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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 15

Le mardi 13 avril 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 13 avril 2010

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

L'Afghanistan—Le soldat tombé au champ d'honneur

Minute de silence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de commencer nos travaux, je vous invite à vous lever et à observer une minute de silence à la mémoire du soldat Tyler William Todd, décédé tragiquement pendant qu'il servait son pays en Afghanistan.

(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)

[Français]

Le Sénat

Mme Diane Boucher—Reconnaissance à titre de huissier du bâton noir adjoint

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en votre nom, j'aimerais souhaiter la bienvenue à l'huissier du bâton noir adjoint, Mme Diane Boucher, qui occupe le rôle et la place de l'huissier du bâton noir aujourd'hui.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à la tribune de Son Excellence Abderrahim Ould Hadrami, ambassadeur de la République de la Mauritanie.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous sommes également honorés par la présence d'une délégation distinguée à notre tribune, soit l'honorable Emmanuel Otaala, ministre d'État au Travail, à l'Emploi et aux Relations de travail de l'Ouganda, Son Excellence George Abola, haut- commissaire de l'Ouganda au Canada, M. Milton Turyasiima, agent supérieur des relations de travail, Emploi et Mme Rosemary Ssenabulya, directrice générale de la Fédération des employeurs d'Ouganda. Ce sont les invités de l'honorable sénateur Mobina Jaffer et du Président.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La sensibilisation au cancer

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, le mois d'avril est le Mois de la jonquille. Chaque printemps, les bénévoles de la Société canadienne du cancer parcourent les quartiers de toutes les régions du pays pour recueillir des fonds qui sont essentiels pour financer la lutte contre le cancer.

Je crois pouvoir dire qu'il n'y a pas une seule personne parmi nous, les sénateurs, le grand nombre de gens compétents qui nous aident à faire notre travail et les visiteurs à notre tribune, dont la vie n'a jamais été touchée d'une façon ou d'une autre par le cancer.

Les statistiques sont peu rassurantes. Selon la Société canadienne du cancer, environ 40 p. 100 des Canadiennes et 45 p. 100 des Canadiens seront atteints d'une forme de cancer au cours de leur vie. En moyenne, 3 300 Canadiens reçoivent un diagnostic de cancer chaque semaine.

La bonne nouvelle, c'est qu'un diagnostic de cancer n'est plus aussi terrible qu'il l'était autrefois. Aujourd'hui, le taux de survie après cinq ans est de plus de 60 p. 100. Il est de plus en plus courant d'entendre parler de personnes atteintes de cancer qui considèrent leur maladie comme une maladie chronique, ou, mieux encore, comme une maladie qui a été traitée et guérie et qu'elles peuvent oublier. Nous devons ces réussites à bon nombre de chercheurs, de médecins, de techniciens médicaux et d'infirmiers et infirmières qui travaillent d'arrache-pied pour trouver de nouveaux moyens de prévenir le cancer, de le déceler rapidement et, bien sûr, de le traiter de la meilleure façon possible.

(1410)

Les scientifiques canadiens sont des chefs de file dans le domaine de la recherche sur le cancer. L'an dernier, les chercheurs de l'Université McMaster, à Hamilton, ont été les premiers au monde à déceler les différences clés entre les cellules souches embryonnaires humaines normales

et celles qui ne l'étaient pas. Honorables sénateurs, il s'agit là d'une découverte importante qui, espérons-le, nous permettra de trouver un traitement approprié et de cibler et tuer les cellules cancéreuses sans toucher aux cellules saines.

Des chercheurs canadiens ont tout récemment joué un rôle clé dans l'identification de quatre nouveaux marqueurs génétiques du cancer colorectal. Jusqu'à maintenant, on a donc identifié dix marqueurs génétiques. Le mois dernier, en Alberta, des chercheurs ont testé avec succès, auprès d'un petit nombre de patients atteints d'un cancer de la prostate, une nouvelle méthode thérapeutique qui repose sur l'utilisation d'un virus inoffensif appelé réovirus.

Des scientifiques canadiens font de la recherche en vue de trouver des thérapies permettant d'étouffer des tumeurs cancéreuses en coupant leur alimentation en sang. On continue de faire de la recherche en vue de mettre au point un nouveau traitement d'immunothérapie, soit l'utilisation du système immunitaire pour combattre les cellules cancéreuses. On fait aussi de la recherche en vue de mettre au point un traitement révolutionnaire, la thérapie photodynamique, qui, chose incroyable, met à contribution la lumière et des médicaments photosensibles pour détruire les cellules cancéreuses.

Ces recherches sont financées en partie par la Société canadienne du cancer. L'année dernière, grâce à de généreux dons, la société a pu investir 50 millions de dollars dans des projets de recherche sur le cancer aux quatre coins du Canada. Il s'agit là d'un niveau d'appui exceptionnel du secteur bénévole à la recherche scientifique.

Au Canada, depuis plus de 50 ans, on perpétue en avril la tradition de la campagne de la Jonquille. La première campagne a été lancée à Toronto dans les années 1950. Un groupe de bénévoles de la Société canadienne du cancer avait organisé un thé-bénéfice et disposé des jonquilles sur les tables en guise de décoration. Aujourd'hui, la campagne est menée d'un bout à l'autre du Canada par des milliers de bénévoles déterminés à contribuer à la lutte contre le cancer.

Mes félicitations à la Société canadienne du cancer, et bonne chance pour sa campagne de 2010. Je remercie la Société canadienne du cancer, son armée de bénévoles et les généreux donateurs des quatre coins du Canada pour leur travail et leur engagement à l'égard de cette importante cause.

Le rassemblement de motocyclistes à Port Dover

Le cinquantième anniversaire

L'honorable Doug Finley : Honorables sénateurs, certains d'entre vous n'auront peut-être pas oublié que les premières paroles que j'ai prononcées au Sénat étaient à l'occasion des festivités du vendredi 13 à Port Dover, en Ontario.

À mes nouveaux collègues, et afin de rafraîchir la mémoire de ceux qui étaient ici à l'époque, je dirai que tous les vendredis 13 la ville de Port Dover est le lieu du plus grand rassemblement de motocyclistes au Canada. La tradition est née en 1981. À l'époque, quelques amis motards qui aimaient l'hospitalité de la côte Sud et le charme de Port Dover ont décidé de s'y rassembler tous les vendredis 13.

En août, soit dans quatre mois, la ville célébrera le 50e anniversaire des rassemblements de motocyclistes du vendredi 13. Les motocyclistes m'ont prié, une fois de plus, d'inviter les sénateurs à jouir de l'hospitalité de la côte Sud, à venir goûter à notre fameuse perche, à visiter le musée du port et, bien sûr, à se laisser emporter par la frénésie de la moto.

Par le passé, plus de 100 000 personnes de tout le Canada et d'ailleurs dans le monde sont venues à Port Dover, une petite ville d'environ 6 000 habitants située au bord du lac, pour assister à l'événement. Cet été, si le temps le permet, nous pourrions facilement dépasser ce nombre. Quel homme ou femme politique n'aime pas se frotter à une foule de 100 000 personnes?

On me dit que les chambres d'hôtel libres les plus proches se trouvent maintenant à Hamilton. Cependant, si vous pouvez vous rendre à l'événement, Paul Morris, le président de la Chambre de commerce de Port Dover, a dit qu'il pourrait vous loger chez des habitants de la ville pour que vous ne soyiez qu'à quelques minutes de l'action et que vous puissiez entendre le vrombissement des moteurs.

Quant à ceux qui sont superstitieux et craignent les vendredis 13, je leur promets que, avec l'hospitalité de la côte Sud, ils pourront se faire une autre opinion de ce jour prétendu funeste.

J'espère que tous les sénateurs des deux côtés se joindront à mon épouse, à moi et à l'aimable population de Port Dover pour la 50e édition du rallye moto du vendredi 13, le vendredi 13 août.

[Français]

La Fondation canadienne pour l'innovation

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'aimerais vous parler aujourd'hui de la Fondation canadienne pour l'innovation, la FCI. Depuis sa création en 1997 par le gouvernement du Canada, la FCI a transformé le paysage de la recherche au Canada, et ce, en collaboration avec les provinces, le secteur privé et les collèges et universités.

Le mandat de la FCI est de renforcer la capacité des universités, des collèges et des hôpitaux de recherche, de même que des établissements de recherche, de mener des projets de recherche et de développement technologique de calibre mondial qui produisent des retombées pour les Canadiens.

Depuis 1997, la fondation a engagé 5,27 milliards de dollars pour financer plus de 6 600 projets menés dans 130 établissements de recherche situés dans 65 municipalités aux quatre coins du Canada.

[Traduction]

En vertu de la Loi d'exécution du budget de 1997, la FCI a reçu 3,65 milliards de dollars qui, si on y ajoute l'intérêt accumulé et les crédits subséquents, ont permis à la fondation de faire un excellent travail.

Après une évaluation du rendement et une vérification de l'optimisation des ressources faites récemment à la FCI par un comité international indépendant, la fondation a été déclarée l'organisme de financement de la recherche le plus performant en son genre dans le monde. KPMG a effectué la vérification générale de la FCI et un comité international composé de sept experts en recherche mondiale et en financement de la recherche a examiné les constatations et a produit un rapport indépendant. La vérification a porté sur les pratiques et les processus de gestion de la FCI ainsi que sur leur coût, leur efficience et leur efficacité.

Les sénateurs se rappellent peut-être que, dans certains milieux, des réserves avaient été exprimées au moment de la création des fondations au cours des années 1990. C'est un comité d'examen indépendant qui a effectué la vérification, mais il reste que la vérificatrice générale du Canada a le pouvoir d'examiner la FCI et qu'elle a acquis ce pouvoir au moment de l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité. La vérificatrice générale a décidé de ne pas effectuer de vérification à la FCI probablement parce qu'elle était satisfaite des résultats de la vérification effectuée par le comité indépendant.

Honorables sénateurs, « un engagement indéfectible envers l'excellence », « un solide avantage pour le Canada » et « les meilleures pratiques mondiales » sont quelques-unes des expressions utilisées par le comité d'experts pour décrire cette fondation.

[Français]

Je profite de l'occasion pour féliciter la fondation et lui transmettre mes meilleurs vœux de succès.

[Traduction]

Bravo à la Fondation canadienne pour l'innovation!

Trails of 1885

L'honorable Pana Merchant : Honorables sénateurs, 2010 marque le 125e anniversaire de la Rébellion du Nord-Ouest de 1885. Celle-ci est commémorée dans le cadre d'une initiative de commercialisation appelée « Trails of 1885 », ou sentiers de 1885, à laquelle collaborent trois provinces et qui a pour but d'attirer des touristes venant de partout au Canada et même de l'extérieur. Il s'agit d'un récit historique qui transcende les frontières modernes des provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. « Trails of 1885 » se veut un projet conjoint réalisé par des agences de tourisme qui met à profit une multitude de références et de lieux historiques se rapportant à la vie dans les Prairies au cours des années 1880.

« Trails of 1885 » englobera l'histoire des Métis, des membres des Premières nations et des colons qui ont choisi de venir s'établir dans nos Prairies. En fait, l'interaction culturelle entre les Métis, les membres des Premières nations et les milliers d'immigrants d'il y a 125 ans fut un point tournant dans l'histoire du Canada. Les bisons étaient partis, le train arrivait, et des immigrants venus de dizaines de pays défrichaient de vastes étendues de terrain.

(1420)

On trouve dans les Prairies de nombreux lieux historiques nationaux importants, dont le poste de traite des fourrures de Fort Pitt ainsi que Steele Narrows, Frenchman Butte, Fort Carlton et la maison Caron, à Batoche. Ces lieux étant des attractions touristiques animées, l'accroissement de l'activité touristique dans l'ensemble de la région représente un important potentiel de retombées économiques. Des circuits de découverte et des circuits sans chauffeur sont en cours d'élaboration afin de rendre vivant notre héritage historique en retraçant l'histoire de Louis Riel et celle d'autres dirigeants qui nous ont précédés.

J'espère que les Canadiens et les sénateurs se joindront à nous pour commémorer l'histoire de notre jeune pays et emprunter de nouveau les sentiers de 1885.

Le droit des sénateurs de participer aux débats

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur un geste que nous avons posé le mercredi 13 mars dernier, journée où nous avons ajourné à l'occasion de la dernière relâche parlementaire. Il s'agit d'un geste inhabituel, même s'il existe des précédents. Nous avons refusé à un sénateur l'ajournement du débat sur un projet de loi. Auparavant, lorsque nous avons agi de la sorte, c'était généralement parce qu'un sénateur retardait l'adoption du projet de loi. Dans ce cas-ci toutefois, je crois que le projet de loi bénéficie de l'appui de tous les sénateurs et n'est contesté par personne. Il était inscrit au Feuilleton depuis deux jours lorsque le sénateur a pris la parole pour demander que le débat sur le projet de loi soit ajourné en son nom afin de pouvoir en parler. Je crois que nous aurions pu demander la garantie que le débat reprenne un ou deux jours plus tard mais, sans trop y penser, nous avons collectivement rejeté la motion d'ajournement. Nous sommes tous en faveur de ce projet de loi. J'espère que nous ne poserons plus un tel geste. Le sénateur Harb comprend exactement de quoi je parle. J'espère que les sénateurs feront preuve de prudence car nous nous engageons sur une pente glissante si nous commençons à refuser aux sénateurs le droit de se prononcer au sujet d'un projet de loi dont nous sommes saisis en bonne et due forme.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La santé

Les frais d'utilisation et les normes de service pour les programmes de médicaments pour l'usage humain et les matériels médicaux—Dépôt d'un document et renvoi au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4 de la Loi sur les frais d'utilisation, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, une copie de la proposition de Santé Canada soumise au Parlement au sujet des frais d'utilisation et des normes de service pour les programmes de médicaments pour l'usage humain et les matériels médicaux.

Après consultation avec le leader de l'opposition, le comité désigné pour étudier ce document est le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'article 28(3.1), le document est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Le commissaire à l'information

Dépôt du rapport spécial

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'article 39 de la Loi à sur l'accès à l'information, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un rapport spécial du commissaire à l'information intitulé : Hors délais : Fiches de rendement 2008-2009 et problèmes systématiques influant sur l'accès à l'information au Canada.

Exportation et développement Canada

Dépôt du résumé du plan de la société pour 2010-2014

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le résumé du plan de la société pour 2010-2014 d'Exportation et Développement Canada.

[Traduction]

Affaires étrangères et commerce international

Dépôt du rapport visé à l'article 104 du Règlement

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, conformément à l'article 104 du Règlement du Sénat, j'ai l'honneur de déposer le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui porte sur les dépenses engagées par le comité au cours de la deuxième session de la quarantième législature.

(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 217.)

[Français]

La Loi sur la Cour suprême

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême (compréhension des langues officielles), accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Tardif, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

L'Association interparlementaire Canada-France

La réunion du comité permanent, tenue du 15 au 17 février 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association interparlementaire Canada-France concernant sa participation à la réunion du comité permanent, tenue à Paris, en France, du 15 au 17 février 2010.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La commissaire à l'éthique

La diffusion des rapports

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Pendant la campagne électorale, les Canadiens ont cru Stephen Harper lorsqu'il a promis de faire respecter le principe de responsabilité mais, dès son élection il a mis en place la Loi sur les conflits d'intérêts, loi qui est farcie d'échappatoires.

La Loi sur les conflits d'intérêts de M. Harper permet au premier ministre de recevoir des rapports secrets sur la conduite de ses ministres et d'autres titulaires de charge publique et de garder secrets ces rapports même lorsque le commissaire juge qu'un ministre a violé la loi. Les Canadiens ne peuvent même pas savoir qu'un rapport a été rédigé, et encore moins que l'un des membres du conseil des ministres a violé la loi.

Les sénateurs ont tenté de modifier le projet de loi lorsqu'il était à l'étude au Sénat, mais le gouvernement Harper a rejeté les amendements proposés. Le premier ministre Harper était déterminé à recevoir ces rapports sous le sceau du secret et à déterminer ensuite s'il rendrait publique la vérité au sujet des ministres de son Cabinet.

Le premier ministre a demandé à la commissaire à l'éthique de faire enquête sur la conduite de l'ancienne ministre d'État à la Condition féminine. Comme la demande émane directement du premier ministre, la commissaire à l'éthique doit, en vertu de la loi, faire rapport des résultats directement et secrètement au premier ministre.

Est-ce que madame le leader peut promettre au Sénat que le rapport sur la conduite de l'ancienne ministre Guergis ne sera pas remis secrètement au premier ministre, mais sera plutôt rendu public immédiatement et intégralement?

(1430)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : D'abord, à la différence de ce qui s'est passé sous l'ancien premier ministre Chrétien, dont le commissaire à l'éthique, Howard Wilson, ne faisait rapport qu'au premier ministre, l'actuelle commissaire à l'éthique est mandataire du Parlement, dont elle relève.

Quant aux allégations d'un tiers au sujet de l'ancienne ministre d'État à la Condition féminine, le premier ministre, dès qu'il a reçu ces renseignements, les a immédiatement renvoyés aux autorités compétentes. J'imagine que, une fois qu'elle aura fait enquête, la GRC informera la population.

Bien des gens ont exigé du premier ministre qu'il révèle les allégations. Toutefois, tout personne raisonnable, y compris dans cette enceinte, j'en suis sûre, s'abstiendra de réclamer la divulgation de ces allégations tant que les autorités compétentes n'auront pas pu en vérifier le bien-fondé.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Day : Le sénateur n'a pas saisi l'essence de ma question. Je ne réclame pas que les allégations soient rendues publiques. Je souhaite plutôt qu'il y ait diffusion des rapports, une fois qu'une enquête exhaustive aura été menée.

Les Canadiens ne devraient pas avoir à compter sur la bienveillance du premier ministre ou à dépendre de l'évaluation qu'il peut faire du degré d'embarras pour son gouvernement dans une situation donnée.

