Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 29
Le jeudi 13 mai 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
- Projet de loi sur la parité de genre dans les conseils d'administration
- La Loi sur la Cour suprême
- L'étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis
- Affaires étrangères et commerce
international
- Budget—L'étude sur les questions se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général—Adoption du troisième rapport du comité
- Budget—L'étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes—Adoption du quatrième rapport du comité
- L'étude des questions relatives au cadre actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada
- Les politiques de ressources humaines en santé
- L'ajournement
LE SÉNAT
Le jeudi 13 mai 2010
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Edna Elias, qui a été nommée pour succéder à la commissaire du Nunavut en poste. Mme Elias est originaire de Kugluktuk et est une éminente éducatrice et linguiste. Elle est l'invitée du sénateur Patterson.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Je signale également aux sénateurs la présence à la tribune de M. John Edzerza, ministre de l'Environnement et député à l'Assemblée législative du Yukon. Il est l'invité du sénateur Lang.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Loi sur la citoyenneté
Le soixante-quatrième anniversaire
L'honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, je suis née et j'ai grandi à Montréal, à des milliers de kilomètres de la Grande-Bretagne. Pourtant, selon mon certificat de naissance d'origine, je suis un sujet britannique.
Comme moi et comme certains d'entre vous dans cette Chambre, des millions d'hommes et de femmes sont officiellement britanniques même s'ils ont vu le jour et grandi dans des villes, des villages ou des fermes de notre pays. À une certaine époque, aucune loi ne reconnaissait la citoyenneté canadienne.
Pour les jeunes Canadiens d'aujourd'hui, qui brandissent fièrement leur drapeau et clament leur appartenance canadienne sur la scène du monde, la zone d'ombre qui entourait alors notre citoyenneté doit leur sembler pour le moins aberrante.
Ce mois-ci nous soulignons le 64e anniversaire d'un grand pas franchi par notre pays pour combler ce vide juridique. En mai 1946, la Chambre des communes et le Sénat ont adopté la Loi sur la citoyenneté canadienne. C'était la première fois dans l'histoire du pays qu'une loi établissait clairement la définition et les conditions de la citoyenneté canadienne.
Paul Martin père, alors secrétaire d'État du Canada, est l'artisan et le promoteur de cette loi dont l'idée lui est venue après avoir visité le cimetière militaire canadien à Dieppe. Il y a vu un témoignage tangible du sacrifice consenti par des centaines de jeunes Canadiens sur cette plage d'un autre continent.
[Traduction]
Bien que profonde, l'expérience vécue par M. Martin n'était pas hors du commun. Tout au long de la guerre qui venait de se terminer, des programmes d'éducation et des campagnes de sensibilisation avaient inculqué aux Canadiens, tant les nouveaux arrivants que les Canadiens de naissance, un sentiment de plus en plus marqué d'identité commune et de responsabilité collective de se donner un pays plus fort, plus libre, plus équitable et plus unifié.
La Loi sur la citoyenneté canadienne allait, quant à elle, insuffler à tous les Canadiens le pouvoir de transformation qui naît d'une identité commune. Selon M. Martin, la citoyenneté est plus que le droit de voter, de détenir et de transférer des biens et de se déplacer librement sous la protection de l'État. Il a dit de la citoyenneté qu'elle est « le droit de participer pleinement aux avantages et à l'avenir de la nation »
L'auteur Andrew Cohen se fait l'écho de cette vérité. Il considère avec raison la Loi sur la citoyenneté canadienne comme ce qui pourrait être l'instrument le plus puissant aux fins de l'édification du pays — un élément essentiel d'un processus de quête d'identité nationale qui pourrait nous donner, à terme, un gouverneur général autochtone, un nouveau drapeau, une nouvelle version de l'hymne national et une Constitution renouvelée.
La Loi sur la citoyenneté canadienne a réalisé ce pouvoir parce que, de l'avis de M. Martin, elle s'appuyait sur un sentiment nationaliste des plus sincères, un sentiment qui a poussé les Canadiens à créer une nationalité qui n'était pas fondée sur le sang et l'ethnie, mais bien sur les droits et les obligations, une citoyenneté accueillante et inclusive plutôt que peu engageante et exclusive, une société qui a su résister et s'enraciner dans notre pays au cours des 64 dernières années.
La Journée de reconnaissance de la Force aérienne
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, nous avons beaucoup entendu parler récemment de la Marine canadienne, à juste titre d'ailleurs puisque la marine célèbre son centenaire cette année. Les sénateurs se souviendront que nous avons célébré l'an dernier le centenaire de l'aviation au Canada.
Aujourd'hui, honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la tenue de la Journée de reconnaissance de la Force aérienne sur la Colline du Parlement. Une réception aura lieu le 25 mai prochain, soit le premier mardi suivant notre semaine de relâche. J'espère que tous les sénateurs se joindront à moi pour remercier les hommes et les femmes qui servent dans nos forces armées, et tout particulièrement ceux qui portent l'uniforme bleu de l'Aviation royale du Canada.
Honorables sénateurs, l'Aviation royale du Canada a été officiellement créée le 1er avril 1924. Des équipages canadiens avaient déjà servi dans le Royal Flying Corps et le Royal Navy Air Service de l'armée britannique pendant la Première Guerre mondiale. Ils étaient également connus comme formant l'Aéronavale. Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'Aviation royale du Canada était la quatrième force aérienne en importance des pays alliés, ayant atteint un sommet de 200 000 membres, alors que la Force aérienne actuelle compte environ 14 500 membres. C'est grâce à de grands efforts, de la persévérance et du courage que l'Aviation royale du Canada a pu devenir la fière organisation qu'elle est aujourd'hui.
L'Aviation royale du Canada est maintenant connue sous le nom de Commandement aérien des Forces canadiennes, qui constitue une composante importante des Forces armées canadiennes. Elle fournit beaucoup de services importants, y compris des opérations de recherche et de sauvetage, un appui militaire et la formation du personnel de l'OTAN. L'Aviation royale du Canada est aussi active sur la scène internationale, notamment en faisant le transport du personnel militaire, du matériel et de l'aide humanitaire dans de nombreux coins de la planète, et elle est très active dans les missions du NORAD et de l'OTAN. L'Aviation royale du Canada assume depuis peu de nouvelles responsabilités en Afghanistan par suite de la création de l'escadre aérienne de Kandahar. L'Aviation royale du Canada a également joué un rôle très important dans la mission des Forces armées canadiennes en Haïti.
L'année 2010 marque le 40e anniversaire du 431e escadron de démonstration aérienne, mieux connu sous le nom de Snowbirds. La saison des spectacles de cette année a officiellement commencé hier et se poursuivra avec 56 autres performances au Canada et aux États-Unis. Les honorables sénateurs seront intéressés de savoir que 2010 est une année significative pour les Snowbirds sur un autre plan : à la suite d'une restructuration organisationnelle, le lieutenant-colonel Maryse Carmichael est devenue la première femme à commander cet escadron.
(1340)
J'espère que les sénateurs prendront le temps de passer à la pièce 256-S, entre 17 heures et 19 heures, le mardi 25 mai, afin de remercier les membres de l'Aviation canadienne pour tout le bon travail qu'ils accomplissent pour préserver notre sécurité.
L'organisme de réglementation des commissions des valeurs mobilières
L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, hier, pendant la période des questions, le sénateur Hervieux-Payette a posé une question au leader du gouvernement au Sénat sur nos plans concernant un organisme national des valeurs mobilières. Voici une partie de son intervention :
[...] le premier ministre s'entête à vouloir créer une commission unique contre la volonté, les intérêts et le gros bon sens des provinces, notamment le Québec. Devant l'opposition de plus en plus croissante d'entreprises chefs de file du Québec, madame le ministre peut-elle nous dire quand son gouvernement, et surtout son premier ministre, entend revenir sur ce projet non souhaité ni souhaitable [...]
C'est une position assez étonnante de la part d'une personne qui était membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce en 2006, lorsque ce comité a publié son rapport sur la protection des consommateurs dans le secteur des services financiers. C'est une position assez étonnante de la part d'un sénateur qui était membre de ce comité à l'époque où son parti formait la majorité au comité et au Sénat et où le comité était présidé par un sénateur libéral. Le comité comptait aussi d'autres sénateurs libéraux du Québec parmi ses membres, soit les sénateurs Biron, Goldstein et Massicotte. Le sénateur Angus, du caucus conservateur et également du Québec, était vice-président du comité à l'époque.
Dans ce rapport, le comité faisait la recommandation suivante :
Que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file et invite les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les commissions des valeurs mobilières du Canada à se réunir d'ici le 30 juin 2007 au plus tard, pour se doter d'un organe commun de réglementation des valeurs mobilières. Dans l'intervalle, les efforts d'harmonisation de la réglementation des valeurs mobilières doivent s'intensifier.
Dans la question complémentaire qu'elle a posée hier, madame le sénateur a continué de critiquer ce qu'elle avait déjà recommandé en demandant ceci :
Quand madame le leader du gouvernement déposera-t-elle une étude prouvant, au-delà de tout doute raisonnable, que nous avons besoin d'un tel organisme et que cette initiative ne vise pas des objectifs purement politiques?
La réponse est que l'étude a été déposée en 2006 par un comité dont elle était un membre actif. Pour ce qui est de l'utilisation de cette question à des fins purement politiques, je crois que l'on peut voir assez clairement, à la lumière de ce que je viens de dire, qui exactement se livre à ce genre de manœuvre.
Les services du Sénat
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous remercier de tous les gestes de courtoisie que vous avez posés à mon endroit depuis mon arrivée au Sénat il y a neuf ans. Je vous remercie de votre appui et de votre amitié.
Je remercie aussi tout le personnel du Sénat, que ce soit les gens qui veillent à rendre notre lieu de travail très confortable, ceux qui travaillent au restaurant parlementaire ou encore les personnes, ici même et à l'extérieur du Sénat, qui ont eu la patience de me donner régulièrement de la formation.
Je dois également remercier le personnel chargé de la technologie de l'information au Sénat d'avoir toujours eu la patience de m'apprendre des choses et de répondre à toutes mes demandes de mise à niveau des logiciels dans mon bureau. Vous nous avez permis, à moi et à mon personnel, de continuer de travailler à différents projets.
Honorables sénateurs, lorsque j'ai été appelée pour servir mon pays au Sénat, je me suis d'abord réjouie, mais la réalité m'a vite rattrapée. Je n'ai jamais vécu seule. Lorsque j'ai quitté la maison maternelle, je suis allée vivre dans ma belle-famille. J'ai donc dû développer une foule de nouvelles compétences pour pouvoir vivre seule à Ottawa.
Je remercie Géraldine Lavoie, mon professeur de français, de même que Linda Clifford et Ralph Dashney, de l'aide qu'ils m'ont apportée.
Je remercie particulièrement les hommes et les femmes du Service de sécurité du Sénat. Ils ont fait bien plus pour moi que ne leur en demandent leurs fonctions. Ils m'ont enseigné à conduire dans la neige et ils m'ont même conseillée quant au type de vêtements à porter en hiver; ils ont partagé leur repas avec moi et ils m'ont lancé des ultimatums : soit de rentrer chez moi, soit de passer la nuit dans mon bureau lorsque le temps était mauvais. Ils ont aussi pris leur voiture pour raccompagner mes invités à leur hôtel par mauvais temps. Plus que tout, ils m'ont servi de famille à Ottawa. Comme c'est le cas dans toutes les familles, je leur ai causé bien des soucis. À l'instar des autres sénateurs, j'ai l'habitude de venir au bureau à toutes sortes d'heures. Après ma nomination au Sénat, en 2001, j'avais une grande quantité de documents à apporter à mon bureau. J'ai donc eu la brillante idée de garer ma voiture sur la rue O'Connor et de déposer mes boîtes de documents près de la porte du Sénat, sur la rue Wellington.
J'avais beaucoup de boîtes. Je les prenais une par une dans ma voiture, puis je courais les déposer bruyamment près de la porte. Lorsque je suis arrivée près de la porte avec ma cinquième boîte, les gardiens du Service de sécurité du Sénat m'ont entourée, se demandant ce qui se passait. Je ne sais pas qui, d'eux ou de moi, était le plus étonné. Ils m'ont dit aussi calmement qu'ils le pouvaient qu'il était inutile que je fasse autant de bruit, que j'aurais pu leur demander de m'aider. C'est vrai, j'ai causé bien des soucis aux gens qui nous protègent.
Aujourd'hui, je tiens à remercier particulièrement Gilles Duguay, le directeur général, et son personnel des Services de la Cité parlementaire. Il n'y a pas longtemps, alors que je sortais de l'édifice du Centre en compagnie de mon fils et de mon petit-fils, j'ai eu une expérience désagréable qui n'a pas encore été élucidée. M. Duguay m'a écoutée, m'a défendue, et, surtout, il a compris ma peine. Mon petit-fils venait de voir quelqu'un s'adresser impoliment à sa grand- mère là où elle travaille. Ayaan me demande encore pourquoi la policière a été aussi impolie à mon égard.
Pour aider Ayaan à oublier l'incident, les employés du Service de sécurité du Sénat lui ont donné sa propre carte d'identité et se sont montrés gentils à son égard. Ayaan porte fièrement sa carte lorsqu'il vient me voir à Ottawa.
Je remercie Gilles Duguay et le sénateur Furey de leur aide dans cette affaire. Je remercie aussi tous les employés du Service de sécurité du Sénat et des Services de la Cité parlementaire de m'avoir aidée à faire d'Ottawa mon deuxième chez-moi.
Le commissaire des Territoires du Nord-Ouest et la commissaire du Nunavut
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, deux nominations impressionnantes ont été annoncées cette semaine à Ottawa. Le mardi 11 mai, M. George Tuccaro a été nommé commissaire des Territoires du Nord-Ouest. C'est le premier ministre Harper lui-même qui l'a présenté. Le lendemain, Mme Edna Elias, qui est mon illustre invitée au Sénat aujourd'hui, a été nommée commissaire du Nunavut.
J'ai la chance de connaître George Tuccaro et Edna Elias depuis plusieurs années. Je félicite le premier ministre d'avoir eu la sagesse de faire ces deux excellentes nominations et aussi d'avoir annoncé qu'il considère les commissaires des territoires comme les égaux des lieutenants-gouverneurs des provinces. Ceci représente une autre grande étape de l'évolution constitutionnelle des territoires.
George Tuccaro, animateur de longue date à la CBC, a toujours été très apprécié. C'est un grand conteur au sens de l'humour finement développé qui prend à cœur la situation de ses concitoyens et qui est fier de ses racines métisses. M. Tuccaro a été animateur à la radio de la CBC à Yellowknife pendant de nombreuses années. Il a animé Trail's End, une émission fort écoutée de l'après-midi, au début des années 1990. Il terminait chaque émission en lançant sa célèbre phrase :
N'oubliez pas de vérifier la date de péremption de votre bacon!
