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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 66

Le mardi 6 février 2007
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, Présidente intérimaire


LE SÉNAT

Le mardi 6 février 2007

La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

SHEILA WATT-CLOUTIER

LE PRIX NOBEL DE LA PAIX DE 2007—FÉLICITATIONS POUR SA MISE EN CANDIDATURE

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je suis très fière d'attirer votre attention sur la mise en candidature de la Canadienne d'origine inuite, Sheila Watt-Cloutier, leader et militante en matière de changements climatiques, pour le prix Nobel de la paix de 2007.

[Français]

En effet, c'est le 1er février dernier que deux députés norvégiens, M. Boerge Brende et Mme Heidi Soerensen, ont annoncé la mise en candidature conjointe de Mme Watt-Cloutier et de l'ancien vice-président des États-Unis, M. Albert Gore.

Désireux de souligner les efforts de ces deux candidats pour attirer l'attention du monde sur l'impact des changements climatiques, les députés norvégiens voulaient également signaler leur contribution au développement de solutions concrètes à ce problème.

Originaire de Kujjuuaq, au Nunavik et résidant maintenant à Iqualuit, dans le Nunavut, Mme Watt-Cloutier a consacré sa vie à la conservation de l'environnement et à la défense des droits et des intérêts des Inuits.

C'est au cours de ses premières années en tant que présidente de la Conférence circumpolaire inuit qu'elle a réussi à convaincre les États membres de cet organisme de signer un accord visant à interdire la production et l'utilisation de polluants qui contaminent la chaîne alimentaire de l'Arctique.

Récipiendaire en 2005 du prix norvégien Sophie et de la médaille du gouverneur général pour la nordicité en reconnaissance de son leadership au chapitre de l'environnement, Mme Watt-Cloutier a également été nommée officier de l'Ordre du Canada en 2006. Elle recevait, au cours de la même année, le Prix Hommage pour l'ensemble de ses réalisations lors de la remise des Prix canadiens de l'environnement.

(1405)

[Traduction]

Nous félicitons Mme Watt-Cloutier de son engagement à préserver l'environnement et, plus particulièrement, de sa mise en candidature pour le prix Nobel de la paix de 2007.

Nous espérons que cette bonne nouvelle aidera à convaincre le premier ministre — un nouveau venu dans la cause de l'environnement — à se distancier encore davantage de son ancienne opinion selon laquelle les efforts pour lutter contre les changements climatiques sont « un complot socialiste visant à siphonner de l'argent aux pays producteurs de richesse ». Nous espérons que son opinion a changé.

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs , je vous signale la présence à la tribune de membres du Comité de l'Association européenne de libre-échange. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

LA RÉOUVERTURE DU BUREAU MÉTÉOROLOGIQUE DE GANDER

L'honorable Ethel Cochrane : Honorables sénateurs, en 2003, le gouvernement fédéral a décidé de fermer le bureau météorologique de Gander, au grand désarroi des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis ravie de dire que, aujourd'hui, les habitants de ma province peuvent être assurés que les prévisions météorologiques sur lesquelles ils comptent sont des prévisions locales faites avec la technologie de prévision la plus exacte qui soit.

Le 9 janvier dernier, le nouveau centre de prévisions météorologiques a été inauguré à l'aérogare de l'aéroport international de Gander. C'était la première fois depuis le 5 juillet 2004 que les prévisions provenaient de Terre-Neuve-et-Labrador. Cette nouvelle est particulièrement importante dans une province comme la mienne, où les conditions météorologiques sont exceptionnelles et où les prévisions météorologiques revêtent une importance fondamentale pour les industries robustes axées sur l'environnement et les technologies océaniques. Elle est également positive, car elle marque le retour d'emplois fédéraux qui sont grandement nécessaires dans ma province.

Honorables sénateurs, je voudrais féliciter Pat Dwyer, un habitant de Gander. Il est membre de l'AFPC et un pompier de l'aéroport international de Gander qui a fait circuler une pétition pour que le centre de prévisions météorologiques, qui se trouvait en Nouvelle-Écosse, soit ramené dans notre province. Pat a décidé d'intervenir, car il s'inquiétait pour la vie des habitants de notre province qui circulent sur les routes et qui naviguent en mer. Il estimait également que des emplois et des services fédéraux étaient importants.

Bien que l'objectif initial ait été de recueillir 100 000 signatures, plus de 125 000 personnes ont signé la pétition. C'est ainsi que les prévisions météorologiques sont devenues un enjeu politique lors de la dernière campagne électorale fédérale.

Le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, figurait parmi les signataires de la pétition. Je suis ravie de constater qu'il passe maintenant à l'action. Il a dit qu'il allait rétablir le service régional de prévisions météorologiques, et il a encore une fois tenu sa promesse.

J'aimerais aussi remercier et féliciter Pat Dwyer, qui a pris l'initiative d'organiser la pétition et de mobiliser les gens en faveur de cette cause. Il a réellement suscité l'intérêt de la population pour se dossier. Il a joué un rôle essentiel dans le rapatriement du service dans notre province. C'est grâce à l'action de citoyens comme Pat Dwyer que la démocratie et la participation politique se portent aussi bien au Canada.

[Français]

LES LANGUES OFFICIELLES

LE QUARANTIÈME ANNIVERSAIRE DU RAPPORT LAURENDEAU-DUNTON—L'ÉTAT DU BILINGUISME

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, hier, la Société Radio-Canada rendait publics les résultats d'un sondage qu'elle a commandé afin de souligner le 40e anniversaire de la Commission royale d'enquête Laurendeau- Dunton, dont les travaux ont mené à l'adoption de la Loi sur les langues officielles en 1969. Ce sondage explore la perception qu'ont les Canadiens du bilinguisme et l'importance qu'il revêt pour eux.

Les résultats de ce sondage sont fort intéressants parce qu'ils confirment ce qu'une enquête réalisée en septembre 2006 pour le Commissariat aux langues officielles a déjà constaté, soit que la majorité des Canadiens et des Canadiennes appuient le bilinguisme et la dualité linguistique.

(1410)

[Traduction]

Huit Canadiens sur dix appuient le fait que le Canada est un pays bilingue, et une majorité écrasante de Canadiens croient également que le premier ministre devrait pouvoir s'exprimer tant en anglais qu'en français. Comme le commissaire aux langues officielles l'a déclaré en réaction au sondage : « De toute évidence, les Canadiens ont des attentes claires en ce qui a trait aux compétences linguistiques de leurs représentants élus ». Fait intéressant, les étudiants comptent parmi les plus ardents promoteurs des deux langues officielles du Canada. C'est donc dire qu'on continue de s'intéresser à leur apprentissage.

[Français]

Cependant, ce sondage démontre que si la volonté d'apprendre les deux langues officielles du pays est au rendez-vous, les occasions de le faire manquent toujours. Il faut continuer à stimuler l'offre de programmes de langue seconde afin que les Canadiens qui veulent apprendre l'autre langue du pays puissent le faire.

Honorables sénateurs, il faut alors que nos gouvernements, tant au niveau fédéral donc provincial, continuent à encourager la création et l'offre de programmes d'apprentissage de la langue seconde, ainsi que de faire la promotion de la dualité linguistique afin de renforcer la vitalité de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire. C'est en facilitant l'accès à ces programmes et en encourageant les échanges culturels entre différentes régions que nous aurons une main-d'œuvre qualifiée qui réponde aux besoins du XXIe siècle.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

PEUPLES AUTOCHTONES

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À RECEVOIR DES DOCUMENTS PRODUITS AU COURS DE LA TRENTE-HUITIÈME LÉGISLATURE
DANS LE CADRE DE SON ÉTUDE DU PROJET DE LOI S-16

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones au cours de la première session de la trente-huitième législature pendant son étude de la teneur du projet de loi S-16, Loi prévoyant la reconnaissance par la Couronne de l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada, soient renvoyés audit Comité pour son étude sur le projet de loi S-16, Loi prévoyant la reconnaissance par la Couronne de l'autonomie gouvernementale des premières nations du Canada.

[Français]

TRANSPORTS ET COMMUNICATIONS

AVIS DE MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER LE FONDS CANADIEN DE TÉLÉVISION

L'honorable Lise Bacon : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les objectifs, le fonctionnement et le mode de gouvernance du Fonds canadien de télévision;

Que le Comité soumette son rapport final au plus tard le 30 juin 2007.


(1415)

PÉRIODE DES QUESTIONS

LE PREMIER MINISTRE

DISCOURS AU CERCLE CANADIEN D'OTTAWA

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous expliquer pourquoi le premier ministre a choisi, aujourd'hui, de présenter un discours décrit par ses stratèges comme étant un mini-discours du Trône donnant une nouvelle orientation à son gouvernement, à quelques pas de la Colline du Parlement, devant des gens d'affaires, au mépris de la coutume qui voudrait qu'un tel discours soit prononcé au Parlement, devant les représentants de tous les Canadiens et non seulement de l'élite canadienne?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question. Le Cercle canadien d'Ottawa a invité le premier ministre à prononcer un discours à l'occasion du premier anniversaire de l'assermentation des membres du nouveau gouvernement conservateur. Si madame le sénateur avait écouté le discours, elle saurait que le premier ministre a présenté un sommaire des réalisations de son gouvernement à ce jour. Il en avait long à dire. Il a énoncé d'une façon plus précise quelques-uns des objectifs du gouvernement pour le reste de la session d'hiver et pour celle du printemps. C'était le genre de discours qu'un premier ministre de quelque allégeance politique que ce soit aurait donné à un auditoire comme le Cercle canadien.

Le premier ministre a notamment abordé dans son discours la question de l'environnement, illustrant au moyen de graphiques les défis à relever dans ce domaine, les engagements pris par le gouvernement précédent et ce qui a été accompli sous le gouvernement précédent.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ce discours prononcé à l'extérieur du Parlement est le deuxième exemple en moins de 24 heures du mépris que le premier ministre montre envers notre institution.

LA POSITION DE LA CHAMBRE DES COMMUNES AU SUJET DE LA MOTION SUR LE PROTOCOLE DE KYOTO

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous indiquer comment le premier ministre peut encore prétendre vouloir protéger l'environnement alors qu'il a ordonné hier à son caucus de voter contre la motion qui vise à respecter les engagements du Protocole de Kyoto et qu'il n'a pas daigné participer au vote?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, il est absolument faux de prétendre que le premier ministre s'est rendu coupable d'un outrage au Parlement. En ce qui concerne la motion de l'autre endroit, même les partisans, réels ou présumés, du Parti libéral, dont Jeffrey Simpson et des membres de la rédaction du Globe and Mail, ont souligné samedi le caractère fallacieux de cette motion. Nous nous sommes opposés à la motion parce qu'elle ne sanctionne que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement comme moyen de réglementer les émissions. Pourquoi, alors, le gouvernement libéral n'y a-t-il pas eu recours entre 1997 et 2005?

L'ENVIRONNEMENT

LE GROUPE D'EXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL DES NATIONS UNIES SUR L'ÉVOLUTION DU CLIMAT—L'ORGANISME INTERNATIONAL PROPOSÉ—
LA POSITION DU GOUVERNEMENT

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, le soi-disant nouveau gouvernement du Canada s'emploie à démolir la réputation du Canada sur la scène internationale par son inaction dans le domaine des changements climatiques. Nous avons un premier ministre qui a déclaré, en mars 2003, que le Protocole de Kyoto est le pire accord international que le Canada ait jamais signé.

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement du premier ministre a sapé le processus international et a sabré 5,6 millions de dollars dans les programmes de lutte contre les changements climatiques déjà en place, qui fonctionnaient bien, et le gouvernement n'a pas respecté le calendrier de déclaration des émissions fixé par l'ONU.

Récemment, depuis la publication du rapport en France la semaine dernière, le gouvernement de la France, ainsi que celui de 45 autres pays, réclament la création d'un nouvel organisme international portant sur l'environnement et la lutte contre les changements climatiques pour permettre de faire avancer le dossier. Le gouvernement appuiera-t-il la création d'un tel nouvel organisme environnemental de lutte contre les changements climatiques?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le sénateur Eggleton de sa question.

Comme je l'ai dit dans cette assemblée la semaine dernière, le premier ministre a, au cours des entrevues de fin d'année, reconnu que les Canadiens s'attendaient à ce que leur gouvernement passe à l'action dans le dossier de l'environnement. Il en a pris note et c'est précisément ce à quoi il s'est engagé.

(1420)

Notre nouveau ministre de l'Environnement, John Baird, est allé à Paris. Selon tous les comptes rendus, y compris les reportages des médias, M. Baird s'est acquitté de sa tâche de façon admirable.

Pour ce qui est du rapport sur les changements climatiques, le ministre Baird se penche sur le dossier 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Je suis certaine qu'il étudie soigneusement ce rapport. Je lui laisse donc le soin d'y répondre. Quand il le fera, je me ferai un plaisir d'en informer les sénateurs.

Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, il est difficile de réellement croire à l'engagement du premier ministre compte tenu de ce qu'il a fait à l'égard du Protocole de Kyoto et des observations comme celles que je viens de citer. Il s'est traîné les pieds, a trépigné et poussé les hauts cris, et son engagement n'est pas de ceux dont le Canada a besoin ni de ceux qu'attendent les Canadiens.

Je me permets de poser une question complémentaire concernant un autre engagement pris par l'ancienne ministre de l'Environnement, Rona Ambrose, lors d'un sommet tenu à Nairobi. Les pays qui y participaient ont alors convenu de présenter avant le 23 février prochain une analyse détaillée de l'efficacité de leurs programmes sur les changements climatiques. Le gouvernement donnera-t-il aux Canadiens l'assurance que le Canada remplira cette obligation d'ici la date butoir du 23 février, oui ou non?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. S'il avait regardé le premier ministre livrer un discours absolument concluant aujourd'hui, le sénateur aurait vu des graphiques qui font ressortir les difficultés auxquelles fait face le gouvernement dans le dossier des gaz à effet de serre, sans compter le fait que le gouvernement précédent n'a absolument rien fait pour lutter contre la pollution. En fait, notre bilan à cet égard est peut-être le pire dans le monde.

Pour ce qui est de la date butoir du 23 février que la ministre Ambrose s'est engagée à respecter, je vais simplement prendre note de la question et revenir plus tard avec une réponse pour le sénateur Eggleton.

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Est-ce que vous conviendriez que protéger l'environnement ne peut se faire que dans le cadre d'un effort mondial, que tout le monde doit s'impliquer? Si c'est le cas, le Protocole de Kyoto n'est-il pas à l'heure actuelle la seule initiative véritablement mondiale?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, c'est incontestablement un accord international qui a été conclu à Kyoto et la situation à laquelle la planète fait face aujourd'hui exige que tous les pays et tous les gouvernements, peu importe leur allégeance politique, travaillent dans l'intérêt de leurs citoyens. Quand il a signé le protocole, le gouvernement précédent savait pertinemment qu'il ne pouvait pas tenir ses engagements. D'ailleurs, on a cité le premier ministre de l'époque qui disait n'avoir signé que pour avoir le dessus sur les Américains, ce qu'il n'a même pas réussi à faire. Ce n'est pas une bonne raison pour signer un protocole d'une telle importance.

Pour répondre brièvement à la question, je dirai que le problème devrait certainement nous interpeller tous. Nous vivons tous ensemble sur la planète. Le gouvernement a entamé des mesures importantes pour s'attaquer au problème. Le ministre Baird représente bien le pays.

(1425)

Le ministre Lunn et le premier ministre ont fait des annonces ces dernières semaines. En décembre, la ministre Ambrose, le premier ministre et le ministre de la Santé ont apporté des changements importants, de pointe, au sujet de la catégorisation des toxines. Le gouvernement s'est engagé à faire tout ce qu'il peut pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, lutter contre la pollution de l'air, améliorer la qualité de nos cours d'eau et, bien entendu, s'assurer que les aliments que nous mangeons et les produits que nous utilisons dans nos foyers soient les plus sûrs possibles.

MOTION DE LA CHAMBRE DES COMMUNES PORTANT SUR LE PROTOCOLE DE KYOTO

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, il me semble que chaque fois que les experts ou les scientifiques s'entendent sur un point, les conservateurs désapprouvent. Je suis très préoccupée par le fait qu'ils sont en total désaccord avec les experts en matière de soins aux enfants au sujet des soins de qualité et du développement des jeunes enfants. Je suis aussi très préoccupée par leur désaccord avec le Protocole de Kyoto. Le nouveau ministre de l'Environnement du Canada a été « étonné », comme il l'a dit, que 400 experts scientifiques se soient entendus à Paris au sujet du Protocole de Kyoto et du rôle des humains dans les changements climatiques à l'échelle planétaire. Pourquoi alors, compte tenu de cet appui récent et en bloc de la communauté scientifique, les conservateurs ont-ils de nouveau voté contre le Protocole de Kyoto hier soir à la Chambre des communes?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à cette question. Le gouvernement n'a pas appuyé la motion présentée par l'opposition parce que, comme les médias et des experts environnementaux l'ont dit, il ne s'agissait que de jeux politiques. La plupart des gens ont su percer cette manœuvre, et ce gouvernement s'est engagé à apporter des changements réels et positifs pour notre environnement.

