Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 39e Législature,
Volume 144, Numéro 36
Le mercredi 27 février 2008
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 27 février 2008
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Canada's Outstanding Principals 2008
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, Le Partenariat en éducation, organisme national sans but lucratif qui s'est donné pour mission de promouvoir l'enseignement public au Canada, souligne tous les ans l'extraordinaire contribution que des leaders dynamiques du milieu de l'enseignement ont apportée au système canadien d'enseignement public. Cette année, 33 directeurs et directrices d'école de partout au pays ont mérité la distinction de « Canada's Outstanding Principal » pour 2008.
Chaque année, les récipiendaires de cette distinction sont intronisés à la National Academy of Canada's Outstanding Principals. Tout au long de l'année, ces directeurs et directrices remarquables participent à un forum en ligne de discussions permanentes sur des questions liées au leadership tout en continuant de se faire les champions de l'enseignement public et de conseiller leurs collègues chacun dans leur école.
Je félicite toutes les personnes qui ont été honorées cette année, et plus particulièrement M. George Aiken, le directeur de l'école intermédiaire et secondaire de Kensington, à l'Île-du-Prince-Édouard. M. Aiken est un leader très respecté du milieu de l'enseignement doublé d'un innovateur qui a été tour à tour enseignant et administrateur à l'école intermédiaire et secondaire Kensington au fil de plus de 30 années. Réputé pour son attachement à l'excellence en enseignement, il est une source d'inspiration et un modèle tant pour ses collègues que pour les élèves.
C'est par le travail d'éducateurs dévoués et innovateurs comme M. Aiken et les autres récipiendaires de la distinction de « Canada's Outstanding Principal » que l'on pourra continuer d'édifier un solide système d'enseignement au Canada. Bravo à tous ces directeurs et directrices d'école remarquables. Je vous remercie pour tout ce que vous faites.
L'environnement
La limitation des phosphates
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, les Canadiens ont observé ces dernières années, dans de nombreuses régions du pays, une prolifération des algues bleues qui les empêche de profiter pleinement de leurs vacances d'été.
(1335)
Une partie du problème de l'algue bleue est attribuable aux phosphates utilisés dans certains détergents et nettoyants pour adoucir l'eau, réduire les taches et la rouille, retenir la saleté et améliorer l'efficacité de ces produits. Cependant, une trop grande concentration de phosphates dans l'eau peut entraîner une prolifération excessive d'algues bleues. Les algues bleues existent à l'état naturel dans l'environnement, mais lorsqu'elles abondent, elles libèrent une quantité dangereuse de toxines, ce qui peut nuire à la qualité de l'eau et forcer la fermeture des plages par temps chaud.
Le 15 février 2008, dans une annonce livrée conjointement par le ministre de l'Environnement, John Baird, et le ministre des Travaux publics, Michael Fortier, le gouvernement a indiqué qu'il comptait prendre d'autres mesures pour réduire la prolifération des algues bleues dans nos rivières, lacs et ruisseaux.
Le gouvernement propose de modifier la réglementation de façon à réduire la quantité de phosphates ajoutée aux détergents à lessive et, pour la première fois de l'histoire, aux détergents à lave-vaisselle et aux nettoyants à usage général.
En 2010, le gouvernement fixera la limite à 0,5 p. 100 au poids pour les détergents à lessive et à lave-vaisselle et, lorsque les analyses le justifient, pour les nettoyants à usage général.
Soulignant la contribution du Québec et du Manitoba dans ce dossier, le ministre Baird a déclaré, dans son annonce du 15 février :
Il est temps d'agir. Notre gouvernement prend les mesures nécessaires et limitera la quantité de phosphates dans les produits destinés à la lessive et au lave-vaisselle. De concert avec nos plans pour bannir le déchargement d'eaux d'égout brutes et pour améliorer le traitement des eaux d'égout partout au Canada, la décision d'aujourd'hui devrait avoir un impact favorable sur l'environnement.
Notre estimé collègue, le ministre Fortier, a ajouté :
Les Canadiens ont parlé et le gouvernement a entendu. Aujourd'hui, nous passons vraiment à l'action pour protéger nos rivières, lacs et ruisseaux des algues bleues [...] Je sais que ce phénomène a été un enjeu important dans la province de Québec et la mesure actuelle est un autre pas vers l'amélioration de nos voies navigables pour le plaisir de tous.
Honorables sénateurs, notre gouvernement est déterminé à faire en sorte que les Canadiens puissent bénéficier d'une eau propre et sûre. C'est pourquoi, depuis son arrivée à la tête du pays, notre gouvernement aide les provinces, les territoires et les municipalités à améliorer les infrastructures d'épuration des eaux et de traitement des eaux usées. Il travaille à l'élaboration de règlements plus sévères en ce qui concerne les effluents d'eaux usées.
Comme en témoigne l'annonce du 15 février, le gouvernement actuel est déterminé à en faire beaucoup plus pour les Canadiens.
Le Mois de l'histoire des Noirs
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour célébrer le Mois de l'histoire des Noirs et rendre hommage à une pionnière de la politique canadienne, Rosemary Brown, qui a été la première femme de race noire au Canada à être élue à une assemblée législative provinciale. Elle a servi les Britanno-Colombiens comme députée de 1976 à 1986. En 1975, elle a été la première femme au Canada à participer à une course à la direction d'un parti fédéral. Ed Broadbent a eu raison d'elle au dernier tour de scrutin de la course à la direction du NPD cette année-là.
Rosemary a émigré de la Jamaïque au Canada en 1951. Diplômée de McGill en 1955, elle a obtenu une maîtrise en travail social de l'Université de la Colombie-Britannique en 1965. Mère de trois enfants, elle a prouvé aux Canadiennes que rien n'était à leur épreuve en trouvant le moyen de concilier habilement les exigences de la maternité et de la politique canadienne.
À titre de députée faisant partie du gouvernement néo-démocrate de sa province au cours des années 1970, elle a créé un comité dont la tâche était d'éliminer le sexisme dans les manuels scolaires et les programmes éducatifs. Elle a également joué un rôle clé dans la mise sur pied de la Commission Berger sur la famille et elle a présenté une mesure législative visant à interdire la discrimination fondée sur le sexe ou la situation familiale. Elle a été membre fondatrice du conseil sur la condition féminine de Vancouver et membre fondatrice du centre de crise de Vancouver, où elle a également formé des bénévoles. En 1996, notre pays a reconnu sa valeur en faisant d'elle un officier de l'Ordre du Canada.
Honorables sénateurs, le Mois de l'histoire des Noirs est très important au Canada et il est d'une importance critique pour notre jeunesse. Nos jeunes doivent connaître et garder en mémoire les réalisations exceptionnelles des pionniers canadiens de la trempe de Rosemary Brown.
Je tiens à lui rendre hommage. Rosemary a inspiré de nombreuses femmes, et je suis du nombre. Je fais partie des milliers de femmes et de femmes de couleur qui ont été enthousiasmées par ses réalisations et si j'ai décidé de participer à la vie politique, c'est notamment en raison du rôle de Rosemary comme militante, éducatrice et modèle.
Rosemary était forte et intelligente. Elle s'est battue pour la justice et l'égalité à l'avantage de toutes les femmes de la Colombie- Britannique et de l'ensemble du Canada. Elle a pris la parole avec éloquence au nom d'un grand nombre de personnes qui, dans notre société, n'ont jamais pu faire partie de l'assemblée législative ou du Parlement. Ses efforts ont rendu le Canada meilleur.
Honorables sénateurs, je suis fière de l'accueil que le Canada a réservé au Mois de l'histoire des Noirs. Cette ouverture reflète l'importance que nous accordons au multiculturalisme, une politique dont je suis extrêmement fière en tant que Canadienne. Le Canada a fait de grands progrès dans la reconnaissance de l'apport des Canadiens de race noire, mais il reste encore beaucoup à faire.
(1340)
À propos de la nécessité du Mois de l'histoire des Noirs, l'auteure Rosemary Sadlier a déjà dit :
Lorsque la contribution des personnes d'origine africaine sera reconnue, lorsque les réalisations des personnes noires seront connues, lorsque les Noirs figureront systématiquement et seront reconnus dans les programmes scolaires, dans nos livres et dans les médias et lorsqu'ils seront traités comme tout le monde, nous n'aurons plus besoin d'un Mois de l'histoire des Noirs.
Honorables sénateurs, autant j'aime ce mois qui est une période de réflexion annuelle, autant j'ai hâte au jour où nous n'en aurons plus besoin.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais interrompre les déclarations de sénateurs un instant pour vous signaler la présence à la tribune des finalistes de cette année pour le prix Shaughnessy Cohen, décerné pour des écrits politiques. Il s'agit de Clive Doucet, Richard Gwyn, Andrea Mandel-Campbell, David E. Smith, Janice Gross Stein et Eugene Lang.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le budget de 2008
Le compte d'épargne libre d'impôt
L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, nous devons tous économiser en prévision de différents achats, tout au long de notre vie. Une réduction de l'impôt nous est bénéfique. Notre gouvernement en est conscient, et c'est la raison pour laquelle le ministre des Finances a annoncé, dans son budget, un nouveau compte d'épargne libre d'impôt, appelé CELI. C'est le mécanisme d'épargne personnelle le plus important depuis la création des régimes enregistrés d'épargne-retraite.
Les Canadiens pourront mettre de l'argent de côté et le voir fructifier, à l'abri de l'impôt, toute leur vie. Les Canadiens pourront utiliser les sommes accumulées dans leur CELI pour acheter une voiture, rénover la maison, démarrer une petite entreprise ou prendre des vacances en famille.
Le REER sert à se préparer à la retraite. Le compte d'épargne libre d'impôt fonctionnera comme un REER pour tous les autres objectifs de la vie, mais, contrairement aux REER, il n'y aura pas d'impôt à payer sur les retraits effectués à court terme pour répondre à des besoins.
Les Canadiens de tous les niveaux de revenu et de tous les milieux bénéficieront de cela. Les Canadiens à faible et moyen revenus en bénéficieront d'autant plus, car ni les revenus de placement tirés d'un compte d'épargne libre d'impôt ni les retraits d'un tel compte ne seront pris en compte dans la détermination de l'admissibilité aux prestations fédérales et aux crédits fédéraux fondés sur le revenu, tels que la Prestation fiscale canadienne pour enfants, le crédit pour taxe sur les produits et services, le crédit en raison de l'âge et le Supplément de revenu garanti.
Les aînés disposeront d'un mécanisme d'épargne libre d'impôt qui répondra à leurs besoins courants en matière d'épargne. En effet, ils disposent actuellement d'une marge de manœuvre limitée à cet égard après l'âge de 71 ans, lorsqu'ils sont obligés de commencer à utiliser leur épargne-retraite. On s'attend à ce que les aînés profitent de la moitié des avantages totaux découlant des CELI.
Honorables sénateurs, l'idée des comptes d'épargne libres d'impôt est une idée novatrice qui répond aux besoins de notre époque. Je félicite le ministre des Finances de l'avoir incluse dans son budget.
Le prix de la Fondation Muriel McQueen Fergusson
L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, comme vous le savez sans doute, j'ai à plusieurs reprises pris la parole pour parler d'une ancienne Présidente de cette noble enceinte, l'honorable Muriel McQueen Fergusson.
Tout au long de sa vie, elle n'a cessé de se battre pour la justice sociale et, aujourd'hui, une fondation et un centre de recherche portent son nom. La Fondation Muriel McQueen Fergusson et le Centre Muriel McQueen Fergusson pour la recherche sur la violence familiale de l'Université du Nouveau-Brunswick poursuivent ses efforts dans la lutte contre la violence familiale.
En plus d'avoir créé un centre de recherche, en 1985, la fondation a créé un prix national en l'honneur du regretté sénateur. Ce prix souligne les contributions exceptionnelles à l'entreprise d'élimination de la violence familiale. Les particuliers, organisations et sociétés canadiennes dont les réalisations ont contribué à la cause de l'élimination de la violence familiale peuvent être mis en candidature pour ce prix.
Au cours des 15 dernières années, ce prix prestigieux a été décerné à des lauréats dans l'ensemble du Canada, dont June Callwood, Peter Jaffe, l'honorable Margaret Norrie McCain, sœur Cécile Renault, la Société canadienne de la Croix-Rouge, le sénateur Sharon Carstairs, Margaret Newall et Madeleine Delaney-LeBlanc, la dernière lauréate.
J'invite aujourd'hui mes collègues sénateurs à participer à la mise en candidature en proposant des particuliers, des groupes ou des organisations exceptionnels venant de toutes les régions du pays. Toutes les candidatures doivent être reçues d'ici le 21 mars 2008. Pour de plus amples renseignements, n'hésitez pas à me contacter ou à accéder au site web de la Fondation Muriel McQueen Fergusson.
Merci, honorables sénateurs, de bien vouloir encourager les Canadiens à faire avancer le travail de notre bien-aimé sénateur Fergusson. Son esprit survit dans chacun d'entre nous.
(1345)
[Français]
Le Quebec Community Groups Network
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, le Quebec Community Groups Network organise à Montréal, cette fin de semaine, une conférence intitulée « La revitalisation de la communauté : tendances et perspectives d'avenir pour les communautés d'expression anglaise du Québec ».
Ce que vise à accomplir cette conférence est l'identification des nombreux défis de la population d'expression anglaise du Québec.
Seule une discussion ouverte et franche peut permettre de bien cerner les tendances, les perspectives et les besoins d'une communauté minoritaire. Les buts de cette conférence suivent de très près ceux que s'étaient fixés les organismes et individus qui avaient participé au Sommet des communautés francophones et acadiennes au mois de juin 2007. Des questions d'ordre démographique, linguistique, social, institutionnel et légal seront explorées afin de déterminer la vitalité de la communauté et par la suite, définir des priorités de mobilisation.
Issue du Manitoba français, je comprends les nombreux défis des communautés de langues officielles, toutefois j'ai hâte de mieux comprendre les défis propres aux individus d'expression anglaise du Québec. Leur réalité, quoique sur papier, semblable à celle des francophones à l'extérieur du Québec, est bien différente pour des raisons historiques, démographiques et sociales.
Lors de cette conférence, je planifie étudier les stratégies employées et analyser les parallèles que l'on retrouve entre les anglophones et francophones vivant dans les communautés minoritaires de langues officielles.
La discussion et le débat promettent d'être stimulants et de nous donner matière à réflexion avec la participation de conférenciers tels que Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, Rodrigue Landry, directeur de l'Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, et Jean-Pierre Corbeil, de Statistique Canada, qui a contribué à la rédaction de l'étude post-censitaire intitulée : Les minorités prennent la parole.
Je prendrai des notes avec diligence, et je planifie partager mon expérience et mes impressions avec les membres du Comité sénatorial des langues officielles.
AFFAIRES COURANTES
Les comptes du greffier
Dépôt des comptes annuels de 2007
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément au chapitre 3:05, paragraphe 5.(1) du Règlement administratif du Sénat, j'ai l'honneur de déposer l'état des recettes et dépenses pour l'exercice financier clos le 31 mars 2007.
Le budget de 2008
Dépôt de documents
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le plan budgétaire de 2008, Un leadership responsable.
La Loi sur la gestion des finances publiques La Loi sur la Banque du Canada
Projet de loi modificatif—Présentation du rapport du Comité des finances nationales
L'honorable Joseph A. Day, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :
Le mercredi 27 février 2008
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son
SIXIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la Banque du Canada (rapports financiers trimestriels), a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 28 novembre 2007, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les amendements suivants :
1. Préambule, page 1 : Remplacer les lignes 10 à 12 par ce qui suit :
« bliques; ».
2. Article 1, page 2 :
a) Remplacer les lignes 7 et 8 par ce qui suit :
« établir un rapport financier trimes- »;
b) Supprimer les lignes 14 et 15;
c) Changer la désignation littérale des alinéas 65.1(2)b) à e) à celle d'alinéas a) à d);
d) Remplacer les lignes 32 à 37 par ce qui suit :
« (3) Le ministre responsable :
a) met le rapport visé au paragraphe (1) à la disposition du public dans les soixante jours suivant la fin de chaque trimestre visé à ce paragraphe;
b) fait déposer ce rapport devant chaque Chambre du Parlement dès que possible. ».
3. Article 2, page 3 :
a) Remplacer les lignes 2 à 4 par ce qui suit :
« chaque société d'État mère fait établir un rapport financier trimestriel sur ses »;
b) Supprimer les lignes 11 et 12;
c) Changer la désignation littérale des alinéas 131.1(2)b) à f) à celle d'alinéas a) à e);
d) Remplacer les lignes 31 à 36 par ce qui suit :
« (3) Le ministre responsable :
a) met le rapport visé au paragraphe (1) à la disposition du public dans les soixante jours suivant la fin de chaque trimestre visé à ce paragraphe;
b) fait déposer ce rapport devant chaque Chambre du Parlement dès que possible. ».
4. Article 3, page 4 :
a) Remplacer les lignes 2 et 3 par ce qui suit :
« Banque fait établir un rapport finan- »;
b) Supprimer les lignes 10 et 11;
c) Changer la désignation littérale des alinéas 29.1(2)b) à f) à celle d'alinéas a) à e);
d) Remplacer les lignes 29 à 33 par ce qui suit :
« (3) Le ministre responsable :
a) met le rapport visé au paragraphe (1) à la disposition du public dans les soixante jours suivant la fin de chaque trimestre visé à ce paragraphe;
b) fait déposer ce rapport devant chaque Chambre du Parlement dès que possible. ».
Respectueusement soumis,
Le président,
JOSEPH A. DAY
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Rapport du comité
L'honorable Joan Fraser, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :
Le mercredi 27 février 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son
HUITIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 12 décembre 2007, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.
Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
JOAN FRASER
OBSERVATIONS
annexées au huitième
rapport du Comité sénatorial permanent
des affaires juridiques et
constitutionnelles
Il est tout à fait louable de vouloir fournir à la police et aux procureurs de la Couronne les outils dont ils ont besoin pour protéger dans la mesure du possible la population contre les crimes violents. Le comité éprouve néanmoins des réserves au sujet de plusieurs dispositions du projet de loi C-2.
Des témoins ont affirmé que certaines des dispositions du projet de loi pourraient donner lieu à des contestations aux termes de la Charte canadienne des droits et libertés. D'autres se demandent si le projet de loi est vraiment nécessaire pour combler des lacunes ou corriger des défauts de la législation courante.
À cet égard, on pense par exemple à l'inversion du fardeau de la preuve pour les demandes de cautionnement; la loi actuelle permet clairement la détention préventive quand il est démontré qu'elle est nécessaire pour garantir que la personne se présentera au tribunal, pour protéger la population ou pour préserver la confiance dans l'administration de la justice, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire.
On nous a dit que, en réalité, ce sont les personnes accusées de crimes graves mettant en cause des armes à feu qui sont le plus souvent détenues d'emblée ou après examen, de telle sorte qu'on voit mal dans quels cas les nouvelles dispositions s'appliqueraient. Si la Cour suprême a confirmé la validité de l'inversion du fardeau de la preuve pour les infractions mettant en cause des stupéfiants dans la cause R. c. Pearson, elle a cependant noté que les infractions qui relèvent de cette étroite catégorie partagent certaines caractéristiques, dont leur nature systématique, organisée et commercialement lucrative. Les nouvelles infractions créées dans le projet de loi C-2 ne présentent pas nécessairement elles aussi ces caractéristiques.
Certaines personnes ne croient pas avisé de porter l'âge du consentement de 14 à 16 ans. Beaucoup de jeunes sont sexuellement actifs et le demeureront. Or, il est dans leur intérêt qu'ils aient accès à des services convenables en matière de santé en général, et de santé sexuelle en particulier. On craint donc que, à cause de certaines mesures législatives sur la déclaration obligatoire des abus, les médecins, les infirmières, les conseillers en santé sexuelle et les travailleurs sociaux ne soient tenus de signaler ces « activités illégales » dont les jeunes leur font part sous le sceau de la confidence, et que, sachant cela, les jeunes hésitent à se prévaloir des services dont ils auraient pourtant besoin.
Certains témoins s'inquiètent de l'inversion du fardeau de la preuve relativement à la désignation de délinquant dangereux. La Couronne n'aurait plus à prouver que le délinquant remplit les conditions d'une déclaration portant qu'il est un délinquant dangereux pour la troisième infraction primaire. Il lui suffirait d'établir que le délinquant a déjà été condamné à des peines de deux ans ou plus pour deux infractions primaires et que la troisième infraction est une infraction primaire passible d'une peine de deux ans ou plus. Ainsi, un délinquant pourrait être déclaré délinquant dangereux même si rien ne prouve qu'il présente vraiment un danger ou qu'il risque de récidiver, ce qui pourrait entraîner une contestation aux termes de la Charte. Un délinquant pourrait donc être visé par une telle déclaration après avoir enregistré un plaidoyer de culpabilité sans réaliser qu'il risquait ce faisant d'être désigné délinquant dangereux. On a fait valoir au comité que les délinquants autochtones en particulier pourraient ne pas saisir pleinement toutes les conséquences d'un tel plaidoyer. Cela pourrait aussi avoir des répercussions particulières sur les accusés qui ne disposent pas des services d'un avocat qui puisse leur expliquer les conséquences d'un plaidoyer de culpabilité.
Certains témoins ont proposé de rendre obligatoire l'enregistrement vidéo des épreuves de coordination des mouvements qu'autorise le nouveau paragraphe 254(2.1) du Code criminel. Cet enregistrement constituerait la meilleure preuve des résultats des tests en question et réduirait le nombre de contestations judiciaires.
Par ailleurs, on s'inquiète du fait que, même si un accusé parvient à établir au-delà de tout doute raisonnable qu'il n'a pas consommé d'alcool et que l'appareil était défectueux, il sera tout de même déclaré coupable s'il ne parvient pas à établir que les résultats ont été faussés par le mauvais fonctionnement de l'appareil, un lien de cause à effet qu'il est impossible d'établir si l'on n'a pas accès à l'appareil pour le soumettre à une analyse scientifique.
Le comité sait que le Canada entre en territoire inconnu en ce qui concerne le dépistage des facultés affaiblies par la drogue. Les témoignages présentés au comité ont montré qu'il n'existait aucun appareil semblable à l'alcootest pouvant mesurer avec précision la quantité de drogue qui induit un affaiblissement des facultés. En outre, on trouve au Canada des centaines de drogues, licites et illicites : elles ont toutes un effet différent sur la capacité de conduire d'une personne. Nous espérons que les mesures visant à détecter et punir les conducteurs drogués fonctionneront, comme elles l'ont fait dans le cas de l'alcool. Il reste cependant que, pour la majorité des drogues, il n'existe pas de données scientifiques sur le niveau de consommation à partir duquel les facultés sont affaiblies. Il faudra des années encore avant d'avoir de tels chiffres même pour les drogues illicites les plus courantes. En outre, il y a encore relativement peu d'experts qualifiés en reconnaissance des drogues au Canada, seulement 214.
Le Comité reconnaît et appuie l'aspect dissuasif du droit pénal. D'un autre côté, de nombreux témoins ont insisté sur l'importance, dans le domaine de la conduite avec facultés affaiblies, d'adopter des mesures globales à long terme à double volet — dissuasion d'une part et sensibilisation du public d'autre part. Combiner de telles mesures à des programmes exhaustifs de traitement et de cessation de la consommation de drogue et d'alcool constituerait le meilleur moyen de réduire le nombre de décès et de blessures attribuables aux accidents impliquant des conducteurs aux facultés affaiblies. Étant donné le partage des compétences dans les domaines de la santé et de l'éducation, le fédéral et les provinces devront dans ce cas coordonner leurs travaux.