J'ai connu Mme Elias, qui a grandi à Kugluktuk, anciennement appelée Coppermine, au début des années 1980, alors qu'elle était fraîchement diplômée du programme d'enseignement. Elle avait accepté un poste d'enseignante très éloigné, dans la baie de l'Arctique, sur la côte nord de l'île de Baffin. Des années plus tard, elle est rentrée enseigner à Kugluktuk et est rapidement devenue directrice de l'école. En tant qu'enseignante et directrice, Edna encourageait l'enseignement de l'inuinnaqtun dans son école. J'ai plus tard travaillé avec Mme Elias quand elle dirigeait le Bureau des langues du ministère de la Culture et des Communications du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Elle est considérée comme une championne de la langue inuinnaqtun, le dialecte inuit de la région de Kitikmeot.
Quant à notre députée du Nunavut, l'honorable Leona Aglukkaq, lors de la nomination de Mme Elias, elle a dit ce qui suit :
Sa détermination à préserver et à promouvoir l'inuinnaqtun au Nunavut au fil des ans manifeste son dévouement à l'égard des Nunavummiut.
En accueillant Mme Elias au Sénat aujourd'hui, j'aimerais féliciter le premier ministre des excellents choix qu'il a faits pour doter ces postes importants et du respect qu'il témoigne à l'égard du nouveau statut des territoires. Je considère qu'il s'agit d'une autre étape vers la mise en œuvre de l'autonomie gouvernementale dans le cadre de la Stratégie pour le Nord de notre gouvernement.
Il me tarde de travailler avec les commissaires Tuccaro et Elias en vue de poursuivre le développement politique et économique du Nord et il me tarde de travailler avec le premier ministre et son gouvernement, gouvernement qui reconnaît l'énorme potentiel du Nord pour créer de la richesse et renforcer la souveraineté canadienne dans l'Arctique.
En terminant, j'aimerais rendre hommage à Mme Ann Meekitjuk Hanson, qui a récemment pris sa retraite à titre de commissaire. Elle s'est acquittée de ses fonctions avec dévouement et passion. Mme Hanson a apporté à son travail l'expérience qu'elle avait auparavant accumulée à titre de travailleuse sociale, communicatrice, militante communautaire, comédienne et mère.
Je voudrais également rendre hommage au commissaire des Territoires du Nord-Ouest à la retraite, mon ancien collègue du Cabinet et ami, Tony Whitford, qui a accumulé une solide expérience dans divers domaines, notamment à titre de député de l'Assemblée législative et ministre du Cabinet des Territoires du Nord-Ouest. Son humour et son zèle ont empreint le poste de commissaire de dignité et d'une grande dimension humaine.
Le hockey
L'honorable Bert Brown : Honorables sénateurs, les matchs de hockey deviennent de plus en plus passionnants. De l'autre côté du Sénat, nous voyons le sénateur Mahovlich, qui était un excellent joueur de hockey. Il convient de mentionner qu'il y a, à l'autre endroit, un député nommé Ken Dryden, qui est également un excellent gardien de but. Dans cette enceinte, cependant, nous pouvons être fiers de compter parmi nous le grand entraîneur Jacques Demers, qui a gagné la Coupe Stanley.
(1350)
AFFAIRES COURANTES
L'étude de la proposition relative aux frais d'utilisation
Proposition de Santé Canada soumise au Parlement au sujet des frais d'utilisation et des normes de service pour les programmes des médicaments pour usage humain et des matériels médicaux—Présentation du quatrième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, vice-président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, présente le rapport suivant :
Le jeudi 13 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son
QUATRIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été référé le document « Proposition de Santé Canada soumise au Parlement au sujet des frais d'utilisation et des normes de service pour les programmes des médicaments pour usage humain et des matériels médicaux », a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 13 avril 2010, étudié la nouvelle proposition aux frais d'utilisation et, conformément à l'article 5 de la Loi sur les frais d'utilisation, recommande son approbation.
Respectueusement soumis,
Le vice-président,
KELVIN KENNETH OGILVIE
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Ogilvie, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
La sécurité publique
Les listes des passagers des sociétés aériennes
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Hier, l'Ottawa Citizen rapportait que notre commissaire adjointe à la protection de la vie privée du Canada, Chantal Bernier, avait exprimé des préoccupations au sujet du programme américain Secure Flight, qui exigerait des sociétés aériennes du Canada qu'elles fournissent des renseignements personnels au sujet des passagers qui ne font que survoler les États-Unis pour se rendre ailleurs, par exemple dans les Caraïbes. Ces renseignements sur les passagers canadiens seront remis au département américain de la Sécurité intérieure. Nos lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels ne s'appliqueront pas dans ce cas.
En 2007, le gouvernement de madame le leader a fait savoir à l'administration américaine qu'il craignait que l'information recueillie en vertu de ce programme soit divulguée et utilisée à des fins autres que la sécurité aérienne, par exemple pour le maintien de l'ordre et le contrôle de l'immigration. On peut présumer qu'il existe aussi des lois américaines concernant les pays de destination de certains voyageurs, comme Cuba.
En janvier 2010, CBC/Radio-Canada nous apprenait que les États-Unis s'étaient dits disposés à supprimer cette exigence du programme Secure flight si le Canada créait un système de contrôle équivalent. Selon CBC/Radio-Canada, des discussions ont été entamées entre les deux pays à la suite de cette proposition, mais ne semblent pas avoir abouti à une entente. Les transporteurs aériens fourniront donc l'information demandée au gouvernement des États-Unis.
Pourquoi le gouvernement a-t-il été incapable d'obtenir une exemption en vue d'assurer la protection des renseignements personnels des Canadiens, une protection qui est prévue par la loi, au Canada, et pourquoi ces discussions ont-elles échoué?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. J'ai lu l'article dont parle le sénateur, mais je n'ai pas assez de détails pour juger de sa validité, et je ne sais pas où en sont les négociations concernant les listes de passagers. Si le sénateur le permet, je prends note de sa question, parce que c'est un sujet assez complexe et que bien des éléments entrent en ligne de compte dans cette affaire.
Le sénateur Cowan : J'apprécie que madame le leader s'engage à le faire. C'est une question importante et j'ai hâte d'entendre sa réponse.
Je me demande si madame le leader pourrait, en même temps, vérifier quelles sont les dispositions de la Loi sur la sécurité publique, qui a été adoptée au Parlement à la suite des événements du 11 septembre, qui traitent précisément de l'emprunt de l'espace aérien d'autres pays. La proposition du gouvernement, qui a été adoptée par le Parlement, prévoyait précisément la protection de tels renseignements et imposait des restrictions quant au type d'information qui pourrait être fournie et à l'usage que des gouvernements ou organismes gouvernementaux étrangers pourraient en faire.
Cette question n'est pas apparue comme un cheveu sur la soupe. C'était prévu, et des mécanismes de protection ont été intégrés aux dispositions de la Loi sur la sécurité publique. Je prierais madame le leader d'aborder également ces préoccupations lorsqu'elle se renseignera sur cette question.
Le sénateur LeBreton : Je n'y manquerai pas. Je suis persuadée que nous pourrons obtenir la réponse rapidement. Je suis assez satisfaite de la diligence avec laquelle mes collègues du Cabinet répondent aux questions posées par les sénateurs. J'espère que je pourrai bientôt fournir la réponse au sénateur.
Le Conseil du Trésor
Les nominations faites par la Commission de la fonction publique
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, il semble que le gouvernement conservateur ne tienne pas compte des règles qui régissent le processus d'embauche des employés fédéraux. On a appris que la Société d'expansion du Cap-Breton avait embauché des conservateurs pour occuper plusieurs postes après que le ministre MacKay eut nommé un confrère conservateur de New Glasgow, en Nouvelle-Écosse, au sein de cette société. Ces postes sont occupés par d'anciens employés et des candidats défaits du Parti conservateur.
Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle expliquer pourquoi ces emplois n'ont pas été annoncés et pourquoi le gouvernement ne se conforme pas à ses propres règles en matière de lobbying et d'embauche?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Je ne suis pas au courant des circonstances particulières que le sénateur vient d'exposer. Toutefois, je peux lui donner l'assurance que le gouvernement prend au sérieux la Loi fédérale sur la responsabilité et le processus d'embauche et de nomination des employés. Les candidats font l'objet d'une présélection et d'une entrevue.
Je ne suis pas au courant du cas mentionné par le sénateur, mais je serai heureuse d'obtenir de plus amples détails.
Le sénateur Comeau : Envoyez Frank Graves.
Le sénateur Mercer : Je remercie madame le leader de son initiative.
Il est plutôt curieux que la Société d'expansion du Cap-Breton ait embauché un ancien employé du ministre MacKay, Allan Murphy, qui avait été défait en tant que candidat conservateur dans la circonscription de Cape Breton—Canso lors des dernières élections fédérales. Elle a embauché M. Murphy pour qu'il occupe le poste de directeur des relations gouvernementales et de la défense des intérêts, au bureau de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, situé au centre-ville d'Ottawa.
Toutefois, en novembre dernier, Wayne Wouters, le greffier du Conseil privé, le plus haut fonctionnaire du pays, a envoyé la note de service suivante à tout le monde :
Le gouvernement estime par ailleurs qu'il est préférable, dans l'intérêt public et par souci de responsabilisation, que les responsables de ces organisations traitent directement et ouvertement avec leur ministre responsable et ses représentants, et que le recours à des lobbyistes-conseils à cet effet est à la fois inutile et un gaspillage de fonds publics.
Lorsque le Parti progressiste-conservateur et l'Alliance réformiste canadienne ont fusionné, Peter MacKay était le chef du Parti progressiste-conservateur et on considérait alors qu'il était très influent. Maintenant que les conservateurs sont au pouvoir depuis un certain temps, il semble que M. MacKay ne soit plus aussi influent que ne l'espérait la Nouvelle-Écosse.
(1400)
M. MacKay engage des lobbyistes pour des sociétés d'État. Il est responsable de faire du lobbying auprès du gouvernement pour lequel il travaille. C'est une situation confuse.
Pourquoi le ministre enfreint-il les propres règles du gouvernement en engageant des lobbyistes pour faire la promotion des sociétés d'État?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, cette question est bizarre. Le sénateur accuse le ministre Peter MacKay de s'ingérer personnellement dans l'embauche du personnel de la Société d'expansion du Cap-Breton et, l'instant d'après, il dit que M. MacKay n'a aucun pouvoir.
Le sénateur Comeau : C'est contradictoire.
Le sénateur LeBreton : La citation de Wayne Wouters, greffier du Conseil privé, que le sénateur Mercer a lue est exacte. Ce sont les lignes directrices suivies par le gouvernement. Le sénateur émet l'hypothèse que, parce qu'Allan Murphy, qui est né et habite au Cap-Breton, s'est porté candidat à une élection, il devrait être exclu. Seuls des candidats qualifiés sont nommés et embauchés; ils ne seraient pas embauchés s'ils n'étaient pas qualifiés.
Je n'ai pas tous les détails, mais je connais personnellement Allan Murphy. C'est un homme très qualifié, un fier Néo-Écossais qui exploitait un journal. Lui et sa femme Helen ont une merveilleuse famille. Je suis heureuse de savoir qu'il a obtenu le poste. Il fera un excellent travail. Je remercie le sénateur de m'en avoir informée.
Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, je suis heureux de voir que madame le leader se réjouit du fait que quelques-uns de ses amis conservateurs ont obtenu un nouvel emploi.
Cependant, des règles ont été enfreintes. Il n'y a pas eu d'annonce. Les lignes directrices du Conseil du Trésor interdisent aux sociétés d'État d'embaucher des lobbyistes externes afin de faire leur promotion auprès du gouvernement.
Les règles interdisent aux organismes gouvernementaux d'embaucher des lobbyistes, mais l'APECA en a embauché un qui a le poste de directeur des relations gouvernementales au bureau d'Ottawa de l'APECA. Le gouvernement enfreint les lignes directrices du Conseil du Trésor ainsi que son propre code d'éthique.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne comprends pas comment le sénateur peut confondre le fait qu'Allan Murphy ait obtenu son poste et l'embauche d'un lobbyiste par le gouvernement. Le gouvernement respecte rigoureusement un ensemble clair de lignes directrices. C'est pourquoi nous avons créé le poste de commissaire au lobbying. Si le sénateur Mercer croit avoir un sujet de préoccupation légitime, il peut en faire part à la commissaire au lobbying.
Les ressources humaines et le développement des compétences
Le Fonds pour l'accessibilité
L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, le gouvernement du Canada a déclaré ceci :
Dans le cadre d'un engagement financier de 45 millions de dollars sur trois ans visant à offrir plus de possibilités aux personnes handicapées, le Fonds pour l'accessibilité soutient des projets communautaires au Canada qui améliorent l'accessibilité, atténuent les obstacles et permettent aux Canadiens, quelles que soient leurs capacités physiques, de participer à la vie et à l'économie de leur collectivité et d'y contribuer. Les projets approuvés seront étroitement liés aux collectivités qu'ils servent et recevront un solide appui de ces dernières.
Ce sont là des buts louables, et je crois que tous les sénateurs en conviennent. Hier, il était merveilleux de voir les sénateurs Kochhar et Munson passer la journée en fauteuil roulant. Je suis convaincue qu'ils nous diront que cette journée en fauteuil roulant a été fort éprouvante.
Malheureusement, il semble que, lorsqu'ils demandent une aide financière pour ces projets, les intéressés ne soient pas évalués en fonction de leurs liens étroits avec la collectivité, mais plutôt en fonction de leurs liens étroits avec le Parti conservateur. Les chiffres révèlent que 67 p. 100 du financement accordé lors de la deuxième distribution du Fonds pour l'accessibilité a été versé dans des circonscriptions conservatrices par la ministre responsable des Canadiens souffrant d'une invalidité.
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Cordy : Il est consternant de voir le gouvernement s'adonner à des jeux politiques aux dépens des personnes handicapées. Pourquoi le gouvernement continue-t-il de donner la priorité aux considérations politiques plutôt qu'aux gens?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur Cordy est complètement dans l'erreur.
Le sénateur Comeau : Comme d'habitude.
Le sénateur LeBreton : Je regrette qu'un programme aussi merveilleux que le Fonds pour l'accessibilité, qui a été mis sur pied par notre gouvernement, fasse l'objet d'attaques et que quelqu'un soit accusé d'exploiter à des fins politiques le fait que, malheureusement, des personnes souffrent d'un handicap.
Le 11 mars, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées. Nous sommes fiers d'avoir participé à l'élaboration de ce document.
Nous avons créé le Régime enregistré d'épargne-invalidité pour aider les parents et d'autres personnes à assurer la sécurité financière à long terme d'un enfant handicapé. L'année dernière, l'organisme Planned Lifetime Advocacy Network a remis au premier ministre une carte de membre à vie pour avoir créé ce régime.
