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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 40e Législature,
Volume 146, Numéro 77

Le jeudi 3 décembre 2009
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 3 décembre 2009

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

Les victimes de la tragédie de l'École Polytechnique de Montréal

Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de commencer nos travaux, j'invite les sénateurs à se lever pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes de la tragédie survenue il y a 20 ans, le 6 décembre 1989, à l'École Polytechnique de Montréal.

Les sénateurs observent une minute de silence.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommage aux victimes de l'École Polytechnique de Montréal

L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, c'est avec une grande tristesse que je rends aujourd'hui hommage aux 14 femmes tuées à l'École Polytechnique, le 6 décembre 1989.

Je suis bien placée pour vous dire que la tragédie a touché au plus profond de l'âme la population montréalaise et québécoise. Ce fut particulièrement brutal pour les femmes du milieu universitaire de voir ces jeunes femmes mourir alors qu'elles commençaient à peine à vivre leur vie adulte.

En leur rendant hommage, il faut faire le point sur les leçons de ce triste événement. Nous voulons être certains que ces jeunes victimes ne sont pas mortes en vain et que cet incident aura servi à quelque chose.

[Traduction]

Elles ont été ciblées parce qu'elles étaient des femmes, et la misogynie est toujours condamnable. Nous avons travaillé fort au fil des ans pour lutter contre la violence faite aux femmes et aux filles, et nous poursuivrons notre lutte. Nous ne devons toutefois pas oublier le rôle qu'une grave maladie mentale a joué ce jour là.

Les sénateurs savent, d'après leurs travaux dans le domaine, que la maladie mentale est un problème grave. Nous savons qu'elle s'accompagne d'importants coûts sociaux et économiques. Même si un Canadien sur cinq souffrira d'une forme de maladie mentale cette année, l'aide n'est souvent pas au rendez-vous.

Vingt ans après les événements d'École Polytechnique, nous agissons pour résoudre le problème. Grâce à la Commission de la santé mentale, nous prenons de nouvelles initiatives qui mèneront à des changements concrets. Même si nous en sommes encore aux premières étapes, nous sortons de l'ombre.

Aucune de ces initiatives ne pourra ramener ces 14 femmes ni effacer les horribles souvenirs avec lesquels leurs parents et amis doivent vivre, mais elles nous donnent l'espoir de pouvoir prévenir un événement tragique dans le futur.

[Français]

En terminant, j'offre mes plus sincères condoléances aux familles de ces jeunes femmes. Nous ne les oublierons jamais.

[Traduction]

Question de privilège

Avis

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément à l'article 43(3) du Règlement, j'ai donné avis par écrit, plus tôt aujourd'hui, de mon intention de soulever, plus tard dans la journée, la question de privilège.

Conformément à l'article 43(7), je donne avis que je soulèverai aujourd'hui la question de privilège au sujet d'un communiqué publié le 2 décembre et intitulé « Accusation de traite de personnes portées au cours de la Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage ».

Ce communiqué a été émis par M. Benjamin Perrin, professeur de droit à l'Université de la Colombie-Britannique, qui se dit spécialiste des questions touchant la traite des personnes. Le communiqué fait mention du Sénat, de mon nom et d'interventions que j'ai faites dans l'enceinte du Sénat. Il porte sur un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-268, Loi modifiant le Code criminel (peine minimale pour les infractions de traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans).

Ce communiqué m'a été envoyé par courriel par la députée du Manitoba, Mme Joy Smith, qui parraine le projet de loi à la Chambre des communes, et aussi par M. Perrin, qui semble s'attribuer le mérite de la création du projet de loi C-268.

La vaccination contre la grippe H1N1

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de vous informer que Santé publique Ottawa a confirmé qu'un centre de vaccination contre la grippe H1N1 sera mis en place sur la Colline du Parlement la semaine prochaine. Les dates prévues sont le lundi 7 décembre, de 9 h 30 à 15 heures, et le mardi 8 décembre, de 9 h 30 à 16 heures.

Une note contenant d'autres précisions sera envoyée à tous les sénateurs, à leur personnel et à l'administration du Sénat plus tard dans la journée. Seul le vaccin contre la grippe H1N1 sera administré.

Il n'est pas nécessaire de s'enregistrer au préalable, mais le principe du premier arrivé, premier servi sera appliqué.

Par ailleurs, un centre de vaccination contre la grippe saisonnière pourrait vraisemblablement être organisé à la fin de janvier ou au début de février. Ce centre fera l'objet d'un avis ultérieur.

Je profite de l'occasion pour remercier la Direction des ressources humaines de ses efforts soutenus et du bon travail qu'elle accomplit dans ce dossier en particulier.

L'Association canadienne du diabète

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, l'Association canadienne du diabète s'apprête à publier un nouveau rapport dans lequel on retrouvera les dernières données sur le fardeau économique du diabète au Canada. Le rapport montre que les taux de diabète au Canada ont doublé au cours des dix dernières années. Aujourd'hui, un Canadien sur quatre est atteint de diabète ou de prédiabète. Toutes les dix minutes, un autre Canadien reçoit un diagnostique de diabète.

(1340)

Honorables sénateurs, près d'un million de Canadiens sont atteints du diabète, mais l'ignorent. Les personnes âgées de plus de 40 ans sont très à risque de développer un diabète de type 2.

Le lundi 7 décembre, l'Association canadienne du diabète tiendra gratuitement une clinique d'évaluation des risques du diabète à l'intention des sénateurs. Celle-ci aura lieu à la salle 602 de l'édifice du Centre, de 9 heures à 16 h 30.

L'Association canadienne du diabète encourage tous les sénateurs à participer à cette clinique d'évaluation. Nous montrerons ainsi l'exemple à tous les Canadiens.

Les armes à sous-munitions

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, le 3 décembre 2008, de nombreux pays se sont réunis à Oslo, en Norvège, pour la signature officielle de la Convention des Nations Unies sur les armes à sous-munitions. Cette convention, qui est le résultat de 18 mois de travail par les groupes de la société civile et les États participants, interdit l'emploi, le transfert et la production d'armes à sous-munitions, exige la destruction des stocks et exige que des ressources suffisantes soient offertes pour aider les survivants et nettoyer les régions contaminées.

Les armes à sous-munitions, comme les mines antipersonnel, sont particulièrement cruelles, inhumaines et aveugles. Elles sont conçues pour infliger le maximum de dommages sur une vase étendue en se dispersant en un grand nombre de sous-bombes. Ces sous-bombes ne sont pas dirigées et peuvent souvent se disperser sur un kilomètre carré ou plus. Elles tuent et blessent les civils en beaucoup plus grand nombre que les explosifs conventionnels.

En plus de la dévastation immédiate qu'elles causent au moment de l'impact, les armes à sous-munitions laissent derrière elles une menace permanente pour la population locale, sous la forme de composantes non explosées.

Bien que 103 États aient maintenant signé la convention, en vertu du droit international, 30 États doivent la ratifier avant qu'elle puisse entrer en vigueur. Seulement 26 l'ont fait jusqu'à maintenant et le Canada n'en fait pas partie.

En cette journée du premier anniversaire de la signature de cet important traité, j'espère que le Canada continuera de jouer un rôle de premier plan sur la scène internationale pour éliminer ces armes mortelles laissées par les conflits armés dans bon nombre de pays du monde, en ratifiant très bientôt la convention.

L'accord de coopération nucléaire avec la République de l'Inde

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, le premier ministre a annoncé la semaine dernière la signature d'un accord de coopération nucléaire avec la République de l'Inde. Aux termes de cet accord, les sociétés canadiennes auront accès à un marché qui devrait valoir de 25 à 50 milliards de dollars d'ici vingt ans. C'est une vraie manne pour les sociétés canadiennes qui fournissent du matériel, des services et de l'uranium à des fins civiles. C'est une bonne occasion pour les sociétés de partout au Canada, mais surtout pour celles de la Saskatchewan où se trouve l'un des plus importants gisements d'uranium au monde.

En fait, selon l'Association nucléaire mondiale, le Canada est le plus important producteur d'uranium au monde, comptant pour plus de 20,5 p. 100 de la production mondiale enregistrée l'année dernière. L'uranium canadien provient principalement des mines du nord de la Saskatchewan, dont la principale se trouve près de la rivière McArthur. C'est la plus grande mine d'uranium au monde.

Honorables sénateurs, grâce à une gestion prudente de l'économie et à une mise en œuvre ciblée de son Plan d'action économique, le gouvernement conservateur a permis au Canada de traverser la crise économique plus facilement que la plupart des autres pays. Cet accord, dont la portée déborde nos frontières, montre bien la diversité des efforts du gouvernement non seulement pour faire en sorte que le Canada se remette de la récession actuelle, mais également pour qu'il puisse tirer profit de l'économie mondiale de demain.

L'Inde jouera un rôle important dans cette économie future, comme elle le fait déjà. L'an prochain, l'Inde sera l'hôte du sommet du G20. Les relations économiques que nous entretenons avec l'Inde sont loin d'être négligeables.

En 2008, nos échanges bilatéraux se sont chiffrés à près de 5 milliards de dollars. C'est un niveau record. Au cours des cinq prochaines années, nous prévoyons doubler ce montant.

Tout comme l'Inde est la plus grande démocratie au monde, la communauté indo-canadienne prend de plus en plus d'importance dans la mosaïque canadienne et atteint près d'un million de personnes. Ce sont là des liens qui nous unissent à l'Inde et qui nous poussent à vouloir maintenir nos étroites relations économiques dans les années à venir.

Nous sommes des partenaires naturels et l'entente de coopération nucléaire n'est que l'une des manifestations de ce que nous espérons voir devenir un partenariat beaucoup plus important.

Cela ne peut qu'être bénéfique pour les Canadiens, tout comme l'est l'accord de coopération nucléaire, en particulier pour les gens de la Saskatchewan.

La République populaire de Chine

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, au cours de la semaine du 8 novembre, j'ai visité la province de Guangdong, en Chine. J'étais invitée par M. Wu Ruicheng, le directeur du Bureau des affaires des Chinois d'outre-mer, à participer à la cérémonie d'ouverture du Festival international de la culture et du tourisme et du Congrès pour la promotion du tourisme dans le delta de la rivière des Perles. J'étais aussi invitée à participer à la cérémonie d'ouverture du musée des Chinois d'outre-mer à Guangzou.

Mon père, Quan Leen Yook, est né à Xichengli, un village du canton de Xian Gang, dans le district municipal de Kaiping , dans la province de Guangdong. Lorsque les autorités gouvernementales chinoises ont appris qu'une fille issue de la première génération des Chinois Wuyi était une scientifique, qu'elle avait été doyenne associée des études supérieures dans une université et qu'elle siégeait maintenant au Sénat du Canada, elles m'ont invitée à participer aux cérémonies d'ouverture à titre de dignitaire étranger, à les rencontrer et à visiter Xichengli.

Le gouvernement populaire de la province de Guangzhou encourage les Chinois nés à l'étranger à retrouver leurs origines en les invitant à visiter leurs foyers ancestraux. Pour le gouvernement de Guangdong, cela est une façon de promouvoir la culture de la région et de susciter des partenariats économiques dans des secteurs tels que le tourisme et les affaires.

Honorables sénateurs, les grandes villes que sont Guangdong, Kaiping et Jiangmen sont des villes modernes comme on en voit partout dans le monde. Dans mon ignorance, je croyais que les petits villages comme celui de Xichengli avaient été sacrifiés sur l'autel de la modernisation. Toutefois, j'ai appris que le gouvernement de Guangdong avait préservé ces villages historiques et qu'il avait ouvert des musées d'histoire de l'immigration relatant l'histoire des premiers Chinois Wuyi qui ont émigré dans des pays tels que le Canada à la fin des années 1800 et au début des années 1900.

Les premiers immigrants Wuyi, comme mon père, envoyaient de l'argent en Chine afin de subvenir aux besoins de leur famille ou de leurs parents. Bon nombre de ces expatriés ont ainsi pu construire des maisons dans leur pays natal. Certaines constructions, comme les tours-vigie de Kaiping, sont des structures élaborées que les Nations Unies ont désignées comme appartenant au patrimoine mondial.

Honorables sénateurs, le plus grand souhait de mon père a toujours été de faire venir son fils aîné au Canada. À cause d'une loi interdisant à sa famille chinoise d'immigrer au Canada, une loi qui a été en vigueur au Canada jusqu'en 1948, il n'a pas pu réaliser son rêve. Toutefois, nous avons pu ramener une partie de Xichengli sur sa tombe, à Swift Current.

À titre de sénateur canadienne, j'ai été capable d'honorer son pays natal et de rencontrer de nombreux représentants du gouvernement et villageois. J'espère sincèrement que mon travail au Sénat contribuera à créer des liens plus étroits entre nos deux pays.

La campagne contre la faim

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur la Campagne contre la faim.

Je n'ai pas besoin de rappeler aux sénateurs que les agriculteurs canadiens sont parmi les meilleurs au monde, et notre gouvernement croit qu'il faut les défendre. Les agriculteurs travaillent fort et nourrissent nos villes.

Financement agricole Canada, ou FAC, un organisme gouvernemental, travaille fort aussi et aide à nourrir les Canadiens. FAC joue un rôle important dans la fourniture de services et de soutien aux agriculteurs et réalisé un travail vraiment important au nom des producteurs agricoles et de tous les Canadiens.

Par exemple, l'organisme est si déterminé à nourrir les Canadiens que, chaque année, il organise une campagne de collecte de nourriture dans l'ensemble du Canada.

En octobre dernier, la Campagne contre la faim a permis de recueillir plus de 1,5 million de livres de nourriture pour les banques alimentaires locales. De plus, les responsables de la campagne contre la faim ont fait un don de 25 000 $ à Banques alimentaires Canada pour appuyer son système national de partage des aliments.

Honorables sénateurs, cette campagne a commencé il y a cinq ans, lorsqu'un employé de FAC en Ontario a organisé une tournée en tracteur pour faire connaître sa banque alimentaire locale et recueillir des dons. Depuis, la Campagne contre la faim a permis de recueillir plus de 3,5 millions de livres de nourriture.

(1350)

Honorables sénateurs, à Ottawa, la majorité des manchettes portent sur la politique fédérale. Il est donc facile d'oublier parfois qu'Ottawa est essentiellement une ville de fonctionnaires. Notre gouvernement a le plaisir de travailler avec des fonctionnaires vraiment exceptionnels. Le fait que les employés de Financement agricole Canada prennent des mesures pour aider leurs collectivités en dit long sur cette organisation.

J'aimerais remercier sincèrement toutes les personnes qui ont participé à l'édition 2009 de la Campagne contre la faim de FAC pour leur bon travail.

[Français]

Le lieutenant-colonel John Ross Matheson, O.C., C.D.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, si les honorables sénateurs me le permettent, j'aimerais parler d'une personne originaire du patelin du sénateur Segal, de la garnison de Kingston.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour vous donner une petite leçon d'histoire. Je veux souligner les contributions que le lieutenant-colonel John Ross Matheson a apportées au pays.

Né à Arundel, au Québec, en 1917, John Matheson était étudiant à l'Université Queen's quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté. Il a ensuite suivi une formation au Collège militaire royal et a servi en Italie dans le premier régiment — et mon ancien régiment —, le Royal Canadian Horse Artillery. C'est là-bas qu'il a été blessé le 1er décembre 1943 par six éclats de shrapnel en traversant la rivière Moro.

Les blessures qu'il a subies à la guerre l'ont rendu paraplégique et épileptique. Pourtant, le major Matheson a poursuivi une carrière en droit et en politique. Il a été le député libéral de Leeds, en Ontario, de 1961 à 1968. Pendant cette période, et sous le règne du premier ministre Lester B. Pearson, M. Matheson a été la force motrice du comité responsable de la sélection du nouveau drapeau canadien.

Il a joué un grand rôle dans le choix de l'unifolié, et il est considéré par un grand nombre de personnes comme le père du drapeau canadien, inspiré du drapeau du Collège militaire royal.

En 1993, le juge Matheson a été fait Officier de l'Ordre du Canada, une décoration des plus appropriées puisqu'il a contribué à fonder l'institution en 1967.

Honorables sénateurs, tout récemment, la Base des Forces canadiennes de Kingston a renommé l'une de ses entrées principales en l'honneur du lieutenant-colonel Matheson. C'est un hommage pleinement mérité, compte tenu de ses contributions aux Forces canadiennes, au Canada et, plus particulièrement, à cette ville de garnison.

Lorsque nous lui avons posé des questions sur sa vie et l'entrée qui porte son nom, le juge Matheson a dit : « Je suis un gars chanceux. » À mon avis, c'est nous qui avons eu la chance qu'une personne si résiliente et dévouée ait servi notre pays avec tant de distinction.

Les réalisations du juge Matheson sont toutes plus impressionnantes les unes que les autres; ensemble, elles sont vraiment exceptionnelles. Je vous prie de vous joindre à moi pour féliciter ce Canadien remarquable et sa famille — son fils sert encore dans l'artillerie aujourd'hui — et remercier le juge Matheson pour tout ce qu'il a fait, tout au long de sa vie, pour faire du Canada un meilleur endroit où vivre.

La République populaire de Chine

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, je suis porteuse de bonnes nouvelles : le premier ministre Harper se trouve aujourd'hui en Chine, où il soigne les relations entre nos deux pays. Récemment, la Chine a accordé au Canada le statut de destination approuvée pour les touristes.

L'industrie canadienne du tourisme attend ce statut depuis longtemps, car il entraînera une augmentation du nombre de touristes chinois en visite au Canada, et cimentera les liens entre nos deux pays.

C'est la première visite du premier ministre en Chine et je suis certaine qu'elle marque le début d'une nouvelle ère dans nos relations bilatérales.

[Français]

Les Chinois ont toujours aimé le Canada, grâce au travail réalisé par le fameux médecin Norman Bethune.

[Traduction]

Les Chinois ont également beaucoup d'estime et de respect pour un Ontarien, Mark Rowswell, qu'ils surnomment « dashan ». Il est sans doute l'étranger le plus connu en Chine en raison de sa carrière à la télévision et au cinéma.

L'accès des touristes chinois aux attraits touristiques canadiens est une excellente nouvelle. Restons à l'affût et réjouissons-nous.

Sur une note personnelle, je suis allée pour la première fois en Chine il y a de nombreuses années dans le cadre d'une initiative Asie-Pacifique et j'y suis retournée quatre fois dans les trois dernières années. Les Chinois seront vraiment heureux de venir visiter notre pays.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Présentation du douzième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable Joan Fraser, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 3 décembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

DOUZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 17 septembre 2009, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1. Page 2, article 1 : Remplacer les lignes 3 à 5 par ce qui suit :

« infraction désignée et purgé une peine d'emprisonnement d'un an ou plus relativement à cette infraction, ».

