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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 37

Le jeudi 10 juin 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 10 juin 2010

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée commémorative du mineur William Davis

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, demain est la journée connue sous le nom de Journée commémorative du mineur William Davis. Chaque année, le 11 juin, les anciennes collectivités houillères de la Nouvelle-Écosse commémorent les sacrifices consentis par les mineurs et leur famille.

Bill Davis a été tué pendant une grève en 1925. La compagnie minière avait coupé l'alimentation en eau et en électricité des maisons des mineurs dans la ville de New Waterford, lieu de naissance du sénateur Murray. De nombreux autres grévistes ont été blessés pendant les événements qui se sont produits ce jour-là, alors que les agents de la police montée provinciale ont été appelés sur place.

Les collectivités du Cap-Breton ont longtemps été associées à l'extraction du charbon, tout comme d'autres collectivités de la Nouvelle- Écosse, Springhill et Stellarton par exemple, et elles ont toutes connu leur part de catastrophes minières au cours de leur histoire.

Honorables sénateurs, plusieurs catastrophes minières ont eu lieu dans le monde cette dernière année, en Virginie et en Chine notamment.

La Journée William Davis est une occasion pour nous tous de nous rappeler les sacrifices réalisés pas ces courageux mineurs. Ils ont encaissé sans broncher.

Les excuses présentées aux anciens élèves des pensionnats indiens

Deuxième anniversaire

L'honorable Patrick Brazeau : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner le deuxième anniversaire des excuses présentées aux survivants des pensionnats indiens par le premier ministre Stephen Harper au nom du gouvernement du Canada.

[Français]

Nous devons toujours reconnaître et faire nôtre la valeur de cet acte qui ouvre la voie à la réconciliation entre le Canada et ses Premières nations, ses Inuits, ses Métis et à la guérison de ces derniers. Il s'agissait bel et bien d'un acte approprié et opportun. C'était avouer honnêtement que certaines parties de la politique gouvernementale de notre pays concernant les affaires autochtones sont mal adaptées, ont été mal exécutées et c'est le moins qu'on puisse dire, ont été préjudiciables à la vie de nombreuses familles autochtones.

[Traduction]

La présentation d'excuses était une façon de s'engager à repartir du bon pied, dans un nouvel état d'esprit, ayant tiré des leçons des erreurs du passé, commencé le processus de guérison en reconnaissant sa responsabilité et fait renaître l'espoir dans un esprit de réparation et de pardon.

Cependant, on mesure la valeur des excuses à la sincérité des efforts déployés pour que l'esprit et les objectifs des excuses se traduisent par des mesures concrètes.

Faisons le bilan. En ce qui concerne les efforts sur le plan législatif, comme les honorables sénateurs s'en souviennent sûrement, à peine quelques jours après la présentation des excuses, un projet de loi visant à octroyer des protections en matière de droits de la personne à tous les membres des Premières nations a reçu la sanction royale. Après 60 ans d'appels à l'action, cette mesure législative a permis de créer un tribunal indépendant investi de pouvoirs exécutoires pour régler les revendications particulières.

[Français]

Depuis l'an dernier, le projet de loi C-41 a reçu la sanction royale, accordant l'autonomie gouvernementale aux Premières nations Maa- nulthes. De la même façon, nous avons adopté le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, encourageant par le fait même d'autres investissements et le développement économique dans les collectivités des Premières nations.

Nos efforts acharnés en vue de présenter ces excuses vont bien au-delà des seuls moyens législatifs. Il y a également une myriade d'autres initiatives dignes de mention dans les domaines de l'éducation, de l'emploi ainsi que du logement, des infrastructures et des services sociaux.

[Traduction]

Le règlement équitable du dossier des pensionnats indiens et l'exécution de la convention de règlement sous-tendent ces initiatives.

La création de la Commission de vérité et de réconciliation des pensionnats indiens a été un élément fondamental du règlement. Bien qu'aucune indemnité financière ne puisse redonner aux survivants ce qu'ils ont perdu, il est aussi important de signaler que, jusqu'à présent, plus de 1,5 milliard de dollars ont été versés à plus de 75 000 anciens élèves des pensionnats indiens.

[Français]

En présentant ses excuses, le premier ministre Harper a prouvé sa détermination et sa volonté. Il l'a fait dans un esprit de consultation et de discussion avec les dirigeants autochtones de l'époque. Je le sais car j'étais présent. J'ai été consulté, et mes conseils au premier ministre ont été reçus avec respect et ont été traduits dans la présentation de ses excuses.

[Traduction]

Le gouvernement et le premier ministre ne font pas de promesses creuses, ils donnent suite à leurs engagements. Ils respectent la relation avec les Autochtones du Canada. Ils sont déterminés à ne pas laisser ce passé douloureux nuire aux relations actuelles.

Avant tout, le premier ministre est déterminé à travailler avec les Autochtones afin de bâtir un avenir prospère et durable, un avenir que les Premières nations, les Inuits et les Métis méritent tant.

[Français]

La République démocratique du Congo

Les droits des femmes et des enfants

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous parler encore une fois de la situation au Congo. J'ai déjà parlé de la violence, des viols et des difficultés qui font partie du quotidien des femmes de ce pays. Aujourd'hui, je vous parlerai d'un autre aspect de cette situation, d'une histoire d'héroïsme, de dévouement et de solidarité.

Récemment, j'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs Congolaises. Depuis 15 ans, ces femmes dominées par la culpabilité, le remords et la frustration se préoccupent vivement du sort des femmes au Congo.

L'une de ces Congolaises est un modèle d'altruisme, de compassion et d'engagement. Cette femme s'appelle Julienne Lusenge. Elle se décrivait comme une activiste, mais, après avoir entendu son histoire, j'ai su qu'elle était bien plus que cela. Elle est une héroïne des temps modernes.

Assise face à moi, elle a parlé des innombrables nuits qu'elle a passées loin de sa famille afin de pouvoir se rendre dans des villages isolés pour venir en aide aux victimes d'actes de violence qui, autrement, n'auraient pas reçu l'attention qu'elles méritent.

(1340)

Elle a aussi parlé du temps et de l'énergie qu'elle consacre pour faire en sorte que les cas de violence soient documentés, qu'ils soient portés à l'attention du public et que justice soit faite.

Le problème n'est pas le manque d'efforts ou de motivation. Bien d'autres personnes, comme Julienne, seraient prêtes à mettre de côté leur bien-être personnel pour aider les plus démunis.

Ces personnes peuvent se faire entendre auprès des représentants des gouvernements et faire tout en leur pouvoir pour présenter les cas, les documenter devant les tribunaux, mais elles n'ont pas les moyens de payer les avocats qui représentent les victimes.

Elles n'ont pas de locaux à leur disposition, la capacité d'accueil des locaux existants étant déjà dépassée. Elles ne peuvent pas non plus avoir accès aux médicaments et au matériel médical requis pour traiter les femmes à qui elles portent secours.

Le fait est que Julienne et ses collègues sont prêtes à défendre ardemment les leurs, mais elles ont besoin d'argent, de ressources et d'un système qui ne les laissera pas tomber.

Honorables sénateurs, nous devons, ensemble, évaluer sérieusement la situation au Congo et nous assurer que les voix des femmes et des enfants seront effectivement entendues.

Surtout, nous devons veiller à ce que les femmes comme Julienne aient accès aux ressources dont elles ont besoin pour continuer à prendre la défense des femmes au Congo.

[Traduction]

Le décès de Ross Hayward MacLean

L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je rends aujourd'hui hommage à un grand Canadien de ma collectivité, Fort St. John, qui est décédé le 4 juin à l'âge de 92 ans. Ross Hayward MacLean est né le 12 septembre 1917 à Medicine Hat, en Alberta, et a vécu la majeure partie de sa vie à Fort St. John. Homme d'affaires bien connu et grand amateur de hockey, il appuyait une équipe de jeunes hockeyeurs qui porte son nom. Pendant des décennies, il a assisté à toutes les réunions du Club Rotary et a beaucoup apporté à la collectivité par le truchement de projets du club.

M. MacLean a été le dernier porte-flambeau lors du passage de la flamme olympique à Fort St. John, en janvier dernier. Il faisait 25 degrés sous zéro ce soir-là quand ce monsieur de 92 ans a couru vers l'estrade en brandissant la flamme pour y rejoindre le premier ministre Campbell, le député fédéral Jay Hill, le député provincial Pat Pimm, et moi. Il rayonnait de fierté, et je sais que la collectivité était très fière qu'il ait été choisi pour la représenter.

Quand l'animateur lui a demandé comment il se sentait, il a donné une réponse que je n'oublierai jamais : « Pas mal, pour un jeune homme. »

On pourrait parler longtemps de M. MacLean. Sa famille et sa collectivité comptaient énormément pour lui. Je sais qu'il manquera beaucoup aux gens de Fort St. John et à tous ceux qui l'ont connu. Nous ne l'oublierons jamais.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Kevin O'Brien, ancien Président de l'Assemblée législative du Nunavut, et du chef Jack Caesar, chef et aîné respecté de Ross River, au Yukon. Ils sont les invités de notre collègue, le sénateur Lang.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Conseiller en éthique du Sénat

Dépôt du rapport annuel de 2009-2010

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le cinquième rapport annuel de 2009-2010 du conseiller sénatorial en éthique, conformément à l'article 20.7 de la Loi sur le Parlement du Canada.

[Traduction]

Le Président du Sénat

La visite d'une délégation parlementaire en Lettonie et au Liechtenstein, du 16 au 27 janvier 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Noël A. Kinsella : Honorables sénateurs, je demande la permission de déposer un document intitulé Rapport — Visite de l'honorable Noël A. Kinsella, Président du Sénat, et d'une délégation parlementaire — Lettonie et Liechtenstein, qui s'est déroulée du 16 au 27 janvier 2010.

La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Français]

L'étude sur les instruments d'épargne des Canadiens

Présentation du troisième rapport du Comité des banques et du commerce

L'honorable Michael A. Meighen, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le jeudi 10 juin 2010

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de déposer son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité, autorisé par le Sénat le mercredi 24 mars 2010 à entreprendre une étude sur la mesure dans laquelle les Canadiens recourent à des comptes d'épargne libre d'impôt et à des régimes enregistrés d'épargne-retraite, dépose maintenant son rapport provisoire intitulé L'épargne-retraite : la clé d'une retraite confortable.

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL A. MEIGHEN

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Meighen, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Avis de motion tendant à prolonger la séance de mercredi

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, si le temps pour les déclarations de sénateurs est prolongé conformément à l'article 22(10) du Règlement pour la fin des hommages du mercredi 16 juin 2010, et si le Sénat n'a pas épuisé les points inscrits sous les Affaires du gouvernement à 16 heures ce jour, le séance se poursuive nonobstant l'ordre adopté le 15 avril 2010, au-delà de 16 heures, jusqu'à la fin des Affaires du gouvernement ou du temps de la prolongation des déclarations de sénateurs pour les hommages selon la première éventualité.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer au prochain article, j'aimerais signaler la présence à la tribune d'un groupe d'élèves de la huitième année de l'École Pointe-des-Chênes, à Sainte-Anne, au Manitoba. Ils sont les invités de notre collègue l'honorable sénateur Maria Chaput.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Grant Mitchell présente le projet de loi S-221, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour compensation de carbone).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Mitchell, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1350)

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-475, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (méthamphétamine et ecstasy), accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Traduction]

Le Forum interparlementaire des Amériques

L'atelier d'information sur le commerce et la visite bilatérale au Congrès national d'Argentine, tenus du 15 au 19 mars 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Forum interparlementaire des Amériques concernant sa participation à l'atelier d'information sur le commerce et sa visite bilatérale au Congrès national d'Argentine, tenus à Buenos Aires, en Argentine, du 15 au 19 mars 2010. J'ai eu le plaisir de diriger cette délégation.

L'Association parlementaire Canada-Europe

La deuxième partie de la Session ordinaire de 2010 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue du 26 au 30 avril 2010—Dépôt du rapport

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant sa participation à la Deuxième partie de la Session ordinaire de 2010 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue à Strasbourg, en France, du 26 au 30 avril 2010. Aucun sénateur n'a participé à ces réunions.

[Français]

Finances nationales

Avis de motion tendant à autoriser le comité à examiner le recours par le gouvernement à des agences de recrutement temporaires pour combler des postes de fonctionnaires

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner afin d'en faire rapport le recours par le gouvernement du Canada à des agences de recrutement de travailleurs temporaires pour combler des postes de fonctionnaires;

Qu'en procédant à cette étude, le Comité porte une attention particulière à ces considérations :

  • les 300 millions de dollars que les contribuables canadiens payent aux agences pour combler des postes de fonctionnaires;
  • le risque que le recours à ces agences permette de court-circuiter les règles géographiques, linguistiques ainsi que le mérite applicables au processus de dotation?
  • ce qu'il en coûte aux fonctionnaires pour utiliser les services fournis par des agences de recrutement de travailleurs temporaires;
  • l'impact de ces pratiques sur la fiabilité et la stabilité de la fonction publique et sur sa capacité à fournir des services aux Canadiens; et

Que le Comité soumette son rapport final au Sénat, au plus tard le 31 décembre 2010, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour publier ses conclusions pendant 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

La Commission nationale de régulation des valeurs mobilières

Avis d'interpellation

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, conformément à l'article 57(2) du Règlement, je donne avis que, le mardi 15 juin 2010 :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la Commission nationale de régulation des valeurs mobilières.

[Traduction]

Le maintien en poste des médecins

Les modifications aux lois fiscales fédérales de manière à permettre aux provinces de négocier des régimes de retraite volontaires avec les médecins indépendants—Avis d'interpellation

L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, je donne avis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le fait que, pour maintenir en poste les médecins et protéger son investissement dans leur formation, le Canada devrait modifier les lois fiscales fédérales de manière à permettre aux provinces de négocier des régimes de retraite volontaires avec les médecins indépendants, ce qui permettrait d'accroître le maintien en poste sans que cela n'exige un financement accru, et de réduire l'intervention fédérale dans ce domaine de compétence provinciale.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

La sécurité aux sommets du G8 et du G20

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

J'ai une impression de déjà-vu. En 2007, le gouvernement avait commencé son expérience de soi-disant bonne gestion financière lors du sommet de Montebello. Une clôture entourant le lieu où se tenait le sommet avait coûté 875 000 $, près de quatre fois la valeur marchande de celle-ci.

Honorables sénateurs, selon le quotidien La Presse, la clôture qui entourera le sommet du G20, au centre-ville de Toronto, coûtera 5,5 millions de dollars. Je suis sûre que les Canadiens ont hâte de savoir pourquoi les clôtures des sommets de Québec et de Montebello n'ont pas été réutilisées. Selon les propos du ministre d'alors, lesdites clôtures devaient être entreposées.

Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire combien d'autres millions de dollars ont été prévus au budget pour ajouter à cette clôture? Dans le but d'offrir une sécurité absolue aux chefs d'État, compte-t-on installer une clôture électrifiée, des fossés, des lumières de recherche, des bergers allemands, des tours de garde, des barbelés? J'aimerais savoir si cette clôture relève du plan d'action du gouvernement ou de la sécurité du G20.

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, les sommets coûtent très cher, surtout à l'époque actuelle, où tous les gouvernements doivent faire face à des menaces à la sécurité, sans compter que nous accueillons deux sommets de suite, celui du G8 et celui du G20.

En ce qui a trait à l'utilisation de la clôture, je ne saurais dire si les clôtures qui ont déjà été utilisées seront utilisées cette fois-ci, mais il y a manifestement une grande zone qui doit être protégée par des clôtures. Le fait est qu'entre 10 000 et 12 000 personnes viendront au Canada assister aux sommets du G8 et du G20. C'est plus que le nombre d'athlètes qui ont participé aux Jeux olympiques, et le niveau de sécurité est beaucoup plus élevé parce qu'un grand nombre de dirigeants du monde assisteront en même temps à ces sommets.

Le coût est à l'évidence considérable, mais pas un seul spécialiste en sécurité du monde n'a critiqué le gouvernement en raison des mesures extrêmes qui sont prises pour assurer la sécurité des chefs d'État, de leurs délégations et de la multitude de représentants de médias étrangers qui seront aussi présents.

Le sénateur Hervieux-Payette : Je rappelle au leader que les attentats contre le World Trade Center se sont produits en 2001 et que je parle d'une clôture érigée en 2007. J'imagine que s'il y avait une menace, nous le saurions.

Pour être plus précis, quand le gouvernement du leader a-t-il fait une demande de propositions pour la clôture? Qui en a établi les caractéristiques? Qui a choisi le fournisseur? Madame le leader pourrait-elle me dire d'où vient cette clôture? Lors du sommet tenu à Montebello, le principal fournisseur venait de l'Alabama, à la grande surprise des entrepreneurs canadiens qui ont affirmé pouvoir fournir le même produit à un coût quatre fois moindre.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, on pourrait s'embarquer dans un débat insignifiant sur les clôtures, mais il y a une grande différence entre Montebello et le centre-ville de Toronto où aura lieu le sommet.

De plus, et je le souligne une fois de plus, les sommets du G8 et du G20 auront lieu coup sur coup. En ce qui concerne les mesures de sécurité, le gouvernement suit les recommandations de nos responsables de la sûreté et de la sécurité publique. Nous pouvons compter sur des fonctionnaires, des policiers et des spécialistes remarquables. Personne ne voudrait prétendre que le gouvernement devrait mettre en doute les conseils et les directives des experts en matière de sécurité qui ont reçu la formation et qui possèdent les compétences nécessaires. Personne ne voudrait que l'on mette en doute leurs conseils lorsque des conférences aussi importantes ont lieu au Canada.

(1400)

C'est une occasion pour notre merveilleux pays de se montrer au monde entier. Personne n'oserait suggérer que l'on prenne des mesures qui pourraient compromettre de quelque façon que ce soit la sécurité des leaders mondiaux, de leurs délégations et des autres personnes invitées.

Le sénateur Hervieux-Payette : Puisque madame le leader fait partie d'un gouvernement qui a rédigé et appuyé le projet de loi sur la responsabilité et qui a insisté pour que celui-ci soit adopté, elle comprendra au moins pourquoi nous leur demandons de rendre des comptes quant au respect de ces principes.

J'aimerais lire une citation au sujet du G8, car le ministre semble attacher beaucoup d'importance à ce sommet et au fait que nous dépensons des centaines de millions de dollars pour l'organiser.

[Français]

Aujourd'hui, dans Le Devoir, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner — qui n'est pas un nouveau venu en politique —, a dit au sujet du G8, et je cite :

On dépense trop d'argent dans ces trucs-là [sommets]. Enfin, des milliards de dollars, c'est trop.

D'ailleurs, le chef de la diplomatie française estime que le G8 est appelé à disparaître.

[Il s'agit] d'une rencontre, vous savez, on déballe du papier, etc., et on s'en va.

Comment le gouvernement justifie-t-il une facture aussi importante pour l'événement de Huntsville, et va-t-il au-delà de ce que les autres chefs d'État attendent de lui?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je suis au courant des observations du ministre français des Affaires étrangères. Ces sommets coûtent cher. J'ai lu ses observations. Il parlait évidemment des sommets en général. C'est ainsi que j'ai interprété ses propos. Il y a quelques semaines, j'ai dit ici qu'il est vrai que ces sommets sont très coûteux. Toutefois, comme le sommet est sur le point d'avoir lieu, nous ne pouvons pas remettre en question les responsables de la sécurité. Nous devons suivre leurs conseils afin d'assurer la sécurité des dirigeants mondiaux et des grandes délégations qui les accompagnent.

Toutefois, je comprends les préoccupations du ministre français des Affaires étrangères, car l'année prochaine ce sera la France qui accueillera les sommets du G8 et du G20. Je ne me suis pas formalisée quand j'ai pris connaissance de ses observations parce que, comme nous, il est conscient qu'il est extrêmement coûteux d'accueillir ces réunions. On ne s'attend pas à ce que les gouvernements prennent des raccourcis ou remettent en question les conseils que leur donnent des gens qui sont spécialisés dans le domaine du renseignement et de la sécurité. Il n'y a pas un seul spécialiste de la sécurité qui a dit ou laissé entendre au gouvernement, que ce soit en privé ou en public, qu'il ne prenait pas cette question au sérieux. Nous ferons tout ce qui est possible pour assurer la sécurité de nos invités.