Le Fonds d'accessibilité a vu le jour dans le budget de 2007. Le budget de cette année propose d'augmenter le fonds d'un montant supplémentaire de 45 millions de dollars, sur trois ans. Le Plan d'action économique du Canada prévoit 75 millions de dollars pour la construction de logements sociaux destinés aux personnes handicapées, ainsi que 20 millions de dollars par année, sur une période de deux ans, pour rendre plus accessibles les édifices qui appartiennent au gouvernement fédéral.
La Prestation fiscale pour le revenu de travail inclut un supplément pour les personnes handicapées. Par ailleurs, nous avons augmenté le nombre de dépenses admissibles aux fins du Crédit d'impôt pour frais médicaux. Des ententes relatives au marché du travail ont aussi été signées pour les personnes handicapées, afin de les aider à intégrer ou à réintégrer le marché du travail.
Les fonds sont distribués aux personnes dans le besoin. Les accusations du sénateur portant qu'ils ont été distribués en fonction de considérations politiques sont absolument sans fondement.
Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, j'aimerais bien me tromper. Malheureusement, lors de la deuxième distribution de fonds, 3 926 913 $ ont été versés dans des circonscriptions conservatrices, comparativement à 574 922 $ dans des circonscriptions libérales et à 888 913 $ dans des circonscriptions néo-démocrates. Les faits parlent d'eux-mêmes.
Madame le leader nous dit que le gouvernement se soucie des personnes handicapées. Nous devrions tous nous en soucier. Il est malheureux que le bureau de circonscription de la ministre Finley ne soit pas accessible aux personnes handicapées. En plus du financement pour l'exploitation de son bureau de circonscription, la ministre reçoit 17 000 dollars en prime tous les ans en raison de la grande taille de sa circonscription.
Honorables sénateurs, en réponse à une question posée par le sénateur Munson, le 16 avril 2008, à propos du Fonds pour l'accessibilité, le sénateur LeBreton a dit, comme on peut le lire à la page 1149 des Débats du Sénat :
Il importe que le gouvernement finance des installations partout au Canada. Je ne crois pas qu'il conviendrait d'agir de façon discriminatoire à l'égard de personnes handicapées pour la simple raison qu'une installation serait située dans la circonscription de tel ou tel député, qu'il soit libéral, conservateur ou néo-démocrate.
Quel beau sentiment.
Je viens de parler du deuxième cycle de financement, mais, ce jour- là, le sénateur Munson s'enquérait du premier cycle. La première année, 35,8 millions de dollars ont été déboursés dans le cadre du programme; sur cette somme, 33,9 millions de dollars ont bénéficié à des circonscriptions conservatrices. Autrement dit, 94,5 p. 100 du financement a été octroyé à des circonscriptions représentées par des députés conservateurs. La deuxième année, comme je l'ai dit plus tôt, 3 millions de dollars — presque 4 millions — ont été accordés à des circonscriptions conservatrices, ce qui représente 67 p. 100 du financement.
(1410)
Honorables sénateurs, les Canadiens handicapés méritent mieux. Leur admissibilité au financement ne devrait pas dépendre de l'allégeance politique de leur député. Tous les Canadiens handicapés méritent notre aide, où qu'ils vivent. Leur emplacement géographique et leur choix au scrutin ne devraient pas jouer dans la balance.
Pourquoi le gouvernement persiste-t-il à privilégier les intérêts du Parti conservateur au détriment de ceux des Canadiens handicapés?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, l'argent consacré par le gouvernement dans le cadre du Fonds pour l'accessibilité est accordé à ceux qui l'ont demandé et qui en ont besoin. L'endroit où ils vivent n'importe pas. Ce n'est même pas un critère.
Nous ne choisissons pas les projets en fonction de la carte électorale. Je répugne à le dire, mais madame le sénateur Cordy a tenu des propos similaires lors du relais olympique. Elle nous a accusés de faire passer le relais seulement dans les circonscriptions conservatrices. Regardez la carte du Canada, honorables sénateurs. On ne pourrait porter le drapeau nulle part au pays si on ne passait pas par des circonscriptions conservatrices parce que tout le pays est représenté par des conservateurs.
Des voix : Bravo!
Le sénateur LeBreton : Si une personne voulait seulement passer dans les circonscriptions libérales, elle devrait rester dans les centres- villes de Toronto et de Montréal.
Il est complètement ridicule d'insinuer qu'un gouvernement choisirait de financer des installations et d'aider des gens en fonction de la personne qui représente la circonscription où ils se trouvent. Ce n'est même pas un facteur, et madame le sénateur devrait le savoir.
[Français]
L'environnement
Les changements climatiques
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Madame le leader, nous accueillions hier, à la tribune du Sénat, le secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon. Son passage ici confère au Canada un grand honneur.
M. Ban Ki-moon a attiré l'attention du gouvernement canadien sur son inaction dans le dossier des changements climatiques. Il invite le Canada, et je cite :
[...] à respecter intégralement les cibles prévues dans le protocole de Kyoto [...] bonifier les cibles de réduction pour le futur.
Une telle inaction est indigne de la part du gouvernement d'un pays hôte des sommets du G8 et du G20.
Pourquoi ce gouvernement ne fait-il pas preuve de plus de leadership en matière de changements climatiques?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous avons été évidemment très heureux de la visite du secrétaire général Ban Ki-moon au Canada. La position de notre gouvernement en matière d'environnement est claire. Nous appuyons l'Accord de Copenhague. Pour la première fois, un accord sur les changements climatiques inclut tous les grands émetteurs. Cela renforce ce que nous avons toujours dit, à savoir que nous ne pouvons pas nous pencher sur la question des changements climatiques si les grands émetteurs ne sont pas à la table.
Pour ce qui est de la suggestion du secrétaire général voulant que la question des changements climatiques soit inscrite à l'ordre du jour du G8 et du G20, le premier ministre a déjà dit, lors d'une conférence de presse en Europe, que cette question serait évidemment abordée dans le cadre de ces deux sommets. Toutefois, le sommet du G8 portera principalement sur la santé de la mère et de l'enfant. Le rétablissement économique et la création d'emplois seront deux autres questions importantes qui seront abordées à juste titre à ces sommets.
[Français]
Le sénateur Tardif : M. Ban Ki-moon a également dit :
[...] que les changements climatiques ne sont pas quelque chose qu'on peut mettre entre parenthèses à cause de la crise financière.
Quand le gouvernement mettra-t-il en place de véritables mesures de relance économique soutenant les technologies vertes et combattant les changements climatiques?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Les propos du secrétaire général des Nations Unies ne sont pas nouveaux. Il répète ce qu'il a déjà dit ou ce qu'a déjà dit son prédécesseur.
Ces observations ont, bien sûr, été faites à Copenhague, et nous savons tous ce qui s'est passé au cours de cette rencontre. Ce n'est qu'après que les principaux émetteurs eurent finalement accepté de s'asseoir à la table de négociation qu'on a pu conclure une quelconque entente. Le secrétaire général a droit à son opinion, et les sénateurs d'en face semblent croire qu'il s'agit de la voie à suivre.
Le gouvernement s'engage en fait dans deux voies. Considérant le rôle du ministre de l'Environnement dans l'Accord de Copenhague et le travail que nous effectuons en collaboration avec nos voisins du Sud en ce qui concerne notre politique environnementale, nous estimons que nous avons déjà fait une annonce importante au sujet des émissions des automobiles.
Parallèlement à cela, comme le Canada accueille le G8 et qu'il participe activement au redressement de la situation économique à la suite du ralentissement de l'économie mondiale, nous continuerons, comme nous l'avons fermement annoncé depuis le début, à nous concentrer sur la vraie priorité des Canadiens, à savoir l'économie, l'emploi et les moyens de subsistance des gens de ce pays.
L'agriculture
L'aide aux éleveurs de bétail de l'Alberta
L'honorable Joyce Fairbairn : Honorables sénateurs, c'est avec énormément d'inquiétude que je m'adresse aujourd'hui au leader du gouvernement au Sénat. Je ne sais pas si elle a entendu parler de ce qui se passe actuellement dans le Sud-Ouest de l'Alberta, à proximité des Rocheuses. Des milliers de bovins sont victimes du froid et d'attaques d'autres animaux.
Le comté de Cardston, dans le Sud de l'Alberta, s'est déclaré zone sinistrée. Cette mesure permet aux autorités du comté de chercher une solution financière rapide pour aider les éleveurs affectés à récupérer au moins une partie de leurs capitaux. Cette situation désastreuse est en partie attribuable à la baisse de température dans nos montagnes, qui a amené les animaux sauvages à s'attaquer au petit bétail.
Il faut intervenir rapidement, et j'exhorte ma collègue à discuter de la question avec les membres du Cabinet pour que le gouvernement aide les éleveurs et les gens de la région de Cardston, qui se trouve non loin de Lethbridge. C'est là que vivent ces éleveurs et le bétail constitue leur gagne-pain. Il serait fort opportun que le gouvernement du Canada agisse rapidement dans ce dossier.
(1420)
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, l'industrie agricole traverse des périodes difficiles à cause des éléments naturels. Au fil des ans, il semble que les agriculteurs ont eu leur lot de difficultés, que ce soit dans les secteurs bovin ou porcin, ou de la culture du blé ou des oléagineuses. Comme madame le sénateur Fairbairn le sait sans doute, Agriculture Canada offre des programmes d'aide, qui pourraient être utiles dans le cas présent; je suis certaine que le gouvernement provincial offre également des programmes.
Je vais faire part des préoccupations du sénateur Fairbairn à mon collègue et ministre de l'Agriculture, l'honorable Gerry Ritz, dont je suis très fière. Des intervenants de l'ensemble du secteur agricole canadien ne tarissent pas d'éloges à son sujet. Le ministre travaille extrêmement fort, notamment pour rencontrer directement les agriculteurs partout au Canada et, de ce fait, nous répondons adéquatement aux besoins de l'industrie agricole canadienne. Je vais également vérifier si un programme gouvernemental particulier s'applique à ce cas.
Le sénateur Fairbairn : Honorables sénateurs, je remercie madame le ministre de ses observations. Je n'ai jamais rien vu ou entendu d'aussi affligeant que ce qui s'est produit au cours des 48 dernières heures. En gros, il ne sert à rien d'attendre. Un grand nombre de ces animaux sont morts et ceux qui restent sont sur le point de connaître le même sort.
Le sénateur LeBreton : Je ne suis pas au courant des derniers détails. Toutefois, ayant grandi dans une ferme, je connais très bien l'ampleur des dommages catastrophiques que peut causer un tel incident ou l'apparition soudaine d'une maladie qui décime un troupeau en entier. Je vais porter cette affaire sans tarder à l'attention du ministre de l'Agriculture.
[Français]
Réponses différées à des questions orales
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer les réponses aux questions posées par l'honorable sénateur Segal, le 31 mars 2010, concernant la participation militaire à l'étranger et par les honorables sénateurs Chaput et Peterson, le 20 avril 2010, concernant les transports, la fermeture de bureaux de Postes Canada — les services bilingues.
Les affaires étrangères
La participation militaire à l'étranger
(Réponse à la question posée le 31 mars 2010 par l'honorable Hugh Segal)
On ne fera aucune mission de combat militaire sans qu'il y ait d'abord un débat et un vote en bonne et due forme au Parlement. Nous avons suivi ce principe pour la situation en Afghanistan, et nous le suivrons aussi pour toute éventuelle mission de combat touchant nos militaires canadiens.
Les transports
La fermeture de bureaux de Postes Canada—Les services bilingues
(Réponse à la question posée le 20 avril 2010 par l'honorable Maria Chaput)
Postes Canada ne ferme pas l'emplacement de Saint Boniface, mais projette de changer l'emplacement du bureau de poste pour un emplacement situé dans un rayon de moins de 500 mètres, à l'intérieur du quartier. Si ce changement a lieu, Postes Canada continuera de respecter ses obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles et d'offrir des services bilingues au bureau de poste.
(Réponse à la question posée le 20 avril 2010 par l'honorable Robert W. Peterson)
Le 12 septembre 2009, le gouvernement du Canada a annoncé la création du Protocole du service postal canadien selon lequel Postes Canada doit continuer à offrir des services postaux sur lesquels les Canadiens peuvent compter, à maintenir un service rural et à assurer la protection du courrier qu'ils lui confient. La prestation de services postaux aux régions rurales du pays fait partie intégrante du service universel qu'offre Postes Canada. Le Protocole du service postal stipule que Postes Canada maintiendra un service postal dans les régions rurales et conserve le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste dans ces régions.
Par conséquent, le moratoire sur la fermeture des bureaux de poste dans les régions rurales est maintenu. Postes Canada estime que ses bureaux de poste ruraux sont une composante essentielle de son réseau — un réseau dont la portée est supérieure à celle de tout autre détaillant au Canada et dont l'ampleur à tous points de vue dépasse celle de toute autre entreprise de logistique ou de livraison.
[Traduction]
Recours au Règlement
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement à la suite des commentaires faits par le sénateur Tkachuk pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs. Je rappelle au sénateur que l'article 22(4) du Règlement stipule que :
Après l'appel des « déclarations de sénateurs », les sénateurs peuvent, sans préavis, soulever des questions qu'ils jugent urgent de porter à l'attention du Sénat. [...] Dans ces déclarations, les sénateurs ne doivent pas anticiper sur l'étude d'une question à l'ordre du jour, et ils restent liés par les règles habituelles qui régissent la pertinence du débat. Les questions abordées au cours de cette période ne sont pas sujettes à débat.
Hier, le sénateur Hervieux-Payette a posé une question parfaitement légitime au leader du gouvernement pendant la période des questions. Les déclarations faites aujourd'hui par le sénateur Tkachuk étaient de nature partisane. Comme les déclarations de sénateurs ne peuvent faire l'objet d'un débat, il est injuste que des commentaires de cette nature soient émis en sachant bien que personne ne pourra commenter la question ou en débattre pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs.
Je vais maintenant rappeler aux sénateurs une décision rendue par notre Président le 12 mai 2009, dans laquelle Son Honneur déclarait, à la page 810 des Débats du Sénat :
[...] j'invite tous les honorables sénateurs à réfléchir à la manière dont nous nous comportons. Préservons l'échange d'idées si utile qui fait partie de la tradition et qui caractérise cette institution. Tendons vers cet objectif en évitant les remarques qui visent clairement à provoquer, et nous ne nous en porterons que mieux.
Le sénateur Tkachuk : Donnez un seul exemple de commentaire provocateur.
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je n'ai pas le Règlement en main actuellement, mais, si je me souviens bien, il y est stipulé que, pendant la période réservée aux déclarations des sénateurs, nous ne devrions pas anticiper le débat sur des questions qui doivent être soulevées ultérieurement parce qu'inscrites au Feuilleton. Nous avons celui-ci devant nous. Je crois comprendre que la question d'un organisme national unique de réglementation ne figure pas au Feuilleton. Il était donc tout à fait acceptable que le sénateur Hervieux-Payette soulève cette question pendant la période des questions, hier, et tout aussi acceptable que le sénateur Tkachuk soulève la question aujourd'hui, pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs.
