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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 39e Législature,
Volume 144, Numéro 56

Le mardi 6 mai 2008
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 6 mai 2008

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'investissement du gouvernement dans les personnes, le savoir et l'infrastructure

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, j'ai beaucoup de respect pour le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et pour le travail qu'il accomplit. Je garde de bons souvenirs de mes nombreuses heures de travail à diverses études à l'époque où j'en faisais partie.

Je dois admettre que j'ai été surprise en lisant un communiqué du comité daté du 30 avril. J'ai été étonnée que mes collègues aient réclamé de nouveaux investissements dans les sciences et la recherche alors que c'est exactement ce que le présent gouvernement fait, comme en témoignent les budgets fédéraux. Les conservateurs croient en la nécessité de récompenser les efforts et d'encourager la création d'emplois et de débouchés. C'est la raison pour laquelle notre gouvernement consent 200 milliards de dollars en allégements fiscaux aux familles laborieuses et aux entreprises et c'est aussi pour cela nous avons le taux de chômage le plus bas qu'on ait vu en une génération.

Une partie des allégements fiscaux profitent plus particulièrement aux étudiants de niveau postsecondaire du Canada. Notre gouvernement a proposé un crédit fiscal pour les manuels scolaires et supprimé l'impôt fédéral sur le revenu pour les bourses d'études, de perfectionnement et d'entretien.

(1405)

L'allègement fiscal est important, mais si les entreprises canadiennes désirent soutenir la concurrence sur la scène mondiale, nous devons investir dans les gens, dans les connaissances et dans les infrastructures modernes.

Le gouvernement a annoncé l'octroi d'une somme supplémentaire de 800 millions de dollars par année pour les provinces et territoires afin de renforcer la qualité et la compétitivité du système canadien d'éducation postsecondaire. Le budget de 2008 vient en aide aux étudiants canadiens au moyen d'un investissement de 350 millions de dollars dans un programme canadien consolidé de subventions aux étudiants et d'un investissement de 123 millions de dollars visant à améliorer et à moderniser le Programme canadien de prêts aux étudiants.

Les étudiants canadiens profiteront également d'investissements de 25 millions de dollars visant à établir un nouveau programme de bourses d'études supérieures du Canada, de 21 millions de dollars visant à renforcer la capacité des universités canadiennes à attirer et à retenir les chefs de file en sciences et de 80 millions de dollars supplémentaires aux trois conseils subventionnaires de la recherche universitaire du Canada, pour la recherche dans les soins de santé, l'innovation industrielle et le développement du Nord.

Dans notre dernier budget, nous avons également prévu 140 millions de dollars supplémentaires pour Génome Canada, ainsi que 250 millions de dollars sur une période de cinq ans afin d'aider le secteur de l'automobile à mettre au point des véhicules innovateurs, écologiques et éconergétiques.

Honorables sénateurs, sous le solide leadership du premier ministre Stephen Harper et de membres du Cabinet, à savoir les ministres Flaherty, Clement, Prentice, Emerson et Lunn, notre gouvernement investit dans les gens, les connaissances et les infrastructures modernes. En réduisant les impôts, en remboursant la dette et en investissant dans l'éducation des Canadiens, notre gouvernement bâtit un Canada plus solide.

Le décès de l'honorable Charles Caccia, C.P.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein : Honorables sénateurs, j'interviens pour rendre hommage au regretté Charles Caccia, qui est décédé soudainement en fin de semaine. Charles Caccia était un ami et un fervent partisan libéral depuis plus de 40 ans.

Né en Italie et ayant étudié aux quatre coins de l'Europe, il a immigré à Toronto et est devenu membre de COSTI, un organisme pour la communauté italienne de Toronto qui aide les immigrants et d'autres à s'adapter à la vie au Canada.

Charles était un homme de gauche, au point où parfois il était ignoré par les membres de la communauté italienne de Toronto, au sein de laquelle il était respecté pour son honnêteté, mais où ses points de vue n'étaient pas toujours appréciés.

Universitaire remarquable, il est devenu professeur de sciences forestières à l'Université de Toronto et s'est intéressé aux questions environnementales.

J'ai rencontré Charles pour la première fois au début des années 1960, alors que nous faisions tous deux campagne pour les libéraux dans le centre-ville de Toronto. Lorsque Walter Gordon, son héros et mentor, a quitté le Parlement et sa circonscription de Davenport en 1968, Charles a été choisi comme candidat libéral pour le remplacer à la suite d'une assemblée d'investiture très houleuse et très contestée tenue au colisée de la CNE, où étaient rassemblées plus de 5 000 personnes. Par la suite, il a continué à représenter la circonscription de Davenport pendant dix législatures successives, jusqu'en 2004, lorsqu'il est retourné dans le monde universitaire.

Après une carrière très distinguée à titre de député d'arrière-ban et membre de nombreux comités, Charles a été nommé ministre du Travail par Pierre Trudeau et, ensuite, ministre de l'Environnement par John Turner.

En raison de ses connaissances dans le domaine de l'environnement, Charles était presque devenu le parrain des questions environnementales au Parlement et dans l'ensemble de la collectivité. Après avoir quitté le Parlement, il a poursuivi sa carrière dans l'enseignement à titre de chargé de cours au prestigieux Institut de l'environnement de l'Université d'Ottawa.

Charles avait une personnalité formidable. C'était un libéral de gauche réfléchi, cultivé, indépendant, ombrageux, franc, parfois agressif, fidèle à ses opinions et passionné. Il était inlassable. C'était également un ardent défenseur du mouvement ouvrier et des travailleurs canadiens.

Charles aimait le Canada. Il croyait en un Canada uni et il s'est battu pour cette idée. Sa conviction était profonde.

À la fin de sa vie, Charles a été président de l'Association parlementaire Canada-Europe et m'a encouragé à devenir un participant actif à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE en Europe, où il estimait que le Canada devait s'exprimer d'une voix cohérente et constante sur les questions relatives aux droits de la personne ainsi que sur les questions d'intérêt pour tous les Canadiens.

Charles manquera énormément au Parti libéral, qu'il a enrichi d'une perception, d'une attitude et d'un franc-parler qui se font de plus en plus rares non seulement au sein du parti, mais également au Canada.

Nous offrons nos plus sincères condoléances à sa famille dévouée. Avoir connu Charles, c'est ne jamais oublier son honnêteté, son courage, son indépendance, sa passion et son engagement à promouvoir un programme de réforme progressiste pour le bien de tous les Canadiens.

[Français]

Le décès de Neil Chotem

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, le 21 février dernier le monde des arts canadien s'est appauvri : un grand musicien nous a quittés. Il s'agit de Neil Chotem.

Si vous me demandiez dans quel genre de musique Neil Chotem s'est illustré, je ne pourrais que vous répondre : tous. Tous les genres de musique.

Un jour, il a dit :

Finalement, si vous faites fi des différentes catégories de musique, vous arriverez peut-être à en créer une nouvelle.

Voilà Neil Chotem.

(1410)

Enfant prodige au piano à l'âge de 5 ans dans sa Saskatchewan natale, il arrive à Winnipeg dix ans plus tard. Il quitte alors les études académiques pour se consacrer uniquement à la musique. Bientôt, il donne des récitals en solo et joue avec des orchestres symphoniques.

En 1942, il s'enrôle dans l'Armée de l'air et devient membre de son orchestre. Pour avoir l'occasion de participer aux parades, il décide d'apprendre à jouer du mellophone, une sorte de cor français. Il y mettra deux semaines.

Après la guerre, il s'installe à Montréal et épouse celle qui organisait toutes les tournées de l'orchestre militaire. Avec la venue de trois enfants, pour gagner sa vie et nourrir sa curiosité musicale, Neil Chotem écrit des hymnes religieux et fonde un trio de jazz tout en se préparant à jouer le Concerto no 2 de Rachmaninov avec l'Orchestre symphonique de Toronto. Puis, tant pour la CBC que pour Radio-Canada, il écrit des arrangements et dirige les ensembles musicaux de nombreuses émissions de variétés.

Il travaille avec tous les chanteurs et chanteuses de Montréal et devient convaincu de l'importance d'apprendre le français. Quand je l'ai connu au cours des années 1970, il refusait que je lui parle en anglais.

Neil Chotem a aussi écrit pour le ballet. Je pense à Pythagore 1 à 7. Puis, aussi surprenant que cela puisse paraître, il s'est laissé convaincre de travailler avec un groupe rock, Harmonium.

Serge Fiori parle de Neil Chotem comme d'un modèle, un mentor. Chotem mettra ses talents d'arrangeur et de pianiste au service du groupe pour réaliser le disque L'Heptade. Harmonium devient alors imbu d'une sorte d'impressionnisme français où se retrouvent les couleurs et les nuances de Debussy et de Vaughan Williams. Le disque sera inoubliable.

En se souvenant peut-être de sa mémorable tournée avec Harry Belafonte, Neil Chotem continuera à composer et à écrire des arrangements jusqu'à la fin de sa vie.

Sans lui, la musique canadienne, qu'elle soit classique, populaire, jazz ou rock, ne sera plus la même.

Maestro Neil Chotem, nous saluons votre mémoire et nous vous disons un immense merci.

[Traduction]

Les paiements fédéraux de péréquation aux provinces

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, vous serez peut-être affligés d'apprendre que je vais parler de péréquation, mais rassurez-vous en songeant à la limite de trois minutes qui s'applique aux déclarations de sénateurs.

Au cours des dernières années, huit provinces ont reçu des paiements de péréquation. À l'heure actuelle, il y en a six, mais ce chiffre pourrait bien tomber à cinq dans un avenir plus ou moins rapproché. Des provinces telles que la Saskatchewan, la Colombie- Britannique et Terre-Neuve-et-Labrador deviennent admissibles ou inadmissibles à des paiements selon que leur capacité fiscale respective est inférieure ou supérieure à la moyenne nationale. À mon avis, cela montre que la notion de péréquation fonctionne de la façon souhaitée à l'origine.

La possibilité que l'Ontario devienne une province admissible dans quelques années a suscité beaucoup d'émoi. Certaines personnes demandent une refonte totale du programme, afin que l'Ontario ne puisse être admissible. La Loi constitutionnelle de 1982 dit que les paiements de péréquation visent à « [...] donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables ». Une mesure objective de la capacité fiscale de chaque province par rapport à la moyenne nationale demeure la façon la meilleure et la plus juste de calculer le droit à la péréquation, et nous devrions conserver cette mesure. Dans ce contexte, le fait de décrire les provinces comme étant « riches » ou « pauvres » est inexact et trompeur.

Au début du programme, l'Alberta a reçu, durant une brève période, des paiements de péréquation. Il est bien possible que la période d'admissibilité de l'Ontario soit elle aussi de courte durée. Quoi qu'il en soit, comme l'a déclaré dimanche le premier ministre Williams, les « larges épaules » de l'Ontario ont soutenu le reste du pays à de nombreuses occasions. La formule ne devrait pas être manipulée de manière à priver la province de ce qui, objectivement parlant, lui est dû.

S'il devait y avoir des problèmes graves de trésorerie fédérale, il existe des recommandations publiques quant à la façon de régler ces problèmes sans imposer un fardeau à une province bénéficiaire, par rapport aux autres.

En ce qui a trait à la renaissance de Terre-Neuve-et-Labrador, dont nous nous réjouissons tous, il convient de prendre un certain recul. Dans le budget présenté la semaine dernière, on mentionnait qu'en 2007 le chômage « [...] était tombé à 13,6 p. 100 [...] soit le taux le plus bas depuis 26 ans », et qu'on prévoyait qu'en 2008 ce taux allait être de 12,4 p. 100. Une province qui avait vu sa population diminuer, a enregistré un gain net de 2 000 habitants au cours de la deuxième moitié de 2007. C'est là une amélioration bienvenue, mais il est clair que ce n'est qu'un début.

(1415)

La fête des Mères

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, dimanche prochain sera la fête des Mères. Je désire rendre hommage à toutes les mères du Canada, mais en particulier à quatre d'entre elles.

Évidemment, la première mère à qui je veux rendre hommage est la mienne, Bessie Mercer, qui a 88 ans et en aura 89 le 3 juillet, si le bon Dieu le veut bien. Ma mère a le privilège de vivre encore seule, de conduire son auto, de passer ses soirées de fin de semaine à la Légion locale — pour danser jusqu'à en avoir des ampoules aux pieds si elle le peut — et de participer à la vie de sa collectivité. Je remercie ma mère pour beaucoup de choses : son amour, ses critiques et, le plus important de tout, mon libéralisme.

Je remercie également une autre femme importante dans ma vie : ma belle-mère, Catherine Simmons, qui est décédée il y a quelques années. Je la remercie pour son amitié, son amour et, surtout, pour sa fille.

Évidemment, je remercie ma femme, Ellen, avec qui je suis marié depuis 37 ans, pour son amour, sa patience, son dévouement, son soutien et, surtout, sa compréhension.

Merci d'être une mère merveilleuse pour notre fils, Michael.

Je veux aussi rendre hommage à Dora Munson, la mère de mon ami et voisin de fauteuil, le sénateur Jim Munson. Dora est malade depuis quelque temps, mais, à 95 ans, elle se bat pour se remettre sur pied.

Merci, Dora, pour votre dévouement envers Jim et ses frères et sœurs. Nos prières vous accompagnent.

Je termine par une citation tirée de l'ouvrage du plus grand des auteurs de livres pour enfants du Canada, Robert Munsch, intitulé Love You Forever. Si vous ne voulez pas pleurer, vous devriez sortir. Dans la dernière partie du livre, il écrit :

Eh bien, la mère, elle a vieilli. Elle est devenue vieille, vieille, vieille. Un jour, elle a appelé son fils et lui a dit : « Tu devrais venir me rendre visite parce que je suis très vieille et malade. » Son fils est donc allé la voir. Lorsqu'il est entré, elle a essayé de chanter la chanson. Elle a chanté :

Je t'aimerai toujours, Je te chérirai à jamais...