Le sénateur Mitchell : Ce n'est que du vent.

Le sénateur LeBreton : Le seul à déplacer du vent ici, c'est le sénateur Mitchell.

Une voix : C'est à cause du réchauffement climatique.

Le sénateur LeBreton : Quoi qu'il en soit, je ne suis pas...

Le sénateur Mitchell : Continuez de nager.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le fait est qu'il s'agit d'un dossier sérieux et que nous prenons très au sérieux la sécurité de nos invités et des dirigeants mondiaux. Nous mettons le Canada en valeur. Nous sommes fiers du Canada, contrairement à l'opposition, qui ferait tout en son pouvoir pour nuire au Canada. Nous mettons le Canada en valeur.

Une voix : Bien dit.

Des voix : Bravo!

L'industrie

Les règlements sur l'amiante

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, il me semble que nous avons suffisamment parlé du financement du faux lac à même l'argent des contribuables. Qu'en pensez-vous?

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je vais parler d'un problème encore plus grave, celui de l'amiante au Québec. L'Association canadienne de santé publique s'est récemment prononcée sur le soutien que le gouvernement conservateur continue d'apporter à l'industrie moribonde de l'amiante au Canada. Elle a dit que le gouvernement fait fausse route, que sa décision est contraire à l'éthique et scandaleuse, et que, en exportant l'amiante, le Canada « exporte la mort ».

Cette polémique fait rage alors que l'amiante est retirée de la résidence du premier ministre et de notre lieu de travail sur la Colline du Parlement. Selon Kathleen Ruff, de l'Institut Rideau, le premier ministre a promis à cette industrie que tant qu'il serait premier ministre du Canada, il appuierait l'exportation de l'amiante et s'opposerait à tout accord des Nations Unies sur l'environnement visant à respecter la Convention de Rotterdam, afin d'éviter que l'amiante ne soit inscrite sur une liste de substances dangereuses.

Pourquoi le premier ministre et son gouvernement appuient-ils cette industrie moribonde en lui accordant une protection sur la scène internationale pour lui éviter d'être réglementée?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, premièrement, je n'ai pas entendu le nom de la personne citée par le sénateur Munson.

Il est bien connu que l'amiante est un produit dangereux. Je ne suis pas une experte dans ce domaine, mais je crois que le Canada exporte un type d'amiante différent, qui est encore jugé relativement sûr, mais je ne pourrais pas l'affirmer avec certitude. Je vais prendre note de la question du sénateur Munson.

Le sénateur Munson : Il s'agit de Kathleen Ruff, de l'Institut Rideau.

Dans un documentaire diffusé récemment par CBC/Radio- Canada, intitulé Canada's Ugly Secret, on apprenait que l'amiante provenant du Canada est manipulée dans des conditions effroyables à l'étranger. D'après des études réalisées par le gouvernement du Québec, le taux d'échec au chapitre de la manipulation sans danger de l'amiante au Québec, est de 100 p. 100. Pourtant, l'Institut du Chrysotile, un groupe de pression de l'industrie de l'amiante, a le droit d'utiliser l'emblème et le drapeau du Canada dans ses documents.

Le gouvernement va-t-il écouter les appels lancés par la Société canadienne du cancer et les spécialistes de la santé? Le gouvernement a l'habitude de supprimer les fonds versés à différents groupes de pression. Ce groupe en particulier reçoit environ un quart de million de dollars et ternit la réputation de notre pays.

Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur Munson de sa question. À ma connaissance, on ne finance aucun groupe de pression dans ce secteur, mais je me trompe peut-être, bien sûr. Je prends note de la question.

Le sénateur Munson : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une autre question complémentaire. Je dois souligner le fait que 60 p. 100 des décès en milieu de travail au Québec l'an dernier sont attribuables à l'amiante. Ces données proviennent de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec. Bien que le gouvernement du Québec fasse officiellement la promotion de son usage au pays, l'amiante est rarement utilisée de nos jours au Canada parce qu'il a été prouvé qu'il représente un danger pour la santé. Toutefois, nous continuons d'exporter de l'amiante aux pays en développement pour une valeur d'environ 100 millions de dollars par année.

Au cours des 25 prochaines années, le Canada exportera chaque année 200 000 tonnes d'amiante en Asie. Cette donnée provient encore une fois de l'Institut Rideau. Pourquoi continuons-nous à promouvoir l'amiante à l'étranger tandis que bon nombre de pays développés du monde, dont ceux de l'Union européenne, ont interdit son utilisation?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'ai toujours des doutes par rapport à tout ce qu'affirme l'Institut Rideau, mais je prends note de la question.

La citoyenneté et l'immigration

Les visas de séjour temporaire pour les dignitaires cubains

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Cette année, le Groupe d'amitié Canada-Cuba célèbre 65 ans d'amitié entre le Canada et Cuba, et de franches discussions auront lieu entre ces pays.

Ce matin, le coprésident du Groupe d'amitié Canada-Cuba et moi avions organisé un petit déjeuner pour que les membres du groupe puissent s'entretenir avec le sous-ministre des Affaires étrangères de Cuba, M. Dagoberto Rodríguez Barrera. Malheureusement, lorsque nous sommes arrivés ce matin, l'ambassadeur de Cuba nous a appris que le ministère de l'Immigration avait refusé d'accorder un visa officiel à M. Barrera pour qu'il puisse faire un séjour au Canada. Madame le leader du gouvernement pourrait-elle expliquer pourquoi M. Rodríguez Barrera n'a pas pu obtenir de visa?

(1410)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, on m'a informée des commentaires faits par le sénateur ce matin, et j'ai demandé conseil.

Sans nommer directement qui que ce soit, je vais vous résumer la politique en cause.

Le bureau du Canada à La Havane fait tout en son pouvoir pour offrir les meilleurs services qui soient aux demandeurs. Une personne peut être interdite de territoire pour un certain nombre de raisons, qui sont énoncées dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Le Canada reconnaît qu'une personne qui est techniquement interdite de territoire peut tout de même avoir des raisons valables de se rendre au Canada. D'où l'attribution de permis de séjour temporaire, qui permettent à leur titulaire de séjourner au Canada pour des raisons d'intérêt national. Ces permis ne constituent qu'un outil parmi d'autres permettant de faciliter l'entrée au Canada. Les personnes qui détiennent un permis de séjour temporaire pour des raisons d'intérêt national voient souvent leur arrivée en sol canadien facilitée au port d'entrée, comme dans le cas des titulaires de visas de résident temporaire.

Bref, les titulaires d'un permis de séjour temporaire peuvent faire l'objet des mêmes examens à leur arrivée en sol canadien que les titulaires de visas de résident temporaire. Les permis de séjour temporaire permettent à Citoyenneté et Immigration Canada d'accorder à une personne, dans des circonstances exceptionnelles, le droit de séjourner au Canada même si elle ne répond pas à toutes les exigences.

Je ne ferai aucun commentaire à propos du cas de la personne mentionnée par le sénateur Ringuette, mais cette politique est en vigueur à Citoyenneté et Immigration Canada depuis un certain temps déjà.

Le sénateur Ringuette : J'ai écouté attentivement les explications de ma collègue. Il reste néanmoins que, dans la politique, on utilise les mots « techniquement interdit de territoire ». J'aimerais donc savoir sur la base de quels critères on a déclaré M. Rodríguez Barrera techniquement interdit de territoire.

Le sénateur LeBreton : J'ai déjà dit que je ne pouvais pas émettre de commentaires sur ce cas en particulier. Ces raisons ne sont peut- être même pas connues. Je tâcherai cependant de m'informer et, sans m'intéresser directement au dossier de l'homme en question, je vous reviendrai avec les critères qui font qu'une personne est techniquement interdite de territoire.

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, c'est la deuxième fois en un an qu'un représentant cubain se voit refuser un visa pour venir au Canada. Nous voulons savoir si la politique gouvernementale concernant les relations diplomatiques et officielles entre le Canada et Cuba a changé depuis trois ans ou depuis un an, de sorte que ces deux distinguées personnes n'ont pu venir à Ottawa pour assister à des réunions.

De mon point de vue, c'est la première fois que le Canada fait preuve d'autant de mépris à l'endroit de nos homologues cubains. Particulièrement maintenant, compte tenu de ce que nous avons entendu au cours du dernier mois au sujet des milliards de dollars dépensés pour accueillir 20 dirigeants, ne pouvons-nous même pas donner un morceau de papier, un visa, à un dignitaire étranger qui veut venir parler aux Canadiens?

Le sénateur LeBreton : Encore une fois, honorables sénateurs, ce n'est qu'aujourd'hui que j'ai entendu parler de cette affaire. Évidemment, cela n'a rien à voir avec les 930 millions de dollars dépensés — et le sénateur Ringuette sait très bien que ce ne sont pas 20 dirigeants. Nous accueillons des dirigeants mondiaux de premier plan et d'importantes délégations, soit de 10 000 à 12 000 personnes au total.

Madame le sénateur dit que c'est le deuxième incident du genre, et je la crois évidemment sur parole. J'ai lu aux sénateurs la politique qui s'applique à toute personne qui veut venir au Canada. Je ne crois pas qu'on puisse l'interpréter de plusieurs façons. J'ai cependant dit que je me renseignerais sur les critères d'inadmissibilité.

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, je veux que le leader se rende compte que, en refusant d'accorder des visas à M. Rodríguez Barrera et au président, nous insultons le gouvernement cubain. Je viens du Nouveau-Brunswick et nous, dans cette province, collaborons avec nos collègues cubains depuis plus de 50 ans.

Le sénateur Tkachuk : Oh, oui. Ce sont des gens merveilleux.

Le sénateur Ringuette : Le sénateur Tkachuk a-t-il quelque chose à dire?

Le sénateur Tkachuk : J'attends que vous finissiez.

Le sénateur Ringuette : Si le sénateur veut dire quelque chose, il devrait demander la parole pour se faire entendre.

Je dirai au leader que, si c'est là la nouvelle politique du gouvernement Harper à l'égard de Cuba, cette nouvelle politique devrait être approuvée publiquement.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je suis presque tentée de dire au sénateur de ne pas s'empresser d'aller dans le coin et de briser ses crayons de couleurs à cause de cela.

Il s'agit manifestement d'un cas particulier qui a été porté à l'attention du sénateur par l'ambassadeur de Cuba. Le sénateur sait très bien qu'il n'y a eu aucun changement en ce qui concerne les relations du Canada avec Cuba. Comme c'est le cas pour n'importe quel pays, il arrive que des incidents comme celui-ci se produisent. Nous avons des agents de la citoyenneté et de l'immigration à la frontière et nous devons nous fier à leur jugement et à la façon dont ils traitent chaque cas. Les questions complexes et difficiles auxquelles ils sont confrontés rendent leur travail difficile.

Je ne connais pas les circonstances particulières du cas qui nous intéresse ici. J'ai fait lecture de la politique qui est en place depuis un certain temps. Aucune modification n'a été apportée à cette politique, et j'estime que le sénateur Ringuette dépasse les bornes en suggérant que l'ensemble du Canada a, en quelque sorte, fait un affront à Cuba dans cette affaire.

Les finances

Les sanctions pécuniaires et l'impôt des sociétés

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Jusqu'à tout récemment, les sociétés pouvaient déduire de leurs impôts, à titre de dépense d'affaires, les amendes et les autres sanctions pécuniaires encourues par la suite de la violation de lois fédérales. Il s'agit ici non seulement des amendes liées au non-respect des lois fédérales en matière d'environnement, mais de toute sanction pécuniaire imposée pour une infraction à n'importe quelle loi fédérale.

La Cour suprême a été saisie d'une affaire de cette nature. Dans ce dossier, la cour a statué que, comme l'amende avait été imposée dans le cadre des activités de l'entreprise, il s'agissait d'une dépense d'affaires. L'entreprise en question avait le droit, aux termes de la loi actuelle, de déduire l'amende, à titre de dépense d'exploitation, de l'impôt fédéral qu'elle devait payer.

L'amende ou la sanction pécuniaire est alors simplement traitée comme une dépense d'exploitation — par surcroît déductible d'impôt —, et non comme une sanction pour conduite répréhensible.

Le ministère des Finances avait fait part de son intention de modifier la législation fédérale en matière fiscale pour éviter ce genre de situation, mais je ne suis pas certain qu'on ait remédié à cette échappatoire et que la modification qui s'imposait ait été effectuée.

Madame le ministre peut-elle nous dire si les entreprises sont autorisées à déduire, à titre de dépense d'affaires, les amendes imposées pour infraction aux lois fédérales?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Banks de m'avoir avisée à l'avance de cette question. Notre ancien collègue, le sénateur Grafstein, me posait souvent des questions sur des règlements compliqués et il s'attendait à ce que j'aie tout de suite une réponse. Le sénateur Grafstein lisait les pages financières et suivait le cours des marchés boursiers quotidiennement.

Pour ce qui est de la question du sénateur Banks, les amendes ou les sanctions pécuniaires imposées en vertu de la loi, que ce soit par le gouvernement, un organisme gouvernemental, un organisme de réglementation, un tribunal ou une autre entité ayant le pouvoir législatif d'imposer des amendes ou des sanctions, notamment en vertu d'une législation étrangère, ne sont pas déductibles aux fins de l'impôt au Canada. Ces dispositions, qui s'appliquent aux amendes et autres sanctions imposées après le 22 mars 2004, se trouvent à l'article 67.6 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

(1420)

L'environnement

Réunion des ministres de l'Environnement avant les sommets du G8 et du G20

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Depuis le début des années 1990, les sommets du G8 ont presque invariablement été précédés par une rencontre des ministres de l'Environnement de tous les pays membres, organisée par le ministre de l'Environnement du pays hôte. Seul George Bush avait manqué à cette tradition, mais même lui avait organisé une conférence des ministres de l'Environnement avant le sommet du G20.

Cette année, il n'y aura pas de réunion des ministres de l'Environnement en prévision du sommet du G8 ou du sommet du G20. Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire pourquoi il en est ainsi?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Comme le sénateur le sait, il est évident, compte tenu de la situation économique qui règne dans le monde, que l'économie est le principal article à l'ordre du jour du sommet. Le Canada travaillera en faveur de la poursuite des efforts coordonnés à l'échelle internationale pour combattre la récession et garantir la reprise.

Notre gouvernement appuie l'accord de Copenhague sur les changements climatiques auquel, pour la première fois, tous les grands émetteurs ont souscrit. Notre objectif est de transposer cet accord en un traité international efficace. C'est pour cette raison que les ministres de l'Environnement se sont en fait réunis. Ils se sont retrouvés à Bonn, en Allemagne, du 2 au 4 mai. Le ministre Prentice a, bien entendu, participé à la réunion.

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, comment se fait-il alors que l'ordre du jour du sommet du G8 ne comprenne aucun point relatif à l'environnement? Si les discussions sur l'économie, les questions économiques et la récession sont en tête de l'ordre du jour du sommet du G8, pourquoi les pays membres n'examinent-ils pas les conséquences environnementales des changements climatiques, qui constituent un énorme problème économique?

Le sénateur LeBreton : Comme le sait fort bien le sénateur Mitchell, le premier ministre, le président Calderón, du Mexique, et d'autres ont dit que l'environnement figurera certainement à l'ordre du jour de ces réunions. Le sénateur a parfaitement raison. Lors de l'examen des problèmes économiques qui sévissent dans le monde, les facteurs environnementaux figureront en bonne place dans les discussions. Toutefois, le sénateur a tort de penser que nous n'avons pas participé et ne participerons pas aux discussions sur l'environnement qui précéderont les sommets du G8 et du G20.

Le sénateur Mitchell : Six lauréats du prix Nobel de la paix viennent d'écrire au premier ministre pour souligner les conséquences économiques de l'inaction dans le dossier des changements climatiques. Ce faisant, ils ont encore une fois mis en évidence, à l'échelle internationale, le fait que le Canada n'a pas fait ce qu'il devait faire au chapitre des changements climatiques et d'un certain nombre d'autres questions environnementales.

Comment se fait-il que le gouvernement peut aménager un lac artificiel et le qualifier d'initiative de marketing destinée à faire la promotion du Canada à l'étranger sans se rendre compte qu'il y a une énorme contradiction entre cette initiative stupide et coûteuse et l'absence de mesures concrètes sur l'environnement? De telles mesures auraient indiqué aux gens, partout dans le monde, que le gouvernement est sérieux lorsqu'il parle de l'un des plus importants problèmes auxquels le monde soit confronté aujourd'hui.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, sans vouloir m'attarder sur le fait que le kiosque de 2 millions de dollars contribuera à la promotion du Canada auprès de nos visiteurs, je voudrais mentionner que quelqu'un m'a dit, au sujet des 57 000 $ du bassin, que nous savons au moins combien il a coûté, contrairement à la piscine construite au 24, rue Sussex. Nous n'avons jamais su qui avait commandé cette piscine, qui l'avait payée et combien elle avait coûté.

Quoi qu'il en soit, honorables sénateurs, nous avançons à grands pas dans le domaine des changements climatiques, comme je l'ai précédemment mentionné. Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons préconisé la conclusion d'un accord avec la participation de tous les grands émetteurs du monde et nous allons de l'avant pour ce qui est de l'accord signé à Copenhague.

Le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie a récemment fait l'éloge du Canada, qui s'est fixé pour cible de réduire ses émissions de 17 p. 100 au-dessous des niveaux de 2005 d'ici 2020. Le directeur a félicité le Canada pour cette initiative. On ne peut pas en dire autant du gouvernement précédent, qui avait signé un accord en sachant pertinemment qu'il ne serait pas en mesure de l'appliquer.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse à trois questions orales, la première à la question posée par l'honorable sénateur Dallaire, le 13 avril 2010, concernant la défense nationale, l'aide aux réservistes; la deuxième, par l'honorable sénateur Banks, le 1er juin 2010, concernant les affaires étrangères et le commerce international, la surveillance des médias sociaux; et la troisième, par l'honorable sénateur Chaput, le 2 juin 2010, concernant la défense nationale, la formation en langues officielles.

La défense nationale

L'aide aux réservistes

(Réponse à la question posée le 13 avril 2010 par l'honorable Roméo Antonius Dallaire)

La Force de réserve est un élément essentiel des Forces canadiennes, et le gouvernement du Canada est déterminé à faire en sorte qu'elle dispose des ressources et du personnel requis pour mener à bien ses missions.

Les Forces canadiennes connaissent un rythme opérationnel sans précédent au pays comme à l'étranger et, au cours du dernier exercice, la concurrence entre les priorités des différentes opérations a exercé des pressions financières. Pour faire face à cette situation environ 80 millions de dollars du budget de l'Armée de terre ont été réaffectés l'année dernière au profit des priorités opérationnelles. Ces réaffectations ont touché, entre autres, la formation des forces de la réserve et de la force régulière, l'entretien des bâtiments et l'enveloppe salariale des employés civils.

Cependant, ces réaffectations étaient temporaires, et pour l'exercice 2010-2011 le budget de l'armée se maintient. Dans l'ensemble, l'Armée de terre a eu droit à des hausses soutenues du financement du Programme de la Réserve, qui est passé de 257,2 millions de dollars pour l'exercice 2005-2006 à un montant prévu de 457,6 millions de dollars pour l'exercice 2011-2012.

Les Canadiens ont accordé un soutien moral impressionnant à leurs troupes, et ont appuyé la décision du gouvernement de leur attribuer des ressources financières additionnelles. Par exemple, l'été dernier, le gouvernement a annoncé son engagement à acquérir des véhicules blindés neufs et usagés qui assureront que les soldats aient les outils et la protection dont ils ont besoin.

Le gouvernement est déterminé à mettre en œuvre sa Stratégie de défense Le Canada d'abord qui fera en sorte que les Forces canadiennes possèdent le personnel, l'équipement, l'infrastructure et la préparation dont elles ont et auront besoin aujourd'hui et demain pour défendre le Canada et ses intérêts. Pour y arriver, notre stratégie établit pour les FC une vision et un cadre de financement prévisible à long terme.

Les affaires étrangères et le commerce international

La surveillance des médias sociaux

(Réponse à la question posée le 1er juin 2010 par l'honorable Tommy Banks)

Tous les employés qui ont corrigé de l'information erronée en ligne dans le cadre du projet pilote se sont nommés par leur prénom et ont aussi indiqué qu'ils étaient des employés du gouvernement du Canada travaillant sur le dossier des phoques.