En ce qui concerne l'imposition des peines, certains témoins sont convaincus qu'il faut maintenir au moins un certain niveau de discrétion judiciaire. L'exercice de la discrétion judiciaire s'avère le meilleur moyen d'appliquer les principes d'une sanction juste. Presque partout où la loi impose des peines minimales obligatoires, elle prévoit aussi des entorses à la règle si le juge considère que les circonstances le justifient. Voici quelques-unes de nos réserves quant aux peines minimales obligatoires :
- l'effet des peines minimales obligatoires sur les Autochtones et d'autres groupes minoritaires, déjà surreprésentés dans les prisons;
- le fait que le paragraphe 718.2e) du Code criminel exige que l'on tienne compte de la situation particulière des délinquants autochtones dans la détermination de leur peine; or, l'imposition de peines minimales obligatoires exige que l'on fasse fi de ce principe, jusqu'à un certain point;
- le fait que le pouvoir discrétionnaire se rapportant au choix des accusations et à la façon dont elles sont portées, pouvoir que les tribunaux détiennent actuellement, passerait aux mains de la police et des procureurs de la Couronne, où elles ne seraient ni sujettes à l'examen public ni admissibles à un appel devant une instance supérieure;
- le manque de proportionnalité des peines — comme l'énonce l'article 718.1 du Code criminel, la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant, et la peine minimale obligatoire enlève aux juges l'occasion d'appliquer le principe de proportionnalité dans chaque cas;
- le fait que les peines minimales obligatoires sont axées sur la dénonciation et la dissuasion au détriment d'autres principes légitimes de détermination de la peine;
- le fait qu'entretenir une forte population carcérale coûte cher : il serait peut-être plus avisé de dépenser l'argent ailleurs.
Nous constatons avec appréhension l'absence d'études empiriques qui démontrent l'efficacité des peines minimales obligatoires comme mesure dissuasive ou, plus généralement, pour réduire la délinquance. En particulier, on ne nous a montré aucune donnée canadienne prouvant que l'introduction de cette mesure, vers 1995, à l'encontre de certaines infractions à main armée, ait eu un effet mesurable sur ces infractions.
Certains témoins ont signalé que le projet de loi C-2 prévoit des peines minimales obligatoires différentes selon le type d'arme qui a servi à commettre l'infraction. Si cette distinction est fort compréhensible dans le cas d'infractions comme le trafic d'armes, nous ne voyons aucune raison valable d'infliger une peine minimale obligatoire différente, dans le cas d'infractions comme la tentative de meurtre ou l'agression sexuelle, du seul fait que le contrevenant s'est servi d'une arme de poing (peine plus lourde) ou d'un fusil de chasse (peine plus légère) pour commettre son crime. Selon toute vraisemblance, une victime de crime avec violence ne sera pas moins traumatisée du fait que son agresseur se serve d'un fusil de chasse plutôt que d'une arme de poing, et elle ne comprendra certainement pas qu'il soit condamné à une peine plus légère pour cela.
Il est également primordial de comprendre que l'intention avouée du projet de loi C-2, réduire la criminalité, n'est réalisable qu'avec des politiques, des mesures et des ressources considérables à la clé. Parmi celles-ci, l'une des plus importantes, c'est la disposition sur les programmes de rééducation dans les prisons, notamment la formation professionnelle. Le Comité s'est fait dire que même aujourd'hui, ces programmes font cruellement défaut dans de nombreux établissements; alors que la population carcérale augmente depuis quelques années, le budget de ces programmes a diminué de 26 %. Les établissements à sécurité maximale offrent très peu de programmes de ce genre, sinon aucun. Tous les témoins conviennent que l'application de cette loi augmentera encore la population carcérale. Construire de nouvelles cellules, c'est essentiel, mais ce n'est pas assez. Si on n'offre pas aux détenus les programmes qui conviennent, on risque davantage de récidives après leur libération.
Le besoin de programmes spéciaux n'est nulle part plus aigu que chez les contrevenants autochtones, surreprésentés dans la population carcérale canadienne et dans celle des délinquants dits dangereux (ils comptent, dans les deux cas, pour environ 20 %). Cette disproportion résulte de problèmes extrêmement complexes dont la solution exige à la fois un bon sens moral et du bon sens.
Le Comité constate également la pénurie relative des programmes destinés aux autres groupes minoritaires, en particulier les minorités visibles, dans le système correctionnel. Alors que la population canadienne se diversifie sans cesse, il devient de plus en plus important d'instaurer des programmes spéciaux répondant aux besoins de ces groupes minoritaires.
Dans l'Enquête nationale sur la justice de 2007, environ 70 % des répondants affirment que les trois objectifs prioritaires des peines sont : réparer les torts causés aux victimes ou à la collectivité; développer un sens de responsabilité chez les contrevenants; contribuer à la rééducation de ces derniers.
Nous savons pertinemment que beaucoup des modifications proposées dans le projet de loi C-2 impliquent des coûts non seulement pour le gouvernement fédéral, mais aussi pour les gouvernements provinciaux. La responsabilité du réseau pénitentiaire incombe aux deux ordres de gouvernement, mais seuls les gouvernements provinciaux devront assumer l'augmentation de la population carcérale en détention préventive. Les modifications proposées pourraient aussi entraîner des hausses de coûts pour les services de police et les tribunaux de même que dans les services d'aide juridique, dont la charge de travail pourrait s'alourdir. Avant d'adopter le projet de loi C-2 et d'en appliquer les dispositions, il y aurait lieu de consulter soigneusement les gouvernements provinciaux et les autres intervenants à l'égard du coût des changements proposés.
Autres préoccupations :
Le Comité est consterné par la prévalence des maladies transmissibles par le sang, comme le VIH-sida et l'hépatite C. On a pris des mesures pour éliminer les drogues injectables des prisons, mais on a moins insisté sur les mesures de réduction des méfaits, pour protéger à la fois les détenus et le personnel. Avec l'encombrement des prisons dû à l'augmentation de la population carcérale, nous pouvons craindre une augmentation de la fréquence des infections transmissibles par le sang. Reste à voir combien de temps cette épidémie pourra être contenue dans nos prisons.
Nous nous préoccupons du fait que le projet de loi C-2 ne traite pas de l'âge du consentement différent pour les relations sexuelles anales, prévu à l'article 159 du Code criminel. Cet âge est établi à 18 ans, sauf s'il s'agit d'un mari et d'une femme. Or, la disposition en question a été déclarée inconstitutionnelle par les Cours d'appel de l'Ontario et du Québec, entre autres. Si l'âge du consentement doit être porté à 16 ans, il doit s'appliquer à toutes les pratiques sexuelles. Par conséquent, l'article 159 du Code devrait être révoqué.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois plus tard au cours de la présente séance.
Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Une voix : Avec dissidence.
(Sur la motion du sénateur Comeau, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance, avec dissidence.)
(1350)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à prolonger la séance de mercredi et à autoriser les comités à siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)i) du Règlement, je propose :
Que, nonobstant l'ordre du Sénat du 18 octobre 2007, le Sénat poursuive aujourd'hui ses travaux après 16 heures et qu'il suive la procédure normale d'ajournement conformément à l'article 6(1) du Règlement;
Que les comités sénatoriaux devant se réunir aujourd'hui soient autorisés à siéger à compter de 16 heures même si le Sénat siège, et que l'application de l'article 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
L'Association parlementaire Canada-Europe
La réunion de la Commission des questions économiques et du développement et la session de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenues du 17 au 25 janvier 2008—Dépôt du rapport
L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, conformément à l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant la réunion de la Commission des questions économiques et du développement et la première partie de la session ordinaire de 2008 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenues à Londres, au Royaume-Uni et à Strasbourg, en France, du 17 au 25 janvier 2008.
La réunion du Comité des parlementaires de la région arctique, tenue le 1er juin 2007—Dépôt du rapport
L'honorable Lorna Milne : Honorables sénateurs, conformément à l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne concernant la réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique, tenue à Reykjavik, en Islande, le 1er juin 2007.
(1355)
[Français]
Transports et communications
Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date de présentation de son rapport final sur l'étude du trafic de frets conteneurisés
L'honorable Lise Bacon : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le mercredi 14 novembre 2007, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des transports et des communications sur son examen relatif au trafic du fret conteneurisé manutentionné par les ports du Canada soit reportée du 31 mars 2008 au 19 juin 2008.
[Traduction]
Le Code criminel
Le projet de loi C-2—Présentation de pétitions
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter une pétition de la part d'Ontariens qui demandent au Sénat d'adopter le projet de loi C-2. Voici ce que dit la note qui l'accompagne :
Nous avons recueilli les signatures de 178 personnes qui demandent au Sénat d'adopter le projet de loi afin de faire passer de 14 à 16 ans l'âge du consentement.
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Le patrimoine canadien
Le financement des festivals de Montréal
L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, que je salue.
Le ministre a annoncé lundi dernier l'octroi de deux subventions de un million de dollars chacun à des festivals majeurs de Montréal. Cette annonce a été faite dans le cadre de Présentation des arts Canada. Ces sommes faisaient partie du budget de 2007 alors qu'elles n'ont été disponibles que la veille du budget de 2008. Lors de l'introduction de ce programme, on parlait d'un montant de 60 millions de dollars sur deux ans.
Ce programme est-il permanent ou les organismes devront-ils se battre chaque année pour recevoir les sommes d'argent?
Je vous ferai remarquer, honorables sénateurs, que les deux festivals en question ont toujours été soutenus par un gouvernement libéral.
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie madame le sénateur de sa question. J'en prends note et je vais vérifier la portée du programme.
[Français]
Le budget de 2008—Le financement des arts et de la culture
L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, le ministre responsable de ce communiqué est présent. J'ai en main le communiqué, et nous aurions pu recevoir tous les détails à ce sujet. J'apprécie que madame le leader du gouvernement au Sénat puisse communiquer avec le ministre assis à côté d'elle pour lui demander la réponse.
J'aimerais que madame le leader nous dise où, dans le budget, se trouvent les sommes d'argent considérables qui devaient être injectées pour la protection et, surtout, la promotion de la culture. Je pense en particulier à la province de Québec, qui compte plusieurs artistes célèbres sur la scène internationale et dont certains programmes d'assistance à des groupes à l'étranger ont été réduits.
Peut-on avoir l'assurance que cette question sera soulevée à nouveau au Cabinet, car je ne crois pas que les milieux culturels soient très heureux du résultat du budget d'hier en ce qui a trait au domaine de la culture?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, la ministre Verner, responsable du Patrimoine, a fait un grand nombre d'annonces relatives à la culture. Une partie substantielle du budget concerne les divers investissements en matière d'arts et de culture. Je vais quand même obtenir une liste détaillée de toutes ces annonces. Il se passe rarement une journée sans qu'on entende une annonce d'investissement dans la culture quelque part au pays.
L'honorable sénateur fait peut-être référence au mois de septembre dernier, lorsque la ministre Verner a annoncé que le nouvel investissement annoncé dans le budget de 2007, pour le soutien des festivals artistiques et patrimoniaux locaux, serait récurrent. Le nouveau programme national définit des critères de financement et des objectifs clairs. En outre, il a été conçu pour répondre aux besoins des collectivités. Il a donc été conçu à leur intention. Nous avons récemment annoncé des subventions de un million de dollars chacune dont bénéficieront deux événements qui se tiennent à Montréal, le Festival international de jazz et le Festival Juste pour rire.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, s'il y a tellement d'argent dans le budget pour la culture, expliquez-moi pourquoi j'ai appris, lors de ma récente rencontre avec les responsables du Concours international de musique, qu'ils ne reçoivent aucune aide gouvernementale, qu'ils ont réclamée à plusieurs reprises au ministre des Travaux Publics et des Services gouvernementaux ainsi qu'à la ministre responsable du Patrimoine canadien, Mme Verner. Ils n'ont reçu aucune réponse jusqu'à maintenant.
(1400)
On sait que le Québec a une vie très vibrante dans le domaine de la culture musicale; des artistes québécois sont reconnus à travers le monde. Ce concours international pourrait être financé par le gouvernement à cause de sa nature, mais non seulement ce gouvernement n'octroie pas d'argent à cette organisation, il ne répond même pas à son appel.
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le Québec est reconnu comme une pépinière unique des talents artistiques et culturels. Tout le pays en est fier. L'apport du Cirque du Soleil au pavillon du Canada à Shanghai est un exemple de cette source de talents.
Dans le domaine des arts et de la culture, le budget de 2008 prévoit 32,4 millions de dollars répartis sur cinq ans pour investir des capitaux dans l'infrastructure de même que pour favoriser la viabilité à long terme des musées nationaux du Canada. Le budget prévoit aussi 24 millions de dollars pour les deux prochaines années, puis 24 millions de dollars par la suite pour renforcer les programmes gouvernementaux d'excellence destinés aux athlètes olympiques et paralympiques des sports d'été. Jusqu'aux Jeux d'hiver de 2010, le monde aura les yeux tournés vers le Canada; le budget procure 24,5 millions de dollars de plus pour le relais des flammes olympique et paralympique dans les localités du pays.
Les mesures du budget de 2008 s'inscrivent dans le prolongement des investissements récents que nous avons faits dans le domaine des arts et de la culture : 60 millions de dollars pour les festivals artistiques et patrimoniaux locaux, 30 millions de dollars par année pour le Conseil des arts du Canada, 10 millions de dollars pour les petits et moyens musées, 30 millions de dollars pour les communautés de langues officielles en situation minoritaire, 52 millions de dollars pour le Sommet de la francophonie 2008 qui aura lieu à Québec; 100 millions de dollars par année au Fonds canadien de télévision; 100 millions de dollars pour le nouveau Musée canadien des droits de la personne qui sera érigé à Winnipeg; 5 millions de dollars par année pour le programme de stages d'été dans les musées, en plus de contributions fédérales accélérées dans le cadre de l'initiative À nous le podium, qui vise à garantir aux athlètes olympiques et paralympiques des sports d'hiver un entraînement sans interruption.
Le sénateur Comeau : Poursuivez.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Cowan : Sûrement pas.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, une lettre a été envoyée au gouvernement, mais ce dernier n'y a pas répondu. Il s'agit du Concours musical international de Montréal. Il y a deux concours au Canada : un à Montréal et un à Calgary. Peut-être accordera-t-on une plus grande attention à celui de Calgary. Le Conseil des Arts ne couvre pas ce genre d'événement. Le budget de cet organisme est de un million de dollars et on s'attend à ce que le gouvernement fédéral verse un petit montant de 250 000 dollars malgré tous les millions que madame le leader vient de nous énumérer. Je demande simplement à la ministre de donner suite à la demande du Concours musical international de Montréal.
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Je n'ai pas vu la lettre à laquelle le sénateur fait référence. Je serais heureuse d'effectuer le suivi, de demander l'avis de la ministre et de faire en sorte qu'on réponde à la lettre.
L'agriculture et l'agroalimentaire
La Commission canadienne du blé—La proposition visant à éliminer le rôle de guichet unique de vente de l'orge
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, dans ses efforts pour tuer la Commission canadienne du blé, le gouvernement a notamment intimidé les membres élus et les employés de la commission, truqué la liste des votants et la question du référendum et tenté de modifier les pouvoirs de la commission à l'aide d'un règlement, même s'il est stipulé très clairement dans la loi que ce genre de modification ne peut s'effectuer qu'en vertu d'une loi fédérale. Il est triste de voir à quel point le gouvernement est si prompt à ignorer les lois même s'il se vante jour après jour d'être un gouvernement qui sévit contre la criminalité et qui assure le maintien de l'ordre.
(1405)
Maintenant que deux des plus hauts tribunaux du Canada ont très clairement statué que le gouvernement ne peut modifier les pouvoirs de la Commission canadienne du blé sans que cela soit entériné par une loi du Parlement, madame le leader du gouvernement au Sénat admettra-t-elle et reconnaîtra-t-elle devant nous tous que le gouvernement ne peut abuser de la loi et miner les institutions démocratiques canadiennes pour arriver à ses fins?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le sénateur Carstairs m'a tenu le même discours il y a quelques semaines. Le sénateur Mitchell sait que nous avons prôné le libre choix en matière de commercialisation et que nous avons tenu notre promesse de consulter les producteurs d'orge de l'Ouest du Canada au sujet de la formule de commercialisation qu'ils souhaitent utiliser pour leur produit. Lors du référendum du printemps dernier, une majorité de ces producteurs, en l'occurrence 62 p. 100 d'entre eux, se sont dits favorables à l'élargissement des possibilités en matière de commercialisation. Les producteurs veulent vendre leur orge comme cela leur convient et je comprends très bien leur position quand je vois le prix de l'orge et du blé monter en flèche sur le marché mondial.
En tant que gouvernement, nous sommes déçus que, dans sa décision du 26 février, la Cour fédérale du Canada maintienne le monopole de la Commission canadienne du blé. Lors de la dernière campagne électorale, nous avons pris un engagement clair envers les producteurs canadiens de blé et d'orge. Nous estimons important de respecter cet engagement et nous mettons tout en œuvre pour tenir parole. Le gouvernement est déterminé à emprunter toutes les avenues possibles pour offrir aux producteurs d'orge de l'Ouest canadien et, bien sûr, à tous les céréaliculteurs une véritable liberté de choix en matière de commercialisation. Par conséquent, le ministre Ritz présentera aussi rapidement que possible une mesure législative pour donner aux producteurs d'orge la latitude qu'ils souhaitent pour commercialiser leur produit directement auprès des acheteurs de leur choix.
Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement insiste beaucoup sur le fait que le gouvernement actuel tient à respecter son engagement envers les producteurs d'orge canadiens. Le gouvernement a-t-il réagi de la même manière quant à l'engagement pris envers les Canadiens des Maritimes, envers ceux qui ont investi dans des fiducies de revenu et envers ceux qui ont cru ce qu'il a dit devant le tribunal? Ne serait-ce pas une bonne idée que le gouvernement respecte également ces engagements?
À mon avis, le nœud du problème est que le leader du gouvernement au Sénat tente de contourner le fait que son gouvernement a pris des mesures louches, trompeuses et malhonnêtes pour miner et, en définitive, faire disparaître la Commission canadienne du blé.
Quel genre d'obsession idéologique porte le leader du gouvernement au Sénat à croire que le gouvernement peut miner les processus démocratiques et faire fi des lois, de la volonté du Parlement et des droits des agriculteurs du Canada?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, nous ne faisons pas fi des droits des agriculteurs du Canada. Pendant la dernière campagne électorale, nous avons dit aux producteurs de l'Ouest canadien que nous leur donnerions la possibilité de choisir le mode de commercialisation du blé et de l'orge. Nous croyons qu'il ne devrait pas y avoir de monopole et que les agriculteurs sont parfaitement capables de trouver leurs propres marchés pour leurs produits.
Visiblement, le sénateur n'est pas du même avis. Il est intéressant de noter que la Commission canadienne du blé, pendant que les prix du blé et de l'orge grimpent, a vendu son blé à des prix bien inférieurs à ce qu'elle aurait pu obtenir si elle l'avait vendu directement.
De toute façon, il est vrai que nos philosophies ne sont pas les mêmes. Nous croyons au libre choix en matière de commercialisation; les sénateurs d'en face croient au monopole. Compte tenu de la décision du tribunal, le ministre va présenter un projet de loi. On se souviendra que c'est exactement ce que le sénateur Carstairs réclamait du gouvernement il y a quelques semaines.
La justice
Le cas d'Omar Khadr
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, comme le dit madame le leader, elle sait mieux que quiconque combien j'appuie nos militaires sur le terrain. On insiste souvent sur la jeunesse des militaires. Des soldats de 19 et 20 ans perdent la vie; c'est un prix terrible. On nous a demandé si ces jeunes savent vraiment ce qu'ils font quand ils s'enrôlent dans l'armée à 18 ans et qu'ils prennent cet engagement. Sont-ils pleinement conscients de l'impact que cette décision pourrait avoir sur leur vie? Nous n'aimons pas que des recruteurs visitent les écoles secondaires, même s'il s'agit d'une profession honorable. Nous ressentons un malaise.
(1410)
Pourtant, le gouvernement permet qu'un enfant soldat qui, à l'âge de 15 ans, a été contraint de joindre des forces irrégulières, demeure à Guantanamo et subisse un procès criminel. Il est Canadien. Le gouvernement a signé tous les protocoles optionnels des Nations Unies concernant les enfants soldats. Pourtant, on a délibérément décidé, peut-être par passivité, d'abandonner cet enfant soldat canadien dans un processus que notre pays a qualifié d'illégal, un processus qui va à l'encontre du droit humanitaire, du droit des conflits armés et des droits de la personne.
Pourquoi le gouvernement permet-il cela?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, dans la première partie de sa question, le sénateur a parlé du recrutement de jeunes dans les Forces canadiennes. Les recrues des Forces canadiennes sont, bien sûr, des volontaires. Nous sommes heureux du recrutement. Comme le sénateur le sait, le nombre de recrues dans les Forces canadiennes a augmenté de façon marquée d'un bout à l'autre du pays, et plus particulièrement au Québec.
J'ose dire que tous ceux qui s'enrôlent dans les Forces canadiennes comprennent parfaitement l'ampleur du défi qui les attend.
M. Khadr a été placé dans la situation dans laquelle il se trouve sous le règne d'un autre gouvernement, et à l'époque je n'ai entendu personne réclamer qu'on le rapatrie au Canada. M. Khadr fait face à de graves accusations. Le gouvernement du Canada a demandé et obtenu l'assurance que les droits fondamentaux de M. Khadr seront respectés. Des fonctionnaires ministériels lui ont rendu plusieurs visites et lui rendront de nouveau visite à l'avenir.
Comme je l'ai dit en réponse à une question en décembre, toutes les questions sur le fait de savoir si le Canada a l'intention de demander la libération d'Omar Khadr de la prison de Guantanamo sont prématurées et hypothétiques, car le processus juridique suit son cours. Si je me souviens bien, le sénateur Dallaire m'a déjà posé une question à ce sujet, et je crois avoir déposé une réponse différée détaillée, mais je n'en suis pas absolument certaine.
Le sénateur Dallaire : Je n'ai pas posé de question à ce sujet, et j'ai suivi de très près cette affaire et le processus judiciaire. L'affaire est sur le point de se retrouver devant les tribunaux.
M. Khadr a été arrêté et détenu sur une base illégale des Forces américaines, à l'encontre de tous les protocoles auxquels nous avons adhéré relativement aux soldats irréguliers de moins de 18 ans. Nous avons fait des démarches, mais le processus judiciaire permettant de déterminer le sort de ce jeune homme n'avait pas encore été établi. Il l'a été il y a un an. On a fait appel à moi et le traitement du dossier va bon train. Tous les pays ont rapatrié leurs ressortissants de Guantanamo Bay, car tout le monde sait qu'on y pratique la torture.
Nous avons laissé ce jeune homme entre les mains d'un allié dont les forces armées torturent des détenus. Nous le savons, et les responsables l'ont eux-mêmes reconnu devant leurs comités sénatoriaux. Pourtant, le gouvernement ne fait rien.
Qu'on ne me dise pas que les Forces canadiennes sont formées de volontaires. Nous le savons. Les Forces canadiennes n'acceptent pas les volontaires âgés de moins de 17 ans, et on ne les dépêche pas en mission avant qu'ils soient âgés d'au moins 18 ans et qu'ils aient reçu une formation.
Pourquoi laissons-nous un adolescent de 15 ans en prison jusqu'à ce qu'il ait 21 ans pour le traiter ensuite, une fois le processus enclenché, comme s'il était criminellement responsable de ses actes? Nous avons reconnu devant les Nations Unies que les enfants soldats ne doivent pas être tenus criminellement responsables de leurs actes. Nous avons reconnu qu'ils devraient être démobilisés, réadaptés et réintégrés.
Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas sortir celui qui était un enfant au moment de son incarcération à Guantanamo et ne le réintègre-t-il pas dans notre système judiciaire, comme tous les autres pays l'ont fait?
(1415)
Le sénateur LeBreton : Omar Khadr fait face à des accusations très graves. Le gouvernement du Canada s'est à maintes reprises assuré qu'il était traité humainement. Des représentants du gouvernement ont visité M. Khadr à plusieurs reprises et ils continueront de suivre la situation. C'est à peu près tout ce que je peux ajouter.
Au début de ma réponse, je parlais de notre propre service parce que dans son long préambule, le sénateur parlait de recrutement. J'ai bien sûr pensé que je devrais également répondre à cette partie de sa question.
