Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 39e Législature,
Volume 144, Numéro 69

Le jeudi 12 juin 2008
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 12 juin 2008

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Mme Ann Dufour

Hommages à l'occasion du départ à la retraite de la directrice des ressources humaines

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, je vous demande de bien vouloir vous joindre à moi pour féliciter Mme Ann Dufour à l'occasion de son départ prochain à la retraite. Ann quittera son poste de directrice des ressources humaines en juillet. Son impressionnante carrière au sein de la fonction publique aura duré plus de 35 ans. Au cours des cinq dernières années, elle a apporté une contribution déterminante au Sénat.

Grâce à son leadership, à sa vision et à son dévouement, elle a facilité la modernisation du cadre de gestion des ressources humaines. Parmi ses réalisations les plus remarquables, notons le projet de conversion de la classification, qui a donné lieu à l'instauration d'une norme unique de classification; l'actualisation des politiques et des pratiques de l'Administration du Sénat en matière de ressources humaines; sa participation active à la conception et à l'application de l'Énoncé de valeurs et d'éthique de l'Administration du Sénat et de son Guide de mise en œuvre; la négociation fructueuse de conventions collectives avec trois agents négociateurs distincts; la création du Comité consultatif sur la diversité et l'accessibilité; et la direction d'ateliers sur la Colline visant à inciter la Commission de la fonction publique à accroître l'admissibilité de nos employés aux emplois offerts dans la fonction publique fédérale. Le nouvel article 35.3 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique autorise le personnel parlementaire à participer à tous les processus de nomination annoncés qui sont ouverts aux employés de la fonction publique.

[Français]

Au nom des membres du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, je tiens à exprimer toute notre reconnaissance pour les bons conseils et le soutien qu'Ann nous a dispensés au cours des années. Sa contribution à notre travail nous a été indispensable.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour remercier chaleureusement un distingué membre de notre personnel de direction. Nous nous souviendrons longtemps de son dévouement et de ses services exceptionnels.

Au nom des sénateurs, je lui souhaite, à elle et à son mari, Paul, une retraite bien méritée.

Des voix : Bravo!

L'honorable Joan Cook : Honorables sénateurs, je veux moi aussi exprimer ma sincère gratitude à la directrice des ressources humaines, Ann Dufour, pour ses nombreuses années de loyaux services.

Sous la direction du greffier du Sénat et du greffier des Parlements, M. Paul Bélisle, Ann s'est accomplie dans ses fonctions en menant à bien plusieurs initiatives importantes. Sa contribution remarquable va continuer d'aider le Sénat à relever les défis futurs en matière de ressources humaines. Grâce à sa vision, nous sommes prêts à faire face aux changements démographiques et à la concurrence accrue quand il s'agit de recruter et de garder les personnes les meilleures et les plus compétentes.

Il va sans dire que la retraite de Mme Dufour va laisser un vide au sein de notre belle institution et qu'il ne sera pas facile de trouver un remplaçant.

Ann Dufour mérite notre plus grande estime et elle nous manquera beaucoup. Au nom de tous les sénateurs, je lui souhaite de profiter pleinement d'une belle retraite. J'espère que la reconnaissance dont elle fait l'objet aujourd'hui lui rappellera à quel point nous avons apprécié son engagement et son dévouement. Merci Ann.

[Français]

Mme Louise Arbour, C.M.

Hommage

L'honorable Marcel Prud'homme : Honorables sénateurs, le Canada oublie malheureusement trop souvent, sinon très souvent, d'honorer ce que mon noble père appelait les « grands serviteurs de l'État ». Je me joins aux applaudissements visant à honorer un grand serviteur de l'État.

Aujourd'hui, j'ai choisi de vous parler d'une personne que j'aurais souhaité honorer en un jour plus solennel. Louise Arbour est née à Montréal, le 10 février. Cette date est très importante pour moi puisqu'elle représente la journée où j'ai été élu pour la première fois.

[Traduction]

Mme Arbour a été stagiaire en droit auprès de juge Louis-Philippe Pigeon, de la Cour suprême du Canada. Elle a été admise aux Barreaux du Québec et de l'Ontario, et elle a été nommée Compagnon de l'Ordre du Canada en 2007 pour sa contribution au système juridique canadien et pour ses efforts de promotion des droits de la personne dans le monde entier.

(1340)

Permettez-moi de citer les bons mots du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, lorsque Mme Arbour a démissionné de son poste de Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme :

C'est avec grand regret que j'ai appris la décision de Louise Arbour de ne pas briguer un deuxième mandat en qualité de Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, fonctions qu'elle a remplies pendant quatre ans avec un immense dévouement. J'ai été très impressionné par le courage exceptionnel, l'énergie et l'intégrité qu'elle a démontrés en défendant avec force les droits de l'homme, qui sont l'un des mandats les plus importants de l'ONU. Elle a relevé le défi de cette tâche difficile exactement comme je l'aurais espéré. Louise Arbour n'a jamais hésité à s'exposer aux critiques des États ou d'autres entités, lorsqu'elle jetait la lumière sur les victimes des abus et sur les insuffisances des systèmes juridiques partout dans le monde. Elle a constamment représenté les idéaux les plus élevés des Nations Unies, et les nombreux hommages qui lui sont rendus aujourd'hui à travers le monde sont bien mérités.

L'héritage qu'elle laisse aux Nations Unies est celui d'un système des droits de l'homme renforcé et beaucoup plus élargi, qui met davantage l'accent sur la justice et la responsabilisation, qui jouit de mécanismes de protection réformés et adopte une approche plus équilibrée en ce qui concerne la totalité des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.

Au nom des Nations Unies et à titre personnel, je la remercie pour ses services exceptionnels et lui souhaite le meilleur dans les tâches qu'elle accomplira à l'avenir.

[Français]

Pour conclure, pour le plus grand bien de l'humanité et très certainement pour celui du Canada, laissez-moi vous assurer que nous n'avons pas fini d'entendre parler de cette grande dame.

[Traduction]

Des voix : Bravo!

La présentation d'excuses aux anciens élèves des pensionnats autochtones

L'honorable Charlie Watt : Votre Honneur, permettez-moi de dire quelques mots en inuktitut.

[Note de la rédaction : Le sénateur Watt s'exprime en inuktitut.]

Honorables sénateurs, hier, tous les partis ont présenté des excuses pour les séquelles laissées par le système des pensionnats indiens. Je vous en remercie, honorables sénateurs. Je remercie du fond du cœur les sénateurs et les députés de toutes les allégeances politiques.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Watt : Comme vous le savez, cette initiative visait à assimiler les premiers habitants et à les dépouiller de leur identité autochtone en détruisant leur culture, leur langue, leur patrimoine et en pillant leurs ressources et leurs terres.

En termes concrets, nous ne savons pas ce que ces excuses signifieront pour l'avenir. Elles pourraient être le début de nouvelles relations positives entre le Canada et les premiers habitants de ce grand pays, à la condition que nos représentants au Parlement soient disposés à respecter la primauté du droit.

Honorables sénateurs, je considère ces excuses comme un deuxième pas fait à la suite des négociations qui ont abouti aux modifications de 1982 à la Constitution du Canada. J'avais pris part aux négociations à l'époque. Cet amendement a permis l'ajout de l'article 35, qui reconnaît et protège les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones.

(1345)

Si le Canada tient vraiment à de nouvelles relations de nation à nation avec les premiers habitants, il devrait alors signer la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le Canada devrait rétablir les droits existants des Autochtones au vrai sens de la Constitution du Canada et, encore une fois, respecter la primauté du droit. Le Canada devrait s'attaquer sérieusement aux difficiles problèmes des collectivités autochtones dans les secteurs de l'eau potable, du logement, de l'éducation et de la santé, pour ne nommer que ceux-là.

Honorables sénateurs, nous devons faire attention et reconnaître que les excuses concernent le passé et que le risque d'assimilation demeure. En fait, selon une politique actuelle, le gouvernement négocie les traités en utilisant une « disposition de non-assertion » conçue pour forcer la reddition des droits autochtones existants, ce dont nous avons tous été témoins de temps à autre. Une telle disposition équivaut aux précédentes tentatives d'assimilation. Il faut changer cela si nous voulons progresser.

Il reste encore du travail à accomplir pour que les droits autochtones, tels qu'ils sont établis dans la Constitution du Canada, soient reconnus, respectés et promus.

[Note de la rédaction : Le sénateur Watt s'exprime en inuktitut.]

[Français]

L'Association médicale des personnes de race noire du Québec

Le gala de remise de bourses

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, le 15 mai dernier, j'ai eu le privilège d'assister à la remise des bourses de l'Association médicale des personnes de race noire du Québec.

J'adresse mes félicitations à cette association, qui aide des jeunes Noirs des niveaux collégial et universitaire à poursuivre des études supérieures ou à mener à bien leurs recherches.

[Traduction]

L'âme dirigeante derrière tout cela est le Dr Elrie Tucker, le premier Noir à avoir fait partie du corps professoral de l'école de médecine de l'Université McGill. Il voulait s'assurer que les autres étudiants noirs n'auraient jamais à faire face aux difficultés qu'il avait connues.

Depuis sa création en 1991, cette association a appuyé des centaines de jeunes membres de la communauté noire du Québec. Nombre d'entre eux travaillent maintenant dans le domaine de la médecine et contribuent à la réussite de notre système de soins de santé.

Nous avons aujourd'hui l'occasion de féliciter le Dr Tucker, qui préside toujours l'association, ainsi que son équipe et les nombreuses entreprises qui leur fournissent un appui financier. Dans le domaine scientifique, il ne suffit pas d'avoir du talent et de la motivation. Il faut également de l'aide. Nous sommes très reconnaissants à ces gens et à ces entreprises qui donnent à ces jeunes étudiants prometteurs l'occasion de mettre pleinement à profit leurs capacités.

[Français]

J'ai été ravie d'assister au gala de cette année, au cours duquel 25 futurs médecins et chercheurs ont reçu des bourses. Les lauréats sont les suivants : Akua Awuku Adinkrah, Anna Maria Blanchard, Chidinma Ngadi, Felicia Olton, Lydia Vezina, Maryse Dodard, Rahel Bahru, Safiya Simon, Tessera Eyerusalem, Alicia Wright, Angela Ahenkorah, Claire Stewart, Khaalid Hicks, Mallory Chavannes, Mytsumi Louis-Fortier, Ramona Richards, Sonja Damika Lue, Amanda Grant, Barakat Momoh, Fatihat Momoh, Kouyabe Ignegongba, Marcel Edwards, Peter Quashie, Rosalita Jean Pierre, Sophia Robinson.

Ces jeunes sont notre avenir et nos prochains leaders. Ils sont aussi les ambassadeurs et ambassadrices de toute la communauté noire du Canada. Leur persévérance et leur volonté de réussir constituent la meilleure réponse à toute forme de discrimination.

Je vous prie, honorables sénateurs, de vous joindre à moi pour leur dire bravo et leur souhaiter du succès dans la poursuite de leurs rêves.

[Traduction]

Les excuses aux anciens élèves des pensionnats autochtones

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je voudrais joindre ma voix à celle de mon estimé collègue, le sénateur Watt, pour remercier tous les sénateurs de l'aide qu'ils m'ont accordée au Sénat, pour leur gentillesse et pour leur appui à tout le travail qui a rendu possible la cérémonie d'excuses historiques d'hier.

Ce fut une journée mémorable. Les excuses que le premier ministre a présentées étaient à mon avis sincères et authentiques, tout comme celles des chefs des autres partis. Ce fut une cérémonie très émouvante.

Je voudrais accepter les excuses du premier ministre au nom de ma mère, une survivante des pensionnats indiens — elle n'est plus de ce monde —, et de ses frères et sœurs. Tous les enfants de sa famille ont été envoyés dans des pensionnats indiens. Ils ne nous ont jamais parlé de leur expérience parce que je crois qu'ils ne voulaient pas nous faire de peine ou encore parce que l'expérience a été tellement terrible qu'ils étaient incapables d'en parler. Néanmoins, je crois que nous allons de l'avant dans l'histoire du Canada.

(1350)

J'accepte les excuses offertes, et je m'attends pleinement à ce que tous les Canadiens, qu'ils soient Autochtones ou non, conviennent que ce n'est qu'un premier pas et que les mots prononcés se traduiront en des gestes concrets, comme l'a décrit mon estimé collègue, le sénateur Watt. Un de ces gestes serait la signature de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Au Sénat, le projet de loi C-292 est inscrit au Feuilleton depuis le 6 mai. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par l'ancien premier ministre Paul Martin. Il ne fait peut-être pas le poids en tant que projet de loi d'initiative parlementaire, mais nous sommes maintenant à l'étape de la troisième lecture. J'aimerais voter en faveur de ce projet de loi. J'exhorte tous les sénateurs à l'adopter. Même s'il est possible que cette mesure ne donne pas de résultats concrets, il offre une possibilité. Je m'attends pleinement à ce que nous finissions par y donner suite. C'est l'attente que j'entretiens.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à la tribune d'un groupe d'élèves de l'école Pointe-des-Chênes de Saint-Anne, au Manitoba. Ils sont accompagnés de leurs enseignants, Mme Jocelyne Huppé et M. Raymond Touraine. Ils sont les invités de l'honorable sénateur Chaput.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

L'étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts

Dépôt du rapport intérimaire du Comité de l'agriculture et des forêts

L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le huitième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, intitulé Des coûts croissants pour les agriculteurs canadiens.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Fairbairn, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi sur les juges

Projet de loi modificatif—Rapport du comité

L'honorable Joan Fraser, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 12 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-31, Loi modifiant la Loi sur les juges, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 14 mai 2008, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
JOAN FRASER

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Rapport du comité

L'honorable Joan Fraser, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 12 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

QUATORZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants), a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 13 mars 2008, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec l'amendement suivant :

Article 1, page 1 : Remplacer la ligne 5 par ce qui suit :

« abrogé et remplacé par ce qui suit :

43. (1) Tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer une force raisonnable mais non un châtiment corporel contre un enfant confié à ses soins, aux seules fins suivantes :

a) empêcher qu'un préjudice soit causé à l'enfant ou à une autre personne, ou en réduire l'ampleur;

b) prévenir un comportement de nature criminelle chez l'enfant ou l'empêcher de poursuivre dans cette voie;

c) prévenir une conduite excessivement dérangeante ou offensante chez l'enfant ou l'empêcher de poursuivre dans cette voie.

(2) Pour l'application du paragraphe (1), « force raisonnable » s'entend de l'usage d'une force qui est transitoire et minime dans les circonstances. ».

Respectueusement soumis,

La présidente,
JOAN FRASER

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Fraser, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi d'exécution du budget de 2008

Rapport du comité

L'honorable Joseph A. Day, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le jeudi 12 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

DIX-SEPTIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-50, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 26 février 2008 et édictant des dispositions des dispositions visant à maintenir le plan financier établi dans ce budget, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 10 juin 2008, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement. Votre Comité joint à ce rapport certaines observations relatives au projet de loi.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOSEPH A. DAY

OBSERVATIONS ANNEXÉES AU DIX-SEPTIÈME RAPPORT DU COMITÉ SÉNATORIAL
PERMANENT DES FINANCES NATIONALES
(PROJET DE LOI C-50)

Postes non budgétaires dans les projets de loi budgétaires

La majorité des membres du Comité s'oppose fermement à la pratique qui consiste à inclure, dans les projets de loi d'exécution du budget, des mesures législatives n'ayant aucun lien direct avec des questions budgétaires. Cette pratique tend à dissuader les parlementaires de procéder à un examen sérieux des mesures non budgétaires, par crainte de retarder l'examen des postes budgétaires plus pressants. Dans le projet de loi actuel, le gouvernement a inclus un grand nombre de modifications à des lois du Parlement qui n'ont rien à voir avec la gestion financière ou les politiques économiques. La majorité des membres du Comité fait remarquer, en particulier, que les principales modifications à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés devraient faire l'objet d'un projet de loi distinct, qui devrait également servir à régler l'arriéré des demandes, qui approche maintenant le million.

Bourses d'études

À l'instar de certains témoins, la majorité des membres du Comité est d'avis que seule la question de l'aide financière qu'apporte la Fondation des bourses d'études du millénaire, appelée à se dissoudre, était visée par les mesures annoncées dans le budget. Le gouvernement devrait prendre les mesures nécessaires pour éviter la disparition des bourses au mérite, pour que se poursuivent les importants travaux de recherche financés par la Fondation et pour qu'un ministère ou une autre entité en assure la continuité.

Fonds de l'assurance-emploi

La majorité des membres du Comité est d'accord avec les nombreux témoins, dont l'Institut canadien des actuaires, qui estiment que le fonds de l'assurance-emploi, actuellement de 2 milliards de dollars, est nettement insuffisant. Il faudrait une réserve beaucoup plus généreuse, de l'ordre de 12 à 15 milliards de dollars, pour que l'Office de financement soit en mesure d'éviter toute fluctuation dramatique des taux de cotisation et pour parer à toute hausse subite des prestations en cas de ralentissement économique.

Immigration

La majorité des membres du Comité partage l'opinion des nombreux témoins qui considèrent les changements proposés à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés comme un élargissement inutile et excessif du pouvoir discrétionnaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en ce qui concerne les demandes déposées après le 27 février 2008. Grâce à ce pouvoir considérable, le ministre pourrait appliquer des pratiques de sélection discriminatoires et abusives. La majorité des membres du Comité ne croit pas que le gouvernement ait besoin de pouvoirs pour donner des « instructions » en vertu de la Loi sans préavis et sans consultations, avec pour seule obligation de publier ces instructions après coup. En outre, les pouvoirs discrétionnaires excessifs qu'accorderait le projet de loi pourraient avoir l'effet inverse que prévu, si des candidats à l'immigration décidaient de ne pas faire de demandes de peur d'être traités injustement. Certains témoins ont fait remarquer que le ministre était déjà investi des pouvoirs nécessaires pour atteindre les objectifs énoncés du gouvernement, et ont avancé que soit les modifications législatives visaient à atteindre un objectif stratégique que le gouvernement n'aurait pas révélé, soit qu'elles étaient redondantes. Enfin, la majorité des membres du Comité craint que le ministre se serve de son pouvoir de prioriser certaines demandes au détriment des catégories non économiques, comme les catégories du regroupement familial et les demandes reposant sur des motifs d'ordre humanitaire.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous ce projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Day, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1355)

L'étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles

Dépôt du rapport du Comité des langues officielles

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, intitulé Le bilinguisme du personnel d'Air Canada : Un défi à relever, des actions à privilégier.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Chaput, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Dépôt du rapport du Comité des langues officielles

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, intitulé Rapport d'étape : Étude sur la mise en œuvre de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Chaput, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Les excuses officielles aux anciens élèves des pensionnats autochtones—Autorisation de photographier et de diffuser les délibérations du comité plénier

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)j) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat se formera en comité plénier cet après-midi, conformément à l'ordre adopté hier, pour entendre des témoins des Premières nations au sujet de la déclaration d'excuses du gouvernement aux anciens élèves des pensionnats indiens, il entende également Patrick Brazeau, Chef national du Congrès des peuples autochtones, en plus des témoins approuvés hier;

Que les caméras de télévision soient autorisées dans la salle du Sénat afin de permettre la diffusion des délibérations du comité plénier qui aura lieu aujourd'hui, d'une manière qui perturbe le moins possible ses travaux; que des photographes soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier les témoins, d'une manière qui perturbe le moins possible ses travaux;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard à 17 heures.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1400)

Les travaux du Sénat

Autorisation aux Comités de la Sécurité nationale et de la défense et des droits de la personne de siéger en même que temps que le Sénat

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)j) du Règlement, je propose :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soient autorisés à siéger le lundi 16 juin 2008, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

[Traduction]

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, si vous me le permettez, j'aimerais intervenir brièvement.

Son Honneur le Président : Le sénateur intervient-il au sujet de la motion?

Le sénateur Stratton : Oui.

Son Honneur le Président : Nous débattons présentement la motion.

Le sénateur Stratton : Honorables sénateurs, si j'ai bien compris, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense et le Comité sénatorial permanent des droits de la personne lèvent généralement la séance respectivement à 19 heures et à 20 heures. Je demanderais aux comités de s'y tenir.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, le sénateur Stratton a donné une information inexacte en disant que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense lève ordinairement ou normalement la séance à 19 heures. Il ne lève pas la séance à 19 heures et je ne me rappelle d'aucune séance qui se soit terminée à cette heure.

Toutefois, le sénateur Tkachuk, qui agit à titre de vice-président du comité et moi — parce que j'envisageais de proposer une motion à cet effet — avons convenu, avant la séance d'aujourd'hui, que le comité lèverait la séance à 19 heures, le lundi 16 juin. À cet égard et dans ce contexte, je donne raison au sénateur.

Le sénateur Stratton : Honorables sénateurs, je ne veux pas ergoter, ce n'est pas l'objet visé. La question, c'est qu'il y a un horaire fixe pour les séances des comités et j'estime que nous devons le respecter parce que certains comités ont tendance à dépasser les heures prévues. Comme les sénateurs le savent, nous ne sommes pas suffisamment nombreux de ce côté-ci.

Des voix : C'est honteux!

Le sénateur Cowan : C'est votre problème, pas le nôtre!

Des voix : C'est honteux!

Le sénateur Cowan : Adressez-vous à la personne à l'autre bout du couloir.

Le sénateur Segal : N'y a-t-il aucune sympathie là-bas?

Le sénateur Stratton : Avez-vous fini, les enfants? Je veux terminer mon intervention.

En bref, je demande simplement aux sénateurs de reconnaître que, compte tenu de notre effectif, nous nous acquittons de notre tâche du mieux que nous pouvons. Je sais que les sénateurs en tiendront compte et je les en remercie.

(1405)

Le sénateur Banks : Honorables sénateurs, le fait est que, normalement, aucun comité du Sénat ne commence à siéger après 19 heures les lundis soir. C'est la pratique du comité, depuis sa création, et je le dis en toute connaissance de cause, car j'en suis un des membres originaux, de poursuivre ses travaux jusqu'à ce qu'il ait terminé, et c'est ce que fera le comité.

Cependant, conformément à l'entente à laquelle le sénateur Tkachuk et moi sommes arrivés avant la séance d'aujourd'hui, et pour les raisons précises convenues, le comité s'ajournera à 19 heures le lundi 16 juin.

