend, que, selon elle, les Canadiens s'attendent que son personnel demande à des hôtels au Canada — que ce soit à Regina, à Vancouver ou à Tuktoyaktuk — des détails sur la note d'hôtel des sénateurs, qui contient des renseignements confidentiels.

En fait, la lettre adressée par l'hôtel Renaissance à Dubaï à M. Kroeker indique, tout en haut, qu'il s'agit de renseignements confidentiels. Lorsque je fais un appel téléphonique depuis un hôtel, n'importe où dans le monde à un autre politique ou à un journaliste, le fait que j'ai appelé n'est pas un renseignement du domaine public et cela ne regarde pas M. Kroeker. Je ne crois pas que les sénateurs doivent s'attendre à être épiés de la sorte.

Des voix : Bravo!

Le sénateur LeBreton : Je suis d'accord. J'ignore quels renseignements ont été donnés. Je n'ai pas vu les documents. J'ignore si l'information communiquée donne des détails sur les appels téléphoniques qui ont été faits, les films qui ont été regardés ou les autres services qui ont été utilisés. Ce que j'ai dit, c'est que, lorsque des renseignements de cette nature sont du domaine public, cela ne me dérange pas qu'on essaie de les vérifier. J'ignore quelles sont les politiques des hôtels.

De toute évidence, des renseignements ont été demandés. J'ignore quels renseignements l'hôtel a communiqués; je ne les ai pas vus. Je serais étonnée que des hôtels donnent la liste de frais particuliers, par exemple des appels, avec les numéros composés. Comme je n'ai pas vu la note, je ne sais vraiment pas à quoi le sénateur Banks fait allusion.

(1415)

Le sénateur Banks : J'ai une dernière question, honorables sénateurs. Les questions et réponses qui ont précédé sont assez éloquentes. Je vais poser une dernière question, qui comprend plusieurs éléments.

J'ai des documents que je déposerai, si le Sénat le veut bien, mais je vais quand même m'y reporter. Je crois que tous les sénateurs ont vu ce document. C'est une lettre du vice-chef d'état-major de la Défense datée du 19 octobre. Elle est caviardée comme elle l'était lorsqu'elle est passée au domaine public. Elle a été largement distribuée à tous les médias et, ce qui est bien commode, elle est sur Internet depuis le 19 octobre.

Il semble bien que cette lettre ait été directement adressée par le vice-chef d'état-major de la Défense au leader du gouvernement au Sénat. Comme je l'ai dit, cette version est caviardée. Je suppose que c'est une lettre privée, mais je me demande qui a donné l'ordre de l'écrire. Je doute que le vice-chef d'état-major de la Défense se soit dit un jour : « Je pense que je vais écrire au leader du gouvernement au Sénat. » Indépendamment du motif de la lettre, il s'agit là d'une communication privée du vice-chef d'état-major de la Défense adressée au leader du gouvernement au Sénat, qui a été distribuée à tous les médias écrits et électroniques du pays et a été largement diffusée sur Internet. Je me demande comment cela peut se faire et si cela aussi constitue ce que son gouvernement considère comme la façon normale de faire les choses.

Je vais poser la même question au sujet de la note d'hôtel, qui a été délivrée le 7 octobre, longtemps après le départ des sénateurs en cause. Cette note a elle aussi été distribuée à tous les médias du pays et a été publiée sur Internet. Elle a été obtenue par un membre de son cabinet et a depuis circulé, comme je l'ai dit, partout dans le pays.

Madame le ministre, comment est-ce possible? Nous ne pouvons que nous demander comment une communication privée que lui a adressée le vice-chef d'état-major de la Défense, une lettre et non un message électronique, est ainsi passée au domaine public.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur. Il a raison. J'ai cette lettre, et je serais heureuse de la déposer. Elle m'a été envoyée le 19 octobre et je l'ai fait circuler parce qu'elle n'est ni privée ni confidentielle. À ce moment, mon collègue avait posé la question de privilège au sujet des déplacements de ce comité particulier. Voilà pourquoi j'ai fait circuler la lettre. Je ne l'ai pas sollicitée. J'ai reçu la lettre, et j'ai supposé que le vice-chef d'état-major de la Défense me l'avait envoyée à cause de tout ce que les médias ont raconté à ce sujet.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : J'aurais été enchantée, une journée comme celle-ci, si la période des questions était télévisée.

Des voix : Bravo!

Des voix : Oh, oh!

Une voix : Faites attention aux vœux que vous faites!

Le sénateur LeBreton : Le fait est que j'ai reçu cette lettre et que je ne l'ai pas sollicitée. J'ai considéré que ce monsieur voulait rétablir les faits à cause de la désinformation faite par les médias à l'instigation de différentes personnes d'ici que je ne nommerai pas. Il m'a donc écrit. Ce n'est pas une lettre personnelle et confidentielle. Je l'ai fait photocopier et l'ai envoyée à mes collègues. Je serais heureuse de la déposer. Vous verrez que mon nom est là. Je ne l'ai pas caviardé. Je ne sais pas qui l'a fait. J'ai été très heureuse de recevoir cette lettre qui a éclairci plusieurs points.

Pour ce qui est de la note d'hôtel, je ne l'ai pas vue.

Le sénateur Banks : Madame le ministre est alors la seule au Canada dans ce cas.

(1420)

Le sénateur LeBreton : Il est évident que le sénateur est très susceptible au sujet de cette note. Je ne sais pas quel genre de détails s'y trouvent, mais je ne comprends pas l'intérêt qu'elle suscite. Le comité s'est rendu à Dubaï et ses membres ont logé à l'hôtel. Comme ils ont dépensé des fonds publics, les contribuables ont le droit de s'attendre à ce qu'ils soient adéquatement comptabilisés. Il me semble que personne au Sénat dont les activités sont irréprochables ne devrait s'inquiéter d'un examen public.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je note, avant de passer à la question suivante, que le sénateur Banks et madame le sénateur LeBreton ont tous deux dit qu'ils avaient l'intention de déposer un document.

Le sénateur Corbin : Nous pouvons faire cela plus tard, je crois. À la fin de la période des questions, pas maintenant.

L'honorable Colin Kenny : Est-ce que madame le leader du gouvernement au Sénat a demandé au ministre de la Défense de faire envoyer cette lettre par le vice-chef d'état-major de la Défense?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur surestime mes pouvoirs. Non, je ne l'ai pas fait.

Le sénateur Kenny : Est-ce donc le ministre de la Défense qui a demandé au vice-chef d'état-major de la Défense d'envoyer cette lettre?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur devrait peut-être poser cette question au ministre de la Défense.

Le sénateur Kenny : Le ministre de la Défense n'est pas ici. Est-ce que madame le leader veut bien prendre note de la question et dire ensuite au Sénat si une demande a été adressée par le cabinet du ministre au vice-chef d'état-major de la Défense?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, les militaires contrôlent très bien eux-mêmes leur correspondance, j'en suis sûre, mais je prends note de la question.

Le sénateur Kenny : Je vais reformuler la question : Le cabinet du ministre a-t-il demandé au vice-chef d'état-major de la Défense d'écrire cette lettre? Notez bien la question et apportez-nous la réponse.

Le sénateur LeBreton : J'aimerais bien que le sénateur Kenny pose ses questions sur un autre ton. Il n'est pas le seigneur et maître du Sénat. Je l'ai dit en public avec la plus grande sincérité, et je voudrais le répéter ici. Il est notoire au Sénat que le sénateur Kenny n'accepte pas qu'on lui dise non. J'ai dit que je n'avais rien à voir avec cette lettre. J'ai également dit au sénateur Kenny que je prenais note de sa question.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Madame le leader du gouvernement au Sénat dit qu'elle croit à la transparence, à l'ouverture et, bien entendu, à la responsabilité. Nous y croyons tous aussi. Elle dit qu'elle est fière d'être sénateur. Nous le sommes tous aussi. Nous croyons tous à l'intégrité de cette institution, mais cette institution a des procédures très claires et très rigoureuses pour garantir la responsabilité, l'ouverture et la transparence lorsqu'elle fait des dépenses. Cela étant, madame le leader du gouvernement au Sénat croit-elle qu'au lieu de demander au Comité de la régie interne et aux services administratifs du Sénat de vérifier le bien-fondé de certaines dépenses, il convient que des collaborateurs court- circuitent ce processus et aillent fouiner pour essayer de découvrir ce que des sénateurs ont fait dans l'exercice de leurs fonctions sénatoriales?

Pour le cas où madame le leader du gouvernement a des doutes quant à la rigueur des procédures administratives du Sénat, je voudrais lui dire qu'il m'est arrivé à plusieurs reprises de présenter de bonne foi des notes de frais en croyant que j'avais fait certaines dépenses dans l'exercice de mes fonctions. Nos services administratifs ont refusé de payer ces frais, que j'ai moi-même assumés bien entendu.

J'affirme donc que nous avons d'excellents services administratifs.(1425)

Qu'est-ce qui est acceptable? Comment le Sénat et les travaux qu'il mène peuvent-ils être traités avec justice, transparence et respect si des membres du personnel jouent aux espions?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je crois qu'il existe une procédure établie au Comité de la régie interne. De toute évidence, une audience complète a eu lieu ce matin, d'après ce qu'on m'a dit; je ne sais pas au juste à quelle heure elle s'est terminée. Je crois qu'il revient toujours au Comité de la régie interne de trancher cette question.

Je n'ai aucune leçon à recevoir de quiconque, en face, au sujet de la bonne conduite d'un sénateur. Je suis pleinement consciente de mes responsabilités. Je me suis conduite avec intégrité et honnêteté, et je n'ai de leçon à recevoir de personne, surtout pas des sénateurs d'en face.

Le sénateur Fraser : Ma question ne portait pas sur la conduite du leader du gouvernement. Elle avait trait à la conduite que doivent adopter les membres du personnel.

À mon avis, la plupart d'entre nous seraient ébranlés de découvrir que nos employés se mêlent de savoir comment d'autres sénateurs accomplissent leurs travaux, alors que ces travaux ont été dûment autorisés par des sous-comités, des comités et tous les sénateurs.

Le sénateur LeBreton : L'honorable sénateur fait une foule d'allégations au sujet des activités des membres de mon personnel. Comme je l'ai dit dans ma première réponse au sénateur Hays, j'ignorais si des faits examinés par le Comité de la régie interne étaient véridiques.

Nous, les sénateurs, sommes saisis de beaucoup de dossiers et nous sommes certes responsables de notre personnel. Je fais énormément confiance à mon très petit et très bon groupe d'employés. Je ne crois pas qu'on ait enfreint de quelque façon que ce soit les règles de transparence.

Comme je l'ai dit dans ma réponse précédente, j'attends les conclusions du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Comme dans le cas de tous les dossiers présentés au Sénat — et d'autres dossiers ont récemment été renvoyés au Comité de la régie interne — j'attends impatiemment les conclusions et les recommandations qui se dégageront des délibérations du comité. En fin de compte, toutes les questions que les sénateurs ont posées ici aujourd'hui portent sur le dossier dont le Comité de la régie interne est saisi et, autant que je sache, le comité n'a pas encore eu le temps de rendre une décision.

Le sénateur Fraser : En guise de dernière question complémentaire, est-ce que madame le leader du gouvernement au Sénat va lire le document qui a été déposé au Comité de la régie interne, et si elle conclut que, d'après des éléments de preuve raisonnables — et c'était une audience publique —, des membres du personnel ont estimé qu'il était approprié qu'ils fassent un travail de ce genre, l'honorable sénateur va-t-elle s'engager à établir un système de principes et de pratiques dans son bureau afin d'indiquer à tous les membres du personnel que cela n'est pas un comportement approprié?

Le sénateur LeBreton : Cette question ne mérite pas l'aumône d'une réponse.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je prends la parole pour présenter des excuses au Sénat. J'ai laissé échapper des mots qui étaient dépourvus de professionnalisme et qui n'étaient pas appropriés, et je souhaite présenter mes excuses à toute personne que j'ai offensée. Je vous remercie.(1430)

Le sénateur Banks : Honorables sénateurs, je demande la permission de déposer les documents dont j'ai parlé à la période des questions.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Lebreton : J'en fais autant.

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Sur ce point, honorables sénateurs, le sénateur Corbin avait raison. La pratique veut également qu'on ne fasse pas référence à des documents pendant la période des questions. Les sénateurs peuvent le faire au cours d'un débat.


[Français]

ORDRE DU JOUR

LES TRAVAUX DU SÉNAT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous procéderons aux «Affaires du gouvernement», le Sénat abordera les travaux en commençant par le point no 1, sous la rubrique «Rapports de comités», suivi par les autres points tels qu'ils apparaissent au Feuilleton.

[Traduction]

PROJET DE LOI FÉDÉRALE SUR LA RESPONSABILITÉ

RAPPORT DU COMITÉ—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à l'adoption du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2006;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Milne, appuyée par l'honorable sénateur Cook, que le quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ne soit pas maintenant adopté mais qu'il soit modifié, par adjonction, dans la version française, à l'amendement no 146a), après le mot « Commission, » de ce qui suit :

« ou le renouvellement de son mandat, ».

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-2, le projet de loi fédéral sur la responsabilité.

Ce fut à la fois un plaisir et un privilège de travailler en collaboration avec les sénateurs et d'entendre les commentaires des divers témoins qui ont comparu devant nous. Les membres du comité ont travaillé sans relâche, entendant le plus grand nombre de témoins possible pour réduire au minimum le nombre de conséquences imprévues. J'aimerais remercier le président du comité, ainsi que le sénateur Day et ses collègues, de s'être occupés de l'organisation du travail et d'avoir établi le calendrier de comparution des témoins lorsque les membres du comité avaient besoin de plus de renseignements pour fonder leurs décisions.

Comme bon nombre d'autres membres de ce comité, je souscris au but poursuivi dans ce projet de loi, c'est-à-dire renforcer la responsabilité et accroître la transparence. Malheureusement, même sans compter les fautes d'orthographe et de grammaire et les erreurs de traduction, le texte législatif qui nous a été transmis de l'autre endroit comportait de nombreuses lacunes. Le comité a proposé 156 amendements, dont 42 ont été apportés par le gouvernement. Les modifications proposées par le comité rendront ce projet de loi meilleur pour les Canadiens.

Les amendements proposés dont les honorables sénateurs sont saisis découlent de recommandations du comité à l'égard d'écarts observés entre le principe de responsabilité accrue qui a été énoncé et les effets réels de la mesure législative. Mon propos aujourd'hui, honorables sénateurs, est de souligner l'importance des modifications que contient le projet de loi, plus particulièrement en ce qui concerne le lobbying.

Le comité a entendu divers témoins représentant l'industrie du lobbying. Ceux-ci ont fait état de nombreuses préoccupations au sujet de la mesure législative et décrit en quoi des exigences accrues en matière de rapport, une période d'interdiction de cinq années et la communication de secrets industriels seront préjudiciables au lobbying. La pseudo-interdiction de faire du lobbying que le gouvernement tente d'imposer au moyen de ce projet de loi, en portant la durée de la période d'interdiction d'une année à cinq, invalide l'important rôle que jouent les lobbyistes dans le domaine public. De nombreux témoins ont qualifié cette période de cinq années d'interdiction pure et simple du lobbying. Selon l'honorable Joe Jordan, qui fait maintenant partie du groupe Capital Hill, cinq ans, « c'est trop long », ajoutant que l'on pourrait « imposer une interdiction totale de deux ans, mais [que] sauter jusqu'à cinq ans est sans commune mesure ».

Je soulève ce point parce qu'il ressort, à mon avis, non seulement de cette partie du projet de loi, mais également de bien d'autres, que, trop pressé d'agir, le gouvernement n'a pas pris le temps de bien comprendre la portée de ses actes. Les membres du comité ont respecté la décision du gouvernement quand à la durée de la période d'interdiction. Nous avons cependant formulé, dans notre rapport, de fortes réserves à cet égard, et nous souhaiterions que le gouvernement repense aux conséquences et à la durée de l'interdiction.

Je vous rappelle que les autres membres du comité et moi-même estimons que le gouvernement doit redonner confiance dans nos institutions, mais il doit, selon moi, se garder de réagir impulsivement au lieu d'examiner attentivement les questions et l'incidence de nouveaux règlements sur le gouvernement, sur le secteur privé et sur les Canadiens.

Les lobbyistes ont mauvaise presse depuis quelques années, et le lobbying est souvent perçu dans le domaine public comme une activité négative. Contrairement à ce que l'on croit généralement, les lobbyistes qui agissent pour le compte de leurs clients font souvent office d'éducateurs et ils savent se frayer un chemin dans le labyrinthe qu'est le Parlement afin d'attirer l'attention des parlementaires sur des questions qui touchent leurs clients, le gouvernement et le grand public.

Les gens qui défendent le monde agricole dans des dossiers concernant l'agriculture et intéressant surtout les régions rurales constituent un bel exemple de l'utilité des lobbyistes. Les citadins bien isolés du reste du monde que sont les politiciens d'Ottawa entendent rarement parler directement des difficultés des agriculteurs des régions rurales. Il est essentiel que ces derniers puissent compter sur des représentants qui comprennent les rouages de l'État et les méthodes permettant de communiquer avec les décideurs pour que l'appareil étatique soit bien informé.

Les lobbyistes ont une raison d'être essentielle. Cependant, leurs arguments ne devraient pas avoir priorité sur l'intérêt général. Voilà pourquoi il est nécessaire qu'une loi encadre les activités des lobbyistes, de manière à les contrôler et à obliger les gens qui cherchent à influencer les décideurs à agir publiquement plutôt qu'en secret.

Dans les dispositions du projet de loi C-2 traitant des activités des lobbyistes, le gouvernement a créé un régime de production de rapports qui est utile pour contrôler ces activités. Les nouvelles règles du jeu auront pour effet de réduire au minimum le nombre de lobbyistes non enregistrés, ce qui accroîtra la transparence. Les hauts fonctionnaires pourront vérifier si les lobbyistes sont enregistrés et débusquer les lobbyistes non enregistrés qui enfreignent la réglementation issue de la Loi sur le lobbying.

L'efficacité de cet article du projet de loi dépendra des pouvoirs et de l'argent qui seront accordés au commissaire au lobbying et à son personnel. Le pouvoir d'exiger de l'information de la part des hauts fonctionnaires ou des lobbyistes sera essentiel pour que l'on puisse tenir les gens qui enfreignent les règles responsables de leurs actes.

Le projet de loi C-2 prévoit ce qui suit :

Il est interdit d'entraver l'action du commissaire ou des personnes qui agissent en son nom ou sous son autorité dans l'exercice des attributions qui lui sont conférées en vertu de la présente loi.

Conformément aux amendements apportés par le comité, un lobbyiste qui décidera d'agir sans être enregistré et qui ignorera une interdiction prononcée par la commission commettra une infraction.

Quiconque omet de se conformer à l'interdiction [...] est coupable d'une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende maximale de 50 000 $.

À ces nouveaux pouvoirs se rattache la responsabilité de signaler les infractions lorsqu'elles se produiront. Conformément à ces amendements, le commissaire aura l'obligation de signaler au Parlement les infractions commises soit dans un rapport annuel, soit dans un rapport spécial.