Étant donné que les Canadiens voient et comprennent maintenant les échappatoires de la Loi fédérale sur la responsabilité et de la Loi sur les conflits d'intérêts, englobée dans la première, madame le leader du gouvernement au Sénat s'engagerait-elle à déposer des modifications à la loi pour exiger que, de droit, chaque fois que le commissaire conclut qu'il y a eu manquement à la loi, ces conclusions soient rendues publiques au lieu de faire l'objet d'un rapport secret au premier ministre, à qui il appartient de décider si, oui ou non, les Canadiens doivent connaître la vérité?

Le sénateur LeBreton : Je m'élève contre l'entrée en matière du sénateur, car lorsque le premier ministre ou le gouvernement saisissent les autorités de différentes questions, les allégations, si elles sont fondées, sont rendues publiques.

La commissaire à l'information

L'accès à l'information

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Elle ne sera pas étonnée, car elle sait que je m'intéresse depuis longtemps à la législation canadienne sur l'accès à l'information.

Ma question porte sur un rapport rendu public aujourd'hui par la commissaire à l'information par intérim. Le rapport, qui porte le titre fort judicieux de Hors délais, fait état de l'ampleur des retards et de certains facteurs qui y contribuent, d'après une évaluation de la manière dont 24 institutions fédérales ont répondu aux demandes d'accès à l'information en 2008-2009. Les institutions concernées ont reçu 88 p. 100 des demandes soumises par des Canadiens durant cette période.

Treize des institutions évaluées par la commissaire par intérim ont affiché un rendement inférieur à la moyenne ou pire par rapport à un certain nombre de mesures. De plus, la commissaire a confirmé la persistance et les effets négatifs de problèmes systémiques. Elle a également cerné d'importants nouveaux obstacles à un accès rapide à l'information.

La commissaire par intérim concluait que nous disposons maintenant d'une évaluation de la situation qui repose sur les faits. Elle a déclaré que :

Ce rapport analyse des problèmes qui ont des effets directs et considérables sur la capacité des institutions de respecter les échéances prévues par la Loi pour répondre aux demandes d'accès à l'information. [...] Nous disposons maintenant d'assises solides pour régler le problème des retards et améliorer le système sur le plan administratif, en attendant une réforme législative.

Selon la ministre, le gouvernement a-t-il l'intention de suivre les recommandations formulées par la commissaire à l'information par intérim?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question.

Comme il le sait très bien et comme je l'ai répété à plusieurs reprises auparavant dans cette enceinte, nous avons allongé substantiellement la liste des organismes couverts par la Loi sur l'accès à l'information. Quelque 70 institutions de plus doivent maintenant rendre des comptes, y compris des organismes comme la Commission du blé, Radio-Canada, ou d'autres.

Le gouvernement prend au sérieux le rapport de la commissaire à l'information par intérim. Il faut noter que, chaque année, plus de 40 000 demandes d'accès à l'information sont présentées et que seulement 12 p. 100 environ de ces demandes prennent plus de 120 jours à traiter.

Cela dit, le gouvernement accepte le rapport de la commissaire à l'information par intérim et il est en train de chercher des moyens d'améliorer la procédure d'établissement des rapports. Comme je l'ai déjà mentionné auparavant, la branche politique du gouvernement n'intervient pas dans les demandes d'accès à l'information. Nous espérons que les ministres et les ministères et organismes responsables redoubleront d'efforts à l'avenir pour faire en sorte que toutes les demandes soient traitées dans les délais, même les 12 p. 100 de ces 40 000 demandes dont il a été question.

Le sénateur Fox : J'ai une question complémentaire. Je remercie madame le ministre de sa réponse, que j'estime positive. J'aimerais toutefois faire une suggestion à titre personnel.

Comme madame le ministre a indiqué que la mise en œuvre de cette loi relève de la compétence de la branche administrative du gouvernement plutôt que de sa branche politique, et comme les sous-ministres sont au sommet de toutes les institutions gouvernementales canadiennes, envisagerait-elle la possibilité de recommander au premier ministre qu'il profite de l'une de ses réunions régulières avec les sous-ministres pour leur faire part de l'importance attachée par le Parlement du Canada à la Loi sur l'accès à l'information?

De plus, le gouvernement envisagerait-il d'inclure, dans les évaluations annuelles de rendement des sous-ministres, un élément permettant d'évaluer dans quelle mesure leurs ministères respectifs ont répondu aux demandes d'accès à l'information?

Le sénateur LeBreton : J'apprécie ces suggestions, mais le greffier du Conseil privé, Wayne Wouters, et les sous-ministres connaissent fort bien les obligations qui leur incombent en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Je suis persuadée qu'ils prennent tous leurs responsabilités très au sérieux.

Comme je l'ai indiqué, on peut comprendre que le traitement de 40 000 demandes par année entraîne des pressions sur les diverses administrations concernées. Toutefois, le greffier du Conseil privé et les fonctionnaires de cet organisme, ainsi que les sous-ministres et les fonctionnaires qui leur rendent directement des comptes en ce qui concerne les demandes d'accès à l'information, sont fort bien informés de ces questions.

Comme le président du Conseil du Trésor l'a déclaré plus tôt, le gouvernement prend cette question très au sérieux et cherche le moyen d'améliorer le système et de simplifier le processus de rapport pour éviter que, aux termes du délai de 120 jours, il reste encore 12 p. 100 de demandes non traitées.

Le sénateur Fox : Je comprends la réponse de madame le ministre mais, à ce jour, le système ne semble pas fonctionner comme il le devrait. Les sous-ministres sont peut-être au courant, mais on ne voit aucun résultat concret.

Voilà pourquoi je suggère qu'il faudrait peut-être, entre autres, évaluer l'efficacité avec laquelle les sous-ministres font appliquer la Loi sur l'accès à l'information et modifier leur rémunération en conséquence. Je ne vois pas de meilleur moyen pour inciter les sous- ministres à se concentrer sur la question que de veiller non seulement à ce qu'ils rendent des comptes, mais également à ce qu'ils soient rémunérés en fonction du rendement de leur ministère pour ce qui est du respect de la Loi sur l'accès à l'information.

Le sénateur LeBreton : Je répète encore une fois que je fais totalement confiance aux sous-ministres des divers ministères. Je signale en passant, comme l'ont indiqué en manchettes certains quotidiens il y a quelques jours, que de plus en plus de femmes occupent un poste de sous-ministre.

Je prends bonne note des observations que le sénateur a faites aujourd'hui et j'en ferai part au greffier du Conseil privé.

[Français]

La défense nationale

L'aide aux réservistes

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. À plusieurs occasions, le leader du gouvernement au Sénat, le premier ministre et le ministre de la Défense ont souligné le fait que les opérations dangereuses que nous sommes en mesure de mener en territoires éloignés sont possibles grâce à l'emploi de réservistes, parfois à hauteur de 25 p. 100, qui sont tués ou blessés lors de ces opérations.

(1440)

Madame le ministre pourrait-elle nous expliquer pourquoi les budgets des régiments de milice ont été réduits si considérablement quand les réservistes sont rentrés au pays, l'automne dernier, après avoir servi dans la force régulière? Ils peuvent retourner à leur régiment à peine une journée par mois, ne serait-ce que pour garder un contact et préserver leurs acquis et leurs compétences, qui pourraient servir dans le domaine civil. Est-ce que cela va continuer ainsi?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme je l'ai déjà dit au sénateur dans des réponses précédentes, le budget global du ministère de la Défense nationale n'a pas été réduit.

J'ai pris note de la dernière question du sénateur. Je m'excuse de ne pas avoir encore fourni une réponse différée, mais j'espère que le sénateur aura remarqué que, comme l'ont rapporté les médias, nous avons présenté une mesure législative pour aider nos militaires en mission à l'étranger. Ce projet de loi donnerait aux militaires qui ne peuvent pas profiter des prestations parentales de l'assurance- emploi parce qu'ils sont dans un théâtre d'opérations à l'étranger le droit de se prévaloir du congé parental en rentrant au pays.

C'est une bonne chose que nous avons faite pour nos hommes et nos femmes en uniforme. En ce qui concerne les réservistes, je vais prendre note de la question du sénateur.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, le budget des réservistes, qui font partie intégrante de notre capacité opérationnelle, est géré en tant qu'élément du budget de fonctionnement et d'entretien. Contrairement à cela, la force régulière fait l'objet d'un crédit budgétaire précis structuré en fonction du nombre d'années-personnes, et tout cela est fait de façon très rigoureuse. Le budget des réservistes dépend des crédits alloués au fonctionnement et à l'entretien et des compressions imposées à cet égard.

On a fait d'importantes compressions budgétaires, et je peux donner des chiffres. Dans la mesure où madame le leader envisage de protéger les réservistes et d'assurer la continuité de la force de réserve, veillera-t-elle à ce que leur budget en matière de personnel — les salaires et ainsi de suite — fasse l'objet d'un crédit budgétaire précis au sein de la Défense nationale au lieu d'être intégré au budget de fonctionnement et d'entretien, comme les rations, les munitions et le carburant?

Le sénateur LeBreton : Je suis nettement désavantagée par rapport au sénateur lorsqu'il est question d'acronymes. Ayant occupé un poste très élevé au sein des Forces canadiennes, il a une bien meilleure connaissance des rouages de nos forces que je pourrais jamais espérer avoir.

Je remercie le sénateur de sa question. J'en prends note et j'obtiendrai une réponse.

[Français]

Réponse différée à une question orale

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse à la question posée par l'honorable sénateur Callbeck, le 25 mars 2010, concernant les anciens combattants, le Programme communautaire de monuments commémoratifs de guerre.

Les anciens combattants

Le Programme communautaire de monuments commémoratifs de guerre

(Réponse à la question posée le 25 mars 2010 par l'honorable Catherine S. Callbeck)

Le Programme d'aide à l'édification de monuments commémoratifs dans les collectivités, annoncé dans le Budget de 2010, est en voie d'élaboration, et le ministre fera une annonce dès que les détails du Programme seront au point.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) propose que le projet de loi S-4, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des Premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et les terres situées dans ces réserves, soit lu pour la deuxième fois.

L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, le projet de loi S- 4, la Loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux, fournit une solution pratique à un problème complexe qui a causé beaucoup de douleur et de souffrances pendant bien trop longtemps.

J'expliquerai aujourd'hui pourquoi je suis honorée de faire la présentation de ce projet de loi et pourquoi ce dernier et la solution qu'il offre à un problème complexe et de longue date me tiennent tant à cœur.

Pour commencer, je veux souligner que ce projet de loi bénéficie du soutien des organisations et des peuples autochtones. Pensez, par exemple, au témoignage de Betty Ann Lavallée, chef national du Congrès des Peuples Autochtones, devant le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord de l'autre endroit. Quand on l'a questionnée directement à propos du projet de loi, elle a fourni la réponse suivante :

Le Congrès des Peuples Autochtones a toujours été en faveur des droits de propriété sur les biens matrimoniaux, tout simplement parce que nous sommes en faveur de tout ce qui protège les femmes et les enfants, un point c'est tout.

Honorables sénateurs, cette citation touche au cœur même de la question, à savoir la protection des personnes vulnérables. Actuellement, la loi ne protège pas les résidants des collectivités des Premières nations contre les violations des droits ou intérêts matrimoniaux. La loi nous protège, et elle protège les Canadiens qui ne vivent pas dans une réserve.

Le projet de loi S-4 mettra un terme à cette injustice. Il offrira une protection légale à certains de nos citoyens les plus vulnérables. Cette mesure législative protège les droits des Autochtones, en particulier des femmes et des enfants vivant dans une réserve. En outre, le 11 mars, le projet de loi C-3, Loi sur l'équité entre les sexes relativement à l'inscription au registre des Indiens, a été présenté en réponse à la décision McIvor, rendue l'an dernier par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique. Cependant, le projet de loi C-3 est une mesure visant, somme toute, à assurer la justice et à faire en sorte que les Canadiens et les Canadiennes soient égaux devant la loi.

Comme son titre l'indique, le projet de loi S-4 porte sur l'ensemble des droits et intérêts matrimoniaux liés aux foyers familiaux dans les réserves, que je qualifierai de biens immobiliers matrimoniaux pour faire bref.

Sur le plan du droit familial, les biens immobiliers matrimoniaux relèvent de la compétence des provinces et des territoires. Chaque province et territoire du Canada a des lois protégeant les droits et intérêts des deux conjoints relativement aux biens immobiliers matrimoniaux. Par exemple, de telles lois empêchent qu'un conjoint vende la maison familiale sans l'approbation de l'autre conjoint. Ces lois autorisent également un juge à ordonner à un conjoint violent de quitter le foyer conjugal pour une période donnée.

Il y a deux décennies, la Cour suprême du Canada a rendu une décision selon laquelle ces lois ne s'appliquent pas sur les terres régies par la Loi sur les Indiens. Étant donné cette décision, aucune loi relative aux biens immobiliers matrimoniaux ne protège les Autochtones vivant dans une réserve. Les conséquences de cette décision ont été rien de moins que dévastatrices. Ces droits ont été bafoués dans des collectivités autochtones, laissant des gens appauvris, sans logement et ostracisés. Des mères et des enfants sont chassés de leur propre maison et doivent souvent quitter leur collectivité.

Cette solution législative était attendue depuis longtemps. En 2003, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a publié le rapport intitulé Un toit précaire : les biens fonciers matrimoniaux situés dans les réserves, qui affirme :

[...] le Comité recommande que le gouvernement fédéral adopte le plus rapidement possible les mesures adéquates pour mettre fin à la discrimination dont font l'objet les femmes autochtones dans les réserves en ce qui concerne le partage du patrimoine familial afin d'assurer qu'elles bénéficient des mêmes droits que toutes les autres femmes au Canada.

Le Comité croit fermement que tout gouvernement, qu'il s'agisse du gouvernement canadien ou des gouvernements autochtones, a l'obligation de respecter et de protéger les droits des femmes autochtones, ce qui inclut le droit des femmes autochtones dans les réserves à leur part du patrimoine familial. C'est une question de droit, mais aussi une question d'honneur et de dignité.

Des voix : Bravo!

(1450)

Le sénateur Nancy Ruth : Notre solution comporte deux principaux éléments. Chaque Première nation pourrait élaborer et mettre en œuvre des textes législatifs régis par les droits et les intérêts en matière de biens immobiliers matrimoniaux dans leur réserve. Cette approche est intéressante puisqu'elle permettrait aux Premières nations d'élaborer des textes législatifs qui correspondent aux coutumes et aux traditions propres à leurs collectivités.

Le projet de loi exige que ces lois soient approuvées par la collectivité dans le cadre d'un scrutin qui contribuerait à doter ces collectivités d'une capacité de se gouverner. Je pense que cette approche renforcerait aussi les relations entre le gouvernement fédéral et les collectivités des Premières nations. Il est important de noter que les textes législatifs en matière de biens immobiliers matrimoniaux élaborés par les Premières nations ne seraient pas revus par le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien ni par des fonctionnaires du ministère. Le projet de loi reconnaît que les Premières nations sont les mieux placées pour élaborer leurs propres dispositions législatives sur les biens immobiliers matrimoniaux.

La deuxième partie du projet de loi S-4 consiste en un régime fédéral provisoire pour les Premières nations qui n'ont pas leur propre régime pour les biens immobiliers matrimoniaux, afin que les résidants de ces collectivités des Premières nations bénéficient d'une protection spéciale semblable à celle accordée aux autres Canadiens. Ce régime provisoire pourrait donner des recours juridiques aux résidants des collectivités des Premières nations. Toutefois, on espère que les tribunaux ne seront qu'un dernier recours et que les différends pourront être arbitrés par les conseils des aînés ou dans le cadre des pratiques traditionnelles.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-4 est essentiellement une affaire de justice. Il comblerait une lacune législative qui mine notre système de justice. Le projet de loi S-4 propose de renforcer le système de deux façons : en comblant la lacune qui laisse les membres des Premières nations vulnérable et sans protection juridique et en faisant participer les personnes directement touchées par cette lacune à l'élaboration et à la ratification d'une solution adéquate et efficace.

Comment en sommes-nous arrivés à ce projet de loi? Il représente l'aboutissement de vastes consultations menées dans un esprit de collaboration et d'un processus de participation qui dure depuis des décennies. Le présent gouvernement a versé des fonds à l'Assemblée des Premières Nations et à l'Association des femmes autochtones du Canada pour qu'elles puissent tenir une série de consultations. Il y en a eu plus d'une centaine.

Le projet de loi S-4 n'est pas parfait. Il est toujours difficile de dire qu'une mesure législative est parfaite, mais un projet de loi qui traite d'une question aussi complexe ne peut frôler la perfection. C'est pour cette raison que la Constitution du Canada confère au Parlement le pouvoir de revoir et de réviser les mesures législatives proposées.

À titre de sénateurs, nous avons la responsabilité d'assurer la protection, sur le plan législatif, des droits fondamentaux, et d'adopter le projet de loi S-4. Nous enverrions ainsi un signal aux centaines de victimes actuelles et potentielles de violations des droits concernant les biens immobiliers matrimoniaux que le Parlement est prêt à aider. Ce geste montrerait que nous avons donné suite aux nombreuses études faites et aux appels lancés par la communauté internationale afin que des mesures soient prises pour corriger la situation. Ce geste montrerait que nous avons tenu compte des longues séances de consultation, de collaboration et de recherche de consensus qui ont mené au projet de loi S-4. Ce qui est plus important encore, c'est que ce geste concrétiserait l'objectif louable du projet de loi S-4, qui est de protéger les Canadiens et les Canadiennes vulnérables.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Nancy Ruth : En terminant, je veux porter à l'attention des sénateurs une déclaration de Mme Shirley Williams, professeur d'études autochtones à l'Université Trent de Peterborough, en Ontario, qui est aussi une aînée ojibway odawa respectée. Lorsqu'on lui a demandé ce qu'elle pensait de la mesure législative proposée, Mme Williams a eu une réponse très concise. Elle a dit : « Il est temps. »

Honorables sénateurs, je souhaite ardemment que nous allions de l'avant avec le projet de loi.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Madame le sénateur accepterait- elle de répondre à une question?

Le sénateur Nancy Ruth : Oui.

Le sénateur Dyck : Dans son discours, ma collègue a dit que le Congrès des Peuples Autochtones appuyait le projet de loi. Qu'en est-il d'autres organisations autochtones comme l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations?