Mais elle n'a pas pu terminer parce qu'elle était trop vieille et trop malade. Le fils est allé à sa mère. Il l'a prise dans ses bras et l'a bercée tendrement en lui chantant cette chanson :

Je t'aimerai toujours, Je te chérirai à jamais, Tant que je vivrai, Tu seras ma maman chérie.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer au dépôt de documents, je vous signale la présence à la tribune de M. Bruno Rodriguez Parilla, premier sous-ministre des Affaires étrangères de la République de Cuba. Il est accompagné de Son Excellence Ernesto Antonio Sentì Darias, ambassadeur de la République de Cuba au Canada. Ils sont les invités du sénateur Ringuette.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à la tribune de récents diplômés du programme du Consortium national de formation en santé. Ils sont accompagnés de la directrice générale du programme, Mme Jocelyne Lalonde.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


AFFAIRES COURANTES

La vérificatrice générale

Dépôt du rapport de mai 2008 et d'un addenda renfermant des pétitions en matière d'environnement

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de mai 2008 de la vérificatrice générale du Canada, conformément au paragraphe 7(5) de la Loi sur le vérificateur général ainsi qu'un addenda renfermant des copies des pétitions en matière d'environnement reçues entre le 1er juillet 2007 et le 4 janvier 2008

(1420)

Le Sénat

Avis de motion visant à appuyer Élections Canada

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Attendu qu'Élections Canada est un organisme indépendant et non partisan mandaté par le parlement pour administrer tous les aspects des élections fédérales;

Attendu qu'Élections Canada exécute son mandat de manière juste, ouverte et professionnelle;

Attendu qu'Élections Canada jouit d'une réputation internationale impeccable et qu'elle a apporté son assistance électorale un peu partout dans le monde à la demande, entre autres, des Nations Unies, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, de l'Organisation des États américains, de La Francophonie et du Commonwealth;

Attendu que depuis 1980 Élections Canada a organisé quelque 400 missions de développement international dans 100 pays en réponse à de telles demandes;

Attendu qu'Élections Canada jouit d'une réputation d'excellence à l'échelle nationale et internationale qui est au- delà de tout reproche;

Attendu que les Canadiens devraient avoir confiance que le prochain scrutin fédéral sera administré de manière libre, juste et ouverte par Élections Canada;

Que le Sénat exprime sa pleine et entière confiance envers Élections Canada et le commissaire aux élections fédérales.

[Traduction]

Affaires sociales, sciences et technologie

Avis de motion tendant à autoriser le comité à siéger pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Wilbert J. Keon : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que, en conformité avec l'article 95(3)a) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à se réunir le mardi 20 mai 2008 et le mercredi 21 mai 2008, à St. John's, Terre-Neuve, aux fins de son étude de la santé des populations, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.

Projet de loi de 2006 modifiant l'impôt sur le revenu

Présentation d'une pétition

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter la pétition suivante, qui vient de Jeremy Davis, étudiant de huitième année à l'Académie Westboro d'Ottawa, et qui sollicite l'adoption d'une pétition destinée à préserver les arts :

Nous, soussignés, demandons au Sénat du Canada de retirer du projet de loi C-10 l'article autorisant le gouvernement à décider quels films canadiens sont admissibles à des crédits d'impôts. Il s'agit là de censure du monde des arts, ce qui ne peut être toléré. Le gouvernement devrait promouvoir le travail des artistes et non les bâillonner.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Conseil du Trésor

L'abolition du registre d'accès à l'information

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux puisque, depuis l'existence du registre d'accès à l'information informatisée, ce dernier est confié au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux.

Le gouvernement conservateur, qui s'est fait élire en promettant la transparence et la responsabilité, montre, une fois encore, en abolissant le registre d'accès à l'information informatisée, qu'il ne s'agissait que de paroles creuses et purement électoralistes. Ce registre permet à tout citoyen de prendre connaissance de l'information que les Canadiens ont obtenue par l'intermédiaire de la Loi sur l'accès à l'information.

Le gouvernement a justifié cette action en disant, et je cite un porte-parole du gouvernement :

(1425)

[Traduction]

Le registre est aboli parce que les ministères n'en voient pas l'utilité.

[Français]

Le gouvernement ne semble pas comprendre l'objectif du programme qu'il a aboli. Il n'a jamais été question que ce programme soit utile au gouvernement, du moins lorsque le projet de loi fut adopté. Ce programme a été créé pour être utile aux Canadiens, qui exigent un gouvernement transparent et responsable.

Le ministre pourrait-il nous expliquer pourquoi son gouvernement est en train d'organiser ce qu'on pourrait appeler le secret d'État?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Cette affaire relève du président du Conseil du Trésor, et non du ministre des Travaux publics, comme le sénateur l'a mentionné dans sa question.

Le registre d'accès à l'information a été créé par l'ancien gouvernement dans le but de contrôler et de gérer les demandes d'accès à l'information. Il a été conçu de façon à ce que toutes les demandes faites par la presse se retrouvent sur le bureau du premier ministre, au lieu qu'on laisse le registre d'accès à l'information fonctionner normalement.

Si le parti du sénateur et le gouvernement étaient de si ardents partisans du registre, pourquoi ne l'ont-ils pas tenu à jour? Un sondage effectué en 2004 a révélé que certains ministères importants ne mettaient jamais à jour l'information contenue dans le registre et que beaucoup d'autres ne le faisaient que rarement. En 2004, les libéraux ont cessé d'envoyer l'information au registre sous forme de fichiers électroniques consultables.

Pour notre part, nous avons assujetti 70 organismes gouvernementaux de plus à la Loi sur l'accès à l'information. Les Canadiens peuvent maintenant voir comment l'argent de leurs impôts est dépensé et peuvent être témoins d'histoires comme celles dont nous entendons actuellement parler au sujet de Radio-Canada et de Postes Canada, pour ne nommer que ces deux-là.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, si je comprends bien ce que tente de nous expliquer madame le leader du gouvernement, bien qu'elle manque un peu de conviction, c'est que nous aurons accès aux ouvrages de la Bibliothèque du Parlement mais qu'il sera plus efficace pour la recherche de détruire l'index qui organise le classement de l'information. C'est comme s'il fallait revoir tous les livres de la bibliothèque avant de trouver l'œuvre dont on a besoin pour faire un travail ou une recherche ou pour se renseigner.

Madame le ministre peut-elle nous dire en vertu de quelle bonne et saine gestion son gouvernement a-t-il décidé d'abolir ce registre, qui permet une consultation efficace et rapide, à ses dires, tout en ne donnant pas accès à l'information de base afin de la consulter?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, l'information demeure accessible et n'importe qui peut en faire la demande.

Pour préciser ma première réponse, je vais lire un passage d'un article paru le 28 mars 1997 dans la revue Canadian Business Technology :

L'ancien ministre de la Défense David Collenette a démissionné en octobre après qu'une lettre de son cru contrevenant aux lignes directrices du Cabinet en matière d'éthique eut été remise dans le cadre d'une demande de renseignements en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Mitchell Sharpe, un proche conseiller de Jean Chrétien, a déclaré qu'en vertu du registre d'accès à l'information, toute demande concernant la conduite d'un ministre est transmise immédiatement au bureau du premier ministre, car c'est lui qui est responsable du comportement éthique de ses ministres.

M. Chrétien a pu consulter son conseiller en éthique, décider du sort de M. Collenette et lui choisir un successeur, tout cela avant que la demande soit présentée et que les médias déclenchent l'hystérie collective.

Le système mis en place par M. Chrétien était pratique, car les demandes présentées en vertu de la Loi sur l'accès à l'information étaient rassemblées de façon à donner au premier ministre une longueur d'avance tout en lui laissant le temps de réagir.

À l'inverse, en vertu de la Loi sur la responsabilité, nous avons élargi l'accès à l'information. Comme je l'ai dit, nous avons assujetti à la loi 70 organismes gouvernementaux de plus, et les Canadiens peuvent savoir comment on dépense les fonds publics.

Je crois comprendre qu'il y a eu une forte augmentation du nombre de demandes présentées en vertu de la loi. Dans le dernier rapport du commissaire, plusieurs ministères ont obtenu de meilleures notes.

(1430)

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Il s'agit de la décision récente du gouvernement d'éliminer le registre. Comme madame le ministre le sait, la Loi sur l'accès à l'information a été proclamée il y a 25 ans. En un sens, nous célébrons cette année la Loi sur l'accès à l'information, et l'élimination du registre est une manière étrange de souligner cet anniversaire.

Le père de cette législation au Canada a été un éminent député progressiste-conservateur albertain, l'honorable Gerald Baldwin. Ses efforts ont été récompensés, puisque le gouvernement Clark a présenté un projet de loi sur l'accès à l'information, et c'est un éminent et respecté parlementaire progressiste-conservateur qui en a piloté l'étude, l'honorable Walter Baker. Le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau qui a succédé au gouvernement Clark a présenté de nouveau le projet de loi, qui a été adopté par le Parlement et proclamé le 1er juillet 1983.

Le très honorable Brian Mulroney a beaucoup amélioré la loi en proposant en 1989 le registre qui a été éliminé cette semaine.

Madame le ministre et son collègue, le ministre des Travaux publics, pourraient-ils demander à leurs collègues de revoir une mesure qui amoindrira grandement le legs et les efforts de gouvernements successifs, de générations successives de parlementaires, de façon à renforcer au lieu d'affaiblir une loi qui a bien servi la démocratie au Canada?

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. Nous n'avons pas affaibli, mais plutôt renforcé le régime d'accès à l'information. Nous allons rompre avec le passé et éliminer un dispositif de contrôle centralisé complexe et incomplet sur l'accès à l'information, un dispositif coûteux et bureaucratique et n'améliore guère l'accès à l'information.

Par conséquent, comme je l'ai dit dans ma réponse au leader du sénateur, toute l'information contenue dans le registre d'accès à l'information demeure à la disposition de ceux qui la demandent. Certains ont demandé le contenu de cette base de données interne et l'ont affiché sur leurs propres sites web pour le grand public. Ils peuvent continuer de le faire. Il suffit de demander l'information, comme on l'a toujours fait, et elle sera fournie.

Le sénateur Fox : Honorables sénateurs, madame le sénateur parle de la réduction des coûts et de l'efficacité du système toujours en place, mais il est difficile de comprendre comment elle peut avancer cet argument, puisque le registre ne sera plus mis à jour.

Selon mon interprétation de l'information disponible en ce moment, c'est exactement le contraire de ce que dit le leader qui risque le plus de se produire. La base de données permet aux chercheurs de savoir si l'information recherchée a déjà été demandée par d'autres. Dans l'affirmative, il leur suffit de demander la copie de ce qui a déjà été préparé. Si on garde les chercheurs dans le noir, beaucoup de demandes répétitives seront faites et beaucoup de fonctionnaires devront, en pure perte, traiter chaque demande comme si elle était nouvelle, au lieu de photocopier ce qui a déjà été préparé. J'ai du mal à comprendre comment l'élimination de ce système va accroître l'efficacité et réduire les coûts.

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai déjà dit, sous les libéraux, l'information n'était pas à jour. Bien des ministères n'ont pas mis leur information à jour pendant plus de quatre ans.

Quant aux chercheurs, il leur suffit de demander s'il y a déjà eu une demande d'accès à l'information sur un sujet donné, et l'information sera mise à leur disposition.

Le sénateur Fox : Au lieu de dire que les ministères n'ont pas fourni l'information au registre et que c'est la raison de l'élimination du registre, ne serait-il pas préférable, pour le régime d'accès à l'information, que le Conseil du Trésor envoie une directive à ces ministères, leur disant que, désormais, ils doivent fournir l'information demandée? Ce serait beaucoup plus conforme à la tradition canadienne d'accès à l'information et à l'esprit de ceux qui ont fait œuvre de pionniers en matière de législation sur l'accès à l'information, des deux côtés du Sénat.

(1435)

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, élargir la portée de la loi pour qu'elle couvre beaucoup plus d'organismes est bien plus utile, du point de vue de l'accès du public à l'information, que le maintien d'un registre qui entravait manifestement cet accès en bloquant les demandes ou en centralisant le contrôle de l'information. Je crois au système que nous avons mis en place en assujettissant 70 organismes de plus à la Loi sur l'accès à l'information.

Je tiens à signaler que toutes les demandes d'accès sont traitées par les différents ministères. C'est un travail énorme que de mettre à jour un registre dont l'information n'est manifestement pas utilisée. Si une personne a vraiment besoin de savoir s'il y a eu une demande d'accès à l'information au sujet d'une question précise, elle peut simplement demander ce renseignement. Il n'est pas utile de consulter de nombreuses pages dans un registre quand un simple appel téléphonique ou une demande transmise par ordinateur peut suffire pour savoir si une question donnée a déjà été posée.

Le Bureau du Conseil privé

Le projet de politique sur les communications

L'honorable James S. Cowan : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, la vérificatrice générale, Mme Sheila Fraser, a provoqué un tollé au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes quand elle a dit :

Par exemple, récemment un projet de politique de communication circule. Ce document indique que toutes nos stratégies de communication et toutes nos communications — tout — devraient passer par le Bureau du Conseil privé. Je peux vous dire qu'il n'est pas question que mes communiqués de presse portant sur mon rapport passent par le Bureau du Conseil privé, il n'est pas question que nos stratégies de communication soient approuvées par le Bureau du Conseil privé.

Le lendemain, à la Chambre des communes, on a demandé à M. Van Loan de déposer le projet de politique mentionné par la vérificatrice générale. Le gouvernement a refusé de le faire.

Compte tenu du fait que le gouvernement s'est acquis une réputation bien méritée de contrôle centralisé de l'information, le leader comprendra que les affirmations de M. Van Loan aient été accueillies avec un certain scepticisme. Est-ce que madame le leader veut bien préciser les choses une fois pour toutes en obtenant ce projet de politique et en le déposant au Sénat pour que les Canadiens puissent voir, une fois pour toutes, ce que le gouvernement a en tête?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à cette question la semaine dernière. Ma réponse reste la même : le gouvernement n'a jamais eu l'intention d'exiger d'une façon quelconque des mandataires indépendants du Parlement de lui soumettre leurs communications.

