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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 59

Le lundi 11 décembre 2006
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le lundi 11 décembre 2006

La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

VISITEUR À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune M. John Steffler, le nouveau poète officiel du Parlement.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je lui souhaite la bienvenue et je lui offre nos plus sincères vœux de succès dans ses fonctions de poète officiel.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA DIVERSITÉ ET LE PLURALISME AU SÉNAT

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'ai été profondément attristé par certains débats qui ont eu lieu dans cette enceinte jeudi dernier. Ces débats ont été une manifestation d'injustice et de partialité. Essentiellement, ils ont nié le fait que nous sommes tous égaux au Sénat et, malheureusement, ils ont fait ressortir le désavantage qu'ont les quatre groupes cibles dans cette enceinte. Vous vous demandez peut-être quels sont les quatre groupes cibles dont je parle? Comme vous le savez, il y a environ 20 ans, le gouvernement du Canada a établi que quatre groupes de Canadiens étaient traités injustement et faisaient l'objet de discrimination et que, de ce fait, il fallait prendre des mesures spéciales pour leur donner le même statut qu'aux autres Canadiens qui constituaient la majorité.

Ces quatre groupes sont les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les membres des minorités visibles. Lors du débat de jeudi dans cette enceinte, nous avons entendu parler de l'angoisse des femmes, des Autochtones et des minorités visibles et c'était pénible.

Honorables sénateurs, je me suis crispé dans mon fauteuil en entendant les appels à l'aide qu'ont lancés certains de nos collègues. Le Sénat doit porter un regard franc sur ce qui lui arrive.

Pendant environ 17 ans, j'ai tenté de traiter de sensibilité à la race, de diversité, de pluralisme, d'égalité et de droits de la personne et, aussi douloureux que ce soit, je dois admettre que, dans l'ensemble, je n'ai pas réussi. Nous ne ferons jamais de progrès au sujet de notre problème systémique tant que la majorité ne reconnaîtra pas le problème et qu'ensemble nous n'entreprendrons pas de le résoudre.

J'écoute, honorables sénateurs, les sénateurs Mercer et Munson parler des réalisations des comités du Sénat et du travail de chaque sénateur, comme ils le font souvent, mais jamais je n'entends parler de la diversité. Je serai heureux le jour où ils parleront ouvertement des réalisations du Sénat au sujet de la lutte contre le racisme.

(1805)

Les inégalités et la discrimination ne sont pas des sujets faciles à aborder, surtout quand il s'agit de notre pays. J'ai souvent parlé ici de la faible représentation démographique au Sénat, et je vous demande ceci : le Sénat est-il représentatif de la mosaïque canadienne? J'ai parlé du manque de représentativité des quatre groupes cibles chaque fois que des orateurs ont fait l'éloge du Canada à l'étranger. Comme le savent certains honorables sénateurs, j'ai eu l'immense honneur de parler des questions de pluralisme, ou d'intégration, comme disent les Européens, de racisme et de notre tradition de multiculturalisme dans de nombreux pays au cours des dernières années. J'ai beaucoup appris au sujet du problème mondial du manque de sensibilité et des barrières contre l'avancement de certaines classes sociales.

Je recommande, honorables sénateurs, que cette institution finisse par comprendre : pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il désigné quatre groupes cibles? La majorité au Sénat doit prendre les mesures nécessaires pour que le pluralisme devienne réalité. Je recommande que les leaders et le Président du Sénat aident à instaurer un dialogue qui permettra de trouver une solution à ce problème.

LA COUR SUPRÊME DU CANADA

LA DÉCISION CONCERNANT LES DROITS DE COUPE DES MICMACS ET DES MALÉCITES SUR LES TERRES DE LA COURONNE

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, jeudi dernier, le 7 décembre, la Cour suprême du Canada a rendu publique sa décision relative à une affaire très importante impliquant les Malécites et les Micmacs, deux peuples autochtones du Nouveau-Brunswick. La décision reconnaît officiellement le droit, protégé par la Constitution, de ces peuples autochtones de récolter le bois pour leur usage personnel sur les terres de la Couronne. L'affaire concerne une question importante relative au titre ancestral : le droit de récolter le bois sur les terres de la Couronne. C'est pourquoi le procureur général du Canada ainsi que six provinces, l'Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse, l'Alberta, la Colombie-Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador, ont qualité d'intervenants.

À l'origine, deux Malécites, Dale Sappier et Clark Polchies, et un Micmac, Darrell Joseph Gray, étaient accusés en vertu de la Loi sur les terres et forêts de la Couronne, une loi du Nouveau-Brunswick, d'avoir coupé sans permis des arbres situés sur des terres de la Couronne. Ils ont soutenu qu'ils pratiquaient traditionnellement la récolte du bois sur ce territoire et que cette pratique était fondée sur un droit ancestral.

Pour déterminer si les accusés jouissaient d'un titre ancestral, la Cour suprême du Canada a dû déterminer ce qui constitue une « culture autochtone distinctive ». La Cour a ainsi déterminé ce qu'était une culture et ce qui la rendait distinctive dans le contexte autochtone.

En se penchant tout d'abord sur la notion de « culture », la Cour a déclaré :

Il s'est avéré difficile pour les tribunaux canadiens de saisir la notion de culture, sans parler de celle de « culture distinctive ».

La Cour a également déclaré :

Pour savoir ce que signifie la « culture », il faut se demander en quoi consistait le mode de vie d'une collectivité autochtone donnée avant le contact avec les Européens, y compris ses moyens de subsistance, ses méthodes de socialisation, son système juridique et, éventuellement, ses habitudes de troc.

La Cour a également déclaré :

Le qualificatif « distinctif » est utilisé pour incorporer un élément de spécificité autochtone. Toutefois, « distinctif » n'a pas le sens de « distinct ». La notion d'autochtonité ne saurait être réduite à des stéréotypes racialisés envers les peuples autochtones.

De plus, la Cour a affirmé clairement que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 vise à établir le cadre constitutionnel régissant la protection des cultures distinctives des peuples autochtones, de manière à reconnaître leur occupation antérieure de l'Amérique du Nord et à concilier ce fait avec la souveraineté de la Couronne.

Honorables sénateurs, cette décision est lourde de conséquences. Elle aidera le gouvernement fédéral et les provinces, de même que les Canadiens en général, à mieux comprendre la portée et le sens d'une culture autochtone distinctive au Canada.

[Français]

Rappelons que ce sont des Malécites et des Micmacs que Jacques Cartier a rencontrés à Gaspé en 1534 et que Samuel de Champlain a pu rencontrer également en Acadie en 1604, et que ce sont ces Autochtones qui leur facilitèrent le premier contact en terre canadienne. C'est un juste retour de l'histoire que, 450 ans plus tard, la Cour suprême du Canada reconnaisse à ces deux communautés leur droit à une culture autochtone distinctive.


(1810)

[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

LE PLAN D'ACTION POUR LA GESTION DE L'EAU POTABLE DANS LES COLLECTIVITÉS DES PREMIÈRES NATIONS

DÉPÔT DU RAPPORT D'ÉTAPE

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un rapport d'étape sur le plan d'action pour la gestion de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations.

LE GROUPE D'EXPERTS SUR LA SALUBRITÉ DE L'EAU POTABLE DANS LES COLLECTIVITÉS DES PREMIÈRES NATIONS

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du groupe d'experts sur la salubrité de l'eau potable dans les collectivités des Premières nations.

[Français]

LA FONDATION AUTOCHTONE DE GUÉRISON

DÉPÔT DU RAPPORT

L'honorable Terry Stratton (leader adjoint suppléant du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport final 2006 de la Fondation autochtone de guérison.

[Traduction]

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

PRÉSENTATION DU DIXIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable George J. Furey, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le lundi 11 décembre 2006

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre Comité recommande que le budget de fonctionnement du whip de l'opposition soit majoré de 10 000 $ et que des fonds supplémentaires de 75 000 $ soient alloués au leadership de l'opposition.

Respectueusement soumis,

Le président,
GEORGE J. FUREY

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Furey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

PRÉSENTATION DU ONZIÈME RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable George J. Furey, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :

Le lundi 11 décembre 2006

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son

ONZIÈME RAPPORT

Votre Comité recommande de modifier les droits accordés au leader de l'opposition afin d'y inclure le droit à un moyen de transport, droit identique à celui accordé aux sous-ministres et aux leaders de l'opposition des partis à la Chambre des communes.

Respectueusement soumis,

Le président,
GEORGE J. FUREY

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Furey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LE SÉNAT

AVIS DE MOTION TENDANT À PROLONGER LA SÉANCE DE MERCREDI ET À AUTORISER LES COMITÉS À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat du 6 avril 2006, lorsque le Sénat siégera le mercredi 13 décembre 2006, il poursuive ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement conformément au paragraphe 6(1) du Règlement;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir le mercredi 13 décembre 2006 soient autorisés à siéger même si le Sénat siège, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Français]

PROJET DE LOI NO 2 D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2006

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-28, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 2 mai 2006.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1815)

[Traduction]

PROJET DE LOI FÉDÉRALE SUR LA RESPONSABILITÉ

MESSAGE DES COMMUNES—ADOPTION DES AMENDEMENTS DU SÉNAT

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté les amendements du Sénat, sans autre amendement.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

LA LOI SUR LES JUGES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Meighen, appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-17, Loi modifiant la Loi sur les juges et d'autres lois liées aux tribunaux.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Stratton, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LA COMPÉTENCE DES PREMIÈRES NATIONS EN MATIÈRE D'ÉDUCATION EN COLOMBIE-BRITANNIQUE

DEUXIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Segal, appuyée par l'honorable sénateur Keon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-34, Loi concernant la compétence en matière d'éducation sur les terres autochtones en Colombie-Britannique.

L'honorable Joan Fraser, (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je sais que nous sommes toujours très heureux de voir que les peuples autochtones du Canada font du progrès dans leur longue lutte pour regagner le contrôle de leurs institutions.

Le projet de loi dont nous sommes saisis représente un grand pas en ce sens parce qu'il fera un transfert de la compétence en matière d'éducation de la maternelle jusqu'à la 12e année aux Premières nations sur les terres autochtones en Colombie-Britannique.

[Traduction]

L'objectif de ce projet de loi est de mettre en œuvre la partie fédérale d'un accord-cadre signé en juillet par le gouvernement fédéral, le gouvernement de la Colombie-Britannique et le First Nations Education Steering Committee, l'organisme qui représente les Premières nations dans le cadre des négociations. Cet accord- cadre découle d'un engagement tripartite pris par les trois mêmes parties en juillet 2003. Cet engagement, lui, était le produit de trois ans de négociations. Autrement dit, ce projet de loi est le fruit de nombreuses années de travail par différents gouvernements.