Le sénateur Nancy Ruth : D'après ce que je sais, il y a des groupes autochtones qui souhaiteraient que des changements y soient apportés, ou qui n'aiment pas certaines parties du projet de loi. L'Association des femmes autochtones du Canada est davantage préoccupée par les dispositions qui portent sur l'application de la loi que par la loi comme telle.

Le sénateur Dyck : Madame le sénateur a aussi dit que ce dossier était complexe et qu'elle présentait des raisons impérieuses d'appuyer le projet de loi. Si la question est complexe, cela doit vouloir dire qu'il y a des aspects sur lesquels les gens ne sont pas d'accord. Quels sont ces aspects? La mesure législative comporte-t- elle des aspects négatifs?

Le sénateur Nancy Ruth : J'hésite à m'exprimer au nom d'un groupe dont je ne fais pas partie. Lorsque je regarde les dispositions du projet de loi qui sont liées à l'équité entre les sexes, je pense qu'il y aura des problèmes comme il y en a dans toute la société canadienne. Par exemple, si une ordonnance du tribunal, ou encore un comité de bande ou de réserve — quel que soit l'organisme responsable — exige d'une partie qu'elle paie la moitié de la valeur de la maison à la partie qui s'en va, cela pourrait créer des problèmes financiers importants si les deux parties touchent des prestations d'assistance sociale.

Il y a des problèmes liés à la mise en œuvre et à l'application des dispositions du projet de loi que l'on ne connaît pas encore, et il appartiendra aux bandes de tenter de les régler.

Le sénateur Dyck : Madame le sénateur a mentionné qu'un certain nombre de femmes sont essentiellement forcées de quitter le foyer conjugal après l'éclatement de la famille, une séparation ou un divorce. Les documents que nous avons nous permettent-ils de savoir combien de femmes sont dans cette situation?

Le sénateur Nancy Ruth : Je n'ai pas cette information, sénateur Dyck, mais je n'ai pas dit cela non plus. Selon moi, le projet de loi S- 4 va corriger une telle situation, si celle-ci existe à l'heure actuelle.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

Le discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poirier, appuyée par l'honorable sénateur Runciman :

Que l'Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence la Gouverneure générale du Canada :

À Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean, Chancelière et Compagnon principal de l'Ordre du Canada, Chancelière et Commandeure de l'Ordre du mérite militaire, Chancelière et Commandeure de l'Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneure générale et Commandante en chef du Canada.

QU'IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :

Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d'agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu'Elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.

L'honorable Fred J. Dickson : Honorables sénateurs, l'idée de représenter devant cette Chambre ma province d'origine, la Nouvelle-Écosse, me rend très humble et enthousiaste à la fois. Au cours des derniers mois, j'ai livré contre la maladie un âpre combat dont je suis sorti victorieux. Je suis donc fier de prononcer devant vous ma première allocution en réponse au discours du Trône. Je sollicite par ailleurs votre indulgence à cette occasion.

Je remercie l'honorable Président, tous les honorables sénateurs ainsi que les hauts fonctionnaires de cette assemblée du soutien chaleureux et aimable qu'ils m'ont manifesté au cours des derniers mois. Je tiens également à remercier ma famille, et en particulier mon épouse, Kay, de son indéfectible appui. Mes cinq petits-enfants étaient présents lorsque j'ai prêté serment à Sa Majesté. Ils garderont à jamais le souvenir de la page de l'histoire parlementaire à laquelle ils ont assisté et des nombreuses gentillesses dont ils ont été l'objet et dont je vous serai éternellement reconnaissant. Mon sixième petit-enfant, Matthew James Wing Lee, est né il y a deux semaines à peine.

Permettez-moi maintenant de dire quelques mots au sujet de ma nomination à titre de sénateur. Je voudrais remercier sincèrement mes parrains, les honorables Marjory LeBreton, leader du gouvernement au Sénat, et Gerald Comeau, leader adjoint.

J'ai été honoré et surpris que le très honorable Stephen Harper me téléphone pour me demander si j'aimerais siéger au Sénat. Après avoir discuté quelque peu du sujet avec le premier ministre, et après avoir réfléchi à l'intérêt que je porte aux enjeux publics, en particulier dans le domaine de la santé, j'ai accepté l'invitation qui m'était lancée. Je voudrais remercier le premier ministre d'avoir songé à moi pour cette fonction.

(1500)

Je voudrais par ailleurs féliciter le premier ministre Harper d'avoir réitéré son engagement à l'égard de tous les éléments d'Avantage Canada, le plan à vocation économique à long terme que le gouvernement a adopté en 2006, ainsi que pour les progrès réalisés dans sa mise en œuvre. Ce plan énonce la façon dont notre gouvernement compte composer avec le phénomène de la mondialisation, lequel s'accompagne d'un rééquilibrage du pouvoir économique à l'avantage de pays en voie de développement, comme le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine.

Ce plan repose sur les principales stratégies suivantes : un avantage fiscal, qui réduira le fardeau fiscal des Canadiens et des entreprises canadiennes; un avantage du savoir, qui favorisera l'acquisition de compétences, la formation et l'éducation; un avantage infrastructurel, qui permettra de construire une infrastructure moderne de calibre mondial; un avantage entrepreneurial, qui rendra les produits et les marchés financiers plus efficients; un avantage financier, qui renforcera la position financière du Canada dans l'intérêt de la génération actuelle et des générations futures. La stratégie Avantage Canada est visionnaire, tout en étant concrète, pragmatique et axée sur les résultats.

Les efforts déployés pour mettre en œuvre ces stratégies donnent- ils des résultats? Absolument. Selon l'étude Choix concurrentiels 2010 de KPMG, le Canada jouit maintenant d'un avantage sur le plan des coûts d'exploitation de 5 p. 100 par rapport aux États-Unis. Voici ce que dit l'un des auteurs de cette étude :

Le Canada a participé à l’effort déployé mondialement pour faire face à la crise en mettant en œuvre un plan d’action économique dont la valeur relative le classe cinquième sur neuf pays. Notons que cet exploit a été réalisé tout en veillant à ce que la dette publique ne dépasse [pas] le niveau acceptable à long terme. Ainsi, en 2014, le Canada devrait être le moins endetté de tous les pays du G7.

Je donnerai dans quelques instants davantage de précisions sur ce plan, ainsi que sur le Plan d'action économique du Canada.

Depuis la Confédération, les sénateurs de la Nouvelle-Écosse donnent leur avis sur la façon de renforcer la fédération dans l'intérêt des générations futures. J'espère que mes antécédents, mon expérience et les enseignements que j'ai tirés et que je continue à tirer de la vie m'aideront à contribuer à l'édification d'un Canada progressiste et fort. Mon premier employeur, l'industriel néo- écossais R. A. Jodrey, m'a donné le meilleur enseignement de toute ma vie. Sa devise était la suivante : « Rien ne remplace le dur labeur. »

Au nom de tous les Canadiens, je veux aujourd'hui remercier de leur dévouement les hommes et les femmes qui servent avec tant de courage au sein de nos forces armées. J'offre aussi nos plus sincères condoléances aux familles qui ont perdu un être cher qui œuvrait au sein des Forces armées canadiennes, d'une ONG ou des médias ou qui participait à une mission étrangère, en particulier en Afghanistan.

Étant Néo-Écossais, et comme tous mes collègues sénateurs, je compatis de tout mon cœur avec la population de la Virginie- Occidentale, où une tragédie minière attribuable au méthane a causé la mort de 29 mineurs le 5 avril dernier.

Parlons maintenant de la récession mondiale. Timothy Geithner, secrétaire au Trésor des États-Unis, a affirmé l'an dernier que la récession mondiale n'était pas une récession type. Il s'agit plutôt d'une correction abrupte des excès financiers qui ont paralysé les mécanismes autocorrecteurs des économies et des marchés, une récession qui ne prendra fin que si les dirigeants mondiaux mettent en place, collectivement et systématiquement, les mécanismes qui s'imposent.

Le Plan d'action économique du Canada est justement un exemple de ce genre de mécanisme, auquel s'ajoutent les stratégies prévues dans Avantage Canada. Ces mesures reflètent l'engagement de notre gouvernement à édifier un Canada qui pourra saisir les occasions qui s'offriront à lui à l'avenir. Le gouvernement Harper a une vision, mais aussi, et surtout, une mission. Nous réalisons de véritables progrès dans la réalisation de cette mission qui consiste à créer des emplois, à stimuler la croissance économique et à favoriser les perspectives d'avenir.

En Nouvelle-Écosse, le Plan d'action économique porte déjà des fruits. Des investissements au titre des infrastructures ont permis de construire des routes, des aqueducs, des égouts et des installations récréatives dans toute la province.

Le 3 mars dernier, la Gouverneure générale nous a présenté les plans du gouvernement dans le discours du Trône. Le document a fait état de l'amélioration dans la croissance de l'emploi dans tout le pays. La Gouverneure générale a indiqué que le gouvernement fédéral « a pris des mesures concrètes pour protéger les revenus, créer des emplois, faciliter l'accès au crédit, et aider les travailleurs et les collectivités à se relever ». Elle a également ajouté : « L'emploi et la croissance demeurent notre principale priorité. »

J'ai trouvé aussi très réconfortant d'entendre la Gouverneure générale dire ceci :

Cet équilibre budgétaire ne se fera pas aux dépens des retraités. Il ne se fera pas non plus au moyen de réductions dans les paiements de transfert au chapitre des soins de santé et de l'éducation, ni par l'augmentation des taxes et des impôts des travailleurs canadiens.

Les Canadiens se préoccupent de la croissance de l'emploi pour eux-mêmes ainsi que pour leurs enfants, des conséquences de la mondialisation ainsi que de la pérennité de leurs régimes de retraite. Notre gouvernement comprend leurs préoccupations et travaille d'arrache-pied à y répondre.

En voici quelques exemples seulement que la Gouverneure générale a donnés dans le discours du Trône : dans l'ensemble du Canada, 16 000 projets réalisés dans le cadre du Plan d'action économique ont créé des emplois pour les Canadiens. Les entreprises se sont remises à embaucher des employés — 180 000 nouveaux emplois ont été créés depuis juillet dernier. Les revenus et la confiance ont été rétablis, et l'espoir et la sécurité ont été renouvelés.

En outre, le Plan d'action économique appuie l'acquisition des compétences et la formation des travailleurs canadiens; l'élargissement des possibilités offertes aux diplômés universitaires de poursuivre des études supérieures; l'octroi d'aide aux étudiants de deuxième ou troisième cycle et aux universitaires pour leur permettre de commercialiser leurs idées; le renforcement de la stratégie scientifique et technologique; le lancement d'une stratégie de promotion de l'économie numérique; les investissements dans les technologies propres et renouvelables; l'élimination des tracasseries administratives; et, enfin, l'aide accordée aux personnes âgées en protégeant et en renforçant notre régime de pension.

À mon arrivée en cette Chambre, on m'a demandé quelles étaient mes priorités. J'ai répondu que je concentrerais d'abord mes efforts sur le renforcement de l'efficacité et de la pérennité de notre système de soins de santé. J'ai en partie choisi le type de système de soins de santé que je privilégie sous l'influence d'un de mes amis, feu Jim Connors, de Dartmouth, avocat, cadre et conseiller municipal, qui a servi fidèlement sa collectivité. Il a été le principal instigateur de la campagne réussie en faveur de la participation du gouvernement de la Nouvelle-Écosse au financement d'Avastin.

Dans un discours récent, la Dre Anne Doig, présidente de l'Association médicale canadienne, a réclamé, au nom de l'AMC, la transformation du système de soins de santé pour qu'il s'appuie sur cinq piliers de base et fasse primer les intérêts des patients. La Dre Doig a fait remarquer qu'il y a 10 ans, les dépenses au titre des soins de santé représentaient 34 p. 100 de toutes les dépenses de programme. Aujourd'hui, elles en représentent plus de 40 p.100 et bientôt, elles en représenteront 50 p. 100 dans certaines provinces. En outre, si nous conservons le type actuel de mode de prestation et de financement, on s'attend à ce que, d'ici les 25 prochaines années, les dépenses au titre de la santé représentent la totalité des dépenses de programme dans les provinces et les territoires.

L'avenir de leur système de soins de santé vient de faire l'objet d'un débat qui a duré toute une année chez nos voisins américains. Le président Obama vient tout juste d'approuver un projet de loi qui donnera accès aux soins de santé à 95 p. 100 des citoyens américains.

Bien que tous les Canadiens aient accès aux soins de santé, notre système n'est pas parfait. Sa viabilité même est remise en question. La porte du débat sur les soins de santé est maintenant grande ouverte. Nous sommes tous conscients que ce sera un débat très chaud, mais si nous n'agissons pas maintenant, quand le ferons- nous?

Voilà pourquoi j'étudie actuellement le rapport de 2002 intitulé La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, (le rapport Kirby-LeBreton), produit par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et la technologie. Il s'agit de l'un des plus importants rapports jamais produits dans toute l'histoire parlementaire. En outre, il donne un exemple de l'efficacité du Sénat alors que notre gouvernement propose une réforme de l'institution. Je crois que nous, les sénateurs, avons la responsabilité ainsi que la possibilité d'examiner à fond les grands enjeux qui revêtent de l'importance pour les Canadiens, comme l'avenir de notre système de soins de santé.

La première recommandation du rapport Kirby-LeBreton était de créer un Conseil national des soins de santé. Les prévisions budgétaires de 2010-2011 attribuent de nouveau 10 millions de dollars au conseil. Le conseil a pour mandat, et je cite, « la production d'un rapport annuel sur l'état du système de soins de santé et sur l'état de santé des Canadiens ».

En février 2009, le conseil a publié un rapport fort intéressant intitulé La valorisation de l'argent : Renforcer le système canadien de soins de santé.

L'objectif du conseil est d'offrir une perspective globale sur la réforme des soins de santé dans l'intérêt des Canadiens, en accordant une attention particulière aux principes de la reddition de comptes et de la transparence. Le sommaire du rapport commence par ces mots stimulants : « Si vous n'avez que cinq minutes, lisez ce qui suit. » Je recommande vivement aux sénateurs de prendre cinq minutes pour lire ce document, et, s'ils l'ont déjà fait, de le relire. On peut le consulter sur le site www.healthcouncilcanada.ca.

(1510)

Ce document aborde des questions vitales et présente certains faits et concepts clés dans le but d'inciter les Canadiens à réfléchir à la façon d'optimiser les ressources investies dans les soins de santé. En un mot, il s'agit pour les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de se demander comment tirer le plus grand parti possible de leurs dépenses au titre de la santé, lesquelles représentent 40 p. 100 de leurs dépenses totales. Le conseil croit, comme la grande majorité des Canadiens et de leurs gouvernements, qu'il est possible de mettre sur pied un système de soins de santé de qualité qui soit viable.

Je demande respectueusement, mais fermement, aux sénateurs de réfléchir à la façon d'aider les membres du comité Kirby-LeBreton à atteindre leur objectif de promouvoir une discussion approfondie du type envisagé par le conseil. Pourquoi? Parce que, comme nos concitoyens, nous nous préoccupons tous de la viabilité de notre système de soins de santé.

Je compte voir dans quelle mesure nous nous rapprochons aujourd'hui des objectifs du rapport Kirby LeBreton, du Conseil national des soins de santé et de l'Accord fédéral-provincial en matière de santé de 2004. Les changements apportés jusqu'ici au système donnent-ils des résultats? Des correctifs s'imposent-ils? Je compte présenter des interpellations sur ce sujet.

Honorables sénateurs, je crois que nous conviendrons tous qu'un Canada en santé est un Canada prospère. Nous avons un merveilleux système de santé, qui faisait autrefois l'envie de nombreux pays. Il nous appartient de veiller à ce que ce soit de nouveau le cas.

Je rappelle encore une fois aux honorables sénateurs que ma devise est la suivante : « Il faut faire ce que l'on peut pour montrer qu'on se préoccupe du sort des autres et c'est de cette façon que nous édifierons un monde meilleur ». Je suis convaincu que le discours du Trône que nous a présenté la Gouverneure générale nous engage exactement dans cette voie.

L'honorable Catherine S. Callbeck : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dickson : Oui.

Le sénateur Callbeck : Je tiens tout d'abord à féliciter le sénateur Dickson pour son discours. Il a parlé abondamment du rapport Kirby-LeBreton, qui est, j'en conviens, un rapport magnifique. J'ai eu la chance de siéger au comité.

Une recommandation ferme de ce rapport porte sur un régime d'assurance pour médicaments onéreux, en vertu duquel aucune famille n'aurait à payer plus d'un certain pourcentage de son revenu familial pour l'achat de médicaments. Après le dépôt du rapport, des pourparlers ont été entrepris entre les provinces et le gouvernement fédéral. Plusieurs réunions ont eu lieu, puis un nouveau gouvernement a été élu en 2006. Depuis, le gouvernement fédéral n'a pas été très actif dans ce dossier. En fait, il ne s'en est pas du tout occupé.

De toute évidence, le sénateur a pris connaissance du rapport. Que pense-t-il du régime d'assurance pour médicaments onéreux?

Le sénateur Dickson : Honorables sénateurs, depuis mon arrivée dans cette enceinte, j'ai examiné le volume 6 du rapport et j'ai ensuite demandé à la Bibliothèque du Parlement de préparer un résumé des mesures qui ont été prises pour faire suite à certaines recommandations. Comme le sénateur le sait déjà, c'est principalement aux provinces qu'incombe la responsabilité des soins de santé. Dans le rapport préparé par la Bibliothèque du Parlement, il est indiqué que le gouvernement fédéral a agi très rapidement dans les secteurs où il peut intervenir. Toutefois, les changements de gouvernements provinciaux ralentissent la progression et l'atteinte de l'unanimité entre les provinces quant à la façon de procéder.