Je crains notamment qu'à cause de ce projet de loi, l'argent actuellement accordé au commissaire ne suffise plus pour qu'il puisse s'acquitter de ses responsabilités. Je souligne à cet égard les témoignages de MM. Joe Jordan et Leo Duguay.

Il existe aujourd'hui de 4 700 à 5 000 lobbyistes enregistrés qui déclarent aujourd'hui leurs clients deux fois par an. Nous avons rencontré un représentant du commissariat qui nous a dit que le mécanisme allait devenir plus robuste. Ils vérifient les déclarations. Nous avions coutume de simplement changer le nom en haut de la feuille et de déclarer cinq personnes. Le commissariat fait son travail, ou s'y efforce, mais il manque de ressources.

Si vous allez maintenant exiger la déclaration des appels téléphoniques et des réunions, cela fera entre 300 000 et 400 000 déclarations par mois. Le gouvernement tient un registre. Songez à l'expérience passée. Je suis d'accord avec M. Duguay. Prenez le budget actuel de ce service et si vous ne leur demandez que de traiter la paperasse, multipliez par 30.

À titre d'information, le budget s'élève à 3,5 millions de dollars.

Si vous voulez en plus que le personnel analyse les déclarations et mène des enquêtes en cas de problème, multipliez par 50. Le budget est de 3,5 millions de dollars.

Je ne dis pas que les décisions de transparence doivent être tributaires du coût, je vous dis simplement de préparer votre chéquier, car cela va coûter cher.

(1440)

Je voudrais attirer l'attention des sénateurs sur la logistique de ce que nous nous employons à faire avec cette mesure. J'estime que le gouvernement doit examiner attentivement la façon dont les déclarations seront faites. Le budget actuel du commissaire au lobbying est de 3,5 millions de dollars pour les activités courantes, avec la possibilité d'obtenir des fonds supplémentaires. Le gouvernement doit déterminer ce à quoi il s'attend de cet organisme et le financer en conséquence. Il est fort probable que des circonstances imprévues feraient grimper les coûts. À l'inverse, si les fonds ne sont pas disponibles, nous aurons créé un ministère qui accumule la paperasse, mais qui n'a pas les ressources voulues pour s'occuper des actes répréhensibles.

À mon avis, les fonds prévus aux termes du mécanisme de déclaration pour les lobbyistes représentent un aspect sur lequel devrait absolument se pencher le gouvernement s'il veut vraiment garantir la responsabilité, et non simplement une apparence de responsabilité.

De plus, le comité sénatorial a reconnu les difficultés auxquelles sont aux prises les organismes sans but lucratif qui, avec un personnel et des budgets limités, auraient du mal à satisfaire aux exigences de déclaration prescrites aux termes du projet de loi C-2. Le comité a amendé le projet de loi en mettant sur un pied d'égalité les exigences de déclaration des organisations et des sociétés, de manière à ce que le processus soit plus uniforme et équitable pour tous les intéressés.

L'amendement que propose le comité sénatorial aura pour effet de conforter les pouvoirs du commissaire, d'éliminer des échappatoires ainsi que de clarifier et d'améliorer le libellé de tout le projet de loi. Il en résultera une mesure législative plus cohérente, qui garantira la déclaration d'actes répréhensibles et évitera des exigences de déclaration trop coûteuses qui pousseraient le lobbyisme dans la clandestinité.

Les amendements proposés par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles améliorent le projet de loi C-2. La mesure amendée fera en sorte que le gouvernement sera plus transparent et responsable envers tous. Merci.

Des voix : Bravo!

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir parler de cette mesure législative. La possibilité d'étudier ce projet de loi, de travailler avec autant d'ardeur que le comité l'a fait et de participer aux efforts visant à assurer l'efficacité de cette mesure a été une expérience très gratifiante. Je suis au Sénat depuis peu et je souhaite avoir bien d'autres occasions de ce genre. J'ai trouvé l'expérience exceptionnelle.

Je voudrais remercier et féliciter le sénateur Oliver pour le travail qu'il a fait en tant que président du comité. Certaines déclarations qu'il a faites au Sénat et ailleurs montrent clairement qu'il n'était peut-être pas entièrement d'accord pour que le comité prenne autant de temps pour étudier attentivement le projet de loi. Néanmoins, il est allé au-delà de ce point de vue et a géré le comité qui avait affaire à une série d'amendements complexes. Il mérite des félicitations pour cela.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Je tiens à souligner aussi le travail du sénateur Day, qui a fait preuve d'un esprit de leadership hors du commun en gérant les efforts déployés en grande partie par les sénateurs libéraux pour analyser ce projet de loi et proposer ce que je crois, et les Canadiens en conviendront également, être des amendements exceptionnellement bons à un projet de loi qui était manifestement mauvais.

Cela dit, il est évident qu'à l'autre endroit, le gouvernement n'est pas tout à fait convaincu que le projet de loi est mauvais et déploie tous les efforts possibles pour le nier en s'en prenant à nous, faute d'avoir les arguments rigoureux et concluants pour démontrer que le projet de loi n'est pas réellement mauvais.

Les déclarations du premier ministre m'ont déçu, car elles ont eu un effet destructeur sur cette institution, c'est-à-dire pas seulement le Sénat, mais le Parlement en général. Bien des gens ne font pas la différence entre les deux. Ses attaques contre notre crédibilité étaient non fondées et inutiles, et elles m'ont déçu.

Il était tout autant sinon encore plus décevant de constater que, dans une certaine mesure, madame le leader du gouvernement au Sénat soutenait ces attaques. Nous en avons été témoins encore aujourd'hui. D'une manière ou d'une autre, parce que, en vertu de la légitimité que lui accorde la Constitution, le Sénat exerce son devoir en procédant à un second examen objectif d'un projet de loi qui est si manifestement mauvais et qui nécessite ce second examen objectif, même le leader du gouvernement au Sénat a participé à une attaque contre cette institution.

Une attaque, lorsqu'elle est dirigée contre cette institution, est particulièrement débilitante et peut produire un effet particulièrement destructif sur sa crédibilité. À mon avis, nous devrions être déterminés, et non simplement disposés, à aller au-delà d'un tel comportement.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Je trouve le comportement de madame le leader du gouvernement au Sénat inapproprié. J'espère qu'elle n'en fera pas une habitude.

Ce qui est intéressant dans toute cette affaire, même si le premier ministre et les ministériels ne l'admettront pas, ni publiquement ni expressément, c'est qu'il y avait tant de graves défauts dans ce projet de loi qu'ils ont eux-mêmes proposé plus de 40 amendements.

Même si un sénateur s'est empressé de souligner qu'il s'agissait d'amendements de pure forme, un de ces amendements était fondamental puisqu'il apportait un éclaircissement relativement à un important groupe de personnes visées, ce groupe ayant été mal défini dans le projet de loi. Je fais allusion aux amendements qui remplacent le terme « titulaire de charge publique » par « titulaire de charge publique désignée ». D'après moi, c'est beaucoup plus qu'un amendement de forme. Il démontre à quel point le comité, et en particulier les sénateurs libéraux, était justifié de faire une étude aussi minutieuse du projet de loi.

J'ai été scandalisé d'apprendre cette semaine qu'un autre sénateur estime que ce n'est pas notre rôle de remettre en question les mesures législatives du gouvernement et de les modifier. C'est précisément notre rôle, et le projet de loi à l'étude est le parfait exemple de mesure pour laquelle nous devons jouer ce rôle.

Permettez-moi de montrer par des exemples à quel point la situation est nette. Non seulement il s'agit d'une mesure complexe qui touche et modifie un nombre impressionnant de lois, mais il y a aussi des indications claires qui en trahissent les imperfections.

D'abord, il y avait une incompatibilité flagrante dans les délais de prescription dans deux dispositions du projet de loi au sujet des conflits d'intérêts. À un endroit, on parle de deux ans et à l'autre de cinq. Comment concilier ces dispositions, à moins d'amender le projet de loi?

Le projet de loi prévoit la création d'un poste de vérificateur de l'approvisionnement. Dans ce cas, il devrait normalement lui accorder des pouvoirs de vérification. Or, il n'en est question nulle part.

En réalité, le projet de loi crée un poste d'ombudsman de l'approvisionnement. L'ombudsman peut poser des questions et se charger des plaintes formulées au sujet du processus d'approvisionnement. Naturellement, nous avons modifié le titre du poste pour qu'il reflète la réalité : ombudsman de l'approvisionnement.

Plus déconcertant encore, à propos du poste de vérificateur- ombudsman de l'approvisionnement, même si le gouvernement tient à une responsabilisation, à une ouverture et à une transparence véritables, le projet de loi aurait laissé au premier ministre le pouvoir de limiter la portée de la vérification de l'approvisionnement. Le premier ministre pouvait simplement dire qu'il ne voulait pas que le vérificateur-ombudsman fasse enquête dans un certain domaine.

De même, d'autres limites étaient imposées au vérificateur de l'approvisionnement : certes, il pouvait examiner les marchés — en réalité, c'est à peu près tout ce qu'il peut faire —, mais il n'aurait pas le pouvoir de les annuler. À quoi bon une fonction qui ne permet que de considérer, après le fait et peut-être sans avoir les attributions voulues, les domaines à étudier de près?

Le projet de loi traite du lobbying. Il limite et réglemente ce que peuvent faire les lobbyistes. Pourtant, il ne définit pas ce qu'un lobbyiste peut être.

Cette omission était flagrante à l'égard de la National Citizens Coalition. Y a-t-il un sénateur ici présent qui croit que la National Citizens Coalition n'est pas une organisation de lobbying? Bien sûr qu'elle l'est. Chose étrange, ce groupe a refusé de comparaître devant le comité.

Non seulement il est clair que l'organisation est un groupe de lobbying qui essaie d'influencer la politique d'intérêt public dans une optique particulière, mais nous n'avons pas la moindre idée de ceux qui y contribuent en profitant de déductions à titre de contribuables. Nous ne savons pas qui paie cette coalition pour faire du lobbying, et le projet de loi C-2 n'exige pas qu'elle soit enregistrée. S'il y a jamais eu un groupe de lobbying qui devrait être enregistré comme tel, c'est bien la National Citizens Coalition. Coïncidence peut-être, je l'ignore, mais le premier ministre a été président de ce groupe.

(1450)

Honorables sénateurs, je voudrais attirer l'attention sur certaines améliorations. On a fait grand cas des réductions proposées dans le financement des partis et de notre initiative visant à contrôler le gouvernement, qui ramène les limites de 5 200 $ à 1 000 $. L'amendement que nous proposons les porte à 2 000 $. Le gouvernement n'en prend pas peu ombrage.

Si je puis me permettre d'exprimer mon opinion, les partis politiques au Canada, même si certains leur font une mauvaise réputation, jouent comme institutions un rôle d'une exceptionnelle importance dans notre système parlementaire, qui est une réussite. J'ai affirmé à quelques reprises ici même que le système parlementaire canadien était aujourd'hui le meilleur régime de gouvernement sur terre. Son succès tient à un certain nombre de raisons, dont l'une est qu'il est pourvu de nombreux mécanismes permettant de dégager des consensus, de prendre des décisions fondées sur le consensus, ce qui rend l'évolution possible, mais écarte tout changement précipité de notre régime démocratique. Les démocraties qui évoluent de la sorte connaissent le succès. Toutefois, si le gouvernement réduit trop le financement des partis politiques, ceux-ci pourront difficilement participer à l'important débat sur la politique d'intérêt public, au débat politique démocratique.

Chose curieuse, une fois de plus, alors que le projet de loi imposerait ces limites, la National Citizens Coalition peut recueillir des fonds tant qu'elle le veut et dépenser à profusion. Elle est soumise à de légères restrictions pendant les élections, mais pendant les longues années qui séparent les élections, elle peut dépenser sans compter, installer des panneaux à tous les coins de rue au Canada, sans restriction aucune, et participer pleinement au débat démocratique sur la politique d'intérêt public. Par contre, le gouvernement, en imposant des limites, voudrait que les partis politiques ne puissent faire de même.

Le sénateur Austin : Très bien dit.

Le sénateur Mitchell : Nous avons donc proposé une augmentation du financement prévu dans le projet de loi C-2, mais pas pour une raison partisane particulière. L'augmentation proposée vaudrait pour tous les partis, y compris les petits partis. Il est essentiel, dans le processus politique, que nous laissions les partis politiques fonctionner de façon correcte et satisfaisante.

Je dois ajouter que je m'indigne du fait qu'une grande partie des mesures prévues dans le projet de loi, et notamment dans cette partie-ci, reposent sur une méfiance fondamentale que le gouvernement conservateur semble éprouver à l'égard du processus politique et de ceux qui y participent. Cela tient peut- être à l'expérience qu'on vit dans le Parti conservateur. D'après mes propres observations, presque tous ceux qui participent au processus politique sont soucieux de faire ce qui est juste et bien et de faire progresser notre pays. Je m'indigne devant le fait que le projet de loi repose de façon aussi fondamentale sur la méfiance à l'égard de ceux qui se donnent la peine de participer au processus politique.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Je ne suis pas étonné, honorables sénateurs, de voir que le gouvernement est si susceptible au sujet de cette partie du projet de loi. Sa susceptibilité à ce propos tient peut-être au fait qu'il a de graves difficultés avec le directeur général des élections parce qu'il n'a pas comptabilisé correctement les frais des délégués à son congrès.

Le sénateur Nolin a déclaré sur un ton assez agressif que les contribuables canadiens ne devraient pas avoir à financer les congrès. Je ne suis pas d'accord, honorables sénateurs. Si les méthodes du Parti conservateur étaient adoptées, on pourrait organiser un congrès de 2 millions de dollars sans que personne, à part les agents de financement et les collecteurs de fonds du Parti conservateur, n'ait la moindre idée de la provenance de l'argent. Autrement dit, si les frais de participation des délégués ne sont pas inscrits comme contributions politiques aux termes des lois applicables, personne ne saurait qui a financé le congrès.

Le sénateur LeBreton : Nous l'avons financé nous-mêmes.

Le sénateur Mitchell : Quelles sociétés l'ont financé? Honorables sénateurs, nous ne connaissons toujours pas l'identité de la majorité des gens qui ont financé le premier congrès d'investiture du premier ministre. Nous ne connaissons toujours pas l'identité de la majorité des gens qui ont financé le congrès d'investiture du ministre des Affaires étrangères.

Comment savoir, honorables sénateurs, quelles sociétés vont profiter du fait que le gouvernement n'a pas de politique environnementale? Les sociétés qui en profitent ont peut-être contribué au financement de la première course à la direction du premier ministre. Je peux comprendre les raisons pour lesquelles le gouvernement est tellement susceptible à cet égard et pourquoi il cherche à détourner l'attention en prétendant que les libéraux proposent, à tort ou sans nécessité, de majorer les limites réduites prévues dans le projet de loi C-2. Honorables sénateurs, rien n'est plus opportun que notre tentative de modifier les limites réduites du projet de loi C-2. Nous devons rendre le processus politique plus équitable et plus ouvert et permettre aux gens de participer comme ils devraient pouvoir le faire dans une démocratie bien constituée.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, permettez-moi d'ajouter que je suis vraiment déçu face aux attaques politiques gratuites selon lesquelles les libéraux veulent retarder l'adoption de ce projet de loi pour une raison liée à notre course à la direction. Parlons donc d'équité.

Tout d'abord, les petits partis politiques, qui en sont au stade où était le Parti réformiste en 1988 ou 1989 et qui ont besoin d'aide pour que le processus démocratique fonctionne convenablement, ont dit qu'il serait compliqué, difficile et destructeur pour eux d'évaluer rétroactivement les effets de ce projet de loi, si cela devait se faire ainsi.

En parlant d'équité, considérons l'exemple suivant. Si une personne avait fait une contribution de 6 $ au Parti libéral au début de cette année, en se basant sur une limite de 5 200 $, elle ne pourrait pas assister au congrès d'investiture aux termes du projet de loi C-2 dans sa forme actuelle. Cette personne serait privée de son droit de représentation parce qu'elle aurait à payer 995 $, mais ne disposerait que d'un solde de contribution de 994 $. Même le plus partisan des sénateurs — et il y en a beaucoup du côté des conservateurs — admettrait que ce serait injuste.

Le vérificateur de l'approvisionnement...

Son Honneur le Président : Le sénateur Mitchell demande-t-il une prolongation de son temps de parole?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : J'ai mentionné plus tôt le vérificateur de l'approvisionnement. De toute évidence, ce n'est pas un vérificateur. Un vérificateur doit être investi de pouvoirs de vérification, ce que ne lui confère pas le projet de loi. Nous avons proposé de remplacer ce titre par ombudsman, parce que le rôle de cette personne consistera à répondre aux plaintes présentées par des entrepreneurs au sujet des marchés publics.

On pourrait soutenir que cette mesure ne fait qu'alourdir sans nécessité une bureaucratie déjà très coûteuse. L'année dernière, les 416 000 marchés publics attribués ont donné lieu à 50 plaintes dont 10 ont été jugées fondées par un tribunal extérieur. Qui sait combien d'argent les conservateurs consacreront à cette mesure? Ce sont les mêmes conservateurs qui veulent réduire la bureaucratie et consacrer moins d'argent à l'administration publique. Ils n'ont même pas un budget. Ils n'ont pas la moindre idée de ce que cela coûtera. Nous voulons donner à cette fonction le titre qu'elle mérite, qui est celui d'ombudsman. De plus, nous veillerons à ce que le premier ministre n'ait pas les pleins pouvoirs pour ce qui est de limiter les fonctions de ce poste. Nous veillerons à ce que le titulaire dispose des pouvoirs nécessaires pour faire ce qui est attendu de lui. S'il découvre un problème, il doit pouvoir annuler le marché.

Enfin, nommer un directeur parlementaire du budget n'est pas une mauvaise idée. Avant de conclure, je voudrais dire que l'idée est très louable et que nous l'appuyons. Nous voulons cependant qu'elle fonctionne. Avoir un directeur parlementaire du budget, c'est très bien. Le problème, encore une fois, c'est que le gouvernement souffre d'un conflit approche-évitement : il veut bien le faire, mais il en a peur. En vertu du projet de loi C-2, le directeur parlementaire du budget sera fortement influencé par le gouvernement plutôt que par l'ensemble du Parlement. En vertu du projet de loi, la participation de l'opposition des deux Chambres au choix du directeur serait limitée. De plus, les fonctionnaires des ministères auxquels le directeur pourrait demander des renseignements peuvent les lui fournir à leur convenance. Si l'objet est de nommer un directeur parlementaire du budget qui peut agir avec objectivité et indépendance, il doit être investi du pouvoir d'obtenir les renseignements nécessaires et ne doit pas pouvoir être éconduit par un ministère ou un ministre qui juge que ses demandes ne lui conviennent pas.

