Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 41
Le lundi 21 juin 2010
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Affaires indiennes et du Nord canadien
- Le commissaire à l'intégrité du secteur public
- Projet de loi de crédits no 2 pour 2010-2011
- Projet de loi de crédits no 3 pour 2010-2011
- Droits de la personne
- Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des questions ayant trait aux obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits de la personne
- Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé
- Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des obligations internationales concernant les droits et libertés des enfants
- Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur la question de l'exploitation sexuelle des enfants
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux
- Projet de loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie
- La Loi sur l'assurance-emploi
- Projet de loi sur la Journée nationale des aînés
- La Loi sur le casier judiciaire
- Les travaux du Sénat
- Affaires juridiques et constitutionnelles
- Annexe
LE SÉNAT
Le lundi 21 juin 2010
La séance est ouverte à 20 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
L'Afghanistan—Le soldat tombé au champ d'honneur
Minute de silence
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de débuter nos travaux, je vous invite à vous lever et à observer une minute de silence à la mémoire du sergent James Patrick MacNeil, décédé tragiquement pendant qu'il servait son pays en Afghanistan.
Les honorables sénateurs observent une minute de silence.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès du sergent James Patrick MacNeil
L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, un autre Canadien a été tué en Afghanistan aujourd'hui. En effet, le sergent James MacNeil, soldat âgé de 28 ans originaire de Glace Bay, en Nouvelle-Écosse, a été tué par un engin explosif improvisé à proximité de la base canadienne à Kandahar, pas très loin du lieu où un autre de nos courageux soldats, le sergent Martin Goudreault, a péri il y a quelques semaines à peine.
Le sergent MacNeil, qui s'était enrôlé immédiatement après le secondaire, comptait 10 années de service et en était à sa quatrième période de service en Afghanistan. Il faisait partie du 2e Régiment du génie de combat basé à la BFC Petawawa et servait au sein du groupement tactique du 1er Bataillon du Royal Canadian Regiment.
« Jimmy », comme l'appelaient ses compagnons d'armes, était non seulement un soldat professionnel expérimenté, mais également un home au grand cœur et au sourire plus grand encore. Comme nombre de ses compatriotes du Cap-Breton, il ne refusait jamais une invitation à une soirée et savait généralement y mettre de l'ambiance.
À l'instar de 147 de ses compagnons d'armes, le sergent MacNeil a consenti le sacrifice suprême en vue de libérer la population afghane et de lui assurer la sécurité et la stabilité dont elle a besoin pour que le pays devienne sûr et prospère. Les engins explosifs improvisés comme celui qui a tué le sergent MacNeil et tant d'autres soldats servent à terrifier les civils innocents et à mutiler et tuer les gens qui leur viennent en aide.
Au nom des habitants du Cap-Breton, je peux dire que nous sommes tous fiers du sacrifice du sergent MacNeil. Nous présentons nos plus sincères condoléances à ses parents, Jim et Thelma, au reste de sa famille, ainsi qu'à ses nombreux amis, tant chez lui à Glace Bay qu'à la base de Petawawa. Il leur manquera beaucoup. Que Dieu ait son âme et bénisse sa famille. Que la lumière éternelle brille sur lui.
L'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous demander de vous joindre à moi afin de féliciter trois de mes concitoyens de l'Île-du-Prince-Édouard, soit le père Brady Smith, de Charlottetown, Mme Diane F. Griffin, de Stragtford, et M. Regis Duffy, de Charlottetown. Ces trois distingués citoyens sont les récipiendaires de l'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard de 2010.
L'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard est la plus haute distinction honorifique que peuvent recevoir les habitants de notre province en reconnaissance de l'excellence dont ils ont fait preuve à titre individuel ou du leadership hors du commun qu'ils ont exercé dans leur collectivité et dans leur vie professionnelle.
Le père Brady Smith travaille sans relâche à l'Île-du-Prince-Édouard et dans les provinces atlantiques en tant que prêtre et conseiller afin d'aider les individus et les familles à lutter contre la toxicomanie.
Mme Diane Griffin est une biologiste et naturaliste bien connue qui enseigne, écrit et élabore des politiques sur des questions écologiques. Ses messages sur la conservation et la protection des milieux sauvages en ont influencé plus d'un.
Regis Duffy a connu une carrière distinguée en tant qu'universitaire et homme d'affaires. Il a créé l'une des plus importantes sociétés pharmaceutiques et chimiques du Canada atlantique. Ses contributions au secteur des affaires, à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard et à la collectivité dans son ensemble sont remarquables.
Félicitations à ces citoyens émérites et accomplis de l'Île-du-Prince-Édouard.
[Français]
L'Afghanistan
L'honorable Michel Rivard : Honorables sénateurs, permettez-moi de vous parler aujourd'hui d'un sujet fort sérieux et important qui touche la vie de toutes les Canadiennes et de tous les Canadiens, soit la participation de notre pays en Afghanistan.
Nous reconnaissons que nos soldats consentent à un énorme sacrifice. Ils donnent de leur temps et de leur jeunesse et consacrent leur vie à tenter de vaincre un régime oppressif et d'améliorer la vie d'un peuple qui vit de l'autre côté de la planète.
Leur sacrifice ne touche pas seulement les soldats. Il est vécu également par leurs enfants, leurs conjoints, leurs parents, ainsi que leur famille et leurs amis. Nos militaires servent leur pays, notre pays, au nom de la justice et de la liberté.
Nous contribuons notamment à l'établissement d'un gouvernement démocratique en participant à la création d'institutions publiques et de processus électoraux responsables; en fournissant de l'aide humanitaire, notamment de la nourriture, des fournitures et des vaccins; et, enfin, en offrant des services fondamentaux comme l'éducation, la formation professionnelle et la création d'emplois.
Grâce au travail inestimable de nos militaires, hommes et femmes, nous avons réussi à améliorer la vie du peuple afghan. Nous avons accompli de grands progrès dans la formation et le mentorat auprès de la police, des agents correctionnels et des avocats afghans.
(2010)
Vous entendrez parler des victoires, mais aussi des défis que nos soldats doivent affronter tous les jours dans ce pays. Vous entendrez parler de l'authenticité d'un peuple, de l'ouverture des collectivités. Vous entendrez parler des expériences enrichissantes vécues par ceux et celles qui contribuent à améliorer le sort des Afghanes et des Afghans. Quiconque entend parler des expériences des soldats canadiens déployés à l'étranger ressent toujours une fierté empreinte de solennité.
Malheureusement, certains soldats ont fait le sacrifice ultime. Nous ne les oublierons jamais et garderons leur souvenir vibrant. Ils ont donné leur vie pour une cause à laquelle ils tenaient et, par leur sacrifice, ont déjà amélioré les conditions de vie des personnes qu'ils avaient promis d'aider et de protéger.
Ce difficile chapitre de l'histoire du Canada aura, à jamais, des répercussions sur l'avenir de notre pays et de notre population, sans compter celles qu'il aura sur l'avenir de l'Afghanistan et de son peuple.
Honorables sénateurs, je tiens à remercier du fond du cœur les hommes et les femmes canadiens qui servent et qui ont servi en Afghanistan, afin d'améliorer les conditions de vie des Afghanes et des Afghans ainsi que le monde dans lequel nous vivons.
La Fondation Lucie et André Chagnon
L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, j'aimerais, ce soir, féliciter la famille Chagnon et la Fondation Lucie et André Chagnon, lauréate du prix international BNP Paribas Wealth Management.
Le Grand Prix, remis à la fondation le 17 juin dernier à Paris, reconnaît l'ensemble de l'action philanthropique d'un individu, notamment l'investissement personnel et financier dans les projets. Le lauréat du Grand Prix est choisi par un jury composé d'experts indépendants. C'est la première fois qu'une fondation québécoise et canadienne reçoit ce prix d'envergure internationale, qui est l'équivalent du prix Nobel de la générosité et de l'implication sociale.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je tiens à souligner l'importance du travail accompli par la Fondation Lucie et André Chagnon. La fondation, créée en 1988, a vraiment pris son essor à la suite de la vente de Vidéotron, l'une des sociétés de communications les plus importantes au Canada, lorsque André Chagnon a choisi de céder 75 p. 100 des propriétés familiales à la fondation et d'y consacrer son temps.
[Français]
La fondation soutient le développement global de l'enfant, l'acquisition de bonnes habitudes de vie et la persévérance scolaire chez les jeunes Québécois. Par l'entremise de ses programmes de mobilisation des communautés et de la sensibilisation de la société, et en agissant surtout auprès des enfants et de leurs parents, la fondation contribue au développement et à l'amélioration de la santé des enfants, ainsi qu'à la prévention de la pauvreté et de la maladie.
La pauvreté et le manque d'éducation et d'encadrement sont les principales raisons pour lesquelles un jeune devient plus susceptible de suivre un parcours de vie néfaste. Il risque de se retrouver en situation de décrochage scolaire, ce qui engendre la délinquance, la consommation de drogue et, par le fait même, la criminalité.
La mission de la Fondation Lucie et André Chagnon est principalement axée sur la prévention. Les interventions en vue de contrer les sources de décrochage scolaire et tout ce qui en découle, comme la délinquance, doivent se faire très tôt dans la vie d'un enfant. C'est pour cette raison que la mission de la fondation à cet égard s'attaque aux causes plutôt qu'aux conséquences, pour ainsi mieux préparer les jeunes pour la vie.