Je ne dispose pas des articles publiés par les médias, mais j'ai lu quelque part qu'après sa comparution devant le comité, la vérificatrice générale a elle-même fait une mise au point à ce sujet.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, ma question au leader du gouvernement au Sénat est très simple. Je répète : madame le ministre est-elle disposée, oui ou non, à obtenir et à déposer un exemplaire du projet de politique sur les communications?

Le sénateur LeBreton : Nous n'avons aucun projet de politique sur les communications à l'intention des mandataires du Parlement, et j'aurais beaucoup de mal à déposer un document qui n'existe pas.

Le sénateur Cowan : La question n'est pas de savoir à qui s'applique cette politique. Nous demandons au leader de la déposer pour que nous puissions juger par nous-mêmes.

M. Van Loan a fait par le passé des affirmations qui n'étaient pas particulièrement complètes et transparentes. Par conséquent, la meilleure façon d'éclaircir la situation est de déposer au Sénat le projet de politique sur les communications. Nous pourrons alors constater par nous-mêmes qui est couvert et qui ne l'est pas.

Le sénateur LeBreton : Le fait est qu'il n'existe pas de projet de politique sur les communications à l'intention des mandataires du Parlement. Comme je viens de le dire, je ne peux pas déposer quelque chose qui n'existe pas.

Je serai heureuse d'examiner ce que mon collègue, M. Van Loan, leader du gouvernement aux Communes, a dit à l'autre endroit. J'aimerais bien savoir à quoi il a fait allusion. Toutefois, il n'y a aucune directive au sujet des mandataires du Parlement.

(1440)

[Français]

L'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec

Le financement de Montréal International

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le ministre québécois du Développement économique, M. Raymond Bachand, a expliqué publiquement sa déception face à une décision prise par le ministre fédéral responsable du développement économique régional, M. Jean-Pierre Blackburn, au sujet de Montréal International. On sait que Montréal International était et est toujours un instrument extrêmement précieux pour le développement économique du Québec dans la mesure où il fait de la prospection afin d'attirer de nouveaux investissements et où, évidemment, il revalorise les mérites économiques de la région de Montréal.

Le gouvernement canadien a décidé, depuis quelques mois, même s'il siège au conseil d'administration de Montréal International, d'annuler sa participation financière à cet organisme. Le ministre a indiqué qu'il avait agi ainsi parce qu'il s'agit d'un organisme sans but lucratif et que le gouvernement avait décidé de n'accorder de subventions qu'à des projets spécifiques et non à des organismes consultatifs. Il reste que, dans le cadre de la bonne collaboration entre le gouvernement canadien et le gouvernement québécois qui s'est instaurée dans de très nombreux domaines et de nombreux dossiers, ce dossier a créé une profonde déception.

Madame le ministre peut-elle nous dire si le gouvernement entend réévaluer son attitude de façon à soutenir l'économie québécoise et, par le fait même, l'économie canadienne?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur de sa question. Le ministre Blackburn a dit que le gouvernement continuera d'appuyer les organisations économiques, mais que nous appuierons les projets particuliers et ne fournirons plus de financement permanent.

Montréal International a reçu 66 millions de dollars de l'Agence de développement économique du Canada au cours des 10 dernières années, et nous nous attendons à ce qu'elle soumette un plan de transition au gouvernement. Dans deux ans, à partir du 31 mars 2010, on espère que Montréal International sera autosuffisante et capable de compter sur l'appui de la communauté. La période de transition durera jusqu'en 2010.

Selon le gouvernement, il est clair que les projets comme celui-ci aident à stimuler le développement économique des organisations, mais il ne fournira pas de financement permanent. Le financement actuel est censé contribuer au lancement initial d'une organisation, jusqu'à ce qu'elle soit capable de fonctionner seule.

[Français]

Le sénateur Rivest : Madame le ministre pourrait-elle, après consultation avec M. Blackburn, déposer au Sénat la liste des autres organismes canadiens de même nature que Montréal International qui ont eu à vivre avec cette décision du gouvernement canadien?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je me ferai un plaisir d'obtenir ces renseignements pour l'honorable sénateur.

Le Cabinet

Le bilan de la gouvernance

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je comptais poser une tout autre série de questions, mais certaines de celles qui ont été posées m'ont amené à poser celle-ci.

Le gouvernement de la ministre a dit qu'il inaugurerait une nouvelle ère de transparence et de responsabilité. C'est ce qu'il a proclamé, mais aujourd'hui, nous apprenons que le gouvernement a aboli le Système de coordination des demandes d'accès à l'information.

Il y a deux semaines, nous avons assisté à tout un spectacle quand les responsables des communications du gouvernement ont emprunté l'escalier de secours de l'hôtel Lord Elgin pour tenter de tenir une conférence de presse dans un autre hôtel avec des membres de la presse choisis d'avance.

Le gouvernement du ministre a aboli la Commission du droit du Canada et le Programme de contestation judiciaire, et il empêche les Canadiens d'être représentés dans cette enceinte comme le prévoit la Constitution.

Il a renvoyé le directeur de la Commission du blé pour avoir fait son travail, qui consistait à exécuter la volonté de la commission, et a renvoyé la présidente de la Commission canadienne de sûreté nucléaire pour avoir fait son travail.

(1445)

Comment le gouvernement peut-il toujours se regarder en face et dire aux Canadiens qu'il a pris une mesure qui sert la responsabilisation, la transparence et la vérité?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le sénateur devrait faire preuve d'un peu plus d'originalité dans ses questions. Ses questions sont semblables à celles que le sénateur Goldstein a posées il y a environ deux mois.

D'abord, ce ne sont ni les ministres ni leurs collaborateurs politiques qui s'occupent des demandes d'accès à l'information. Ce travail est confié à des spécialistes de la fonction publique. Deuxièmement, le nombre de demandes d'accès à l'information a beaucoup augmenté. Il y en avait moins de 25 000 en 2005, et il y en a eu 30 000 en 2007. Enfin, le gouvernement étend le champ d'application de la loi à un plus grand nombre d'institutions. En avril 2007, nous avons assujetti à la loi la Commission canadienne du blé, des mandataires du Parlement, dont le Bureau du vérificateur général, et cinq fondations.

En septembre dernier, sept autres sociétés d'État ont été soumises à la Loi sur l'accès à l'information, dont la Société Radio-Canada et Postes Canada. Sont visées également toutes les filiales qui appartiennent entièrement à des sociétés d'État.

En 2006-2007, le rapport annuel du commissaire à l'information, auquel je me suis reportée tout à l'heure, disait que neuf institutions avaient amélioré leur cote sous notre gouverne, trois d'entre elles passant d'un F à un A.

Le différend de notre parti avec Élections Canada est de notoriété publique. L'affaire a toutefois été renvoyée aux tribunaux, et nous les laisserons rendre une décision.

Le sénateur parle d'autres programmes. Je l'ai dit bien souvent, et je vais encore le répéter : notre gouvernement a remporté les élections. Certains sénateurs ont du mal à l'accepter, mais nous avons remporté les élections pour mettre en place nos programmes, pour appliquer les programmes que nous avons préconisés dans notre plate-forme électorale. Nous n'avons pas été élus en janvier 2006 pour maintenir les vieux programmes stériles des libéraux, quoi que les sénateurs puissent penser de la viabilité de ces programmes.

Le sénateur Banks : Honorables sénateurs, comme le sénateur Fox l'a rappelé, c'est le gouvernement du premier ministre Mulroney qui a mis en place le Système de coordination des demandes d'accès à l'information sous sa forme actuelle. Ce n'était pas un programme stérile, et ce n'était pas un programme libéral.

Le Bureau du Conseil privé

Le projet de politique sur les communications

L'honorable Tommy Banks : Si madame le sénateur vérifie la transcription, elle constatera que personne ne l'a interrogée aujourd'hui sur la Loi sur l'accès à l'information. Les questions ont porté sur le registre.

Je vais revenir à la question du sénateur Cowan. Il n'a pas demandé si madame le sénateur avait déposé un document sur la stratégie des communications pour les mandataires du Parlement. Il a demandé si le leader voudrait déposer un document portant sur la stratégie des communications : sans équivoque et sans modifications. Madame le leader aurait-elle l'obligeance de déposer ce document?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le sénateur Cowan a d'abord parlé de la vérificatrice générale, qui est un des mandataires du Parlement. J'ai répondu à sa question. Elle reposait sur un témoignage que la vérificatrice générale aurait fait devant un comité de l'autre endroit, où il y a eu clairement un malentendu. Ce malentendu aurait fait l'objet d'une mise au point de la part de la vérificatrice générale elle-même. J'avais le droit de répondre à la question sur les mandataires du Parlement, puisque la question m'avait été posée.

Je vais parler du registre. Il s'agit d'un système qui permet un contrôle plus grand — pas moins grand — du droit du public à l'information. Comme je l'ai dit, nous avons étendu le champ d'application de la Loi sur l'accès à l'information. Le registre coûtait cher, il était bureaucratique, et personne ne s'en servait. Si des chercheurs et d'autres personnes veulent présenter au gouvernement une demande d'accès à l'information, mais sans reprendre une question qui a déjà été posée, il est fort simple de demander ce renseignement. On leur dira si cette question a déjà été posée dans une demande d'accès et on leur dira que l'information est disponible.

Je m'empresse d'ajouter qu'un autre sénateur de l'Alberta, le sénateur Mitchell, voulait exempter la Commission du blé des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.

(1450)

L'environnement

Les sables bitumineux de l'Alberta—La mort de canards migrateurs

L'honorable Francis William Mahovlich : Honorables sénateurs, je voudrais soulever aujourd'hui un incident tragique qui est survenu la semaine dernière dans le Nord de l'Alberta. Ce terrible accident a fait la manchette de bon nombre de journaux du pays et même d'ailleurs. À mon avis et de l'avis de bien d'autres, c'est un incident qu'il aurait été possible d'éviter.

[Français]

Je parle des canards qui ont été pris et qui sont décédés après s'être posés sur un bassin de résidus toxiques au nord de Fort McMurray. Environ 500 canards se sont posés sur ce bassin au cours de leur migration annuelle vers le Nord, mais, parmi eux, un seul a survécu.

[Traduction]

Cette tragédie est survenue la semaine dernière dans le bassin de décantation d'Aurora qui appartient à la société Syncrude. Selon ce qu'on peut lire sur son site web, du début du printemps jusqu'à la fin de l'automne, la société a recours à des effaroucheurs acoustiques pour empêcher les oiseaux de se poser sur ses étangs. Toutefois, l'installation de ces appareils aurait été retardée en raison des mauvaises conditions météorologiques.

Je me souviens d'avoir entendu parler des tempêtes de neige qui ont récemment frappé l'Alberta, mais je me souviens aussi qu'il y avait eu des températures assez douces pendant plus d'une semaine au début d'avril. Je suis persuadé que la société aurait pu en profiter pour installer les effaroucheurs à ce moment-là, surtout si elle savait qu'une tempête de neige était prévue.

Malheureusement, il semble que ces 500 canards soient loin d'être les seules victimes de ces bassins de déchets toxiques. Nous avons appris au cours de la fin de semaine dernière que huit oiseaux, dont trois huards, s'étaient posés sur un étang d'eau saumâtre appartenant à un projet de sables bitumineux d'une autre société dans le Nord de l'Alberta.

Les dirigeants autochtones de Fort McMurray ont exhorté le gouvernement fédéral à demander la tenue d'une enquête. Le gouvernement albertain a récemment fait savoir qu'il n'ouvrirait pas une enquête publique sur cette tragédie, mais il a déclaré que la société Syncrude pourrait devoir payer une amende de près de un million de dollars si elle n'avait pas installé d'équipement pour faire fuir les oiseaux.

L'entreprise devrait se voir imposer une sanction s'il est établi qu'elle a fait preuve de négligence à cette occasion, j'en conviens, mais j'espère que l'on fera l'impossible à l'avenir pour que pareil incident ne se reproduise jamais. Cette tragédie est scandaleuse et elle a terni l'image de l'Alberta et du Canada à l'échelle internationale.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Quel rôle le gouvernement fédéral jouera-t-il dans l'enquête sur cet incident et dans la prévention d'autres incidents pareils?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Mahovlich de sa question. Comme il le sait, le hasard a voulu que, quelques jours après ce très malheureux incident, le premier ministre se retrouve en Alberta pour assister à l'ouverture de l'Institut de cardiologie Mazankowski. La situation inquiète évidemment tant le premier ministre que le ministre Baird.

Les autorités compétentes d'Environnement Canada et du Service canadien de la faune sont sur les lieux pour prêter main-forte. Le ministre de l'Environnement a demandé aux autorités compétentes du ministère de l'Environnement d'ouvrir immédiatement une enquête sur cette grave affaire, afin de déterminer notamment si des lois ont été enfreintes. Une enquête est donc en cours.

Je suis évidemment d'accord avec le sénateur Mahovlich pour dire que cette histoire fait beaucoup de tort au Canada, à l'Alberta et à l'industrie pétrolière. Cela dit, les sables bitumineux comptent parmi nos plus grandes richesses, et des dispositions sont prises afin de mettre au point des moyens de traiter les émissions qui comportent moins de dangers pour l'environnement.

(1455)

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à deux questions orales, une posée par l'honorable sénateur Murray, le 7 février 2008, concernant les ressources naturelles — la réserve stratégique de pétrole; et l'autre posée par l'honorable sénateur Goldstein, le 7 février 2008, concernant les ressources naturelles — la réserve stratégique de pétrole.

Les ressources naturelles

La réserve stratégique de pétrole

(Réponse à la question posée le 7 février 2008 par l'honorable sénateur Murray)

Établie à la suite de la Commission royale d'enquête sur l'énergie (Commission Borden), la ligne Borden a été mise en place afin de créer un autre marché pour le pétrole brut de l'Ouest canadien, et non comme une façon d'assurer l'approvisionnement de pétrole brut dans l'Est du Canada. Tous les raffineurs à l'ouest de la vallée de l'Outaouais ont été obligés d'acheter le pétrole brut qui provenait de l'Ouest du Canada. Le Québec et le Canada atlantique comptaient beaucoup sur l'importation du pétrole brut dans les premières phases de la construction. Au début des années 1970, le pipeline de l'Ouest du Canada a été prolongé jusqu'à Montréal à la suite de préoccupations croissantes sur la possibilité d'obtenir du pétrole brut de l'étranger. Les préoccupations moins grandes au sujet de la sécurité du pétrole étranger et une baisse de la production canadienne de pétrole brut classique ont provoqué le renversement de la portion du pipeline Sarnia-Montréal à la fin des années 1990.