Le sénateur Dallaire : Le seul fait que nous reconnaissions qu'Omar Khadr fait face à des accusations criminelles va à l'encontre de toutes les ententes auxquelles le gouvernement a déjà adhéré. En vertu du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, sur la participation d'enfants aux conflits armés, auquel nous avons adhéré, les enfants, garçons et filles, qui sont envoyés au combat à l'âge de 15, 14 ou même 13 ans ne peuvent être tenus criminellement responsables de leurs actes. Ils doivent plutôt être soumis à un processus de démobilisation, de réadaptation et de réintégration. Nous n'avons même pas de cour judiciaire pour nos enfants de moins de 18 ans. Le sénateur ne peut pas me dire que cet enfant de 15 ans est tenu de répondre à des accusations criminelles alors que nous sommes en total désaccord avec le concept de la responsabilité criminelle des enfants soldats à l'égard d'actes commis dans un théâtre opérationnel.
Le sénateur ne m'a toujours pas dit pourquoi on ne ramène pas Omar Khadr au pays pour tenter de régler le problème ici. C'est un Canadien. Pourquoi madame le sénateur refuse-t-elle de reconnaître que ces accusations criminelles sont illégales en vertu du droit humanitaire international des conflits armés et pourquoi ne demandons-nous pas des comptes aux Américains à cet égard?
Le sénateur LeBreton : Le sénateur dit qu'Omar Khadr a été un enfant soldat. Je doute que la plupart des gens voient les activités passées de M. Khadr comme des activités normales. De sérieuses accusations pèsent contre lui.
À de nombreuses occasions, on a vu cette famille défendre sur les ondes de la télévision publique du pays des positions que la plupart des Canadiens ont de la difficulté à comprendre. Quoi qu'il en soit, Omar Khadr est à Guantanamo, et le gouvernement suit l'évolution de la situation. Nous avons demandé et obtenu l'assurance qu'il soit traité convenablement. Selon nous, toute discussion sur sa libération ou son retour au Canada est prématurée à l'heure actuelle.
La sécurité nationale et la défense
L'Agence canadienne de développement international—Le recherchiste affecté au dossier de l'aide à l'Afghanistan
L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au président du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Dans l'Ottawa Citizen du 6 février et dans un errata publié le 8 dans le même journal, il est question du recherchiste principal auquel le comité a confié la tâche de se renseigner sur l'argent dépensé en Afghanistan. Le comité va-t- il déposer au Sénat un rapport contenant les résultats de ces recherches?
Je sais que l'article de journal cite le sénateur. Néanmoins, ne croit-il pas que les recherches de ce genre devraient passer par le comité, donc faire l'objet d'un rapport présenté au Sénat?
L'honorable Colin Kenny : Honorables sénateurs, la dernière fois que le sénateur a posé une question à ce sujet, il voulait savoir si le recherchiste avait passé six mois en Afghanistan. Nous lui avions alors indiqué que ce n'était pas le cas.
Malheureusement, l'attaché de recherche n'a rien à mettre dans son rapport. Dans l'article du journal Ottawa Citizen, on disait d'ailleurs essentiellement que l'attaché de recherche en question, qui est très expérimenté, n'était pas arrivé, après six mois d'efforts, à obtenir de l'information de la part de l'ACDI sur le développement dans la province de Kandahar.
Nous avons subséquemment appelé la ministre à comparaître devant nous, et elle a été incapable, elle aussi, de nous fournir l'information voulue. Nous lui avons alors offert la possibilité de répondre à la question par écrit. Sa réponse était tellement inintelligible que nous nous sommes sentis obligés de l'inclure dans le rapport que nous avons déposé le printemps dernier. Nous n'arrivions pas à croire qu'une ministre de la Couronne puisse signer une lettre aussi mal rédigée qui fournissait aussi peu d'information sur un sujet aussi important.
(1420)
Le sénateur Stratton : Le sénateur a lancé beaucoup d'accusations aujourd'hui. Peut-il nous fournir des preuves? Y a-t-il un document quelconque que nous pourrions consulter à ce sujet? Après le dépôt du rapport, on a pu lire dans les journaux des articles disant qu'un recherchiste principal avait passé six mois sur ce dossier. Le sénateur Kenny ne croit-il pas qu'il conviendrait de donner le nom de ce dernier?
S'il nous dit que l'attaché de recherche n'a rien pu trouver, ne peut-il pas nous dire qui il était? A-t-il vraiment été employé pendant six mois? Combien d'argent a-t-il reçu pour son travail? Le sénateur ne croit-il pas que cette assemblée a le droit de savoir?
Si le sénateur décide de lancer des accusations, il devrait au moins défendre le travail que cet attaché de recherche a fait.
Le sénateur Kenny : J'encourage le sénateur Stratton à lire le hansard parce qu'on a répondu en partie à sa question la dernière fois qu'elle a été posée. L'attaché de recherche était le brigadier général à la retraite James Cox, maintenant un employé de la Bibliothèque du Parlement. Il a tenu le comité au courant de façon régulière — presque chaque semaine, en fait — du manque de collaboration, d'aide et d'information de la part de l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international.
Ayant servi pendant longtemps dans les Forces canadiennes, l'attaché de recherche était étonné de voir qu'un ministère pouvait faire si peu dans une région où le Canada avait des soldats sur le terrain. C'est ce que M. Cox disait régulièrement au comité. Le comité a présenté un rapport approfondi sur le sujet, rapport que le sénateur n'a manifestement pas lu. Je l'encourage à lire les rapports déposés au Sénat.
Le sénateur Stratton : Je demanderais aussi au sénateur d'examiner la situation de la perspective de ceux qui sont là-bas. Il est peu recommandable de publier de l'information sur le travail effectué dans cette région par diverses organisations gouvernementales et non gouvernementales. Ce travail doit demeurer confidentiel. Si on publie des détails précis, on se trouve du même coup à fournir cette information aux talibans.
Le sénateur Kenny : Honorables sénateurs, je suis gêné par la qualité des questions posées par le sénateur d'en face. Son gouvernement a publié des listes de projets de développement à des endroits autres que Kandahar. Le gouvernement fait régulièrement mention des projets qui sont mis en œuvre dans diverses régions de l'Afghanistan. Le problème, c'est que les listes renferment très peu d'initiatives dans la province de Kandahar, où se trouvent nos troupes et où nous assumons des responsabilités.
La santé
Le budget de 2008—Le financement visant à augmenter le nombre de professionnels de la santé
L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, ma question porte sur le budget et la santé. Je me reporte à la déclaration faite hier par le président de l'Association médicale canadienne, le Dr Brian Day, dans un communiqué publié presque tout de suite après le budget. Le communiqué s'intitulait « Health Gone Missing? ».
Honorables sénateurs, je tiens à dire que je ne fais absolument pas du lobbying pour l'Association médicale canadienne, pour les médecins du Canada ou pour tout autre groupe dans le secteur de la santé. Toutefois, j'estime que c'est une de mes responsabilités, en tant que sénateur, de faire du lobbying pour les soins de santé et pour la promotion de la santé de mes concitoyens canadiens.
(1425)
Nous savons qu'il existe une pénurie croissante de médecins et d'autres travailleurs de la santé, mais ce problème n'a pas été abordé. Dans le budget, on parle de polluants dans la nourriture, de la salubrité des aliments et d'une réglementation plus poussée en ce qui a trait à ces produits. On est censé réexaminer les dépenses qui peuvent être déduites afin d'obtenir un crédit d'impôt. On parle aussi de réorganiser la prestation des soins de santé pour les Autochtones. C'est une bonne chose. Il convient de souligner le fait que le budget renferme une allusion importante à la santé mentale.
À cet égard, il faut remercier le Sénat, notamment les sénateurs Kirby, Keon et tous les autres qui ont participé à l'élaboration de cet excellent rapport.
Cela dit, ces cinq projets visent principalement à essayer de mieux comprendre le rapport entre l'itinérance et la santé mentale et à proposer des pistes de solution. Il n'y a pas grand-chose pour aider les personnes malades et pour aider à résorber la crise qui prévaut dans le domaine de la santé mentale au pays.
Son Honneur le Président : Si le sénateur pose rapidement sa question et si le leader du gouvernement y répond rapidement, nous pourrons respecter l'heure limite.
Le sénateur Trenholme Counsell : Environ 5 millions de Canadiens n'ont pas de médecin de famille — dans ma province, il y en a 75 000 — et nous sommes confrontés à une très grave pénurie de professionnels de la santé. C'est la principale raison qui explique l'existence de listes d'attente.
Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Pourquoi le gouvernement du Canada a-t-il choisi de ne pas tenir compte de la pénurie d'omnipraticiens, pour ne rien dire des spécialistes, et du manque sérieux de personnel infirmier et d'autres professionnels de la santé?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, la réponse courte, c'est que l'on ne peut pas avoir d'omnipraticiens et d'autres professionnels de la santé à moins d'avoir les structures nécessaires dans les établissements d'enseignement postsecondaire pour accueillir les étudiants et les former. Il ne suffit pas de claquer des doigts pour faire apparaître des médecins. C'est pourquoi le budget prévoit d'importantes sommes d'argent pour l'éducation, les sciences et la technologie.
La dernière fois que j'ai vérifié, la santé était intimement liée au domaine des sciences et de la technologie. En deux ans, le gouvernement a investi des sommes incroyables dans le domaine de la santé. Dans le budget d'hier, nous nous attaquons au problème à la source, et le système d'éducation est l'endroit où commencer.
[Français]
Recours au Règlement
L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, comme vous le savez, je regrette toujours de devoir faire un rappel au Règlement, mais je me dois de le faire. Son Honneur le Président a agi à l'encontre du Règlement en permettant que l'honorable sénateur continue à poser sa question et, certainement, en permettant la réponse. La période des questions doit durer 30 minutes. Aucune extension n'est possible. J'espère seulement qu'on n'a pas établi un précédent qui amènerait, par la suite, à autoriser des périodes de questions d'une durée de plus de 30 minutes.
L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je pense que Son Honneur le Président s'est toujours conduit de façon irréprochable. On sait que, lorsqu'un sénateur se lève, on lui donne un certain temps pour s'exprimer et on laisse aussi à la personne à laquelle la question est posée le temps de donner une brève réponse. Si on doit s'en tenir à la seconde près, je crois qu'il nous sera plus difficile de voir au bon fonctionnement des choses. Je n'ai aucun doute que le Président du Sénat agira en conséquence dans la majorité des cas.
[Traduction]
Son Honneur le Président : Je remercie le sénateur Nolin d'avoir soulevé ce recours au Règlement. Ce qui est écrit est écrit, il a parfaitement raison. C'est exactement ce que l'on trouve dans notre livre de règles, soit le Règlement du Sénat. Peut-être demanderons- nous aux greffiers de se lever environ une minute avant la fin des 30 minutes.
(1430)
ORDRE DU JOUR
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L'honorable Terry Stratton propose que le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, avant de commencer mon discours sur le projet de loi C-2 à l'étape de la troisième lecture, je voudrais remercier les témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques. Nous en avons entendu 55 au cours d'une période très intense de quatre jours. Les témoignages que nous avons reçus de la Société Elizabeth Fry, de la Société John Howard, de la police, de la GRC ainsi que de victimes du crime nous ont permis de prendre connaissance d'histoires déchirantes venant aussi bien de victimes que de criminels en réadaptation. On ne peut pas s'empêcher d'admirer les gens qui travaillent dans ce domaine parce qu'ils donnent bien plus que ce que la plupart des gens imaginent. Le prix émotionnel qu'ils ont à payer dans l'exercice de leurs fonctions est vraiment extraordinaire. Personnellement, je n'aurais pas pu faire ce travail. Je tiens à féliciter ces gens au nom de tous les sénateurs et, en particulier, des membres du comité.
Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole dans le cadre du débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-2, Loi sur la lutte contre les crimes violents. Le projet de loi a fait un long parcours, ayant commencé sous forme de cinq mesures législatives distinctes déposées en 2006, au cours de la dernière session du Parlement. Ces mesures ont été redéposées cette session sous forme d'un seul projet de loi. Comme mesure de confiance et premier projet de loi de la session, le projet de loi C-2 transmet un message clair de la part du gouvernement : la protection des Canadiens et des collectivités canadiennes contre les crimes violents constitue notre principale priorité. Partout au pays, les Canadiens se sont prononcés en faveur du projet de loi C-2 et de l'engagement du gouvernement à s'attaquer aux crimes violents. Honorables sénateurs, je suis heureux de dire que le Sénat a entendu ce message et qu'il a travaillé infatigablement ces dernières semaines pour répondre aux attentes des Canadiens.
Le projet de loi C-2 propose des réformes du droit pénal dont nous avons grand besoin pour atteindre quatre objectifs : punir sévèrement les crimes graves, renforcer les lois sur la conduite avec facultés affaiblies par la drogue et l'alcool, protéger les jeunes vulnérables de 14 et 15 ans contre l'exploitation sexuelle d'adultes et mieux protéger tous les Canadiens contre les criminels dangereux et les auteurs de crimes violents qui récidivent et dont beaucoup se classent dans la catégorie des délinquants sexuels. D'après certaines statistiques, 70 à 90 p. 100 des auteurs de crimes violents qui récidivent sont des prédateurs sexuels.
Comme je l'ai mentionné, le comité a travaillé inlassablement pour terminer l'étude du projet de loi, comme en témoignent ses réalisations. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a tenu ces trois dernières semaines de longues audiences au cours desquelles il a entendu, comme je l'ai dit, 55 témoins qui ont parlé de tous les aspects du projet de loi. En toute franchise, si beaucoup des témoins ont appuyé les différentes composantes de cette mesure législative, il y en a qui ne l'ont pas fait. Malgré quelques divergences d'opinions sur la meilleure façon de lutter contre les crimes violents au Canada, tous les témoins ont convenu du bien-fondé des objectifs du projet de loi, ont condamné les crimes violents et ont exprimé leur appui aux efforts déployés pour réprimer ces crimes.
Considérons les principaux éléments du projet de loi C-2. Tout d'abord, on ne saurait trop insister sur les incidences des crimes commis à l'aide d'armes à feu. Des effets souvent mortels sur les victimes et les familles au préjudice porté à un mode de vie auquel nous sommes tellement attachés et qui fait notre réputation à l'étranger, les crimes commis à l'aide d'armes à feu nous touchent tous. Le projet de loi C-2 s'attaque à ces crimes en prévoyant des peines minimales obligatoires plus sévères et en renforçant le régime de remise en liberté sous caution.
Pour ce qui est des peines minimales obligatoires, le projet de loi C-2 cible les auteurs d'infractions graves et les récidivistes ayant déjà commis un crime à l'aide d'une arme à feu. Plus précisément, des peines obligatoires de cinq ans pour une première infraction et de sept ans pour les suivantes sont prévues en cas d'utilisation d'une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte ou en cas d'association avec le crime organisé, ce qui comprend les gangs. Les infractions en cause sont la tentative de meurtre, le fait de décharger une arme à feu avec une intention particulière, l'agression sexuelle armée, l'agression sexuelle grave, l'enlèvement, la prise d'otage, le vol qualifié et l'extorsion. Je suis sûr que tous les sénateurs conviendront que ces infractions comptent parmi les plus graves.
Des peines minimales obligatoires de trois ans de prison pour une première infraction et de cinq ans pour les suivantes sont également proposées en cas d'infractions n'impliquant pas l'utilisation d'armes à feu, par exemple le trafic ou la contrebande d'armes à feu ou la possession illégale d'une arme prohibée ou à autorisation restreinte et de munitions. Ces nouvelles peines répondent aux objectifs de la justice pénale visant à dissuader, à dénoncer et à tenir les auteurs d'infractions graves à l'écart de la société.
Le projet de loi C-2 propose également de modifier le régime de remise en liberté sous caution de façon à imposer aux personnes accusées d'infractions graves mettant en cause des armes à feu de prouver que leur remise en liberté sous caution ne fait pas courir de risques. Autrement, ces personnes seront gardées en détention avant leur procès. Cette inversion du fardeau de la preuve s'appliquerait aux personnes accusées d'infractions graves commises à l'aide d'armes à feu, de trafic d'armes, de contrebande ou d'autres actes criminels commis pendant qu'elles étaient sous le coup d'une interdiction de possession d'armes.
Deuxièmement, le projet de loi C-2 aidera considérablement la police à enquêter sur la conduite avec facultés affaiblies, crime qui occasionne plus de décès et de blessures que n'importe quel autre. Le Code criminel interdit à quiconque de conduire lorsque ses facultés sont affaiblies par l'alcool ou une drogue. Toutefois, il est très difficile de détecter les conducteurs dont les capacités sont affaiblies par la drogue et de les poursuivre avec succès. En vertu du projet de loi C-2, la police pourra imposer aux conducteurs soupçonnés d'avoir consommé de la drogue de se prêter à des tests de sobriété sur place. S'ils réussissent, ils peuvent reprendre le volant. Autrement, la police peut passer à l'étape suivante et exiger du conducteur en cause de se soumettre à une évaluation menée par un agent ayant reçu une formation spéciale pour déterminer le genre de drogue auquel les symptômes constatés sont attribuables. La troisième étape consiste à exiger un échantillon de substance corporelle, qui sera analysé en laboratoire pour déterminer la présence du type de drogue désigné par l'agent évaluateur. Cette étape vise à protéger le conducteur accusé. Si la drogue désignée n'est pas présente, aucune poursuite ne sera intentée. Il est important de se souvenir que ces réformes donneront à la police un nouvel outil pour enquêter sur l'infraction existante de conduite avec facultés affaiblies. Elles ne criminalisent pas la simple présence d'une drogue dans l'organisme d'un conducteur, car c'est la preuve de l'affaiblissement des facultés qui constituera le facteur déterminant dans les poursuites.
Le projet de loi C-2 facilitera également l'enquête sur la conduite en état d'ébriété en donnant à la police plus de temps pour exiger du conducteur qu'il se prête à l'alcootest sur place. Cela sera particulièrement utile en cas de collision lorsque la police arrive sur les lieux et que le conducteur n'est plus derrière son volant. Le projet de loi simplifiera les procès lorsqu'une personne est accusée d'avoir un taux d'alcoolémie supérieur à 80 milligrammes par 100 millilitres de sang. Si un alcootest approuvé donne une lecture supérieure à 80, les moyens de défense seront limités aux arguments scientifiques valides. Jusqu'ici, les tribunaux faisaient abstraction des résultats donnés par un instrument approuvé si le conducteur soutenait qu'il n'avait que très peu bu, par exemple, deux bières seulement.
Selon les avocats spécialistes de la défense, une absorption aussi faible n'aurait pu donner un résultat supérieur à 80. Cela s'est produit même lorsque la poursuite a établi que l'instrument avait été correctement utilisé et était en bon état de fonctionnement, tant avant qu'après le prélèvement d'échantillon d'haleine.
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Le projet de loi C-2 propose également d'autres modifications qui sont les bienvenues, dont la création de nouvelles infractions lorsque le résultat est supérieur à 80 ou lorsque la personne refuse de fournir un échantillon d'haleine quand sa façon de conduire un véhicule a causé une collision entraînant des lésions corporelles ou la mort, infraction punissable au même titre que la conduite avec capacités affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort.
Ainsi, le projet de loi C-2 élimine l'incitatif pour la personne impliquée dans une grave collision causant des lésions corporelles ou la mort à refuser de fournir un échantillon d'haleine, de sorte que le certificat de l'alcootest ne puisse être déposé pour prouver la conduite avec facultés affaiblies.
Enfin, le projet de loi C-2 hausserait l'amende minimale obligatoire dans le cas d`une première infraction et la ferait passer de 600 $ à 1 000 $; la peine minimale d'emprisonnement pour une deuxième infraction passerait de 14 à 30 jours; dans le cas d'une troisième infraction, la peine minimale d'emprisonnement passerait de 90 à 120 jours.
Vient ensuite l'âge de protection. Le projet de loi C-2 propose également de faire passer de 14 à 16 ans l'âge auquel une jeune personne peut consentir à une activité sexuelle avec une autre personne.
Honorables sénateurs, comme cette question a suscité de très nombreux commentaires au comité, je voudrais exposer très clairement ce que ces modifications font et ne font pas. Oui, elles proposent de protéger les jeunes de 14 et 15 ans contre les prédateurs sexuels adultes. Elles n'empêcheront pas des jeunes de 14 et 15 ans de se livrer à une activité sexuelle consensuelle avec des pairs. Les modifications visent l'adulte, la personne qui a au moins cinq ans de plus que la personne de 14 ou 15 ans et qui cherche à se livrer à une activité sexuelle avec elle.
En termes précis, les modifications disent à cet adulte : si vous vous livrez à une activité sexuelle avec cette jeune personne, vous commettez une agression sexuelle contre cette jeune personne. Les modifications ne prennent pas en considération le consentement de la jeune personne à cette activité abusive. Cela correspond tout à fait à l'âge du consentement prévu actuellement par le Code criminel pour ce qui est de l'activité sexuelle ayant trait à la prostitution, la pornographie ou d'autres relations impliquant un lien d'autorité, de confiance ou de dépendance, où le consentement d'une jeune personne est complètement hors de propos.
Ces modifications disent bien aux prédateurs sexuels, tant au Canada qu'à l'étranger, qui veulent s'attaquer à de jeunes Canadiens de 14 et 15 ans via Internet qu'il existe ici un âge du consentement qui le leur interdit.
Avis aux délinquants dangereux : enfin, le projet de loi C-2 propose de modifier les dispositions du Code criminel en ce qui concerne les délinquants dangereux ainsi que les engagements à ne pas troubler l'ordre public, afin d'imposer des restrictions sévères aux délinquants à risque élevé qui circulent librement dans la collectivité après avoir purgé leur peine.
L'objectif est de protéger les Canadiens contre les récidives de délinquants sexuels violents qui, malgré tous nos efforts, ne veulent pas ou ne peuvent pas mettre un terme à leur comportement destructeur. En termes simples, tout cela est une affaire de sécurité publique.
Les modifications visant les délinquants dangereux incluent une obligation pour le poursuivant à déclarer son intention de demander une évaluation lors d'une troisième infraction désignée. Cette obligation fera en sorte que les procureurs de la Couronne de tout le pays envisagent, de façon uniforme et précise, la pertinence de demander une évaluation pour tous les contrevenants dangereux qui répondent à ces critères.
On présume qu'un délinquant répond aux critères définissant un délinquant dangereux s'il a été reconnu coupable pour la troisième fois d'une infraction primaire. Comme dans le cas de toute présomption, il doit y avoir réfutation de présomption. On précise la peine qui sera imposée à un individu désigné délinquant dangereux. Il pourra être condamné soit à une peine d'emprisonnement indéterminée, soit à une ordonnance de surveillance de longue durée, conformément à la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l'arrêt R. c. Johnson. Cet amendement s'impose pour dissiper toute confusion à la suite de la décision rendue dans l'affaire Johnson, qui précise quand un individu est considéré délinquant dangereux et quelle peine doit lui être imposée.
On a ajouté des dispositions prévoyant une deuxième audition lorsqu'un délinquant dangereux qui a d'abord fait l'objet d'une ordonnance de surveillance de longue durée plutôt que d'une peine d'emprisonnement indéterminée viole une condition de l'ordonnance. L'audition vise uniquement à établir s'il est possible de modifier la peine du délinquant dangereux pour lui imposer une peine d'emprisonnement indéterminée.
Enfin, le projet de loi prévoit des modifications pour resserrer les dispositions des articles 810.1 et 810.2 concernant les engagements de ne pas troubler l'ordre public; on en double la durée à 24 mois et on précise que le tribunal peut imposer une condition plus large. Ces modifications permettront à la police et aux responsables de la justice de mieux gérer les individus à haut risque qui sont libérés après avoir purgé la totalité de leur peine
Honorables sénateurs, le projet de loi C-2 propose une série complète de réformes du droit pénal dont l'objectif est, de toute évidence, de mieux protéger les Canadiens dans leurs foyers et leurs collectivités. Je crois que la sécurité publique est une priorité pour tous les sénateurs et je vous demande instamment d'appuyer ce projet de loi.
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : J'ai une question pour le sénateur Stratton.