Je passe en dernier lieu à la question de la Commission canadienne du blé. C'est un aspect vraiment très sournois. En vertu du projet de loi, la Commission canadienne du blé sera assujettie à la Loi sur l'accès à l'information. Ce n'est qu'un prétexte pour rendre la commission vulnérable à la concurrence. En effet, la communication de certains de ses renseignements assurerait un avantage concurrentiel à des sociétés internationales ou à des multinationales américaines qui voudraient l'affaiblir. Pourquoi ne pas tenir un vrai vote, puis voir ce qui arrivera à la commission? La réponse, honorables sénateurs, c'est que la commission sera appuyée par les agriculteurs de l'Ouest. Voilà pourquoi, et le gouvernement le craint.

Merci beaucoup, honorables sénateurs, de votre attention et du temps de parole supplémentaire que vous m'avez accordé.

(1500)

L'honorable Gerry St. Germain : L'honorable sénateur de l'Alberta est très jeune; je n'arrive pas à croire qu'il perd la mémoire. Il se demande pourquoi nous nous penchons sur la responsabilisation au Canada. A-t-il oublié? Hier, je crois, marquait le premier anniversaire de la parution du rapport Gomery, qui a déclenché le débat sur la responsabilisation.

Qu'ont dit les Canadiens aux dernières élections, honorables sénateurs? Ils ont dit qu'il était temps que ça change. Je suis d'accord avec eux. Je ne peux pas croire qu'un sénateur prenne la parole pour émettre des doutes concernant la pertinence de la loi fédérale sur la responsabilité. Peut-être y a-t-il lieu de remettre en question le projet de loi et peut-être y a-t-il de bonnes raisons d'apporter des amendements. Cependant, il est tout à fait incroyable que le sénateur accuse l'autre côté, qui a vu tout le scandale éclater sous ses yeux juste avant les dernières élections. Comment peut-il, en tant que membre de cette assemblée, occulter cette partie de l'histoire du Canada — la partie la plus sombre, à mon avis — qui a été attribuée totalement au Parti libéral?

Le sénateur Mitchell : Premièrement, parlant de la Commission Gomery, comment se fait-il que le juge Gomery lui-même a déclaré qu'aucun des éléments du projet de loi ne donnait suite à ses recommandations? N'est-ce pas ironique?

Deuxièmement, oui, la population canadienne exigeait que nous rendions des comptes. Elle nous a tenus responsables. Le gouvernement actuel oublie que la responsabilité envers l'électorat est un élément prépondérant de notre processus démocratique.

Les Canadiens ne vivent pas dans le passé. Je ne sais combien de fois je dois écouter ces gens, qui devraient dire fièrement : « Nous avons une idée pour remédier à tel ou tel problème ». Au lieu de cela, ils restent dans le passé et nous disent ce que nous avons fait de mal, sans offrir de solutions pour faire mieux.

Troisièmement — et ce point vaut la peine d'être entendu —, le premier ministre a dit aux fonctionnaires : « Ce n'était pas de votre faute. » Bien sûr, les libéraux ne sont plus au pouvoir. Nous n'avons plus besoin d'être censurés. Qui reste-t-il? Il reste le gouvernement et, manifestement, il ne se fait pas confiance.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

LE SÉNAT

PRÉSENTATION DES NOUVEAUX PAGES

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je voudrais vous présenter trois nouveaux pages qui travailleront avec nous cette année.

[Français]

Premièrement, Stéphane von Rhyn, qui est né à Zürich, en Suisse. Après y avoir vécu pendant deux ans, il a déménagé au Canada avec sa famille. Enfant très actif, il a pratiqué une multitude de sports, en plus d'avoir joué plusieurs années du piano. Il entame sa deuxième année à la faculté du commerce et se spécialise en comptabilité. Il se dit très honoré d'avoir été choisi pour servir le Sénat du Canada.

[Traduction]

Deuxièmement, Colleen Leminski est née à New Westminster, en Colombie-Britannique, et elle a grandi à Nepean, en Ontario. En juin 2006, Colleen a participé au Programme de stages parlementaires Canada-Washington et elle s'est rendue dans la capitale américaine pour travailler avec un sénateur au Capitole. Colleen est maintenant inscrite en quatrième année du programme de psychologie de l'Université d'Ottawa.

Enfin, Valerie Tso est née et a grandi à Toronto, en Ontario. Pendant ses années de formation, Valerie a cultivé son intérêt pour le chant et le français. En 2005, à l'occasion du concours de français de l'OMLTA, ouvert à toute la région de Toronto, Valerie s'est classée deuxième et elle a mérité la première place pour la composition écrite. Valerie étudie actuellement à l'Université d'Ottawa, en deuxième année du programme de psychologie.

Honorables sénateurs, je suis également ravi de présenter un page de la Chambre des communes qui a participé à l'échange de pages de la semaine dernière. Il s'agit de Tessa Button, de Surrey, en Colombie-Britannique, qui est inscrite à la faculté des arts de l'Université d'Ottawa, avec spécialisation en anglais.

PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES PHARES PATRIMONIAUX

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carney, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Murray, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux.—(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, hier, j'ai appuyé la motion de deuxième lecture du projet de loi S-220. Comme cela a été mentionné, il s'agit d'un projet de loi dont nous sommes saisis pour la sixième fois. L'urgence et l'opportunité de la question me paraissent évidentes. Y a-t-il un délai précis pour le renvoi du projet de loi au comité? Hier, j'ai entendu le sénateur libéral, le sénateur Munson, déclarer qu'il réservait ses commentaires pour la troisième lecture. Je me demande si la deuxième lecture et le renvoi au comité seront retardés très longtemps.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Non, le délai ne devrait pas être très long. De ce côté-ci, nous suivons habituellement la même procédure interne chaque fois nous sommes saisis de projets de loi d'initiative parlementaire. Nous demandons l'avis des ministres concernés, puis nous chargeons l'un d'entre nous de parler du projet de loi.

Nous suivons un processus légitime. Nous ne retardons pas l'adoption des projets de loi indûment. Il est vrai que ce projet de loi a déjà été présenté lors de législatures précédentes, mais cela ne signifie pas que le nouveau Parlement doive automatiquement adopter tous les projets de loi qui ont été présentés lors de la dernière législature. Chaque Parlement aborde ces projets de loi d'une manière qui lui est propre, et le Parlement actuel n'est pas différent des autres.

Le sénateur Murray : Pour ce qui est de faire intervenir l'un des partisans du gouvernement au sujet du projet de loi, c'est-à-dire l'un des membres du caucus de mon collègue, je voulais simplement rappeler au leader adjoint que le projet de loi a été parrainé par madame le sénateur Carney. J'aimerais seulement confirmer qu'il la considère toujours comme l'une de ses collègues.

Le sénateur Comeau : Nous traitons tous nos collègues de la même manière, comme ce devrait être le cas, et cela vaut aussi pour les anciens membres de notre caucus qui nous appuyaient auparavant. Malgré ce que pense le futur leader des libéraux, nous examinons très attentivement tous les projets de loi d'initiative parlementaire, comme nous nous devons de le faire. Le sénateur Murray doit savoir que je suis originaire d'une région qui s'intéresse beaucoup aux phares. L'un de nos phares les plus renommés, celui du cap Forchu, est situé non loin de mon domicile de Yarmouth. Je suis très attaché à ce phare. J'habite à proximité de nombreux phares, même si nous en avons perdu certains. J'attache une énorme importance à ce projet de loi, comme tous les gens de la côte Ouest et de la côte Est et, j'en suis sûr, comme beaucoup de gens qui ne vivent pas sur les côtes.

(1510)

Le sénateur Murray : Je terminerai en disant que mon phare préféré, qui était situé au nord du Cap-Breton, se trouve maintenant ici, sur le boulevard Saint-Laurent, au Musée des sciences et de la technologie du Canada. J'espère que le phare de mon collègue ne subira pas le même sort, mais pour cela, il faudra adopter le projet de loi.

L'honorable Jack Austin : J'aimerais demander au leader adjoint si le gouvernement a l'intention d'appuyer le projet de loi C-220.

Le sénateur Comeau : Une fois qu'il aura franchi l'étude au Sénat et qu'il aura été renvoyé à un comité, nous tenterons de savoir si le gouvernement actuel appuie le projet de loi. C'est à ce moment que nous le saurons. C'est ainsi que nous procédons.

Le sénateur Austin : Honorables sénateurs, il serait très utile pour cette assemblée et pour ceux qui s'intéressent aux phares de savoir que le gouvernement appuie ce projet de loi, du moins en principe, pour que nous puissions nous appliquer à la tâche.

Le sénateur Comeau : Ce genre de question, à savoir si le ministre actuel appuie le principe du projet de loi, peut être abordé au comité. Nous suivons le processus et nous ne précipitons pas l'étude des projets de loi, car...

Le sénateur Mercer : Oh, nous pouvons prendre notre temps?

Le sénateur Comeau : Le sénateur Mercer voudrait-il répondre à la question ou voudrait-il entendre ce que j'ai à dire?

Ce projet de loi sera traité avec tout le respect qu'il mérite, comme je l'ai indiqué au sénateur Murray il y a quelques minutes. Je crois que ce projet de loi a beaucoup de potentiel.

Le sénateur Austin : Je tiens à confirmer, honorables sénateurs, que, conformément aux observations du sénateur Murray, l'impatience dont peut faire preuve madame le sénateur Carney à l'égard de tout dossier est bien connue non seulement de ses anciens collègues d'en face et de ses collègues actuels du côté de l'opposition, mais aussi des sénateurs de la Colombie-Britannique de ce côté-ci.

Le sénateur Comeau : Le sénateur Austin, a signalé, je crois, une réalité dont sont conscients bien des gens dans cette assemblée.

Son Honneur le Président : Y a-t-il consentement pour que le débat soit ajourné au nom du sénateur Comeau?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Français]

LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants).—(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, la protection des enfants est une question très importante pour tous les Canadiens et les Canadiennes, et c'est pourquoi il convient que nous débattions ce projet de loi en profondeur. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LES SOURCES D'EAU POTABLE

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-208, Loi exigeant que le ministre de l'Environnement crée, en collaboration avec les provinces, une agence habilitée à définir et à protéger les bassins hydrographiques du Canada qui seront les sources d'eau potable des générations futures.—(L'honorable sénateur Comeau)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, la protection des bassins hydrographiques du Canada, qui sont une source d'eau potable pour des générations à venir, est un sujet très important pour tous les Canadiens et les Canadiennes, et c'est pourquoi ce projet de loi doit être débattu en profondeur en y portant toute notre attention. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LA JOURNÉE NATIONALE DE LA PHILANTHROPIE

DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi instituant la Journée nationale de la philanthropie.—(L'honorable sénateur Prud'homme, C.P.)

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, comme je suis président d'un organisme de bienfaisance et que j'ai travaillé toute ma vie dans ce domaine, je crois que ce projet de loi est louable. Je prévoyais prendre la parole sur ce projet de loi après le sénateur Prud'homme. Je constate que cette question doit être rayée du Feuilleton demain. J'aimerais donc demander l'ajournement du débat et garder mon temps de parole pour la semaine prochaine puisque j'ai l'intention d'intervenir à ce sujet à ce moment.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

[Français]

LA LOI SUR L'IMMUNITÉ DES ÉTATS LE CODE CRIMINEL

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l'honorable sénateur Meighen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-218, Loi modifiant la Loi sur l'immunité des États et le Code criminel (recours civils des victimes d'actes terroristes).—(L'honorable sénateur Meighen)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous parler du projet de loi d'initiative parlementaire S-218, déposé par le sénateur Tkachuk en juin dernier.

Permettez-moi d'abord de remercier notre collègue pour tout le travail qu'il a accompli en vue de porter l'attention du Sénat sur son projet de loi et de faire valoir sa conviction que cette mesure législative est tout à fait nécessaire.

Ce n'est pas la première fois que le sénateur Tkachuk dépose un projet de loi comme celui-ci. Au printemps 2005, il avait déposé le projet de loi S-35 qui, malgré les différences qu'il contenait par rapport au projet de loi S-218, se donnait sensiblement le même objectif : défendre les droits des victimes et leur permettre de poursuivre les personnes qui se livrent à des activités terroristes.

Ses efforts commencent à porter fruit, et il nous rappelle sans cesse les bienfaits de cette mesure législative. Deux projets de loi semblables sont actuellement inscrits au Feuilleton de l'autre endroit : l'un au nom du député libéral Susan Caddis et l'autre au nom du député conservateur Nina Grewal.

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a en outre publié un rapport provisoire le 3 octobre, assorti de recommandations visant à éliminer les échappatoires qui permettent le blanchiment d'argent, et dont l'application pourrait contribuer à resserrer l'étau autour des fonds dans lesquels les terroristes pourraient puiser pour financer leurs activités.

La pertinence d'adopter des mesures pour tarir les sources de financement utilisées par les terroristes, et pour venir en aide aux victimes du terrorisme, fait de toute évidence l'unanimité chez les parlementaires. J'espère que ce consensus se traduira par des solutions législatives qui seront bénéfiques aux Canadiennes et aux Canadiens.

Dans son discours au Sénat, le 22 juin dernier, le sénateur Tkachuk a donné le contexte à l'origine du dépôt de ces projets de loi. Comme il l'a fort bien expliqué en citant à l'appui une déclaration de David Hayer, député de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, le terrorisme est un problème omniprésent qui nous touche tous d'une façon ou d'une autre.

Le sénateur Tkachuk a aussi souligné que, en février 2002, le Canada avait ratifié la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme en adhérant à la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l'ONU. Comme le précisait le sénateur :

[...] l'article 2 de la convention oblige le Canada, en tant que signataire, à prendre les mesures nécessaires pour toute personne qui, par quelque moyen que ce soit, directement on indirectement, illicitement et délibérément, fournit ou réunit des fonds dans l'intention de les voir utilisés ou en sachant qu'ils seront utilisés, en tout ou en partie, en vue de commettre une infraction.

La réalité est bien simple : nous ne pouvons échapper au terrorisme. Nous avons l'obligation de faire tout en notre pouvoir pour tarir les fonds dont se servent les terroristes pour financer leurs activités.

Permettez-moi ici une petite digression, simplement pour vous donner une idée de l'importance des sommes d'argent utilisées par les terroristes.

(1520)

Entre 2004 et 2005, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, a retracé quelque 180 millions de dollars de transactions pouvant être liées à des activités terroristes.

L'objectif de la présente mesure législative est de faire en sorte que les fonds, plutôt que de servir aux terroristes, profitent plutôt aux victimes des activités terroristes. Le projet de loi propose essentiellement deux modifications à cette fin. D'abord, il modifie la Loi sur l'immunité des États, adoptée en 1982, pour empêcher les États étrangers qui se livrent à des activités terroristes de bénéficier de l'immunité devant les tribunaux du Canada. C'est là un changement radical par rapport au libellé actuel de la loi. En effet, les États étrangers ne peuvent être poursuivis qu'en cas de bris de contrat commercial. Toutefois, ils jouissent de l'immunité en matière de responsabilité civile.

La modification proposée dans le projet de loi S-218 n'a rien de vraiment innovateur. La U.S. Terrorism Risk Insurance Act, par exemple, prévoit la mise en place d'un système d'indemnisation public et privé à frais partagés pour les pertes assurées découlant d'actes de terrorisme. Il existe des exemples de causes où des Américains ont poursuivi un État en raison d'activités terroristes.

Le sénateur Tkachuk nous a rappelé :

Quand le gouvernement du Canada a pris conscience des dommages auxquels sont exposés les Canadiens en raison du bris de contrats commerciaux, il s'est assuré que la Loi sur l'immunité des États ne garantisse pas l'immunité absolue relativement aux activités commerciales. Il faut faire la même chose pour contrer, de nos jours, les activités terroristes appuyées par les États, afin d'empêcher ceux qui se livrent à de telles activités de réclamer l'immunité pour se soustraire aux tribunaux canadiens.

Le débat sur ce projet de loi sera utile puisqu'il va nous aider à mieux saisir l'ampleur des préjudices subis par les Canadiens en raison des activités terroristes menées avec l'appui des États. En modifiant la loi, nous pouvons mettre fin à ces activités.

Par ailleurs, le projet de loi S-218 modifie le Code criminel afin que les personnes ayant subi des pertes ou des dommages, par suite d'une activité terroriste érigée en infraction par cette loi, disposent d'un recours civil contre la personne qui s'est livrée à l'activité terroriste.

À cet égard, il existe aussi un précédent ailleurs. Par exemple, la Colombie-Britannique, l'Ontario, le Manitoba et l'Alberta ont proposé l'adoption de mesures législatives pour reconnaître à leur gouvernement le droit de saisir le fruit des activités criminelles. La Colombie-Britannique autorisera la conversion de ces biens en fonds pour indemniser les victimes d'actes criminels.

Conformément à notre Code criminel, le tribunal peut ordonner à un contrevenant d'indemniser une victime. L'article 737 du Code autorise aussi l'imposition d'une « suramende compensatoire » à titre de peine supplémentaire. Cette suramende est versée dans un fonds, dans une province ou un territoire donné, et ce fonds sert à venir en aide aux victimes d'actes criminels.

L'application du projet de loi S-218 est « rétroactive ». Elle ne modifie pas les conséquences juridiques d'une situation passée, mais elle modifie les conséquences juridiques futures de cette même situation. Ainsi, il sera possible pour une victime d'un attentat terroriste comme celui du 11 septembre 2001 d'intenter une poursuite.

En outre, je souligne que ce projet de loi est conforme à l'engagement du gouvernement à l'égard de la réduction de la criminalité et de l'appui aux victimes d'actes criminels. Le projet de loi S-218 mérite une plus ample réflexion. Il est difficile d'être en désaccord avec ses principes sous-jacents, à savoir qu'il faut aider les victimes de terrorisme et faire échec à ceux qui commettent ces crimes odieux.

J'exhorte les honorables sénateurs à renvoyer sans tarder le projet de loi S-218 au comité pour étude. Nous voulons que justice soit faite. Nous voulons faire tout en notre pouvoir pour étouffer dans l'œuf ces activités terroristes. Nous voulons nous acquitter de notre obligation en vertu de la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme.

Le projet de loi S-218 nous donne un moyen de protéger la population du Canada et de respecter nos obligations. Il nous faut agir dès aujourd'hui. Nous le devons aux Canadiens et aux Canadiennes. Pour ces raisons, j'appuie fortement le projet de loi du sénateur Tkachuk.

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, je tiens tout d'abord à féliciter le sénateur Comeau de son exposé. Il ne me reste pas grand-chose à ajouter, à part exprimer mon appui au projet de loi S-218.

[Traduction]

En effet, pendant la dernière session, j'ai appuyé un projet de loi semblable, le projet de loi S-35, qui n'a malheureusement jamais vu le jour et est mort au Feuilleton.

La dernière fois que j'ai parlé de cette question, c'était à peine deux semaines après les attaques terroristes du 7 juillet 2005, à Londres. Le 16 septembre dernier, nous avons eu une nouvelle preuve que le terrorisme demeure une menace pour notre société quand un Canadien a perdu la vie en Thaïlande. Des séparatistes avaient fait exploser des bombes à l'extérieur de deux centres commerciaux, un hôtel, un bar et un cinéma, tuant des civils innocents. Dans cette nouvelle ère de terrorisme mondial, de telles attaques continuent de menacer les Canadiens et les pays qui partagent la même idéologie.