Je dois examiner de plus près le régime d'assurance pour médicaments onéreux, et j'ai hâte d'en discuter avec nos collègues qui ont siégé au comité Kirby-LeBreton.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

Projet de loi instituant la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Jim Munson propose que le projet de loi S-211, Loi instituant la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'interviens brièvement — pour la troisième fois — au sujet du projet de loi que je parraine sur la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme. Cette mesure législative a porté différents numéros lors de diverses législatures précédentes et de nombreux sénateurs l'ont appuyée et en ont fait l'éloge, notamment le sénateur Keon, le sénateur Oliver, le sénateur Mercer et notre ancienne collègue, madame le sénateur Trenholme Counsell. En dépit de l'appui qu'il a suscité, ce projet de loi est mort au Feuilleton à cause de la prorogation. J'ose espérer que cette troisième présentation lui portera chance. Comme notre programme législatif est peu chargé, nous pourrons peut-être l'étudier rapidement.

Je vous demande d'être patients car je dois présenter de nouveau le contenu de ce projet de loi et expliquer pourquoi il est important. Comme son titre l'indique, cette mesure législative vise à sensibiliser la population au problème de l'autisme, cette maladie neurologique qui touche un nombre croissant de familles canadiennes. L'autisme touche maintenant plus d'enfants dans le monde que le cancer, le diabète et le sida réunis. Selon des estimations prudentes de Santé Canada, une famille sur 150 vit avec l'autisme. Selon d'autres sources, la proportion serait plutôt d'une famille sur 110.

Ce ne sont pas les chiffres qui comptent dans ce projet de loi. Ce sont les gens, des gens qui ont besoin de notre aide. L'autisme isole ses victimes du monde qui les entoure. C'est un problème médical, mais le traitement de cette maladie implique diverses thérapies et divers professionnels, notamment des orthophonistes, des ergothérapeutes, des experts en pédagogie, des travailleurs sociaux et ainsi de suite. Bon nombre de ces services ne sont pas couverts par notre système de soins de santé et peuvent coûter jusqu'à 65 000 $ par an. Certaines provinces financent le traitement de l'autisme, mais, comme nous le savons tous, les listes d'attente sont longues pour les traitements et les thérapies.

Nous ne savons que peu de choses au sujet de l'autisme, mais nous savons au moins que, plus le traitement commence tôt, plus il a de chances de réussir. Imaginez un instant seulement ce que vous ressentiriez si votre enfant ou votre petit-enfant était autiste et si vous saviez qu'il ne pourrait recevoir de traitement avant plusieurs mois ou plusieurs années en raison des listes d'attente. Imaginez votre angoisse.

Lorsque les autistes ne peuvent être traités à temps, c'est une tragédie. En effet, cela signifie qu'on leur refuse les outils dont ils ont besoin pour s'épanouir et contribuer à la société.

Comme nous l'avons appris au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et tel que documenté dans notre rapport intitulé Payer maintenant ou payer plus tard : Les familles d'enfants autistes en crise, les familles sont soumises à un stress énorme. Un trop grand nombre d'entre elles sont obligées de contracter une deuxième hypothèque sur leur maison, d'occuper deux emplois ou de faire d'autres sacrifices afin que leur enfant puisse recevoir le traitement dont il a besoin. Un parent doit souvent renoncer à une carrière gratifiante et lucrative pour jouer le rôle d'aidant naturel à plein temps et pour prendre la défense de son enfant autiste. Les difficultés financières, la fatigue et l'inquiétude constante pour leur enfant sapent littéralement la santé mentale et physique des parents. Eux aussi ont besoin de notre aide.

Ce modeste projet de loi instituant la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme ne changera rien à leur quotidien, à leur lutte jour après jour pour trouver des soins et pour les payer, mais ils se sentiront moins seuls si un pays tout entier, pendant une journée, reconnaît leur réalité. Le 2 avril, la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, les personnes autistes et leurs familles pourront ressentir le respect et l'admiration qu'ils méritent de la part de leurs concitoyens.

(1520)

La célébration de cette journée serait une manifestation de notre soutien, certes, mais elle lancerait également un message sur l'autisme à ceux qui ne connaissent pas ce problème de santé. Ce serait une occasion de se renseigner sur l'autisme, de prendre conscience que, dans son milieu, il y a des familles qui doivent composer avec cette difficulté, des voisins, des collègues qui méritent qu'on reconnaisse l'existence du problème et qu'on les appuie. Honorables sénateurs, avant de pouvoir souligner la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, il nous faut adopter le projet de loi à l'étude.

Tous les enfants ont le droit de réussir, et il nous incombe à nous, adultes et législateurs, de veiller à ce qu'ils aient les outils et les occasions nécessaires pour réussir. Je rappelle aux sénateurs que le Canada a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Ces conventions internationales nous engagent à prendre des mesures pour faire en sorte que les enfants qui souffrent d'un handicap mènent une vie épanouissante, dans la dignité, de façon autonome et en participant pleinement à la vie de la société.

Honorables sénateurs, faisons un pas de plus et joignons-nous aux 192 autres pays qui ont fait du 2 avril la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme.

L'honorable Michael Duffy : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Munson : Oui.

Le sénateur Duffy : Je félicite le sénateur de son travail acharné dans ce dossier. J'ai moi-même connu un certain nombre de personnes qui ont dû composer avec ce problème, et je peux confirmer la parfaite véracité de tout ce que le sénateur a dit au Sénat cet après-midi. Les personnes touchées doivent déployer des efforts considérables.

Étant donné que, au Canada, la santé est un domaine de compétence provinciale, le sénateur pourrait-il faire le point sur ce que font les différentes provinces? Je ne sais pas au juste quand cela est arrivé, mais j'ai des amis en Ontario qui ont constaté que l'autisme était assuré, et plus tard qu'il ne l'était plus. Apparemment, on peut soutenir qu'il ne s'agit pas d'une maladie, mais d'un état. Le sénateur pourrait-il préciser où en sont les provinces en ce qui concerne l'autisme?

Le sénateur Munson : Je remercie le sénateur de sa question. En vérité, les provinces sont un peu partout et un peu nulle part. Le gouvernement de l'Ontario a dépensé beaucoup d'argent pour raccourcir les listes d'attente, mais ces listes sont toujours trop longues.

Je suis d'avis que nous devrions avoir l'audace de sortir des sentiers battus. Le sénateur et moi avons assuré la couverture médiatique de la Colline du Parlement et de nombreuses conférences fédérales-provinciales. Nous avons souvent entendu l'argument concernant la compétence provinciale.

Mon idée, c'est que l'autisme ne connaît aucune frontière. S'il s'agit de différends en matière de compétences, il faudrait abolir les frontières. Peu m'importe quel gouvernement est aux commandes. Je veux que la ministre fédérale de la Santé discute avec les ministres des Affaires sociales ou de la Santé de chacune des provinces, et qu'ils osent voir grand. Pensez à notre pays, songez à ces jeunes gens et à ces jeunes femmes qui doivent aller avec leur famille depuis la Nouvelle-Écosse et ma propre province, le Nouveau-Brunswick, jusqu'en Alberta, non pas à cause du pétrole, mais pour obtenir de meilleurs traitements. Ce n'est pas juste.

À ce stade, dans notre société, nous avons des programmes nationaux de santé qui portent sur les maladies du cœur et le cancer, par exemple. Assurément, nous devrions oser discuter de nouveau de l'autisme. Essayons d'avoir une base de recherche nationale, de mettre en place un système dans lequel nous aurions des valeurs communes à l'égard du traitement de l'autisme et qui permettrait de dépenser l'argent équitablement.

Je lance un appel au gouvernement actuel et j'espère que, un jour, j'interpellerai également mon propre gouvernement pour qu'il tende la main aux autres afin d'élaborer une stratégie nationale sur le syndrome des troubles autistiques.

(Sur la motion du sénateur Seidman, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Journée nationale de la philanthropie

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Terry M. Mercer propose que le projet de loi S-203, Loi instituant la Journée nationale de la philanthropie, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai l'intention de parler assez longuement de ce projet de loi, mais je propose de le faire plus tard. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

[Français]

L'érosion de la liberté d'expression

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Finley, attirant l'attention du Sénat sur l'érosion de la liberté d'expression dans notre pays.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je voudrais commencer en félicitant le sénateur Finley, qui a lancé ce débat sur un sujet extrêmement important auquel nous devrions tous faire très attention. J'ai bien écouté les discours des quatre sénateurs qui ont déjà participé au débat. Je souhaite que nous soyons nombreux à y participer.

Il faut souligner que dans cette Chambre, nous sommes sans doute tous en faveur de la liberté d'expression.

[Traduction]

Nous sommes tous favorables à la liberté d'expression. Cela devrait aller sans dire, bien qu'il arrive qu'on doive se poser des questions.

Tout comme les sénateurs Duffy et Wallin, qui m'ont précédée dans ce débat, j'ai bénéficié de la liberté d'expression à titre de journaliste et je m'en suis prévalue quotidiennement dans mon travail.

J'ai souvent été attaquée parce que j'ai profité de cette liberté, mais personne n'a jamais prétendu que sa propre liberté d'expression le mettait à l'abri de la liberté d'expression d'autrui. Quand on descend dans l'arène du débat public, il faut être prêt à affronter la critique, qui est parfois virulente. Il est arrivé à quelques occasions que les liens entre mes employeurs et moi aient été rompus après que j'aie exercé ma liberté de parole. Ces expériences n'ont toutefois pas réellement porté à conséquence puisque j'ai la chance de vivre au Canada.

(1530)

Je n'oublierai jamais une expérience que j'ai vécue à Cuba il y a quelques années alors que je faisais partie d'une délégation parlementaire. J'avais fait un discours qui vantait la liberté de parole et d'expression au cours duquel j'avais laissé entendre que Cuba pourrait tirer profit de l'application d'un tel principe. Il va sans dire que les Cubains se sont offusqués. Le lendemain, une parlementaire cubaine a pris la parole pour réfuter énergiquement mes propos, affirmant que tous comprenaient très bien ce qu'était la liberté de parole et que les Cubains jouissaient de cette liberté. Elle a alors ajouté : « Quel dommage que le sénateur Fraser ne soit pas présent pour entendre ma réponse à ses propos mal informés. » Je n'y étais pas parce que, au même moment, certains de mes collègues canadiens et moi rencontrions un groupe de Cubains qui avaient passé de durs moments en prison pour avoir exercé leur droit de parole. En comparaison de ce que ces gens et bien d'autres ailleurs au monde, ont subi, nous devrions presque avoir honte de nous plaindre de certaines choses qui se produisent ou ne se produisent pas au Canada.

Enfin, honorables sénateurs, cette expérience m'a rappelé que la principale raison pour défendre la liberté d'expression pourrait bien être que, sans la liberté d'expression, les citoyens ne sont pas libres de critiquer leur gouvernement, et c'est là le fondement de la démocratie. C'est le fondement du système qui nous permet de dire librement que nous sommes d'accord ou non avec les gens qui nous gouvernent, et, par le fait même, de choisir d'autres personnes pour les remplacer.

J'ai également été un peu étonnée de voir l'optique dans laquelle les orateurs précédents ont orienté leurs remarques, exprimant de vives inquiétudes à l'égard d'une polémiste américaine, Mme Ann Coulter, sans parler des questions qui me semblaient beaucoup plus inquiétantes. Je souligne par exemple que, l'autre jour, le chroniqueur du Globe and Mail, M. Lawrence Martin, a présenté une utile rétrospective des faits que nous connaissons tous et dans laquelle il disait :

Le gouvernement a tenté de censurer les reportages sur les dépouilles des soldats revenant de l'Afghanistan. Il a tenté de restreindre la liberté de la presse comme jamais cela n'avait été fait auparavant, allant jusqu'à faire intervenir les forces policières pour faire sortir les journalistes du lobby d'un hôtel de Charlottetown.

Et, j'ajouterais, en dressant ce qui semblait être des listes d'amis et d'ennemis en vue de savoir qui était autorisé à poser des questions. M. Martin dit ensuite ceci :

Les restrictions appliquées au processus d'accès à l'information ont littéralement « étranglé » les communications, selon le commissaire à l'information Robert Marleau.

Comme on a pu l'entendre aujourd'hui, la liberté d'accès à l'information continue d'être une source de honte dans la capitale nationale. M. Martin ajoute ceci :

Les agents du premier ministre ont rédigé un petit guide secret sur la marche à suivre pour bâillonner les comités parlementaires. [...]

La ministre d'État Diane Ablonczy s'est vu retirer certaines de ses responsabilités parce que, selon un de ses collègues, elle aurait essayé de donner une voix aux gais qui réclamaient le financement de leur défilé. L'éminent universitaire Michael Behiels a été dénigré parce qu'il avait critiqué la politique du gouvernement Harper concernant le Québec; dans sa tentative visant à lui faire subir des sanctions disciplinaires, le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Marjory LeBreton, est allé jusqu'au chancelier de l'Université d'Ottawa.

Le sénateur LeBreton : Soit dit en passant, cela n'est pas vrai.

Le sénateur Fraser : Merci de la précision, sénateur LeBreton.

Il reste que les exemples d'efforts déployés par l'actuel gouvernement du Canada pour bâillonner diverses personnes sont nombreux, et je les trouve beaucoup plus troublants que l'incident mettant en cause la malheureuse, dans plus d'un sens du terme, Mme Coulter.

J'aimerais dissiper quelques malentendus plutôt courants dans les discussions sur la liberté d'expression. Tout d'abord, au Canada, la liberté d'expression ne l'emporte pas sur tous les autres droits. Au Canada, tous les droits garantis par la Constitution sont égaux, et ce, à juste titre.

Honorables sénateurs, je me rappelle avoir eu, lorsque j'étais journaliste, des échanges houleux avec des collègues américains parce qu'ils croyaient que la liberté de la presse l'emportait sur tout comme un article de foi. Ce n'est pas mon avis. Je ne crois pas, par exemple, que la liberté d'expression l'emporte sur le droit à un procès impartial. Les tribunaux canadiens, y compris la Cour suprême du Canada, ont confirmé que, bien qu'essentielle, la liberté d'expression n'est ni plus importante ni plus sacrée que les autres droits constitutionnels.

Un deuxième malentendu qui découle du premier est l'idée selon laquelle toute restriction à la liberté d'expression est mauvaise en soi. Cela non plus n'est pas vrai au Canada. L'article 1 de la Charte des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. Les limites dont la justification peut se démontrer — à savoir, de telles exceptions — sont étroites. Les tribunaux ont confirmé que ces limites étaient étroites.

Dans le cas de la liberté d'expression, ce qu'il ne faut pas oublier avant tout, c'est que, à l'instar de toutes les autres libertés, mais peut-être encore davantage, elle doit être exercée de façon responsable. Elle doit être exercée avec vigueur dans le cas d'un large éventail d'opinions, mais de façon responsable en raison du pouvoir des mots. Au début du débat, le sénateur Dallaire nous a rappelé le pouvoir des mots de « Radio mille collines » au Rwanda, la radio génocidaire, comme on l'a appelée. Les mots ont du pouvoir. Par conséquent, nous devons les utiliser en faisant preuve d'un degré raisonnable de prudence quant aux conséquences qu'ils pourraient avoir.

On peut parfois avoir tendance à dire : « Il y a des dérapages ailleurs, sur d'autres continents, dans des pays plus pauvres et moins formidables que le Canada. » Or, il arrive qu'au Canada les mots sont mal utilisés et qu'ils entraînent de terribles conséquences pour des gens d'ici. Demandez aux Autochtones, aux Noirs, aux Juifs, aux Chinois, la liste est longue. Demandez aux femmes si les mots utilisés contre elles n'ont pas eu, trop souvent, des conséquences dévastatrices, voire causé la mort.

Par rapport à ces abus de la liberté d'expression, je crois que le cas de Mme Coulter importe peu. Depuis que les universités existent, les étudiants manifestent leur intolérance en s'enflammant comme des adolescents. Cela semble faire partie de la nature des étudiants. Les sénateurs n'auront pas oublié le vieux dicton selon lequel, quand on est jeune, on croit que son père ne sait rien et quand on vieillit, on se rend compte à quel point le vieil homme connaissait bien la vie. Habituellement, les étudiants en sont à la première étape.

Honorables sénateurs, il y a d'autres exemples qui illustrent le pouvoir des mots. J'attire votre attention sur une chose qui fait trop souvent l'objet, de façon déplorable, selon moi, d'un débat au Québec, à savoir les « accommodements raisonnables ». Il me semble que l'on soit d'avis, trop souvent, que tout accommodement à l'égard des minorités n'est pas raisonnable. L'exemple le plus récent est le niveau consternant du débat entourant le port du niqab par peut-être une douzaine de femmes au Québec. Nous ne sommes pas à l'abri des abus au Canada, notamment des abus de la liberté d'expression qui conduisent à des actions lourdes de conséquences.

(1540)

Plus tôt au cours de notre débat, des sénateurs ont expliqué qu'ils voulaient abolir le paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui, selon eux, instaure une censure gouvernementale. Je trouve cette explication étrange parce que ce paragraphe porte sur l'utilisation répétée de moyens de communication électronique pour transmettre des messages haineux. Je ne comprends donc pas pourquoi cette disposition suscite tant de dénonciations acrimonieuses.

Cependant, il reste que la Cour suprême a confirmé la validité de ce paragraphe de la loi en énumérant soigneusement les motifs limités pouvant l'enclencher et en reconnaissant sa constitutionnalité. Je crois que mes collègues veulent donner à entendre que la Loi sur les droits de la personne n'est pas la loi où doivent être abordés les messages haineux, peu importe le moyen de communication, et que le Code criminel nous offre toute la protection dont nous avons besoin.

À mon avis, honorables sénateurs, nous avons besoin et de la loi et du code parce qu'ils visent des objectifs différents. Le Code criminel vise à punir les délinquants, les uns après les autres, si nécessaire, et souvent après de longs et coûteux procès, tandis que la Loi canadienne sur les droits de la personne vise à apporter réparation. La loi vise à éliminer les messages haineux qui dépassent les limites de l'expression d'une opinion, même si ces messages sont attribuables à l'ignorance, mais risquent de mettre véritablement en danger des groupes de Canadiens.