(Réponse à la question posée le 7 février 2008 par l'honorable sénateur Goldstein)

Depuis les crises du pétrole des années 1970, il y a eu des discussions et des analyses fréquentes sur la question à savoir si le Canada doit garder des réserves stratégiques de pétrole. La question était soulevée chaque fois en réponse à divers ensembles de circonstances. Dans toutes les situations, une analyse plus poussée permet de conclure que le coût d'une réserve stratégique de pétrole l'emporte sur les avantages pour les Canadiens. Ressources naturelles Canada a entrepris, aussi récemment qu'en mars 2007, une évaluation complète de la nécessité pour le Canada d'une réserve stratégique de pétrole brut et d'une réserve stratégique de mazout de chauffage au Canada atlantique. On a constaté à nouveau que malgré la dépendance de la région sur les importations de pétrole brut, les réserves stratégiques n'étaient pas nécessaires.

Toutes les installations de raffinage qui desservent le Canada atlantique possèdent des systèmes efficaces d'entreposage, de distribution et de lignes d'approvisionnement; elles sont des exportatrices nettes de mazout de chauffage et desservent surtout le marché Nord-est des États-Unis, ce qui permet non seulement un approvisionnement sûr, mais aussi une protection adéquate en cas d'une interruption dans l'approvisionnement. On pourrait facilement réduire les stocks et les distribuer à la plupart des grands centres en temps opportun.

Dans le cas d'une crise internationale qui toucherait l'approvisionnement mondial de pétrole brut, la participation du Canada comme membre de l'Agence internationale de l'énergie offrirait la marge de manœuvre nécessaire pour échanger le pétrole de l'Ouest contre d'autres importations dans l'est du pays. Même si en vertu de cet accord, le Canada n'est pas obligé de garder des réserves stratégiques, il est convenu que s'il y avait pénurie, les pays qui gardent des réserves contribueraient au marché mondial et donneraient ainsi libre accès à des importations qui pourraient être réorientées vers des régions comme l'Est du Canada.

[Traduction]

Projet de loi visant à protéger les phares patrimoniaux

Message des communes—Amendements

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-215, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux, accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté le projet de loi avec les amendements ci-après qu'elle le prie d'approuver :

Le jeudi 1er mai 2008

MODIFICATIONS apportées par la Chambre des communes au projet de loi S-215, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux.

1. Préambule, page 1 : Ajouter après la ligne 16 ce qui suit :

« qu'il s'impose de permettre l'accès aux phares patrimoniaux afin que les gens puissent comprendre leur apport au patrimoine maritime du Canada et l'apprécier à sa juste mesure; »

2. Article 2, page 2 : Remplacer les lignes 15 et 16 par ce qui suit :

« « phare patrimonial » Phare — ainsi que tout bâtiment connexe désigné comme phare »

3. Article 2, page 2 : Remplacer les lignes 18 à 25 par ce qui suit :

« « bâtiment connexe » S'entend, à l'égard d'un phare patrimonial, de tout bâtiment situé sur le même site que le phare qui contribue à son caractère patrimonial. »

4. Article 6, page 3 : Remplacer la ligne 6 par ce qui suit :

« prendre tout bâtiment connexe qui, de l'avis »

5. Article 7, page 3 : Remplacer la ligne 26 par ce qui suit :

« tout bâtiment connexe — doivent être »

6. Article 11, page 4 : Remplacer la ligne 15 par ce qui suit :

« tout bâtiment connexe — devraient être dés- »

7. Article 16, page 5 : Remplacer la ligne 22 par ce qui suit :

« ainsi que tout bâtiment connexe — doit »

ATTESTÉ :

La greffière de la Chambre des communes

(Sur la motion du sénateur Murray, l'étude du message est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Recours au Règlement

L'honorable Terry M. Mercer : Les sénateurs savent depuis longtemps que le sénateur Fortier méprise le Sénat, les membres du caucus libéral et ceux de son propre caucus. Toutefois, je ne crois pas qu'il convienne que les sénateurs tolèrent son mépris et son manque de respect constants envers la présidence du Sénat. Encore aujourd'hui, le sénateur Fortier s'est levé et a quitté la Chambre. J'attire l'attention des sénateurs sur le paragraphe 19(2) du Règlement du Sénat, sous la rubrique « Bienséance dans la salle du Sénat », qui stipule ce qui suit :

lorsqu'ils pénètrent dans la salle du Sénat, qu'ils en sortent ou qu'ils la traversent, les sénateurs s'inclinent devant le fauteuil du Président, symbole de l'autorité du Sénat [...]

J'invite Son Honneur à en parler au sénateur. Peu m'importe qu'il ne m'aime pas et qu'il n'aime pas mes collègues ou les siens, mais son manque de respect constant à l'endroit de Son Honneur m'importe grandement.

Des voix : Bravo!

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, ceci ne constitue pas un recours au Règlement.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vais me pencher sur la question et vous faire part de ma décision sans tarder.


(1500)

[Français]

ORDRE DU JOUR

La Loi du traité des eaux limitrophes internationales

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Murray, C.P., au nom de l'honorable sénateur Carney, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi du traité des eaux limitrophes internationales (captage massif d'eau).—(L'honorable sénateur Nolin)

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, le projet de loi S-217 est un projet de loi fort important malgré sa brièveté parce qu'il s'agit d'amender une loi qui concerne un traité. Étant donné que je n'ai pas terminé ma recherche, je demande que le débat soit ajourné à mon nom pour le temps de parole qu'il me reste.

Son Honneur le Président : Le sénateur Murray a posé une question à propos de la procédure sur ce point au Feuilleton et Feuilleton des Avis, qui en est au quatorzième jour. Le sénateur Nolin a mentionné qu'il voulait terminer sa recherche.

Ce point en sera au quinzième jour demain si le sénateur Nolin reprend le débat pour une certaine période et s'il désire continuer pour le temps qu'il lui reste. Est-ce bien ce que propose le sénateur Nolin?

Le sénateur Nolin : Votre Honneur, je demande que le débat soit ajourné à mon nom pour le temps qu'il me reste.

Son Honneur le Président : Sauf que nous devons commencer le débat. Le sénateur Murray a posé une question à propos de ce point et il y a eu réponse à sa question. Cela signifie que si le sénateur Nolin propose l'ajournement du débat, demain sera le quinzième jour. Par contre, si le sénateur veut commencer le débat et proposer l'ajournement par la suite, c'est une tout autre question.

Le sénateur Nolin : Je vais expliquer aux honorables sénateurs où j'en suis dans ma réflexion. Le projet de loi vise à modifier la Loi du traité des eaux limitrophes internationales. Le texte de loi prévoit déjà l'interdiction de la dérivation ou du captage d'eau dans les bassins hydrographiques au Canada. De plus, le texte prévoit déjà qu'il est interdit de capter en transférant à l'extérieur du bassin les eaux qui s'y trouvent.

Je n'ai toujours pas trouvé réponse à la question de savoir en quoi l'amendement proposé modifierait cette interdiction au point de la dénaturer. Voilà où j'en suis. C'est pour cette raison que je demande l'ajournement du débat à mon nom afin de me permettre de continuer plus tard.

Son Honneur le Président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

Projet de Loi de mise en œuvre de l'Accord de Kelowna

Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) propose que le projet de loi C-292, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de Kelowna, soit lu pour la troisième fois.—(L'honorable sénateur St. Germain, C.P.)

— Honorables sénateurs, comme vous le savez, ce projet de loi a été présenté par le très honorable Paul Martin au cours de la dernière session de 2006. Toutefois, le projet de loi est mort au Feuilleton au cours de son étude au comité sénatorial, lorsque le gouvernement conservateur a prorogé la session en 2007.

Il a été rétabli en octobre 2007 et a été étudié à fond par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Le comité a fait rapport du projet de loi au Sénat sans amendement. Lorsque le comité a fait l'étude du projet de loi, son président, le sénateur St. Germain, a déclaré ce qui suit :

Notre comité a toujours travaillé de façon non partisane pour essayer d'améliorer le sort des Premières nations. Il n'y a aucune raison pour que nous ne puissions pas continuer de cette façon.

Les Canadiens autochtones voient dans le projet de loi C-292 un pas optimiste dans la bonne direction. Nous souhaitons que cette mesure essentielle franchisse l'étape de la troisième lecture le plus rapidement possible.

(Sur la motion du sénateur Comeau, au nom du sénateur St. Germain, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'éducation postsecondaire

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Hubley, attirant l'attention du Sénat sur des questions concernant l'éducation postsecondaire au Canada.—(L'honorable sénateur Tardif)

L'honorable Vivienne Poy : Honorables sénateurs, cette interpellation est inscrite au nom du sénateur Tardif, et le sénateur Cowan prendra la parole après moi aujourd'hui. Par conséquent, je demande que l'interpellation continue d'être inscrite au nom du sénateur Tardif après l'intervention du sénateur Cowan.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Poy : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler de l'interpellation du sénateur Hubley au sujet de l'éducation postsecondaire à l'occasion du dixième anniversaire de la publication du rapport du Comité sénatorial spécial de l'enseignement postsecondaire. Comme le sénateur Hubley l'a souligné, plusieurs des problèmes et des préoccupations que le comité avait signalés il y a dix ans demeurent pertinents aujourd'hui. C'est ce que nous avons appris des étudiants de niveau postsecondaire qui ont visité bon nombre de nos bureaux ces derniers mois.

L'éducation postsecondaire est une priorité, car elle est fondamentalement liée à l'avenir du Canada. J'aimerais parler de trois questions interdépendantes, à savoir l'accessibilité, la capacité d'attirer des étudiants internationaux et le développement de la capacité de recherche.

En mars 2007, le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, le CMEC, un organisme intergouvernemental créé en 1967 par les ministres de l'Éducation de l'ensemble des provinces et des territoires qui traite de dossiers pancanadiens dans le domaine de l'éducation, a écrit au ministre des Ressources humaines et du Développement social, l'honorable Monte Solberg, pour lui signaler que l'éducation postsecondaire se trouve à un point tournant. Dans cette lettre, le conseil a fait valoir que les transferts fédéraux pour l'éducation postsecondaire sont moins élevés aujourd'hui qu'ils ne l'étaient en 1994-1995.

Au cours des dix dernières années, tandis que le financement diminuait, nous avons constaté une hausse constante des inscriptions dans les établissements d'enseignement postsecondaire. Comme le sénateur Hubley l'a souligné, l'éducation postsecondaire est devenue une condition pour accéder au marché du travail. À cause de cela, les établissements d'enseignement sont sollicités au maximum et au-delà de leur capacité, les étudiants s'endettent et les frais de scolarité augmentent de façon exponentielle. Cette situation est intenable.

Je ne dis pas que le tableau est complètement sombre. Depuis la fin des années 1990, on a réinvesti dans l'éducation, comme en témoignent surtout la création de la Fondation canadienne pour l'innovation et le financement accordé aux chaires d'excellence en recherche du XXIe siècle.

(1510)

Ces deux initiatives très réussies ont beaucoup stimulé l'innovation dans nos universités et ont attiré de nombreux chercheurs de haut niveau au Canada.

Qui plus est, la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire a fourni de l'aide financière aux étudiants dans le besoin. La fondation disparaîtra à la fin de la prochaine année, mais je suis heureuse de signaler que le nouveau Programme canadien de subventions aux étudiants annoncé dans le budget de 2008 remplacera cette aide financière.

Or, malgré les nouveaux investissements, le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada est encore parvenu aux mêmes conclusions essentielles dans son rapport de 2007, à savoir que l'éducation coûte plus cher au Canada que dans les 11 pays de l'Europe, à l'exception de l'Italie et du Royaume-Uni. Le rapport révèle également que l'éducation postsecondaire coûte maintenant plus cher, que les parents et les étudiants doivent assumer une part croissante du coût de l'éducation. La plupart des étudiants canadiens vous diront qu'ils sortent de l'école et entrent sur le marché du travail avec une énorme dette sur les épaules.

Bien que le financement fédéral de l'éducation postsecondaire ait augmenté, les montants versés ne sont pas réservés à l'éducation postsecondaire, et il n'y a aucun moyen de s'assurer que les provinces ne s'en servent pas à d'autres fins. Si l'éducation postsecondaire doit constituer une priorité, les transferts fédéraux correspondants doivent y être réservés et le système doit permettre de rendre compte de l'utilisation des fonds.

Les étudiants étrangers sont une autre source de revenu pour les établissements postsecondaires. En fait, ces étudiants peuvent faire beaucoup plus qu'augmenter les recettes des établissements en payant des frais de scolarité supérieurs : ils contribuent aussi à l'établissement de liens à long terme avec d'autres établissements mondiaux et donnent aux étudiants canadiens l'occasion de se familiariser avec d'autres cultures.

Par suite des avantages que comporte l'internationalisation des campus, des efforts sont déployés partout dans le monde pour attirer des étudiants étrangers. Malheureusement, le Canada traîne de l'arrière, sur le plan du nombre de ces étudiants, par rapport aux États-Unis, au Royaume-Uni, à l'Australie, à la France et à l'Allemagne.

Il y a dix ans, le rapport du Comité sénatorial spécial de l'éducation postsecondaire recommandait que le Canada établisse une stratégie nationale pour attirer des étudiants étrangers. Cela n'a malheureusement pas été fait. L'Australie, qui a fait un effort particulier à cet égard au cours de la dernière décennie, accueille aujourd'hui relativement plus d'étudiants étrangers que les États- Unis. Nous accusons du retard dans ce domaine, et c'est une grande perte pour nos étudiants, nos établissements et notre économie, qui ne peuvent que profiter de la venue chez nous d'éléments qui comptent parmi les plus brillants au monde.