LE PREMIER MINISTRE

LA POSITION DE LA CHAMBRE AU SUJET DES MOTIONS VISANT LE PROTOCOLE DE KYOTO

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, je suis étonnée que le gouvernement dise que le Protocole de Kyoto soit une question de jeux politiques. Il doit y avoir de nombreuses personnes sur la planète qui ne sont pas sincères au sujet de l'environnement. Cette question n'a rien à voir avec les jeux politiques. Il s'agit d'une question d'intérêt mondial qui reçoit l'appui de nombreux pays.

Ma question complémentaire portera sur le second examen objectif, c'est-à-dire sur notre responsabilité constitutionnelle. Honorables sénateurs, je crois que la sagesse, l'expérience et la passion des sénateurs en ce qui a trait à l'environnement devraient être transmises à notre naïf ministre de l'Environnement, à notre ministre étonné, et au premier ministre, qui ont évité la ligne de feu concernant Kyoto, hier soir, en ne votant pas. Le premier ministre, l'expert en pare-feu, n'appuie pas Kyoto parce qu'il semble croire que tout gouvernement peut limiter la législation et la réglementation du pays en matière d'environnement et dresser un mur autour du Canada, qu'il peut contrôler l'air et les terres de son territoire et l'eau de ses berges. Le premier ministre n'accepte pas les avertissements des experts. Les vents et les marées font circuler l'air et l'eau tout autour de la planète. C'est pourquoi nous avons conclu l'accord de Kyoto. Mais il croit toujours que le Protocole de Kyoto est un complot socialiste et qu'il faudra une armée de Canadiens pour battre Kyoto.

Madame le leader du gouvernement au Sénat s'acquittera-t-elle de ses responsabilités et demandera-t-elle sobrement au premier ministre, au nom de tous les sénateurs, de modifier sa position sur Kyoto?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur. Je n'ai pas dit que Kyoto était une question de jeux politiques; je rapportais simplement ce qu'ont dit les médias, soit que M. Dion et le Parti libéral s'adonnaient à des jeux politiques.

Madame le sénateur nous parle de ce qu'elle croit être les croyances du premier ministre en matière d'environnement, mais elle a tout à fait tort, bien sûr.

Pour ce qui est du vote d'hier soir aux Communes, comme je l'ai signalé dans une réponse précédente, nous ne croyons pas que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement soit le seul mécanisme de réglementation des émissions. Nous croyons aussi au projet de loi C-30, Loi sur la qualité de l'air, qui constitue un meilleur moyen de lutter contre les changements climatiques et la pollution atmosphérique. Nous allons travailler fort, avec le comité chargé d'étudier le projet de loi, afin d'obtenir que les choses se fassent dans le dossier de l'environnement. J'espère par ailleurs que le sénateur exhortera ses collègues libéraux de l'autre endroit à travailler avec le comité afin que le projet de loi C-30 en revienne avec plus de mordant, dans l'intérêt de tous les Canadiens.

(1430)

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, je m'intéresse à la réponse du leader du gouvernement au Sénat, selon laquelle l'honorable sénateur Trenholme Counsell a tout à fait tort, lorsqu'elle cite les déclarations du premier ministre. Il est difficile d'imaginer dans ces circonstances qu'elle ait tout à fait tort.

Toutefois, le premier ministre a l'occasion de prendre la parole pour dire clairement qu'il répudie absolument les déclarations qu'il a faites plus tôt. Va-t-il le faire?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne vais pas réagir à de telles propositions. En effet, nous pourrions demander, par exemple, à M. Chrétien de répudier le raisonnement qui l'a mené au départ à signer le Protocole de Kyoto.

Comme l'a dit publiquement le premier ministre aujourd'hui, et à l'occasion de nombreuses entrevues à la fin de l'année et à l'autre endroit, il accepte la science des changements climatiques. Il a également déclaré constater que la population canadienne souhaitait que les parlementaires collaborent pour renforcer nos lois en matière d'environnement. Le gouvernement actuel sera le premier à avoir établi des objectifs concrets et des règlements, par opposition à des objectifs volontaires, ce que préférait le gouvernement précédent. Nous connaissons bien, évidemment, les résultats d'une telle approche. Nos émissions ont carrément explosé et notre taux de pollution de l'air est probablement devenu l'un des pires au monde.

Je serais surprise que quiconque s'attende à ce que je m'inspire de l'exemple du gouvernement antérieur et de son expérience malheureuse. Notre gouvernement fait un effort sincère. Nous allons adopter de véritables objectifs, ainsi que des propositions et des lois qui permettront de régler non seulement le problème des émissions des gaz à effet de serre, mais aussi ceux de la pollution et de la qualité de notre eau et de nos aliments.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'ai une question supplémentaire à adresser au leader du gouvernement. La chose est fort simple. Hier, la Chambre des communes a voté; elle exprimé sa volonté. Les représentants élus de la population du Canada ont exprimé leur volonté collective. Dois-je conclure des longues réponses de la ministre que le gouvernement n'a pas l'intention de respecter la volonté de la Chambre des communes?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà signalé, la motion adoptée par la majorité à la Chambre des communes — où siège, souvenons-nous en, un gouvernement minoritaire —, ne reconnaît pas, de l'avis du gouvernement, ce qui constitue notre véritable défi, à savoir l'étude du projet de loi sur la qualité de l'air.

Ces deux dernières semaines, ou environ, les fonctionnaires et les spécialistes de l'environnement se sont rendu compte que les objectifs de Kyoto ne pouvaient pas être atteints. Même Stéphane Dion, dans une interview accordée au National Post l'été dernier, a reconnu que ces objectifs ne pouvaient pas être atteints. Le chef libéral adjoint, Michael Ignatieff, a reconnu que les libéraux n'avaient pas fait le travail, comme beaucoup d'autres personnes du côté libéral. En fait, l'ancien ministre de l'Environnement, M. Anderson, est même allé jusqu'à affirmer qu'à une certaine époque, Stéphane Dion, le chef actuel du Parti libéral, n'était pas aussi engagé en faveur de Kyoto qu'il prétend l'être en ce moment.

(1435)

Des voix : Oh, oh!

L'ENVIRONNEMENT

LA POLITIQUE SUR LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES—DEMANDE DE SCHÉMA CHRONOLOGIQUE

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je présume que cela veut dire non.

Le sénateur Rompkey : John Diefenbaker doit se retourner dans sa tombe.

Le sénateur Banks : Je voudrais revenir à la réponse que madame le leader du gouvernement a donnée au sénateur Eggleton. Elle a dit que le gouvernement s'occuperait de la question un de ces jours et qu'il nous ferait connaître les mesures de contrôle des émissions lorsqu'il le pourrait.

Le gouvernement n'a pas eu de difficulté à modifier le régime fiscal. Il a été élu pour gouverner.

J'ai deux questions. Premièrement, pendant combien de temps le gouvernement sera-t-il le « nouveau » gouvernement du Canada?

Le sénateur Day : Plus très longtemps.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Banks : Ma deuxième question a trait à la deuxième partie de la réponse. Personne ici n'a été étonné d'entendre notre collègue déclarer que le gouvernement précédent s'était rendu coupable d'inaction.

Le sénateur Nolin : Le « vieux » gouvernement.

Le sénateur Banks : Disons que notre gouvernement s'était rendu coupable d'inaction. Disons, pour alimenter le débat, que c'est vrai. Nous avons déjà entendu cela et je m'attends à l'entendre encore souvent.

Le parti du leader du gouvernement était censé rester un gouvernement en attente, mais il a été élu pour former un gouvernement. Le gouvernement actuel est, pour utiliser un mot souvent entendu du côté de notre collègue, « indécis ». Tout le monde sait ce qu'il faut faire. La démonstration de ce qu'il faut faire a pris du temps à être faite. Même le premier ministre semble avoir connu son chemin de Damas et savoir ce qu'il faut faire. Peu importe comment il est arrivé cette conclusion, nous sommes heureux qu'il y soit arrivé. Quand est-ce que le gouvernement passera à l'action? La ministre précédente avait dit que ce serait à la mi-janvier, et le nouveau ministre nous dit maintenant que ce sera peut-être plus tard. Cela fait un an que le gouvernement est au pouvoir et il connaît les faits. Tout le monde connaît les faits.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je pourrais passer beaucoup de temps à énumérer les réalisations du gouvernement actuel.

Le sénateur Di Nino : C'est une bonne idée.

Le sénateur Tkachuk : Énumérez-les.

Le sénateur LeBreton : Puisque mon collègue a parlé de l'environnement, comme il le sait déjà, des annonces ont été faites au cours des quelques semaines suivant le remaniement ministériel.

Pour en revenir à la motion présentée hier à la Chambre des communes, celle-ci voulait que nos efforts dans la lutte contre les changements climatiques soient consentis exclusivement dans le cadre du Protocole de Kyoto. Nous savons déjà, comme l'ont admis, encore récemment, des gens de la même allégeance que l'honorable sénateur, qui appartiennent au parti qui formait l'ancien gouvernement, que cela n'est ni raisonnable ni faisable. Cependant, il existe divers mécanismes qui nous permettraient de réduire les gaz à effet de serre et la pollution.

Obliger le gouvernement à respecter une motion présentée à l'autre endroit qui, de l'avis de tous, est...

Le sénateur Milne : Un accord international.

Le sénateur Le Breton : ... motivée par des raisons purement politiques n'est pas la chose à faire.

Le sénateur Milne : Cela ternit la réputation du Canada.

Le sénateur Le Breton : C'est une question lourde de conséquences et les gens veulent que le gouvernement aille de l'avant. Ils savent qu'on ne règlera pas le problème en un clin d'œil.

Le ministre de l'Environnement a déjà procédé à des consultations et a été abondamment félicité par des environnementalistes et autres, y compris des scientifiques qu'il a rencontrés à Paris.

Le sénateur Rompkey : Nommez-les!

Le sénateur Le Breton : Honorables sénateurs, je dirai ceci : quand le gouvernement présentera son plan environnemental, ce sera une nette amélioration si on le compare à la décennie d'inaction du gouvernement précédent.

Le sénateur Banks : Quand le présentera-t-il?

(1440)

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au sénateur Eggleton, le budget sera bientôt présenté, et le gouvernement étudie une foule d'initiatives. J'invite simplement le sénateur à la patience.

L'AGRICULTURE ET L'AGROALIMENTAIRE

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ—LE RÉFÉRENDUM SUR LA COMMERCIALISATION DE L'ORGE

L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, jeudi dernier, madame le leader du gouvernement au Sénat, répondant à une question de ma part sur le libellé contestable de la question du référendum auquel participeront bientôt les producteurs d'orge, a affirmé que le ministre Strahl avait décidé de demander à ses collaborateurs de la firme comptable KPMG d'expliquer la formule employée sur le bulletin de vote. Il semble toutefois que le ministre voulait simplement que les producteurs soient tenus d'indiquer le nombre de tonnes et les superficies ensemencées en orge au cours des cinq dernières années. Cela n'avait rien à voir avec la question que j'ai posée au Sénat le 1er février.

Je repose la même question au leader du gouvernement au Sénat, car je suis persuadée qu'elle n'a pas voulu induire le Sénat en erreur.

La question que le ministre Strahl a rendue publique le 22 janvier donne un triple choix à ceux qui voteront : A, conserver un organisme unique de commercialisation de l'orge, B, retirer complètement à la Commission canadienne du blé la commercialisation de cette céréale ou C, permettre aux agriculteurs de vendre leur produit à la Commission canadienne du blé ou à d'autres acheteurs.

Ceux qui critiquent le libellé de la question ont accolé des qualificatifs descriptifs comme « bizarre », « incompétent » et « diabolique » au choix de libellé approuvé par le ministre Strahl.

L'option que le gouvernement préfère ouvertement, soit de permettre aux producteurs de vendre leur orge à la Commission canadienne du blé ou à d'autres acheteurs, est rédigée à la première personne du singulier, ce qui n'est pas le cas des autres options. Un libellé faussé donne toujours des résultats faussés.

Je dirai simplement que ce n'est pas une question juste et honnête à poser aux producteurs d'orge. Est-ce ce que pouvait faire de mieux le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, étant donné les pressions exercées par le ministre Strahl pour imposer les vues du gouvernement à ces producteurs?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Milne de sa question. Madame le sénateur avait tout à fait raison à propos de la question de la semaine dernière. Je me préoccupais du report du vote et des changements apportés au formulaire de déclaration des producteurs. Le vote a été retardé d'une semaine.

J'ai regardé les choix proposés sur le bulletin, et ils me semblent clairs. Je n'y vois rien de bizarre. Les choix sont les suivants : la Commission canadienne du blé ou non et la possibilité de choisir les modalités de commercialisation. Je ne vois pas en quoi on peut taxer ces questions de bizarres. Comme madame le sénateur Milne l'a dit, la formulation des questions peut fausser les résultats. J'ai grandi dans une ferme, et je suis convaincue que les producteurs d'orge de l'Ouest savent très bien comment ils vont voter. Ce serait les insulter que de dire qu'ils ne peuvent pas comprendre les questions qui leurs sont posées sur le bulletin

Le sénateur Milne : Honorables sénateurs, étant donné que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a déjà admis avoir commis dans la préparation du référendum une erreur qui coûtera 12 000 $, selon les estimations, je voudrais savoir si le leader du gouvernement au Sénat portera cette préoccupation à son attention. Peut-être faut-il lui faire comprendre qu'il y a eu plus d'une erreur dans la rédaction de la question, peu importe ce que le leader peut penser de la capacité des agriculteurs de s'y retrouver. Je suis convaincue que le ministre ne veut pas que cette importante consultation devienne une farce.

Comme politiques, nous savons à quel point il est important qu'une question référendaire soit claire. De plus, étant donné que la première erreur coûtera 12 000 $ au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, puisqu'il faudra imprimer de nouveaux documents pour le référendum, je voudrais savoir si cet argent sera prélevé sur les budgets des programmes d'aide aux agriculteurs.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur Milne de cette question. Le ministre Strahl est un ministre très consciencieux et qui travaille fort. Je vais lui communiquer l'entrée en matière de la question, et je vais certainement lui dire que je ne suis pas d'accord.

(1445)

Comme le premier ministre l'a annoncé aujourd'hui dans son discours, en ce qui a trait à l'industrie de l'agriculture, nous avons l'intention de prendre des initiatives nouvelles et spéciales afin d'aider les agriculteurs.

Pour revenir aux producteurs d'orge, nous n'avons changé ni nos intentions ni la question. Nous faisons ce que nous nous sommes engagés à faire lors de la dernière campagne électorale, c'est-à-dire permettre à nos producteurs d'orge et de blé d'avoir un choix quant à la méthode de commercialisation. Nous ne pensons pas que les producteurs devraient être jetés en prison ou pénalisés parce qu'ils veulent vendre leurs produits directement sur le marché.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer deux réponses à des questions orales posées par l'honorable sénateur Rompkey, le 31 octobre 2006, concernant le Bureau de l'équité en milieu de travail, la suppression des services dans la région Atlantique, et par le sénateur Grafstein, le 31 octobre et le 8 novembre 2006, concernant l'augmentation du salaire minimum des travailleurs sous réglementation fédérale.

LES RESSOURCES HUMAINES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

LE BUREAU DE L'ÉQUITÉ EN MILIEU DE TRAVAIL—LA SUPPRESSION DES SERVICES DANS LA RÉGION ATLANTIQUE

(Réponse à la question posée le 31 octobre 2006 par l'honorable Bill Rompkey)

Il n'y a pas et il n'y a jamais eu de plan visant à réduire le nombre d'agents offrant des services d'équité en matière d'emploi au Canada.

Comme auparavant, il y aura toujours une personne- ressource locale à Terre-Neuve-et-Labrador, de même qu'au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse. Quant à l'Île-du- Prince-Édouard, les services de l'équité en matière d'emploi continueront d'être offerts à partir du bureau régional situé au Nouveau-Brunswick.

Personne ne subira de perte d'emploi.