(1820)

L'œuvre n'est pas achevée pour autant. C'est un peu comme ce que Churchill a appelé « la fin du début ». Comme tout parent ou tout enseignant le sait, peu d'activités communautaires sont plus controversées ou plus difficiles à organiser correctement que le système d'enseignement public, et les Premières nations participantes ne trouveront pas la tâche plus facile que n'importe quelle autre collectivité. Toutefois, ce sera cette fois vraiment leur tâche, une tâche à laquelle elles pourront s'attaquer comme elles l'entendront et selon leurs propres priorités. Elles en auront la maîtrise.

Les Premières nations de la Colombie-Britannique qui négocieront et concluront des accords individuels pour prendre part à ce processus disposeront du pouvoir législatif voulu et les accords, une fois conclus, auront force de loi. Ce sont également les Premières nations qui nommeront les administrateurs de la nouvelle Autorité scolaire des Premières nations, qui sera créée aux termes de la loi. Cette autorité aura pour mission d'aider les Premières nations participantes à développer la capacité nécessaire au respect de leurs engagements en matière d'éducation sur leurs terres autochtones et de conclure, sur demande, des accords de gestion. Ce pourrait être, par exemple, des accords portant sur l'établissement de normes, la certification des enseignants, etc.

Les Premières nations participantes pourront constituer leur propre administration scolaire communautaire pour gérer leurs écoles — ce sont essentiellement des commissions scolaires —, y compris l'établissement et l'application de normes relatives aux programmes scolaires et à la certification des enseignants, ainsi que la remise des diplômes. Ces normes devront être reconnues par le gouvernement provincial et il devra y avoir transférabilité entre les écoles publiques provinciales et celles des Premières nations, c'est-à- dire que les élèves pourront passer d'un système à l'autre, ce qui requerra, évidemment, la compatibilité entre les programmes et les normes scolaires. Cependant, les Premières nations participantes pourront, dans ce cadre, gérer leurs écoles de la façon qui convient le mieux à leur population. Elles pourront également se joindre à des Premières nations voisines pour fournir un système d'éducation commun, à leur gré.

Ce nouveau système contribuera — et cela est certainement souhaitable — à faire diminuer le taux élevé de décrochage scolaire qui afflige maintenant nombre de collectivités autochtones, non seulement en Colombie-Britannique, mais encore dans tout le Canada. Nous savons que terminer ses études secondaires constitue le meilleur gage de succès dans la vie de tout Canadien. Je ne parle pas seulement ici du succès matériel, bien que l'on sache qu'échapper au piège de la pauvreté constitue un merveilleux objectif. Je parle aussi du genre de stabilité personnelle, émotive et sociale qu'il est plus facile d'acquérir pour quiconque dispose des outils pour participer pleinement à la vie communautaire, outils qui sont directement liés à l'éducation.

À mon avis, le nouveau régime scolaire devrait être très utile, en particulier pour aider les Premières nations à préserver leurs langues et leurs cultures. Pendant des décennies, c'est un combat qui trop souvent a semblé perdu d'avance. L'autre jour, par exemple, j'ai reçu la visite d'un chef d'une des Premières nations de la Colombie- Britannique qui m'a dit que des 10 000 personnes qu'il représente, seulement 200 parlent encore leur langue autochtone. C'est vraiment une course contre la montre pour sauver cette langue avant que les dernières personnes qui la parlent nous quittent et pour former des enseignants pour la transmettre aux prochaines générations d'enfants qui fréquenteront les écoles dans les réserves des Premières nations participantes. La langue fait partie intégrante de l'identité, c'est le principal moyen d'exprimer et de transmettre la culture unique de chaque collectivité, y compris chez les Premières nations.

[Français]

On ne peut pas imaginer le stress social et individuel que cela doit représenter que de savoir que sa langue ancestrale est en train de disparaître et, avec elle, son histoire. Dans beaucoup de cas, il paraît que ces langues ne sont même pas écrites. Il n'y a que la langue parlée qui existe pour transmettre toute la richesse des valeurs, des traditions et de l'histoire de ces Premières nations.

C'est vraiment d'une importance primordiale, selon moi, de les préserver.

[Traduction]

C'est pour moi un plaisir de dire que j'appuie fermement ce projet de loi. Cela ne signifie pas cependant que je n'ai pas de questions. Pour me guider quelque peu, j'ai consulté les débats de l'autre endroit, mais cela n'a guère été utile, car nos collègues à l'autre bout du couloir, dans un élan d'enthousiasme pour ce projet peut-être, n'ont pas beaucoup débattu la question. Ils ont eu un bref débat à l'étape de la deuxième lecture. Ensuite, comme ils le font parfois, ils ont déclaré que le projet était réputé renvoyé à un comité plénier, réputé avoir fait l'objet d'un rapport sans proposition d'amendement, réputé lu pour la troisième fois et adopté.

Le sénateur Murray : La même vieille histoire.

Le sénateur Fraser : Comme je l'ai indiqué dès le départ, je crois que la plupart des sénateurs sont enthousiastes au sujet de ce projet de loi, mais nous avons l'intention de l'étudier au comité.

Il y a des choses que j'aimerais savoir. Ma première question est la plus difficile puisqu'elle concerne l'argent. Combien faudra-t-il débourser pour appliquer ce projet de loi comme il se doit? Ce n'est pas la peine d'aller de l'avant si on ne procède pas correctement. De quel budget disposera l'Autorité scolaire des Premières nations? Y aura-t-il des fonds suffisants pour aider les Premières nations participantes à établir le nouveau régime dans les réserves? Faudra- t-il des fonds supplémentaires de façon continue, en sus de ce qui sera fourni ou pas fourni? J'en conclus qu'on a l'assurance que l'argent sera là quand on en aura besoin, mais il conviendrait d'être plus précis que cela.

Les honorables sénateurs se rappellent peut-être que l'éducation était l'un des éléments clés de l'accord de Kelowna, par exemple, et que les sommes en jeu étaient importantes. Le plan de Kelowna prévoyait plus de 1 milliard de dollars sur cinq ans pour promouvoir les innovations en éducation dans les réserves, ce qui est, bien entendu, l'objet de ce projet de loi.

Je pourrais également mentionner que l'accord de Kelowna abordait l'éducation de façon plus large. En plus du milliard de dollars que je viens de mentionner, on aurait fourni 500 millions de dollars sur cinq ans sous forme de bourses d'études et d'apprentissage; 150 millions de dollars sur cinq ans pour l'enseignement à l'extérieur des réserves, y compris 50 millions de dollars pour le Nord, et 100 millions de dollars sur cinq ans pour des initiatives visant à préparer les enfants à l'école et s'adressant aux Autochtones en milieu urbain, aux Métis et aux Autochtones du Nord.

Le gouvernement actuel a décidé de ne pas aller de l'avant avec l'accord de Kelowna. Je pense que c'était une mauvaise décision, mais c'est ce qu'il a décidé de faire et nous devons l'accepter. J'espère que lorsque de nouvelles initiatives, comme celle que l'on retrouve dans ce projet de loi, seront mises de l'avant, elles seront bien financées.

Mon autre question est celle-ci : combien de temps faudra-t-il pour mettre en œuvre les changements sur le terrain? Nous savons tous que de grands changements institutionnels sont beaucoup plus faciles à annoncer qu'à réaliser, mais pendant que les changements sont conçus, vérifiés, approuvés et financés, les enfants qui grandissent ont besoin d'une meilleure éducation maintenant. Combien de temps devront-ils attendre?

En fait, combien d'enfants devraient être touchés par ce nouveau système? Je crois comprendre que 6 000 étudiants environ fréquentent des écoles dans des réserves en Colombie-Britannique et 11 000 autres, des écoles provinciales, et que certains pourraient bien, on peut l'espérer, revenir dans des écoles situées dans des réserves, si ces écoles existaient et répondaient à leurs besoins. Cependant, on ne précise pas dans ce projet de loi combien de Premières nations de la Colombie-Britannique entendent participer au nouveau système. Les Premières nations participantes doivent être énumérées en annexe, mais pour le moment, cette annexe est vide, c'est une grande page blanche. Si je ne m'abuse, certaines Premières nations ont déjà fait part de leur intention de participer. Il serait très utile de savoir lesquelles et de connaître leur nombre.

Enfin, honorables sénateurs, permettez-moi de reprendre à mon compte un avertissement qui a déjà été lancé par l'Assemblée des Premières Nations. L'accord-cadre qui a été signé en Colombie- Britannique est un tournant historique. C'est une autre étape sur le long chemin à parcourir pour sortir de la tragique histoire qui a marqué une si grande partie de l'éducation des Autochtones, une histoire mieux connue pour les pensionnats qui ont causé tant de torts à un si grand nombre d'Autochtones. Pourtant, cet accord n'est pas nécessairement un modèle à suivre dans d'autres régions du pays.

Partout au Canada, des négociations se tiennent, aujourd'hui comme par le passé et encore dans le futur, afin de redonner aux Autochtones les droits complets en matière d'éducation dont ils ont besoin et qu'ils méritent, mais il n'y a pas deux régions pareilles au Canada. Il peut exister de grandes similitudes entre les régions sous certains rapports, notamment l'incapacité évidente du système actuel de satisfaire les besoins de sa clientèle, soit les enfants, mais il y a également d'énormes différences entre elles.

L'histoire, la situation juridique et les priorités des Premières nations diffèrent d'une nation à l'autre. La situation des Cris de la baie James, par exemple, est très différente de celle des Innus du Labrador. Il ne saurait être question d'appliquer une solution uniforme, car un accord adapté aux besoins particuliers des Premières nations de la Colombie-Britannique ne conviendra pas nécessairement à d'autres Premières nations.

Il serait peut-être bon que je signale que rien n'empêche les Premières nations qui ont opté pour le régime proposé dans le projet de loi d'obtenir de meilleurs avantages dans les ententes globales futures. De telles ententes pourraient annuler les ententes individuelles que les Premières nations concluent en vertu du projet de loi, ce qui constitue, je crois, une protection utile pour les Premières nations et qui pourrait même en encourager certaines à participer à ce régime.