Enfin, il est probable que la raison la plus importante pour laquelle nous devrions accorder plus d'attention à l'éducation postsecondaire est que les pays les plus entreprenants du monde ont cessé de dépendre de leurs ressources naturelles pour mettre l'accent sur l'innovation et bâtir des économies du savoir. Le Canada a pris beaucoup de retard sur ce plan. Je trouve particulièrement troublant que, dans son livre, Why Mexicans Don't Drink Molson, Andrea Mandel-Campbell qualifie les Canadiens de « Mexicains à chandail ».

Honorables sénateurs, nos collèges et universités sont des centres de recherche qui renforcent notre avantage concurrentiel. Ils forment notre population active et sont des terreaux fertiles pour l'innovation.

Considérons le cas de Jim Balsillie, président du conseil d'administration et cochef de la direction de Research In Motion, qui est diplômé en commerce de l'Université de Toronto. Il a inventé le BlackBerry, dont beaucoup d'entre nous ne peuvent plus se passer. Sa vision a changé notre façon de travailler et de mener notre vie quotidienne. Soit dit en passant, Mike Lazaridis, président et cochef de la direction de Research In Motion, illustre la nécessité d'attirer chez nous les éléments les plus brillants du monde. Il était venu au Canada de Turquie pour étudier à l'Université de Waterloo. Il va sans dire qu'il a beaucoup donné à son pays d'adoption et au monde. Ensemble, Balsillie et Lazaridis ont bâti l'une des sociétés canadiennes internationales les plus prospères.

À un moment où nous avons le plus besoin d'innovation pour affronter les problèmes mondiaux, l'enseignement supérieur constitue pour le Canada l'une des plus importantes clés de l'avenir. Honorables sénateurs, je n'ai pas l'impression que nos universités se soient suffisamment engagées à soutenir la recherche à long terme. Nous avons besoin d'une stratégie pour favoriser l'innovation. Voilà pourquoi j'appuie l'appel lancé par le Conseil canadien sur l'apprentissage en vue de l'élaboration d'un cadre national permettant de fixer des objectifs et de mesurer les progrès réalisés.

Un récent rapport du Conference Board classe le Canada 14e parmi les 17 pays de l'OCDE en matière d'innovation. Au chapitre des investissements dans la recherche-développement, nous nous classons au 12e rang parmi les mêmes pays. En fait, nos taux d'investissement dans la recherche-développement ont diminué entre 2001 et 2005.

Honorables sénateurs, l'éducation postsecondaire est le moyen dont le Canada peut se servir pour transformer notre société et affronter les défis de l'avenir. Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à dépendre de nos ressources naturelles certes abondantes, mais non renouvelables. Nous vivons dans un monde compétitif où l'économie du savoir constitue notre avenir.

Sir Wilfrid Laurier a dit en 1902 :

Non, ce n'est plus le moment de débattre, c'est le temps d'agir. La marée haute pouvant nous conduire à la fortune est là. Si nous la laissons passer, elle pourrait ne jamais plus revenir...

L'honorable James S. Cowan : Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Hubley d'avoir pris l'initiative de cette interpellation sur la situation de l'éducation postsecondaire au Canada. Je félicite également tous ceux qui sont intervenus dans le débat. L'éducation postsecondaire est un sujet qui m'a toujours intéressé. Je veux donc prendre quelques minutes cet après-midi pour contribuer à la discussion.

Le Canada a un système d'éducation de calibre mondial composé d'universités, de collèges communautaires et d'établissements polytechniques. Nous devrions avoir pour objectif national d'assurer à tous les étudiants compétents l'accès à ce système, indépendamment de leur situation financière. La protection de la qualité du système constitue un objectif complémentaire également important. Le financement de l'enseignement supérieur au Canada, comme dans tout autre pays, est une entreprise conjointe faisant intervenir les établissements postsecondaires, les gouvernements, des donateurs privés, les étudiants et, dans bien des cas, leur famille, comme l'a mentionné le sénateur Poy.

Chacun de ces partenaires a un rôle important à jouer pour assurer l'accessibilité et la viabilité du système. Il est essentiel d'assurer un niveau de financement adéquat ainsi que l'équilibre entre ces partenaires afin d'atteindre ce double objectif d'accessibilité et de viabilité. Les établissements font leur part en offrant des bourses, des prix et des emplois aux étudiants. Les gouvernements appuient les établissements grâce à des subventions directes aux frais d'exploitation et à la recherche ainsi qu'à différentes mesures fiscales telles que les régimes enregistrés d'épargne-études.

Le secteur privé constitue de plus en plus une importante source de soutien financier. La plupart des universités et collèges s'efforcent d'obtenir un tel appui philanthropique et y réussissent, tandis que les étudiants contribuent évidemment en versant des frais de scolarité.

La philanthropie a toujours joué un grand rôle dans le financement du système d'éducation au Canada. Aujourd'hui, elle devient de plus en plus importante pour nos universités et collèges. Comme l'a récemment noté un éminent bureau canadien de consultants, Ketchum Canada Inc., deux facteurs importants caractérisent l'environnement de la collecte de fonds chez nous :

D'une part, la concurrence s'est sensiblement intensifiée. De l'autre, l'intérêt pour la philanthropie et la conscience de ses effets sur les organismes sans but lucratif continuent de croître.

(1520)

Selon les plus récentes statistiques de l'Agence du revenu du Canada, il y aurait presque 83 000 organismes de bienfaisance enregistrés au Canada, ainsi que 80 000 organismes à but non lucratif qui n'ont pas le statut d'organisme de bienfaisance enregistré.

Au printemps de 2007, Ketchum a estimé que plus de 160 activités de financement importantes étaient en cours au Canada. Leurs objectifs financiers combinés atteignaient presque 10 milliards de dollars. La bonne nouvelle, c'est qu'au Canada les dons caritatifs ont augmenté de plus de 13 p. 100 en 2004-2005, pour s'établir à environ 10,7 milliards de dollars. Les dons des particuliers comptent pour 75 p. 100 des sommes recueillies par les organismes de bienfaisance au Canada.

Ces tendances sont encourageantes, mais elles ne représentent qu'une pièce de l'immense puzzle financier de notre système d'éducation postsecondaire. Malgré la contribution substantielle des gouvernements et des bienfaiteurs, les études supérieures coûtent encore trop cher pour un grand nombre de jeunes Canadiens.

Le sénateur Goldstein a attiré notre attention sur le niveau stupéfiant de l'endettement étudiant, résultat inévitable du coût toujours croissant des études postsecondaires au Canada. Comme il l'a fait observer dans son exposé du 23 octobre 2007 sur le projet de loi S-205 :

[...] le coût de l'éducation postsecondaire au Canada a grimpé en flèche depuis 20 ans. Le coût moyen des frais de scolarité au baccalauréat a bondi de plus de 100 p. 100, passant de 1 800 $ en 1989-1990 à plus de 4 000 $ en 2003-2004. Un bond semblable a été constaté au niveau collégial, les frais de scolarité moyens dans les autres provinces que le Québec ayant plus que doublé pour passer de 1 000 $ à plus de 2 000 $ durant cette période. Mais ce sont les écoles professionnelles qui ont affiché les hausses les plus spectaculaires des frais de scolarité, les frais dans les écoles de médecine en Ontario, par exemple, ayant quintuplé, pour passer de moins de 3 000 $ en 1989-1990 à environ 15 000 $ en 2003-2004. Pour de nombreuses familles, la plupart en fait, ces frais sont prohibitifs, et les étudiants doivent emprunter s'ils souhaitent aller au collège ou à l'université.

Comme il fallait s'y attendre, la hausse des frais de scolarité s'est traduite par une augmentation de la dette étudiante. Les étudiants sont plus nombreux à emprunter pour financer leurs études postsecondaires. De 1990 à 2006, le pourcentage de Canadiens ayant des dettes à l'obtention de leur baccalauréat est passé de 45 à 59 p. 100, et la dette moyenne des étudiants de premier cycle ayant emprunté a plus que doublé, passant de 11 600 $ à 24 000 $. En 2003-2004, les prêts d'études du gouvernement étaient la deuxième source de financement en importance pour les étudiants du postsecondaire, et ils permettraient de couvrir environ 19 p. 100 des coûts des études. En 2005-2006, le Programme canadien de prêts aux étudiants a prêté environ 1,9 milliard de dollars à 350 000 étudiants du postsecondaire. L'encours des prêts se chiffrait à 8,2 milliards de dollars, dus par 990 000 étudiants encore aux études ou ayant cessé d'étudier.

Bien qu'on puisse s'inquiéter de l'augmentation des frais de scolarité et de l'endettement des étudiants, il faut admettre que ces frais ne paient qu'une partie de ce que coûtent les programmes d'études offerts aux étudiants. À titre d'exemple, disons qu'en moyenne, à mon université, l'Université Dalhousie, les recettes provenant des frais de scolarité payés par les étudiants à temps plein constituent seulement 40,3 p. 100 des coûts directs et indirects des programmes d'études. La proportion va de 18,6 p. 100 en médecine dentaire à 72,3 p. 100 en arts et en sciences sociales.

Alors que les frais de scolarité à l'Université Dalhousie et dans la plupart des universités de la Nouvelle-Écosse sont parmi les plus élevés au Canada pour la plupart des programmes, les subventions accordées par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse sont parmi les plus basses au Canada lorsqu'on fait le calcul par étudiant. S'il en est ainsi, c'est que seulement 48 p. 100 des étudiants de l'Université Dalhousie viennent de la Nouvelle-Écosse. Le reste des étudiants, soit 52 p. 100, viennent d'ailleurs au Canada ou de l'étranger.

En Nouvelle-Écosse comme dans la plupart des provinces, on exerce de fortes pressions sur le gouvernement pour qu'il réduise les frais de scolarité, ou du moins pour qu'il les gèle. Or, si la hausse des subventions accordées par le gouvernement ne fait que compenser la réduction des frais de scolarité, l'université ne dispose pas d'une plus grande somme d'argent en fin de compte. Si les recettes provenant des frais de scolarité sont gelées ou réduites, les autorités provinciales dont relèvent les universités doivent prendre entièrement à leur charge l'augmentation des dépenses de fonctionnement.

La plupart des universités canadiennes étaient essentiellement des établissements privés jusqu'au milieu du XXe siècle. Elles dépendaient des frais de scolarité et des œuvres philanthropiques. C'est alors que les gouvernements du pays se sont mis à jouer un rôle plus actif dans le financement de l'enseignement postsecondaire.

Dans ma province, la Nouvelle-Écosse, en 1990-1991, 73 p. 100 des revenus de fonctionnement des universités de la Nouvelle-Écosse provenaient du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. En 2004-2005, ce pourcentage avait fléchi à 40,7 p. 100.

Les universités canadiennes sont étouffées par les pressions financières. D'une part, comme je l'ai dit, elles subissent de plus en plus de pression, de la part des étudiants aussi bien que des gouvernements, pour qu'elles limitent les coûts et réduisent les frais de scolarité, et c'est compréhensible. D'autre part, elles font tous les efforts possibles pour être en mesure de continuer à attirer et à retenir un personnel enseignant et un personnel de soutien de première qualité. Et tout cela se passe à un moment où il leur faut croître tout en maintenant la qualité de leurs infrastructures physiques, non seulement en construisant de nouveaux immeubles mais aussi en assurant l'entretien des édifices existants.

En 2000, selon l'Association canadienne du personnel administratif universitaire, l'ensemble des universités du Canada affichait en frais d'entretien différé la somme énorme de 3,6 milliards de dollars. On peut supposer que cette somme est encore plus importante aujourd'hui. Pour la seule Université Dalhousie, selon les estimations les plus récentes, le fardeau de l'entretien différé totalise 235 millions de dollars.

Selon les pratiques optimales, on pourrait envisager comme dépenses annuelles pour l'entretien des installations 2 p. 100 des immobilisations corporelles de l'établissement. Or, la plupart des universités canadiennes, y compris l'Université Dalhousie, dépensent moins de 1 p. 100 pour cet entretien. Par conséquent, elles perdent du terrain à chaque année qui passe. Le problème s'aggrave au lieu de se résorber. Notre collègue, le sénateur Moore, a attiré l'attention du Sénat à plus d'une occasion sur cette question urgente de l'entretien différé.

En dépit de toutes ces pressions, les universités canadiennes font tout ce qu'elles peuvent pour venir en aide à leurs étudiants. En 2004-2005, les universités canadiennes ont dépensé 4,3 p. 100 de leurs revenus totaux en bourses d'études et en prix. L'Université Dalhousie a dépensé 8,6 p. 100 de ses revenus totaux, soit 43 p. 100 du total de son revenu provenant des frais de scolarité, en bourses d'études, en prix et en dépenses pour l'emploi d'étudiants. À Dalhousie, en 2005-2006, 28,4 p. 100 des étudiants ont reçu une forme quelconque d'aide financière, des bourses d'études ou des occasions d'emploi, par exemple.

Comme nous l'a signalé le sénateur Poy, de nombreuses universités canadiennes contribuent à la société par leurs activités de recherche de catégorie mondiale. Les projets de recherche bénéficient de l'appui généreux des gouvernements provinciaux et fédéral, de leurs organismes de financement et du secteur privé. Cependant, même les activités de recherche ont un coût pour les universités. On estime à 40 p. 100 environ les coûts indirects de la recherche. Le gouvernement fédéral, qui est de loin la plus importante source de financement de la recherche au Canada, finance de tels coûts indirects à un taux de 25 p. 100 seulement. Dans le budget le plus récent, on proposait une légère augmentation de ce taux.

Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention, cet après-midi, de proposer des solutions aux problèmes auxquels doivent faire face les établissements d'enseignement postsecondaire canadiens et ceux qui les appuient, les fréquentent ou souhaitent les fréquenter. Mon objectif est de célébrer le trésor national que constitue notre système d'universités, de collèges communautaires et d'écoles polytechniques et d'attirer l'attention sur la double difficulté qui consiste à garantir et à rehausser la qualité du système tout en veillant à ce que tous les étudiants admissibles, peu importe leur situation financière, y aient accès.