LA MAJORATION DU SALAIRE MINIMUM DES TRAVAILLEURS SOUS RÉGLEMENTATION FÉDÉRALE—AUGMENTATION DU SALAIRE MINIMUM

(Réponses aux questions posées le 31 octobre 2006 et le 8 novembre 2006 par l'honorable Jerahmiel S. Grafstein)

Question : Est-ce que le gouvernement fédéral accepterait, pour faire preuve de leadership, de rétablir un salaire minimum fédéral de 10 $ l'heure pour les travailleurs adultes sous compétence fédérale, afin d'aider les familles canadiennes à faible revenu à se relever au-dessus du seuil de la pauvreté? Est-ce que le gouvernement accepterait de prendre l'initiative, dans l'espoir que les provinces lui emboîteront le pas?

Réponse : Comme le sait le sénateur Grafstein, le professeur Harry Arthurs vient tout juste de terminer la première étude complète consacrée à la partie III (Normes du travail) du Code canadien du travail depuis quelque 40 années. Il a présenté ses conclusions définitives et ses recommandations au ministre du Travail le 30 octobre 2006. Dans son rapport, le professeur Arthurs a recommandé, en effet, que le gouvernement fédéral examine son rôle en ce qui concerne le salaire minimum.

Le ministre du Travail a entrepris de sonder l'opinion des employeurs, des syndicats et des employés relevant de la compétence fédérale à propos de ces recommandations. La nature des mesures à prendre sera déterminée au terme de ces discussions.

Question : Est-ce que madame le leader du gouvernement veut bien déposer au Sénat toute étude économique pouvant nous permettre de déterminer si une majoration du salaire minimum au Canada peut être favorable ou défavorable à l'économie?

Réponse : Il existe une vaste gamme d'études traitant de la question du salaire minimum. Nous avons le plaisir d'en citer quelques-unes parmi les plus pertinentes.

ÉTUDES ET RÉFÉRENCES

1. Gunderson, Morley (2005). Le salaire minimum au Canada : Théorie, données et orientation. Document préparé pour la Commission sur l'examen des normes du travail fédérales.http ://www.fls-ntf.gc.ca/

Ce document produit pour les besoins de l'examen de la partie III du Code par le professeur Arthurs suggère, en se fondant sur un examen exhaustif de la documentation, qu'une augmentation de 10 p. 100 du salaire minimum pourrait avoir un effet à la baisse de 1 p. 100 à 3 p. 100 sur l'emploi des adolescents et des jeunes travailleurs (en général âgés de moins de 25 ans). Gunderson se concentre principalement sur l'effet du salaire minimum sur l'emploi des adolescents. De façon plus générale, l'étude laisse aussi entendre que les recherches effectuées récemment sur l'incidence du salaire minimum sur l'emploi depuis les années 1990 donnent des résultats mixtes. En effet, certaines études suggèrent qu'il y a un effet négatif sur l'emploi alors que d'autres ne recensent aucun effet mesurable.

2. Statistique Canada (2004). Étude sur les milieux de travail sous réglementation fédérale.http ://www.statcan.ca/

Selon cette étude, moins de 600 travailleurs, soit moins de 0,07 p. 100 de la main-d'œuvre de compétence fédérale visée par les dispositions relatives au salaire minimum du Code canadien du travail, touchent le salaire minimum. Près de 9 800 travailleurs gagnent moins de 8,50 $ l'heure et quelque 18 300 travailleurs reçoivent moins de 10 $ l'heure.

3. Fortin et Lemieux (2000). "Income Redistribution in Canada : Minimum Wages versus Other Policy Instruments'', Adapting Public Policy to a Labour Market in Transition. (Eds.) W.C. Riddell and F. St.- Hilaire. Institute for Research on Public Policy.

Au Canada, Fortin et Lemieux constatent que les personnes de la moitié inférieure de la distribution du revenu familial (après ajustement pour tenir compte de la taille de la famille) reçoivent près de 70 p. 100 des revenus de l'ensemble des travailleurs du Canada qui reçoivent le salaire minimum. Ceci suggère que l'augmentation du salaire minimum aurait un effet progressif sur la distribution des revenus.

4. Saunders, Ron (2006). Risques et possibilités : À la recherche d'options pour les travailleurs vulnérables. Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques.http ://www.cprn.org/fr/doc.cfm?doc=1371

Le principal argument invoqué contre l'augmentation du salaire minimum est qu'une telle augmentation entraînerait des pertes d'emploi, en particulier chez les travailleurs peu qualifiés. Toutefois, dans les marchés du travail où les employeurs sont d'une taille suffisante pour influer sur les salaires du marché, le résultat théorique anticipé (les pertes d'emploi) n'est pas aussi clair que la démarche économique néo-classique le laisse entendre. Dans le cas où une augmentation du salaire minimum est mise en œuvre de manière graduelle, la réduction des occasions d'emploi semble devoir être faible et elle est susceptible de manifester principalement chez les travailleurs adolescents.

Des études récentes ont conclu que les augmentations du salaire minimum peuvent avoir un effet négatif statistiquement significatif sur l'emploi des adolescents (il a été constaté qu'une augmentation de 10 p. 100 du salaire minimum a des répercussions de l'ordre de 1 p. 100 à 4 p. 100 sur l'emploi des adolescents, le chiffre variant d'une étude à l'autre). Il a également été constaté que ce déplacement de l'emploi touche aussi les jeunes (les 20 à 24 ans), bien qu'à un degré moindre. Chez les adultes, de nombreuses études — y compris celles de l'OCDE — constatent que les augmentations du salaire minimum n'ont pratiquement aucun effet statistiquement significatif sur les taux d'emploi des adultes.

5. OCDE (1998) "Making the Most of the Minimum Wage : Statutory Minimum Wages, Employment and Poverty,'' Perspectives de l'emploi.

Cette étude signale que les augmentations du salaire minimum ont bel et bien pour effet d'accroître les salaires des travailleurs à faible rémunération qui sont directement touchés, en plus d'avoir des répercussions sur d'autres personnes à faible revenu dont les salaires peuvent subir une augmentation grâce à une réaction en chaîne (étude citée par Saunders, 2006).

Cette même étude a examiné neuf pays de 1975 à 1996 pour conclure que :

Premièrement, les résultats semblent indiquer qu'une hausse du salaire minimum a un effet négatif sur l'emploi des adolescents. Deuxièmement, les effets négatifs sur l'emploi des jeunes adultes sont généralement voisins de zéro ou non significativement différents de zéro. Troisièmement, pour les adultes d'âge intermédiaire, les spécifications les plus plausibles indiquent que le salaire minimum n'a pas d'effet sur l'emploi. (Citation de Gunderson, 2005)

6. Edagbami, Olalekan (2006). The Employment Effects of the Minimum Wage : A review of the literature. Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques.http :// www.cprn.org/fr/doc.cfm?doc=1410

Une analyse documentaire récente des RCRPP sur l'effet du salaire minimum arrive aux mêmes conclusions. Elle laisse entendre que si le salaire minimum est majoré de 10 p. 100, cela pourrait avoir un effet à la baisse d'environ 1,4 p. 100 à 3,7 p. 100 sur l'emploi des adolescents et des jeunes (ceux qui sont âgés de moins de 25 ans). Les RCRPP tirent donc la conclusion suivante :

Le salaire minimum est généralement néfaste pour les adolescents et, en grande partie, pour l'emploi des jeunes. Il n'y a que peu ou pas d'effets négatifs sur l'emploi des adultes âgés de 25 ans ou plus (traduction libre).

7. Gouvernement du Québec (2002). Rapport du Comité interministériel sur la révision des critères de détermination du salaire minimum.

Document complet : http ://www.travail.gouv.qc.ca/ actualite/revision_salaire_minimum/ rapport_complet.pdf

Sommaire : http ://www.travail.gouv.qc.ca/actualite/ revision_salaire_minimum/sommaire.pdf

Le Comité interministériel sur la révision des critères de détermination du salaire minimum atteint une conclusion similaire, selon laquelle le salaire minimum a tendance à toucher uniquement les jeunes travailleurs (de moins de 24 ans).

SCOUTS CANADA

PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ TENDANT À MODIFIER LA LOI CONSTITUTIVE—MESSAGE DES COMMUNES

Son Honneur la Présidente intérimaire annonce qu'elle a reçu des Communes le projet de loi S-1001, Loi concernant Scouts Canada, accompagné d'un message informant le Sénat qu'elles ont adopté ce projet de loi sans amendement.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, c'est un privilège d'avoir l'occasion cet après-midi de me pencher avec vous sur le fond du projet de loi S-4 et, en particulier, sur ses répercussions au niveau constitutionnel.

Mes remarques aux honorables sénateurs vont porter sur le pouvoir du Parlement du Canada de promulguer une telle mesure, dont il est fait mention dans le préambule du projet de loi S-4, au cinquième alinéa, qui se lit comme suit :

qu'en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 le Parlement a compétence pour modifier les dispositions de la Constitution du Canada relatives au Sénat;

Avant d'entretenir les honorables sénateurs de la portée de l'article 44 de la Loi constitutionnelle, je veux formuler certaines remarques générales sur la pertinence de ce projet de loi.

Premièrement, un porte-parole du gouvernement nous a dit que le projet de loi avait pour but de maintenir la vitalité du Sénat et d'y apporter de nouvelles idées en donnant au Sénat plus de dynamisme grâce à des idées neuves et à de nouvelles expériences grâce à un roulement plus rapide.

Tel semble être l'objectif de l'initiative gouvernementale. Lorsque j'ai lu le projet de loi, j'ai été tenté de conclure que telle était la stratégie poursuivie, parce que celui-ci n'a aucun fondement constitutionnel. Si nous voulons apporter un changement important au Sénat, qui est une chambre fédérale et qui incarne le principe du fédéralisme, c'est-à-dire la protection des droits des minorités en se faisant le porte-parole des intérêts régionaux et sectoriels, il faut tenir compte du fonctionnement du Sénat lorsque celui-ci s'acquitte de la responsabilité constitutionnelle qui lui incombe de protéger les intérêts régionaux et sectoriels, ainsi que les intérêts des minorités.

Le gouvernement a présenté ce projet de loi de façon soudaine. Il n'y a pas eu d'étude ni de livre blanc; pas de discussion sur la nécessité de se pencher en priorité sur la durée du mandat des sénateurs. C'est surprenant, honorables sénateurs, parce que j'ai eu l'occasion d'examiner les actions de la Chambre des lords, à Westminster, lorsque le gouvernement travailliste du premier ministre Tony Blair a décidé d'aborder la question de la réforme de la Chambre des lords. Il a d'abord nommé une commission royale, en 1998, qui s'est penchée en tout premier lieu sur les pouvoirs et les fonctions de la Chambre des lords. Ce n'est qu'une fois cette étape terminée qu'elle a déterminé la composition de la Chambre des lords. Cela ne s'est pas fait à l'inverse.

(1450)

Le gouvernement britannique a préparé trois autres livres blancs sur la réforme de la Chambre des lords après le rapport de la Commission Wakeham en 2000. Il y a eu trois livres blancs depuis 1999. La semaine dernière, le leader du gouvernement à la Chambre des lords a annoncé que le gouvernement publiera, la semaine prochaine, un livre blanc dans lequel il se prononcera sur la durée du mandat des lords, qui seront élus pour une période de 15 ans. Je conseille à tous les sénateurs qu'une analyse comparative du Sénat et de la Chambre des lords intéresse encore de lire ce livre blanc, le quatrième en moins de six ans, préparé par le gouvernement britannique.

J'ai compté 12 rapports de la Chambre des lords et de la Chambre des communes, à Westminster, où on aborde un aspect ou un autre de la réforme de la Chambre des lords. On a énormément réfléchi à Westminster avant que le gouvernement ne légifère.

Au Canada, nous abordons la chose autrement. Le gouvernement a présenté le projet de loi S-4 au Sénat et le projet de loi C-43 à l'autre endroit. Pourtant, il y aurait eu lieu de commencer l'exercice en abordant les pouvoirs et les fonctions du Sénat. Le gouvernement a fait une annonce le 10 janvier 2007, il y a moins de trois semaines. On a pu lire dans le Chronicle-Herald de Halifax que le gouvernement avait fait un appel d'offres de services pour une consultation publique d'au plus 900 000 $ sur le système électoral, les partis politiques la Chambre des communes et le Sénat et notamment sur ce que devraient être le rôle et les pouvoirs de ce dernier.

Il est précisé dans l'article, « l'appel d'offres prévoit qu'un groupe d'experts privé fera équipe avec une maison de sondage pour consulter un échantillon de Canadiens... »

Le sénateur Sheila Fraser : C'est une honte!

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, si nous devons nous pencher sur la composition de cette Chambre et le processus de nomination, nous devrions d'abord nous demander s'il y a lieu de modifier les pouvoirs et le rôle du Sénat. Nous ne connaîtrons pas les résultats de la consultation publique avant la fin mai lorsque la maison de sondage et le groupe d'experts publieront leur rapport.

Le gouvernement presse le Sénat d'étudier le projet de loi S-4, mais nous devrions à tout le moins avoir pu consulter le rapport avant de recommander une approche rationnelle, complète et cohérente relativement à l'examen du rôle du Sénat.

Avant d'aborder mon point principal, j'aimerais parler brièvement du rythme de renouvellement des sénateurs. On a fait une plaisanterie facile en disant que les sénateurs étaient nommés pour 45 ans. En vertu de la Constitution, le gouverneur général ne peut nommer que des sénateurs âgés de 30 ans révolus. De toute évidence, la durée du mandat des sénateurs ne peut donc dépasser 45 ans.

À cet égard, permettez-moi de vous donner des statistiques depuis le début de l'histoire du Sénat, soit il y a 140 ans. Le professeur Gerald Baier, du MacMillan Centre for International and Area Studies, à l'Université Yale, a comparu devant le Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat dans le cadre des délibérations du comité sur le projet de loi S-4. Il a dit ceci :

Cette préoccupation relativement aux 45 ans est un peu exagérée. Dans l'histoire du Sénat, parmi les 875 Canadiens qui ont servi au sein de cette institution, un seul est resté 45 ans ou plus, soit de 1885 à 1933.

Je répète : un en 140 ans. Est-ce qu'on va faire de cela l'argument en faveur de la modification du mandat des sénateurs?

Le professeur Baier poursuit :

Pour ce qui est d'un mandat de 35 ans ou davantage, 28 sénateurs ont servi pendant ce nombre d'années et ils ont tous été nommés avant que n'entrent en vigueur les restrictions à la durée du mandat votées cette année-là, et ces sénateurs ont servi jusqu'à leur mort. Parmi les sénateurs nommés après 1965, seulement huit ont servi au moins 30 ans et seulement l'un d'eux siège toujours au Sénat, bien qu'il ne soit pas dans la salle en ce moment. Il s'agit du sénateur Austin.

Donc, sur un total de 875 sénateurs, seulement 59 ont servi pendant plus de 30 ans. Je ne crois pas que le danger que les sénateurs soient à leur poste pendant longtemps soit une raison suffisante pour limiter la durée de leur mandat.

Honorables sénateurs, j'ai comparé la pyramide des âges entre notre assemblée et le Sénat des États-Unis — l'inspiration pour le Sénat dit triple E. Permettez-moi de vous présenter quelques chiffres qui se dégagent de cette comparaison. Quatre sénateurs siègent au Sénat des États-Unis depuis plus de 40 ans, le plus connu étant le sénateur Byrd, qui y est depuis 48 ans. Actuellement, sept sénateurs occupent leur poste depuis plus de 30 ans et cinq sénateurs depuis plus de 25 ans. Si cela ne nous fait pas voir un Sénat rempli de bons vieux copains, je me demande ce qui le ferait.

Comparons ces chiffres avec ceux que nous observons ici. Notre Sénat compte un sénateur qui siège depuis plus de 30 ans et il s'est identifié plus tôt. Trois sénateurs ont une ancienneté variant entre 25 et 29 ans, et 10 sénateurs, entre 20 et 24 ans.

Honorables sénateurs, dans moins de quatre ans, la composition du Sénat sera renouvelée dans une proportion de 30 p. 100. En ce moment, il y a 11 postes à pourvoir. Il y aura une vacance de plus dans le courant de l'année, quatre l'an prochain et 12 en 2009. Dans moins de quatre ans, plus de 30 p. 100 des postes de sénateur auront changé de titulaire.

Qu'est-ce que nous voulons accomplir en établissant une porte tournante? On peut comparer le taux de renouvellement de notre Sénat et la liste de huit candidats chez nos voisins du Sud. Honorables sénateurs, ceux qui accusent le Sénat de ne pas avoir le renouvellement périodique et progressif qui est prévu dans le processus de nomination devraient faire preuve de sérieux.