[Traduction]
L'importante étude menée par la fondation révèle notamment qu'un trop grand nombre d'enfants ne sont pas prêts à entrer à l'école primaire parce qu'on ne les y a pas bien préparés. La fondation s'attaque donc à l'origine même du décrochage en travaillant directement avec les parents et les jeunes enfants.
[Français]
L'éducation, la santé et la sécurité de nos enfants sont des valeurs fondamentales sur lesquelles nous devons veiller, car nos enfants sont les porteurs de notre destin en tant que société, et ils sont les porteurs de nos rêves et de nos espoirs pour un avenir plus prometteur.
[Traduction]
Honorables sénateurs, en intervenant auprès du plus grand nombre de jeunes possible, on aide les enfants d'aujourd'hui à devenir les adultes de demain afin qu'ils soient mieux en mesure de participer activement à la société et d'être des citoyens responsables.
[Français]
Effectivement, la fondation, par une approche positive, favorise la responsabilisation des individus et des collectivités et la prise en charge de leur destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. Voilà des valeurs que notre gouvernement défend.
Nous pouvons être fiers, honorables sénateurs, du rayonnement de la fondation et de la réputation internationale qu'elle a méritée dernièrement. Nous pouvons surtout féliciter la famille Chagnon pour le succès de son approche et son désir de vouloir continuer de faire une philanthropie différente qui, depuis 10 ans, a beaucoup amélioré l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants.
[Traduction]
La mine d'or Meadowbank
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j'ai assisté vendredi à un événement des plus remarquables. J'étais à la nouvelle mine d'or Meadowbank à proximité de Baker Lake dans la région de Keewatin, au Nunavut. Cette région correspond grosso modo au centre géographique du Canada, dans qu'on appelle le Grand Nord. Je précise toutefois que ce territoire n'est pas dépourvu de richesses puisqu'il renferme de l'or en abondance. La semaine dernière, on a aperçu un bœuf musqué et un loup le long de la route menant à la mine.
Honorables sénateurs, j'étais là-bas pour assister à l'inauguration officielle de la mine d'or Meadowbank de la compagnie Agnico-Eagle. Ce sont la camaraderie et la bonne volonté entre les propriétaires de la mine, Agnico-Eagle, les organisations représentant les Inuits de la région de Kivalliq et l'ensemble du Nunavut ainsi que les gens de Baker Lake, qui ont rendu cet événement remarquable, honorables sénateurs — je n'avais encore jamais assisté à une manifestation du genre au cours de mes années dans le Nord. C'était à la fois une rencontre amicale et une célébration. Quel plaisir de vos les hauts dirigeants de la compagnie revêtus de costumes traditionnels inuits faire l'accolade au maire, aux aînés et aux dirigeants de la collectivité.
Honorables sénateurs, pourquoi y avait-il tant de bonne volonté et de gaieté dans l'air? Je crois que la signature, en 1993, de l'accord sur la revendication territoriale des Inuits a contribué à instaurer cette atmosphère positive, qui a été renforcée par le respect évident que la compagnie Agnico-Eagle manifeste à l'égard de cet accord, qui concède aux Inuits les terres sur lesquelles se trouve la mine. Par conséquent, les Inuits obtiennent certains avantages à titre de propriétaires ainsi que 5 p. 100 des redevances fédérales. Qui plus est, ils bénéficient des retombées additionnelles de l'Entente sur les répercussions et les avantages pour les Inuits, intervenue entre la compagnie et les Inuits. La population inuite de la région occupera 35 p. 100 des 390 emplois offerts à la mine. La compagnie souhaite améliorer la proportion d'Inuits au sein de la main-d'œuvre de la mine et elle y parviendra.
Il y avait matière à célébration parce que, quand j'ai visité Baker Lake pour la première fois, dans les années 1970, cette localité était une catastrophe économique. Le taux de chômage y était tellement élevé qu'elle s'était mérité le titre de capitale du bien-être social des Territoires du Nord-Ouest et qu'elle était par surcroît affligée d'une myriade de problèmes sociaux.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. La compagnie Agnico-Eagle envisage d'investir environ 1,5 milliard de dollars pour construire une nouvelle mine respectant les normes environnementales les plus élevées, tel qu'exigé par les officies régionaux, qui comptent une majorité de représentants inuits. De plus, la collectivité accueille favorablement ce projet.
La compagnie a célébré l'inauguration de la mine vendredi dernier dans l'enthousiasme et l'exubérance. Un rutilant inukshuk en or massif a été coulé pour l'occasion. Fabriqué avec de l'or du Nunavut, cette œuvre d'art de 38 pouces de hauteur vaut 1,9 million de dollars, d'après le cours de l'or de vendredi qui était fixé à 1,256 $US l'once.
Dans le cadre des célébrations communautaires, les résidants ont été ravis d'avoir l'occasion de toucher et de manipuler un lingot d'or, lui aussi coulé spécialement pour l'occasion. Il s'agissait d'un des 450 lingots devant être produits cette année. Chacun de ces lingots a une valeur de 900 000 $.
Les spectateurs ont également eu droit à la mise en scène d'un dynamitage de minerai aurifère, au dévoilement spectaculaire d'un inukshuk de pierre géant dédié par les employés à Ebe Scherkus, le très respecté directeur de l'exploitation qui était aux commandes de la mine pendant les cinq années de son développement, ainsi qu'à un discours du très estimé président de la Kivalliq Inuit Association, Jose Kusugak, qui a souligné l'apport de la revendication territoriale du Nunavut et rendu hommage au ministre visionnaire qui s'en est fait le champion, l'honorable Tagak Curley.
Saint John
Le deux cent vingt-cinquième anniversaire
L'honorable John D. Wallace : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de vous informer que ma ville, Saint John, au Nouveau-Brunswick, célèbre cette année le deux cent vingt-cinquième anniversaire de son incorporation. Saint John a été la première ville au Canada à s'incorporer. À cet égard, j'aimerais rappeler brièvement certains événements saillants de la riche et dynamique histoire de notre ville.
(2020)
L'histoire nous apprend que, le 24 juin 1604, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, les explorateurs français Samuel de Champlain et Pierre du Gua de Monts sont arrivés à l'embouchure d'un cours d'eau majestueux auquel ils ont donné le nom de rivière Saint-Jean en l'honneur du saint.
À leur arrivée, ils ont été accueillis par les habitants du lieu, les Malécites, dont le village était situé dans la partie ouest du havre. C'est de cet endroit que, depuis des siècles, ils commerçaient avec d'autres Premières nations. Le site qui devint plus tard Portland Point, également situé à l'intérieur du havre, est également devenu un site historique important, car c'est à cet endroit que se sont établis en permanence les premiers colons français dans cette partie de l'Acadie, l'actuel Nouveau-Brunswick. Fortifiée par Charles La Tour, qui était le lieutenant-gouvernement en poste en 1631, cette colonie a ensuite été occupée en 1758 par les Britanniques et renommée Fort Frederick. En 1775, le fort a été détruit par les révolutionnaires américains et remplacé par Fort Howe, dont le fortin a été reconstruit plus tard et subsiste encore aujourd'hui.
Pendant les années suivantes, la colonisation s'est poursuivie sur les rives intérieures du havre. Les loyalistes de l'Empire-Uni sont arrivés en 1783 et ont fondé les collectivités de Parr Town et de Carleton. En 1785, ces deux collectivités ont fusionné pour former la ville de Saint John, qui devenait ainsi la première ville incorporée du Canada.
En 1877, la majeure partie de la ville a été détruite par ce qu'on a par la suite appelé le Grand feu, mais à peine trois ans plus tard, tout le centre de la ville avait été complètement reconstruit, en grande partie par des travailleurs irlandais venus s'installer au Canada à l'époque où la Grande famine sévissait en Irlande. Ce qui explique qu'aujourd'hui la ville de Saint John réunisse quelques-uns des sites patrimoniaux reconnus les plus importants du pays et l'une des plus grandes et des plus riches collections du Canada d'architectures du début du siècle dernier.
En raison de la présence et de la grande influence des loyalistes, bon nombre des architectes qui ont participé à la reconstruction de la ville venaient de la Nouvelle-Angleterre, en particulier de Boston. On peut encore admirer de nos jours les riches détails de l'architecture et du travail artistique, ainsi que la forte influence bostonienne, dans bon nombre d'édifices historiques qui forment une partie du centre de notre ville, y compris la maçonnerie en briques raffinée, les grandes fenêtres cintrées romaines, les gargouilles et les volutes complexes.
Depuis les tout débuts, Saint John a toujours été un important centre de transport maritime, de construction navale et de cabotage le long de la côte atlantique. En 1851, le Marco Polo, qui était alors connu comme étant le navire le plus rapide au monde, a été construit et lancé à Saint John.
Comme les honorables sénateurs peuvent le constater, Saint John a un fier et riche passé. Les générations qui s'y sont succédé ont fait de cette ville ce qu'elle est aujourd'hui, notamment les Premières nations, les fondateurs français et anglais, les loyalistes et bon nombre d'autres groupes ethniques, particulièrement les Irlandais.
Nous sommes très fiers de notre culture et de notre patrimoine culturel, architectural et artistique. Le gouvernement fédéral a reconnu la ville de Saint John comme étant la « capitale culturelle du Canada », en 2010, un honneur que nous partageons avec seulement deux autres villes canadiennes, soit Saguenay et Winnipeg.