Pour conclure, permettez-moi de féliciter toutes les personnes dont le travail a rendu la conclusion de cette entente possible. On trouve difficilement plus louable comme entreprise. Si le nouveau régime est mis en œuvre comme il faut, des générations d'enfants des Premières nations vont pouvoir en bénéficier.

(1830)

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je vous encourage tous à appuyer le projet de loi C-34 et à donner force de loi à l'accord conclu entre le gouvernement du Canada, la Colombie-Britannique et le First Nations Education Steering Committee, connu aussi sous l'acronyme FNESC. En adoptant ce projet de loi, nous manifesterons notre appui envers ce comité et l'approche collaborative qu'il privilégie pour améliorer la qualité du système d'éducation dans les réserves de la Colombie-Britannique.

L'efficacité remarquable de l'approche employée par le comité illustre la puissance des partenariats. On obtient une éducation de qualité grâce à des partenariats entre enfants et parents, entre élèves et enseignants, entre populations locales et écoles, entre organismes scolaires et autorités publiques. Le FNESC permet de créer et de maintenir des partenariats solides dans chacun de ces domaines, de manière à ce que les élèves issus des Premières nations puissent bien apprendre.

Le comité lui-même est un partenariat. Il est composé de représentants des Premières nations de la Colombie-Britannique qui ont en commun une passion pour l'éducation. Ces hommes et ces femmes comprennent le fort lien qui existe entre la qualité de l'éducation que reçoivent les jeunes et leur niveau de vie lorsqu'ils deviennent adultes. Le comité a été formé parce que les écoles des Premières nations en Colombie-Britannique étaient mal équipées pour donner une éducation de qualité aux élèves, qui en pâtissaient sur le plan scolaire.

Il y a environ 14 ans — il y a 14 ans que le comité s'active, alors cet accord n'est pas tombé des nues hier matin —, le FNESC a entrepris de changer cette réalité. À l'époque, la plupart des écoles des Premières nations dans la province, en particulier celles qui se trouvaient dans les régions éloignées, fonctionnaient avec peu d'aide extérieure. Essentiellement, les bandes indiennes recevaient de l'argent de l'État fédéral pour enseigner aux élèves, mais ne pouvaient bénéficier d'aucun des systèmes d'appui offerts aux écoles publiques. Il n'y avait ni ministère de l'Éducation ni conseil scolaire pour élaborer des programmes d'études, engager des enseignants et certifier la qualité des programmes dans les écoles. Comme le financement est proportionnel au nombre d'élèves, beaucoup de petites écoles n'avaient pas l'argent nécessaire pour engager des directeurs et des administrateurs ou pour conserver de bons enseignants. Croyez-moi, la pénurie de bons enseignants est l'un des principaux problèmes qui affligent les écoles des Premières nations.

Honorables sénateurs, nous nous sommes déplacés et nous avons écouté les gens. Nous comprenons maintenant ce qu'ils vivent, même si nous n'avons pas pu en faire l'expérience directe, puisque nous ne sommes pas à leur place.

Étant donné que ces facteurs ont empêché les Premières nations de se doter d'un système d'éducation de qualité, le FNESC a entrepris une campagne méthodique pour s'occuper de chacun d'entre eux. La principale stratégie de cette campagne consistait à susciter la participation du plus grand nombre possible d'acteurs du domaine de l'éducation, au sein des Premières nations. C'est une stratégie qui a donné lieu à des résultats remarquables, qui a déclenché une augmentation constante des taux de réussite des études secondaires parmi les élèves des Premières nations et qui a donné lieu à des partenariats dont la liste s'allonge sans cesse.

Aujourd'hui, presque chaque groupe engagé dans le domaine de l'éducation en Colombie-Britannique est un défenseur ardent et actif du comité. La liste inclut la B.C. Teachers' Federation, ainsi que les associations professionnelles qui représentent les directeurs d'école, les directeurs d'école adjoints, les directeurs généraux et les conseillers scolaires de la province. Les autres partenaires sont le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique, le College of Teachers et la Confederation of Parent Advisory Councils. Toutes ces organisations comprennent l'importance d'améliorer le rendement scolaire des élèves des Premières nations de la province et chaque partenaire contribue à l'effort collectif à sa façon.

Le B.C. College of Teachers, notamment, a contribué à l'élaboration d'un cadre de certification des enseignants des langues et des cultures des Premières nations. Cette organisation collabore depuis longtemps aux initiatives afin d'accroître le nombre d'enseignants autochtones dans la province.

La Confederation of Parent Advisory Councils encourage les parents à participer à l'éducation de leurs enfants, ce qui constitue un défi de taille étant donné que de nombreux parents des Premières nations ont été maltraités dans les pensionnats. Aujourd'hui, certains de ces hommes et de ces femmes n'ont que faire de l'enseignement normatif.

Pour surmonter cette difficulté, le comité directeur a créé une association spéciale pour les parents. Actuellement, l'association compte plus de 120 sections et près de 3 000 membres. L'association se sert de toute une gamme d'outils, comme des calendriers promotionnels, des livres et des bulletins, pour encourager les parents des Premières nations à participer à l'éducation de leurs enfants. Par l'entremise de l'association, les parents peuvent apprendre comment aider leurs enfants avec leurs devoirs, comment interpréter un bulletin scolaire et quelles questions poser durant les rencontres parents-enseignants. Grâce à des initiatives comme cette association de parents, 70 p. 100 de tous les parents en moyenne prennent part aux rencontres parents-enseignants dans les écoles des Premières nations.

Honorables sénateurs, une autre statistique illustre la réussite de la stratégie de partenariat du comité. C'est le taux grandissant d'obtention de diplôme entre 1999 et 2004. Le taux d'obtention du diplôme d'études secondaires chez les élèves des Premières nations est passé de 39 à 48 p. 100. C'est une hausse appréciable, mais ce n'est pas encore assez.

Les partenariats du FNESC ont également aidé à faire disparaître les principales barrières à une éducation de qualité, comme l'accès aux données sur les étudiants et le partage de ces données. Jusqu'à tout récemment, le ministère de l'Éducation de la Colombie- Britannique recueillait des données uniquement sur les étudiants inscrits dans les écoles publiques. Affaires indiennes et du Nord Canada recueillait également des renseignements sur les étudiants des écoles des Premières nations, mais ces renseignements étaient différents tant au niveau du contenu que de la forme. Les responsables des écoles n'étaient donc pas en mesure de mesurer les progrès réalisés par les étudiants qui passaient d'un système à l'autre, ce qui se produisait souvent, particulièrement dans les petites collectivités de Premières nations. Cela signifiait qu'il était presque impossible d'évaluer la performance d'un étudiant qui passait d'un système à l'autre. On travaille actuellement à la mise au point d'un projet de correspondance des données, en collaboration avec le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique, en vue de faciliter ce type d'évaluation. Ce projet permettra aux enseignants et aux administrateurs de concevoir et mettre en œuvre des stratégies efficaces en vue de répondre aux problèmes auxquels les étudiants font face lorsqu'ils passent d'un système scolaire à l'autre.

La mise en œuvre du programme Rescol pour les Premières nations est une autre des grandes réussites du comité qui a coordonné la prestation de ce programme et maximisé les fonds disponibles en achetant le matériel en vrac. L'année dernière, le comité a installé quelque 95 ordinateurs, neuf laboratoires de vidéoconférence et six connexions satellite dans les écoles de la province. De plus, pour permettre aux professeurs et aux étudiants de tirer le meilleur profit possible des nouvelles technologies, le comité a également prévu des services de soutien et de formation en matière de logiciel.

Sans vouloir amoindrir l'importante contribution de ses partenaires dans le domaine de l'éducation, il convient de souligner que le FNESC a également pu compter sur l'appui de bon nombre d'importantes sociétés privées. Ces partenariats misent sur certaines initiatives en particulier, comme celle du Club de la septième génération qui encourage les enfants à continuer de fréquenter l'école en organisant divers concours et festivals consacrés à la science, au patrimoine et aux sports. De plus, le Club de la septième génération a son propre site web, il publie un bulletin et il offre des prix de présence et des cadeaux promotionnels. Environ 9 000 étudiants des Premières nations sont membres actifs du club.

Parmi les commanditaires du club se trouvent B.C. Hydro, les Canucks de Vancouver et Historica, de même que deux ministères fédéraux. Cette année, la société B.C. Hydro a remis des bourses d'études d'une valeur de près de 4 000 $ et les Canucks de Vancouver ont offert du matériel promotionnel et des billets de hockey d'une valeur de plusieurs milliers de dollars. De plus, les Canucks publient un article dans chaque bulletin du club et envoient des joueurs aux événements organisés par le club. Grâce à cet appui, le Club de la septième génération atteint son objectif, qui est d'encourager les jeunes à poursuivre leurs études.

Le club tire son nom d'une ancienne croyance autochtone qui veut que les décisions prises aujourd'hui aient des répercussions sur les sept générations à venir et qu'elles doivent également honorer les sept générations précédentes. Je suis persuadé que cette philosophie constructive a également inspiré la stratégie du FNESC en matière de partenariat.

Honorables sénateurs, le comité est déterminé à insuffler un nouveau dynamisme aux traditions d'apprentissage qui font la fierté des Premières nations de la Colombie-Britannique et à inculquer un respect durable à l'égard de l'importance de l'éducation. Les partenariats stratégiques de l'organisation lui permettent de tirer le maximum des investissements des contribuables et des commanditaires. Il est incontestable que cela a un effet positif et durable sur la qualité de l'enseignement offert dans les écoles autochtones de la province.

En appuyant de ce projet de loi, nous célébrons les réalisations remarquables du FNESC, ce qui et conduira à la création d'autres partenariats qui amélioreront davantage la qualité de l'enseignement dans les réserves de la Colombie-Britannique.

Honorables sénateurs, j'ai rencontré les représentants de la collectivité autochtone de la Colombie-Britannique à ce sujet. Je ne prétends nullement être expert en matière d'éducation. Cependant, je les ai rencontrés et, à mon avis, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de leur désir sincère et du long chemin qu'ils ont parcouru pour arriver à ce stade-ci.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous raconter une histoire au sujet des Tlichos, des bandes Dogribs des Territoires du Nord-Ouest. Ces gens ont pris leur destinée en main dans le secteur de l'éducation. La situation de l'enseignement dans les régions éloignées était désastreuse. Ils ont établi un centre d'enseignement supérieur dans une localité située juste en dehors de Yellowknife. Alors que pratiquement personne ne faisait autrefois d'études postsecondaires, plus de 100 étudiants sont actuellement inscrits, tout simplement parce qu'ils ont fait ce que les Autochtones de la Colombie-Britannique veulent faire; ils ont pris leur destinée en main.