Ce n'est pas de la durée du mandat des sénateurs ni du renouvellement du Sénat que je veux parler cet après-midi. Je souhaite aborder une question plus simple, mais je voulais attirer l'attention du sénateur Tkachuk sur ces considérations, de manière à ce qu'il puisse réfléchir aux conséquences de la modification de la durée du mandat des sénateurs. Cela ne va pas de soi. Cela aura des répercussions de première importance sur le fonctionnement de notre assemblée.

Permettez-moi, honorables sénateurs, de me pencher sur la question fondamentale. La Chambre des communes et le Sénat ont-ils, en tant que Parlement, le pouvoir de modifier la durée du mandat des sénateurs? Oui ou non?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, la Cour suprême du Canada s'est prononcée à cet égard.

Le sénateur Stratton : Qui gouverne ce pays?

Le sénateur Joyal : Permettez-moi de faire savoir aux sénateurs, même si cela ne les intéresse peut-être pas, ce que la Cour suprême du Canada a dit à ce sujet en 1980 et comment la Cour suprême du Canada a interprété la Constitution.

Le sénateur Segal : Mike Pearson avait une opinion.

Le sénateur Joyal : La Cour suprême a dit :

À l'heure actuelle, un sénateur nommé reste en poste jusqu'à l'âge de 75 ans. Une réduction éventuelle de la durée du mandat pourrait empêcher le Sénat de « modérer et de contrôler la législation », comme l'a décrit sir John A. Macdonald. L'Acte envisagerait une constitution semblable en principe à celle du Royaume-Uni, où les membres de la Chambre des lords restent en poste toute leur vie. L'imposition de la retraite obligatoire à 75 ans n'a eu aucune incidence sur le caractère essentiel du Sénat. Cependant, pour répondre à la question, il faudrait que nous sachions quels changements sont proposés.

La Cour suprême a laissé la question ouverte parce qu'au moment où elle devait se prononcer, aucun durée n'avait été précisée. La Cour suprême a donc dit : « Revenez nous voir avec un chiffre, et nous vous dirons si vous pouvez le faire. »

(1500)

J'entends le sénateur Tkachuk dire non au sujet de cette décision de la Cour suprême. Eh bien, je dois dire à mon collègue que j'ai passé en revue les textes de neuf experts, juristes et professeurs de droit qui ont étudié la portée de l'article 44 depuis son adoption en 1980. Je vais les nommer pour sa gouverne : Peter Hogg en 1980, Ronald Cheffins, professeur à l'Université de Victoria, Stephen Scott de l'Université McGill, Peter Meekison, qui a été sous- ministre des Affaires intergouvernementales de l'Alberta en 1980, Henri Brun et Guy Tremblay, professeurs à l'Université Laval en 1990, le professeur Benoît Pelletier en 1996, James Ross Hurley en 1996, Warren Newman et l'ancien sénateur Gérald Beaudoin. Ils diraient tous que la décision de la Cour suprême de 1980 demeure valable aujourd'hui pour l'interprétation de l'article 44 et la définition de sa portée.

Honorables sénateurs, deux facteurs interviennent dans la portée de l'article 44. Le premier est qu'un changement qui modifie les caractéristiques fondamentales du Sénat à certains égards échappe à l'application de l'article 44. Le second est qu'un changement qui modifie le fonctionnement du Sénat dans son second examen objectif des mesures législatives ne peut pas être fait en vertu de l'article 44. Autrement dit, il y a deux critères. Si nous modifions l'une des caractéristiques essentielles du Sénat ou si nous modifions son fonctionnement dans l'exercice de son second examen objectif, nous ne pouvons pas invoquer l'article 44.

Honorables sénateurs, je vous présente ces arguments non comme éléments de réflexion mais comme compilation des écrits des auteurs qui ont examiné ce sujet avant le dépôt du projet de loi S-4 au Sénat.

Je crois que mon temps de parole est presque écoulé. Je voudrais donc demander cinq minutes de plus.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Joyal : Je vous remercie, honorables sénateurs.

Lorsqu'on examine cette question, il est très clair que si la durée du mandat est fixée à huit ans, l'une des caractéristiques fondamentales du Sénat serait modifiée. La réforme de cette Chambre devait être progressive et continue, elle ne devrait pas être l'œuvre d'un groupe de sénateurs ou d'un groupe de députés, à la suite d'élections.

Que serait-il arrivé dans le passé si la durée du mandat avait été de huit ans? Je voudrais vous citer un extrait du témoignage de Gordon Gibson, chercheur à l'Institut Fraser, qui a comparu devant le Comité spécial sur la réforme du Sénat le 20 septembre.

Au cours des 100 dernières années, les premiers ministres qui ont été au pouvoir pendant huit années ou plus sont MM. Chrétien, Mulroney, Trudeau, St-Laurent, King et Laurier, dont la durée totale des mandats représente 76 de ces 100 années. Les premiers ministres Borden et Diefenbaker auraient nommé les trois quarts des membres du Sénat; M. Pearson, en cinq ans, 60 p. 100, et ainsi de suite. L'impensable se serait réalisé si le projet de loi S-4 avait fait partie de la Constitution initiale du pays.

Autrement dit, si un premier ministre est élu pour deux mandats successifs totalisant huit ans, l'application littérale du projet de loi S-4 lui permettrait de nommer la totalité des membres du Sénat. Pour le premier ministre, il est probablement très tentant de pouvoir contrôler tout son caucus.

J'entends le sénateur Comeau faire des observations. Dans les deux Chambres, nous avons des difficultés à choisir le président d'un comité. Imaginez le premier ministre qui aurait le pouvoir de contrôler totalement cette Chambre. Il n'y aurait aucun élément d'équilibre, aucun groupe de sénateurs pouvant échapper au contrôle total ou aux caprices du premier ministre.

Je crois, honorables sénateurs, que le Sénat n'aurait pas alors l'indépendance nécessaire pour examiner les mesures législatives déposées. De plus, il serait privé d'un élément « intégré » de continuité puisqu'il ne pourrait pas compter sur une minorité de sénateurs d'une grande expérience.

Si les sénateurs sont nommés pour huit ans, que deviendrait la structure d'âge au Sénat? Ce ne serait plus une institution fondée sur la majorité et l'expérience.

Honorables sénateurs, considérons-nous individuellement, considérons ce que nous représentons. Essayons d'imaginer que nous sommes ici pour huit ans et que nous avons été nommés à un moment donné, après avoir atteint l'âge de 30 ans. Ce ne serait plus le même endroit. La nature de l'institution, la façon de penser ne seraient plus les mêmes.

Si nous devions changer le Sénat pour le rendre comparable à l'autre endroit, je vais vous dire ce qui arriverait. J'ai examiné 695 rapports spéciaux produits par les comités de l'autre endroit au cours des 25 dernières années. J'en ai étudié les tendances générales et les ai comparées à celles des 253 rapports que nous avons produits dans la même période. Je peux vous dire que nos rapports présentaient une perspective plus vaste, qu'ils analysaient les différentes options des nouvelles politiques et faisaient une étude plus approfondie des questions sur lesquelles il convient de former un consensus avant que le gouvernement n'opte pour une approche ou une autre. À l'autre endroit, les questions sont examinées d'un point de vue de gestion plutôt qu'en fonction de la nature des politiques en cause et de leurs répercussions à long terme.

Si nous modifions la nature du mandat, nous instaurerons un régime différent de celui que nous connaissons. Si le gouvernement du Canada veut agir ainsi, il peut le faire après avoir obtenu l'agrément des provinces. C'est ce que prévoit notre Constitution. Le Sénat n'est pas une Chambre contrôlée par le Parlement. C'est une Chambre fédérale.

Honorables sénateurs, si nous devons avancer dans cette voie, nous devrions d'abord renvoyer ce projet de loi à la Cour suprême pour être certains d'agir de la bonne façon et au bon moment.

L'honorable Leonard J. Gustafson : L'honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je crois que le temps de parole de l'honorable sénateur est écoulé.

Le sénateur Joyal : Je demanderais bien cinq minutes supplémentaires, si la Chambre veut bien me les accorder.

L'honorable Tommy Banks : Je propose d'accorder au sénateur Joyal le temps nécessaire pour répondre à des questions.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette, mais on m'informe que je ne peux pas proposer cette motion. Le temps de parole du sénateur est écoulé.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Furey, qui ne pouvait pas être ici aujourd'hui et voudra intervenir sur cette question importante lors d'une séance ultérieure.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L'honorable sénateur Hervieux-Payette propose, avec l'appui du sénateur Tardif, que la suite du débat soit ajournée à la prochaine séance au nom du sénateur Furey.

[Traduction]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : A mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les whips se sont-ils entendus sur la durée du timbre?

La sonnerie retentira pendant une heure. Convoquez les sénateurs.

(1610)

(La motion est adoptée et le débat est ajourné.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins Gill
Austin Harb
Bacon Hays
Baker Hervieux-Payette
Banks Hubley
Biron Joyal
Bryden Lovelace Nicholas
Carstairs Mahovlich
Chaput Merchant
Cook Milne
Corbin Munson
Cordy Phalen
Cowan Poulin
Dawson Poy
Day Ringuette
De Bané Robichaud
Downe Rompkey
Dyck Spivak
Fairbairn Stollery
Fox Tardif
Fraser Trenholme Counsell —42

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Meighen
Carney Nolin
Cochrane Oliver
Comeau Segal
Di Nino St. Germain
Gustafson Stratton
Keon Tkachuk —15
LeBreton

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools—1

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Austin, C.P., appuyé par l'honorable sénateur Carstairs, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-215, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'accorder des allégements fiscaux.—(L'honorable sénateur Fraser)

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, il y a un peu plus d'un an, les libéraux ont proposé leur version d'un allégement fiscal, une version qui n'apportait rien au tiers des Canadiens qui n'ont aucun revenu imposable. Nous, qui formons aujourd'hui le gouvernement, en avons proposé une version différente en promettant de réduire la TPS pour que tous les Canadiens bénéficient d'un allégement fiscal. Contrairement aux libéraux, qui avaient renié leur promesse de faire quelque chose à propos de la TPS —c'est-à-dire de l'éliminer —, nous avons réduit la TPS comme nous l'avions promis. Le résultat, c'est que cette année et l'année prochaine, les Canadiens vont économiser 9 milliards de dollars en impôts.

Notre programme était clair : nous avions proposé de réduire d'un point de pourcentage complet la TPS et de mettre en place diverses mesures d'allégement fiscal au lieu d'abaisser le seuil du taux marginal d'imposition, pas en plus d'abaisser ce seuil. Il n'y avait rien de caché.

En réalité, l'allégement fiscal prévu dans notre premier budget est même allé plus loin que ce que nous avions promis, puisque nous avons mis en place une version plus généreuse de nos propositions initiales.

Par exemple, même si nous avions d'abord dit que le taux marginal d'imposition le plus bas resterait inchangé — 16 p. 100 —, le budget de l'an dernier a annoncé un taux de 15,5 p. 100. Nous avons mis en place un crédit d'emploi pour reconnaître les coûts que doivent engager les travailleurs canadiens.

Quant au montant de l'exemption personnelle de base, l'augmentation temporaire prévue dans le projet de loi du sénateur Austin rappelle un peu le jeu des gobelets puisque le projet de loi ne modifie guère les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu existante, qui lie le calcul des crédits au taux marginal d'imposition le plus bas. Ainsi, son projet de loi réduirait indirectement le montant de l'exemption personnelle de base pour qu'il corresponde à 15 p. 100 du montant donnant lieu à un dégrèvement au lieu du taux de 15,5 p. 100 proposé dans le budget.

Si l'on fait le calcul, on se rend compte que le projet de loi du sénateur Austin agit de façon minimale sur le montant de l'exemption personnelle de base à court terme et qu'il réduit de façon permanente la valeur de ce crédit à long terme.

Je suppose que ce n'était pas le but que visait le sénateur, mais on m'a clairement dit que son projet de loi aurait pour effet de réduire les économies d'impôt découlant du crédit en raison d'âge, du crédit pour revenu de pension, du crédit pour personnes handicapées, du crédit pour frais médicaux et du crédit pour frais de scolarité.

Un petit nombre de Canadiens qui engagent des sommes astronomiques au chapitre des frais médicaux ou des frais de scolarité risquent donc de devoir payer encore plus d'impôts par suite du projet de loi du sénateur, parce que ces crédits perdront 0,5 p. 100 de leur valeur.

Honorables sénateurs, le dernier budget déposé par le nouveau gouvernement annonçait 29 réductions d'impôt en tout. Nous avions promis de réduire la TPS; nous l'avons fait. Nous avions promis un crédit d'impôt pour le transport en commun; nous avons tenu promesse. Nous avions promis un crédit d'impôt pour la condition physique des enfants; nous avons tenu promesse. Nous avions promis un crédit d'impôt pour la création d'emplois d'apprentis; nous avons tenu promesse. Nous avions promis un allégement fiscal pour les dépenses d'outillage; nous avons tenu promesse. Nous avions promis un crédit d'impôt pour manuels; nous avons tenu promesse. Nous avions promis l'exonération du revenu provenant de bourses d'études; nous avons tenu promesse. Nous avions promis d'augmenter le crédit pour revenu de pension. Nous avons non seulement tenu promesse, mais aussi permis le partage du revenu de pension aux fins d'impôt. Nous avions promis de réduire le taux d'imposition des petites entreprises et nous avons tenu promesse.

(1620)

Le sénateur Austin laisse entendre que le Parlement devrait choisir ce qu'il veut dans les plateformes libérale et conservatrice des dernières élections. Si les Canadiens avaient choisi la plateforme libérale, ils auraient voté pour les libéraux.

La dernière chose que le gouvernement actuel souhaite est de devenir un autre gouvernement percepteur et dépensier, qui promet la lune sans jamais accomplir quoi que ce soit, à l'image des gouvernements libéraux. Nous n'avons pas imité les libéraux quand nous avons tenu notre promesse de réduire la TPS. Nous n'avons pas imité les libéraux quand, après 12 ans de promesses brisées relativement aux garderies, nous avons offert des choix aux parents par l'entremise de l'allocation universelle pour la garde des enfants. Nous n'avons pas imité les libéraux quand nous avons remplacé leurs discours creux par des mesures pratiques pour assigner l'air, la terre et l'eau du Canada. Nous n'avons pas imité les libéraux quand nous avons pris des mesures pour nettoyer le gâchis laissé par le gouvernement précédent en adoptant la Loi fédérale sur la responsabilité, la loi anti-corruption la plus rigoureuse de l'histoire du Canada. Nous n'avons pas imité les libéraux quand nous avons renversé l'approche libérale de tolérance du crime en présentant de nouvelles lois rigoureuses pour contrer la criminalité. Nous n'avons certainement pas imité les libéraux quand nous avons appuyé nos vaillants militaires en rebâtissant les Forces canadiennes.

Au lieu de gouverner pour faire profiter les amis du parti et les groupes d'intérêts, le nouveau gouvernement du Canada agit pour tous les Canadiens.

Bien que nous en ayons déjà fait beaucoup, il nous reste encore du pain sur la planche. Au cours des prochains mois, le gouvernement réduira encore plus les impôts des familles et des particuliers, rétablira l'équilibre fiscal de notre fédération, continuera à appuyer sans réserve nos militaires, nos diplomates et nos travailleurs humanitaires qui participent à notre mission vitale en Afghanistan, et poursuivra la mise en œuvre de stratégies pratiques, concrètes et réalisables pour protéger notre environnement.

Honorables sénateurs, les libéraux veulent revenir en arrière. Nous croyons que l'heure est venue de regarder droit devant. Pour cette raison, je propose que ce projet de loi ne soit pas adopté.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES VICTIMES DU TRAFIC DE PERSONNES

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Gerard A. Phalen propose que le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et édictant certaines autres mesures afin de fournir aide et protection aux victimes du trafic de personnes, soit lu pour la deuxième fois.—(L'honorable sénateur Phalen)

— Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour présenter le projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et édictant certaines autres mesures afin de fournir aide et protection aux victimes du trafic de personnes.

En 2005, le gouvernement a présenté, et le Sénat a adopté, le projet de loi C-49, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes). Il s'agissait du premier pas que devait franchir le Canada dans ses efforts pour respecter ses obligations aux termes du protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Ce protocole international a été adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies en 2000 et il a été ratifié par 117 pays, dont le Canada, qui l'a signé en mai 2002.

Un des buts premiers du protocole consiste à maintenir un équilibre entre le respect des lois et la protection des victimes. Par conséquent, le protocole précise que toute personne exploitée par ce trafic doit être considérée comme une victime et non comme un criminel.

L'article 6 du protocole garantit que les systèmes juridiques et administratifs des États fournissent aux victimes des mesures en vue d'assurer leur rétablissement physique et psychologique, y compris un logement, des conseils, de l'assistance juridique, médicale et matérielle, ainsi que des possibilités d'emploi, d'éducation et de formation.