La défense nationale

La formation en langues officielles

(Réponse à la question posée le 2 juin 2010 par l'honorable Maria Chaput)

Les Forces canadiennes reconnaissent l'importance d'appuyer les deux langues officielles. Le fait d'accorder au français et à l'anglais une importance égale est une bonne mesure et contribue à l'efficacité opérationnelle. En effet, le ministère de la Défense nationale a entrepris en 2006 de transformer son approche en matière de langues officielles et a depuis réalisé des progrès appréciables. Par exemple, la BFC Borden et la garnison St-Jean ont reçu du financement pour des initiatives variées visant à assurer que le personnel des Forces canadiennes des deux groupes linguistiques ait accès à des services égaux, comme l'entraînement, l'éducation et les services médicaux.

Les Forces canadiennes ont accepté chacune des 20 recommandations du dernier rapport du Commissaire et celui-ci a écrit qu'il était satisfait de notre plan d'action. Les Forces canadiennes sont fermement engagées à mettre en œuvre les mesures correctives nécessaires dans les prochaines années et appliquent déjà quelques-unes des recommandations. De plus, le directeur des langues officielles des Forces canadiennes entreprendra un suivi rigoureux sur les plans d'action préparés par les responsables de l'instruction des Forces canadiennes, dans le but d'assurer la mise en œuvre des recommandations du commissaire.

[Traduction]

Question de privilège

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, je soulève la question de privilège, conformément à l'article 59(10) du Règlement.

Il y a quelques instants, dans l'atmosphère parfois surchauffée de la période des questions, le leader du gouvernement au Sénat a dit que l'opposition, — je crois que ce sont les mots qu'elle a utilisés — « ferait tout en son pouvoir pour nuire au Canada ».

Nous sommes tous habitués aux échanges de propos plus ou moins injurieux entre les deux côtés pendant la période des questions. Cela fait souvent partie du jeu, même si nous essayons de garder la maîtrise de la situation. Toutefois, honorables sénateurs, cette observation particulière dépasse les limites de ce qu'on peut considérer comme acceptable.

Tout d'abord, elle est fausse. En fait, beaucoup de sénateurs de ce côté-ci, comme du côté du gouvernement, ont consacré des années à la défense du Canada contre ceux qui essayaient sérieusement de miner le pays, sinon de le détruire.

De plus, une telle accusation, si jamais elle était tenue pour véridique — et nous devons supposer qu'elle l'est à défaut d'avoir la preuve du contraire —, porterait sûrement atteinte à notre capacité de nous acquitter de nos fonctions, telles que prévues dans la Loi constitutionnelle de 1867. Selon l'article 43 de notre Règlement, cela constitue une violation des privilèges des sénateurs. Je rappelle aux sénateurs que, conformément au Règlement, une violation des privilèges de n'importe quel sénateur constitue une violation des privilèges de tous les sénateurs.

D'après le commentaire 28, à la page 12 de la Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, on entend par propos touchant aux privilèges les propos qui portent « préjudice à l'aptitude d'un député à servir ». Je soutiens que le fait de suggérer que nous sommes tous des traîtres porte préjudice à notre aptitude à servir.

Au commentaire 60 de la Jurisprudence parlementaire, Beauchesne dit que les observations qui dépassent les bornes d'une critique raisonnable portent atteinte au privilège. Selon le commentaire 62, constituent une atteinte au privilège les démarches ou les déclarations qui sont non seulement erronées ou incorrectes, mais délibérément fausses ou inconvenantes et comprennent un élément de tromperie.

Votre Honneur, comme j'ai invoqué l'article 9(10) du Règlement pour soulever la question de privilège, je n'ai pas eu le temps de faire des recherches poussées et de trouver de nombreux commentaires à l'appui de mes affirmations. Je soutiens cependant que l'affaire est tellement claire qu'il n'est vraiment pas nécessaire de produire des volumes de commentaires.

Si le leader voulait bien retirer ses propos, je considérerais l'affaire close. Autrement, j'exhorte Son Honneur à conclure qu'il existe, à première vue, matière à question de privilège et que l'affaire devrait être renvoyée au Comité du Règlement.

(1430)

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Fraser.

Il se produit en effet de nombreux incidents ces derniers temps. Nous avons vu que, lorsque le Canada a été l'hôte des Jeux olympiques, on a dit et fait bien des choses. De toute évidence, les sénateurs d'en face attaquaient le gouvernement, mais ils le faisaient, selon moi, dans le but de ternir la réputation du Canada, je dirais. Je n'ai aucunement voulu dire que les sénateurs d'en face manquent de patriotisme, mais je me ferai un plaisir de consulter la transcription pour vérifier mes propos et agir en conséquence.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Je rappelle à tous les sénateurs qui n'ont pas lu l'article 43 du Règlement dernièrement qu'il prévoit que la question de privilège doit être « soulevée à la première occasion » — je crois que madame le sénateur a plutôt invoqué l'article 59(10) —, qu'elle doit « toucher directement aux privilèges du Sénat, d'un de ses comités ou d'un sénateur » et qu'elle doit être soulevée pour « réclamer un correctif que le Sénat a le pouvoir d'apporter, en l'absence de tout autre processus parlementaire raisonnable ».

Comme madame le leader l'a dit, elle vérifiera la transcription pour voir si elle a tenu des propos qui auraient nui aux sénateurs d'en face ou leur aurait causé du tort de quelque façon que ce soit. Je suis certain qu'une fois qu'elle aura consulté la transcription, elle reviendra nous faire part de ses observations.

J'écoutais pendant la période des questions et je n'ai rien entendu qui aurait pu nuire à un sénateur ou l'aurait empêché de faire son travail. Autrement dit, le leader n'a rien fait pour empêcher un sénateur de faire son travail. Je ne vois pas en quoi il y a là matière à question de privilège.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'aimerais qu'on m'aide un peu. J'essaie de comprendre ce qui se passe ici. J'ai manqué la majeure partie de l'intervention du sénateur Fraser, mais le sénateur LeBreton a dit qu'elle souhaitait consulter les bleus. Je me demande ce qui se passe. Est-ce une forme de suspension? Qu'est-ce qui se passe ici? Comment le temps nécessaire pour consulter les bleus est-il accordé? Madame le sénateur demande-t- elle l'ajournement du débat? Si c'est le cas, la demande devrait être formulée comme il se doit. Un sénateur ne peut pas se contenter de dire qu'il va consulter les bleus et que, demain, il nous fera part de ses observations. Une question a été soulevée. Quelqu'un devrait peut-être nous donner des précisions sur la demande du sénateur LeBreton. Je crois fermement que, si on attaque ou remet en question la réputation d'un sénateur, celui-ci a parfaitement le droit de répondre et de réagir. Je ne suis pas sûre de la procédure à suivre lorsqu'un sénateur souhaite suspendre le débat pour vérifier la transcription. Il faudrait qu'on nous éclaire là-dessus.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, nous n'avons rien à ajouter de ce côté-ci. Si Son Honneur souhaite écouter d'autres interventions, c'est sa prérogative.

Le sénateur Fraser : Je crois que cette situation s'est déjà produite par le passé, Votre Honneur. Des débats sur des questions de privilège avaient alors été ajournés, plutôt que de prendre les affaires en délibéré. Je crois que ce débat devrait être ajourné jusqu'à ce que madame le leader ait eu l'occasion de consulter les bleus et, peut-être aussi, d'écouter l'enregistrement sonore des délibérations d'aujourd'hui. Elle pourra ensuite nous faire part de ses observations.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Conformément à l'article 18(3) du Règlement, la suite du débat est inscrite à la fin de l'ordre du jour de la prochaine séance.)


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'emploi et la croissance économique

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gerstein, appuyée par l'honorable sénateur Kochhar, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-9, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 4 mars 2010 et mettant en œuvre d'autres mesures.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je suis très heureux de participer au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-9. Le projet de loi a été présenté à cette étape hier par le sénateur Gerstein. Je crains de ne pas être en mesure de me livrer au même tour de force sur le plan historique que le sénateur Gerstein hier, parce que je ne peux pas traiter aussi légèrement d'une mesure législative de 900 pages.

Honorables sénateurs, je vais vous faire part de certaines de mes préoccupations puisque, à cette étape, nous discutons des principes. Nous en sommes à l'étape de la deuxième lecture, qui est l'étape où nous discutons des principes. Je vais soulever plus de questions que je n'ai de réponses, étant donné qu'il nous reste un bon nombre de témoins à entendre.

Honorables sénateurs, je vais commencer par parler un peu du contenu du projet de loi C-9. J'ai déjà mentionné que cette mesure compte près de 900 pages. Elle vise ou modifie 78 lois. Elle renferme 2 208 articles et elle englobe même une autre mesure législative.

Elle est divisée en 24 parties, et je vais dire quelques mots sur certaines d'entre elles mais, Dieu merci, je ne vais pas traiter de chacune des 24 parties.

Une partie traite de l'assurance-emploi. Nous, au Comité des finances, avons étudié le régime de l'assurance-emploi dans le passé, et un certain nombre de changements y ont été apportés au fil des années.

Les sénateurs se souviendront que, l'année dernière, nous avons prolongé de cinq semaines, pour une période de deux ans, la durée des prestations versées à certaines personnes.

Par ailleurs, l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada a été créé il y a quelques années. Cette initiative visait à constituer un compte de l'assurance-emploi distinct du Trésor et à créer un organisme indépendant chargé de fixer le montant des cotisations, de façon à ce que celles-ci soient suffisantes pour couvrir les dépenses. Depuis, un certain nombre de prestations ont été ajoutées, comme je l'ai mentionné.

L'année dernière, le gouvernement a précisé, dans une mesure législative, qu'un montant de 2,9 milliards de dollars devrait permettre de couvrir ces dépenses. Le projet de loi dont nous sommes saisis remplace l'ancien compte, qui était un compte fictif au sein du Trésor, par un nouveau compte. Nous ne savons pas s'il s'agit d'un compte fictif ou réel. Plusieurs actuaires qui sont venus témoigner devant le comité ont dit que le montant versé dans l'ancien compte n'était pas suffisant pour faire face aux éventualités et aux fluctuations qui caractérisent l'emploi et le chômage. Nous aurons beaucoup de questions à ce sujet, et j'espère que mes collègues vont s'intéresser au débat. Cela dit, si le principe fondamental est que l'assurance-emploi doit fonctionner comme un régime d'assurance, et si l'Office de financement de l'assurance- emploi du Canada se voit confier la responsabilité de s'assurer que ce principe est respecté, les cotisations versées par les employeurs et les travailleurs devront augmenter de 35 p. 100 au cours des quatre prochaines années.

Honorables sénateurs, c'est de cela dont il s'agit en l'occurrence : une augmentation de 35 p. 100 des cotisations au cours des quatre prochaines années.

(1440)

Il y a aussi une autre hausse, celle du Droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Hier soir, nous avons accueilli au comité, pour l'étude du Budget supplémentaire des dépenses (A), des représentants de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, l'ACSTA, pour la bonne raison que, dans ce budget, le gouvernement demande 350 millions de dollars pour l'ACSTA. Nous sommes saisis d'un rapport dont, je crois, le sénateur Gerstein parlera aujourd'hui. Il s'agit d'un rapport sur le Budget principal des dépenses où on demande, pour le prochain exercice, 243 millions de dollars pour l'ACSTA. Dans le projet de loi à l'étude, nous avons, outre les montants dont je viens de parler, une augmentation de 50 p. 100 du droit pour la sécurité. Si le projet de loi est adopté, la hausse sera de 52 p. 100.

Honorables sénateurs, nous voulions savoir où allait tout cet argent. Hier soir, nous n'avons obtenu aucune réponse, même si nous avons posé beaucoup de questions. Voilà un autre point qui exigera beaucoup de temps. Je prévois que le projet de loi sera renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales, et nous devrions y examiner toutes ces questions et voir pourquoi il est nécessaire d'augmenter le Droit pour la sécurité des passagers de 52 p. 100, ce qui s'ajoute aux 350 millions de dollars demandés dans le Budget supplémentaire des dépenses (A), où est également prévu pour l'ACSTA un montant de 68 000 $ pour les sommets du G8 et du G20, à Toronto.

Honorables sénateurs, dans ce budget supplémentaire des dépenses, il est également question d'Énergie atomique du Canada limitée, ou EACL. Le gouvernement a fait plusieurs déclarations différentes sur l'avenir d'EACL. Notre comité s'est prononcé sur la question. J'ai un exemplaire d'un rapport découlant d'une réunion antérieure. Dans le budget de 2009, le gouvernement a annoncé la restructuration d'EACL. En mai 2009, il a fait savoir que cette société allait être scindée en deux entreprises, l'une qui se consacrerait à la recherche et l'autre qui aurait une vocation commerciale. Subséquemment, il a déclaré que cette dernière serait vendue. D'après le budget de 2010, le gouvernement aurait entrepris une autre restructuration pour rendre l'entreprise plus attrayante pour les investisseurs. Nous avons engagé une société de New York pour essayer de vendre EACL. Différents investisseurs ont été invités à soumettre des propositions pour acquérir l'entité à vocation commerciale. Puis, tout récemment, dans la partie 18 du projet de loi à l'étude, qui est censé porter sur l'exécution du budget, le gouvernement demande l'autorisation de vendre tout ou partie d'EACL.

Quelle est la bonne réponse? Veut-il vendre une partie de la société ou la totalité? S'il veut en vendre la partie commerciale, pourquoi ne nous le dit-il pas? Pourquoi ne participerions-nous pas à cette décision? Qu'en est-il des critères normaux et des garanties à l'égard de la vente d'entités gouvernementales ou canadiennes à des intérêts étrangers? Cette vente-ci serait évidemment faite à des intérêts étrangers. Pourquoi le critère de la sécurité nationale ne s'applique- t-il pas? Pourquoi est-il exclu? Pourquoi l'Agence d'examen de l'investissement étranger n'applique-t-elle pas le critère des intérêts du Canada? Pourquoi ces critères sont-ils écartés? Voilà des questions que nous voudrons étudier. Je n'ai pas les réponses, mais je peux poser des questions, et je suis sûr que, lorsque les représentants du gouvernement comparaîtront, nous en aurons beaucoup d'autres à poser. Il reste que cela vous donne une petite idée de ce qui nous attend, honorables sénateurs.

La question du bois d'œuvre a été réglée une fois pour toutes en 2006, les honorables sénateurs s'en souviendront. Depuis, il y a eu une contestation majeure. Auparavant, nous avions eu gain de cause sur presque toute la ligne, mais il y a eu une nouvelle contestation. Nous nous sommes adressés à la Cour d'arbitrage international de Londres et nous avons perdu cette cause. Des droits de 10 p. 100 frappent maintenant le bois d'œuvre provenant de l'Ontario, du Québec, du Manitoba et de la Saskatchewan parce que les ventes ont dépassé le quota que le gouvernement a accepté pour conclure un accord par le passé. Le problème, c'est que la Saskatchewan et le Manitoba n'ont pas dépassé le quota autant que l'Ontario et le Québec l'ont fait. Ils l'ont dépassé à certains moments, mais ils se font imposer la même sanction de 10 p. 100 pour toutes leurs expéditions. Nous voudrions savoir pourquoi. Pourquoi la Saskatchewan et le Manitoba sont-ils traités injustement dans ce cas-ci?

Plusieurs dispositions du projet de loi C-9 portent sur les pensions, sénateurs.

Il y a encore la question de Postes Canada et des réexpéditeurs de courrier. Le Parlement a déjà été saisi deux fois de cette question dans des projets de loi distincts. Cette fois-ci, la mesure est enfouie dans le projet de loi à l'étude. Nous allons devoir, bien entendu, examiner toutes ces questions.

Il y a aussi la question des coopératives de crédit. Celles-ci relèvent normalement de la législation provinciale. Or, le gouvernement les invite en fait à devenir des entités nationales encadrées par une législation fédérale, exigeant qu'elles se constituent en entités fédérales pour pouvoir être administrées aux termes de la législation fédérale.

Il y a ensuite la question des réseaux de cartes de crédit et de débit, qui se rapporte au travail considérable que le Comité des banques et le sénateur Ringuette ont consacré à l'étude des cartes de crédit. Il est proposé de confier au ministre les pouvoirs et la surveillance concernant cette initiative. Nous chercherons à savoir si la meilleure solution est de confier cela au ministre ou si nous ne devrions pas avoir un organisme de surveillance.

Le sénateur Gerstein a parlé hier de la prestation universelle pour la garde d'enfants, dont il a dit qu'elle n'est pas imposable. En réalité, elle est imposable. Elle n'échappera pas à l'impôt, et les sénateurs le constateront à la lecture du projet de loi.

Deux parties du projet de loi C-9 portent sur les mères seules et les parents séparés. Le sénateur Gerstein a parlé à ce propos d'initiatives du gouvernement pour les familles. Nous devrons étudier cette question de façon assez minutieuse.

Honorables sénateurs, les évaluations environnementales ont fait l'objet d'un bon nombre d'articles dans les journaux et de courriels. Nous sommes nombreux à avoir reçu des courriels et des lettres au sujet des pouvoirs retirés à l'Agence canadienne d'évaluation environnementale. Elle perdra des pouvoirs dans le domaine de l'énergie. Elle ne sera plus autorisée à évaluer les projets du secteur énergétique ni les autres projets que le ministre peut qualifier d'énergétiques. Le ministre des Ressources naturelles a le pouvoir d'établir la portée de toute évaluation environnementale, et dorénavant le public — aucun élément du public — n'aura plus l'occasion de participer à la définition de la portée des évaluations. Outre les projets du secteur énergétique, le projet de loi soustrait certains autres projets à toute évaluation.

Honorables sénateurs, ces mesures préoccupent vivement un segment particulier de la société. J'ai également reçu des communications de gens du secteur des pipelines, du secteur du transport de l'énergie; ils disent que c'est une idée merveilleuse, qu'il faut s'engager dans cette voie. Des opinions contraires s'exprimeront à ce sujet, et nous voudrons aborder la question avec une grande ouverture d'esprit.

(1450)

Le gouvernement demande une réduction de l'obligation législative de payer de l'intérêt sur les trop-perçus des sociétés et des particuliers. Si vous faites une erreur par suite de laquelle vous versez trop d'impôt sur le revenu, le gouvernement vous accordait auparavant un intérêt à un taux supérieur à ce qu'il veut payer maintenant. Nous voudrons connaître les motifs de cette mesure et veiller à ce que le public soit équitablement traité.

Honorables sénateurs, ce sont là quelques-unes des questions qui se posent. Vous pouvez constater à quel point elles sont différentes les unes des autres. C'est la raison pour laquelle certains, moi compris, estiment qu'il s'agit d'un projet de loi omnibus.

J'ai examiné quelques autres projets de loi d'exécution du budget. Je n'ai pas pu remonter aussi loin que mon bon ami, le sénateur Gerstein, qui est allé jusqu'en 1763, mais j'ai pu remonter à mon arrivée au Sénat en 2002. Je peux donner aux sénateurs des renseignements tirés des discours prononcés alors. Je voudrais rappeler que les gens, surtout il y a un certain temps, qualifiaient d'omnibus les mesures législatives qui découlaient du budget, mais qui étaient très diverses et venaient de différentes sources. Nous comprenons que les budgets comprennent de telles mesures. Un projet de loi omnibus traite donc de nombreuses questions différentes découlant du budget.

Plus récemment, cependant, le mot a servi à décrire des mesures législatives qui ont beaucoup de contenu n'ayant rien à voir avec le budget et les questions financières. C'est l'acception relativement moderne du terme « omnibus ».

Permettez-moi de vous présenter quelques-unes des citations que j'ai trouvées pertinentes pendant la période comprise entre 2002 et 2010.

Premièrement, en 2002, le sénateur Noël Kinsella a dit ceci du projet de loi d'exécution du budget :

[...] j'ai appuyé le Fonds canadien pour l'Afrique, mais je n'appuie pas le droit-contribution-taxe-frais pour la sécurité du transport aérien [...]

Il parlait ainsi du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien.

Si nous débattons maintenant du principe du projet de loi, quel est donc ce principe?

Ils en étaient alors à l'étape de la deuxième lecture.

Je demande aussi à connaître le principe du projet de loi C-9. Je comprends le dilemme du sénateur Kinsella.