2. Page 4, article 3 :

a) supprimer les lignes 1 à 4;

b) changer la désignation numérique des alinéas (ii) à (vi) à celle des alinéas (i) à (v) et changer tous les renvois qui en découlent.

3. Page 5, article 4 : Remplacer les lignes 13 à 20 par ce qui suit :

« 8.1 (1) À deux reprises, soit, respectivement, dans les deux et cinq ans suivant l'entrée en vigueur du présent article, un examen détaillé de la présente loi et des conséquences de son application, assorti d'une analyse coût-avantage des peines minimales obligatoires, doit être fait par le comité du Sénat, de la Chambre des communes ou des deux Chambres du Parlement désigné ou établi à cette fin. ».

4. Page 6, article 5 : Ajouter après la ligne 11 ce qui suit :

« (6) Le tribunal n'est pas tenu d'imposer une peine minimale d'emprisonnement s'il est convaincu, à la fois :

a) que la personne reconnue coupable est un contrevenant autochtone;

b) que la peine serait excessivement sévère en raison de la situation du contrevenant;

c) qu'une autre sanction — raisonnable dans les circonstances — peut être imposée.

(7) S'il décide, en application du paragraphe (6), de ne pas imposer une peine minimale d'emprisonnement, le tribunal motive sa décision. ».

Respectueusement soumis,

La présidente,
JOAN FRASER

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Fraser, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L'Association parlementaire du Commonwealth

La Conférence parlementaire du Commonwealth, tenue du 28 septembre au 6 octobre 2009—Dépôt du rapport

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la 55e conférence parlementaire du Commonwealth, tenue à Arusha, en Tanzanie, du 28 septembre au 6 octobre 2009.

Affaires juridiques et constitutionnelles

L'étude sur les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques—Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date de présentation de son rapport final

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 18 juin 2009, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (L.R. 1998, ch. 37) soit reportée du 31 décembre 2009 au 30 juin 2010.

[Français]

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein, C.R.

Avis de motion tendant à inscrire l'interpellation au Feuilleton des avis

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je donne avis la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'article 57(2) du Règlement, l'interpellation suivante soit inscrite au Feuilleton des avis pour la prochaine séance du Sénat :

« Par l'honorable sénateur Tardif : Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la carrière de l'honorable sénateur Grafstein au Sénat et les nombreuses contributions qu'il a faites aux Canadiens. »; et

Que, nonobstant l'article 37(4) du Règlement, lors des délibérations sur cette interpellation aucun sénateur ne parle pendant plus de trois minutes.

(1400)

[Traduction]

L'honorable Lorna Milne

Avis de motion tendant à inscrire l'interpellation au Feuilleton des avis

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'article 57(2) du Règlement, l'interpellation suivante soit inscrite au Feuilleton des avis pour la prochaine séance du Sénat :

« Par l'honorable sénateur Tardif : Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la carrière de l'honorable sénateur Milne au Sénat et les nombreuses contributions qu'elle a faites aux Canadiens. »;

Que, nonobstant l'article 37(4) du Règlement, lors des délibérations sur cette interpellation aucun sénateur ne parle pendant plus de trois minutes.

[Français]

Le drapeau acadien

Avis d'interpellation

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le drapeau acadien, ce drapeau qui rassemble.

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Présentation d'une pétition

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, c'est avec une immense dose d'humilité, mais un grand honneur, que je vous présente une pétition signée par plus de 2 500 Canadiens qui s'opposent au projet de loi C-15.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires indiennes et le Nord canadien

La protection des enfants

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Il est troublant d'apprendre qu'un nombre inacceptable de jeunes au Canada sont privés des droits de l'enfance. Le nombre d'enfants des Premières nations qui sont aujourd'hui sous la garde des sociétés d'aide à l'enfance dépasse maintenant celui des enfants qui, il y a des

générations, étaient contraints de vivre dans des pensionnats. Il y a de quoi réfléchir.

Même s'il y a un nombre croissant d'enfants autochtones sous garde, ils n'ont toujours pas droit aux soins qu'ils méritent. Ils reçoivent en moyenne 22 p. 100 de moins pour les services de protection de l'enfance que les enfants non autochtones. Vu la pauvreté, la toxicomanie et les conditions de vie insalubre qui sont le lot d'un grand nombre de réserves, comment peut-il en être ainsi?

Il incombe au ministère des Affaires indiennes de financer les services de protection des enfants des Premières nations dans les réserves. Pourquoi le gouvernement n'en fait-il pas plus, surtout pour les enfants autochtones, ceux qui sont le plus dans le besoin?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de sa question. Il est évident que le niveau de vie et la situation de certaines collectivités autochtones préoccupent grandement le gouvernement, comme ils ont préoccupé tous les gouvernements, dont ceux qui nous ont précédés et plus particulièrement les gouvernements des provinces et territoires où on trouve d'importantes populations autochtones. Comme nous l'avons déjà dit, il n'y a pas de réponses faciles à cette question.

Le gouvernement a accompli des progrès dans la recherche de solutions à un certain nombre de problèmes importants qui se posent aux Autochtones. Le Plan d'action économique annoncé plus tôt cette année a injecté 100 millions de dollars de plus dans les programmes de formation et d'emploi destinés aux Autochtones. Le plan a prévu 75 millions de dollars pour le nouveau Fonds d'investissement stratégique pour les compétences et la formation des Autochtones. Ces programmes et d'autres qui concernent l'éducation et la scolarisation, les services de santé et bien des programmes que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a déjà mis en place ne sont que des étapes modestes. Il s'agit d'un problème incontestable qui dure depuis fort longtemps.

Honorables sénateurs, il n'y a pas de réponse facile, mais le gouvernement a apporté des changements notables, notamment en ce qui concerne les nouveaux logements pour ceux qui habitent dans les localités autochtones. De plus, comme les sénateurs le savent, nous avons collaboré étroitement avec les Autochtones pour rendre leurs localités plus sûres et plus salubres en améliorant les réseaux d'égout et de distribution d'eau, mais il s'agit de programmes en cours qui mettront encore beaucoup de temps à régler le problème dans toute sa gravité.

Le sénateur Munson : Honorables sénateurs, merci au leader de sa réponse.

Ces étapes modestes peuvent devenir plus importantes.

Des groupes qui travaillent pour les enfants autochtones ont soumis le problème à la Commission canadienne des droits de la personne. Les audiences devaient débuter la semaine dernière, mais la nouvelle présidente les a soudainement reportées à janvier.

Pourquoi ces audiences ont-elles été reportées? Pourquoi les enfants doivent-ils attendre encore plus longtemps avant qu'on ne réponde à leurs besoins?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne savais pas que les audiences avaient été reportées. La Commission des droits de la personne est indépendante du gouvernement. Je vais devoir prendre note de la question. Je ne connais pas les raisons du report, mais je me ferai un plaisir de me renseigner.

Le sénateur Munson : J'en remercie madame le leader. J'ai une autre question complémentaire à poser.

Dans son rapport, la vérificatrice générale, Sheila Fraser, a souligné que le financement fédéral des services de protection de l'enfance dans les réserves était insuffisant et qu'il était inférieur à ce qui est prévu pour les enfants non autochtones.

Il semblerait donc qu'il y a deux échelles de valeur, une pour les enfants autochtones et une autre pour les enfants non autochtones. Qu'en pense madame le leader?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, les montants injectés pour régler les divers problèmes avec lesquels les Autochtones sont aux prises sont importants. Comme je l'ai dit, nous consacrons des montants considérables à l'éducation, à la formation des jeunes et des adultes, au logement et à la sécurité dans les collectivités sur le plan de l'hygiène. L'été dernier, je suis allée à Iqaluit, où il y a un programme très dynamique de construction de logements. J'étais allée là-bas un an plus tôt, et j'ai été étonnée des progrès accomplis en un an.

Honorables sénateurs, les problèmes que doivent affronter bien des collectivités autochtones sont complexes et épineux. Les diverses mesures que le gouvernement a prises, depuis les excuses pour l'épisode des pensionnats jusqu'à l'argent consacré au logement, à l'éducation, à la formation professionnelle et aux services de santé, sont autant de bonnes mesures constructives qui vont dans le bon sens. Néanmoins, personne ne contestera qu'il y ait encore beaucoup à faire.

Les ressources humaines et le développement des compétences

La pauvreté chez les enfants

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, j'ai communiqué ma question au préalable.

Le 24 novembre, c'était le 20e anniversaire de la Journée nationale de l'enfant, également jour de commémoration de l'adoption de la Convention relative aux droits de l'enfant par l'Assemblée générale de l'ONU. Le Canada a ratifié cette convention en décembre 1991.

Depuis lors, le Canada, au lieu d'améliorer le bien-être des enfants, a à peine fait reculer le problème de la pauvreté chez les enfants au Canada. Pendant cette période, aussi bien les libéraux que les conservateurs ont été aux commandes.

Malheureusement, environ 637 000 des 3,4 millions de Canadiens qui vivent dans la pauvreté sont des enfants, et le taux de pauvreté dépasse les 10 p. 100 dans la plupart des provinces. La création de la Prestation fiscale pour le revenu de travail et la stabilisation du Transfert canadien en matière de programmes sociaux et du Transfert canadien en matière de santé ont aidé les enfants canadiens, mais si nous voulons vraiment faire reculer la pauvreté, il faut, comme les experts continuent de le dire, augmenter substantiellement la Prestation nationale pour enfants.

Le gouvernement s'engagera-t-il à augmenter progressivement et de façon prévisible la Prestation nationale pour enfants, afin d'atteindre le niveau de 5 000 $ recommandé par un grand nombre d'organisations, dont le Caledon Institute?

(1410)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Eggleton de sa question. Je le remercie aussi de me l'avoir transmise au préalable et d'avoir reconnu les effets positifs sur les familles à faible revenu de certains des programmes du gouvernement, dont la Prestation fiscale pour le revenu de travail, ou PFRT, ainsi que de l'augmentation des transferts aux provinces.

Comme je l'ai récemment dit ici, notre gouvernement a déjà pris des mesures dans le cadre du Plan d'action économique pour bonifier tant le Supplément de la Prestation nationale pour enfants que la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Nous avons relevé le plafond à partir duquel le supplément et la prestation sont réduits, assurant ainsi un avantage pouvant atteindre 436 $ pour une famille avec deux enfants. Ces nouvelles prestations fiscales ont pris effet, comme nous le savons, le 1er juillet. Je crois qu'elles ont déjà des effets positifs.

Le ralentissement économique mondial que nous avons connu l'année dernière a aggravé le problème, mais les politiques et les programmes du gouvernement sont conçus pour aider ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les Canadiens à faible revenu, et particulièrement les enfants.

Le sénateur Eggleton : Je remercie madame le ministre de sa réponse et des progrès réalisés. Toutefois, nous conviendrons tous, je pense, qu'il y a toujours plus à faire. Nous espérons qu'il sera bientôt possible d'en faire davantage.

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral consacre 13 milliards de dollars à ses trois programmes de prestations pour enfants. Selon le Caledon Institute, si le Supplément de la prestation nationale pour enfants est porté à 5 000 $, le coût estimatif serait de 17 milliards de dollars, ce qui représenterait un coût supplémentaire net de quelque 4 milliards après déduction des dépenses actuelles de 13 milliards.

Nous savons que la pauvreté nous coûte cher à tous. Elle nous coûte bien plus que cette différence nette de 4 milliards de dollars. La pauvreté augmente le coût des soins de santé et le fardeau de la police. Elle diminue aussi les résultats scolaires. L'impact négatif sur le Trésor public est énorme. Cela se répercute à son tour sur la productivité, sur la flexibilité de la main-d'œuvre et sur le progrès social. Une étude de la Banque TD établit le coût social de la pauvreté à 24 à 30 milliards de dollars par an.

Le gouvernement est-il disposé à élaborer un plan pour éliminer la pauvreté chez les enfants du Canada? Il suffirait de réaffecter des fonds pour le faire.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, nous avons pris un certain nombre de mesures pour aider les familles et les enfants à faible revenu. Je suis absolument certaine que le gouvernement a l'intention de continuer de le faire. Grâce à la Prestation universelle pour la garde d'enfants, nous versons chaque année plus de 2,4 milliards de dollars qui profitent à plus de 2 millions d'enfants. Grâce à nos réductions d'impôt, près d'un million de Canadiens à faible revenu n'ont plus d'impôts à payer. De plus nous accordons cinq semaines supplémentaires de prestations d'assurance-emploi, comme je l'ai déjà dit, pour aider les Canadiens qui ont perdu leur emploi pour des raisons indépendantes de leur volonté. De toute évidence, les enfants profitent de ces mesures. À elle seule, cette décision a aidé 365 000 Canadiens. Toutes ces mesures sont conçues pour aider les familles et, par voie de conséquence, les enfants.

Honorables sénateurs, même s'il reste encore beaucoup à faire, Statistique Canada signale qu'en 2007 le Canada a enregistré son taux de faible revenu le plus bas depuis 30 ans. Depuis, nous avons eu le ralentissement économique mondial, qui n'a évidemment pas amélioré ces chiffres. Ce sont toutefois les données les plus récentes que nous ayons. Notre gouvernement et le précédent ont pris des mesures pour obtenir de meilleurs résultats, mais tous les gouvernements souhaitent bien sûr faire tout leur possible dans ce domaine.

En ce qui concerne le Caledon Institute, c'est un groupe de réflexion qui a des vues très particulières sur les choses à faire. Beaucoup d'autres groupes ne partagent pas le même point de vue. Il s'agit d'un seul organisme. Les gouvernements n'ont pas à compter exclusivement sur l'opinion d'un seul institut. Cela étant dit, notre gouvernement a pris et continuera de prendre des mesures pour veiller à ce que les familles les plus défavorisées et celles qui en ont le plus besoin obtiennent toute l'aide possible du gouvernement.

[Français]

Les affaires étrangères

La violence faite aux femmes

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et a trait à la violence faite aux femmes et, en particulier, au volet qui reflète le fait que notre pays est tout de même une puissance moyenne d'envergure dans le monde. Nous savons maintenant que, dans différents conflits dans le monde, la violence faite aux femmes et les abus massifs des droits des femmes incluent de plus en plus l'utilisation d'une nouvelle arme communément appelée le viol.

Madame le leader pourrait-elle nous dire ce que fait spécifiquement le Canada dans le conflit au Congo, du point de vue diplomatique et sécuritaire, pour atténuer les abus massifs des droits des femmes?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Je remercie le sénateur Dallaire de sa question. Je lui répondrai tout simplement que c'est pour cette raison que les Forces canadiennes sont allées en Afghanistan. Nos jeunes gens et nos jeunes femmes défendent la démocratie. Ils travaillent dans un pays comme l'Afghanistan pour réduire le niveau de la violence contre les femmes et les enfants.

Le sénateur Hervieux-Payette : Il parle du Congo.

Le sénateur LeBreton : J'arrive au Congo.

En ce qui concerne les différentes zones de conflit qui existent dans le monde, le sénateur sait certainement que le ministère des Affaires étrangères, et en particulier l'ACDI, font preuve d'une grande diligence. Ce n'est pas une question facile, ce n'est pas une situation qu'on peut rapidement régler. Le gouvernement a contribué et contribuera à des mesures destinées à atténuer le grave problème de la violence contre les femmes, que ce soit au Congo, en Afghanistan ou ailleurs dans le monde, y compris dans notre propre pays.

Le sénateur Dallaire : Je m'attendais à des réponses plus précises. Est-ce que madame le ministre peut trouver des renseignements auprès de ces ministères au sujet de l'effort diplomatique, de l'effort de création de capacités, de l'effort de sécurité, et particulièrement de développement, et de leurs effets sur cet aspect du conflit que représente cet horrible abus qu'est le viol?

Puis-je, dans la même veine, demander au leader d'examiner le cas du Darfour? Nous étions mêlés de près à cette affaire sous le gouvernement précédent. Au cours d'une interview, le gouvernement du Darfour Sud nous a directement dit que les hommes musulmans ne se rendent pas coupables de viol. Nous savons pourtant que les viols sont courants aussi bien dans les camps de réfugiés que dans les camps de personnes déplacées dans leur propre pays.

Que faisons-nous sur le plan diplomatique et dans le cadre de l'effort de sécurité et de développement? Pourquoi retirons-nous 105

véhicules blindés que nous avions déployés en 2005 pour renforcer les capacités de la mission hybride et complexe des Nations Unies?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je crois avoir déjà répondu à cette question, mais je vais en prendre note parce que le sénateur m'a demandé de trouver des renseignements sur ce que font ces différents ministères et organismes.

[Français]

Les affaires indiennes et le Nord canadien

La violence faite aux femmes

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La violence subie par les femmes autochtones à travers le pays est une réalité insupportable. Cette crise des droits de la personne requiert une meilleure attention. Le sénateur Brazeau nous l'a d'ailleurs rappelé hier. Je sais que le gouvernement fédéral soutient l'initiative Sœurs par l'esprit et cherche à améliorer le code d'appartenance aux bandes. Toutefois, un nouveau rapport publié par Amnistie internationale dénote l'insuffisance des mesures prises par le gouvernement, ce qui empêche les femmes autochtones du Canada d'obtenir une protection adéquate contre la violence.

Madame le leader, n'est-il pas temps que le gouvernement fédéral se dote d'un plan d'action national pour mettre fin aux violations des droits des femmes autochtones?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à cette question ici. Des collègues des deux côtés du Sénat ont déjà parlé de ce grave problème, y compris le sénateur Dyck et le sénateur Brazeau.

Le projet Sœurs par l'esprit que l'honorable sénateur a mentionné fonctionne. Le gouvernement y participe. Il s'agit, comme vous le savez, d'un projet de recherche et de sensibilisation de la population élaboré sur cinq ans pour comprendre les causes de la violence contre les femmes autochtones. Comme les sénateurs le savent, c'est l'Association des femmes autochtones du Canada qui a lancé le projet Sœurs par l'esprit et a entrepris de mieux faire connaître ce grave problème. Elle mérite des éloges pour ses efforts de sensibilisation à cet important problème.

(1420)

Les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont participé au Sommet national des femmes autochtones en 2007 et 2008 et notre gouvernement a endossé la Déclaration d'Iqaluit sur les femmes autochtones des ministres responsables de la condition féminine au sein des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, qui reconnaît la nécessité de mesures soutenues et coordonnées de la part de tous les ordres de gouvernement pour réduire la violence, sexuelle et autre, à l'endroit des femmes autochtones. Dans bien des cas de violence contre une femme autochtone, celle-ci disparaît.

Comme je l'ai déjà mentionné, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et Santé Canada travaillent ensemble pour contrer ce grave problème. Un groupe de travail fédéral-provincial- territorial composé de représentants de la justice travaille avec tous les ordres de gouvernement. C'est avec plaisir que je ferai part aux sénateurs de tout progrès qu'ils réaliseront.