Plusieurs personnes ont fait allusion au fameux cas de Mark Steyn et du magazine Maclean's. La Commission canadienne des droits de la personne a rejeté la plainte contre le magazine, mais, comme elle l'a souligné, la loi pourrait être améliorée, ce qui aurait pu aider Maclean's et M. Steyn. La commission suggérait de modifier la loi en y ajoutant des définitions de ce que constitue la haine et le mépris correspondant aux définitions utilisées par la Cour suprême du Canada, qui a déclaré que l'article 13 renvoie à des émotions exceptionnellement fortes et profondes de détestation se traduisant par des calomnies et la diffamation et étant de nature à la fois virulente et extrême. En d'autres mots, des expressions véritablement extrêmes de haine et de mépris.

La commission demandait d'avoir la possibilité d'accorder des indemnisations dans des circonstances exceptionnelles.

[Français]

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis (Son Honneur la Présidente suppléante) : Honorables sénateurs, le temps de parole du sénateur Fraser est écoulé.

Le sénateur Fraser : Puis-je demander cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Fraser : La commission demandait d'avoir la possobilité accordée des indemnisations dans des circonstances exceptionnelles, si le tribunal détermine que l'une des parties prenantes a fait un usage abusif du processus du tribunal. De plus, elle a proposé de modifier la loi afin de permettre le rejet rapide des plaintes présentées en vertu de l'article 13 si les messages ne correspondent pas à la définition étroite de haine ou de mépris. Avec ces modifications, il me semble que même les Canadiens qui craignent l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne pourront dormir du sommeil du juste.

Toutefois, honorables sénateurs, n'oubliez pas le pouvoir des mots. Si une personne insinue que tous les musulmans sont des terroristes, par exemple, c'est un message puissant et dangereux. En effet, elle n'a pas besoin d'ajouter « par conséquent, attaquez-vous aux musulmans ». Si une personne en persuade une autre que tous les membres d'un groupe donné sont des terroristes ou ont pour seul but de s'attaquer à elle, pas besoin d'être un génie pour deviner ce qui se produira ensuite. Ce groupe sera la cible de terribles persécutions, ici comme à l'étranger.

Certains d'entre nous ont malheureusement été témoins d'émeutes raciales à l'étranger. Je prie le bon Dieu que nous n'en soyons plus jamais témoins dans ce pays, mais je ne pense pas que nous devrions faire l'autruche et dire qu'il est impossible que cela se produise. Cette possibilité, honorables sénateurs, est ce qui me fait croire qu'il est primordial de protéger notre droit à la liberté d'expression et de l'exercer convenablement.

Son Honneur la Présidente suppléante : Suite du débat.

L'honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, j'espère que vous me pardonnerez de ne pas être mieux préparée, mais je tiens à vous dire ce que je pense. Comme d'autres avant moi, je m'inquiète au plus haut point de l'érosion que subit ce droit essentiel entre tous; je m'inquiète parce que la liberté d'expression fait partie intégrante de notre identité canadienne. Si nous perdons cette liberté, nous perdons ce qui fait de nous des Canadiens. Peu importe la forme qu'elle prend, qu'il s'agisse de liberté de parole, de liberté de presse ou de liberté artistique, religieuse et culturelle, la liberté d'expression a toujours fait partie des qualités nationales du Canada pour lesquelles nous sommes connus. Dans la société de plus en plus multiculturelle et pluraliste qu'est la nôtre, elle garantit à chaque citoyen le droit de prendre la parole et d'être entendu.

La liberté d'expression est le grand principe qui met sur un pied d'égalité tous les Canadiens qui font appel à notre conscience nationale pour se faire entendre. Au Canada, on n'a pas besoin d'avoir du pouvoir ou de l'argent pour prendre la parole, il suffit d'avoir la passion nécessaire pour s'exprimer.

La liberté d'expression est l'un des éléments qui attirent le plus les nouveaux immigrants, dont un grand nombre proviennent de pays où la dissidence politique, voire religieuse, constitue un crime. Mais la liberté d'expression n'est pas que l'apanage du Canada d'aujourd'hui; c'est aussi une grande tradition canadienne. Dans son allocution, le sénateur Finley a mentionné en passant le nom de Joseph Howe. Permettez-moi de m'attarder quelque peu sur ce dernier, car c'est en partie grâce à lui que nous jouissons aujourd'hui de toutes ces libertés.

En 1835, il y a près de 200 ans, et une génération avant que le Canada ne devienne notre pays, Joseph Howe a été accusé de diffamation parce que le journal qu'il publiait avait mis dans l'embarras des politiciens locaux d'Halifax en mettant en lumière leur corruption. M. Howe savait que sa propre liberté était en jeu. S'il perdait, il risquait d'être jeté en prison, mais il savait que son procès portait sur beaucoup plus que cela. Il portait sur le droit de scruter et de critiquer le gouvernement. Certains diraient qu'il s'agit du droit d'offenser.

Voici ce qu'il a dit au jury au sujet des répercussions politiques dans l'éventualité où il serait reconnu coupable :

Si vous me trouvez coupable, ces hommes diront que mes accusations sont fausses, qu'ils n'ont rien fait de mal et tout continuera comme avant. Si vous me déclarez innocent, comme je suis convaincu que vous le ferez, ils seront obligés de se former en conseil d'enquête dans le but de se livrer à une autoréforme, de chasser les hommes qui les déshonorent et qui sont mal intentionnés à l'égard de la collectivité dans laquelle ils vivent.

Le cas de M. Howe a créé un précédent pour la Nouvelle-Écosse et l'ensemble du Canada pour des centaines d'années. Si le jury avait pris parti pour l'élite d'Halifax, les politiciens et les gens bien vus qui avaient été offensés et mis dans l'embarras à cause des propos de M. Howe, la corruption aurait prévalu et le droit démocratique de critiquer aurait disparu.

(1550)

La défense passionnée de M. Howe en faveur de la liberté a été efficace. Le jury a défié les instructions du juge et l'a acquitté. Cette grande victoire de M. Howe a pavé la voie à son accession ultérieure au poste de premier ministre de la Nouvelle-Écosse.

Permettez-moi de citer un autre passage du discours de M. Howe. Rappelez-vous, son procès a eu lieu peu après la révolution américaine et la guerre de 1812. Les Canadiens et les Américains avaient choisi deux voies différentes et se méfiaient encore les uns des autres.

M. Howe rejetait la façon de faire des Américains. Il considérait que leur révolution constituait un acte de rébellion et de déloyauté. Il était un fier Néo-Écossais, mais voici ce qu'il a dit :

Ne faites pas en sorte que les fils des rebelles puissent regarder les fils des loyalistes de l'autre côté de la frontière et leur reprocher de ne pas jouir de la liberté de presse.

Joseph Howe ne tentait pas d'impressionner les Américains, et il ne croyait certainement pas que la liberté de parole leur était réservée, bien au contraire. Dans ses arguments de défense, il faisait constamment référence aux traditions canadienne et britannique de liberté. À ses yeux, tous les peuples modernes libres jouissaient de la liberté de parole. Loin d'être un concept uniquement américain, Howe considérait qu'il était éminemment canadien.

Joseph Howe a établi un important précédent, selon lequel il faut constamment défendre la liberté de parole, car chaque génération possède son lot de censeurs en puissance.

En 1935, exactement un siècle après l'acquittement de Joseph Howe, William Aberhart devenait premier ministre de l'Alberta, à l'autre bout du pays. Comme les élites politiques de la Halifax de Howe, il trouva les journaux de l'Alberta dérangeants et offensants.

Aberhart fut élu en dépit de l'opposition de presque tous les journaux de l'époque. En 1937, il était devenu tellement irrité qu'il présenta l'Accurate News and Information Act, une mesure législative obligeant tous les journaux de la province à publier toute réfutation, correction ou explication gouvernement leur ordonnait de publier.

Le lieutenant-gouverneur de l'Alberta refusa de proclamer cette loi tant que la Cour suprême n'en aurait pas étudié la constitutionnalité. On le priva alors de sa résidence officielle, de son automobile et de son personnel en guise de punition.

Même sans l'appui de la loi, William Aberhart poursuivit sa lutte contre la presse. L'Assemblée législative de l'Alberta ordonna que Don Brown, un journaliste de l'Edmonton Journal, soit emprisonné pour avoir mal cité un député ministériel d'arrière-ban. Heureusement pour le journaliste, le gouvernement, qui était un objet de ridicule partout au pays, revint sur sa décision avant qu'il ne soit arrêté.

Au printemps de 1938, la Cour suprême jugea que le projet de loi albertain sur la presse était illégal et qu'il violait la charte canadienne non écrite des droits de la personne, le même code de liberté qui avait protégé Joseph Howe. L'Edmonton Journal fut récompensé pour sa lutte contre la censure d'Aberhart en recevant le prix Pullitzer, décerné pour la première fois à l'extérieur des États- Unis. Ce fut un grand moment pour le Canada.

Notre histoire contient plusieurs autres moments semblables, dont certains sont bien plus récents. Ce n'est qu'en 1955 que l'Université de Toronto ferma une salle spéciale où, jusqu'à cette date, les étudiants devaient prouver qu'ils n'avaient aucun problème mental avant de pouvoir lire des œuvres controversées comme Ulysse. Ces livres ont par la suite été déplacés dans une section accessible à tous.

Dans les années 1980, lors de l'affaire mettant en cause la librairie Little Sisters de Vancouver, l'Agence des douanes et du revenu du Canada a suivi le Memorandum D-911, qui déclarait arbitrairement que toute description de sexualité homosexuelle était obscène. C'était une règle vague qui a été abrogée plus tard par la Cour suprême.

La librairie Little Sisters a poursuivi sa bataille contre l'Agence des douanes et la Société canadienne des postes pendant une bonne partie des années 1990. De plus, avant que le premier ministre Mulroney annule l'ordre 48 heures plus tard, les agents douaniers ont brièvement fait du Canada la seule démocratie occidentale à avoir saisi des copies de l'ouvrage Les versets sataniques, de Salman Rushdie, après que l'Iran eut émis une fatwa contre lui.

Nous sommes maintenant au XXIe siècle, et nous pourrions penser que la censure n'existe plus et qu'elle est une relique d'une époque moins éclairée. Toutefois, de nos jours, et ma position s'éloigne de celle de ma collègue à ce sujet, ce ne sont pas les agents des douanes puritains ou les politiciens susceptibles qui constituent la principale menace, mais plutôt les commissions des droits de la personne du Canada, qui cadreraient parfaitement dans l'univers de George Orwell.

Ces commissions ont été mises en place pour répondre à un objectif louable, à savoir empêcher les pauvres et les faibles de perdre leur emploi ou leur logement. Cependant, elles sont maintenant devenues des censeurs. Elles ne s'occupent plus des menaces de mort, des incitations à la violence ou de tout autre crime véritable. Elles se préoccupent plutôt de faux crimes, comme les préjudices moraux. Elles sont devenues ce que l'auteure Kathy Shaidle appelle une « tyrannie de gentillesse ».

Selon l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il est illégal d'évoquer des sentiments de haine ou de mépris, mais la haine est un sentiment humain normal. Ce qui n'est pas normal, c'est de rendre ces sentiments illégaux.

Bien sûr, nous ne voulons pas que les gens transforment ces sentiments en actes criminels. C'est pourquoi nous avons mis en place le Code criminel. Cependant, le fait qu'un organisme gouvernemental surveille les sites Internet et cherche des personnes ayant certaines opinions politiques pour les poursuivre en justice est inadmissible dans une démocratie libérale.

Le sénateur Fraser a déjà abordé la question de Mark Steyn. Les éditeurs du magazine Maclean's ont été traînés devant les tribunaux pendant une semaine pour avoir publié des extraits de son best-seller sur l'islam. C'est une situation très stressante et dispendieuse et, comme le sénateur Fraser l'a signalé, la décision a été annulée.

L'éditeur du Western Standard, Ezra Levant, a été poursuivi pendant 900 jours, c'est-à-dire plus de trois ans, pour avoir publié des photos des caricatures danoises controversées de Mohammed.

Ce sont deux causes célèbres, mais beaucoup d'autres personnes ont fait l'objet d'une enquête de la part du gouvernement uniquement parce qu'elles faisaient valoir un certain point de vue. Honorables sénateurs, le pasteur Stephen Boisson s'est vu interdire à vie de prendre la parole par la Commission des droits de la personne de l'Alberta. Il y a eu le père Alphonse de Valk, de la revue catholique torontoise Insight, le Parti de l'Héritage Chrétien, et aussi Bill Whatcott, de la Saskatchewan. Ces personnes ont toutes été poursuivies pour avoir exprimé leurs convictions religieuses — pas pour avoir fait quelque chose de mal —, mais tout simplement pour avoir tenu des propos qu'une autre personne a jugé offensants.

Sommes-nous obligés d'acheter les magazines? Si nous n'aimons pas leur contenu, rien ne nous oblige à les acheter. Si vous n'aimez pas ce que vous entendez à la télé, fermez votre téléviseur. Si vous n'aimez pas un artiste, sortez de la salle.

Toutes ces questions liées aux droits de la personne témoignent d'un préjugé systémique au sein de nos commissions des droits de la personne, et c'est précisément le problème quand on a affaire à une vague censure politique. La question n'est pas liée à la loi, mais bien aux dossiers politiques qui ont la cote. Elle dépend de ce qui est populaire et de ce qui ne l'est pas.

Il existe un point commun entre toutes ces batailles pour la liberté d'expression. Dans chaque cas, les cibles de la censure ont été jugées offensantes ou dérangeantes. Toutefois, dans chaque cas le succès remporté par ces critiques dérangeants a contribué à faire du Canada un endroit plus inclusif et plus démocratique.

Le Canada est le pays le plus pacifique et le plus tolérant au monde précisément parce que nous permettons aux gens d'être en désaccord les uns avec les autres de façon passionnée et parfois même offensante. Le choc des idées est souvent bruyant et parfois choquant, mais ces discussions vigoureuses nous ont permis de trouver notre voie à travers plusieurs siècles de défis, et notre idéal national n'a jamais été aussi fort.

Honorables sénateurs, la liberté d'expression n'est pas un idéal canadien abstrait. C'est un élément actif et vivant de notre identité. C'est une partie intégrante de notre identité nationale. Nos citoyens s'en servent tous les jours, plus souvent en fait que toute autre liberté.

L'étude de notre histoire nous apprend que chaque génération de Canadiens se porte à la défense de cette liberté lorsque celle-ci est menacée, comme cela a été le cas à quelques occasions récemment avec Mark Steyn, Ezra Levant et, oui, Ann Coulter. Ce sont des épisodes mineurs, mais ils forment un tout. L'histoire nous apprend que nous devons protéger cet héritage précieux aujourd'hui et aussi à l'avenir, chaque fois qu'il sera menacé.

L'honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui dans le cadre de l'interpellation sur l'état de la liberté d'expression au Canada. Comme mes collègues l'ont souligné de façon éloquente, la notion de liberté d'expression est fondamentale pour un gouvernement démocratique.

On dit que la véritable mesure de la démocratie réside dans la liberté de formuler des critiques. En effet, un débat sain, provocateur et même intense est le fondement même d'une démocratie participative.

La liberté d'expression n'est pas, comme certains ont pu le laisser entendre, une idée américaine. C'est plutôt un prolongement de la libre volonté qui découle de la démocratie et qui reflète la notion selon laquelle tous sont égaux. La liberté d'expression n'est pas l'apanage d'un parti politique, d'une structure de pouvoir, d'une race, d'une couleur ou d'une croyance.

Compte tenu de ce qui précède, il est bien triste de voir comment nous, en tant que société, semblons accorder moins d'importance à la liberté d'expression qu'à faire en sorte que personne ne soit choqué par les dures réalités du XXIe siècle.

J'ai noté les questions de plusieurs sénateurs au sujet de la ligne très mince qui sépare la liberté de parole et le respect. À titre d'Autochtone, je suis conscient de la façon dont la liberté d'expression peut être utilisée pour promouvoir les préjugés et la haine. C'est vraisemblablement cette situation, qu'on a vu transparaître lors de l'incident avec Ann Coulter, qui a donné l'impulsion à nos délibérations sur ce sujet si important. Ce qui est aussi important, c'est que le récent incident fait ressortir une autre ligne de démarcation entre la liberté d'expression d'une personne par rapport à celle d'une autre, et cela nécessite qu'on approfondisse la question.

(1600)

[Français]

Je ne saurais dire personnellement si ce sont les professeurs de l'Université d'Ottawa qui ont empêché Mme Coulter de prendre la parole ou si ce sont ses organisateurs qui ont décidé d'annuler son discours. Je ne sais pas non plus si elle a été intimidée par la foule d'étudiants ou si, à vrai dire, leur manifestation l'a laissée indifférente. Je sais toutefois pertinemment que les étudiants se sont sentis libres d'entraver sa liberté d'expression.

[Traduction]

Il y a ceux qui croient que la liberté d'expression et la liberté de parole ne peuvent être exercées que dans un sens seulement. Ce sont ceux qui veulent à tout prix pouvoir exprimer leurs points de vue et opinions mais qui n'acceptent pas qu'elles soient remises en question. On devrait pouvoir s'exprimer librement et choisir d'écouter librement les autres, mais malheureusement, ce n'est assurément pas le cas. Si les étudiants ont pu protester librement contre la présence de Mme Coulter sur leur campus et contre la nature de son intervention, pourquoi n'a-t-elle pas pu également se présenter sur le campus et dire ce qu'elle pensait?

L'érosion de bon nombre de ces libertés n'est nulle part plus évidente que dans les collectivités des Premières nations. Dans de nombreux cas, l'absence absolue de reddition de comptes et de transparence qui empoisonne la politique relative aux Autochtones depuis si longtemps est attribuable, en grande partie, à la violation du droit à la liberté d'expression des Autochtones de la base. De nombreux résidants des réserves paient souvent leur désir d'exercer leur droit à la liberté d'expression, dont le droit de parler de leurs préoccupations ouvertement, par une restriction de leur accès aux services essentiels que sont le logement et l'enseignement postsecondaire. Le prix à payer pour avoir dénoncé la corruption et demandé des comptes peut parfois être même plus élevé, impliquant des violences physiques et des menaces à l'égard des amis et de la famille.