Il avait ajouté :

Ce projet de loi est peut-être totalement irrecevable [...] il devrait alors être retiré ou examiné par Son Honneur le Président. Nous devrions sans doute garder cela à l'esprit lorsque nous analyserons attentivement ce projet de loi.

Le sénateur Kinsella a dit encore ceci :

J'espère qu'il sera possible au comité, si ne n'est pas ici [...] de scinder le projet de loi ou d'en supprimer la partie inacceptable afin que les sénateurs puissent appuyer d'autres parties du projet de loi que nous jugeons très valables.

J'ai cité les propos tenus par le sénateur Kinsella en 2002 au cours du débat à l'étape de la deuxième lecture d'un projet de loi d'exécution du budget.

Honorables sénateurs, j'ai ici une autre citation. Le sénateur Roch Bolduc a également formulé quelques observations très intéressantes. Toutefois, comme il n'est pas ici pour se défendre, je ne donnerai pas lecture de ses propos. C'était un grand sénateur conservateur pour qui j'éprouvais beaucoup de respect. Il a siégé au Comité des finances nationales pendant que j'y étais aussi. Il a depuis pris sa retraite. Je vais donc sauter la citation de 2003.

Je passe maintenant au projet de loi C-30 de 2004. Au cours du débat à l'étape de la deuxième lecture, le sénateur Donald Oliver a fait certaines observations. Le plus drôle, c'est que le sénateur Oliver est devenu président du Comité sénatorial permanent des finances nationales. J'ai trouvé ses propos intéressants. Il a dit :

Honorables sénateurs, ce long projet de loi vise à donner force de loi à plusieurs mesures du récent budget.

Il avait reconnu que les mesures venaient du budget et a parlé de « ce long projet de loi ».

Honorables sénateurs, j'ai examiné le projet de loi en question pour voir dans quelle mesure il était long. Il avait 56 pages. Le projet de loi dont nous sommes saisis en compte 900.

C'était en mai 2004. Le sénateur Oliver avait eu l'occasion de pousser son examen du projet de loi.

En juin 2005, un an plus tard, le sénateur Oliver — je suppose qu'il était encore président du Comité des finances — a encore dit :

Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'un projet de loi omnibus qui compte quelque 23 parties distinctes. Le projet de loi C-43 aurait dû nous être présenté sous la forme d'au moins trois ou quatre projets de loi séparés, un traitant des mesures budgétaires proprement dites [...]

Il parle d'autres parties traitant de sujets différents, puis ajoute :

Honorables sénateurs, je me permets de dire que si ces dispositions avaient fait l'objet d'un projet de loi séparé il y a quelques semaines de cela, comme nous l'avions proposé [...]

Il ajoute que cette partie du projet de loi aurait pu être adoptée très rapidement. Cela ressemble singulièrement aux déclarations récemment faites ici.

Honorables sénateurs, le projet de loi omnibus en question n'avait que 102 pages. L'honorable sénateur Oliver a conclu en disant :

Malheureusement, on a joué des jeux politiques en maintenant cette entente dans ce projet de loi omnibus.

Les dispositions en cause ne traitaient pas de questions financières.

Honorables sénateurs, j'aimerais beaucoup donner lecture un jour de quelques autres citations.

D'autre propos m'ont sauté aux yeux : ceux que le sénateur Lowell Murray a tenus l'an dernier. Voici ce qu'il a dit :

Le plus important, c'est qu'il existe des divergences d'opinions bien ancrées sur ces propositions entre les Canadiens qui connaissent le mieux ces questions, s'en préoccupent le plus et seront le plus directement touchés [...]

Dans l'intérêt d'une saine politique d'intérêt public, et même dans l'intérêt des valeurs démocratiques que nous chérissons, nous avons le devoir de les entendre. Il ne faut pas, par des moyens détournés, écarter leurs préoccupations au sujet de dispositions législatives préjudiciables, ce qui arrive lorsqu'on impose de force, dans un projet de loi d'exécution de budget, des mesures qui n'y ont pas leur place.

Voilà la position du sénateur Murray.

J'ai ici des observations qui ont été formulées par le sénateur Goldstein, mais, comme il ne peut ni défendre sa position ni corroborer ces observations parce qu'il n'est pas ici, je ne vous en donnerai pas lecture. Je tiens néanmoins à rappeler aux sénateurs que, de part et d'autre, nous formulons depuis plusieurs années des observations à ce sujet et soutenons que cette pratique ne saurait être tolérée plus longtemps.

C'est l'an dernier que nous avons protesté le plus vigoureusement, selon ce que j'ai pu voir. Dans notre rapport, nous recommandions ceci :

Recommandation 9 : Que le gouvernement cesse d'utiliser des projets de loi omnibus pour présenter des mesures d'exécution du budget.

Nous décrivions ensuite ce que le Sénat devrait faire, à notre avis, si le gouvernement ne nous écoutait pas. De toute évidence, il ne nous a pas écoutés. Scinder le projet de loi en parties cohérentes; c'est ce qui est proposé dans la motion du sénateur Murray. On pourrait supprimer toutes les dispositions non budgétaires et étudier seulement les parties du projet de loi qui sont de nature budgétaire. Une autre façon de procéder consiste à ne pas scinder le projet de loi, mais à n'en étudier que certaines parties. Nous devrions peut- être le rejeter à l'étape de la deuxième lecture pour le motif qu'il constitue un affront pour le Parlement. Nous voici donc à l'étape de la deuxième lecture. Y en a-t-il parmi nous qui jugent qu'il y a affront au Parlement?

Nous pourrions également établir une nouvelle règle au Sénat qui interdirait la présentation d'un projet de loi de mise en œuvre du budget contenant des mesures non budgétaires. C'est dommage que nous ne l'ayons pas fait.

(1500)

La majorité des membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales recommandait la même chose pendant la même période, l'année dernière. Honorables sénateurs, vous vous souviendrez que nous avons procédé à une étude réfléchie du projet de loi après l'avoir adopté. Oui, nous l'avons effectivement adopté, mais en précisant que le public canadien avait le droit de donner son opinion sur cette mesure législative même après son adoption. Nous avons tenu des audiences exhaustives pour la raison mentionnée par le sénateur Murray et d'autres, à savoir qu'il est important que le public sache que nous faisons le travail qu'il attend de nous et qu'il ait l'occasion de faire connaître son opinion.

Il est préoccupant de constater que le public n'a pas un mot à dire sur ces projets de loi omnibus. Nous sommes souvent bousculés par le temps et nous avons tellement de dossiers différents à étudier simultanément que nous avons tendance à nous concentrer sur deux ou trois enjeux qui ont fait l'objet d'un débat sur la place publique et qui préoccupent la plupart des gens. Cette façon de procéder a des conséquences inattendues. Il arrive des choses qui n'auraient pas dû se produire. C'est ce que j'ai mentionné à la fin de mon exposé sur le projet de loi C-52, en 2007. À l'occasion de la troisième lecture du projet de loi, j'ai déclaré ce qui suit :

Honorables sénateurs, permettez-moi de traiter de quelques-uns des points. La partie 7 de ce projet de loi renferme des modifications à la Loi sur la gestion des finances publiques. Nous n'avons pas eu le temps de l'examiner, mais elle modifie le droit du gouvernement de contracter des emprunts sans l'approbation du Parlement. Autrefois, une limite de 4 milliards de dollars était imposée pour l'exercice financier si le gouvernement devait emprunter des fonds avant de revenir demander l'approbation du Parlement.

Cette disposition, l'article 85, a été supprimée. J'ai toutefois indiqué à l'époque que notre comité était d'avis que nous devrions examiner cet aspect qui pourrait entraîner des conséquences imprévues et indirectes.

Honorables sénateurs, la question a été soulevée à un certain nombre de reprises depuis. Cet événement se passait il y a trois ans. Pourquoi le gouvernement ne viendrait-il pas consulter le Parlement pour emprunter de l'argent lorsqu'il lui en faut davantage? C'était particulièrement évident l'année dernière, au moment de la préparation du programme de relance. Le gouvernement n'a pas eu besoin de dire au Parlement qu'il empruntait davantage d'argent pour financer le programme de relance.

Je voudrais parler brièvement des tendances. J'ai recueilli des renseignements depuis 2002 jusqu'à maintenant, et j'ai déjà fait allusion à une tendance, soit la taille des projets de loi. En 2002, le projet de loi d'exécution du budget comptait 112 pages et il avait passé 42 jours à la Chambre des communes. En 2003, il avait 133 pages. En 2004, il renfermait 56 pages. En 2005, le projet de loi C-43 comptait 102 pages. En 2006, le projet de loi C-13 avait 186 pages et 13 parties. En 2007, la mesure législative renfermait 134 pages et 14 parties. En 2008, elle comptait 139 pages et 10 parties. En 2009, le projet de loi avait 528 pages et 15 parties. Maintenant, en 2010, nous parlons de 880 pages et de 24 parties.

Honorables sénateurs, la tendance est très nette. Malgré les appels lancés par le comité afin que l'on cesse d'inclure toutes sortes de mesures accessoires, le gouvernement applique de plus en plus ce processus, dans l'espoir et dans le but de nous empêcher de faire le travail que nous voudrions faire, parce que nous serons impatients de rentrer à la maison pour l'été, comme les gens de l'autre endroit.

Honorables sénateurs, j'ai été très heureux d'entendre le sénateur Comeau et, hier, le sénateur Gerstein, répéter que l'autre côté est prêt à faire ce qui s'impose relativement au projet de loi et à continuer à siéger aussi longtemps que nécessaire. Honorables sénateurs, je peux vous dire, après en avoir discuté avec mes collègues de ce côté-ci, que nous sommes prêts à en faire autant. Je vous remercie à l'avance de tous les efforts que nous allons consacrer à cette mesure législative. Je sais que nous allons faire ce que le public attend de nous et que, ultimement, nous allons faire ce qui est bon pour le Canada et pour le Sénat.

Son Honneur le Président intérimaire : Nous poursuivons le débat. Le sénateur Ringuette.

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, un grand nombre d'entre vous, qui regardent et qui écoutent les médias, comprennent les préoccupations que j'ai relativement au projet de loi C-9. Je ne vais pas excéder mon temps de parole, mais j'aimerais mentionner quelques points qui, selon moi, ne devraient pas faire partie du projet de loi C-9 et que le Sénat devrait pouvoir étudier séparément. Je vais mentionner des faits. Je ne vais pas faire de cinéma, je vais m'en tenir aux faits.

Une question qui me préoccupe beaucoup relativement au projet de loi C-9 est le fait que Postes Canada va perdre son privilège exclusif d'expédier le courrier destiné à l'étranger. Postes Canada assure aux Canadiens un service national de livraison fiable, à un taux identique pour tous, et ce depuis plus d'un siècle. La société crée des emplois directs pour 71 000 Canadiens. Ces employés servent 32 millions de Canadiens dans 14 millions de points de livraison, en comptant les résidences, les comptoirs postaux et autres endroits. À chaque année, il y a 200 000 nouveaux points de livraison, en raison du nombre accru de résidences.

Aux fins de ce dossier, c'est une bonne chose d'avoir travaillé durant cinq ans à Postes Canada, soit de 1997 à 2002, et, surtout, d'avoir fait partie de l'équipe de négociation qui représentait la société à l'Union postale universelle. L'Union postale universelle relève des Nations Unies. Le gouvernement du Canada a signé un traité avec l'UPU, par l'entremise des Nations Unies, au sujet de la livraison des envois postaux internationaux. Ce traité a été signé par 191 pays, dont seulement 23 sont considérés comme des pays développés.

(1510)

Le traité prévoit des taux pour les pays développés et d'autres pour les pays en développement. Ainsi, Postes Canada achemine une lettre provenant d'Haïti, pays en développement, n'importe où au Canada pour un prix moyen de 11 cents par lettre. Si la lettre ne peut être remise au destinataire et est renvoyée à l'expéditeur, Postes Canada assure également le renvoi en Haïti au même tarif.

La question du repostage est étrange, car, en réalité, il n'y a au Canada que deux entreprises majeures de repostage. L'une s'appelle Spring Global Mail et il s'agit d'un consortium formé des services postaux des Pays-Bas, de Grande-Bretagne et de Singapour. Pourquoi Singapour? Parce que c'est un pays en développement. Les services postaux des deux autres pays utilisent donc le service de Singapour pour acheminer le courrier vers le Canada pour repostage. Postes Canada achemine le courrier reposté au tarif de 11 cents.

C'est ce qui s'est passé en Europe dans l'administration postale. Il y a eu des abus flagrants et on s'est servi des pays en développement, à la faveur de ces traités, pour assurer des profits aux services postaux des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne par l'intermédiaire d'une organisation qui s'appelle Spring Global Mail.

L'autre entreprise s'appelle Key Mail. Depuis dix ans, ces deux organisations parlent aux quatre coins du pays... Je suis désolée, mais avez-vous quelque chose à dire? Pourriez-vous vous lever? Je vais m'asseoir. Si vous avez quelque chose à dire, levez-vous. Levez- vous donc!

Le sénateur Stewart Olsen : Je crois que madame le sénateur a terminé.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, puis-je rappeler que le tapis est rouge, ici, et non pas vert? Le sénateur Ringuette a la parole.

Le sénateur Ringuette : Merci, Votre Honneur. Je vous suis reconnaissante, étant donné qu'il s'agit d'une question très importante. Nous envisageons la possibilité que des employés de Postes Canada perdent leurs emplois, des emplois sûrs, un peu partout au Canada, peu importe que ce soit au Nouveau-Brunswick ou en Ontario. L'enjeu, ce sont des emplois convenables et des employés qui travaillent fort pour assurer de bons services au Canadiens, à bon prix.

Considérons ce qui se passe dans le monde. La Société canadienne des postes fournit ce service, et nous avons le prix qui est au quatrième rang des plus bas dans le monde, pour ce qui est de l'affranchissement pour le Canada ou l'étranger. Je crois que nous appuyons tous cette société d'État, et nous devrions être fiers de ce qui s'est fait. Nous devrions être fiers du fait que, depuis une décennie, Postes Canada paie des impôts au fisc canadien et verse des dividendes à tous les contribuables.

Il s'agit de millions et de millions de dollars en 2008. L'impôt sur les sociétés s'est élevé à 71 millions de dollars et les dividendes ont atteint 22 millions de dollars. Certains prennent les choses au sérieux et d'autres non. Je fais partie des premiers.

Je tiens à faire comprendre à tous mes collègues l'importance de Postes Canada et de l'équilibre à préserver pour le courrier international, qu'il soit à destination ou en provenance du Canada. C'est pourquoi la Loi sur la Société canadienne des postes traite de la question. Il faut préserver un certain équilibre.

Depuis 2008, année où le projet de loi a été présenté pour la première fois sous le numéro C-14, personne ne m'a encore dit qui assumerait la responsabilité des retours à l'expéditeur. La Société canadienne des postes devra-t-elle assumer le coût et la responsabilité de renvoyer du courrier pour lequel elle n'a jamais été payée? Cela veut dire que tous les contribuables canadiens devront assumer les coûts.

J'ai étudié le cas d'une entreprise dont il a été question hier au Sénat, à propos de Postes Canada. Cette entreprise ne fait pas de repostage. Il s'agit d'un imprimeur qui a été sollicité par Spring Global Mail ou Key Mail pour qu'il cède son courrier, qui devrait aller à Postes Canada, conformément au traité international, et être distribué au prix prévu par le traité de l'Union postale universelle, au lieu qu'on use et abuse des services postaux de pays en développement. Cela ne tient pas debout.

D'une part, nous disons que les Canadiens font du bon travail afin d'aider les pays en développement, mais, d'autre part, nous leur retirons les outils nécessaires à la création d'une organisation postale convenable chez eux. La question est loin de se limiter à ce qu'on voit au premier abord.

Il faut comprendre aussi que Postes Canada, en raison du traité du gouvernement du Canada, a ce que nous appelons un code UPU, pour Union postale universelle. Lorsque nous expédions du courrier n'importe où au monde, l'administration postale reconnaît le code et facture Postes Canada. L'UPU a une directive de tous les pays qui adhèrent au traité : elle ne doit pas accorder d'autres codes UPU.

Y a-t-il au Canada des entreprises de repostage auxquelles nous pouvons faire appel et qui pourront accéder à un code UPU, auquel est associée l'obligation normale à l'égard de la distribution et de la sécurité du courrier, et du coût des retours? Je n'en connais aucune qui pourra obtenir un code UPU, car on n'en accorde plus.

(1520)

J'ai travaillé à la Société canadienne des postes pendant un certain temps. Au cours des deux dernières années que j'y ai passées, j'ai conçu un processus de détection de courrier international et des entreprises de repostage qui fraudaient les contribuables canadiens en ayant recours à ce que l'on appelle un bureau d'échange extraterritorial, expression qui peut sembler étrange aux sénateurs. Ce dernier répondait à une entreprise de repostage étrangère qui n'avait aucune responsabilité, aucune obligation et aucun privilège non plus, en vertu de l'Union postale universelle. Au cours d'un mois seulement, nous avons renvoyé pour plus de 10 millions de dollars de courrier frauduleux qui était transmis au Canada par ces entreprises de repostage et qui ne portait pas de code postal de l'UPU. Ces entreprises envoyaient le courrier au Canada dans des boîtes et parcouraient les rues de Montréal, Toronto et Vancouver pour livrer des piles de courrier dans les boîtes aux lettres sans payer la Société canadienne des postes et sans aucun respect pour quoi que ce soit.

Honorables sénateurs, cette proposition en vue de faire disparaître le privilège exclusif de la Société canadienne des postes pour la livraison du courrier destiné à l'étranger...

Son Honneur le Président : J'ai le regret d'informer le sénateur que son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Ringuette : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Le sénateur Comeau : D'accord, cinq minutes.

Le sénateur Ringuette : Cette proposition en vue de faire disparaître le privilège exclusif de la Société canadienne des postes pour la livraison du courrier destiné à l'étrange incite à la promotion d'une telle pratique frauduleuse. Si nous n'y mettons pas un terme, nous mettrons en danger non seulement l'existence de la Société canadienne des postes, le prix des timbres au Canada et la livraison du courrier dans les régions rurales, mais aussi le réseau des bureaux de poste dans les pays en développement, qui ont grandement besoin de la stabilité et de la sécurité de l'UPU.

Honorables sénateurs, je n'ai pas le temps de vous parler d'Énergie atomique du Canada limitée, mais je le ferai un autre jour. Cette question est très importante. Il ne faut pas se contenter d'une première évaluation. Il s'agit d'une situation complexe. J'espère qu'au cours des dix prochaines semaines, lorsque le Comité sénatorial des finances tiendra ses audiences, nous aurons la possibilité d'examiner la question très attentivement. Espérons que les sénateurs tiendront compte des coûts en cause.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Tardif : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Gerstein, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)

[Français]

La Loi sur l'immunité des États

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l'honorable sénateur LeBreton, C.P, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-7, Loi visant à décourager le terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États.

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi S-7. Je serai bref.

[Traduction]

Essentiellement, le projet de loi S-7 crée un nouveau motif de poursuite. Les sénateurs ne sont pas sans savoir que, à l'heure actuelle, les plaignants peuvent poursuivre des États étrangers pour cause de décès, de dommages corporels ou de dommages aux biens survenus au Canada. L'article 6 de la Loi sur l'immunité des États stipule que :

L'État étranger ne bénéficie pas de l'immunité de juridiction dans les actions découlant :

a) des décès ou dommages corporels survenus au Canada;

b) des dommages aux biens ou perte de ceux-ci survenus au Canada.

Le projet de loi S-7 prévoit d'élargir la responsabilité des États étrangers de manière à inclure les torts et les dommages survenus à l'étranger. Autrement dit, le projet de loi prévoit que l'on puisse intenter devant les tribunaux canadiens une action contre des États étrangers.

J'ai examiné les aspects positifs et les aspects négatifs du projet de loi S-7, et j'aimerais attirer l'attention des sénateurs sur quelques points. D'abord, j'aimerais parler de la disposition concernant l'arbitrage, soit le paragraphe 4(4) du projet de loi S-7, qui dit ceci :

4(4) Le tribunal peut refuser d'entendre une demande déposée à l'encontre d'un État étranger en application du paragraphe (1) si le demandeur a subi les pertes ou les dommages dans l'État étranger et qu'il n'a pas accordé à cet État la possibilité raisonnable de soumettre le différend à l'arbitrage conformément aux règles d'arbitrage internationales reconnues.