L'article 7 du protocole concerne l'immigration et prévoit que les pays signataires doivent envisager des mesures législatives qui permettent aux victimes de la traite des personnes de rester sur leur territoire temporairement ou de façon permanente.

Malheureusement, le Canada n'a pris que cette première mesure. Dans les quatre années qui se sont écoulées depuis qu'il a signé le protocole, le Canada n'a pratiquement rien fait au niveau fédéral pour fournir aux victimes un environnement sûr et sécuritaire. Il y aurait de 800 à 16 000 victimes au Canada. En fait, dans une étude sur la traite des personnes publiée récemment par le Future Group, un organisme non gouvernemental basé au Canada qui lutte contre le trafic des personnes et l'exploitation sexuelle des enfants, le Canada a reçu un F pour son bilan lamentable en ce qui concerne le traitement des victimes. Huit pays ont été évalués dans l'étude du Future Group. Les États-Unis ont reçu un B-plus, l'Australie, la Norvège et la Suède un B, l'Allemagne et l'Italie un B-moins et le Royaume-Uni un D. Le Canada a été le seul des huit pays à ne pas recevoir la note de passage. Le rapport disait ceci :

Le bilan du Canada pour ce qui est de s'occuper des victimes de la traite des êtres humains est un sujet d'embarras sur la scène internationale [...] Le Canada fait fi des appels à la réforme et il continue de traumatiser de nouveau les victimes de ce trafic, à de rares exceptions près, en les déportant et en ne leur fournissant même pas des services d'aide de base.

Le Future Group n'est pas la seule organisation à déplorer l'inaction du Canada en ce qui concerne les victimes du trafic de personnes. En décembre 2005, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies a critiqué le Canada pour ses politiques de détention, précisant que les personnes en détention pour une question d'immigration doivent souvent payer un cautionnement en espèces pour être libérées, tandis que les victimes de trafic n'ont souvent pas les connexions ni les ressources financières nécessaires pour être libérées. Elles sont donc à nouveau des victimes.

Pour ces raisons, j'estime que la prochaine mesure à prendre est d'adopter le projet de loi S-222. Ce dernier a été rédigé à la lumière des pratiques observées dans d'autres pays développés comme l'Australie, l'Allemagne, l'Italie, la Norvège, la Suède et les États- Unis. Chacun de ces pays dispose d'un système offrant la résidence permanente ou temporaire aux victimes, assurant un soutien physique, psychologique et social aux victimes et favorisant les enquêtes sur le trafic de personnes.

Après avoir examiné les divers systèmes d'autres pays développés, j'ai décidé de fonder ce projet de loi sur le programme de visas T aux États-Unis. Ce programme vise à garantir que les victimes de trafic qui peuvent et qui désirent aider les autorités à poursuivre les marchands d'esclaves puissent obtenir l'aide dont elles ont besoin pour s'affranchir de leurs trafiquants.

En 2001-2002, le système américain de visas T a débouché sur la délivrance de 135 visas à des victimes de trafic de personnes. Ces visas leur ont permis de demeurer au pays pour une durée allant jusqu'à trois ans. Par ailleurs, 350 victimes ont eu accès à des services fédéraux et à des services offerts par les États. Elles ont notamment pu travailler, se loger et obtenir des soins médicaux.

La première partie du projet de loi S-222 décrit les changements à apporter à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. En 1997, la GRC a annoncé avoir démantelé un réseau de trafic de personnes et d'esclaves sexuels à Toronto. À cette époque, la GRC a dressé un sombre portrait de la situation de femmes de la Thaïlande et de la Malaisie qui avaient été vendues comme esclaves à des prix oscillant entre 7 500 $ et 15 000 $, puis forcées à travailler comme prostituées pour rembourser leurs dettes s'élevant à 35 000 $ ou 40 000 $. Ces femmes n'avaient presque aucune liberté. On ne leur donnait presque pas de nourriture et elles n'avaient pas accès à des soins médicaux. Toutefois, ces pauvres âmes ont été arrêtées et accusées, de même que leurs trafiquants, d'infractions liées à la prostitution. Comme si ce n'était pas assez, dans la presse, on les a décrites comme des travailleuses du sexe volontaires.

Une chroniqueuse du Toronto Sun a écrit ceci :

Esclaves sexuelles, mon œil. Travailleuses du sexe liées par contrat, oui. Concubines exploitées, peut-être. Prostituées de plein gré, apparemment.

Après avoir échappé à l'attention des médias, les victimes ont dû trouver de la nourriture et un abri, tout en essayant de régler leurs problèmes juridiques. L'une d'elles se rappelle de cette expérience en ces mots :

J'étais effrayée et inquiète, car j'ignorais combien de temps on me garderait en prison. Je craignais que ce ne soit pour toujours... J'étais sans le sou et je ne connaissais personne. Je ne savais pas où j'étais et je ne connaissais pas le nom des rues. J'habitais auparavant chez des amies qui travaillaient au salon de massage... Je vivais simplement au jour le jour.

Sept mois plus tard, deux des victimes sont reparties pour la Thaïlande et elles ont été arrêtées sur-le-champ à l'aéroport. Elles ont été accusées de voyager avec de faux passeports et d'avoir omis de coopérer avec l'ambassade thaïlandaise dans l'enquête qu'elle avait menée ici, au Canada.

(1630)

En 1998, le projet Trade de la GRC et des services de police de la région torontoise a ciblé cinq personnes soupçonnées de jouer le rôle de courtiers ou d'agents pour la vente des services d'un certain nombre de femmes à des propriétaires de maisons closes, qui exigeaient à leur tour de ces femmes qu'elles servent quelque 500 clients avant de pouvoir conserver un pourcentage de leurs gains.

L'histoire de l'une des victimes de la traite qui a été impliquée dans le projet Trade est exposée dans un document de Condition féminine Canada produit par le Toronto Network Against Trafficking in Women. Cette jeune Thaïlandaise a été arrêtée en même temps que 67 autres. Elle a été gardée en prison pendant deux mois sur la base d'accusations de prostitution et pendant deux autres mois par suite d'accusations liées à l'immigration.

L'ironie de la situation, qui montre bien pourquoi nous avons besoin de ce projet de loi, est que lorsqu'elle a finalement été libérée, la jeune femme a découvert qu'elle devait 4 000 $ de plus à son trafiquant pour le cautionnement et les frais juridiques car c'était la seule personne qu'elle connaissait au Canada et la seule, par conséquent, à laquelle elle pouvait demander de l'aide.

Honorables sénateurs, ces cas montrent clairement dans quelle horrible situation ces personnes se trouvent. Essayez un instant de vous mettre à leur place. Prendriez-vous l'initiative d'aider la police à intenter des poursuites contre le trafiquant qui vous a fait venir dans le pays? Si la police vous arrête pour prostitution, si vous ne parlez pas l'anglais, ne connaissez personne au Canada à part votre trafiquant, n'avez aucun moyen de gagner votre vie et courez le risque d'être renvoyé dans votre pays d'origine, aurez-vous hâte d'aider la police à poursuivre votre trafiquant? La GRC estime qu'une seule victime de la traite sur dix s'adresse à la police.

Heureusement, des améliorations ont été apportées au système. En mars 2006, nous avons entendu parler d'un programme pilote de protection de la GRC et du ministère de la Sécurité publique de la Colombie-Britannique. Dans le cadre de cette initiative, les victimes de la traite que la police considère comme des témoins possibles pourraient obtenir de l'aide et auraient accès à des services de santé, des soins psychiatriques, de l'aide juridique et d'autres formes d'assistance.

Honorables sénateurs, je ne peux pas vous dire à quel point j'ai été heureux d'apprendre la mise en œuvre de ce projet pilote. Je crois que nous devrions donner à nos organismes d'application de la loi, partout au Canada, tous les moyens nécessaires pour aider ces victimes. Je pense que le projet de loi aidera ces organismes à donner aux témoins possibles l'assurance qu'ils pourront rester au Canada pendant la durée des poursuites et au-delà et qu'ils auront accès, pendant cette période, à tous les services sociaux nécessaires.

J'ai également été heureux d'apprendre en mai dernier que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a annoncé que les victimes de la traite pourraient obtenir des permis de séjour temporaires de 120 jours. Je crois que c'est un bon premier pas. Je dois noter cependant que, d'après les chiffres de 2004 de Statistique Canada, la durée moyenne des poursuites intentées en cour supérieure au Canada est de 367 jours. Nous avons donc besoin d'un système d'immigration et de soutien plus complet pour aider les victimes et garantir leur participation aux poursuites intentées contre leurs trafiquants.

Honorables sénateurs, en octobre 2005, j'ai pris la parole ici pour appuyer le projet de loi C-49. J'avais dit alors que nous avions besoin d'une approche axée sur la victime et que j'espérais que le projet de loi serait suivi par d'autres initiatives, sur le modèle de la loi américaine intitulée Trafficking Victims Protection Act. Cela s'est passé il y a 15 mois, mais rien ne semble indiquer qu'un projet de loi sur la protection des victimes est en préparation.

Honorables sénateurs, c'est la raison pour laquelle je vous demande d'appuyer ce projet de loi. Il met en place un système de délivrance de ce que j'appelle des autorisations de protection des victimes. Ces autorisations permettront à des ressortissants étrangers de rester au Canada à titre de résidents temporaires pendant une période initiale de 120 jours, pouvant être portée à trois ans, s'ils sont admissibles. Pour être admissibles, les personnes en cause doivent avoir été victimes de la traite et doivent donner leur concours au cours de l'enquête et des poursuites contre leurs trafiquants. Il faut également qu'il soit vraisemblable que ces personnes ou des membres de leur famille soient en danger en cas de renvoi dans leur pays d'origine.

Si une victime de la traite satisfait aux conditions de délivrance de l'autorisation de protection, elle aurait le statut de résident permanent aux fins de l'admissibilité aux soins de santé et aux programmes sociaux. Elle aurait également le droit de travailler au Canada et de présenter une demande de résidence permanente au terme de la période de trois ans.

Je crois que ces modifications de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés permettraient aux victimes de la traite qui seraient disposées à aider les autorités à poursuivre leurs trafiquants de rester dans le pays et d'avoir accès à tous les services sociaux nécessaires.

Honorables sénateurs, le projet de loi traite de la situation des victimes de la traite par rapport à l'immigration, mais il va également plus loin. La seconde partie du projet de loi, qui s'inspire des mesures législatives américaines et norvégiennes, prévoit l'établissement par le ministère de la Santé d'un service téléphonique national multilingue d'urgence pour renseigner les victimes du trafic de personnes et les renvoyer aux services compétents. Il faut comprendre que ces victimes viennent de milieux sociaux où les gens se méfient des autorités. Si nous voulons avoir une chance quelconque de les voir coopérer, nous devons prévoir des moyens tels que cette ligne téléphonique qu'elles pourraient juger sûrs et faire savoir partout dans le pays, dans les langues appropriées, que ces moyens existent.

Le projet de loi charge également le ministère de la Santé de nommer et de former des gens pour dispenser de l'aide et des services consultatifs aux victimes du trafic de personnes. Ces travailleurs spécialisés établiraient des réseaux composés de policiers, d'agents d'immigration et de fournisseurs de services sociaux qui se spécialiseraient dans les services aux victimes et apporteraient à celles-ci toute l'aide nécessaire.

Le dernier élément du projet de loi est une campagne de sensibilisation. Cette campagne permettrait d'informer les gens des modifications apportées aux lois sur l'immigration, de l'existence de la ligne téléphonique d'urgence et des services spécialisés d'aide du ministère de la Santé. La campagne ciblerait des gens comme les travailleurs des refuges pour femmes, les membres du clergé, les travailleurs des banques alimentaires et d'autres fournisseurs de services sociaux de première ligne.

Honorables sénateurs, vous pouvez imaginer à quelles difficultés s'exposent les travailleuses des refuges pour femmes qui essaieraient d'encourager une pauvre victime à s'adresser à la police en sachant qu'elle pourrait faire l'objet d'accusations au criminel et même d'un renvoi dans son pays d'origine.

Je crois que ces travailleuses communautaires seraient les premières à qui les victimes s'adresseraient. Nous devons donc les sensibiliser aux modifications apportées aux lois sur l'immigration et les informer des services offerts aux victimes. Autrement, nous n'aurions aucune chance de les voir encourager ces victimes à dénoncer leurs trafiquants.

Honorables sénateurs, pour résumer, je dirais que si ce projet de loi est adopté, une victime du trafic de personnes pourrait prendre contact avec un travailleur communautaire de première ligne ou pourrait appeler directement la ligne téléphonique d'urgence pour parler dans sa propre langue à quelqu'un pouvant la mettre en contact avec les services spécialisés du ministère de la Santé. Ces services, composés de travailleurs spécialement formés, organiseraient des rencontres avec les agents de police compétents, les responsables et les avocats de l'immigration, les services de santé, les services sociaux, et cetera. Les victimes disposées à collaborer avec la police obtiendraient une autorisation spéciale de protection qui leur permettrait de rester au Canada pendant qu'elles participent aux poursuites contre leurs trafiquants et pourraient même devenir admissibles à la résidence permanente.

Pour conclure, honorables sénateurs, permettez-moi de vous présenter une citation tirée du livre maintenant célèbre de Victor Malarek, The Natashas, sur la traite des personnes :

Mettre fin à cette forme atroce d'exploitation sexuelle doit constituer un impératif moral, juridique et politique... La traite des femmes à des fins d'exploitation sexuelle est un crime contre l'humanité qui nous couvre tous de honte.

Victor Malarek a raison, honorables sénateurs. Je crois que l'adoption de ce projet de loi serait une autre initiative canadienne visant à protéger les victimes du trafic de personnes et à traduire en justice les responsables de ce trafic.

(1640)

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Phalen d'avoir soulevé cette question importante au Sénat, et je le remercie de l'information qu'il a présentée et du travail qu'il a accompli pour présenter le projet de loi.

Il faut prendre conscience que nous ne pouvons rejeter tout le blâme sur les pays d'origine. Les pays par où les victimes transitent et ceux où elles aboutissent, comme le Canada, ont la responsabilité de les secourir. Le sénateur Phalen a évoqué les situations horribles dans lesquelles se retrouvent les victimes à leur arrivée dans les pays où elles sont envoyées. J'ai appris au cours d'une conférence que le trafic des êtres humains est désormais plus important que celui des armes. Le narcotrafic arrive en tête, suivi du trafic des humains, et le trafic des armes est au troisième rang.

Le sénateur Phalen a dit qu'une victime sur dix déclare sa situation. Le sénateur sait-il combien de victimes de trafic arrivent au Canada?

Le sénateur Phalen : La GRC prétend qu'il y en a 800 par année. Des ONG soutiennent que leur nombre pourrait atteindre les 16 000 par année. J'ignore quel est le chiffre exact, mais je suis porté à croire que les ONG ont des chiffres plus exacts, puisque c'est à elles que les victimes s'adressent.

L'honorable Wilfred P. Moore : Au nom du sénateur Jaffer, je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je croyais que la pratique qui consiste à ajourner un débat au nom d'un autre sénateur était inusitée. Madame le sénateur Jaffer n'est pas parmi nous. Si nous sommes revenus à la pratique voulant qu'on puisse ajourner le débat au nom d'un autre sénateur, je vais laisser passer, mais j'avais l'impression qu'elle n'avait plus cours.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Ce n'est pas la première fois que nous appliquons cette procédure aujourd'hui.

Le sénateur Moore : Je n'ai jamais entendu parler d'une règle qui interdirait cette procédure. Inventons-nous des règles au fur et à mesure?

Le sénateur Comeau : Le sénateur Moore et moi avons soulevé de bons points de vue. Il y a divergence d'opinions. Peut-être pourrions-nous demander à la présidence de trancher et de dire s'il est permis d'ajourner le débat au nom d'un autre sénateur? Si ce sénateur est absent pour quelques mois, un an ou deux, peu importe, nous pouvons aborder la question. J'estime que nous pouvons laisser la présidence décider si les règles nous permettent d'ajourner le débat au nom de quelqu'un d'autre.

Le sénateur Phalen : Je crois savoir que madame le sénateur Jaffer est absente cette semaine et sera de retour la semaine prochaine.

L'honorable Terry Stratton : Mon expérience au Sénat m'autorise à dire que rien ne prouve que le sénateur Jaffer permettrait que ce débat soit ajourné en son nom. Étant donné son absence, nous ne pouvons ajourner le débat en son nom.