L'honorable Fernand Robichaud (Son Honneur le Président suppléant) : L'honorable sénateur accepte-t-il de répondre à une question?
Le sénateur Stratton : Oui.
Le sénateur Grafstein : D'entrée de jeu, je tiens à féliciter le comité de son rapport. Les membres du comité ont été confrontés à des conditions difficiles lors de la préparation de ce document. Compte tenu des circonstances, leur rapport apporte énormément de précisions sur la question.
J'aimerais poser certaines questions, puisque l'honorable sénateur agit au nom du gouvernement pour défendre cette mesure législative.
Je veux me pencher sur les articles concernant la conduite avec capacités affaiblies par d'autres substances que l'alcool. Ces articles ouvrent la porte sur un vaste éventail de possibilités.
Si j'ai bien compris — et le sénateur Stratton me corrigera dans le cas contraire —, toute personne qui refuse de se soumettre aux nouveaux tests prévus dans cet article, ou qui refuse de se soumettre à un test, est coupable d'une infraction de conduite avec facultés affaiblies et s'expose à des poursuites.
Il faut que je comprenne bien cette mesure puisqu'elle touche pratiquement tous les Canadiens. D'après les statistiques dont j'ai pris connaissance, au moins deux ou trois Canadiens sur sept prennent quotidiennement un médicament quelconque, dont bon nombre ont des effets secondaires, selon les conclusions d'études publiées. Or, pour bon nombre de ces médicaments, la science n'a pas encore bien mesuré les effets secondaires.
Si, sans être un criminel, une personne conduit une voiture sans être consciente des conséquences, parce que les effets secondaires du médicament qu'elle consomme n'ont pas encore été pleinement évalués — et le sénateur Keon confirmera que de telles situations peuvent exister —, et refuse de se laisser administrer un test, ou accepte d'en subir quelques-uns, cette personne pourrait être reconnue coupable d'une infraction uniquement à partir de ces mesures.
Permettez-moi de vous donner un exemple : supposons que la personne n'est pas en mesure de se tenir en équilibre sur un pied durant un certain temps ou de marcher sur une longueur de 12 pieds. J'invite les sénateurs à se soumettre à ces tests. Je suis prêt à parier que la moitié des sénateurs ne réussiraient pas ces deux tests.
Je considère que cette mesure est extraordinaire, compte tenu de l'incertitude qu'elle comporte. Le Code criminel doit être clair. Autrement dit, la personne qui est en instance de commettre une infraction doit comprendre clairement dès le départ qu'elle est en situation d'infraction. Voilà qui ne réjouira pas le Canadien innocent qui consomme des médicaments à bon escient, en toute légalité, et qui aimerait être protégé des effets de ce projet de loi. L'honorable sénateur aurait-il un commentaire à formuler à ce sujet?
Le sénateur Stratton : En effet, honorables sénateurs, je me ferai un plaisir de le faire. Lorsqu'on demande à une personne d'immobiliser son véhicule, on le fait dans le cadre d'un processus qui comporte 12 étapes. Tout d'abord, la personne responsable de l'interpellation doit en déterminer la raison. Habituellement, l'agent de police interpelle un conducteur parce qu'il a constaté une conduite erratique ou une collision. Lorsque la police demande à quelqu'un d'immobiliser son véhicule, elle a une raison de le faire. Un policier n'invite pas quelqu'un à le faire sans raison valable.
Cela dit, l'agent de police pose une série de questions avant de demander à une personne de se tenir en équilibre sur un pied, je vous l'assure. Le policier demanderait par exemple à la personne si elle prend de la drogue ou des médicaments. Si elle répond oui et si le policier établit que la conduite dangereuse a pu être causée par l'effet de ces produits, le conducteur est mené à l'hôpital pour qu'un médecin l'examine. L'examen médical peut révéler si ces produits ont été la cause de l'accident ou de la conduite dangereuse.
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Il ne faut pas oublier que, lorsqu'on prescrit un médicament, il y a souvent un mode d'emploi qui conseille de ne pas conduire lorsqu'on prend le médicament parce qu'il peut causer de la somnolence. Les médecins préviennent aussi leurs patients.
Il est probable que celui qui prend un médicament sur ordonnance puisse avoir des facultés diminuées. Il faut être prudent. Nous avons la responsabilité de conduire en toute sécurité, et conduire est une responsabilité et non un privilège. Nous devons faire attention aux avertissements qui figurent sur les contenants de médicaments.
Le sénateur Grafstein : Y a-t-il des données statistiques qui montrent que les conducteurs qui prennent des médicaments licites et qui peuvent souffrir de somnolence ou avoir une vision moins nette constituent une menace? Si oui, cette menace est-elle grave au point qu'il faille modifier le Code criminel pour en tenir compte?
Il ne faut pas oublier que la loi ne connaît pas de demi-mesures.
Le sénateur Stratton : C'est une question?
Le sénateur Grafstein : Oui, c'en est une.
Le sénateur Stratton : Nous ne voulons pas nous en prendre à celui qui prend des médicaments. Ce n'est pas du tout l'enjeu, mais si cette personne conduit dangereusement ou est en cause dans un accident, la police a tout à fait raison de l'interroger.
Nous voulons nous en prendre à ceux qui consomment des drogues illicites, comme la marijuana. Je crois que nous avons parlé de cinq catégories de drogues illicites. La police veut inculper ceux qui conduisent avec des facultés affaiblies et sous l'influence de drogues illicites.
Le sénateur Grafstein : Voici un passage que je trouve au quatrième paragraphe de la deuxième page du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Il dit qu'il y a des centaines de drogues, licites et illicites, consommées par les Canadiens et qui ont des effets différents sur la capacité de conduire.
On me corrigera si j'ai tort, mais le projet de loi ne fait pas la même distinction que le sénateur entre les médicaments licites et les drogues illicites. C'est contre les conséquences de la consommation de ces médicaments ou drogues qu'il s'agit de sévir.
Le sénateur Stratton : Les Canadiens doivent être conscients que, si une personne consomme un médicament qui provoque la somnolence, elle n'a pas sa place au volant d'une voiture.
Le sénateur Di Nino : Bravo!
Le sénateur Stratton : Si un conducteur est mêlé à un accident ou s'il est arrêté pour conduite dangereuse, la police a le droit de l'interroger. Il ne faut jamais l'oublier, conduire est une responsabilité et non un privilège.
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, le sénateur Stratton admettra peut-être que, comme le sénateur Di Nino l'a répété à maintes reprises, puisqu'il s'est occupé de l'excellent programme RIDE et nous en a expliqué le fonctionnement, lorsque tous les conducteurs sont arrêtés, on n'observe aucunement leur façon de conduire. C'est la première chose que je demanderais au sénateur Stratton de vérifier : on utilise ces barrages routiers au moment de Noël et du Nouvel An et à d'autres occasions tout au long de l'année. Cela se fait dans tout notre pays. En réalité, six provinces prévoient maintenant dans leur code de la route que la police a le droit d'arrêter n'importe qui arbitrairement aux fins de l'application de l'article 253 du Code criminel. C'est précisément ce dont il est ici question. Or, dans ce cas-là, on n'observe pas la façon de conduire.
Deuxièmement, s'assurerait-il aussi que les conducteurs ne sont pas automatiquement amenés à l'hôpital pour observation? Vérifierait-il que le ministre et même le gouvernement fédéral précédent ont donné comme information que la mesure législative est conçue pour qu'on puisse appréhender non seulement ceux qui ont pris des drogues illicites, mais aussi les conducteurs qui ont pris des médicaments d'ordonnance susceptibles d'affaiblir leurs facultés? Le sénateur aurait-il l'obligeance de vérifier ces faits?
Enfin, le sénateur admettrait-il que nous en sommes toujours au stade de la recherche? Toute cette procédure est nouvelle aussi bien au Canada que dans une grande partie du reste du monde.
Le sénateur Oliver : C'est exact.
Le sénateur Baker : Cette procédure est nouvelle, et il nous faudra du temps pour la faire fonctionner correctement.
Le sénateur Stratton : Le sénateur a raison, il faudra du temps.
Le sénateur LeBreton : C'est la même chose pour les tests d'alcoolémie sur la route.
Le sénateur Stratton : Je vais donner des statistiques, ce que j'aime beaucoup faire. Je vous renvoie au mémoire que la directrice du Centre canadien de la statistique juridique, Lynn Barr-Telford, nous a présenté le 14 février 2008. Elle nous a dit à ce moment-là que le taux des infractions de conduite en état d'ébriété avait diminué de 68 p. 100 entre 1981 et 2006. Voilà qui montre aux Canadiens et aux sénateurs que nous devons faire quelque chose de bien, grâce à la sensibilisation et aux sanctions, comme l'arrêt des conducteurs aux barrages routiers pendant le temps des Fêtes. Voilà ce que j'ai à répondre à la deuxième question du sénateur.
Le véritable enjeu est le suivant : le sénateur croit-il honnêtement que, si une personne répond à l'agent qu'il a pris un médicament d'ordonnance, elle se fera arrêter? Le sénateur le croit-il vraiment? Pas moi.
Le sénateur Baker : Honorables sénateurs, la police n'a pas le droit de faire une arrestation immédiate. Cette mesure lui permet de détenir la personne sans avocat et sans que la Charte intervienne pendant une période raisonnable dont on peut montrer qu'elle est justifiée, conformément à l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Personne n'est arrêté, mais il y a détention pour que puissent se faire les tests de coordination et d'adresse en bordure de la route. Non, la personne n'est pas arrêtée, mais, chose certaine, si elle admet avoir pris des drogues ou des médicaments et si ces produits peuvent affaiblir ses facultés, l'agent doit, aux termes de ces mesures législatives, lui faire subir le test de coordination. Si la personne échoue, elle doit produire un échantillon d'urine.
Le sénateur Stratton : Mais n'est-ce pas l'intention du législateur? Si une personne prend un médicament dont le mode d'emploi dit clairement que le patient doit ou devrait s'abstenir de conduire, le sénateur n'est-il pas d'avis que la police doit se comporter de cette manière?
L'honorable James S. Cowan : Sénateurs, nous souhaitons tous rendre notre société plus sûre, protéger ses membres, surtout les plus vulnérables, décourager et prévenir les actes criminels, et, lorsque certains les commettent, leur infliger une peine juste.
Le sénateur Di Nino : Nous sommes tous d'accord.
Le sénateur Cowan : Il ne peut y avoir ni désaccord ni discussion sur ces objectifs. Le débat ne devrait porter que sur les meilleurs moyens de les atteindre.
Aucun d'entre nous ne devrait se satisfaire du statu quo, des mesures en place pour protéger les citoyens ou punir et, on peut l'espérer, réadapter les coupables. Mais nous ne devons pas non plus avoir une réaction primaire et mal réfléchie, ni céder à la politique de la peur et au sensationnalisme.
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Dans l'exposé mûrement réfléchi qu'elle a présenté au comité, l'Association du Barreau canadien a énoncé une série de principes qui devraient encadrer les modifications législatives et qui, d'après elle, permettront à la fois de rendre la société plus sûre et d'avoir un droit pénal solide du point de vue constitutionnel. Voici ces principes :
- Les modifications législatives s'avèrent nécessaires lorsqu'il y a un fait nouveau ou non abordé dans la société, par exemple l'apparition de problèmes liés au vol d'identité, ou lorsqu'une omission ou une lacune grave de la loi actuelle a été démontrée de façon empirique.
- La disponibilité des ressources et l'efficacité du fonctionnement de nos tribunaux sont des considérations importantes, et il faudrait éviter les litiges et les contestations constitutionnelles inutiles.
- Le public est protégé lorsque les policiers et les substituts du procureur général disposent de ressources suffisantes pour appliquer les lois actuelles et que l'effet que la modification des lois existantes ou leur complexification peut avoir sur les ressources est pris en compte.
- Lorsqu'il y a perpétration d'un crime, une réaction mesurée permettant d'évaluer de façon équitable tous les buts liés à la détermination de la peine dans le Code criminel permettra en dernier ressort de réduire la criminalité lorsque les délinquants retourneront dans la collectivité.
- Enfin, les juges de première instance sont les mieux placés lorsqu'il s'agit de déterminer une réaction appropriée à un crime particulier, étant donné qu'ils ont la possibilité toute particulière d'observer tous les participants et d'entendre tous les témoignages de première main.
Malheureusement, honorables sénateurs, ce projet de loi relève beaucoup plus des manœuvres politiques que de l'élaboration de bonnes politiques de justice pénale. Il me rappelle de bien des façons un autre projet de loi C-2 — la fameuse Loi fédérale sur la responsabilité —, dont le gouvernement disait que c'était la mesure législative concernant la responsabilité et la transparence la plus importante de toute l'histoire du Canada. En fait, il suffisait de l'adopter pour faire un nettoyage complet de la politique canadienne.
Honorables sénateurs, nous savons maintenant, plus de 14 mois plus tard, que de nombreuses parties de cette loi n'ont même pas été mises en vigueur par le gouvernement. D'autres parties se sont révélées inefficaces ou sont entravées par toute une série d'effets pervers.
Par conséquent, ce projet de loi portant le titre grandiose de « Loi sur la lutte contre les crimes violents » n'est en définitive qu'un instrument idéologique simpliste de propagande politique. Une fois de plus, le gouvernement Harper cherche beaucoup plus à donner l'impression de faire des changements positifs qu'à produire des mesures législatives pouvant vraiment réaliser de tels changements.
Des voix : Un écran de fumée.
Le sénateur Cowan : Un écran de fumée, je suis bien d'accord. Honorables sénateurs, ce n'est pas ainsi qu'agit un gouvernement responsable. Les Canadiens ne doivent pas s'y laisser prendre. Les grandes déclarations sur le nettoyage de nos rues, le règlement du déséquilibre fiscal ou le renforcement de la responsabilité au gouvernement doivent être examinées de très près.
À titre de sénateurs, nous avons la responsabilité de renseigner les Canadiens sur les conséquences réelles des mesures législatives que nous adoptons. Au comité, de nombreux témoins ont dit que rien dans ce projet de loi ne rendra pas notre société plus sûre, à une seule exception près : si le projet de loi est adopté et que les procureurs de la Couronne exploitent à fond toutes ses dispositions, plus de Canadiens passeront plus de temps en prison. De toute évidence, tant qu'ils sont en cellule, les détenus ne pourront pas commettre d'autres infractions contre la société extérieure, même s'il est clair que beaucoup d'entre eux profiteront de leur période d'incarcération pour se perfectionner dans le crime et qu'un important pourcentage récidivera dès sa sortie de prison.
Même si le gouvernement a fait quelques efforts pour prévoir les ressources financières qu'exigera l'accroissement de la population carcérale que ces mesures entraîneront inévitablement, nous avons entendu des témoins dire que les prévisions du gouvernement quant à l'augmentation du nombre de détenus sont grossièrement sous- évaluées.
Honorables sénateurs, je voudrais consacrer quelques minutes à l'examen d'un aspect du projet de loi, à savoir les peines minimales obligatoires. Le projet de loi vise à créer un certain nombre d'infractions pour lesquelles des peines minimales obligatoires sont prescrites et à rendre plus sévères les peines prévues pour des infractions qui faisaient déjà l'objet de peines minimales obligatoires.
En 1995, le Parlement a modifié le Code criminel afin de prescrire des peines minimales obligatoires pour certaines infractions. On se serait attendu à ce que le gouvernement entreprenne ou commande une étude pour évaluer l'efficacité de ce régime comme moyen de prévention ou de dissuasion avant de chercher à l'étendre.
Honorables sénateurs, aucune recherche, aucune donnée n'a été citée par le gouvernement ou par des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à l'appui de l'affirmation selon laquelle les peines minimales obligatoires constituent un moyen efficace de réduire l'activité criminelle. Le gouvernement préfère se fonder sur des données purement empiriques pour appuyer son point de vue.
Honorables sénateurs, les témoignages reçus par le comité établissent, presque sans exception, que les peines minimales obligatoires ne sont pas efficaces comme moyen de dissuasion ou de prévention de l'activité criminelle. Pour ceux qui envisagent de commettre une infraction, le vrai facteur de dissuasion n'est pas tant la durée de la peine que la crainte d'être pris. L'Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec et plusieurs éminents criminologues canadiens et internationaux ont confirmé ce fait.
Nous avons également entendu des témoins qui étaient préoccupés par les effets disproportionnés des peines minimales obligatoires sur les minorités, et particulièrement sur les Autochtones. Les Autochtones représentent environ 3 p. 100 de la population du Canada, mais ils forment 20 p. 100 de la population carcérale masculine et 30 p. 100 de la population carcérale féminine du pays.
Ce phénomène se manifeste non seulement au Canada, mais aussi dans d'autres pays comme l'Australie. D'après les témoignages reçus par le comité, au moins une administration australienne envisage d'abroger certains aspects de ses dispositions relatives aux peines minimales obligatoires à cause de leurs répercussions disproportionnées sur la population autochtone.
Honorables sénateurs, nous devons conclure à regret qu'une grande partie du régime législatif proposé dans le projet de loi découle de la méfiance idéologique de droite qu'éprouve le gouvernement à l'égard de notre système judiciaire. Le Canada possède un appareil judiciaire hautement compétent, qui est très respecté dans le monde. Cette mesure législative lui enlève beaucoup des pouvoirs discrétionnaires qui caractérisent notre régime de détermination de la peine.
Le Code criminel du Canada comporte un ensemble équilibré de principes régissant la détermination de la peine aux articles 718 et 718.1. Comme je l'ai déjà noté en citant le mémoire de l'Association du Barreau canadien, les juges de première instance sont les mieux placés pour choisir la réaction appropriée à un crime particulier parce qu'ils ont la possibilité d'observer tous les participants et d'entendre tous les témoignages.
Le même point de vue a été présenté par le Barreau du Québec, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, la Criminal Lawyers' Association et plusieurs criminologues de renom qui ont comparu devant le comité.
Malheureusement, honorables sénateurs, le projet de loi a pour objet presque exclusif de punir, sans tenir compte des autres principes de détermination de la peine énoncés dans le code. De nombreux témoins qui ont comparu devant le comité ont proposé des solutions de remplacement susceptibles de réduire la criminalité, mais le projet de loi fait abstraction de la quasi-totalité des solutions de rechange en faveur de la punition pure et simple.
Nous avons entendu des témoignages convaincants selon lesquels les dépenses qu'occasionnera l'augmentation des peines minimales obligatoires pourraient être consacrées beaucoup plus utilement à la prévention du crime plutôt qu'à la punition. Les représentants de l'Association du Barreau canadien, du Conseil canadien des avocats de la défense, de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense et de la Société John Howard ont tous dit que notre argent serait beaucoup mieux utilisé s'il servait à s'attaquer aux causes profondes du crime.
Si nous devons étendre le régime des peines minimales obligatoires, nous devrions au moins maintenir certains pouvoirs judiciaires permettant à un juge, sous réserve d'appel, d'intervenir dans des circonstances exceptionnelles pour prononcer une peine autre que le minimum obligatoire, de façon à éviter une sentence injuste et disproportionnée.
Comme nous l'a dit M. Julian Roberts, éminent criminologue de l'Université Oxford :
Presque partout, même en Afrique du Sud où les peines sont particulièrement sévères, elles laissent un certain pouvoir discrétionnaire aux juges, et à ce titre, le Canada fait cavalier seul.
La suppression des pouvoirs discrétionnaires des juges aura pour effet pervers de placer ces pouvoirs entre les mains de la police et des procureurs de la Couronne, dont les décisions sont sans appel.
Honorables sénateurs, le plus triste dans cette affaire, c'est probablement le fait que le gouvernement amènera les Canadiens à croire à tort, comme dans le cas de la Loi fédérale sur la responsabilité, que l'adoption de ce projet de loi donnera automatiquement une plus grande sécurité à notre société. Comme l'a dit M. Anthony Doob, professeur à l'Université de Toronto, en réponse à une question de notre collègue, le sénateur Andreychuk :
[...] à long terme, quoi que vous décidiez au sujet de ce projet de loi, ne vous y trompez pas : vous n'aurez rien fait pour nous donner un supplément de sécurité. Quoi que vous décidiez, vous le ferez pour des raisons autres que la sécurité publique.
[...] cela ne règlera pas les problèmes. Les gens auront l'impression que le Parlement a fait quelque chose, et cette impression sera fausse.
(1510)
Honorables sénateurs, permettez-moi de citer Kirk Tousaw, président du Comité pour la politique des drogues à l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, qui a comparu devant le comité il y a quelques jours.
Cela me désole que le point de vue de l'Association des libertés civiles amuse autant madame le leader du gouvernement au Sénat. Elle pourrait peut-être avoir la courtoisie d'écouter ce qu'il a dit avant d'en rire.
Son Honneur le Président suppléant : À l'ordre.
Le sénateur Cowan : Je cite donc Kirk Tousaw, président du Comité pour la politique des drogues à l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, qui a dit ceci :
Les libertés civiles dont jouissent les Canadiens et qui forment la pierre angulaire de notre démocratie sont rarement plus menacées que lorsque l'État agit dans le domaine de la politique pénale. Des modifications au droit criminel ne devraient être envisagées que lorsqu'existe, au minimum, un besoin social démontrable et elles ne devraient être décidées qu'après un examen très soigneux de la nécessité et des conséquences des politiques suivies.
Malheureusement, le projet de loi C-2 ne remplit aucune de ces deux conditions. Le projet de loi ne répond à aucun besoin réel ou apparent dans le Code criminel, comme beaucoup d'autres que nous, et notamment le professeur de criminologie Neil Boyd, l'ont fait ressortir à ce comité. Plus grave encore, la contrainte sous laquelle la Chambre des communes a adopté ce projet de loi, et la pression exercée par le gouvernement actuel sur votre assemblée pour qu'elle adopte rapidement le projet de loi, témoignent d'un grand mépris pour les principes de l'examen attentif, de la réflexion et du débat sur des questions de la plus haute importance.
Honorables sénateurs, pour ces motifs, parmi une foule d'autres, je ne saurais appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle. Pour conclure, je vous recommande de porter une attention consciencieuse aux observations jointes au rapport que le sénateur Fraser a déposé plus tôt cet après-midi, observations que les membres du comité des deux côtés ont approuvées.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président suppléant : Le sénateur Cowan accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Cowan : Certainement.
L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je ne prends certainement pas la présentation du sénateur Cowan à la légère. Je pense que nous prenons tous au sérieux le travail que nous faisons au Sénat, comme ils le font à l'autre endroit. Le sénateur a mentionné que le projet de loi avait été adopté à toute vitesse à l'autre endroit. Le gouvernement n'y occupe pas la majorité des sièges. Donc, dire qu'on a expédié l'examen du projet de loi est en soi un commentaire un peu extrême.
Ma question porte sur le représentant de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, qui a déclaré qu'il fallait démontrer qu'un changement était nécessaire. En Colombie- Britannique, nous assistons à une prolifération des centres de production de drogues. C'est triste à dire. Je sais que certains veulent qu'ils soient légalisés, mais je n'en fais pas partie.
Le sénateur Campbell : Pensez à l'économie de la Colombie- Britannique.
Le sénateur St. Germain : Je devrais songer à l'économie; toutefois, de l'autre côté de la frontière — et je ne dis pas que nous devrions imiter les États-Unis —, ils ont des lois qui disent que, si vous êtes pris en possession de drogues, la peine qui vous est infligée est directement liée à la quantité de drogue que vous aviez en votre possession au moment de votre arrestation. Les criminels vont et viennent et, pour eux, il n'y a pas de frontière. Ils se précipitent à la frontière canadienne, que ce soit en hélicoptère, en avion ou en voiture, pour échapper aux autorités américaines, simplement parce que, là-bas, ils ont des peines minimales obligatoires pour les crimes liés à la drogue. Nous avons des activités criminelles et du gangstérisme. Des meurtres sont commis presque quotidiennement dans la grande région de Vancouver. Pourquoi le sénateur ou les gens de son côté s'opposeraient-ils à ce que nous essayions d'exercer un contrôle sur ces criminels afin d'améliorer la qualité de vie de la société de la Colombie-Britannique et de tous les Canadiens, et de mettre la population à l'abri du danger?