[Français]

Honorables sénateurs, lorsqu'un incident se produit, ce ne sont pas seulement les victimes du terrorisme qui souffrent. Lorsque les Canadiens subissent les conséquences d'une activité terroriste, leurs familles, leurs amis et le Canada dans son ensemble les subissent aussi.

Les familles et amis des 154 Canadiens tués dans l'explosion de l'appareil d'Air India et les Canadiens d'un océan à l'autre continuent de pleurer leur perte. Tous ceux et celles qui les ont connus n'oublieront jamais non plus les Canadiens qui ont perdu la vie le 11 septembre 2001.

[Traduction]

Les Canadiens ont besoin d'avoir les moyens nécessaires pour poursuivre en justice ceux qui appuient le terrorisme. À cause de la Loi sur l'immunité des États, les victimes du terrorisme et les survivants n'ont pas les moyens d'exiger que les États étrangers rendent des comptes pour avoir appuyé l'assassinat de Canadiens innocents. À l'heure actuelle, la Loi sur l'immunité des États permet aux Canadiens de tenir responsables les États étrangers qui contreviennent à des contrats commerciaux. Cette disposition n'a pas toujours existé. Pourtant, la loi a été modifiée et modernisée afin de fournir les outils nécessaires pour lutter contre la violation de contrat. Comme je l'ai déjà dit, il est temps de faire évoluer encore une fois la Loi sur l'immunité des États afin de faire face à la menace sans cesse croissante du terrorisme pour nos concitoyens.

Les Canadiens ont le droit d'exiger que les États étrangers qui financent des activités terroristes rendent des comptes. Les États qui abritent des groupes terroristes ou qui leur permettent de s'entraîner sur leur territoire ne devraient plus être protégés contre les conséquences de leurs actes.

Le projet de loi S-218 enverra un message clair à l'ensemble de la communauté internationale, à savoir que le Canada ne tolère pas le terrorisme financé par l'État.

Le projet de loi S-218 est une amélioration par rapport à l'ancien projet de loi S-35. J'appuie ces changements mineurs, mais très significatifs. Par exemple, le délai de prescription suivant une attaque terroriste est suspendu pendant la période au cours de laquelle la victime est incapable d'intenter une action. Les facteurs tels que les blessures physiques, mentales ou psychologiques ainsi que l'incapacité d'identifier les responsables n'entraveront donc pas la marche de la justice.

On accordera pleine foi et crédit aux décisions des tribunaux étrangers favorables à une victime d'activité terroriste interdite par le Code criminel. Ces changements font du projet de loi S-218 un outil encore plus puissant pour ceux qui réclament justice.

Honorables sénateurs, nous livrons une guerre d'un nouveau genre. Les Canadiens ont besoin des outils nécessaires pour que ceux qui appuient le terrorisme soient tenus de rendre des comptes. À l'heure actuelle, les lois de notre pays empêchent que justice soit faite.

(1530)

[Français]

J'encourage tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi S-218. Le Canada doit envoyer au monde un message sans équivoque, à savoir que nous ne tolérerons pas les gestes des États étrangers qui sont favorables au terrorisme. Ce message, le projet de loi S-218 l'exprime clairement et je vous demande de l'appuyer.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je signale que si le sénateur Tkachuk prend la parole maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Grafstein ainsi que mes collègues d'en face et ceux de ce côté-ci qui ont appuyé ce projet de loi. Je remercie également les sénateurs Meighen et Comeau, qui siègent de ce côté-ci, d'être intervenus en faveur du projet de loi S-218.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL SUR LA MOTION D'AMENDEMENT—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat (motion de modifier la Constitution du Canada (la représentation des provinces de l'Ouest au Sénat), sans amendement, mais avec des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2006.—(L'honorable sénateur Hays)

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je propose l'adoption de ce rapport.

[Français]

Honorables sénateurs, nous examinons aujourd'hui le deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat, soit le rapport traitant de la motion Murray-Austin, qui propose d'augmenter la représentation sénatoriale dans les provinces de l'Ouest.

[Traduction]

Honorables sénateurs, même si vous connaissez bien la motion Murray-Austin, du moins je le suppose, puisque notre rapport figure au Feuilleton depuis quelques jours, je vais expliquer clairement sur quelles dispositions de la Constitution il porte et quel sera, à mon avis, l'effet de la motion si elle était adoptée par le Sénat.

Le paragraphe 38(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 énonce la procédure générale de modification de la Constitution canadienne. Cet article exige que les assemblées législatives d'au moins les deux tiers des provinces, ou sept provinces représentant 50 p. 100 de la population, ainsi que le Sénat et la Chambre des communes, adoptent des résolutions autorisant les modifications comme celle que propose la motion Murray-Austin motion.

De plus, l'article 42 de la Constitution stipule qu'une modification constitutionnelle ayant trait au nombre des sénateurs par lesquels une province est habilitée à être représentée ne peut être réalisée qu'en accord avec le paragraphe 38(1). Si cette motion devait être adoptée par le Sénat, l'étape suivante, comme le sénateur Murray l'a fait remarquer le 27 juin, serait le renvoi aux autres assemblées législatives, soit la Chambre des communes et les assemblées législatives provinciales qui auraient trois ans pour l'étudier, comme le prévoit le paragraphe 38(1) de la Constitution.

Qui plus est, comme le sénateur Murray l'a souligné dans son discours, les dispositions de ce qui était le projet de loi C-110 et qui est maintenant la Loi concernant les modifications constitutionnelles de 1996 sur le droit de veto des régions ne s'appliqueraient pas puisque la modification n'est pas proposée par un ministre d'État.

Les sénateurs Murray et Austin ont présenté leur motion parce qu'ils croient qu'il existe un déséquilibre dans la représentation des régions au Sénat qu'il faudrait corriger et ils proposent une modification constitutionnelle qui ferait de la Colombie- Britannique une cinquième région et augmenterait le nombre des sénateurs de l'Ouest. Par conséquent, si la résolution franchit toutes les étapes exigées, la Colombie-Britannique comptera 12 sénateurs au lieu de six, l'Alberta dix au lieu de six et les provinces de la Saskatchewan et du Manitoba en compteront chacune sept au lieu de six, comme c'est le cas maintenant.

Je crois que l'intention derrière la motion Murray-Austin correspond à plusieurs précédents dans notre histoire. D'ailleurs, depuis 1867, plusieurs modifications ont été apportées au nombre et à la distribution des sièges au Sénat. Comme nous l'avons déclaré dans notre rapport, la plupart de ces modifications ont eu pour effet d'augmenter la taille du Sénat à mesure que de nouvelles provinces adhéraient à la fédération, à commencer par deux sénateurs pour le Manitoba en 1870, trois pour la Colombie-Britannique en 1871 et quatre pour l'Île-du-Prince-Édouard en 1873. En 1887, le territoire connu à l'époque comme les Territoires du Nord-Ouest a reçu deux sièges au Sénat. En 1905, les nouvelles provinces de l'Alberta et de la Saskatchewan ont reçu quatre sièges chacune.

Par ailleurs, l'addition de nouvelles provinces a donné lieu une augmentation du nombre de sièges au Sénat attribués à certaines provinces existantes, tandis que d'autres voyaient le nombre de leurs sièges réduit. Toutefois, la plus importante modification date de 1951, année de la création d'une quatrième division : l'Ouest.

D'autres modifications ont permis l'attribution de six sièges à Terre-Neuve-et-Labrador à son entrée dans notre fédération en 1949, de deux sièges aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon en 1975, et d'un siège au territoire nouvellement créé du Nunavut, en 1999.

Même si le nombre de sièges au Sénat a changé plusieurs fois depuis 1867, la représentation de l'Ouest au sein de cette institution, comme le Sénateur Murray l'a fait remarquer le 27 juin, est demeurée inchangée depuis plus de 90 ans. Étant donné l'importante expansion économique et la forte hausse de population dans l'Ouest depuis quelques décennies, il faudra certes se pencher sur le problème de la sous-représentation, et le faire plus tôt que tard.

[Français]

Honorables sénateurs, même si les membres de notre comité n'étaient pas unanimes, la plupart d'entre eux appuient la motion Murray-Austin.

En outre, comme l'indique notre rapport, les membres de ce comité incitent les sénateurs de toutes les régions du Canada à appuyer la motion, pour donner un point de départ au gouvernement et aux assemblées législatives dans le but de fournir aux provinces de l'Ouest une représentation plus équitable au Sénat.

[Traduction]

En plus de s'attaquer à la représentation de l'Ouest, notre comité s'est demandé si la motion allait trop loin, si la distribution des sièges au Sénat était une cause importante d'aliénation et si la distribution proposée affaiblirait la représentation des autres régions canadiennes. Aucun de ces problèmes n'a amené le comité à retirer son appui à la motion, même si cela a donné lieu à de vifs débats.

Incidemment, on connaît un certain nombre de propositions récentes qui ont été formulées concernant la distribution des sièges au Sénat. Le mouvement en faveur du triple-E, qui est au fond un mouvement de l'Alberta en faveur d'un Sénat égal, efficace et élu, recommande fortement un Sénat dont les sièges seraient distribués également entre toutes les provinces. En fait, l'accord de Charlottetown prévoyait un nombre égal pour chaque province, mais il n'a pas franchi le test du référendum.

Au comité, nous avons entendu une discussion intéressante sur une autre motion à l'étude. C'est surtout M. Resnick, de l'Université de la Colombie-Britannique, qui en a parlé. Il s'agirait d'un modèle différent du Sénat triple-E ou de celui de quatre ou cinq régions proposé dans la motion Murray-Austin. Le modèle n'est pas sans rappeler le Bundesrat d'Allemagne. Les provinces seraient rangées dans trois catégories : grandes, moyennes et petites, et elles recevraient un certain nombre de sièges en fonction de leur population, comme c'est le cas en Allemagne pour les länder. Ce modèle est très intéressant et important et j'espère qu'il en sera question dans nos échanges à plus long terme sur la question.

(1540)

J'ai également remarqué que, depuis la nouvelle répartition des sièges, il y a 90 ans, l'Ouest est remarquablement sous-représenté au Sénat. Il est intéressant de considérer la question dans le contexte de la représentation proportionnelle à la population et, plus particulièrement, de la garantie constitutionnelle voulant qu'une province ne puisse avoir moins de sièges à la Chambre qu'au Sénat et de la loi de 1985 sur la représentation, qui garantit qu'aucune province n'aura moins de sièges qu'elle n'en avait en 1976.

Honorables sénateurs, si la motion Murray-Austin est adoptée et soumise aux assemblées fédérale et provinciales, elle lancera officiellement le processus de ratification des modifications qui est prévu par notre Constitution. Le processus prévoit, comme je l'ai déjà dit, un délai de trois ans. Il y aurait controverse et diverses questions seraient soulevées.

Toutefois, abstraction faite du libellé précis de la motion, l'occasion pourrait aussi se présenter d'entamer un débat complet et ouvert qui ne serait assujetti à aucun délai imposé de l'extérieur. Certains témoins que le comité a accueillis ont proposé que des entretiens exploratoires soient entrepris de façon à sonder l'opinion des Canadiens et à voir s'il est possible de dégager un consensus sur la question plus vaste de la réforme du Sénat. Les membres du comité ont manifesté de l'optimisme, estimant que le moment était favorable et que la motion Murray-Austin qui propose une augmentation de la représentation de l'Ouest constituait un excellent point de départ.

Manifestant son appui, le ministre albertain des Affaires intergouvernementales, Gary Marr, a fait preuve d'une certaine ouverture et d'un certain optimisme lorsqu'il a comparu devant le comité. Il a déclaré :

[...] à d'autres occasions auparavant, quand on a parlé de réformer le Sénat, nous y sommes presque parvenus, et toutes les provinces avaient accepté des compromis. Cette situation, si les circonstances s'y prêtent, pourrait se reproduire à un moment donné de l'avenir.

Le temps dira si nous en sommes là. De toute façon, c'est l'esprit qui se profile derrière la motion Murray-Austin, et je m'en réjouis.

[Français]

Honorables sénateurs, la sous-représentation de l'Ouest au Sénat, est une question qui doit être traitée sérieusement. Comme nous le soulignons dans notre rapport, le besoin d'augmenter la proportion des sièges attribués aux provinces de l'Ouest est un thème qui revient dans la plupart des principales propositions de réforme du Sénat depuis près de 40 ans.

Par ailleurs, toutes les propositions sérieuses faites depuis 1984 visaient une augmentation considérable de la représentation de l'Ouest au Sénat.

[Traduction]

Voilà qui met un terme à mon intervention. Je me ferai un plaisir de répondre aux questions.

L'honorable David Tkachuk : Je remercie le sénateur Hays de son intervention. À propos du nombre de sièges attribués à chaque région, je crois savoir que, avant la Confédération, lorsqu'on croyait que l'Île-du-Prince-Édouard adhérerait à la fédération, il a été convenu de donner 24 sièges aux Maritimes. Par conséquent, en 1871, lorsque l'Île-du-Prince-Édouard s'est jointe à la fédération elle savait à combien de sénateurs elle aurait droit.

À l'époque, les trois provinces Maritimes étaient reconnues comme une région, et une décision fondamentale a été prise : accorder le même nombre de sénateurs à chaque région, soit 24 au Québec, 24 à l'Ontario et 24 aux Maritimes.

Le sénateur Hays : C'est également ce que je crois, honorables sénateurs. L'exemple de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau- Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard donné par le sénateur Tkachuk est intéressant, car je crois que c'est le seul exemple de provinces qui aient renoncé à des sièges par déférence pour une autre province. L'Île-du-Prince-Édouard en a reçu deux de la Nouvelle-Écosse et deux du Nouveau-Brunswick. Je ne crois pas que cela se soit jamais reproduit au cours de notre histoire. Le consentement ainsi donné par les hommes d'État à Charlottetown est une illustration remarquable de l'esprit de l'époque.

Je ne sais trop si la région s'appelait les Maritimes lorsqu'elle ne comprenait que la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick et est devenue la région de l'Atlantique lorsque l'Île-du-Prince-Édouard est entrée dans la fédération ou si les trois provinces étaient désignée comme les Maritimes, l'appellation région de l'Atlantique étant employée à partir du moment où Terre-Neuve est venue s'ajouter. De toute façon, je la connais comme la région de l'Atlantique, ce qui est une façon plus simple de la désigner depuis 1949.

Le sénateur Tkachuk : On me corrigera si j'ai tort, mais je croyais qu'on s'était entendu sur 24 sénateurs, que l'Île-du-Prince-Édouard n'avait pas adhéré à la Confédération et qu'elle avait simplement récupéré en 1871 les sièges qu'elle avait perdus parce qu'ils avaient été cédés aux deux autres provinces. Le sénateur Murray, qui a longtemps vécu dans les Maritimes, pourrait peut-être aider les pauvres Canadiens de l'Ouest que nous sommes à y voir clair.

Le sénateur Oliver : C'est un sénateur de l'Ontario.

Le sénateur Tkachuk : Mais il passe beaucoup de temps en Nouvelle-Écosse. C'est la province qui lui est chère.

La Colombie-Britannique sera reconnue comme l'une des cinq régions du fait qu'elle a un veto. Une partie du débat, dans l'Ouest, au sujet d'une juste représentation et de l'égalité, a porté sur le manque de sièges de sénateur, étant donné l'immensité du territoire et le fait que la Colombie-Britannique est reconnue comme une région dans la Constitution.

Le sénateur préconise-t-il l'octroi de 24 sièges à la Colombie- Britannique et de 24 sièges aux Prairies, ce qui établirait un équilibre régional propre à donner à la plupart des Canadiens une impression favorable de l'évolution du Sénat?

Le sénateur Hays : Le sénateur Murray a eu à ce propos des observations utiles, et je suis d'accord avec lui. La proposition donnerait aux Prairies 24 sièges — dix, sept et sept — tandis que la Colombie-Britannique en aurait 12. Cela reflèterait la situation des années 1870 : lorsque la Colombie-Britannique et le Manitoba se sont joints à la fédération, ils n'ont pas reçu six sièges. Ils ne les ont eus qu'en 1915.

Pendant notre histoire, la répartition des sièges au Sénat entre les provinces a évolué jusqu'en 1915, année où l'Ouest a obtenu 24 sièges. La motion Murray-Austin nous invite à revoir la situation près de 100 ans plus tard, mais en attribuant 12 sièges à la Colombie-Britannique plutôt que 24.

À l'heure actuelle, la Colombie-Britannique a un sénateur pour 700 000 habitants et l'Alberta un pour 500 000 habitants. Aujourd'hui, il y a un sénateur pour 526 000 Ontariens, un pour 500 000 Albertains et un pour 700 000 Britanno-Colombiens.

(1550)

Si la motion Murray-Austin était adoptée, elle améliorerait la situation. Ces chiffres ne le montrent probablement pas, mais on a l'impression qu'en allant à 24, il y aurait trop de distorsion, ce qui nous ramène à ce chiffre de 12.

Le sénateur Tkachuk : Le chiffre de 24 ne devrait pas du tout figurer au tableau. Vous ne me convaincrez certainement pas que le nombre des sénateurs devrait dépendre de la population. Il devrait plutôt dépendre du manque de population. C'est là que réside toute idée. L'Alberta a obtenu plus de députés à la Chambre des communes parce que sa population augmente. En même temps, elle obtient plus de sénateurs. La Saskatchewan et le Manitoba, ayant un million d'habitants, en obtiennent un de plus. J'accepterais 24 sur une base d'égalité, comme étant le produit de huit par trois. Sur cette base, il est certain que la Colombie-Britannique devrait en avoir 24. Toutefois, pour ce qui est de l'idée de répartir les sénateurs selon la population, peut-être l'Ontario devrait en avoir 100 par comparaison à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est exactement où nous aboutirions avec une formule de ce genre, selon laquelle les sénateurs seraient choisis en fonction de la population plutôt qu'en fonction de régions égales, comme c'était l'idée à l'origine en 1867.

Le sénateur Hays : C'est un excellent point.

Le sénateur Tkachuk : Je ne vous le fais pas dire!

Le sénateur Hays : Les sénateurs se souviendront de ce que le sénateur Adams avait dit. En fonction du territoire, le Nunavut devrait avoir trois sénateurs. Je ne sais pas si nous devons aller jusque-là. Quoi qu'il en soit, si le nombre dépendait de la superficie, il n'aurait pas tort.

Si nous nous servons des chiffres historiques, on nous suggère de faire des changements qui seraient très appréciés dans l'Ouest et que je pourrais trouver raisonnables en ce moment, même si on ne tenait compte de rien d'autre.

Toutefois, il y a de multiples facteurs qui interviennent : la superficie, l'économie et le temps écoulé depuis le dernier rajustement. Bien entendu, le projet de loi C-10 sur le veto régional, qui est abondamment mentionné dans la documentation distribuée par la Bibliothèque du Parlement, établit que la Colombie-Britannique constitue une région. Cela étant, le sénateur Murray et le sénateur Austin ont formulé une proposition très pratique, comme nous l'avons fait dans les années 1870 et, plus tard, en 1915. Je suis persuadé qu'elle tient compte de la population dans une certaine mesure. Je ne crois cependant pas qu'il y ait une formule mathématique faisant intervenir la population.