L'honorable Lorna Milne : Selon moi, si madame le sénateur Jaffer était ici, le sénateur Moore ne pourrait pas proposer l'ajournement en son nom. Le Règlement du Sénat est très clair : il s'agit d'une pratique courante. Nous y avons recours toutes les semaines, sinon tous les jours. Depuis dix ans que je siège ici, c'est la première fois que j'entends parler d'une règle qui l'interdirait. Cette règle n'existe pas.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je remercie les sénateurs de leurs interventions. Je vais vérifier nos règles et voir si cette pratique a été souvent utilisée.

Pour l'instant, je vais accepter la motion du sénateur Moore.

Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Moore, le débat est ajourné.)

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement. Le Règlement nous interdit de signaler la présence ou l'absence d'un autre sénateur. Je sais que, lorsque cela se fait, ce n'est presque jamais par mauvaise intention. Néanmoins, la chose se fait de plus en plus fréquente depuis quelques mois. Je voulais simplement rappeler cette règle aux sénateurs.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Ce rappel renforce le point de vue présenté dans le recours au Règlement précédent. Si un sénateur n'est pas présent, nous ne savons pas s'il est d'accord pour que le débat sur une question soit ajourné en son nom. Le fait que pareille motion soit présentée dit à quiconque sait lire et écouter que le sénateur n'est pas présent. Cela confirme encore plus l'idée que nous ne devrions pas ajourner le débat sur une question au nom d'un autre sénateur, car cela montre que ce sénateur n'est pas présent à ce moment-là.

Son Honneur la Présidente intérimaire : En plus de faire une recherche sur la question de savoir si on peut ajourner un débat au nom d'un autre sénateur, je vais examiner les renvois à l'absence ou à la présence de sénateurs au Sénat.

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL SUR LA MOTION MODIFICATRICE—LA MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Fraser, tendant à l'adoption du deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat (motion de modifier la Constitution du Canada (la représentation des provinces de l'Ouest au Sénat), sans amendement, mais avec des observations), présenté au Sénat le 26 octobre 2006;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l'honorable sénateur Campbell, que le deuxième rapport du Comité sénatorial spécial sur la réforme du Sénat ne soit pas adopté maintenant, mais que la motion pour modifier la Constitution du Canada (représentation des provinces de l'Ouest au Sénat), soit modifiée comme suit :

a) par substitution, au troisième paragraphe de la motion, des mots « la Colombie-Britannique devienne une division distincte représentée par douze sénateurs » par ce qui suit :

« la Colombie-Britannique devienne une division distincte représentée par vingt-quatre sénateurs »;

b) par substitution, à l'article 1 de l'annexe de la motion, à l'article 21, des mots « se composera de cent dix-sept membres » par ce qui suit :

« se composera de cent vingt-neuf membres »;

c) par substitution, à l'article 1 de l'annexe de la motion, à l'article 22, des mots « la Colombie-Britannique par douze sénateurs » par ce qui suit :

« la Colombie-Britannique par vingt-quatre sénateurs »;

d) par suppression, à l'article 2 de l'annexe de la motion, à l'article 27, des mots « ou, dans le cas de la Colombie- Britannique, tant que la représentation de celle-ci ne sera pas revenue au nombre fixe de douze sénateurs »;

e) par substitution, à l'article 2 de l'annexe de la motion, à l'article 28, des mots « excéder cent vingt-sept » par ce qui suit :

« excéder cent trente-neuf ».—(L'honorable sénateur Bryden)

L'honorable John G. Bryden : Honorables sénateurs, je prends la parole sur la motion visant à modifier la Constitution du Canada en ce qui a trait à la représentation des provinces de l'Ouest au Sénat, que l'on appelle maintenant communément la motion Murray- Austin.

Je voudrais commencer par citer un ouvrage que nous connaissons tous bien, Protéger la démocratie canadienne, qui a été publié sous la direction du sénateur Joyal.

Le régime fédéral a été conçu d'emblée pour tenir compte des divers besoins, des faiblesses et des ressources des premiers partenaires de la Confédération : le Haut-Canada, le Bas- Canada, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick.

Le compte rendu historique fait nettement ressortir qu'il n'y aurait jamais eu d'entente sur la Confédération si l'on n'avait pas créé une Chambre haute dotée de vrais pouvoirs... Pendant les débats sur la Confédération, sir John A. Macdonald a souligné la nécessité de mettre un frein au pouvoir législatif des gouvernements qui seraient élus en grande partie par les régions densément peuplées du pays :

À la Chambre haute sera confié le soin de protéger les intérêts des régions; il en résulte que les trois grandes divisions seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre les diverses majorités combinées à l'Assemblée.

(1650)

À la page 292 de Protéger la démocratie canadienne se trouve une déclaration de George Brown au Haut-Canada, à l'époque du pacte confédératif. Il était chef des réformistes, qui ont formé plus tard le Parti libéral. Voici ce qu'il disait :

Nos amis du Bas-Canada ne nous ont concédé la représentation d'après la population qu'à la condition expresse d'être égaux au Conseil législatif. C'étaient là les seules conditions possibles d'entente et, pour ma part, je les ai acceptées de bon gré [...] et il est tout à fait naturel que les provinces moins peuplées s'assurent de protéger leurs intérêts en exigeant l'égalité à la Chambre haute.

Voilà ce qu'était le pacte confédératif, honorables sénateurs, et ce qu'il est encore aujourd'hui. C'est l'accord qu'ont conclu l'Ontario, le Québec et les provinces maritimes et auquel se sont jointes plus tard les provinces de l'Ouest. En échange de la représentation déterminée d'après la population à la Chambre des communes, les provinces les plus peuplées ont accepté qu'un nombre égal de sénateurs soit nommé pour représenter chacune des quatre grandes parties du pays, quelle que soit la population de ces parties.

L'immuabilité du pacte confédératif des provinces fondatrices a été soulignée récemment par la Cour suprême du Canada dans un jugement datant de 1980. La citation est tirée du Renvoi relatif à la Chambre haute [1980] 1 R.C.S. 54 :

[le Parlement ne peut pas] apporter des modifications qui porteraient atteinte aux caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat pour assurer la représentation régionale et provinciale dans le système législatif fédéral. Le caractère du Sénat a été déterminé par le Parlement britannique en réponse aux propositions présentées par les trois provinces pour répondre aux besoins du système fédéral proposé. C'est ce Sénat, créé par l'Acte, auquel un rôle législatif a été conféré par l'article 91. Nous sommes d'avis que le Parlement du Canada ne peut en modifier unilatéralement le caractère fondamental et le par. 91(1) ne l'y autorise pas.

Honorables sénateurs, la motion dont nous sommes actuellement saisis ne vise pas à modifier le principe fondamental et essentiel du nombre égal de représentants entre les quatre divisions représentées au Sénat cela ne peut être fait qu'au moyen d'une révision de la Constitution, en vertu de l'article 38 mais l'adoption de cette motion signifierait essentiellement que le Sénat préfère et appuie l'idée de modifier le nombre de représentants de chacune des quatre divisions au Sénat pour que ce nombre soit inégal. Il s'agit d'augmenter la représentation des provinces de l'Ouest de 12 sénateurs, pour un total de 36, tel que prévu dans la motion initiale, ou de doubler le nombre de sénateurs des provinces de l'Ouest, pour un total de 48 sénateurs, si l'amendement est adopté.

Une question vient à l'esprit : pourquoi ferait-on cela? Honorables sénateurs, la Constitution canadienne dispose que :

22. En ce qui concerne la composition du Sénat, le Canada sera censé comprendre quatre divisions :

1. Ontario;

2. Québec;

3. Les provinces maritimes, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick ainsi que l'Île-du-Prince- Édouard;

4. Les provinces de l'Ouest : le Manitoba, la Colombie- Britannique, la Saskatchewan et l'Alberta;

les quatre divisions doivent (subordonnément aux révisions de la présente loi) être également représentées dans le Sénat, ainsi qu'il suit : Ontario par vingt-quatre sénateurs; Québec par vingt-quatre sénateurs; les provinces maritimes et l'Île-du- Prince-Édouard par vingt-quatre sénateurs, dont dix représentent la Nouvelle-Écosse, dix le Nouveau-Brunswick, et quatre l'Île-du-Prince-Édouard; les provinces de l'Ouest par vingt-quatre sénateurs, dont six représentent le Manitoba, six la Colombie-Britannique, six la Saskatchewan et six l'Alberta; la province de Terre-Neuve aura droit d'être représentée au Sénat par six sénateurs; le territoire du Yukon et les Territoires du Nord-Ouest ont le droit d'être représentés au Sénat par un sénateur chacun.

Honorables sénateurs, je pose de nouveau la question. Pourquoi est-il maintenant souhaitable de réviser la Constitution pour que les quatre divisions du Canada ne comptent pas toutes un nombre égal de représentants au Sénat?

Quand il a pris la parole au sujet de sa motion et de celle du sénateur Austin, le sénateur Murray a déclaré :

La Loi constitutionnelle de 1915 a créé la division de l'Ouest comptant 24 sièges également répartis entre les quatre provinces. [...] En ce qui concerne la représentation de l'Ouest, le Sénat n'a pas bougé depuis plus de 90 ans.

Honorables sénateurs, les divisions de l'Ontario, du Québec et des provinces maritimes sont restées immuables pendant 140 ans. Comme ces trois divisions ont connu une période d'inertie beaucoup plus longue que la division des provinces de l'Ouest, il serait peut-être souhaitable de déterminer si ces autres divisions souhaiteraient être représentées selon des proportions inégales avant de modifier la division plus récente des provinces de l'Ouest.

Le sénateur Murray poursuit en ces termes :

Les réalités géographique, démographique, culturelle, politique et économique de l'Ouest canadien sont sous- représentées au Sénat. L'importance de l'Ouest au sein du Canada n'est pas convenablement illustrée dans la composition du Sénat.

Compte tenu du fait que la division de l'Ouest compte actuellement un sénateur pour 403 450 personnes et que celle de l'Ontario en compte un pour 522 550 personnes, il semble que la division représentée par le sénateur Murray, malheureusement absent, soit en fait défavorisée sur le plan démographique.

La division de l'Ontario pourrait donc souhaiter elle aussi modifier la Constitution du Canada. Si elle avait un champion pour sa cause, l'ajout de sept nouveaux sénateurs en porterait le nombre à 31, comparativement aux 24 qu'elle compte actuellement. Le rapport sénateurs-population serait alors égal à celui de la division de l'Ouest. Pour l'instant, la division de l'Ouest est mieux représentée, démographiquement parlant, que la division de l'Ontario.

(1700)

Pour poursuivre dans la veine des circonstances qui, depuis 1915, ont rendu insuffisants les 24 sièges de la division de l'Ouest au Sénat, il serait utile de connaître les changements d'ordre géographique qui se sont produits depuis 1915 et qui pourraient justifier une augmentation du nombre de sièges pour la division de l'Ouest.

De même, quelles sont les contributions, occasions ou charges culturelles qui justifient l'addition de sièges dans la division de l'Ouest plus qu'au Québec, en Ontario ou même dans les provinces maritimes? Quelles sont les circonstances politiques et économiques qui justifieraient une représentation égale?

Les circonstances politiques et économiques ont trait au fait que le premier ministre du pays vient de la division de l'Ouest, que cette région a une activité économique qui se chiffre dans les milliards de dollars et qu'elle affiche le taux de croissance le plus rapide au pays. Ce n'est pas si mal pour une division qui a été négligée depuis 1915 et qui ne peut compter que sur un nombre de sénateurs égal à celui des trois autres divisions canadiennes, tel que le prévoit la Constitution du Canada.

En parlant de la motion, le sénateur Austin a dit :

Cette motion n'a pas pour but de faire une nouvelle distribution proportionnelle des sièges du Sénat. Franchement, le rôle du Sénat consiste en partie à renforcer la présence des provinces les moins peuplées au Parlement.

Non, cette motion ne fait pas une nouvelle distribution proportionnelle des sièges du Sénat. Elle accorde de façon arbitraire une augmentation de 50 p. 100 des sièges à la division des provinces de l'Ouest, selon le texte de la motion, et doublera le nombre de siège si l'amendement est adopté, tout en maintenant à 24 le nombre de sièges de chacune des trois autres divisions principales. Si elle devait être adoptée, la présente motion violerait clairement les termes du contrat aux termes duquel la Confédération a été établie, lequel a été approuvé par la division des provinces de l'Ouest et signé au plus tard vers les années 1915.

Il est malhonnête de dire que cela ne représente qu'une première étape et que la résolution doit respecter le processus de modification constitutionnelle prévu à l'article 38. Je n'en dirai pas plus, mais pouvons-nous réellement croire que c'est ce qui se produira?

Honorables sénateurs, ce n'est pas ainsi que nous fonctionnons dans cet endroit. Je n'appuierai pas cette motion, qu'elle ne constitue qu'une première étape ou non. En l'adoptant, nous violerions l'entente en matière d'égalité qui a été conclue entre les quatre divisions. Nous ne pouvons tout simplement pas violer cette entente. Nous pouvons peut-être négocier une nouvelle entente, mais cette négociation doit faire intervenir tous les intervenants constitutionnels, et particulièrement les provinces, et elle ne peut se faire de façon unilatérale ici au Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Bryden, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Bryden : J'en ai pour une demi-minute.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Nous vous donnons quatre minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Bryden, vous avez cinq minutes à votre disposition.

Le sénateur Bryden : Merci, honorables sénateurs.

Je n'utiliserai pas mon temps de parole à mauvais escient.

Finalement, honorables sénateurs, j'adhère aux façons de procéder décrites par madame le sénateur Hubley dans son discours réfléchi et soigneusement rédigé sur la question, et je vous le recommande.

Merci de m'avoir écouté, honorables sénateurs.

L'honorable Gerry St. Germain : J'aurais une question à poser au sénateur.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Accepteriez-vous qu'on vous pose des questions, sénateur Bryden?

Le sénateur Bryden : Oui, je ferai de mon mieux pour y répondre.

Le sénateur St. Germain : Honorable sénateur, vous l'avez peut-être expliqué, mais que pensez-vous de l'argument justifiant l'addition de six sièges pour Terre-Neuve-et-Labrador? J'écoutais attentivement votre propos sur les divisions initiales, soit les provinces de l'Ouest, l'Ontario, le Québec et les Maritimes, mais vous n'expliquez pas comment nous pouvons coexister ou survivre avec les six sièges à Terre-Neuve-et-Labrador qui ont été établis. Quelle est votre analyse de cette question?

Le sénateur Bryden : Je ne peux pas le certifier, mais je crois savoir qu'à l'époque de la Confédération, 24 sièges avaient été réservés pour l'Ouest. Je crois aussi que cinq sièges avaient été réservés dans l'espoir que Terre-Neuve se joigne à notre Confédération. L'Ouest au complet avait signé en 1915; Terre-Neuve a adhéré à la Confédération en 1949 et c'est à cette époque que les six sièges lui ont été attribués. Je pense que c'est par la suite qu'on a attribué un siège chacun aux Territoires du Nord-Ouest, au Yukon et maintenant au Nunavut.

Le sénateur St. Germain : À quelle époque avez-vous dit que les cinq sièges avaient été réservés en prévision de l'adhésion de Terre- Neuve? Était-ce après ou avant 1915?

Le sénateur Bryden : La meilleure réponse que je peux vous donner est la suivante : je n'en suis pas certain. Je sais qu'ils n'ont pas été attribués avant 1949, parce qu'avant 1949, Terre-Neuve n'était pas une province.

Le sénateur St. Germain : Je le sais, mais je pense qu'il est important qu'à titre de sénateurs, nous obtenions ce renseignement. Je comprends votre argument, mais c'est un facteur qui existe et qu'il faut prendre en compte. D'après moi, il donne plus de crédibilité à la question voulant que, si nous pouvions ajouter des sièges, pourquoi ne pourrions-nous pas le faire maintenant? En ma qualité de représentant de la Colombie-Britannique, je pense qu'il faudrait approfondir la question.

Le sénateur Bryden : Je vais répondre brièvement à cela. Les quatre principales divisions ont été établies à l'époque de la Confédération.

Le sénateur St. Germain : D'accord.

Le sénateur Bryden : Au bout du compte, en 1915, tous les sièges avaient été attribués. En 1949, le Canada a acquis un nouveau territoire. Il ne s'agissait pas d'un territoire qui aurait été absorbé par le Canada, mais d'un nouveau participant à la Confédération. Terre-Neuve n'a pas négocié l'attribution égale des 24 sièges à chacune des quatre divisions fondatrices. À mon avis — encore une fois, de nombreux sénateurs ont une meilleure connaissance de leur histoire que moi —, on avait prévu au départ que cinq sièges iraient à Terre-Neuve. Je ne peux pas imaginer que les Terre-Neuviens veuillent négocier, mais, à l'époque de la Confédération, ils avaient négocié avec le Canada en vue d'obtenir jusqu'à six sièges. C'est tout ce que je sais.