Les célébrations du 225e anniversaire de Saint John auront de plus une présence importante dans le cadre des importantes manifestations culturelles nationales qui seront présentées cette année au cours des festivités de la fête du Canada à Ottawa. Le 225e anniversaire de Saint John n'est pas qu'une célébration de l'histoire de notre ville. Nous continuerons également de fêter et de participer à la vie artistique et culturelle palpitante de Saint John, ce qui comprend la création d'un patrimoine significatif et durable qui rendra honneur aux efforts, à la passion et aux réalisations de nos résidents d'hier et d'aujourd'hui, afin qu'ils ne tombent jamais dans l'oubli.
Les célébrations du 225e anniversaire de Saint John seront nombreuses et diversifiées et j'encourage mes collègues sénateurs à prendre connaissance des détails qui se trouvent sur le site web. Je suis persuadé que les sénateurs apprendront avec intérêt...
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Affaires indiennes et du Nord canadien
Les ententes définitives et les ententes sur l'autonomie gouvernementale du Yukon—Dépôt du rapport annuel de 2004-2007
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2004-2007 de la mise en œuvre des ententes définitives et ententes sur l'autonomie gouvernementale conclues au Yukon.
Le commissaire à l'intégrité du secteur public
La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels—Dépôt du rapport annuel de 2009-2010
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, conformément à l'article 72 de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le rapport du commissaire à l'intégrité de la fonction publique pour 2009-2010.
[Traduction]
Projet de loi de crédits no 2 pour 2010-2011
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-44, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2011, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
[Français]
Projet de loi de crédits no 3 pour 2010-2011
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-45, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2011, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Comeau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
[Traduction]
Droits de la personne
Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des questions ayant trait aux obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits de la personne
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 23 mars 2010, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne soit reportée du 30 juin 2010 au 31 mars 2011.
Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 23 mars 2010, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur son étude des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la Fonction publique fédérale soit reportée du 30 juin 2010 au 31 mars 2011.
Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des obligations internationales concernant les droits et libertés des enfants
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 23 mars 2010, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur la mise en œuvre des recommandations contenues dans son rapport intitulé Les enfants : des citoyens sans voix — Mise en œuvre efficace des obligations internationales du Canada relatives aux droits des enfants, qui a été déposé au Sénat le 25 avril 2007, soit reportée du 30 juin 2010 au 31 mars 2011.
Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur la question de l'exploitation sexuelle des enfants
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 23 mars 2010, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur la question de l'exploitation sexuelle des enfants au Canada soit reportée du 30 juin 2010 au 31 mars 2011.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Affaires juridiques et constitutionnelles
Les heures de séance du comité
L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au vice-président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. J'ai cru comprendre que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles voulait siéger demain en dehors de ses heures habituelles de séance, même si le Sénat pourrait être en train de siéger. Cela me ferait très plaisir. Cependant, au Sénat, les réunions de caucus sont sacrées. Elles l'ont toujours été, et j'espère qu'elles le seront toujours.
On m'a informée que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles voulait siéger demain entre midi et 14 heures, ce qui correspond aux heures habituelles des réunions de caucus. Le vice-président pourrait-il m'assurer que cette réunion ne sera pas prévue durant les réunions de caucus du Sénat?
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai besoin de précisions, mais je n'ai pas trouvé l'article pertinent dans le Règlement. Puis-je demander à Son Honneur de nous indiquer si un vice-président est une personne désignée à qui on peut poser des questions pendant la période des questions? Ce n'est pas que la question ne m'intéresse pas; je souhaite simplement observer le Règlement.
Son Honneur le Président : Je remercie le sénateur. S'il vérifie dans le Règlement, il constatera qu'on peut poser des questions au leader du gouvernement au Sénat, à un ministre qui siège au Sénat ou au président d'un comité sénatorial permanent. Toutefois, dans un esprit de collaboration, la Chambre accepterait peut-être que les sénateurs des deux côtés échangent de l'information sur le sujet qui nous occupe.
Le sénateur Comeau : Cela est délicat. Je ne sais même pas si je devrais poser cette question. Nous avons entendu la question du sénateur Carstairs, une question recevable, qui suscitera des interprétations différentes. Selon moi, nous ne devrions pas improviser de nouvelles règles pendant la période des questions, puisqu'il n'est même pas permis d'invoquer le Règlement pendant cette période.
Le sénateur Carstairs : Sans vouloir manquer de respect au leader adjoint, j'aimerais savoir comment il peut demander à Son Honneur la permission d'invoquer le Règlement s'il n'est pas permis de le faire pendant la période des questions. Dans La procédure et les usages de la Chambre des communes, on indique clairement qu'on peut poser des questions aux vice-présidents des comités. En revanche, selon le Règlement du Sénat, on ne pose pas de questions aux vice-présidents.
On a demandé à des sénateurs de tenir une réunion de comité pendant une réunion de caucus. Les réunions de caucus sont sacro-saintes. J'aimerais qu'un sénateur ministériel dise si on violera cette règle pour la première fois depuis que je siège en cet endroit, et j'y suis depuis 16 ans.
Des voix : Bravo!
Des voix : Oh, oh!
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, à l'ordre, s'il vous plaît. Tous les sénateurs connaissent le Règlement. S'il y a lieu de le modifier, il appartient au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement de suivre le processus prévu en ce sens. Par conséquent, le Sénat passe à une autre question, s'il y en a une autre.
Le Sénat
Les heures de séance des comités
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat, en ma qualité de président du caucus. Comme l'a dit ma collègue et amie, madame le sénateur Carstairs, les réunions de caucus sont sacrées et nous nous efforçons de ne prévoir aucune autre activité pendant la période qui leur est réservée. Madame le leader du gouvernement au Sénat assurerait-elle au Sénat que le gouvernement ne demandera à aucun membre de comité de tenir des réunions pendant la période réservée aux réunions de caucus?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Comme lui, j'estime que la période réservée aux caucus est précieuse et ne devrait pas être modifiée. Peut-être que la confusion vient du fait que les députés ont quitté les lieux et que la réunion du caucus national n'aura pas lieu mercredi. Il est possible que ce soit la raison pour laquelle les comités ont cherché l'autorisation de siéger mercredi. Pour ce qui est de mardi, je suis également d'avis que le comité ne devrait pas se réunir en même temps que les caucus. Je suis sûre que les whips des deux côtés pourront trouver une solution raisonnable.
Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, durant les semaines qui suivent, où nous siégerons pendant l'ajournement de l'autre endroit, j'assure au leader du gouvernement au Sénat que j'ai l'intention, en ma capacité de président du caucus, de tenir les réunions de caucus à l'heure régulière, les mardis. Je tenais à en aviser madame le leader afin d'éviter qu'un tel problème ne se reproduise à l'avenir.
Le sénateur LeBreton : La situation est la même de ce côté-ci, honorables sénateurs, pendant que le Sénat continue de siéger.
Je tiens également à préciser que Tom Clark aurait tout intérêt à se trouver des choses à faire parce qu'il a dit à la télévision aujourd'hui qu'il ne se passait rien au Parlement. Je lui ai conseillé de tourner son regard de l'autre côté du couloir, où beaucoup de choses se passent.
J'assure au sénateur Mercer que, de ce côté-ci, nous avons l'intention de tenir notre réunion du caucus du Sénat mardi.
[Français]
Réponse différée à des questions orales
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer deux réponses à des questions posées par l'honorable sénateur Fox, le 29 avril et le 11 mai 2010, concernant Industrie Canada, le programme des manifestations touristiques de renom, et l'honorable sénateur Downe, le 11 mai 2010, concernant Industrie Canada, le programme des manifestations touristiques de renom.
Le Patrimoine
Le financement des festivals d'été
(Réponse aux questions posées le 29 avril et le 11 mai 2010 par l'honorable Francis Fox et le 11 mai 2010 par l'honorable Percy E. Downe)
Le 7 mai 2010, l'honorable Tony Clement, ministre de l'Industrie, a réitéré l'appui du gouvernement du Canada envers l'industrie du tourisme, en annonçant la seconde vague de financement pour le Programme des manifestations touristiques de renom (PMTR), qui fait partie de la deuxième année du Plan d'action économique du Canada.
Le PMTR a été mis sur pied en avril 2009 et dispose d'un mandat de deux ans. Au cours de la première année, le Programme a permis à plusieurs festivals et manifestations touristiques de renom de maintenir ou d'accroître leur portée nationale et internationale, de bonifier leurs activités de marketing afin d'attirer un plus grand nombre de participants, d'améliorer leur programmation et même d'introduire de nouveaux produits.
Le Programme, qui en est à sa deuxième année, bénéficie d'une nouvelle enveloppe de dollars du gouvernement fédéral. Ces fonds sont offerts aux festivals et aux manifestations de renom en vue de stimuler l'économie et d'aider le Canada à se tailler une place encore plus importante au sein de l'industrie mondiale du tourisme qui est hautement concurrentielle. Une liste des événements qui recevront un financement est jointe.
(La liste des événements qui recevront un financement du MPTR, figure en annexe, p. 884.)
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux
Troisième lecture—Motion d'amendement—Report du vote
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable Sénateur Nancy Ruth, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves, tel que modifié.
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des Premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves, tel que modifié.
Honorables sénateurs, aujourd'hui, le 21 juin, nous célébrons la Journée nationale des Autochtones. Il est donc très important de débattre ce projet de loi aujourd'hui.
Ce projet de loi est dangereux. Il renferme le germe de destruction de deux droits fondamentaux des Premières nations : premièrement, leur droit inhérent à l'autonomie gouvernementale, et deuxièmement, l'inaliénabilité des réserves, qui devraient être exclusivement réservées aux Premières nations. Je recommande vivement à tous les sénateurs de rejeter le projet de loi S-4. C'est un très mauvais projet de loi.