(1530)

Honorables sénateurs, une main-d'œuvre hautement compétente et scolarisée est essentielle à la croissance et à la prospérité économiques futures de notre pays. Il ne peut exister plus grande priorité que l'éducation de nos jeunes. Notre collègue, le sénateur Goldstein, l'a très bien exprimé dans le discours dont j'ai parlé tout à l'heure. Il a dit :

La compétitivité du Canada dans une économie planétaire dépend dans une large mesure du savoir et des compétences de ses citoyens, vu surtout l'importance grandissante des technologies de pointe. Une main-d'œuvre très bien formée est également nécessaire pour accroître la productivité du Canada, stimuler l'innovation et attirer les investissements étrangers. Une éducation facile d'accès et de haute qualité est essentielle pour que le Canada possède la main-d'œuvre qualifiée et novatrice dont il a besoin pour rester économiquement concurrentiel et socialement progressiste au XXIe siècle. Une main-d'œuvre instruite profite à l'économie canadienne et à l'ensemble de la société canadienne.

Honorables sénateurs, pourquoi le Canada n'aspirerait-il pas à être un pays qui veille à ce qu'une éducation postsecondaire offerte par des établissements d'enseignement adéquatement financés soit accessible et abordable pour tous les étudiants admissibles sans égard à leur situation financière?

L'honorable Michael A. Meighen : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Bien sûr.

Le sénateur Meighen : Avant tout, je félicite le sénateur pour son excellent discours. Il y a vraiment là matière à réflexion. Dommage que le sénateur n'ait pas proposé de solutions, car je crois que nous sommes nombreux à les chercher.

Je voudrais savoir si le sénateur a entendu les mêmes choses que moi et connaître son opinion à ce sujet. On m'a dit que, en Nouvelle- Écosse, les frais de scolarité sont les plus élevés au Canada. Le plus important, toutefois, c'est que, malgré ce fait, le taux de fréquentation des universités en Nouvelle-Écosse est le plus élevé au Canada. À l'inverse, dans ma province natale, le Québec, les frais de scolarité sont les plus faibles du pays et le taux de fréquentation des universités est aussi le plus bas.

Le sénateur Cowan peut-il expliquer cette apparente contradiction?

Le sénateur Cowan : Je remercie le sénateur de sa question. J'ai eu la même discussion avec des étudiants de l'Université Dalhousie, qui se plaignent régulièrement au conseil des effets de la hausse des frais de scolarité. J'ai entendu exactement la même chose que le sénateur : les frais de scolarité sont les plus faibles au Québec, tandis que, en Nouvelle-Écosse, ils sont les plus élevés ou parmi les plus élevés. Pourtant, de plus en plus d'étudiants continuent de demander leur admission aux universités néo-écossaises, et la participation est au moins aussi élevée en Nouvelle-Écosse qu'elle ne l'est ailleurs. Les frais de scolarité élevés ne semblent pas décourager la fréquentation, et de faibles frais de scolarité ne garantissent pas qu'un plus fort pourcentage des jeunes iront à l'université. En tout cas, c'est ce que je comprends.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Cowan demande-t-il plus de temps?

Le sénateur Cowan : Je serais heureux de poursuivre l'échange, si le sénateur Meighen le souhaite.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Encore cinq minutes.

Le sénateur Meighen : Un fait m'étonne toujours, étant donné ce que le sénateur vient de dire. Aux États-Unis, surtout dans les universités privées, il est vrai, les frais sont astronomiques, selon nos normes. Il est vrai que les fondations le sont aussi. Par conséquent, la plupart des étudiants, qui ont les capacités intellectuelles voulues pour fréquenter l'université, mais n'ont pas les moyens financiers nécessaires, ne sont pas dissuadés ni empêchés d'y aller.

Où pourrait se trouver la solution? Le sénateur Cowan a-t-il une idée? Faut-il conserver au Canada des frais de scolarité extrêmement bas, peut-être même extraordinairement bas? Faut-il accroître l'aide offerte aux étudiants qui ont les capacités intellectuelles mais non les moyens financiers de fréquenter l'université?

Le sénateur Cowan : Je serais porté à opter pour la seconde solution. Selon moi, un blocage artificiel des frais de scolarité ou la réduction de ces frais ne suffiraient pas à résoudre le problème. La façon de régler, au moins en partie, le problème de l'accessibilité est de fournir plus d'argent, afin que les frais de scolarité puissent augmenter, et de réserver une plus grande part de cet argent pour aider les étudiants qui en ont besoin.

Beaucoup d'étudiants ont la chance de pouvoir fréquenter l'université grâce à leurs propres ressources ou à celles de leur famille, quels que soient les frais de scolarité. Selon moi, il n'est pas sensé de réduire artificiellement les frais de scolarité. Je voudrais donc qu'on laisse les frais de scolarité fluctuer à la hausse et qu'on utilise l'argent pour aider les étudiants qui, autrement, ne pourraient pas aller à l'université.

L'honorable Serge Joyal : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Bien sûr.

Le sénateur Joyal : J'ai été entraîné dans ce débat à cause des observations de notre collègue, le sénateur Meighen, sur la fréquentation des universités au Québec.

Les sénateurs ne savent-ils pas que, même si les statistiques montrent que le taux de fréquentation des universités est plutôt faible au Québec, par rapport à la moyenne canadienne, c'est au Québec qu'il y a le plus de doctorats? Ce qui nous manque en quantité est donc compensé par la qualité.

Je dis cela avec la plus grande déférence pour le sénateur Meighen. Je sais qu'il a consacré beaucoup d'efforts et d'énergie à soutenir les milieux universitaires au Canada. Ses efforts m'inspirent un profond respect et une grande admiration.

Toutefois, honorables sénateurs, pour comprendre la question de la fréquentation des universités, il ne faut pas se limiter au domaine universitaire. Il faut aussi s'interroger sur les études secondaires. Au Québec, comme le sénateur Nolin le sait fort bien, le problème réside surtout dans le taux de décrochage au niveau secondaire. Les chiffres sont renversants. Dans certaines régions de la province, il dépasse les 45 p. 100, ce qui est près de la moitié. Dans la région de Montréal, je crois qu'il est de 40 p. 100 tandis que, dans les Cantons- de-l'Est, région que le sénateur connaît bien, il atteint 47 p. 100.

Si on veut comprendre les difficultés des milieux universitaires, il faut s'interroger sur l'état global du système d'éducation de la province. Cela permet de tirer une conclusion équitable sur le rendement de l'université.

Le sénateur Cowan : Je suis absolument d'accord. Ce sont des observations utiles.

J'ai autre chose à ajouter. J'ai été heureux d'entendre le sénateur Callbeck proposer l'autre jour un renvoi au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui serait chargé d'étudier, dix ans après le rapport Bonnell, l'état de l'éducation postsecondaire. Je serais certainement pour que cette étude devienne un moyen d'étudier les points que les sénateurs Joyal et Meighen nous ont signalés cet après-midi.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

(1540)

L'étude de la stratégie des sciences et de la technologie du gouvernement

Rapport intérimaire du Comité des affaires sociales, des sciences de la technologie—Ajournement du débat

Permission ayant été accordée de revenir à la rubrique Autre affaires, Rapports de comités, article 5 :

Le Sénat passe à l'étude du seizième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Réaliser le potentiel des sciences et de la technologie au profit du Canada.—(L'honorable sénateur Eggleton, C.P.)

L'honorable Art Eggleton propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je voudrais parler du seizième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Comme les sénateurs le savent, notre comité a pour mandat d'examiner les questions relatives aux sciences et à la technologie, ce qui comprend la nouvelle stratégie des sciences et de la technologie du gouvernement fédéral. Dans une économie de plus en plus axée sur le savoir, il est plus important que jamais que le Canada maintienne sa compétitivité grâce à un fort engagement envers les sciences, la recherche et le développement. En fin de compte, c'est notre capacité de faire de la recherche et d'innover qui déterminera la mesure dans laquelle le Canada gardera sa réputation de chef de file mondial en sciences et technologie.

Les témoins qui ont comparu devant le comité comprenaient le ministre de l'Industrie ainsi que des représentants du secteur privé, de l'enseignement supérieur et du gouvernement. Tous ont parlé en termes positifs de la nouvelle stratégie des sciences et de la technologie. Le comité a eu une impression favorable. J'ai donc été surpris aujourd'hui par les observations du sénateur LeBreton sur la publication de ce document. Je crois que le rapport dit essentiellement ceci : « C'est très bien, vous avez une stratégie des sciences et de la technologie. Nous avons aimé ce que vous aviez à dire, mais nous voudrions formuler quelques suggestions sur la base des témoignages que nous avons entendus afin de vous aider à renforcer votre politique. »

Honorables sénateurs, je tiens à donner au leader du gouvernement au Sénat l'assurance que nous approuvons le travail du gouvernement dans ce domaine et que nous avons quelques suggestions complémentaires à faire.

Je voudrais passer brièvement en revue les 12 recommandations du rapport afin d'illustrer mon propos. La recommandation 1 signale que le gouvernement a retenu quatre priorités en matière de recherche : l'environnement, les ressources naturelles et l'énergie, la santé et les sciences de la vie connexes et les technologies de l'information et des communications. C'est très bien. Il est bon de définir des priorités. Toutefois, nous estimons qu'il ne faut pas limiter le financement supplémentaire des sciences et de la technologie à ces quatre catégories. La recherche fondamentale et d'autres formes de recherche sont très importantes dans notre pays. Par exemple, Canadarm 2 et Dextre, utilisés dans la Station spatiale internationale, sont le résultat de travaux remarquables de recherche-développement en robotique. La recherche en chimie faite par notre prix Nobel, John Polanyi, est un autre exemple. Or, aucun de ces deux exemples n'aurait été admissible si le financement avait été limité aux quatre domaines mentionnés. La recherche fondamentale permet ce genre de réalisations dans notre pays. Nous ne devons donc pas la perdre de vue. Nous disons simplement qu'il est bon d'avoir des priorités, mais qu'il ne faut pas oublier les autres formes de recherche.

La recommandation 2 traite du capital de risque. De nombreux témoins nous ont dit que c'est un grand problème au Canada. Nos scientifiques font des découvertes et créent un produit, mais sont incapables de le commercialiser et d'obtenir le capital de risque nécessaire. Ils doivent souvent aller aux États-Unis pour y accéder, ce qui, dans bien des cas, fait perdre au Canada le fruit de ses recherches. Nous attirons donc l'attention sur la nécessité de faire des efforts dans ce domaine.

La recommandation 3 porte sur le crédit d'impôt à la recherche scientifique et au développement expérimental, qui constitue actuellement le plus important programme gouvernemental d'aide à la recherche-développement. Toutefois, lorsque ce programme a été établi en 1985, il était assorti d'une limite de 2 millions de dollars pour les dépenses admissibles. De 1985 à ce jour, il y a eu d'énormes changements dus à l'inflation. L'industrie, et notamment BIOTECanada, groupe représentant un certain nombre d'intervenants du secteur scientifique, a demandé que le plafond des dépenses admissibles soit porté à 10 millions de dollars. Ce chiffre correspond au genre de dépenses qu'il faut faire aujourd'hui pour mener des travaux de recherche-développement au Canada.

Dans la recommandation 4, nous proposons que la limitation du crédit de 35 p. 100 aux sociétés privées sous contrôle canadien soit éliminée, tant que les sociétés étrangères font de la recherche au Canada. Nous croyons que c'est un ajout utile à la stratégie du gouvernement, car si une société en quête de capital de risque finit par aller le chercher aux États-Unis et cesse d'être contrôlée au Canada, elle n'est plus admissible. L'accès au crédit d'impôt lui est interdit, même si la recherche est faite dans le pays. L'essentiel, c'est que la recherche soit faite au Canada. Tant que les travaux se font au Canada, la société devrait être admissible. Les entreprises ne devraient pas être exclues parce qu'elles vont chercher des fonds à l'étranger et peuvent ainsi perdre leur statut de sociétés canadiennes. L'objet de cette recommandation est d'assurer le maintien au Canada des activités de recherche.

La recommandation 5 vise à clarifier et normaliser les régimes de protection de la propriété intellectuelle. Aux États-Unis, la Bayh- Dole Act a permis de le faire. Nous avons peut-être besoin de quelque chose de semblable. Encore une fois, nous disons simplement qu'il faut examiner cette question.

La recommandation 6 traite des coûts indirects de la recherche, comme les frais d'exploitation et d'entretien des laboratoires, le renforcement des normes de sécurité et la gestion de la propriété intellectuelle. Les coûts indirects sont actuellement admissibles jusqu'à concurrence de 25 p. 100. L'industrie, les universités et d'autres estiment que ce niveau est insuffisant. Aux États-Unis, il est d'environ 50 p. 100. Nous recommandons donc de le porter à 40 p. 100 afin d'aider nos chercheurs à devenir plus compétitifs.

Les recommandations 7 et 8 traitent de l'« avantage humain » mentionné dans la stratégie, dans le but d'encourager les étudiants canadiens à choisir une formation scientifique et d'aider les étudiants étrangers qui peuvent avoir des difficultés au chapitre de la reconnaissance de leurs titres de compétences. Nous avons déjà entendu parler de ce problème dans beaucoup d'autres domaines et croyons qu'il exige un peu plus d'attention pour que nos diplômés puissent faire des travaux de recherche-développement à l'avenir.

Dans la recommandation 9, nous proposons que le gouvernement du Canada veille à ce que les produits des activités de recherche et de développement qu'il subventionne, y compris la propriété intellectuelle, soient utilisés de manière à procurer un avantage durable aux Canadiens. Cette mesure de sauvegarde resterait en place même si une société subventionnée passait entre des mains étrangères. Cela est directement lié à la recommandation 10.

Dans la recommandation 10, nous demandons que le ministre de l'Industrie exerce le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi sur Investissement Canada pour bloquer la vente de la société MacDonald, Dettwiler and Associates Limited à Alliant Techsystems, afin que le satellite RADARSAT-2 demeure la propriété de Canadiens. Nous avons formulé cette recommandation avant que le ministre ne se prononce sur cette affaire. Depuis, il a annoncé qu'il avait l'intention de bloquer cette vente, ce dont nous le félicitons. Nous avons maintenu la recommandation dans le rapport parce qu'il y a encore une décision finale à prendre à cet égard. Nous espérons que cette décision confirmera ce que le ministre a déjà dit.