La présence de Terre-Neuve ne nous permet pas de changer les règles selon lesquelles tous ont adhéré, au pacte confédératif.

L'honorable David Tkachuk : Dois-je conclure que le sénateur n'est pas en faveur de mon amendement visant à attribuer 24 sièges à la Colombie-Britannique?

Le sénateur Bryden : Honorables sénateurs, cela me rappelle une anecdote. Il y a un bon bout de temps, il y avait au Sénat un monsieur qui s'y connaissait en calcul et, à l'époque où je siégeais ici, il ne prenait la parole que sur un seul sujet : le budget.

Le sénateur Comeau : C'était le sénateur Bolduc.

Le sénateur Bryden : Exactement : il épluchait les budgets libéraux. J'ai eu l'occasion de l'interroger un jour. Je me suis levé et lui ai demandé : à part cela, y aurait-il autre chose qui vous déplaît dans ce budget?

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

(1710)

L'ÉTUDE SUR LES PRÉOCCUPATIONS DES PREMIÈRES NATIONS CONCERNANT LE PROCESSUS DE RÈGLEMENT
DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES

RAPPORT DU COMITÉ DES PEUPLES AUTOCHTONES—MOTION DEMANDANT UNE RÉPONSE DU GOUVERNEMENT—AJOURNEMENT DU DÉBAT

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Négociations ou affrontements : le Canada a un choix à faire, déposé au Sénat le 12 décembre 2006.—(L'honorable sénateur St. Germain, C.P.)

L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Segal :

Que le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Négociations ou affrontements : le Canada a un choix à faire, déposé au Sénat le 12 décembre 2006, soit adopté; et

Que, en application du paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement d'y fournir une réponse complète et détaillée, le ministre des Affaires indiennes et le ministre de la Justice étant désignés ministres chargés de répondre à ce rapport.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, le printemps dernier, le Sénat a chargé le Comité permanent des peuples autochtones d'étudier le processus de règlement des revendications particulières et de formuler des recommandations sur les changements à apporter, au besoin, à la politique et aux programmes. Je voudrais présenter quelques observations générales sur le rapport intitulé Négociations ou affrontements : le Canada a un choix à faire, déposé par le comité le 12 décembre 2006.

Honorables sénateurs, il est indubitable que la colonisation du Canada s'est faite au cours des derniers siècles sur des terres appartenant à des peuples autochtones organisés en tribus, en nations et en collectivités, que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de Premières nations, de Métis et d'Inuits.

Conformément à la tradition britannique et au droit international, l'ouverture des terres à l'immigration et à la colonisation aurait dû se faire selon un processus juste prévoyant une indemnisation équitable. Cela s'est fait dans une grande mesure. Des traités ont été conclus, des territoires ont été cédés et des baux ont été signés.

Même s'il peut encore y avoir des conflits quant au sens précis de certaines de ces transactions, des conflits qui sont aujourd'hui devant les tribunaux tandis que le droit autochtone du Canada évolue, notre histoire témoigne du fait que la colonisation était exempte de la violence et des spoliations qui ont caractérisé les relations entre colons et Autochtones dans d'autres pays.

Pour cette raison, le Canada et les peuples autochtones continuent d'avoir à leur portée tous les éléments nécessaires pour développer des relations positives et productives satisfaisant aux normes du XXIe siècle. Il y a eu néanmoins bien trop de cas flagrants d'injustice et de malhonnêteté. Il n'y a pas de doute qu'il y a eu des cas patents de fraude au profit de fonctionnaires, de défaut de réserver les superficies convenues à l'usage exclusif de la Première nation en cause, d'arpentage de terres prétendument agricoles qui n'étaient en fait que des marécages, de négligence dans le règlement de plaintes fondées et de défaut d'honorer des engagements de la Couronne.

À mesure que la colonisation avançait, les Premières nations étaient dévastées par les maladies, le changement de la nature de l'économie, le racisme et les politiques paternalistes. Elles n'arrivaient pas à trouver quelqu'un qui accepte d'écouter leurs plaintes au sujet des difficultés dans les transactions foncières et, bien trop souvent, leurs griefs n'étaient pas pris au sérieux. Pendant une période honteuse de quelques décennies, il a même été interdit aux Premières nations de retenir les services d'avocats pour porter leurs plaintes devant les tribunaux. Privées des avantages économiques des terres auxquelles elles avaient droit, beaucoup de Premières nations ont sombré de plus en plus profondément dans la pauvreté et le désespoir.

Toutefois, dans les années 1960, le gouvernement fédéral a trouvé commode de parler de revendications territoriales. Les responsables ont découvert qu'il n'y avait pas de listes de revendications, qu'on n'avait aucune idée de leur étendue ou des fonds qui pourraient être nécessaires pour les régler. Le commissaire nommé pour régler les revendications — tâche qui était censée être terminée en trois ou quatre ans — a découvert que le nombre de celles-ci était énorme et qu'aucun processus n'était en place pour s'en occuper.

L'urgence du règlement des revendications a augmenté lorsque la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'affaire Calder, qui a renforcé le concept des droits ancestraux. Une chose était certaine : des procès longs et coûteux ne permettraient pas de régler les revendications et le système judiciaire canadien ne pouvait pas facilement assumer la charge de centaines de cas nouveaux et complexes.

C'est ainsi que, pour la première fois, le gouvernement fédéral a établi une politique et un processus de règlement des revendications particulières des Premières nations. Le concept semblait équitable et pratique. Les Premières nations déposeraient leurs revendications; des fonctionnaires et des avocats fédéraux recommanderaient au ministre des Affaires indiennes de les accepter à titre d'obligations légales; les revendications acceptées seraient négociées en vue d'en arriver à un règlement et à une indemnisation équitable. Le processus était simple, mais il souffrait de problèmes sérieux.

Les revendications sont arrivées par centaines, et non par dizaines. Le nombre de fonctionnaires désignés pour s'en occuper s'est révélé beaucoup trop petit. La complexité des revendications était beaucoup plus importante qu'on ne s'y attendait. Il fallait beaucoup plus de temps pour faire les recherches nécessaires aussi bien pour confirmer les revendications que pour justifier les règlements. Le rythme des négociations s'est ralenti à l'extrême. Les fonds prévus pour le règlement des revendications étaient insuffisants. En même temps, face aux attentes croissantes de règlement, la lenteur du processus intensifiait les frustrations accumulées après des décennies d'injustice.

Après plusieurs affrontements assez retentissants découlant de revendications non réglées, le gouvernement fédéral a accepté d'établir une Commission des revendications des Indiens en vertu de la Loi sur les enquêtes, comme solution provisoire en attendant la création d'un mécanisme indépendant permanent en consultation avec l'Assemblée des Premières Nations et les organisations régionales. Un groupe de travail conjoint devait s'occuper des détails. La commission a commencé à tenir des audiences sur les appels interjetés contre les décisions du ministre rejetant certaines revendications.

Trente ans après la décision tardive de régler les revendications particulières et 15 ans après l'établissement de la commission provisoire, la situation a empiré au lieu de s'améliorer. L'arriéré de revendications augmente à chaque étape du processus. Des centaines de revendications attendent depuis 10, 15, 20 ans ou plus. En particulier, plus de 400 nations ou bandes indiennes ont présenté depuis 1970 quelque 1300 revendications particulières, dont environ 900 ne sont pas encore réglées.

On peut se poser des questions sur les motifs : insuffisance du personnel et des ressources affectées, processus beaucoup trop compliqué et normes déraisonnables. Toutefois, une chose est certaine : la frustration des Premières nations revendicatrices est encore une fois manifeste, proche du point d'ébullition. Dans certains cas, elle s'est, en fait, traduite par des protestations et des occupations. C'est dans ce contexte que le comité a entrepris son étude sur le processus de règlement des revendications particulières.

Honorables sénateurs, lorsque les gouvernements ont décidé de s'occuper des revendications particulières, ils l'ont fait sans essayer d'intégrer le règlement de ces revendications dans la politique générale relative aux Autochtones.

(1720)

L'un des témoins, M. Jerome Slavik, un avocat ayant plus de 20 ans d'expérience en matière de revendications particulières, a décrit la politique de la façon suivante :

Il y a une rupture complète entre l'objectif déclaré de gouvernement, qui est d'utiliser le règlement des revendications pour favoriser l'autonomie économique et gouvernementale, et le processus auquel les demandeurs doivent se plier pour aboutir à un règlement.

Selon M. Slavik, le gouvernement doit considérer le règlement des revendications comme un élément essentiel du développement économique et social et de l'amélioration de la qualité de vie et de la gouvernance. Après tout, les revendications particulières concernent non pas des problèmes juridiques abscons, mais des injustices concrètes qui entraînent des conséquences réelles. Dans bien des cas, ces injustices ont dérobé aux Premières nations la capacité de participer à l'économie. Dans cette optique, l'objectif explicite de la politique qui consiste à respecter les obligations prévues n'a à peu près aucun sens concret. Cependant, dans les cas où les revendications ont été réglées, l'indemnisation a souvent débouché sur des progrès économiques importants pour nos peuples autochtones.

Dans son témoignage devant votre comité, honorables sénateurs, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a également reconnu l'importance économique et la valeur d'ententes négociées et, aspect plus important peut-être, l'importance d'agir sans délai. Dans son exposé devant le Comité sénatorial des peuples autochtones, le ministre a déclaré :

Contrairement aux recours judiciaires, les règlements négociés sont élaborés grâce au déploiement d'efforts concertés des parties dans le cadre d'un processus de collaboration qui, selon ce que j'ai pu constater au fil des ans, consolide sans aucun doute les liens. Les règlements négociés sont la meilleure façon de faire pour établir des relations, atteindre des objectifs de développement économique et ainsi de suite. Ces règlements peuvent, à coup sûr, donner lieu à des solutions gagnantes.

Honorables sénateurs, j'ai fini par me convaincre que, dans leur très grande majorité, les revendications particulières résultent directement du manque de respect bien ancré que l'on a eu dans ce pays à l'égard des membres des Premières nations durant de nombreuses décennies.

La complexité de bon nombre de revendications est également un facteur qui retarde les règlements. Souvent, les revendications nécessitent la participation de plusieurs ordres de gouvernement et, dans certaines régions, comme les Prairies, le fait de retirer des terres de l'assiette d'imposition foncière d'une municipalité impose des difficultés financières à ses résidants. Bon nombre de revendications nécessitent la participation des provinces ou de propriétaires fonciers privés. Bien que l'historique et la complexité de certaines revendications aient tendance à ralentir le processus, j'ai l'impression que, pour ce qui est de l'arriéré grandissant, c'est à la politique gouvernementale en matière de revendications particulières qu'il faut en attribuer la plus grande part de responsabilité.

Ce rapport est donc tourné vers le futur plutôt que vers le passé. Son but n'est ni de chercher qui blâmer ni de demander de vagues améliorations. Le comité espère plutôt que ses recommandations marqueront un changement. Ce qu'il souhaite, c'est que ses recommandations soient rapidement évaluées par le gouvernement et envisagées par les Premières nations.

Le comité ne voit aucune raison pour qu'un groupe de travail mixte ne puisse pas être mis sur pied en peu de temps, avec le mandat de déterminer quels changements pratiques à court, moyen et long termes pourraient être mis en œuvre sans délai par le gouvernement fédéral. Les négociations et les procédures de règlement des revendications manquent de financement depuis bien des années. En ce sens, les obligations légales du Canada envers les Premières nations ne sont pas respectées. Des représentants du gouvernement, des conseillers juridiques ainsi que des représentants et des chercheurs des Premières nations des quatre coins du Canada ont témoigné au comité. Ils ont tous fait valoir clairement que les gouvernements précédents n'avaient pas réagi comme ils l'auraient dû devant l'immense responsabilité que représentaient les revendications particulières pour le Canada.

Par conséquent, le comité a conclu son étude en recommandant qu'on trouve, dans le prochain budget fédéral, une augmentation des fonds consacrés au règlement des revendications, et une allocation annuelle d'au moins 250 millions de dollars à un fonds créé spécialement pour le paiement des règlements de revendications particulières. Notre deuxième recommandation demande qu'on établisse, dans un délai de deux ans, un organisme indépendant en partenariat avec les Premières nations qui aurait le mandat de conclure des ententes sur le règlement des revendications dans les cinq ans suivant la date à laquelle elles lui auraient été soumises. La troisième recommandation est d'assurer des ressources adéquates pour le processus existant, d'augmenter les ressources financières et humaines que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et le ministère de la Justice consacrent au règlement des revendications particulières et de donner aux Premières nations un accès égal aux dossiers gouvernementaux nécessaires à la préparation de leurs revendications particulières. La quatrième recommandation réclame l'adoption de nouveaux principes directeurs fondés sur l'équité, l'inclusion, le dialogue et la reconnaissance des différences régionales.

Honorables sénateurs, le comité du Sénat a proposé un nombre restreint de mesures très précises pour permettre de surmonter des écueils précis du processus de règlement des revendications particulières. Le comité croit qu'il n'y a pas de raison pour qu'un pays aussi prospère que le Canada ne puisse pas respecter ses obligations légales, je le souligne, qui sont encore en suspens, surtout quand ces règlements peuvent faire une énorme différence dans le bien-être économique des Premières nations. En fait, le Canada ne peut pas se permettre de ne pas honorer ses obligations.

S'il existe une volonté politique concertée d'agir, il est possible de faire disparaître la souillure qu'est cette atteinte aux droits de la personne et d'instaurer des relations constructives qui feront régner une vraie justice.

Honorables sénateurs, les membres de mon comité ont travaillé avec sérieux et détermination. J'ai entendu des premiers ministres dire, les uns après les autres, que nous vivons dans le plus beau pays du monde. Je m'exprime sans aucun sectarisme, comme un Canadien intéressé, comme un membre intéressé d'un comité qui a une responsabilité envers les peuples autochtones. Je ne crois pas que le Canada atteindra sa pleine stature tant qu'il n'aura pas fait justice aux peuples autochtones, aux Premières nations de notre pays.

L'honorable Jack Austin : Puis-je poser une question au sénateur St. Germain?

Le sénateur St. Germain : Oui.

Le sénateur Austin : Le sénateur St. Germain sait que j'appuie le cinquième rapport et que le comité a fait de l'excellent travail. Je trouve néanmoins curieux qu'il ne soit pas question du projet de loi C-6, qui a été adopté au cours de la 37e législature, lorsque l'honorable Bob Nault était ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ce projet de loi a établi un régime juridique qui fait presque tout ce que le sénateur St. Germain a présenté aujourd'hui à propos de l'étude des revendications particulières des collectivités autochtones.

Le sénateur sait que le Parlement a adopté le projet de loi C-6, et que ce projet de loi n'a pas encore été promulgué. Le comité a-t-il essayé de voir si le projet de loi répond à la majeure partie des points abordés dans le rapport ou cette mesure a-t-elle des lacunes qui, selon vous, le rendent inutile?

Le sénateur St. Germain : Je crois comprendre que le projet de loi a été promulgué, mais n'a pas été édicté. Est-ce exact?

Le sénateur Austin : Le Parlement l'a adopté, mais il n'a pas été promulgué.

Le sénateur St. Germain : Le projet de loi C-6 a fait l'objet de discussions pendant les audiences, et les collectivités autochtones que nous essayons de servir ont signalé des lacunes. Dans 80 à 90 p. 100 des cas, elles ont dit qu'elles ne pouvaient envisager l'application du projet de loi C-6 parce que, à leur avis, il ne satisfaisait pas aux exigences de justice. Selon elles, le comité sénatorial devrait tracer sa propre voie et faire rapport au gouvernement. En ce qui concerne l'objet de notre rapport, environ 80 p. 100 des témoins ont préféré cette méthode à l'application du projet de loi C-6.

Nous n'avons pas fait une étude approfondie du projet de loi C-6, mais le sujet a été soulevé à de nombreuses reprises, et l'Assemblée des Premières Nations a également abordé la question.

Le sénateur Austin : L'Assemblée des Premières Nations s'oppose officiellement à la proclamation du projet de loi C-6, n'est-ce pas?

Le sénateur St. Germain : De mémoire, je crois que c'est exact. Elle souhaite qu'une instance indépendante arbitre les revendications particulières parce que, à l'heure actuelle, le gouvernement est juge et partie. Le projet de loi C-6 ne prévoit absolument rien de tel.

Le sénateur Austin : Je ne suis pas d'accord avec vous. Le projet de loi C-6 prévoit la mise en place de trois entités, dont l'une est un organe judiciaire indépendant chargé d'étudier les revendications, pour les renvoyer à la négociation. Si les résultats de la négociation sont inacceptables pour la collectivité autochtone en cause, la revendication est soumise à un organe judiciaire indépendant.