(1840)

Le gouvernement se doit d'appuyer cette initiative. S'il n'est pas disposé à la financer, elle n'ira nulle part. Cependant, je suis convaincu qu'il le fera. Nous n'aurions pas mené ce processus à terme s'il n'était pas disposé à le faire.

À mon avis, il n'existe pas de modèle qui pourrait s'appliquer à toutes les situations. Les besoins sont extrêmement différents sur la côte Est, sur la côte Ouest et dans le centre.

Il est important que ce projet de loi soit adopté rapidement, car trop de générations sont déjà parties. Lorsque le Sénat a étudié le projet de loi concernant les Tlichos, nous l'avons adopté immédiatement, car, pendant trop longtemps, ces gens n'ont pas pu prendre leur destinée en main. Ils ont été sous l'autorité d'un ministère fédéral, et les gouvernements conservateur et libéral n'ont pas su répondre à leurs besoins. Il leur faudra 28 ans pour rattraper le retard, même si nous faisons ce qu'il se doit. Par conséquent, nous ne pouvons pas nous permettre de reporter cette initiative ne serait- ce qu'un instant. L'avenir de la jeunesse des Premières nations est en jeu.

Honorables sénateurs, j'aimerais que ce projet de loi soit renvoyé au comité dès que possible. Si les leaders des deux côtés font preuve de sagesse et que le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, je serais fier, en tant que président de ce comité, de commencer les audiences immédiatement de manière à ce que le Sénat puisse adopter ce projet de loi sans plus tarder.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur St. Germain, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.)

[Français]

LE COMMISSAIRE À L'INFORMATION

LA NOMINATION DE M. ROBERT MARLEAU—ADOPTION DE LA MOTION PORTANT RENVOI DE L'ÉTUDE EN COMITÉ PLÉNIER

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 7 décembre 2006, propose :

Que le Sénat se forme en comité plénier le mardi 12 décembre 2006 à 20 heures, afin de recevoir M. Robert Marleau relativement à sa nomination au poste de commissaire à l'information;

Que les caméras de télévision soient autorisées dans la salle du Sénat afin de permettre la diffusion des délibérations du comité plénier, d'une manière qui perturbe le moins possible ses travaux;

Que des photographes soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier le témoin avant le début de son témoignage, d'une manière qui perturbe le moins possible ses travaux.

[Traduction]

L'honorable Eymard G. Corbin : La motion propose que la présence de photographes soit autorisée. Est-ce pour la durée de l'audience du comité ou pour le début seulement?

Le sénateur Comeau : C'est pour le début seulement.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES PHARES PATRIMONIAUX

RAPPORT DU COMITÉ

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux :

L'honorable Bill Rompkey, président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, présente le rapport suivant :

Le lundi 11 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-220, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 28 novembre 2006, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les amendements suivants :

1. Article 2 :

a) Page 1 :

(i) Ajouter après la ligne 22 ce qui suit :

« « comité consultatif » Le comité consultatif constitué par le ministre en application de l'article 9.1. »,

(ii) Ajouter après la ligne 26 ce qui suit :

« « critère établi » Critère établi par le ministre en application de l'alinéa 18a). »,

(iii) Supprimer les lignes 23 à 26,

(iv) Remplacer les lignes 27 à 30 par ce qui suit :

« « ministre » Le ministre responsable de l'Agence Parcs Canada. »;

b) Page 2 :

(i) Remplacer les lignes 11 à 13 par ce qui suit :

« « phare patrimonial » Phare — ainsi que toute construction connexe — désigné comme phare patrimonial aux termes de la présente loi. »,

(ii) Remplacer, dans la version anglaise, la ligne 10 par ce qui suit :

« use as an aid to navigation. »,

(iii) Supprimer, dans la version anglaise, la ligne 15,

(iv) Remplacer les lignes 14 à 17 par ce qui suit :

« « construction connexe » À l'égard d'un phare, construction située sur le même site que celui-ci qui contribue à son caractère patrimonial. ».

2. Article 4, page 2 : Remplacer les lignes 29 et 30 par ce qui suit :

« appartenant à Sa Majesté la Reine du chef du Canada. ».

3. Article 6, page 2 :

a) Remplacer les lignes 33 à 35 par ce qui suit :

« 6. (1) Le ministre peut, à tout moment, en tenant compte des critères établis, désigner un phare comme phare patrimonial »;

b) Remplacer la ligne 38 par ce qui suit :

« prendre toute construction connexe qui, de l'avis du ministre et en tenant compte des critères établis, devrait y être incluse. ».

4. Supprimer l'article 7, page 3.

5. Article 8, page 3 :

a) Remplacer la ligne 23 par ce qui suit :

« nant compte des critères établis : »;

b) Remplacer, dans la version anglaise, la ligne 26 par ce qui suit :

« which the Minister receives a petition; and »;

c) Remplacer les lignes 27 à 32 par ce qui suit :

« toute construction connexe — doivent être désignés comme phares patrimoniaux, et procède aux désignations appropriées. ».

6. Article 9, page 3 : Remplacer les lignes 38 et 39 par ce qui suit :

« vertu de la présente loi et y indique s'ils ont été désignés comme phares patrimoniaux. ».

7. Nouvel article 9.1, page 3 : Ajouter après la ligne 39 ce qui suit :

« 9.1 Le ministre doit constituer un comité consultatif chargé de le conseiller et de l'assister sur les questions relatives aux phares patrimoniaux, y compris leur désignation, leur protection et l'établissement de critères relatifs à leur désignation, à leur modification et à leur entretien. ».

8. Article 10; :

a) Page 3 : Remplacer les lignes 40 à 45 par ce qui suit :

« 10. Le ministre doit consulter le comité consultatif, et peut consulter tout autre organisme ou personne qu'il juge approprié, avant de déterminer si un phare — ainsi que toute construction connexe — devrait être désigné comme phare patrimonial. »;

b) Page 4 : Supprimer les lignes 1 à 15.

9. Article 11, page 4 :

a) Remplacer les lignes 16 à 20 par ce qui suit :

« 11. (1) La modification de tout ou partie d'un phare patrimonial ne peut se faire que conformément aux critères et procédures établis à l'alinéa 18b). »;

b) Remplacer les lignes 27 à 31 par ce qui suit :

« caractère patrimonial du phare patrimonial. ».

10. Article 12, page 4 : Remplacer les lignes 32 à 42 par ce qui suit :

« 12. (1) Le transfert à Sa Majesté du chef d'une province ou la vente de tout ou partie d'un phare patrimonial ne peut se faire que si un préavis d'au moins quatre-vingt-dix jours a été publié dans au moins un journal largement diffusé dans la région où se situe le phare.

(2) Sauf le cas d'une municipalité, la vente de tout ou partie du phare patrimonial ne peut se faire que si une réunion publique a été tenue à cet égard dans la région où se situe le phare.

(3) L'acte de transfert ou de vente doit prévoir le mécanisme de protection du caractère patrimonial du phare patrimonial que le ministre peut autoriser. ».

11. Article 13 :

a) Page 4 : Remplacer les lignes 43 à 46 par ce qui suit :

« 13. (1) La démolition de tout ou partie d'un phare patrimonial ne peut se faire que s'il n'existe aucune alternative raisonnable et si un préavis d'au moins quatre-vingt-dix jours a été publié dans au moins un journal largement diffusé dans la région où se situe le phare. »;

b) Page 5 : Remplacer les lignes 1 à 13 par ce qui suit :

« (2) Le paragraphe (1) ne vise pas la démolition d'un phare patrimonial en raison d'une situation d'urgence ou d'exigences opérationnelles urgentes. ».

12. Supprimer l'article 14, page 5.

13. Supprimer l'article 15, pages 5 et 6.

14. Supprimer l'article 16, page 6.

15. Article 17, page 6 : Remplacer les lignes 24 et 25 par ce qui suit :

« doit le conserver conformément aux critères établis en application de l'alinéa 18c). ».

16. Article 18 :

a) Page 6 :

(i) Remplacer les lignes 26 à 28 par ce qui suit :

« 18. Le ministre doit :

a) établir les critères dont il faut tenir compte »,

(ii) Remplacer les lignes 30 à 42 par ce qui suit :

« toute construction connexe — doit être désigné comme phare patrimonial;

b) établir, pour la modification des phares patrimoniaux, des critères et des procédures répondant aux normes nationales et internationales de conservation des biens patrimoniaux;

c) établir, pour l'entretien des phares patrimoniaux, des critères répondant aux normes nationales et internationales de conservation des biens patrimoniaux;

d) inclure, dans les critères et procédures établis aux termes de l'alinéa b), l'exigence de donner aux intéressés la possibilité de présenter leurs observations sur toute modification proposée de tout ou partie d'un phare patrimonial, et l'exigence de tenir une assemblée publique au sujet de cette modification. »;

b) Page 7 : Supprimer les lignes 1 et 2.

Respectueusement soumis,

Le président,
WILLIAM ROMPKEY

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Rompkey, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

DROITS DE LA PERSONNE

BUDGET ET AUTORISATION DE SE DÉPLACER—ÉTUDE DE QUESTIONS AYANT TRAIT AUX OBLIGATIONS NATIONALES ET INTERNATIONALES EN MATIÈRE DE DROITS DE LA PERSONNE—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (budget—étude sur les obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits de la personne—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 7 décembre 2006.—(L'honorable sénateur Carstairs, C.P.)

L'honorable Sharon Carstairs propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

RÉGIE INTERNE, BUDGETS ET ADMINISTRATION

ADOPTION DU NEUVIÈME RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budget d'un comité—législation), présenté au Sénat le 7 décembre 2006.—(L'honorable sénateur Furey)

L'honorable George J. Furey propose que le rapport soit adopté.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL SUR LA MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Fraser, tendant à l'adoption du deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat (motion visant à modifier la Constitution du Canada (la représentation des provinces de l'Ouest au Sénat), sans amendement, mais avec des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2006.—(L'honorable sénateur Tkachuk)

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, nous devrions toujours avoir de bonnes raisons pour modifier les structures et le fonctionnement de nos institutions politiques. Comme je l'ai déclaré pendant le débat sur le projet de loi S-4, la réforme du Parlement ne devrait jamais être faite à la pièce sans que l'on connaisse au préalable la forme générale et la substance des institutions une fois réformées. Il nous faut un plan et il nous faut savoir où nous allons.