En ce qui concerne la question des commentaires partisans pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs, rappelons-nous toutes les déclarations partisanes que se permettent régulièrement les sénateurs de l'autre côté. Nous avons discuté de ce problème auparavant. Le Règlement n'interdit pas les déclarations partisanes et politiques pendant la période réservée aux déclarations de sénateurs. Si c'était le cas, nous passerions notre temps à invoquer le Règlement relativement aux déclarations faites par les sénateurs d'en face.
Cette question a déjà été soulevée par le Président. Le Règlement n'interdit pas les commentaires à saveur politique.
Honorables sénateurs, je crois que ce recours au Règlement n'est pas valide et que nous devrions passer à autre chose.
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, il serait sans doute utile de citer l'article pertinent du Règlement. Je crois qu'il s'agit de l'article 22(4). La note dans la marge est « Teneur des ``Déclarations de sénateurs'' ». Voici ce qu'on y indique :
Après l'appel des « déclarations de sénateurs », les sénateurs peuvent, sans préavis, soulever des questions qu'ils jugent urgent de porter à l'attention du Sénat. Les déclarations de sénateurs devraient se rapporter particulièrement à des questions d'intérêt public auxquelles le Règlement et les pratiques du Sénat ne permettent pas d'accorder une attention immédiate.
C'est l'élément clé.
Dans ces déclarations, les sénateurs ne doivent pas anticiper sur l'étude d'une question à l'ordre du jour, et ils restent liés par les règles habituelles qui régissent la pertinence du débat. Les questions abordées au cours de cette période ne sont pas sujettes à débat.
Honorables sénateurs, ce paragraphe stipule qu'il y a une rubrique des travaux du Sénat pendant laquelle les sénateurs peuvent faire des déclarations sur des événements ou attirer l'attention du Sénat sur une affaire précise, mais la règle suprême qui veut que les propos vifs ou offensants sont proscrits s'applique quand même.
L'élément important de ce paragraphe, honorables sénateurs, est le passage qui dit que « les questions abordées au cours de cette période ne sont pas sujettes à débat ». Autrement dit, cette rubrique est censée servir à des fins d'information. Les commentaires formulés ne doivent pas être de nature à susciter une question, exiger une réponse ou provoquer un débat.
Honorables sénateurs, je suis préoccupée par l'utilisation abusive des déclarations de sénateurs. Ces déclarations servent parfois à aborder un sujet dont les sénateurs savent qu'il ne sera pas débattu. Son Honneur a souvent avisé les sénateurs d'être prudents lorsqu'ils font des déclarations sous cette rubrique. Manifestement, le but des déclarations de sénateurs n'est pas d'aborder des sujets susceptibles de causer colère, détresse ou consternation chez d'autres sénateurs, puisque l'objectif de la rubrique n'est pas de susciter le débat, le conflit ou la controverse. Elles servent principalement à nous informer. Très franchement, à l'origine, les déclarations de sénateurs servaient à parler de la vie de grands Canadiens disparus, à rendre hommage à des sénateurs et autres choses du genre. En d'autres mots, ces déclarations sont censées être positives, pas négatives.
Son Honneur le Président : Je remercie les sénateurs de leurs commentaires sur cette question. Je vais prendre cette question en délibéré et je reviendrai avec une réponse.
(1430)
ORDRE DU JOUR
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallace, appuyée par l'honorable sénateur Mockler, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, il est important de revenir un peu en arrière. Le projet de loi S-10 propose de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, adoptée au Sénat en 1996.
En 1995, lorsque le Sénat a été saisi du projet de loi, il l'a renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui l'a étudié pendant trois mois. Nous avons entendu le témoignage de nombreux experts et autres intervenants. À un certain moment, la présidente du comité, madame le sénateur Carstairs, a décidé de tenir une réunion à huis clos afin de tâter le pouls des membres du comité. À sa grande surprise, tous les membres, libéraux et conservateurs, s'opposaient à ce projet de loi. Je n'étais pas surpris, car, étant curieux et nouveau au Sénat, j'avais déjà parlé à mes collègues des deux côtés. Je peux parler aujourd'hui de ce qui s'est dit à huis clos, car cette information est presque du domaine public maintenant. Au cours de cette réunion à huis clos, nous avons décidé qu'il était inopportun pour le comité de rejeter le projet de loi, car nous n'avions pas suffisamment d'information pour justifier une telle décision.
Je conseille aux sénateurs de lire notre rapport. Il s'agissait du projet de loi C-8 à l'époque, et il doit donc être facile de retrouver le document dans les dossiers. Il s'agit d'un rapport plutôt long dans lequel nous expliquions ce qui nous exaspérait. Nous expliquions également pourquoi nous n'avions pas assez d'information pour rejeter le projet de loi. Nous avons recommandé la formation d'un comité mixte des deux Chambres pour étudier la politique sur les drogues au Canada en dehors des contraintes d'un projet de loi, comme les échéances à respecter et l'insistance du gouvernement. Nous avons donc décidé de recommander la formation d'un comité mixte.
Des élections ont eu lieu immédiatement après. C'était en 1997. Le gouvernement a décidé de tenir des élections. Nous avons donc attendu jusqu'au début de 1998. Nous avons alors pressenti des collègues de l'autre endroit pour voir si pareil comité mixte les intéressait. Nous avons découvert un vif intérêt chez de nombreux collègues de tous les partis, y compris du Parti réformiste. Je m'abstiendrai de donner des noms, car certains de ces députés sont aujourd'hui membres du gouvernement. Ils m'ont dit à l'époque : « Allez-y, mais nous ne voulons pas en faire partie. Peut-être vaut-il mieux que la Chambre des communes s'abstienne. Mais pourquoi le Sénat ne fait-il pas ce travail de son côté? »
J'ai décidé de relever le défi, et j'ai proposé à mes collègues de créer un comité sénatorial spécial pour étudier la question. Ses travaux se sont échelonnés sur deux ans et demi. Nous avons entendu près de 240 témoins venus des quatre coins du Canada et de l'étranger. Nous avons convenu que la politique canadienne n'était pas acceptable. Nous avons écouté les discours et lu les documents du gouvernement en place et de ses prédécesseurs, qui parlaient en long et en large de stratégies antidrogue. Ils faisaient d'excellents discours sur la toxicomanie, mais la vraie stratégie se résumait à peu de choses.
La principale stratégie, c'était la loi, et la loi était un échec. Pourquoi? Je signale que nous avons étudié l'année 1999. Nous avons constaté que, dans une proportion de 70 p. 100, les jeunes qui avaient entre 12 et 18 ans cette année-là avaient consommé du cannabis au moins une fois dans leur vie. Ce fut une information saisissante, car il s'agissait des nos petits-enfants, de nos fils, de nos filles ou de nos neveux. Il s'agissait de mes enfants et des enfants de tous les autres. Pour mes collègues du comité, c'était bouleversant d'apprendre cela.
Nous nous sommes convaincus que la meilleure politique, pour tous les gouvernements, le gouvernement fédéral et ceux des provinces, consistait à mettre leurs divergences de côté pour trouver une politique d'intérêt public qui viserait à atténuer le préjudice causé par la consommation de ces substances, car c'était là le vrai problème. Tout le monde connaît la suite, mais le rapport demeure encore aujourd'hui un document populaire du Sénat.
Je ne vais pas nommer les pays, mais je dois vous dire que j'ai été invité à discuter de la question avec divers gouvernements étrangers. Certains ont décidé de prendre les mesures nécessaires pour orienter différemment leur propre politique. Je vais parler de certains de ces changements tout à l'heure.
On me demande souvent pourquoi j'ai décidé de m'attaquer à cette question. À l'époque, en 1995, mon fils aîné avait 15 ans et le second 14. Ce qui me préoccupait, c'était ces deux personnes. Les médias commençaient à s'intéresser à la question et le fait que des sénateurs s'y intéressent aussi prêtait presque à rire. Mes fils me posaient donc des questions, mais j'étais incapable d'y répondre. Je me posais moi-même beaucoup de questions. Voilà pourquoi ce comité spécial m'était si cher et qu'il l'est devenu pour tous mes collègues qui y ont siégé. C'était important.
[Français]
Le sénateur Wallace nous a fait un discours éloquent pour nous montrer quel était l'objectif du projet de loi. Le projet de loi vise surtout à faire échec aux gros trafiquants et au crime organisé. La théorie selon laquelle on doit dissuader les petits trafiquants et remonter les chaînons jusqu'aux plus gros peut sembler logique lorsqu'on l'examine sur papier.
[Traduction]
En théorie, c'est très simple : pour peu que l'on s'occupe des divers trafiquants et que l'on soit assez avisé pour investir suffisamment dans les services policiers et d'application de la loi, on arrivera à remonter les chaînons. Il en est ainsi en théorie, mais la réalité est tout autre.
[Français]
Le problème est beaucoup plus profond et la solution beaucoup plus complexe. En vérité, même si on incarcère un trafiquant, les stupéfiants resteront disponibles. Nous avons simplement créé un emploi pour un nouveau trafiquant.
(1440)
Une autre personne profitera de l'occasion pour s'approprier la clientèle de l'incarcéré et ira même jusqu'à fournir des renseignements aux autorités policières afin de s'accaparer le marché maintenant disponible.
Ce marché florissant est responsable, malheureusement, — et pas seulement au Canada — de la majorité des homicides et son encadrement est fondamentalement différent des autres marchés. Les participants à ce commerce, et c'est pour cela que c'est un marché assez particulier, ne peuvent se plaindre ni à la police ni à la cour lorsqu'il y a des arriérés de paiements ou un bris de contrat. Chacun doit, et c'est le danger, imposer sa propre loi pour faire valoir ses droits, et c'est alors la loi du plus fort qui l'emporte.
Comment peut-on concevoir que les gens ciblés par le projet de loi, soit les gros trafiquants et le crime organisé, soient dissuadés de poursuivre le commerce de la drogue en raison des peines minimales quand ces mêmes personnes acceptent déjà le risque de se faire appréhender ou, pire, celui de se faire tuer par la compétition qui émerge? Il y a aujourd'hui beaucoup plus de drogue sur le marché qu'il n'y en avait dans les années 1970, même en proportion de la population.
La prohibition fait son œuvre. Le fait que la substance soit interdite provoque l'augmentation des prix, c'est la dynamique derrière l'intérêt de ce marché. Cette logique est très simple. Pour que vous la compreniez bien, je vais vous donner un exemple fort simple : le Coca-Cola. Tout le monde connaît cette substance. Imaginez pour un instant, pour les fins de la démonstration, qu'il nous est possible d'interdire, c'est-à-dire de prohiber la production et le commerce, donc le trafic, du Coca-Cola au Canada. Que va-t-il se produire? Pensez-vous que les gens qui aiment le Coca-Cola cesseront d'en consommer? Au contraire, ils tenteront de trouver des sources d'approvisionnement pour satisfaire leurs besoins. Que va-t- il se produire? Un marché noir va se développer. La clientèle ne cessera pas d'essayer de se procurer le produit et le produit qu'elle va acquérir risque d'être de moins bonne qualité.
Vous me voyez venir. Le problème ce n'est pas la substance. Lorsque vous entendez des discours, cessez d'être aveuglés par les affres de l'inquiétude. Ah, les drogues! Vous voyez des héroïnomanes étendus sur le sol. Oui, c'est dangereux, et oui, il y a des conséquences épouvantables associées à l'usage des drogues, mais ne mélangez pas tout. C'est pour cela que la rigueur est fort importante dans le travail qu'on nous demande de faire. Ne confondez pas les effets des substances avec les effets de la prohibition de ces substances.
Je vous ai parlé du Coca-Cola, mais cela pourrait être la même chose avec le tabac. C'est déjà la même chose avec le tabac. On a entendu le sénateur Segal, hier, parler de la contrebande du tabac. Interdisez un produit, il y aura un marché noir pour ce produit, comme il y aura une attirance pour les profits générés par ce marché noir. Il y aura des individus qui voudront remplacer ceux qui font actuellement des profits. La loi de la jungle s'empare de ce marché. Ce n'est pas la cigarette, même si elle est dangereuse, ce n'est pas le Coca-Cola, même si certaines études pourraient nous prouver que c'est un produit dangereux pour la santé, ce n'est pas le cannabis. Les études nous montrent que les effets du cannabis sur la santé sont relativement modestes. Acceptons la réalité : le problème n'est pas la substance mais la prohibition de cette substance.
Il y a quelques semaines, je vous ai parlé, lors d'une déclaration, d'une étude fondamentale qui venait d'être présentée par deux professeurs de la Colombie-Britannique, les professeurs Wood et Kerr.
[Traduction]
Ils ont passé en revue toutes les analyses et tous les rapports, y compris 15 études internationales sur l'effet de l'interdiction sur la consommation de drogues et la toxicomanie. Quelle conclusion en ont-ils tirée? L'interdiction est inefficace. Elle cause encore plus de problèmes. C'est un aspect important sur lequel le comité devrait se pencher.
Je vous ai parlé, honorables sénateurs, des 70 p. 100 de jeunes Canadiens âgés de 12 à 18 ans. Certains d'entre vous se souviennent peut-être du film Traffic, qui est sorti en salle en 2007. Je vous en supplie, si ce commerce vous intrigue, essayez de louer ce film et visionnez-le en mangeant du popcorn. Vous n'en reviendrez pas de voir comment cela fonctionne. Michael Douglas est excellent dans ce film. Son personnage est chargé de lutter contre le problème de la drogue aux États-Unis et il découvre que sa propre fille fait partie du réseau.
M'accorderiez-vous cinq minutes de plus, honorables sénateurs?
[Français]
L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis (Son Honneur la Présidente suppléante) : Honorables sénateurs, accordez-vous cinq minutes supplémentaires au sénateur Nolin?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Nolin : Merci, honorables sénateurs.
[Traduction]
Je suis très partagé. Je n'approuve pas du tout ce projet de loi. Honorables sénateurs, lisez le sommaire de mon rapport et vous comprendrez pourquoi. Je veux toutefois que le Sénat et le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles l'étudient.
Si j'étais tout-puissant et si je pouvais vous convaincre de voter contre ce projet de loi, celui-ci n'irait pas au comité. Je ne peux pas non plus vous recommander de voter en faveur du projet de loi. Je vais donc m'abstenir, pour une raison bien précise : je veux que le comité étudie le projet de loi.
Honorables sénateurs, je ne siège plus à ce comité. Je vais cependant vous confier un secret : j'ai demandé à ne pas en faire partie. Permettez-moi de profiter des quelques minutes qu'il me reste pour vous prodiguer des conseils.
Prenons d'abord le rapport Kerr-Wood. Les sénateurs ont entendu M. Kerr quand nous avons étudié le projet de loi C-15. Mais il faut entendre à la fois M. Kerr et M. Wood. Il faut les faire venir à Ottawa, parce qu'ils apporteront leurs articles sur leurs recherches. Ces deux hommes ont interrogé des gens partout dans le monde et en sont venus à une conclusion très importante : l'interdiction ne fonctionne pas.