L'honorable David Tkachuk : C'est la pratique, honorables sénateurs, quand les deux côtés s'entendent.

Les gens doivent organiser leur vie; c'est pourquoi nous avons des horaires et c'est pourquoi la direction du comité rencontre les deux whips pour organiser l'horaire du comité. Cependant, en tant que vice-président du comité, je peux affirmer que le président ne consulte jamais personne au sujet de l'heure à laquelle une séance prendra fin ou au sujet de l'ordre du jour.

Il nous est donc impossible d'organiser notre horaire. Il m'arrive souvent, à 19 heures, de repousser l'ajournement à 20 heures. J'ai rappelé au président que l'heure de l'ajournement est fixée d'avance, mais il n'y prête aucune attention. Il nous est impossible de prévoir assister à d'autres réunions à 20 heures ou 20 h 30, ou encore de mener des activités personnelles.

Il est normal pour un comité d'ajourner à une heure donnée. Le sénateur Banks et moi n'avons eu aucun mal à régler cette question et à fixer une heure précise.

Je vous en suis reconnaissant, sénateur Banks.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je ne peux écouter tout cela sans rien dire. Le sénateur exige qu'on fixe une heure précise, même si le comité n'a jamais ajourné à 19 heures; il est donc assez évident que nous n'arrêterons pas à 19 heures. La séance commence à 16 heures pile, mais malgré cela il n'arrive à peu près jamais à organiser son horaire afin d'être là à l'heure, parce qu'il doit s'acquitter d'une autre tâche que lui a imposée son parti. Je n'accepte donc pas l'argument selon lequel il est incapable d'organiser son horaire si l'heure de l'ajournement n'est pas fixée d'avance.

Si on pousse l'argument du sénateur Stratton à sa conclusion logique, et puisque le premier ministre ne nomme toujours pas de conservateurs au Sénat, nous pourrions nous retrouver dans une situation où les conservateurs n'auraient presque personne pour siéger à des comités et où les comités ne pourraient plus tenir de séances. Au lieu de discuter avec nous en vue de modifier les heures de séance de notre comité, le sénateur devrait discuter avec son premier ministre afin qu'il s'acquitte des obligations que lui impose la Constitution et qu'il nomme des sénateurs conservateurs et libéraux, comme il devrait le faire.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Corbin : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

La Loi sur l'assurance-emploi

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Sharon Carstairs présente le projet de loi S-239, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (affectation à l'étranger).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)

(1410)

La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999)

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Tommy Banks présente le projet de loi S-240, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Banks, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Avis de motion tendant à autoriser le comité à siéger pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, en conformité avec l'article 95(3)a) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à se réunir du 10 au 14 août 2008, inclusivement, à St. John's (Terre-Neuve) et Halifax (Nouvelle-Écosse), aux fins de son étude des villes, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires indiennes et le Nord canadien

Le Manitoba—Le George M. Guimond Personal Care Centre—L'état des travaux de modernisation

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, dans le cadre de ses déplacements, le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement s'est rendu en 24 heures, dans deux foyers de soins au Manitoba. Au Foyer Youville, nous avons vu un bel établissement qui permet une transition claire entre installations pour les personnes autonomes, installations pour celles qui ont besoin d'assistance, actuellement en construction, et installations pour les soins prolongés où on répond aux besoins multiples des patients dans des cadres de vie divers, avec des dispositions ultramodernes en matière de sécurité pour les personnes atteintes de démence grave.

Le lendemain matin, nous avons visité le George M. Guimond Personal Care Centre, de la Première nation Sagkeeng. Sur le plan des installations matérielles, le contraste était frappant. Tout blanc et tout noir. Dans un cas, les locaux étaient fort bien meublés, dans l'autre, le mobilier était de qualité médiocre et avait besoin de réparations. Un centre est accrédité et l'autre pas. Je rassure le ministre : les soins dispensés aux patients étaient de première qualité aux deux endroits.

Le George M. Guimond Personal Care Centre a des plans de modernisation depuis 2003. Pourtant, le gouvernement du Canada n'a toujours pas dit quand les travaux auront lieu. Un grand nombre des clients du centre sont des personnes qui ont survécu à l'expérience des pensionnats.

Hier, nous avons entendu des excuses publiques sincères, mais il faut maintenant agir.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Carstairs : Madame le leader du gouvernement au Sénat et secrétaire d'État aux Aînés va-t-elle exercer un leadership et faire en sorte que s'effectuent au George M. Guimond Personal Care Centre les travaux de modernisation dont cet établissement a tellement besoin?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je suis de près les travaux du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Il ne fait pas de doute qu'il y a de nombreux établissements semblables à celui que madame le sénateur a décrit. J'en ai visité moi-même un grand nombre. Il est certain qu'il y a de grandes disparités non dans la qualité des services dispensés, mais dans les conditions de vie des patients.

(1415)

Quant à l'établissement dont madame le sénateur a parlé, elle a signalé qu'une demande avait été faite en 2003. Je vais vérifier où en est cette demande. Comme elle l'a signalé, nous avons vécu hier une journée historique, et je crois que la majeure partie du travail que nous faisons tous pour réparer de nombreux torts a été rendue beaucoup plus facile — non pas facile, mais beaucoup plus facile. Il y a encore beaucoup de travail à faire. C'était hier une nouvelle occasion d'insuffler un regain d'espoir et d'optimisme dans le travail que nous accomplissons avec les ministres, les dirigeants autochtones et les gouvernements provinciaux en vue de répondre à de nombreux besoins urgents.

Les établissements de soins des Autochtones—La rémunération du personnel

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables Sénateurs, dans nos déplacements au Canada, nous avons aussi pris note d'une pénurie de personnel partout : pas assez de personnel infirmier, pas assez de personnel infirmier auxiliaire, pas assez d'aides. Toutes les provinces sont touchées par cette pénurie.

Madame le ministre peut-elle expliquer comment les Premières nations pourront garder leur personnel, étant donné que les budgets qu'elles reçoivent pour payer leur personnel sont nettement inférieurs à ceux des collectivités voisines? En effet, les infirmières et les infirmiers de Sagkeeng gagnent 5 000 $ de moins que ceux de l'hôpital de l'autre bout de la rue.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Madame le sénateur a soulevé un problème grave. Les pénuries de personnel sont très marquées. Toutes les administrations sont logées à la même enseigne. Il y a des pénuries partout.

Pour ce qui est des infirmières et infirmiers auxiliaires autochtones et de leur rémunération, comme le sénateur le sait, les autres établissements dans les provinces sont dirigés et administrés par les provinces, à la différence des installations autochtones. Il est évident que des montants considérables sont transférés aux provinces pour des établissements comme les hôpitaux. La question est excellente, elle est valable, et je vais en prendre note.

Les soins dentaires des Autochtones

L'honorable Sharon Carstairs : Madame le ministre peut-elle expliquer pourquoi le gouvernement du Canada, en dépit du fait que ce service non assuré est offert aux Autochtones, ne paie que 85 p. 100 et non la totalité des frais de soins dentaires? La conséquence est que les dentistes refusent de voir certains de ces patients. Pourquoi les dentistes se contenteraient-ils de 85 p. 100 de leurs honoraires alors qu'ils peuvent consacrer leur temps à des patients qui paient la totalité des frais?

Pourquoi n'y a-t-il pas possibilité d'approuver au préalable les travaux dentaires? Si un patient autochtone doit faire dévitaliser une dent, le dentiste lui dit : « Vous devez retourner chez vous et revenir ici dans quelques semaines, parce que nous n'avons pas l'approbation préalable de ce service. » Je peux obtenir cette approbation préalable à l'ordinateur du dentiste, dans son bureau, à Ottawa. Pourquoi cela n'est-il pas possible pour les patients autochtones?

Des voix : Bravo!

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, tous ces points sont excellents et valables.

Il y a beaucoup à faire. Le gouvernement et le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien travaillent très fort avec les dirigeants autochtones afin de s'attaquer à certains de ces problèmes.

Un message important de la cérémonie historique d'hier est que les problèmes sont nombreux, mais que nous pouvons désormais nous y attaquer. Il y a un problème d'accès. Nous devons aborder l'avenir et nous attaquer au problème de l'accès aux soins dentaires. Il y a une certaine confusion en ce qui concerne la disponibilité des services dans les collectivités autochtones. Ces problèmes ne sont pas faciles à résoudre et nous causent beaucoup de soucis. Nous collaborons très étroitement avec les dirigeants autochtones. Je crois que nous avons fait des progrès importants.

(1420)

Nous avons eu deux ministres des Affaires indiennes et du Nord canadien dont l'action a été applaudie par le chef Fontaine et les dirigeants autochtones. Ils ont travaillé dans l'intérêt de la communauté autochtone, de concert avec le gouvernement et le premier ministre. Nous continuerons à l'avenir à nous fonder sur le nouvel esprit d'espoir et d'optimisme qui s'est manifesté si clairement hier pour travailler ensemble à résoudre ces problèmes. Cessons de lancer des remarques désobligeantes et de blâmer des gens. Essayons plutôt de résoudre les problèmes et d'offrir à nos concitoyens autochtones et, en particulier, à nos aînés autochtones les soins qu'ils méritent.

Les pêches et les océans

Le transfert de quotas de flétan noir

L'honorable Willie Adams : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle n'a rien à voir avec les événements d'hier. Elle porte sur les pêches au Nunavut.

Les membres du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans viennent de rentrer du voyage qu'ils ont effectué la semaine dernière au Nunavut. Au cours de notre visite, nous avons appris que la pêche dans ce territoire suscite des préoccupations. Lors de la mise en œuvre de l'accord de règlement des revendications territoriales, le Nunavut n'avait qu'un quota de 27 p. 100 pour la pêche au flétan noir dans les secteurs 0A et 0B. Cette année, cependant, le MPO transfère 1 900 tonnes de flétan noir à des non- Inuits du Sud du Canada.

Des organisations de pêcheurs et le gouvernement du Nunavut ont écrit au ministre pour lui faire part de leur inquiétude au sujet du quota de 1 900 tonnes. J'ai moi-même reçu des lettres de ces organisations et du gouvernement du Nunavut. Nous n'en avons cependant pas reçu du ministre des Pêches.

J'ai cru comprendre que le ministre n'a parfois aucun contrôle sur les quotas privés. Nous en avons beaucoup entendu parler ces dernières années. Le ministre des Pêches a décidé que le quota de 1 900 tonnes de flétan noir devait être retiré au secteur des pêches au Nunavut.

Les secteurs 0A et 0B ont fait l'objet d'une étude au cours des dernières années. Nous avons entendu des témoins. Les Inuits veulent faire la pêche comme les gens du Sud. Nous aimerions qu'ils disposent de plus grands quotas et nous espérons que les 1 900 tonnes de flétan noir pourront bientôt être restituées aux pêches du Nunavut.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Je savais que son comité s'était rendu dans le Nord, mais je ne savais pas que 1 900 tonnes de flétan noir avaient été transférées à des intérêts du Sud.

Je vais certainement me renseigner auprès du ministre des Pêches et des Océans.

(1425)

Comme vous le savez, le gouvernement a fait de grands progrès en faveur de nos citoyens du Nord. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a collaboré directement avec les responsables des différents gouvernements du Nord.

En ce qui concerne la question précise du sénateur, je suis surprise de ses observations parce que je croyais que les pêches inuites avaient eu du succès récemment.

Je remercie le sénateur d'avoir attiré mon attention sur cette question. Aussitôt que la période des questions sera terminée, je prendrai contact avec le ministre des Pêches et des Océans pour demander des explications.

Les affaires indiennes et le Nord canadien

Les ports pour petites embarcations

L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat sur le même sujet.

Pendant que nous étions dans l'Arctique la semaine dernière, nous avons découvert qu'on n'y trouve que très peu de ports pour petites embarcations. Ceux d'entre nous qui ont des collectivités de pêcheurs dans leur région ont été frappés par l'absence de tels ports. Le gouvernement a annoncé la construction d'un port à Pangnirtung. Ce sera une bonne chose pour cette collectivité qui fait du bon travail dans le domaine de la pêche. Il y a cependant sept ou huit autres ports complètement dépourvus d'installations, sans brise-lames ni quais. Les pêcheurs locaux ont de vieux bateaux en mauvais état et ne peuvent donc pas exploiter les pêches comme ils le voudraient.

Comme il n'y a actuellement pas de fonds disponibles dans le budget des ports pour petites embarcations, est-ce que madame le ministre peut proposer à son collègue de lancer un programme spécial pour amener les ports de pêche du Nunavut au niveau de ceux du Sud?

Est-ce que madame le ministre appuierait un programme spécial pour cette région?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Je sais que le gouvernement accorde plus d'importance au Nord, qu'il souhaite renforcer les pêches, ouvrir le Nord et permettre à toutes nos collectivités autochtones et aux gens qui y vivent de participer pleinement à notre économie et à la grande famille canadienne.

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a eu des discussions avec les responsables du Nunavut. Toutefois, je ne sais pas s'ils sont allés dans les détails et ont parlé de choses telles que les quais. Ils l'ont peut être fait. Je ne peux pas prendre d'engagement sans savoir ce que le ministre a déjà fait. Nous avons réalisé des progrès, mais je sais qu'il reste encore beaucoup à faire dans le Nord. Je serai heureuse de transmettre la suggestion du sénateur.

Le sénateur Rompkey : J'apprécie la réponse positive de madame le ministre, mais je voudrais lui signaler que, au cours de son entretien avec le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, il serait peut-être utile de se concentrer sur la question particulière des pêches. Les Inuits sont des gens de la mer. Ils ont toujours vécu de la mer. Elle fait partie de leur culture. Il est donc important de s'occuper des ports.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que, en revendiquant la souveraineté dans le Nord, nous nous appuyons d'abord et avant tout sur les gens qui y vivent. Si les Inuits, qui y sont depuis des milliers d'années, ne peuvent pas mener la vie qu'ils veulent, cela affaiblira d'autant la position canadienne.

L'une des choses que nous avons entendues la semaine dernière, c'est que ce sont de fiers Canadiens. Ils veulent vivre pleinement leur vie, mais ils ont besoin des moyens et de l'infrastructure nécessaires pour le faire.

Le sénateur LeBreton : Je serai heureuse de transmettre ces arguments. Nous avons vu clairement, au cours de la cérémonie d'hier, à quel point ces citoyens sont précieux pour le pays. Le sénateur a tout à fait raison de dire qu'ils constituent notre première ligne de défense lorsqu'il s'agit d'établir notre souveraineté. Tout ce qu'a dit le sénateur est parfaitement sensé. Je me ferai un plaisir de faire part de ses préoccupations et suggestions au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

(1430)

Le premier ministre

Les excuses aux anciens élèves des pensionnats autochtones—Les commentaires du député de Nepean—Carleton

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, un événement historique s'est déroulé au Parlement. Voici ce qu'a dit le premier ministre :

[...] le gouvernement du Canada admet aujourd'hui qu'il a eu tort d'arracher les enfants à leur foyer [...] de couper les enfants de leur culture et de leurs traditions riches et vivantes [...] et nous nous excusons d'avoir agi ainsi.

J'ai joint ma voix à celle du premier ministre, et je sais que tous mes collègues ont fait de même. Le sénateur Watt et le sénateur Dyck ont abordé le sujet aujourd'hui.

Or, hier, jour historique par surcroît, le député conservateur de Nepean—Carleton, Pierre Poilievre, a fait une déclaration sur les ondes de la station de radio CFRA, ici, à Ottawa, quelques heures à peine avant les excuses officielles. La station est d'ailleurs revenue à la raison et s'est excusée auprès des Autochtones du Canada.

Je vais répéter ce que le député a dit, honorables sénateurs. J'ai écouté ses propos plusieurs fois avec un mélange de colère, de tristesse et de stupéfaction. Voici ce qu'a dit le député de Nepean—Carleton :

Voilà le nœud du problème dans les réserves : les chefs ont trop de pouvoirs. Il y a de quoi se demander où va tout cet argent.

Je le répète, ce sont les paroles de M. Poilievre, pas les miennes :

Nous dépensons 10 milliards de dollars [...] cette année seulement [...] ce montant exceptionnel s'ajoute aux recettes tirées de l'exploitation des ressources qui sont versées aux réserves dont le territoire contient des gisements pétroliers, des mines d'uranium et d'autres ressources et à qui les entreprises versent des redevances [...]

Je poursuis la citation, honorables sénateurs :

[...] cela s'ajoute à tout l'argent qu'ils gagnent dans leurs réserves. Ce sont des sommes incroyables.

Je cite encore le député, honorables sénateurs :

Voilà que ces excuses sont accompagnées de 4 milliards de dollars [...]

Vous auriez dû entendre sur quel ton inimitable cela était dit.

Voilà que ces excuses sont accompagnées de 4 milliards de dollars pour indemniser ceux qui ont résidé dans les pensionnats pendant toutes ces années.

Je vais m'interrompre un instant. « Résidé », comme s'ils avaient eu le choix. Imaginez le culot de ce jeune homme.

Je vais continuer de citer.

Certains d'entre nous commencent à se demander si nous en avons vraiment pour cette somme considérable d'argent et si des fonds supplémentaires régleront vraiment le problème.

Voici encore une fois le point de vue de M. Poilievre :

À mon avis, nous devons leur faire connaître la valeur du dur labeur, de l'indépendance et de l'autonomie. C'est la solution à long terme. Ce n'est pas en donnant plus d'argent que nous règlerons le problème.

Honorables sénateurs, j'ai honte de l'attitude de M. Poilievre. J'aimerais que le leader du gouvernement au Sénat nous dise si c'est vraiment là l'opinion du gouvernement conservateur. En réalité, le gouvernement voulait-il dire : « Nous sommes désolés, mais nous ne pensons pas un mot de ce que nous disons »? Est-ce vraiment là l'opinion du gouvernement du Canada?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je pense que qu'il était vraiment évident pour nous tous hier, de même que pour tous ceux qui étaient présents à la Chambre des communes, qui suivaient l'événement à la télévision, qui écoutaient les paroles du premier ministre, qui écoutaient les paroles de nos chefs autochtones, que c'était un jour historique. C'en sera également un dans cette enceinte lorsque le Sénat sera réuni en comité plénier et que les chefs autochtones se présenteront devant nous. Je suis impatiente de les accueillir.

Aujourd'hui, à la Chambre des communes, le député de Nepean—Carleton s'est excusé des propos qu'il a tenus. Il a dit que ses commentaires étaient blessants, surtout en ce jour de célébrations. En tant que citoyenne de sa circonscription, je pense vraiment qu'il devait présenter des excuses. Je suis heureuse de dire qu'il s'est excusé, comme il devait le faire.

(1435)

Le sénateur Mercer : Je voudrais rappeler à madame le leader du gouvernement au Sénat — j'apprécie qu'elle ait parlé comme elle l'a fait, même si elle fait partie des électeurs de M. Poilievre — que M. Poilievre est également secrétaire parlementaire et membre du caucus conservateur.

Est-ce que madame le leader compte aller à son bureau, le plus tôt possible, pour appeler le premier ministre et lui demander d'exclure cet homme du caucus du gouvernement? Il a souillé la cérémonie d'hier. Il a embarrassé non seulement le Parti conservateur, mais aussi la Chambre des communes, tout le Parlement du Canada et, disons-le en toute franchise, l'ensemble des Canadiens. Il devrait avoir honte. Le premier ministre devrait le relever de ses fonctions de secrétaire parlementaire et le chasser du caucus conservateur.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, nous vivons en démocratie. Les gens font des erreurs. M. Poilievre s'est excusé. Il y a de nombreux exemples de déclarations déplacées. Sa déclaration l'était certainement. J'étais moi-même furieuse lorsque je l'ai entendue. Il y a cependant de nombreux exemples de situations du même genre. J'ai siégé au Parlement assez longtemps pour être en mesure de citer sans difficulté beaucoup d'autres cas. Toutefois, quand des gens présentent des excuses dans une société libre et démocratique, nous devons avoir suffisamment de grandeur d'âme pour les accepter.

L'environnement

La lutte contre les changements climatiques—La taxe sur le carbone

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, les conservateurs soutiennent avec beaucoup de suffisance qu'ils sont opposés à une taxe sur le carbone. En même temps, ils encaissent allègrement une taxe de 10 cents le litre sur l'essence, qui est assimilable à une taxe sur le carbone d'environ 43 $ la tonne.

Je voudrais demander ceci au leader du gouvernement au Sénat : Est-ce que les déclarations passionnées du gouvernement contre une taxe sur le carbone signifient qu'il a l'intention de supprimer sa propre taxe sur le carbone, ou bien continuera-t-il à l'encaisser et à manifester l'énorme hypocrisie dont témoigne la différence entre ce qu'il dit et ce qu'il fait?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Le sénateur Mitchell propose-t-il de rebaptiser toutes les taxes imposées sur les différents produits vendus? C'est vraiment ridicule.

Honorables sénateurs, la proposition que le chef libéral s'apprête à annoncer porte, à ma connaissance, sur une nouvelle taxe qui s'ajouterait au reste. Nous n'avons pas besoin au Canada de nouvelles taxes à la consommation qui frapperaient directement les contribuables. Nous avons un plan qui cible les grands émetteurs. De plus, le gouvernement a pris des mesures pour alléger le fardeau des consommateurs en réduisant la TPS d'abord de 7 à 6 p. 100, puis de 6 à 5 p. 100. Bien sûr, ces baisses ont également été appliquées à l'essence.

Le sénateur Mitchell : Je suis sûr que madame le leader n'a pas trop pensé au fardeau que la TPS représentait pour de nombreux Canadiens, et notamment pour les aînés et les pauvres, lorsqu'elle a appuyé son introduction par M. Mulroney. Les gens qui ont dû la subir n'ont pas pu profiter d'un revenu compensateur provenant d'une autre source. Le gouvernement n'avait pas alors accordé une baisse d'impôt ou établi un programme pour aider les gens à payer leurs frais de chauffage, par exemple.

La réponse de madame le leader signifie en fait que le gouvernement ne supprimera pas cette taxe. Peut-elle au moins maintenir une certaine forme de cohérence dans ce qu'elle dit en recommandant au premier ministre, à défaut d'éliminer cette taxe sur le carbone, de la compenser en accordant une réduction équivalente de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés?