On constate qu'à l'étape du comité, 13 chefs sont venus témoigner pour dire qu'essentiellement, ils s'opposaient à ce projet de loi. Nous avons entendu le témoignage des chefs de l'Assemblée des Premières Nations, de l'Association des Iroquois et des indiens unis, de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, de l'Association des femmes autochtones, des Six Nations of the Grand River, des Chefs de l'Ontario, du Conseil des Mohawks d'Akwesasne, du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique, et de la Première nation de la Serpent River, ainsi que celui d'Emma Meawasige, une aînée de la Première nation de la Serpent River. Ils convenaient tous que le projet de loi S-4 devrait au moins être retiré et amendé. Ils n'en voulaient pas. L'Association des femmes autochtones du Canada et l'Association des femmes autochtones du Québec s'y sont opposées. Le Cercle autochtone national contre la violence familiale a publié un rapport dans lequel il annonce son opposition à ce projet de loi. Il ne veut pas de cette mesure législative. Les avocats venus témoigner devant le comité se sont opposés au projet de loi, ou ils ont demandé au moins qu'il soit retiré, qu'il fasse l'objet d'une consultation approfondie et qu'il soit adapté en conséquence. En d'autres mots, ils ont dit que l'on devrait écouter ce que les membres des Premières nations ont à dire. Les avocats étaient membres de l'Association du Barreau canadien, et il y avait aussi Me Pamela Palmater, dont les qualifications sont exceptionnelles. Elle possède un baccalauréat en droit, une maîtrise en droit et un doctorat en science du droit. Elle a vertement critiqué ce projet de loi.
(2040)
Cette mesure législative devrait être rejetée. Je vais répéter ce refrain à satiété.
Même le rapport sur les biens immobiliers matrimoniaux rédigé par la représentante du ministre, Wendy Grant-John, indiquait que le ministère de la Justice devrait confirmer que le projet de loi est conforme tant à la Charte qu'à l'article 35 de la Loi constitutionnelle. En d'autres mots, ce projet de loi est-il contraire au droit constitutionnel des Premières nations à l'autonomie gouvernementale inhérente et aux droits issus de traités? Cela n'a pas été confirmé. Il est anticonstitutionnel, et certains chefs ont déclaré qu'ils s'y opposeraient. Toutefois, ils n'ont pas les ressources nécessaires pour le contester devant les tribunaux.
Dans son rapport, Wendy Grant-John a aussi déclaré qu'il fallait évaluer le programme de la Loi sur la gestion des terres des premières nations et ses lacunes. Un chef de la Première nation Muskoday, de la Saskatchewan, a dit que la Loi sur la gestion des terres des premières nations fonctionnait bien. Le seul problème, c'est qu'aucune ressource n'est attribuée à sa mise en application. Les Premières nations attendent de recevoir les ressources nécessaires pour mettre en œuvre les dispositions législatives relatives aux biens immobiliers matrimoniaux par l'entremise de cette loi, que nous avons déjà adoptée. Apparemment, elle n'est plus en vigueur, mais elle peut être reconduite. Par conséquent, nous disposons d'une solution qui existe déjà.
En outre, c'est la troisième fois que ce projet de loi est présenté au Parlement. Il n'a pas encore été adopté. En mai 2009, l'Association des femmes autochtones du Canada, l'AFAC, a déclaré que l'AFAC considère cette mesure législative comme une tentative à éroder l'assise territoriale des Premières nations. Elle va diviser les terres situées dans les réserves afin qu'elles cessent d'être occupées exclusivement par des membres des Premières nations ou des Indiens qui sont inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens.
L'AFAC s'opposait à la mesure.
L'Assemblée des Premières Nations s'est penchée sur cette question en juillet 2008. Elle a adopté des résolutions au cours de son assemblée générale annuelle. À cette époque, la mesure législative s'appelait projet de loi C-47. Les chefs et l'assemblée ont rejeté le projet de loi C-47 parce qu'il négligeait le devoir de la Couronne de consulter les Premières nations, de tenir compte de leurs points de vue et de répondre à leurs intérêts. Ils souhaitaient que le gouvernement retire le projet de loi C-47 et qu'il fournisse aux Premières nations les ressources nécessaires pour élaborer et pour mettre en œuvre convenablement un processus efficace, qui respecte la compétence des Premières nations et les processus dont elles disposent déjà en matière de biens immobiliers matrimoniaux.
Honorables sénateurs, tous les chefs, partout au Canada, s'opposaient au projet de loi. C'est on ne peut plus clair.
Dans son rapport, la présidente du Comité sénatorial permanent des droits de la personne mentionne que la chef de la Fédération des nations indiennes de la Sakatchewan a dit du projet de loi qu'il était « encourageant ». Cependant, nous devons aussi tenir compte du fait que la chef a aussi dit ceci :
Nous devons veiller à ce que la mesure législative élaborée n'enlève rien à la dimension des droits de la personne au détriment des droits du peuple des Premières nations. Je suis ici pour vous rappeler que la Saskatchewan a conclu de multiples traités. Il est donc normal que nous voulions nous assurer que nos droits collectifs seront respectés. Je demande que nous disposions de plus de temps pour évaluer ce conflit possible afin que nos droits soient respectés lorsque la mesure législative sur les biens immobiliers matrimoniaux sera en vigueur.
C'est ce qu'a dit la chef Marie-Anne Day Walker-Pelletier, de la Fédération des nations indiennes de la Sakatchewan.
La présidente a également mentionné que les chefs du Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique ont trouvé que le projet de loi était une bonne chose, mais ils ont ajouté ceci :
Nos membres n'appuient pas le projet de loi S-4 dans sa forme actuelle. [L'APC] a adopté une résolution lors de sa dernière réunion, en mai, pour exprimer son refus d'appuyer ce projet de loi en raison des inquiétudes que ses conséquences possibles soulèvent.
Honorables sénateurs, ils n'en veulent pas.
La présidente a dit qu'elle pensait que le projet de loi S-4 conciliait de manière appropriée les droits de chaque Canadien et les intérêts collectifs des Premières nations. Toutefois, presque toutes les Premières nations qui ont témoigné ont dit qu'il ne réalisait pas cet équilibre.
C'est Mme Palmater qui a le mieux décrit la situation lorsqu'elle a dit ce qui suit :
Il existe une différence fondamentale dans la vision du monde. Le principe qui sous-tend le projet de loi S-4 est la protection des femmes autochtones. Les Autochtones se préoccupent de toute la collectivité. Nous parlons d'un projet de loi visant à protéger des droits individuels. Les Autochtones parlent de protéger les droits de la communauté, qui comprennent les individus. Les deux vont de pair. La personne qui représentait le ministère a précisé qu'il s'agit d'une fausse dichotomie perpétuée par le Canada pour faire primer les droits individuels plutôt que les droits collectifs.
Honorables sénateurs, vous vous rappellerez peut-être, d'après mes questions à l'étape du rapport du comité, que certains amendements proposés au projet de loi posaient problème, notamment parce que les intérêts collectifs des Premières nations pourraient se trouver à être déterminés par un juge. Cela n'a aucun sens. On affaiblirait encore les dispositions de l'article 35 et le droit qu'ont les Premières nations de se gouverner elles-mêmes. Mme Palmater est du même avis. J'ai communiqué avec elle afin d'obtenir un avis juridique professionnel, et elle croit elle aussi que ce n'est pas une bonne idée. Elle m'a dit ceci :
En ajoutant ces dispositions, on obligerait les Premières nations à défendre à répétition leurs droits sur les terres réservées. On les oblige déjà à se présenter devant les tribunaux pour défendre leurs droits issus de traités et leurs droits constitutionnels, et à leurs frais en plus. Aucun droit constitutionnel, hormis ceux des Premières nations, n'a besoin d'être sans cesse défendu. Le Canada a déjà statué que l'article 35 protégeait le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale. Le projet de loi S-4 ne protège aucun des droits des Premières nations, au contraire : il les affaiblit et les ramène à un simple facteur dont les juges doivent tenir compte lorsqu'ils se penchent sur le partage des biens immobiliers matrimoniaux situés dans des réserves.
Honorables sénateurs, je l'ai dit et je le répète : ce projet de loi est inconstitutionnel; il va à l'encontre de l'article 35 de la Constitution.
Le projet de loi S-4 doit être rejeté, car les témoignages recueillis par le Comité des droits de la personne ont permis d'établir sans l'ombre d'un doute que, premièrement, le gouvernement du Canada n'a pas rempli l'obligation qu'il a de consulter les Premières nations et de respecter leurs opinions. Même la représentante du ministre a déclaré dans son rapport que cette obligation n'avait pas été satisfaite.
Deuxièmement, l'imposition aux Premières nations d'une loi fédérale sur les biens immobiliers matrimoniaux est inconstitutionnelle et viole l'article 35 de la Loi constitutionnelle. La quasi-totalité des chefs qui ont comparu devant le comité l'ont dit. Je sais que je me répète, mais je le fais volontairement pour que vous compreniez bien.
Troisièmement, la mise en œuvre du projet de loi S-4 contreviendrait aux articles de la Loi sur les Indiens qui garantissent l'inaliénabilité des terres des Indiens.
Quatrièmement, la promulgation du projet de loi S-4 pourrait aider certains Autochtones à obtenir une entente équitable lors du divorce, notamment dans des situations de violence conjugale.