Je ne veux pas dire ici qu'il faut éviter de procéder à une réforme démocratique ou politique rendue nécessaire par la croissance du pays ou parce que le pays souhaite mieux se définir, et je ne veux pas dire non plus que nous ne devrions pas tenter de corriger de vieux défauts.

(1850)

Les accords du lac Meech et de Charlottetown visaient essentiellement à tenter de concilier les aspirations culturelles et linguistiques du Québec avec celles du reste du Canada et à offrir une reconnaissance pleine et entière aux peuples autochtones. Ces deux tentatives nobles et ambitieuses de réforme de la Constitution du Canada ont échoué et les universitaires et les experts débattent encore des raisons de ces échecs.

Ces dernières semaines, nous avons vécu de nouvelles secousses politiques le long de la ligne de faille qui sépare le Québec et le Canada avec l'adoption de la motion du gouvernement qui reconnaît que les Québécois forment une nation au sein d'un Canada uni. Évidemment, il s'agit là d'une reconnaissance symbolique.

Honorables sénateurs, nos collègues, les sénateurs Murray et Austin, ont présenté une motion qui vise à modifier la Constitution afin d'accorder aux provinces de l'Ouest plus de sièges au Sénat. Cependant, encore une fois, cette initiative très limitée soulève toute une série de questions de fond.

Quels sont le rôle et la fonction d'une Chambre haute dans notre Parlement bicaméral au XXIe siècle? Qu'est-ce que les sénateurs représentent, et qui représentent-ils? Est-il possible de modifier le caractère, l'autorité et la fonction du Sénat sans réformer aussi la Chambre des communes, dont les membres sont élus?

Il faudra répondre à ces questions fondamentales, honorables sénateurs, avant de modifier l'équilibre régional de la représentation.

Bien évidemment, je parle du point de vue d'un Prince- Édouardien. Chaque fois qu'il est question de la Constitution, les enjeux sont toujours plus considérables pour ma province que pour les autres. Notre position au sein de la Confédération canadienne est unique, non seulement parce que c'est sur cette île qu'est née l'idée de l'union fédérale, mais aussi parce qu'elle est le plus petit « partenaire égal à part entière » de la fédération.

Les autres Canadiens ont toujours eu du mal à accepter que l'Île- du-Prince-Édouard est en effet un partenaire égal à part entière. Comment une province dont la population est celle d'une petite ville ontarienne peut-elle prétendre une telle chose?

Tout au long de l'histoire, l'Île-du-Prince-Édouard s'est efforcée de se faire entendre lors des discussions fédérales-provinciales; et c'est plus difficile encore pour elle quand elle traite avec les bureaucrates fédéraux, pour qui la taille et la population équivalent à l'autorité et au respect. Les fonctionnaires provinciaux qui cherchent à faire financer leurs programmes par le gouvernement fédéral savent combien il est frustrant de se faire dire : « Vous n'êtes pas suffisamment nombreux pour cela. »

Les Prince-Édouardiens ne se sont jamais considérés comme les lilliputiens de la Confédération. Nous n'avons jamais perdu notre fierté, nous avons toujours exigé notre juste part et nous avons toujours apporté une contribution disproportionnée au pays.

Quand j'ai abordé le projet de loi S-4, j'ai parlé de pactes et d'accords. Lorsque l'Île-du-Prince-Édouard s'est finalement jointe à la Confédération en 1873 sous les pressions d'un nouveau dominion préoccupé par l'expansionnisme des États-Unis et impatient de resserrer ses liens et de consolider davantage ses propres intérêts, la nouvelle province s'est vu attribuer quatre sièges au Sénat, sièges qui avaient précédemment été attribués à ses voisins, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, en 1867. C'était là une de nos « conditions d'entrée », comme on les appelle.

En 1873, les Maritimes étaient à l'apogée de leur prospérité économique. L'Ontario et le Québec prenaient de l'ampleur grâce à l'arrivée de nouveaux colons, et l'Ouest était toujours un vaste territoire presqu'entièrement inhabité dont le potentiel n'était pas entièrement connu. Cependant, peu après la Confédération et à cause de l'adoption, par le premier ministre Macdonald, d'une politique nationale protectionniste, les rapports commerciaux ont changé et les Maritimes ont commencé à se tourner vers le continent, vers une nouvelle économie centralisée.

Honorables sénateurs, mon but n'est pas de jeter un regard romantique sur un passé glorieux, mais plutôt de montrer que les dispositions constitutionnelles qui définissaient le nouveau Canada, en 1867, reflétaient les réalités linguistiques, culturelles et régionales de l'époque. Ces dispositions prises à l'origine n'étaient pas accidentelles. C'était la Constitution qu'on avait négociée pour qu'elle convienne à tous les partenaires de la fédération, petits ou grands, et pour équilibrer les attentes.

La devise de notre île — Parva sub igenti, ou les petits sous la protection des grands — est tirée des Géorgiques de Virgile. Elle a été adoptée en 1769, mais elle correspond sans nul doute aux attentes du premier ministre James Pope et de ses collègues favorables à la Confédération qui croyaient, en 1873, que l'Île-du- Prince-Édouard, même toute petite en superficie et en population, serait protégée et respectée dans le nouveau Dominion du Canada.

Le Sénat, ou la Chambre haute, a notamment eu pour mission de protéger les petits et d'assurer un certain degré d'égalité et d'intégration par rapport à l'ensemble de la population, et je dis bien par rapport à l'ensemble de la population.

L'Île-du-Prince-Édouard a d'abord eu six sièges à la Chambre des communes. Toutefois, la population ayant diminué, ce nombre est tombé à quatre. En 1911, elle risquait d'en perdre encore. Heureusement, le premier ministre de l'île, John Matheson à cette époque, avait réussi à négocier avec le gouvernement fédéral une disposition constitutionnelle garantissant que l'Île-du-Prince- Édouard n'aurait pas moins de députés que de sénateurs.

Qui et quoi les sénateurs doivent-ils représenter? Je crois fermement que la représentation au Sénat ne doit pas, comme c'est le cas à la Chambre des communes, être déterminée en fonction de la population, en raison de l'engagement du Sénat d'assurer une représentation efficace de divers intérêts régionaux, entre autres. Le Sénat a le devoir de représenter équitablement les intérêts des femmes, des minorités raciales et linguistiques et des peuples autochtones. Il a le devoir d'assurer une solide représentation du Grand Nord au Parlement. Il a le devoir de faire en sorte que les collectivités côtières et rurales soient comprises et appréciées, et qu'elles aient la possibilité de prospérer et de s'épanouir.

Honorables sénateurs, à elle seule, la représentation selon la population ne permettrait pas d'assurer l'intégration de toutes ces collectivités. Cela n'a jamais été possible. La règle de la majorité est un noble concept, mais elle est contraignante. Il faut que d'autres principes soient appliqués dans notre démocratie; autrement, je crois fermement que le Canada ne sera pas représenté dans toute sa diversité et qu'il ne pourra pas accomplir tout son potentiel.

Un ancien premier ministre conservateur de l'Île-du-Prince- Édouard, le regretté J. Angus MacLean, estimait que, dans une démocratie, il n'y avait pas que les gens qui devaient être représentés. Pour ce politicien distingué qui avait combattu durant la guerre, la terre elle-même méritait de faire entendre sa voix.

C'est une notion radicale, je sais, mais dans un pays aussi vaste que le nôtre, au sein duquel la population se regroupe de plus en plus dans de grandes zones urbaines, l'approche de M. MacLean en matière de représentation revêt une pertinence grandissante.

Les sénateurs Murray et Austin ont proposé que la Colombie- Britannique soit désignée comme une région et qu'on donne à l'Alberta et à la Colombie-Britannique des sièges supplémentaires au Sénat sans toutefois hausser le nombre total de sièges. Par conséquent, la représentation de l'Île-du-Prince-Édouard à la Chambre haute serait diluée et diminuée, comme celle des provinces atlantiques voisines.

Pour cette raison, je ne peux pas appuyer la motion des sénateurs Murray et Austin. La répartition de la représentation au Sénat en fonction des changements démographiques, ce qui revient à récompenser les provinces et les régions les plus populeuses et les plus riches sur le plan économique, ne mènera pas à une meilleure gouvernance. Au contraire, je pense que cela nous affaiblirait comme pays.

On nous a dit que le gouvernement allait bientôt présenter un projet de loi énonçant un processus électoral pour les sénateurs. Il ne fait aucun doute qu'un changement aussi fondamental du caractère et du rôle du Sénat exigerait aussi qu'on modifie la Constitution.

Honorables sénateurs, une deuxième Chambre élue avec une représentation fondée sur la population, qui serait à l'image de la Chambre des communes à certains égards fondamentaux, constituerait un pas en arrière pour notre pays. Nous ne serions pas assurés du caractère inclusif ou du genre de vaste représentation dont j'ai parlé.

Nous n'avons pas besoin d'un Sénat élu calqué sur la Chambre des communes pour ce qui est du caractère et de la fonction, et nous n'avons pas besoin d'un Sénat dominé par les provinces les plus grandes et les plus puissantes économiquement. Notre objectif, je crois, devrait être de renforcer le caractère actuel du Sénat en tant qu'assemblée constituante unique, où les voix de toutes les régions et de tous les groupes raciaux et culturels peuvent être entendues; une Chambre dont le pouvoir repose non sur des chiffres démographiques ni sur une attitude partisane, mais sur la portée et la richesse de représentation. On pourrait faire valoir que notre Sénat, dans sa forme actuelle, s'acquitte déjà de ce rôle avec efficacité et distinction.

(1900)

Je ne suis néanmoins pas en faveur du statu quo. Il faut préserver les caractéristiques essentielles de cette institution et l'améliorer en lui conférant une plus grande légitimité aux yeux des Canadiens et en rendant le Sénat plus inclusif et plus représentatif.

Fait assez surprenant, peu d'études comparatives ont été effectuées récemment à ce sujet. Nous n'avons pas examiné la situation d'autres parlements bicaméraux et d'autres chambres hautes de par le monde. Il conviendrait peut-être de commencer par là. Si nous souhaitons vraiment réformer le Sénat du Canada, nous devrions faire une étude plus exhaustive. Si nous voulons repenser notre Sénat pour l'adapter au XXIe siècle, nous devrions peut-être accepter de prendre les risques politiques qui s'imposent. Ce serait agir de façon responsable et démocratique.