Le sénateur LeBreton : Tout d'abord, c'est le sénateur Mitchell qui devrait vérifier ses affirmations. Lorsque la TPS a été mise en œuvre, malgré les protestations énergiques du Sénat, elle ne faisait que remplacer l'infâme taxe sur les ventes des fabricants qui nous a fait perdre tant d'emplois.

J'avais bien compris à l'époque que la TPS était une taxe très difficile. Le Sénat en avait discuté longuement. Je n'étais pas encore ici, mais beaucoup de sénateurs avaient essayé d'empêcher son adoption, pour ensuite s'en attribuer le crédit lorsque leur parti a formé le gouvernement. N'oublions pas que ce parti avait promis, pendant la campagne électorale, de supprimer la TPS, mais qu'il ne l'avait pas fait non plus.

(1440)

Comme je le lui ai dit hier, si le sénateur Mitchell veut s'engager dans un débat avec moi sur la TPS et les diverses positions du Parti libéral, je suis d'accord pour l'affronter à tout moment.

Les ressources humaines et le développement social

La Société canadienne d'hypothèques et de logement—Le caractère adéquat des programmes

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Le logement est un enjeu majeur au Canada, surtout pour les Canadiens à faible revenu. La Société canadienne d'hypothèques et de logement a des programmes qui portent sur les réparations de base, les réparations essentielles, mais ils ne sont pas suffisants.

Dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, le Programme d'aide à la remise en état des logements propriétaires-occupants, le PAREL, comme on le désigne souvent, a une liste d'attente de sept ans. Celle du Programme de réparations domiciliaires urgentes est de deux ans. Imaginez qu'on a une chaudière qui fonctionne mal en plein hiver ou un système électrique vétuste au point d'être dangereux et qu'on doive attendre les réparations pendant deux ans.

Pourquoi le gouvernement n'en fait-il pas plus pour aider les Canadiens à faible revenu à faire des réparations dans leur logement?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je présume que madame le sénateur songe au programme de la Société canadienne d'hypothèques et de logement destiné aux aînés? Ou veut-elle parler des programmes qui s'adressent à l'ensemble des Canadiens à faible revenu? Je vais prendre note de sa question.

Pendant que le sénateur Callbeck parlait de cette chaudière à réparer, je n'ai pas pu m'empêcher de me demander comment les aînés se sentiraient s'ils voyaient s'ajouter une taxe énorme à leur facture de mazout domestique.

Le sénateur Callbeck : Ces deux programmes sont distincts des programmes destinés aux aînés.

J'ai une autre question à poser au sujet du logement. Le gouvernement a pris les rênes du pouvoir en février 2006. Or, c'est en avril 2008 qu'a eu lieu la première réunion entre le ministre responsable du logement et ses homologues des provinces et des territoires pour discuter de graves problèmes de logement. Il s'est écoulé plus de deux ans entre la prise du pouvoir et la première réunion. Les programmes dont je viens de parler et sur lesquels madame le leader du gouvernement s'est engagée à me fournir de l'information, le PAREL et le Programme de réparations domiciliaires urgentes, prennent fin le 31 mars 2009. Pourtant, le ministre Solberg a dit qu'il ne rencontrerait pas ses homologues des provinces et des territoires avant août, soit cinq mois après la fin des programmes.

Madame le leader va-t-elle essayer de trouver pourquoi le gouvernement refuse de tenir une réunion fédérale-provinciale- territoriale pour discuter de la question essentielle du logement avant que ces programmes n'arrivent à échéance?

Le sénateur LeBreton : Honorable sénateur, je vais prendre note de la question. Normalement, lorsque le sénateur Callbeck me pose des questions semblables, je peux lire des articles sur le même sujet dans le Guardian de Charlottetown avant d'avoir eu la possibilité d'y répondre.

[Français]

Réponse différée à une question orale

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénateur Carstairs, le 11 juin 2008, concernant les travaux publics et les services gouvernementaux — la démission du conseiller politique Bernard Côté.

Les travaux publics et les services gouvernementaux

La démission du conseiller politique Bernard Côté

(Réponse à la question posée le 11 juin 2008 par l'honorable Sharon Carstairs)

M. Bernard Côté a été embauché selon les règles régissant l'emploi du personnel exonéré au cabinet du ministre.

Les règles comprennent les politiques et lignes directrices du Conseil du Trésor à l'intention des cabinets des ministres. Ces dernières précisent que « toutes les personnes travaillant dans les cabinets des ministres, y compris le personnel exonéré, doivent obtenir une autorisation de sécurité de niveau 2 (secret) avant leur nomination ».

Nous ne pouvons pas fournir de plus amples détails en raison des dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[Traduction]

Le Sénat

Hommage aux pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je voudrais que nous disions adieu aux deux derniers pages qui nous quittent.

[Français]

C'est avec beaucoup d'émotion que je vous annonce que notre première page, Élise Desmarais, nous quitte pour d'autres horizons. Elle termine cet été son baccalauréat spécialisé en études internationales et langues modernes et compte prendre une année sabbatique avant d'entamer sa maîtrise.

[Traduction]

Ce fut un grand honneur pour Élise de pouvoir être au service de notre institution pendant deux ans. Le Sénat lui a beaucoup apporté dans son épanouissement personnel et son perfectionnement professionnel, et elle tient à remercier sincèrement tous les sénateurs et les membres du personnel du Sénat d'avoir rendu son expérience inoubliable et très agréable.

(1445)

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, notre premier page, David Taylor, quittera le Sénat avec de nombreux excellents souvenirs après trois ans passés au service de notre assemblée. David est le premier Albertain à avoir été premier page au Sénat, et il a considéré comme un grand honneur le fait de diriger la merveilleuse équipe formée de ses collègues du programme des pages.

David tient également à exprimer sa profonde gratitude à tous les sénateurs et à tous les membres du personnel du Sénat qui ont contribué à la poursuite de sa formation.

L'an prochain, David terminera ses études en vue d'obtenir un baccalauréat ès arts en éthique et société à l'Université d'Ottawa, après quoi il entend s'inscrire en faculté de droit à Dalhousie ou à McGill. Il se prépare donc à passer son LSAT lundi. Nos vœux l'accompagnent.

Des voix : Bravo!

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-207, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour les nouveaux diplômés travaillant dans les régions désignées).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 27(1) du Règlement, j'avise le Sénat que, lorsque nous procéderons aux « Affaires du gouvernement », le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-30 et, avec la permission, la troisième lecture du projet de loi C-292, suivies de la deuxième lecture du projet de loi C-21, de la deuxième lecture du projet de loi C-33 et de la deuxième lecture du projet de loi S-4, puis des autres points tels qu'ils apparaissent au Feuilleton et Feuilleton des avis.

[Traduction]

Projet de loi sur le Tribunal des revendications particulières

Troisième lecture

L'honorable Gerry St. Germain propose que le projet de loi C-30, Loi constituant le Tribunal des revendications particulières et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour appuyer le projet de loi C-30, Loi sur le Tribunal des revendications particulières. Ce projet de loi est au centre du plan d'action du gouvernement visant à résoudre les problèmes complexes relatifs aux revendications particulières non réglées. Ce plan, que le gouvernement du Canada a commencé à appliquer avec la collaboration de l'Assemblée des Premières Nations, s'appuie sur le rapport que le comité sénatorial a publié il y a environ 18 mois.

Les sénateurs voudront bien se joindre à moi pour saluer le travail acharné de mes collègues au Comité sénatorial des peuples autochtones, leurs efforts concertés et leur analyse précise.

(1450)

On trouve dans le rapport intitulé Négociations ou affrontements : le Canada a un choix à faire un bon éclairage sur les problèmes associés à la mécanique du règlement des revendications particulières. Manifestement, l'Assemblée des Premières Nations et le gouvernement actuel ont trouvé le rapport utile, puisque les quatre recommandations principales qui s'y trouvent figurent dans le plan d'action sur les revendications particulières.

Le projet de loi C-30 prévoit la création d'un organisme indépendant chargé des revendications particulières, ce qui constituait l'une des principales recommandations du rapport. La création de ce tribunal des revendications particulières est dans l'intérêt des Premières nations et de l'ensemble des Canadiens. J'appuie ce projet de loi pour deux raisons. Premièrement, à titre de plan d'action général sur les revendications particulières, le projet de loi tient compte pleinement des leçons que l'on a pu tirer des études et des projets de loi antérieurs. Deuxièmement, le Parlement a joué un rôle de premier plan, comme il le fallait, dans l'élaboration du projet de loi et de la stratégie.

Dans mon intervention d'aujourd'hui, je vais expliciter ces deux raisons en commençant par les leçons qu'on a pu tirer. Au cours des 60 dernières années, on a tenté plusieurs fois, avec les meilleures intentions qui soient, de changer le processus de règlement des revendications particulières, mais on n'est jamais arrivé aux résultats escomptés. Les moyens employés ont grandement varié selon les époques, mais on avait toujours le même objectif, soit de régler des revendications légitimes en toute équité et dans les meilleurs délais.

Les insuffisances du processus actuel ont été décrites dans une longue liste d'études et de rapports. À la lumière des études effectuées au cours des années 1980 et 1990, le gouvernement qui était au pouvoir il y a cinq ans a proposé le projet de loi C-6, Loi sur le règlement des revendications particulières.

Ce projet de loi a été adopté par le Parlement, à l'époque, mais il n'a pas suscité l'adhésion des groupes clés, y compris l'Assemblée des Premières Nations. La loi n'a jamais été promulguée. Bien que des groupes représentant les Premières nations aient participé aux études dont on s'est inspiré pour élaborer le projet de loi C-6, ces groupes n'ont pas participé à la rédaction comme telle du projet de loi, ce qui est l'une des causes de cet échec.

Le projet de loi C-6 comportait plusieurs lacunes et, notamment, n'imposait pas d'échéances concrètes pour le règlement des revendications et il prévoyait que le montant que pouvait accorder le tribunal proposé ne devait pas dépasser les 10 millions de dollars par revendication.

Honorables sénateurs c'est le Sénat qui avait manifesté des inquiétudes à cet égard et qui avait fait passer le plafond d'indemnisation de 5 à 10 millions de dollars. Malheureusement, ce montant était trop restreint.

C'est d'ailleurs au cours d'une audience du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones concernant les revendications particulières que l'on a peut-être entendu la description la plus succincte des insuffisances du projet de loi C-6. En effet, le 1er novembre 2006, l'ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a témoigné en ces termes :

[...] il s'agit du problème inhérent au projet de loi C-6 : si les collectivités des Premières nations ne croient pas en l'intégrité du processus, il ne fonctionnera pas. Le processus de règlement des revendications particulières est une solution de rechange aux procédures judiciaires. S'il est mal équilibré ou partial, les Premières nations n'y feront pas confiance et [elles] ne s'en serviront pas. L'alternative sera le recours aux tribunaux et le mécontentement.

Honorables sénateurs, le rapport du comité sénatorial d'il y a 18 mois reflétait ce point de vue. L'une des recommandations invitait même à un effort de réforme fondé sur l'équité, l'inclusion et le dialogue. Je constate avec satisfaction que le gouvernement s'est justement inspiré de cette approche. En juin dernier, le premier ministre du Canada, accompagné du chef national de l'Assemblée des Premières Nations, a annoncé un plan d'action global visant les revendications particulières. Le plan d'action corrige les insuffisances mises au jour par les études et les rapports antérieurs. Ce plan prévoit que le gouvernement révise les processus actuels de règlement des revendications, par exemple, et qu'il réserve annuellement 250 millions de dollars pour régler les revendications en suspens. Selon le plan, un organisme indépendant ayant le pouvoir de régler les revendications sera créé par une loi fédérale. Je parle évidemment du projet de loi C-30, la mesure législative qui a déjà reçu l'aval de l'Assemblée des Premières Nations et de tous les partis politiques de l'autre endroit. Aux termes du projet de loi C-30, le Tribunal des revendications particulières pourra ordonner des règlements en espèces a hauteur de 150 millions de dollars par revendication, soit un montant 15 fois supérieur à celui prévu dans la mesure législative précédente.

Le tribunal ne peut attribuer des terres. Cependant, les Premières nations sont libres d'affecter les sommes reçues en règlement à l'achat de terres de propriétaires disposés à les vendre. Honorables sénateurs, il me semble important de souligner que ces terres englobent les ressources qu'elles contiennent et que les Premières nations souhaitent ardemment les posséder à nouveau.

J'espère sincèrement que l'accord politique intervenu entre la Couronne fédérale et les dirigeants des Premières nations aura une suite et que les deux parties travailleront de concert, avec les provinces au besoin, pour obtenir les résultats attendus depuis longtemps. Tout ce qui peut être fait doit l'être pour rétablir l'assise territoriale des Autochtones.

Il convient de souligner que la limite supérieure des sommes prévues dans le règlement correspond aux demandes formulées devant le comité sénatorial lors de ses audiences sur les revendications particulières. L'Assemblée des Premières Nations, par exemple, réclamait dans son mémoire que la limite soit :

[...] assez élevée pour garantir au moins que la majorité des revendications pourront franchir cette étape et que les revendications dépassant un plafond initial pourront être examinées de façon objective par la Commission.

Honorables sénateurs, plus de 90 p. 100 de toutes les revendications portent sur des montants inférieurs à 150 millions de dollars; aussi, le tribunal pourra-t-il régler la grande majorité de celles-ci. Le gouvernement et l'Assemblée des Premières Nations se sont engagés à poursuivre les discussions sur le traitement des très grosses revendications qui dépassent le pouvoir du tribunal, soit celles d'une valeur de plus de 150 millions de dollars.

Le deuxième facteur qui influe sur mon soutien au projet de loi à l'étude, c'est que j'estime que le projet de loi C-30 est un triomphe du processus parlementaire, donc, de nous tous. Le projet de loi trouve ses racines dans le rapport du comité sénatorial et celui-ci vient juste de terminer l'étude du projet de loi. Honorables sénateurs, je n'éprouve que du respect pour tous les membres du comité et tous les gens qui ont pris part au processus.

Des douzaines de témoins ont comparu devant le comité de l'autre endroit et ils ont témoigné de l'efficacité du projet de loi C-30 et des répercussions durables de l'effort de collaboration dont il est issu. Tous les partis politiques ont appuyé le projet de loi.

Je veux également mettre en lumière un autre événement positif. Après avoir augmenté constamment pendant de nombreuses années, l'arriéré de revendications non réglées a commencé à diminuer un peu. Au début du présent exercice financier, il y avait environ 25 revendications de moins à évaluer, par rapport à 12 mois plus tôt. Il y a tout lieu de croire que le projet de loi C-30 accentuerait la tendance et accélérerait le règlement des revendications particulières en souffrance. En vertu du projet de loi C-30, l'évaluation et la négociation des revendications particulières seraient soumises à des délais fermes.

Par exemple, si aucun accord de règlement n'a pu être négocié en trois ans, la Première nation peut porter sa revendication devant le tribunal et, même si les décisions rendues par le tribunal seront assujetties à un examen judiciaire, elles lieront néanmoins toutes les parties concernées. Aux fins du contrôle de l'efficacité du tribunal, ce dernier doit présenter au Parlement un rapport annuel sur ses activités faisant état de tous les détails financiers pertinents.

De plus, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien doit effectuer un examen public de la loi dans les cinq ans suivant son entrée en vigueur. Cet examen aura sûrement pour centre d'intérêt plusieurs des préoccupations soulevées lors de l'audience parlementaire, dont les critères de sélection des juges siégeant au tribunal.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-30 est, à mon avis, un brillant exemple du rôle bénéfique que peut jouer le Parlement dans la démocratie canadienne. Le rapport du comité sénatorial se retrouve, en grande partie, non seulement dans la mesure législative dont nous sommes saisis, mais également dans la stratégie gouvernementale concernant les revendications particulières. Le projet de loi C-30 est le fruit d'un partenariat en bonne santé. Il incorpore l'esprit des recommandations du comité et jouit d'un large appui chez les parlementaires et les principaux intervenants. Il permettra de réparer des injustices de longue date.

L'historique du projet de loi C-30 va sûrement intéresser les sénateurs. En un an seulement, on a élaboré une mesure législative prête à être mise en œuvre pour remédier à nombre des problèmes et des préoccupations qui ont été soulevés dans le cadre des nombreuses études et des nombreux examens effectués depuis 1947.

Je recommande vivement à tous les sénateurs d'appuyer le projet de loi. Je remercie tous ceux qui ont participé au processus en mettant de côté leur esprit de parti pour mieux examiner la situation d'ensemble et faire quelque chose de bon pour les Autochtones.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Joseph A. Day : Je me demande si le sénateur pourrait m'éclairer sur un point. Une question pourrait peut-être suffire.

(1500)

J'essaie de comprendre le lien, s'il y en a un, entre le projet de loi C-30 et le projet de loi C-31. Lorsque le projet de loi C-31 est arrivé ici, il y a un certain temps, on nous a dit que les 20 nouveaux postes de juge dont la création est proposée étaient importants en raison de l'établissement du nouveau tribunal que prévoit le projet de loi C- 30. Le sénateur peut-il m'aider à comprendre? La nomination de 20 nouveaux juges prévue dans le projet de loi C-31 est-elle liée à la création du tribunal en vertu du projet de loi C-30?

Le sénateur St. Germain : Je vais tenter de répondre à la question du sénateur. Je crois que 18 juges se voient confier cette responsabilité.

Le sénateur Joyal : Six.

Le sénateur St. Germain : Six en tout temps. Cela dit, je crois qu'il n'y a pas un nombre suffisant de juges en ce moment pour répondre aux pressions que le projet de loi C-30 va imposer au système judiciaire au Canada.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi de mise en œuvre de l'Accord de Kelowna

Troisième lecture

Permission ayant été accordée de passer à la rubrique « Autres affaires, Projets de loi d'intérêt public des Communes, article no 2 » :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Cowan, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de Kelowna.—(L'honorable sénateur St. Germain, C.P. )

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Comeau : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)


Les excuses présentées aux élèves des pensionnats autochtones

Réception en comité plénier de représentants des collectivités autochtones

L'ordre du jour appelle :

Le Sénat en comité plénier pour entendre Phil Fontaine, Chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Mary Simon, Présidente de l'Inuit Tapiriit Kanatami, et Clem Chartier, Président du Ralliement national des Métis, et Patrick Brazeau, chef national du Congrès des Peuples Autochtones au sujet de la déclaration d'excuses du gouvernement aux anciens élèves des pensionnats indiens.

Le Sénat s'ajourne à loisir et se forme en comité plénier, sous la présidence de l'honorable sénateur Losier-Cool.

La présidente : Honorables sénateurs, l'article 83 du Règlement du Sénat du Canada dit :

Lorsque le Sénat se forme en comité plénier, chaque sénateur doit occuper sa place. Un sénateur qui veut prendre la parole se lève et s'adresse au président du comité.

Êtes-vous d'accord pour renoncer à l'application de l'article 83 du Règlement?

Des voix : D'accord.

La présidente : J'invite maintenant les témoins à entrer.

Conformément à l'ordre adopté par le Sénat, M. Phil Fontaine, Mme Mary Simon, M. Clem Chartier et M. Patrick Brazeau prennent place dans la salle du Sénat.

(1510)

La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat se forme en comité plénier pour entendre des témoins des Premières nations au sujet des excuses présentées aux anciens élèves des pensionnats indiens.

Nous accueillons aujourd'hui Phil Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Patrick Brazeau, chef national du Congrès des Peuples Autochtones, Mary Simon, présidente d'Inuit Tapiriit Kanatami, et Clem Chartier, président du Ralliement national des Métis.

Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui, pour cette séance solennelle et historique.

À moins que vous n'ayez un ordre particulier dans lequel vous voulez intervenir, je vous invite à le faire dans l'ordre où je vous ai présentés. J'invite donc le chef national Fontaine à prendre la parole le premier.

Le sénateur LeBreton : Excusez-moi, madame la présidente. Je crois que moi-même, à titre de leader du gouvernement au Sénat, et le sénateur Tardif, en sa qualité de leader adjoint de l'opposition, devons d'abord faire une déclaration.

La présidente : Effectivement. Je suis désolée. Je vous en prie.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, nous accueillons aujourd'hui au Sénat des visiteurs très importants, des Canadiens très importants. Ils sont ici pour nous aider à refermer un triste chapitre de notre histoire et à nous tourner vers l'avenir avec espoir et optimisme. Leur présence nous honore.

Hier, le premier ministre a présenté, au nom de tous les Canadiens, des excuses officielles complètes, des excuses qui ont valeur historique, aux anciens élèves des pensionnats indiens et il a demandé pardon pour les souffrances infligées aux élèves et le tort causé à la culture, au patrimoine et aux langues autochtones.

À titre de membre du gouvernement, je suis fière du travail acharné et des efforts de deux de mes collègues, l'ancien ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Jim Prentice, et le titulaire actuel du même portefeuille, Chuck Strahl. J'adresse aussi des remerciements particuliers à notre collègue, le sénateur St. Germain, qui s'efforce depuis des années de nous réunir et qui a enfin réussi, l'aboutissement de ses efforts étant la cérémonie spéciale qui a suivi la présentation des excuses officielles, hier, à la Chambre des communes.

Nous sommes ici pour exprimer notre plus grand respect pour les près de 80 000 anciens élèves qui vivent toujours, leurs familles et leurs collectivités.

Toutefois, à titre de femme, d'épouse et de mère, je tiens à attirer l'attention sur les souffrances des femmes victimes de ces pensionnats. Le réseau des pensionnats indiens a marqué tragiquement tous les Autochtones, mais il a touché plus spécialement les femmes, qui ont été deux fois victimes : d'abord comme enfants, puis comme mères. Des enfants ont été arrachés à leur famille et à leur collectivité et ont été contraints de renoncer à leur langue et à leur culture. Souvent, ces enfants ont été mal nourris, mal vêtus et mal logés, et ils ont parfois été victimes de mauvais traitements physiques et d'agressions sexuelles. Tous ont souffert de l'isolement; certains ne sont jamais rentrés chez eux.

Tout cela était mal et, individuellement et collectivement, nous le regrettons sincèrement. Les conséquences de la politique des pensionnats indiens ont été et demeurent profondément négatives et cette politique a causé un préjudice durable à la culture, au patrimoine et aux langues des Autochtones. Le gouvernement du Canada a manqué à son devoir de protéger et de soutenir les Autochtones. À cause de ce manquement, nous nous joignons au premier ministre pour demander pardon.