Son Honneur le Président : À l'ordre! Je rappelle à tous les sénateurs que le Sénat doit servir à écouter les débats en cours et non à tenir des conférences parallèles.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Dyck : Merci, Votre Honneur.
L'adoption du projet de loi S-4 pourrait aider certaines femmes et certains hommes des Premières nations à obtenir un règlement équitable lors d'un divorce, y compris lorsque le divorce met fin à une relation de violence, mais, de toute façon, la pauvreté est tellement répandue parmi les peuples des Premières nations que les gens ne pourront pas se permettre d'engager un avocat. Nous appliquons les valeurs d'une classe moyenne blanche aux réserves des Premières nations, dont la plupart des habitants vivent dans la pauvreté et où, dans les réserves dont certains témoins étaient issus, la moitié des habitants sont prestataires de l'aide sociale.
Cinquièmement, il existe d'autres options. On dit qu'il y a un vide juridique, mais il existe d'autres mesures. J'ai déjà parlé de la Loi sur la gestion des terres des premières nations. Il est malhonnête d'affirmer que nous laissons les femmes des Premières nations dans un état d'impuissance si nous n'adoptons pas le projet de loi S-4. La fausse dichotomie exposée par le ministre, selon laquelle il n'existe que deux options — laisser à eux-mêmes les femmes et les enfants autochtones ou adopter le projet de loi S-4 — fait fi des mécanismes existants qui s'intéressent aux biens immobiliers matrimoniaux et à la création de moyens plus appropriés pour aider les membres des Premières nations à quitter un mariage où règne la violence ou qui ne fonctionne tout simplement pas.
(2050)
Même les femmes des Premières nations qui ont été obligées de quitter leur réserve et qui vivaient une relation de violence ne voulaient pas d'une mesure législative à ce sujet. C'est ce qu'a affirmé le Cercle national autochtone contre la violence familiale dans un rapport commandé par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Dans ce rapport, l'organisme préconise l'instauration de conseils de détermination de la peine et l'application d'une justice réparatrice qui relèvent de la collectivité et non des tribunaux. Par ailleurs, il réclame des mesures qui respectent la souveraineté des Premières nations et se traduisent par la mise en œuvre de mesures législatives fédérales et provinciales minimes, bien que l'organisme reconnaisse que cela peut difficilement être évité.
Pour ce qui est des droits individuels par rapport aux droits collectifs, permettez-moi de citer encore Mme Palmater.
Je ne connais pas beaucoup de femmes autochtones qui sacrifieraient leurs droits ancestraux et issus de traités, c'est-à-dire les droits inhérents des Premières nations de s'auto-gouverner, ou les droits de leurs enfants et de leurs petits-enfants pour sept générations à venir relativement aux réserves ou aux terres régies par un titre autochtone, simplement pour subvenir à leurs propres besoins immédiats. Voilà pourquoi on voit des femmes autochtones prêtes à renoncer à leur droit d'inscription immédiate au registre aux termes du projet de loi C-3 afin que la Loi sur les Indiens soit modifiée dans le but de protéger les droits futurs de leurs enfants et petits-enfants.
Ce projet de loi ne tient pas compte de l'avenir. Il ne tient compte que du présent. À long terme, il aura des conséquences très négatives.
Lorsque j'ai appris que les femmes des Premières nations vivant dans des réserves n'ont aucun droit sur les biens immobiliers matrimoniaux, moi aussi j'ai été consternée. Je pensais que nous devions avoir les mêmes droits que les femmes non autochtones qui vivent dans le reste du Canada. Je croyais que les lois provinciales ou les régimes de partage des biens immobiliers matrimoniaux s'appliquaient, tout comme pour les biens personnels. J'ai ensuite entendu plusieurs chefs et témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne faire valoir que le projet de loi et ses deux prédécesseurs porteraient atteinte à l'intégrité des réserves des Premières nations et que, en perdant leur droit à être les seuls occupants des terres de réserve, les Premières nations perdraient également leur souveraineté. C'est une énorme perte.
Ce projet de loi n'impose pas de mesures législatives provinciales, mais des mesures législatives fédérales qui permettraient aux personnes non autochtones d'acquérir des droits à une terre de réserve. Il contrevient à la Loi sur les Indiens et, ce faisant, il crée un problème encore plus grave pour la collectivité dans son ensemble.
Bien qu'une femme ou un homme autochtone puisse bénéficier du projet de loi S-4 et obtenir le droit exclusif d'occuper le foyer conjugal, il ou elle court le risque qu'il n'y ait pas de réserve pour ses petits-enfants, comme la citation de Mme Palmater en témoigne.
Mme Palmater a ajouté ce qui suit :
Le projet de loi S-4 contient des recours juridiques pouvant être exercés devant les tribunaux, bien que, dans la pratique, la majorité des femmes autochtones vivant dans les réserves n'ont pas accès aux tribunaux ni à des avocats à même de procéder à l'évaluation nécessaire. Le projet de loi est donc un semblant de mesure de droit législatif à la protection.
On fait comme si on voulait protéger les femmes autochtones, mais sans vraiment le faire. Le projet de loi est une coquille vide.
Les droits individuels définis dans le projet de loi S-4 sont fondés sur les hypothèses suivantes : les femmes des Premières nations ont les moyens de se payer les services d'un avocat; elles peuvent se trouver un avocat en droit de la famille, bien que, à ce qu'on dise, ils soient pratiquement devenus impossibles à trouver; elles vivent à proximité d'un avocat en droit de la famille et non pas dans le Nord, où il n'y a en fait ni tribunaux ni avocats; enfin, en ce qui concerne la répartition des actifs, leurs maisons ne sont pas la propriété de la bande. Dans bien des cas, notamment en Saskatchewan, la bande est propriétaire de toutes les maisons.
Généralement, toutes ces hypothèses sont donc invalides. Lorsque toutes les hypothèses sont vérifiées, les femmes pourraient obtenir un règlement équitable. Cependant, un tel règlement peut également être obtenu par d'autres moyens qui ne compromettent pas les terres de la collectivité, c'est-à-dire l'intégrité des terres de la réserve.
Il y a d'autres options. Premièrement, lorsque la femme est victime de violence conjugale, elle a la possibilité de faire appel à la GRC et de demander que son mari soit expulsé de la réserve. Plusieurs témoins nous l'ont dit. Deuxièmement, sa bande peut offrir d'autres mécanismes de règlement des conflits ou des services de médiation pour la soutenir pendant la procédure de divorce. On nous a également donné quelques exemples de ces mécanismes. Troisièmement, si elle n'a pas accès aux ordonnances d'indemnisation fédérales, l'Assemblée des Premières Nations peut lui dire comment y avoir accès. Le rapport de l'APN le confirme. Par conséquent, lorsque le couple est suffisamment à l'aise pour être propriétaire, l'épouse n'obtient pas nécessairement la maison, mais elle obtient l'argent.
Quatrièmement, la bande a peut-être mis en place ses propres politiques en matière de biens immobiliers matrimoniaux. À ce qu'on nous a dit, celles-ci sont parfois partie intégrante des traditions. Elles peuvent également faire partie d'accords d'autonomie gouvernementale ou d'accords sur la gestion des terres des Premières nations. Certains témoins nous ont parlé de mécanismes traditionnels ou de mécanismes créés en vertu de l'Accord sur la gestion des terres des Premières nations.
Enfin, à partir de juin 2011, les femmes qui auront l'impression d'avoir fait l'objet de discrimination fondée sur le sexe pourront déposer une plainte pour violation des droits de la personne contre leur bande en vertu du projet de loi C-21, qui a été adopté par le Sénat il y a deux ans.
Il existe d'autres possibilités; nous ne laissons pas les gens totalement privés de recours.
Honorables sénateurs, nous devrions rejeter le projet de loi S-4. Des organisations et des chefs — hommes et femmes — légitimes des Premières nations s'opposent, à juste titre, à ce projet de loi. Il est inconstitutionnel, il menace l'inaliénabilité des terres des réserves en plus d'être une coquille vide qui promet prétendument d'aider les femmes et les enfants des Premières nations. Or, ce n'est qu'une promesse. Le projet de loi S-4 ne tient pas compte des recours existants pour résoudre les différends en matière de biens immobiliers matrimoniaux, plus particulièrement la Loi sur la gestion des terres des premières nations.
Honorables sénateurs, je vais citer en exemple les propos tenus par deux témoins qui expliquaient comment les choses se passent actuellement, sans le projet de loi S-4. Le chef Lawrence Paul a déclaré ce qui suit :
Le Code criminel supplante la Loi sur les Indiens. Des détachements de la GRC sont affectés aux Premières nations. En cas de violence familiale, on appelle la GRC. Si personne n'ouvre la porte, la GRC la défonce. La GRC écoute les parties impliquées et met l'une d'entre elles en prison. Une ordonnance du tribunal est émise et la femme ou l'homme visé peut être sommée de rester loin de la maison pendant un certain temps.
Le Code criminel protège tout le monde, peu importe la race, le sexe ou la couleur. Les femmes de ma Première nation sont protégées. Tout cela se résume à deux choses : La terre et la Constitution. Tout cela finira devant les tribunaux.
Le chef Marie-Anne Day Walker-Pelletier, de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, a déclaré ce qui suit :
Dans ma collectivité en cas de violence conjugale, on emmène le mari. Nous avons nos propres forces de maintien de l'ordre dans les quatre réserves. D'ordinaire, ce sont les femmes et les enfants qui restent, car les enfants vont à l'école. Une fois que le mari est parti, on se préoccupe des accusations.