[Français]

Le sénateur Pépin : Honorables sénateurs, je comprends que plusieurs ministères étudient les différents rapports et travaillent en collaboration avec d'autres gouvernements provinciaux. Quand le gouvernement canadien va-t-il adopter un plan d'action et quand va-t-il agir? C'est bien beau de vouloir coordonner et étudier les rapports, mais il y a déjà un bon moment que cela se fait. Quand le gouvernement va-t-il agir et proposer un plan d'action réel?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le gouvernement travaille avec les autres ordres de gouvernement, afin d'étudier le problème et aussi de prendre des mesures. Des mesures ont été prises, mais il reste beaucoup de travail à faire. Il s'agit d'une question grave qui touche toutes les collectivités, mais tout particulièrement les collectivités autochtones. Le problème n'est pas nouveau. Tous les gouvernements ont eu à y faire face et je crois que notre gouvernement, comme ceux qui l'ont précédé, fait tout son possible pour créer de meilleures conditions économiques et offrir de meilleures possibilités. Tout cela mis ensemble aidera à atténuer le grave problème dont nous parlons ici. Nous collaborons avec les corps policiers dans les dossiers sociétaux afin d'instaurer un meilleur climat dans les collectivités autochtones.

Le problème ne peut pas être réglé du jour au lendemain. Je crois, comme je l'ai déclaré dans de nombreuses réponses données ici, que les différents programmes mis en place par le gouvernement pour soutenir les collectivités autochtones aideront les familles à être plus saines et à se manifester mutuellement plus de respect. Nos programmes incluent une meilleure éducation, de la formation professionnelle, de meilleurs services de soins de santé et des milieux de vie plus propres et plus sains. Tout cela mis ensemble devrait instaurer de meilleures conditions pour les femmes et les enfants.

Pour ce qui est des actes de violence eux-mêmes, tous les ordres de gouvernement collaborent afin d'y mettre fin. Les gouvernements continuent de surveiller et d'étudier le problème, mais cela ne veut absolument pas dire que rien ne se fait à ce sujet.

Le projet Sœurs par l'esprit

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser au leader du gouvernement au Sénat. L'Association des femmes autochtones du Canada, par la voie du projet Sœurs par l'esprit, a accompli un travail remarquable dans le dossier de la violence contre les femmes. Le gouvernement a reconnu le travail de cette association, et je me réjouis de cette reconnaissance.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle dire aux honorables sénateurs où en est l'étude de la demande présentée par l'Association des femmes autochtones du Canada pour la reconduction pour cinq ans du projet Sœurs par l'esprit?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Dyck de sa question. Je suis au courant de la demande concernant Sœurs par l'esprit. Je ne crois pas que la décision finale ait été rendue, mais j'espère qu'elle le sera bientôt. Je serai heureuse d'informer les sénateurs de cette décision dès que je saurai de quoi il retourne.

Les ententes sur les revendications territoriales globales

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, l'année dernière, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a adopté un rapport sur les ententes sur les revendications territoriales globales. La deuxième recommandation du comité est d'établir une commission indépendante, comme une commission moderne des traités, chargée de la mise en œuvre des ententes sur les

revendications territoriales globales et du règlement des questions financières connexes.

La réponse du gouvernement, présentée en septembre dernier, ne donne suite à aucune de nos recommandations directement. De plus, les représentants du gouvernement ont clairement indiqué, lors d'une récente audience, qu'ils n'avaient pas du tout l'intention de créer un organe indépendant. Le gouvernement a plutôt décidé d'établir un forum, un genre de comité interministériel interne.

Le gouvernement est-il disposé à admettre que, contrairement à une commission indépendante, un comité interne n'est ni crédible ni capable d'assurer une surveillance efficace?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je n'admettrai rien de la sorte. À l'heure actuelle, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien est saisi de plusieurs dossiers concernant les revendications territoriales en Colombie-Britannique. Ce sont des questions complexes qui ne sont pas les mêmes dans les diverses provinces et territoires. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a fait beaucoup de progrès avec nos partenaires autochtones.

Nous avons présenté une réponse au rapport du Comité des peuples autochtones. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien fait de l'excellent travail et a établi de bonnes relations avec les diverses collectivités autochtones. Le gouvernement estime que c'est ainsi qu'il faut procéder pour régler certaines de ces questions de revendications territoriales.

Le sénateur Hubley : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Le rapport du comité a fait l'objet d'un consensus. Le sénateur St. Germain a proposé l'adoption du rapport, et celui-ci a été adopté au Sénat à l'unanimité.

La réponse du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien à la deuxième recommandation se résume à la phrase suivante, tirée d'une lettre qu'il a rédigée : « Le gouvernement reconnaît qu'il faut trouver une façon efficace de résoudre les différends. » C'est exactement ce que propose notre comité. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la réponse du ministre manque de conviction. Quand le gouvernement se décidera-t-il à établir un organe crédible et indépendant pour garantir un traitement égal à tous les peuples autochtones?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur d'avoir confirmé en lisant la réponse du ministre exactement ce que j'ai dit en réponse à sa première question. Le ministre collabore de très près avec les divers groupes autochtones en ce qui concerne les revendications territoriales. Ces questions sont complexes. Certaines revendications portent sur des questions qui ne se retrouvent pas dans d'autres et il n'y a pas un modèle unique qui s'applique dans tous les cas. Je pense que la réponse du ministre au rapport correspond effectivement à la réponse dont madame le sénateur vient de faire lecture.

[Français]

Le travail

Le conflit de travail aux musées

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Alors que la ministre du Travail, Mme Rona Ambrose, sous prétexte de la relance économique, a nommé un arbitre pour régler le conflit entre les parties au CN en trois jours, cette même ministre s'entête à ne pas mettre de pression sur la direction du Musée canadien des civilisations et du Musée canadien de la guerre pour régler le conflit de travail qui perdure depuis bientôt trois mois.

La ministre ne croit-elle pas que nos deniers publics sont gaspillés lorsque les employés, qui sont mandatés par l'État pour préserver l'histoire et le patrimoine du Canada, ne peuvent exercer leur travail et fournir les services auxquels la population a droit? Je pense ici à tous ces jeunes des différents établissements d'enseignement qui n'ont pu s'enrichir des programmes scolaires offerts habituellement par les deux musées parce qu'ils ont été annulés lors du déclenchement de la grève.

La ministre ne croit-elle pas que l'éducation de nos jeunes est aussi importante économiquement que les activités de transport du CN? Ou, comme nous l'avons vu auparavant, est-ce que la politique du Parti conservateur de sabrer dans tout ce qui touche la culture et les arts ne relève tout simplement pas de leur plan économique?

(1430)

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : La dernière partie de la question au sénateur est, comme elle le sait, carrément fausse et n'est même pas digne de mention et encore moins d'une réponse.

Comme la ministre Ambrose l'a clairement indiqué, en ce qui concerne la grève aux musées, nous avons toujours espéré que les parties en arrivent à une entente sans intervention du gouvernement, comme ce fut heureusement le cas hier à CN Rail.

Le médiateur nommé par la ministre travaille avec les deux parties depuis le début de la grève. Comme je l'ai indiqué dans ma réponse au sénateur Lapointe, nous continuons d'inciter les deux parties à en arriver à une solution le plus tôt possible.

En outre, comme je l'ai également mentionné au sénateur Lapointe, la ministre est disposée à nommer un arbitre, mais les deux parties doivent y consentir.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Le temps des Fêtes arrive à grands pas et le Parlement ajournera d'ici deux semaines. Afin que les quelque 400 familles des employés en grève depuis trois mois puissent se réjouir à Noël, comme les autres Canadiens, le gouvernement conservateur pourrait-il exercer la même diligence dont il a fait preuve dans le secteur du transport avec le CN et proposer une loi spéciale afin de mettre fin au conflit, puisque nous serions prêts à appuyer cette loi?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, la ministre continue d'exhorter les parties à régler ce différend aussi rapidement que possible. Le gouvernement surveille attentivement la situation et, comme je l'ai indiqué, la ministre nommera un arbitre à condition que les deux parties l'acceptent.

Je crois que le médiateur que la ministre a nommé avant le début de la grève s'emploie vigoureusement à en arriver à cette conclusion.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi concernant la sécurité des produits de consommation

Présentation du douzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports des comités permanents ou spéciaux :

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le douzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui porte sur le projet de loi C-6, Loi concernant la sécurité des produits de consommation.

(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1539.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Eggleton, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Claude Carignan propose que le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai le privilège de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-36.

Ce projet de loi propose de mettre un terme au régime de la dernière chance, qui permet aux meurtriers condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité de demander d'être admissible à la libération conditionnelle anticipée. Le projet de loi C-36, renforçant la sévérité des peines d'emprisonnement pour les crimes les plus graves, propose de modifier le Code criminel pour abroger, en pratique, le régime de la dernière chance après son entrée en vigueur. De manière tout aussi importante, il propose de resserrer la procédure de demande d'admissibilité à la libération conditionnelle anticipée pour les meurtriers déjà condamnés qui ont actuellement le droit de le faire ou qui auront ce droit une fois qu'ils auront purgé 15 ans de leur peine.

Honorables sénateurs, je suis fier de parrainer cette mesure historique. Notre gouvernement s'est engagé à se montrer ferme envers les crimes violents et à demander que les contrevenants assument la responsabilité de leurs actions. Le projet de loi C-36 est un autre exemple du fait que cet engagement a été tenu.

Avant d'examiner plus en détail les modifications au Code criminel proposées par le projet de loi C-36, permettez-moi de présenter le contexte légal, historique et social qui a engendré ces modifications, afin de mieux illustrer pourquoi celles-ci sont nécessaires et opportunes. Étant donné qu'il n'y a pas de contrevenants emprisonnés actuellement pour avoir commis la haute trahison, je me limiterai à parler du meurtre. À cet égard, et comme bien des honorables sénateurs le savent, avant 1976, un meurtre qualifié, c'est-à-dire un meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré, entraînait la peine de mort. Tous les autres meurtres étaient des meurtres non qualifiés et entraînaient l'emprisonnement à perpétuité, assorti de la possibilité de demander une libération conditionnelle après qu'un délinquant ait purgé sept ans de sa peine d'emprisonnement.

Cependant, la peine de mort pour meurtre qualifié pouvait être commuée en peine d'emprisonnement à perpétuité, assortie de la possibilité de demander une libération conditionnelle. Dans ce cas, il fallait purger dix ans avant que la Commission nationale des libérations conditionnelles puisse accorder une libération conditionnelle. À cette époque, le temps moyen passé en prison pour un meurtre qualifié était de 15,8 ans. En d'autres mots, les auteurs de meurtre qualifié, qui obtenaient leur libération conditionnelle, purgeaient moins de 16 ans de leur peine avant de sortir de prison.

Après 1962, l'opinion publique à l'endroit de la peine de mort commença à changer et les gouvernements successifs, conservateurs et libéraux, ont commué toutes les peines de mort. Finalement, en 1976, le Parlement a abrogé la peine de mort et a reclassé le meurtre en meurtres au premier degré et au deuxième degré. Ainsi, en vertu de l'article 231 du Code criminel, le meurtre au premier degré comprend le meurtre commis avec préméditation et de propos délibéré et le meurtre à forfait. Par ailleurs, un meurtre est assimilé à un meurtre au premier degré lorsque la victime exerce un métier associé à l'administration de la justice, tel un agent de police, un gardien ou un directeur de prison, ou si la mort est causée par une personne qui commet ou tente de commettre certaines infractions sérieuses, comme le détournement d'un avion, l'enlèvement et la séquestration ou l'agression sexuelle grave. Les meurtres qui n'appartiennent pas à la catégorie des meurtres au premier degré sont des meurtres au deuxième degré.

Le meurtre est un crime sérieux qui entraîne une punition tout aussi sérieuse, l'emprisonnement à perpétuité, assorti de la possibilité de demander la libération conditionnelle après une période d'inadmissibilité déterminée en vertu de l'article 745 du Code criminel. Cette période est de 25 ans pour le meurtre au premier degré, et pour le meurtre au deuxième degré lorsque le meurtrier a déjà été reconnu coupable d'un meurtre au premier ou au deuxième degré ou d'un meurtre intentionnel en vertu de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. La période d'inadmissibilité pour tout autre meurtre au deuxième degré est de dix ans.

(1440)

Toutefois, le juge chargé du prononcé de la peine a toujours l'autorité, en vertu de l'article 745.4 du Code criminel, d'établir une période d'inadmissibilité plus longue — jusqu'à un maximum de 25 ans — compte tenu du caractère du délinquant, de la nature de l'infraction et des circonstances entourant la perpétration ou de toute autre recommandation faite par le jury.

Comme le montre le procès de Robert Pickton, en Colombie- Britannique, les juges se prévalent de cette autorité. Rappelons que Pickton a été condamné par le jury pour avoir commis six meurtres au deuxième degré. Le juge a alors prolongé la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle de Pickton au maximum actuel de 25 ans.

Comme les honorables sénateurs peuvent bien l'imaginer, et comme certains peuvent se le rappeler, en 1976, le débat sur la peine de mort a été passionné et la période plus longue de 25 ans d'inadmissibilité à la libération conditionnelle a été adoptée à titre de compromis en échange de l'élimination de la peine de mort.

À l'époque, le soi-disant régime de la dernière chance était conçu comme un contrepoids aux nouvelles périodes d'inadmissibilité à la libération conditionnelle pour le meurtre au premier et au deuxième degrés, qui étaient plus longues que le temps moyen passé en prison pour un meurtre au Canada ou dans certaines autres démocraties occidentales.

L'objectif était d'offrir un certain espoir dans le cas exceptionnel d'un contrevenant qui faisait preuve d'une capacité importante de réadaptation et qui avait fait preuve de bonne conduite en prison.

Le régime de la dernière chance a été conçu pour reconnaître que, dans certains cas, il n'est peut-être pas dans l'intérêt public de poursuivre l'incarcération de certains contrevenants comme les personnes âgées, infirmes ou gravement malades.

Bien que peu de délinquants se soient servis du régime de la dernière chance au cours des années — il y a eu un total de 265 demandes depuis 1976 — et ont encore moins réussi à obtenir une réduction de leur période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle, ces dispositions sont quand même très controversées chez le public canadien.

L'opposition au régime de la dernière chance par les associations canadiennes des policiers et celles des défenseurs des droits des victimes se fait entendre chaque fois qu'un meurtrier particulièrement notoire, qui a très peu de chances d'obtenir une libération conditionnelle — ou la libération conditionnelle anticipée —, dépose une demande.

Je pense bien sûr à des gens comme Clifford Olson, qui profitent de chaque procédure légale disponible pour faire avancer leurs intérêts.

Qu'il s'agisse d'un requérant aussi notoire ou indigne qu'Olson, le résultat d'une demande et de l'audition qui s'ensuit demeure le même pour les familles et les proches des victimes; ils sont contraints d'entendre de nouveau les détails horribles des crimes qui ont causé leur perte.

Trop souvent, honorables sénateurs, le stress que produisent les demandes, et même les incertitudes quant à savoir si et quand un contrevenant fera une demande, traumatisent les familles et leurs proches à un point tel qu'ils deviennent eux-mêmes des victimes.

Ils sont victimes d'un processus que plusieurs perçoivent comme étant la cause de douleurs sociales plus importantes que la prévention prévue préalablement.

Dans cette optique, la justification générale du projet de loi C-36 est très claire : en supprimant le régime de la dernière chance pour les futurs meurtriers, et en resserrant la procédure de demande d'admissibilité à la libération conditionnelle anticipée pour ceux qui ont actuellement le droit de faire une demande, les familles et les proches des victimes d'un meurtre seront mieux protégés du risque de devenir des victimes secondaires de crimes pour lesquels l'auteur a été justement condamné et puni.

De plus, les mesures proposées dans le projet de loi C-36 protégeraient plus efficacement la société canadienne en gardant les meurtriers incarcérés plus longtemps.

À cet égard, je ne puis m'empêcher de noter ce que les membres de l'opposition ont dit au sujet du taux de récidivisme pour ceux qui ont réussi à obtenir la libération conditionnelle anticipée. Ils insistent sur le fait que, des 265 demandes, seulement 140 ont obtenu une réduction de leur période d'admissibilité et seulement 127 d'entre eux ont obtenu une libération conditionnelle.

On constate que, parmi les 127 qui ont réussi à se faire libérer, seulement quatre ont été reconnus coupables de nouvelles infractions et personne n'aurait commis un autre meurtre. À la lumière de ces chiffres, on accuse notre gouvernement d'être myope et d'avoir abandonné la réadaptation en faveur du châtiment.

Rien n'est plus loin de la vérité, car rien dans le projet de loi C-36 ne touche le droit d'un meurtrier condamné de se réadapter et de demander la libération conditionnelle lorsqu'il a purgé la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle qui lui a été imposée au moment du prononcé de la peine.

À cet égard, honorables sénateurs, nous devrions nous rappeler qu'il s'agit aussi de l'adéquation de la peine et du crime. Permettre aux meurtriers condamnés la possibilité, aussi faible qu'elle soit, d'obtenir une libération conditionnelle avant que la période d'inadmissibilité qui lui est imposée au moment du prononcé de la peine soit purgée défie l'adéquation de la peine et du crime.

L'adéquation de la peine et du crime n'exige rien de moins que ceci : ceux qui sont condamnés à l'emprisonnement à perpétuité assorti d'une période déterminée durant laquelle ils ne pourront pas demander la libération conditionnelle devraient passer toute cette période en prison.

Avant de continuer, honorables sénateurs, permettez-moi de commenter une autre critique visant ce projet de loi que font les membres de l'opposition. Comme pour le récidivisme, ils reprochent à ce projet de loi d'enlever au jury, composé de 12 citoyens de l'endroit où le meurtre a été commis, le droit de décider si le requérant mérite une réduction de sa période d'admissibilité à la libération conditionnelle.

Certains ont laissé entendre que le projet de loi C-36 était un affront au rôle de jury dans notre système de justice. Honorables sénateurs, ces commentaires ne cadrent pas avec la nature des modifications contenues dans ce projet de loi.

Loin de renier le rôle primordial du jury dans le système de justice au Canada, le projet de loi C-36 met ce rôle en valeur en assurant que la décision du jury qui a condamné le contrevenant soit respectée et appliquée.

En arrivant à sa décision, le jury a entendu tous les faits du crime et a pu évaluer le caractère du contrevenant en tenant compte de toutes les circonstances entourant ce crime. Ce jury connaît le crime, le contrevenant et la victime, et sa décision doit par conséquent être respectée. Voilà ce que propose le projet de loi C-36.