Honorables sénateurs, je vous recommande de lire le rapport sur le projet de loi C-8. Je pense que les membres du comité devraient faire la même chose que leurs prédécesseurs, quand ils ont étudié la loi mère, en 1996. Le sénateur Baker siégeait à l'autre endroit à l'époque. Il sera capable de se convaincre de nouveau qu'il y a moyen de faire une étude réellement approfondie d'un projet de loi.
Troisièmement, voyez l'expérience de la Nouvelle-Zélande. En 1998, le gouvernement de la Nouvelle-Zélande a créé un comité semblable à celui que nous avons ici au Sénat. Ce comité est arrivé à la même conclusion. La Nouvelle-Zélande a donc modifié ses lois et adopté un règlement sur la consommation de substances illicites. Je crois que les sénateurs devraient s'intéresser à l'expérience de la Nouvelle-Zélande.
Je recommande aux sénateurs de se pencher aussi sur l'expérience de la Californie. Beaucoup d'entre vous savent que, en Californie, on envisage de légaliser le cannabis et de le taxer. Ce serait intéressant pour les membres du comité d'entendre des législateurs de la Californie. Je ne crois pas que ces législateurs aient une bonne raison. Je pense que cela ne devrait pas être le but de l'affaire. Cela pourrait représenter beaucoup d'argent, mais la principale motivation devrait être la santé, et non les recettes fiscales.
Honorables sénateurs, je pense que le comité devrait voyager. Il ne doit pas étudier cette question importante seulement à Ottawa. Beaucoup de Canadiens savent qu'un tel projet de loi a été présenté de nouveau et suivent nos délibérations. Il est important que les sénateurs considèrent les intérêts et les opinions de tous les Canadiens, et pas seulement des Canadiens qui vivent à Ottawa. Ce sujet est trop important pour concentrer notre attention sur une seule région du pays.
(1450)
Les sénateurs découvriront que, lorsque nous avons commencé notre étude en 1995, l'appui pour un changement de la politique publique, c'est-à-dire en faveur de la légalisation ou de la décriminalisation, était d'environ 35 p. 100. Savez-vous à combien s'élève ce chiffre aujourd'hui? Il atteint 70 p. 100. Environ 90 p. 100 des Canadiens appuient l'usage médical du cannabis. S'il est adopté, le projet de loi S-10 aura des répercussions sur des millions de Canadiens qui utilisent le cannabis tous les jours à des fins médicales. Je ne veux pas — et vous ne voulez probablement pas non plus — faire du tort à ces gens.
Le ministre a dit au comité que ce n'est ni son but ni celui du gouvernement de nuire à ces gens. C'est la raison pour laquelle nous devons considérer les conséquences indirectes du projet de loi.
Je compte m'abstenir. Je propose que le projet de loi soit renvoyé au comité.
L'honorable George Baker : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Nolin : Je suis prêt à répondre et à prendre tout le temps nécessaire pour cela, pourvu que vous conveniez que ce sujet est important.
[Français]
Son Honneur la Présidente suppléante : Les honorables sénateurs acceptent-ils?
[Traduction]
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Nous avons depuis longtemps une entente entre les deux côtés pour accorder cinq minutes supplémentaires afin de permettre aux orateurs de terminer un discours. Nous faisons preuve de cette courtoisie depuis plusieurs années. Nous avons résisté à la tentation de continuer à ajouter des tranches de cinq minutes. Je ne suis pas disposé à accepter des changements en ce moment.
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, le sénateur Nolin a beaucoup travaillé sur ce sujet.
Le sénateur Baker : J'aimerais poser une question au sénateur, si nous en avons fini avec ce rappel au Règlement.
[Français]
Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, je dois vous aviser que le temps de parole de l'honorable sénateur est maintenant écoulé.
[Traduction]
Le sénateur Baker : J'invoque le Règlement. Je crois qu'il est d'usage ici que, lorsque cinq minutes supplémentaires sont autorisées, comme les deux côtés l'ont dit, les cinq minutes servent à poser des questions. Je crois, en outre, qu'il est également d'usage ici, lorsqu'un sénateur est autorisé à poser une question, qu'il ait la possibilité, à condition de ne violer aucune règle, de poser sa question et qu'une période raisonnable soit prévue dans les cinq minutes pour la réponse. C'est mon recours au Règlement.
Le sénateur Comeau : J'estime qu'il ne s'agit pas d'un recours au Règlement. La Présidence voudra peut-être y réfléchir. Au sujet du temps supplémentaire, j'ai déjà exposé mes arguments. Je peux discuter avec mes collègues d'en face ainsi qu'avec les sénateurs indépendants de l'opportunité de modifier cette pratique. Mon collègue, le sénateur Tardif, moi-même, le leader de l'autre côté et tous les sénateurs indépendants peuvent en discuter plus longuement. Toutefois, pour le moment, je dois dire, au nom de ce côté-ci, que je ne suis pas disposé à accepter une extension de cinq minutes. J'estime donc que ce n'est pas un recours au Règlement.
[Français]
Son Honneur la Présidente suppléante : Je crois que les cinq minutes supplémentaires sont maintenant écoulées.
[Traduction]
Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, le sénateur Baker a invoqué le Règlement. Le sénateur Comeau a pris la parole à ce sujet, et je souhaite faire la même chose. Son Honneur vient de dire que le temps de parole est écoulé.
Son Honneur la Présidente suppléante : Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un recours au Règlement parce qu'il y a une entente antérieure.
Le sénateur Cools : Je souhaite prendre la parole au sujet du recours au Règlement. Son Honneur dit que le temps est écoulé.
Son Honneur la Présidente suppléante : Non, j'ai dit que ce n'était pas un recours au Règlement.
[Français]
Honorables sénateurs, le débat est considéré comme clos.
[Traduction]
Le sénateur Cools : Non, je propose l'ajournement du débat.
[Français]
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Je propose l'ajournement du débat.
(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Projet de loi sur la parité de genre dans les conseils d'administration
Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Carstairs, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi visant à assurer la parité de genre dans le conseil d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères.
L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour faire part de mon appui au projet de loi S-206, Loi sur la parité de genre dans les conseils d'administration, proposé par le sénateur Hervieux-Payette.
Je reconnais qu'il doit y avoir davantage de femmes parmi les membres des principaux conseils de direction et je reconnais également qu'il est temps d'en faire une obligation. Voici mes raisons.
J'adopte une vue d'ensemble du rôle des femmes dans la société canadienne. Dans ce contexte, le projet de loi constitue une mesure pratique et prévisible, et non une aberration ou un désagrément. La Terre n'a pas encore cessé de tourner et ce n'est pas ce projet de loi qui l'y mènera. Après tout, comme nous aimons bien le rappeler, les femmes occupent la moitié de la Terre.
Au cours des cent dernières années ou plus, les femmes canadiennes ont demandé à participer à part entière à la vie civile, politique, économique, sociale et culturelle du pays. On peut illustrer de bien des façons le chemin que nous avons parcouru. En 1900, le Conseil national des femmes du Canada publiait Women of Canada : Their Life and Work. Le conseil avait demandé que le gouvernement fédéral prévoie de l'espace pour que les femmes puissent participer à la présentation du Canada dans le cadre de l'Exposition internationale de Paris en 1900. Le gouvernement fédéral a refusé, affirmant manquer d'espace. Le ministre responsable a de plus ajouté qu'une classification distincte du travail des femmes n'était pas à l'avantage des femmes, bien au contraire.
Au lieu de cela, le gouvernement fédéral a financé le Conseil national des femmes et l'a chargé de préparer un sondage sur le statut des femmes au Canada en 1900. La Commission royale d'enquête sur la situation de la femme au Canada a publié son rapport vers la fin du siècle dernier. En fait, le 28 septembre prochain, nous célébrerons le 40e anniversaire de sa publication. Voici le quatrième et dernier principe adopté par la commission royale :
[...] dans certains domaines, les femmes ont besoin, pendant une période intérimaire, de mesures spéciales afin d'effacer et de combattre les effets néfastes de la discrimination. Nous considérons que ces mesures sont justifiées dans quelques cas, peu nombreux, et nous nous attendons à ce qu'elles permettent d'arriver rapidement à une égalité réelle; on pourra alors les supprimer. On n'a pas suffisamment compris les besoins et les aptitudes des femmes. La discrimination à l'égard des femmes est bien souvent involontaire, et si l'on fait un effort positif pour la supprimer, pendant une période assez courte, ces mesures spéciales seront bientôt inutiles.
(1500)
Il va sans dire que la commission royale avait l'avantage de pouvoir jeter un regard rétrospectif sur le siècle. En 1900, on estimait que ce qui était bon pour l'ensemble de la société serait dans l'intérêt des femmes et que les femmes devaient être traitées comme les hommes mais, en 1970, on a constaté que ces principes avaient été illusoires. Autrement dit, avec du recul, on constate que le statu quo favorise ceux qui sont au pouvoir.
Au cours des 100 dernières années et quelques, les avancées en matière d'égalité des femmes ne nous ont jamais été données. Il a fallu aller les chercher, il a fallu les provoquer, et il a fallu que les femmes — et les hommes favorables à leur cause — fassent sans cesse pression sur les politiques. J'en veux pour preuve la longue liste que voici, qui recense quelques-uns des changements qui sont survenus au Canada : accès à la formation et aux études supérieures; accès aux professions; droit de se porter candidates à une élection; droit de vote; nomination au Sénat; accès à l'emploi; réforme du droit de la famille; droits des femmes ayant le statut d'Indien; services de garde; pauvreté chez les aînées; pauvreté chez les mères monoparentales; refuges et maisons de transition; équité en matière de rémunération et d'avantages sociaux; réforme des dispositions du Code criminel relatives au viol; changements constitutionnels. J'ai appris avec l'expérience que ceux qui détiennent le pouvoir et les ressources acceptent rarement de les partager sans se faire prier.
Fait intéressant, la création du conseil lui-même et son développement figurent parmi les grands changements qui ont marqué le siècle dernier. Même si l'entité qu'il est a comme origine le changement et l'innovation, et même s'il a lui-même été un moteur de changement et d'innovation au fil des ans, la diversité ne s'y est imposée que peu à peu, et malgré le travail de remarquables pionnières. C'est vrai dans tous les domaines : rémunération et avantages sociaux, avancement, présence au sein des postes de gestion et de direction, nomination aux conseils d'administration et nomination à la tête des conseils d'administration.
Depuis la Seconde Guerre mondiale, le Canada a employé de nombreuses stratégies pour favoriser l'équité en emploi. Je crois qu'il est bon de se rappeler de quoi l'histoire est faite, celle du gouvernement fédéral au premier chef, car nous serons mieux à même de déterminer s'il y a lieu de légiférer sur la présence des femmes au sein des conseils d'administration.
Dans les années 1950 et 1960, les nouvelles lois sur l'emploi adoptées dans la plupart des provinces et des territoires canadiens interdisaient la discrimination fondée sur la race et la religion et obligeaient les employeurs à verser un salaire égal aux femmes. La Déclaration canadienne des droits de 1960 reflétait bien les valeurs de l'époque, mais elle avait peu de mordant. La Loi canadienne sur les droits de la personne a été adoptée en 1977. Les programmes d'égalité des chances se sont alors mis à foisonner. Au bout du compte, on s'est cependant aperçu qu'ils n'aidaient pas concrètement les membres des groupes désavantagés à prendre la place qui leur revenait sur le marché du travail canadien. À la fin des années 1970, le gouvernement fédéral lançait un premier programme volontaire de promotion sociale destiné aux entrepreneurs et aux sociétés d'État affiliés au gouvernement fédéral.
En 1983, le gouvernement avait étendu ses programmes de promotion sociale à l'ensemble des ministères et aux Autochtones, aux personnes handicapées et aux femmes. Comme les progrès se faisaient attendre, il a créé la Commission royale sur l'égalité en matière d'emploi, qui recommandait en 1984 que tous les employeurs sous réglementation fédérale mettent en œuvre l'équité en matière d'emploi.
Chose intéressante, cette commission s'est penchée sur les pratiques d'emploi de 11 sociétés d'État et sociétés de la Couronne désignées, représentant un large éventail d'entreprises canadiennes : Petro-Canada, Air Canada, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la Société canadienne des postes, la Société Radio-Canada, Énergie atomique du Canada limitée, la Société pour l'expansion des exportations, Téléglobe Canada, The de Havilland Aircraft of Canada Limited et la Banque de développement du Canada. Toutes étaient d'accord pour dire que, sans mesure législative et l'obligation de produire des rapports, il était peu probable qu'il y ait des changements importants.
En 1985, le paragraphe 15(2) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui est entrée en vigueur le 17 avril de cette année-là — il y a 25 ans — indiquait clairement que les programmes de discrimination positive destinés à remédier à de la discrimination étaient constitutionnels. Je pense qu'il est préjudiciable et, en fait, malintentionné de soutenir que le paragraphe 15(2) et les dispositions du même type exigent que les groupes vulnérables soient privilégiés ou qu'ils fassent l'objet d'un traitement de faveur. Les dispositions comme celles-ci visent surtout à lever les barrières discriminatoires qui ont toujours existé et qui empêchent des personnes qualifiées d'être traitées équitablement dans un concours. Il demeure que ces personnes doivent participer au concours.
En guise d'exemple, certains meneurs d'opinions du Canada avaient l'habitude de dire que les femmes ne pouvaient pas exercer certains métiers : policier, pompier, pilote ou personnel de combat, parce qu'elles ne pouvaient pas satisfaire aux exigences de l'emploi. Lorsque les qualifications requises ont été contestées, au motif qu'elles étaient discriminatoires, et modifiées pour ne plus être discriminatoires tout en restant appropriées, les femmes ont commencé à réussir à des concours visant à combler ces postes. Nous nous réjouissons maintenant que des femmes occupent ces postes, auxquels leur contribution est jugée indispensable. Il serait insensé d'affirmer que l'équité en matière d'emploi — la suppression des barrières discriminatoires — a permis à des femmes d'accéder à des postes qu'elles n'auraient jamais obtenus n'eût été d'un traitement de faveur.
En 1986 — il y a environ 25 ans, toujours —, le gouvernement fédéral a adopté la première Loi sur l'équité en matière d'emploi, qui prévoyait une transition d'une durée de deux ans. Sa portée a été élargie en 1995.
Les comités parlementaires ont aussi été prolifiques pendant cette période, surtout le Comité parlementaire spécial sur les invalides et les handicapés, en 1981, et le Comité spécial sur la participation des minorités visibles à la société canadienne, en 1994.
J'ai été encouragée d'apprendre ce que Mme Maria Barrados, présidente de la Commission de la fonction publique, a déclaré lorsqu'elle a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales en avril. Elle a souligné que la législation sur l'équité en matière d'emploi avait porté fruit puisqu'elle a permis de porter le nombre de personnes de minorités visibles, d'Autochtones et de femmes aux mêmes niveaux que les autres dans la fonction publique.