Pour conclure, permettez-moi de dire que, même si je m'oppose à la motion des sénateurs Murray et Austin, je comprends très bien, comme Canadienne de l'Atlantique, l'aliénation et la frustration que ressentent un grand nombre de Canadiens de l'Ouest, à l'autre bout d'un vaste pays qui est dirigé, depuis un siècle ou plus, par la région centrale. Je félicite mes collègues d'avoir présenté cette motion.

Toutefois, comme plusieurs témoins sont venus le dire au comité, il est important d'avoir une destination avant d'entreprendre un voyage. Il est également important d'avoir un plan de route, plutôt que d'adopter des mesures fragmentaires ponctuelles qui soulèvent plus de questions qu'elles n'en règlent.

L'honorable Tommy Banks : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Hubley : Oui.

Le sénateur Banks : Madame le sénateur a parlé de dilution de la représentation. Si mes calculs sont exacts, la représentation passerait en fait de 3,8 p. 100 à 3,4 p. 100, ce qui n'est pas terrible, à mon avis.

Ma question est cependant la suivante : madame le sénateur a mentionné l'accord de 1873 en vertu duquel des sièges appartenant à la Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick ont été transférés à Île-du-Prince-Édouard; j'en déduis que l'honorable sénateur ne s'oppose pas au principe de modifier la proportion de la représentation au Sénat. Est-ce exact?

Le sénateur Hubley : Je remercie mon collègue d'avoir soulevé ce point. En 1873, le visage du Canada était fort différent. J'aimerais que, en 2006 et dans les années à venir, nous acceptions de relever le défi de réformer notre Sénat; plusieurs méthodes ont été proposées dans des exposés. Cependant, je ne veux pas que nous apportions des changements au Sénat sans savoir exactement quels seront leurs effets sur la représentation des plus petites collectivités et régions, comme ma province.

L'honorable Jack Austin : Madame le sénateur a parlé du besoin d'une meilleure représentation des collectivités côtières et rurales. Peut-elle imaginer que, en Colombie-Britannique, la moitié de la population est urbaine? Tous les sénateurs d'un côté comme de l'autre représentent une collectivité urbaine. Comme la Colombie- Britannique ne compte que six sénateurs, il est très difficile que nos collectivités côtières et rurales soient correctement représentées. C'est la principale raison pour laquelle nous voulons que le nombre de sièges de la Colombie-Britannique passe de six à 12. Madame le sénateur comprend-elle ces préoccupations?

Le sénateur Hubley : Je remercie le sénateur de sa question. Oui, je les comprends fort bien. J'éprouve aussi de la compassion pour les collectivités de notre vaste côte septentrionale, qui sont sans doute également sous-représentées au Sénat, compte tenu de l'importance du Nord et de l'attention qu'attirera cette région en raison des changements climatiques. Peut-être que nous comprendrions mieux bon nombre de ces questions si nous pouvions compter sur une représentation des collectivités côtières, dont ferait certainement partie la Colombie-Britannique.

Le sénateur Austin : Sénateur Hubley, si je comprends bien, vous dites que l'on ne devrait rien faire jusqu'à ce que l'on ait déterminé quel est l'objet fondamental du Sénat. Est-ce exact?

Le sénateur Hubley : Je songerais à une foule d'institutions. Oui, en tant que Sénat du Canada, nous devrions reconnaître l'importance des institutions dont nous nous sommes dotés durant notre histoire, institutions qui soutiennent notre façon de gouverner et notre population. La réforme du Sénat devrait être quelque chose de continu. Toutefois, des études plus poussées sont nécessaires. Je ne voudrais pas que la représentation soit modifiée tant que nous n'aurons pas examiné sérieusement la façon dont des groupes comme les femmes, les Autochtones et les personnes handicapées sont représentés, comme le sénateur Oliver l'a dit dans son discours de ce soir.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur est écoulé. Cependant, selon notre pratique, si madame le sénateur demandait cinq minutes de plus, elle obtiendrait sans doute le consentement du Sénat pour cela.

Le sénateur Hubley : Je le demande.

L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à madame le sénateur. La voici : des études ont-elles été faites sur la représentation du nord du Québec ou du nord de l'Ontario? Ce ne sont pas des collectivités côtières en soi, mais il s'agit d'un vaste territoire, et peu de gens en ont parlé. Par exemple, un seul sénateur représente la totalité du Nord ontarien, et c'est un vaste territoire.

Le sénateur Mercer : Et ce sénateur-là, c'est vous, sénateur Mahovlich.

Le sénateur Tkachuk : C'est vous.

Le sénateur Mercer : Vous en avez beaucoup sur les épaules.

Le sénateur Mahovlich : Non, honorables sénateurs, c'est madame le sénateur Poulin qui vient de Sudbury. C'est elle qui représente tout le nord de l'Ontario. Par conséquent, quand nous ferons notre étude, je propose que nous examinions le nord du Québec et le nord de l'Ontario, et que nous envisagions d'augmenter le nombre de sénateurs qui représentent ces régions.

Le sénateur Hubley : Le sénateur Mahovlich a signalé un point très important à l'heure actuelle. Comme on l'a mentionné, certaines régions du pays sont très importantes pour l'économie canadienne et elles ne sont pas représentées au Sénat comme d'autres le sont. J'aimerais que la représentation au Sénat ne reflète pas que la population. En effet, dans les Maritimes, nous considérons que Terre-Neuve-et-Labrador constitue une région très distincte. Pourtant, si la population était le seul facteur, cette province n'aurait pas de représentant au Sénat. Je conviens avec le sénateur Mahovlich que c'est important.

L'honorable Daniel Hays (leader de l'opposition) : Je tiens à féliciter madame le sénateur Hubley de son excellent discours. Je partage tous les sentiments exprimés.

Madame le sénateur a déclaré que l'arrangement de 1873 était une façon raisonnable d'équilibrer les attentes des régions et des provinces à l'époque. Cependant, dans son discours, elle préconise que rien ne soit fait à moins que le résultat final consiste à appliquer la motion Murray-Austin.

(1910)

J'aimerais maintenant savoir comment ma collègue réagirait si elle se trouvait dans la situation du sénateur Austin. Bien que la représentation au Sénat ne soit pas fondée sur la population — je pense qu'il y a au moins 700 000 habitants pour chaque sénateur en Colombie-Britannique — c'est difficile pour les habitants de la Colombie-Britannique et de ma province, l'Alberta, d'expliquer, pour cette raison, ce que devraient être les attentes raisonnables de leur région et de leur province.

J'aimerais avoir davantage de détails sur la façon de gérer ce nombre, qui augmentera considérablement avec le temps. Bien que la représentation au Sénat ne soit pas fondée sur la population, je crois que c'est un aspect pertinent du point de vue des comptes que nous, les sénateurs de l'Ouest, devons rendre aux électeurs.

Le sénateur Hubley : Honorables sénateurs, à la fin de mon exposé, j'ai déclaré ma grande sympathie pour les provinces de l'Ouest. Elles ont raison de vouloir accroître leur représentation au Sénat. L'essentiel de mon propos est que, pour accroître la représentation dans une partie du pays, il faut peut-être la réduire ailleurs. C'est une modification du statu quo.

Cela devrait-il être fait? Je pense que oui. Je pense également que nous devrions nous interroger sérieusement sur le Sénat. Dans l'autre endroit la représentation est établie en fonction de la population. Par conséquent, la Colombie-Britannique pourra toujours élire beaucoup plus de députés à la Chambre des communes que l'Île-du-Prince-Édouard. Il est clair que nous semblons disposés à repenser le Sénat à la lumière d'une nouvelle philosophie afin de le faire entrer dans le XXIe siècle. Cette intention est louable. C'est un rôle important qui revient au Sénat et j'aimerais qu'il l'assume.

À la place des sénateurs Austin et Murray, j'aimerais faire la même chose. Il est très probable que ces provinces méritent ces sièges, mais c'est impossible dans le Sénat actuel.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'aimerais proposer un amendement au deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat.

Comme je l'ai mentionné dans cette Chambre auparavant, pendant le débat sur ce rapport, je crois que la Colombie- Britannique est une région. Elle a été reconnue comme telle par le gouvernement précédent. Elle devrait comporter le même nombre de sénateurs que toutes les autres régions, soit 24. Par conséquent, je propose :

Que le deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat ne soit pas adopté maintenant, mais que la motion pour modifier la Constitution du Canada (représentation des provinces de l'Ouest au Sénat), soit modifiée comme suit :

a) par substitution, au troisième paragraphe de la motion, des mots « la Colombie-Britannique devienne une division distincte représentée par douze sénateurs » par ce qui suit :

« la Colombie-Britannique devienne une division distincte représentée par vingt-quatre sénateurs »;

b) par substitution, à l'article 1 de l'annexe de la motion, à l'article 21, des mots « se composera de cent dix-sept membres » par ce qui suit :

« se composera de cent vingt-neuf membres »;

c) par substitution, à l'article 1 de l'annexe de la motion, à l'article 22, des mots « la Colombie-Britannique par douze sénateurs » par ce qui suit :

« la Colombie-Britannique par vingt-quatre sénateurs »;

d) par suppression, à l'article 2 de l'annexe de la motion, à l'article 27, des mots « ou, dans le cas de la Colombie- Britannique, tant que la représentation de celle-ci ne sera pas revenue au nombre fixe de douze sénateurs »;

e) par substitution, à l'article 2 de l'annexe de la motion, à l'article 28, des mots « excéder cent vingt-sept » par ce qui suit :

« excéder cent trente-neuf ».

Son Honneur le Président : Y aura-t-il débat sur la motion d'amendement, honorables sénateurs?

(Sur la motion du sénateur Murray, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LA GESTION DES URGENCES

PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-12, Loi concernant la gestion des urgences et modifiant et abrogeant certaines lois.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

LA SITUATION DE L'ALPHABÉTISME

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'alphabétisme au Canada, ce qui donnera à tous les sénateurs présents dans cette enceinte l'occasion de parler de cette question qui, dans notre pays, est souvent oubliée.—(L'honorable sénateur Rompkey, C.P.)

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, je voudrais dire quelques mots au sujet de cette interpellation. Je tiens à remercier madame le sénateur Fairbairn de l'avoir présentée. J'aimerais parler de ma province, du taux d'alphabétisation et du taux d'analphabétisme.

Nous ne sommes pas tous analphabètes. Ni Rick Mercer, ni Rick Hillier, ni Rex Murphy, ni Seamus O'Regan, ni Wayne Johnston, ni Lisa Moore et ni George Baker ne sont analphabètes. George Baker est non seulement un grand érudit, mais aussi un grand orateur — je dirais même un des meilleurs orateurs que le Canada ait jamais eus.