J'ai dit auparavant que le projet de loi C-36 éliminerait le régime de la dernière chance à l'avenir et resserrerait la procédure actuelle de demande de libération conditionnelle anticipée.

Permettez-moi de décrire comment les mesures proposées dans ce projet de loi atteindront ces objectifs.

Premièrement, ces mesures auraient pour effet d'interdire à tout auteur éventuel de meurtre ou de haute trahison de présenter une demande en vertu du régime de la dernière chance. En effet, tous ceux qui commettent leur infraction à la date ou après la date d'entrée en vigueur de ces modifications ne pourront présenter une demande d'admissibilité à une libération conditionnelle anticipée.

Bref, pour les futurs auteurs de meurtre ou de haute trahison, le régime de la dernière chance sera entièrement abrogé.

Comme bien des honorables sénateurs le savent, il y a à l'heure actuelle près de 1 000 contrevenants purgeant des peines d'emprisonnement à perpétuité dans les prisons canadiennes qui sont admissibles à une libération conditionnelle anticipée ou qui le seront au cours des prochaines années.

Il y a également un certain nombre de meurtriers récemment condamnés, ainsi que d'autres personnes accusées de meurtre qui ne sont pas encore condamnées.

Le projet de loi C-36 ne touchera pas leur droit de déposer une demande une fois admissibles. Cependant, le projet de loi C-36

propose de resserrer la procédure afin d'écarter les demandes de requérants qui ne méritent pas d'avoir une telle chance. De plus, il impose de nouvelles périodes qui limiteront le nombre de reprises où un contrevenant demande à être admissible à la libération conditionnelle anticipée, une fois qu'il a purgé 15 ans de sa peine.

(1450)

Permettez-moi de décrire plus en détail ce que les nouvelles procédures comportent.

En vertu de la loi actuelle, dès qu'un contrevenant a purgé 15 ans de sa peine, il peut présenter une demande. Ceci crée évidemment de l'inquiétude pour les familles et les proches des victimes, qui ne savent pas quand ou si le contrevenant fera une demande qui les contraindra à revivre le traumatisme de leur perte.

Le projet de loi C-36 propose de modifier la procédure actuelle en forçant les requérants éventuels à déposer leur demande dans les trois mois suivant la date où ils auront purgé 15 ans de leur peine. S'ils ne le font pas pendant ce délai de 90 jours, ils devront attendre cinq ans avant de pouvoir faire une nouvelle demande. Actuellement, le régime de la dernière chance comporte trois étapes. Le projet de loi C-36 apporterait quelques changements à deux des trois étapes.

Premièrement, le requérant doit actuellement convaincre un juge de la Cour supérieure qu'il existe une possibilité réelle que la demande soit accueillie avant de passer à la deuxième étape. Selon les tribunaux, ce critère est trop peu exigeant. Afin d'écarter les demandes qui ne méritent pas de passer à la prochaine étape, le projet de loi C-36 imposerait un critère de sélection plus exigeant. Ainsi, un juge devra être convaincu qu'il existe une probabilité marquée que la demande soit bien accueillie.

Si le requérant ne réussit pas la première étape, il peut présenter une nouvelle demande deux ans plus tard, à moins que le juge ne fixe un délai plus long. Le projet de loi C-36 imposerait une période d'attente de cinq ans au lieu de deux. Il en résulterait qu'un contrevenant dont la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle est de 25 ans, par exemple, ne pourra présenter plus de deux demandes après avoir purgé 15 ans de sa peine et, une fois de plus, cinq ans plus tard.

Le changement de deux à cinq ans aura pour effet de réduire l'incertitude pour les familles et les proches des victimes en ce qui a trait à l'audience relative au régime de la dernière chance.

À la deuxième étape du processus, le requérant doit convaincre un jury composé de 12 citoyens de décider à l'unanimité de réduire la période d'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Si le jury refuse, une autre demande peut être présentée après deux ans, ou après un délai plus long fixé par le jury.

Le projet de loi C-36 imposerait une période d'attente plus longue de cinq ans au lieu de deux ans. Si le jury accepte de réduire la période d'inadmissibilité, comme ce fut le cas des 140 demandes à ce jour, il peut fixer une nouvelle période réduite. À l'expiration de cette nouvelle période, le requérant peut passer à la troisième étape et présenter une demande formelle de libération conditionnelle à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Comme je l'ai mentionné, le projet de loi C-36 ne propose aucun changement à la procédure actuelle permettant la présentation d'une demande à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Toutefois, je dois rappeler aux honorables sénateurs que la libération conditionnelle, pour un meurtrier, n'est pas automatique et qu'elle ne pourra lui être accordée que si le requérant peut convaincre la commission qu'il est peu susceptible de constituer une menace pour la sécurité du public.

De plus, les détenus en liberté conditionnelle demeurent condamnés à l'emprisonnement à perpétuité et, en cas de manquement à une condition de leur libération conditionnelle, ils seront remis en détention.

Étant donné que la Loi sur la défense nationale incorpore par renvoi le régime de la dernière chance prévu dans le Code criminel, tous ces changements s'appliqueraient aux membres des Forces canadiennes condamnés en vertu de cette loi.

Honorables sénateurs, avant de conclure, permettez-moi de profiter de cette occasion pour rappeler toutes les controverses qui entourent le régime de la dernière chance et qui ont donné lieu aux modifications au Code criminel proposées dans ce projet de loi.

Depuis le début, certains individus dans la société canadienne ne cessent d'exprimer leurs inquiétudes quant à l'existence d'un processus qui permet à ceux qui ont été condamnés du pire crime de passer une période carcérale plus courte que celle qui leur a été imposée au moment du prononcé de la peine.

Beaucoup de Canadiens inquiets continuent de se demander comment l'accès à la libération conditionnelle anticipée cadre avec les principes fondamentaux de la détermination de la peine, soit de dénoncer un comportement illégal ou de dissuader les délinquants de commettre d'autres infractions.

Honorables sénateurs, la confiance du public à l'égard de l'intégrité du système de justice au Canada est minée lorsque ceux qui sont condamnés du crime le plus sérieux qu'on puisse imaginer obtiennent facilement leur admissibilité à la libération conditionnelle anticipée.

Un système de justice n'est efficace que s'il est à la fois juste et équitable et qu'il jouit de la confiance du public. L'approche du projet de loi C-36 aidera à rehausser la confiance du public à l'endroit de notre système de justice.

Le gouvernement s'est engagé à considérer les problèmes engendrés par le régime de la dernière chance. Le projet de loi C- 36 mérite l'appui de tous les honorables sénateurs au nom des victimes, de leurs familles et de leurs proches et de façon plus générale, au nom des Canadiens et des Canadiennes.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

(1500)

[Traduction]

Finances nationales

Motion tendant à autoriser le comité à examiner l'état du Régime de pension—Suite du débat

Permission ayant été accordée de revenir à la rubrique « Autres affaires », autres, motion nº 73 :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eggleton, C. P., appuyée par l'honorable sénateur Ringuette :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner l'état du régime de pension du Canada étant donné l'information selon laquelle quelque cinq millions de Canadiens n'ont pas suffisamment d'économies pour leur retraite;

Le Comité sera autorisé à examiner en particulier :

a) la Sécurité de la vieillesse / le Supplément de revenu garanti;

b) le Régime de pensions du Canada / le Régime de rentes du Québec;

c) l'épargne des particuliers, notamment : les régimes de pension offerts par l'employeur, les régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER), et d'autres options d'investissement et d'épargne;

Que l'étude soit de portée nationale et comprenne des solutions proposées qui misent surtout sur les stratégies de collaboration mettant à contribution le gouvernement fédéral et les provinces;

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 30 novembre 2009 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires afin de diffuser ses constatations pendant 180 jours après le dépôt du rapport final.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir faire quelques brèves observations sur la motion du sénateur Eggleton, qui propose d'autoriser le Comité sénatorial permanent des finances nationales à examiner l'état du régime de pension du Canada. La motion autorisera le comité à examiner :

a) la Sécurité de la vieillesse / le Supplément de revenu garanti;

b) le Régime de pensions du Canada / le Régime de rentes du Québec;

c) l'épargne des particuliers, notamment : les régimes de pension offerts par l'employeur, les régimes enregistrés d'épargne-retraite (REER), et d'autres options d'investissement et d'épargne;

Avant de discuter de la motion, je rappelle aux sénateurs l'initiative du gouvernement visant à aider les aînés et les retraités du Canada. J'aimerais d'abord mentionner les faits évidents, que les sénateurs connaissent certainement, selon lesquels le Canada doit faire face au vieillissement de la population. Le passage à la retraite des baby-boomers aura des répercussions sur tout, notamment sur la taille de la population active et sur la prestation des soins de santé aux Canadiens. On estime que, d'ici 2041, un Canadien sur quatre aura plus de 65 ans.

Honorables sénateurs, deux vastes exercices de consultation ont été mis en œuvre par le gouvernement, le premier, par le très respecté Jack Mintz, et le second, par le député Ted Menzies. Ces deux personnes ont mené de vastes consultations auprès des Canadiens en parcourant le pays d'un bout à l'autre. Le Canada a une bonne longueur d'avance en ce qui concerne les actions prises pour faire face au vieillissement de la population. En 2001, l'actuaire en chef du Canada a confirmé la viabilité future de notre régime public de pensions et du Régime de pensions du Canada.

Il ne fait pas de doute que la récente crise économique mondiale a eu des répercussions négatives sur les régimes de pensions publics et privés, mais la bonne reprise qu'a connue le Canada atténuera sûrement la plupart de ces répercussions. Il faut que le comité examine en profondeur la situation.

[Français]

Par ailleurs, le gouvernement a bonifié le crédit pour revenu de pension, le doublant de 1 000 $ à 2 000 $. Cette mesure a bénéficié à 2,7 millions d'aînés et 85 000 personnes n'ont plus d'impôt à payer. Il a également augmenté de 1 000 $ le crédit en raison de l'âge, le portant de 4 066 $ à 5 066 $, offrant ainsi un allégement fiscal supplémentaire de centaines de dollars aux aînés à faible revenu.

En outre, le gouvernement a fait en sorte que les aînés ne soient pas pénalisés s'ils continuent de travailler, en portant de 69 à 71 ans l'âge de conversion des REER en FEER. Enfin, il a remis de l'argent dans les poches des aînés qui désirent rester sur le marché du travail, ayant multiplié par sept l'exemption au titre du Supplément de revenu garanti, le portant de 500 $ à 3 500 $.

En plus de ces nombreuses mesures, le gouvernement a posé un geste extraordinaire en créant le Compte d'épargne libre d'impôt. C'est l'instrument d'épargne le plus important depuis l'entrée en vigueur du REER, et j'espère que le comité examinera le rôle de ce nouvel outil en ce qui concerne les régimes de retraite et de sécurité du revenu des Canadiens à l'avenir.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur Eggleton; il s'agit d'une question importante que le Sénat est tout à fait apte à étudier. Toutefois, et le sénateur Eggleton le sait, je ne crois pas que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit le comité qui doive faire cette étude. Le mandat du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie inclut les questions liées aux pensions et je vous renvoie à la page 86 du Règlement du Sénat, où ce mandat est précisé. En outre, la date fixée pour la présentation du rapport, soit le 30 novembre 2009, doit être repoussée.

Motion d'amendement

L'honorable Consiglio Di Nino : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée :

a) en remplaçant les mots « finances nationales » par les mots « affaires sociales, des sciences et de la technologie »; et

b) en remplaçant les mots « 30 novembre 2009 » par les mots « 30 juin 2010 ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : Y aura-t-il un débat sur la motion d'amendement?

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Di Nino de soutenir cette étude. Il souligne diverses mesures que le gouvernement a prises. Les gouvernements successifs ont pris différentes mesures au sujet des pensions, mais le contexte est différent aujourd'hui. La crise économique actuelle nous a permis de nous rendre compte que beaucoup de personnes n'auront pas de régimes de pension décents à leur retraite. Le problème ne découle pas uniquement de la récession, mais cette récession a attiré l'attention sur le problème et les Canadiens n'ont pas suffisamment d'économies pour être en mesure d'assurer leur subsistance au moment de la retraite.

J'ai parlé plus tôt des éléments fondamentaux du problème et ne je m'abstiendrai de me répéter. Je parlerai donc de l'amendement que vient de proposer le sénateur Di Nino.

On pourrait soutenir que l'étude devrait être réalisée soit par le Comité des affaires sociales, soit par le Comité des finances. En fait, comme il a été saisi du projet de loi C-51, le Comité des finances étudie actuellement des questions relatives aux pensions. Par le passé, il s'est aussi penché à maintes reprises sur des questions de ce genre. Au Sénat, le comité le mieux placé pour étudier les dossiers émanant du ministère des Finances est celui des finances, tout

comme, j'en suis persuadé, le Comité des banques. Cependant, au Canada, le ministère des Finances est certainement celui qui est le plus saisi des questions touchant les régimes de retraite et les ententes concernant la sécurité de la vieillesse.

Par ailleurs, j'ai discuté de cette question avec le président du Comité des finances, le sénateur Day, qui estime que l'étude convient aux attributions de son comité. En outre, à certaines occasions, nous avons réalisé un examen préliminaire des questions relatives aux pensions. Par exemple, nous avons reçu dernièrement l'association des employés de Nortel et d'autres personnes, qui ont fait état d'améliorations à apporter aux pensions et de moyens d'y arriver, que ce soit sur une base volontaire ou en collaboration avec le gouvernement, dans le cadre d'un plan qui viendrait s'ajouter au Régime de pensions de Canada.

Je crois que l'on pourrait choisir l'un ou l'autre des comités. Permettez-moi aussi de signaler au sénateur Di Nino que le Sénat a attribué des obligations au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il a donc beaucoup de pain sur la planche. Cela ne signifie pas que le Comité des finances se la coule douce. Ce n'est évidemment pas le cas. Pour ce qui est des études sur l'élaboration de politiques, le Comité des affaires sociales réalise une étude sur les villes autorisée préalablement par le Sénat, une étude sur l'éducation postsecondaire, aussi autorisée préalablement par le Sénat, ainsi qu'une motion du sénateur Eaton inscrite au Feuilleton et tendant à mener une étude sur l'identité canadienne. Le sénateur Eaton sait très bien qu'il faudra attendre que le Sénat donne son accord avant de lancer cette étude. Ajouter une autre étude à tout ce que le Comité des affaires sociales a déjà à faire ne donnera rien.

(1510)

C'est le programme qu'a établi le Sénat. Évidemment, nous devons en plus étudier les projets de loi courants qui nous sont envoyés, tout comme le Comité des finances. Autant que je sache, ce comité n'a pas à réaliser une de ces études supplémentaires sur l'élaboration des politiques pour le moment. Il a un programme chargé, comme la plupart des comités.

Pour cette raison, je croit que c'est le Comité des finances qui devrait s'en charger, et le président de ce comité, le sénateur Day, est du même avis.

Je demande aux sénateurs de ne pas adopter l'amendement, mais d'adopter la motion, qui, le sénateur Di Nino et moi en convenons, est importante et devrait être adoptée. Cette motion est inscrite au Feuilleton depuis le printemps. La situation ne se réglera pas d'elle- même; c'est un des plus graves problèmes au Canada à l'heure actuelle.

(Sur la motion du sénateur Mockler, le débat est ajourné.)

Question de privilège

Report de la décision de la présidence

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je soulève la question de privilège. Comme il se doit, j'ai donné l'avis écrit au greffier du Sénat plus tôt ce matin, et j'ai donné un avis verbal ici même cet après-midi.

Honorables sénateurs, je soutiens que M. Benjamin Perrin, professeur de droit à l'Université de la Colombie-Britannique, a porté atteinte à mon privilège de sénateur et au privilège du Sénat dans son ensemble.

Dans un communiqué portant sur des accusations de traite de personnes portées la même date que la Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage, M. Perrin mentionne le Sénat. Ce communiqué fait référence au projet de loi C-268, Loi modifiant le Code criminel (peine minimale pour les infractions de traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans), de Mme Joy Smith.

Je tiens pour acquis, honorables sénateurs, que chacun d'entre nous s'oppose aux mauvais traitements infligés aux enfants. Inutile de discuter de qui est pour et qui est contre. C'est évident. Nous avons aussi l'autorisation, sinon l'obligation, en vertu de la doctrine parens patriae, de défendre les enfants en tous temps. C'est pour moi une question de respect mutuel qui va de soi.

Honorables sénateurs, avant que je ne continue, n'oublions pas que les crimes, particulièrement les infractions sexuelles contre les enfants, sont pour nous des gestes troublants, offensants et odieux.

De toute façon, je demande à Son Honneur, le Président de juger que la question de privilège paraît fondée à première vue d'après les faits et aussi d'après le droit du Parlement, ou lex parliamenti, conféré au Canada à l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Cet article confère au Canada les pouvoirs, privilèges et immunités de l'ancien Parlement du Royaume-Uni. Ces pouvoirs et privilèges sont le fruit du sacrifice ultime et des efforts consentis par de nombreux grands parlementaires britanniques. Ces privilèges ont coûté très cher. Ils existent non pas pour servir nos intérêts personnels, mais bien pour servir l'intérêt public.

Honorables sénateurs, si le sénateur Kinsella juge que la question de privilège paraît fondée à première vue, je suis prête à présenter la motion pertinente.

Tout cela concerne un projet de loi parrainé par Mme Joy Smith. Juste pour rappeler les faits aux sénateurs, si vous regardez le Feuilleton d'aujourd'hui, vous verrez que le débat sur cet article a été ajourné à mon nom. C'est l'article no 1, à la page 8. Nous en sommes maintenant au neuvième jour. Il n'y donc pas de problème.

Honorables sénateurs, je dois informer la Chambre que j'ai eu une rencontre avec Mme Smith, qui est députée de Kildonan—St. Paul, le 27 octobre 2009. Je lui ai indiqué à ce moment-là que je voulais participer au débat sur le projet de loi et que j'allais faire de très sérieuses recherches. Je vais être bien honnête, honorables sénateurs, je suis en train de revoir les ouvrages de Blackstone, de sir Matthew Hale et d'autres sur les principes du châtiment et de la détermination de la peine.

J'en ai informé la députée. Je l'ai aussi informée de mon intention d'appuyer le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Elle comprend cela. Je l'ai également informée de mon intention de faire mes recherches et de prendre ensuite la parole à ce sujet.

Après cette rencontre, mon bureau a reçu de nombreux appels téléphoniques de gens qui disaient que je bloquais l'étude du projet de loi — c'est le terme qu'ils ont employé —, allant même jusqu'à exercer des pressions sur mon personnel pour connaître mes intentions concernant cette mesure législative. Je ne comprends pas comment et pourquoi des doutes ont surgi quant à mes intentions concernant ce projet de loi, si c'est le cas, mais je sais toutefois que, d'après ce que j'ai dit ici, mes intentions ont toujours été bien claires. Je travaille à ce dossier et j'ai l'intention de parler de ce projet de loi très bientôt.