Certes, il est juste de rappeler à notre souvenir et d'honorer les victimes des pensionnats, mais je suis incroyablement réconfortée par les propos du chef Phil Fontaine, qui a parlé hier de nouvelle aube dans les relations entre les Premières nations et le reste du Canada.

(1520)

J'espère que cette journée mènera à la guérison et à la réconciliation et que nous saisirons cette occasion pour sensibiliser tous les Canadiens à ce triste chapitre de l'histoire du Canada que représentent les pensionnats indiens.

J'espère que cette journée amènera les Premières nations et les autres Canadiens à établir une relation fondée sur le respect et la liberté, dont le chef Fontaine a parlé avec tant d'éloquence.

J'espère que cette journée nous permettra de forger un partenariat et une meilleure relation de travail et contribuera à améliorer la vie des Canadiens autochtones d'un bout à l'autre du pays.

J'espère que cette journée nous rappellera que nous sommes tous humains et que, en tant que Canadiens, il y a beaucoup plus de choses qui nous unissent que de choses qui nous divisent.

Chef Fontaine, chef Brazeau, madame Simon et monsieur Chartier, merci encore de nous avoir fait l'honneur d'être parmi nous.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Tardif : Honorables sénateurs, chefs des Premières nations. Au nom de l'opposition libérale au Sénat du Canada, c'est avec grande fierté et solennité que je souhaite la bienvenue aux Premières nations ici, à la Chambre haute.

Je sais que je parle au nom de tous mes collègues lorsque je dis que nous sommes profondément honorés du fait que vous ayez accepté de venir ici pour répondre officiellement aux excuses que le premier ministre a présentées hier à l'autre endroit.

[Français]

De par son dessein, sa vocation et son histoire, le Sénat du Canada a toujours été la Chambre du Parlement qui a donné voix aux minorités. Aujourd'hui, votre comparution devant notre comité plénier se veut un événement tout à fait historique, qui s'inscrit brillamment dans cette mission de la Chambre haute.

Vous nous accordez, par ailleurs, le privilège d'accueillir, d'écouter et d'enregistrer pour la postérité votre réplique aux excuses qui vous ont été présentées hier par le premier ministre et les chefs des autres partis.

Nous savons que le chemin que vous avez parcouru pour atteindre ce moment historique a été long, pénible et parsemé de contretemps, d'embûches et de revers.

En essayant d'écraser la fierté des Premières nations et d'éradiquer leur identité autochtone, la politique des pensionnats indiens a déchiré votre tissu social et familial et entaché la mémoire de notre histoire collective.

Pour vous, il s'agit d'une blessure profonde et douloureuse qui tarde à se cicatriser. Pour nous, il s'agit de la hantise de vous avoir injustement plongés dans les ténèbres destructrices engendrées par cet épisode. Nous admirons le courage que vous avez témoigné devant ces traitements injustes, disgracieux et déplorables et nous partageons avec nos collègues de l'autre endroit des regrets les plus sincères.

[Traduction]

Les enfants étaient séparés de leur famille pendant de longues périodes, punis parce qu'ils parlaient leur langue maternelle et dépouillés de leurs traditions. Soumis à des abus psychologiques, physiques et sexuels aux mains de ceux qui prétendaient les civiliser, un grand nombre sont morts de maladie ou des suites de la négligence tandis que d'autres ont survécu pour connaître une vie de désespoir.

Hier, le gouvernement a présenté, en notre nom à tous, des excuses nécessaires et attendues depuis longtemps. Nous espérons tous que, maintenant, des mesures concrètes suivront pour prouver notre sincérité et notre bonne foi en aidant à panser les plaies.

Que vos paroles pavent le chemin jusqu'à la réparation, la guérison et la réconciliation, et laissons les paroles d'une tragédie grecque nous rappeler que de cette tragédie peut naître la sagesse, et qu'un nouveau chapitre de l'histoire de notre partenariat est sûrement possible :

Le souvenir amer de nos maux Pleut tout autour de nos cœurs Pendant le sommeil, et, malgré nous, La sagesse arrive.

Honorables invités, nous demandons respectueusement vos conseils sur la façon dont nous pouvons tous aller de l'avant et consolider notre partenariat pour notre bien à tous et pour nos générations futures.

Des voix : Bravo!

La présidente : Je donne maintenant la parole au chef Fontaine, chef national de l'Assemblée des Premières Nations.

Phil Fontaine, chef national, Assemblée des Premières Nations : Merci, sénateurs.

Je suis fier et honoré de prendre la parole devant vous cet après- midi. J'étais ici mardi pour observer vos délibérations et je me demandais si vous accéderiez à notre demande de venir nous faire entendre et nous exprimer, pour notre propre compte, sur un sujet que nous jugeons d'une extrême importance, pas uniquement pour les survivants de l'expérience des pensionnats indiens, mais pour l'ensemble des Canadiens.

Vous avez répondu favorablement. Votre sens de l'équité ne fait aucun doute. Vous nous avez invités dans l'honneur et nous avons reçu et accepté votre invitation avec beaucoup de reconnaissance. Je vous remercie, sénateurs, de nous avoir invités à être ici cet après- midi.

Les excuses historiques, éloquentes et sincères que le premier ministre a formulées hier, ainsi que les discours des chefs des partis de l'opposition, constituent un des événements les plus importants de notre histoire. Nous avons accepté ces excuses avec gratitude. Cependant, ce qui est le plus remarquable, c'est que l'idée de ces excuses ait pu jaillir un jour.

Comme je l'ai déclaré hier dans mon discours à la Chambre des communes, le 11 juin 2008 témoigne de la possibilité de réaliser l'impossible. La réalité qui se profile derrière ces excuses, c'est l'ampleur et la complexité de la résistance de notre peuple au projet d'assimilation que constituait l'expérience des pensionnats indiens.

Nos ancêtres, dans leur grande sagesse, ont reconnu l'injustice du système qui tentait de les contrôler et de les transformer en quelque chose que nous ne pourrions jamais être. Ils ont mené d'innombrables batailles sur différents fronts pour exercer un certain contrôle, pour vivre convenablement à l'abri du froid et de la faim et pour survivre à l'oppression tout en conservant leur fierté et leur dignité.

La lutte que nous avons menée pour régler le problème des pensionnats indiens constitue une lutte pour la création d'une juste indemnisation, pour la commémoration, pour la guérison, pour la création d'une commission pour la divulgation des faits et, plus important encore, pour ce que nous avons obtenu hier, c'est-à-dire des excuses.

(1530)

Toutes ces choses sont maintenant acquises, et le règlement sera mis en œuvre au cours des cinq prochaines années. Toutefois, la partie la plus importante de notre lutte ne concerne pas seulement l'accord de règlement et les excuses. Cela ne représente qu'un élément — important certes, mais seulement un élément — d'un ensemble beaucoup plus grand. La partie la plus importante de la lutte concerne le pouvoir et les moyens de disposer de nous-mêmes et de notre avenir.

Des enseignants européens, des prêtres, des religieuses et des frères, forts de leur propre foi et convaincus de la supériorité de leur culture, ont tenté de détruire nos cultures et d'assimiler nos enfants dans leur structure du pouvoir. Étudiants, le message qu'on nous a transmis tandis que nous grandissions dans les écoles nous disait clairement que nous étions inférieurs à cause de ce que nous étions, de notre race, de notre culture et de notre langue. On nous a enseigné que nous ne pouvions pas devenir des citoyens canadiens à moins de cesser d'être ce que nous étions. Comme cela était impossible, nous en sommes venus à nous détester nous-mêmes et à croire que nous ne pourrions jamais nous hisser au niveau du reste du pays.

Le Canada était enlisé dans un repli du temps. L'enseignement qu'on nous a donné nous a également placés dans un repli du temps. Les excuses étaient une expression de changement. Elles ont signalé que le Canada sortait de ce repli qui a altéré sa vision de notre peuple.

Nous aussi sommes en train de sortir de notre propre repli du temps. Nous avons cessé de croire à notre propre infériorité, nous avons cessé de penser qu'étant moins qu'humains, nous ne sommes pas dignes de ce que le Canada a à offrir à ses citoyens. Nous avons lutté avec succès contre ce repli du temps pendant des dizaines d'années. Notre peuple a retrouvé sa dignité et sa fierté. Nous sommes à nouveau fiers d'être ce que nous sommes.

À part la dignité retrouvée, nous sommes également fiers des changements réalisés dans nos collectivités et nos gouvernements. Nous avons combattu le déni de notre existence, et notre peuple travaille fort aujourd'hui pour assumer son propre avenir. Ce changement a été possible grâce aux efforts que nous avons déployés pendant des années pour désapprendre ce qu'on nous a appris dans les pensionnats.

Le Canada est encore pris, pour une grande part, dans un repli du temps en ce qui concerne les Premières nations. Maintenant, par suite des excuses, le Canada a la possibilité de se rattraper. Les changements extraordinaires qu'ont connus nos collectivités ne se reflètent pas vraiment dans la façon dont le pays considère notre peuple. En tant que pays, le Canada doit comprendre qu'il a maintenant affaire à un peuple qui a survécu aux dures leçons qu'on lui a apprises.

La raison pour laquelle notre peuple, nos collectivités et nos gouvernements sont mieux sortis de leur repli du temps que le Canada, c'est que nous avons réussi à rejeter les stéréotypes qui avaient entravé notre progrès. Nous savons ce que nous voulons, et nous l'avons clairement exprimé à de nombreuses occasions.

Nous voulons nous débarrasser des terribles conditions qui paralysent beaucoup trop de nos collectivités. Nous voulons éliminer la pauvreté des Premières nations. Nous voulons contribuer d'une façon concrète à la prospérité du Canada. Nous voulons que nos enfants aillent à l'école dans une atmosphère propice à l'apprentissage. Nous voulons que nos collectivités aient de l'eau potable. Nous voulons être en mesure d'affronter la grave crise du logement que connaissent beaucoup trop de nos collectivités.

Nous voulons que nos enfants — les quelque 27 000 enfants des Premières nations qui sont à la charge de l'État — rentrent dans leur famille et retrouvent leur collectivité. Nous voulons que nos jeunes hommes et femmes incarcérés soient remis en liberté. Nous voulons faire en sorte que ces jeunes retrouvent l'espoir d'avoir une vie meilleure, d'être respectés, de bâtir une vie digne d'être vécue afin que nous cessions d'avoir l'un des taux de suicide les plus élevés au monde. Nous ne voulons pas que nos enfants se retrouvent dans des bandes criminelles.

Nous voulons simplement ce dont dispose le reste du pays. Nous voulons ce que chaque Canadien attend de ses gouvernements, et nous voulons que nos attentes soient traitées avec justice et équité.

Nous voulons ce à quoi les Canadiens aspirent dans leur propre vie. Nous ne voulons pas plus que ce qui est acquis aux autres Canadiens. Nous ne voulons certainement pas priver personne, mais nous nous attendons à être traités de façon juste et équitable.

Nous voulons pouvoir travailler avec vous, avec chacun d'entre vous, pour bâtir ou rebâtir le Canada et en faire un endroit où chaque citoyen est traité avec justice et équité, où chacun a un accès équitable aux possibilités extraordinaires que ce pays offre à ceux qui y vivent.

Je dis cela en sachant qu'il reste encore beaucoup à faire. Nous avons d'énormes défis à relever. Mais, après ce que nous avons tous vu hier — car c'était un moment inoubliable de notre histoire, que nous n'avions jamais cru pouvoir vivre, que nous ne pouvions même pas imaginer —, nous avons pu dire que nous avons réalisé l'impossible.

Aujourd'hui, nous pouvons dire que plus rien n'est impossible. Toutefois, il n'en sera ainsi que si nous nous engageons tous à travailler ensemble pour créer le genre de pays dont nous puissions tous, sans exception, y compris les Premières nations, être fiers. C'est notre rêve et notre espoir. Meegwetch.

La présidente : Merci, monsieur Fontaine. Je vais maintenant demander à Patrick Brazeau de prendre la parole.

(1540)

[Français]

Patrick Brazeau, chef national, Congrès des Peuples Autochtones : Honorables sénateurs, c'est un plaisir et un honneur pour moi d'être ici au nom du Congrès des Peuples Autochtones et, pour la deuxième fois en autant de jours, de pouvoir m'adresser à la Chambre des communes et, maintenant, au Sénat.

[Traduction]

Le premier ministre a vraiment fait une annonce historique hier. On utilise beaucoup trop souvent le qualificatif « historique » à toutes les sauces. Cependant, notre présence sur le parquet de la Chambre des communes hier marquait véritablement un événement historique. C'était une occasion de grande fierté, particulièrement pour les survivants des pensionnats indiens qui assistaient à l'événement et pour les téléspectateurs qui étaient à l'écoute partout au Canada.

Une forte majorité de Canadiens autochtones ont bien accueilli ces excuses parce qu'ils ont vu qu'elles étaient sincères. Il faut féliciter le premier ministre du leadership dont il a fait preuve en permettant la tenue de l'événement d'hier, initiative audacieuse qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait prise avant lui.

En tant que jeune Canadien autochtone, je suis fier de ce qui s'est passé hier parce que, dans l'ensemble, l'événement s'est déroulé de façon non partisane. Il n'a pas été question de partis politiques, mais plutôt de faire ce qui s'imposait tant sur le plan humain que sur le plan moral. Nous en remercions également les sénateurs.

[Français]

La question des pensionnats indiens est aussi une question de droits de la personne. On nous a demandé ce qu'on pouvait faire pour s'assurer que le partenariat entre le gouvernement du Canada et les peuples autochtones soit plus fort dans ce pays.

[Traduction]

Le Sénat est actuellement saisi du projet de loi C-21, qui porte sur les droits de la personne. Pendant 30 ans, on a nié aux Canadiens des Premières nations la possibilité de faire appel à la Commission canadienne des droits de la personne dans les cas où ils estimaient que le ministère des Affaires indiennes, le gouvernement fédéral ou divers conseils de bande les avaient traités de façon discriminatoire. Cette question me touche personnellement parce que mes trois enfants sont considérés, selon les termes du gouvernement fédéral, comme des Indiens inscrits. Autrement dit, ils ne peuvent pas se tourner vers la Commission canadienne des droits de la personne s'ils estiment avoir été victimes de discrimination. Je suis citoyen canadien, mais je ne peux pas moi non plus le faire; par contre, mes neveux et nièces, que le gouvernement fédéral considère comme des Indiens non inscrits peuvent faire appel à la commission s'ils jugent avoir été victimes de discrimination. Cette question a fait l'objet de vastes consultations depuis 30 ans; le temps est venu d'aller de l'avant et de cesser de violer les droits fondamentaux des Autochtones.

Honorables sénateurs, je vous demande sans plus tarder, pour mes enfants et pour des centaines d'enfants autochtones du Canada, d'adopter cette mesure législative. Meegwetch.

La présidente : Nous entendrons maintenant Mme Mary Simon, présidente de l'Inuit Tapiriit Kanatami.

Mary Simon, présidente, Inuit Tapiriit Kanatami : Sénateur LeBreton, sénateurs, mesdames et messieurs, sénateur Watt et sénateur Adams, les événements d'hier feront date. Les Inuits du Canada, dont les familles, les collectivités et la culture ont été brisées par le régime des pensionnats, ont reçu ces excuses avec grand soulagement. Aujourd'hui, nous ne devons plus regarder en arrière. Comme je l'ai dit hier à la Chambre des communes, un nouveau jour s'est levé. À partir d'aujourd'hui, nous devons travailler ensemble et nous tourner vers l'avenir.

C'est avec un nouvel optimisme que j'ai entrepris ma journée aujourd'hui, même si je n'avais pas trop bien dormi. Je revoyais en pensée de vieilles batailles, certaines que nous avons gagnées et d'autres que nous avons perdues. Votre collègue, le sénateur Watt, et moi avons combattu ensemble à l'époque. Il y a environ 35 ans, nous avons affronté Goliath et abouti à ce résultat historique qu'est la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Durant de nombreuses années, nous, les Inuits, avons vu le sénateur Adams prendre la parole au Sénat en notre nom. Merci, Charlie, et merci à vous, Willie.

[Note de la rédaction : Mme Simon s'exprime en inuktitut.]

Je tiens également à remercier les sénateurs d'avoir prévu l'emploi de l'inuktitut comme langue officielle à l'automne dans le cadre d'un projet-pilote. Voilà qui me semble merveilleux.

Nous, les Inuits, dans notre jeunesse, étions parfois remplis de colère, mais nous avons également hérité de notre peuple d'une vision de ce que nous avions été et de ce que nous pourrions être à nouveau. Nous voici donc aujourd'hui plus âgés sans doute, et plus sages, je l'espère. Je sais quels efforts et quelle patience exige tout changement, et Dieu sait que nous avons été patients.

Je suis ici pour vous dire que notre heure est venue. La valeur des excuses et de la demande de pardon formulées hier sera mesurée à l'aulne des actions futures du gouvernement. La qualité des rapports que nous avons eus par le passé avec le gouvernement a été amoindrie en bonne partie par des promesses non tenues. Ceux qui, chez les Inuits, sont en position d'autorité et d'influence ont désormais la responsabilité de se prévaloir de cette offre d'un nouveau rapport. Le gouvernement a désormais la responsabilité de déployer son énergie et sa créativité pour fonder ce nouveau rapport avec nous sur le respect de ce que nous sommes, de nos traditions, de notre histoire, de notre langue et de notre culture. Nous devons être présents et travailler de concert avec le gouvernement pour bâtir ce nouveau rapport.

Révolus sont les jours où les initiatives politiques ou législatives étaient prises à notre place. Au nom du Canada et des Canadiens, le premier ministre nous a également demandé pardon. À titre individuel, chacun d'entre nous accueillera cette demande à son gré. À titre de dirigeante de l'organisation qui représente les Inuits du Canada, j'estime qu'un pardon véritable et durable doit se mériter. Un tel pardon sera accordé seulement lorsque la volonté d'agir du gouvernement sera manifeste.

Hier, le premier ministre a déclaré ce qui suit :

Le fardeau de cette expérience pèse sur vos épaules depuis beaucoup trop longtemps. Ce fardeau nous revient directement, en tant que gouvernement et en tant que pays.

Nous savons qu'il ne sera pas facile de rétablir notre dignité, notre estime de nous-mêmes, notre confiance et notre espoir dans l'avenir. Cela sera encore plus difficile pour les Inuits, par exemple ceux du Nunatsiavut, qui ont subi les mêmes atrocités que les autres victimes de ce système cruel, mais qui sont injustement exclus de l'accord de règlement. J'ai demandé hier au premier ministre de revoir sa décision et de permettre à ces victimes inuites de profiter pleinement des excuses. Cela aiderait à panser leurs plaies également. Je fais appel aux sénateurs pour qu'ils tentent de faire primer l'esprit de justice humaine qui règne dans cette enceinte.

(1550)

Tous mes frères autochtones, peu importe où ils se trouvent au Canada, qui ont été exclus de l'accord de règlement pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la justice humaine, devraient pouvoir bénéficier de ce processus de guérison. Ils devraient être inclus dans l'accord de règlement.

La Commission de vérité et de réconciliation jouera un rôle important dans le rétablissement de notre dignité et de notre estime de nous-mêmes, mais cela ne doit pas s'arrêter là. Le Canada doit s'engager à élaborer et à appuyer les politiques et les programmes à long terme nécessaires pour rebâtir nos familles et rétablir notre esprit communautaire ainsi que pour nous redonner notre place au Canada. Les choses s'annoncent bien pour les Inuits. Toutes les régions inuites ont conclu des ententes modernes de règlement des revendications territoriales globales. Ces ententes sont des traités protégés par la Constitution, qui ont été conclus entre les Inuits et le gouvernement du Canada, et qui ont jeté les bases d'une nouvelle relation avec le gouvernement du Canada.

Nous vivons également dans une région du Canada qui doit relever de nombreux défis à court terme : les changements climatiques, la mise en valeur des hydrocarbures et la souveraineté, pour mentionner les plus évidents. Relever ces défis exigera un engagement ainsi que des ressources humaines et financières. Il nous faudra tous prendre nos responsabilités afin d'apporter notre contribution, tant individuelle que collective. Les collectivités du Nord doivent être fortes et durables. La population inuite doit être en santé, confiante et scolarisée. Notre langue et nos traditions doivent être remises en valeur. Travaillons main dans la main pour bâtir notre avenir.

Je répéterai ce que j'ai dit hier : je suis prête à collaborer de façon honnête et dynamique avec le gouvernement. Je suivrai de près les actions du gouvernement. Aujourd'hui comme demain, en tant que premiers peuples de ce merveilleux pays, travaillons main dans la main avec les législateurs du Canada. Réjouissons-nous. Reposez- vous durant la fin de semaine, car le travail commence la semaine prochaine, et nous pouvons affirmer que nous l'entreprendrons dans un esprit de collaboration et dans l'optique de nous bâtir un avenir, tous ensemble.

[Français]

La présidente : Nous entendrons maintenant M. Clem Chartier, président du Ralliement national des Métis. Monsieur Chartier, vous avez la parole.

[Traduction]

Clem Chartier, président, Ralliement national des Métis : Je remercie le Sénat de m'avoir invité ici aujourd'hui, dans le cadre des nobles efforts déployés par le Canada pour amorcer sa réconciliation avec la nation métisse.

Hier, à la Chambre des communes, j'ai eu l'honneur de répondre aux excuses que le premier ministre a adressées aux survivants des pensionnats indiens et à tous les Autochtones qui ont été victimes des anciennes politiques d'assimilation du Canada.

J'ai été profondément ému par le courage et la conviction avec lesquels le premier ministre a affronté ce chapitre triste et douloureux de l'histoire du Canada.

J'ai aussi été profondément ému par la sincérité et par la bonne volonté qui régnaient à la Chambre, ainsi que par les paroles franches des autres dirigeants autochtones qui se sont engagés à travailler avec le Canada en vue de sceller une réconciliation.

En même temps, en tant que Métis et chef de la nation métisse, j'ai ressenti le besoin d'exprimer des sentiments ambivalents, des sentiments contradictoires. Il fallait que j'exprime mes sentiments ambivalents au premier ministre et au reste du pays.