Je me rappelle de l'époque où nous étions dans l'opposition, à la fin des années 1980. Comme les sénateurs le savent certainement, nous nous retrouvions de temps en temps dans l'opposition et nous mettions alors en pratique nos compétences à titre d'opposition. George Baker a mis en pratique ses compétences dans l'opposition quand John Crosbie était ministre des Pêches. Je me suis toujours interrogé là-dessus parce que c'était le spectacle à voir. En fait, le Président de la Chambre des communes a même songé à réclamer un droit d'entrée lorsque George Baker posait une question à John Crosbie.

Lorsque j'étais de passage à Terre-Neuve, tout récemment, j'ai interrogé John Crosbie à ce sujet et il m'a dit qu'il recevait de temps en temps un appel de George Baker qui lui disait : « John, je songe à poser cette question à la période des questions aujourd'hui et vous, John, pourriez peut-être penser à y répondre. »

Le sénateur LeBreton : Ils répétaient à l'avance!

Le sénateur Rompkey : C'est maintenant consigné au compte rendu.

Quoi qu'il en soit, ils ont exprimé leur point de vue et ils l'ont fait avec humour et éloquence. Ils présentaient très bien leur sujet. Les gens savaient de quoi il était question et le message passait.

Il y a le taux d'alphabétisation et il y a aussi le taux d'analphabétisme. Les sondages montrent — selon le sondage que l'on choisit — que notre province affiche un taux élevé « d'analphabétisme ». Les notes moyennes des habitants de Terre- Neuve-et-Labrador sont nettement en deçà des moyennes nationales.

(1920)

En jetant un coup d'œil au graphique, les sénateurs constateront que le taux augmente d'un bout à l'autre du pays. C'était le cas il y a des années, et je soupçonne que ce soit encore le cas. En sillonnant le Canada de la Colombie-Britannique à Terre-Neuve-et-Labrador, on remarque que le taux d'analphabétisme augmente. Cela n'a rien à voir avec la capacité, l'intention ou la demande, mais tout à voir avec l'argent. Terre-Neuve-et-Labrador est la province où le taux d'imposition par habitant et le taux de chômage sont les plus élevés et le gouvernement provincial consacre environ 40 p. 100 de son budget à l'éducation.

Le fait que le gouvernement fédéral ait sabré dans l'alphabétisation cause de grandes inquiétudes, car l'alphabétisation est un investissement. L'alphabétisation est une forme d'éducation. Cela devrait être un droit au Canada, au même titre que les soins de santé. Les Canadiens ont droit à des soins de santé et ils devraient avoir droit à l'éducation. Les anciens Grecs avaient comme devise « un esprit sain dans un corps sain ». Ce devrait être notre objectif pour tous les Canadiens. Je ne parle pas du système scolaire, car l'éducation ne se déroule pas uniquement dans les écoles. C'est ce que M. Baird semble croire. Lorsqu'il parle de l'alphabétisation des adultes, M. Baird dit que ce n'est « qu'un travail de réparation, après que le mal est fait ». C'est un point de vue bien simpliste de la part d'un homme qui ne connaît sans doute pas bien les régions de notre pays.

Le sénateur Sibbeston l'a dit l'autre jour, et le sénateur Watt doit savoir que, dans certaines régions du pays, il existe un problème particulier lié à l'éducation. Les gens ont un problème de langue. Un grand nombre de personnes n'ont pas l'anglais comme langue première. Si vous avez regardé l'émission The National l'autre soir, vous avez vu Mark Kelley à Prince Rupert et vous avez pu constater les difficultés qu'éprouvaient certains étudiants en raison du syndrome d'alcoolisation fœtale et d'autres problèmes. Ces difficultés nécessitent une attention spéciale. Il ne s'agit pas seulement de « réparer » le système.

Il y a des personnes dans le système qui, pour une raison ou une autre, passent entre les mailles du filet, sans que ce ne soit de leur faute. Nous devrions donner à ces personnes l'occasion de s'instruire, parce que l'éducation est un investissement. Si vous avez une population active éduquée, avec des gens qui savent lire et écrire, des chefs syndicaux et des hommes de métier qui peuvent lire leurs livres et leurs directives, des personnes qui sont capables de lire les panneaux, alors vous avez une population qui peut atteindre son potentiel économique. C'est ce que nous devrions viser : faire en sorte que les gens atteignent leur potentiel économique.

Il y a eu des compressions dans les fonds fédéraux. Le raisonnement qu'on nous a fait valoir, c'est que cela ne changera pas grand-chose et qu'il y a encore de l'argent disponible. Comment faites-vous pour demander cet argent? Qui présente des demandes pour obtenir cet argent? La réalité, c'est que même s'il y a de l'argent disponible, même s'il y a de l'essence pour le réservoir, le moteur ne fonctionne pas bien. Le carburateur ne fonctionne pas. Le moteur des véhicules ne fonctionne pas correctement, parce que les véhicules qui étaient en place pour aider les réseaux existants ont subi l'impact de cette mesure et ne peuvent plus être utilisés.

Nous avons appris que la collaboration entre les organismes d'alphabétisation et les autres agences de première ligne qui ne s'occupent pas d'alphabétisation est essentielle pour les premières expériences de nombreux adultes en matière d'alphabétisation. C'est là le problème. Beaucoup trop de ces réseaux n'existent plus et ne peuvent plus venir en aide aux divers partenaires.

Les intervenants en matière d'alphabétisation à Terre-Neuve-et- Labrador ont mis sur pied une approche qui consiste à établir des partenariats entre les groupes d'alphabétisation et d'autres organismes de première ligne. Ces derniers orientent les gens vers les programmes d'apprentissage appropriés. Grâce au financement et à l'encouragement du Secrétariat national à l'alphabétisation, qui relève du gouvernement fédéral, un groupe ad hoc du réseau d'alphabétisation a été établi dans la province de Terre-Neuve-et- Labrador. Parmi ses membres, on retrouvait des intervenants de l'alphabétisation dans l'ensemble de Terre-Neuve-et-Labrador, comme l'ancien conseil pour le développement de l'alphabétisation, le conseil d'alphabétisation de Laubach, le réseau d'action et d'information en matière d'alphabétisation du Labrador, Teachers on Wheels, Partenaires en apprentissage, la Première nation innue de Sheshatshiu, l'association de Terre-Neuve- et-Labrador pour l'éducation des adultes et l'Université Memorial.

Ce groupe a tenu, dans toute la province, des séances de consultation informelles, des forums en face à face, des rencontres casse-croûte, des téléconférences provinciales, des discussions en ligne et, enfin, une conférence provinciale sur l'alphabétisation. L'objectif était de déterminer, à un niveau proche de la population et en collaboration avec les intervenants de première ligne, ce qui ferait le mieux avancer l'alphabétisation dans la province.

La coalition a été établie, mais elle est maintenant confrontée à la possibilité de ne jamais pouvoir passer à l'action parce qu'elle dépendait du gouvernement fédéral pour financer le réseau.

Voilà la difficulté que nous avons. J'aimerais vous faire part de ce que les gens de ma région ont à dire parce que j'aimerais que cela soit consigné au compte rendu dans leurs propres mots. J'aimerais que les sénateurs comprennent les difficultés que connaissent les gens dans les régions rurales de Terre-Neuve-et-Labrador.

Janet Skinner est directrice exécutive du réseau d'action et d'information en matière d'alphabétisation du Labrador, un organisme central responsable des programmes d'alphabétisation au Labrador. Elle a dit ce qui suit à propos de l'incidence potentielle des compressions sur le Labrador :

Partenaires en apprentissage est un organisme d'alphabétisation basé dans la collectivité qui dessert le détroit...

Il s'agit du détroit de Belle Isle, entre Terre-Neuve et le Labrador.

... le conseil d'alphabétisation de Battle Harbour, le conseil d'alphabétisation White Bear du Labrador, le conseil d'alphabétisation d'Eagle River...

Il y en a une série, y compris le conseil de bande innue Sheshatshiu. Il est maintenant impossible de faire fonctionner ces centres familiaux autochtones et d'autres organismes. Mme Skinner poursuit :

La chose est particulièrement frustrante puisque ces initiatives de collaboration ont pour effet de rendre les organisations capables d'aider des gens qui les approchent pour d'autres raisons...

Autrement dit, il s'agit d'un réseau d'entraide et de collaboration. Les responsables des divers projets comptent sur le réseau et l'organisation pour les aider à élaborer leur projet et à présenter des demandes d'aide. Comme le dit Mme Skinner :

Il s'agit souvent de personnes pour qui le système scolaire n'offre pas la solution à leurs problèmes.

Voici maintenant ce que nous dit Barbara Marshall, de Partenaires en apprentissage, dans le détroit du Labrador :

Partenaires en apprentissage fait fonctionner des programmes d'alphabétisation communautaires selon l'hypothèse de base que les pratiques liées à l'alphabétisation sont intégrées à nos vies de travailleurs, de parents et de participants à la collectivité. Les responsables, dans leur collectivité du détroit du Labrador, ont réussi à convaincre 80 p. 100 des résidants de répondre à leurs besoins d'apprentissage en participant au centre d'apprentissage. [...] Ils ont également réussi à faire participer des partenaires communautaires. [...] Leur expérience a été diffusée et imitée partout au Canada et à l'étranger.

Voici, selon elle, quelles seront vraisemblablement les répercussions des compressions annoncées :

Dans notre région, ces compressions auront pour répercussion d'entraîner l'élimination de Partenaires en apprentissage comme chef de file dans la région du détroit du Labrador en matière d'apprentissage communautaire. Elles entraîneront la fermeture du centre d'apprentissage communautaire de West St. Modeste; la suppression des services de tutorat pour adultes; la suppression des services de coordination et de facilitation liés aux programmes Roots of Empathy et PRINTS; la suppression d'initiatives critiques en matière d'apprentissage mises au point avec les groupes de développement social et économique; la suppression de la promotion et du soutien visant les adultes; la suppression de la participation de la communauté et des apprenants aux programmes d'apprentissage et d'alphabétisation de la région.

Pour ce qui est maintenant du centre d'apprentissage de Port Hope Simpson, je cite ce qui suit :

Les compressions du gouvernement fédéral visant les programmes sociaux, et notamment l'alphabétisation, nous portent un coup terrible. Notre organisation communautaire devra fermer ses portes aux nombreux résidants à qui nous avons fourni de l'aide par le passé. Des capacités de lecture et d'écriture insuffisantes se répercutent sur tous les aspects de la vie, de la santé, de l'emploi, du développement économique, pour ne citer que ceux-là. Quelles seront donc les répercussions? Le gouvernement aura-t-il à rendre des comptes?