Je tiens également à dire, relativement à cette question de privilège, que, à ma connaissance, Mme Smith n'a participé d'aucune façon à la production du communiqué de presse de M. Perrin. Elle m'en a envoyé une copie, et je veux simplement l'exonérer de tout blâme dans cette affaire afin que nous comprenions clairement la nature de ma plainte.

Je rappelle encore une fois aux sénateurs que, la première fois que j'ai proposé l'ajournement, j'ai cédé la parole à madame le sénateur Dyck, à sa demande, afin qu'elle puisse être la deuxième à prendre la parole et jouir des 45 minutes que cela lui conférait. Madame le sénateur Dyck a été persuasive. Elle voulait faire part au Sénat de plusieurs points importants concernant les Autochtones. Le sénateur Dyck sait que j'ai respecté ses désirs à cet égard, et que j'ai aussi respecté les droits de Mme Smith.

J'ai aussi précisé très clairement que, si un sénateur voulait prendre la parole sur le projet de loi C-268, j'étais prête à lui céder la parole sur-le-champ.

Honorables sénateurs, je veux lire un extrait d'un communiqué de presse de M. Benjamin Perrin daté du 2 décembre. Je me souviens d'avoir pensé que c'était bien le professeur de droit de l'Université de la Colombie-Britannique dont on avait clairement dit, au cours du débat à la Chambre des communes, qu'il avait joué un grand rôle dans l'élaboration de ce projet de loi. Comme je le disais dans mon avis, honorables sénateurs, M. Perrin semble s'attribuer le mérite de ce projet de loi. Je ne sais pas à quel point c'est son œuvre, mais je sais que M. Perrin a participé activement à sa rédaction.

Je veux lire le communiqué de presse, mais si je pouvais le déposer, cela m'éviterait d'avoir à le lire au complet.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que madame le sénateur dépose le communiqué de presse?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cools : Ainsi, je pourrai n'en lire que les passages pertinents.

Le communiqué s'intitule « Accusations de traite de personnes portées au cours de la Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage ».

Les sénateurs doivent comprendre que ce communiqué de presse m'a profondément affectée, à un point que je ne suis peut-être pas capable de décrire. J'espère que certains ont suffisamment d'imagination pour comprendre pourquoi.

Il porte la mention « pour publication immédiate » et est daté d'hier, 2 décembre 2009. Je vais en lire le premier paragraphe, puis m'arrêter seulement aux passages qui parlent de moi. Voici :

Vancouver — Aujourd'hui, la police de Calgary a annoncé que deux affaires différentes de traite de personnes avaient donné lieu à des accusations. C'est la première fois que de telles accusations sont portées dans cette ville depuis l'adoption d'une loi créant cette infraction, en 2005. Ce sont de troublants rappels que l'esclavage moderne existe au Canada, et ils surviennent le jour même où le monde souligne la Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage.

Le communiqué traite ensuite de la police de Calgary, de la nécessité pour le procureur d'être très vigilant, et ainsi de suite. On décrit alors le premier cas annoncé par la police et autre chose, puis on arrive à un autre titre : « Il faut des lois plus sévères pour contrer le trafic d'enfants ».

(1520)

En septembre, la Chambre des communes a adopté le projet de loi C-268. Celui-ci prévoit des peines plus sévères pour les trafiquants d'enfants, y compris une peine minimale d'incarcération de cinq ans. C'est la mollesse des peines en Ontario et au Québec en 2008 qui a motivé les appels à l'action. Dans un cas en particulier, un trafiquant d'enfant a passé seulement une semaine en détention après sa condamnation, car le temps qu'il avait passé sous garde avant son procès, soit une année, avait compté pour double.

Honorables sénateurs, une foule d'autres détails de ce communiqué de presse sont choquants, mais sans nécessairement porter atteinte à nos privilèges. M. Perrin poursuit ainsi :

Malheureusement, le projet de loi C-268 est actuellement bloqué au Sénat parce que le sénateur indépendant Anne Cools a unilatéralement ajourné le débat sur la question.

Je vais relire ce passage.

Malheureusement, le projet de loi C-268 est actuellement bloqué au Sénat parce que le sénateur indépendant Anne Cools a unilatéralement ajourné le débat sur la question.

Je pense que cet homme ne comprend pas ce que signifie le fait de proposer un ajournement. Afin de dissiper cette ignorance épouvantable, je précise qu'un ajournement n'est pas et ne pourrait être le résultat d'une initiative unilatérale. Un ajournement est une conclusion, une décision de la Chambre qui est prise à la suite d'un vote. Il ne peut donc s'agir d'une initiative unilatérale. Unilatéral n'est d'ailleurs pas le mot qui convient.

Le communiqué de presse se poursuit ainsi :

« Le sénateur Cools bloque une mesure législative qui a été adoptée par une écrasante majorité à la Chambre des communes pour faire en sorte que les trafiquants d'enfants soient tenus responsables et que les victimes soient protégées », a déclaré le professeur Perrin. « En raison de son inaction, les trafiquants d'enfants présumés dans une affaire annoncée aujourd'hui à Calgary pourront profiter des peines laxistes prévues par la loi actuelle. Le Sénat doit agir. »

Je tiens à relire ce passage encore une fois, chers collègues, parce que je tiens à ce que tous comprennent pourquoi je considère que ce communiqué de presse est répugnant.

C'est moi, Anne Cools, qui parle. J'ai passé ma vie au service de la population, à porter secours à des familles éprouvées. J'ai entamé ma carrière en travaillant auprès des jeunes. J'intervenais pour empêcher que les jeunes délinquants ne se retrouvent derrière les barreaux. En passant, je dois dire que l'analogie avec l'esclavage me laisse plutôt froide.

Je répète :

« Le sénateur Cools bloque une mesure législative qui a été adoptée par une écrasante majorité à la Chambre des communes pour faire en sorte que les trafiquants d'enfants soient tenus responsables et que les victimes soient protégées », a déclaré le professeur Perrin. « En raison de son inaction, les trafiquants d'enfants présumés dans une affaire annoncée aujourd'hui à Calgary pourront profiter des peines laxistes prévues par la loi actuelle. Le Sénat doit agir. »

Honorables sénateurs, vous pouvez lire la suite vous-mêmes.

Ce communiqué a touché une corde très sensible en moi, je tiens à vous l'assurer. Je poursuis le récit des faits. J'étais au Sénat hier, lorsque ce communiqué a été envoyé, à 14 h 27. Le Sénat s'est ajourné à 15 h 10. Par conséquent, j'ai pris connaissance du communiqué seulement lorsque je suis revenue à mon bureau. À peine une heure plus tard, à 16 h 3, j'ai reçu une autre fois le communiqué dans un courriel envoyé par Joy Smith. Je n'ai pas

essayé de savoir si elle a joué un rôle dans la production de ce document de mauvais goût, et je n'ai pas l'intention de faire enquête.

La déclaration dont je viens de lire un extrait est caractérisée par le manque de sensibilité et le mauvais goût de ses auteurs. Elle remet en question non seulement mon droit de m'exprimer, mais aussi l'utilité de l'étape de la deuxième lecture ainsi que des travaux du Sénat dans leur ensemble, y compris les votes où j'ai ajourné le débat. Par conséquent, je dois dire aux sénateurs que c'est nettement un cas de violation de privilège.

Honorables sénateurs, je vais essayer de décrire certaines de ces violations. Je tiens à préciser que je comprends parfaitement qu'un désaccord ou une déclaration désagréable ou même insultante ne constituent pas des violations de privilège. Je comprends la différence. Donc, je poursuis.

M. Perrin m'a flétrie, de façon injustifiable, et a nié mon droit de m'exprimer conformément aux règles des débats, comme l'ont confirmé les autres sénateurs. Je considère ce document comme un acte d'intimidation visant à exercer une pression indue. M. Perrin insiste pour que le Sénat adopte un projet de loi avec une précipitation honteuse, pour reprendre l'expression jadis employée par sir Wilfrid Laurier.

M. Perrin a dit que ceux qui sont accusés de trafic d'enfants à Calgary vont profiter de mon comportement au Sénat. M. Perrin ne semble pas comprendre que le Code criminel est un instrument puissant et que tout le système d'application de la loi a de nombreux outils à sa disposition. Si le projet de loi est si important, pourquoi n'a-t-il pas été piloté dans les deux Chambres par un ministre, en vertu de la responsabilité ministérielle? Est-ce là un autre cas où la mesure a été mise de l'avant malgré l'opposition du ministre — auquel cas celui-ci devrait démissionner —, ou d'un cas où la mesure franchit les étapes tranquillement et silencieusement, avec l'appui discret du ministre, ce qui est tout aussi répréhensible, parce que la notion de responsabilité ministérielle doit prévaloir.

Ce que M. Perrin a dit — à savoir que ces trafiquants d'enfants profitent de ma position — est non seulement faux, mais scandaleux et indigne d'un fonctionnaire judiciaire de Sa Majesté. Nous oublions toujours que chaque avocat est un ministre de la Justice en soi. Chaque avocat est un fonctionnaire judiciaire?

Les déclarations qu'on peut lire dans le communiqué de presse sont formulées de façon à inciter et à encourager d'autres personnes à me mépriser. J'ai reçu un nombre incalculable de lettres, et j'ai appris, il y a quelques minutes, qu'une déclaration a été faite à la radio, sauf erreur à Regina, en Saskatchewan. Il est évident que le communiqué de presse de M. Perrin est un exercice visant à modifier un comportement, c'est-à-dire le mien.

Honorables sénateurs, j'en sais beaucoup sur la psychologie humaine, et je sais que le psychisme peut être un maître de l'esquive. Cette offensive vise à influencer mon comportement ici. En bref, le but consiste à corriger mon comportement et les gestes que je pose au Sénat, de façon à me voir agir conformément à ce que l'intéressé veut ou souhaite. Nous devrions peut-être avoir la possibilité de lui poser la question.

Honorables sénateurs, ce communiqué est une violation du privilège très important qu'est la liberté d'expression. Ce communiqué pose un jugement sur moi et sur le Sénat. Il constitue une violation de l'article 9 du Bill of Rights anglais de 1689, qui a été importé au Canada, par le truchement de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. L'article 9 dit :

Ni la liberté de parole, ni celle des débats ou procédures dans le sein du Parlement, ne peut être entravée ou mise en discussion en aucune cour ou lieu quelconque que le Parlement lui-même.

Ce libellé est fort. Peut-être que M. Perrin est tout simplement une personne très vaniteuse, ou qu'il a eu une mauvaise journée. Nous ne le savons pas, mais je dis que sa démarche n'est pas correcte.

Honorables sénateurs, nous sommes censés pouvoir agir et parler ici sans faire l'objet d'intimidation ou de représailles de la part d'autres personnes. Les critiques et les divergences de vues constructives sont tolérées et même souhaitables, mais les déclarations de M. Perrin ne ressemblent à rien de cela.

(1530)

Il s'agit d'une tentative pour entacher ma réputation en créant l'impression que, en quelque sorte, j'appuie la criminalité, que je l'appuierais ou que je suis capable d'appuyer des actes criminels naturellement odieux et répugnants pour la plupart d'entre nous. C'est apparemment la nouvelle tendance de nos jours d'accuser ceux qui diffèrent d'opinion ou qui remettent les choses en question. Si une personne n'est pas d'accord avec une autre sur une mesure comme la Loi antiterroriste, on suggère alors qu'elle appuie le terrorisme. C'est un peu ce qui se passe. C'est à la fois malicieux et menaçant.

J'assure à mes collègues que je ressens la même répugnance naturelle et le même trouble profond qu'eux quand j'entends parler d'agressions sexuelles commises contre des enfants. Lorsque j'étais travailleuse sociale, j'ai vu et j'ai traité les cas les plus horribles qu'on puisse imaginer. M. Perrin tente d'utiliser la répugnance naturelle pour porter atteinte à ma réputation. C'est vraiment disgracieux et il faudrait condamner ce genre de tentative.

Honorables sénateurs, M. Perrin semble dire que l'assentiment de la Chambre des communes suffit et que le Sénat devrait adopter le projet de loi C-268 sans tarder et sans en débattre. Autrement dit, il recommande de minimiser les débats, voire de les supprimer. Il s'agit d'une autre atteinte au privilège d'indépendance du Sénat, qui est la Chambre de second examen objectif chargée d'étudier les décisions de la Chambre des communes et d'en débattre. Le Sénat est une Chambre distincte et souveraine et, de temps à autre, nous devons le rappeler aux autres.

Honorables sénateurs, il m'incombe impérativement d'examiner les questions dont je suis saisie et j'ai la ferme intention de continuer à le faire et de continuer d'honorer et de respecter mon serment d'allégeance à servir, à réfléchir, à faire des concessions et à donner le meilleur de ce que j'ai à offrir. Aucun M. Perrin de ce monde ne me fera jamais changer d'avis à cet égard. Il est regrettable qu'il ait utilisé l'exemple de l'esclavage, parce qu'il devrait savoir ce que des noms comme celui de William Wilberforce signifient pour moi. M. Perrin aurait dû savoir qu'il touchait une corde sensible, un sentiment profond en moi. Je n'en parle pas beaucoup mais, un de ces jours, je le ferai.

Honorables sénateurs, M. Perrin a aussi enfreint un autre privilège, celui que j'appellerais le privilège de la représentation.

L'une des raisons pour lesquelles je tente de définir ces atteintes aux privilèges, c'est que nous intervenons généralement pour affirmer qu'il y a eu atteinte aux privilèges et, si je ne me trompe pas, nous devons par la suite préciser de quel privilège nous parlons. La plupart des chercheurs qui se penchent sur les questions de privilège se tournent vers l'ouvrage intitulé Hallsbury's Laws of Canada. Les exemples les plus importants ne s'y retrouvent pas, toutefois. Je parle de ceux qui portent sur la représentation. C'est la raison pour laquelle nous sommes tous ici, c'est-à-dire pour représenter les autres, le public, au Parlement. Tout comme les députés, les sénateurs sont des représentants. Nous avons le devoir de représenter ici les Canadiens, et, dans le dossier à l'étude, j'ai bien

l'intention de représenter tous ceux qui sont touchés par les mesures prévues dans le projet de loi C-268.

Permettez-moi d'en nommer quelques-uns. Il y a les accusés, il y a les victimes et les familles des victimes et il y a aussi les procureurs et les avocats de la défense. J'aimerais ajouter que je défendrai également les intérêts des juges en cette période où les idéologues tentent d'orienter et de façonner les conclusions des juges. Les ministres ne peuvent servir l'intérêt du public en envahissant le domaine de compétence des juges. Je ne m'étendrai pas là-dessus parce qu'il s'agit là du fond du projet de loi. Toutefois, j'y reviendrai plus tard et je soulèverai la question lorsque je parlerai du projet de loi C-268 la semaine prochaine, comme prévu.

Honorables sénateurs, nous avons le devoir impérieux d'évaluer toutes les propositions qui ont été faites ici en tenant compte des principes bien établis de ce système de gouvernance.

Je crois en avoir dit suffisamment sur l'esclavage, mais M. Perrin a dépassé ce que je considère être les limites du raisonnable en ce qui a trait aux critiques et aux commentaires sociaux. Le sénateur Murray se souviendra du jour où nous avons dit au revoir au sénateur MacEachen. Ses amis avaient organisé une charmante conférence à l'Université St. Francis Xavier. J'y ai assisté, aux côtés de M. Trudeau, de M. Pelletier et du sénateur Jacques Hébert. C'est la dernière fois que je les ai vus tous les trois ensemble. J'ai été touchée par la devise de l'université. La salle était remplie de merveilleux universitaires catholiques romains. Le sénateur Kinsella avait eu ce genre de formation intellectuelle rigoureuse.

Honorables sénateurs, j'aimerais vous lire une citation du Nouveau Testament, chapitre 4, vers 8 de l'Épître aux Philippiens, qui est la devise de saint François-Xavier.

Enfin, frères, tout ce qu'il y a de vrai, de noble, de juste, de pur, d'aimable, d'honorable, tout ce qu'il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange humaines, voilà ce qui doit vous préoccuper.

Honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup de votre patiente attention.

L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, lorsque ma collègue a porté la question à mon attention, j'ai pu lire le communiqué de presse. Honnêtement, j'aimerais me joindre à elle pour demander à Son Honneur de se pencher sur cette affaire et de trancher, quant à savoir s'il y aurait lieu de demander au Comité du Règlement d'examiner la question de façon plus approfondie ou de rendre une décision au nom du Sénat et de communiquer les faits exacts à la personne concernée.

Cela est exact, le sénateur Cools ne peut pas ajourner le débat sans l'autorisation du Sénat. Ainsi, la déclaration indiquant qu'elle a unilatéralement ajourné le débat est inappropriée. Qui plus est, comme nous le savons, le Règlement du Sénat stipule que les sénateurs peuvent proposer une motion d'ajournement 15 séances consécutives de manière à se donner le temps de préparer leur discours. Madame le sénateur Cools a donc le droit de demander l'ajournement du débat de manière à préparer son discours.

Le sénateur Cools ne fait pas d'obstruction. Si elle fait de l'obstruction, le Sénat fait de l'obstruction aussi, puisqu'il a agréé à l'ajournement. Il nous incombe d'intervenir et de corriger le compte rendu.

C'est sans parler de l'inaction de madame le sénateur. En fait, elle a joué un jeu. Il ne s'agit pas d'inaction. Elle a agi de manière à participer à un débat important, comme on l'a dit, après un débat à l'autre endroit. Je ne remets pas en question les propos de M. Benjamin Perrin, je ne fais qu'indiquer aux sénateurs qu'il ne faut pas laisser passer cette affaire sans contester la validité des faits, autrement dit, aux termes des articles 43(1)a)b)c) et d). En outre, aux termes de l'article 45, il ne s'agissait pas de propos adressés personnellement ou directement au sénateur, mais d'une déclaration transmise par les médias, une déclaration qui donnait une fausse impression de ce qui s'était véritablement passé au Sénat. Cette déclaration ne reflétait pas la situation.

Je me joins à madame le sénateur pour solliciter les bons offices de Son Honneur pour communiquer les faits directement à la personne concernée ou par l'intermédiaire d'un comité.

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, il importe de faire l'historique du projet de loi C-268 depuis son arrivée au Sénat. Il nous est parvenu le 1er octobre. Madame le sénateur Martin n'est pas intervenue en tant que marraine de cette mesure avant le 22 octobre, soit quelque trois semaines plus tard. Madame le sénateur Martin a-t-elle fait de l'obstruction? Bien sûr que non.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et ministre d'État (Aînés)) : Il y a eu le congé de l'Action de grâce pendant cette période.