Pour ce qui est de la Chambre des communes, la représentation n'est pas vraiment fondée sur la population non plus. De toute façon, je ne voudrais en aucune façon intervenir dans ce dossier. Quoi qu'il en soit, nous ne voyons pas la chose strictement en fonction de la population. Nous reconnaissons le droit historique de certaines provinces à un plus grand nombre de sièges qu'elles n'en auraient obtenus si l'on se bornait à diviser le nombre total de sièges par la population. La motion Murray-Austin ne touche pas à cela, ce qui est probablement une bonne idée.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, la seule façon pour moi de procéder dans les règles est de demander au sénateur Hays de bien vouloir rappeler au sénateur Tkachuk certaines choses, car je ne peux pas moi-même lui poser une question.

Il s'agit de l'argument que le sénateur Hays vient d'exposer concernant la représentation selon la population à la Chambre des communes, qui est en réalité une version modifiée de la représentation selon la population. Le sénateur Tkachuk a mentionné l'Alberta dont la population est censée croître et qui bénéficiera, j'en suis sûr, d'une plus grande représentation à la Chambre des communes. Toutefois, comme il s'agit d'une version modifiée de la représentation selon la population, l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario sont les seules provinces sous- représentées à la Chambre des communes.

Pour ce qui est la question de savoir si la Colombie-Britannique doit avoir 12 ou 24 sénateurs, je m'en remets au sénateur Austin. Nous en sommes venus à la conclusion que la formule proposée était la plus susceptible de rallier le soutien nécessaire. Toutefois, si le sénateur Hays veut bien le rappeler au sénateur Tkachuk, le sénateur Austin et moi-même serions enchantés d'adopter toute autre formule qui ferait l'objet d'un consensus.

Le sénateur Hays : Le sénateur Murray peut considérer que c'est fait.

Le sénateur a soulevé la question du nombre de sièges à la Chambre. Sur la base de la population actuelle et de 308 sièges à la Chambre, nous devrions avoir un siège pour 105 000 habitants. Comme le sénateur Murray l'a dit, la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario sont sous-représentés sur la base de ce chiffre puisqu'ils ont en moyenne un siège pour 119 000 habitants. Pour sa part, la Saskatchewan a un siège pour 70 000 habitants.

Cela fait peut-être partie du génie du Canada. Il y a tant de choses que nous faisons de cette façon. Nous évitons les règles trop précises, trop rigides. Nous préférons la souplesse, ce qui nous a bien servi. La motion Murray-Austin témoigne de cette souplesse.

Le sénateur Tkachuk : Je ne conteste pas le fait qu'il faudrait plus de sénateurs. Je soutiens cependant que le nombre de sénateurs par région devrait se fonder sur un principe bien défini. Si l'Ouest est une région, il devrait en avoir 24. Toutefois, si nous disons que la Colombie-Britannique doit en avoir 12, l'Alberta 10 et la Saskatchewan et le Manitoba 7 chacun, nous allons ouvrir la boîte de Pandore et nous faire accuser de traiter les gens différemment. Je ne voudrais pas que l'Ouest reçoive des miettes, pendant qu'on prétend faire un cadeau aux Prairies et à la Colombie-Britannique. Il n'y a pas de cadeaux. Si nous avons un principe, nous devons l'appliquer. Si la Colombie-Britannique est reconnue comme région, elle devrait avoir 24 sénateurs. Si les Prairies sont reconnues comme région, elles devraient aussi en avoir 24 à diviser également entre les trois provinces. C'est mon argument, et je le crois valable. Le sénateur Murray constaterait vite qu'il ferait l'objet d'un consensus ici. Je ne crois pas que quiconque dans l'Est, en Ontario ou au Québec rejetterait le principe d'une représentation égale parmi les cinq régions du Canada. Ce principe ferait d'ailleurs beaucoup pour maintenir l'unité du pays.

Le sénateur Hays : Les arguments de l'honorable sénateur montrent parfaitement pourquoi il peut être difficile de s'entendre sur ces questions. C'est probablement la raison pour laquelle nous concentrons notre attention maintenant non sur les régions, mais sur les provinces. Les observations de M. Resnick à cet égard appuient ce point de vue. Bien sûr, le plus fort mouvement de réforme du Sénat que nous ayons eu dans les temps modernes est celui que le sénateur a mentionné, le mouvement triple-E, qui prévoit une représentation égale de toutes les provinces. La formule figurait dans l'accord de Charlottetown, mais le prix à payer était très élevé : sauf erreur, il fallait augmenter le nombre de sièges de l'Ontario et du Québec à la Chambre du nombre de sièges que les deux provinces perdaient au Sénat.

Je n'échangerai pas aujourd'hui un siège au Sénat contre un siège à la Chambre. Toutefois, ces choses peuvent se faire. Elles sont difficiles, mais une rigidité excessive peut empêcher toute entente. J'apprécie le fait que la motion du sénateur Murray et du sénateur Austin tient compte de la tradition canadienne de souplesse.

(1600)

L'honorable Terry M. Mercer : J'ai une question à poser au sénateur Hays. Chaque fois que nous parlons d'une réforme du Sénat et d'une modification de la structure de notre institution, nous semblons tomber dans un débat sur la représentation selon la population. Ce n'est pas ce dont il est question dans cette enceinte. Le sénateur Tkachuk et moi-même reconnaissons que nous représentons les régions. Si la Colombie-Britannique doit être une région, alors j'attends avec impatience le jour où nous aurons 18 autres sénateurs Campbell ici même. Cela devrait mettre un terme au débat là-dessus.

Quant à moi, je me préoccupe surtout des Maritimes. Il y a deux définitions pour les gens à l'est du Québec. Il y a les gens des Maritimes comme ceux d'entre nous qui viennent de la grande province qu'est la Nouvelle-Écosse, ainsi que du Nouveau- Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a ensuite une autre province plus à l'est appelée Terre-Neuve. Lorsqu'on réunit les quatre provinces ensemble, ce sont les provinces de l'Atlantique qui sont représentées par 30 sénateurs.

Cependant, lorsque nous sommes entrés dans la Confédération, les provinces initiales, l'Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick formaient une région, selon la définition de départ. J'adore la question de la réforme du Sénat, car les gens condamnent MM. Martin, Chrétien, Trudeau, Pearson, Mulroney et tous les autres pour le caractère inéquitable de notre institution, mais personne ne parle du bon vieux sir John A. Ce n'était pas sa faute non plus. Il ne savait pas que les régions évolueraient. Il ignorait qu'il y avait du pétrole en Alberta. Il ne savait pas que nous allions avoir une porte d'entrée du Pacifique pour l'Extrême-Orient et que la vallée de l'Okanagan allait se développer comme elle l'a fait.

Ma question est celle-ci : comment protégeons-nous la région des Maritimes? C'est également important pour le Québec. Nous considérons que le fait d'avoir ces 24 sièges nous donne un statut égal au Sénat et c'est le seul endroit où nous allons être égaux. Nous ne serons jamais égaux à la Chambre des communes, car notre population ne sera jamais suffisamment importante, et certainement pas dans un avenir prévisible. Comment maintenons-nous notre force et notre importance dans cette enceinte lorsqu'on commence à parler de population, d'élargissement des régions et de la transformation. peut-être, d'une autre province en une région? Comment maintenir l'équilibre pour les Maritimes?

Le sénateur Hays : Tout dépend de ce que vous entendez par équilibre. Beaucoup de ces modèles de réforme du Sénat, auxquels nous n'avons absolument pas réfléchi, prévoient une grande redistribution des sièges qui irait à l'encontre des garanties constitutionnelles selon lesquelles une province ne peut avoir moins de sièges à la Chambre des communes qu'au Sénat. Nous devrions protéger la région des Maritimes, la région atlantique.

Il est toutefois impossible d'avoir à la fois un changement et aucun changement. Nous avons traversé une longue période sans changement et je crois que nous devons être prêts pour un changement et des ajustements. La motion Murray-Austin nous donne de la force. Nous avons traversé un siècle sans changement, mais il finira par y en avoir; le sujet prendra de plus en plus d'importance. Il n'est pas si important en ce moment; c'est donc l'occasion idéale d'en discuter.

Je suis en faveur d'une protection totale et juste des droits historiques de la division des Maritimes, mais en même temps si cela signifie que nous n'apportons jamais de changements au Sénat ou au nombre de sièges au Sénat, je crois qu'à long terme il s'agit d'une approche dangereuse.

Le sénateur Mercer : Une dernière question.

Son Honneur le Président : Je me demande si le sénateur Mercer me laisserait faire une observation au sujet de la procédure.

Je crois qu'il est important que tous les honorables sénateurs ne perdent pas de vue le fait que la motion dont nous sommes saisis vise l'adoption du deuxième rapport du comité spécial. Cette adoption aura le même effet que l'adoption de n'importe quel rapport d'un autre comité devant examiner un projet de loi. Si ce rapport revient d'un autre comité sans proposition d'amendement et que nous l'adoptons, cela signifie que le projet de loi a été adopté à l'étape du rapport.

Cependant, dans le cas d'un projet de loi, il reste l'étape de la troisième lecture. Dans ce cas, si je comprends bien la procédure, si le rapport est adopté, la résolution sera adoptée. Il n'y aura pas de troisième lecture. Je voulais simplement que tous les sénateurs en soient bien conscients.

Le sénateur Oliver : Ils ne font que discuter de l'objet.

Le sénateur Mercer : Les observations du Président cadrent parfaitement avec mon dernier commentaire au sénateur Hays. Êtes-vous heureux de cette façon fragmentaire de réformer le Sénat à la pièce? Nous parlons de la motion Austin-Murray, de la possibilité de limiter le mandat des sénateurs à huit ans ou de ce qui se passera quand nous en aurons fini avec ce projet de loi, et nous avons entendu le premier ministre s'interroger sur la pertinence d'instaurer, officiellement ou non, une certaine forme d'élection dans les provinces pour le choix des candidats qui viendront occuper les sièges vacants au Sénat.

Êtes-vous heureux que nous entreprenions la réforme du Sénat de façon fragmentaire? Cela n'aurait-il pas plus de sens de dire que nous acceptons tous l'idée qu'il faut modifier la composition du Sénat pour l'Ouest, qu'il faudrait peut-être limiter le mandat des sénateurs et que, en effet, nous pourrions discuter de la possibilité d'élections? Nous voudrions peut-être alors discuter de nos responsabilités en tant que représentants des régions. Nous pourrions aussi nous demander quels seraient les pouvoirs que nous aurions alors et que nous n'avons pas maintenant, si nous étions élus, efficaces et même égaux. Comment seraient répartis les pouvoirs confiés au Parlement national pour que le Sénat ait un pouvoir distinct? Ou encore, certains pouvoirs nous seraient-ils confiés par les provinces?

J'ai été heureux de voir le conseil des premiers ministres évoluer et assumer certains pouvoirs. Comment vous sentez-vous devant cette approche fragmentaire? Personnellement, je la trouve stupide. Je crois que c'est une tactique politique de la part du gouvernement et je pense qu'il serait nettement préférable de faire marche arrière et d'essayer plutôt de procéder efficacement à une réforme complète. Nous pourrions alors discuter de Sénat élu, de Sénat égal et de Sénat efficace. Nous nous assurerions de couvrir tous les éléments fondamentaux, puis nous reviendrions au Sénat avec une proposition de réforme complète, pas avec une proposition pour la Colombie-Britannique, une pour les Prairies et une autre pour limiter la durée du mandat des sénateurs.

Le sénateur Hays : Je suis presque heureux, si je puis dire, parce que j'ai la possibilité de parler de l'énorme défi que pose la réforme des institutions au Canada. Je crois que nous n'en parlons pas assez souvent de façon froide. Nous attendons souvent qu'un sujet de grief surgisse. La Loi constitutionnelle de 1982 a donné un sujet de plainte au Québec et aussi à l'Ouest canadien, où est né le mouvement en faveur d'un sénat triple-E.

Je conviens avec vous que la réforme du Sénat est un projet d'envergure et que, si on touche à un élément, on est amené à toucher à tous ses éléments. Je ne pense pas que la proposition des sénateurs Murray et Austin touche à tous les éléments. Je crois qu'elle ne touche qu'un seul élément qui peut être pris en considération isolément et qui permettrait de régler le problème de la sous-représentation des provinces de l'Ouest au Sénat avant que cela ne devienne un enjeu majeur.

(1610)

Lorsque la ministre des Affaires intergouvernementales de l'Ontario est venue ici, elle nous a dit de ne rien faire — un peu comme le sénateur — mais que, si l'on faisait quelque chose, ce devrait être d'attribuer plus de sièges à l'Ontario. La ministre a dit que, « pour ce qui est du Sénat, la province souhaitait une représentation selon la population, que la population de la province étant de plus de 30 p. 100 de celle du pays, qu'elle ne détient que 22 p. 100 des sièges au Sénat et voudrait en détenir 30 p. 100. » Je soupçonne que c'est une position de négociation plutôt qu'une position vraiment définitive.

Quoi qu'il en soit, je pense qu'il est bon que nous discutions de cette question dans un contexte où l'enjeu n'est pas très élevé. Que ces discussions aboutissent ou non importe peu, mais elles ont le mérite de soulever la question et il est à espérer qu'elles nous amèneront à faire une constatation importante, à savoir que les choses vont fort probablement changer. Les protections que nous avons incluses dans les années 1870 et au début des années 1900 sont importantes, mais nous sommes maintenant au XXIe siècle et le moment est venu de revoir tout cela afin de déterminer si des rajustements pourraient nous permettre d'éviter des problèmes dans l'avenir.

Le sénateur Oliver a dit que c'était l'étude d'un sujet, lorsque le Président a expliqué ce qui se passait ici — il a dit que l'étude du projet de loi S-4 était l'étude d'un sujet. Ce n'est pas le cas. Il s'agissait d'un renvoi au comité de la résolution proposée par le sénateur Murray et appuyée par le sénateur Austin, visant à accroître le nombre de sièges et à créer une nouvelle division.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, la dernière partie de la réponse du sénateur Hays m'interpelle. Je suis d'accord sur le fait que l'évolution historique du Canada fait en sorte que notre façon de regarder nos institutions doit évoluer avec cette histoire.

Cela dit, je voudrais vous rappeler que la proportionnalité entre le Québec et l'Ontario a changé pendant la période de l'union. Le Québec avait la pluralité, pendant tout ce temps-là l'Ontario refusait un gouvernement central pour des raisons qui nous sont apparues évidentes, mais aussi évidentes aux Québécois qui négociaient. De là est né le compromis d'un Parlement où il y aurait une première Chambre proportionnelle et une deuxième Chambre où l'Ontario et le Québec auraient parité.

Pensez-vous, ayant en tête cette dernière partie de votre réponse, que l'on devrait se distancier de la nature même de ce compromis pour évoluer ou — et je me joins à mes collègues du Canada atlantique — devrait-on réexaminer ce compromis pour en tirer le maximum sans en perdre de vue l'importance, parce que c'est ce qui a donné naissance au Canada?

[Traduction]

Le sénateur Hays : Les compromis sont importants. Nous devons faire des compromis et nous en avons fait, et ils devraient être respectés.

La Loi de 1985 sur la représentation électorale est importante pour le Québec. Elle a été présentée lorsqu'un nouveau gouvernement conservateur a été formé en 1984. Comme je l'ai dit plus tôt, elle garantissait aux provinces un nombre de sièges non inférieur à celui qu'elles avaient en 1976, nombre qui était fondé sur le recensement de 1971.

Le Québec a 75 sièges, si je ne m'abuse. Si nous n'avions pas eu ce compromis, il aurait 65 sièges, et c'était important pour le Québec. C'était un important compromis qui répondait à une préoccupation qui existait à ce moment-là.

Il faudra faire des compromis à l'avenir. Dans ce cas en particulier, ce n'est pas aussi urgent. Cependant, dans le cas de la motion Murray-Austin, c'est l'occasion de réfléchir à ce qui se passe en Colombie-Britannique et en Alberta. Il serait peut-être bon d'examiner la question de façon proactive.

Est-ce un compromis? Bien sûr que ce serait un compromis aussi parce que cela réduirait le pourcentage de sièges dont le Québec dispose au Sénat. Pas de beaucoup, ce qui, je crois, faisait partie du raisonnement des sénateurs Murray et Austin, tout comme l'idée d'avoir 12 sièges et non 24 pour la Colombie-Britannique. Tout cela pourrait se faire sans qu'il y ait d'énormes changements par rapport aux compromis du passé. Je ne sais pas si cela aide ou non.

Le sénateur Nolin : Je n'ai aucun problème avec les compromis. Là où je m'interroge à tout le moins, c'est lorsqu'on parle de grands compromis. Ce n'est pas pour rien qu'on a parlé du « grand compromis » qui a donné naissance au Canada.

C'est pourquoi, si nous examinons la question du rééquilibre — car c'est exactement ce que le rapport propose — cela soulève une question pour le Canada atlantique. Le sénateur vient de mentionner également la réaction de l'Ontario. Je peux supposer quelle a été la réaction du Québec.

Nous ne pouvons pas isoler la proportionnalité et dire que nous allons régler cette question, après quoi nous allons réarranger tous les pouvoirs et la structure de l'institution.

Je ne sais pas encore si nous devrions faire uniquement cela maintenant et arranger le reste plus tard ou si nous devrions tout arranger en même temps. C'est pourquoi j'avais une question. L'histoire est là pour nous aider à comprendre où nous essayons d'aller. C'est pourquoi, pour moi, le grand compromis a été le début de tout. Je ne crois pas que nous puissions nous empêcher d'essayer de comprendre pourquoi les Canadiens français, pas seulement au Québec mais aussi à l'extérieur de cette province, se sont battus pour ce grand compromis. Je ne crois donc pas que nous puissions oublier cela, mais on pourrait me convaincre du contraire.

Le sénateur Hays : Je suis d'accord avec vous. Nous ne devrions pas oublier ce compromis. Nous devrions le respecter et le garder en tête.

Le Canada a changé et il est nécessaire que nous repensions les choses qui ont été établies à l'époque par un groupe de leaders éclairés qui étaient prêts à reconnaître les intérêts divergents et à trouver des façons de les concilier. En même temps, la volonté d'appuyer la fédération et de faire en sorte qu'elle réussisse est essentielle. Ces leaders méritent tous nos hommages pour leur réussite : le Canada actuel. Toutefois, les choses évoluent.

Il y a des périodes où il est nécessaire que nous nous replongions dans l'histoire afin d'y puiser la sagesse qui nous permettra de mieux réfléchir et de rééquilibrer les choses. Nous y arriverons un jour. La motion des sénateurs Murray et Austin en est un présage, elle offre aussi une occasion de prendre les devants.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je dois vous avouer que j'ai commencé à lire le document que le comité a rendu public et que j'ai de sérieuses questions à propos de différents points.