En 1986, les hommes occupaient 58 p. 100 des emplois dans la fonction publique et les femmes, 42 p. 100. Elle a dit qu'aujourd'hui, à l'inverse, les femmes occupent 55 p. 100 des postes, plus que leur part sur le marché du travail en général, et les hommes 45 p. 100. Elle a noté cependant que la situation n'est pas aussi reluisante pour les femmes des minorités visibles.
Mme Barrados a également dit nettement que les hommes occupent la majorité des postes de direction, soit 57 p. 100, contre 43 p. 100 pour les femmes, et qu'en 1986, cette proportion était de 95 p. 100 pour les hommes contre 5 p. 100 pour les femmes. La situation a donc changé. Ces chiffres portent cependant à croire que, bien que la proportion d'hommes diminue dans l'ensemble, ceux-ci conservent malgré tout les postes de direction. De mon point de vue, le plafond de verre devient de plus en plus épais. En fait, on dirait du verre laminé.
L'évolution de la notion d'équité dans l'emploi est instructive en ce qui concerne les mesures qui doivent être prises pour accroître le nombre de femmes dans les conseils d'administration. Premièrement, on ne peut désormais plus dire que le temps finira par arranger les choses. Partie de presque rien, la représentation des femmes augmente très lentement.
Selon le rapport de mai 2002 du Conference Board du Canada, intitulé Not Just the Right Thing... But the « Bright » Thing, le mouvement favorable à la nomination de femmes aux conseils d'administration s'est essoufflé depuis la fin de la dernière vague de réformes importantes de la gouvernance en 1998. Le recensement 2009 de Catalyst montre que les femmes détiennent 14 p. 100 des sièges des conseils d'administration, soit 1 p. 100 de plus qu'en 2007.
L'argument du gouvernement norvégien au moment d'imposer un quota en 2002, après une période au cours de laquelle la conformité était volontaire, était que le nombre de femmes siégeant aux conseils d'administration était de moins de 7 p. 100 et qu'il n'avait augmenté que de moins de 1 p. 100 en 10 ans. Là où le bât blesse, comme Hilde Tonne, vice-présidente principale des communications à Telenor, à Oslo, l'a fait remarquer, c'est que, à ce rythme, il aurait fallu 200 ans pour atteindre 40 p. 100.
Ce serait particulièrement le cas des sociétés ouvertes. Le recensement de Catalyst, en 2009, montre que près de la moitié de ces sociétés n'ont aucune femme à leur conseil d'administration. Si on tient compte de tous les types de sociétés, il n'y a aucune administratrice dans plus de 40 p. 100 d'entre elles. Tel est le rythme de progression sur plusieurs décennies, tandis que les questions de droits de la personne dans l'emploi et de diversité attirent beaucoup d'attention dans les lieux de travail, la politique d'intérêt public et les médias.
(1510)
La deuxième chose que l'histoire de l'équité en matière d'emploi nous enseigne, c'est que, bien qu'il soit essentiel de légiférer, nous devons nous demander non seulement combien il y a de femmes, mais aussi quels rôles elles sont appelées à jouer. Il faut encore plus de temps pour parvenir à des rôles de plus haut niveau. Après plus de 25 ans d'équité en matière d'emploi au niveau fédéral, 43 p. 100 des postes de direction sont occupés par des femmes. Moins du cinquième des sociétés comptent trois femmes ou plus à leur conseil d'administration et, globalement, la représentation des femmes à la direction des conseils d'administration demeure inférieure à leur représentation au sein des conseils.
Si nous nous arrêtons à réfléchir à la situation qui existe au Parlement, et plus particulièrement au Sénat, nous trouvons un autre exemple qui illustre la nécessité de mesures obligatoires d'action positive. Lorsqu'il a nommé 18 sénateurs, le premier ministre avait la possibilité de nommer 18 femmes et d'amener ainsi le caucus conservateur à la parité entre les deux sexes et d'aider, de la sorte, l'ensemble du Sénat à se rapprocher de cette parité.
Au Sénat, les femmes occupent maintenant près du tiers des sièges, et le tiers est généralement considéré comme la masse critique minimum nécessaire pour influencer le travail dans un cadre comme celui-ci.
La situation des sociétés d'État fédérales mérite cependant une mention spéciale. Étant donné les exigences fédérales visant l'équité en matière d'emploi, il est logique que, comme le sondage de Catalyst le montre, ces sociétés d'État soient celles où la représentation féminine au sein des conseils d'administration est la plus élevée et où on observe le plus fort pourcentage de femmes parmi les dirigeants. Voilà qui est louable, et je ne peux m'empêcher de faire observer que, à un niveau très concret, il est parfaitement réalisable de nommer plus de femmes pour siéger aux conseils d'administration et y occuper des postes de direction.
Je tiens également à féliciter le sénateur d'avoir judicieusement tenu compte de l'expérience d'autres pays qui ont pris des mesures pour accroître la représentation féminine dans les conseils d'administration. Par exemple, les premières recherches sur l'expérience norvégienne donnent à penser qu'il est sage de limiter chaque administrateur à quatre postes. Madame le sénateur a dit qu'elle présenterait un projet de loi à cet effet. Cela traduit l'opinion largement répandue selon laquelle les administrateurs ne peuvent faire leur travail en siégeant en même temps à plus de trois ou quatre conseils de sociétés modernes. En Norvège, dont la population n'est que de 4,8 millions d'habitants et qui n'a imposé aucune limite au nombre de postes d'administratrice qu'une femme peut occuper, on laisse entendre que des sociétés ont dû recruter des administratrices qui étaient plus jeunes que les administrateurs en poste et avaient une expérience de carrière différente de la leur, ce qui a eu un effet sur la valeur de l'avoir des actionnaires.
Le Canada n'a pas à affronter le même problème qui tient à une très forte demande et à une offre insuffisante. Notre pays est beaucoup plus grand. Le projet de loi S-206 n'a pas une portée aussi grande que la loi norvégienne, et nous avons d'excellentes ressources pour assurer la transition. Signalons par exemple Women in the Lead/Femmes de Tête, base de données de plus de 900 Canadiennes qui ont les compétences voulues pour siéger à des conseils d'administration.
Le projet de loi S-206 propose également une période de transition de trois ans. Selon mon expérience personnelle au sein de conseils d'administration, la plupart d'entre eux ont un cycle de nomination de deux ou trois ans, les renouvellements touchant le tiers des postes à chaque période.
[Français]
Son Honneur la Présidente suppléante : Le temps de parole alloué à l'honorable sénateur est écoulé. Les honorables sénateurs lui accordent-ils cinq minutes supplémentaires?
Des voix : D'accord.
[Traduction]
Le sénateur Nancy Ruth : Cela veut dire que la totalité des membres du conseil sont nommés selon un cycle de six ou de neuf ans. Je recommande que, lorsqu'il étudiera le projet de loi, le comité s'interroge sur la durée de la période de transition. Cela permettrait d'adopter la pratique idéale.
J'ai hâte au jour où les femmes parviendront à la masse critique et occuperont 50 p. 100 des postes au conseil des sociétés, dans les équipes de direction et les divers comités, et j'ai hâte que la même chose se produise au Parlement. Selon mon expérience, les femmes apportent des expériences, des perspectives, des façons de travailler et de résoudre les problèmes qui sont différentes. Étant donné les rôles fondamentaux que jouent les sociétés dans le monde moderne — cela va bien au-delà des rôles centraux du passé comme la répartition du risque et l'obtention de capitaux —, je suis d'accord avec Betty-Ann Heggie, ancienne première vice-présidente de PotashCorp, pour dire que les conseils qui compteront plus de femmes seront plus axés sur l'actionnaire, plus tournés vers le monde — au moins pour ce qui est des gens, peut-être — ce qui conférera un avantage à plus long terme.
Le projet de loi S-206 porte sur un obstacle injustifiable qui freine depuis longtemps la progression des femmes et de la diversité, et il préconise une meilleure gouvernance ainsi qu'un engagement plus poussé des sociétés auprès des collectivités touchées par leurs décisions.
J'appuie donc fermement le projet de loi.
L'honorable Jane Cordy : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Nancy Ruth : Oui.
Le sénateur Cordy : Je profite de ma question pour remercier madame le sénateur de tout le travail qu'elle a fait pour les femmes au Canada et même au niveau international. Elle a été la première philanthrope féministe au Canada, mais elle ne s'exprime pas que par son argent. Comme nous le savons tous, elle fait valoir ses opinions sur l'importance de l'égalité des femmes.
Je suis diplômée de l'Université Mount Saint Vincent. Je sais que madame le sénateur y a financé la chaire des études féminines, et je l'en remercie.
J'ai trouvé intéressants les propos du sénateur au sujet de ce plafond de verre dont on dit souvent qu'il disparaît, qu'il est disparu ou qu'il s'amincit. Madame le sénateur a touché une corde sensible en disant que, au contraire, il devient plus résistant. Elle a ensuite donné comme exemple le fait que, même s'il y a plus de femmes dans la fonction publique, les postes de direction sont toujours détenus par des hommes. Pourrait-elle expliciter sa pensée?
Le sénateur Nancy Ruth : Nous avons de la chance, car nous sommes nommées. Si nous ne l'étions pas, nous devrions nous faire élire et prendre le pouvoir. Ceux qui détiennent le pouvoir n'aiment pas le partager, et c'est probablement vrai de ma part aussi, parfois. C'est toujours difficile. Le pouvoir, il faut le prendre, mais légiférer pour garantir l'accès au pouvoir est une très bonne idée pour ceux qui sont victimes de discrimination au Canada.
[Français]
Son Honneur la Présidente suppléante : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur la Présidente suppléante : L'honorable sénateur Hervieux-Payette propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Carstairs, que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur la Présidente suppléante : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Tardif, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)
[Traduction]
(1520)
La Loi sur la Cour suprême
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Rivest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur la Cour suprême (compréhension des langues officielles).
L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, c'est avec une vive inquiétude et un grand malaise que j'interviens dans le débat sur le projet de loi C-232. Je ferai preuve de prudence, car j'ai tendance, où que je sois au Canada, à promouvoir les droits linguistiques des minorités francophones et à renforcer le fait français, qui est au cœur du partenariat confédéral qu'est le Canada.
[Français]
Cela dit, nous avons tous l'obligation d'être conséquents avec les préoccupations et les aspirations que nous avons déjà exprimées. Les citoyens du Québec utilisent une merveilleuse expression idiomatique pour décrire cette obligation : « Être conséquent avec soi-même ».
[Traduction]
Toutes les mesures législatives dont nous sommes saisis doivent être examinées en fonction de leur objectif, des résultats escomptés et de leur caractère exécutoire. Leur mise en œuvre est importante. La raison d'être d'une Cour suprême qui incarne parfaitement les principes fonctionnels du bilinguisme, que les activités et les processus gouvernementaux sont tenus de refléter, n'est pas du tout en cause. L'obligation qui incombe à la Cour suprême en sa qualité d'élément constituant du système judiciaire, sous compétence fédérale, n'est pas remise en question non plus, pas plus qu'elle ne l'était avant la présentation du projet de loi C-232 à l'autre endroit.
La Loi sur les langues officielles et la Loi sur la Cour suprême du Canada font autorité. Le projet de loi C-232 ne prétend pas colmater une brèche dans la réalité ou une brèche fonctionnelle qui réduit les droits des personnes, des sociétés, des associations ou des gouvernements qui interjettent appel auprès de la Cour suprême par l'entremise d'avocats compétents. Il ne suppose d'aucune façon que les traductions compétentes, vers le français ou l'anglais, des délibérations de la Cour suprême sont inadéquates ou ne reflètent pas exactement le sens des propos de leurs auteurs, les nuances apportées ou l'objet de ces propos.
[Français]
Nous nous trouvons cependant devant un effort sincère et légitime visant à promouvoir une norme linguistique personnelle applicable à tous les juges de la Cour suprême et qui ne porte pas directement sur le caractère déjà bilingue de la plus haute institution judiciaire qu'est celle-ci. Le projet de loi C-232 impose plutôt une norme personnelle à chaque candidat éventuel à la Cour suprême et limite de nombreux candidats potentiels partout au pays.
[Traduction]
On arrive plus facilement à certaines choses par l'évolution que par la législation. Notre premier gouverneur général né au Canada, Vincent Massey, homme très distingué, ne parlait pas le français. Depuis quelques décennies maintenant, il serait inacceptable d'avoir un gouverneur général qui ne parle pas les deux langues officielles avec compétence et efficacité. Aucune loi du Parlement n'exige que le gouverneur général soit bilingue. J'ai fait le compte et il y a cinq juges bilingues sur neuf à la Cour suprême. Cela, sans le projet de loi C-232.
[Français]
Chaque fois, honorables sénateurs, que nous proposons une nouvelle loi, nous devons nous poser plusieurs grandes questions : comment appliquerions-nous cette loi? La loi aurait-elle des effets pervers qui seraient contraires à l'objet de la loi ou à l'institution visée? La loi discréditerait-elle l'administration de la justice? Y aurait-il une meilleure façon d'atteindre le but visé?
Selon moi, après avoir longuement réfléchi, je trouve que les réponses à chacune de ces cinq questions font ressortir plusieurs problèmes que nous devrons confronter.
[Traduction]
Premièrement, le seul moyen de mettre la loi en application serait de vérifier la compétence orale et écrite des candidats dans les deux langues officielles. Cela dit, je pose la question : qui ou quel organisme déterminerait si les candidats ont réussi le test? Qui administrerait ce test? Qui serait le juge ultime de la compétence linguistique en droit des candidats avant qu'ils puissent être simplement déclarés admissibles? Ce test linguistique serait-il constitutionnel? Une évaluation de la compétence linguistique porterait-elle atteinte aux droits à l'égalité des Canadiens qualifiés pour occuper un poste aussi spécialisé?
[Français]
Deuxièmement, les effets pervers : si l'objet du projet de loi était de donner l'assurance que les traditions juridiques des anglophones et des francophones soient représentées équitablement et que plus de trois juges du Québec connaissent le Code civil du Québec, ce serait une autre histoire, mais ce n'est apparemment pas du tout le but du projet de loi. Le projet de loi vise la perfection linguistique et un bilinguisme parfait dans le contexte d'une connaissance très pointue et d'une longue expérience des lois et précédents judiciaires du Canada ainsi que des pays anglophones pertinents dans des appels à la Cour suprême. Il y a là un calcul implicite sur lequel je ne suis pas du tout d'accord.