(1730)

Par contre, ce que le sénateur a dit, c'est que les partenaires autochtones rejettent la méthodologie du projet de loi C-6. Nous recommençons donc l'ensemble du processus depuis le début. Comme le sénateur St. Germain le sait, la Commission des revendications des Indiens a été créée à la suite d'un décret pris en 1983. C'est son statut juridique, et nous avons essayé très fort de mettre en place une loi qui établirait un véritable processus. Si c'était à cela que devait mener le rapport du sénateur, j'en serais très heureux.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur St. Germain, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, je demande la permission que me soient accordées quatre minutes supplémentaires.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

[Traduction]

Le sénateur St. Germain : Je suis surpris de voir l'honorable sénateur se lever. C'est son gouvernement qui a présenté le projet de loi C-6. Pourquoi n'a-t-il jamais été mis en œuvre? Voilà la question. Je connais la réponse : s'il n'a jamais été mis en œuvre, c'est parce que la communauté autochtone n'était pas convaincue que l'organisme indépendant était véritablement indépendant. Cet organisme était mené par le ministère et par le gouvernement, au lieu d'avoir été établi de façon impartiale, avec une véritable représentation des Autochtones. Que ce soit le cas ou non, si le projet de loi C-6 peut servir à accélérer le processus, s'il peut aider les Autochtones, je me moque qu'il soit issu d'un gouvernement précédent. Par contre, s'il ne peut rien faire pour aider ces gens qui se font intimider depuis 150 ans, je crois qu'il serait grand temps que nous nous retroussions les manches et que nous collaborions avec eux à toutes les étapes du processus d'une manière qui soit profitable pour eux.

Le sénateur Austin : Les sénateurs me permettraient-ils de poser une question supplémentaire?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Austin : J'approuve tous les bons remèdes universels que le sénateur vient d'annoncer. Encore faut-il qu'il mette le doigt sur le problème, à savoir que l'Assemblée des Premières Nations et d'autres représentants autochtones souhaitent exercer un droit de veto sur la nomination des membres de la commission indépendante par le gouverneur en conseil et que cela pose un problème d'ordre constitutionnel au gouvernement. En effet, comment le gouverneur en conseil peut-il partager son pouvoir de nomination avec une tierce partie? Le comité s'est-il penché sur cette question en particulier?

Le sénateur St. Germain : Non, nous ne l'avons pas fait, mais le rapport fait clairement état du fait que, selon la rétroaction, de vastes consultations sont menées auprès de l'ensemble de la communauté autochtone, et je pense que le sénateur en conviendra. Si l'on ne procède pas de cette façon et si l'on continue de faire ce qu'on a toujours fait, les résultats seront toujours les mêmes et ils ne seront pas satisfaisants.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER L'EFFICACITÉ DE LA PROMOTION CANADIENNE DE LA DÉMOCRATIE À L'ÉTRANGER—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tkachuk, au nom de l'honorable sénateur Segal, appuyée par l'honorable sénateur Stratton :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à étudier, en vue d'en faire rapport, l'efficacité de la promotion canadienne de la démocratie à l'étranger; le rôle du Parlement du Canada dans ce contexte; et

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 31 décembre 2007; et que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenu dans son rapport final jusqu'au 31 mars 2008.—(L'honorable sénateur Downe)

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, j'aimerais vous expliquer très brièvement aujourd'hui pourquoi le Sénat devrait confier au comité le mandat d'étudier les efforts de démocratisation et vous demander votre approbation pour procéder à cette étude. Je remercie l'honorable sénateur Downe de m'avoir donné la permission de prendre la parole, même si le débat avait été ajourné à son nom. Nous ne voulons pas refaire l'étude de la Chambre des communes sur la démocratisation, qui est beaucoup plus vaste que celle que nous souhaitons entreprendre. Notre étude consisterait plutôt à examiner le rôle d'organismes qui relèvent directement de leur parlement, soit le Westminster Institute au Royaume-Uni et la fondation Endowment for Democracy, qui relève du Congrès des États-Unis. Nous voulons comprendre les efforts de ces organismes en ce qui a trait au renforcement des partis politiques à l'étranger, plutôt que d'étudier les nombreux autres aspects importants et substantiels du projet démocratique. Comme la motion l'indique, il s'agirait d'une étude brève, où nous interrogerions des témoins ayant œuvré dans ce champ d'activité. Nous comparerions les approches employées dans d'autres pays avec la nôtre et nous ferions des recommandations au Sénat sur la démarche qu'il pourrait suivre dans ce dossier. Les dépenses nécessaires à la réalisation de cette étude seraient modestes, et nous n'envisageons pas beaucoup de déplacements. Nous aurions recours à des vidéoconférences pour limiter les dépenses et pour faire le meilleur usage possible du temps des membres.

L'honorable Eymard G. Corbin : L'honorable sénateur vient d'affirmer qu'il n'y aurait aucun déplacement inutile. Pourquoi ne demande-t-il pas l'autorisation, dans la motion, pour que le comité puisse se déplacer?

Le sénateur Segal : Quand on a discuté de la question au comité directeur, on s'est entendu sur le fait qu'il ne nous était pas nécessaire de nous déplacer pour atteindre nos objectifs; il serait donc quelque peu superflu de demander l'autorisation de se déplacer quand nous avons convenu de ne pas le faire. Je m'en remets à mon collègue plus chevronné.

Le sénateur Corbin : Je ne veux pas créer des ennuis étant donné que je siège au comité directeur et que nous entretenons de bonnes relations de travail. Cependant, après avoir réfléchi davantage sur toute la question des déplacements, j'estime que, malgré l'utilité des vidéoconférences, elles ne sont pas aussi utiles que de rencontrer les gens sur place. De toute évidence, cette initiative est de nature parlementaire et j'estime que les membres du comité en apprendraient davantage s'ils se rendaient à Westminster ou au Congrès américain. Bien que j'aie beaucoup réfléchi à la question, je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter en privé avec mes autres collègues. Cependant, j'estime que nous ne retirerons pas autant de cet exercice si nous ne nous déplaçons pas en personne pour parler en détail avec nos homologues, qui ont acquis une expérience considérable au fil des ans. C'est pourquoi je propose que nous ajoutions une disposition dans la motion afin que nous puissions nous déplacer, si besoin est.

Le sénateur Segal : J'ignore comment procéder. Je ne sais pas si nous pouvons amender la motion. Nous pourrions demander conseil à nos leaders relativement au calendrier d'éventuels déplacements étant donné la délicate question que pose le programme législatif, particulièrement de ce côté-ci. Cela dit, si mon collègue souhaite présenter cet amendement, je l'appuierais sans hésitation.

(1740)

L'honorable Joan Fraser : Il m'est venu à l'esprit, en écoutant le débat, que la motion n'a pas à donner le moindre détail sur les déplacements. Si ma mémoire est bonne, cela se fait normalement lors de la présentation d'un budget au Comité de la régie interne. Il me semble que le mini-débat qui se déroule actuellement montre que le comité lui-même souhaite peut-être réexaminer la question avant de présenter un budget. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous ne pourrions pas accepter l'étude. Le sénateur Corbin nous donne toujours matière à penser, de sorte qu'il serait intéressant d'entendre ce qu'il a à dire.

L'honorable Jack Austin : Je voulais poser une question au sénateur Segal afin de mieux comprendre le sens de la motion. Dois-je comprendre qu'un objectif de la motion proposée consiste à examiner le travail de tous les comités interparlementaires, comme l'Union interparlementaire, l'UIP, l'Association législative Canada- Chine et le Groupe interparlementaire Canada-Japon, afin de déterminer si nous faisons la promotion des valeurs démocratiques au moyen du processus interparlementaire? Cela ferait-il partie de vos tâches?

Le sénateur Segal : Je n'ai aucune raison de craindre que ces questions seraient exclues de l'étude du comité.

Le sénateur Austin : Je comprends donc encore moins le rôle du Parlement du Canada dans ce contexte. Le sénateur peut-il donner des explications?

Le sénateur Segal : Le renvoi devrait porter sur le rôle du Parlement, des parlementaires, des institutions qui font rapport au Parlement et des organisations qui font partie du Parlement, mais sont distinctes des organisations bureaucratiques et des ONG qui n'ont aucun lien avec le Parlement, mais qui font un excellent travail dans le domaine. On n'envisage pas qu'elles fassent l'objet principal de l`étude. Cette étude porterait sur les agences et organisations liées au Parlement et nous n'examinerions pas uniquement ce qui se passe au Canada, mais aussi dans des organisations comme le Westminster Institute et la National Endowment for Democracy, qui ne font pas rapport au département d'État ou au ministère des Affaires étrangères et coloniales, mais à leurs parlements respectifs.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)

L'ENGAGEMENT DU CANADA ENVERS LE DARFOUR, AU SOUDAN

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur la situation dans la région du Darfour au Soudan et l'importance de l'engagement du Canada envers le peuple de ce pays ravagé par la guerre.—(L'honorable sénateur Jaffer)

L'honorable Jack Austin : Honorables sénateurs, nous éprouvons tous, j'en suis certain, un profond sentiment d'impuissance devant les abus contre les droits de la personne qui frisent le génocide dans la région du Darfour, au Soudan, et qui se répandent maintenant aux pays voisins, le Tchad et la République centrafricaine. Après plus de 20 ans de lutte dans le Sud-Soudan et la mort de centaines de milliers de personnes dans cette région, les autorités de Khartoum ont signé un traité qui donne au Sud-Soudan un haut niveau d'autonomie de même qu'un rôle au sein du gouvernement soudanais. Jusque-là, tout est bien pour le Sud-Soudan.

Probablement encouragés par la situation au Sud-Soudan, plusieurs groupes au Darfour ont demandé les mêmes arrangements. Il semble que ces groupes aient parfois collaboré, mais qu'ils aient parfois été rivaux.

La réponse des autorités de Khartoum au Darfour est maintenant bien connue du monde. Elle a été sauvage. On a permis à des tribus arabes, la milice janjawid, d'attaquer, de violer, de tuer d'innombrables personnes et de réduire leurs villages en cendres. Les Janjawids ont été armés par les autorités de Khartoum et appuyés par les forces aériennes et terrestres soudanaises. Il semblerait que plus de 200 000 personnes aient été massacrées et que plus de 2 millions d'habitants du Darfour se soient réfugiés au Tchad et en République centrafricaine.

Comment le monde a-t-il réagi? D'abord, il a été décidé que c'était à l'Union africaine qu'il incombait d'agir. Cette organisation des pays d'Afrique a pu réunir une troupe de 8 000 soldats mal équipés et insuffisamment formés, qui ont été en grande partie cantonnés dans le rôle d'observateurs, sans pouvoir s'interposer entre les réfugiés et les Janjawids. Les soldats ont reçu bien peu d'appui de l'ONU et de la communauté mondiale, bien qu'il soit juste de dire que le Canada ait été un chef de file en fournissant de l'argent et du matériel; ce sont des décisions prises par le gouvernement Martin et qui, que je sache, sont toujours appuyées par le gouvernement Harper.

Le Canada a préconisé le principe de la « responsabilité de protéger », et l'ONU a proclamé ce principe, mais que veut-il dire dans les faits? Les autorités de Khartoum se sont appuyées sur la doctrine de la souveraineté des États pour interdire à l'ONU et à la communauté mondiale l'accès à la région. Les tentatives lancées par des ONG en vue de dispenser une aide humanitaire ont été contrecarrées par Khartoum. Les Janjawids ont pris pour cible des travailleurs humanitaires qui ont été violés et tués, et la plupart des organismes ont retiré leurs travailleurs. Khartoum ne veut pas de témoins.

Malgré les horreurs survenues au Rwanda, la communauté mondiale n'est pas prête à exposer ses troupes à des risques ni à assumer les coûts de l'exercice de la responsabilité de protéger au Darfour. Les voisins arabes du Soudan ont solidement appuyé l'élection du président du Soudan, Omar al-Bashir, à la tête de l'Union africaine. Heureusement, les autres pays d'Afrique ont rejeté ce résultat scandaleux.

La conférence de Davos, qui a réuni le mois dernier des gens qui se présentent comme des dirigeants mondiaux, a traité de l'Afrique, mais il n'y a pas eu un mot sur le Darfour. Le président Bush n'a pas inscrit le Darfour sur sa liste courte des problèmes mondiaux qui exigent une action urgente. Le président Hu Jintao a passé deux jours à Khartoum la semaine dernière. La situation du Darfour figurait-elle en bonne place dans la liste des sujets à aborder pendant sa visite? Comme la Chine est un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, le président Bashir a menacé de lancer une guerre sainte contre tout pays ou quiconque prendrait des mesures énergiques pour protéger la vie des habitants du Darfour. Il a reçu l'appui de présumés porte-parole d'Al-Qaïda, qui promettent de commanditer des actes terroristes dans les pays qui se décideraient à agir.

Les habitants du Darfour sont des musulmans, tout comme les autorités soudanaises et leur milice arabe, les Janjawids. Il est tellement facile pour la communauté mondiale de se dire que ce sont des musulmans qui s'entretuent; pourquoi intervenir? Bien sûr, ils pourraient venir semer la terreur chez nous.

Il semblerait que les Janjawids commencent à attaquer les habitants du Darfour dans les camps du Tchad et de la République centrafricaine. Si un massacre débutait dans ces pays, resterions-nous là sans rien faire parce que la menace du terrorisme nous intimide? Je voudrais connaître la réponse, mais j'ai des doutes.

Nos collègues, les sénateurs Dallaire et Jaffer, ainsi que l'ambassadeur Robert Fowler, ont été membres de l'équipe de trois personnes que le gouvernement Martin a envoyée en délégation pour analyser la situation, essayer de la comprendre et engager avec le Soudan un dialogue rationnel. Madame le sénateur Jaffer a également été l'envoyée spéciale du premier ministre Chrétien. Les membres de l'équipe sont des chefs de file de l'opinion canadienne en ce qui concerne le Darfour. J'espère que, à l'avenir, les Canadiens les écouteront.

Je suis heureux de signaler que le sénateur Dallaire a été invité à comparaître hier devant une commission du Congrès américain. Je suis persuadé qu'il a justifié de façon convaincante une action de l'ONU au Darfour.

Honorables sénateurs, j'en reviens à dire que la situation est profondément exaspérante. L'incapacité de la communauté mondiale de réagir au comportement atroce du Soudan et de ses milices au Darfour amène nombre d'entre nous à trouver pathétique l'évolution du système mondial.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

(1750)

LE MONUMENT COMMÉMORATIF DU CANADA À VIMY

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur la dernière phase du projet de restauration du Monument commémoratif du Canada à Vimy, entrepris en 2001 dans le cadre du Programme canadien de restauration des monuments commémoratifs des champs de bataille.—(L'honorable sénateur Banks)

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, j'interviens brièvement au sujet de l'interpellation du sénateur Dallaire attirant l'attention du Sénat sur la dernière phase de la restauration du Monument commémoratif du Canada à Vimy. Ce projet, qui a débuté en 2001 sous les auspices du Projet de restauration des monuments commémoratifs canadiens des champs de bataille, tire à sa fin. Une cérémonie de réinauguration officielle devrait avoir lieu en avril prochain.

Demain, le mercredi 7 février, des fonctionnaires du ministère des Anciens Combattants et des représentants de la Fondation canadienne des champs de bataille ainsi que de la Commonwealth War Graves Commission témoigneront devant le Sous-comité des anciens combattants et décriront l'état d'avancement du projet et les plans détaillés de réinauguration du Monument commémoratif du Canada à Vimy, une fois restauré.

J'ai l'intention de fournir aux honorables sénateurs un compte rendu détaillé de cette réunion.

[Français]

Honorables sénateurs, il me fera plaisir de partager avec vous les détails de la cérémonie qui nous seront communiqués demain, mercredi, lors de la réunion du Sous-comité des anciens combattants. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Meighen, le débat est ajourné.)

LES TRAVAUX DU SÉNAT

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, étant donné qu'il sera bientôt 18 heures et qu'il reste très peu de points au Feuilleton, vous plaît-il de ne pas tenir compte de l'heure?

Des voix : D'accord.

LE PROTOCOLE DE KYOTO

LA POSITION DU GOUVERNEMENT—INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell, attirant l'attention du Sénat sur l'intention avouée du gouvernement du Canada d'affaiblir le Protocole de Kyoto et d'éliminer 15 programmes sur le changement climatique, dont le Défi d'une tonne et le programme ÉnerGuide.—(L'honorable sénateur Fraser)

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, étant donné l'importance cruciale de cette interpellation portant sur l'environnement et sur nos obligations selon le Protocole de Kyoto, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 7 février 2007, à 13 h 30.)


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