[Français]

Il y a aussi des personnes qui prônent la liberté de parole et d'expression, mais qui, par ailleurs, mettent tout en œuvre pour empêcher que d'autres jouissent de cette même liberté. J'ai moi- même vécu ce genre de situation en 2008, dans un rôle précédent, lors des discussions entourant l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Les discussions ont finalement permis que les dispositions de cette loi puissent aussi s'appliquer aux peuples des Premières nations pour la première fois depuis plus de 30 ans.

Qui, selon vous, s'opposait le plus vivement à cette importante amélioration des droits de la personne pour les membres des Premières nations? Je vous le donne en mille : leurs propres dirigeants.

[Traduction]

Il existe de nombreux cas où la liberté d'expression a entraîné des changements positifs qui ont profité aux peuples autochtones et qui profiteront aux prochaines générations. John Corbiere s'est élevé contre le fait qu'on voulait l'empêcher de voter aux élections du conseil de bande parce qu'il habitait hors réserve. Sharon McIvor a dénoncé récemment les injustices en matière d'inégalité des sexes relativement au système d'inscription des Indiens, tout comme le sénateur Lovelace Nicholas l'a fait, dans les années 1980, sur la scène internationale. Donald Marshall s'est prononcé sur la question des droits de pêche des Autochtones.

Chacun d'eux a servi sa collectivité et a fait valoir ses droits en se prévalant de son droit à la liberté d'expression jusque devant la Cour suprême du Canada et d'autres instances.

Honorables sénateurs, en tant que premiers peuples du Canada, les collectivités autochtones doivent pouvoir définir librement leurs propres aspirations, débattre des véritables causes de la pauvreté à laquelle elles sont confrontées, et trouver de manière décisive les remèdes aux maux qui les affligent. Ces objectifs sont impossibles à atteindre dans un contexte où les gens vivent avec la peur de représailles s'ils ont le courage de s'exprimer.

Rien de cela ne se produira si les opinions divergentes sont considérées comme racistes, et cela ne se produira certainement pas sans la pleine participation des Autochtones ordinaires suffisamment convaincus qu'un changement est nécessaire.

Une pleine participation veut dire une pleine participation. Ça n'a rien à voir avec les fonds octroyés aux organismes ou aux leaders qui acceptent volontiers cet argent et qui étouffent volontairement toute opinion ou tout commentaire divergent ou incommodant des Autochtones ordinaires.

Honorables sénateurs, je vais me prévaloir pleinement de mon droit à la liberté d'expression et affirmer que notre gouvernement n'a pas l'intention de répéter les erreurs du passé et de perpétuer un système où on distribue de l'argent à ceux qu'on veut faire taire.

N'oublions pas qu'il est question ici de la liberté de s'exprimer, et non de la liberté de s'approprier.

[Français]

Songez à ce que nous pourrions espérer d'un débat sans parti pris mené en toute liberté d'expression : des solutions internes pour surmonter les problèmes de pauvreté chez les Autochtones, conçues par et pour les Premières nations, les Inuits et les Métis; un engagement plus profond des collectivités autochtones dans le processus politique et même dans la vie politique, où les Autochtones pourraient briguer volontairement les suffrages et élire des représentants responsables et qui rendent des comptes; et surtout, un Canada où les Autochtones sont reconnus comme faisant partie intégrante du tissu de notre pays et comme des éléments essentiels aux débats nécessaires pour assurer une prospérité soutenue.

[Traduction]

Le vieil adage selon lequel la vérité est synonyme de liberté reste un rêve pour bon nombre d'Autochtones. La triste réalité, c'est que, la plupart du temps, la vérité est synonyme de recul — recul au bas de la liste pour les réparations domiciliaires, la formation professionnelle et les possibilités d'emploi.

Honorables sénateurs, nous ne devons pas prendre cette question complexe à la légère. Ce sujet comporte de nombreuses nuances. Il existe une nuance entre la liberté de parole et la liberté d'expression dont il faut tenir compte. C'est le cas lorsque la liberté d'expression risque de conduire au recours à la violence. De même, il y a une nuance entre la liberté de parole et la liberté de déformer sciemment la vérité. Enfin, il y a aussi une nuance entre nos droits à la liberté de parole et nos droits de nous protéger contre la diffamation et le libelle.

Même si cette question est extrêmement complexe, en tant que sénateurs, nous ne devrions pas craindre d'en débattre. Ce n'est que par l'exercice ouvert de la liberté de parole que la pauvreté chez les Autochtones du Canada pourra être éliminée et que leurs aspirations pourront se concrétiser. Ce n'est qu'en veillant à ce que la liberté de parole, un droit essentiel, soit respectée et mise en valeur que les Autochtones bénéficieront d'occasions équitables pour participer pleinement à la prospérité du Canada.

Honorables sénateurs, la liberté de parole est un droit que nous, à titre de parlementaires, tenons souvent pour acquis. Cependant, dans les collectivités autochtones, l'affirmation de la liberté de parole doit être enseignée, exercée et, chose plus importante encore, défendue rigoureusement contre toute tentative visant à la bafouer. Il est essentiel de comprendre que, dans le cœur et l'esprit des Autochtones, le Canada est bel et bien leur patrie et que leur capacité de prospérer et de s'exprimer devrait être solide et libre, à l'image de notre magnifique pays.

L'honorable Anne C. Cools : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Brazeau : Oui.

Le sénateur Cools : Comme le sénateur le sait, je respecte beaucoup les Autochtones de notre pays. Selon moi, le traitement qu'ils subissent dépasse l'entendement. Ce traitement est tout simplement inacceptable. J'ai écouté avec intérêt le discours du sénateur, tout comme je l'ai fait lorsque le sénateur Eaton a pris la parole. Je suis persuadée qu'Helena Guergis souffre terriblement du fait qu'elle est victime d'une grande calomnie.

J'aimerais poser deux questions au sénateur Brazeau. Premièrement, a-t-on parlé de la liberté de parole de Mme Guergis dans ce débat?

Comme le sénateur a dit que nous ne devons pas tenir notre liberté d'expression pour acquise dans cette enceinte, je veux aussi dire que cela n'est pas mon cas. Toutefois, au cours des deux dernières semaines, trois fois de suite j'ai indiqué mon intention de parler, et, à trois reprises, on ne m'a pas accordé la parole. Une fois, c'est un accident, deux fois, c'est une coïncidence, mais trois fois, c'est une constante.

Ensuite, le sénateur croit-il qu'on ait porté atteinte à ma liberté de parole lorsque, dans cette enceinte, des collègues d'en face ont mis fin à mon intervention?

Le sénateur Brazeau : Je remercie madame le sénateur de sa question. Tout d'abord, en ce qui concerne Mme Guergis, elle a la liberté et le droit de s'exprimer et de se défendre, comme toute autre personne au pays. Comme elle a déjà fait savoir qu'elle le ferait plus tard, je ne crois pas que sa liberté d'expression soit brimée tant qu'on ne l'empêchera pas de s'exprimer.

Pour ce qui est de la question portant sur madame le sénateur, manifestement, je ne suis pas ici depuis assez longtemps pour y répondre, sauf en ce qui concerne les processus et la procédure qui régissent cette assemblée. Cependant, en toute honnêteté, la question était un peu étrange de prime abord. Je vais m'arrêter ici.

(1610)

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Finley nous a rendu service en soulevant cette question. Nous devrions poursuivre le débat en tenant compte du fait que nous ne sommes pas saisis de la Loi canadienne sur les droits de la personne ou de l'un de ses articles. Jusqu'à ce que nous soyons saisis d'une telle question, il n'est pas indiqué d'en débattre parce que les opinions seront exprimées dans l'abstrait, ce qui ne serait pas pertinent.

Le sénateur Finley a cité une brillante déclaration bien connue de Voltaire dans laquelle il aurait dit que, même s'il ne partageait pas vos idées, il se battrait jusqu'à la mort pour que vous puissiez les exprimer.

Peut-être qu'une personne qui vient du milieu du sénateur, connaissant toutes les épreuves qu'a connues son peuple, peut me donner ce que je cherche dans ce débat. Pouvons-nous trouver une approche équilibrée selon laquelle nous ferions ce que nous prêchons quotidiennement, selon laquelle nous continuerions d'agir conformément aux excellents principes parlementaires, produits d'un millénaire d'évolution, et selon laquelle nous invoquerions nos origines judéo-chrétiennes dans l'expression de ses principes? Nous rendrions à l'humanité un grand service si nous trouvions un équilibre dans l'application de la loi en ce lieu.

Enfin, peut-être que ces questions sont trop nombreuses et peut- être que tout cela va se révéler à mesure que progressera le débat. À mon avis, Ann Coulter dit beaucoup de stupidités. Cependant, je pense qu'elle devrait pouvoir s'exprimer. Je dirai au sénateur Brazeau — et je l'invite à y réfléchir — qu'il n'y a pas un endroit en ce pays où la liberté d'expression est plus enfreinte qu'ici même. Honorables sénateurs, pensez-y bien.

L'honorable Jim Munson : Que veut-dire le sénateur par « donner de l'argent pour faire taire »?

Le sénateur Brazeau : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je réponds.

Depuis trop longtemps, à mon avis, les organismes et les groupes autochtones doivent soumettre des propositions pour différentes initiatives, questions, conférences, et cetera, pour obtenir des fonds du gouvernement fédéral. Dans les fonctions que j'occupais précédemment, j'ai vu gaspiller beaucoup d'argent en conférences et réunions où on parlait beaucoup et agissait peu.

Cependant, j'ai vu — maintes et maintes fois — le gouvernement débloquer des fonds pour ces organismes simplement pour les faire taire. Le gouvernement leur donne de l'argent pour leur conférence, mais, au fond, il dit « ne tenons pas de réel débat sur des questions concernant des droits éventuels en vertu de traités ou d'autres droits découlant de l'article 35 de la Constitution ». C'est ce que je veux dire par « donner de l'argent pour faire taire ». Cela s'est beaucoup produit au cours des dernières années.

L'honorable John D. Wallace : Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir prendre la parole au sujet de l'interpellation lancée par le sénateur Finley concernant l'une des libertés et l'un des droits fondamentaux garantis en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, à savoir notre liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression. J'aimerais souligner les contributions pertinentes et significatives déjà apportées par le sénateur Tkachuk, le sénateur Wallin, le sénateur Duffy et, bien sûr, le sénateur Finley et d'autres présents aujourd'hui.

J'aimerais commencer en attirant l'attention des honorables sénateurs sur les assises de cette garantie des droits et libertés, qui nous revient de droit et dont nous jouissons tous dans notre société démocratique. Cette garantie comprend notre droit à la liberté d'expression. Les assises sont énoncées à article 1 et à l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Voici le libellé de l'article 1 de la Charte :

La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.

Le sénateur Fraser a parlé de ces limites raisonnables dans son discours.

L'article 1 soulève au moins deux problèmes fondamentaux et des questions connexes. Premièrement, quels sont les droits et libertés garantis? Deuxièmement, quelles limites raisonnables, prescrites par une règle de droit, peuvent être imposées pour restreindre nos droits et libertés garantis?

En ce qui concerne la première question, l'article 2 de la Charte énonce clairement chacune des libertés fondamentales garanties à tout un chacun, notamment la « liberté de conscience et de religion » et la « liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression ».

Quant à la deuxième question concernant les limites raisonnables prescrites par une règle de droit pouvant être imposées pour restreindre nos droits et libertés, je parlerai des restrictions statutaires existantes qui interdisent les « discours haineux » et la « propagande haineuse ». Cependant, je parlerai d'abord du contexte législatif entourant ces limites.

Après la Seconde Guerre mondiale et la défaite de l'Allemagne nazie, le monde a reconnu le danger que peut représenter la propagande haineuse en fomentant la haine contre les minorités. En janvier 1965, le ministre de la Justice de l'époque, l'honorable Guy Favreau, a mis sur pied un comité spécial chargé d'étudier les problèmes liés à la propagande haineuse au Canada. Dans son rapport publié en 1966, celui-ci recommande que l'on ajoute la propagande haineuse à la législation canadienne : le Code criminel a été modifié en 1970 pour donner suite aux recommandations du comité.

Le Code criminel interdit toujours la propagande haineuse et les propos haineux. Dans les deux cas, on considère qu'il s'agit de limites raisonnables aux droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Deux interdictions, ou limites, sont énoncées à l'article 319 du Code criminel.

Le paragraphe 319(1) interdit à « quiconque, par la communication de déclarations en un endroit public, [d'inciter] à la haine contre un groupe identifiable, lorsqu'une telle incitation est susceptible d'entraîner une violation de la paix ». De son côté, le paragraphe 319(2) interdit à « quiconque, par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée, [de fomenter] volontairement la haine contre un groupe identifiable ». Dans les deux cas, « communiquer » « s'entend notamment de la communication par téléphone, radiodiffusion ou autres moyens de communication visuelle ou sonore ».

La grande question qui ressort de ces deux paragraphes est la suivante : comment, dans une société démocratique ouverte et progressiste, peut-on établir la distinction entre, d'une part, les déclarations en un endroit public qui sembleront à beaucoup de gens irrespectueuses, insultantes, scandaleuses, offensantes ou, dans certains cercles sociaux ou pédagogiques, impopulaires et politiquement incorrectes et, d'autre part, les autres déclarations publiques qui ont pour effet d'« inciter à la haine » ou de « fomenter volontairement la haine » contre un groupe identifiable? Les déclarations ayant pour effet d'inciter à la haine ou de fomenter volontairement la haine contreviendraient directement aux dispositions de l'article 319 du Code criminel et ne seraient, par conséquent, plus protégées par la Charte canadienne des droits et libertés.

La Cour suprême du Canada a étudié cette question fondamentale. En 1990, elle s'est penchée sur ce qui constitue de la « haine » et ce que l'on entend par « fomenter volontairement la haine » dans l'arrêt R. c. Keegstra. Elle devait alors statuer sur la constitutionnalité de l'article 319, ce qui l'a obligée à mettre en rapport la liberté d'expression et le droit d'une société de protéger ses citoyens contre les communications publiques destructrices et humiliantes. La Cour suprême a insisté sur le fait qu'il s'agit d'un délit consistant à fomenter volontairement la haine et pas simplement à tenir ou à exprimer des opinions scandaleuses, offensantes ou impopulaires.

Dans la cause Keegstra, la Cour suprême a placé la barre très haut pour qu'un énoncé soit considéré comme de la propagande haineuse. Le mot « haine » a été interprété comme l'expression d'une émotion à la fois intense et extrême qui est clairement associée à la forme la plus marquée et la plus profondément ressentie de calomnie et de détestation. Il s'agit d'une émotion qui implique que les personnes qui en sont l'objet doivent être méprisées, dédaignées, maltraitées et vilipendées. Par conséquent, et il est très important d'être conscient de ce fait, les énoncés qui risquent d'offenser les valeurs canadiennes ou les groupes minoritaires ne sont pas tous de la propagande haineuse; seuls ceux qui correspondent aux critères mentionnés en sont.

(1620)

En vertu de l'élément « volontaire » du paragraphe 319(2), soit la fomentation volontaire de la haine, le procureur de la Couronne doit prouver que l'énoncé a été fait dans le but conscient ou avec l'intention de fomenter la haine ou bien que la haine en sera le résultat certain ou presque certain. Autrement dit, il s'agit d'un crime d'intention et non d'indifférence.

Les mêmes critères ont été appliqués dans une décision de la Cour provinciale de la Saskatchewan en 2009 dans la cause R. c. David Ahenakew. Dans cette cause, le juge Tucker a spécifiquement fait référence à la cause Keegstra. Il a indiqué que l'interdiction contenue au paragraphe 319(2) du Code criminel, soit l'interdiction de fomenter volontairement la haine, était en fait une limite raisonnable imposée à la garantie des libertés fondamentales de pensée, de croyance et d'expression qui font partie de notre Charte des droits et libertés, mais seulement si l'interdiction incluse dans le Code criminel est strictement limitée à une définition très restreinte de l'intention.

À cet égard, le juge Tucker a ajouté ceci :

Au Canada, monsieur et madame-tout-le-monde ne peuvent considérer qu'avec répulsion et dégout les opinions, les faits déformés et les points de vue généraux exprimés par l'accusé. [...] Toutefois, il n'est pas accusé d'avoir des opinions inhumaines et révoltantes. Pour ce qui est de l'accusation d'avoir volontairement fomenté la haine [...] la Couronne n'a pas prouvé l'existence de l'intention nécessaire pour qu'il y ait infraction.

De toute évidence, les tribunaux font une distinction entre les opinions et les déclarations qui constituent un discours haineux et de la propagande haineuse, qui sont évidemment des actes illégaux, et les opinions et déclarations que certains peuvent considérer troublantes, peu flatteuses, irrespectueuses, offensantes, politiquement incorrectes, voire scandaleuses dans certains cas, mais qui sont néanmoins considérées comme légalement acceptables et sont protégées par une des libertés fondamentales prévues dans la Charte canadienne des droits et libertés, en l'occurrence la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression.

J'attire également l'attention des sénateurs sur le fait que le paragraphe 319(3) du Code criminel définit les défenses dont peut se prévaloir quiconque est accusé d'avoir volontairement fomenté la haine. À l'alinéa 319(3)c), il est précisé que nul ne peut être déclaré coupable de l'infraction prévue au paragraphe 319(2), notamment si :

c) les déclarations se rapportaient à une question d'intérêt public dont l'examen était fait dans l'intérêt du public et, pour des motifs raisonnables, il les croyait vraies.

Outre les interdictions prévues à l'article 319 du Code criminel, dont l'imposition est considérée comme une restriction raisonnable des droits et des libertés fondamentales garantis en vertu de la Charte des droits, des restrictions supplémentaires s'appliquant également aux cas de propagande haineuse et d'outrage figurent dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, notamment à l'article 13, ainsi que dans divers codes et textes législatifs provinciaux et territoriaux sur les droits de la personne.

Comme je dispose d'un temps limité pour mon intervention d'aujourd'hui, je ne ferai des observations que sur les dispositions de la Loi canadienne des droits de la personne.

En 1977, le Parlement a adopté l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cet article stipule notamment qu'il est discriminatoire d'utiliser de façon répétée des services de télécommunication ou Internet pour aborder des questions susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes sur la base de certains critères comme la religion ou la race. À cet égard, l'article 13 présente certaines similitudes avec les interdictions prévues à l'article 319 du Code criminel.