Honorables sénateurs, le comité trouvera assurément intéressant d'étudier le but de cette disposition. Ce qui me frappe, c'est que l'arbitrage international serait une procédure complexe et ruineuse pour la plupart des Canadiens qui formuleraient des plaintes. Je me demande pourquoi le projet de loi S-7 ne permet pas aux plaignants canadiens d'intenter des poursuites au Canada plutôt que d'avoir d'abord à soumettre le différend à l'arbitrage international. Il doit y avoir une bonne raison à cela. Cette disposition est peut-être rendue nécessaire parce que le gouvernement a des obligations internationales en vertu de conventions qu'il a signées. Quoi qu'il en soit, le projet de loi S-7 serait mieux adapté aux plaignants si un Canadien victime de terrorisme pouvait intenter des poursuites devant un tribunal canadien sans devoir soumettre préalablement le différend à l'arbitrage international. Il semble que l'article concernant l'arbitrage rende les choses plus difficiles pour les plaignants, car il permet aux États étrangers de faire obstruction en recourant à des tactiques qui sautent aux yeux.

À première vue, l'ajout de cette disposition est étonnant. Toutefois, comme je l'ai dit plus tôt, elle est peut-être nécessaire en raison de conventions internationales que le Canada a signées. De toute façon, honorables sénateurs, la question mérite d'être étudiée au comité. Je soulève la question maintenant, de manière à ce que les sénateurs puissent se préparer en vue des discussions et du débat que la mesure ne manquera pas de susciter.

Honorables sénateurs, des personnes qui critiquent le projet de loi S-7 ont exprimé de sérieuses préoccupations au sujet du fait que ce soit le gouverneur en conseil ou le Cabinet qui établirait la liste des États terroristes pouvant alors être poursuivis au civil. En créant une exigence rattachée aux « entités inscrites » le projet de loi S-7 peut donner lieu à de nouvelles causes d'action, mais certains soutiennent que la liste elle-même limite ces nouvelles causes. Apparemment, les arguments contre la liste sont, premièrement, que tous les pays étrangers, sans exception, devraient pouvoir être poursuivis et, deuxièmement, que la liste devrait inclure tous les pays qui n'ont pas de traité d'extradition avec le Canada.

Cependant, les arguments du gouvernement en faveur de la liste, qui est vue comme une composante nécessaire du régime, me semblent sensés. Il ne fait aucun doute que les poursuites intentées par des particuliers en vertu du projet de loi offriraient un nouveau remède aux victimes dans une affaire donnée, mais auraient des effets graves ou négatifs sur les relations du Canada avec les pays défendeurs.

Il semble logique que le gouvernement du Canada ait le droit légitime de déterminer si un État peut être poursuivi comme étant un État terroriste. L'idée que le plaignant ait la liberté de poursuivre n'importe quel État ou un État qui n'a pas de traité d'extradition avec le Canada a des conséquences majeures et profondes.

(1530)

Au Canada, le gouvernement n'exerce aucun contrôle sur les décisions des juges, et c'est ainsi que les choses doivent être. Par conséquent, il est concevable qu'un juge, dans une cause donnée, puisse conclure qu'un État étranger a, par exemple, contribué à causer un préjudice à des citoyens canadiens. De toute évidence, cela aurait des répercussions sérieuses sur la politique étrangère du Canada à l'égard de ce pays sans que le gouverneur en conseil ait quoi que ce soit à dire dans la poursuite. La politique étrangère pourrait alors être dictée par des poursuites intentées par des particuliers.

Un État souverain comme le Canada ne peut pas laisser de telles poursuites définir sa politique étrangère. Il y a un nombre incalculable de citoyens, d'intérêts économiques, politiques et diplomatiques dans le monde qui souffriraient sans aucun doute beaucoup de décisions de tribunaux rendues dans des poursuites privées si tous les pays pouvaient être poursuivis par des citoyens canadiens les accusant de leur avoir causé des préjudices par des actes terroristes.

Il arrive que certains États soient complices d'actes qui causent du tort. Cependant, faute d'étude approfondie, j'estime que nous ne devrions pas privilégier une approche en vertu de laquelle les poursuites privées primeraient sur le gouverneur en conseil dans les questions de politique étrangère.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'essaye d'écouter le discours du sénateur Furey. Il parle d'une question de première importance, mais, puisque plusieurs sénateurs discutent à voix haute, j'ai beaucoup de mal à l'entendre, même muni de mon écouteur.

Son Honneur le Président : Le sénateur a anticipé mon intervention. Je signale aux sénateurs que nous avons une salle de lecture. J'invite les sénateurs qui ressentent le besoin d'entretenir des conservations pendant que le Sénat siège à s'y rendre — c'est justement sa raison d'être — ou, à tout le moins, à baisser le volume. L'heure n'est pas aux activités sociales. D'autres circonstances se prêtent mieux à cela.

Nous sommes en plein débat, et le décorum est la responsabilité partagée de tous les sénateurs.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Furey : Merci, Votre Honneur. J'espère que le bruit qui règne n'a rien à voir avec ce que je suis en train de dire, Votre Honneur.

Honorables sénateurs, un deuxième argument viendrait appuyer la participation du gouverneur en conseil à l'établissement de listes. Celui-ci tient déjà une liste d'États terroristes en vertu du Code criminel, et ce, depuis 2001. Par exemple, l'article 83.05 du Code criminel dit ce qui suit :

83.05(1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, établir une liste sur laquelle il inscrit toute entité dont il est convaincu, sur la recommandation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, qu'il existe des motifs raisonnables de croire :

a) que, sciemment, elle s'est livrée ou a tenté de se livrer à une activité terroriste, y a participé ou l'a facilitée;

b) que, sciemment, elle agit au nom d'une entité visée à l'alinéa a), sous sa direction ou en collaboration avec elle.

Honorables sénateurs, à mon avis, il n'est pas souhaitable que, d'une part, le gouverneur en conseil maintienne une liste d'États terroristes en vertu du Code criminel et que, d'autre part, la magistrature ou d'autres entités dressent une liste d'entités terroristes aux fins de poursuites au civil. Il serait insensé qu'un État se retrouve sur une liste utilisée dans le droit civil et non sur une liste utilisée dans le droit pénal. Une telle situation aurait sans doute une incidence néfaste et catastrophique sur notre politique étrangère.

Il importe de ne pas passer outre aux dispositions du Code criminel concernant l'établissement de ces listes. La procédure existante a des répercussions importantes sur les politiques étrangères. Par exemple, en vertu de l'article 83.08 du code, le pays terroriste inscrit sur la liste pourrait voir ses biens et placements gelés au Canada. En outre, c'est un crime au Canada que d'aider un tel État. En vertu de l'article 83.14, ces biens peuvent être confisqués au profit des victimes de torture.

En examinant le projet de loi S-7, nous ne devons pas oublier que le gouverneur en conseil a déjà pour fonction d'établir ces listes, et c'est une fonction importante. C'est un élément de la structure antiterroriste adoptée par le gouvernement en 2001.

En outre, à mon avis, honorables sénateurs, il n'est pas raisonnable de maintenir que le projet de loi S-7 peut exister indépendamment de toute autre loi antiterroriste préexistante. Le projet de loi S-7 ne pourra être appliqué sans avoir d'importants effets secondaires sur notre politique étrangère. Par conséquent, il semble que la fonction d'établir les listes, telle qu'envisagée dans ce projet de loi, devrait engager aussi le gouvernement.

Je veux insister sur un dernier point, honorables sénateurs, concernant l'examen du projet de loi S-7 : ce projet de loi est essentiellement une modification de la Loi sur l'immunité des États. Dans ce contexte, il importe de se rappeler que tous les États peuvent maintenant faire l'objet de poursuites au Canada pour avoir causé la mort, des blessures ou des dommages à la propriété au Canada. Ce qu'il y a de nouveau dans le projet de loi S-7, c'est que nous nous intéressons maintenant à des dommages qui seraient causés hors du Canada, une possibilité que nous n'avions pas étudiée avant. Les tribunaux canadiens pourraient ainsi être saisis de poursuites relatives à des actes commis hors du Canada.

La Loi sur l'immunité des États devrait faire l'objet d'un examen, non seulement parce que le projet de loi S-7 est essentiellement une modification de cette loi, mais aussi pour mettre en lumière le fait que le gouverneur en conseil participe déjà aux décisions concernant le champ d'application de cette loi. Le ministre détermine s'il convient d'émettre un certificat à l'intention de la cour précisant que le Canada considère une certaine entité comme un État étranger afin qu'elle puisse bénéficier de l'immunité assurée par cette loi.

Le ministre peut aussi désigner une partie d'un État étranger, par exemple une province, comme étant une entité jouissant de l'immunité. Il peut en outre restreindre la portée de cette immunité afin de l'harmoniser à la loi du pays étranger. Il va sans dire que le Cabinet participe déjà de près au choix des États terroristes à inscrire sur la lite à la suite de l'adoption de l'article 83 du Code criminel du Canada, conformément à la Loi antiterroriste adoptée par le Parlement en 2001.

Honorables sénateurs, à cette étape, il n'est pas nécessaire d'appuyer ou de rejeter la disposition sur l'établissement de listes par le Cabinet, mais il importe cependant de remarquer que, si nous devons modifier ou remplacer la fonction d'établissement de ces listes, les nouvelles dispositions devront être uniformément conformes aux pratiques déjà établies dans notre pays. À bien des égards, les dispositions du projet de loi S-7 sur l'établissement de listes par le Cabinet sont harmonisées aux dispositions sur l'inscription des États terroristes.

Les critiques de mesures législatives comme le projet de loi S-7 soutiennent qu'il est démocratique et juste que des intervenants indépendants prouvent qu'un État est impliqué dans des activités terroristes. Cet argument est attrayant d'un point de vue intuitif. Il laisse entendre que les gouvernements ne se comportent pas toujours comme ils le devraient.

Cela dit, honorables sénateurs, j'ose espérer que les audiences sur ce projet de loi nous donneront suffisamment de temps pour examiner toutes les complexités de ces questions. Il ne fait aucun doute que, à l'occasion de l'examen de cette mesure législative, le comité se penchera sur la nécessité d'une clause d'arbitrage, de son lien avec l'actuel pouvoir d'établir une liste que le Code criminel confère au Cabinet, et sur l'incidence qu'aurait sur ce pouvoir une modification dans la façon d'établir si un État peut faire l'objet d'une poursuite.

Honorables sénateurs, j'estime que nous aurions grandement avantage à renvoyer ce projet de loi au comité pour un examen et un débat plus poussés. Je vous remercie de votre attention.

(Sur la motion du sénateur Downe, le débat est ajourné.)

Le Budget des dépenses de 2010-2011

Le Budget principal des dépenses—Quatrième rapport du Comité des finances nationales—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, tendant à l'adoption du quatrième rapport (deuxième intérimaire) du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Budget des dépenses 2010-2011), présenté au Sénat le 8 juin 2010.

L'honorable Irving Gerstein : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Day d'avoir présenté le deuxième rapport intérimaire du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le Budget principal des dépenses pour l'exercice 2010-2011, et pour ses très aimables propos d'aujourd'hui. J'aimerais également exprimer ma gratitude au sénateur Day, qui a formulé en cette enceinte hier des observations dans lesquelles il faisait état de son rôle de président et de l'importance de « tout faire pour assurer la bonne marche de notre comité et pour que ce dernier serve les intérêts du Parlement et de tous les Canadien ». À propos du budget des dépenses du gouvernement, le sénateur a signalé que, quelque volumineux et complexe qu'il soit, il doit « être compris de nous tous ».

(1540)

Je me reporte à ces propos du sénateur Day pour deux raisons : d'abord, parce que je suis tout à fait de son avis et, ensuite, parce que je puis assurer aux sénateurs que le sénateur Day prêche par l'exemple.

Je suis vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales depuis plus d'un an et je sais d'expérience que le sénateur Day s'est toujours comporté de manière raisonnable et équilibrée durant les délibérations du comité, s'abstenant de faire preuve d'un sectarisme politique excessif. Pareille attitude commande le respect, et je l'en félicite.

Comme les sénateurs le savent, les nouvelles mesures annoncées dans le budget de 2010 ne figurent pas dans ce Budget principal des dépenses, car celui-ci a été préparé avant que le budget ne soit présenté.

Le comité a présenté au Sénat son premier rapport provisoire sur le Budget principal des dépenses en mars dernier. Depuis, le comité a eu d'autres discussions avec des représentants de plusieurs ministères et organismes du gouvernement et sociétés d'État. J'aimerais dire quelques mots au sujet des témoignages de trois témoins en particulier que nous avons entendus.

Premièrement, le 30 mars, des fonctionnaires du ministère des Finances ont expliqué aux membres du comité que les transferts de péréquation aux provinces avaient augmenté chaque année depuis que le gouvernement conservateur est au pouvoir. On nous a dit que le gouvernement conservateur respectait l'engagement qu'il a pris dans le budget de 2009 d'augmenter les paiements totaux de péréquation dans une proportion égale à la croissance économique du Canada. Ce programme repose sur une moyenne mobile sur trois ans de la croissance du produit intérieur brut. Cela assurera à la fois stabilité et prévisibilité pour les deux ordres de gouvernement, tout en continuant de tenir compte des variations économiques.

Deuxièmement, le 27 avril, le comité a entendu le témoignage de Mme Moya Greene, présidente de la Société canadienne des postes. Quand on lui a demandé son avis sur la disposition du projet de loi C-9, la loi sur l'emploi et la croissance économique, qui vise la Société canadienne des postes, Mme Greene a dit que ce n'était même pas proche de faire partie de la liste de ses dix principales préoccupations à propos de la Société canadienne des postes, comme je l'ai dit hier.

Honorables sénateurs, son témoignage vient faire descendre de leurs grands chevaux ceux qui prétendent que le projet de loi C-9 aura un effet négatif sur les activités de la Société canadienne des postes. Comme je l'ai expliqué plus tôt, l'élément le plus important à retenir à propos de la disposition du projet de loi C-9 qui concerne la Société canadienne des postes est qu'elle est nécessaire pour sauver les emplois de ceux qui travaillent depuis longtemps dans le secteur du courrier international, où la concurrence est féroce.

Troisièmement, le 12 mai, le Comité des finances nationales a entendu le témoignage du président de CBC/Radio-Canada, Hubert Lacroix. Lors de cette réunion, les discussions ont surtout porté sur un sujet que ce rapport ne fait qu'effleurer, soit l'importance de faire en sorte que les sondeurs employés par CBC/Radio-Canada avec l'argent des contribuables soient indépendants et non partisans. M. Lacroix a indiqué qu'on demande à tous les sondeurs intéressés par des contrats de CBC/Radio-Canada s'ils ont une affiliation à un parti politique. Tant qu'ils répondent « non » à cette question, ils peuvent se faire attribuer un contrat.

Certains sénateurs ont exprimé de vives inquiétudes à propos d'un cas récent où le président et fondateur d'une entreprise de sondage embauchée par CBC/Radio-Canada avait indiqué qu'il avait donné bénévolement des conseils politiques à un parti en particulier. Il avait aussi fait d'importants dons à ce parti, appuyé publiquement ce parti et dénoncé le gouvernement. Certains membres du comité ont trouvé inquiétant que M. Lacroix soutienne qu'un tel comportement, aux yeux de CBC/Radio-Canada, ne constitue pas une affiliation à un parti politique et ne disqualifie pas ce sondeur pour l'attribution de contrats payés par les contribuables.

On a aussi demandé à M. Lacroix s'il était interdit aux sondeurs de communiquer avec une tierce partie, comme un parti politique, toute donnée découlant d'un sondage mené pour CBC/Radio- Canada avec l'argent des contribuables. Il n'a pas été en mesure de répondre à la question, mais je dois dire qu'il a gentiment accepté de fournir cette information, entre autres, par écrit au comité. La présidence a aussi indiqué à M. Lacroix que le comité communiquerait avec CBC/Radio-Canada pour organiser une prochaine rencontre sur ce sujet et d'autres.

Ce ne sont que quelques éléments que je voulais approfondir. Le sénateur Day a très bien expliqué hier les principaux points du rapport du comité.

En terminant, honorables sénateurs, je tiens à exprimer mes habituels bien que très sincères remerciements à tous les témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales pour nous aider à mieux comprendre le Budget principal des dépenses de 2010-2011. Je remercie en particulier deux fonctionnaires dont la perspicacité et les connaissances hors de l'ordinaire ont servi de points d'ancrage aux débats de notre comité sur tous les budgets des dépenses dont nous avons été saisis, au moins depuis que je suis membre du comité. Je veux parler d'Alister Smith et de Brian Pagan, du Secrétariat du Conseil du Trésor. Comme l'a mentionné le sénateur Day hier, ils sont appelés à occuper de nouveaux postes. Je leur offre mes meilleurs vœux de succès. Ce sera difficile de remplacer ces géants.

Je propose l'adoption du rapport.

Des voix : Bravo!

L'honorable Pierrette Ringuette : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gerstein : Avec plaisir.

Le sénateur Ringuette : Lors de la comparution des représentants de CBC/Radio-Canada devant le comité, quelques sénateurs ont posé des questions au sujet des allégeances politiques. En ce qui concerne Kory Teneycke, a-t-on demandé si les considérations d'ordre politique rattachées à son contrat étaient du même ordre que dans le cas des autres personnes mentionnées par le sénateur?

Le sénateur Gerstein : Honorables sénateurs, voilà une excellente question. Malheureusement, j'en ignore la réponse. Je ne me souviens pas si la question a été posée.

(Sur la motion du sénateur Ringuette, le débat est ajourné.)

Projet de loi instituant la Journée nationale de la philanthropie

Troisième lecture

L'honorable Terry M. Mercer propose que le projet de loi S-203, Loi instituant la Journée nationale de la philanthropie, soit lu pour la troisième fois sous sa forme modifiée.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1550)

La Loi sur la faillite et l'insolvabilité

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ringuette, appuyée par l'honorable sénateur Tardif, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et d'autres lois (passif non capitalisé des régimes de pension).

L'honorable Vim Kochhar : Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion d'intervenir dans ce débat sur le projet de loi S- 214, qui vise à modifier la Loi sur l'insolvabilité pour accorder une plus grande priorité au passif non capitalisé des régimes de pension.

Ce projet de loi nous permet de discuter non seulement des points précis du projet de loi, mais aussi de la grande question des pensions et de la sécurité du revenu de retraite des Canadiens.

Aucune discussion sur la question des pensions et de la sécurité des pensions ne peut être entreprise sérieusement sans que l'on cadre le débat dans le contexte général de l'économie canadienne. La situation semble assez positive à cet égard. Malgré les inquiétudes ressenties dans bon nombre de pays en raison du récent ralentissement économique, le Canada a résisté à la tempête mieux que la majorité des autres pays. Nous semblons émerger de la crise plus rapidement que la majorité des autres pays. Le rapport d'étape sur l'évaluation économique publié par l'Organisation de coopération et de développement économiques en avril dernier soulignait que l'économie canadienne avait connu une forte croissance.

J'insiste sur le terme « forte croissance », honorables sénateurs, puisque le taux de croissance s'élève à 6,2 p. 100 contre 1,9 p. 100, ce qui est supérieur à ce que tous les autres pays du G7 ont fait au cours du premier trimestre de 2010. Selon les prévisions, nous devrions poursuivre notre expansion deux fois plus rapidement que la moyenne des autres pays du G7 au cours du prochain trimestre.

Je souligne ces bons résultats, honorables sénateurs, parce que les régimes de pension qui sont menacés se trouvent en bien meilleure position lorsque l'économie est florissante et que les sociétés prospèrent. Que nous parlions de la question plus restreinte d'une société en situation de détresse économique et des problèmes au niveau du passif des caisses de retraite que connaissent ses employés face, ou de la question plus vaste du revenu de retraite, une chose est certaine, il est essentiel d'adopter une approche globale plutôt que d'apporter des modifications à la pièce aux mesures législatives actuelles.

Bien entendu, rien de tout cela ne diminue les défis immédiats auxquels sont confrontés les retraités et leur famille pendant un ralentissement économique. Pensons aux inquiétudes qui surviennent lorsque l'entreprise déclare faillite et se place sous la protection de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, ou LFI, ou qu'elle procède à une restructuration en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, ou LACC.