Le sénateur Carstairs : Madame le sénateur Martin avait le droit de prendre son temps pour préparer ses remarques. Il n'y a pas de discours rédigés par les fonctionnaires des ministères pour les projets de loi d'initiative parlementaire, contrairement aux projets de loi d'initiative ministérielle. Ces discours prennent du temps à rédiger. Le débat sur le projet de loi a été ajourné le 22 octobre, et le sénateur Dyck en a parlé le 3 novembre. Est-ce que le sénateur Dyck retardait l'étude du projet de loi? Bien sûr que non.

(1540)

Le sénateur Dyck a donné un discours passionné sur ce projet de loi, discours qui était extrêmement sensé et qui a soulevé certaines questions importantes sur le projet de loi initial et sur la nécessité d'y apporter des améliorations. Cette journée-là, le débat sur le projet de loi a été ajourné par le sénateur Banks, au nom du sénateur Cools.

Honorables sénateurs, ce projet de loi est inscrit au Feuilleton depuis neuf jours. À mon avis, c'est tout à fait normal pour un projet de loi d'initiative parlementaire. J'inviterais les sénateurs à consulter le Feuilleton d'aujourd'hui. Un grand nombre de projets de loi y sont inscrits depuis 11 ou 12 jours. En fait, certains d'entre eux y ont été inscrits pendant 15 jours, et on a dû rependre le compte des jours à zéro. Personne n'a publié de communiqué de presse accusant ces sénateurs de retarder l'étude de projets de loi.

Lorsque le communiqué de presse a été émis par le professeur Perrin de l'Université de la Colombie-Britannique, une copie de ce communiqué a été rapidement envoyée au bureau du sénateur Cools par le parrain de ce projet de loi, la députée Joy Smith.

Honorables sénateurs, l'article 75 de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne dit :

La liberté de parole est [...] le plus fondamental des droits du député [...].

Je dirais, honorables sénateurs, que cela doit être interprété comme le droit de parler après un délai suffisant pour pouvoir participer intelligemment au débat.

L'article 93 du Beauchesne dit :

On convient généralement que toute menace faite à un député, ou toute tentative d'influencer son vote ou son comportement, constitue une atteinte aux privilèges de la Chambre.

À mon avis, honorables sénateurs, il s'agit d'une attaque injustifiée à l'endroit de madame le sénateur Cools puisque retarder l'étude du projet de loi constitue une tentative d'influer sur son comportement, ce qui peut l'amener à prendre la parole avant d'être prête, pour peu qu'elle soit prédisposée à se laisser persuader en ce sens. Je crois que, connaissant sa force de caractère, nous savons tous que cela ne l'amènera d'aucune façon à prendre la parole prématurément.

L'article 99 du Beauchesne dit :

Il va de soi que des menaces directement adressées à un député en vue d'influencer son comportement [...] constituent des atteintes au privilège.

Je crois que le communiqué publié par le professeur Perrin et envoyé au sénateur Cools par le professeur et la députée Joy Smith devrait être examiné à la lumière des articles 75, 93 et 99 du Beauchesne et j'estime qu'on a tenté d'influencer le comportement du sénateur Cools et qu'il y a eu atteinte à ses privilèges.

Ils ont tous les deux le droit de penser ce qu'ils veulent de ses actions. C'est clair. Ils ont droit à leur opinion. Mais, à mon avis, ils n'ont pas, honorables sénateurs, le droit de tenter de l'influencer en essayant d'entraver sa liberté d'expression.

Je demande instamment à Son Honneur de prendre cette question en délibéré. Votre Honneur, il ne s'agit pas de déterminer si nous appuyons ou non cette mesure législative. Cette mesure législative mérite un examen attentif. Les propos du sénateur Dyck font qu'elle mérite encore plus notre attention. Cependant, lors de cet examen, nous avons le droit, à titre de sénateurs, de prendre le temps de délibérer, de rédiger nos allocutions et de prendre nos décisions.

Je trouve cela quelque peu difficile lorsque j'entends les exclamations venant d'en face, que je vois certains sourires et que je constate certaines préoccupations portant sur le fait que nous allons peut-être trop loin dans cette affaire. Les antécédents du sénateur Cools font en sorte que tout le concept d'esclavage lui répugne manifestement. J'espère qu'il en va de même pour tous les sénateurs. Tout comme c'est le cas pour le sénateur Oliver, ce sujet la touche particulièrement.

Honorables sénateurs, rien, absolument rien, ne m'offusque plus que la traite d'enfants. Ce projet de loi me tient beaucoup à cœur. J'ai été agressée sexuellement quand j'étais enfant. J'ai une expérience personnelle du sujet. Il ne s'agit absolument pas d'une tentative de ma part de retarder l'adoption de ce projet de loi. Je tiens toutefois à protéger les privilèges de tous les sénateurs, et c'est le but de mes observations aujourd'hui.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'appuie la question de privilège du sénateur Cools. J'aurais tendance à confirmer le fait que, après que madame le sénateur Martin, la marraine du projet de loi, se soit levée pour s'adresser au Sénat, le sénateur Cools a pris la parole pour ajourner le débat puis m'a cédé la parole afin que je puisse donner mon opinion sur le projet de loi. Elle a vraiment fait de son mieux pour faire progresser le projet de loi au Sénat.

J'ai moi aussi reçu un exemplaire du communiqué de presse de M. Perrin. Je dois dire que j'ai été choquée qu'il soit publié le même jour que la Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage. M. Perrin ne sait-il pas que madame le sénateur Cools est une femme de race noire? Il tente de restreindre sa liberté de s'exprimer et de faire des recherches pour accomplir son travail en tant que femme de race noire au Sénat. J'ai trouvé cela tout simplement consternant. Il ne la connaît pas et ne connaît pas non plus l'incroyable travail qu'elle a accompli.

Je ne crois pas que d'autres sénateurs ont prétendu qu'elle retardait la procédure. Elle dispose de 15 jours pour préparer ses documents et réaliser les recherches appropriées. Il s'agit d'un projet de loi important au sujet duquel on ne peut se permettre de bâcler le travail. Elle est une femme très intelligente. Elle fait ses recherches et j'ai hâte d'entendre ce qu'elle a à dire.

Je vais conclure en disant que ce projet de loi est resté cinq mois à la Chambre des communes. Les députés ont-ils fait de l'obstruction? Beaucoup de députés se sont prononcés sur ce projet de loi, car il porte sur un sujet important.

Je vais conclure en citant notre serment d'allégeance, dont madame le sénateur Cools elle-même nous a rappelé la teneur :

SACHEZ QUE, en raison de la confiance et de l'espoir particulier que Nous avons mis en vous, autant que dans le dessein d'obtenir votre avis et votre aide dans toutes les affaires importantes et ardues [...]

Ce projet de loi est une affaire importante et ardue à laquelle nous devons consacrer toute notre attention, tout notre temps et toutes nos ressources afin de faire le travail pour lequel nous avons été appelés ici. Je félicite madame le sénateur Cools parce que je sais qu'elle a bien rempli ses fonctions à titre de sénateur dans le passé et je sais qu'elle continuera à le faire. J'exhorte Son Honneur à rendre une décision le plus rapidement possible.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, il y a quelque temps, alors que j'avais soulevé une question de privilège, madame le sénateur Cools est intervenue et a fait une déclaration que, à l'époque, j'avais trouvée très sage et, en rétrospective, je la trouve encore plus sage. Essentiellement, elle a dit : « Je ne sais pas s'il s'agit réellement d'une question de privilège, mais quelque chose ne va pas du tout dans cette affaire. » Au minimum, il me semble que cette observation s'applique parfaitement à l'affaire qu'elle a soumise à notre attention aujourd'hui et je la remercie de l'avoir fait.

Je ne sais pas si Son Honneur trouvera qu'il y a là matière à la question de privilège. Mon attention a également été attirée par les mêmes citations du Beauchesne que celles que le sénateur Carstairs a lues. Je ferais remarquer que la liberté de parole dont parle le Beauchesne comprend la liberté de ne pas parler ou la liberté de réfléchir et de faire des recherches avant de parler.

J'ajouterais que madame le sénateur Cools, comme on l'a été souligné, s'est parfaitement conformée à notre Règlement et a été conciliante à l'endroit des autres intervenants dans le cadre de ses réflexions sur cette question.

(1550)

Il n'en demeure pas moins que tout le monde, le public, tous les Canadiens et tous nos visiteurs ont le droit d'exprimer leur point de vue sur ce que nous faisons ou ne faisons pas en cette enceinte, et leurs commentaires sont parfois blessants.

Une chose qui est absolument déplorable, outre la stupéfiante ignorance manifestée à l'endroit de sénateur Cools dans les observations formulées par M. Perrin, est le fait que cela trahissait l'ignorance généralisée au pays à l'égard du Parlement, et de notre assemblée en particulier. C'est encore pire de la part d'une personne qui, si j'ai bien compris, est un professeur d'université.

Si le sénateur Cools a intentionnellement retardé les choses, la moitié des sénateurs, dont un grand nombre du côté ministériel, sont encore plus coupables qu'elle. Nombreux sont les projets de lois inscrits à notre Feuilleton dont l'étude a été reportée pour de beaucoup plus longues périodes que celui-ci. Il y en a dont l'ajournement est inscrit au nom de sénateurs depuis février, mars, avril et mai, sans que personne ne crie au scandale.

Qui plus est, sur le plan pratique, je présume que, s'il est lu pour la deuxième fois, le projet de loi sera renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles; auquel cas, il retombera automatiquement au bas de la liste jusqu'à ce qu'un autre projet de loi vienne prendre sa place au bas d'une très longue liste. Comme tous les sénateurs le savent, l'étude des projets de loi d'initiative ministérielle passe avant les travaux des comités.

Nous avons une longue liste de projets de loi d'initiative ministérielle à étudier avant même d'entreprendre l'étude des projets de loi d'initiative parlementaire. La déclaration qui a été faite dénote une profonde ignorance.

Le plus insultant dans tout cela, c'est toutefois qu'on laisse sous- entendre que, la Chambre des communes ayant adopté le projet de loi, nous devrions nous dépêcher de faire de même. Pareille attitude est courante non seulement chez certains commentateurs, mais également chez certains de nos collègues de l'autre endroit, notamment des ministres au sein du gouvernement actuel comme de gouvernements précédents. Cette attitude est profondément blessante pour notre assemblée. Je trouve scandaleux que Mme Smith ait jugé opportun de cautionner, pour ainsi dire, cette déclaration de M. Perrin, qui dénote une profonde ignorance, en la communiquant aux membres de notre assemblée.

Oui, M. Perrin tente de modifier le comportement du sénateur Cools en tant que sénateur. Évidemment, c'est ce qu'il essaie de faire. Sénateur Mockler, j'ai déjà dit que tous les citoyens de ce pays ont le droit de dire ce qu'ils pensent du travail que nous faisons.

Le sénateur Tkachuk : Tout à fait.

Le sénateur Fraser : J'attends avec impatience la décision de Son Honneur quant à savoir si des commentaires de cette nature constituent une atteinte au privilège. Permettez-moi de revenir à la citation du sénateur Cools. Il y a eu un énorme dérapage. Cela arrive trop souvent lorsque des députés et des citoyens soi-disant éclairés discutent des activités du Sénat et des sénateurs.

Si Son Honneur estime qu'il y a matière à question de privilège, je suggère que la question soit renvoyée non seulement au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, mais aussi, peut-être, à un comité spécial du Sénat, afin de voir ce qui pourrait être fait pour lutter contre cette ignorance consternante qui afflige les Canadiens. Même si Son Honneur statue qu'il n'y a pas matière à question de privilège, je crois tout de même que le Sénat devrait saisir un comité de cette question.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je souhaitais prendre connaissance de la nature de la présumée atteinte au privilège. Je n'avais rédigé aucune note avant la tenue de ce débat. Je n'ai pas consulté mes conseillers habituels. Écoutons ce que le sénateur Cools a à dire. J'ai pris des notes pendant le discours du sénateur Cools. Je n'ai pas de notes préparées d'avance. Je traite de ce que sont, selon moi, les questions qui ont été soulevées ici aujourd'hui.

Je ne souhaite pas me pencher sur le bien-fondé du projet de loi en question, comme d'autres l'ont fait. Cependant, il me semble que les Canadiens doivent être libres de dire publiquement ce qu'ils pensent de la façon dont nous allons de l'avant ou non avec les projets de loi. Les Canadiens ont le droit d'exprimer leur opinion sur la façon dont le Sénat fait son travail.

Je ne sais pas qui est M. Perrin. Toutefois, je crois qu'il a parfaitement le droit d'exprimer son point de vue. Son opinion est extrêmement importante à ses yeux. Il l'a exprimée à sa façon, à l'instar d'un grand nombre de Canadiens, qui le font tantôt par écrit, tantôt à la radio, tantôt à la télévision, tantôt par courriel. Des courriels, j'en reçois beaucoup.

Les opinions des Canadiens en général doivent être protégées, et nous devons protéger leur droit d'exprimer ces opinions. Ce principe s'applique dans ce cas également. Nous devons protéger le droit de M. Perrin d'exprimer son opinion.

Si madame le sénateur Cools a l'impression d'avoir été attaquée de façon indue en recevant une opinion qu'elle n'aime pas, elle peut toujours s'adresser aux tribunaux.

Il a été question, cet après-midi, de la pression exercée sur madame le sénateur Cools au moyen de ce communiqué. Effectivement, M. Perrin essayait probablement de faire pression sur elle. Mais nous subissons pratiquement chaque jour des pressions de la part des Canadiens. Aujourd'hui, par exemple, le sénateur Nolin a déposé une pétition portant environ 4 000 signatures, qui nous demande d'adopter le projet de loi C-15. Le sénateur Harb a déposé pendant des semaines des pétitions nous demandant d'adhérer au point de vue de certains Européens, qui voulaient que nous adoptions une certaine mesure. Nous avons écouté. Nous ne lui avons pas répondu qu'il n'avait pas le droit de présenter ces pétitions.

Le sénateur Carstairs et le sénateur Fraser ont parlé de la liberté d'expression en des termes que j'ai notés par écrit. Elles ont dit qu'il s'agissait d'une menace faite directement à l'endroit du sénateur Cools.

Lorsqu'on lit ce communiqué, on s'aperçoit qu'il ne contient pas de menace, directe ou non. Ce gentleman demande au sénateur Cools de relancer le débat sur un projet de loi, débat qui a été ajourné à son nom. Il n'y a pas un soupçon de menace dans ses propos.

Je suis d'accord avec le sénateur Fraser pour dire que le public a le droit de faire des commentaires. Je ne crois pas toutefois que j'aurais utilisé des expressions comme « ignorance épouvantable » ou « ignorance profonde ». J'ai tendance à éviter ces expressions pour décrire le public. Cette réticence de ma part me vient probablement des années que j'ai passées à aller de porte en porte pour me faire élire.

Je suis d'avis qu'il n'y a, dans ce communiqué, aucun motif valable à première vue pour envoyer Son Honneur chercher avec des menottes un citoyen canadien et le traduire devant le présent tribunal. Ce gentleman a exprimé son point de vue, comme il en a le droit et comme les Canadiens en ont toujours le droit. Nous devrions protéger notre droit de nous exprimer dans cette enceinte, mais nous devrions surtout protéger le droit des Canadiens à s'exprimer, que ce soit publiquement ou en privé.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je voudrais établir deux faits pour mettre la question actuelle en contexte, comme il se doit. Premièrement, ce projet de loi a été déposé aux Communes le 29 janvier. Son étude aux Communes a duré du 29 janvier au 1er octobre, date où il est arrivé au Sénat. C'est un fait.

(1600)

Deuxièmement, comme l'ont mentionné certains autres sénateurs, madame le sénateur Cools n'a pas retardé unilatéralement le débat sur ce projet de loi. Elle a proposé l'ajournement du débat et nous avons tous accepté. Il ne s'agissait pas d'un vote où elle aurait eu une voix et où tous les autres sénateurs auraient été, contrairement à elle, en faveur de la poursuite immédiate de l'examen de cette question. Madame le sénateur Cools a proposé l'ajournement du débat et nous avons tous accepté. Je tiens à ce que ces deux faits figurent au compte rendu.

Le sénateur Tkachuk : Personne ne conteste vos propos.

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je ne veux pas prendre plus de temps que nécessaire. Je tiens seulement à exprimer officiellement quelques-unes de mes propres réflexions sur cette question. Premièrement, dans le hansard, il est clair que personne, d'un côté ou de l'autre de cette enceinte, n'a accusé madame le sénateur Cools de bloquer ce projet de loi. Je n'ai rien entendu de tel aujourd'hui.

Deuxièmement, il n'est pas question du projet de loi en ce moment. Il est question d'une action que madame le sénateur Cools est prête à entreprendre pour atteinte à ses droits en tant que sénateur. Il a été dit, et je pense qu'il serait bon de le répéter, qu'il s'agit d'un citoyen canadien qui, pour des raisons qui lui sont propres, est d'avis que madame le sénateur Cools n'agit pas de la façon dont il s'attend qu'elle agisse. Il croit que madame le sénateur Cools n'agit pas aussi rapidement qu'elle le devrait. N'importe quel membre du public a ce droit. En tant que fonctionnaires, nous devons être prêts à faire l'objet des critiques de la part du public. Voilà ce dont il s'agit.

Le sénateur Tkachuk : Nous devons également protéger ce droit.

Le sénateur Di Nino : Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question de privilège. J'ai lu l'annonce du sénateur Cools et, franchement, je n'arrive à voir aucune question de privilège dans l'information qu'elle a fournie. Je crois que le plus important, en l'occurrence, c'est de déterminer si les Canadiens ont le droit de critiquer et de dire ce qu'ils pensent. Les Canadiens ont- ils le droit de prétendre que nous ne travaillons pas comme ils le voudraient? Je crois qu'ils ont ce droit et que c'est un droit que nous devrions protéger.

L'honorable Yonah Martin : Honorables sénateurs, puisque je parraine ce projet de loi au Sénat, je me sens obligée de dire une ou deux choses. Premièrement, j'aimerais remercier tous les sénateurs qui nous ont fait part de leurs réflexions et de leur point de vue sur la question. Je m'adresse, avec tout le respect que je lui dois, à madame le sénateur Cools, avec qui j'ai discuté de ce dossier dès le début. À l'époque, j'ai respecté son droit de réfléchir avant de participer au débat sur ce projet de loi. Madame le sénateur Cools me l'avait demandé personnellement, et c'est pourquoi je ne suis pas intervenue auprès d'elle une seconde fois et n'ai pas insisté pour qu'elle prenne la parole avant qu'elle soit prête. Je tiens à ce que cela se sache. Je remercie également madame le sénateur Dyck, qui a livré une déclaration teintée d'émotion, et nous sommes tous d'accord pour dire que ses remarques témoignaient d'une profonde réflexion. J'aimerais remercier le sénateur Comeau d'avoir présenté une partie des faits que je voulais faire ressortir.