Le sénateur Cowan : Je remercie le sénateur St. Germain de sa question très sérieuse. Je vais clarifier le commentaire à propos du projet de loi qui aurait été adopté à toute vitesse à la Chambre des communes. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais le monsieur de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique.
Je partage l'avis du sénateur. Intuitivement, on penserait qu'une peine plus longue aurait un effet dissuasif sur les criminels, sauf à une exception notable près, dont je laisserai à d'autres le soin de parler, s'ils le désirent. Toutefois, tous les témoignages qui ont été présentés au comité et toutes les études auxquelles on a fait référence indiquent que c'est la peur de se faire prendre qui a un effet dissuasif. La longueur de la peine n'a aucun effet dissuasif. Il n'existe littéralement aucune étude crédible appuyant cette proposition. Je suis de votre avis que, intuitivement, on pourrait croire qu'une peine plus sévère aurait un effet dissuasif sur les personnes qui envisagent de commettre un crime, mais les témoignages que nous avons entendus ont fait valoir que ce n'est pas la longueur de la peine, mais bien la peur de se faire prendre qui a un effet dissuasif.
Si tel est le cas, sénateur, le problème est donc de savoir quelles mesures conviennent vraiment et doivent être prises, et quels changements doivent être apportés au Code criminel en vue de remédier à cette situation que nous avons tous en horreur. Personne ne défend le droit des criminels de continuer à se livrer à leurs activités. Tout le monde cherche à rendre notre société plus sûre. Je pensais l'avoir dit très clairement au début de mon discours. Nous partageons tous ces objectifs. Le différend porte sur la question de savoir si les mesures proposées auront l'effet que nous espérons qu'elles auront, et j'ai des doutes à ce sujet, compte tenu des témoignages que j'ai entendus. J'espère que j'ai tort et que l'honorable sénateur a raison, mais, selon les témoignages des criminologues et d'autres experts qui en savent beaucoup plus que moi à ce sujet, il semblerait que, même si cela va à l'encontre de ce qu'on penserait intuitivement, c'est tout simplement faux.
Le sénateur St. Germain : Comment peut-on expliquer que les criminels tentent de franchir la frontière? Les installations de culture se trouvent au Canada. Il y en a de l'autre côté de la frontière, mais bien loin du nombre que l'on trouve au Canada. De plus, si ces criminels ont seulement peur d'être arrêtés, et pas de la peine qui leur sera imposée, pourquoi tenteraient-ils de franchir la frontière? Le processus d'arrestation des États-Unis n'est pas si différent de celui du Canada. Si c'est la crainte de ces personnes, quelle serait la différence entre une arrestation à Washington ou en Colombie- Britannique? La peine doit avoir une certaine incidence, à mon avis. Le sénateur peut peut-être me l'expliquer.
Le sénateur Cowan : Je ne connais certainement pas aussi bien la situation dans la province du sénateur St. Germain que lui, et je m'en remets à lui à cet égard. Il se pourrait que ces gens croient qu'ils ont une meilleure chance de mener leurs activités sans se faire attraper en Colombie-Britannique qu'aux États-Unis.
Comme je l'ai dit dans mon intervention, honorables sénateurs, nous n'avons eu aucune preuve du contraire. Quand j'ai commencé mon travail sur ce projet de loi, j'avais exactement la même opinion que le sénateur St. Germain, à savoir qu'il était logique qu'une augmentation de la peine ait un effet dissuasif. Toutefois, les renseignements que nous avons reçus n'ont pas corroboré ce point de vue. On pourrait supposer que si les partisans du projet de loi avaient des preuves du contraire, ils les auraient présentées au comité, mais ils ne l'ont pas fait. Nous pouvons donc présumer que ces preuves n'existent pas. Dans ce cas, la seule explication que je peux offrir est que ces gens peuvent croire qu'ils ont de meilleures chances de ne pas se faire prendre.
(1520)
Je termine en disant que les statistiques sont très claires. Comme le sénateur l'a signalé, les États-Unis ont un rigoureux régime de détermination de la peine et les exemples de peines minimales obligatoires y sont beaucoup plus nombreux qu'au Canada. Il y a pourtant beaucoup plus d'activités criminelles aux États-Unis. Le sénateur Bryden se souviendra peut-être du nombre précis. Quoi qu'il en soit, le taux d'incarcération aux États-Unis est sept fois supérieur à ce qu'il est au Canada. Si l'incarcération était la solution, il devrait y avoir moins d'activités criminelles, mais ce n'est pas le cas.
Il peut y avoir diverses raisons, sociologiques et autres, qui entrent en jeu. Ce qui m'a notamment frappé dans cette étude est la complexité de la question, et ce serait simplifier outre mesure que de considérer seulement les modifications au Code criminel et dire qu'elles apporteront une solution. Il y a une panoplie d'autres problèmes liés à l'éducation et à la pauvreté. Nous en avons tous entendu parler, et je pense que tous ceux qui ont entendu les témoignages conviendront que cela fait partie d'un grand casse-tête auquel il faut s'attaquer, et non seulement le gouvernement fédéral, mais aussi les gouvernements provinciaux et municipaux, devraient s'y mettre.
Le sénateur Stratton : Le sénateur se rappellera que le ministre de la Justice a dit que ce n'était qu'un élément de l'effort pour trouver une solution. Tout au long des audiences, j'en ai parlé comme d'un tabouret à trois pattes, comme celui dont on se servait pour traire les vaches. Cette image traduit une approche en trois volets, le premier étant l'aide dans la collectivité et dans la société, que le gouvernement a tenté de réaliser; le deuxième consisterait à mettre plus de policiers sur le terrain, parce que cela fait manifestement partie du problème; le troisième volet est ce projet de loi.
Le sénateur a affirmé que les Autochtones sont surreprésentés dans nos prisons. C'est exact. Il faut toutefois penser que les victimes autochtones sont surreprésentées dans notre société, et c'est ça qui est tragique. Les réserves très éloignées me préoccupent beaucoup. C'est vraiment regrettable.
On nous a dit qu'au bout du compte, la solution réside dans l'éducation. Mais ce ne sera pas une solution immédiate. C'est une solution qui exigera des années. Nous le savons tous et ce, depuis nombre d'années. On peut constater maintenant les changements dans la collectivité autochtone. Les membres de cette collectivité prennent en charge ce qu'ils font, et ils font des choses que je trouve vraiment encourageantes. On voit de plus en plus de jeunes qui font des études. Le problème est que c'est un très long processus.
Le projet de loi C-2 cible réellement les récidivistes. Ces derniers sont violents et, selon les statistiques que nous avons entendues, 90 p. 100 des récidivistes sont des délinquants sexuels. Pourquoi ne devrait-on pas s'en prendre à eux? Il n'est pas question ici de s'en prendre à un jeune qui a fait quelque chose de mal et qu'il faut punir. On s'en prend aux récidivistes. D'après les témoignages présentés, il arrive qu'il y ait 50 000 prédateurs en ligne à un moment donné dans le monde.
En ce qui a trait à ces individus qui essaient d'entrer en communication avec un enfant à des fins sexuelles, le sénateur ne pense-t-il pas qu'on devrait s'en prendre à eux? Ce sont ces individus qui récidivent. Ce sont eux qui posent problème. Ce sont ces individus qui sont visés par le projet de loi.
Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, je ne désapprouve rien de ce qu'a dit le sénateur Stratton. Je pense que nous avons ici un exercice de relations publiques improvisé dans un projet de loi omnibus. Donc, comme l'a dit le sénateur Tkachuk, le projet de loi est exhaustif. Il est certes exhaustif.
Il y a de nombreux parallèles avec la Loi fédérale sur la responsabilité. Il résultera toute une série de conséquences involontaires de cet amalgame. Si le gouvernement s'était attaqué avec plus de précision aux situations auxquelles le sénateur voulait que nous remédiions, la tâche aurait été bien plus facile. À la place, il a improvisé des mesures et les a amalgamées dans son projet de loi exhaustif. D'après moi, il se retrouve avec quelque chose qui ne fera pas ce qu'il prétend, soit que nos rues et nos citoyens seront plus en sécurité dès que le projet de loi aura reçu la sanction royale.
Malheureusement, je ne crois pas que ce sera le cas. J'espère me tromper, mais j'en doute.
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Le sénateur a utilisé le mot « ironie ». Quand j'ai pris connaissance du projet de loi C-2, je me suis inquiétée de la proportionnalité en ce qui concerne la détermination de la peine ainsi que les peines minimales obligatoires et leur application.
Voici pour ma part l'ironie que j'ai relevée dans le témoignage. Le sénateur a fait allusion à l'article 718 du Code criminel, traitant de l'objectif du prononcé des peines et de la proportionnalité. Nous avons ensuite ajouté l'article 718.1, puis l'article 718.2. Ces modifications ont été apportées — et c'est ici que je vois l'ironie — en 1995, 1997, 2000 et 2001. Les préoccupations concernant la proportionnalité ne sont pas apparues avec le projet de loi C-2. Elles ont été enchâssées dans le prononcé des peines.
Le professeur Doob, de l'Université de Toronto, demandait instamment qu'on revoie toute cette question. Il nous a exhortés à adopter le projet de loi C-2; il s'inquiétait davantage pour le système de justice pénale, et je pense que le sénateur et moi sommes d'accord là-dessus.
J'ai aussi demandé au professeur Doob s'il pensait qu'il est inconstitutionnel d'avoir des peines obligatoires. Je n'ai pas la transcription sous les yeux, mais il s'est prononcé sur la question. Il est retourné aux modifications de 1995 et à celles qui ont suivi. Il faut tenir compte de la gouvernance de l'époque.
La réponse qu'il a donnée et qui a trouvé un écho chez moi concerne le fait que le Parlement a le droit d'imposer des principes en matière de détermination de la peine et d'orienter les tribunaux. Inévitablement, les tribunaux continueront à nous dire si, selon eux, nous avons franchi la limite de façon indue et contraire à la Constitution. Nous avons donc laissé là une grande latitude à ceux qui craignent que le projet de loi ne passera pas le test de la constitutionnalité.
La plupart des témoins ont fait remarquer que les peines obligatoires existaient déjà, et que les mêmes arguments avaient déjà été présentés. Par conséquent, le projet de loi C-2 n'est pas l'élément déclencheur des peines obligatoires minimales. En effet, elles ont été établies durant les années 1990.
Est-ce que le sénateur croit que le professeur Doob, dans son témoignage, est allé droit au cœur du sujet, c'est-à-dire que nous devons constamment tenir compte du fait que le Parlement a le droit de définir les principes qui régissent la détermination de la peine et d'imposer ce que les parlementaires pensent être juste? Par ailleurs, devons-nous prendre en considération le fait que les tribunaux peuvent être en désaccord avec nous?
Le sénateur Cowan : Je m'en remets au sénateur Joyal pour les questions constitutionnelles, et je suis certain qu'il en parlera plus tard cet après-midi. Cependant, les propos du sénateur viennent appuyer la position que j'ai présentée un peu plus tôt. Nous avons déjà des principes de détermination de la peine, ils sont énoncés dans le Code criminel. Ils y ont été inscrits par le Parlement, et nous avons des juges qui appliquent le système. Je m'élève contre le fait que, pour des raisons d'ordre idéologique, semble-t-il, le gouvernement prive les juges du pouvoir qu'ils ont. Ils en sont réduits à l'application d'un principe strict. Ils n'ont aucune latitude, et même s'ils conservent une certaine latitude, ils se diront : « Dans les circonstances, compte tenu de toutes les circonstances, cette peine minimum obligatoire ne convient pas. » La décision est donc renvoyée aux procureurs et à la police. Je dirais que nous serons mieux servis si ce sont les juges qui appliquent ces principes.
(1530)
Si le Parlement souhaite modifier les principes que les tribunaux appliqueront, fort bien. C'est parfaitement légitime. Il faut peut-être modifier l'équilibre. Comme le sénateur Andreychuk l'a fait observer, ces dispositions du Code criminel ont fait l'objet de plusieurs modifications au cours des dix dernières années. C'est tout à fait acceptable. Ce qui l'est moins, c'est de refuser aux juges la possibilité d'exercer leur discrétion, que, justement, ils veulent exercer. Madame le sénateur a été juge. Elle écoutait les témoins et prenait connaissance des éléments de preuve. Il est tout à fait inacceptable de dire maintenant : « Peu importe ce que le juge pense. Il s'agit simplement de regarder un tableau et de choisir un chiffre. » Voilà l'objection que j'ai contre cette disposition.
Je vais laisser au sénateur Joyal le soin de parler de la constitutionnalité de la chose. Je crois comprendre que les tribunaux ont exprimé l'avis que, à l'intérieur de certaines limites, les peines minimales obligatoires sont acceptables. Il restera à voir si les peines prévues pour ces infractions répondent à ce critère. J'ignore la réponse.
Le sénateur Andreychuk : Le sénateur a décrit la situation d'une certaine façon, et je vais poser ma question brièvement.
Pour des raisons d'ordre idéologique — ou peut-être était-ce d'ordre pratique, pour offrir de bonnes réponses aux collectivités —, le gouvernement précédent a prévu des minimums obligatoires. M. Doob a dit que le Parlement et le gouvernement avaient le droit de fixer des balises. Les juges n'ont pas une latitude illimitée; cette latitude est celle qui leur est donnée.
Le Parlement a le droit de modifier l'ampleur et la portée de cette latitude. Les peines obligatoires ont été mises à l'essai. Pour des raisons de principe, certains d'entre nous n'en voulaient peut-être pas, mais, dans les années 1990, le gouvernement a supprimé les minimums. Je siégeais au Sénat. Avais-je raison, ou les Canadiens, s'exprimant par l'entremise du gouvernement, avaient-ils raison? Le temps le dira, n'est-ce pas?
Le sénateur Cowan : Je saisis et je comprends bien.
Sauf erreur, c'est en 1995 que nous avons proposé ces peines minimales obligatoires. Nous comptons maintenant 12 ans d'expérience. Personne ne conteste le droit des parlementaires d'imposer ce type de peine. Ils ont ce droit, et nous verrons si ces minimums satisfont aux critères; les tribunaux décideront.
Assurément, au bout de 12 ans, avant de nous engager plus avant dans cette voie, ne devrions-nous pas essayer de vérifier de notre mieux si les peines minimales donnent des résultats? Nous l'ignorons. D'après les faits qui nous sont connus, il ne semble pas qu'elles soient efficaces. Ces peines servent peut-être une autre fin, mais s'il s'agit de décourager la criminalité, les faits montrent qu'elles ne donnent rien.
Si je purge une peine minimale obligatoire, il est certain que je ne suis pas en mesure de récidiver, sinon contre mes compagnons de détention. Les faits que nous avons appris et qui n'ont pas été contredits tendent à montrer que ces peines n'ont pas d'effet dissuasif sur la criminalité. Nous en avons discuté il y a un moment avec le sénateur St. Germain. Ce qu'on veut faire, c'est dissuader, pas simplement punir ceux qui ont déjà commis un crime.
Le sénateur Andreychuk : À ce propos, j'ai un sous-texte. N'est-il pas juste de dire que nous ne pouvions pas obtenir d'information parce que, après 1995, personne ne recueillait les données statistiques, même s'il avait été recommandé de le faire? Nous n'avons pas de données parce qu'elles n'ont pas été recueillies. Encore une fois, nous avons souligné dans nos observations qu'il fallait tenir des statistiques. Il est à souhaiter que, cette fois-ci, le gouvernement réagira et commencera à recueillir des statistiques.
Le sénateur Cowan : Comme d'habitude, nous sommes d'accord.
Le sénateur Andreychuk : Merci.
L'honorable Bert Brown : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au sénateur Cowan. S'il croit sincèrement avoir de quoi prouver que les peines obligatoires — quelle que soit leur durée, qu'on les allonge ou les réduise — n'ont aucun effet, alors, en réalité, avons-nous besoin de lois? S'il n'y a pas de différence, qu'un policier arrête quelqu'un pour conduite dangereuse parce qu'il soupçonne qu'il a les facultés affaiblies par la drogue, ou alors pour un crime de violence, et s'il n'a d'autre choix que de le relâcher, alors cela ne tient plus debout.
Si un agent arrête quelqu'un pour l'un ou l'autre de ces crimes, c'est une preuve de succès, à moins qu'il n'y ait jamais eu au Canada personne qui soit allé en prison et n'ait pas récidivé. Si quelqu'un a déjà été dissuadé de récidiver, c'est la preuve que la loi et les sanctions donnent des résultats. Pour ce qui est du projet de loi, les préoccupations portent-elles seulement sur le taux de récidive, ou ne voulons-nous pas que les conducteurs ivres, les agresseurs d'enfants ou les criminels violents qui se servent d'armes à feu reçoivent une peine dissuasive?
Il ne s'agit pas de savoir si, oui ou non, nous voulons des lois pour protéger le reste de notre société, les enfants, nos amis, les êtres qui nous sont chers. Il s'agit de savoir s'il doit y avoir des peines obligatoires prévues pour les récidivistes qui commettent de nouveau des crimes violents avec une arme à feu, qui conduisent de nouveau en état d'ébriété. Voilà de quoi il est question. Peu importe le reste. Peu importe combien de spécialistes nous pourrons convoquer pour venir nous dire que les peines obligatoires ne donnent rien. Il est évident que certaines personnes, au Canada, qui ont été incarcérées pendant un certain temps n'ont pas récidivé. À moins qu'on ne puisse prétendre que tous ceux qui ont été reconnus coupables au Canada ont automatiquement récidivé, indifféremment de la gravité ou de la durée de la peine.
Il est tout à fait contraire à la logique de dire que les faits révèlent que les gens ne réagissent pas à la durée d'une peine obligatoire ou de plus longue durée.
Le sénateur Fox : Êtes-vous en train de dire qu'il n'y a aucun élément de preuve?
Le sénateur Brown : Le sénateur dit que, par le passé, notre système pénal n'a jamais dissuadé qui que ce soit de commettre un crime. Que personne n'a arrêté de commettre des actes criminels parce qu'il aurait été arrêté et dissuadé pendant un certain temps. Il s'agit de savoir si nous allons allonger les peines ou encore si nous allons empêcher les juges de laisser les gens conduire éméchés, au risque de tuer certains de nos amis ou de nos enfants.
Des voix : Le vote!
Le sénateur Brown : Depuis des années, au Canada, on se scandalise parce que des juges imposent des peines symboliques, des peines minimes, des périodes de probation de six mois. Il ne s'agit pas de savoir si les juges sont compétents ou s'ils ont les aptitudes voulues mais plutôt s'ils sont trop laxistes au moment de déterminer les peines. Voilà sur quoi porte le projet de loi.
Le sénateur Cowan : J'ai deux observations à formuler pour répondre au sénateur Brown. D'abord, je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas d'éléments de preuve tendant à montrer que les peines obligatoires ne fonctionnaient pas, mais seulement qu'aucun élément allant dans ce sens n'avait été présenté au comité. Il est bien possible que certains aient été dissuadés par la peine qui leur serait imposée s'ils étaient pris. C'est possible.
Intuitivement, comme je l'ai dit dans ma réponse au sénateur St. Germain, je suis d'accord. Cela semble logique. Mais les éléments de preuve que nous avons disent le contraire de l'intuition. Ce n'est pas la durée de la peine qui est importante. Je suis d'accord avec le sénateur : on serait porté à penser qu'elle l'est. Ce qui compte, c'est de savoir si on sera pris ou non. Ce sont les faits qui ont été présentés au comité. Si le sénateur est au courant d'autres éléments, il reste qu'on ne nous les a pas présentés.
L'autre point, à propos des problèmes du système, c'est que les juges seraient trop laxistes. Honorables sénateurs, il y a des tribunaux d'appel dans notre système. Si le ministère public estime que le juge a imposé une sentence trop légère, il peut interjeter appel à maintes reprises. À mon avis, c'est un système qui assure une meilleure protection et un meilleur équilibre, étant donné les critères énoncés dans le Code criminel.
(1540)
Chacun d'entre nous, j'en suis sûr, peut penser à un cas, dans sa propre collectivité, où il a eu l'impression, en lisant un article de journal, qu'un juge a eu tort. « Comment peut-on remettre cet individu en liberté après deux ans? C'est absolument affreux quand on pense à ce qu'il a fait. » Le fait est que vous et moi lisons ces articles ou regardons ces émissions chez nous, dans le confort de notre foyer. Nous ne sommes pas dans un tribunal et n'avons pas reçu la formation nécessaire pour être en mesure d'analyser les preuves et d'appliquer les dispositions du Code criminel relatives à la détermination de la peine en tenant compte de toutes les circonstances de l'affaire dont le tribunal est saisi.
L'honorable Lillian Eva Dyck : Est-ce que le sénateur accepterait de répondre à une autre question?
Le sénateur Cowan : Volontiers.
Le sénateur Dyck : Comme vous pouvez l'imaginer, mes questions portent sur la population autochtone. Le sénateur sait sans doute qu'en Saskatchewan, la proportion d'Autochtones dans la population carcérale peut atteindre 80 p. 100. Comme le sénateur Cowan l'a mentionné dans son résumé et comme on peut le voir dans le rapport, le pourcentage d'Autochtones incarcérés au Canada est d'environ 20 p. 100.
J'ai entendu différents commentaires au sujet des agresseurs d'enfants. Bien sûr, nous voulons tous punir ces gens. Nous ne souhaitons à personne de tomber entre leurs mains.
Sur la liste des témoins qui ont comparu devant le comité, y avait- il, disons, 20 p. 100 d'Autochtones? Le comité a-t-il entendu des représentants d'organismes tels que la Fondation autochtone de guérison ou encore des juges ou des aînés autochtones pouvant donner leur point de vue sur l'efficacité de la punition?
Il est curieux que ce projet de loi coïncide avec le règlement des revendications relatives aux pensionnats indiens. Nous savons tous que beaucoup d'enfants autochtones ont été agressés dans ces pensionnats. Nous savons également que beaucoup des Autochtones qui ont eu des démêlés avec la justice pénale essaient de reproduire ce qui leur est arrivé.
J'ai l'impression que, dans ce cas, la punition n'aura pas d'effet. Même s'il est bon d'adopter une attitude sévère envers les criminels, nous devons penser sérieusement à la réadaptation.
Parmi les témoins qui ont comparu devant le comité, y en avait-il qui représentaient la culture autochtone et qui ont indiqué s'ils étaient en faveur du projet de loi ou s'ils y avaient trouvé des lacunes?
Le sénateur Cowan : Je voudrais remercier le sénateur de sa question, qui est très importante. Comme je n'ai pas devant moi la liste des témoins, je vais devoir compter sur ma mémoire. Mes collègues voudront peut-être m'aider si j'oublie quelqu'un.
Nous avons entendu un officier supérieur de la Gendarmerie royale du Canada qui est Autochtone et qui a consacré une grande partie de sa carrière à ces questions. Nous avons également entendu des représentants des Aboriginal Legal Services de Toronto. Je sais que le sénateur Merchant a consciencieusement interrogé un certain nombre de témoins — pas seulement les deux que je viens de mentionner — à cause de son expérience en Saskatchewan.
Je crois que nous convenons tous, même dans le cadre de la discussion que nous avons eue cet après-midi, qu'indépendamment de la question de savoir si le projet de loi est bon ou mauvais, il ne représente qu'une partie de la solution. S'il est bon, comme le gouvernement l'affirme, il ne résoudra pas le problème dont le sénateur et moi sommes en train de discuter. Il y a aussi beaucoup d'autres choses. Il conviendrait peut-être d'examiner les circonstances particulières de la population autochtone, qui ne s'appliquent pas au reste de la population. Le gouvernement actuel et d'autres gouvernements sont confrontés à ce problème.
Qu'on soit ou non d'accord sur le contenu du projet de loi, personne ne prétend — je crois que le sénateur Stratton l'a admis lorsqu'il m'a posé une question il y a quelques instants — qu'il suffira en soi pour résoudre le problème. En effet, il y a beaucoup d'autres questions à régler.
Son Honneur le Président : Les 45 minutes du sénateur Cowan sont écoulées. Suite du débat. Le sénateur Joyal a la parole.