Premièrement, nous sommes face à une motion qui veut changer la composition fondamentale de cette Chambre, alors que, déjà, au mois de mai dernier, j'ai présenté une motion pour que le Sénat se penche sur ses devoirs fondamentaux envers les régions et les minorités de ce pays. Cette motion est encore inscrite à l'ordre du jour du Feuilleton, Elle n'a pas encore été renvoyée au comité. Nous avons présentement une motion déposée fin juin 2006 qui a déjà fait l'objet d'un rapport. C'est une motion qui demande des changements constitutionnels.

Il se passe un phénomène dans cette Chambre que je n'accepte pas. Je n'accepte pas qu'il y ait certaines motions fondamentales au fonctionnement actuel de cette Chambre qui soient retardées, alors que d'autres qui demandent des changements constitutionnels sont passées à grande vitesse. C'est le premier changement.

Deuxièmement, je me souviens très bien de ma participation lors des négociations à Charlottetown, où l'on voulait faire une redistribution des sièges du Sénat et où les provinces de l'Atlantique avaient abandonné des sièges au Sénat pour avoir une nouvelle Constitution et pour que le Québec soit reconnu, et ainsi de suite.

(1620)

Une seule province au Canada a voté contre l'accord de Charlottetown, et c'est l'Alberta. Je m'en souviens bien. Aujourd'hui, cette motion propose de lui accorder des sièges supplémentaires.

Mais surtout, s'il y avait un changement aussi fondamental au sein de notre Parlement, la Chambre des communes et le Sénat en seraient transformés de façon assez dramatique.

Laissez-moi vous parler de l'historique de la représentation par population au Parlement. Il y a 40 ans, de 1953 à 1957, la Chambre des communes comptait 268 députés. Aujourd'hui, 40 ans plus tard, elle en compte 308. Quarante sièges se sont donc ajoutés à la Chambre des communes depuis 40 ans. Je vous assure également qu'il n'y a pas un de ces sièges additionnels à la Chambre des communes qui a été accordé à l'est de Montréal et ni à l' est d'Ottawa, probablement.

On parle d'un système parlementaire composé de deux Chambres, mais les deux Chambres du Parlement ne peuvent être fondées sur la même représentation puisque, ce faisant, on fausse l'histoire et l'engagement solennel du début de notre fédération.

Présentement, le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique détiennent 30 p. 100 des sièges à la Chambre des communes et en détiendraient 30,8 p. 100 au Sénat avec les changements proposés dans cette motion, pour une augmentation de 0,8 p. 100.

Le Québec détient, quant à lui, 24 p. 100 des sièges à la Chambre des communes et, avec les changements proposés, détiendrait 20,5 p. 100 des sièges au Sénat, pour une diminution de 2,3 p. 100.

L'Ontario, qui détient 34 p. 100 des sièges à la Chambre des communes, en aurait 20,5 p. 100 au Sénat avec les changements proposés, soit une diminution de 2,3 p. 100.

Enfin, l'Atlantique, qui détient 10,4 p. 100 des sièges à la Chambre des communes, détiendrait 7,4 p. 100 des sièges au Sénat, et subirait donc une diminution de 3 p. 100 de sa représentation avec les changements proposés dans cette motion.

En détenant actuellement 10 p. 100 des sièges à la Chambre des communes et 28 p. 100 des sièges au Sénat, les gens de la région de l'Atlantique, peu importe la couleur du gouvernement, ont déjà de la difficulté à faire valoir leurs besoins et à se faire entendre de façon positive par le gouvernement central.

Comment pouvez-vous croire, avec cette diminution des sièges au Sénat — et nous ne sommes pas près d'avoir une augmentation des sièges à la Chambre des communes — que nous pourrons faire valoir nos droits et nos besoins d'une façon plus acceptable?

Il faut se poser des questions fondamentales. Ce sont ces questions que je me pose. C'est une question que je vous pose dans le cadre de ce débat et j'attends impatiemment votre réponse.

[Traduction]

Le sénateur Hays : J'aimerais aborder un point soulevé par madame le sénateur relativement à sa proposition de modifier l'orientation du Sénat en lui donnant une représentation régionale plus grande.

Le sénateur Ringuette : Pour que les sénateurs puissent s'acquitter de leurs responsabilités.

Le sénateur Hays : Si le Sénat ne reçoit pas l'attention dont il a besoin, c'est la faute des sénateurs, qui devraient, par conséquent, être plus attentifs et prendre les devants. Je ne peux pas présenter d'excuses pour avoir fait le travail qui nous a été confié. L'affaire nous a été renvoyée, nous l'avons étudiée et c'est chose faite. Selon madame le sénateur Ringuette, cela fait ressortir le fait qu'il reste énormément de travail en souffrance au Sénat. Je dirai qu'il faut s'atteler à la tâche et faire ce travail.

Si je comprends bien l'argument du sénateur, accroître le nombre de sièges dans n'importe quelle région du Canada aurait pour effet de modifier le pourcentage de sièges que détiendraient la région des Maritimes et le Nouveau-Brunswick. Cela aurait un effet sur le pouvoir de cette région au Sénat. La seule façon de ne pas se heurter à ce problème, c'est de ne pas modifier le nombre de sièges. Le sénateur Nolin et d'autres ont évoqué l'histoire de notre pays dans le rapport, et j'en ai fait autant dans mes observations. Nous avons réglé ce problème lorsque nous avons accordé un plus grand nombre de sièges à l'Ouest, lorsque des sièges pour le Manitoba et la Colombie-Britannique ont été ajoutés entre 1870 et 1915. À cette époque, on avait engagé des discussions, comme nous le faisons aujourd'hui, pour examiner les besoins précis d'une région qui n'étaient pas satisfaits et pour trouver un meilleur moyen d'y répondre.

Je n'ai donc pas de réponse. Si nous modifions un siège au Sénat, nous allons modifier les pourcentages. Nous devons examiner les préoccupations et les doléances des différentes régions et tenter d'y répondre en même temps, comme le fait valoir le sénateur Mercer. Dès qu'on avance sur ce terrain, on se heurte à de grandes difficultés. Les tentatives pour opérer une réforme complète n'ont abouti à aucun changement au Sénat en 140 ans, et nous n'avons pas assisté à beaucoup de changements marginaux non plus.

Lorsque j'ai répondu à la question du sénateur Mercer, j'ai dit que j'étais presque heureux. Je suis heureux d'en parler, car beaucoup de gens passionnés de ma région se prononcent, tout comme le sénateur Mercer. Le plus tôt nous reconnaîtrons cette passion, qu'il faudra orienter positivement — sinon, le contraire risque de se produire — et le plus tôt nous engagerons des discussions pour tenter de parvenir aux compromis dont nous avons besoin pour apporter des changements, le mieux ce sera. Cette motion propose un changement qui soulève cette question. Nous en parlons ensemble et nous avons certes encore beaucoup à dire à ce sujet, et cette discussion est saine.

[Français]

Le sénateur Ringuette : J'ai une autre question. Essentiellement, ma question concerne la représentation de la population de l'Atlantique.

Je pense à mon expérience lors des discussions relativement aux accords du lac Meech et de Charlottetown, et je sais, par des témoignages rendus auprès de votre comité et par les médias, que l'Ontario et le Québec ne veulent pas de changement ou de diminution de leur représentativité.

Ces provinces ne pourraient pas être d'accord avec une diminution proportionnelle de 2,3 p. 100, car si l'on observe le pourcentage de population, l'Ontario a quand même une population plus élevée que le Québec. Si on commence à jouer avec ces outils, il ne faut pas être naïf. Cela fait 20 ans qu'on en parle et, d'une région à l'autre du pays, il n'y a pas de consensus. Je crains, entre autres, qu'encore une fois nous ouvrions une boîte de Pandore.

(1630)

[Traduction]

Le sénateur Hays : Je ne savais pas qu'elle avait déjà été fermée. Madame le sénateur Ringuette s'offusque qu'elle n'ait pas davantage de sièges à l'heure actuelle. Les projections démographiques donc nous disposons vont jusqu'en 2031. À l'heure actuelle, la Colombie-Britannique compte 4,3 millions d'habitants et, en 2031, elle en comptera 5,5 millions.

La dynamique change au fur et à mesure que croit l'économie. Je lisais que, en 2008, l'Alberta aura un PIB supérieur à celui du Québec. On ne peut pas laisser passer ces prévisions sans prendre en considération l'évolution des passions dans ces régions.

Par conséquent, il faut agir si on veut assurer la survie de cette fédération extraordinairement réussie que nous avons actuellement. Dans le passé, nous avons été capables de régler nos différends, de faire des changements et de respecter nos objectifs légitimes respectifs, mais nous attendons parfois trop longtemps avant d'agir et il devient alors plus ardu de changer les choses.

Je n'ai pas d'objection à aborder cette question. En fait, je pense que c'est sain de le faire. Je suis heureux de connaître les sentiments de madame le sénateur et j'ose espérer qu'en exprimant mon opinion, j'ai moi aussi une incidence sur l'opinion de mes collègues.

L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, j'ai pris connaissance du rapport. Je me rends compte que personne n'a parlé de l'Ontario, même si je sais qu'un ou deux membres du comité sont de cette province.

On ne peut pas garder indéfiniment le plafonnement actuel. Le Maple Leaf Gardens a été construit en 1931. À l'époque, Toronto avait 500 000 habitants. Montréal avait une population plus nombreuse. Aujourd'hui, la ville de Toronto proprement dite, c'est-à-dire sans ses satellites Mississauga, Oakville, Burlington ou Oshawa, compte 2,5 millions d'habitants.

Toronto est aux prises avec des problèmes incroyables. Il y a des meurtres comme jamais auparavant. Toronto doit avoir une représentation.

Même si on doit diviser l'Ontario en deux régions, ce serait ridicule d'écouter quelqu'un de Saskatoon nous parler de régions. L'Ontario est suffisamment grande pour compter deux régions. Il faut environ 48 sénateurs pour représenter l'Ontario comme il faut.

Le sénateur Hays : C'est peut-être la voie à suivre. Nous aurions deux Chambres fondées sur le principe de la représentation populaire, mais ce n'était pas l'idée initiale. Le sénateur profite des redécoupages à la Chambre des communes en ce qui concerne l'Ontario.

Quand j'ai répondu au sénateur Ringuette, j'ai indiqué que notre matériel comprend des prévisions démographiques jusqu'en 2031. L'Ontario devrait alors avoir une population de plus de 16 millions, ce qui signifie qu'il y aurait 672 000 Ontariens pour chaque siège au Sénat. La Colombie-Britannique, quant à elle, devrait avoir une population de 5,5 millions, ce qui correspondrait à environ un million d'habitants pour chaque siège au Sénat.

Je sais que ce n'est pas la façon d'aborder la question, mais je parle en fonction de la vigueur de l'économie et de la croissance. Mieux vaut commencer avec 24 plutôt qu'avec six, ce qui reflète la situation de la Colombie-Britannique. Quand on regarde la représentation à la Chambre des communes, l'Ontario, en raison de sa population, aura toujours au moins le tiers des sièges.

Le sénateur Mahovlich : Le sénateur est habile avec les chiffres. Je le sais. J'ai aussi beaucoup d'expérience avec les chiffres. Il reste que l'Ontario couvre un plus vaste territoire, elle est plus populeuse, elle a plus de problèmes et elle a besoin de plus de représentants. Je voulais simplement parler au nom de l'Ontario.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, ce débat se fait attendre depuis longtemps. J'estime que si nous avions discuté de cette question au fil des ans, nous ne serions pas aux prises avec les problèmes que nous connaissons aujourd'hui.

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

LA SITUATION DE L'ALPHABÉTISATION

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'alphabétisme au Canada, ce qui donnera à tous les sénateurs présents dans cette enceinte l'occasion de parler de cette question qui, dans notre pays, est souvent oubliée. —(L'honorable sénateur Cochrane)

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, je voudrais intervenir sur l'interpellation relative à la situation de l'alphabétisation au Canada.

D'entrée de jeu, je voudrais féliciter notre collègue, madame le sénateur Fairbairn, d'avoir amorcé cet important débat. Je sais qu'elle appuie sincèrement et passionnément le mouvement d'alphabétisation et, à l'instar de nombre d'entre nous ici présents, elle est animée du souhait de voir tous les Canadiens profiter de meilleures capacités de lecture et d'écriture.

J'ai été profondément troublée de constater que les discussions des dernières semaines sur l'alphabétisation ont été marquées par la politique. Je crois sincèrement que nous avons porté trop attention aux récentes réductions des dépenses concernant l'alphabétisation annoncées par le nouveau gouvernement ainsi qu'aux faussetés qui ont été propagées à leur égard.

Mais surtout, en agissant ainsi, nous avons détourné nos énergies des gens qui figurent dans ces statistiques : les apprenants, les tuteurs volontaires et les intervenants du réseau d'alphabétisation. Les difficultés de ces gens-là, notamment les millions de Canadiens qui savent à peine lire et écrire, sont bien trop grandes et laissent des marques beaucoup trop profondes dans notre pays pour être exploitées à des fins partisanes.

Aujourd'hui, je voudrais diriger l'attention des sénateurs là où elle devrait l'être, soit les personnes derrière les chiffres. Je voudrais vous faire part de quelques faits vécus pour humaniser un peu la question, qui s'est embourbée dans la politique partisane et des données confuses.

Je vais d'abord vous raconter l'histoire de Dianne Smith. C'est une histoire très émouvante et porteuse d'espoir, pour poursuivre sur le même thème que le sénateur Segal et les autres.

J'ai eu l'honneur et le privilège de rencontrer Dianne l'an dernier, à l'occasion de la Journée de l'alphabétisation, sur la Colline du Parlement. Elle nous avait parlé du rôle que l'alphabétisation avait joué dans sa vie.

La majeure partie de sa vie a été hypothéquée par sa difficulté à lire. Lorsqu'elle était enfant à l'école, elle se souvient d'avoir reçu des coups de ceinture de son institutrice, un châtiment qui était courant à l'époque. Elle était souvent apeurée et nerveuse en classe. Cela s'est répercuté sur sa capacité à apprendre à lire. Elle était très bouleversée parce qu'elle avait le sentiment qu'elle ne lisait pas assez vite et qu'elle ne comprenait pas ce qu'elle lisait.

Comme les sénateurs le savent, ce n'est pas suffisant de savoir prononcer les mots qui figurent sur une page. Il faut aussi en comprendre la signification.

Plus tard dans sa vie, après des années de dur labeur, Dianne s'est rendu compte qu'elle devait, et je la cite, « travailler plus intelligemment au lieu de travailler plus fort ». Elle voulait aussi montrer l'exemple à ses enfants. Elle a donc trouvé une personne bénévole dans sa collectivité pour lui enseigner des cours privés. Elle s'est ensuite inscrite au Collège Holland.

La veille de son 50e anniversaire, elle a obtenu son certificat de connaissances générales. C'était en 1999. Elle poursuivait ses cours pendant qu'elle travaillait dans le domaine des soins à domicile. Finalement, elle a décidé de démarrer sa propre entreprise. En 2002, Dianne a ouvert le Smith Lodge, une maison de santé accréditée qu'elle possède et exploite elle-même.

Honorables sénateurs, cet été, j'ai eu la chance de lui rendre visite à l'Île-du-Prince-Édouard. Elle m'a fait visiter Smith Lodge. Permettez-moi de vous dire que l'établissement n'a pas son pareil. Je ne suis pas étonnée que les affaires aillent très bien pour elle et qu'elle l'ait déjà agrandi.

(1640)

En visitant les lieux, en parlant aux résidants et en me mettant au fait de divers détails, j'ai été frappée par le fait que, il n'y a pas si longtemps, Dianne n'aurait pas pu profiter d'une telle occasion. Elle est fort talentueuse et compétente, mais elle ne savait tout simplement pas lire et écrire. Aujourd'hui, elle dirige une entreprise en plein essor, emploie 15 personnes, fournit un service important à sa clientèle, à savoir un lieu de résidence pour 27 personnes, et son apport à la collectivité est important. Elle n'aurait jamais pu réussir de la sorte sans améliorer ses compétences en lecture et en écriture. En plus d'atteindre son objectif qui était de travailler plus intelligemment au lieu de travailler plus fort, elle a donné un bel exemple à ses enfants. De fait, ses deux enfants ont poursuivi des études postsecondaires.

Permettez-moi de vous parler d'une autre personne qui a fait un bout de chemin en matière d'alphabétisation. C'est une personne qui vient de ma localité. Le cas de Jamie Garland est intéressant puisqu'il illustre la situation d'une personne qui a pu passer des années dans le système scolaire tout en demeurant très peu alphabétisée. Je sais que ceux parmi nous qui n'ont pas eu à surmonter de telles difficultés comprennent souvent mal cette réalité. Jamie a 25 ans. Elle déclare : « J'ai eu de la difficulté à lire depuis mon tout jeune âge. Des enseignants ou des amis lisaient pour moi et je me fiais à ma mémoire pour répondre aux questions d'examen. On me faisait passer chaque année au niveau suivant, en dépit du fait que je ne savais pas lire ». Au décès de sa mère, Jamie et sa famille ont déménagé et elle a été transférée à une nouvelle école. Elle ajoute : « Quelques semaines avant les examens finaux, les enseignants m'ont dit que je devais abandonner l'école puisqu'il n'y avait pas d'examens oraux. J'ai été très déçue d'avoir à quitter l'école après toutes ces années d'effort. J'avais l'impression que toute ma jeunesse avait été une perte de temps. »

Après avoir quitté l'école, Jamie a eu un enfant et, par la suite, a travaillé durant un certain temps à Fort McMurray où, explique-t- elle, « il était très ardu pour une mère célibataire avec des difficultés d'alphabétisation de rester en santé et de subsister avec une petite fille ». Elle a alors décidé de retourner à l'école parce qu'elle tenait absolument à lire des histoires à sa fille avant de la mettre au lit. Elle voulait devenir plus instruite. Elle savait que cela ouvrirait la porte à un travail mieux rémunéré et permettrait à sa fille de mener une vie plus confortable. Mais, par-dessus tout, elle voulait pouvoir ouvrir un livre et le lire à sa fille, un plaisir que bon nombre d'entre nous tenons pour acquis.

J'aimerais vous lire ce que Jamie a écrit sur les avantages qu'elle considère avoir retirés de tout le travail qu'elle a accompli en classe. Elle dit : « J'ai plus de facilité à m'exprimer. Je voyage et je rencontre des gens. J'ai gagné un prix pour avoir fait de mon mieux à l'école. J'ai davantage confiance en moi. Je peux montrer des choses à ma fille et je lis beaucoup plus souvent des histoires à ma fille. »

Elle ajoute aussi « Je sais que ma fille aura une bonne éducation. Je vais y voir pour m'assurer qu'elle n'ait jamais de problème d'alphabétisation. Elle pourra prendre exemple sur ce que sa mère a fait. Mon avenir sera meilleur grâce mon éducation. L'avenir de ma fille sera également meilleur grâce à mon éducation. Tout cela donne un sens au dur travail que j'ai dû faire. »

Je suis tout à fait d'accord avec elle et je n'aurais pas pu mieux l'exprimer. Bon nombre d'enfants vivent une réalité semblable à ce que Jamie raconte. Ils vivent dans une maison où on lit très peu ou même pas du tout. Heureusement, il existe au pays des programmes et des centres où l'on jumelle des moniteurs avec des enfants et des adultes qui n'ont parfois pas les ressources nécessaires pour pouvoir lire à la maison. Ces programmes ne pourraient tout simplement pas exister sans l'importante contribution et la participation des bénévoles.