Je tiens à préciser que je connais le professeur Perrin, de l'Université de la Colombie-Britannique, mon alma mater. Avant d'accepter de parrainer ce projet de loi au Sénat, j'ai rencontré M. Perrin, et son dévouement à cette cause m'a beaucoup impressionnée. Il a consacré ces dix dernières années à travailler en Thaïlande ans et à comprendre les tenants et les aboutissants de cette question. Le professeur Perrin n'est pas ici aujourd'hui. Je signale que le professeur Perrin a travaillé avec une députée, Mme Joy Smith, pour qui ce dossier est une priorité depuis de nombreuses années. Le fils de Mme Smith est agent de police et elle a présenté ce projet de loi à la demande insistante des collègues de son fils et d'autres agents de police qui voient ce qui arrive à nos enfants. Je voudrais simplement donner l'information suivante aux sénateurs, compte tenu du temps que nous avons déjà consacré à ce projet de loi.

Je tiens à préciser au sénateur Cools et à tous les sénateurs qui sont intervenus aujourd'hui que, puisque je parraine ce projet de loi, j'exhorte tous les sénateurs à bien réfléchir à ce dont nous avons discuté aujourd'hui. Je les exhorte à réfléchir au projet de loi, qui porte sur un sujet très important et urgent, soit la protection des membres les plus vulnérables de notre société, les enfants et les adolescents du Canada.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'aimerais répondre brièvement. Je remercie notre nouvelle collègue, madame le sénateur Martin, de son intervention. Il n'est pas facile pour un nouveau sénateur d'intervenir dans un tel débat, et je veux donc lui dire que je l'admire et la remercie.

Cela dit, honorables sénateurs, je m'inscris en faux tout d'abord contre ce qu'a dit le sénateur Comeau. Le Sénat, la Chambre des communes et le Parlement fonctionnent selon l'esprit de la common law. La common law ne donne à personne le droit de faire du mal à autrui, que ce soit bien clair.

La liberté d'expression s'applique à tout le monde, mais personne n'a le droit de se servir de sa liberté d'expression pour mépriser quelqu'un d'autre. La common law est claire à cet égard. La jurisprudence ne manque pas. Le sénateur Comeau n'a donc pas tout à fait raison.

Je parlais de liberté d'expression au sens parlementaire, pas de la liberté d'expression des gens ordinaires dans la rue. La liberté d'expression, telle que consacrée dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et dans les grandes lois constitutionnelles du Canada, a une signification particulière. Elle signifie notamment que nous sommes davantage liés par une série de principes plus vaste que la moyenne des gens. Quand je parlais de liberté d'expression, c'était au sens parlementaire. Je voulais le préciser pour que cela ne fasse aucun doute.

Le sénateur Comeau parle des droits des Canadiens ordinaires. Si c'était d'un différend qu'il était question, il n'y aurait aucun problème. Je n'aurais pas soulevé la question de privilège. S'il était question d'opinions divergentes, je ne l'aurais pas soulevée non plus. Je tiens à ce que ce soit clair. Ce dont il est question, c'est d'une atteinte aux privilèges du Sénat au moyen de déclarations à peine déguisées en commentaire social. Je ne crois même pas qu'elles soient dignes d'être qualifiées de commentaire social.

Une personne qui émet un commentaire social doit d'abord faire preuve d'équité, d'équilibre, de respect envers les principes moraux de la loi et des individus.

Le sénateur Comeau répète sans cesse que la personne en question, un professeur, est un Canadien ordinaire. C'est bien peu dire. Il ne s'agit pas d'un Canadien ordinaire. C'est un Canadien extrêmement privilégié qui enseigne le droit et qui devrait être mieux avisé. Je m'attendrais à ce qu'il respecte les principes de la common law.

Non seulement n'est-il pas un Canadien ordinaire, il fait partie du débat, puisqu'il participé à la création et à la rédaction du projet de loi. Une section des Débats de la Chambre des communes laisse même entendre qu'il serait le cerveau derrière ce projet de loi, que c'est lui qui a écrit le texte.

Cet homme, M. Perrin, est privilégié de travailler avec une députée de la Chambre des communes pour créer un projet de loi débattu au Parlement. Il ne peut donc pas aller là et agiter ses petits drapeaux comme s'il était une personne ordinaire, simple, sans connaissances particulières ni information.

(1610)

Il doit tenir compte du fait qu'il a participé au processus, fût-ce indirectement. Je respecte ce fait, et j'aurais défendu son droit de le faire. Toutefois, il a franchi les limites à respecter lorsqu'on est

invité, comme il l'a été, à participer à l'élaboration d'un projet de loi dont nous sommes saisis.

Je n'aurais jamais soulevé ce problème si je n'avais pas cru qu'il y avait des raisons extrêmement sérieuses de le faire. Je précise, honorables sénateurs, que j'ai l'habitude des divergences de vues. Un petit désaccord ne me dérange pas du tout. J'ai eu beaucoup de chance, car j'ai été élevée dans le respect de la critique et j'ai été éduquée dans les plus belles traditions britanniques de la critique et de l'autocritique. Toutefois, je ne crois pas que ces intervenants aient la même attitude, car ils lancent volontiers des critiques, mais ils refusent d'en être la cible. J'accepte celles qui me sont faites et je fais les miennes au besoin.

Qu'une chose soit claire : il ne s'agit pas ici d'un pauvre petit Canadien ordinaire comme les victimes dont il est question dans le projet de loi. Ces victimes ont besoin de notre protection. On dit que des peines plus lourdes, plus rigoureuses sont une solution au problème du crime. Je dirai aux sénateurs qu'ils feraient bien de se renseigner sur la déviance sociale et le crime. Nous comprenons la question, qui a suscité une abondante littérature, mais cela m'amènerait à parler du fond du projet de loi. Je tenais à bien montrer que je n'ai pas soulevé cette question de façon frivole, capricieuse ou cavalière. J'ai été mortifiée et scandalisée, car Mme Smith m'avait parlé en termes fort élogieux de ce monsieur. J'ai été mortifiée du fait que ce communiqué soit de la main de quelqu'un que Mme Smith m'avait décrit comme un esprit éminent, un homme très respectueux des droits de la personne. Comment peut-il respecter les droits d'autres personnes s'il ne respecte pas les miens? Il s'agit là de mon devoir impérieux, honorables sénateurs.

Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit, j'ai été éduquée dans l'esprit du débat, et j'y reviens encore. Des personnalités comme William Wilberforce, Buxton, Clarkson, John Newton et John Wesley, partisans de l'abolition de l'esclavage, m'ont été proposés comme modèles à émuler. Par conséquent, lorsque j'ai lu ce que ce monsieur a dit à propos de l'esclavage, j'ai réagi vivement. Toutefois, je vais vous dire un petit secret qu'il ne connaît pas. Je vais l'informer, puisqu'il lira sûrement notre compte rendu. Il veut modifier le Code criminel d'une façon qui n'est pas constitutionnelle. Je peux tolérer le changement, mais il doit se faire dans le cadre du système. Ce sont des modifications majeures qui sont proposées là.

Honorable sénateurs, je voudrais dire à M. Perrin qu'il n'y a absolument aucun lien entre l'esclavage et les situations malheureuses, terribles qui se produisent, et ce sont effectivement des cas absolument terribles. Je ne peux trouver qu'un lien, et encore s'agit-il d'un lien intellectuel et d'une coïncidence. Le Code criminel du Canada a été rédigé par un certain James Fitzjames Stephen. Bien des gens ici ne le savent même pas. Je me suis intéressée à la question parce je dévore tout ce qui se lit. Nous le savons. Je suis amatrice d'antiquités.

Honorables sénateurs, il faut savoir qui était James Fitzjames Stephen. Il était l'une des sommités en droit pénal au Royaume-Uni, pays qui, malheureusement, n'a pas adopté intégralement le code qu'il avait rédigé. Mais ce code a été adopté ici en 1892. Je crois qu'il était le petit-fils de James Stephen, qui a rédigé l’Act for the Abolition of the Slave Trade que William Wilberforce a proposé. C'est le seul lien que j'ai pu trouver entre l'esclavage et ce qui nous occupe ici.

C'est pure coïncidence. C'est simplement la nature de l'histoire humaine. Les grands penseurs qui ont conçu le Code criminel ou le droit pénal seraient scandalisés. J'aborderai ces questions le moment venu. Je le ferai, car je crois être en terrain assez solide. Je me suis même rendue à Toronto il y a quelques jours pour discuter justement de ces points-là avec des criminalistes.

Je voulais simplement dire, honorables sénateurs, qu'il y a ici une atteinte très nette au privilège. M. Perrin aurait dû connaître les limites du commentaire critique et de l'observation sociale acceptable. Il devrait comprendre ces limites et les respecter, et il devrait défendre les principes que je défends en ce moment en ce qui concerne le débat humain, l'entreprise humaine, les libertés humaines qui permettent de s'engager dans des entreprises et de travailler ensemble.

Je vais dire quelque chose aux sénateurs : je vais appuyer le projet de loi, mais j'ai beaucoup d'autres questions à poser.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, qu'il me soit permis d'exprimer ma reconnaissance et de remercier tous les sénateurs de leur contribution à l'étude de la question maintenant soumise à la présidence, qui devra se prononcer sur la question étroitement limitée de savoir s'il y a présomption d'atteinte au privilège.

Je tiens également à remercier tous les sénateurs de la façon dont ils ont aidé la présidence dans l'examen de la question de privilège soulevée par le sénateur Cools. Voilà qui montre que tous les membres de cette auguste assemblée abordent la question de privilège comme elle doit l'être. Ce n'est pas une question qui intéresse seulement un sénateur, mais l'ensemble du Sénat.

Je remercie les sénateurs de leur contribution. Je vais prendre la question en délibéré et rendre ma décision au moment opportun.

[Français]

La violence envers les femmes

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool ayant donné avis le 1er décembre 2009 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la violence envers les femmes, ses causes, et des pistes de solution.

— Honorables sénateurs, trois jours avant le 20e anniversaire de la tuerie de Polytechnique, c'est avec beaucoup d'émotion que je vous parlerai aujourd'hui de la violence faite aux jeunes filles et aux femmes.

Oui, je sais, vous devez vous dire que c'est un sujet dont on parle souvent, et même trop, et je suis tout à fait d'accord avec vous, pour la simple et bonne raison que nous ne devrions même pas avoir à parler de cette violence, puisqu'elle ne devrait tout simplement pas exister.

Et pourtant, elle existe, et depuis trop longtemps. La violence généralisée envers les femmes et les jeunes filles est une aberration qui a commencé dès l'Antiquité, et dont la première justification a très probablement été les différences physiologiques entre les hommes et les femmes.

Je me permets pourtant de vous rappeler que, dans l'Antiquité, plusieurs sociétés accordaient une importance égale aux femmes et aux hommes, et que certaines sociétés étaient même matriarcales. Mais alors, qu'est-ce qui a changé depuis ce temps-là, et pourquoi la domination masculine est-elle devenue une norme universelle? Les réponses sont nombreuses, honorables sénateurs, et je ne les connais pas toutes.

Le recul du temps montre clairement que certaines religions ont codifié une inégalité entre les hommes et les femmes et imposé une domination masculine dans tous les domaines de la société. Mais les

religions ne sont certainement pas les seules coupables, et je pense ici aux pratiques guerrières qui ont permis, et qui permettent encore aux hommes, les pires excès à l'égard des femmes. Je pense aussi à l'industrialisation, qui a joué sur la plus grande résistance physique des hommes pour leur confier une présence dominante dans le milieu du travail, domination qui s'est répercutée à la maison. Il y a d'autres raisons, honorables sénateurs, mais je ne les nommerai pas toutes.

En 2009, ces comportements violents existent toujours, honorables sénateurs, et il est grand temps qu'ils cessent. Les 50 dernières années ont beau avoir connu la plus grande mouvance féministe de l'histoire de l'humanité, la violence envers les femmes perdure encore et toujours, même si elle a pris d'autres formes. On ne brûle plus les femmes au bûcher, mais on les viole encore. On ne considère plus les femmes comme du bétail, du moins au Canada, mais on les bat encore. On n'estime plus les femmes incapables de jugement et de raison, mais on les harcèle toujours dans bien des milieux de travail.

Quelles sont les multiples formes de cette violence éternelle? Commençons par la pire forme de violence, l'assassinat.

Chaque année, honorables sénateurs, près de 200 femmes sont tuées par leur conjoint ou leur partenaire au Canada.

(1620)

Je sais aussi que des petites filles sont tuées dans notre pays avant même de voir le jour, quand leurs parents, généralement issus de cultures privilégiant les petits garçons, demandent un avortement dès qu'ils connaissent le sexe de l'enfant à naître. Et si ces petites filles réussissent quand même à voir le jour, quel sera leur lot? Auront-t-elles droit aux mêmes soins et à la même éducation que les petits garçons? Se verront-elles acculées à un mariage forcé au nom d'autres traditions étrangères que réprouvent nos lois? Oui, honorables sénateurs, ces choses arrivent au Canada, et même à des Canadiennes. Pourquoi?

Je ne puis oublier les nombreuses confidences que me faisaient mes étudiantes du secondaire, qui avaient de 16 à 18 ans, et qui me parlaient des comportements violents qu'elles avaient subis. Plus de 20 ans plus tard, la semaine dernière, j'ai eu mal à l'âme en lisant dans les journaux de ma province l'histoire de ce meurtre violent d'une jeune fille de 16 ans dont le cadavre a été retrouvé dans l'ancien champ de tir de ma ville natale.

Que dire aussi de ces comportements violents trop souvent causés par ces hommes qui ne laissent pas toujours des bleus sur le corps, mais qui marquent le cerveau à coup sûr? Décider comment sa copine ou sa fille doit se coiffer ou s'habiller; décider pour deux, sans la consulter, la rabaisser, la ridiculiser, parfois devant d'autres; critiquer sa façon d'élever les enfants, de tenir la maison ou de faire la cuisine; l'ignorer volontairement dans l'espoir de la blesser ou de l'inquiéter; l'empêcher de sortir seule ou de voir des proches; la menacer de lui faire mal, la bousculer, la retenir de force, l'obliger à des relations ou à des pratiques sexuelles dont elle ne veut pas.

Ces comportements, honorables sénateurs, sont tous des formes de violence dont les femmes sont trop souvent victimes. Pourquoi? Que dire aussi de ces agressions sexuelles ou de ces viols commis sur des femmes inconnues qui n'avaient pour seul tort que celui de marcher seule dans la rue, de faire seule leur jogging ou de quitter seule leur bureau? Et que dire de ces hommes qui interdisent aux femmes avec qui ils ont des relations sexuelles de prendre des contraceptifs ou qui refusent eux-mêmes de porter un condom? Ces hommes imposent à ces femmes des risques de maladies vénériennes parfois graves, quand ce n'est pas une grossesse non souhaitée qui démolira leur vie.

Voilà d'autres comportements violents, inacceptables, auxquels plus de femmes que vous ne croyez sont exposées, plus souvent que je ne le voudrais. Pourquoi?

En ce début du XXIe siècle, on peut pointer du doigt trois grands coupables qui perpétuent ce cycle de violence envers les femmes. Il y a d'abord la publicité à la télévision, dans la presse, à la radio, partout. Cette publicité omniprésente représente la femme comme un corps, quand ce n'est pas simplement une partie du corps, lui enlève son cerveau et sa pensée pour n'en laisser qu'un objet de désir, une image vide de sens. Est-ce que les hommes sont traités de la même façon dans la publicité? Je ne le crois pas.

Il y a aussi la pornographie, de plus en plus accessible depuis la libération sexuelle des années 1960 grâce aux progrès de la technologie. Non seulement cette pornographie est-elle de plus en plus avilissante dans sa représentation du rôle de la femme en sexualité, mais elle est de plus en plus facilement disponible pour n'importe qui, y compris de jeunes enfants.

Est-ce que la pornographie traite les hommes de la même façon que les femmes? Bien sûr que non.

Que dire enfin de l'incroyable persistance des stéréotypes sexuels? Tenez, nous approchons de Noël, regardez la publicité à la télévision, qui passe dans tous les médias ces temps-ci. Est-ce que ces stéréotypes dans la publicité traitent les filles et les garçons de la même façon? Non. Ces stéréotypes sont d'autant plus dangereux qu'ils perdurent jusqu'à l'âge adulte et débouchent trop souvent sur une forme insidieuse de violence à l'endroit des femmes. Vous n'avez qu'à constater l'approche éminemment sexiste réservée aux femmes importantes, politiciennes ou autres, que ce soit par des collègues ou par les médias. Vous n'avez qu'à penser aux commentaires et gestes blessants qui ont été posés à l'endroit des Belinda Stronach, des Kim Campbell, des Hillary Clinton ou des Ségolène Royal. Vous n'avez qu'à penser à ce fameux plafond de verre qui empêche trop de femmes d'atteindre les plus hauts échelons de leur compagnie sous prétexte qu'elles ont dû ou devront peut-être s'absenter du travail ou y consacrer moins de 24 heures par jour à cause d'une grossesse ou de leurs obligations familiales. Sans oublier le harcèlement, déguisé ou non, qu'elles auront à subir tout au long de leur carrière.

[Traduction]

La logique veut que cette violence ne doive pas exister, mais l'être humain n'est pas logique, nous le savons tous. La plupart des ordres de gouvernement au Canada ont des lois et des politiques interdisant cette violence. Beaucoup de gens s'opposent à la violence, dont beaucoup d'hommes, mais elle existe encore. Pourquoi? Je suis tentée d'émettre l'hypothèse selon laquelle nos dirigeants — dans les sphères de la politique, de la police, des affaires et du monde social — auraient trop à perdre à court ou à moyen terme s'ils décidaient de consacrer toutes leurs forces à l'éradication de la violence.

Pourquoi n'est-il pas obligatoire d'enregistrer une arme à feu avant de l'acheter et de se soumettre régulièrement à une évaluation psychologique afin de conserver le droit de se servir de cette arme à feu? Ces armes sont utilisées dans 54 p. 100 de tous les meurtres conjugaux au Canada. Ce pourcentage représente cinq meurtres par mois. Nous devrions tâcher de garder ces chiffres en tête quand nous voterons sur le registre national des armes à feu.