La recommandation 9 traite du principe général, tandis que la recommandation 10 porte plus particulièrement sur les investissements fédéraux dans RADARSAT-2.

Dans la recommandation 11, nous demandons au gouvernement du Canada de reconnaître que les sciences sociales font partie intégrante des découvertes scientifiques et d'augmenter le financement de la recherche dans ce domaine. Malheureusement, les sciences sociales semblent avoir été oubliées. Elles font pourtant partie intégrante de chacun des quatre domaines définis dans la stratégie, sans y être mentionnées d'une façon particulière. Nous croyons qu'elles devraient être incluses dans la stratégie.

Nous arrivons enfin à la recommandation 12. Un certain nombre de mes collègues se sont inquiétés de la faible représentation du Canada atlantique dans la répartition des réseaux de centres d'excellence. Nous demandons au gouvernement d'envisager d'accorder plus d'importance à la région de l'Atlantique.

(1550)

Honorables sénateurs, lorsque M. Prentice est venu témoigner devant le comité, il a été clair : « Les pays qui investissent de façon dynamique dans les innovations ont un niveau et une qualité de vie élevés. La stratégie du gouvernement visant à réaliser le potentiel des sciences et de la technologie fait partie intégrante de notre avenir en tant que nation. » Cette nouvelle stratégie en sciences et technologie devrait contribuer considérablement à la société canadienne dans son ensemble et sa mise en œuvre devrait être considérée comme une priorité.

Avec ce rapport, notre comité espère montrer comment cette stratégie peut être la plus efficace et avoir les plus grandes répercussions sur la communauté scientifique et sur la position de notre pays dans l'économie mondiale du savoir.

Honorables sénateurs, ce rapport est présenté comme le seizième de notre comité.

(Sur la motion du sénateur Keon, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion visant à exhorter le gouvernement à reconnaître le service des bombardiers dans la libération de l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Meighen, appuyée par l'honorable sénateur Johnson,

Que le Sénat exhorte le gouvernement du Canada à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin au long retard injustifié à reconnaître le dévouement et le sacrifice des Canadiens du commandement de bombardiers dans la libération de l'Europe pendant la Deuxième Guerre mondiale.—(L'honorable sénateur Stratton)

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer la motion de notre collègue, le sénateur Meighen, que vous avez sous les yeux et qui demande que le gouvernement du Canada prenne les mesures nécessaires pour mettre fin au long retard injustifié à reconnaître le dévouement et le sacrifice des Canadiens du commandement des bombardiers dans la libération de l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le sénateur Meighen a présenté des chiffres au cours de son intervention au Sénat : 18 000 Canadiens ont fait partie du commandement des bombardiers et près de 10 000 d'entre eux ont perdu la vie, dont 91 femmes du Corps auxiliaire féminin d'aéronautique.

C'est la nature même de la guerre qui fait que des gens normaux, travailleurs et honnêtes soient appelés à faire des choses extraordinaires qui, en temps de paix, ne semblent pas normales. Les aviateurs canadiens qui ont servi dans le commandement de bombardiers ont essuyé des pertes sans commune mesure avec celles des autres armes. C'étaient des gens normaux, travailleurs et honnêtes qui ont accompli des choses extraordinaires.

Dans les Cabinet War Rooms, au sous-sol de Whitehall, un petit tableau montre l'augmentation du nombre de morts et du poids des bombes, à Londres, lorsque les nazis ont commencé à utiliser les « buzzbombs », des bombes propulsées par des fusées qui atterrissaient dans des quartiers civils de Londres. Ces armes manquaient notoirement de précision, et il n'y avait pas le délai d'alerte qui précédait les bombardements de la Luftwaffe. Ces armes étaient particulièrement meurtrières, et elles ont fait des milliers de victimes.

Nous vivons maintenant à une époque où chaque incident tragique, chaque mort qui frappe les militaires canadiens est l'occasion d'une réflexion. Il y a une période de deuil et de réflexion, ce qui est normal. Il est difficile d'imaginer une autre époque où soldats et civils dans les deux camps mouraient par centaines et par milliers. Dans une bataille, un jour donné, sur une plage de débarquement, comme celle de Dieppe, plus de Canadiens ont péri pour la cause de la liberté que tous ceux que nous avons perdus en six ans en Afghanistan. Telle était cette époque : des centaines de personnes mourraient à cause des raids lancés par la Luftwaffe sur les civils de Londres.

Je préfère nettement notre époque et j'estime que ma génération a de la chance de vivre aujourd'hui plutôt qu'en 1914-1918 ou 1939- 1945, mais je sais bien à qui nous devons d'être ici. C'est grâce aux aviateurs et navigateurs du Commonwealth, aux équipages, aux équipes d'entretien et, oui, aux bombardiers du commandement des bombardiers, y compris les Canadiens qui y ont servi, et grâce à leur détermination à ne pas se défiler devant une tâche difficile, mais essentielle. Sir Winston Churchill a écrit à sir Arthur Travers « Bomber » Harris pour le remercier du travail remarquable accompli par ses équipes et des risques qu'elles ont courus pour le roi et le pays. J'ai demandé que cette lettre soit affichée bien en évidence, près de l'exposition sur les activités du commandement des bombardiers.

Les choses se seraient mieux passées si les dirigeants allemands de l'époque n'avaient pas été les adeptes d'un culte fanatique, raciste et national-socialiste, incapables de rechercher une paix honorable lorsqu'il était clair que ce qui les attendait était au mieux une impasse, mais très probablement la défaite. Un autre gouvernement plus fidèle à l'histoire allemande, placée sous le signe de la civilité et de l'équilibre, aurait peut-être été porté à agir autrement, mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Mener la guerre en territoire allemand était la seule manière de mettre un terme à la guerre. Par l'un de ces paradoxes insensés de la guerre, mener la bataille jusqu'en territoire allemand était le seul moyen d'instaurer la paix et d'épargner des vies.

Je tiens à prendre un instant pour féliciter le sénateur Day et ses collègues du Sous-comité des anciens combattants du travail qu'ils ont accompli. Ils ont réussi à trouver une solution rationnelle et équilibrée au sujet de l'exposition du commandement des bombardiers sans porter atteinte à l'indépendance du conservateur, essentielle à la réputation et à l'intégrité de tout musée, ni renoncer à notre obligation à l'égard des équipages, des aviateurs et des préposés à l'entretien qui ont servi notre pays en s'exposant à de grands risques et à des pertes énormes dans une action essentielle sans laquelle la guerre se serait poursuivie pendant des mois et des années, ce qui aurait entraîné la mort de milliers de personnes de plus dans les deux camps.

Les Canadiens qui ont servi méritent, de la part du gouvernement et de la chancellerie des distinctions à l'Hôtel du gouvernement, à Rideau Hall, une médaille pour leur bravoure et la campagne essentielle qu'ils ont menée. C'étaient de jeunes Canadiens dont le service, la mort, la survie et la mission ont symbolisé ce que nous avons toujours été lorsque les choix sont peu nombreux et que la survie de la liberté même est en jeu. Il n'y a là aucune idéologie. Il n'y a aucune ferveur, aucune affection pour les calamités et les brutalités de la guerre. Il n'y a aucune délectation à l'idée que des civils allemands ont péri.

Nous sommes toutefois conscients que, si les nazis avaient été victorieux, l'Europe et les îles britanniques, de grandes parties de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient auraient été soumis à l'hégémonie nazie de l'Allemagne. Le nouveau monde aurait poursuivi le combat, mais, même avec le soutien courageux et déterminé de nos alliés russes, nous aurions été aux prises avec la puissance de l'Axe à l'ouest et une Europe nazie unifiée outre- Atlantique. Les camps de concentration auraient pris de l'ampleur. La répression politique se serait alourdie. Une conception raciste du monde serait devenue réalité pour des dizaines de millions de personnes asservies par les nazis. Notre tâche, avec nos alliés américains et australiens, aurait été infiniment plus difficile.

Les Canadiens qui ont servi à Dieppe, qui se sont battus en Italie, qui sont débarqués à Juno ou qui ont affronté les eaux froides de l'Atlantique pour ravitailler l'effort de guerre et le cœur de la démocratie — ce que le Royaume-Uni était devenu, face aux attaques nazies —, et ceux qui ont libéré la France, les Pays-Bas et la Belgique ont tous reçu une décoration par laquelle un pays souligne avec reconnaissance leur service, sachant quels sacrifices ils ont consentis et refusant de les tenir pour acquis.

Cette reconnaissance n'existe pas pour ceux qui ont servi dans le commandement des bombardiers et ont été blessés, ceux qui y ont servi et péri, ceux qui y ont servi et sont rentrés pour participer à la construction du Canada. C'est cette reconnaissance que le sénateur Meighen et d'autres sénateurs réclament par la motion à l'étude.

Soyons clairs : il ne s'agit pas d'une occasion de célébrer la guerre, mais, ce qui est plus important, de reconnaître le service, le courage, la loyauté, le sacrifice et la détermination de faire ce qui s'imposait pour protéger le Canada et tout ce que nous avons et chérissons aujourd'hui. Il est difficile d'imaginer que le Canada et le reste des Alliés aient eu à affronter une menace existentielle à l'époque — leur propre survie était en jeu —, mais c'était le cas. Si cela semble tellement éloigné de nos vies actuelles libres, démocratiques, pluralistes et optimistes, c'est à cause de ce que le commandement des bombardiers a fait au-dessus du territoire de l'ennemi, un ennemi qui, le premier, avait choisi de faire subir ce sort aux populations civiles de l'Europe et du Royaume-Uni.

(1600)

Les Canadiens ont bénéficié des actes du commandement des bombardiers, et aussi de ceux qui ont servi notre pays, qui sont morts sur d'autres fronts ou qui ont été blessés et qui sont revenus pour bâtir le Canada. Toutefois, aucune de ces missions n'était plus exigeante que celle du commandement des bombardiers.

Nous devrions nous assurer que notre nation exprime sa reconnaissance aux membres du commandement des bombardiers qui sont encore parmi nous, et aux familles de ceux qui ne le sont plus. Il faut leur dire que nous n'avons pas oublié, que les services qu'ils ont rendus sont très importants pour nous et qu'ils ont eu une influence déterminante sur l'issue du conflit.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question, si c'est possible. Je m'excuse de la poser ici. J'aurais probablement dû la poser ailleurs, mais le sénateur connaît peut-être la réponse. Personne ne se formaliserait de quoi que ce soit dans les propos du sénateur Segal ou dans la motion du sénateur Meighen. Toutefois, si je me souviens bien, il pourrait y avoir un obstacle, en ce sens que les 19 000 Canadiens qui ont servi dans le commandement des bombardiers étaient dans la RAF et non dans l'ARC. Le commandement des bombardiers était un service de la Royal Air Force. Je me demande si l'on va « exhorter » quelqu'un d'autre à prendre les mesures nécessaires, comme le dit la motion. Il semble que le gouvernement du Canada devra exhorter le gouvernement du Royaume-Uni à exprimer cette reconnaissance, étant donné que les Forces armées canadiennes ont pour politique de ne pas reconnaître les Canadiens qui ont servi dans les forces armées d'autres nations. Je ne suis pas certain que ce que je dis est exact. Quoi qu'il en soit, cela ne change en rien l'objet de la motion. Je me demande si le sénateur Segal pourrait nous éclairer à ce sujet.

Le sénateur Segal : Je ne crois pas que le sénateur Banks fasse erreur sur ce point de détail. Je crois qu'il a tout à fait raison. Il y a toute une campagne au Royaume-Uni pour que cette question soit réglée. La campagne concerne les aviateurs des autres pays du Commonwealth qui ont participé aux efforts de guerre à l'époque. Si le gouvernement britannique, dans sa sagesse, pour une quelconque raison, décide de ne pas aller de l'avant, j'ose espérer que nous aurons le courage de reconnaître les aviateurs canadiens qui ont servi. La distinction qui existe aujourd'hui entre l'Aviation royale du Canada et la Royal Air Force mérite d'être soulignée; elle est importante pour un grand nombre de raisons légitimes et historiques. Toutefois, beaucoup de ce que les Forces alliées ont accompli était le résultat d'un effort concerté auquel participaient les membres de différentes forces armées et ce serait une erreur si le point de détail auquel le sénateur fait référence — et qui est tout à fait exact — faisait obstacle à cette reconnaissance. J'espère que si le Sénat, dans sa sagesse, choisit d'approuver et d'appuyer la motion proposée par mon collègue, nous l'utiliserons tant pour exhorter le Canada à exercer des pressions diplomatiques au Royaume-Uni à ce sujet que pour maintenir le principe selon lequel nos dirigeants conservent l'option de décorer eux-mêmes les Canadiens, s'ils choisissent de le faire à un moment donné.

La seule contrainte est évidemment le passage du temps. En effet, beaucoup des personnes qui ont servi si courageusement sont décédées. Il serait bien de pouvoir agir avant qu'il ne reste plus de survivants. Je songe aux événements qui se sont produits il y a quelques années, quand des Canadiens ont été invités à l'ambassade de France afin de recevoir la Légion d'honneur parce qu'ils avaient aidé à libérer la France par voie aérienne, maritime ou terrestre. Ils ne faisaient pas partie des forces armées françaises. Ils faisaient partie de nos forces armées, mais ils avaient aidé à libérer un allié.

Les membres de nos forces armées qui faisaient partie de la RAF ont contribué à des efforts cruciaux pour la protection de notre principal allié dans cette partie du monde à l'époque, à savoir le Royaume-Uni. J'espère que nous ne nous enliserons pas dans un débat sur cette question, et je sais que ce n'est pas l'intention visée, mais nous avons une chance de faire avancer cette proposition. Je crois que ce que le Sénat choisit de faire sera exprimé à la Chambre des lords et à la Chambre des communes par des gens qui partagent notre intérêt à cet égard.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Meighen d'avoir présenté cette motion. Je sais que c'est un sujet important pour les personnes encore en vie ayant participé au commandement des bombardiers pendant la Seconde Guerre mondiale. Je remercie également le sénateur Segal de ses observations sur la motion.