Au départ, l'article 13 visait à régler le problème de ces numéros de téléphone dont on faisait la publicité, où l'on pouvait entendre des messages enregistrés qui prônaient l'antisémitisme ou la suprématie blanche. L'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne n'interdit ni les conférences publiques ni les propos offensants. Il n'interdit que les messages répétitifs et ceux qui prônent une haine extrême qui sont envoyés par Internet ou par télécommunications. La Cour suprême du Canada a confirmé la constitutionnalité de l'article 13 en 1990 et cet article a par la suite été modifié par le Parlement en 2001 afin de confirmer explicitement qu'il s'appliquait à Internet.

En 2009, le Tribunal canadien des droits de la personne a refusé d'appliquer l'article 13 dans l'affaire Warman c. Lemire. Le tribunal a alors établi que la combinaison de l'article 13, de l'amende de 10 000 $ et d'une mesure non conciliatoire dans les cas de plainte en vertu de l'article 13 imposait une restriction inadmissible à la liberté d'expression, telle que garantie par l'alinéa 2b) de la Charte des droits et libertés de la personne. L'affaire Warman portait également sur la décision rendue par la Cour suprême du Canada en 1990 dans l'affaire de la Commission canadienne des droits de la personne c. Taylor. Dans cette décision, la Cour suprême déclarait que la référence à la « haine » correspondait à une malice « extrême » et à une émotion qui n'admet chez la personne visée « aucune qualité qui rachète ses défauts ».

La Cour suprême a également souligné que le « mépris » doit également être considéré comme un sentiment tout aussi extrême, mais que, dans ce sens, le « mépris » s'applique mieux à des circonstances où l'on regarde de haut la personne visée. Ainsi, la cour en arrive à la conclusion que la formulation du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne vise « des émotions exceptionnellement fortes et profondes de détestation se traduisant par des calomnies et la diffamation. » La cour a souligné que le Tribunal doit tenir compte de la nature à la fois « virulente et extrême des sentiments évoqués par les termes ``haine'' et ``mépris'' » et ne pas permettre qu'une opinion subjective quant au caractère offensant vienne se substituer à la véritable signification du paragraphe en cause. La Commission canadienne des droits de la personne a déposé une demande de contrôle judiciaire de cette décision devant la Cour fédérale.

Au cours des dernières années, on a tenu un débat important sur l'article 13 et sur le rôle de la commission et du tribunal dans la lutte contre les discours haineux sur Internet. Au cours de la session précédente, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a entrepris une étude sur le mandat et le fonctionnement de la Commission canadienne des droits de la personne ainsi que sur l'application et l'interprétation de l'article 13.

Cela dit, j'estime qu'il devrait être plus que simplement évident à quel point on juge indispensable au bon fonctionnement d'une société démocratique libre, ouverte et progressiste la garantie que la Charte accorde aux droits et aux libertés, y compris, bien sûr, les libertés fondamentales que sont la liberté de pensée, la liberté de croyance, la liberté d'opinion et la liberté d'expression. Il n'y a évidemment pas de meilleur exemple d'une telle société démocratique que le Canada, et ceci est dans l'ordre des choses. D'aucuns pourraient soutenir le contraire et vouloir limiter ou interdire l'exercice de ce droit fondamental à la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression parce qu'il arrive que les opinions exprimées soient considérées comme prêtant à controverse, socialement ou politiquement impopulaires, voire scandaleuses dans certains cas. Cela reflète clairement la nécessité pour ces personnes de poser le geste fondamental qui consiste à saisir et à apprécier à leur juste valeur les principes essentiels qui doivent toujours rester au cœur de toute société démocratique qui fonctionne bien et qui connaît du succès, surtout chez nous, au Canada.

Il nous arrive tous, à n'en pas douter, de ne pas du tout souscrire à des idées ou à des opinions exprimées publiquement. On peut les trouver incongrues, irritantes, peu sincères, déconcertantes ou même choquantes. Toutefois, pourvu que ces idées ou opinions ne dépassent pas les bornes et n'enfreignent pas nos lois qui interdisent la propagande haineuse et l'incitation à la haine, elles sont ce qu'elles sont, et libre à nous, dans pareil cas, de décider tout bonnement de ne pas écouter.

(1630)

La liberté de parole et le droit garanti d'exprimer son opinion personnelle comptent parmi les droits les plus chers dont nous jouissons dans notre société démocratique canadienne. Nous ne devons pas baisser la garde. Nous devons rester vigilants en ce qui concerne la protection et la préservation de nos idéaux démocratiques canadiens, notamment le droit fondamental à la liberté d'expression, qui n'est pas le moindre de nos droits.

Le sénateur Munson : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Wallace : Certainement.

Le sénateur Munson : La liberté de parole ou la liberté d'expression peut être réprimée de bien des façons. Le sénateur estime-t-il que le milieu de la presse au Nouveau-Brunswick représente un environnement sain et propice à l'expression d'opinions divergentes?

Le sénateur Wallace : Honorables sénateurs, voilà une question intéressante. Les Canadiens ne veulent pas qu'on limite leurs options. Nous voulons disposer de nombreuses sources de nouvelles et d'opinions, ce qui est possible même dans une petite province comme le Nouveau-Brunswick. Nous avons un journal provincial. Nous avons accès à de nombreux journaux nationaux. Nous avons accès à l'information disponible dans Internet. Eh oui, nous avons Internet au Nouveau-Brunswick. Je ne crois pas qu'un seul Néo- Brunswickois n'arrive pas à comprendre ce qui se passe dans le monde. Nous avons la possibilité d'apprécier le juste équilibre, de même que les arguments et les positions. Au Nouveau-Brunswick, nous avons tout ce qu'il faut pour comprendre l'actualité.

Le sénateur Munson : J'aimerais faire une brève observation. En affaires comme au baseball, il est risqué de vouloir enlever quelqu'un de son chemin.

Le sénateur Cools : Le sénateur a mentionné l'élaboration des dispositions de 1970 du Code criminel relatives aux discours haineux. Le sénateur est-il au courant du fait que, au moment de l'élaboration de ces dispositions, le doyen Cohen, de l'Université McGill, était très actif dans ce dossier et que certains des principaux défenseurs des libertés civiles au Québec soulevaient de sérieuses objections quant à l'élaboration de ces dispositions? Frank Scott, par exemple. Le sénateur connait-il ces objections? Si ce n'est pas le cas, il n'y a aucune raison de continuer.

Le sénateur Wallace : Non, je ne les connais pas.

Le sénateur Cools : En passant, ces personnes ont exprimé d'importantes réserves quant à la criminalisation des discours, surtout pour ce qui semblait à l'époque des incidents isolés. Cette question a un intérêt historique.

Le sénateur a mentionné l'affaire Warman, qui est une affaire horrible. Le sénateur sait-il que M. Warman a censément tenu des propos extrêmement offensants et inqualifiables à l'endroit d'une des femmes qui siègent au Sénat? Ces remarques tout à fait répugnantes ont fait l'objet d'un grand débat sur Internet. Le sénateur sait-il que cette femme sénateur a été fort offensée par ces propos?

Le sénateur Wallace : Je ne peux pas dire que je connais les détails de cette affaire, mais je dirais qu'elle semble regrettable.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, j'ai une question sur les dispositions du Code criminel que le sénateur a évoquées.

Ai-je raison de croire, premièrement, que, pour au moins certaines de ces dispositions, on a besoin de la permission du procureur général pour intenter des poursuites et que, deuxièmement, pendant toutes les années qui ont suivi l'entrée en vigueur de ces dispositions, seules quelques poursuites ont été intentées et, sur ce nombre, très peu ont donné lieu à des condamnations? Cela me porte à croire que ces dispositions ont une application limitée, comme cela se doit dans des sociétés libres et démocratiques.

Le sénateur Wallace : Pour répondre à la première question du sénateur, le consentement du procureur général est requis dans toutes les poursuites. Comme le sénateur l'a dit, il y a un nombre limité de poursuites, et c'est peut-être une bonne chose. À partir de mon exposé, les sénateurs constateront que les dispositions portent sur des cas extrêmes. Je conviens que l'utilisation des dispositions est limitée, et nous devrions peut-être en être reconnaissants.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à l'enregistrement audiovisuel des délibérations—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Segal, appuyée par l'honorable sénateur Nolin :

Que le Sénat approuve en principe l'installation de l'équipement nécessaire pour l'enregistrement audiovisuel de qualité radiodiffusion de ses délibérations et d'autres événements approuvés se déroulant dans la salle du Sénat et dans au moins quatre salles normalement utilisées par des comités du Sénat;

Que, pour les fins énoncées au paragraphe suivant, les délibérations publiques du Sénat et de ses comités soient enregistrées au moyen de cet équipement, sous réserve des politiques, pratiques et lignes directives approuvées périodiquement par le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (« le comité »);

Que les délibérations classées par sujets, soient préparées et mises à la disposition des télédiffuseurs ou des distributeurs d'émissions audiovisuelles, sous réserve des conditions précisées dans les ententes actuelles et futures entre le Sénat ces télédiffuseurs ou distributeurs;

Que, sur demande, les délibérations choisies soient aussi mises à la disposition du public sur le site Internet du Parlement;

Que le Sénat engage à contrat un producteur qui, uniquement sous la direction du comité, décidera des délibérations du Sénat et de ses comités qui seront retenues aux fins des émissions, d'une façon inclusive;

Que l'on se dote à ces fins de l'équipement et du personnel requis pour classer les délibérations de qualité radiodiffusion;

Que le comité soit chargé de prendre les mesures nécessaires pour mettre en œuvre cette motion.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion dont nous sommes saisis et à laquelle je voudrais apporter un amendement. Plusieurs d'entre nous ont déjà abordé le sujet. Il est question de ce qui est dit — de ce que nous disons. Il est question de ce que nous disons ici et pendant nos réunions de comités.

Je sais que les sénateurs ont lu attentivement et assidûment la motion dont nous sommes saisis et qu'ils ont tenu compte de ses implications. Les initiatives sont celles du sénateur Segal et elles reçoivent l'appui de plusieurs d'entre nous de ce côté-ci et, je l'espère, de bon nombre des sénateurs de l'autre côté. L'idée est de rendre les travaux du Sénat plus accessibles, pour que les Canadiens puissent voir et lire ce qui se passe ici, chose très difficile pour eux en ce moment, et qu'ils puissent également suivre les délibérations des comités et entendre les questions qu'on y pose. Les débats du Sénat devraient être rendus publics et classés par sujet, de façon à ce que les Canadiens puissent y avoir accès facilement. Comme nous l'avons déjà dit dans cette enceinte et aux comités qui ont été saisis de ce dossier, il est assez facile sur le plan technologique de donner aux Canadiens l'accès aux débats du Sénat. Nous devrions traiter ce dossier avec empressement.

Honorables sénateurs, le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement est en train d'examiner les implications de cette motion et il est presque prêt à nous présenter un rapport sur la question.

Motion d'amendement

L'honorable Tommy Banks : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l'amendement suivant à la motion :

Que la question dont le Sénat est actuellement saisi soit renvoyée pour examen au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement; et

Que le comité présente son rapport final au plus tard le 15 septembre 2010.

Honorables sénateurs, si nous adoptons cette motion d'amendement, nous aurons à notre retour en septembre un rapport du Comité du Règlement sur les possibles répercussions de cette question sur les activités du Sénat. Nous pourrons alors étudier la question en détail. Je soumets cette motion d'amendement aux sénateurs.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

(1640)

L'honorable Anne C. Cools : Le sénateur a fourni des explications, mais celles-ci étaient très brèves. Pourrait-il nous en dire plus?

Le sénateur Banks : Je pourrais le faire, madame le sénateur. Nous avons longuement discuté ici de la motion et des amendements dont elle a déjà fait l'objet. Je pourrais la décrire en détail et en discuter longuement, mais je pense qu'il serait préférable de le faire une fois que nous aurons reçu le rapport du Comité du Règlement, parce que celui-ci va se prononcer sur certains aspects de la motion qui concernent des questions qui ont déjà été soulevées.

Si, par exemple, le Comité du Règlement nous disait que cette façon de faire est inappropriée, qu'elle brime d'une quelconque manière les privilèges des sénateurs ou qu'elle a des effets du genre, nous adopterions une approche différente au moment de discuter du fond de la question et de son application. Il est dans notre intérêt d'obtenir cette opinion avant de nous pencher sur les détails de cette démarche. C'est ce qui explique la brièveté de mes propos aujourd'hui au sujet de la motion.

L'honorable Michael Duffy : Je m'intéresse beaucoup à cette question moi aussi, et je vois que le sénateur Segal est avec nous, tout comme le sénateur Banks.

Je soulève seulement un point, auquel le sénateur Cools a, je crois, fait indirectement allusion. Ce matin, le Comité du Règlement a tenu une réunion à huis clos qui portait essentiellement sur notre charge de travail. Je suis préoccupé par l'échéancier, parce que le comité doit s'occuper de la concordance des articles du Règlement, ce qui est un exercice hautement technique, qui s'impose depuis longtemps et qui est très important.

Malheureusement, le président du comité n'est pas ici en moment. Il est retenu ailleurs, mais je me demande si nous devrions tenir des consultations afin de voir si nous pouvons respecter la date proposée dans la motion du sénateur.

Le sénateur Banks : J'ai consulté les intéressés, et je suis en mesure de confirmer que le 15 septembre 2010 est une bonne date.

J'agis en fonction de ce qu'on m'a dit. Je pense que cette date est probablement correcte. Selon ce qu'on m'a dit, le rapport est presque terminé et il pourrait sans doute être présenté à la mi- septembre.

Son Honneur la Présidente suppléante : Vous aviez une question, sénateur Cools?

Le sénateur Cools : Oui. Je posais une question au sénateur Duffy.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : J'invoque le Règlement. Madame le sénateur ne peut poser une question au sénateur Duffy parce que le débat est au nom du sénateur Banks.

Le sénateur Cools : Je suis désolée, honorables sénateurs. Je voulais dire le sénateur Banks.

Je crois qu'il s'agit d'une bonne initiative et je suis tout à fait en faveur de la diffusion des travaux du Sénat. Je fais partie du Comité du Règlement, et le sénateur Segal peut confirmer aux honorables sénateurs que j'appuie effectivement cette initiative. Je n'ai aucune objection à ce que la question soit mise aux voix aujourd'hui. Je suis plutôt préoccupée par la date proposée pour la présentation du rapport du comité.

N'oubliez pas que la date de dépôt d'un rapport représente la limite maximale et non la limite minimale. En cas de doute, il faut chercher à la repousser plutôt qu'à la rapprocher. Le 15 septembre arrive à grands pas. Il ne nous reste que six semaines de travaux avant la relâche estivale. Le Sénat ne reprendra ensuite ses travaux qu'après le 15 septembre.

Il n'y a aucun mal à choisir une date plus lointaine. Cela donnera une certaine latitude au comité. Cela ne signifie pas que les membres du comité devront se prévaloir de cette latitude, mais il vaut mieux avoir la possibilité de le faire. Le sénateur devrait peut-être songer à reporter la date de quelques mois. La charge de travail du comité est élevée en ce moment et nous ne voulons pas que cette étude soit un échec, en tout cas ce n'est pas ce que je souhaite.

Le sénateur Banks : Compte tenu de cet argument, et en supposant que le comité se penchera sur la question avec assiduité, j'aimerais demander la permission du Sénat pour modifier ma motion d'amendement. Je ne connais pas la procédure dans ce cas, mais je demande au Sénat la permission de modifier ma motion d'amendement en ce qui concerne la date, qui serait reportée au 15 décembre 2010.

Le sénateur Comeau : La permission n'est pas accordée.

J'aimerais proposer l'ajournement du débat. Nous pouvons tous réfléchir à cette question chacun de notre côté, puis peut-être revenir avec un sous-amendement à l'amendement du sénateur Banks. Nous discuterons alors de la possibilité de modifier la date.

Son Honneur la Présidente suppléante : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

La réforme du Parlement

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur des questions concernant une réforme du Parlement réaliste et efficace.

L'honorable Bert Brown : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l'interpellation lancée par le sénateur d'en face au sujet de la réforme du Parlement. Ma réponse aux commentaires du sénateur est qu'il existe une kyrielle de raisons de ne pas appuyer la réforme du Sénat. Je n'en aborderai que deux.

Premièrement, le sénateur d'en face a dit que la réforme du Sénat réduirait le pouvoir des provinces. Le fait est que les provinces exercent une influence au niveau fédéral, mais qu'elles ont très peu de pouvoir. Les provinces ne peuvent pas voter contre quelque mesure que ce soit que pourrait présenter un premier ministre, comme un programme qui serait imposé aux provinces à l'échelle nationale.

Deuxièmement, je veux répondre à la question quant à la raison pour laquelle je n'ai pas rejeté plusieurs projets de loi depuis que je suis arrivé au Sénat. Cette allégation révèle une totale méconnaissance du système de scrutin et du processus, à savoir qu'il faut avoir un vote majoritaire pour rejeter ou faire adopter quoi que ce soit au Sénat.

Le plus étonnant au sujet des options proposées pour la réforme du Sénat que le sénateur d'en face ne pouvait prétendument pas voir adoptées par le Sénat est le simple fait que chaque critique était non fondée, totalement non fondée. Ses commentaires se trouvent aux pages 122 à 124, sous la rubrique « La réforme du Parlement — Interpellation », dans les Débats du Sénat du 17 mars.

Merci.