L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, il est d'usage d'alterner entre les deux côtés de la Chambre. Comme le sénateur Cowan vient de parler, s'il y a un sénateur de l'autre côté qui voudrait prendre la parole, je lui céderai volontiers mon tour.
Les sénateurs se souviendront que le projet de loi C-2 a été précédé par deux autres. Nous avons entrepris le débat sur l'un deux, qui traitait de l'âge de consentement, de même que sur le projet de loi C-27, relatif aux délinquants dangereux.
Lorsque le projet de loi C-2 nous a été transmis, j'ai essayé de le placer dans la perspective générale des changements qu'il apporte au Code criminel dans cinq domaines. Le premier concerne les peines minimales. J'ai écouté attentivement le discours du sénateur Cowan et les questions soulevées par le sénateur Brown et d'autres.
Honorables sénateurs, il ne faut pas perdre de vue que le ministère de la Justice lui-même ne croit pas à l'efficacité des peines minimales. Je répète : le ministère de la Justice ne croit pas à l'efficacité des peines minimales, à tel point que le résumé législatif qu'il a rédigé dit ceci :
... les recherches n'appuient pas en général l'utilisation des peines minimales obligatoires à des fins de dissuasion...
Cela répond à votre question, sénateur Brown.
On trouve également ce qui suit dans le résumé législatif, et je cite :
Les périodes d'emprisonnement plus longues font augmenter les coûts du système carcéral, qui ne sont pas nécessairement compensés par la réduction de la criminalité et de la récidive.
Cela se rattache à votre point, sénateur St. Germain.
Le résumé législatif dit aussi, et je cite encore :
... les délinquants autochtones sont, de manière disproportionnée, condamnés à des peines minimales obligatoires...
Voilà pour vous, sénateur Dyck.
Honorables sénateurs, quand vous êtes appelés à étudier un projet de loi portant sur les peines minimales obligatoires et que le ministère parrain vous dit qu'il ne croit pas trop aux effets de ces peines sur la réduction de la criminalité et qu'elles peuvent même occasionner d'autres problèmes sociaux, eh bien, comme l'un de mes éminents professeurs le disait, il y a de quoi poser ses lunettes sur la table.
D'autres statistiques venant du Centre canadien de la statistique juridique ont également été présentées au comité. Nous avons entendu le directeur du centre. Ce n'est pas un groupe de pression, ce n'est pas non plus l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, à laquelle certains d'entre vous ne prêtent pas une grande crédibilité.
Que nous dit, d'une façon générale, le Centre canadien de la statistique juridique au sujet des taux de criminalité au Canada, pour que nous puissions comprendre à quel genre de problèmes nous devons nous attaquer? Sommes-nous confrontés à un problème qui a atteint des proportions gigantesques et qui exige une intervention immédiate?
Honorables sénateurs, d'après les chiffres publiés par le Centre canadien de la statistique juridique le 17 octobre 2007 — ce sont donc des statistiques très récentes —, le taux national d'homicides a diminué de 10 p. 100 en 2006. En 2006, le taux de criminalité était de 27 p. 100 inférieur à ce qu'il était en 1991 et se situait à peu près au même niveau qu'en 1979. Le taux de victimes de crimes violents commis à l'aide d'armes à feu est resté stable entre 2003 et 2006.
Honorables sénateurs, voici une autre statistique : le taux d'homicides commis à l'aide d'une arme à feu en 2006 était de 47 p. 100 inférieur à ce qu'il était en 1977. Examinons encore une autre statistique : le taux des autres agressions sexuelles a chuté de 44 p. 100 entre 1993 et 2003. Je ne suis pas en train de minimiser la gravité d'une infraction sexuelle. Seulement, à l'heure actuelle au Canada, il n'y a pas de crise liée à la criminalité. Les crimes signalés dans les médias me choquent et me mettent en colère autant que quiconque. Toutefois, si nous sommes appelés à légiférer sur cette question, il importe de connaître le contexte social pour pouvoir remédier à la situation.
(1550)
Examinons d'autres faits. Le deuxième volet du projet de loi C-2 a trait à la conduite avec facultés affaiblies. Quelles sont les statistiques à cet égard? Les statistiques récentes sur la conduite avec facultés affaiblies révèlent que le taux d'infractions a augmenté de 68 p. 100 entre 1981 et 2006.
Je ne dis pas qu'une personne qui conduit avec des facultés affaiblies et qui décime une famille de cinq n'est pas un criminel et ne devrait pas être punie. Cependant, pour nous attaquer à la question comme il se doit, nous devons examiner quelles mesures en vigueur fonctionnent et quelles mesures ne fonctionnent pas. Avant de modifier des éléments fondamentaux du Code criminel, il nous faut comprendre l'incidence de cette modification sur le tissu social au Canada. Par exemple, si nous voulons nous attaquer à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, nous devons comprendre l'effet de la drogue sur les conducteurs.
Honorables sénateurs, examinons l'observation suivante, tirée du rapport sur le projet de loi C-2 qui a été présenté au Sénat aujourd'hui :
Il reste cependant que pour la majorité des drogues, il n'existe pas de données scientifiques sur le niveau de consommation à partir duquel les facultés s'affaiblissent. Il faudra des années encore avant d'avoir de tels chiffres même pour les drogues illicites les plus courantes.
Honorables sénateurs, nous ne disposons pas de toute l'information. Empêcher une personne de conduire sous l'influence de la drogue découle d'une bonne intention. Tout le monde est d'accord. Toutefois, si nous voulons sévir contre la conduite avec facultés affaiblies par la drogue, comme nous l'avons fait pour la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool, nous devons comprendre le phénomène biologique qui se produit. Or, les scientifiques nous disent qu'ils ne le comprennent pas.
Compte tenu qu'aucune étude et qu'aucune statistique nous révèle une crise véritable, et étant donné le manque de données fondamentales relativement à certaines des infractions que le projet de loi va créer, on peut se demander quelle sera l'incidence des mesures sur les minorités. Nous connaissons tous le taux d'incarcération des minorités, au Canada. Je veux parler — comme l'ont fait le sénateur Cowan, le sénateur Dyck et d'autres — des Autochtones, des femmes et des gens de couleur. Le sénateur Oliver était présent à la réunion du Comité des affaires juridiques lorsque Howard Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, est venu témoigner.
Le sénateur Oliver a posé avec beaucoup d'à-propos quatre questions sur l'impact du nombre de personnes de couleur dans les prisons du Canada, mais il n'a pas obtenu l'information qu'il désirait parce que les données n'étaient pas disponibles. Avec raison, il a cherché à obtenir ces renseignements pour aider le comité à mieux comprendre la situation.
Je vais citer un passage du mémoire préparé par la Criminal Lawyers' Association, dont des représentants ont comparu devant le comité le 7 février 2008 :
Les peines minimales obligatoires touchent de façon disproportionnée l'ensemble des minorités. Les recherches qui ont été menées et les données disponibles ne permettent aucune autre conclusion.
La communauté autochtone est particulièrement surreprésentée au sein de la population carcérale.
Nous avons des lois à cet égard. Le mémoire ajoute :
Le Parlement a reconnu cet écart flagrant en adoptant l'alinéa 718(2)e)...
— du Code criminel, que le sénateur Andreychuk a cité —
... selon lequel les juges doivent tenir compte des circonstances des délinquants autochtones lors de la détermination de la peine juste et appropriée.
Ce projet de loi, avec ses peines minimales obligatoires, empêchera les juges d'utiliser l'alinéa 718(2)e) pour déterminer la peine. Nous enverrons donc plus d'Autochtones derrière les barreaux sans leur permettre de participer à des cercles de guérison.
Honorables sénateurs, le témoignage de M. Sapers, enquêteur correctionnel du Canada, m'a horrifié. Il n'a pas de groupe de pression pour l'appuyer; c'est un agent nommé pour veiller au bon fonctionnement de notre système correctionnel. Voici ce qu'il nous a dit à propos du fonctionnement du système correctionnel du Canada relativement aux Autochtones :
J'ai cerné les obstacles suivants à la réintégration en ce qui a trait à l'accès aux programmes : longues listes d'attente pour les programmes dans la plupart des régions, ce qui fait que les délinquants ont accès aux programmes seulement quand une bonne partie de leur peine est écoulée, bien après leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle; dispenses, reports et retraits de demandes d'audiences devant la Commission des libérations conditionnelles en raison du manque d'accessibilité des programmes; pénurie d'animateurs et d'agents de programmes, surtout ceux qui ont les compétences nécessaires pour la prestation de programmes destinés aux Autochtones; accès limité aux programmes dans la communauté, surtout pour les femmes et les délinquants autochtones; manque ou absence de programmes anti-gang dans la plupart des institutions, ce qui signifie que, par défaut, l'utilisation de la ségrégation devient rapidement la norme dans ce secteur; retards dans l'évaluation et la mise en œuvre nationale des programmes destinés aux Autochtones; pénurie chronique de programmes de base destinés aux Autochtones dans les institutions à sécurité maximale, ce qui signifie que les délinquants autochtones ne peuvent pas suivre leur plan correctionnel et être transférés dans des institutions à sécurité moins élevée où les programmes pourraient être offerts.
Le Service correctionnel du Canada dispose d'un budget total de 1,8 milliard de dollars, mais affecte seulement 27 millions de dollars aux programmes essentiels, soit 1,5 p. 100 de son budget total, alors que les Autochtone représentent 30 p. 100 de la population carcérale.
Honorables sénateurs, les mesures qu'on nous demande d'adopter relativement au Code criminel aggraveront les problèmes au lieu d'aider à les résoudre si ces aspects du projet de loi C-2 ne s'accompagnent pas d'investissements suffisants et si l'on ne dispense pas la formation nécessaire au sein du système carcéral, et ce, même si les intentions sont bonnes. Je ne doute pas des bonnes intentions du gouvernement lorsqu'il est question de lutter contre la criminalité dans la société. C'est son devoir et les contribuables ont toutes les raisons d'exiger des comptes de sa part. Cependant, nous devons savoir exactement ce que nous faisons. Ce projet de loi aura des conséquences imprévues pour les programmes sociaux dans tout le pays et il comporte des lacunes majeures en ce qui a trait à la Charte canadienne des droits et libertés.
Permettez-moi de vous donner deux exemples. Le premier concerne l'âge du consentement. Tout le monde est contre les prédateurs sexuels — nous sommes tous d'accord là-dessus. Cependant, ce projet de loi n'aidera pas à résoudre le problème. Au contraire, le projet de loi C-2 créera deux statuts distincts pour cette infraction criminelle. Une personne âgée de 14 ou 15 ans qui se marie avec le consentement de ses parents aura le droit d'avoir des relations sexuelles. Cette personne sera considérée consentante par les tribunaux parce qu'elle est mariée. Cependant, cela ne sera pas le cas pour un couple qui vit en union de fait, parce que le projet de loi parle de « mariage ». Or, la moitié des couples au Canada vivent en union de fait. Chez les jeunes, cette proportion atteint probablement 60 p. 100.
Le sénateur Grafstein : C'est plus de 50 p. 100.
Le sénateur Joyal : Le projet de loi ne parle pas des cas où des jeunes vivent en union de fait avec le consentement de leurs parents. En fait, on les accuserait de complaisance, car ils savent que leur enfant a des relations sexuelles dans ce qui constitue une union de fait.
Honorables sénateurs, je demande cinq autres minutes.
(1600)
Des voix : D'accord.
Le sénateur Joyal : Il en va de même pour un parent qui consent à ce que son enfant de 15 ans ait des relations sexuelles avec un partenaire âgé de 21 ans. Si les parents ne donnent pas leur consentement aux termes de ce projet de loi, il ne peut s'agir d'une défense. Ce n'est une défense que si les parents consentent au mariage.
Les sénateurs savent bien ce qui arrivera. On contestera cette mesure en invoquant la discrimination fondée sur l'âge. L'affaire se rendra à la Cour suprême et nous accuserons alors la cour d'activisme. Nous créerons les autres problèmes que nous voulons régler.
Le sénateur Grafstein : La surjudiciarisation.
Le sénateur Joyal : Cet amendement ne vient pas du gouvernement, mais bien de l'autre endroit. Je tiens à le préciser très clairement.
Permettez-moi de donner un autre exemple aux sénateurs. Pour devenir un délinquant dangereux, il faut commettre trois infractions, ce qui semble correct. Nous voulons tous que les délinquants dangereux, comme les Clifford Olson de ce monde, se retrouvent derrière les barreaux. Robert Pickton, de la Colombie- Britannique, en est un autre exemple. Cette affaire nous a tous scandalisés, mais revenons au projet de loi. Trois infractions comportant une peine d'emprisonnement de plus de deux ans doivent être commises.
Honorables sénateurs, je vous exhorte tous à examiner le Code criminel et à faire la liste de toutes les infractions qui entraînent une peine d'emprisonnement de plus de deux ans. Si une personne commet une infraction à l'âge de 19 ans, une infraction semblable à l'âge de 39 ans — 20 ans plus tard — et une autre à l'âge de 49 ans, cette personne aura alors commis trois infractions et sera étiquetée délinquant dangereux, même s'il s'est écoulé 20 ans et dix ans entre les infractions. Cette personne sera alors incarcérée pour une période de temps illimitée.
Honorables sénateurs, nous avons déjà entendu parler d'exemples de détention pour une période de temps illimitée. Je me tourne vers le sénateur Nolin et je pense aux certificats de sécurité. La Cour suprême a dit clairement qu'on ne pouvait détenir quelqu'un pour une période illimitée pour un crime qui n'a pas encore été commis, mais qui pourrait l'être à l'avenir. Il s'agit alors d'une détention préventive, et non d'une détention à la suite d'un crime.
Nulle part dans le projet de loi n'est-il prévu que la personne doit être ramenée devant le juge et que celui-ci doit évaluer notamment l'état de sa réadaptation, sa condition psychiatrique, sa condition sociale, pour justifier son maintien en détention. L'année dernière, la Cour suprême a rendu une décision qui réaffirme ces principes de justice fondamentale.
Honorables sénateurs, le vendredi 15 février, j'ai reçu un courriel de M. Ned Franks. Certains sénateurs le connaissent peut-être. Il a témoigné en qualité d'expert au moment de l'examen de la Loi fédérale sur la responsabilité. Il a participé à l'élaboration de diverses recommandations royales au nom du gouvernement fédéral. Il a publié 13 livres. Il est professeur émérite de sciences politiques à l'Université Queen's. Le sénateur le connaît sûrement très bien.
Le sénateur Segal pourrait écouter avec grand intérêt ce que M. Franks disait dans ce courriel :
J'ai suivi attentivement cette série d'absurdités qui ont été dites au sujet du Sénat et du projet de loi sur la criminalité. D'abord, je ne crois pas que les données actuelles donnent raison au gouvernement qui prétend que les dispositions du projet de loi permettraient de réduire le taux de criminalité et de mieux protéger le public. Ensuite, je crois que le coût de la mise en œuvre des dispositions du projet de loi sera sûrement énorme et les provinces devront supporter le fardeau de l'accroissement de la population carcérale.
Ces mots soulèvent plusieurs questions. Premièrement, le Sénat a- t-il invité les provinces à donner leur avis sur les frais qui s'ajouteront, notamment au titre du maintien de l'ordre dans les prisons, de même qu'en raison de l'ensemble des dispositions du projet de loi? Le Sénat a-t-il demandé une estimation des coûts au gouvernement? En a-t-il reçu une? Le Sénat a-t-il invité M. Sampson et d'autres membres du groupe de travail Sampson à donner leur avis sur la relation entre les propositions et le contenu du projet de loi? Le Sénat a-t-il demandé au gouvernement pourquoi il a enterré le rapport Sampson?
Les sénateurs comprendront pourquoi je n'appuie pas ce projet de loi.
Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, je crois que le fait d'avoir été policier et pas professeur d'université, et d'avoir travaillé et vécu dans les rues pendant un certain temps me donne une certaine perspective, et j'ignore si elle a pris forme lors des audiences sur le projet de loi C-2.
Je comprends la passion du sénateur Joyal pour ces questions, particulièrement pour ce qui est de la Charte canadienne des droits et libertés et de notre Constitution.
Cependant, j'ignore si des statistiques ont été produites. Tous les policiers avec qui je m'entretiens affirment qu'ils ne portent plus d'accusations comme ils le faisaient dans les années 1980 et 1970, soit la période pour laquelle le sénateur donne des chiffres, simplement parce qu'ils n'en ont pas le temps. Il y a le même nombre de policiers par habitant qu'auparavant, mais il faut entre cinq et dix fois plus de temps pour préparer les mises en accusation, car elles doivent toutes résister à une contestation en vertu de la Charte. Par conséquent, les accusations ne sont plus portées comme elles l'étaient avant 1982.
J'ignore s'il existe des statistiques sur le sujet. Je ne critique pas. Je fais simplement une observation fondée sur les nombreux contacts que j'ai encore avec les services de police. J'ai fait partie de la fondation de la police de Vancouver et j'ai contribué à diverses œuvres de bienfaisance qui m'ont permis de rester en contact avec le milieu.
C'est ce que je veux souligner. Depuis 12 ans, je suis ici et j'écoute les gouvernements dire ce qu'ils entendent faire dans les dossiers autochtones et avec les budgets, j'écoute les discours du Trône et tout le reste. Le sénateur affirme que le gouvernement minoritaire actuel, qui est là depuis deux ans, devrait faire quelque chose au sujet des cercles de guérison et des pratiques semblables. Pourquoi le gouvernement précédent n'a-t-il rien fait?
La question est au-dessus de l'esprit de parti. Que cela soit bien clair. Rien n'a été fait et nous ne faisons rien maintenant non plus à cet égard. Je n'entends personne parler de cela ailleurs que dans le cadre de débats enflammés et émotifs. Je ne dis pas que ce que nous faisons est acceptable. Je dirai au sénateur Bacon que c'est mal. Nous devrions faire quelque chose pour les 30 p. 100 d'Autochtones incarcérés et qui n'ont pas de régime de libération conditionnelle adéquat, comme le sénateur Dyck l'a mentionné.
Quand aurons-nous le courage de faire quelque chose et de ne plus nous contenter de beaux discours? Il est temps de nous occuper de l'éducation, du logement et de la santé des peuples autochtones.
(1610)
Le sénateur Fox : Amendez le projet de loi.
Le sénateur St. Germain : Si je présentais un tel projet de loi, vous le rejetteriez, sénateur Fox. Je vous connais bien, vous, les gens de cette partie du pays.
Cela dit, je suis sérieux, sénateur Joyal. Pourquoi faut-il que nous parlions de ces questions uniquement dans des moments de tension comme celui-ci, alors que les deux sujets, bien que liés, n'en sont pas moins distincts et doivent être traités séparément?
L'honorable Joan Fraser : Le sénateur St. Germain accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur St. Germain : Oui.
Le sénateur Fraser : Des témoins sont venus nous dire combien il en coûte pour garder une personne en prison. Le coût dépend du niveau de sécurité, mais pour les besoins de la discussion, disons que, globalement, il est d'environ 94 000 $ par année.
Diriez-vous qu'il serait plus efficace de prendre l'argent que l'on consacrerait à 100 prisonniers de plus et de l'affecter à des programmes de prévention? Nous pourrions prendre la somme de 9 millions de dollars et la consacrer aux programmes pour les Autochtones et à l'embauche d'un plus grand nombre d'agents de police; nous aurions l'argent pour les deux. Pensez-vous que ce serait un moyen plus efficace pour combattre la criminalité?
Le sénateur St. Germain : Il est certain que le gouvernement actuel a alloué de l'argent pour augmenter le nombre d'agents de police, et je lui reconnais le mérite de l'avoir fait. Pourtant, il ne fait aucun doute que j'accueillerais favorablement toute suggestion en vue d'aider les Autochtones à se sortir de leur pénible condition.
J'ai travaillé à cet égard avec plusieurs sénateurs d'en face, y compris le sénateur Peterson et le sénateur Hubley. Je ne dis pas que d'autres n'ont pas avant nous essayé sincèrement de remédier aux préjudices subis par les Premières nations. Si une telle idée pouvait fonctionner, je l'examinerais certainement. Je serais prêt à envisager toutes les possibilités, parce que nous sommes en présence d'une situation désastreuse.
Un incident qui est un désastre terrible en soi vient justement de se produire dans la réserve Yellow Quill. Il est attribuable à de longues années de mauvaise gestion des réserves, de dépendance à l'aide sociale, de pensionnats autochtones et à bien d'autres problèmes du genre. Nous avons détruit ces gens. Nous les avons tués. Nous avons anéanti leur âme. Si nous pouvions leur insuffler un espoir nouveau, je serais prêt à tout envisager, qu'il s'agisse d'argent ou de votre suggestion. Je ne crois pas que l'argent soit la seule solution, mais j'ai l'esprit ouvert à tout ce qui pourrait aider ces gens.
L'honorable Francis William Mahovlich : Ma question s'adresse au sénateur St. Germain. On dit qu'il vaut mieux prévenir que guérir. N'êtes-vous pas d'accord pour dire que si ce projet de loi est adopté, on construira plus de prisons que d'écoles?
Le sénateur St. Germain : Honorables sénateurs, il est bien sûr que ce projet de loi ne parle pas d'écoles, mais il n'en reste pas moins que nous devons faire des efforts au niveau de la prévention. C'est une idée qui a de la valeur, mais elle ne fait rien pour régler la situation dont nous discutons en ce moment. Nous parlons d'une partie du Code criminel qui porte sur les peines et autres choses du genre. Le sénateur a toutefois raison de dire que l'éducation est à la base de tout et que c'est l'une des étapes en cause.
Le sénateur Mahovlich : Éducation rime avec dissuasion. Si l'on veut miser sur la dissuasion, nous n'avons pas besoin de prisons, mais bien d'éducation.
Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres questions ou commentaires?
[Français]
L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-2.
Permettrez-moi d'abord de rendre deux hommages : le premier à la présidente du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, madame le sénateur Fraser, pour tout le travail qu'elle a accompli, dans l'espoir que le Sénat puisse jouer pleinement son rôle de législateur pour proposer des modifications et retourner un projet de loi modifié et grandement amélioré — et Dieu sait qu'il avait besoin d'améliorations — à l'autre endroit. Elle n'a pas eu l'occasion de le faire pour les raisons que l'on connaît.
Mon deuxième hommage vise les témoins qui ont comparu devant le comité. Je pense que c'est le sénateur Stratton qui a mentionné que 55 témoins ont comparu devant nous au cours de ces derniers jours pour nous faire part de leur position sur le projet de loi. Ils connaissaient les contraintes auxquelles le comité était soumis, mais ils sont venus quand même car ils avaient des choses importantes à dire sur ce projet de loi, que la plupart considéraient comme comportant des déficiences et des lacunes majeures; certains ont même conclu que c'était un projet de loi abominable, à moins qu'il ne soit modifié.
L'ironie du sort, c'est que, pour un projet de loi intitulé « Loi sur la lutte contre les crimes violents », notre premier témoin était le ministre de la Justice du Canada. Le premier geste qu'il a posé a été de nous mettre le pistolet sur la tempe, en nous disant que, à moins que nous adoptions le projet de loi avant le 1er mars sans amendements, à la suite d'une autre motion qui a été déposée à la Chambre des communes, il retournerait voir le chef de son parti pour lui soumettre d'en faire une question de confiance. C'est dans ce climat que le Sénat a étudié ce projet de loi.
Je vais d'ailleurs citer— il n'y a aucune imprécision à ce sujet — la réponse du ministre quand je lui ai posé la question au comité :
Le ministre nous dit-il d'avance qu'il n'acceptera aucun amendement provenant de ce comité dans l'éventualité où nous réussirions à démontrer la présence de lacunes, de déficiences ou conséquences indésirables dans sa législation?
Sa réponse a été la suivante :
[Traduction]
Je crois que nous avons fait du bon travail et je vous demande d'adopter ce projet de loi sans y apporter d'importantes modifications.