J'aimerais intervenir sur cette question et, à ce stade, je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

[Français]

Les langues officielles

Les droits linguistiques—Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition), ayant donné avis le 2 avril 2008 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'état actuel des droits linguistiques au Canada et sur le développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour faire le point sur les droits linguistiques au Canada et le développement des communautés de langues officielles. Bien que ces droits aient été au fil des ans clarifiés, la situation des communautés de langues officielles du Canada hors Québec demeure précaire et les tendances actuelles en matière de droits linguistiques sont inquiétantes. Cette interpellation présente un rapide bilan des droits linguistiques, évalue les tendances actuelles et les impacts sur les langues officielles et formule des propositions pour le nouveau Plan d'action sur les langues officielles.

Les droits linguistiques sont liés aux droits au statut égal et prédominant des langues anglaise et française au Canada. Ils visent à assurer le maintien et l'épanouissement des deux communautés européennes linguistiques fondatrices au Canada, soit la communauté anglophone et la communauté francophone. La Loi sur les langues officielles et la Charte canadienne des droits et libertés sont les sources desquelles émanent les droits linguistiques au Canada, en plus de certaines mesures législatives provinciales et de la jurisprudence. La Loi sur les langues officielles, adoptée en 1969 et modifiée en 1988 et 2005, précise ces droits et clarifie les obligations du gouvernement fédéral de voir au développement et à l'épanouissement des communautés de langues officielles. La Charte canadienne des droits et libertés est la source constitutionnelle des droits linguistiques au Canada. Les articles 16 à 22 énoncent les droits en matière de statut et de traitement égaux des deux langues, et en matière de langue de communication et de travail dans les institutions fédérales et du Nouveau-Brunswick.

L'article 23 définit les droits à l'éducation dans la langue de la minorité. Des lois provinciales et la jurisprudence complètent le tout. Ainsi, toutes les provinces de common law ont mis en place des secrétariats aux affaires francophones et toutes les communautés francophones ont ainsi obtenu la gouvernance de leurs écoles par l'établissement de conseils scolaires de langue française.

Le bilan de la jurisprudence sur les droits linguistiques est également positif. Le Renvoi relatif à la sécession du Québec de 1988 est un tournant. Il stipule que la prise en compte et le respect des minorités incarnent un fondement de l'ordre constitutionnel du Canada. L'affaire Beaulac, quant à elle, constitue un point de non- retour. Cet arrêt, qui vise l'accès aux tribunaux dans la langue officielle du choix de l'accusé, ainsi que les pressions du commissaire aux langues officielles, ont mené le Parlement à présenter un projet de loi qui modifie le Code criminel pour assurer l'égalité de traitement et l'accès aux tribunaux dans la langue officielle du choix de l'accusé.

Enfin, l'arrêt Arsenault-Cameron confirme que les gouvernements provinciaux et territoriaux, quoique responsables de la mise en œuvre des droits scolaires, doivent prendre en compte les différences entre les besoins des élèves de la majorité et ceux des élèves de la minorité et formalise ainsi une approche fondée sur l'égalité réelle plutôt que sur l'égalité formelle.

Ce bilan laisse toutefois place, depuis peu, à quatre tendances qui illustrent un désengagement de l'État et du gouvernement à l'endroit des communautés de langues officielles : un leadership politique vacillant, un minimalisme grandissant dans l'application de la Loi sur les langues officielles, des ratés en matière juridique et des atteintes à la gouvernance des langues officielles.

En ce qui a trait au leadership, pendant longtemps, le gouvernement du Canada a été le chef de file dans l'appui aux droits linguistiques. La situation actuelle montre un changement de cap, et non pour le mieux. On voit une diminution de l'engagement de la part du gouvernement fédéral actuel.

(1610)

Des reculs sont visibles dans les domaines de la langue de travail, de la structure de gouvernance des minorités linguistiques, de l'offre de services et de la formation linguistique. De plus, le plan d'action et des projets de loi qui précisent les droits linguistiques se font toujours attendre. Notons aussi une orientation de ce gouvernement vers une décentralisation vers les provinces. Par contre, le cadre législatif et bureaucratique établi en vue d'appuyer les minorités francophones dans la majorité des provinces est au pire absent, au mieux jeune et encore peu intégré dans la culture politique de celles- ci.

Le commissaire aux langues officielles a noté du minimalisme dans l'application de la Loi sur les langues officielles, en matière d'offre de services, d'exigences de bilinguisme pour des postes à la fonction publique et d'offre de formation en français. Selon le commissaire aux langues officielles, l'offre active de services en français est passée de 24 p. 100 à 13 p. 100 dans 37 ministères et agences ciblés de la fonction publique fédérale.

L'offre de services en français chez Air Canada, la formation en français déficiente dans les forces armées et la décision du gouvernement dans l'affaire Doucet c. le gouvernement du Canada constituent d'autres exemples d'application minimale et au cas par cas de la loi. Dans l'exemple de l'affaire Doucet c. le gouvernement du Canada, le gouvernement a choisi de limiter les obligations de la GRC en matière de langue de services à un seul détachement, le détachement de Amherst, plutôt que de tenir compte des droits linguistiques du public voyageur sur la Transcanadienne. Le déménagement du siège social de la Commission canadienne du tourisme d'Ottawa à Vancouver est un autre exemple d'une application minimale et au cas par cas de la Loi sur les langues officielles. Rappelons-nous qu'en déménageant un siège social fédéral d'une région bilingue vers une région unilingue, les employés de cette institution perdent leurs droits en matière de langue de travail, en vertu de la partie V de la Loi sur les langues officielles.

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles s'est penché sur cette question et a recommandé que le gouvernement élabore une réglementation en matière de langue de travail, qui établira le droit pour les employés fédéraux dans tous les sièges sociaux du pays de travailler dans la langue officielle de leur choix. Plutôt que de procéder par cas spécial, comme on l'a fait pour la Commission canadienne du tourisme, le gouvernement aurait pu profiter de l'occasion et montrer du leadership en élargissant le cadre d'application de la loi et en respectant les nouvelles exigences de la partie VII de la Loi sur les langues officielles pour adopter des mesures positives afin de favoriser le développement des communautés de langues officielles.

Rappelons-nous qu'en novembre 2005, le projet de loi S-3 de notre ancien collègue, le sénateur Jean-Robert Gauthier, fut adopté. Selon ce projet de loi, il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour appuyer le développement des communautés de langues officielles, et cela est justiciable devant les cours. Deux ans plus tard, il y a peu de progrès accompli dans l'implantation de cet amendement à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.

Bien que Patrimoine canadien, Justice Canada et l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada chapeautent un groupe de travail pour conscientiser les instances fédérales à leurs obligations en vertu de la nouvelle partie VII de la loi, ils n'ont pas encore défini clairement le concept de « mesures positives » et ils sont peu pressés de le mettre en œuvre.

Le commissaire aux langues officielles nous a indiqué, lors d'une réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles, que Justice Canada tend à interpréter les modifications de manière restrictive en appelant les institutions fédérales qu'elle conseille à la prudence. Les communautés, de plus, attendent toujours d'être consultées et de faire partie de la discussion dans l'élaboration d'une définition de « mesures positives » et de « critères d'évaluation ».

En matière juridique, le grand recul des dernières années est l'abolition du Programme de contestation judiciaire. Ce programme facilitait l'accès aux tribunaux par des groupes minoritaires afin de contester des lois et d'autres mesures portant atteinte à leurs droits. Les tribunaux ont d'ailleurs reconnu l'importance de soutenir l'accès aux tribunaux pour des causes d'intérêt public car on ne peut s'attendre à ce que les gouvernements appliquent et contestent simultanément les lois. Une importante poursuite de groupes communautaires anglophones et francophones, comme la Fédération des communautés francophones et acadienne et le Quebec Community Groups Network, a d'ailleurs été déposée devant la Cour fédérale en vue de faire déclarer nulle et sans effet l'abolition du Programme de contestation judiciaire. Il importe donc que le gouvernement élabore une alternative au programme pour soutenir les groupes et individus qui souhaitent s'adresser aux tribunaux afin de faire respecter leurs droits. L'importance du Programme de contestation judiciaire a été confirmée récemment dans la décision de la Cour suprême du Canada qui donne gain de cause à la communauté francophone du Nouveau-Brunswick, reconnaissant l'obligation de la Gendarmerie royale du Canada d'offrir des services de police bilingues sur l'ensemble du territoire du Nouveau-Brunswick. Sans l'aide de ce programme, la cause Paulin n'aurait pu se rendre jusqu'en Cour suprême, selon les responsables de la Société des Acadiens et des Acadiennes.

Il semble que les décisions les plus favorables aux communautés minoritaires de langues officielles aient été rendues par les tribunaux supérieurs, surtout la Cour suprême. Les tribunaux provinciaux sont parfois peu enclins à rendre des décisions favorables aux communautés minoritaires de langues officielles. Donc, l'abolition du Programme de contestation judiciaire pourra signifier que les plaignants ne pourront porter leur cause en appel devant les tribunaux d'ordre supérieur, permettant ainsi à une jurisprudence moins favorable à leurs droits de prendre forme.

La nomination d'un nouveau juge bilingue à la Cour suprême du Canada, pour remplacer le juge Michel Bastarache, est d'une grande importance pour les minorités de langues officielles. On peut s'inquiéter de deux choses. Premièrement, si le manque de leadership et de vision intégrée des politiciens et bureaucrates se poursuit, il y a un risque que les processus de nomination des juges favorisent la désignation de juges plus stricts dans leur interprétation des droits linguistiques que les juges précédents.

Deuxièmement, la fin du Programme de contestation judiciaire pourrait limiter l'accès aux tribunaux supérieurs et limiter le nombre d'appels. Ceci est préoccupant pour les groupes et individus visés par la question linguistique car les tribunaux inférieurs tendent à avoir une interprétation moins généreuse des droits linguistiques que les tribunaux supérieurs. Les communautés francophones réclament depuis longtemps la nomination de juges bilingues nommés par le gouvernement fédéral aux cours supérieures des provinces ainsi qu'à la Cour suprême du Canada.

En ce qui concerne la gouvernance, deux changements majeurs ont eu lieu depuis 2006. Premièrement, le gouvernement canadien a décidé de confier à Patrimoine canadien le rôle de coordination de l'ensemble des activités des institutions fédérales liées aux langues officielles et de la mise en œuvre globale de la loi et celui de gérer une partie des activités dont Patrimoine canadien est responsable. Le rôle de coordination sert à veiller à ce que les partenaires gouvernementaux respectent leurs responsabilités prévues dans la loi. La gestion des programmes, qui incombe au deuxième rôle, concerne les programmes susceptibles d'être visés par l'exercice des fonctions du premier rôle. Il est très difficile pour un seul ministère d'assurer les responsabilités des deux rôles de façon efficace et de rendre justice à ces derniers.

Deuxièmement, le centre de coordination des langues officielles, le Secrétariat aux langues officielles, est passé du Bureau du Conseil privé au ministère du Patrimoine canadien. Auparavant, le Bureau du Conseil privé était capable de diriger le dossier et de donner des directives à l'appareil étatique en tant qu'agence centrale. Patrimoine canadien, dont le mandat est plutôt sectoriel, a moins d'autorité et de capacité d'influence que son prédécesseur.

(1620)

Le gouvernement fédéral a aussi confirmé qu'il n'y a plus de comité ministériel sur les langues officielles et que le rôle de coordination du ministre responsable des langues officielles s'exerce maintenant lors de rencontres bilatérales avec les collègues dont les portefeuilles comportent des responsabilités en la matière.

Le Plan d'action sur les langues officielles, adopté en 2003 et échu en mars 2008, visait à insuffler aux langues officielles et à l'engagement du gouvernement fédéral en la matière un élan renouvelé. Le nouveau plan d'action devra formuler une approche qui s'éloigne des tendances du gouvernement actuel, qui a une approche minimaliste et défensive, au cas par cas, et le plan devra insister sur l'application de la partie VII de la loi. Celle-ci vise la promotion du français et de l'anglais et la mise en œuvre de mesures positives de la part des institutions fédérales pour respecter cet engagement et celui à l'endroit de l'épanouissement et du développement des minorités francophones et anglophones du Canada. On devra définir ce qu'est une « mesure positive », en plus de présenter des cibles pour le rayonnement du bilinguisme.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai le regret d'informer le sénateur Tardif que son temps de parole est écoulé. A- t-elle la permission de poursuivre?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Nous lui accordons cinq minutes.

Le sénateur Tardif : Honorables sénateurs, on devra définir ce qu'une « mesure positive » signifie, en plus de présenter des cibles pour le rayonnement du bilinguisme et de la dualité linguistique pour la fonction publique, l'offre de services et la vitalité des communautés de langues officielles. Les organismes du gouvernement chargés d'atteindre ces cibles devront être tenus responsables du succès ou de l'échec des mesures formulées dans le plan. On devra impliquer les agences centrales afin d'assurer le leadership de l'État en haut lieu.

Comme le disait notre défunt collègue, le sénateur Simard, « cela prend 15 ans pour faire reconnaître un droit, cela ne prend que 15 minutes pour le perdre ». Je fais donc appel au gouvernement actuel et aux politiciens afin qu'ils jouent un rôle de leaders contre le désengagement et le minimalisme croissants en matière de droits linguistiques, et qu'ils respectent les obligations fédérales prescrites par la loi.

En terminant, honorables sénateurs, je tiens à dire que le sénateur Chaput, qui ne pouvait pas être ici aujourd'hui, m'a priée de demander l'ajournement en son nom.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, nous voudrions qu'il y ait des discussions des deux côtés de la Chambre. Je suggère qu'un sénateur de ce côté-ci demande l'ajournement du débat. Le sénateur Chaput pourra demander l'ajournement plus tard. Êtes-vous d'accord, honorable sénateur?

Le sénateur Tardif : Je n'ai pas d'objection.

(Sur la motion du sénateur Champagne, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 7 mai 2008, à 13 h 30.)


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