Amanda Marchment est l'une de ces nombreuses bénévoles canadiennes qui donnent généreusement de leur temps pour aider à promouvoir l'alphabétisation dans leur collectivité. Elle travaille comme répétitrice bénévole pour le Programme d'apprentissage de la lecture mis sur pied par la Bibliothèque publique de Toronto. Au cours des cinq dernières années, elle a consacré une soirée par semaine pour venir en aide à des jeunes enfants qui ont de la difficulté à lire. Au fil des ans, elle a travaillé avec trois élèves différents, chacun issu d'une famille d'immigrants, et chacun ayant de graves difficultés à lire dans sa classe de niveau primaire. Par exemple, les enfants auxquels des bénévoles comme Amanda viennent en aide ont parfois des difficultés de lecture qui causent un retard d'une année complète et peut-être même deux, par rapport à leurs camarades de classe et à leur niveau scolaire.

Amanda est fière des progrès importants qu'elle a pu constater chez ces enfants. Si la pratique de la lecture aide ces jeunes à mieux lire, les changements les plus importants selon Amanda sont ceux qu'elle observe dans leur attitude. Elle souligne qu'à mesure que les aptitudes s'améliorent sur le plan de la lecture, l'attitude des jeunes s'améliore également. Si les enfants se montrent souvent réticents et peu enthousiastes au départ, ils finissent par se passionner. Ils tiennent à participer à toutes les rencontres et ils continuent de pratiquer lorsqu'ils arrivent à la maison.

Cet exemple, honorables sénateurs, nous rappelle pourquoi il est si important d'apprendre à lire et à écrire à un jeune âge. Il est heureux que les enfants puissent apprendre à lire et à écrire à l'école, en particulier ceux qui arrivent au Canada et qui ne connaissent pas nos langues officielles, mais nous devons favoriser la création d'un environnement favorable à la lecture dans les foyers de ces enfants. Des programmes comme ceux-là illustrent bien comment on peut bâtir la confiance en soi et insuffler l'amour de la lecture aux enfants dès les premiers stades de leur éducation, ce qui les incitera plus tard à être des ambassadeurs de l'alphabétisation auprès des autres et dans les familles qu'ils fonderont.

J'aimerais parler un peu aux honorables sénateurs des gens et des organismes qui sont en première ligne des efforts d'alphabétisation dans ma province. Tom Dawe, qui vient de St. John's, en est un parfait exemple. Détenteur d'une maîtrise en éducation et directeur exécutif de l'organisme Teachers on Wheels depuis 13 ans, il se dépense sans compter dans le cadre d'une carrière consacrée à l'alphabétisation. L'organisme qu'il dirige est actif dans son milieu depuis plus de trois décennies et a pu observer des changements importants dans la population ayant besoin d'être alphabétisée. Selon Tom, dans les années 1980, on trouvait surtout parmi les apprenants des hommes âgés. Aujourd'hui, il s'agit surtout de jeunes femmes qui sont chefs de famille monoparentale, c'est-à-dire de femmes comme Jamie, dont j'ai parlé dans mon exemple précédent.

Bien que l'organisme n'ait pas compilé de statistiques récemment, Tom dit qu'en passant, les demandes d'aide à l'alphabétisation sont plus nombreuses en ce moment qu'elles ne l'ont jamais été. Malgré les changements démographiques, certains aspects de la question de l'analphabétisme n'ont pas changé d'un iota. Il suffit de constater l'importance de la confidentialité dans le soutien fourni à ceux qui étudient dans leur milieu de travail. Tom note en effet qu'il ne peut appeler ses clients à la maison parce que souvent un des époux ignore que l'autre est analphabète et qu'il fait du rattrapage individuel. Il est important de souligner cet aspect. Bien des gens dont le niveau d'alphabétisation est faible n'admettent pas ou ne veulent pas admettre qu'ils ont des problèmes de lecture et d'écriture. Comme je l'ai dit dans cette enceinte auparavant, Jacques Demers est l'exemple classique. En raison de cette réticence des analphabètes, il est difficile, voire impossible, de compiler des statistiques précises et de se faire une idée juste de l'ampleur du problème.

Bien que Teachers on Wheels soit un organisme d'alphabétisation bien établi dans la région de St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador, Tom est le seul employé. Il est donc responsable de la gestion du programme et de la mise en œuvre des projets. Il s'acquitte de ces tâches, et plus, sous la supervision des cinq membres bénévoles du conseil d'administration. L'organisme survit grâce à un budget de 70 000 $, dont la moitié provient du gouvernement fédéral. C'est de ce niveau de financement dont nous parlons actuellement. Le programme représente un investissement de 35 000 $ du Trésor fédéral. Je pense que c'est un domaine où la propagande politique nous fait facilement perdre de vue la réalité.

Honorables sénateurs, j'ai parcouru les états financiers de l'organisme. Ils sont accessibles au public. Je peux donc vous dire où va l'argent. Il est dépensé pour les frais généraux, pour payer le loyer, le téléphone, le service Internet, l'électricité et les assurances.

(1650)

L'organisation verse un salaire modeste — un peu plus de 50 000 $ — à cet extraordinaire éducateur, Tom, qui possède une expérience et des compétences professionnelles vastes. Elle assume des frais postaux et d'impression et elle achète des manuels et des cahiers d'exercice pour les apprenants adultes.

Certains cyniques disent que les organisations de ce genre dépensent beaucoup pour des petits extras, comme des voyages. J'étais curieuse de savoir si c'était vrai. Je peux dire sans équivoque aux honorables sénateurs que ce groupe a dépensé 356 $ et 206 $ au cours des deux dernières années respectivement. Je sais que d'autres groupes ont des budgets de déplacement plus importants, ce qui illustre l'étendue de leurs services à l'échelle de la province. Toutefois, dans ma province du moins, ces coûts sont minimes.

Honnêtement, honorables sénateurs, le gros du travail remarquable dans le domaine de l'alphabétisation coûte très peu aux contribuables canadiens. En tant que contribuable, je dois dire que, dans ce domaine, j'ai l'impression d'obtenir une valeur inestimable pour mon argent. En fait, la majeure partie du travail en alphabétisation est accomplie gratuitement par des bénévoles dévoués.

Selon les dernières données, l'organisation Teachers on Wheels compte 25 tuteurs bénévoles et elle est toujours à la recherche de plus de tuteurs, ce qui n'est guère surprenant. Tom estime que le gouvernement pourrait jouer un rôle très important dans la sensibilisation du public au besoin de bénévoles en alphabétisation. C'est un rôle que je n'ai jamais entendu mentionner. Tom a beau pouvoir compter sur 25 tuteurs bénévoles, selon lui, le travail serait le même s'il en avait 100.

Les gouvernements pourraient offrir un soutien aux bénévoles et aider les organisations comme Teachers on Wheels à attirer et à former de nouveaux bénévoles. C'est pourquoi Tom dit : « S'ils veulent vraiment faire quelque chose pour l'alphabétisation, qu'ils nous aident au sujet des bénévoles. Qu'ils nous aident à trouver plus de gens pour le tutorat. Cela ferait vraiment une différence. »

Le Newfoundland and Labrador Laubach Literacy Council est un autre important fournisseur de services d'alphabétisation de ma collectivité. Melanie Callahan Casper en est la directrice exécutive et son organisation, comme celle de Tom, dispose d'un budget annuel d'environ 70 000 $. Les gouvernements fédéral et provincial financent l'organisation selon un ratio d'environ 60/40. Toutefois, il convient de noter que le financement provincial est souvent lié au financement fédéral. Ainsi, si le financement fédéral diminue, celui de la province est moindre.

Comme cet organisme provincial regroupe 21 conseils situés dans des localités tant insulaires que côtières, Melanie est appelée à voyager plus que Tom. Melanie visite des conseils un peu partout dans la province et est responsable de la formation. Elle supervise en outre l'assemblée et conférence annuelle.

À l'heure actuelle, Laubach compte quelque centaines de bénévoles dans notre province. Au fil des ans, cet organisme a assuré la formation de milliers de personnes. En ce moment, il y a environ 200 paires tuteur-apprenant actives qui ont été formées grâce à cet organisme.

Dans une semaine environ, le conseil d'alphabétisation Laubach de Terre-Neuve et Labrador tiendra son assemblée générale annuelle à Corner Brook. On y attend une centaine de bénévoles venant d'un peu partout dans la province. L'assemblée est une occasion annuelle de se rencontrer pour échanger idées et information et pour partager expériences, préoccupations et connaissances. Elle offre en outre annuellement une occasion de formation.

Honorables sénateurs, j'ai appris que des membres de ces conseils locaux lèvent des fonds. Ils vendent des billets en vue du tirage de prix, des biscuits et des pâtisseries afin de financer leur participation à l'AGA. J'aimerais préciser que ce sont des activités de ce genre, et pas exclusivement l'argent des contribuables, qui servent à financer la participation des membres à des réunions comme celle-là.

Ces bénévoles travaillent fort à aider les apprenants en seul à seul, mais aussi à améliorer les services d'alphabétisation qui sont offerts, grâce à la formation à l'échange d'information entre tuteurs. Je crois que, dans bien des cas, il est très facile de perdre de vue le travail formidable que les bénévoles sont appelés à faire. Il est clair que le fardeau et les responsabilités qui reposent sur les épaules de ces personnes sont lourds, alors que tous en profitent lorsqu'elles acceptent de relever le défi d'offrir leurs services.

Honorables sénateurs, il serait négligent de ma part de ne pas vous toucher un mot de la réduction récente des fonds alloués à l'alphabétisation.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée de vous interrompre, sénateur Cochrane. Souhaitez-vous qu'on vous accorde plus de temps?

Le sénateur Cochrane : Oui, cinq minutes de plus.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cochrane : L'honorable leader du gouvernement au Sénat m'a dit à maintes reprises, comme d'autres représentants du gouvernement d'ailleurs, qu'aucun programme ne sera supprimé à cause de ce montant de 17,7 millions de dollars.

D'ailleurs, je considère que les reportages médiatiques d'hier venant de l'Île-du-Prince-Édouard — lesquels indiquaient que le gouvernement fédéral a approuvé la proposition d'un financement de deux ans faite par l'association pour l'alphabétisation de l'Île-du- Prince-Édouard — démontrent cet engagement envers l'alphabétisation. Cet après-midi-même, j'ai appris que l'organisme Literacy Newfoundland and Labrador a été informé par des fonctionnaires de RHDS qu'ils procéderaient à l'examen de toutes les propositions soumises par le truchement de toutes les voies fédérales de financement le 15 septembre.

D'après ce qu'ils croient comprendre, l'examen sera effectué en partenariat avec le gouvernement provincial. Il en a toujours été ainsi. La ministre des Ressources humaines et du développement social fournira des orientations supplémentaires au cours du processus d'examen afin de garantir des résultats tangibles, et c'est très bien.

Je salue cette démarche et j'espère que cela apaisera les craintes formulées par des défenseurs de l'alphabétisation un peu partout dans notre pays.

Honorables sénateurs, je crois que le retard du Canada sur le plan des taux d'alphabétisation constitue une tragédie nationale. Il nous faut tout simplement mieux faire et en faire davantage. Nous devons harmoniser les actions mises en œuvre d'un bout à l'autre du pays et nous devons nous doter d'indicateurs clairs et mesurables des progrès accomplis.

La clé du succès serait peut-être tout simplement de réunir tous les intervenants pertinents du pays autour d'une seule et même table de discussion. C'est non seulement possible, mais nécessaire.

Honorables sénateurs, je souhaitais prendre la parole aujourd'hui pour donner une voix à des gens comme Jamie et Dianne, et pour saluer les efforts de tous ceux qui œuvrent dans le domaine de l'alphabétisation. Je sais que dans l'ambiance actuelle, leur tâche a semblé ingrate à bon nombre d'entre eux, particulièrement ces dernières semaines. Il faut diffuser leurs histoires et leurs expériences; voilà pourquoi cette enquête est si importante.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Robichaud, le débat est ajourné.)

(1700)

[Français]

DROITS DE LA PERSONNE

MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LA DÉCLARATION DE 2005 SUR L'ANTISÉMITISME ET L'INTOLÉRANCE DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Stollery,

Que la Résolution suivante sur la lutte contre l'antisémitisme, adoptée à l'unanimité à la 14e session annuelle de l'Association parlementaire de l'OSCE, à laquelle le Canada a participé, à Washington D.C. le 5 juillet 2005, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour étude et que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 30 octobre 2006 :

RÉSOLUTION SUR LA LUTTE CONTRE L'ANTISÉMITISME

Rappelant les résolutions sur l'antisémitisme qui ont été adoptées à l'unanimité par l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à ses sessions annuelles de Berlin en 2002, de Rotterdam en 2003 et d'Édimbourg en 2004,

1. Se référant aux engagements pris par les États participants à la suite des Conférences de l'OSCE de Vienne (juin 2003), Berlin (avril 2004) et Bruxelles (septembre 2004) en ce qui concerne les efforts d'ordre juridique, politique et pédagogique à déployer pour lutter contre l'antisémitisme, en veillant à ce que ``les juifs résidant dans l'espace de l'OSCE puissent mener une vie exempte de discrimination, de harcèlement et de violence'',

2. Notant avec satisfaction le bon déroulement de la Conférence sur l'antisémitisme et d'autres formes d'intolérance tenue à Cordoue (Espagne) en juin 2005,

3. Se félicitant de la nomination et des attributions permanentes des trois Représentants personnels du Président en exercice de l'OSCE chargés respectivement de la lutte contre l'antisémitisme, de la lutte contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des musulmans et de la lutte contre le racisme, la xénophobie et la discrimination, également dirigée contre l'intolérance et la discrimination à l'égard des chrétiens et des membres d'autres religions, ce qui montre la contribution distincte que chacun d'eux est appelé à apporter à l'étude des différentes questions se posant dans l'espace de l'OSCE,

4. Réaffirmant le point de vue exprimé dans des résolutions antérieures, selon lequel l'antisémitisme constitue une menace pour les droits fondamentaux de l'homme et les valeurs démocratiques et, partant, pour la sécurité dans l'espace de l'OSCE,

5. Soulignant l'importance des mécanismes permanents de suivi des incidents antisémites à l'échelle nationale, ainsi que la nécessité de condamnations publiques, d'une action énergique de la police et de poursuites vigoureuses,

L'Assemblée parlementaire de l'OSCE

6. Demande instamment aux États participants de l'OSCE d'adopter des définitions nationales uniformes pour le suivi et la collecte d'informations relatives à l'antisémitisme et aux crimes de haine, sur le modèle de la définition de travail de l'antisémitisme qui a été donnée en janvier 2005 par l'Observatoire de l'Union européenne pour les phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), et de mettre les milieux officiels, les fonctionnaires et autres agents d'organismes publics au courant de ces définitions, de manière à ce que les incidents puissent être rapidement identifiés et recensés;

7. Recommande que les États participants de l'OSCE établissent des mécanismes nationaux de collecte et de suivi des données et qu'ils améliorent le partage des éléments d'information entre les autorités centrales et locales et les représentants de la société civile, tout en procédant à l'échange de données et de pratiques optimales avec d'autres États participants de l'OSCE;

8. Demande instamment aux États participants de l'OSCE de diffuser des données sur les incidents antisémites en temps utile et de communiquer ces informations au Bureau des Institutions démocratiques et des Droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE;

9. Recommande au BIDDH de diffuser périodiquement ses données sur les crimes antisémites et inspirés par la haine, de mettre en évidence les meilleures pratiques et de lancer des programmes axés sur les domaines de la police, de l'application des lois et de l'éducation;

10. Invite les gouvernements nationaux à affecter au suivi de l'antisémitisme des ressources adéquates permettant notamment de nommer des médiateurs nationaux ou des représentants spéciaux;

11. Souligne la nécessité d'élargir la participation des représentants de la société civile à la collecte, à l'analyse et à la publication des données sur l'antisémitisme et la violence y afférente;

12. Invite les délégations nationales à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à faire en sorte que des débats périodiques sur l'antisémitisme soient organisés au sein de leurs parlements et, en outre, à soutenir les campagnes de sensibilisation du public à la menace que font peser sur la démocratie les actes de haine antisémite, en décrivant les meilleures pratiques de lutte contre cette menace;

13. Invite les délégations nationales à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE à soumettre à la session annuelle de 2006 des rapports sur les activités de leurs parlements en matière de lutte contre l'antisémitisme;

14. Invite les États participants de l'OSCE à élaborer des aides pédagogiques et des méthodes de formation des enseignants pour faire échec aux formes contemporaines d'antisémitisme et à mettre à jour des programmes sur l'éducation concernant l'Holocauste;

15. Demande instamment tant aux parlements nationaux qu'aux gouvernements des États participants de l'OSCE de réexaminer leurs législations nationales;

16. Demande instamment aux États participants de l'OSCE d'améliorer la sécurité sur les sites juifs et autres lieux susceptibles d'être la cible d'attaques antisémites, en coordination avec les représentants des communautés concernées.—(L'honorable sénateur Segal)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, l'antisémitisme est un fait déplorable pour tous les Canadiens et Canadiennes. Il est important pour nous, honorables sénateurs, de se prononcer à ce sujet. Je crois que tous les sénateurs devraient dénoncer cette façon d'agir.

Je prendrai probablement la parole à nouveau sur ce sujet plus tard. Toutefois, j'aimerais ajourner le débat à mon nom à une date ultérieure.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

LE SÉNAT

MOTION TENDANT À DEMANDER AU GOUVERNEMENT D'ÉTUDIER L'IMPACT DE SA LÉGISLATION SUR LES MINORITÉS ET LES RÉGIONS—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Cordy :

Que le Sénat demande au gouvernement d'accompagner tous ses projets de loi d'une étude sur l'impact social et économique qu'ils auront sur les régions et les minorités en relation au rôle du Sénat de représentation et protection des minorités et les régions.—(L'honorable sénateur Tkachuk)

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, l'impact social et économique des décisions prises à Ottawa est certes un autre sujet qui mérite notre attention. Je sais que plusieurs d'entre vous, notamment le sénateur Tkachuk, s'intéressent à cette question.

Pour ma part, j'aurai sans doute très peu à dire sur le sujet. C'est pourquoi j'aimerais ajourner le débat à mon nom à une date ultérieure.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE AU NUNAVUT

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Adams, attirant l'attention du Sénat sur des dossiers concernant l'industrie de la pêche au Nunavut, notamment l'utilisation de droits de pêche, les méthodes de pêche, la participation étrangère et une proposition de vérification sur les avantages que les Inuit tirent de la pêche.—(L'honorable sénateur Fraser)

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, en tant que Canadienne de la région de l'Atlantique, je me sens obligée d'appuyer le sénateur Adams et les tentatives des Inuits de retirer de meilleurs avantages économiques de la pêche au flétan noir au Nunavut. Cette question est très importante pour nous tous et j'aimerais maintenant que le débat soit ajourné à mon nom afin que je puisse en parler plus tard pour le temps qu'il me reste.