[Français]
Voilà l'état de la situation au moment où nous avons commencé l'étude de ce projet de loi. Je considère que c'était une atteinte aux institutions parlementaires du pays. C'est le premier aspect que je retiens. D'autres vont parler des parties très techniques du projet de loi; ils l'ont déjà fait et je partage leur position.
J'ajoute que, si je pense aux Pères de la Confédération, ils avaient opté, lors de la rédaction de notre Constitution, pour un système bicaméral, un régime qui confie un rôle législatif, d'une part, à la Chambre des communes, mais aussi, d'autre part, à notre assemblée, le Sénat. C'est l'évidence même, c'est aujourd'hui une lapalissade, mais celle-ci a été mise en doute, pas plus tard qu'il y a trois semaines, devant le comité du Sénat.
Le sénateur Prud'homme : Article 17.1 de la Constitution.
Le sénateur Fox : Merci, sénateur Prud'homme. C'est ainsi que, à ce moment-là, on mandatait le Sénat, dans l'acte confédératif, pour réviser le travail de la Chambre élue, afin de s'assurer que les projets de loi soient les meilleurs possible, dans l'intérêt de la population canadienne. Depuis 1867, les conventions constitutionnelles ont été reconnues et notre système parlementaire bénéficie maintenant, si je peux m'exprimer ainsi, de 140 ans d'expérience. De mon point de vue, la responsabilité parlementaire de notre institution n'a jamais été aussi méprisée que durant ce dernier mois.
Le ministre de la Justice se doit d'être le protecteur de la Constitution canadienne, mais c'est lui qui est venu nous dire, je l'ai cité tout à l'heure, son intention dans les faits de ne pas respecter l'esprit de la loi suprême de notre pays. Comme si cela ne suffisait pas, il en a rajouté en s'associant à une motion déposée à la Chambre des communes le 11 février dernier, indiquant au Sénat que le débat devait prendre fin le 1er mars.
Le sénateur Prud'homme : Épouvantable!
Le sénateur Fox : Selon moi, honorables sénateurs, cette manière d'agir est inacceptable. C'est un affront à nos institutions démocratiques et à nos traditions.
Honorables sénateurs, plusieurs préoccupations seront soulevées par mes collègues au cours de ce débat ou l'ont déjà été. Je veux traiter plus particulièrement de deux points : les peines minimales obligatoires et la mise au rancard de la magistrature pour empêcher les juges de fixer la peine qu'ils considèrent juste selon l'infraction commise.
En ce qui a trait aux peines minimales obligatoires, j'aimerais vous donner un exemple. Le sénateur St. Germain nous faisait part de son expérience en Colombie-Britannique dans le domaine de la culture de la marijuana. J'ai également eu une expérience, honorables sénateurs, alors que j'occupais d'autres fonctions dans un gouvernement précédent, lorsque je suis allé visiter l'unique prison fédérale pour femmes de l'époque, à Kingston. En tant que ministre responsable de ce secteur, j'y ai rencontré trois détenues, des jeunes filles âgées de 21 à 23 ans, qui purgeaient une sentence minimum de sept ans pour avoir — et personne n'approuve leur geste — traversé la frontière avec une petite quantité de marijuana. À ce moment-là, notre Code criminel prévoyait une peine minimale de sept ans. J'avais alors reçu de la part du juge, qui avait eu la charge de cette affaire, une lettre après sentence disant à quel point il trouvait abominable — et c'est la deuxième fois que j'emploie cette expression aujourd'hui — de penser qu'il n'avait eu aucune latitude et qu'il avait été obligé de condamner ces trois jeunes filles, qui auraient dû être non pas à la prison de Kingston, mais à l'Université Queen's. Il disait que, s'il avait eu le choix, en considérant l'ensemble du dossier, la dernière chose au monde qu'il aurait faite aurait été de les envoyer en prison pour sept ans.
Je veux tirer partie de l'argument du sénateur Andreychuk qui dit, en réponse au sénateur Joyal, que, effectivement, le ministère de la Justice lui-même indique qu'il n'y a absolument aucune étude de fond qui établit qu'une sentence minimum a un effet dissuasif empêchant la commission de crimes. Le sénateur disait : « On ne le sait pas car il n'y a pas de statistiques. » Si on ne le sait pas, on devrait plutôt suivre l'exemple d'autres pays, dont l'Angleterre, l'Australie et l'Afrique du Sud qui, à l'occasion de législation sur des peines minimales, établissaient ce qu'ils appelaient une « permissible departure clause », qui permettait au juge saisi de la question de regarder les faits exposés devant lui et de décider si, oui ou non, sujet à appel aux tribunaux supérieurs, il y avait lieu de maintenir la sentence. Avec des peines minimales, aucune latitude n'est accordée au tribunal. Le tribunal n'a d'autre choix, quelle que soit la situation, que d'imposer cette peine.
On aurait eu beaucoup à gagner si on avait pu introduire ce genre de clause. Effectivement, c'est un peu une indication d'un manque de confiance à l'égard de la magistrature canadienne que de dire que, dans tous les cas, on enlève au juge d'instruction saisi du cas toute possibilité de diminuer la peine.
D'ailleurs, permettez-moi de citer, car je ne sais pas si le sénateur Joyal l'a déjà fait, un court extrait du mémoire de la Criminal Lawyers' Association :
[Traduction]
En Angleterre par exemple, lorsqu'ils se penchent sur des infractions commises avec des armes à feu, les juges doivent appliquer des peines minimales obligatoires, à moins que la cour soit d'avis que des circonstances exceptionnelles liées à l'infraction justifient que l'on agisse autrement. Des dispositions de ce genre sont également utilisées en Écosse, en Australie et en Afrique du Sud.
[Français]
On refuse de donner ce genre de latitude, qui existe dans des pays fort civilisés, sûrement autant que le nôtre, qui ont autant de problèmes avec la criminalité que notre pays mais où on dit néanmoins : donnons aux juges une certaine discrétion pour juger le cas de l'individu qui est devant lui.
Autre constatation : en grande majorité, les experts rencontrés nous ont expliqué que les peines minimales n'ont pas d'effet dissuasif, que c'est plutôt la peur d'être pris en flagrant délit qui incite les criminels à y penser à deux fois avant d'enfreindre la loi. Cette disposition vise plutôt à mettre plus de citoyens en prison sans jamais aborder la question de l'origine des actes criminels et celle de la réhabilitation nécessaire pour leur retour en société.
S'il y a une chose que j'ai apprise lorsque que j'étais solliciteur général dans les années 1970, c'est que les gens qui vont en prison en ressortent en fin de compte, et si on ne leur donne pas les moyens de se réhabiliter, ils y retournent en peu de temps. Le projet de loi ne prévoit aucune mesure en ce sens.
Le gouvernement va augmenter le fardeau qui pèse sur le système et sur la population canadienne sans avoir fait l'effort de réfléchir à d'autres options axées sur la prévention plutôt que sur l'incarcération.
J'aimerais ici citer un extrait du mémoire des représentants de la Société Elizabeth Fry, parlant du système Three strikes you're out, auquel le sénateur Joyal faisait référence, qui cite une étude de la Rand Corporation — car les sénateurs Mahovlich et St. Germain ont parlé d'écoles. Il y est fait mention de l'expérience en Californie. Je suis persuadé que le sénateur St. Germain, qui n'est pas partisan dans ce débat, il l'a dit lui-même, accepterait les résultats d'une étude qui n'est pas de nous mais de la Rand Corporation, qui jouit de beaucoup de crédibilité. Cette étude a été effectuée en 1996 après l'entrée en vigueur de la loi de la troisième faute en Californie. Elle indiquait que la part du budget de l'État consacrée au système correctionnel est passée de 9 p. 100 à 19 p. 100 et que, en raison de cette hausse, l'État a dû réduire de 40 p. 100 les enveloppes budgétaires auparavant allouées à des ressources essentielles comme l'éducation, la santé, la sécurité au travail et les services environnementaux et sociaux.
Il y a donc des conséquences à ce qu'on propose. J'abonde dans le sens du professeur Waller, de l'Institut de la prévention de la criminalité, qui a comparu devant le comité et dont l'une des conclusions était :
[Traduction]
Le ministre de la Justice a indiqué que les Canadiens nous avaient dit qu'ils voulaient que les choses bougent. Je suis tout à fait d'accord avec eux, mais ce qu'ils veulent, ce sont des mesures qui donnent des résultats.
Ils veulent des mesures éprouvées, pas des mesures improvisées pour répondre à telle ou telle situation qui nous ébranle tous et que nous déplorons et pour laquelle nous voudrions voir un criminel puni. Il doit s'agir de mesures éprouvées, pas de mesures trompe-l'œil qui ne tiendront pas la route et qui ne rassureront les Canadiens que pendant une courte période. Force sera de constater que la mesure ne fonctionne pas.
[Français]
En parlant du ministre, il nous a dit également qu'il avait écouté les policiers et les procureurs généraux des provinces au sujet du projet de loi C-2. J'apprécie que le ministre accorde toute la considération qu'il mérite au point de vue de l'Association des chefs de police. Je reconnais le travail fort valable accompli par les corps de police. Toutefois, j'aimerais savoir pourquoi le ministre fait la sourde oreille quand ces mêmes personnes lui disent qu'il faut garder le registre des armes à feu parce qu'il fonctionne, ou encore qu'il ne doit pas reporter l'obligation pour les importateurs de marquer les armes qui entrent au pays.
J'aimerais bien qu'il les écoute dans les deux cas. C'est bien d'être prohibitif, d'être punitif, mais il y a un aspect préventif qu'on aurait pu traiter dans ce projet de loi et qui a été totalement ignoré.
Honorables sénateurs, les dispositions de ce projet de loi auront un impact non négligeable sur notre système de justice et notre système carcéral. Il aurait été prudent d'inclure une disposition, à tout le moins, pour que les effets de ces modifications fassent l'objet d'une étude ultérieure. Là encore, rien. De la part d'un ministre de la Justice qui se permet de dire au Sénat que le travail a été bien fait et n'a pas besoin d'être amélioré, on était en droit de s'attendre à mieux.
[Traduction]
Si on avait laissé le Sénat faire son travail, s'il n'y avait pas eu la menace de déclencher des élections si nous osions proposer des amendements, nous aurions pu améliorer ce projet de loi. Il me plaît de croire qu'ensemble nous aurions pu peaufiner un projet de loi que les deux côtés de la Chambre auraient appuyé. Le Canada aurait eu un meilleur projet de loi à tous points de vue.
Toutefois, le gouvernement voulait son projet de loi. Il ne voulait pas écouter les experts et agir sur la foi de leurs recommandations. Dans son empressement à faire avancer les choses, il a fait la sourde oreille à tous les témoignages des experts qui ont comparu devant notre comité, passant à un cheveu de contrevenir à la Constitution en menaçant le Sénat s'il osait proposer des amendements à ce projet de loi remplis de lacunes, comme nous le savons tous.
[Français]
Oui, nous sommes contre toute forme de crimes violents. Je ne voudrais pas que quelqu'un nous dise, comme on a essayé de nous le dire, que si nous proposons des amendements ou que nous amendons ce projet de loi, cela signifie que nous sommes favorables — et c'est un peu gros de dire cela — aux prédateurs sexuels ou aux crimes violents.
Le sénateur Prud'homme : C'est de la démagogie!
Le sénateur Fox : Je pense que le sénateur Prud'homme, qui est venu passer quelques heures au comité, et je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit, a été renversé de voir ce genre de choses.
Honorables sénateurs, nous avions une occasion de présenter un excellent projet de loi. C'est une occasion ratée, une occasion où on a commencé à bâillonner les institutions démocratiques de notre pays.
(1630)
[Traduction]
L'honorable Marcel Prud'homme : J'aimerais poser une question au sénateur.
Son Honneur le Président : Il faudra que le temps de parole du sénateur Fox soit prolongé, car ses 15 minutes sont écoulées.
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Demandez-vous une prolongation?
Le sénateur Fox : Oui.
Le sénateur Comeau : Pas plus de cinq minutes.
Son Honneur le Président : Cinq minutes de plus sont accordées.
[Français]
Le sénateur Prud'homme : Honorables sénateurs, je ne comprends pas pourquoi, parce qu'on est violemment contre un projet de loi, comme je le suis, on nous mette un fusil sur la tempe. Vous connaissez tous mon opinion à ce sujet. Je ne peux pas accepter les commentaires du ministre Van Loan.
Le ministre nous a dit qu'il était un citoyen et qu'il avait droit à ses opinions. Je n'ai pas réagi assez vite, mais j'aurais pu me lever et dire que M. Van Loan est un citoyen comme tout le monde, qu'il a droit à ses opinions sur le Sénat, sauf que lorsqu'il parle, il est aussi un ministre de la Couronne. En tant que ministre de la Couronne, il parle au nom de la Couronne. Je n'ai pas été assez rapide ce jour-là.
La seule question qui me pose un dilemme est que je suis contre le projet de loi, mais je crois savoir que ce sera très difficile de voter contre. Qui votera pour ou contre sans aller à l'encontre du vœu actuel du gouvernement? C'est tout un problème pour vous, je pense, comme ce l'est pour moi. Je ne sais pas, puisque je n'appartiens pas à l'autre côté ni à ce côté-ci du Sénat. D'ailleurs, ne vous inquiétez pas, je parlerai demain sur un autre projet de loi. Je dis cela pour calmer ceux qui sont nerveux auprès des leaders et qui me regardent. Pouvez-vous m'aider dans mon dilemme? Comment peut-on être contre le projet de loi avec justification et ne pas voter parce que la Chambre des communes a décidé que nous devrions nous soumettre? J'ai beaucoup de difficulté à me soumettre, alors imaginez dans les circonstances.
Le sénateur Fox : Je ne sais pas si j'ai une réponse satisfaisante pour le sénateur Prud'homme, mais je pense que nous sommes dans une situation de fait où on nous menace de déclencher des élections et, d'en faire une question de confiance si l'on n'adopte pas le projet de loi. Il revient à nous tous de nous objecter à cette façon de procéder.
Je ne sais pas comment le sénateur Prud'homme, qui a une grande expérience internationale, se sentira à l'avenir dans d'autres pays pour expliquer les institutions démocratiques du Canada et pour dire que, malgré le fait qu'on ait une Constitution en place depuis 1867, et malgré le fait que la Constitution prévoie des pouvoirs pour le Sénat et la Chambre des communes, un gouvernement en place peut bafouer ces droits complètement et dire que le Sénat n'existe pas et lui imposer d'adopter des projets de loi. C'est un vrai défi pour un sénateur d'expliquer que le Canada est un pays démocratique qui respecte sa propre Constitution.
Le sénateur Prud'homme : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire et finale. Je souhaite que les autorités gouvernementales de ce côté calculent bien le vote parce que je n'aurai pas de difficulté à expliquer partout que s'il y a un vote, je voterai contre ce projet de loi. Vous feriez mieux de bien calculer vos votes, car je ne vous prendrai pas par surprise. S'il y a un vote, je voterai contre. Calculez en conséquence. Je ne sais pas ce qui se passera, car je n'ai pas été mis au parfum des négociations entre les deux grands partis.
[Traduction]
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends moi aussi la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence.
La question du crime et du châtiment va au cœur même de la vie dans une communauté civile. Elle représente la responsabilité la plus fondamentale accordée aux parlementaires. La définition d'un comportement nuisible à la communauté et l'établissement de peines justes et efficaces sont des principes de base. En l'absence de châtiment respecté et respectable, l'ordre, qui est à la base de tout dans la société, ne peut être maintenu efficacement.
Honorables sénateurs, j'aimerais aujourd'hui parler des peines minimales obligatoires. Il y a déjà environ 40 infractions dans le Code criminel qui sont passibles de peines d'emprisonnement minimales obligatoires. Le gouvernement cherche à accroître considérablement le nombre d'infractions passibles de peines minimales obligatoires.
Tout d'abord, des lignes directrices détaillées relatives à l'établissement des peines sont prévues aux articles 718 à 718.2 du Code criminel. Il est intéressant de les relire une fois de temps en temps, surtout quand une peine donnée retient l'attention des médias ou fait l'objet d'un débat politique.
L'article 718 dit ceci :
Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer, parallèlement à d'autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants :
a) dénoncer le comportement illégal;
b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;
c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;
d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants;
e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité;
f) susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
L'article 718.1 est ainsi libellé :
La peine est proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
Toutefois, honorables sénateurs, à ces principes viennent s'ajouter d'autres principes dont le tribunal doit tenir compte et qui sont énoncés à l'article 718.2. Les alinéas 718.2 b) à e) disent ceci :
b) l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;
c) l'obligation d'éviter l'excès de nature ou de durée dans l'infliction de peines consécutives;
d) l'obligation, avant d'envisager la privation de liberté, d'examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;
e) l'examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.
Honorables sénateurs, je vais simplement faire l'observation suivante : Nos dispositions législatives actuelles concernant la détermination de la peine exigent que les tribunaux partent du principe que la privation de liberté doit être évitée; l'incarcération est le dernier recours et non le premier.
La philosophie du Code criminel oblige le tribunal à adopter une approche modérée. Elle garantit pratiquement que les peines tiendront généralement compte du degré de sanction le moins élevé conforme aux principes de détermination de la peine. En vertu de cette philosophie, les tribunaux, en particulier ceux d'appel qui guident les procès devant jury, ont établi des principes selon lesquels les sanctions les plus sévères sont réservées aux pires contrevenants, peu importe le type d'infraction.
Les peines minimales obligatoires vont à l'encontre de ces principes que nous avons établis en tant que législateurs. Elles suppriment les moyens qu'ont les tribunaux de rendre justice dans des cas particuliers. Elles bouleversent les présomptions établies dans les principes de détermination de la peine et créent un fouillis d'exceptions qui semblent arbitraires. Il n'existe pas de modèle uniforme en ce qui concerne les êtres humains. Il ne s'agit pas d'une approche universelle. Une telle approche a l'effet d'être arbitraire.
Si le Parlement souhaite modifier l'accent mis sur la détermination de la peine, une approche beaucoup plus rationnelle consisterait à modifier les principes de base tout en laissant aux juges la latitude nécessaire pour rendre justice dans des cas particuliers en fonction de ces principes modifiés.
Le gouvernement propose plutôt un mécanisme grossier consistant à annuler les principes de détermination de la peine existants pour les types d'infractions qu'il a choisis. Ainsi, plutôt que de traiter conséquemment les infractions afin que la sanction corresponde au crime commis, c'est le crime qui détermine la sanction, peu importe que cela soit pertinent ou non. Cela ramène le rôle judiciaire à rien de plus qu'une lecture à haute voix. À mes yeux, il s'agit là de technocratie poussée à l'extrême.
Honorables sénateurs, nos juges ne sont pas des technocrates. Je crois que nous disposons de magistrats hautement qualifiés, peut- être les meilleurs au monde. On entend entre les branches qu'il serait peut-être bon de réduire le pouvoir discrétionnaire des juges. Cela sous-entend que les juges ne sont pas assez sévères à l'endroit des criminels. Il est difficile d'imaginer comment les juges pourraient être blâmés pour avoir suivi les directives qui leur ont été données. Cette orientation est pourtant parfaitement claire : il faut étudier toutes les possibilités, outre l'emprisonnement.
(1640)
À part l'ajout d'une foule d'exceptions à des principes établis de détermination de la peine — ce qui rend la loi contradictoire, si ce n'est incohérente —, les peines minimales obligatoires comportent bien d'autres désavantages sérieux.
On dit souvent que l'imposition de peines minimales obligatoires comporte entre autres l'avantage de la fermeté et de la cohérence. En pratique, toutefois, la possibilité d'une peine minimale obligatoire entraîne souvent l'arrêt des procédures, le retrait des accusations ou une négociation de plaidoyers pour modifier l'accusation ou en réduire la gravité, parce que le procureur estime que la peine minimale obligatoire est trop sévère. En pareil cas, c'est la Couronne plutôt que le système judiciaire qui prend la décision concernant la peine appropriée et le processus est nettement moins uniforme et moins ouvert à l'examen du public que n'importe quel exercice du pouvoir discrétionnaire des juges.
Il faut se rappeler que les juges font leur travail devant le public et que leurs décisions peuvent faire l'objet d'un appel. Honorables sénateurs, il n'en est pas de même quand leur pouvoir discrétionnaire est transféré à la Couronne. Dans bien des cas, la peine minimale obligatoire n'incite pas l'accusé à plaider coupable, ce qui entraîne inévitablement des procès plus longs et plus coûteux.
Il va sans dire que les peines minimales obligatoires, dans la mesure où elles prolongent la période d'incarcération, empêchent d'utiliser les fonds publics, par ailleurs déjà limités, pour des initiatives de prévention de la criminalité et d'application de la loi qui, à mon avis, sont plus utiles.
Des données pertinentes provenant d'autres pays révèlent que les peines minimales obligatoires ont un effet disproportionné sur les groupes minoritaires. Je répète que les principes de détermination de la peine énoncés à l'article 718.2 du Code criminel exigent que le tribunal examine, dans le cas de tous les délinquants, toutes les sanctions autres que l'emprisonnement qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones. Les peines minimales obligatoires font complètement abstraction de ces importantes considérations.
Par surcroît, aucune preuve convaincante ne montre que l'imposition de peines minimales obligatoires constitue un moyen de dissuasion efficace contre la criminalité. Plusieurs États ou pays, notamment le Michigan et le territoire du Nord de l'Australie, ont connu des expériences négatives avec les peines minimales obligatoires. Parmi les conséquences négatives, mentionnons un niveau inacceptablement élevé de cas d'injustice fondamentale, des condamnations injustifiées et une augmentation des taux d'incarcération chez les groupes ethniques minoritaires, les Autochtones et les femmes. On n'a noté aucun effet dissuasif perceptible. Le sénateur Cowan a déjà abordé cette question.
Il ressort de plusieurs études menées par diverses commissions gouvernementales au Canada que nous avons déjà des problèmes de racisme systémique et d'application du droit pénal. Les peines minimales et obligatoires accentuent les tendances observées et vont tout à fait à l'encontre des principes fondamentaux de détermination de la peine dont j'ai parlé.
D'après toute l'information disponible, la notion de peines minimales obligatoires a fait son temps. Il ressort de l'ensemble des sondages d'opinion que l'appui qu'accorde spontanément le public à des idées comme la loi des trois fautes s'effrite lorsque l'on demande aux répondants d'envisager les conséquences qu'elles peuvent avoir dans des cas biens précis.
Dans les États où l'on a mis à l'essai les peines minimales obligatoires, on abroge aujourd'hui les lois punitives à cet effet. Au Michigan, par exemple, on en est revenu à un régime souple et adaptable de détermination de la peine et ce, en raison de plusieurs facteurs, notamment l'évolution de l'opinion publique, qui a pris ses distances par rapport aux peines rigoureuses avec la médiatisation de certains exemples de peines excessives pour des récidivistes coupables d'infractions mineures, et aussi un consensus parmi les professionnels de la justice pénale selon lequel les peines obligatoires ont tendance à faire croître le nombre de personnes incarcérées alors même que les taux de criminalité diminuent.
Bref, les peines minimales obligatoires constituent une solution aux crimes graves qui s'avère dépassée. La formule a été mise à l'essai et elle s'est avérée un échec dans des juridictions assez semblables à la nôtre. Rien ne permet de conclure qu'elles réduisent les taux de criminalité. En légiférant en ce sens, on ne fait rien pour accroître la confiance du public dans le processus de détermination de la peine puisque, trop souvent, on débouche sur des peines qui font grand bruit et qui ont toute l'apparence de peines excessives et oppressives.
Honorables sénateurs, nous ne devrions pas répéter les erreurs que d'autres ont faites auparavant. Nous devrions plutôt apprendre de ces erreurs.
Pour terminer, je répéterai que la façon de modifier la détermination de la peine consiste à en adapter les principes, si nécessaire. Il ne convient pas d'introduire une série d'exceptions par rapport à des principes établis et mûrement réfléchis ou d'enlever aux juges la capacité de rendre justice selon les caractéristiques de l'affaire en délibéré.
La notion de peines minimales obligatoires va directement à l'encontre des principes actuels de détermination de la peine et elle débouche inévitablement sur l'injustice, sans que cela soit nécessaire. De telles peines constituent la négation même des objectifs qu'elles sont censées promouvoir.