Dans ma collectivité, une équipe de bien-être, qui ne reçoit pas de fonds, s'occupe des familles. Elle est formée de personnes compétentes qui travaillent auprès des femmes, des enfants, des hommes, des jeunes adultes et des jeunes.
Une famille reste une famille et nous ne voulons pas la diviser. Les enfants veulent leurs parents. Lorsque le mari retourne dans la collectivité, nous organisons des séances de médiation et une équipe de bien-être élabore des plans.
Les collectivités disposent de mécanismes pour gérer les situations de violence et prendre soin des femmes et des enfants.
Pour conclure, honorables sénateurs, je vais répéter ce que j'ai dit au début de mon discours, à savoir que le projet de loi S-4 est dangereux. Il contient les germes de la destruction de deux droits fondamentaux, l'un étant le droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et l'autre, l'inaliénabilité des terres de réserve. J'exhorte les sénateurs à rejeter le projet de loi S-4.
Son Honneur le Président : Des sénateurs souhaitent-ils poser des questions?
L'honorable Patrick Brazeau : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Dyck : Oui.
Le sénateur Brazeau : Je vous remercie, sénateur Dyck, de votre discours. En cette journée spéciale, la Journée nationale des Autochtones, je dois dire que j'ai été pour le moins surpris d'entendre certains propos aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, il est vrai que des chefs qui ont comparu devant le comité s'opposaient essentiellement au projet de loi.
Notons toutefois que ce sont là les mêmes chefs qui avaient rejeté le régime régissant les biens immobiliers matrimoniaux. Ils ont rejeté le projet de loi C-21, visant à garantir les droits de la personne des membres des Premières nations vivant dans les réserves.
(2100)
Ils se sont également opposés à tout effort de réforme ou de modification de la Loi sur les Indiens qui aurait eu pour effet d'accroître la responsabilité et la transparence. Madame le sénateur sait aussi bien que moi qu'il est difficile d'amener les gens — surtout les femmes autochtones, qui ont été affectées par l'absence de régime régissant les biens immobiliers matrimoniaux et par la honte, les mauvais traitements, la peine, la douleur et le chagrin qu'elles ont éprouvés — à venir raconter leur histoire devant les caméras et devant les parlementaires et à devenir de nouveau des victimes.
Les mêmes chefs ont parlé du droit inhérent à l'autonomie gouvernementale et du fait que ce projet de loi irait à l'encontre de ce principe. Si elle était adoptée, cette mesure législative permettrait cependant à toutes les collectivités des Premières nations du Canada de mettre au point leur propre régime régissant les biens immobiliers matrimoniaux. Le sénateur affirme que cette mesure législative est inconstitutionnelle. Comment peut-elle être inconstitutionnelle si, en premier lieu, elle est habilitante et, en second lieu, elle permet à toutes les collectivités des Premières nations de mettre au point leur propre régime régissant les biens immobiliers matrimoniaux?
Enfin, il y a les consultations. On mène des consultations dans ce dossier depuis 2006. Pendant combien de temps doit-on mener des consultations et discuter de crédits additionnels avant d'offrir aux femmes autochtones le droit à l'égalité?
Le sénateur Dyck : Le sénateur Brazeau m'étonne. Les femmes du Cercle national des Autochtones contre la violence familiale, qui ont été victimes de violence, ont dit qu'elles ne voulaient pas de ce type de loi. Elles veulent retourner dans leurs collectivités. Tout revient à la famille et à la collectivité. On ne dresse pas une personne contre une autre, comme c'est le cas dans les procédures de divorce devant les tribunaux.
Pourquoi cette mesure serait-elle nécessaire? Nous n'en avons pas besoin. Elle ne prévoit pas de crédits qui permettraient aux Premières nations d'élaborer leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux. Elle prévoit des fonds pour créer un genre de centre d'excellence dont nous n'avons pas besoin. Nous avons des sages, nous avons nos aînés. Si le projet de loi était assorti de crédits, les Premières nations pourraient élaborer leurs propres lois, mais sans ressources, comment pourraient-elles y arriver? Où trouveront-elles les fonds pour embaucher des juristes? C'est pour cela qu'elles s'opposent à la mesure, parce que c'est une coquille vide.
La Loi sur la gestion des terres des premières nations semblait une bonne option. Elle était assortie de crédits. Actuellement, 60 Premières nations font la queue pour obtenir ces crédits. Elles n'ont pas de ressources. En fait, cette option n'existe plus, puisqu'il semble que cette loi ne compte plus.
Le sénateur demande pourquoi le projet de loi est inconstitutionnel. De toute évidence, c'est parce que les Premières nations ont le droit à l'autonomie gouvernementale. On ne peut pas forcer un gouvernement autonome à appliquer une loi. Comment réagirions-nous si les Allemands se pointaient et nous disaient : « Nous voulons que vous adoptiez cette loi »? C'est la même chose.
Le sénateur Brazeau : J'ai une question complémentaire. Le sénateur Dyck a dit que le projet de loi ne prévoyait pas de ressources ou de crédits. C'est toujours une question d'argent. Le sénateur siégeait au comité, tout comme moi, et nous savons que l'Assemblée des Premières Nations et l'Association des femmes autochtones du Canada ont touché 2,7 millions de dollars du gouvernement fédéral. Les chefs autochtones disent toujours que ce sont eux qui sont dans la meilleure position pour consulter leurs collectivités. Pourtant, lorsqu'on a demandé à un de ces chefs si l'Assemblée des Premières Nations les avait consultés, il nous a dit que non. Où sont passés ces fonds?
La deuxième partie de ma question est la suivante. Le sénateur Dyck a dit que la présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada avait rejeté ce projet de loi. Je crois qu'elle parlait de l'ancienne présidente. Quoi qu'il en soit, le lendemain de sa comparution devant le comité, la nouvelle présidente a donné une entrevue sur le réseau APTN. Lorsqu'on lui a posé une question au sujet du projet de loi, elle a répondu qu'ils étaient prêts à accepter le projet de loi dans sa version actuelle, dans la mesure où le gouvernement serait disposé à y inclure quelques mesures non législatives permettant d'apporter des améliorations au niveau du logement et de l'accès à la justice.
Le sénateur Dyck : Le sénateur Brazeau parle des sommes d'argent, des millions de dollars qui ont été versées à AINC et à l'AFAC. Et après? Cet argent avait été octroyé pour la consultation. La consultation a eu lieu, mais le ministre n'en a aucunement tenu compte. Qui donc faut-il blâmer? L'argent a été versé, mais la consultation a été totalement viciée dès le départ. Il y avait trois options. De quel genre de consultation s'agissait-il? Ils pouvaient se baser sur la loi provinciale, combiner la loi provinciale et quelque chose d'autre, par exemple, incorporer leurs traditions, ou utiliser la loi fédérale. On ne leur a pas donné de choix et on ne leur a pas posé de questions.
On aurait pu leur demander ce qu'ils voulaient. Ça, c'est de la consultation. Vous me demandez ce que je veux, je vous le dis, et ensuite vous en tenez compte. On ne peut gagner sur tous les tableaux, mais au moins, des compromis sont possibles. Cela ne s'est pas produit, et si le ministre a gaspillé de l'argent, c'est tant pis pour lui. Toutefois, s'ils veulent réellement établir quelque chose comme tel et prévoir un processus efficace, qu'ils versent les fonds nécessaires. La Loi sur la gestion des terres des premières nations donne des résultats. Pourquoi ne pas y accorder un financement?
Pour ce qui est des Femmes autochtones du Québec, elles ont peut-être fait un tel commentaire parce que la situation y est différente. Le gouvernement adopte une approche universelle qui ne s'applique pas parfaitement à toutes les parties du Canada. Il s'agit tout simplement d'un mauvais projet de loi.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi S-4, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations. En 2003, j'étais membre du Comité sénatorial des droits de la personne, qui a étudié la question des droits de propriété pour les femmes vivant dans les réserves. Dans un rapport intitulé Un toit précaire : les biens fonciers matrimoniaux situés dans les réserves, le comité sénatorial s'est penché sur la nécessité de préparer une mesure législative afin que les femmes autochtones aient accès aux ressources nécessaires pour pouvoir se protéger et protéger leur famille.
Sept ans plus tard, me voici devant vous pour parler du projet de loi S-4. Malheureusement, ce projet de loi ne réussit pas à combler le vide juridique qui existerait toujours, même s'il était adopté et mis en œuvre. Non seulement le projet de loi S-4 ne fournit pas une aide adéquate aux femmes qui se trouvent dans une position vulnérable, mais il porte préjudice à des communautés entières et contrevient aux droits constitutionnels qui ont été garantis aux Premières nations. En fait, ce projet de loi avive les espoirs des Premières nations, mais il ne permet pas d'en arriver aux résultats escomptés.
Bon nombre des idées mises en avant dans ce projet de loi sont honorables, mais d'un point de vue pratique, peu d'entre elles se concrétiseront. Dans mon intervention de ce soir, je soulignerai trois éléments préoccupants sur lesquels nous devons nous pencher.
D'entrée de jeu, je parlerai du fait que le gouvernement n'a pas respecté son devoir de consulter. J'aborderai ensuite le manque de ressources mises à la disposition des Autochtones qui vivent dans les réserves, notamment les femmes. En conclusion, je soulignerai le ton condescendant et paternaliste du projet de loi S-4; je me concentrerai principalement sur la nomination d'un vérificateur. Enfin, je proposerai un amendement à cette mesure législative.