Des milliers de Métis ont séjourné dans des pensionnats indiens après avoir été arrachés de force à leur famille. Ils ont vu leur culture dénigrée et, dans de nombreux cas, ont subi des sévices physiques et sexuels. Les Métis qui ont séjourné dans un pensionnat reconnu par la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens sont admissibles à une indemnité pour les sévices physiques et sexuels qu'ils ont subis et, bien entendu, au paiement d'expérience commune. Cependant, la vaste majorité des survivants métis ont fréquenté des pensionnats confessionnels sanctionnés par l'État qui ne sont pas, et je le répète, qui ne sont pas reconnus par la convention de règlement, et n'ont donc droit à aucune indemnisation.

Je suis l'un d'entre eux. J'ai séjourné au pensionnat métis de l'Île- à-la-Crosse, en Saskatchewan. Plusieurs autres survivants m'accompagnaient hier à la Chambre des communes, et je crois qu'ils partageaient mon ambivalence.

Honorables sénateurs, des milliers d'autres Métis ayant fréquenté une école de jour dirigée par un ordre religieux sont exclus de la Convention relative aux pensionnats indiens. Les pratiques d'assimilation et les sévices qui caractérisaient les pensionnats indiens étaient aussi institutionnalisés dans les écoles de jour. Ces milliers de survivants partagent le même héritage douloureux et devraient avoir droit à la même justice. Pourquoi les écoles de jour? Parce que le gouvernement fédéral a abandonné les Métis et la nation métisse il y a plus de 100 ans.

L'exclusion de l'entente sur les pensionnats de la grande majorité des survivants métis s'inscrit dans une grande mouvance d'exclusion qui prend racine dans le refus du gouvernement fédéral d'accepter sa responsabilité constitutionnelle de traiter avec les Métis, conformément à l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui a unifié notre pays et qui nomme les Indiens et les terres qui leurs sont réservées. Comme vous le savez, c'est en vertu de cette loi que le gouvernement a promulgué la Loi sur les Indiens.

Cette prise de position a eu pour conséquence que les anciens combattants métis n'ont pas eu accès aux prestations, malgré les énormes sacrifices qu'il ont consentis pour notre pays. Aujourd'hui encore, les Métis n'ont pas accès aux prestations d'aide à l'enseignement et aux soins de santé que le gouvernement fédéral verse aux autres Autochtones. Nous sommes, par ailleurs, heureux que le gouvernement aide les autres Autochtones; loin de nous l'idée de vouloir leur enlever quoi que ce soit.

Nous avons aussi été exclus des procédures de la Commission sur les revendications particulières des Indiens auxquelles les autres Autochtones ont accès. Notre seul recours est de porter nos causes devant les tribunaux. Toutefois, le maigre fonds d'aide juridique dont nous disposions depuis environ huit ans n'a pas été renouvelé l'an dernier. Nous ne pouvons donc même plus compter là-dessus.

La perte des terres des Métis de l'Ouest canadien découle en grande partie d'un système frauduleux de certificats. Malheureusement, je me souviens d'un projet de loi du Sénat qui visait à modifier le Code criminel pour imposer une limite de trois ans sur les poursuites liées aux infractions touchant les certificats. Ainsi, les accusations contre un spéculateur millionnaire qui avait été accusé en 1921 d'avoir obtenu frauduleusement des certificats des Métis ont été annulées.

(1600)

Je rappellerai également aux sénateurs que les ressources limitées dont nous disposions pour mener à bien cette initiative ont été supprimées et que, en grande partie, nous n'y avons plus accès. Néanmoins, à la suite de mes entretiens avec le premier ministre, je crois que la cérémonie d'hier est une première étape importante vers la réconciliation du Canada avec la nation métisse.

Le discours que j'ai prononcé sur le parquet de la Chambre des communes était le symbole de ce nouveau commencement. Le patriarche de la nation métisse, Louis Riel, a été élu trois fois à la Chambre des communes. Cependant, comme sa tête était mise à prix, il n'a pas été en mesure d'occuper son fauteuil.

Comme je l'ai dit hier, et je le crois encore aujourd'hui, l'interlocuteur fédéral auprès des Métis, l'honorable Chuck Strahl, est un homme sincère qui a exprimé sa détermination à collaborer avec moi pour régler les anciens griefs non réglés des survivants des pensionnats et des anciens combattants métis. Il a également exprimé sa détermination à collaborer avec moi et avec les chefs de la nation métisse pour trouver des solutions aux problèmes d'aujourd'hui et de demain.

Le Ralliement national des Métis est impatient de tabler sur ces bases pour faire en sorte que les citoyens de la nation métisse puissent finalement occuper la place distincte qui est la leur dans la famille canadienne.

Comme je l'ai dit hier, la nation métisse de l'Ouest canadien veut s'intégrer. Le Ralliement national des Métis espère que le Sénat du Canada et son Comité sénatorial permanent des peuples autochtones continueront leur travail important et fort apprécié en vue de régler des questions qui préoccupent la nation métisse. J'espère que cette occasion historique marquera le début de cet important processus.

Je tiens à exprimer mes meilleurs vœux à tous ceux qui ont reçu des excuses officielles hier, de même qu'aux chefs des Premières nations et des Inuits, qui ont travaillé tellement fort pour en arriver là, ainsi qu'au premier ministre et au ministre Strahl pour leur sincérité et pour le courage avec lequel ils ont fait les premiers pas en vue de la réconciliation avec la nation métisse. Montrons au monde que les Canadiens n'ont pas peur de regarder avec lucidité un volet sombre et parfois oublié de l'histoire. Ensemble, guidés par le flambeau de la vérité et de la justice, nous édifierons des nations fortes et un Canada uni.

Je n'ai pas pu dormir la nuit dernière. Vraiment pas. Pour moi, aujourd'hui, c'est le premier pas vers la réconciliation dont il a été question hier. Honnêtement — vous direz : « C'est difficile; il est politicien » —, hier a été la journée la plus difficile de ma vie. La journée a épuisé toutes mes réserves d'énergie physique. Quand Phil a dit : « Demain, nous devrons parler au Sénat », j'ai pensé : « Oh non », mais je me suis dit que j'avais fait campagne pour devenir président, que j'étais ici et que je le ferais. Je suis ici et je dis que j'ai épuisé toutes mes réserves d'énergie physique hier, mais qu'aujourd'hui, c'est un nouveau commencement, alors je peux commencer à m'attaquer à ces questions. Hier, c'était une magnifique journée. Aujourd'hui, il est temps de se mettre au travail.

Comme je l'ai dit dans mon texte écrit, la majorité des gens que je représente n'ont pas été inclus. Pour l'instant, nous voulons simplement en arriver au point où le chef national Fontaine a dit que les gens qu'il représente sont arrivés hier. Notre histoire et les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans nos collectivités ne sont pas très bien connus. Au moyen du système de certificats, le Canada a tenté de briser la résistance de notre nation et de nous renvoyer dans les bois à tout jamais, mais il n'a pas réussi à le faire. Sa politique d'assimilation a échoué. Notre peuple est encore fort et il deviendra de plus en plus fort. Nous continuerons de défendre nos droits.

Le Canada devra finir par accepter sa responsabilité, tout comme les parents qui abandonnent leurs enfants. Les parents ne peuvent pas simplement prétendre que leur responsabilité s'est éteinte parce qu'ils ont cessé de soutenir leurs enfants pendant des années. En fin de compte, la responsabilité existe toujours. Il ne s'agit pas de dire que nous sommes des enfants et que nous voulons dépendre du Canada parce qu'il nous doit tout, mais le gouvernement fédéral du Canada est le gouvernement de toute la population. Il a une responsabilité envers tous les peuples autochtones, et pas uniquement envers certains d'entre eux. Il faut que l'on cesse de voir la nation métisse ou le peuple métis comme une exception parmi ces peuples, comme on le dit constamment.

Je crois qu'on vient d'adopter un nouveau projet de loi pour accélérer le travail de la commission des revendications des Indiens dans le dossier des revendications particulières. C'est une bonne mesure. Nous l'appuyons entièrement, mais elle s'applique aux peuples autochtones à l'exception des Métis. Les anciens combattants autochtones ont droit à des dédommagements, à l'exception des Métis. La Convention de règlement relative aux pensionnats indiens a été signée. Là encore, nous sommes heureux pour les gens qui en bénéficieront et nous ne voulons pas leur enlever ce gain, mais cette convention vise les victimes des pensionnats à l'exception des Métis. Je pourrais donner encore beaucoup d'autres exemples se terminant par « à l'exception des Métis ». Nous ne voulons plus être l'exception parmi les peuples. Nous voulons bientôt être un peuple de plein droit, car les Métis souffrent de leur condition.

On ne cite pas souvent les statistiques sur les suicides parmi les Métis et on ne parle pas souvent du sort des Métis dans les pensionnats qui leur étaient destinés, mais bien des gens pourraient venir ici raconter leur histoire. Nous avons souffert de mauvais traitements tantôt physiques, tantôt sexuels. J'en ai souffert moi- même. Nous avons dû vivre dans des conditions horribles dans ces écoles. Nous y avons été traumatisés psychologiquement. Nous avons souffert d'être séparés de nos familles. Nous avons souffert de nos dysfonctions. Des gens comme moi peuvent traverser la vie comme si tout était normal, mais lorsqu'on va au-delà des apparences, on s'aperçoit qu'ils ont en eux des blessures très profondes.

On dit qu'il y a des problèmes qui touchent particulièrement les femmes, et je fais partie de ceux qui peuvent en témoigner. Ma mère a vécu dans un pensionnat indien. Elle était métisse, mais elle s'est retrouvée dans un pensionnat indien pendant un certain temps. Elle y est entrée plus jeune que moi. Elle a été affligée par de graves problèmes. Notre foyer est un foyer brisé. Ma mère fait partie des victimes. Elle a été sauvagement violée et battue à mort. Ses agresseurs n'ont pas été punis. Il y a des centaines de personnes comme moi parmi les Métis, mais nos histoires ne sont pas connues. Je pense qu'il faut qu'elles soient racontées à un moment donné.

(1610)

Nous sommes très heureux du leadership que le chef Phil Fontaine a exercé ces dernières années pour attirer l'attention sur cette question et mener ce combat extraordinaire. La nation métisse est solidaire des autres peuples et nations autochtones et elle se réjouit lorsqu'ils font des progrès.

Nous sommes ici pour appuyer les progrès accomplis, mais nous avons également besoin de justice. J'espère que le premier ministre, le ministre Strahl et tous les sénateurs pourront nous aider à obtenir justice. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

La présidente : Merci.

Distingués invités, des sénateurs ont exprimé le désir de poser quelques questions. Libre à vous d'accepter ou de refuser, mais accepteriez-vous de répondre aux questions des sénateurs?

Le chef Fontaine : Oui.

Le chef Brazeau : Oui.

La présidente : Honorables sénateurs, je vous rappelle que vous pouvez tous poser des questions et que chacun de vous dispose de dix minutes pour ce faire. Si vous souhaitez poser une question, ayez l'obligeance de vous présenter.

Le sénateur St. Germain : Merci, madame la présidente.

Nous vivons un moment solennel et historique dans la vie de tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, les discours éloquents et professionnels que nous venons d'entendre font ressortir, je crois, à quel point ce segment de notre société est important dans la mosaïque canadienne. Je parle des Premières nations, qui habitaient ce territoire bien avant le premier contact, des milliers d'années avant. Elles ont protégé l'environnement pendant 10 000 ans. Notre environnement a cependant subi des ravages au cours des 400 dernières années.

C'est pour moi un grand honneur de pouvoir poser une question et je remercie nos invités de s'être joints à nous aujourd'hui pour nous faire comprendre davantage ce qu'il nous reste à apprendre afin de réagir de façon beaucoup plus constructive.

J'aimerais faire une observation. Compte tenu de l'horrible traitement qui a été réservé à ces enfants dans les pensionnats indiens, j'ai été frappé de voir l'indulgence dont ces victimes ont fait preuve en acceptant ces excuses. Je crois que nous devons rendre hommage à ces gens, aux victimes, pour leur grande indulgence.

Des voix : Bravo!

Le sénateur St. Germain : Je voudrais, à mon tour, remercier le gouvernement, le premier ministre et tous les parlementaires. À mon avis, tous ont grandement contribué à ce qui s'est produit hier.

La journée d'hier était une journée historique pour tous les Canadiens, une grande journée pour les Premières nations, les Autochtones, les Métis et les Inuits du Canada, mais nous devons continuer d'aller de l'avant. Je suis très honoré d'avoir été choisi pour présider le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Monsieur Chartier, vous venez de parler du projet de loi C-30, qui porte sur les revendications particulières. Il a été adopté quelques secondes avant que vous franchissiez ces portes. Je tiens à souligner tout particulièrement le magnifique travail effectué par le chef national Fontaine, en collaboration avec le gouvernement, pour faire adopter cette mesure législative. Je sais qu'elle ne permettra pas de régler tous les problèmes, mais c'est un début et il ne faut jamais oublier que tous les grands voyages se font un pas à la fois.

Je crois que nous pouvons continuer d'y apporter des améliorations. Nous pouvons le faire pour les Métis, pour les Inuits et pour les gens des Premières nations qui vivent à l'extérieur des réserves. À mon avis, nous ne pouvons écarter qui que ce soit, mais le gouvernement tente d'établir des priorités et d'apporter des solutions à des éléments précis au lieu d'adopter une approche beaucoup plus large qui serait trop générale, alors que c'est ce qui nous permettra d'en arriver aux résultats que les peuples autochtones désirent et méritent.

Le chef Brazeau a parlé du projet de loi C-21 sur les droits de la personne. Je peux vous dire que, pour ma part, je travaillerai avec vous et avec la communauté autochtone pour voir à ce que ces mesures soient adoptées, et j'espère que tous les sénateurs en feront autant.

Je tente de recueillir des renseignements pour que nous puissions commencer notre travail. Certains disent que nous aurions dû commencer aujourd'hui. Je crois que nous l'avons fait. Vous êtes venus au bon endroit pour commencer à travailler parce que, en dépit de tout ce qu'on dit à propos du Sénat, les sénateurs font du bon travail.

Des voix : Bravo!

Le sénateur St. Germain : Peu importe le parti, il y a du bon travail qui se fait ici.

Ma question porte sur le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je siège au comité depuis environ 14 ans. Nous en sommes venus à la conclusion, au fil de nos discussions, que l'argent ne règle pas tout. Les systèmes doivent être modifiés. Je pourrais me tromper, mais je crois que c'est le ministère qui était responsable des pensionnats indiens.

Ce ministère est aux prises avec des problèmes systémiques. Il s'y trouve de bonnes personnes ayant les meilleures intentions, sur les plans politique et administratif, mais cela ne fonctionne pas.

Croyez-vous qu'il faudrait procéder à une évaluation de ce ministère afin de déterminer pourquoi il ne parvient pas à répondre adéquatement aux besoins des groupes pour lesquels il a été créé? Ce ministère fait du bon travail, mais dans le domaine de l'éducation, si nous faisons ce qu'il faut, il faudra 28 ans avant que les enfants des Premières nations rattrapent le reste de la société.

Je me demande — et nous avons déjà envisagé la possibilité d'une étude future au moyen d'une recommandation à l'autre endroit — si quelqu'un aurait des commentaires à formuler à ce sujet?

Chef Fontaine, je crois que Mme Simon et vous êtes les plus touchés par cela, mais j'accepterais une réponse de n'importe lequel d'entre vous. Peut-être qu'en réévaluant tout, nous pourrons revoir les besoins des Indiens, qu'ils vivent dans une réserve ou hors réserve, ainsi que des Métis et des Inuits

La présidente : Qui souhaite répondre?

Le chef Fontaine : Voulez-vous que je me lève pour répondre?

La présidente : À votre guise.

Le sénateur Di Nino : Vous êtes libre de faire comme vous voulez.

La présidente : Le choix est le vôtre.

Le chef Fontaine : Merci beaucoup pour l'occasion que vous m'offrez, sénateur St. Germain et membres du Sénat.

Vous avez fait une très intéressante proposition. Je ne la considère pas comme une question, sénateur St. Germain. Avant de répondre à votre proposition, toutefois, j'aimerais présenter mes remerciements et exprimer ma reconnaissance au Sénat pour l'excellent travail réalisé ici. Les sénateurs ont fait un travail admirable en préparant le terrain pour le projet de loi C-30, par exemple. N'eut été du rapport du Sénat, je ne crois pas que nous aurions pu faire progresser le projet de loi C-30 aussi rapidement que ce fut le cas. L'Assemblée des Premières Nations a appuyé et défendu fermement cette importante mesure.

(1620)

Le sénateur St. Germain a tout à fait raison de dire que la mesure n'est pas parfaite, mais qu'elle est néanmoins très bonne. Lorsque cette mesure recevra la sanction royale et sera mise en vigueur, nous pourrons faire un important travail au nom des Premières nations et du Canada.

Quant à la proposition, notre position n'a pas changé. Elle est la suivante. D'abord, le ministère des Affaires indiennes peut procéder à l'évaluation, et les conclusions de cette évaluation ne seront pas différentes des préoccupations, des plaintes et des critiques — et elles sont nombreuses — que les membres des Premières nations ont formulées au cours des dernières années. Dans une grande mesure, le ministère des Affaires indiennes n'a pas été capable d'assurer la prestation de services que nous estimons légitimes pour nous.

Je crois qu'il y a un problème encore plus grand. Nous ne nous opposerions jamais au démantèlement du ministère des Affaires indiennes. Selon moi, le démantèlement du ministère devrait être la conclusion finale de toute évaluation de ce ministère, sous réserve, bien sûr, que le gouvernement du Canada s'engage clairement et vigoureusement à reconnaître dans toute la mesure du possible notre droit à l'autonomie et qu'il soit disposé à restituer les pouvoirs qui appartiennent de droit aux premiers habitants, les Premières nations.

Nous accepterions qu'on procède à l'évaluation du ministère des Affaires indiennes, bien sûr, pourvu qu'on le fasse en vue de son démantèlement et qu'on s'engage à reconnaître, à restituer et à appliquer les pouvoirs qui nous appartiennent et à leur donner effet.

Par ailleurs, notre défi primordial concerne le sort de la Loi sur les Indiens. Je suis certain que tous les sénateurs sont d'accord pour dire que la Loi sur les Indiens est archaïque et raciste et qu'elle doit être abrogée. Il y aurait lieu de la remplacer par une loi habilitante qui serait basée sur la reconnaissance, la restitution et la prise d'effet de nos pouvoirs.

Sans cela, tout travail que les sénateurs entreprendraient en vue de l'évaluation du ministère des Affaires indiennes donnerait les mêmes résultats, car la Loi sur les Indiens serait toujours en vigueur et nous continuerions de nous battre pour la pleine reconnaissance des droits visés à l'article 35. Le défi est de taille.

Enfin, au sujet du projet de loi C-21, je rappelle au Sénat que l'Assemblée des Premières Nations et les chefs autochtones du Canada n'ont jamais été contre l'abrogation de l'article 67. Nous ne nous sommes jamais opposés au projet de loi C-21. Les suggestions à cet effet — et elles ont été nombreuses — sont complètement fausses. Nous avons très clairement dit que nous souhaitons faire l'objet de la même considération à laquelle les autres gouvernements ont eu droit, notamment lorsque la Charte est entrée en vigueur. Tous ces gouvernements — soit ceux des provinces et des territoires — ont eu trois ans pour se préparer à l'entrée en vigueur intégrale de la Charte. Au départ, on nous a donné six mois, ce qui n'est tout simplement pas suffisant. Nous souhaitions une disposition interprétative et une disposition de non-dérogation. Nous voulions également avoir l'assurance que les gouvernements des Premières nations seraient prêts à faire face à l'augmentation des plaintes qui leur seraient présentées. Il faut garder à l'esprit que la plupart de ces plaintes en vertu de l'article 67 visent le gouvernement du Canada, et non les gouvernements des Premières nations, mais que ce sont ces derniers qui hériteront de la responsabilité et du fardeau d'y répondre.

Nous sommes tout à fait disposés à relever le défi, mais nous ne sommes pas certains d'avoir les outils et les moyens de répondre équitablement à l'ensemble de nos membres, même ceux que le chef Brazeau dit représenter. Ceux qui vivent dans les milieux urbains ne peuvent se prévaloir de l'article 67. Les plaintes dont il est question visent les gens qui résident normalement dans les collectivités des Premières nations, soit dans les réserves.

Des voix : Bravo!

La présidente : Madame Simon, souhaitez-vous répondre au sénateur St. Germain?

Mme Simon : Merci beaucoup, sénateur St. Germain. J'aimerais également témoigner ma reconnaissance pour l'appui que vous avez manifesté à l'égard de notre travail.

En réponse à la question, il s'agit d'un processus complexe. Qui sont les évaluateurs? S'agira-t-il d'une évaluation externe ou non? Participerons-nous à l'évaluation? Toutes ces questions auront une incidence sur le processus.

De nombreux facteurs entrent en jeu quand il est question de l'Arctique. Tout le monde dit que le Canada affecte beaucoup trop de fonds aux peuples autochtones et obtient des résultats médiocres. Ce n'est pas sans raison. Les coûts par personne sont environ cinq fois plus élevés dans l'Arctique quand dans le Sud du Canada; il nous faut donc des sommes cinq fois supérieures à ce qu'on dépenserait normalement dans le Sud pour offrir les mêmes services. Le concept de l'attribution « par habitant » ne peut pas s'appliquer dans le Nord. Il ne nous permet pas de mettre à niveau le minimum de services que nous sommes en mesure d'offrir.

Je remercie également les sénateurs du travail qu'ils accomplissent. Je travaille avec le sénateur Kirby à la Commission de la santé mentale. Je sais que celle-ci a abattu énormément de travail afin de produire le rapport pour que le gouvernement puisse y répondre.

Dans le Nord, la santé mentale est le plus grave problème de santé. Nous avons besoin d'aide. Il ne s'agit pas seulement d'argent, mais de bien d'autres choses. Dans le Nord, nous n'avons pas de services de counselling, pas de travailleurs en santé mentale, nulle part où peuvent aller les gens pour obtenir de l'aide. Ce sont des choses très importantes pour nous.

Pour en revenir à la question, l'objectif est de réduire le rôle du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Cependant, nous ne voulons pas réduire pour autant la responsabilité du gouvernement fédéral à notre égard.

(1630)

De nos jours, les dépenses se font de façon consciencieuse. Nous avons donc tendance à réduire les montants de nos dépenses. Cela dit, comme nous manquons tellement de services dans le Nord, même aujourd'hui, si vous commencez à rationaliser et à réduire les dépenses liées aux services, nous allons souffrir encore plus.