L'implication du projet de loi est que les avocats, puisqu'il s'agit d'une cour d'appel et non d'un tribunal de première instance qui prend les premières décisions, et ceux qu'ils représentent, seraient mieux servis et entendus plus efficacement si tous les avocats étaient non seulement des experts de la loi mais aussi parfaitement bilingues dans l'expression et la compréhension de la terminologie du langage juridique. Ni le commissaire aux langues officielles, que je respecte profondément, ni Chantal Hébert, une journaliste du plus haut calibre et de la plus grande intégrité, n'ont invoqué cet argument pour appuyer le projet de loi. Ce n'est pas une question de droit, dans le plus pur sens du terme, c'est une question de changement atmosphérique qui embellirait le flot des commentaires et des questions en français et en anglais à la cour.
Qui en profiterait réellement? Cela n'est pas du tout clair, puisque l'interprétation actuelle peut, en réalité, donner le temps aux avocats de réfléchir aux questions que leur posent les juges dans l'une ou l'autre de nos deux langues officielles, une pause extrêmement utile aux parties à la cour. L'effet pervers consisterait à imposer un nouveau critère dans le processus de sélection des juges, qui comprend seulement actuellement une évaluation des antécédents et de l'expérience antérieure et une discussion au sein d'un comité parlementaire, comme dans le cas du juge Rothstein, soit le critère de la compétence linguistique. Si les compétences juridiques sont supérieures à la compétence linguistique, est-ce acceptable? Si les compétences linguistiques sont supérieures à l'expérience juridique, est-ce acceptable? Le simple fait de poser ces questions constitue un effet pervers qui trouble le processus de sélection.
[Traduction]
Troisièmement, l'administration de la justice serait-elle discréditée? Je ne pense pas que le projet de loi C-232 tournerait en ridicule le système de justice. Cependant, il y a un autre risque, qui est beaucoup plus sérieux. Le projet de loi tournerait certainement en ridicule la Loi sur les langues officielles, et cette menace m'inquiète beaucoup. Je suis entré en politique en me portant candidat avec un certain Stanfield, de la Nouvelle-Écosse. M. Stanfield a appuyé Pierre Trudeau et la Loi sur les langues officielles, à un fort coût politique. J'étais là lorsque ce merveilleux droit d'autoriser une candidature a été invoqué pour dire à M. Jones que ses opinions sectaires antifrancophones et antiminorités n'étaient pas acceptables pour un candidat du Parti progressiste- conservateur du Canada, point à la ligne. J'ai eu le grand privilège d'aller de porte en porte dans la circonscription d'Ottawa-Centre lorsque j'ai été candidat conservateur en 1972.
(1530)
J'ai également eu le grand privilège de me faire claquer la porte au nez dans les bureaux de scrutin conservateurs lorsque je répondais par l'affirmative à la question suivante : « Êtes-vous ce jeune candidat conservateur qui appuie Stanfield au sujet du bilinguisme? » Comme je répondais oui, on me claquait la porte au nez. Je prends cette question très au sérieux car elle me tient terriblement à cœur.
Je crois que ce projet de loi discréditerait la Loi sur les langues officielles, même si ce n'est l'intention de personne. Je soutiens, avec respect, que le fait de tenter de faire adopter cette mesure, peut-être le plus rapidement possible, pourrait susciter encore plus de questions au sujet du rôle contemplatif et réparateur du Sénat. Faire passer un principe au niveau législatif, quand sa mise en vigueur est virtuellement impossible, nous ferait courir le risque de créer une contradiction totale quant à l'intention du principe lui- même. Le projet de loi C-232 nous mettrait sans aucun doute dans cette situation difficile.
Y a-t-il un meilleur moyen d'atteindre le même but? Je crois qu'il existe probablement une meilleure façon de réfléchir à la nature bilingue de la Cour suprême, à son fonctionnement et à la possibilité de l'améliorer. Pour le faire, nous avons besoin de savoir a priori s'il y a actuellement un problème.
Les membres francophones du Barreau qui comparaissent devant la cour ont-ils l'impression que leurs droits et leurs options sont limités par le mode de fonctionnement actuel de cette institution bilingue? Que pouvons-nous apprendre des tribunaux bilingues du Québec, du Nouveau-Brunswick et de l'Ontario au sujet de cette dynamique?
Même si je suis ordinairement favorable à l'idée d'agir immédiatement quand les droits linguistiques sont menacés, je ne vois aucun indice établissant que les droits des appelants ou des avocats sont menacés de quelque façon que ce soit.
Honorables sénateurs, avec les meilleures intentions, ce projet de loi pose en fait la question suivante : ne serait-il pas agréable d'avoir des juges bilingues? Je soutiens respectueusement que l'inscription d'une telle option dans la loi ne serait pas dans l'intérêt d'une institution revêtant une importance aussi vitale. Le projet de loi ne s'appuie sur aucune étude procédurale ou analytique approfondie, quelle que soit l'intention constructive de celui qui l'a proposé à l'autre endroit.
À titre de conservateur fidèle au partenariat établi par Macdonald et Cartier, je suis un défenseur enthousiaste de toute mesure législative pouvant renforcer ce partenariat en le rendant plus concret au niveau institutionnel et à la base. Or, le projet de loi à l'étude non seulement ne répond pas à ce critère, mais va carrément dans le sens opposé.
J'exhorte les sénateurs à ne pas appuyer le projet de loi en ce moment.
[Français]
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Le sénateur Segal accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Segal : Avec plaisir.
Le sénateur Tardif : Le projet de loi ne parle pas d'un bilinguisme parfait, mais d'une capacité de compréhension des deux langues officielles. Il s'agit d'une distinction très importante.
On passe beaucoup de temps à parler du droit des juges, mais on parle très peu du droit de l'avocat qui doit plaider sa cause devant la plus haute cour du pays. Si on parle d'égalité réelle, de justice et d'égalité pour tous les citoyens, comment peut-on dire qu'il y a un respect de l'égalité réelle lorsqu'un avocat, disons, dans ce cas-ci, un avocat francophone, doit plaider avec le filtre d'un interprète alors qu'un avocat anglophone n'a pas à le faire?
Comment le sénateur peut-il expliquer ce concept d'égalité réelle, maintenant appuyé par des interprétations et des jugements de la Cour suprême, comme dans les causes Beaulac et Desrochers?
Le sénateur Segal : Je suis d'accord pour dire qu'il ne s'agit pas d'une question de bilinguisme parfait. Toutefois, le problème reste. Qui établira si tel juge ou tel candidat est suffisamment bilingue? Qui jugera des compétences linguistiques des juges? S'agira-t-il d'un test écrit ou d'un examen oral? Et administré par qui? Ceci, à mon avis, représente un défi, cela dit respectueusement, assez sérieux.
Nous avons maintenant cinq juges sur neuf à la Cour suprême qui sont, de façon pragmatique, bilingues. J'ai un problème avec le fait qu'on dise que ceux qui sont en train de plaider ne peuvent pas le faire dans leur propre langue. Le niveau de traduction à la Cour suprême est parmi les plus élevés au monde, et ce, en anglais comme en français.
Certains peuvent-ils préférer travailler sans le filet de la traduction? Je n'en doute pas, mais ceci ne représente pas, à mon avis, une raison suffisante pour changer une loi, imposer un nouveau besoin quasi constitutionnel et diminuer la capacité d'un gouvernement, quel que soit le parti au pouvoir, de choisir les meilleurs juges de toutes les régions, en considérant aussi leurs capacités linguistiques. Il ne faut mettre personne de côté en raison d'un niveau imparfait de bilinguisme.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je dois vous informer que le temps de parole du sénateur Segal est écoulé. Demande-t-il cinq minutes supplémentaires?
Le sénateur Segal : Je demande cinq minutes supplémentaires.
Son Honneur le Président : Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : Oui
[Traduction]
L'honorable Joan Fraser : Je suis toujours touchée et un peu déchirée quand nous devons nous en remettre totalement aux interprètes pour faire notre travail. Permettez-moi de dire, comme je l'ai souvent fait, que j'éprouve le plus profond respect pour le travail de ceux qui interprètent nos propos.
Quand j'étais jeune et naïve, j'ai même pensé que cela serait pour moi une excellente carrière. Toutefois, ayant rapidement compris que je ne serais jamais en mesure de faire ce qu'ils font, j'ai reporté mon attention sur autre chose.
Il y a cependant des limites à ce qu'on peut attendre des interprètes. Je me demande, sénateur Segal, si vous vous souvenez de ce qui s'est passé ici l'autre jour. Le sénateur Carstairs parlait du projet de loi sur la clause de la dernière chance. À la fin de son discours, le sénateur Boisvenu a pris la parole pour lui poser une question. Il s'est exprimé en français et, bien sûr, le sénateur Carstairs lui a répondu en anglais. Elle comptait sur le service d'interprétation qui nous sert si bien.
Le sénateur Boisvenu, parlant du système actuel de libération conditionnelle et de la clause de la dernière chance, a dit :
[Français]
Est-ce que le système judiciaire ne ment pas aux Canadiens?
Et il a enchaîné, deux ou trois fois :
Est-ce que la justice ne ment pas aux Canadiens? Est-ce que la justice ne ment pas?
[Traduction]
Le sénateur Carstairs a écouté l'interprète qui a fait une traduction exacte : Is not justice lying? (La justice ne ment-elle pas?) Toutefois, comme vous le savez, cette formulation n'est pas conforme à l'usage anglais. Le sénateur Carstairs a donc compris : Is not the justice lying? (Le juge ne ment-il pas?) Elle a pensé que le sénateur lui demandait si le juge mentait et non si le système judiciaire mentait.
Elle a donc répondu : « Non, bien sûr, le juge ne ment pas. » Sur ce, le sénateur Boisvenu est revenu à la charge :
[Français]
Mais est-ce que la justice ne ment pas avec le système actuel?
[Traduction]
Encore une fois, le sénateur Carstairs a pris la parole et a dit : « Non, le juge ne ment pas. »
Étant un peu fouineuse, j'ai pris sur moi d'aller voir les deux sénateurs après coup. Ils ont tous deux confirmé mon interprétation des événements, telle que je viens de la décrire.
(1540)
Aussi merveilleux que soient les interprètes, ne pourrions-nous pas considérer ce seul petit exemple comme illustrant l'importance cruciale que les gens qui œuvrent sur une scène aussi essentielle à la société canadienne que la Cour suprême du Canada puissent en fait comprendre la langue et ne pas compter sur l'interprétation qui, même lorsqu'elle est tout à fait exacte — ce qui était le cas dans l'exemple présenté —, peut être ambigüe?
Le sénateur Segal : Honorables sénateurs, le don de madame le sénateur Fraser pour les mots et les nuances, qu'elle a mis en pratique en tant que journaliste et rédactrice en chef du journal The Gazette pendant de nombreuses années, me donne à réfléchir encore plus intensément au sens de sa question.
Dans la vie, ces événements se produisent. Cela arrive ici, dans la Chambre rouge, sans qu'il n'y ait aucune mauvaise intention. Cela arrive aussi probablement à l'autre endroit. Cela peut, parfois, se produire à la Cour suprême du Canada. J'ai eu la chance de regarder certaines plaidoiries transmises sur CPAC ou ailleurs. Je n'ai jamais vu l'avocat principal, qu'il soit francophone ou anglophone, plaidant un appel devant la Cour suprême laisser planer quelque doute que ce soit sur ce que le juge pouvait vouloir dire sans lui demander de préciser clairement sa pensée. Par ailleurs, d'après ce que j'ai vu, il est courant que les juges, que ce soit en anglais ou en français, demandent directement à un avocat qui tient des propos contenant le même type de nuance, encore une fois sans mauvaise intention, de s'exprimer clairement et vérifient ce que l'avocat voulait dire. Cette précision survient habituellement dans le cadre d'un processus d'appel lorsqu'il y a deux parties dans l'affaire.
J'accepte la thèse de départ du sénateur, mais nous serons probablement en désaccord sur le point suivant : bien respectueusement, je ne crois pas qu'il y ait de solution législative au problème soulevé par le sénateur. Il s'agit d'un problème réel, mais je ne crois pas qu'on puisse y apporter une solution législative.
(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)
[Français]
L'étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis
Adoption du troisième rapport du Comité des peuples autochtones et d'une motion demandant une réponse du gouvernement
Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, intitulé Élections chez les Premières nations : une question de choix fondamental, déposé au Sénat le 12 mai 2010.
L'honorable Gerry St. Germain : Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Champagne :
Que le rapport soit adopté et que, conformément au paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement de fournir une réponse complète et détaillée et de confier cette tâche au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
L'honorable Fernand Robichaud : Est-ce que la motion de l'honorable sénateur St. Germain demande aussi une réponse au rapport ou si nous allons voter sur deux motions séparées?
Son Honneur le Président : Cela est inclus dans la motion. Si vous voulez, je peux lire la motion en entier.
Le sénateur Robichaud : Non, merci.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Traduction]
Affaires étrangères et commerce international
Budget—L'étude sur les questions se rapportant aux relations étrangères et au commerce international en général—Adoption du troisième rapport du comité
Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (budget—étude sur les relations étrangères en général), présenté au Sénat le 6 mai 2010.
L'honorable A. Raynell Andreychuk propose l'adoption du rapport.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Budget—L'étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes—Adoption du quatrième rapport du comité
Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (budget—étude sur la Russie, la Chine et l'Inde), présenté au Sénat le 6 mai 2010.
L'honorable A. Raynell Andreychuk propose l'adoption du rapport.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
L'étude des questions relatives au cadre actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada
Adoption du deuxième rapport du Comité des pêches et des océans et demande d'une réponse du gouvernement
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rumpkey, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Smith, C.P., que le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans intitulé Le contrôle des eaux de l'Arctique canadien : Rôle de la Garde côtière canadienne, déposé au Sénat le 15 avril 2010, soit adopté et que, conformément au paragraphe 131(2) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre des Pêches et des Océans étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités; des Affaires étrangères; des Affaires indiennes et du Nord canadien; de la Défense nationale; de la Sécurité publique; de l'Environnement; et, des Ressources naturelles.
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j'aimerais parler de la motion concernant le rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans sur le rôle de la Garde côtière.
J'aimerais proposer un amendement favorable à la motion. J'ai discuté de cet amendement avec le sénateur Rompkey, président du comité. Il vise à désigner clairement la ministre des Pêches et des Océans comme ministre chargée de répondre à ce rapport, en collaboration avec d'autres ministères.
Motion d'amendement
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, avec votre permission, je propose :
Que la motion soit modifiée par la suppression de tous les mots après les mots « la ministre des Pêches et des Océans » et l'adjonction de ce qui suit : « étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Transports, de l'Infrastructure et des Collectivités; des Affaires étrangères; des Affaires indiennes et du Nord canadien; de la Défense nationale; de la Sécurité publique; de l'Environnement; et, des Ressources naturelles. ».
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion d'amendement?
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud : J'aimerais savoir quel effet aura cet amendement sur la motion présentement devant nous. Est-ce que cela veut dire que nous recevrons un seul rapport avec l'amendement ou si, avec la présente motion nous aurions reçu plusieurs rapports des ministères qui sont mentionnés dans cette motion? Est-ce là l'objet de l'amendement?