Il ne faut pas oublier que ces procédures ont des répercussions sur les anciens employés et les employés actuels, ainsi que sur les intérêts de tous les créanciers. Selon moi, il est clair que les intérêts des autres créanciers et ceux des retraités sont très étroitement liés. La protection des pensions quand un employeur devient insolvable représente un défi économique important, non seulement pour les retraités, mais aussi pour l'économie. Dans ce contexte, il est important de reconnaître que la LFI et la LACC sont des lois fondamentales d'encadrement du marché qui jouent un rôle important dans le maintien du bien-être économique du Canada.

Le traitement juste et équitable de tous les créanciers est un aspect fondamental des lois en matière d'insolvabilité. On respecte ainsi les droits que les parties avaient avant cette insolvabilité. Nous devrions tenir compte des conséquences qu'aurait la rupture de cet équilibre. La réalité économique de l'insolvabilité est que les créanciers d'une compagnie qui est insolvable recevront moins d'argent que ce qui leur est dû. Le régime d'insolvabilité joue un rôle économique crucial en permettant un traitement juste et ordonné de tous les créanciers.

À la lumière de ces principes, le gouvernement a déjà pris des mesures pour mieux protéger les créances des retraités dans les procédures d'insolvabilité. Des modifications récemment apportées à la LFI et à la LACC accordent une plus grande priorité aux cotisations régulières de retraite impayées, ce qui signifie que leurs créances sont maintenant payées avant celles des créanciers garantis.

Il est important de noter que le Canada figure parmi un petit nombre de pays du G20 et des 31 membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, qui accordent une priorité absolue aux cotisations de retraite non versées. En effet, parmi ces pays, seuls le Canada, le Japon et la Pologne accordent une telle priorité absolue. Dans les autres pays, ce sont des créances prioritaires ou ordinaires, ce qui offre un degré de protection inférieur.

Je devrais ajouter que la grande majorité des membres de l'OCDE, dont l'Australie, la France, l'Allemagne, l'Italie, la Nouvelle-Zélande, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni, traitent le passif non capitalisé des régimes de pension comme s'il s'agissait de créances ordinaires dans les cas d'insolvabilité.

Maintenant, honorables sénateurs, il est important d'établir la distinction entre les sources de créances sur une société insolvable en lien avec son régime de pension. Premièrement, il y a l'incapacité de la société de verser au régime de pension les cotisations régulières qui sont exigées par les organismes de réglementation. Comme je viens de le dire, à l'heure actuelle, on accorde aux créances de ce genre une priorité absolue. Deuxièmement, il y a la question du passif non capitalisé des régimes de pension, qui est le déficit entre l'actif du régime de pension et les prestations qui doivent être versées aux retraités. Un régime de pension peut être déficitaire en raison d'un piètre rendement du marché, et ce, même si toutes les cotisations régulières qui doivent y être versées l'ont été. En d'autres mots, on peut avoir un régime de pension déficitaire sans que l'employeur qui parraine le régime ait commis d'infractions.

Honorables sénateurs, pendant l'étude de ce projet de loi et des solutions de rechange éventuelles, il importe de penser aux répercussions à long terme de tels changements sur l'économie dans son ensemble. Comme je l'ai mentionné, la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies sont deux lois fondamentales régissant les marchés qui peuvent avoir une incidence sur les activités économiques et les décisions commerciales dans tous les secteurs. Qu'il s'agisse des prêteurs, des investisseurs, des fournisseurs, des propriétaires d'immeubles, des employés et des clients, tous prennent des décisions en tenant compte en partie des conséquences qui pourraient survenir si une entreprise devenait insolvable. Toute modification aux lois sur l'insolvabilité devrait prendre en compte les conséquences pour tous ces intervenants.

Honorables sénateurs, conformément à l'engagement qu'il a pris dans le discours du Trône en vue de mieux protéger les travailleurs dont l'employeur fait faillite, le gouvernement examine la question sous un angle plus vaste et envisage des solutions globales afin de protéger les pensions, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du régime de la loi en matière d'insolvabilité.

(1600)

Il faudra équilibrer les solutions afin de répondre le mieux possible aux besoins des retraités, tout en continuant de protéger la santé de notre économie dans son ensemble. C'est la seule réponse raisonnable à des problèmes sociaux complexes comme ceux-ci.

Pour cette raison, je crois que ce projet de loi devrait être renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce pour un examen plus approfondi.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'apprécie les commentaires du sénateur. Je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je veux informer le Sénat que, si le sénateur Ringuette parle maintenant, cela mettra fin au débat sur la motion tendant à la deuxième lecture du projet de loi.

L'honorable sénateur Ringuette, avec l'appui de l'honorable sénateur Tardif, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Ringuette, le projet de loi est renvoyé, avec dissidence, au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux- Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Tardif, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants).

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je vais tenter, une fois de plus, de vous démontrer la nécessité de modifier le Code criminel afin que notre pays respecte davantage ses enfants et s'inscrive dans un cycle vertueux de diminution de la violence dans notre société.

Cet objectif de réduction de la violence, nous le partageons tous, mais nous ne sommes pas toujours d'accord sur les moyens d'y parvenir. Pour ma part, je regrette que, depuis 2006, le Canada se soit engagé dans la voie du « tout répressif » en délaissant un aspect essentiel à mes yeux : la prévention.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je crois sincèrement qu'on ne peut pas réduire la violence en utilisant la violence. Je suis convaincue que les sénateurs seront d'accord aussi avec le principe qu'il est impossible de mettre un terme à l'impolitesse et à la violence en adoptant des mesures punitives.

C'est toutefois le raisonnement qui est à la base de l'éducation des enfants. Dans ce cas, on utilise la violence soi-disant pour régler à un comportement inapproprié — même un comportement qui n'est pas nécessairement violent. Je parle d'enfants habituellement âgés de trois à six ans.

Bref, ce que nous voulons, à long terme, c'est une société pacifique et sécuritaire. Nous devons nous engager de nouveau à faire de la prévention et à nous attaquer à la racine du problème, soit l'éducation parentale.

[Français]

Voilà donc, brièvement annoncée, une de mes motivations à vouloir retirer du Code criminel l'article 43, qui autorise l'usage de la force pour apprendre, dit-on, les bons comportements à nos enfants. Que cette force soit raisonnable ou non, la communauté scientifique s'entend pour dire que nous ne pouvons éteindre un incendie en jetant plus ou moins de l'huile sur le feu. Je reviendrai sur ce point.

Reste la question de l'intrusion de l'État dans la vie privée des familles. Je développerai également ce point ultérieurement. Toutefois, j'aimerais vous entretenir de deux sujets à ce stade-ci : premièrement, il est parfaitement légitime — et cela est déjà arrivé à plusieurs reprises — que les législateurs interviennent pour protéger ses citoyens et assurer que la société dont il administre l'organisation demeure non violente; deuxièmement, mon projet de loi poursuit un objectif éducatif et non punitif envers les parents ou les tuteurs.

[Traduction]

Ceux qui prétendent que cette disposition entraînerait la criminalisation des parents ou des tuteurs pour des raisons soi- disant « banales » font preuve de mauvaise foi. Les articles 34 et 37 du Code criminel autorisent toute personne à avoir recours à la force nécessaire pour se défendre ou pour défendre toute personne placée sous sa protection. De plus, les moyens de défense fondés sur le principe de minimis et la nécessité que l'on retrouve dans la common law protègent déjà les parents indépendamment de l'article 43. Aucun des 26 pays ayant déjà interdit le châtiment corporel dans l'éducation des enfants n'a constaté un tel résultat.

[Français]

Peut-être demeurez-vous, honorables sénateurs, perplexes à l'idée que l'usage de la force, comme les claques ou les fessées, d'apparence anodines, puisse être le terreau de la violence de notre société et que la violence éducative puisse avoir des conséquences aussi vastes.

Commençons par nous poser cette question : est-ce la violence qui oblige à user de la force ou est-ce l'usage de la force qui est à l'origine de la violence?

Cette question est fondamentale pour l'étude du projet de loi et la réponse que l'homme — l'homme intelligent, et ce terme inclut également les femmes — y a apportée a évolué. En fait, elle vient tout juste de s'inverser, à la lumière de découvertes scientifiques récentes.

[Traduction]

Pendant des siècles, en l'absence de toute connaissance scientifique sur le développement de l'enfant, les concepts religieux prévalaient. La doctrine du péché originel a amené ceux qui élevaient les enfants à considérer l'âme des enfants comme un mélange de tendances, bonnes et mauvaises. Autrement dit, selon les préceptes religieux du christianisme, la violence était innée chez l`homme — et chez la femme aussi, devrais-je dire.

En partant de cette prémisse, on croyait que la pire chose à faire, dans l'éducation des enfants, était de les gâter parce qu'on n'aurait plus d'autorité sur eux et qu'on laisserait leurs mauvaises tendances prendre le dessus. Ainsi, on croyait que la bonne façon d'élever les enfants consistait à les soumettre à l'autorité parentale et à exercer une autorité sur eux au lieu de discuter avec eux pour leur inculquer la discipline.

Par conséquent, on croyait que la vertu de l'obéissance coûte que coûte donnerait aux enfants la personnalité et la force nécessaire pour résister à leurs passions et qu'une éducation sévère les préparerait à la dure réalité de la vie. L'Église et, par conséquent, la société croyaient qu'il était légitime pour les parents de frapper leurs enfants et que les mesures punitives des parents étaient efficaces.

[Français]

Mais voilà, honorables sénateurs, toute cette conception de l'éducation millénaire, toute cette conception de l'autorité parentale repose sur des croyances religieuses — on connaît bien le dicton « qui aime bien châtie bien » — et sur un savoir empirique dont les fondements ont été établis bien avant que n'émerge la compréhension de la psychologie du développement de l'enfant.

Depuis, la science a fait des miracles, si vous me permettez cette expression.

Ce n'est qu'à la toute fin du XIXe siècle, en 1898, qu'Alfred Binet — psychologue français et inventeur du test pour mesurer l'intelligence appelé aujourd'hui QI — a affirmé que l'observation et l'analyse scientifique du comportement des enfants seraient appelés à succéder au savoir empirique des générations précédentes. Binet a fait le lien entre la violence éducative et les troubles du comportement, les troubles du développement et les troubles psychosomatiques.

Alice Miller, sociologue et philosophe française, appelle cette pédagogie autoritaire véhiculée par les églises la « pédagogie noire », c'est-à-dire celle qui veut l'obéissance à tout prix et qui s'oppose à l'éducation raisonnée, où l'enfant est considéré comme un être raisonnable.

Au Québec, l'hygiène mentale commence à se développer dans les années 1920, et la psychologie dans les années 1930. À la place des anciens idéaux, c'est-à-dire l'obéissance et la vertu, les psychologues en proposent de nouveaux : la normalité, le bonheur et les relations plus démocratiques au sein de la famille. Ce n'est qu'à partir du milieu des années 1940 que des experts en psychologie et en psychiatrie entreprennent d'enseigner aux parents comment utiliser les acquis de la psychologie pour bien élever leurs enfants.

Ainsi donc, depuis à peine 100 ans, sinon moins, la science tente d'inverser les pratiques éducatives parentales enracinées depuis des siècles dans nos croyances.

(1610)

[Traduction]

Les scientifiques ont prôné un changement radical. Contrairement aux postulats de l'Église, il est de plus en plus clair que l'agressivité n'est pas innée chez l'homme. Voici ce que dit John Paul Scott, spécialiste du comportement animal et professeur émérite à l'Université d'État de Bowling Green, à ce sujet :

Toutes les données dont nous disposons actuellement indiquent que le comportement agonistique chez les mammifères supérieurs, y compris l'homme, est causé par une stimulation externe, et il n'existe aucune donnée à l'appui d'une stimulation interne spontanée.

[Français]

De même, l'idée selon laquelle l'observation ou la pratique de la violence permettrait à notre énergie agressive de s'évacuer, selon la théorie de la catharsis élaborée dans l'Antiquité, est battue en brèche. « La pratique de jeux agressifs ne fait que renforcer la disposition à réagir agressivement », concluait le psychologue Leonard Berkowitz, auteur d'un ouvrage sur l'agression paru en 1962 et devenu un classique. Son étude est intitulée Agression : A Social Psychological Analysis.

Quant à l'idée couramment répandue selon laquelle, parce que les animaux sont agressifs, l'homme serait naturellement violent, prisonnier de l'héritage de ses ancêtres dans le processus de l'évolution, celle-ci est également démentie par la science. En vérité, écrit l'anthropologue Ashley Montagu, qui cite cette phrase d'un confrère : « Il n'y a pas plus de raison de croire que l'homme fait la guerre parce que les poissons ou les castors sont des animaux territoriaux qu'il y a de raison de penser que l'homme peut voler parce que les chauves-souris ont des ailes ». De plus, les animaux sont loin d'être aussi agressifs qu'on le croit, mais c'est un autre sujet.

En revanche, nous disent les scientifiques, les stimuli externes sont si importants dans le déclenchement de la violence que cela n'a guère de sens de parler d'une tendance « innée » à l'agression chez les animaux, et encore moins chez les humains. Pour Alfie Kohn, auteur dans le domaine de l'éducation parentale, « c'est comme si nous disions que, parce que le feu ne peut pas exister sans oxygène et parce que la Terre est recouverte d'une couche d'oxygène, il est dans la nature de notre planète que les bâtiments brûlent ».

[Traduction]

Depuis plusieurs décennies, la science nous a donné l'occasion de changer notre perception de l'homme, d'améliorer notre compréhension du développement humain et, par conséquent, de changer la façon dont on éduque les enfants. D'après les découvertes les plus récentes, on ne devrait pas utiliser la force pour montrer aux enfants ce qui est bien et corriger leurs mauvaises tendances lorsqu'ils sont tout-petits. Il faut plutôt favoriser la croissance de leur personnalité en fonction des différentes étapes de leur développement. Dans ce nouveau contexte, la turbulence des enfants n'est plus attribuable à de la méchanceté, et il n'est plus nécessaire de réagir à la désobéissance en infligeant des souffrances physiques ou mentales.

[Français]

Cependant, les croyances sont tenaces et les Églises n'entendent pas renoncer si facilement face à la science. Rappelez-vous que ce n'est qu'en octobre 1992 que le Vatican a réhabilité officiellement Galilée, injustement condamné par le tribunal de l'Inquisition, trois siècles et demi plus tôt, pour avoir annoncé que la Terre tournait sur elle-même. Voilà donc que, en 1929, le pape Pie XI s'opposait également à la psychologie. Dans son Encyclique sur l'éducation chrétienne et la jeunesse, toujours d'actualité, il estime que le péché originel laisse dans l'âme de l'enfant, même baptisé, des tendances au mal que l'éducation doit corriger. Bien que cette encyclique fasse une distinction — devenue commune à l'époque — entre les mauvais traitements et les punitions corporelles méritées, elle légitime, malgré tout, le recours à un certain degré de violence à des fins éducatives.

Or, dès 1917, la science rapportait les conséquences désastreuses attribuables aux punitions corporelles. Chez les enfants, on pouvait reconnaître les signes suivants : révolte, hypocrisie, goût pour la cruauté, sentiments de vengeance, tendances antisociales, formation de maladies nerveuses, perte d'activités, perte de capacités de jouir et d'agir. D'ailleurs, tous ces phénomènes sont rapportés dans une étude fort exhaustive effectuée par Statistique Canada qui en montre tous les effets négatifs, dont j'ai déjà parlé lors d'un discours antérieur.

Heureusement, il arrive que des enfants passent au travers de violences éducatives sans conserver trop de séquelles à l'âge adulte. Ainsi, dans les années 1880, un jeune garçon de neuf ans, doué et vif d'esprit, subissait des punitions corporelles répétitives parce qu'il ne se soumettait pas à la discipline établie dans le collège où il étudiait. Plus tard, ce garçon écrira : « [...] quand ni ma raison, ni mon imagination, ni mon intérêt n'était excité, je ne voulais ni ne pouvais apprendre ». Incapables de comprendre la psychologie infantile, les éducateurs rouaient de coups ce jeune garçon au caractère sensible parce qu'ils assimilaient sa différence à la désobéissance. D'ailleurs, il portait des marques si importantes sur le dos que ses parents l'ont retiré de cette institution. Il disait ceci :

Mes maîtres me jugeaient tout à la fois arriéré et précoce, lisant des livres bien au-dessus de mon âge et, malgré cela, en queue de classe. Ils avaient à leur disposition bien des moyens de contrainte mais j'étais obstiné.

Malgré ses révoltes, ses petites vengeances et ses fugues, conséquences directes de ce traitement absurde et inefficace, ce jeune garçon réussit à s'en sortir, au grand soulagement de l'Histoire, car il avait pour nom Winston Churchill.

Le fait de réussir à passer au travers de la violence éducative sans trop de conséquences à l'âge adulte ne justifie évidemment pas le recours à la force dans l'éducation.

[Traduction]

Les plus récentes études ont non seulement montré que la force, quel qu'en soit le degré, est inefficace pour éduquer les enfants, mais qu'elle peut être plus néfaste que bénéfique à moyen terme et à long terme. L'étude la plus récente, publiée en avril 2010 par l'académie américaine de pédiatrie, s'est penchée sur le risque d'agressivité que peuvent développer les enfants de cinq ans lorsque, depuis l'âge de trois ans, on a utilisé la fessée pour les éduquer. Cette étude a été menée auprès de 2 461 répondants, de 1998 à 2005.

Les résultats sont sans équivoque. Comme je l'ai dit précédemment, les stimuli externes ont de grandes répercussions sur le développement de l'agressivité. Quels que soient les scénarios qui ont été élaborés pour l'étude, la fessée chez les enfants de trois ans augmente considérablement le risque de voir chez eux un niveau élevé d'agressivité avant l'âge de cinq ans. On peut lire ensuite que ces résultats concordent avec des dizaines d'autres études, dont l'étude canadienne qui a été faite sur le sujet. L'étude conclut que les enfants apprennent à devenir agressifs lorsqu'on est agressif avec eux.

[Français]

L'enfant qui a subi l'usage de la force va nourrir une colère refoulée. Alice Miller dit ceci :

Comment se libère-t-on de la colère refoulée? Dans l'enfance et l'adolescence : on se moque des plus faibles. On frappe ses copains et ses copines. On humilie les filles. On agresse les enseignants. On vit les émotions interdites devant la télé ou les jeux vidéo en s'identifiant aux héros violents. À l'âge adulte : on perpétue soi-même la fessée, apparemment comme un moyen éducatif efficace, sans se rendre compte qu'en vérité on se venge de sa propre souffrance sur la prochaine génération. On refuse (ou on n'est pas capable) de comprendre les relations entre la violence subie jadis et celle répétée activement aujourd'hui. On entretient ainsi l'ignorance de la société.

Très rares sont les civilisations qui ont échappé à cette coutume de la violence éducative au point, nous rappellent certaines archives, où les missionnaires français arrivés au Canada au XVIIIe siècle furent stupéfaits de constater que les Amérindiens ne frappaient jamais leurs enfants. J'ai pris cette citation dans le livre de Denise Lemieux, intitulé Les petits innocents. L'enfance en Nouvelle France, publié par l'Institut québécois de la recherche sur la culture en 1985.

Malheureusement, on sait, depuis, à quel point les Amérindiens ont été influencés par les pratiques occidentales, elles-mêmes influencées par les concepts de la chrétienté, et à quel point ils en ont souffert, surtout les enfants confiés à nos institutions dites « religieuses ».

Certes, tous les châtiments corporels ne mènent pas aux mauvais traitements, mais tous les châtiments corporels, quel que soit leur degré d'intensité — je le répète, quel que soit leur degré d'intensité — sont inefficaces et contre-productifs. La douleur physique n'éduque tout simplement pas.

[Traduction]

C'est pourquoi, lorsqu'on utilise la force pour éduquer un enfant, on a l'impression qu'il nous obéit, alors que, dans les faits, on le rend docile. En utilisant la force, on peut avoir l'impression de maintenir l'ordre, alors que, en réalité, on développe un sentiment de peur chez l'enfant. Utiliser la force nous donne l'impression d'élever un enfant, alors qu'on lui enseigne l'agression et l'humiliation. Ce sont ensuite tous les membres de la collectivité et de la société, et tous les citoyens du pays, qui doivent assumer les possibles conséquences sociales que cela entraîne.