La prochaine personne que je citerai est Brenda Nuke, qui est apprentie coordonnatrice du projet collaboratif d'alphabétisation au travail de Sheshatshiu. Il s'agit d'une Première nation se trouvant à environ 20 milles de Goose Bay, au Labrador. Voici ce que dit Mme Nuke :

L'alphabétisation est particulièrement importante dans mon milieu, tant pour les adultes que pour les jeunes. Bien des gens y ont besoin d'aide pour apprendre l'anglais, qui est leur langue seconde. Ils ont besoin d'aide en lecture et en écriture. Dans les milieux de travail, les gens ont besoin d'aide supplémentaire pour pouvoir bien remplir leurs fonctions. Par exemple, lorsque j'ai pris part au projet d'alphabétisation en milieu de travail, j'ai pu montrer à un homme de 50 ans comment utiliser le courriel. C'était important pour lui parce qu'il s'est enrichi ainsi d'une compétence et a gagné en confiance. La même chose se produit lorsqu'on aide une personne à composer une lettre d'affaires ou à lire une note de service. Ils ont davantage confiance en leurs moyens et acquièrent de l'estime de soi. C'est vraiment important d'en tenir compte quand on connaît le désespoir ressenti par les gens lorsqu'ils sont incapables de s'acquitter des tâches de ce genre. Si nous ne pouvons plus compter sur le réseau d'action et d'information en matière d'alphabétisation du Labrador et si nous ne pouvons plus réaliser les projets d'alphabétisation que ce réseau nous a permis de mettre sur pied, je crains que nous soyions obligés de laisser tomber bien des gens.

(1930)

Voilà, honorables sénateurs, les conséquences de l'annulation du financement des mesures d'alphabétisation par le gouvernement fédéral.

Voici maintenant ce que dit Sherry Turner, de Happy Valley- Goose Bay :

J'ai été très déçue d'apprendre que le gouvernement fédéral allait procéder à des compressions dans les programmes communautaires d'alphabétisation. Alors que je coordonnais le projet « Youth Linkages » nous avons constaté que les services et les outils de planification de carrière du réseau d'action et d'information en matière d'alphabétisation du Labrador étaient très importants pour notre propre programme. Nous avons demandé chaque année au réseau de nous aider à utiliser ces outils graphiques très clairs et les commentaires de nos clients ont toujours été excellents.

Je le répète : les compressions vont tuer le réseau. Il reste peut-être du carburant dans le réservoir, mais le véhicule est endommagé. Il ne fonctionne pas et n'avance pas. Vous pouvez y rajouter tout le carburant que vous voudrez.

De Louisa Lucy, enseignante à Hopedale :

Il est très dommageable, pas seulement pour la côte nord mais pour l'ensemble de la province, de souffrir de cette perte de services d'alphabétisation. C'est particulièrement difficile pour les collectivités de la côte nord, car elles sont déjà désavantagées en matière de services de bibliothèque et de bons ouvrages en langue autochtone.

Ils semblent dire que cela ne...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Rompkey, demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Rompkey : J'aimerais conclure, si c'est possible.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Cinq minutes.

Le sénateur Rompkey : J'aimerais conclure en faisant part aux honorables sénateurs des mesures prises par le gouvernement provincial, malgré le fait qu'il consacre déjà 40 p. 100 de son budget à l'éducation : 1,2 million de dollars ont été prévus pour améliorer l'accès à l'apprentissage et à l'alphabétisation des adultes en augmentant le nombre de programmes de formation de base des adultes offerts au Collège de l'Atlantique Nord.

Selon un communiqué de presse du gouvernement de Terre- Neuve-et-Labrador :

Le gouvernement investira 230 000 dollars pour remplacer la part auparavant assurée par le gouvernement fédéral du financement du programme-pilote d'éducation de base pour les adultes de niveau 1. Ce montant vient s'ajouter aux 300 000 dollars déjà prévus pour le soutien aux programmes d'alphabétisation des adultes. Le ministre a déclaré : « Le financement des initiatives d'éducation de base et d'alphabétisation pour les adultes contribue au développement social et économique de notre province. Les avantages intergénérationnels de l'alphabétisation sont bien établis. Des niveaux d'alphabétisation plus élevés chez les parents ont un effet positif sur les réalisations de leurs enfants. »

C'est la situation dans une province qui a besoin d'aide. Le système a laissé pour compte les Autochtones et les non- Autochtones, qui voudraient bien tirer le maximum de leur potentiel. Le gouvernement devrait leur en donner les moyens, mais le financement a été coupé.

Honorables sénateurs, j'exhorte le gouvernement à revoir à nouveau la situation et à donner aux Canadiens de toutes les régions la possibilité d'être en bonne santé, bien sûr, mais aussi la possibilité de faire de bonnes études.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je n'ai pu m'empêcher de remarquer que le sénateur Rompkey parle des automobiles comme si elles avaient encore des carburateurs.

Le sénateur Rompkey : Il n'y a que vous, en Ontario, qui avez de nouvelles automobiles.

Le sénateur LeBreton : En fait, nous avons des moteurs à injection.

Le sénateur Rompkey : Si vous augmentiez les paiements de péréquation, nous pourrions nous aussi avoir quelques automobiles neuves.

(Sur la motion du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

LOI ANTITERRORISTE

MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ SPÉCIAL À REPORTER LA DATE DE PRÉSENTATION DE SON RAPPORT FINAL ET À SE RÉUNIR PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Serge Joyal, au nom du sénateur Smith, propose, conformément à l'avis du 7 décembre 2006 :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mardi 2 mai 2006 et le mercredi 27 septembre 2006, la date de présentation du rapport final du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste soit reportée du 22 décembre 2006 au 31 mars 2007;

Que le Comité soit autorisé, en conformité avec le paragraphe 95(3) du Règlement, à se réunir les jours de semaine en janvier 2007, même si le Sénat est alors ajourné pour plus d'une semaine.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, cette motion ne nous a pas été expliquée. Aucune explication n'a été fournie pour justifier la prolongation demandée. Nous avons besoin de renseignements supplémentaires pour pouvoir en évaluer le bien-fondé.

Le sénateur Joyal : Avec plaisir, honorables sénateurs.

Le Comité spécial sur la Loi antiterroriste s'est réuni à de nombreuses reprises au cours du dernier mois. Il a terminé l'ébauche de son rapport dans une langue et les membres se sont entendus sur sa teneur. Toutefois, les membres du comité se sont unanimement dits d'avis que le texte — le rapport comprend actuellement 120 pages et il est très complexe — ne devrait pas être simplement traduit, mais plutôt offert en deux version distinctes. Autrement dit, on devrait pouvoir réviser le texte français, aux plans tant de la forme que du fond, pour qu'il ait la qualité d'un texte original français.

Dans cette optique, des consultations ont permis de conclure que nous devrions prévoir deux ou trois semaines de travail supplémentaires pour permettre à un traducteur qualifié de préparer un rapport de la même qualité dans les deux langues.

Cela dit, comme nous avons eu l'ordre du Sénat de produire notre rapport d'ici le 22 décembre, nous n'aurons bien sûr pas le temps de préparer la version française de grande qualité que nous avons convenu d'offrir aux Canadiens. La teneur de ce rapport intéressera non seulement les sénateurs, mais aussi un grand nombre de Canadiens ordinaires, étant donné l'importance du sujet. C'est essentiellement un examen de la Loi antiterroriste adoptée au Sénat il y a quatre ans. Nous nous souviendrons que le texte avait été élaboré en peu de temps.

(1940)

Le comité a formulé plusieurs propositions sur la façon dont cette loi devrait être adaptée après le premier rapport de la commission d'enquête sur l'affaire Arar et les décisions des tribunaux canadiens qui ont été rendues entre-temps.

Les membres du comité sont conscients que le deuxième rapport de la commission d'enquête sur l'affaire Arar sera publié bientôt. J'ai lu aujourd'hui, dans l'Ottawa Citizen, un article qui rapportait quelques éléments de ce deuxième rapport. Il n'y a pas de doute que les membres du comité voudront pouvoir étudier le deuxième rapport le plus tôt possible, y réfléchir et décider alors des recommandations qu'il aimerait présenter au Sénat. C'est l'une des raisons pour lesquelles le comité aimerait être autorisé à siéger en janvier.

Honorables sénateurs, les membres du comité ne sont pas plus diligents que d'autres sénateurs. Le comité siégera, si possible, à la fin de janvier, peut-être une semaine avant la reprise des travaux du Sénat, pour qu'il puisse terminer son étude et faire part au Sénat et à la population canadienne de ses conclusions sur la Loi antiterroriste. Le comité a reçu le mandat d'examiner la Loi antiterroriste en vertu d'une mesure législative obligeant le Sénat à le faire. L'autre endroit a respecté une obligation semblable, mais je ne veux pas commenter son rapport, qui ne renferme que quelques pages et qui ne traite que de deux questions précises, et non de la complexité générale d'une loi antiterroriste. Le Sénat a pris sa responsabilité au sérieux au niveau du comité et les sénateurs des deux côtés ont participé à fond à cet examen. La motion dont nous sommes saisis ce soir est le fruit d'un consensus auquel sont parvenus les membres du comité et elle témoigne du bon travail qu'a accompli le comité, dans un esprit de collaboration. Son Honneur le Président, qui est au fauteuil, a pris part aux délibérations du comité. D'autres sénateurs qui n'étaient pas membres officiels du comité y ont participé également.

Comme je l'ai dit, la motion ne constitue pas une tactique dilatoire. Le comité a préparé une deuxième ébauche de 120 pages, qui renferme de nombreuses recommandations. Il est indispensable que le comité puisse offrir aux sénateurs et à la population un travail de qualité, comme ils le méritent.

Le sénateur Comeau : Nous garderons cela en tête en retenant la date, le 22 décembre 2006.

Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : Madame le sénateur Andreychuk allait se lever. Le sénateur aimerait-il reporter sa motion d'ajournement?

L'honorable Marcel Prud'homme : Madame le sénateur Andreychuk s'est entendue avec le sénateur Comeau.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je voulais poser une question au sénateur Joyal, mais je le ferai en intervenant dans le débat après l'ajournement.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 12 décembre 2006, à 14 heures.)


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