Dans l'affaire de 2004 Nation haïda c. Colombie-Britannique (ministre des Forêts), la Cour suprême du Canada a rappelé les principes établis pour permettre au gouvernement du Canada de mener des consultations efficaces et productives avec les Premières nations. Ces principes peuvent se résumer comme suit. Premièrement, un engagement commun — la consultation sera fondée sur l'engagement d'être de bonne foi, de se respecter mutuellement, d'être réciproquement responsable et d'être efficace. Deuxièmement, une prise de décisions judicieuses — ce processus assurera la durabilité des résultats des consultations importantes. Troisièmement, la transparence — pour être efficaces et productives, les consultations doivent se tenir au moment opportun et être accessibles, inclure tous les groupes éventuellement visés et privilégier un dialogue franc et ouvert et la responsabilité.
La plupart des témoins qui ont comparu devant le comité ont déclaré ne pas avoir été consultés. Contrairement aux principes énoncés dans l'arrêt Haïda, les membres des Premières nations n'ont pas véritablement eu l'occasion de consulter leur gouvernement.
Qui plus est, le processus de consultation comportait une lacune très grave. En 2006, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a chargé la chef Wendy Grant-John d'examiner, au nom du ministère, la question des droits immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Au terme d'une collaboration étroite avec plusieurs représentants des Premières nations et des membres de la collectivité, la chef Wendy Grant-John a fait plusieurs recommandations pour assurer la tenue d'une consultation en bonne et due forme. Elle a notamment dit ceci :
Mes recommandations s'appuient dans une large part sur le contexte juridique, social et culturel dans lequel les questions relatives aux biens immobiliers matrimoniaux sont vécues par les familles des Premières nations et, en particulier, les femmes.
(2110)
Au moment de la rédaction du projet de loi S-4, on n'a pas tenu compte des lignes directrices issues de l'affaire Haïda, pas plus que des recommandations de la chef Wendy Grant-John, qui représentait le ministère. Le projet de loi S-4 illustre donc comment nous avons failli à la tâche en matière de consultation. C'est l'une des diverses raisons pour lesquelles il faudrait le rejeter.
La chef Wendy Grant-John n'a pas seulement présenté à l'avance des recommandations sur la façon de mener un processus de consultation approprié. Elle s'est aussi attardée à la manière de faire en sorte que les femmes ne soient plus réduites au silence. Un de ses objectifs consistait à mettre en lumière les questions actuelles liées à l'effet disproportionné et négatif du système actuel de biens immobiliers matrimoniaux sur les femmes. Elle a déclaré ceci :
L'absence de protection en matière de biens immobiliers matrimoniaux s'est toutefois fait sentir davantage chez les femmes des Premières nations que chez les hommes, en raison des rôles sociaux actuels et des conséquences des anciennes dispositions discriminatoires de la Loi sur les Indiens, qui excluaient les femmes des Premières nations de la gouvernance et des biens immobiliers.
Même si ce projet de loi est adopté, on peut illustrer les conditions défavorables auxquelles sont et resteront confrontées les femmes vivant dans les réserves par l'exemple suivant :
Imaginez qu'une femme rentre chez elle et constate que son mari a changé les serrures de leur demeure, la laissant sans domicile, elle et ses enfants. L'article 21 du projet de loi S-4 contient une disposition de protection d'urgence, selon laquelle cette femme doit se présenter devant les tribunaux, retenir les services d'un avocat et obtenir une ordonnance lui permettant de réintégrer son domicile. Cette ordonnance ne la protégera toutefois que pendant 90 jours. Après cette période, cette femme se retrouvera dans la même position qu'à l'origine, c'est-à-dire que ses enfants et elle n'auront nulle part où aller.
Que dire à cette femme? Faut-il lui affirmer qu'elle pourra demander une prolongation pendant cette période de 90 jours? Que se passera-t-il si elle n'a pas d'argent, de moyen de transport ou qu'elle ne peut avoir accès à la justice afin de prolonger la validité de l'ordonnance à partir d'un lieu isolé? Quels sont alors ses recours?
Honorables sénateurs, le fait est que le projet de loi S-4 ne favorise pas les femmes. Il ne fait que susciter des espoirs. Il n'apaise ni leur douleur ni leurs souffrances. Il ne fait que les reporter de 90 jours.
Comme je l'ai affirmé précédemment, l'objectif de la chef Wendy Grant-John est conforme à l'objectif initial fixé par le Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Malheureusement, le projet de loi S-4 ne répond pas à cet objectif puisqu'il ne tient pas compte des intérêts des femmes qu'il cherche avant tout à protéger.
Cette lacune est devenue évidente après que plusieurs représentantes des Premières nations eurent dit, devant le comité, qu'elles ignoraient si elles disposeraient des mesures de protection et des ressources nécessaires pour qu'elles et leurs enfants soient protégés.
Plus précisément, bien que le projet de loi S-4 semble être une solution possible au problème des biens immobiliers matrimoniaux aux yeux du Canadien moyen, il ne tient pas compte du fait que beaucoup d'Autochtones vivent dans une situation financière et un contexte géographique différents.
Pas plus tard que mardi dernier, pendant la période des questions à la Chambre des communes, le ministre Chuck Strahl a affirmé que le projet de loi S-4 conférerait autant de droits clés aux Autochtones que ceux dont bénéficient les autres Canadiens. Il a, par la suite, affirmé que les sénateurs libéraux se fichaient des droits des Autochtones et qu'ils hésitaient à adopter la mesure. Ces déclarations étaient inexactes.
Honorables sénateurs, nous avons tous sérieusement examiné le projet de loi S-4. Celui-ci ne peut accorder aux peuples autochtones les mêmes droits dont bénéficient les autres Canadiens parce qu'il ne leur accorde pas les outils nécessaires. Jusqu'à ce qu'ils aient accès à l'aide juridique, au logement adéquat et à du financement pour des services destinés aux enfants et aux familles, les peuples autochtones ne seront pas traités comme le reste d'entre nous. Une fois de plus, le projet de loi crée des attentes chez les femmes, mais ne produit pas les résultats attendus.
J'ai demandé au ministre Strahl ce que devrait faire une femme habitant dans une réserve éloignée dans le Nord après l'expiration de l'ordonnance de protection de 90 jours. Où pourra-t-elle bien loger sa famille, compte tenu de la pénurie de logements? Qui pourra bien la représenter en cour vu la rareté des avocats dans la région? Comment pourra-t-elle payer les honoraires d'avocat si elle a la chance d'en trouver un?
Nous avons entendu le témoignage de Pamela Palmater, femme autochtone qui vit hors réserve et qui détient un doctorat en droit. Même elle n'a pas pu payer des honoraires d'avocat pour traduire son ex-mari en cour afin d'obtenir une pension alimentaire pour ses enfants. Elle a dit ce qui suit :
Ma situation est bien meilleure que celle de la plupart des membres de ma famille élargie ou de ceux qui vivent dans la réserve. Imaginez, il y a tous ces recours, mais vous n'y avez pas accès.
Nous avons aussi entendu la chef Jody Wilson Raybould, de la Colombie-Britannique, qui a déclaré :
Le recours proposé dans le projet de loi S-4 repose énormément sur l'accès aux tribunaux provinciaux. Partout au Canada, les régimes d'aide juridique souffrent d'un sous-financement chronique et se révèlent insuffisants par rapport aux besoins qui existent actuellement; qu'en serait-il alors de la demande future créée par l'adoption de ce projet de loi? Comme les revenus sont nettement plus faibles dans les réserves, il sera difficile pour un grand nombre de couples d'accéder aux recours, qu'ils soient nouveaux ou établis.
Les femmes autochtones n'auront pas accès aux ressources dont elles ont besoin pour se protéger et protéger leur famille. À l'heure actuelle, il serait irresponsable et inefficace d'appliquer cette mesure législative puisqu'elle ne pourra pas produire les effets positifs qu'elle est censée créer.
Il serait peut-être plus urgent de déterminer comment ce projet de loi sera appliqué et comment chaque bande s'y prendra pour adopter ces nouvelles dispositions.
Durant la réunion de notre comité, le ministre Strahl a déclaré qu'un centre d'excellence sera créé pour aider différentes collectivités des Premières nations à instaurer cette mesure législative individuellement et dans le respect de la culture. Le ministre Strahl a déclaré que le centre d'excellence sera une incroyable ressource pour les membres des Premières nations.
J'admets également que ce centre sera une ressource utile. Toutefois, lorsque j'ai cherché à savoir où le centre serait situé, s'il serait proactif, combien d'argent était prévu pour le financer et quel était son mandat, j'ai été déçue de constater que le centre d'excellence proposé n'avait ni budget, ni mandat, ni emplacement. Pour moi, c'est un exemple de plus qui montre comment notre gouvernement crée des attentes chez les femmes sans jamais y répondre.
Le fait que les Premières nations n'aient pas été consultées comme il se doit, conjugué au fait qu'il n'y a pas de ressources suffisantes en place pour assurer la mise en œuvre réussie du projet de loi, est troublant. Ce qui est encore plus troublant, cependant, c'est le ton paternaliste et condescendant de ce projet de loi.