(1620)

Alice Miller résume cet effet comme suit :

[...] lorsqu'on éduque un enfant, celui-ci apprend à éduquer. Lorsqu'on réprimande un enfant, celui-ci apprend à réprimander; lorsqu'on avertit un enfant, on lui apprend à avertir les autres; lorsqu'on l'engueule, c'est exactement cela qu'il apprend à faire; si on le ridiculise, il apprend à ridiculiser; lorsqu'on l'humilie, il apprend à humilier; lorsqu'on tue son intériorité, il apprend à tuer. Une fois qu'on a atteint ce stade, tout ce qui lui reste à décider, c'est qui tuer : lui-même, les autres ou les deux.

[Français]

Est-ce si difficile d'élever un enfant sans lever la main sur lui? Parfois. C'est pourquoi les parents doivent être accompagnés. Le projet de loi S-204 prévoit une campagne pour les aider à recourir à des pratiques éducatives alternatives. Quand on connaît les répercussions de la violence éducative, il n'est pas possible de céder à la facilité.

Ainsi, la science du XXe siècle nous prouve que l'homme et la femme ne sont pas agressifs de nature, mais qu'ils apprennent à le devenir sous l'impulsion de leur environnement.

Honorables sénateurs, il s'agit d'un consensus scientifique mondial qui a fait l'objet d'une déclaration solennelle à Séville, en Espagne, en 1986, déclaration diffusée lors de la conférence générale de l'UNESCO à Paris, en 1989. Ces scientifiques du monde entier nous ont notamment dit qu'« il est scientifiquement incorrect que nous ayons hérité de nos ancêtres les animaux d'une propension à faire la guerre »; qu' « il est scientifiquement incorrect de dire que la guerre ou toute autre forme de comportement violent soit génétiquement programmée dans la nature humaine »...

[Traduction]

...et qu'« il est scientifiquement incorrect de dire que, au cours de l'évolution humaine, le comportement agressif l'a emporté sur les autres types de comportement et qu' il est scientifiquement incorrect de dire que les humains ont un « cerveau violent » [...] parce que nos réactions reflètent l'éducation que nous avons reçue et la façon dont nous avons été socialisés. »

[Français]

Nous avons vu aussi que, depuis le début du XXe siècle, les observations et les études ont montré, les unes après les autres, l'inefficacité de la force à des fins éducatives et leur coût social et humain.

Le législateur doit-il alors s'immiscer dans la vie de la famille? Il se trouve que le législateur intervient de plus en plus dans le domaine familial, en particulier aux niveaux de l'éducation et du bien-être des enfants, sans que cela soit remis en cause. Ainsi, en 1943, le gouvernement québécois adopté la Loi sur l'instruction scolaire obligatoire. En 1944, le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les allocations familiales, reconnaissant ainsi le droit des enfants à l'instruction et à un minimum de bien-être. Et que dire des interventions des gouvernements pour imposer les droits des femmes et limiter du même coup ceux des hommes à leur égard?

Puisque l'on sait désormais que, de l'éducation de nos enfants aujourd'hui découlera la société de demain, puisque l'on sait que la collectivité pourrait payer cher l'usage de la force par les parents, une intervention de l'État apparaît non seulement légitime, mais nécessaire. L'usage de la force dans l'éducation des enfants, comme la fessée, n'est pas un problème limité à la famille, mais un problème qui engage toute la société.

[Traduction]

C'est ce que la Suède a compris. Ce pays, qui est pourtant issu d'une féroce tradition guerrière, est aujourd'hui l'un des pays les moins violents du monde industrialisé. Ce n'est pas un hasard si la Suède a été le premier pays à interdire l'usage de la force contre les enfants, il y a déjà 30 ans de cela.

Sur quelle règle peut donc s'appuyer le Parlement pour refuser de protéger l'intégrité physique des enfants du Canada, comme il l'a fait pour les femmes, surtout après avoir pris des mesures en vue d'obliger les parents à assurer l'éducation de leurs enfants et à pourvoir à leurs besoins fondamentaux?

Quelle règle peut bien empêcher le Parlement de tout mettre en œuvre pour bâtir une société où les enfants grandiront en sécurité, quand on connaît les répercussions que peut avoir la manière dont un enfant est élevé sur son niveau d'agressivité à l'âge adulte?

Les enfants n'appartiennent pas à leurs parents. Ils sont des individus à part entière. Leur protection devrait donc avoir préséance sur la protection des adultes et sur le risque imaginaire que représentent les éventuelles poursuites dont ils pourraient faire l'objet, ce qui ne s'est jamais vu dans aucun des 26 pays du monde qui ont emprunté cette voie.

[Français]

Honorables sénateurs, je conclurai avec cette question que nous pose Olivier Maurel :

Personne ne trouvera normal qu'un homme ou une femme gifle sa mère ou son père atteint de sénilité et que son âge et la détérioration de son cerveau amènent à refuser de manger ou de se laver ou d'effectuer quelque tâche que ce soit. Pourtant, pour des comportements semblables dus également à leur âge et à l'immaturité de leur cerveau, nous trouvons normal de gifler les enfants. Qu'est-ce qui justifie cette inégalité flagrante de traitement?

La réponse se trouve dans notre impression injustifiée de posséder un droit de propriété sur une personne qui, en réalité, a droit à son intégrité physique; la réponse se trouve aussi dans notre croyance archaïque que, de la violence, naîtra la droiture et l'obéissance; la réponse se trouve dans notre inconscience qui reproduit des techniques éducatives dévastatrices, comme tous les experts nous l'ont démontré.

La solution, et les experts le disent étude après étude, année après année, réside dans un changement de nos pratiques éducatives. Le Canada et nous, parlementaires, devons fixer un nouveau cap en interdisant définitivement le recours à la force et en offrant des mesures éducatives alternatives et du soutien aux parents.

En septembre 1998, la Cour européenne des droits de l'Homme a conclu qu'une disposition du droit anglais — similaire dans sa forme et ses effets à l'article 43 du Code criminel canadien — était incompatible avec l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme. En mai 2010, les 47 pays membres du Conseil de l'Europe ont établi des directives pour encourager les États à établir une législation bannissant le recours à la force dans les pratiques éducatives. Sans même attendre ces directives, 21 pays européens ont déjà aboli tout recours à la force dans l'éducation parentale, et d'autres pays emboîtent le pas.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vous dirai en terminant que non seulement la violence ne devrait pas faire partie de l'éducation des enfants, mais que c'est en fait par la violence qu'on enseigne aux enfants à devenir agressifs. Il est donc aussi essentiel que réaliste de vouloir l'éliminer complètement.

Si nous voulons bâtir une société pacifique et sûre, il nous faudra autre chose que des mesures répressives. Il nous faudra remonter à la source et aider les parents à élever leurs enfants conformément aux découvertes de la science moderne.

Nos lois sont à l'image de nos convictions et de nos valeurs. Or, en ce qui concerne l'éducation des enfants, nos convictions et nos valeurs datent d'une autre époque.

[Français]

Rien ne peut donc nous autoriser désormais à maintenir au rang de vérité un discours traditionnel qui revendique la nécessité ou l'efficacité d'une éducation autoritaire, qui inclut la violence physique, sous couvert de croyances religieuses ou d'un quelconque savoir empirique.

Par conséquent, honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer sans réserve le projet de loi S-204.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Martin, appuyée par l'honorable sénateur Wallin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-268, Loi modifiant le Code criminel (peine minimale pour les infractions de traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans).

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-268, Loi modifiant le Code criminel (peine minimale pour les infractions de traite de personnes âgées de moins de dix-huit ans).

D'abord, permettez-moi de remercier le président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le sénateur Eggleton, pour l'excellent travail qu'il a accompli au comité en nous guidant tout au long des audiences tenues dans le cadre de l'étude du projet de loi C-268. Je remercie également celle qui a parrainé le projet de loi, madame le sénateur Martin, les témoins qui ont comparu devant le comité, le personnel et les membres du comité pour tout le travail qu'ils ont fait sur ce projet de loi.

Les sénateurs se rappellent peut-être que, au moment de la deuxième lecture, mon analyse à titre de porte-parole pour le projet de loi a révélé trois éléments qui pouvaient être améliorés : premièrement, en rehaussant les peines minimales obligatoires, deuxièmement, en prévoyant deux catégories d'âges pour les mineurs et, troisièmement, en incluant expressément la traite à des fins d'exploitation sexuelle.

Dans les trois cas, il semblait raisonnable de suggérer que nous imposions des peines aussi strictes et sévères pour la traite des mineurs qu'aux États-Unis, en Thaïlande et en Inde, les trois pays mentionnés par Joy Smith sur son site web. Cependant, après avoir écouté les témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, j'en suis arrivée à la conclusion que le fait d'apporter des modifications au projet de loi pour prévoir des peines minimales obligatoires plus longues n'était pas la meilleure voie à suivre. De même, il m'est apparu clairement que la présentation d'un amendement dans le but d'alourdir les peines minimales obligatoires dans le cas de mineurs encore plus jeunes n'était pas non plus une bonne idée.

(1630)

Permettez-moi de vous expliquer pourquoi j'en suis arrivée à ces conclusions en vous faisant part de ce que les témoins ont dit au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie au sujet des peines minimales obligatoires.

M. Micheal Spratt, directeur de la Criminal Lawers' Association, est opposé au recours aux peines minimales obligatoires. Il a déclaré qu'un des problèmes,

[...] c'est que les peines minimales obligatoires représentent une solution unique qui limite ou annule le pouvoir discrétionnaire des juges, un aspect très important de notre système. La limitation de ce pouvoir peut mener à des peines inéquitables et injustes.

Mme Nadja Pollaert, du Bureau international des droits des enfants, a déclaré ce qui suit :

Les victimes se retrouvent dans le cercle vicieux de la criminalité. Certaines victimes recrutent de nouvelles victimes de la traite de personnes à des fins sexuelles.

Elle a précisé que ces personnes qui recrutent peuvent y avoir été forcées par leur trafiquant et qu'elles peuvent être condamnées à la peine minimale de cinq ans si elles sont trouvées coupables de traite de mineurs, alors qu'elles viennent peut-être tout juste d'avoir 18 ans. Il semble que ce ne sont pas tous les membres du comité qui ont confiance en nos juges pour qu'ils imposent des peines suffisantes pour la traite de mineurs, mais il me semble aussi raisonnable de laisser aux juges la possibilité d'imposer une peine plus longue que la peine de cinq ans prévue dans le projet de loi C-268 quand les circonstances le justifient, par exemple quand il s'agit d'un très jeune mineur, disons une fillette de neuf ans. Aussi, plutôt que de présenter un amendement au comité pour fixer une peine minimale obligatoire plus longue, correspondant aux lois sur la traite de mineurs des États-Unis, de la Thaïlande et de l'Inde, il me semble plus sage de garder la peine minimale telle qu'elle est prévue dans le projet de loi et de laisser le juge décider, en fonction de tous les facteurs en cause, si une peine de plus de cinq ans devrait être imposée à la personne trouvée coupable de traite de mineurs.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'ajouter quelques réflexions sur les peines minimales et leur efficacité. Sur le plan des avantages, Mme Smith a affirmé qu'une peine minimale de cinq ans est une bonne chose parce que, premièrement, une peine de cinq ans sépare la victime et le contrevenant pendant une période suffisamment longue pour que la victime se sente protégée; deuxièmement, parce qu'une peine de cinq ans envoie le coupable derrière les barreaux pour une durée adéquate; troisièmement, parce qu'une peine de cinq ans est dissuasive pour ceux qui envisagent de faire la traite de mineurs.

Toutefois, l'efficacité des peines minimales obligatoires pour dissuader les responsables de commettre ce crime n'était pas complètement acceptée comme étant factuelle par d'autres témoins. M. Spratt, de la Criminal Lawyer's Association, et M. John Winterdyk, du Centre de criminologie et de recherche sur la justice de l'Université Mount Royal, remettaient en question l'efficacité des peines minimales obligatoires en tant que moyen de dissuasion pour ceux qui s'adonnent à la traite des personnes. Sur les peines minimales obligatoires, M. Spratt a dit :

Il y a peu de données fiables selon lesquelles elles ont un effet dissuasif précis ou un effet dissuasif général.

Il est intéressant de constater que les peines minimales obligatoires comportent des désavantages. D'abord, elles risquent d'entraîner une diminution du nombre de plaidoyers de culpabilité. Ensuite, elles feront en sorte que les victimes seront davantage appelées à témoigner. Il est possible que ces victimes et leurs parents doivent alors revivre à un certain point les expériences traumatisantes auxquelles elles ont été soumises.

M. Jamie Chaffe, président de l'Association canadienne des juristes de l'État, a mentionné ce qui suit :

[...] ces peines réduiront le nombre de plaidoyers de culpabilité à ces chefs d'accusation et augmenteront le taux de litige.

Il a ajouté ceci :

S'il y a plaidoyer de culpabilité, la victime n'a pas à témoigner.

Il a poursuivi en indiquant ce qui suit :

Un inculpé peut ainsi réduire sa peine en n'imposant pas le fardeau d'un procès criminel à la victime qui évite ainsi un moment plutôt désagréable, c'est le moins que l'on puisse dire.

Autrement dit, le projet de loi C-268 pourrait avoir comme résultat inattendu que des victimes mineures soient davantage appelées à témoigner et, de ce fait, elles pourraient très bien souffrir encore une fois de victimisation. M. Chaffe a indiqué qu'il est probable que les victimes « aient besoin d'un soutien psychologique en raison du traumatisme qu'elles ont vécu ».

Il aussi ajouté ce qui suit :

[...] elles pourraient bien présenter des troubles de la mémoire, un problème courant chez les enfants lors de tout évènement, et plus particulièrement lors d'un traumatisme.

Par conséquent, honorables sénateurs, le fait d'imposer une peine minimale obligatoire peut créer une faille qui semble avantager l'accusé. Le trafiquant accusé peut signifier qu'il ou elle plaidera coupable à une autre infraction. M. Chaffe et M. Spratt ont tous deux affirmé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie que les peines minimales obligatoires augmentent la négociation des plaidoyers. M. Spratt a indiqué que ce genre de négociations fait en sorte que :

Ce sont les policiers qui choisissent alors les accusations [...].

Il a poursuivi en disant ceci :

[...] une grande partie du pouvoir discrétionnaire revient également aux procureurs de la Couronne, qui choisissent aussi les accusations et les négociations de plaidoyers qu'ils vont engager.

Tout cela se fait loin des yeux du public.

Mes dernières observations porteront sur le fait que le projet de loi C-268 ne fait pas de distinction entre la traite de mineurs à des fins d'exploitation dans le commerce du sexe et les autres formes de travail forcé. Aux États-Unis, en Thaïlande et en Inde, les infractions de traite de mineurs à des fins d'exploitation sexuelle sont assorties de peines minimales obligatoires, mais les infractions de traite de mineurs pour d'autres formes de travail forcé ne le sont pas. Ainsi, à tout le moins dans ces pays, la société civile semble considérer que la traite des mineurs que l'on destine au commerce du sexe est plus grave que d'autres formes de travail forcé.

Pratiquement toutes les personnes qui nous ont demandé de ne pas tarder à adopter ce projet de loi nous ont parlé de la traite de mineurs destinés au commerce du sexe. Par exemple, sur les cartes postales envoyées dans le cadre d'une campagne on voit une fillette âgée de huit ans, environ, et on lit des phrases telles que, « des prédateurs font la traite d'enfants qu'ils exploitent et brutalisent à des fins sexuelles », ou « la traite de personnes à des fins sexuelles est l'une des pires formes de traite de personnes ». Mme Nathalie Levman, du ministère de la Justice, a dit au comité que les Nations Unies estimaient que 75 p. 100 des victimes de la traite des personnes étaient exploitées sexuellement et que 25 p. 100 subissaient le travail forcé. Toutefois, 98 p. 100 des femmes et des enfants victimes de la traite sont destinés au commerce du sexe.

À l'étape de la deuxième lecture, j'ai soutenu qu'il y avait lieu d'accorder une considération particulière à la traite de personnes à des fins d'exploitation, notamment dans le commerce du sexe, et de considérer qu'il s'agissait d'un crime plus haineux que la traite de personnes pour d'autres formes de travail forcé, comme le travail de domestique et d'employé de restaurant. Toutefois, aucun témoin n'a vu de différence entre ces formes de travail forcé. Il est intéressant de noter ce que Mme Levman a dit pour justifier l'imposition de peines minimales obligatoires pour les auteurs d'infractions de traite de personnes qui subiront le travail forcé. Voici :

Dans les cas de traite de personnes qui comportent du travail forcé, les auteurs du crime ont recours à des méthodes diverses pour contrôler leurs victimes, y compris les agressions sexuelles.

Le professeur Benjamin Perrin, de la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique a dit, et je cite :

Une autre affaire illustre la fausse distinction que font souvent des gens dans les débats sur la question entre la traite à des fins sexuelles et le travail forcé. Souvent, ces formes d'exploitation sont combinées. Pendant nos recherches, nous avons découvert le cas d'une fille de 16 ans de Saint-Vincent- et-les-Grenadines. Amenée au Canada pour travailler comme gardienne d'enfants, elle s'est retrouvée essentiellement en état de servitude domestique — contrainte à travailler de longues heures, privée de ses papiers d'identité, et exploitée physiquement et sexuellement la nuit venue.

(1640)

Honorables sénateurs, l'élément clé, c'est que la traite des personnes pour les soumettre au travail forcé suivie d'agressions sexuelles commises par ceux qui font ce type de traite est foncièrement différente de la traite des personnes dans le but exprès de les soumettre au commerce du sexe. Si une victime de la traite est contrainte à faire du travail forcé, à garder des enfants, par exemple, et qu'elle est soumise à une agression sexuelle, l'auteur de cette agression serait passible d'une peine minimale obligatoire de six ans d'emprisonnement parce qu'une telle agression serait un facteur aggravant en vertu du projet de loi C-268. Cependant, la même chose ne s'appliquerait pas à ceux qui font la traite de mineurs pour les soumettre au commerce sexuel. Dans ce cas, le délinquant ne serait passible que d'une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de cinq ans.

Il convient de noter que l'individu qui s'adonne à la traite des personnes n'est pas nécessairement celui qui agresse sexuellement le mineur ou qui soumet ce mineur au commerce du sexe, et que la personne qui est coupable de cette dernière infraction peut être accusée de vivre des fruits de la prostitution.

La Convention internationale du travail, dont le Canada est signataire, énumère les pires formes de travail des enfants. L'exploitation sexuelle à des fins commerciales, la traite des enfants et le trafic de drogue sont classés parmi ces pires formes de travail.

Lors de l'étude au comité du projet de loi C-268, j'ai présenté une motion visant à l'amender afin d'inclure la traite de mineurs pour le commerce sexuel comme étant un facteur aggravant passible d'une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de six ans, tandis que la traite de mineurs pour d'autres types de travail forcé resterait passible d'une peine d'emprisonnement minimale obligatoire de cinq ans, mais ma motion a été rejetée. Cependant, je reste convaincue que c'est une distinction importante et, si le temps le permettait, je proposerais un amendement ici, au Sénat. J'ai décidé de ne pas le faire parce que je ne veux pas risquer de retarder l'adoption du projet de loi. Nous n'avons tout simplement pas assez de temps avant l'ajournement pour l'été.

Dans mes recherches sur la traite des personnes, j'ai trouvé sur l'Internet il y a quelques semaines seulement, un guide intitulé Combattre la traite des personnes — Guide à l'usage des parlementaires, publié par l'Union interparlementaire et l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime en 2009, ce qui en fait une publication très récente. J'ai aussi trouvé une publication intitulée Guide à l'usage des parlementaires — Combattre la traite des enfants, qui a été publié par l'Union interparlementaire et l'UNICEF en 2005. Il est regrettable qu'aucun des témoins, y compris Mme Smith et le professeur Perrin, n'ait semblé au courant de l'existence de ces publications.

Les trois éléments de l'infraction qu'est la traite des personnes sont clairement énoncés dans le guide sur la traite des personnes : premièrement, l'acte, ou ce qui a été fait — le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil des personnes; deuxièmement, les moyens, ou comment on s'y est pris — la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, l'enlèvement, la fraude, la tromperie, etc.; et troisièmement, la finalité, ou le pourquoi de l'acte — sont compris, au minimum, l'exploitation de la prostitution et d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues, la servitude ou le prélèvement d'organes.