[Français]

Pourquoi le projet de loi C-8 n'a-t-il pas été bonifié selon les recommandations de l'Association des femmes autochtones, au lieu de mourir à l'étape de la deuxième lecture à l'autre endroit en mai dernier? Si l'association avait eu gain de cause, ce projet de loi aurait favorisé le respect des droits et intérêts matrimoniaux sur les biens et propriétés situés dans les réserves des Premières nations.

Je ne vous apprends rien lorsque je vous rappelle que les femmes et les filles autochtones sont régulièrement victimes de violence et qu'elles sont proportionnellement plus mal traitées que les femmes non autochtones qui vivent au Canada — notre collègue, le sénateur Brazeau, y a fait allusion hier.

Pourquoi les compressions budgétaires auxquelles se livrent de nombreux gouvernements en ces temps de crise affectent-elles davantage les femmes que les hommes? Pensons ici à la fermeture des bureaux satellites de Condition féminine Canada en 2007; pensons aussi à l'abolition par le gouvernement du Nouveau- Brunswick, au printemps 2009, du Programme des travailleurs sociaux rattachés à la cour, un programme qui bénéficiait surtout aux femmes.

Je me permets d'ouvrir une brève parenthèse pour vous parler de ces merveilleuses maisons d'accueil ou de transition. Il y en a 13 au Nouveau-Brunswick, où vont se réfugier beaucoup de femmes qui fuient la violence familiale. Je pense ici à l'accueil Sainte-Famille, chez moi, à Tracadie-Sheila, qui marque cette année ses 30 ans d'existence, et dont la péninsule acadienne reconnaît l'incroyable travail. On ne peut pas fêter ces 30 ans d'existence, mais il faut les souligner. Je préférerais, bien sûr, que ces maisons n'aient aucune raison d'exister, mais tant qu'elles sont là, pourquoi ne pas aider le plus possible les femmes à retrouver leur dignité?

Des définitions précises, standard et identiques partout au Canada de ce qui constitue un acte de violence permettraient d'éviter que 27 p. 100 des hommes néo-brunswickois déclarent ne pas considérer comme un crime le fait d'obliger leur conjointe à avoir des relations sexuelles. Et que dire de 53 p. 100 des hommes de ma province, le Nouveau-Brunswick, qui considèrent que ce n'est pas de la violence de gifler leur femme dans le cadre d'une dispute? Que pensez-vous du fait que 34 p. 100 des hommes de ma province croient que les femmes sont responsable de la violence à leur endroit?

(1630)

Si ces gestes de violence étaient clairement définis comme des crimes, leur fréquence baisserait en flèche.

Heureusement, tous les hommes ne sont pas aussi violents ou bornés. Ils sont nombreux à vouloir éliminer cette violence envers les femmes, qu'ils trouvent eux aussi complètement illogique et sans fondement. Il est primordial pour nous, les femmes, de savoir accueillir cet appui. Il est vrai que chat échaudé craint l'eau froide, et que des siècles de peur ne nous rendent pas aussi ouvertes d'esprit que nous pourrions l'être.

Le courant commence cependant à passer, honorables sénateurs, si je me fie à cette campagne de sensibilisation que le Québec vient de lancer, il y a deux semaines, contre la violence conjugale. Cette violence a fait plus de 17 000 victimes déclarées en 2008, et la province vient d'embaucher un « vrai gars », l'acteur Patrice Robitaille, pour dire à tous les autres « vrais gars » de la province qu'il est, et je cite, « Impensable qu'on puisse « triper » en dominant quelqu'un. »

Si vous trouvez que 17 000 victimes, c'est beaucoup, attendez d'apprendre que ce chiffre représente moins du tiers du nombre total de victimes de violence conjugale. En effet, les statistiques générales indiquent que moins de trois crimes sur dix commis dans un contexte conjugal sont portés à la connaissance des policiers.

[Traduction]

Terre-Neuve-et-Labrador a récemment lancé une belle campagne, dans le cadre de laquelle on dit : « Montrez-lui comment nouer ses lacets, épeler son nom, monter une tente et respecter les femmes. »

[Français]

Je vous invite aussi à lire Miguel LeBlanc, de Scoudouc, au Nouveau-Brunswick, qui a publié sa thèse de maîtrise en mai dernier, dans laquelle il explique comment susciter l'adhésion et l'implication des hommes dans la résolution et l'évitement de la violence envers les femmes.

[Traduction]

Honorables sénateurs, la violence faite aux femmes est un problème important qui existe depuis longtemps.

[Français]

Honorables sénateurs, j'aimerais demander deux minutes supplémentaires pour terminer mon discours.

L'honorable Donald H. Oliver (Son Honneur le Président suppléant) : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Losier-Cool : C'est un problème auquel la société tout entière et nos leaders doivent s'attaquer de façon cohérente, uniforme et efficace, par-delà les frontières. Ce sera une très bonne chose lorsque le Canada aura enfin éliminé la violence faite aux femmes dans notre pays, mais ce serait encore mieux s'il parvenait à l'éliminer aussi chez nos voisins.

Tous les ordres de gouvernement doivent travailler simultanément sur deux fronts. Le premier front est la criminalisation systématique, fondée sur une politique de tolérance zéro, de toutes les formes de violence faite aux femmes et aux jeunes filles. Chaque forme de violence doit être définie de façon claire et uniforme dans tous les territoires du pays. Chaque forme de violence doit être passible d'un casier judiciaire et d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement correspondant à la gravité de l'infraction.

Je sais gré au gouvernement de porter la date du 6 décembre à l'attention de la population. Toutefois, la lutte contre la violence faite aux femmes exige beaucoup plus qu'une minute de silence ou le port d'un ruban blanc. La lutte contre la violence faite aux femmes exige des mesures concrètes et efficaces par tous les ordres de gouvernement, c'est-à-dire les gouvernements fédéral, provinciaux, régionaux et municipaux, ainsi que les gouvernements des Premières nations.

[Français]

Le deuxième front auquel tous les ordres de gouvernement doivent s'attaquer est la mise en place de politiques économiques qui permettent non seulement d'éliminer la pauvreté, une source de violence, mais aussi de favoriser la spécificité féminine. Je souhaite des programmes moins universels et mieux adaptés, notamment de façon sexo-spécifique. Je pense particulièrement ici à l'assurance- emploi, puisque les conditions d'emploi des femmes sont souvent radicalement différentes de celles des hommes. Je pense aussi à l'aide sociale, qui pénalise souvent les familles monoparentales dirigées par des femmes. Je pense enfin à ce que j'appelle encore les allocations familiales, dont la prestation pour enfants, insuffisantes pour bien des parents. La violence envers les femmes ne disparaîtra pas tant que les femmes continueront d'être les grandes perdantes économiques de notre société.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous voulons tous mettre un terme à la violence. Par conséquent, joignons le geste à la parole.

[Français]

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le sénateur Losier-Cool d'avoir attiré l'attention du Sénat sur ce sujet important et d'avoir fait un discours vraiment remarquable. La recherche et la réflexion reflétées dans ce discours m'ont vraiment émue.

[Traduction]

Je veux proposer l'ajournement, mais je dirai d'abord aux sénateurs que, il y a à peine trois semaines, j'ai entendu l'opinion d'un spécialiste des sondages sur les valeurs et les opinions bien ancrées des Canadiens. Il a dit qu'il en était troublé, mais que ses travaux montraient que le nombre de Canadiens croyant que les femmes ne sont pas et ne devraient pas être les égales des hommes augmentait au sein de la population. C'est ce type d'attitude, avouée ou non, qui engendre, au Canada et ailleurs, les trop nombreuses situations intolérables que le sénateur Losier-Cool nous a décrites.

Si on me permet d'ajourner le débat à mon nom, je prendrai bientôt la parole sur cette interpellation. J'espère que beaucoup d'autres sénateurs y joindront leur voix. Je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Fraser, le débat est ajourné.)

La santé

Motion tendant à faire de la question de la santé maternelle et infantile une priorité aux réunions que tiendra le G8/G20 au printemps 2010—Ajournement du débat

L'honorable Sharon Carstairs, conformément à l'avis du 1er décembre 2009, propose :

Que le gouvernement du Canada fasse de la question de la santé maternelle et infantile une priorité aux discussions que tiendra le G8/G20 au Canada lors des réunions prévues au printemps 2010 afin que les pays unissent leurs efforts pour augmenter les fonds investis pour réduire la mortalité et la morbidité materno-infantiles dans le monde.

— Honorables sénateurs, ce matin, des parlementaires de tous les partis se sont réunis pour rencontrer les représentants du Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant et discuter de cette importante question qu'est la santé maternelle et infantile. Le sénateur Keon, le sénateur Pépin, le sénateur Fraser et moi étions présents, et peut-être d'autres également que je n'ai pas remarqués dans l'assistance. Cette question est l'une des nombreuses que nous avons à traiter au Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, sous-comité qui est efficacement présidé par le sénateur Keon.

Honorables sénateurs, les pays du G8 et du G20 se rencontreront au Canada le printemps prochain. Ces rencontres donnent au gouvernement la chance de discuter des enjeux importants dont dépendent la santé des mères et des enfants. C'est une question importante pour tous les pays, mais davantage encore pour les économies émergentes et les pays du tiers monde.

Je crois qu'il faut mettre ces concepts en perspective. Chaque année, des millions de mères et d'enfants meurent par manque de soins adéquats ou parce qu'ils n'ont pas accès à des professionnels de la santé. Les femmes meurent en couches ou durant leur grossesse. Honorables sénateurs, nous ne parlons pas d'un ou deux enfants, même si la mort d'un enfant est toujours tragique. Nous ne parlons même pas de centaines d'enfants, mais bien de millions d'enfants.

(1640)

Chaque année, plus d'un demi-million de femmes meurent durant leur grossesse ou pendant l'accouchement, près de 10 millions d'enfants meurent avant d'atteindre l'âge de cinq ans et presque 40 p. 100 de ces enfants vivent moins d'un mois. Les recherches récentes révèlent qu'au moins les deux tiers de ces décès peuvent être prévenus au moyen d'interventions éprouvées et économiques, qui devraient être accessibles à toutes les femmes et tous les enfants. En élargissant l'accès à ces interventions et en intégrant les efforts liés à la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant, il serait possible de prévenir quelque 6 millions de décès chaque année. Compte tenu de la taille de ce défi, aucun pays, aucune organisation ou agence ne peut l'affronter sans aide. C'est la raison pour laquelle les réunions du G8/G20 peuvent définir de nouvelles orientations.

Le Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant, ou PSMNE, est une association mondiale pour la santé lancée en septembre 2005 afin d'accélérer les efforts visant à atteindre les Objectifs du Millénaire pour le développement nos 4 et 5. L'OMD 4 est axé sur la réduction de la mortalité infantile tandis que l'OMD 5 vise à améliorer la santé maternelle. Ce partenariat découle de la fusion de trois autres : le partenariat pour une maternité sans risque et la santé du nouveau-né, le partenariat pour la survie de l'enfant et le partenariat pour la santé du nouveau-né. Le PSMNE a pour but d'intensifier et d'harmoniser les mesures nationales, régionales et mondiales d'amélioration de la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant.

Le partenariat regroupe les communautés de la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant, encourageant des approches uniformes et efficaces qui promettent de meilleurs résultats que par le passé. Le PSMNE se compose de quelque 260 membres représentant les pays partenaires, les Nations Unies et d'autres organisations multilatérales, des ONG, des professionnels de la santé, des donateurs bilatéraux, des fondations, des universités et des organismes de recherche.

Comme il ne reste que six ans jusqu'avant 2015, date cible de réalisation des OMD, il est évident qu'il faudra une énorme multiplication des efforts au chapitre de la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant. Sur les 68 pays ciblés par ces objectifs, 15 sont en bonne voie de les atteindre, mais 25 n'ont pas avancé du tout. Tout en reconnaissant le travail accompli par certains partenaires et pays de différentes régions, la communauté du partenariat cherche à concentrer ses efforts sur les grands objectifs suivants pour la période 2009-2011 : premièrement, former un consensus sur les interventions éprouvées d'un bon rapport avantages-coût et sur les moyens de les mettre en œuvre grâce à l'harmonisation; deuxièmement, contribuer à la collecte de 30 milliards de dollars américains pour 2009-2015 afin d'améliorer la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant grâce à des mesures de sensibilisation; troisièmement, suivre les engagements des partenaires et mesurer les progrès réalisés afin de rendre compte du travail accompli.

Pour mieux appuyer l'action mondiale en faveur des OMD 4 et 5 et pour rationaliser les contributions des nombreux membres, le partenariat a défini six domaines d'action prioritaires sur lesquels le groupe et ses membres concentreront leur attention pour la période de 2009-2011. Ces domaines sont les suivants : système de gestion des connaissances sur la santé de la mère, du nouveau-né et de l'enfant; ensemble d'interventions de base pour la SMNE; produits essentiels pour la SMNE, renforcement des ressources humaines consacrées à la SMNE; intensification des appels à un financement accru et meilleur positionnement de la SMNE dans le programme de développement; et, enfin, suivi des progrès.

La mortalité infantile était en baisse au cours de la dernière décennie. Toutefois, la mortalité tant néonatale que maternelle est restée essentiellement la même. La mortalité néonatale représente

environ 40 p. 100 du nombre estimatif de 9,7 millions de décès d'enfants de moins de cinq ans et près de 60 p. 100 des nourrissons de moins d'un an. Ces statistiques signifient qu'un enfant est à peu près 500 fois plus susceptible de mourir dans la première journée de sa vie que dans la trentième. En chiffres absolus, les décès de nouveau-nés sont les plus nombreux en Asie du Sud, l'Inde représentant à elle seule un quart du total mondial. Toutefois, c'est en Afrique subsaharienne qu'on trouve les taux nationaux les plus élevés de mortalité néonatale.

La santé de la mère constitue le facteur commun qui influence ces décès. Chaque année, plus de 500 000 femmes meurent en couches ou de complications durant la grossesse. Les bébés dont la mère est morte en couches ont plus de risques de mourir dans leur première année que ceux dont la mère a survécu. Dans le monde en développement, 99 p. 100 de la mortalité maternelle et infantile survient aux endroits où plus de 50 p. 100 des femmes accouchent sans l'aide de professionnels de la santé. Cette statistique est fort éloquente et témoigne des inégalités d'accès à des soins de qualité.

Des cas directs d'hémorragie, d'infection et d'hypertension en cours de grossesse ainsi que des complications découlant d'avortements effectués dans des conditions insalubres expliquent 80 p. 100 de la mortalité maternelle. Pour chaque femme qui meurt de complications liées à la naissance, près de 30 souffrent de blessures, d'infections et de handicaps qui ne sont ordinairement pas traités et qui peuvent entraîner des souffrances permanentes ainsi que l'exclusion sociale et économique. La plupart de ces complications sont prévisibles et évitables.

Toutes les femmes enceintes courent des risques et peuvent avoir des complications à n'importe quel stade de la grossesse, de l'accouchement et de la période qui suit. Toutefois, les femmes et les familles peuvent apprendre comment éviter les grossesses non planifiées et, une fois enceintes, les femmes peuvent être sensibilisées à l'importance des soins prénataux, apprendre à reconnaître les signes de danger, se préparer en vue d'interventions d'urgence et choisir un mode d'accouchement sûr. En cas de problèmes, si l'intervention est nécessaire, les complications peuvent être traitées dans des établissements de santé disposant de fournitures et de médicaments adéquats ainsi que d'un personnel qualifié.

Améliorer la santé et la nutrition des futures mères et dispenser de bons services de santé reproductive sont des moyens essentiels de s'attaquer aux causes sous-jacentes de la mortalité infantile.

Comme près de 50 p. 100 de l'ensemble des décès de nouveau-nés se produisent dans les 24 heures et près de 75 p. 100 dans la semaine suivant l'accouchement, les stratégies doivent être centrées sur un continuum de soins. Cette approche comprend l'amélioration de l'accès aux soins prénataux durant la grossesse, l'amélioration de la gestion de l'accouchement normal par des préposés qualifiés, l'accès à des soins obstétriques et néonataux d'urgence au besoin et l'accès en temps opportun à des soins postnataux pour la mère et son nouveau-né. À part le renforcement des liens entre les différents niveaux de soins dans les établissements de santé, le continuum de soins exige de consolider les liens entre la collectivité et les établissements.

Il est faux de supposer que les unités coûteuses de soins néonataux des hôpitaux constituent le seul moyen de traiter des nouveau-nés malades. Il est établi qu'une importante proportion de la mortalité et de la morbidité infantiles peut être réduite grâce à des interventions simples et peu coûteuses au stade de l'accouchement et dans les jours et les semaines de vulnérabilité qui suivent, tant à la maison qu'en établissement. Ces interventions essentielles comprennent ce qui suit : sécher le nouveau-né, le garder au chaud, commencer l'allaitement le plus tôt possible après l'accouchement et inciter la mère à nourrir exclusivement son enfant, donner des soins particuliers aux bébés dont le poids à la naissance est trop faible et diagnostiquer et traiter les problèmes néonataux tels que l'asphyxie et la sepsie.

La majorité des interventions essentielles consistent en des soins à domicile que les familles peuvent donner elles-mêmes. Les familles peuvent également recourir à une travailleuse de santé communautaire, qui peut être présente à l'accouchement pour s'occuper du nouveau-né et faire une visite après 24 heures et une ou deux autres pendant la première semaine. Comme plus de la moitié des décès de nouveau-nés se produisent à la maison, l'objectif à long terme consistant à former un nombre suffisant de préposées qualifiées pouvant être présentes à tous les accouchements ne se concrétisera pas dans beaucoup de pays pendant des années encore. Les experts estiment que la fourniture de ces interventions essentielles à un niveau de plus de 90 p. 100 dans la collectivité et les établissements de santé peut réduire de 70 p. 100 le taux de mortalité néonatale.

Honorables sénateurs, le Canada peut assumer un rôle de premier plan aux réunions du G8/G20. Le développement économique dépend de la santé de la mère et de l'enfant. On estime que 15 milliards de dollars sont perdus chaque année à cause des problèmes de santé de la mère et de l'enfant. C'est la disparité en santé la plus importante du monde. Ainsi, en Afghanistan, une femme sur huit meurt en couches. Au Canada, c'est une femme sur 11 000.

J'ai moi-même eu des complications au cours de ma seconde grossesse, ce qui m'a imposé de passer six mois au lit et les six dernières semaines avant l'accouchement à l'hôpital. Parce que je vivais au Canada, mon enfant et moi avons survécu. Des millions de mères et d'enfants n'ont pas autant de chance. Le Canada peut être un chef de file. J'exhorte les honorables sénateurs à appuyer cette motion pour encourager notre gouvernement à assumer un rôle de leadership aux réunions du G8/G20.

(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

(1650)

[Français]

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 8 décembre 2009, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 8 décembre 2009, à 14 heures.)


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