Si la responsabilité de la prestation des services est transférée à nos propres institutions, comme notre gouvernement autonome au Nunavik, nous devons nous assurer de maintenir le statu quo. La rationalisation des dépenses ne doit en aucun cas nuire à la qualité des services.

Je crois qu'un processus d'évaluation devrait tenir compte de ces questions complexes.

Le chef Brazeau : Puisqu'on ne me pose pas souvent cette question, je vais en profiter pour y répondre en profondeur.

Les organisations et les gens que nous représentons connaissent de sérieuses difficultés. Je me replonge dans l'époque où j'étais étudiant en droit. L'article 35 de la Constitution précise que « peuples autochtones du Canada » s'entend notamment des Indiens, des Inuit et des Métis du Canada. J'y reviendrai.

Le ministère des Affaires indiennes, le gouvernement fédéral, prétend que les Indiens qui vivent dans les réserves et les Inuits du Canada relèvent de sa compétence, mais que les Indiens inscrits qui vivent hors des réserves et les Métis sont du ressort des provinces. Honorables sénateurs, je n'ai jamais rencontré de premier ministre provincial qui ait accepté cela.

Les Indiens inscrits qui vivent hors des réserves et les Métis passent entre les mailles du filet. C'est notre problème. Nous sommes toujours en position d'infériorité dans nos négociations avec les différents ordres de gouvernement. Je suis fortement en faveur d'une plus grande reddition de comptes, pas seulement entre les ordres de gouvernement, mais aussi avec les Autochtones.

Pour répondre à votre question, je conviens qu'un examen du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien s'impose. Il faudrait créer un ministère des Affaires autochtones, comme l'a recommandé la Commission d'enquête sur les peuples autochtones. Cette commission d'enquête, la plus exhaustive jamais lancée, a terminé ses travaux il y a un certain temps. Un éventuel ministère des Affaires autochtones serait un guichet unique auquel nous et tous les peuples pourrions nous adresser au lieu de nous battre entre nous.

En dernier lieu, je suis quelque peu réticent à remettre les gens sur le droit chemin, mais parlons un peu du projet de loi C-21. J'ai pratiquement dit C-31, mais ce projet de loi a été adopté il y a un certain temps.

L'automne dernier, le Congrès des Peuples Autochtones a lancé sa campagne visant l'abrogation de l'article 67. Depuis l'automne dernier, nous avons tenu des séances d'information et tenté d'informer la population canadienne, tant autochtone que non autochtone, de l'exonération accordée par l'article 67 aux décisions que prennent les conseils de bande, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et le gouvernement fédéral. C'est de cela dont il est question : des décisions prises par le MAINC et par les conseils de bande partout au Canada.

Dans le cas des décisions fondées sur la Loi sur les Indiens, les citoyens des Premières nations et les Indiens inscrits, qu'ils vivent ou non dans une réserve, n'ont pas accès à la Commission canadienne des droits de la personne pour loger une plainte. Ils n'ont pas de recours. Il est donc question ici de décisions prises par le gouvernement fédéral par le truchement du MAINC et des conseils de bande.

Nous avons entendu les citoyens ordinaires des Premières nations de partout au Canada nous raconter leurs histoires d'horreur, nous dire qu'ils n'ont pas accès au logement, qu'ils ne peuvent retourner dans leur collectivité et qu'ils n'ont pas accès au financement de l'enseignement postsecondaire qui est disponible. Ce sont là des enjeux de première importance partout au Canada, et les gens m'en ont parlé directement.

Si on m'a confié le mandat de préconiser l'abrogation de l'article 67, c'est parce que, comme vous, j'ai accès à la Commission canadienne des droits de la personne et, comme je l'ai dit plus tôt, mes enfants devraient également y avoir accès.

M. Chartier : Je vous remercie, sénateur St. Germain, de votre question. Je dirai tout d'abord que les Métis sont exclus de la Loi sur les Indiens pour des raisons d'ordre historique. Pratiquement dès le départ, il était très clair que cette loi excluait les personnes ayant reçu des terres aux termes de la Loi de 1870 sur le Manitoba. La Loi sur les Indiens a été modifiée par la suite pour préciser que les Métis qui avaient reçu des certificats de concession de terre aux termes de l'Acte des terres fédérales ne pouvaient être inscrits. Voilà qui est bien puisque nous sommes le peuple métis, la nation métisse.

Je tiens à dire que je ne suis pas en mesure de répondre à votre question. Cependant, je dois dire qu'elle m'intéresse. Mes enfants et mes petits-enfants sont membres de la nation dénée. D'ailleurs, mon fils est membre du conseil de bande de sa réserve. Hier soir, ma petite-fille de six ans regardait la télévision avec mon fils et elle lui a demandé si grand-papa était devenu fou. Je crois qu'elle voulait dire qu'elle se demandait si j'étais en colère, mais l'important, c'est qu'elle était à l'écoute. C'est donc une question qui m'intéresse.

Je ne savais pas que M. Brazeau était avocat. Consultez deux avocats et vous aurez trois avis. Je suis moi-même avocat à mes heures.

Je dis à votre comité que l'approche consiste à se fonder sur l'article 35, à tirer des leçons des échecs ou des succès du passé. À mon avis, l'Accord du lac Meech était un succès. Malheureusement la majorité des Canadiens ne l'ont pas appuyé. Cet accord visait à aller de l'avant. Il traitait du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Au moment où nous allons de l'avant, je ne crois pas que la solution consiste à jouer avec la Loi sur les Indiens, si je puis m'exprimer ainsi. Le chef national Fontaine a traité de cette question. Par conséquent, je vais m'arrêter là.

Nous devons nous fonder sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Les gouvernements indiens dans les territoires indiens doivent s'autogouverner, et ils doivent avoir les ressources nécessaires pour exercer les responsabilités d'un gouvernement, de la même façon que la nation métisse. Nous devons nous fonder sur le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et c'est avec des personnes et des nations que nous pouvons y arriver. C'est avec elles que le gouvernement doit établir une relation, une relation de nation à nation. Au moment où nous allons de l'avant, il convient de réfléchir sur ce point.

M. Brazeau fait un excellent travail de promotion et de défense des intérêts. Je crois que l'Association des femmes autochtones du Canada et le Congrès des Peuples Autochtones devraient et doivent faire de la promotion, afin de s'assurer que l'on s'occupe des laissés- pour-compte au sein des gouvernements et des nations, parce que c'est très important.

Je suis convaincu qu'il faut développer cette relation de gouvernement à gouvernement. Il faut se fonder sur l'article 35, et nous devrions nous inspirer de certaines initiatives du passé qui auraient mené à un tel succès. Je vais m'en tenir à ces propos.

Le sénateur Adams : J'aimerais poser quelques questions. Je sais que nous avons accepté les excuses du gouvernement. Je suis au Sénat depuis 31 ans et j'ai entendu beaucoup de choses au sujet des Indiens. Selon les statistiques, jusqu'à 70 p. 100 des Indiens auraient été emprisonnés. Au Canada, la population carcérale est composée à 30 p. 100 de Blancs et à 70 p. 100 d'Autochtones. Les Autochtones sont incarcérés principalement en raison de problèmes familiaux comme la violence et l'abus d'alcool. Pensez-vous que ces personnes vont pouvoir rentrer à la maison, après les excuses présentées?

Ma deuxième question a trait aux femmes qui épousent des Blancs et qui perdent leur statut. Quelle est la solution à ce problème?

(1640)

Troisièmement, je crois savoir que les Autochtones qui vivent dans une réserve doivent être munis d'un certificat de statut émis par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien s'ils veulent voter aux élections fédérales.

Voilà mes trois questions. Je ne sais pas si ces préoccupations sont toujours d'actualité. Elles auraient dû être incluses dans les excuses présentées par le gouvernement. La Loi sur les Indiens devrait être modifiée. Je ne sais pas si cela tient toujours, mais si on a seulement 10 p. 100 d'ascendance indienne, a-t-on pleinement ou partiellement droit aux indemnisations et aux avantages accordés par le ministère des Affaires indiennes et du Nord? Devons-nous modifier la politique du ministère? Nous avons besoin d'une réponse. Les modifications pourraient peut-être être incluses dans le nouveau projet de loi sur les droits de la personne, le projet de loi C-21.

Le chef Fontaine : Merci, sénateur Adams. Vous avez posé trois questions. Je vais répondre à la deuxième. Je possède une carte de statut. Je l'ai obtenue du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. J'ai mon numéro, qui est le deuxième numéro de ma vie. Mon premier numéro, c'était le 940; maintenant, c'est le 1 430. Le fonctionnaire de l'état civil du ministère des Affaires indiennes et du Nord émet ces cartes. Nous sommes les seuls à avoir un tel statut. Ces cartes sont appelées cartes de statut. Dans certains endroits, on les appelle cartes d'appartenance à une bande. Il s'agit essentiellement d'une question de citoyenneté. Tout comme un gouvernement a le droit de déterminer ou de définir qui sont ou seront ses citoyens, nous devrions avoir le droit de le faire.

Ce sont les gouvernements autochtones qui devraient émettre ce genre de cartes d'identité. Cette question est très importante. Si vraiment nous bénéficions des droits aux termes de l'article 35 de la Constitution, si vraiment nous avons le droit à l'autodétermination, nous devrions pouvoir définir ou préciser cette notion de citoyenneté. Nous exhortons le Sénat à se pencher attentivement sur cette question et à l'envisager du point de vue des gouvernements des Premières nations et de leur droit de gérer la citoyenneté.

Vous avez posé cette question au sujet des femmes. On a parlé du projet de loi C-31 de 1985. Encore là, lorsqu'il a été présenté, il avait été conçu pour réparer un tort, mais, en cours de route, nous avons créé un problème encore plus grand parce qu'il s'agit essentiellement d'un projet de loi de résiliation. Nous devons régler ce problème, qui est grave. Je suis certain que des gens vous en parlent, sénateur. Au fil du temps, nous avons encouragé le gouvernement à réexaminer cette lacune du projet de loi C-31 pour que nous puissions la corriger, sinon, les Indiens inscrits finiront par disparaître.

Votre autre question portait sur les détenus dans les pénitenciers. Vous avez absolument raison à propos des 70 p. 100. Dans certaines prisons provinciales, par exemple, la population carcérale est constituée à 100 p. 100 d'Autochtones. Dans les établissements fédéraux, le nombre varie d'un endroit à l'autre, mais, quels que soient les pourcentages, ils sont beaucoup trop élevés. C'est un grave problème.

Je dois admettre que j'ai oublié le titre exact de la personne que nous avons rencontrée. J'ignore s'il s'agit de l'ombudsman. De toute façon, au cas où je ferais erreur, je demanderai à quelqu'un d'autre de répondre à la dernière partie de la question. Je dirai simplement que je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'un énorme problème.

Mme Simon : Je vais répondre à la dernière question. En fait, les autres questions étaient davantage destinées au chef national.

En ce qui concerne le nombre d'Autochtones dans les pénitenciers, je crois qu'il est inacceptable, mais qu'il découle d'un problème de plus grande ampleur. Pourquoi nos gens sont-ils en prison? Je crois que la réponse se trouve dans ce qui s'est dit hier et dans la raison pour laquelle le gouvernement du Canada a présenté des excuses officielles hier. En effet, génération après génération, les nôtres sont devenus dysfonctionnels en raison de ce qu'ils ont subi dans le passé. Les mauvais traitements dont ils ont été victimes en raison du système des pensionnats, des politiques d'assimilation du gouvernement, de l'idée de nous faire oublier notre culture et notre langue afin de nous transformer en quelque chose d'autre, tout cela, je crois, a contribué à détruire notre dignité. Sans dignité, sans respect de soi, on ne peut que se tourner vers ce qui a des effets négatifs sur sa vie. On devient alors violent et on s'enlise dans l'alcool et les drogues.

Nous pouvons constater ce qui s'est produit au fil des générations. Nous devons commencer à collaborer avec le gouvernement afin de déterminer comment nous pourrions commencer à rendre la population plus saine en atténuant les problèmes sociaux et de santé actuels et en commençant à mieux éduquer nos jeunes. Cela nous permettra de redresser les choses, mais il faudra du temps.

Je voudrais également dire que, pour ne pas nous sentir intimidés par tout ce que nous avons à faire en tant que peuple habitant au Canada pour redresser le passé, nous devons garder à l'esprit que tout n'a pas été négatif, nous rappeler les aspects positifs de la relation entre les peuples autochtones et les Canadiens.

Par exemple, il y a dans notre région un système d'éducation qui commence à produire des éducateurs qui parlent et qui enseignent notre langue dans les écoles. Cela n'est pas suffisant en soi, mais il faut poursuivre sur cette lancée au lieu de repartir à zéro et de nous demander comment nous allons créer un autre processus qui va tout changer. À mon avis, la réponse consiste à regarder ce que nous avons fait, à déterminer ce qui fonctionne et à miser sur ces réussites. Si nous procédons de la sorte, la tâche ne sera pas aussi lourde qu'il y paraît.

C'est l'approche que nous avons adoptée lors du récent Sommet national sur l'éducation des Inuits, qui s'est tenu à Inuvik. Pour la première fois, les éducateurs du Nunavik ont senti que le travail qu'ils effectuent dans les coulisses avait finalement été reconnu. Personne n'avait auparavant reconnu les efforts qu'ils déploient pour faire de ce système d'éducation une réussite.

Il est très important de les inclure et de poursuivre sur leur lancée, et cela n'a pas besoin de se limiter à l'éducation. Nous avons besoin d'une aide considérable sur le plan de la formation. La santé mentale est un enjeu de taille dans le Nord, et dans le Canada tout entier, si l'on en croit l'ancien sénateur Michael Kirby. C'est un grave problème dans le Sud du Canada. Le problème est trois fois plus grave dans le Nord à cause de l'absence de services.

Envoyer des conseillers dans le Nord ne règlera pas le problème à long terme. Nous devons former nos propres conseillers. Nous avons besoin de conseillers en santé mentale et pas seulement de travailleurs sociaux, car il y a une grande différence entre les deux. Il s'agit de problèmes concrets dont on peut discuter pour essayer de voir comment nous pourrions améliorer les choses.

(1650)

La présidente : Il reste dix minutes, et deux sénateurs figurent encore sur ma liste de ceux qui souhaitent poser des questions. Pardon, monsieur Chartier. Vouliez-vous répondre au sénateur Adams?

M. Chartier : Je serai bref, mais je pourrais facilement occuper les dix minutes qui restent. Je tiens à remercier Mme Simon de son intervention. La survivante venant du Nord de la Saskatchewan qui m'accompagne voulait savoir pourquoi personne ne parle de tous les gens qui ont été incarcérés par suite des sévices qu'ils ont subis. Je suis content que la question ait été soulevée et que l'on y ait répondu.

En ce qui concerne la Loi sur les Indiens ainsi que le statut d'Indien et l'inscription des Indiens, je me suis réjoui lorsque M. Fontaine et l'Assemblée des Premières Nations ont entrepris, il y a trois ans environ, de se pencher sur cette question, car nombreux sont les gens qui croient que, si votre ascendance est mixte, cela fait automatiquement de vous un Métis, alors que ce n'est pas le cas. Les membres de la nation métisse forment un peuple distinct ayant sa propre langue, sa propre histoire et sa propre culture et qui habite un territoire que nous appelons notre patrie, territoire qui englobe les trois provinces des Prairies et qui s'étend jusqu'en Ontario, en Colombie-Britannique, dans les Territoires du Nord-Ouest et dans des États du Nord des États-Unis. Nous espérons que, au bout du compte, on finira par avoir des modes d'inscription qui conviendront à tout le monde, grâce aux dirigeants des Premières nations et de la nation métisse. Personne ne devrait être étiqueté comme Indien non inscrit. Qu'est-ce que cela nous dit? Il faut que les gens trouvent la place qui leur revient au sein de leur nation, et nous devons poursuivre nos efforts en ce sens.

Le chef Brazeau : Cette question me tient beaucoup à cœur. J'ai dans ma poche une carte de statut, comme celle de M. Fontaine. On nous traite pourtant différemment parce qu'il représente les gens qui vivent dans les réserves, tandis que moi, je représente ceux qui vivent à l'extérieur des réserves.

Même si nous ne sommes pas d'accord sur de nombreuses questions, nous nous entendons sur celle de la citoyenneté. C'est nous qui devrions décider à qui nous accordons notre citoyenneté. À cet égard, une affaire qui est devant les tribunaux en Colombie- Britannique, l'affaire McIvor, concerne l'élimination de la discrimination qui se perpétue à cause du projet de loi C-31. Nous faisons partie des intervenants dans cette affaire. Je reviens donc encore une fois sur la question du projet de loi C-21. Je crois fermement que, si ce projet de loi est adopté, les premières dispositions de la Loi sur les Indiens qui seront visées sont celles qui concernent l'inscription, ce qui ne pourra être qu'une bonne chose. On démêlera l'écheveau et le reste suivra.

En ce qui concerne la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels, il faut rappeler que la majorité de ces délinquants ont moins de 25 ans. Il faut s'occuper en particulier de la jeunesse autochtone. Je vois des jeunes Autochtones se joindre à des gangs parce qu'ils y trouvent un sentiment d'appartenance. Ils veulent faire partie de quelque chose. Nos peuples souffrent d'un trop grand nombre de problèmes. Nous devons les aider et trouver des programmes qui les éloigneront de la drogue, ainsi que des programmes parascolaires qui les éloigneront des gangs.

Le sénateur Jaffer : Je vous remercie d'être venus ici aujourd'hui pour nous parler. Vos propos ont suscité en moi un profond sentiment d'humilité.

Vous dites que nous devons être tournés vers l'avenir. Dans cette optique, j'aimerais vous soumettre un autre problème. Je suis une Canadienne issue de l'immigration récente. Lorsqu'on arrive dans un nouveau pays, on s'adapte à la culture de ce pays. Un événement important a eu lieu hier. Ce fut un jour de réconciliation pour l'ensemble des Canadiens. Je crois que les néo-Canadiens ont la possibilité de goûter à une riche culture qui leur est extérieure. Je suis une musulmane ismaïlienne, et mon chef religieux, l'Aga Khan, a étudié attentivement les cercles de guérison des Autochtones. Il nous a conseillé de nous inspirer de ces cercles après les divorces. Au sein de notre petite communauté, nous devons apprendre la guérison. Aujourd'hui, j'aimerais vous dire que vous avez du travail à faire aussi dans le reste de notre grand pays. Vous devez faire profiter l'ensemble des Canadiens de votre riche culture.

La présidente : Si personne ne souhaite répondre, le sénateur Joyal peut poser sa question.

Le sénateur Joyal : Honorables chefs et madame la présidente, le Sénat est la Chambre du Parlement qui donne une voix spéciale aux minorités et, plus particulièrement, aux Autochtones. En effet, nous bénéficions de la présence de sept sénateurs autochtones des deux côtés de cette Chambre. Ils amènent à nos débats une réflexion ou une dimension unique que l'on ne retrouve dans aucune autre assemblée législative canadienne. En vous voyant ici aujourd'hui, je me suis demandé si vous ne devriez pas dorénavant revenir ici chaque année afin de nous signaler les progrès réalisés à la suite de l'engagement qui a été si chaleureusement appuyé par les parlementaires dans les deux Chambres du Parlement. Il nous incombe à tous de nous assurer que l'engagement pris hier et aujourd'hui soit respecté rapidement et de manière constante afin qu'on puisse dire, plus tard, que nous avons respecté l'engagement pris. C'est mon premier point.

Mon deuxième point porte sur une question qui est très importante pour moi en tant que Canadien français, à savoir la question de la langue. Vous vous rappellerez que la Commission royale sur les peuples autochtones précisait clairement ce qui suit dans son rapport de 1996 :

[Français]

La langue est le principal véhicule de transmission de la culture. Sa revitalisation est donc, de l'avis de la commission, la clé du rétablissement des Premières nations, des Inuits et des Métis et du renouvellement de leur culture.

[Traduction]

L'été dernier, en juillet, le chef Fontaine a publié un document intitulé Stratégie nationale sur les langues des Premières Nations, qui a été présenté à l'assemblée générale annuelle des Premières nations, à Halifax. Dans la documentation d'accompagnement se trouvait un projet de loi sur les langues des Premières nations et la création d'une fondation. Il s'agissait en fait d'un avant-projet de loi présenté en 2000.

Il me semble que, si nous voulons avancer, nous devons bien cerner les engagements que nous, au Sénat, devrions prendre pour contribuer à ranimer la fierté des langues autochtones du Canada. Le chef Fontaine sait, autant que moi, que l'on compte 11 langues de la famille autochtone au Canada. Selon certaines études, trois d'entre elles pourraient survivre, mais la plupart risquent de se perdre. Ce serait tragique, non seulement pour les peuples autochtones, mais aussi pour ceux d'entre nous qui parlent d'autres langues et qui viennent d'une culture différente. Le Canada sera fort dans la mesure où ses propres minorités seront florissantes.

À votre avis, quelle importance devrait être accordée aux langues autochtones dans l'engagement que nous prenons de rétablir la dignité et la fierté de l'identité autochtone?

Le chef Fontaine : Merci, sénateur Joyal. Vous avez soulevé une question importante.

(1700)

Avant de répondre directement à la question, sénateur, je dirais que, pour ce qui est du premier point que vous avez soulevé, c'est une très bonne idée et je l'appuie de tout cœur. Je serais honoré de venir ici au Sénat au moins une fois par année pour discuter des questions d'importance, non seulement pour les Premières nations, mais aussi pour tous les Canadiens. C'est une idée extraordinaire.

J'aimerais répondre brièvement au sénateur Adams. Je n'ai pas bien compris votre question, sénateur. Je m'engage à fournir une réponse écrite aux questions portant sur la surreprésentation des peuples autochtones dans le système carcéral, les problèmes liés au régime de libération conditionnelle, les problèmes auxquels les détenus autochtones font face dans les institutions fédérale, le problème de l'accès à un conseiller juridique et les problèmes causés par la pauvreté, ainsi que sur le point dont Mme Simon a parlé, c'est-à-dire les répercussions de l'expérience des pensionnats indiens. Je vais tenter de répondre à tout cela par écrit.