Le protocole sur la traite des personnes exige que la traite soit définie à l'aide d'une combinaison de chacun des trois éléments, bien qu'il arrive parfois qu'un de ces éléments constitue à lui seul une infraction. Il est donc clair, par exemple, que les trafiquants peuvent être accusés de plusieurs infractions, dont la traite, comme dans l'affaire citée abondamment, celle d'Imani Nakpangi, à qui on a imposé une peine de trois ans pour traite de personnes et de deux ans pour avoir vécu des produits de la prostitution d'une mineure. On lui a imposé deux peines, une pour chaque infraction.

On peut lire ce qui suit dans le guide sur la traite des enfants :

Le législateur doit ériger la traite des personnes en un délit pénal distinct qui englobe toutes les formes de traite et toutes les catégories de personnes susceptibles d'en être victimes.

Par conséquent, il est manifeste que toutes les fins auxquelles les victimes de la traite sont exploitées devraient figurer dans la loi. Autrement dit, l'exploitation sexuelle commerciale et le travail forcé devraient tous deux figurer dans la loi, comme l'ont suggéré les partisans du projet de loi C-268. Quel dommage qu'ils ne semblaient pas être conscients des recommandations de l'Union interparlementaire, car celles-ci auraient ajouté beaucoup de poids à leurs arguments. Ceux-ci auraient été beaucoup plus convaincants.

Voici un autre extrait du guide de l'Union interparlementaire sur lequel les partisans du projet de loi auraient dû s'appuyer :

Le code pénal devrait prévoir des sanctions sévères si la victime a moins de 18 ans, soit des peines minimales obligatoires appropriées.

Le guide de l'Union interparlementaire sur la traite des enfants recommande des peines minimales obligatoires pour l'infraction qu'est la traite des enfants. C'est, à mon sens, une très bonne raison d'inclure des peines minimales obligatoires dans le projet de loi C- 268.

Le guide de l'Union interparlementaire dit également :

L'implication d'agents de l'État [...], d'organisations criminelles, d'une personne qui abuse de son autorité sur les enfants (des fonctionnaires de l'enseignement, par exemple, des personnes ayant pour fonction de protéger les enfants ou de veiller au bien public en général), la complicité d'un conjoint, d'un membre de la famille ou d'un tuteur ou la commission par eux du crime de traite devraient constituer des circonstances aggravantes passibles de peines plus lourdes.

Les partisans du projet de loi C-268 n'ont pas prévu de telles circonstances aggravantes dans cette mesure législative et ils n'ont pas non plus fait mention des guides pratiques de l'Union interparlementaire.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-268 constitue un bon point de départ. Les témoins ont indiqué qu'il est peu probable que cette mesure ait un effet dissuasif et qu'elle entraînera une diminution des plaidoyers de culpabilité et une augmentation de la négociation des plaidoyers, qu'elle risque également d'avoir l'effet non souhaité de forcer les victimes à témoigner et qu'elle peut se révéler injuste pour certains contrevenants, mais je voterai en faveur de l'adoption du projet de loi C-268; je fonde ma décision sur l'information contenue dans les guides pratiques de l'Union interparlementaire sur les peines minimales obligatoires.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Dyck, accepteriez- vous de répondre à une question?

Le sénateur Dyck : Oui.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je remercie infiniment le sénateur Dyck de nous avoir présenté un résumé des témoignages présentés devant le comité et de l'étude de cette mesure législative.

En écoutant l'intervention du sénateur, j'ai compris que ce projet de loi vise à protéger les enfants; pourtant pas un seul des témoins convoqués devant le comité n'œuvre dans le domaine de la protection des enfants. Je me demande simplement si le comité a sciemment décidé d'exclure ce genre de témoins. Il va sans dire que je parle des intervenants qui travaillent dans les organismes de protection de l'enfance partout au Canada, qui s'occupent directement de la protection des enfants, notamment les gens qui prennent les enfants sous leur garde. Je songe aux organismes de protection de l'enfance. Je songe également à ceux que nous avions l'habitude d'appeler les tuteurs publics dans chaque province, les tuteurs des enfants. En Ontario, on les appelle maintenant les avocats des enfants, mais il s'agit de tuteurs publics. Je pense également aux procureurs généraux et aux ministres provinciaux, qui sont responsables de la protection des enfants.

Comme elle constitue notre seule source d'information jusqu'ici, madame le sénateur peut peut-être nous dire pour quelle raison aucun intervenant du secteur de la protection de l'enfance n'a été invité à témoigner?

Le sénateur Dyck : Je remercie beaucoup le sénateur de sa question.

Je ne suis pas en mesure de répondre, car j'ignore selon quelle logique les témoins ont été choisis. La question devrait vraisemblablement être adressée à quelqu'un d'autre. C'est une excellente question, mais le comité s'est surtout concentré sur les aspects législatifs du projet de loi. Ce dont parle le sénateur, la protection des enfants notamment, appartient probablement à une autre catégorie de mécanismes de protection de l'enfant. Il faut en tenir compte, mais ils ne font pas partie du projet de loi actuel.

Le sénateur Cools : Je remercie beaucoup le sénateur de sa réponse.

La protection des enfants, du moins du point de vue de l'aide sociale, relève des provinces et est administrée par les provinces, mais l'élaboration de dispositions du Code criminel visant à protéger les enfants relève de la compétence exclusive du gouvernement fédéral.

(1650)

Honorables sénateurs, comme la protection des enfants relève de toute évidence de la compétence des provinces, les responsables disposent d'énormes pouvoirs. Ils peuvent prendre sous leur garde tout enfant en danger. Je présumais simplement que le comité avait pu entendre le témoignage de certains d'entre eux, ne serait-ce qu'au sujet du nombre de jeunes qu'ils ont dû prendre sous leur garde, du nombre d'ordonnances du tribunal qui ont été émises, ainsi que des mesures qu'ils ont dû prendre au nom des enfants victimes de traite.

Je déduis des propos du sénateur que le comité n'a même jamais considéré la possibilité de convoquer des responsables de la protection des enfants, des enfants victimes de traite. Du moins, c'est ce que je crois comprendre.

Le sénateur Dyck : Je remercie le sénateur de sa question. Je ne saurais dire avec certitude si ces personnes ont été amenées à témoigner, mais je croirais que le travail du type d'organisme auquel semble penser le sénateur Cools consisterait davantage à retirer des enfants de leurs familles, à un parent adoptif ou autre. Je ne sais pas. De toute façon, c'est un sujet qui n'est pas directement lié au projet de loi.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, si un enfant est en danger, qu'il ait été victime de traite ou d'autres crimes, les pouvoirs existent afin de le protéger. J'ai participé à un grand nombre d'interventions pour prendre sous garde des enfants, et je sais que ces organisations disposent de pouvoirs assez vastes en ce qui concerne la prise en charge d'enfants à risque.

J'ai simplement présumé que, puisque nous voulions modifier le Code criminel afin de protéger les enfants, nous aurions examiné les répercussions que le projet de loi C-268 aurait sur les personnes qui s'occupent de la protection des enfants.

Rappelez-vous, honorables sénateurs, que la protection des enfants comporte deux aspects. Le premier porte sur la protection des enfants contre le crime; et le deuxième, sur l'aide sociale. Je pense que, lorsqu'elle a répondu à mes questions, madame le sénateur Dick parlait plutôt de l'aspect relatif à l'aide sociale, à savoir l'enfant pauvre qui a faim et doit être nourri plutôt que, par exemple, un enfant qui a été vendu par ses parents à des fins d'exploitation sexuelle.

Honorables sénateurs, je pense que le président, le sénateur Eggleton, veut parler. Il sera peut-être en mesure d'expliquer cette question de manière plus exhaustive. Les organisations de protection de l'enfance doivent porter un énorme fardeau, et je croyais que nous aurions entendu ce qu'elles avaient à dire sur le sujet.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet de cette observation. L'étude du comité portait sur les peines minimales obligatoires, et c'est à ce sujet que nous avons convoqué des témoins. C'est de ce sujet dont nous avons discuté, et nous avons entendu un nombre approprié de témoins pour explorer la question.

L'exploitation des enfants est sans aucun doute un crime terrible, et il faudrait punir en conséquence ceux qui pratiquent ce genre d'exploitation. Les peines minimales obligatoires sont-elles la meilleure solution? J'en doute. Je crois qu'il existe des solutions, mais je doute que les peines minimales obligatoires en fassent partie.

Je recueille des renseignements à ce sujet, honorables sénateurs, et j'aimerais avoir l'occasion d'en parler davantage la semaine prochaine. Je sais que certains aimeraient que nous traitions ce dossier rapidement. Je vais donc aborder cette question la semaine prochaine.

J'aimerais proposer l'ajournement du débat pour le reste du temps de parole dont je dispose.

(Sur la motion du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rivest, appuyée par l'honorable sénateur Lang, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-288, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour les nouveaux diplômés travaillant dans les régions désignées).

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-288, présenté par le sénateur Rivest.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, la deuxième personne qui prend la parole sur un projet de loi dispose habituellement de 45 minutes. S'il y avait entente pour que ce côté-ci réserve les 45 minutes pour le projet de loi, nous n'aurions pas d'objection à ce que madame le sénateur Ringuette prenne la parole à ce moment-ci.

Le sénateur Ringuette : Honorables sénateurs, il y a des éléments importants qui sont proposés dans le projet de loi C-288, qui a franchi l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes.

Essentiellement, le projet de loi touche les jeunes diplômés et vise à leur offrir des crédits d'impôt jusqu'à concurrence de 8 000 $ sur une période de trois ans. Les crédits d'impôt pourraient aussi s'élever à 3 000 $ par année jusqu'à un maximum de 8 000 $ sur trois ans.

En tant que Néo-Brunswickoise, je peux confirmer que, au sein des petites collectivités et des petites villes, on assiste à un exode des jeunes, qui s'installent dans de plus grands centres. Que ce soit dans les secteurs forestier, agricole, minier et agroalimentaire, on prive nos collectivités de ces talents en n'y accordant pas une attention spéciale.

Je crois effectivement que le projet de loi C-288, présenté par le sénateur Rivest, veut qu'on porte une attention particulière aux communautés éloignées en accordant des crédits d'impôt à de jeunes diplômés qui iront s'y installer pour démarrer une carrière et contribuer, tant au niveau social qu'économique, à l'avenir de ces collectivités.

Depuis des dizaines d'années, on met l'accent soit sur des crédits d'impôt, soit sur des prêts remboursables ou d'autres formes d'incitatifs dans le but d'amener des entreprises et des industries dans les régions éloignées sans, pour ce faire, songer aux ressources humaines dont ces entreprises ont besoin pour contribuer à l'économie de ces communautés.

Le Québec, entre autres, a fait l'expérience d'un tel crédit d'impôt pour encourager les jeunes diplômés à s'établir dans des régions éloignées préalablement désignées par le ministre des Finances. L'objectif du projet de loi C-288 est similaire. Il demande au ministre des Finances de désigner les régions qui seront précisément touchées par ces incitatifs.

Lorsque je parle de collectivités, je ne parle pas seulement des collectivités rurales et des petites villes. Je parle également des collectivités autochtones, qui pourraient elles aussi bénéficier du retour de leurs jeunes remplis d'énergie et de talent, au profit de leurs communautés.

On n'a qu'à songer au domaine médical, où il est question depuis des années de files d'attente dans les urgences et de pénurie de personnel qualifié. Ce serait là une autre façon d'aider non pas uniquement nos jeunes diplômés, mais aussi nos communautés.

(1700)

Après vérification, j'ai constaté que la Saskatchewan disposait d'un programme similaire de crédits d'impôt, qui offre jusqu'à 20 000 $ de crédits d'impôt pour les jeunes diplômés sur une période de sept ans. Sans compter que, pour nos jeunes, compléter un diplôme universitaire, dans quelque domaine que ce soit, est de plus en plus coûteux. La plupart quittent le milieu universitaire avec une dette d'étude exorbitante. Ils doivent s'installer dans une collectivité pour démarrer une carrière, tout en satisfaisant aux besoins nécessaires d'un logement et d'un véhicule pour se déplacer.

Je crois donc qu'il est temps de faire en sorte que nos jeunes diplômés aient des possibilités dans nos régions pour aider nos entreprises, et aider nos communautés dans les domaines social et économique.

Il est important de rappeler que, depuis des dizaines d'années, on aide nos industries sans songer qu'elles auront aussi besoin de ressources humaines adéquates, et même brillantes, pour assurer leur avenir dans les régions éloignées.

C'est sans aucune restriction, honorables sénateurs, que j'appuie le projet de loi C-288, proposé par le sénateur Rivest.

L'honorable Andrée Champagne : Je me demande, honorables sénateurs, si notre collègue, le sénateur Ringuette, a vu un film québécois intitulé La Grande Séduction. Elle verrait comment, sans demander l'aide du gouvernement, sans demander des crédits d'impôt, une petite communauté de la Basse-Côte-Nord a fait pour retenir un médecin. Je crois qu'elle y trouverait des idées, car on ne veut pas toujours aller dans la poche du gouvernement, c'est- à-dire dans nos poches.

Le sénateur Ringuette : Je vous remercie, sénateur Champagne, de votre question. Malheureusement, je n'ai pas vu le film en question, mais j'en ai beaucoup entendu parler. Pour votre information et celle de mes collègues, j'ai vécu pendant huit ans à Sept-Îles, donc je connais toutes les petites communautés de la Basse-Côte-Nord, des communautés superbes et uniques. Voilà certainement un élément.

Je reviens sur l'idée que je voulais transmettre. Prenez le projet de loi C-9, qui contient des crédits d'impôt pour les sociétés. Ces sociétés ne peuvent pas survivre dans nos petits centres si elles n'ont pas de ressources humaines. C'est là la question. Ces jeunes diplômés pourraient avoir droit à un crédit d'impôt pour aller travailler dans ces centres. Je crois que, ultimement, ce qu'on fait, c'est accroître l'exode de nos jeunes vers les grands centres.

Je crois qu'il est temps, quand on parle de crédits d'impôt, d'aller au-delà des crédits d'impôt pour les sociétés, les banques, les grandes entreprises, les grands des grands, et cetera. Car, au centre de tout cela, si ces grandes entreprises n'ont pas les ressources humaines nécessaires pour effectuer le travail, fournir les services, fabriquer le produit, elles n'ont rien. Il faut songer à cela.

Une expérience a déjà été menée au Québec et en Saskatchewan en ce qui a trait aux crédits d'impôt. Cela me rappelle un peu quand, dans l'Ouest canadien, on a débattu du projet de loi sur l'assurance- maladie. Tout cela a commencé au provincial et ce fut un succès. Je pense qu'on peut en déduire, malgré une courte période de mise en œuvre des crédits d'impôt au Québec et en Saskatchewan, que ce devrait être un succès également à l'échelle nationale.

C'est sans compter que, dans le projet de loi, les régions désignées le seront par le ministre des Finances, avec ses homologues provinciaux et territoriaux. Je vous remercie de votre question.

Le sénateur Champagne : L'honorable sénateur devrait aussi savoir que, au Québec, on donne, par exemple, un surplus important de salaire à de jeunes médecins qui acceptent d'aller dans des régions éloignées. Je ne dis pas que ce que nous propose le sénateur Rivest n'a aucun mérite, je dis qu'il faudra étudier cette mesure, tout simplement. Sachez bien que, en cette fin de session, madame le sénateur, je vous propose une heure et demie qui vous apportera un grand sourire, et nous en avons tous besoin quand nous sortons d'ici.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? Le sénateur Rivest souhaite-t-il poser des questions complémentaires sur le discours du sénateur Ringuette? Si le sénateur Rivest prend la parole, cela aura pour effet de clore le débat.

Le sénateur Rivest : D'habitude, quand je parle, cela règle le débat.

Le sénateur Comeau : Honorables sénateurs, nous ne souhaitons pas la clôture du débat à ce moment-ci. Je propose donc l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur de l'énergie

Quatrième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, intitulé Conférence GLOBE 2010 : au-delà de la science, déposé au Sénat le 27 mai 2010.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur le rapport dont nous sommes saisis. Je ne crois pas qu'il soit erroné de dire que tous les membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles ont assisté à la conférence GLOBE 2010, à Vancouver. Cet événement, qui a lieu tous les deux ans, attire des hauts fonctionnaires, des chefs d'État et des chercheurs renommés de partout dans le monde. C'est l'occasion pour les participants de se renseigner sur les plus récentes percées dans le secteur environnemental — dont certaines sont encore au stade expérimental — en ce qui concerne l'isolation, la production d'énergie de remplacement, et ainsi de suite, grâce au salon industriel présenté en marge de la conférence.

(1710)

Le salon industriel, toutefois, est présenté en marge de la conférence. La conférence elle-même consiste en séances plénières lors desquelles des experts de renommée mondiale dans le domaine de l'écologie et, parfois, des chefs d'État, prennent des engagements historiques dans le domaine de l'environnement. Les participants se forment ensuite en petits groupes pour discuter de leurs intérêts respectifs.

En plus des membres du comité, qui ont tous trouvé l'expérience enrichissante, des analystes de la Bibliothèque du Parlement ont assisté à la conférence. Il aurait été impossible pour les membres du comité de prendre part à toutes les réunions en petits groupes tellement il y en avait. Le sénateur Brown a assisté à la conférence de cette année et il a trouvé l'expérience très utile et intéressante.

La principale constatation que nous avons faite — et le sénateur Mitchell l'a mentionnée en parlant du rapport —, c'est que, à bien des égards, l'industrie, et les autres gouvernements, mais surtout l'industrie, ont progressé bien au-delà des questions avec lesquelles nous, au Sénat, et à l'autre endroit, nous nous débattons quotidiennement pour savoir si des mesures importantes devraient être prises. À ce chapitre, les questions dont a parlé le sénateur Mitchell, et que j'ai mentionnées l'autre jour dans mon allocution sur le projet de loi C-311, par exemple, ne sont plus d'actualité, si je puis m'exprimer ainsi, parce que l'industrie a une grande longueur d'avance sur nous. Elle a accepté les faits indéniables, des faits sur lesquels tous les scientifiques crédibles du monde s'entendent.

Je crois pouvoir dire sans risquer de me tromper que l'attitude de tous ceux d'entre nous qui ont assisté aux réunions en petits groupes ainsi qu'aux séances plénières a changé parce que nous nous sommes souvent retrouvés à tenir compte de choses qui n'étaient plus d'actualité par rapport aux avancées déjà réalisées par ceux qui travaillent à fabriquer des ampoules électriques, à inventer de nouvelles façons de produire de l'énergie et, surtout, de nouvelles façons d'économiser de l'énergie.

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur ce rapport fort utile. J'espère que nous le lirons tous. Le cas échéant, il alimentera nos débats sur les questions qui nous sont soumises dans le domaine de l'énergie sous tous ses angles, qu'il s'agisse de sa conservation ou de sa production ou de l'avenir de la planète que nous habitons.

(Sur la motion du sénateur Moore, le débat est ajourné.)

Finances nationales

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat et pendant l'ajournement du Sénat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gerstein, appuyée par l'honorable sénateur Eaton,

Que, jusqu'au 30 juin 2010, pour les fins de toute étude d'un projet de loi, de la teneur d'un projet de loi ou des prévisions budgétaires, le Comité sénatorial permanent des finances nationales :

a) soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard;

b) soit autorisé, conformément à l'article 95(3)a) du Règlement, à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Losier-Cool, que la motion soit modifiée, en remplaçant les mots « 30 juin 2010 » par les mots « 31 juillet 2010 ».

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'espère que vous me pardonnerez, mais je tiens beaucoup à ce que la motion soit adoptée.

Les sénateurs auront remarqué que le débat avait été ajourné au nom du sénateur Robichaud. J'ai pu m'assurer que le sénateur Robichaud ne s'opposait pas à ce que nous passions au vote. Il est important de faire clairement état de sa position, parce que le débat avait été ajourné à son nom.

Son Honneur le Président : Je pose donc formellement la question aux sénateurs. Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Le premier vote porte sur la motion d'amendement. L'honorable sénateur Day propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Losier-Cool, que la motion soit modifiée, en remplaçant les mots « 30 juin 2010 » par les mots « 31 juillet 2010 ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion modifiée?

Des voix : D'accord.

(La motion modifiée est adoptée.)

[Français]

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :

L'honorable J. Gerald Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 15 juin 2010, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 15 juin 2010, à 14 heures.)


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