(1550)
[Traduction]
Le sénateur Patterson : Honorables sénateurs, l'objet de l'amendement est de désigner la ministre des Pêches et des Océans comme ministre chargée de répondre à ce rapport, en consultation avec les cinq ou six autres ministres nommés. On estimait que, si on n'apportait pas d'amendement à la motion, elle nécessiterait des réponses individuelles des cinq ou six ministres sans qu'il n'y ait de ministre chargé de ces réponses. Nous avons décidé de désigner la ministre des Pêches et des Océans pour ce rôle parce qu'elle est responsable de la Garde côtière. Elle devra collaborer avec les autres ministres.
L'honorable Bill Rompkey : Honorables sénateurs, nous avons eu des consultations à cet égard et, après réflexion, j'ai constaté que ce que l'amendement propose est similaire à ce qui a été fait par le passé quand nous recevions les réponses du gouvernement. Je ne sais pas pourquoi je n'ai pas vérifié cela dès le départ. J'apprendrai à bien me débrouiller au Sénat lorsque j'y aurai passé 30 années supplémentaires.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?
Des voix : D'accord.
(La motion d'amendement est adoptée.)
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement modifiée?
Des voix : D'accord.
(La motion d'amendement modifiée est adoptée.)
Les politiques de ressources humaines en santé
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Keon, attirant l'attention du Sénat sur les politiques de ressources humaines en santé au Canada.
L'honorable Fred J. Dickson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de prendre la parole au sujet de l'interpellation du sénateur Keon et de vous offrir mon appui inconditionnel dans le but de mettre en œuvre des solutions aux préoccupations en matière de soins de santé soulevées par l'interpellation.
Le Dr Keon a attiré l'attention des sénateurs sur le besoin d'une nouvelle approche en matière de politiques et de pratiques de ressources humaines en santé au Canada dans le but de mettre fin au principal problème en santé au pays, les inégalités en matière de santé. Il y a un problème d'inégalités parce que le Canada investit trop peu dans la prévention et dans l'élimination des causes profondes de nombreuses maladies chroniques.
Je propose que tous les sénateurs prennent le temps de relire et d'examiner les propos réfléchis du sénateur Keon sur les faiblesses du système de soins de santé et les mesures qui peuvent être prises pour améliorer ce système. Le sénateur a dit ceci :
[...] le plus grave problème dans le domaine de la santé au Canada, ce sont les disparités [...] Nous n'avons pas d'obligation morale plus importante que celle de réduire ces disparités.
Il a ajouté ceci :
Tout aussi important, les soins de santé doivent s'améliorer.
Le sénateur Keon a dit qu'on se souviendrait de la dernière décennie comme d'une occasion perdue. Alors qu'il nous transmet le flambeau des soins de santé, le défi de la décennie qui commence consiste à assurer aux Canadiens et à notre ami le Dr Keon que, même si nous ne pouvons revenir sur nos erreurs passées, nous nous concentrerons sur la remise en état du système de santé.
Les sénateurs savent bien que le sénateur Keon commande le plus grand respect de ses confrères. Il s'apprête à quitter notre assemblée historique. Le sénateur Keon clôt une carrière mémorable au Sénat ponctuée de réalisations historiques, notamment les politiques de santé progressistes qu'il a avancées.
La carrière médicale du Dr Keon est tout aussi exemplaire. Je n'ai jamais douté de son expertise dans les politiques professionnelles. Après avoir écouté les déclarations des sénateurs sur les contributions altruistes du Dr Keon dans l'intérêt de sa profession, de ses patients, de la collectivité et des Canadiens en général, c'est avec grande fierté et sincérité absolue que je me joins à tous les honorables sénateurs pour lui souhaiter, ainsi qu'à son épouse, Ann, de longues années de bonheur alors qu'il entreprend de nouvelles activités. Le sénateur Keon a beau quitter notre enceinte, son héritage se perpétuera.
Je répète que le travail du sénateur Keon au fil des ans, autant au Sénat qu'ailleurs, m'a souvent intrigué. J'ai trouvé particulièrement captivante sa contribution au rapport de 2002 du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie intitulé La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral. Ce rapport contenait six recommandations dans le domaine des ressources humaines en santé sur lesquelles le sénateur Keon a attiré l'attention du Sénat. La première : accélérer la collaboration dans le domaine de la santé et des ressources humaines; le Dr Keon a souligné cet objectif lors de son interpellation, le 22 avril. Les autres sont : accroître la réserve de professionnels de la santé et rendre publics les plans d'action d'ici décembre 2005; présenter des rapports d'étape réguliers; accélérer l'intégration des diplômés en santé formés à l'étranger; accroître la réserve de professionnels de la santé dans les collectivités autochtones et de langues officielles minoritaires; et réduire le fardeau financier des élèves dans les programmes d'études en santé.
Il convient de noter que, malgré les obstacles inhérents à notre fédération, beaucoup de ces recommandations ont été mises en œuvre, dans une certaine mesure. Honorables sénateurs, les gouvernements doivent remanier les mécanismes de prestation de soins de santé dans leurs domaines de compétence. Comme il est éloquent que nous prenions toujours la parole en cette enceinte pour débattre de la viabilité de notre système de soins de santé bientôt dix ans après la présentation de ce rapport. Nous avons augmenté le nombre de médecins et d'infirmières. Nous avons des infirmières praticiennes qui accomplissent certaines tâches habituellement réservées aux médecins de famille. Cependant, il y a encore des inégalités. La plupart des entreprises feraient faillite si elles ne faisaient qu'embaucher d'autres employés plutôt que d'analyser attentivement leur façon de procéder.
Le sénateur Keon a insisté dans son intervention du 22 avril sur le fait que, au cours des 10 dernières années, les coûts associés aux ressources humaines dans le secteur des soins de santé ont augmenté de 60 p. 100, et on n'a pas encore réglé le problème de l'accès aux soins de santé, de la qualité de ces soins et du moral des employés. Il a raison lorsqu'il dit que le problème ne se limite pas à l'argent. On devrait se concentrer davantage sur la conception du système de prestation des services et sur l'organisation du milieu de travail.
Honorables sénateurs, le sénateur Keon a raison. C'est dans ces secteurs que les politiques de ressources humaines en matière de soins de santé et la planification de ces ressources peuvent avoir le plus gros impact.
J'attire encore une fois votre attention sur la première recommandation du rapport du Conseil national des soins de santé intitulé La santé des Canadiens. Le mandat du conseil était, en partie, de « surveiller la production d'un rapport annuel sur l'état du système de soins de santé et sur l'état de santé des Canadiens [...] ». En avril 2009, le Conseil canadien de la santé a publié deux rapports pertinents pour cette enquête intitulés Équipes à l'œuvre : Les équipes de soins de santé primaires au Canada et Getting It Right : Case Studies of Effective Management of Chronic Disease Using Primary Health Care Teams.
Le plan du Conseil canadien de la santé consiste à recenser et à analyser les systèmes de soins de santé qui sont très efficaces. Le conseil est en train d'étudier les facteurs qui aident ou qui gênent la mise en place d'équipes de soins primaires. L'objectif premier du rapport était de voir comment la recherche fondamentale en matière de santé peut servir à des fins concrètes. Les quatre études de cas qui sont actuellement en cours portent sur des exemples canadiens, à savoir : les Alberta Health Services — secteur de Calgary, qui est un programme visant un grand centre urbain de l'Ouest du Canada; le Group Health Centre, à Sault Ste. Marie, en Ontario, qui est un programme bien établi englobant plusieurs localités petites et moyennes du Nord de l'Ontario; la Colchester East Hants Health Authority, à Truro, Nouvelle-Écosse, qui est un programme rural spécialisé au Canada atlantique; et le North End Community Health Centre, à Halifax, qui est un programme urbain de prestation de soins primaires au Canada atlantique.
À partir de ses études de cas, le Conseil canadien de la santé a déterminé que des changements doivent être apportés au système afin de fournir des soins efficaces. Le conseil a prié les gouvernements — étant donné que ceux-ci s'intéressent de plus en plus au concept des équipes de soins primaires — d'envisager d'améliorer l'approche canadienne, notre capacité et, surtout, de constituer des équipes de soins primaires, afin d'assurer le succès de cette initiative.
(1600)
Les quatre études de cas montrent qu'il est possible de concevoir et de mettre en place des équipes efficaces, en se servant des nouvelles approches en matière de soins de santé. La recette du succès inclut, entre autres, des communications efficaces, des programmes axés sur les patients, des engagements cliniques, la participation de la collectivité et son habilitation, l'approche communautaire et un appui solide de la part des autorités supérieures.
Les équipes de soins primaires qui travaillent en collaboration permettent aux médecins de se concentrer sur le diagnostic médical et sur la gestion de l'intervention, pendant que d'autres professionnels de la santé, comme par exemple les infirmières, les diététiciennes et les travailleuses sociales, dispensent d'autres services et travaillent avec les patients afin de les aider à améliorer leurs habitudes de vie et leur façon de gérer leur état. En fonctionnant de la sorte, ces équipes aident à renseigner les patients au sujet de leur état, ce qui permet à ces derniers de mieux gérer leur situation en adoptant de meilleures habitudes de vie qui peuvent inclure, par exemple, une diète et de l'exercice.
Il s'ensuit que les patients qui ont accès à des soins dispensés par une équipe sont moins susceptibles de souffrir de complications récurrentes et de recourir au système de santé sur une base fréquente. Le recours aux équipes peut aussi être une façon efficace de dispenser des soins primaires dans les régions rurales, éloignées et mal desservies.
Honorables sénateurs, à l'heure actuelle, nous consacrons des milliards de dollars à un système qui tente de régler des problèmes que nous nous préoccupons très peu de prévenir. Nous savons que la cigarette, l'hypertension artérielle, le diabète, l'obésité et le manque d'exercice sont les principaux facteurs de risque liés aux maladies du cœur. Je ne suis pas fier de dire que les Canadiens de la région atlantique sont ceux qui courent le plus grand risque de mourir de ces maladies.
En Nouvelle-Écosse, le projet ANCHOR, qui signifie A Novel Approach to Cardiovascular Health by Optimizing Risk Management, a débuté en 2006 et est un autre bel exemple de soins dispensés en équipe. Le projet vise à étudier des façons de changer l'attitude des patients qui présentent des facteurs sous- jacents et à inciter les personnes à risque à adopter un comportement plus sain.
Le projet inclut l'évaluation de patients adultes à Sydney et à Halifax, afin de voir s'ils présentent des risques de développer des maladies du cœur. À chaque endroit, une équipe composée de médecins de famille, d'infirmières et de diététiciennes travaille avec chaque patient afin de fixer des objectifs qui permettront de faire des choix plus judicieux, d'élaborer un plan d'action individuel et de mesurer les progrès accomplis.
Au cours de l'année, les participants reçoivent des conseils sur une base individuelle ainsi qu'un soutien par téléphone. Ils participent aussi à des séances de groupe et ils font l'objet de renvois à des membres de l'équipe élargie, comme par exemple des spécialistes de l'exercice, des physiothérapeutes, des pharmaciens et ainsi de suite. Ils reçoivent en outre des conseils relativement aux autres ressources communautaires qui peuvent les aider à atteindre leurs buts.
Les premiers résultats de cette approche sont très prometteurs. Un pourcentage important de participants ont été en mesure de réduire leur risque de développer des maladies cardiaques en améliorant leur mode de vie et en prenant les médicaments de façon appropriée.
Depuis le début des années 1990, un certain nombre d'initiatives et de projets fédéraux sont axés sur la création et l'amélioration d'ententes concernant les équipes de soins concertés. En 2003, voici ce que disait l'Accord des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé :
[...] l'amélioration de la continuité et de la coordination des soins, le dépistage et l'intervention précoces, une meilleure information sur les besoins et les résultats, et de nouveaux incitatifs convaincants pour garantir l'adoption rapide et permanente des nouvelles façons de faire constituent les pierres angulaires d'un système de soins primaires efficace.
J'espère que ces premiers ministres s'interrogent pour déterminer s'ils ont réussi à faire ce qui était prévu dans les principes fondamentaux — en d'autres mots, s'ils ont pris des mesures concrètes. Permettez-moi d'en douter.
En 2004, dans le cadre du plan décennal visant à améliorer les soins de santé, le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires se sont engagés à faire en sorte qu'au plus tard en 2011, la moitié des Canadiens aient accès à des équipes pluridisciplinaires pour obtenir des soins de santé primaires.
Il convient de noter qu'en 2007, l'Association médicale canadienne a publié un document de travail intitulé Putting Patients First : Patient-Centred Collaborative Care. Dans ce document, elle a conclu qu'un système de santé qui appuie le travail d'équipe efficace pouvait améliorer la qualité des soins aux patients et leur sécurité, ainsi que réduire les problèmes liés à la charge de travail qui causent l'épuisement professionnel chez les praticiens de la santé.
Si le travail en équipe peut constituer un moyen prometteur de renforcer les soins de santé au Canada, il ne faut pas oublier que ces soins s'inscrivent dans un tout dont ne peut les dissocier. De nombreux facteurs font que les Canadiens peuvent avoir besoin de soins de santé et contribuent à leur santé et à leur bien-être en général. Le succès de tout bon réseau de la santé est directement lié au niveau de scolarité de ses utilisateurs : plus les gens sont instruits, meilleure sera leur santé. Il faut envisager les soins de santé sous tous les angles du spectre socioéconomique. Plus les patients sont instruits et informés, moins ils ont besoin de soins de santé.
Les équipes de soins primaires constituent l'un des moyens d'atteindre cet objectif et de réduire les coûts des soins de santé.
Bien que l'ensemble des Canadiens bénéficient d'une protection en matière de soins de santé, notre système n'est pas parfait. De fait, sa pérennité n'est pas encore assurée. La table est maintenant mise pour qu'un véritable débat sur les soins de santé ait lieu. Nous savons tous qu'il s'agira sans doute d'un débat extrêmement passionné mais si nous n'agissons pas maintenant, qui le fera, et quand?
Voici ce que disait récemment David Brooks, du New York Times, dans un article sur le taux de pauvreté et l'espérance de vie :
Les mauvaises politiques peuvent décimer le tissu social, mais les bonnes ne peuvent que le renforcer modestement.
Ce que ne dit pas M. Brooks, c'est que, par définition, ne pas avoir de politique équivaut à avoir une mauvaise politique.
Si chaque génération tâchait d'améliorer un tant soit peu le système, nous pourrions un jour disposer d'un excellent système.
Honorables sénateurs, améliorons le système, même si ce n'est que modestement. Lorsque nous disons aux membres de la Légion canadienne que nous nous préoccupons de leur sort, montrons-leur par des gestes concrets, en ce 65e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, que nous nous préoccupons aussi du réseau public de soins de santé.
(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
[Français]
L'ajournement
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mercredi 26 mai 2010, à 13 h 30.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 26 mai 2010, à 13 h 30.)