Pour ce qui est des langues, sénateur Joyal, nous défendons cette cause depuis des années parce que les langues des Premières nations sont en danger. Il y a 55 langues autochtones qui sont toujours parlées au Canada. Les seules qui sont toujours fortes de nos jours sont la langue inuite, le cri et celle que je parle moi-même, l'ojibway.

[Note de la rédaction : Le chef Fontaine s'exprime dans sa langue maternelle.]

Les 52 autres langues sont dans un état précaire.

Sous les auspices du gouvernement précédent, nous avons entrepris une étude importante en vue d'examiner soigneusement cette question. Nous avons conjointement mis sur pied un groupe de travail chargé d'étudier la question. Ce groupe de travail a déposé son rapport et présenté un plan sur la meilleure façon de faire face à cette grave crise. Grâce à ce processus, nous avons réussi à obtenir un engagement de 172 millions de dollars sur dix ans pour améliorer, préserver et revitaliser les langues autochtones.

Malheureusement, le gouvernement actuel nous a fait savoir que cet engagement sera rayé du cadre financier d'un simple trait de plume. Nous vivons aujourd'hui une crise encore plus grave que celle vécue l'année dernière et l'année précédente, alors que nous étions arrivés à convaincre le gouvernement que des mesures devaient être prises sans délai.

Le sénateur a tout à fait raison de dire que la disparition d'une seule de ces langues amoindrirait le Canada. Il y a 52 langues qui se trouvent dans un état précaire. Les langues autochtones sont en crise. Nous avons besoin d'aide pour conserver, protéger et améliorer ces langues.

Mme Simon : Notre langue, notre culture et nos traditions sont les fondements de notre identité. Il est primordial non seulement de les maintenir et des les protéger, mais aussi de leur permettre d'évoluer parallèlement à notre société.

Les langues sont vivantes, elles évoluent avec le développement des nouvelles technologies. La modernisation change notre manière de voir les choses. Nous faisons de grands efforts pour moderniser notre langue. La langue inuite est une des langues les plus fortes, mais elle s'affaiblit parce que les jeunes ne l'utilisent pas autant que nous.

Heureusement, les Inuits ont décidé qu'une des façons de sauver leur langue était de la parler. Nous parlons inuit tout le temps. Les gens de ma génération, surtout, utilisent notre langue. Nous l'utilisons le plus possible et nous avons pris la décision de l'utiliser lors de toutes nos réunions. Nous avons des interprètes.

Le gouvernement du Nunavut a adopté une loi faisant de l'inuktitut la langue officielle du Nunavut, ce qui est très important. Il examine la Loi sur l'éducation au Nunavut, qui favorisera l'apprentissage de l'inuktitut du fait que cette langue sera la langue d'enseignement. Nous espérons que lorsque nous aurons nos propres institutions gouvernementales, au Nunavik par exemple, nous pourrons aussi adopter des lois pour protéger notre langue et notre culture. Cependant, nous aimerions qu'on le fasse à l'échelle nationale. Sans une telle protection, une langue est menacée. Il y a deux langues officielles au Canada, et je crois qu'en tant que pays nous faisons beaucoup pour qu'elles demeurent vigoureuses. Il y a des gouvernements qui défendent ces langues. Le Québec, par exemple, s'est doté de lois qui protègent le français.

Nous avons besoin de lois qui protègent notre langue, qui n'est pas une des langues officielles du Canada, mais qui est notre langue officielle à nous. La langue inuite est la langue officielle des Inuits. Pour les raisons dont nous parlons depuis une journée et demie, soit l'assimilation et les pensionnats indiens, nous ne pouvons pas sauver notre langue tout seuls. On nous a privés du droit de la parler, et c'est pour cela que nous en sommes là aujourd'hui. La réparation doit aussi viser les séquelles de cette période sombre sur nos langues, nos cultures et nos traditions.

[Français]

Le chef Brazeau : Il s'agit d'une très belle question. En tant que Québécois, je parle français et anglais, mais je ne parle pas ma langue autochtone, qui est l'algonquin. J'en suis à l'apprendre. Il faut aussi parler de la responsabilité des parents et des individus qui connaissent la langue. Il est important de transmettre et d'apprendre cette langue.

En tant que parent, ma femme s'assure que nos enfants parleront l'algonquin. Chaque individu a la responsabilité de transmettre la langue, comme n'importe quelle nationalité.

Il est important de dire, en tant que leader autochtone, qu'il est aussi de notre mandat de sensibiliser notre population sur l'importance de garder et de gérer notre langue. Il est vrai que c'est toujours plus facile quand il y a un peu d'aide de la part des gouvernements, mais il est bien évident que l'argent ne conservera pas nos langues à tout jamais. C'est aussi notre responsabilité.

[Traduction]

M. Chartier : La langue de la nation métisse, le michif, se perd rapidement et nous souhaitons effectivement la préserver.

En réponse au sénateur Joyal, le Ralliement national des Métis serait heureux de dialoguer chaque année avec le Sénat.

La présidente : Honorables sénateurs, je sais que vous vous joindrez à moi pour remercier sincèrement les témoins qui étaient parmi nous aujourd'hui.

Merci à nos distingués invités. Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez accordé et pour la sagesse que vous avez bien voulu partager avec nous ces dernières heures.

Des voix : Bravo!

(1710)

La présidente : Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que nous avons entendu les témoins?

Des voix : D'accord.


[Français]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

Rapport du comité plénier

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, le comité plénier, qui a été autorisé par le Sénat à entendre des témoins des Premières nations au sujet de la déclaration d'excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens, fait rapport du fait qu'il a entendu lesdits témoins.

[Traduction]

La Loi canadienne sur les droits de la personne

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Stratton, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui, en tant que porte-parole, au sujet du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette mesure législative propose d'abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui dit ceci :

La présente loi est sans effet sur la Loi sur les Indiens et sur les dispositions prises en vertu de cette loi.

L'exception prévue à l'article 61 interdit essentiellement la présentations de plaintes pour discrimination si la discrimination alléguée implique des points visés par la Loi sur les Indiens ou a été commise en application de cette loi.

Cette loi a des répercussions disproportionnées sur les peuples autochtones, particulièrement sur les personnes qui vivent et travaillent dans les réserves. Celles-ci ne peuvent pas porter plainte en vertu de cette loi devant la Commission canadienne des droits de la personne contre les conseils de bande et le gouvernement fédéral.

Les droits des Autochtones sont moins bien protégés que ceux des autres Canadiens. Ces 31 dernières années, on a souvent demandé l'abrogation de la disposition de la Loi canadienne sur les droits de la personne dont il est ici question. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, la Commission canadienne des droits de la personne ainsi que des organisations autochtones nationales canadiennes, pour ne mentionner que ceux-là, ont réclamé l'abrogation de cet article.

Les demandes en ce sens sont bien documentées. En octobre 2005, la présidente de la Commission canadienne des droits de la personne, Mary Gusella, déclarait :

Les Premières nations vivant dans les réserves constituent le seul groupe de personnes au Canada qui ne peut, aux termes de la loi, présenter des plaintes liées aux droits de la personne dans certaines circonstances. Cette situation est embarrassante pour le Canada. Comment le Canada peut-il, en toute conscience, promouvoir le respect des droits de la personne, tant au pays qu'à l'étranger, tout en privant les membres des Premières nations de la pleine protection des droits de la personne?

Empêcher des collectivités autochtones de formuler des plaintes concernant les droits de la personne est inacceptable. Je sais que vous et moi aurions énormément de difficulté à trouver quelqu'un qui n'est pas scandalisé que nous ayons à corriger cette situation après 31 ans.

Honorables sénateurs, nous devrions nous demander pourquoi un pays progressiste comme le nôtre exclut les peuples autochtones de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je vais tenter de l'expliquer.

En 1977, lorsque le Canada a promulgué la Loi canadienne sur les droits de la personne, l'exemption prévue à l'article 67 avait été incluse à titre temporaire. Retenez bien qu'il s'agissait d'une mesure censée être temporaire. Le gouvernement de l'époque croyait que cette exemption était nécessaire parce qu'il y avait des négociations avec les peuples autochtones au sujet de modifications à la Loi sur les Indiens. Une fois ces modifications intégrées à la loi, l'exemption devait être levée. Malheureusement, cela n'a jamais été fait.

La Loi sur les Indiens actuelle a été adoptée à l'origine en 1951 et a été modifiée en 1985 par le projet de loi C-31. Le projet de loi redonnait leur statut aux personnes qui l'avaient perdu en se mariant avec un non-Autochtone. Cela ne s'est d'ailleurs fait que lorsque notre collègue, le sénateur Lovelace Nicholas, et d'autres personnes ont porté la question du traitement inéquitable devant les Nations Unies.

Le projet de loi C-31 a eu pour résultat de soulever de nouvelles questions au sujet des droits puisque d'autres dispositions maintenaient une discrimination contre les Autochtones. D'après ce que j'ai compris, après 1985, le gouvernement a mis l'accent sur l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. On a fait des projets de consultation auprès des communautés autochtones.

(1720)

Le Canada a présenté des mesures législatives successives à cet effet, en commençant par le projet de loi C-108, présenté en 1992, qui proposait l'abrogation de l'article 67. On a fait une autre tentative en 2002, quand on a présenté le projet de loi C-7, la Loi sur la gouvernance des Premières nations. Celui-ci est mort au Feuilleton en 2003. La troisième tentative a été faite par Son Honneur le Président, le sénateur Kinsella, qui a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire en octobre 2005 qui, lui aussi, est mort au Feuilleton quand le Parlement a été dissout plus tard cette même année.

La question d'une solution satisfaisante au traitement des droits fondamentaux des Autochtones est assez complexe et a fait l'objet de maintes études. Elle est complexe car elle entend un juste équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs dans les communautés autochtones. Je sais que les sénateurs conviendront avec moi que le moment est opportun pour adopter cette mesure.

Durant les 31 années qui se sont écoulées avant que nous adoptions une mesure abrogeant l'article 67, les peuples autochtones ont livré des combats difficiles pour revendiquer leurs droits au sein d'un système qui leur est défavorable. C'est pourquoi j'aimerais aujourd'hui honorer notre collègue, le sénateur Lovelace Nicholas. Militante des droits de la personne, elle connaît de première main les violations des droits qu'a entraînées la disposition d'exclusion énoncée à l'article 67. En 1977, elle a soumis une demande aux Nations Unies au sujet du traitement, par le gouvernement du Canada, des femmes et enfants autochtones au Canada. Son histoire ressemble à celle de nombreuses femmes des Premières nations. Elle a perdu son statut d'Indien lorsqu'elle a épousé un non-Indien. En 1977, donc, elle a perdu tous les droits et avantages associés au statut d'Indien au Canada, y compris le droit de vivre dans une réserve. À qui pouvait-elle adresser ses plaintes au sujet de la violation de ses droits?

La Commission des droits de la personne ne pouvait entendre son cas, car ces questions relevaient de la Loi sur les Indiens et n'étaient donc pas visées par la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le sénateur Lovelace Nicholas a dû s'adresser à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Celle-ci a reconnu que le Canada faisait preuve de discrimination à l'endroit des femmes des Premières nations en appliquant la disposition de la Loi sur les Indiens concernant le mariage. Cette affaire a entraîné les modifications à la Loi sur les Indiens apportées en 1985, dont j'ai parlé plus tôt.

Lorsque le sénateur Lovelace Nicholas a porté sa cause devant l'ONU, de nombreuses autres causes n'avaient pas fait l'objet de jugements similaires dans le cadre du système juridique canadien. C'était le cas de celles de Mary Two-Axe Early et de Jeanette Corbiere Lavell. Nous devons nous demander en quoi la vie de ces femmes serait différente aujourd'hui si elles avaient eu accès à la Loi canadienne sur les droits de la personne, comme auraient dû l'avoir de nombreuses autres femmes.

Le sénateur Lovelace Nicholas a été reconnue pour avoir fait la promotion des droits de la personne. En 1990, le Canada a salué sa combativité et ses réalisations en la décorant de l'Ordre du Canada. Nous nous réjouissons qu'elle soit des nôtres au Sénat.

Sénateur, nous saluons vos réalisations en cette matière.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Jaffer : Honorables sénateurs, je veux soulever certaines questions ayant trait au projet de loi C-21. L'article 1.1 du projet de loi comporte une disposition de non-dérogation libellée comme suit :

1.1 Il est entendu que l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne porte pas atteinte à la protection des droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones...

Ayant participé à l'étude du Sénat sur les dispositions de non- dérogation, je me sens obligée de signaler que cette disposition n'est pas nécessaire étant donné que toutes les lois du Canada, y compris la Loi canadienne sur les droits de la personne, sont assujetties à l'article 35 de la Constitution. La révocation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne ne changera en rien cette situation. Seule une modification de la Constitution pourrait la changer.

Ces dispositions ne sont pas sans susciter la controverse puisqu'on peut s'interroger sur leur cohérence et leurs implications. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a recommandé que toutes les dispositions de non-dérogation incluses dans des mesures législatives fédérales depuis 1982 soient abrogées et remplacées par une seule et unique disposition de non-dérogation dans la Loi d'interprétation. Il me semble nécessaire de le souligner puisque le Sénat a fait dans ce domaine un excellent travail, dont on n'a pas tenu compte dans le cadre du projet de loi C-21.

La mesure qui est devant les sénateurs résulte d'un compromis à l'autre endroit. On a apporté des amendements en ce qui concerne les traditions juridiques et les règles du droit coutumier des Premières nations. L'article 1.2 du projet de loi reconnaît la nécessité de veiller à l'équilibre entre les droits et intérêts individuels et les droits et intérêts collectifs, tout en tenant compte du principe de l'égalité des sexes.

Honorables sénateurs, je m'inquiète beaucoup de l'introduction dans cette mesure législative de principes d'égalité comme celui de l'égalité entre les sexes. L'article 15 de la Charte des droits et libertés énonce ce qui suit :

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et aux mêmes bénéfices de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

Je déclare respectueusement que chaque loi au Canada doit être conforme à la Charte. L'égalité des sexes est traitée à l'article 15 de la Charte. Il n'est donc pas nécessaire de l'inclure dans le projet de loi C-21. Je suis d'avis que nous devrions éviter de mettre expressément en évidence une dimension de l'égalité plus qu'une autre dans la loi, car cela pourrait être interprété comme voulant dire que, le Parlement ne reconnaissant que le sexe comme motif de discrimination, d'autres motifs ne seraient pas pris en considération. Si nous voulons donner des droits aux gens, donnons-leur tous ceux qui sont prévus dans la Charte des droits et libertés et la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Le projet de loi C-21 contient également des dispositions transitoires. L'article 3 nous dit que le projet de loi s'appliquerait immédiatement au gouvernement fédéral, mais non aux Premières nations et aux collectivités autochtones. Dans leur cas, un délai de grâce de trois ans s'appliquerait. Ce délai de grâce de trois ans est très important. Lorsque la Charte des droits et libertés a été présentée, un délai de transition de trois ans avait été prévu pour le règlement de toutes les questions soulevées dans la Charte. Il est simplement juste que les collectivités autochtones aient droit à une période de transition de trois ans.

Le plus important, c'est que l'article 4 du projet de loi C-21 prévoit des moyens pour aider les Premières nations au cours de ce délai de grâce. Durant les trois années, le gouvernement fédéral entreprendrait une étude, de concert avec les organismes compétents des Premières nations, afin de définir l'ampleur des préparatifs, des capacités et des ressources fiscales qui seraient nécessaires pour que les collectivités et les organismes des Premières nations se conforment à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le projet de loi prévoit également la présentation d'un rapport sur cette étude aux deux Chambres du Parlement avant la fin du délai de grâce.

Honorables sénateurs, il n'en coûte rien pour porter plainte et les plaignants n'ont pas besoin d'un avocat pour porter plainte auprès de la Commission des droits de la personne. Toutefois, les plaignants et les répondants peuvent choisir d'être représentés par un avocat en tout temps au cours du processus. Si les parties à l'audition d'une plainte choisissaient de retenir les services d'un avocat, les honoraires ne seraient pas pris en charge par la commission parce qu'elle n'offre pas de fonds pour la représentation juridique privée.

Il faudra garantir l'accès à une représentation juridique dans le cas de certains membres des Premières nations pour que leur affaire soit instruite correctement par la Commission des droits de la personne. C'est un point qu'il faudra envisager et étudier durant et après la période de grâce.

Honorables sénateurs, nous devons agir immédiatement, sans attendre. Ce fut une semaine très importante dans l'histoire de notre pays. Nous nous sommes enfin excusés pour le traitement infligé aux Autochtones dans les pensionnats indiens. Il est maintenant temps d'abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Réparons nos torts et étendons l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne à tous les Autochtones.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.)

La Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999)

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Brown, appuyée par l'honorable sénateur Nancy Ruth, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-33, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999).

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir, et une certaine appréhension, que je prends aujourd'hui la parole au sujet du projet de loi C-33. Je suis heureux pour un certain nombre de raisons dont je parlerai dans un instant. Quant à mon appréhension, elle tient au fait que je me dois d'appuyer ce projet de loi. La dernière fois, et peut-être la seule fois où j'ai appuyé un projet de loi du gouvernement dans cette enceinte, avec la même conviction et même avec un certain enthousiasme, il s'est avéré par la suite que j'avais commis une terrible erreur.

(1730)

Par conséquent, à l'instar de certains de mes collègues, j'ai des doutes au sujet de mon jugement en pareil cas. Mes doutes sont d'autant plus forts que le sénateur Murray était venu me voir après cette horrible bévue. Il m'avait dit qu'il songeait à la souligner devant le Sénat. Heureusement, il m'a pris en pitié.

En toute humilité et avec une certaine appréhension, je dois dire que, compte tenu des implications de ce projet de loi sur la politique économique et la politique environnementale, il m'apparaît conforme à ce que devrait être une politique environnementale orientée vers l'avenir. Il est très intéressant de souligner toutefois que j'ai encore l'impression qu'il reste une forte croyance inavouée, sinon ouvertement manifestée, dans les rangs du gouvernement, croyance selon laquelle la poursuite énergique des objectifs de Kyoto constituerait un fardeau pour l'économie. Une telle entreprise drainerait l'économie, ralentirait l'activité économique, causerait des pertes d'emplois et réduirait la qualité de vie des Canadiens.

Ce projet de loi et le problème qu'il vise à corriger sont la preuve la plus absolue du contraire. Le gouvernement considère que tout cela est contradictoire, ce que je trouve très intéressant. D'une part, les sénateurs d'en face insisteront encore et encore pour injecter des milliards de dollars dans les aéronefs militaires, les hélicoptères et tout l'arsenal. Pourtant, ils ne disent jamais que cela sera néfaste pour l'économie.

En même temps, lorsqu'il faut être persuasif ou encourager et stimuler une politique environnementale avant-gardiste pour jouer un rôle de chef de file mondial dans le domaine des changements climatiques, ils disent implicitement que cela nuira à l'économie.

Il est important de noter que nous avons restructuré de fond en comble notre économie pendant la période de 1939 à 1945 afin de gagner cette guerre malheureuse, comme toutes les guerres le sont, et cela n'a pas ruiné notre économie. En effet, cette guerre a engendré, même si c'était pour les mauvaises raisons, une économie industrialisée moderne grâce à laquelle le Canada est devenu l'un des plus importants pays industrialisés au monde, sans d'aucune façon nuire à notre économie.

Si nous faisions preuve de leadership et si nous prenions les initiatives appropriées dans la lutte contre les changements climatiques, je suis persuadé que le coût de ces mesures serait beaucoup moins élevé que les gens ne l'imaginent. Deuxièmement, ces initiatives auraient pour effet de stimuler l'économie et de lancer la prochaine révolution, soit la révolution verte, qui transformera le monde et qui devrait lui être bénéfique. Ce serait une révolution économique propre, contrairement à celles du passé. Troisièmement, ces initiatives créeraient des emplois et amélioreraient la qualité de vie.

Ce qui est paradoxal, c'est que le gouvernement ne fait pas de cette initiative sur l'éthanol 5 — on s'attendrait à ce que ce soit l'éthanol 10 ou l'éthanol 15 — une politique marquante qui mette en valeur le leadership dont il est capable. Le gouvernement devrait tirer une certaine fierté de cela, bien que je trouve qu'il n'aille pas assez loin.

En même temps, les sénateurs d'en face négligent de se servir de cette initiative pour montrer qu'il est possible d'avoir une politique environnementale éclairée et tournée vers l'avenir. Ils ne nous ont jamais démontré comment une bonne politique environnementale peut nuire à l'économie ou comment un bon projet environnemental peut nuire à l'entreprise. Il y a beaucoup d'exemples qui prouvent le contraire. Une mauvaise politique environnementale et des entreprises qui se fichent de l'environnement nuisent à l'économie, aux affaires et aux entreprises.

Le projet de loi concerne la teneur en biocarburant dans l'essence. Je sais que le sénateur Spivak, entre autres, ne sera pas d'accord, mais les faits prouvent que le mélange d'éthanol et d'essence est écologique et productif pour l'économie. Selon moi, les inconvénients de cette initiative ne sont pas aussi importants qu'on le laisse entendre. Le temps et les progrès réalisés rendront encore plus évidents les bienfaits de cette initiative sur les plans économique et environnemental.

J'aimerais que le gouvernement profite de cette initiative et s'en serve comme politique exemplaire. Elle montre que le gouvernement peut faire bien davantage et que c'est relativement facile d'y arriver.

Cette mesure législative donnerait au gouvernement fédéral le pouvoir de réglementer les mélanges de combustible, soit l'éthanol, le biodiesel et peut-être d'autres biocarburants. À l'heure actuelle, le problème vient du fait que trois provinces — en l'occurrence le Manitoba, la Saskatchewan et l'Ontario — ont certaines normes et que la Colombie-Britannique s'apprête à en adopter elle aussi. Toutefois, cela signifie également qu'il y aura au Canada une variété de normes distinctes en ce qui a trait aux mélanges de combustibles.

Cette situation entraîne d'énormes problèmes pour les entreprises, les particuliers et les organismes de réglementation qui doivent s'adapter. Le projet de loi donne à un gouvernement bien intentionné le pouvoir dont il a besoin pour traiter comme il se doit cette importante question.