Le sénateur Baker : Honorables sénateurs, pour les deux derniers projets de loi qu'il a étudiés, le Sénat s'est vu imposer des contraintes de temps — dans un cas, l'échéance était imposée par une décision de la Cour suprême du Canada — en raison d'un retard de huit mois avant la présentation du projet de loi et d'une période de trois mois et demi d'examen à la Chambre des communes. Finalement, il nous est resté seulement deux semaines et demie pour étudier un projet de loi portant sur la Charte des droits et libertés.
On nous impose maintenant une nouvelle contrainte de temps. Après les audiences, on nous donne trois jours pour proposer des amendements et franchir toutes les étapes réglementaires d'adoption du projet de loi, comme les règles l'exigent. Honorables sénateurs, cela ne nous laisse pas le temps de proposer des amendements. Il est physiquement impossible de respecter ces exigences tout en examinant ce projet de loi comme il se doit.
Honorables sénateurs, dans une telle situation, c'est la Chambre des communes qui devrait avoir le couteau sur la gorge, pas le Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Baker : Quand je suis passé près du siège du sénateur Grafstein cet après-midi, j'ai remarqué qu'il a préparé tout un exposé en appui à un projet de loi qu'il a présenté. La première citation de son document est tirée d'une décision de la Cour fédérale du Canada qui fait mention de Son Honneur, du sénateur Andreychuk et du sénateur Bryden.
Qu'ont en commun ces trois personnes? Elles étaient membres d'un comité sénatorial spécial qui a présenté, en 1999, un rapport sur les dispositions relatives à la sécurité dans notre législation. Je crois que ce rapport était surnommé le rapport Kelly. Le sénateur Bryden était vice-président de ce comité, dont Son Honneur et le sénateur Andreychuk étaient aussi membres.
Le sénateur Segal : Bravo!
Le sénateur Baker : Ce rapport est le plus cité de tous les rapports de tous les comités parlementaires, Chambre des communes et Sénat confondus. J'inclus les comités de la Chambre, mais, pour être franc, j'ai déjà fouillé dans l'outil électronique de recherche de la jurisprudence sans avoir pu trouver un seul comité de la Chambre des communes qui soit fréquemment cité comme référence par les tribunaux canadiens.
Le sénateur Segal : C'est une honte!
Le sénateur Comeau : C'est une honte!
Le sénateur Baker : Par contre, j'y ai trouvé de nombreux comités sénatoriaux. Le sénateur Grafstein se servait de ce comité pour appuyer son argument. La Cour fédérale du Canada a déclaré que le comité sénatorial spécial avait dit que le « terrorisme » était défini comme un phénomène en constante évolution. Plus loin, le sénateur Grafstein cite la Cour suprême du Canada dans l'affaire Suresh qui renvoie au comité encore, car cela avait été rejeté par la Cour suprême du Canada. Plus tard, pour renforcer son argument, le sénateur Grafstein cite la Cour suprême du Canada qui dit qu'après avoir examiné le rapport du comité, il incombait au Parlement de fournir une définition plus définitive ou plus directe du « terrorisme ». Cela se trouve dans la législation sur l'immigration et, dans leur analyse, ils l'ont appliqué aussi au Code criminel. Je signale que le sénateur Grafstein a ensuite eu recours à la jurisprudence de cette année pour montrer qu'on s'en sert aujourd'hui comme fondement des décisions à la Cour fédérale du Canada.
(1650)
Dans une décision récente, le juge Rutherford, de la Cour supérieure de justice de l'Ontario, a invalidé un article du Code criminel. Un autre comité du Sénat, présidé par le sénateur Smith, avait pourtant recommandé de ne pas inclure cela dans la définition du Code criminel. Le gouvernement est quand même allé de l'avant et la Cour supérieure de justice de l'Ontario a invalidé la disposition.
Il y a environ quatre mois, la Cour suprême du Canada a rejeté leur demande d'interjeter appel. Honorables sénateurs, ces renvois aux comités du Sénat montrent combien les tribunaux suivent de près les travaux de nos comités.
Les sénateurs se souviennent-ils de M. Richard Mosley, un bureaucrate bien connu, un sous-ministre en fait, qui avait été nommé juge à la Cour fédérale du Canada? Des arguments ont été présentés en vue de sa récusation. Pourquoi? Parce que le président du comité, le sénateur Smith je présume, avait fait référence à M. Mosley. Je lirai un extrait de l'affaire Khawaja. Dans sa lettre, M. Greenspon cite le président du comité qui décrit le rôle du juge. Le juge Mosley avait déclaré que le projet de loi C-36 était essentiel pour la rédaction du projet de loi antiterroriste. Il a dit que M. Greenspon, à la lumière de la question constitutionnelle devant le tribunal et des circonstances du dossier, avait demandé que le juge se récuse concernant toute audience supplémentaire.
Les sénateurs peuvent comprendre jusqu'où cela va. Même ce que le président dit lorsqu'il présente un témoin figure dans certains arrêts du tribunal afin que M. Mosley se récuse relativement à toute l'affaire. Le tribunal a dû déterminer si le sénateur Smith avait raison ou non. Évidemment, le juge a statué qu'il avait tort et il a refusé de se récuser.
Je le dis pour faire valoir que tout ce que font les comités sénatoriaux se reflète dans les décisions des tribunaux. On peut le voir dans la jurisprudence quotidiennement, mais ce n'est pas le cas des comités de la Chambre des communes. J'imagine qu'il y a une raison logique. J'ai passé 29 ans à la Chambre des communes et je sais très bien que c'est un organe politique et non législatif. Le Sénat est un organe législatif; c'est ici que nous examinons les projets de loi du gouvernement. Nos tribunaux et nos avocats s'adressent au Sénat pour connaître la signification des projets de loi et l'intention du gouvernement. Parfois, ils le font pour savoir ce qui cloche dans la loi et connaître les moyens de défense en vertu de la loi.
On dit que le Sénat est un lieu de second examen objectif et que le Sénat doit avoir de la déférence pour la Chambre basse, qui est le décideur des faits parce que les députés sont élus, tout comme chaque organisme quasi-judiciaire du pays fait preuve de déférence à l'égard du juge des faits. Cependant, dans les circonstances, la Chambre des communes devrait, à l'avenir, y penser à deux fois avant d'exercer des pressions sur le Sénat, ce qui dessert la législation du pays.
Le sénateur Grafstein : Honorables sénateurs, je serai bref. J'aborderai deux points.
L'une des questions soulevées par le sénateur Joyal est le rôle du Sénat dans les dossiers constitutionnels. Selon certaines critiques réelles et justes, les tribunaux ont usurpé la responsabilité du Parlement d'élaborer les lois. C'est un argument valide. Toutefois, c'est encore plus valide si les deux Chambres du Parlement disent qu'elles ne peuvent traiter les dossiers complexes sur le plan constitutionnel et qu'elles sont prêtes à laisser les tribunaux s'en charger.
D'une part, il serait inapproprié de notre part de reprocher aux tribunaux de faire de l'activisme politique, même si parfois j'ai des doutes à ce sujet, car il arrive que les tribunaux ne fassent pas preuve de la retenue qui convient. Et ce n'était sûrement pas l'objectif de M. Trudeau lorsqu'il a fait adopter la Charte. D'autre part, il est injuste de la part des tribunaux de dire que nous ne devons pas aborder les questions d'ordre constitutionnel lorsque nous adoptons des mesures législatives, parfois avec dissidence, à l'égard desquelles une majorité de membres du comité compétent soulèvent des questions constitutionnelles sérieuses et fondamentales. Nous ne pouvons pas tout avoir.
Pour faire suite au point soulevé par le sénateur Baker, certains sénateurs se rappelleront sans doute que lorsque le jugement est précipité, on fait toujours fausse route. Je pense ici au projet de loi sur le terrorisme et au projet de loi sur l'extradition. Ce dernier a franchi toutes les étapes à la Chambre en une journée environ. Il a ensuite été renvoyé au Sénat et nous avons été poussés par nos chefs de ce côté-ci à adopter le projet de loi. À l'époque, nous formions le gouvernement. Le sénateur Joyal et moi avons disséqué le projet de loi et d'autres sénateurs se sont joints à nous. Au bout du compte, nous avons été forcés par la direction de notre parti d'appuyer le projet de loi, mais seulement après deux ou trois mois de débats dans cette enceinte, au cours desquels nous avons tenté d'élucider les questions qui se posaient. Le sénateur Joyal et moi avons décidé à l'étape de la troisième lecture, après nous être opposés au projet de loi à chaque étape parce qu'il était anticonstitutionnel, de ne pas faire appel à la mansuétude et à la grandeur d'âme de cette assemblée, mais de nous adresser plutôt directement à la Cour suprême du Canada. Nous avons préparé notre argumentation en conséquence. Nous avons ensuite transmis le hansard pertinent à la Cour suprême du Canada et, surprise, celle-ci a confirmé notre position et statué que le projet de loi était anticonstitutionnel parce qu'il permettait au ministre de la Justice de renvoyer un Canadien dans un État où la peine de mort était toujours appliquée.
Les circonstances actuelles sont très semblables. Nous exigeons actuellement des tribunaux qu'ils corrigent les erreurs commises dans cette enceinte. Soit, si ces sénateurs de l'autre côté ont décidé de procéder ainsi, c'est leur volonté, leur droit et leur privilège, mais ils ont ainsi placé le Sénat dans une position difficile. En effet, le Sénat doit maintenant forcer les tribunaux à réparer le gâchis causé par le Parlement, alors même que le rapport fait ressortir clairement des arguments constitutionnels sérieux, significatifs et graves. Je ne répéterai pas les arguments des sénateurs Joyal, Baker et Cowan; cependant, attention, caveat emptor. Ce n'est pas la bonne approche. Nombreux sont ceux d'entre nous qui se pinceront le nez, qui disparaîtront, qui s'abstiendront. Certains s'opposeront au projet de loi, mais j'ai du mal à croire qu'un seul sénateur quittera cette assemblée avec la conscience tranquille.
(1700)
L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, le vote est imminent, je pense qu'il sera très court et qu'il s'agira d'un vote par oui ou par non, et j'ai l'intention de m'opposer au projet de loi, j'aimerais que cela se sache. Je ne comprends pas comment un sénateur ici présent pourrait voter autrement après avoir entendu les arguments qui ont été exposés aujourd'hui et lu les documents qui ont été présentés.
L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, le projet de loi C-2 viendrait modifier le Code criminel afin de s'attaquer aux crimes violents. Il propose de nouvelles lignes directrices pour repérer les conducteurs avec facultés affaiblies, augmente l'âge du consentement aux relations sexuelles, prévoit des peines plus sévères pour les récidivistes ainsi que des peines minimales obligatoires pour les délinquants et inverse le fardeau de la preuve pour les personnes déclarées délinquants dangereux.
J'aimerais parler de certaines des préoccupations exprimées lors des audiences du comité sénatorial. L'efficacité du projet de loi C-2 repose sur l'existence de données et de statistiques, venant du Canada ou d'ailleurs, à l'appui des modifications proposées.
En ce qui concerne la constitutionnalité du renversement du fardeau de la preuve pour les délinquants dangereux, si des études ont été réalisées sur l'incidence des modifications proposées, aucune justification satisfaisante ne vient appuyer ces dernières. Bien au contraire, beaucoup de témoins étaient sceptiques et ont dit qu'ils doutaient que ces modifications auraient quelque incidence que ce soit sur les crimes violents.
Beaucoup de témoins étaient d'avis que le projet de loi C-2 n'est pas une solution miracle à la réduction de la criminalité. Pour réduire la criminalité, il faut se concentrer sur l'éducation, l'information, la communication, les campagnes, les traitements, les programmes et la réadaptation.
Ce qui est ressorti de ces audiences, c'est qu'il n'y a pas de programmes de réadaptation dans les prisons à sécurité maximale, et les ressources financières affectées aux programmes ont été réduites de 26 p. 100 l'an dernier.
Les Autochtones sont confrontés à un problème supplémentaire puisqu'il n'existe aucun programme adapté à leur culture et à leurs traditions.
Honorables sénateurs, je saisis toute la complexité de la situation, mais je crois fermement qu'il ne serait pas sage d'adopter le projet de loi C-2 tant qu'il ne sera pas étayé par des études, des données et des statistiques. La criminalité est un sujet sérieux et nous sommes tenus d'agir de façon responsable pour assurer la sécurité de tous les Canadiens.
J'aimerais aussi attirer l'attention des sénateurs sur un autre point. Lors des audiences, des témoins ont dit au comité que les Autochtones représentent 21 p. 100 de la population carcérale du Canada. C'est une statistique impressionnante. On ne peut toutefois pas nier le fait que beaucoup d'Autochtones ne connaissent pas très bien le système de justice pénale, et je pense surtout aux Inuits dans le Nord. Ils ne savent même pas qu'ils ont droit à une pleine défense et ils ignorent les conséquences d'un plaidoyer de culpabilité. Ils n'ont accès à aucun programme de réadaptation et, comme je viens de le dire, les ressources financières ont été réduites de 26 p. 100 l'an dernier. Dans les régions éloignées, les ressources financières sont inexistantes.
Honorables sénateurs, l'adoption du projet de loi C-2 me préoccupe au plus haut point. Qu'arrivera-t-il à tous ces gens qui ont été incarcérés à titre de récidivistes? Seront-ils considérés comme des délinquants dangereux aux termes du projet de loi C-2? On a dit aux membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles que ce serait le cas, que ces gens seraient considérés comme des délinquants dangereux et que cela créerait un énorme problème.
À mon avis, l'adoption du projet de loi C-2 ne sert pas les meilleurs intérêts du public en général. Personnellement, je voterai contre.
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Le sénateur Stratton, avec l'appui du sénateur Gustafson, propose que le projet de loi soit maintenant lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : La présidence doit mettre la motion aux voix de manière plus officielle.
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés :
Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs.
Le sénateur Stratton : La sonnerie doit retentir pendant 30 minutes. Certains comités siègent actuellement à l'édifice Victoria et ils devront suspendre leurs activités pour que les sénateurs puissent arriver à temps.
Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 17 h 40. Est-ce d'accord, honorables sénateurs? Les whips sont-ils d'accord pour que le vote soit fixé à 17 h 40?
Le sénateur Stratton : D'accord.
Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs. La présidence a-t-elle la permission de quitter le fauteuil?
Des voix : D'accord.
(1740)
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk | LeBreton |
Angus | Meighen |
Brown | Nancy Ruth |
Cochrane | Nolin |
Comeau | Oliver |
Di Nino | Segal |
Gustafson | St. Germain |
Johnson | Stratton |
Keon | Tkachuk—19 |
Kinsella |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Banks | McCoy |
Campbell | Merchant |
Cowan | Milne |
Dyck | Moore |
Fox | Murray |
Fraser | Prud'homme |
Joyal | Spivak |
Massicotte | Watt—16 |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Adams | Grafstein |
Bacon | Harb |
Bryden | Hervieux-Payette |
Callbeck | Jaffer |
Chaput | Mahovlich |
Cook | Mitchell |
Cools | Munson |
Corbin | Pépin |
Cordy | Peterson |
Dallaire | Phalen |
Dawson | Sibbeston |
Day | Smith |
Downe | Stollery |
Eggleton | Tardif |
Fairbairn | Trenholme Counsell—31 |
Furey |
La Loi sur les programmes de commercialisation agricole
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'honorable Leonard J. Gustafson propose que le projet de loi C- 44, Loi modifiant la Loi sur les programmes de commercialisation agricole, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir prendre la parole pour appuyer le projet de loi qui nous est soumis. Les éleveurs canadiens de bétail, grâce auxquels les gens ont de la viande à manger, sont à l'origine de 23 p. 100 des recettes financières agricoles. À l'heure actuelle, ils ont besoin que leur gouvernement prenne des mesures pour les aider à traverser la tempête qui fait rage et qui menace leur gagne-pain.
Les éleveurs de bétail canadiens connaissent leur domaine. Ils sont résilients. Ils s'adaptent à leur environnement économique et ils sont productifs. Cela devrait assurer leur réussite, mais d'autres facteurs sont intervenus.
Depuis 2003, les éleveurs de bétail ont dû composer avec les effets de la crise de la vache folle et ils ont aussi été aux prises avec la sécheresse dans certaines régions du pays. Le 19 novembre, l'industrie a reçu la bonne nouvelle qu'elle attendait depuis longtemps, c'est-à-dire que les États-Unis rouvraient leur frontière aux bovins âgés. Cette annonce était aussi une bonne nouvelle pour notre secteur de la génétique, qui jouit d'une renommée mondiale, puisque celui-ci a de nouveau accès aux marchés du Sud. Je me permets de dire que de bons animaux reproducteurs ont franchi la frontière dans les deux sens et que cela a bénéficié grandement au secteur de l'élevage.
Toutefois, comme nous le savons, nos éleveurs ont subi d'autres pressions. L'appréciation du dollar canadien a nui aux gains de ce secteur d'exportation de l'agriculture canadienne. Les prix du fourrage et les coûts des intrants ont atteint des niveaux inégalés, ce qui a poussé les coûts de production à la hausse alors que le cycle de production normal et les prix ont touché un creux.
Honorables sénateurs, la « tempête parfaite » balaie tout sur son passage. Le gouvernement — en fait tous les ministres de l'Agriculture au Canada — prend très au sérieux la situation dans laquelle sont plongés nos éleveurs de bétail. Ils sont déterminés à leur venir en aide rapidement au moyen des programmes en place.
Voici ce que le gouvernement du Canada a fait pour faire face à la crise : tout d'abord, le nouveau Programme Agri-investissement disposera d'un budget fédéral de 600 millions de dollars pour l'ouverture de comptes de producteurs. Les paiements sont actuellement faits à nos producteurs. Ces comptes aideront les agriculteurs en cas de légère diminution des rentrées d'argent.
Le gouvernement accordera une aide supplémentaire avec des paiements provisoires et des avances ciblées en vertu d'Agri- stabilité, le nouveau programme fondé sur une marge de référence. Agri-stabilité inclut de nombreuses améliorations demandées par les éleveurs, comme le critère d'admissibilité à la frontière pour la couverture de la marge négative, le mécanisme des paiements anticipés ciblés en cas de catastrophe et une meilleure méthode d'évaluation des stocks.
Mis ensemble, ces changements aident à faire en sorte que le programme soit mieux adapté aux pertes dans le secteur de l'élevage. Il s'agit là de mesures concrètes qui donnent au secteur de l'élevage une partie de l'aide dont il a besoin.
Le mécanisme des paiements anticipés ciblés a déjà été enclenché pour les producteurs de porc de l'Alberta, de la Saskatchewan, du Manitoba, du Québec, du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle- Écosse.
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Les paiements provisoires sont offerts à ceux qui ne sont pas admissibles aux paiements anticipés ciblés d'Agri-stabilité. Nous savons tous que les producteurs doivent recevoir les paiements du programme en temps opportun. C'est pourquoi le gouvernement accélère les paiements effectués en vertu des programmes existants.
Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire travaille avec les provinces en vue d'accélérer les paiements anticipés ciblés d'Agri- stabilité pour 2008, les paiements provisoires de 2008 et les paiements finaux de 2007. En fait, pendant les derniers mois de 2007 et tout au long de 2008, on s'attend à ce que près de 1,5 milliard de dollars en paiements comptants soient faits aux éleveurs en vertu des programmes existants et des nouveaux programmes.
Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui vise à améliorer le Programme de paiements anticipés prévu dans la Loi sur les programmes de commercialisation agricole. Ces améliorations permettront de fournir une aide réelle en supprimant l'exigence, pour les éleveurs de bétail, de recourir à un programme de gestion des risques de l'entreprise, de sorte qu'ils pourront utiliser leurs animaux comme garantie pour obtenir des paiements anticipés pouvant atteindre 400 000 $. Cela constitue un changement important pour ce secteur. En outre, le montant maximum des paiements anticipés d'urgence accordés aux éleveurs en cas de difficultés économiques graves passe de 25 000 $ à 400 000 $, dont 100 000 $ sans intérêt.
Outre cette mesure législative, le gouvernement investit 50 millions de dollars dans le Programme de réforme des porcs reproducteurs afin d'offrir un paiement établi en fonction du nombre d'animaux ainsi qu'un remboursement des frais d'abattage et de disposition. Ces mesures contribueront à restructurer le secteur et à le rendre plus concurrentiel.
En outre, le gouvernement collaborera avec le secteur et passera en revue les frais d'utilisation liés à l'inspection de la viande afin d'en évaluer l'incidence sur la compétitivité du secteur.
Le gouvernement du Canada cherche également à réduire les coûts et à augmenter la compétitivité dans le contexte du renforcement de l'interdiction frappant les aliments du bétail. L'un des plus grands problèmes des éleveurs est que le prix des aliments augmente pendant que les prix du bétail baissent. Ces efforts s'ajoutent à l'engagement de 80 millions de dollars du gouvernement pour aider le secteur à s'adapter aux nouvelles normes en matière d'aliments pour animaux.
Honorables sénateurs, il ne fait aucun doute que le secteur de l'élevage est en difficulté. La modification du Programme de paiements, qui relève de la Loi sur les programmes de commercialisation agricole est l'un des outils qui aidera les producteurs de bétail à surmonter la crise. Le programme de réforme des porcs reproducteurs en est un autre. Il aidera les producteurs de porcs à faire face aux pressions actuelles et à se préparer pour l'avenir.
Pour ce qui est de se préparer pour l'avenir, le gouvernement et l'industrie ont également joint leurs efforts pour trouver des moyens d'aider l'industrie à être en mesure de soutenir la concurrence à long terme, entre autres, en augmentant les ventes de porc et de bœuf à l'étranger et en introduisant plus rapidement sur le marché des intrants et des produits innovateurs dans le domaine des céréales fourragères.
Honorables sénateurs, lors de mon intervention à l'appui de ce projet de loi, je vous ai donné un aperçu des problèmes que connaît l'industrie et des mesures décisives que notre gouvernement a prises afin d'aider nos producteurs de bétail à surmonter une période très difficile. Le projet de loi dont nous sommes saisis est un élément important d'une stratégie globale qui fournira de l'aide à court terme et qui aidera les producteurs de porcs à se préparer pour l'avenir.
Honorables sénateurs, je vous exhorte à adopter le projet de loi C- 44 et à démontrer votre appui complet et immédiat pour cette industrie en difficulté.
L'honorable Robert W. Peterson : Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui en faveur du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur les programmes de commercialisation agricole, et de solliciter votre appui.
L'année dernière, le 27 novembre, des représentants du Conseil canadien du porc ont comparu devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Ils nous ont informés de la crise que traversent les producteurs de porc en raison du prix élevé des aliments pour les animaux, du faible prix du porc et de l'appréciation rapide du dollar. Ils nous ont dit que les pertes excèdent 50 $ par porc. Par conséquent, une exploitation de 500 truies perd plus de 25 000 $ par mois. Le crédit commercial a atteint la limite, le crédit à l'exploitation offert par les institutions financières n'est plus disponible, les capitaux disparaissent et les gens des régions rurales sont dans une situation de plus en plus désespérée.
Les producteurs de porc du Canada ont besoin de temps pour s'ajuster et pour évaluer leurs options. Sans aide financière provisoire, sous une forme ou une autre, l'industrie va certainement s'écrouler. Beaucoup des exploitations les meilleures et les plus efficaces ferment leurs portes, espérant s'en sortir la tête haute avant d'être obligées de faire faillite.
Le projet de loi C-44 modifie la Loi sur les programmes de commercialisation agricole afin de bonifier les avances de fonds à l'intention des producteurs de bétail. Bien que ces changements ne remédient pas à tous les problèmes des éleveurs, ils vont leur fournir des outils pratiques pour les aider à travers la crise actuelle.
Ce n'est pas le moment de parler; c'est le moment d'agir. J'exhorte les honorables sénateurs à se joindre à moi pour appuyer ce projet de loi.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : Oui.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Gustafson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.)
(Le Sénat s'ajourne au jeudi 28 février 2008, à 13 h 30.)