(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)

(1650)

Le Sénat

Motion tendant à reconnaître le risque que pose la prolifération des matières et de la technologie nucléaires pour la paix et la sécurité—Ajournement du débat

L'honorable Hugh Segal, conformément à l'avis donné le 23 mars 2010, propose :

Que le Sénat :

a) reconnaisse le risque que pose la prolifération des matières et de la technologie nucléaires pour la paix et la sécurité;

b) approuve la déclaration, signée par 500 membres, officiers et compagnons de l'Ordre du Canada, soulignant l'importance de s'attaquer au problème de la prolifération nucléaire dont l'intensité s'accroît, de suivre l'évolution du dossier du désarmement nucléaire et de tenir compte des possibilités dans ce domaine;

c) approuve les cinq initiatives sur le désarmement nucléaire proposées en 2008 par M. Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations Unies, et incite le gouvernement du Canada à entamer des négociations sur le désarmement nucléaire en vue de conclure une entente comme le propose le secrétaire général des Nations Unies;

d) appuie les initiatives récentes du président des États- Unis, M. Obama, sur le désarmement nucléaire;

e) salue la décision du gouvernement du Canada de participer au sommet historique sur la sécurité nucléaire qui se tiendra à Washington en avril 2010 et l'incite à mettre en œuvre une importante initiative diplomatique canadienne à l'échelle mondiale en appui à la prévention de la prolifération nucléaire et à l'accroissement du taux de désarmement nucléaire;

Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'inviter à se joindre au Sénat aux fins de ce qui précède.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je m'oppose à l'ajournement.

Le sénateur Segal : J'ai proposé la motion afin de pouvoir l'aborder pour la première fois.

Le sénateur Dallaire : Merci beaucoup.

Le sénateur Segal : Honorables sénateurs, en soumettant cette motion à votre considération, mon objectif est très clair : il s'agit de soutenir le travail indispensable entrepris par notre premier ministre, par le secrétaire général des Nations Unies, M Ban Ki- moon, et par le président des États-Unis, M. Obama, en vue de la réduction des armes nucléaires.

Nos voisins du Nord et du Sud, les Américains et les Russes, ont conclu un accord extrêmement encourageant dans le but de réduire davantage leur arsenal nucléaire. Le nouveau traité START, qui a été signé à Prague le 5 avril par le président Obama et le président Medvedev, marque le premier progrès en la matière depuis les importantes mesures prises par le secrétaire général Gorbatchev et le président Reagan à Reykjavik en octobre 1986.

Cependant, il reste beaucoup du travail à accomplir dans ce dossier, comme l'ont fait remarquer William Perry et George Shultz dans un article publié dimanche dans le New York Times. Le traité START est un petit pas en avant et doit servir de base à de futures discussions sur l'armement qui permettraient d'envisager sérieusement un programme conjoint États-Unis-Russie offrant un rempart contre les missiles iraniens. La collaboration avec la Russie à titre de partenaire est essentielle.

La réunion, présidée par le président Obama, qui a eu lieu aux Nations Unies en septembre 2009, et les réunions qui ont eu lieu à Washington hier et aujourd'hui, auxquelles notre premier ministre a participé, reflètent une nouvelle initiative sensée et constructive du président, initiative qui semble favoriser une participation constructive de la Russie. Il s'agit d'une occasion exceptionnelle que nous ne devons pas rater.

L'histoire canadienne en matière nucléaire est intéressante. Dans les années d'après-guerre, Chalk River a joué un rôle important dans le domaine de la technologie des armes. Howard Green, le ministre des Affaires étrangères de M. Diefenbaker, était un militant mondial convaincu du désarmement nucléaire et, l'histoire en témoigne, le gouvernement Diefenbaker s'est fondamentalement divisé puis effondré sur la question du missile de défense aérienne Bomarc équipé d'ogives nucléaires. Lester B. « Mike » Pearson, qui a remporté le prix Nobel de la paix pour son travail menant à la création de la Force d'urgence des Nations Unies au Sinaï, a fait campagne contre Diefenbaker, comme son travail l'exigeait, et en faveur du missile équipé d'ogives nucléaires puisqu'il s'agissait du choix politique des libéraux à l'époque. À cet égard, il suivait les pas du premier ministre St-Laurent, qui avait muni d'ogives nucléaires les escadrons de chasseurs à réaction qui faisaient partie de la force de dissuasion de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord basée dans l'ancienne Allemagne de l'Ouest.

La vieille rengaine répétée dans le monde entier et selon laquelle la droite serait en faveur des armes nucléaires, tandis que le centre- gauche s'y opposerait, ne s'applique pas et ne s'est jamais appliquée au Canada. Ce n'est pas une question de droite ou de gauche, honorables sénateurs, c'est une question de bon sens et de survie de l'humanité.

Le Canada est officiellement une terre sans armes nucléaires depuis plusieurs décennies, et c'est très bien comme cela. L'entente historique annoncée hier par le premier ministre Harper, selon laquelle nos déchets fissibles seront envoyés au États-Unis, où ils pourront être protégés dans les règles de l'art, revêt une valeur aussi considérable qu'historique. Quoi qu'il en soit, que nous n'ayons pas d'armes nucléaires ne nous libère pas de la responsabilité de réduire la menace nucléaire mondiale ni de profiter de chaque occasion de ralentir et de contrer la prolifération des armes nucléaires. L'histoire nous apprend que, si le secrétaire d'État aux Affaires extérieures Lester Pearson a mis autant de créativité et de détermination à dénouer la crise de Suez, c'est parce que, avec l'Égypte d'un côté, qui n'était rien d'autre qu'une marionnette des Russes et un État-client des Soviétiques, et Israël de l'autre, la situation sur place aurait vite pu se dégrader et amener la planète entière au bord de la catastrophe nucléaire.

Les échanges avec les alliés, la communauté internationale et, dans certains cas, les pays ennemis, ont toujours porté en partie sur la gestion de la menace nucléaire par les militaires, les politiciens et les diplomates canadiens. C'est encore vrai aujourd'hui.

Les quelque 500 Canadiens membres de l'Ordre du Canada dont il est fait mention dans la motion, et qui ont signé la déclaration soulignant qu'il faut s'attaquer d'urgence à l'intensification de la prolifération nucléaire et favoriser toutes les occasions de désarmement l'ont fait parce qu'ils veulent inciter le gouvernement à poursuivre les efforts entrepris par le premier ministre. J'ai été ravi d'apprendre que John Polanyi, Murray Thomson et l'ancien sénateur Doug Roche avaient pu rencontrer le premier ministre vendredi dernier pour lui exprimer leur point de vue et l'encourager à poursuivre dans cette voie. Je suis particulièrement reconnaissant au premier ministre, qui a pris le temps de les rencontrer avant son départ pour Washington, hier.

Je crois au pouvoir des moyens de dissuasion. Ils sont à la base des missions de l'OTAN depuis l'adoption de la Charte de l'Atlantique de 1941, et c'est grâce à eux si la menace thermonucléaire soviétique a pu être contrée sans qu'un seul coup de feu ne soit tiré.

La solidarité entre membres de l'OTAN, un concept stratégique propre à l'OTAN qui n'a jamais exclu l'utilisation préventive ou réactive des armes nucléaires, servait à empêcher les plus extrémistes des nationalistes soviétiques actifs dans les cercles politiques et stratégiques d'accroître leur influence. J'ose affirmer que la capacité nucléaire russe a peut-être eu le même effet dissuasif sur les factions les plus extrémistes de l'extrême droite américaine et leurs alliés au sein du milieu de la défense des États-Unis.

Il s'agissait du MAD, l'acronyme anglais pour « destruction mutuelle assurée ». Les deux parties avaient conclu que la garantie de destruction mutuelle était trop certaine. Les gens rationnels, quels que soient leurs différends idéologiques et géopolitiques, ne sont pas suicidaires.

Or, dans le monde d'aujourd'hui, nous sommes confrontés à un problème plus alarmant, à savoir l'émergence d'acteurs non étatiques et irrationnels, qui ne sont pas motivés par des intérêts géopolitiques — à l'égard desquels la négociation est préférable —, mais par des objectifs fondamentalistes nihilistes et pour qui la souffrance, la terreur, la panique, la torture, la mort et les attentats suicides à la bombe sont une fin en soi. Par conséquent, la meilleure façon d'empêcher que ces forces utilisent la technologie nucléaire est d'éviter qu'elles n'y aient accès.

Alors que l'Arabie saoudite, la Tunisie, l'Égypte et d'autres pays de cette région s'inquiètent vivement des politiques d'Israël, personne dans cette région et ailleurs dans le monde ne craint que l'un de ces partenaires du Canada n'ait recours aux armes nucléaires.

Or, ce sont des pays islamiques sunnites, et si un excès de confiance généralisé les poussait à affronter l'Iran, qui possède l'arme nucléaire et qui cherche à intimider les pays qui veulent éviter la destruction militaire d'Israël, nous assisterions à une course sans précédent aux armes nucléaires dans cette région du monde riche en pétrole. Le moindre incident mettrait le feu aux poudres et entraînerait non seulement la destruction du berceau de la civilisation, mais de la civilisation tout entière.

Les réunions tenues à Washington ont notamment pour but d'élaborer un plan de travail commun visant à empêcher que des matières nucléaires ne tombent entre les mains de groupes à vocation terroriste.

L'Arabie saoudite, comme le Canada, possède d'importantes ressources énergétiques, raison pour laquelle sa sécurité est un enjeu national vital pour les États-Unis. L'Iran, un pays qui possède l'arme nucléaire, qui refuse de prendre part à des négociations pacifiques concernant les enjeux régionaux et dont la gouvernance est dominée non par le respect, la culture, la civilisation et l'histoire des Persans, mais par une garde révolutionnaire, un gouvernement et une faction fondamentaliste nihilistes, constitue la plus grave menace pour la paix et la civilisation que le monde ait connue depuis l'invasion de la Pologne par Adolf Hitler en 1939.

C'est pourquoi, en tant que Canadien, je suis profondément navré de l'absence du premier ministre Netanyahu à Washington cette semaine. Il est l'un des principaux acteurs; il aurait dû être présent.

(1700)

Cependant, cette résolution ne porte pas sur l'Iran, mais plutôt sur les armes par lesquelles la menace que ce pays fait planer sur le monde se transformerait en catastrophe que sa rhétorique haineuse permet à peine d'anticiper. Il serait inimaginable de ne pas profiter des ouvertures que laissent entrevoir les initiatives menées récemment par la Russie et les États-Unis. Il s'agit de progrès modestes, mais exemplaires.

Ceux qui s'inquiètent vivement au sujet des changements climatiques devraient réfléchir aux conséquences catastrophiques que pourrait avoir un affrontement nucléaire entre Israël et l'Iran ou entre le Pakistan et l'Inde. Des liens de défense de facto entre l'Inde et Israël, ainsi qu'entre l'Inde et la Russie, contrebalancent des liens tout aussi importants entre le Pakistan et la Chine. Chaque semaine, de nombreux vols interdits aux voyageurs civils relient Téhéran et Caracas.

Les événements du 11 septembre 2001 nous ont montré que la distance ne peut pas nous protéger contre des actes foncièrement irrationnels. Seules des négociations rationnelles sur la limitation des armes nucléaires, ainsi que sur le contrôle et la réduction de celles-ci, peuvent nous permettre de gérer ce risque catastrophique. Les investissements dans les capacités déployables, à la fine pointe de la technologie, à guidage de précision et fondées sur le renseignement, ainsi que dans la formation terrestre, maritime et aérienne doivent être solides et permanents. Bien que, en mettant l'accent sur l'éradication de la pauvreté dans le monde, on puisse en faire beaucoup pour créer un monde plus pacifique, notre civilisation ne peut balayer la menace nucléaire sous le tapis. Elle est trop réelle, trop incontrôlable une fois libérée et trop grave pour notre civilisation pour qu'on en fasse une question secondaire.

Dans un article publié récemment dans le Guardian, Martin Rees et Des Browne exhortent la communauté scientifique à contribuer activement à la réduction de l'arsenal nucléaire et au désarmement nucléaire. Ils citent Graham Allison, professeur à l'Université Harvard et directeur de l'école Kennedy, dont les travaux influents sur la théorie décisionnelle et la crise des missiles de Cuba de 1962 sont toujours pertinents dans le cadre des études réalisées dans le monde entier sur la sécurité et la politique étrangère. Il vaut la peine de répéter cette citation :

L'ordre nucléaire mondial est peut-être aussi fragile aujourd'hui que l'était le système financier mondial il y a quelques années. Toutefois, si le régime de non-prolifération s'écroule, il n'y aura pas de plan de sauvetage.

Notre premier ministre, son collègue américain et le président de la Russie ont franchi une étape importante qui fait gagner du terrain et suscite de l'espoir. Au nom de tous les Canadiens, le premier ministre a indiqué son engagement, en tant que président du G8 et coprésident du G20, avec nos amis coréens, à l'égard de l'élargissement du Programme de partenariat mondial pour la conversion des matières fissiles et des sites dangereux dans l'ancienne Union soviétique et ailleurs. Aujourd'hui, le Canada, le Mexique et les États-Unis ont conclu un accord historique avec l'Agence internationale de l'énergie atomique pour la conversion du combustible du réacteur de recherche du Mexique et pour la conversion du réacteur en soi.

Honorables sénateurs, je crois que nous pouvons nous réjouir de la suite des choses. J'espère que nous pourrons adopter sans réfléchir plus longuement la motion dont nous sommes saisis, qui est empreinte de bon sens et porteuse d'espoir.

Le sénateur Dallaire : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Segal : Je serai honoré de répondre à cette question.

Le sénateur Dallaire : Je vous remercie d'avoir parlé de la motion. Cela nous donne l'occasion de la réfuter et d'en débattre.

Je tenais à dire que je trouve intéressant le changement de ton de la part de notre premier ministre de même que les initiatives émanant des États-Unis relativement au désarmement nucléaire. Il y a 18 mois, l'ancien sénateur conservateur Doug Roche a publié son ouvrage sur l'Initiative des puissances moyennes. Le lancement du livre a eu lieu dans le bureau du Président de l'autre endroit. Personne, du cabinet du premier ministre ou du Parti conservateur, n'a osé se présenter au lancement et manifester de l'intérêt à l'égard du travail de Doug Roche.

Je suis le parrain du mouvement Pugwash, que dirige Doug Roche, et le premier ministre ne m'a pas invité au lancement. Je ne suis pas vexé. Il n'a peut-être pas agi pour des raisons d'allégeance politique, mais par ignorance de la profondeur du sujet.

Le sénateur a parlé de M. Diefenbaker et de M. Pearson en ce qui concerne le fait d'avoir ou de ne pas avoir d'armes nucléaires au Canada. Le sénateur n'aura pas oublié que les Forces canadiennes, au sein de l'OTAN, ont maintenu la capacité d'utiliser des armes nucléaires pendant toute cette période; elles maintiennent toujours cette capacité, d'ailleurs. Bien que nous puissions prétendre avoir les mains propres parce que nous ne produisons pas d'armes nucléaires — et nous respirons d'aise parce que nous n'en avons pas sur notre territoire — nous adhérons pleinement aux concepts opérationnels de l'OTAN pour ce qui est de l'utilisation de ces armes par le truchement de nos systèmes d'armement.

Le sénateur Segal : Je comprends que le concept opérationnel existant, à l'OTAN, et il s'agit d'une information qui est dans le domaine public, repose sur une prémisse, celle que plusieurs de nos alliés non américains aient la capacité de lancer des armes nucléaires en cas de conflit. Cette capacité coûte cher à ces pays. Ce ne sont pas de grandes puissances militaires. Les Allemands de l'Ouest et maintenant les Allemands, les Italiens et d'autres font partie de ce dispositif. Ils sont en train de se réoutiller, de réévaluer leurs avions et leurs capacités respectives pour l'avenir. La démarche de l'OTAN visant à actualiser sa conception stratégique sous la présidence d'un ancien secrétaire d'État dans l'administration Clinton et la question de la première frappe nucléaire comme option dans le vaste contexte stratégique, ce sont des sujets de discussion tout à fait d'actualité.

Les opinions que j'exprime sont strictement personnelles. À mon avis, il sera probablement impossible de réduire la présence totale des armes nucléaires dans l'équilibre stratégique, mais la lutte contre la prolifération et l'évaluation d'une large gamme d'options qui ne sont pas...

Son Honneur le Président suppléant : Honorable sénateur Segal, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Dallaire : Pourrions-nous avoir encore cinq minutes pour poser des questions?

[Français]

Son Honneur la Présidente suppléante : Est-ce que les honorables sénateurs consentent à accorder cinq minutes supplémentaires pour permettre à l'honorable sénateur de poser une question?

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Le sénateur Dallaire : J'ai une autre question à poser qui porte sur la place du désarmement et de la non-prolifération dans la grande équation. Nous tâchons d'empêcher la prolifération, mais sans rien faire de vraiment concret sur le plan du désarmement. Les Britanniques ont signé un contrat de 40 milliards de livres pour moderniser leurs sous-marins nucléaires pour accueillir la nouvelle génération de Polaris. Nous parlons de non-prolifération, mais nous maintenons notre capacité nucléaire. C'est une attitude plutôt hypocrite.

L'accord signé récemment entre les États-Unis et la Russie est très encourageant, en ce qui concerne le désarmement.

Le sénateur a soulevé un point à propos du Moyen-Orient. Dans un débat ouvert sur le Moyen-Orient, à une conférence internationale Pugwash, on a demandé au représentant israélien si son pays utiliserait l'arme nucléaire in extremis, s'il perdait une guerre conventionnelle contre des pays voisins. Il a répondu par l'affirmative.

Cela ne maintient-il pas une demande réelle d'armes nucléaires dans le camp adverse, au lieu de favoriser leur élimination dans un effort visant à instaurer la paix au Moyen-Orient?

Le sénateur Segal : Une nouvelle convention sur les armes nucléaires avec un ensemble de partenaires, dont nos amis du Moyen-Orient, pourrait nous donner l'occasion de conclure un accord sur le refus de première frappe entre tous les protagonistes, afin d'atténuer le risque que des armes nucléaires ne soient utilisées à un moment ou l'autre du cycle, avant d'atteindre un certain point crucial.

De toute évidence, la paix et la coopération pacifique entre les pays de la région rendront inutiles l'anticipation ou l'utilisation de toute arme nucléaire. Voilà ce que le Canada réclame et a toujours réclamé en adoptant une position équilibrée au Moyen-Orient. La convention que les Américains souhaitent, avec l'appui de Ban Ki- moon, de l'ONU, et de la Russie, constitue une occasion importante d'enregistrer des progrès.

(Sur la motion du sénateur Dallaire, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)


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