(Sur la motion du sénateur Hubley, le débat est ajourné.)

L'APPORT DE L'HONORABLE HOWARD CHARLES GREEN À LA VIE PUBLIQUE CANADIENNE

INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Lowell Murray, ayant donné avis le 30 octobre 2006 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le service fidèle et exemplaire envers le Canada du défunt honorable Howard Charles Green, de la Colombie-Britannique, durant toute sa vie d'adulte.

— Honorables sénateurs, devrais-je faire une petite pause afin que ceux qui désirent partir pour l'aéroport ou ailleurs puissent sortir? Je n'ai pas l'intention d'ajourner le débat après quelques minutes seulement, mais bien de prononcer l'ensemble du discours que j'ai préparé.

Le sénateur Comeau : Personne ne s'en va à l'aéroport; nous siégeons demain.

Le sénateur Murray : C'est vrai, nous siégeons demain. J'avais oublié.

Honorables sénateurs, la semaine dernière, j'ai préparé un avis d'interpellation. Toutefois, comme l'intervention qu'a faite le sénateur Segal, sous la rubrique des déclarations de sénateurs, a été tellement pertinente, j'ai décidé qu'il n'était plus nécessaire que j'intervienne. Par la suite, deux éléments m'ont persuadé de procéder quand même à cette interpellation.

Premièrement, plusieurs honorables sénateurs m'ont indiqué qu'ils souhaitaient eux aussi témoigner leur appréciation à l'égard de la vie et de la carrière publique du regretté Howard Green. Deuxièmement, un comité consultatif à la direction du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux examine actuellement la possibilité de donner le nom de M. Green à un édifice de Vancouver. J'ose espérer que ces discours au Sénat ainsi que les interventions publiques d'autres Canadiens contribueront à remettre les choses dans leur juste perspective et à faire en sorte que l'honorable Howard Green soit honoré comme il le mérite.

Pour ce qui est de son point de vue concernant le traitement des Nippo-Canadiens durant la Seconde Guerre mondiale, je signale que M. Green était carrément dans l'erreur et qu'il était loin d'être le seul dans ce cas. Le Canada était jusqu'à un certain point aux prises avec une sorte d'hystérie. Ce n'était pas la première fois — et ce ne serait pas la dernière, comme on l'a vu malheureusement par la suite. La classe politique, du gouvernement fédéral en descendant, a réagi de façon hystérique — ce n'était pas la première fois et, malheureusement, ce n'était pas non plus la dernière.

La plupart des députés, particulièrement ceux de la Colombie- Britannique, ont appuyé, et certains ont même réclamé, la mesure prise par le gouvernement du premier ministre Mackenzie King. Ces députés de la Colombie-Britannique comprenaient le ministre fédéral Ian Mackenzie, le grand parlementaire du CCF tant au provincial qu'au fédéral Harold Winch, ainsi que M. Green. Je tiens de bonne source que le seul député de la Colombie-Britannique qui était contre la mesure du gouvernement était le regretté Angus MacInnis, qui a longtemps représenté Vancouver-Est et Vancouver Queensway, et dont la veuve, Grace MacInnis, a plus tard servi à la Chambre des communes.

Nous devons juger Howard Green, comme nous souhaitons tous l'être, c'est-à-dire en fonction de toute notre carrière et de l'ensemble de notre contribution. En vertu de n'importe quelle norme raisonnable, notre jugement à l'égard des années de service d'Howard Green ne peut être qu'éminemment positif.

Je connaissais Howard Green personnellement. Je l'ai connu à Ottawa et à Vancouver, car j'ai été chef de cabinet pour un de ses collègues de la Colombie-Britannique au Cabinet, l'honorable Davie Fulton. Je connaissais M. Green comme un jeune adjoint politique peut connaître un ministre important, ce qui veut dire que nous ne nous appelions pas par nos petits noms, du moins moi je ne m'adressais pas à lui en utilisant son prénom. Je dois dire qu'au nombre de ses nombreuses qualités, il était bien disposé à l'endroit des jeunes et il savait les encourager. Ceux de ma génération qui ont travaillé avec lui dans son entourage ministériel ou qui ont participé à ces campagnes à Vancouver le vénéraient.

Je l'admirais, parce qu'il était sûr de ses convictions et qu'il les défendait ardemment. Le regretté journaliste Blair Fraser a déjà décrit Howard Green comme étant le chêne isolé sur la Colline du Parlement, parce qu'il était un cas à part et qu'il ne pliait pas. M. Green a été un élément de ce petit groupe de conservateurs, héroïque, selon moi, qui a maintenu son parti vivant dans les circonstances les plus éprouvantes, à partir de 1935, année où il a été élu pour la première fois, durant la guerre, puis pendant trois mandats dans l'opposition dans les années d'après-guerre. N'ayant rien d'autre que leur intelligence et leur détermination, les membres de ce groupe sont devenus de formidables parlementaires à la Chambre et se sont acquittés de leur devoir constitutionnel, formant la loyale opposition de Sa Majesté, avec loyauté et beaucoup d'efficacité. Howard Green et, plus tard, John Diefenbaker, George Drew, George Pearkes, Douglas Harkness, Gordon Churchill, Davie Fulton, Léon Balcer, Ellen Fairclough, Alfred Brooks et George Nowlan ont poursuivi leur lutte, sous-payés, sans personnel et, comme on l'a vu plus tard, non reconnus à leur juste valeur, jusqu'à ce que le vent finisse par tourner.

Voici ce que je dis au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux : si son ministère a la moindre mémoire institutionnelle, l'honorable Howard Green doit y avoir une place d'honneur. Au milieu des années 1950, la culture du ministère des Travaux publics n'avait pas beaucoup évolué depuis le temps du pauvre sir Hector Langevin, dont la carrière avait été entachée au début par le scandale du Pacifique et à la fin par le scandale McGreevy, et qui a pourtant donné son nom à un édifice qui est le siège même du pouvoir à Ottawa, l'édifice Langevin. Le premier ministre Saint-Laurent était déterminé à faire le ménage à Travaux Publics, et c'est pourquoi il a choisi Robert Winters en tant que ministre, et nommé le major-général H. A. Young au poste de sous- ministre. L'équipe Winters-Young s'est bien acquittée de sa tâche, et Howard Green a terminé le travail avec la collaboration du redoutable général Young.

Le premier jour où le nouveau gouvernement a pris le pouvoir, en juin 1957, après une traversée du désert de 22 ans, M. Green a déclaré, semant la consternation, qu'il n'y aurait pas de copinage politique dans l'attribution des contrats de Travaux publics, et il a tenu parole. C'était la belle époque.

J'allais dire, mais cela manque peut-être de sérieux, que lorsque Fulton et moi sommes arrivés en 1962, il n'y avait plus de quoi rire au ministère.

Dans son allocution de jeudi dernier, le sénateur Segal a parlé de l'engagement de M. Green en tant que ministre des Affaires étrangères et de son zèle infatigable sur le plan international pour la cause du désarmement nucléaire. Il faut dire que ce sujet n'était pas une très grande priorité au pays ou au sein du gouvernement quand il est devenu ministre. Il a créé une division du désarmement dans son ministère et quand il a quitté son poste, quatre ans plus tard, cette question était à l'avant-plan des préoccupations du gouvernement, du Parlement et du pays. Howard Charles Green a ainsi fait cause commune avec des citoyens et des organismes en compagnie desquels les politiciens plus traditionnels ne se seraient normalement pas trouvés.

[Français]

Ce fils de la Colombie-Britannique a vite décelé, dans la décolonisation de l'Afrique francophone, la possibilité de trouver de nouveaux alliés pour le Canada aux Nations Unies et de tisser de nouveaux liens outre-mer pour les Canadiens français. Sa détermination d'établir des relations diplomatiques avec ces nouvelles nations francophones s'est toutefois heurtée à l'absence flagrante d'une masse critique de francophones dans notre service diplomatique. Pour remédier à ce problème, il a fallu attendre une nouvelle politique linguistique; cependant, le ministre a su improviser en nommant des ambassadeurs dotés de multiples mandats pour assurer la représentation canadienne au sein des nouvelles nations de l'Afrique francophone.

M. Green a également reconnu l'importance grandissante de l'aide à l'étranger dans les politiques étrangères des pays industrialisés. C'est lui qui a créé l'Office de l'aide étrangère au sein du ministère, précurseur de ce que nous connaissons aujourd'hui comme étant l'ACDI.

(1710)

[Traduction]

Pendant le débat aux Communes au sujet de l'envoi de troupes à Chypre, quelques années après le départ de M. Green du Parlement, le premier ministre Pearson a émis des commentaires sur les difficultés auxquelles font face le gouvernement et le Parlement dans de tels cas et il a parlé en ces termes de la décision d'un gouvernement antérieur au sujet du Congo : « Il n'est pas déplacé pour moi de me rappeler ce soir qu'à cette époque, le plus ardent et le plus sincère partisan de l'action des Nations Unies à ce sujet était l'homme alors secrétaire d'état aux Affaires étrangères, M. Howard Green.»

Honorables sénateurs, la malheureuse et inutile controverse née de la décision de nommer un bâtiment fédéral de Vancouver en son honneur pourrait malgré tout être positive, en ce sens qu'elle fournit l'occasion à certains d'entre nous d'exprimer notre appréciation, et pour d'autres de mieux comprendre la contribution durable ainsi que les services vraiment exemplaires et fidèles rendus à notre pays par l'honorable Howard Charles Green, un parlementaire hors du commun, quelqu'un de très bien.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'allais ajourner le débat au nom du sénateur Campbell, mais je crois que le sénateur Downe a une question à poser.

L'honorable Percy Downe : Honorables sénateurs, je n'ai pas connu M. Green, mais j'ai écouté les discours à son sujet. Il est important de bien faire remarquer qu'il parlait comme un homme de son époque. Ceux d'entre nous qui ont lu sur la vie politique du Canada à différentes époques savent que des opinions exprimées en leur temps ne seraient pas acceptées aujourd'hui. Le sénateur a déclaré au début de son intervention qu'à l'époque, M. Green avait tort. Aujourd'hui, il aurait peut-être une opinion tout à fait différente.

Je me suis toujours étonné que l'on ne semble donner que les noms d'anciens hommes ou femmes politiques aux immeubles fédéraux. Beaucoup de Canadiens qui ont apporté une importante contribution à leur pays n'ont pas d'immeubles nommés en leur honneur. Il y a beaucoup d'exemples éloquents. À Charlottetown, il y a un immeuble Daniel J. MacDonald. M. MacDonald a été ministre des Anciens combattants. Il a été blessé pendant la Seconde Guerre mondiale. C'est un immeuble agréable. À Summerside, il y a un immeuble qui a été nommé en l'honneur de mon vieil ami Joe Ghiz, mais je ne suis pas certain qu'un homme politique tienne à ce qu'un immeuble du service de l'impôt soit nommé en son honneur. C'était là aussi un bon choix.

Récemment, le choix du nom d'un nouvel immeuble fédéral à Charlottetown a créé une controverse. En reprenant la procédure mentionnée plus tôt par le sénateur Murray, il pourrait peut-être faire savoir au leader du gouvernement au Sénat que ce serait une bonne idée d'envisager de ne pas limiter la banque de noms aux hommes et femmes politiques, et le leader pourrait peut-être transmettre le message au ministre des Travaux publics. Beaucoup de noms pourraient servir à nommer des immeubles fédéraux. Au Canada, la plupart des politiciens ont été des hommes, aussi la plupart des immeubles ont-ils des noms d'hommes. En élargissant notre banque de noms, nous pourrions avoir davantage d'immeubles portant des noms de femmes.

À l'Île-du-Prince-Édouard, j'ai proposé — et cela montre le peu d'influence que j'ai — d'utiliser le nom de Georgina Pope, qui, comme beaucoup de gens le savent, est considérée comme étant la Florence Nightingale de l'armée canadienne. Mme Pope est née à Charlottetown. Elle a fait une carrière remarquable pendant la guerre des Boers et la Première Guerre mondiale. Elle est décédée à Charlottetown en 1938. En passant, son frère a été le secrétaire particulier de sir John A. Macdonald. Ma suggestion n'était donc pas motivée par l'esprit de parti.

En me fondant sur les discours que j'ai entendus, j'appuie l'idée de nommer un immeuble d'après M. Green. Le sénateur Murray pourrait-il envisager de recommander au comité d'élargir la banque de noms utilisés pour nommer des immeubles?

Le sénateur Murray : Honorables sénateurs, je serais heureux de le faire. Je présume que mon ami ne fait pas allusion au comité et à l'édifice qui, je l'espère, sera nommé en l'honneur de M. Green, comme le gouvernement et le comité l'avaient plus tôt recommandé et le souhaitaient.

À bien y songer, je crois que des comités consultatifs sont créés à chaque occasion. Le gouvernement aurait intérêt à envisager pour tous ces comités un ensemble, non pas de règlements, mais bien de lignes directrices qui insisteraient sur le genre, entre autres, sur le nombre de femmes qui ont apporté une contribution insigne au pays, et aussi sur les occupations et contributions, à l'extérieur du cadre de la politique et de la fonction publique, qui devraient faire l'objet d'une reconnaissance au niveau des édifices publics.

Pendant que le sénateur Downe parlait, j'ai passé en revue les édifices publics que je connais, afin d'essayer de trouver une exception à la règle qu'il a mentionnée, et je ne peux me souvenir d'aucun édifice, même si je sais qu'il y en a. En parlant de politiciens qui ont fait oeuvre utile, j'ai justement appris aujourd'hui même — je ne le savais pas auparavant — qu'une installation dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador est nommée en l'honneur de notre ancien collègue Bill Petten, en raison de la contribution qu'il a apportée relativement à une mesure législative ayant trait à notre compétence dans le domaine des pêches. Je ne l'ai appris que ce matin.

Le sénateur Downe : Honorables sénateurs, je précise que je ne m'oppose pas à ce qu'on donne le nom de politiciens à des édifices dans l'avenir. Par exemple, une de nos collègues, madame le sénateur Callbeck, a été la première femme à exercer les fonctions de première ministre d'une province. Un jour, dans des décennies espérons-le, il faudra nommer un édifice en son honneur.

Voilà pour la bonne nouvelle. La mauvaise, c'est qu'aucune femme après elle n'a accédé au poste de première ministre.

Il y aura encore des édifices nommés en l'honneur d'anciens politiciens, mais nous sommes allés trop loin. Il s'agit d'édifices financés avec des fonds publics et nous devrions envisager d'élargir le bassin où l'on puise les noms.

L'honorable Lorna Milne : Si vous le permettez, je ne poserai pas de question au sénateur Murray, mais je lui ferai une suggestion. Je l'invite à proposer à son ex-camarade de parti, madame le leader du gouvernement au Sénat, que l'on envisage de donner le nom d'une politicienne à un édifice, soit Agnes McPhail.

Le sénateur Murray : Pourquoi pas Ellen Fairclough?

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Je désire remercier le sénateur Murray pour son éloquent discours.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le temps accordé au sénateur Murray est écoulé. Le sénateur demande-t-il de disposer de plus de temps?

Le sénateur Murray : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vous accorde cinq minutes. Vous pouvez poser votre question, sénateur Jaffer.

Le sénateur Murray : Je ne sais pas au juste si madame le sénateur Jaffer désire intervenir dans le débat ou si elle veut poser une question.

Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, je veux poser une question.

Bien sûr, je n'ai pas eu le plaisir de connaître M. Green. Je prête donc une oreille attentive aux propos de mes collègues à son sujet. Cependant, je voudrais également faire part aux sénateurs de la douleur que ma collectivité, une collectivité nombreuse de la Colombie-Britannique, ressent face à la discrimination qui existait à l'époque. Je peux dire aux sénateurs que, lorsque le premier ministre Mulroney a entendu cette douleur et leur a accordé réparation, beaucoup de blessures se sont cicatrisées dans ma collectivité. Les habitants de ma collectivité risquent donc de ressentir de la douleur lorsqu'ils apercevront cet immeuble. Je vous signale que ce dossier suscite encore des sentiments douloureux.

Cependant, étant donné que le sénateur Murray a une grande stature dans cette enceinte, je voudrais lui demander s'il pense que nous avons tiré des leçons de cette période où nous avions un sentiment de haine contre les Japonais. Je crois que nous devons relever certains des mêmes défis à ce stade-ci de notre histoire relativement à une certaine communauté. Le sénateur peut-il nous faire partager certaines des leçons que nous avons apprises durant cette période?

Le sénateur Murray : En ce qui concerne le premier point, je ne crois pas, comme le sénateur Segal et moi-même l'avons laissé entendre, qu'il soit équitable de pointer du doigt un parlementaire en particulier qui a appuyé la position du gouvernement de l'époque, alors qu'il y en avait bien d'autres et que, comme le sénateur Downe l'a déclaré, il est loin d'être approprié et utile de juger des gens en fonction de ce que j'espère être nos normes actuelles.

(1720)

Surtout, en ce qui concerne la seconde question que le sénateur Jaffer a posée, afin de voir si nous avions appris quelque chose, parfois je me demande ce que nous avons appris et si nous avons appris grand-chose. Cela dit, dans le climat actuel, il y a moins de chances d'hystérie qu'à l'époque. Si cela devait se reproduire, nous avons des protections juridiques qui n'existaient pas à ce moment-là. Je n'aurais jamais pensé dire cela un jour en leur faveur, mais nous pouvons également compter sur des médias beaucoup plus indépendants et vigilants.

(Sur la motion du sénateur Fraser, au nom du sénateur Campbell, le débat est ajourné.)

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ETRESSOURCES NATURELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGEREN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Ethel Cochrane, au nom du sénateur Banks, conformément à l'avis du 31 octobre 2006, propose:

Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger à 17 heures le mardi 7 novembre 2006, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion ?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES

AUTORISATION AU COMITÉ DE RENVOYER DES DOCUMENTS DE LÉGISLATURES ANTÉRIEURES POUR L'ÉTUDE DU PROJET DE LOI S-213

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition), au nom du sénateur Bryden, conformément à l'avis du 1er novembre 2006, propose :

Que les documents reçus et les témoignages entendus par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles relativement aux :

  • projet de loi C-15B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, durant la première session de la 37e législature;
  • projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, et projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), durant la deuxième session de la 37e législature;
  • projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), durant la troisième session de la 37e législature;
  • projet de loi S-24, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), durant la première session de la 38e législature;

soient renvoyés au comité en vue de son étude sur le projet de loi S-213, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux).

(La motion est adoptée.)

[Français]

LANGUES OFFICIELLES

ADOPTION DE LA MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Maria Chaput, conformément à l'avis du 1er novembre 2006, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des langues officielles soit autorisé à siéger le lundi 6 novembre 2006 à 16 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Joan Fraser (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, pourquoi le comité devrait-il siéger en même temps que le Sénat?

Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, notre plage horaire est située le lundi, entre 16 heures et 18 heures. C'est donc la seule possibilité de siéger. Lundi prochain, nous recevons l'honorable Josée Verner et le nouveau commissaire aux langues officielles.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au vendredi 3 novembre 2006, à 9 heures.)


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