Cette initiative a suscité diverses critiques. D'abord, on soutient qu'il est peut-être immoral et contraire aux principes d'éthique d'utiliser de la nourriture comme combustible. Selon cette position, la production d'éthanol à partir du maïs, qui est un produit comestible, fait augmenter le prix des aliments à l'échelle mondiale. Je soutiens que nous devrions tous faire très attention de ne pas sauter immédiatement à la conclusion que c'est la production d'éthanol qui fait augmenter le prix des aliments. On peut invoquer un argument beaucoup plus puissant selon lequel le prix des aliments a augmenté parce que le prix du carburant est monté en flèche. De nombreuses études démontrent que le prix des aliments suit presque exactement la même trajectoire que celui des carburants. Par conséquent, il n'est pas évident que l'éthanol soit le coupable.

En fait, je crois que les changements climatiques sont en grande partie responsables de l'augmentation du prix des aliments. Partout dans le monde, des récoltes sont ravagées par des sécheresses ou des inondations majeures. Même les cultures telles que le riz et le soja donnent de moins bonnes récoltes. Tout cela influe sur le prix des produits alimentaires.

Ce que je trouve intéressant, c'est que, au moment où les agriculteurs ont enfin la chance d'obtenir un prix équitable sur le marché pour les aliments qu'ils produisent pour les Canadiens et les gens du monde entier, on se met à affirmer que c'est la faute des agriculteurs si le prix des aliments augmente et que c'est aux agriculteurs de les faire redescendre.

Pourtant, personne ne propose que les compagnies pétrolières baissent leurs prix parce que le prix de l'essence fait grimper le prix des aliments. Personne ne propose que les grandes multinationales dans le domaine des engrais, qui haussent leurs prix quand le prix des produits de base augmente, restructurent leurs marchés pour faire baisser le prix des aliments. Personne ne propose que le secteur de l'automobile cesse de fabriquer des VUS afin de réduire la demande de pétrole et de gaz naturel et ainsi faire baisser le prix des aliments. Non, tout le monde se tourne spontanément vers les agriculteurs pour dire que c'est leur faute. En tant que Canadien de l'Ouest, je suis très heureux que les agriculteurs du Canada soient enfin récompensés pour leurs efforts.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Si nous voulons lutter contre la hausse du prix des denrées alimentaires, faisons-le, mais faisons-le en tant que société et en tant que communauté mondiale. Cessons de nous en prendre aux agriculteurs en disant que c'est à eux de tout régler.

Je m'inscris en faux contre l'idée que ce sont les agriculteurs qui font grimper le prix des aliments. Il y a tout lieu de penser que l'éthanol et les biocarburants ne font pas augmenter le prix de la nourriture.

Ceux qui pensent que c'est le cas soutiennent que la production d'éthanol réduit les stocks de maïs destinés à la consommation et que cette réduction fait augmenter la demande et le prix relatif du maïs. Pourtant, tout semble indiquer que la quantité de maïs qui sert à la production de l'éthanol est égale à l'augmentation de la production de maïs. Il se pourrait qu'il n'y ait aucune réduction nette de la quantité de maïs destiné à la consommation. Il existe sûrement des études à l'appui de cette thèse.

(1740)

Le deuxième argument qui est avancé — et c'est un argument sérieux — est que la production d'éthanol fait du tort à l'économie. Peu de gens font valoir que les émissions nettes de CO2 attribuables à l'utilisation d'éthanol sont supérieures à celles attribuables à l'essence classique. Ce que l'on entend, c'est que, au mieux, éthanol et essence classique s'équivalent à peu près, mais on s'empresse d'ajouter que le prix des aliments pose un problème et de conclure que le jeu n'en vaut pas la chandelle.

À mon avis, toutes choses étant égales par ailleurs, si l'éthanol fait au moins ce que l'essence fait, cela aide les collectivités agricoles et rurales et contribue à soutenir et à diversifier l'économie de ces régions, ce qui constitue en soit une bonne justification.

Il convient cependant de ne pas perdre deux choses de vue. Permettez-moi de revenir un peu en arrière pour dire que les critiques à l'endroit de l'éthanol se résument en partie à cette idée et que des gens s'en servent pour essayer de faire obstacle aux activités écologiques vraiment énergiques. On invoque le même genre d'argument à propos des crédits de carbone en Europe, en soutenant que c'est un fiasco et que le prix de vente était beaucoup trop bas. Il est vrai que, lorsque ce programme a été lancé, le prix des crédits de carbone était trop bas. Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de questions compliquées que l'on n'avait jamais eu à régler précédemment.

Il faut bien commencer quelque part en ce qui concerne la lutte contre les changements climatiques et miser sur la créativité humaine, la nature humaine ainsi que la force des marchés et la bonne volonté pour trouver de meilleures façons de procéder. Il faut commencer par faire un premier pas si l'on veut en arriver à la perfection ou à une nette amélioration dans un dossier aussi énorme et complexe que celui de la lutte contre les changements climatiques.

À ce sujet, bien des éléments permettent d'affirmer que l'éthanol de maïs permet peut-être de réduire un peu le bilan carbone, BTU à BTU, d'environ 13 p. 100, mais je crois que le pourcentage est plus élevé. Selon certaines études, l'éthanol cellulosique est beaucoup plus écologique et favorise une réduction beaucoup plus grande des émissions de CO2. Certains estiment que cette réduction pourrait être de 85 p. 100 par rapport au pétrole et à l'essence classiques.

Ce que je veux dire, c'est que j'ignore comment nous passerons de l'éthanol de maïs à l'éthanol cellulosique si nous ne faisons pas un premier pas, si nous ne nous mettons pas au travail. Il pourrait être intéressant d'établir un parallèle avec les sables bitumineux. Au début, les sables bitumineux n'étaient pas du tout rentables et n'étaient pas exploités à des fins commerciales. Les coûts étaient très élevés. Toutefois, grâce à la diligence des Albertains, gens d'affaires, ingénieurs et autres — et même sans les prix astronomiques que nous connaissons aujourd'hui —, ils sont devenus rentables. Nous devrions faire preuve d'une créativité, d'une motivation et d'un esprit d'initiative semblables dans le développement des carburants à l'éthanol jusqu'à ce qu'ils deviennent très rentables.

Le sénateur Nolin a soulevé un excellent point. Il y a un facteur autocorrecteur : à mesure que le prix des aliments augmentera, d'énormes pressions seront exercées sur les producteurs d'éthanol pour qu'ils trouvent d'autres sources. À l'heure actuelle, on investit de grosses sommes d'argent dans la recherche sur les autres types d'éthanol. Iogen examine la possibilité d'utiliser des déchets agricoles. Une autre entreprise, Éthanol GreenField, travaille sur un processus utilisant des déchets urbains. C'est une excellente entreprise du Québec. Y a-t-il une mauvaise entreprise au Québec? Je ne crois pas.

On a tort de critiquer l'éthanol pour de tels motifs. Je crois que cela peut permettre au gouvernement de lancer des activités et des initiatives éclairées, si seulement nous avions un gouvernement plus enthousiaste à l'idée de lancer des initiatives éclairées.

Là est le hic. C'est l'approche du gouvernement qui pose problème. Au moment même où l'éthanol semble devoir donner des résultats, le gouvernement met fin à l'exemption de la taxe d'accise à l'endroit de ce carburant. Il est intéressant de noter que les sables bitumineux ont bénéficié d'avantages fiscaux et de congés fiscaux mirobolants qui ont propulsé, si je puis dire, leur développement. Or, l'éthanol, qui présente un avantage pour les agriculteurs, mais pas pour les pétrolières, ne semble pas devoir bénéficier des mêmes avantages fiscaux soutenus. Je ne pense pas que ce soit un hasard. Je crois que c'est une question de rapport de force politique face au gouvernement.

D'autre part, le gouvernement se limite à l'éthanol 5, c'est-à-dire à l'essence ayant une teneur en éthanol de 5 p. 100, plutôt que d'envisager de passer à l'éthanol 10 ou même à l'éthanol 85. La totalité des véhicules automobiles au Canada, à l'heure actuelle, peuvent utiliser l'éthanol 10 sans devoir subir de modifications. Un bon pourcentage de voitures pourraient utiliser de l'éthanol 85, qui est l'inverse de l'éthanol 15. Entre l'éthanol 5 et l'éthanol 15, la diminution des émissions de CO2 enregistre une augmentation géométrique. Il est important que le gouvernement adopte cette approche et pousse l'audace encore plus loin.

Je trouve préoccupant que le gouvernement, à un certain niveau, ne veuille pas vraiment adopter cette approche, en dépit du fait qu'elle offre pratiquement, selon moi, un parfait exemple de politique environnementale éclairée qui pourrait littéralement contribuer à sauver le monde, et de politique économique qui pourrait littéralement assurer la réussite de la prochaine révolution industrielle.

Je me suis creusé les méninges pour tenter de déterminer comment il se fait que le gouvernement actuel, qui se targue d'être conservateur et axé sur les affaires et l'économie, ne comprend pas qu'une solide politique de protection de l'environnement constitue une solide politique de développement économique. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que nous sommes devant une question d'idéologie. Je ne dis pas cela dans un sens négatif, quoique ce pourrait être le cas. C'est une affaire d'idéologie.

Le fait est que le gouvernement conservateur ne croit pas vraiment que le gouvernement a un grand rôle à jouer dans la société, sauf, peut-être, pour renforcer l'armée et incarcérer des gens. Le gouvernement ne voit pas qu'il pourrait être un catalyseur et montrer la voie au Canada et à toute la planète dans ce domaine important.

L'idéologie du gouvernement et son point de vue reviennent à dire : « Si les gens veulent régler le problème des changements climatiques, ils vont le régler. » C'est à peu près comme dire : « Si les gens veulent gagner la Seconde Guerre mondiale, ils peuvent gagner la Seconde Guerre mondiale. » Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent.

Le gouvernement a un rôle à jouer. Il doit être un meneur, mais aussi parfois un catalyseur. Aujourd'hui, plus que jamais, nous avons besoin d'un gouvernement qui veut jouer son rôle.

Honorables sénateurs, je demande au gouvernement de prendre des mesures positives avec ce projet de loi et de faire tout ce qui peut l'être en vertu du projet de loi, mais je lui demande aussi d'aller encore plus loin et de comprendre qu'il est finalement sur le point — du moins selon mon évaluation — de peut-être, sans doute, vraisemblablement, faire quelque chose de positif dans le domaine de l'environnement. Quelle journée!

L'honorable Mira Spivak : Honorables sénateurs, même si les éloges du sénateur Mitchell n'en étaient pas vraiment, je dois dire que je ne partage pas son opinion sur pratiquement tout ce qu'il a dit. Cela m'étonne.

On nous présente rarement des projets de loi dont les fondements sont si clairement remis en doute que dans le cas présent parce que la nouvelle réalité économique, des données scientifiques récentes et la nouvelle opinion mondiale sont toutes défavorables à la politique sur les biocarburants que le projet de loi mettrait en œuvre.

Nous ne parlons pas ici de cellulose ou d'huiles usées provenant de cuisines de restaurants. Ce n'est pas ce qui est en jeu ici. Nous parlons de nourriture.

Selon des experts, l'utilisation de terres agricoles pour cultiver des plantes servant à produire du carburant ne présente qu'un avantage minime pour l'environnement. Ce sont les producteurs qui retirent un avantage de ces carburants sous forme de subventions, c'est-à- dire aux frais des contribuables.

Beaucoup de pays en développement connaissent en ce moment une crise alimentaire qui crée pour nous une véritable crise morale.

(1750)

Comme un journaliste britannique l'a dit, nous conduisons, ils crèvent de faim. Ou encore, comme le disait l'éminent directeur du Centre international de politiques alimentaires et agricoles de l'Université du Minnesota, pour remplir d'éthanol pur le réservoir de 25 gallons d'un véhicule utilitaire sport, il faut plus de 450 livres de maïs, qui contiennent assez de calories pour nourrir une personne pendant une année. Même si la production totale de maïs des États- Unis était consacrée à la production de carburants, cela ne comblerait que 3 p. 100 des besoins en carburants de ce pays.

Il y a un an, l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, à Washington, prévoyait que l'augmentation rapide de la production mondiale de biocarburants aurait fait augmenter les prix mondiaux du maïs de 20 p. 100 en 2010 et de 41 p. 100 en 2020. Dans le cas du blé, les hausses prévues devaient atteindre 11 p. 100 et 30 p. 100 respectivement. La réalité a dépassé ces prévisions.

En février, à 798 $ la tonne, le blé était à plus de trois fois son prix moyen. Le même mois, aux États-Unis, les réserves se retrouvaient à leur plus bas niveau en 60 ans. Le prix de presque toutes les autres denrées, comme le maïs, le riz, le soja et le sucre, a augmenté d'au moins 100 p. 100 depuis environ un an.

Le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a lancé une mise en garde, expliquant que la crise du prix des aliments met en péril 100 millions de personnes. Le directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn, a brandi le spectre de guerres causées par la pénurie alimentaire. Bien avant la conférence de Rome, la ministre du Développement de l'Allemagne a préconisé une réglementation accrue des biocarburants afin d'empêcher le prix des aliments d'augmenter encore plus.

Évidemment, comme l'a souligné le sénateur Mitchell, la production des biocarburants n'est pas la seule cause de la hausse du prix des aliments. La sécheresse en Australie, l'expansion de la classe moyenne en Chine, la demande accrue de viande et les fonds spéculatifs, sans parler des entreprises pétrolières — et comme vous, je pense que nous devrions réduire leurs subventions et les obliger à baisser leurs prix —, contribuent tous au problème. Les estimations varient beaucoup quant à la part de l'augmentation des coûts attribuable aux biocarburants. Les États-Unis affirment qu'elle se chiffre à 2 ou 3 p. 100, tandis que l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires l'estime à 30 p. 100. Le Fonds monétaire international, le FMI, déclare que les incitatifs accordés pour la production des biocarburants, par des pays riches comme le Canada, les États-Unis et les pays européens, sont à l'origine de presque la moitié de l'augmentation de la demande de la production vivrière. Ce sont des organismes sérieux.

Ce n'est que le début de cette politique agricole et énergétique conçue par les États-Unis. Si nous adoptons ce projet de loi et si le gouvernement tient sa promesse de réglementer la teneur en éthanol dans l'essence pour la fixer à 5 p. 100 d'ici 2010, l'incidence sur le prix de la production vivrière et des aliments sera tout sauf négligeable.

Agriculture Canada nous dit que, pour répondre à cet objectif, on devrait utiliser entre 48 et 52 p. 100 de la superficie ensemencée de maïs, qui n'est pas importante au Canada, 12 p. 100 de la superficie ensemencée de blé et environ 8 p. 100 de la superficie ensemencée de canola au pays. Dans certains États américains, jusqu'à 35 p. 100 du maïs cultivé sert à produire des biocarburants.

Le budget de 2007 prévoit 1,5 milliard de dollars de subventions pour les biocarburants sur une période de sept ans. Ces subventions prennent fin lorsque le taux de rendement des entreprises dépasse les 20 p. 100. Nous ne parlons pas seulement ici des agriculteurs. Les agriculteurs gagneront beaucoup d'argent si leurs récoltes sont utilisées à des fins alimentaires, car il y a une pénurie alimentaire. Aux États-Unis, les subventions directes pour le maïs étaient de presque 9 milliards de dollars en 2005. De plus, le gouvernement fédéral a accordé aux mélangeurs d'éthanol une déduction fiscale de 51 cents le gallon.

Certaines personnes ont laissé entendre que l'aide accordée par le gouvernement à l'industrie avait peu à voir avec son désir d'adopter une position favorable à l'environnement ou de devenir indépendant sur le plan énergétique, mais je ne veux pas en parler.

Un des arguments les plus solides qui ont été soulevés à la Chambre des communes en faveur de l'adoption de ce projet de loi est que retarder ou refuser son adoption enverrait un message négatif aux personnes qui investissent dans les usines de biocarburants. Ces investisseurs sont les mêmes personnes qui continueront à recevoir des subventions gouvernementales jusqu'à ce que leur taux de rendement dépasse les 20 p. 100. On peut dire qu'ils sont réticents à prendre des risques.

Partout, les politiques en matière de biocarburants servent à remplir les coffres des grands producteurs d'éthanol, notamment Archer Daniels Midland, aux États-Unis. Au Canada, il s'agit entre autres du milliardaire Li Ka-shing, de Hong-Kong, qui détient une participation majoritaire dans Husky Oil et ses usines de production d'éthanol à Lloydminster, en Saskatchewan, et à Minnedosa, au Manitoba, où le blé est la matière première pour la production d'éthanol. Pourquoi devrions-nous subventionner l'entreprise d'un homme classé par la revue Forbes au neuvième rang parmi les personnes les plus riches de la planète? Il a reçu 6 milliards de dollars pour la construction de l'usine, il va continuer de bénéficier de subventions, et il importe 75 p. 100 de sa matière première des États- Unis pour produire de l'éthanol.

Pendant ce temps, plus le prix du pétrole augmente, plus ces producteurs peuvent se permettre des prix des produits de base élevés qui transforment des terres cultivées en plantations énergétiques. Le Sommet de Rome, toutefois, a fait référence aux « enjeux et opportunités » des biocarburants.

Il y a toutefois des retombées politiques dans les pays en développement. Elles sont rapidement apparues en Haïti et en Égypte. Des émeutes liées aux prix des aliments ont éclaté l'an dernier au Mexique, en Namibie, au Zimbabwe, au Maroc, au Yémen, en Mauritanie, au Sénégal et en Ouzbékistan. La Russie et le Pakistan ont rétabli le rationnement pour la première fois depuis des décennies. L'Inde a interdit l'exportation de riz. La Banque mondiale estime que 33 pays risquent des troubles sociaux en raison « de la flambée des prix des aliments et de l'énergie ».

En Birmanie, les organismes d'aide comme le consortium de la frontière Thaïlande-Birmanie, qui fournit de la nourriture aux 140 000 réfugiés vivant dans des camps le long de la frontière avec la Thaïlande, disent qu'ils ne pourront obtenir suffisamment de nourriture pour subvenir aux besoins de ces gens. Le delta de l'Irrawaddy a été anéanti. C'était la principale région rizicole de la Birmanie. Le dictateur a rendu obligatoire l'exploitation agricole aux fins de production de biocarburants dans l'ensemble du pays. Il a recours au travail forcé, à l'indemnisation foncière et aux déplacements forcés — des réfugiés quittent la Birmanie parce que le gouvernement les oblige à produire des biocarburants. La conversion en masse de terres agricoles en terres utilisées pour la production de biocarburants entraînera une crise alimentaire d'envergure.

Les dirigeants européens remettent sérieusement en question les biocarburants. Le premier ministre britannique, Gordon Brown, a demandé aux pays du G8 de se pencher de toute urgence sur l'incidence des différentes méthodes de production de biocarburants sur le prix des denrées et de veiller à ce que leur application soit responsable et durable. Le ministre français de l'Agriculture a promis de proposer des moyens de veiller à ce que la priorité soit accordée à la production agricole aux fins alimentaires. Le ministre allemand de l'Environnement a publiquement envisagé d'abolir la loi exigeant, d'ici l'année prochaine, une teneur minimale en biocombustibles dans les carburants servant au transport. Si nous adoptons cette loi, nous ferons exactement le contraire.

Si nous adoptons cette loi sans d'abord avoir une connaissance approfondie des données les plus récentes sur le coût de cette politique sur les biocarburants, nous ferons la sourde oreille aux demandes du secrétaire général des Nations Unies, du président de l'Égypte et du pape.

(1800)

Notre gouvernement fait l'objet d'éloges pour sa contribution accrue au Programme alimentaire mondial des Nations Unies. Une augmentation de 100 millions de dollars mérite effectivement des éloges. Ces éloges sont tout à fait sincères. Toutefois, si nous adoptons le projet de loi, ce montant est peu élevé si on le compare aux milliards de dollars que le gouvernement va consacrer aux biocarburants et à une politique en matière de biocarburants qui est perçue à tort comme une mesure pour lutter contre les changements climatiques.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est maintenant 18 heures, que souhaite faire cette honorable Chambre?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, sauf erreur, si nous convenons de ne pas tenir compte de l'heure, la question dont nous discutons actuellement sera le dernier point à l'ordre du jour.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l'heure?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Spivak : L'année dernière, à cette époque, j'avais parlé des nombreux experts qui ont calculé que tout gain réalisé dans la lutte contre les changements climatiques était tout au plus minimal. En février, les conclusions d'une nouvelle étude ont été publiées dans la prestigieuse revue scientifique Science. Selon cette analyse, au lieu d'entraîner une réduction de 20 p. 100 des gaz à effet de serre, l'éthanol produit à partir du maïs fait presque doubler les émissions de ces gaz sur une période de 30 ans. Il en est ainsi parce que les agriculteurs du monde entier réagissent à l'augmentation du prix des produits de base et convertissent en terres cultivables des forêts et des prairies, afin de remplacer les céréales consacrées aux biocarburants. Or, l'augmentation des gaz à effet de serre en raison de l'appui donné aux biocarburants va se poursuivre durant des années.

Un chroniqueur du New York Times, Paul Krugman, qui est professeur d'économie et d'affaires internationales à l'Université de Princeton, a écrit récemment sur la crise alimentaire, et il a demandé que l'on « rejette les biocarburants, qui sont en fin de compte une terrible erreur ». Je suis tout à fait d'accord, sauf que cette observation ne s'applique pas à l'éthanol cellulosique, à l'éthanol tiré de l'huile de restaurant, et ainsi de suite. La production d'éthanol cellulosique en grandes quantités commerciales va prendre encore des années.

Honorables sénateurs, nous nous en voudrions beaucoup si nous approuvions le projet de loi C-33 sans prendre le temps nécessaire pour examiner attentivement les nouvelles preuves scientifiques, la nouvelle analyse économique et les nouveaux points de vue des dirigeants mondiaux quant à la prémisse de ce projet de loi.

Le Sénat s'enorgueillit d'être un endroit où les comités étudient minutieusement les dossiers et les mesures législatives, où l'opportunisme n'est pas de mise et où les textes législatifs font l'objet d'un second examen objectif bien nécessaire. J'espère sincèrement que nous saurons nous montrer à la hauteur de cette réputation en étudiant ce projet de loi.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Brown, avec l'appui de l'honorable sénateur Ruth, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Le sénateur Carstairs : Avec dissidence.

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

[Français]

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au lundi 16 juin 2008, à 18 heures, et que l'application de l'article 13(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au lundi 16 juin 2008, à 18 heures.)


Haut de page