Dans les articles 8 à 16, le projet de loi S-4 prévoit la nomination d'un vérificateur qui, franchement, est un autre nom pour un agent des sauvages. Pamela Palmater a décrit le rôle d'un vérificateur comme suit :
Le travail d'un vérificateur consiste à veiller à la conformité du mécanisme des référendums proposés au sein des collectivités. À toutes les étapes du processus législatif des Premières nations, le vérificateur peut refuser de donner son approbation, ce qui empêcherait la Première nation de franchir la prochaine étape du processus. Même une fois le processus législatif terminé, le vérificateur doit attester que le processus référendaire a bel et bien été suivi avant qu'un texte législatif puisse être réputé adopté. Ce qu'on laisse entendre par là, c'est que les Premières nations sont incapables de respecter les droits de la personne.
(2120)
Divers témoins ayant comparu au sujet du projet de loi S-4 ont dit que l'inclusion d'un vérificateur et d'un processus d'attestation s'apparente au rétablissement des agents des sauvages. John Borrows, un Autochtone érudit et respecté, a écrit que, à une certaine époque, le gouvernement fédéral compromettait invariablement les libertés des Premières nations en chargeant des agents des sauvages de surveiller leurs collectivités, mais que des changements positifs se sont opérés au sein des Premières nations grâce à leur opposition constante à ces empiètements.
Selon le rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones de 1996, le surintendant général des affaires indiennes disposait d'un large éventail de pouvoirs d'intervention dans presque tous les domaines de la vie quotidienne dans les réserves et la majorité de ces pouvoirs étaient accordés aux agents des sauvages. Ce rapport décrit les agents des sauvages comme étant « tout puissants » à cause du contrôle qu'ils exerçaient sur les questions locales, financières et juridiques.
Son Honneur le Président : Je dois informer le sénateur que ses 15 minutes sont écoulées.
Le sénateur Jaffer : N'ai-je pas droit à 45 minutes?
Son Honneur le Président : Madame le sénateur demande-t-elle cinq minutes supplémentaires?
Le sénateur Jaffer : En fait, comme je suis la porte-parole pour ce projet de loi, je croyais que je disposais de 45 minutes.
Son Honneur le Président : Je crois que le sénateur Dyck a déjà eu droit à 45 minutes.
Le sénateur Jaffer : Puis-je avoir cinq minutes de plus?
Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?
Le sénateur Comeau : Cinq minutes.
Le sénateur Jaffer : Certains agents des sauvages se sont montrés intègres, mais bon nombre de problèmes se sont produits avec d'autres.
Honorables sénateurs, il y a deux ans, le premier ministre a présenté des excuses devant les Canadiens pour l'attitude de supériorité à l'égard des Autochtones et la volonté de les assimiler qui étaient à l'origine de la création des pensionnats indiens. À mon avis, le premier ministre a fait un pas dans la bonne direction, et il faut, comme lui, reconnaître que nous devons changer la façon dont nous travaillons avec les Autochtones.
Motion d'amendement
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l'amendement suivant :
QUE le projet de loi S-4 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié comme suit :
QUE, à la page 5, le projet de loi S-4 soit modifié par adjonction, après la ligne 18, de ce qui suit :
« 2.1 Il est entendu que la présente loi ne porte pas atteinte aux droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones du Canada visés à l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. »;
QUE, à la page 43, le projet de loi S-4 soit modifié par adjonction, après la ligne 10, de ce qui suit :
« EXAMEN ET RAPPORT
57.1(1) Dans les cinq ans qui suivent la date de sanction de la présente loi, un examen approfondi des dispositions et de l'application de celle-ci est entrepris par le comité soit du Sénat, soit de la Chambre des communes, soit mixte, désigné ou établi à cette fin.
(2) Dans l'année qui suit le début de son examen ou dans le délai supérieur que le Parlement ou la Chambre en question, selon le cas, lui accorde, le comité visé au paragraphe (1) remet son rapport au Parlement ou à cette Chambre. ».
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion d'amendement?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : À mon avis, honorables sénateurs, les non l'emportent.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés :
Son Honneur le Président : Les whips ont-ils des conseils à donner?
L'honorable Consiglio Di Nino : Conformément au paragraphe 67(2) du Règlement, je demande que le vote soit reporté à demain.
Son Honneur le Président : En vertu du paragraphe cité par le sénateur Di Nino, le whip du gouvernement ou le whip de l'opposition ont le droit de demander que le vote soit reporté à demain.
Le vote est reporté à demain.
Projet de loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie
Troisième lecture
L'honorable Consiglio Di Nino propose que le projet de loi C-2, Loi portant mise en œuvre de l'Accord entre le Canada et la République de Colombie, de l'Accord sur l'environnement entre le Canada et la République de Colombie et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République de Colombie, soit lu pour la troisième fois.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens à l'étape de la troisième lecture du projet de loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie. Lorsque notre pays signe un accord de libre-échange, c'est toujours avantageux pour tous les Canadiens. Nous sommes tous conscients des problèmes relatifs aux droits de la personne en Colombie. Les témoins qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes ont parlé de la nécessité d'effectuer une évaluation des droits de la personne avant de conclure un accord de libre-échange. Comme les évaluations environnementales, les évaluations des droits de la personne ont pour objectif de déterminer les répercussions possibles avant qu'elles ne se produisent afin de les éviter, de les atténuer ou de les réduire le cas échéant au lieu de tenter de les corriger après coup.
Étant donné la gravité des violations des droits de la personne, une évaluation préalable des répercussions sur les droits de la personne est encore plus importante. L'accord concernant les rapports annuels sur les droits de la personne et le libre-échange entre le Canada et la République de Colombie permet simplement de déterminer les dommages potentiellement irréparables après qu'ils se soient déjà produits et de peut-être pénaliser les responsables.
De plus, pour évaluer les conséquences de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie après sa mise en œuvre, comme le propose l'amendement, il faut disposer de données de base sur la situation des droits de la personne avant la mise en œuvre de l'accord.
L'amendement exclut la cueillette de données de base avant la mise en œuvre de l'accord, rendant ainsi plus difficile, voire impossible, l'évaluation des conséquences positives, négatives ou neutres de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie sur les droits de la personne.
De plus, l'amendement prévoit la présentation de rapports annuels par des organismes gouvernementaux, soit les parties qui ont négocié l'Accord de libre-échange Canada-Colombie. Il ne précise pas, cependant, quelles conclusions exécutoires et susceptibles de donner lieu à une action les organismes chargés de rédiger les rapports devront tirer. Même si la portée de l'évaluation est ciblée, les rapports annuels risquent de se résumer à de simples formalités, sans que ces organismes n'aient à rendre de comptes au Parlement, aux Canadiens ou aux Colombiens au sujet des conséquences éventuelles de l'accord sur les droits de la personne qu'ils auront cernées.
Le 25 mai 2010, le Comité du commerce international de la Chambre des communes a entendu le témoignage de M. James Harrison, autorité reconnue mondialement dans le domaine des évaluations des conséquences des accords de libre-échange sur les droits de la personne. Selon M. Harrison, l'amendement proposé comportait trois grandes failles et plusieurs autres défauts possibles.
Aux termes de l'amendement, les conséquences de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie seraient évaluées après plutôt qu'avant sa mise en œuvre. Les évaluations seraient réalisées par les gouvernements canadien et colombien plutôt que par des parties indépendantes. Il n'est pas précisé clairement dans l'amendement si les rapports annuels sur la situation des droits de la personne qui sont proposés devront être assortis de recommandations contraignantes auxquelles le Canada et la Colombie devront donner suite ou si ces rapports ne seront que de simples formalités, c'est-à-dire des rapports annuels qui ne pourront pas donner lieu à une action.
De plus, M. Harrison s'est dit préoccupé par le fait que, comme la portée du mécanisme proposé de reddition de comptes n'est pas précisée, cela risque de donner lieu à des évaluations étendues, mais superficielles, plutôt qu'à des évaluations ciblées et approfondies qui permettraient d'apporter des mesures correctives précises.
(2130)
Enfin, la modification stipule qu'il ne sera pas nécessaire de débloquer de nouvelles ressources gouvernementales pour assurer sa mise en œuvre. Compte tenu de la complexité associée à la tenue, tous les ans, d'une évaluation des répercussions sur les droits de la personne, tant au Canada qu'en Colombie, ce qui suppose la participation des acteurs de la société civile dans les deux pays, la crédibilité de ce processus, sans l'affectation de ressources financières ou humaines supplémentaires, serait très douteuse.
Honorables sénateurs, l'an prochain, lorsque le rapport sur les droits de la personne en vertu de cet accord sera publié, je suggère que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne l'examine. Nous devrions étudier ce rapport pour deux raisons. Premièrement, pour évaluer les rapports que nous aurons reçus dans le cadre de cet accord et, deuxièmement, pour suggérer le genre d'ententes en matière de droits de la personne que nous devrions conclure à l'avenir avec d'autres pays.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Di Nino, avec l'appui de l'honorable sénateur Tkachuk, propose que le projet de loi C-2, Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre-échange Canada-Colombie, soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
La Loi sur l'assurance-emploi
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'honorable Nicole Eaton propose que le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis fière aujourd'hui de prendre la parole au sujet du projet de loi C-13, qui a été présenté par le gouvernement en vue d'appuyer les familles des militaires.
Permettez-moi d'abord d'expliquer, pour ceux qui l'ignorent, l'origine de ce projet de loi. Vers la fin de l'année dernière, le député de Nepean-Carleton faisait du porte-à-porte un après-midi lorsqu'il s'est présenté au domicile d'un membre des Forces canadiennes, le lieutenant-colonel James Duquette. M. Duquette lui a raconté sa mauvaise expérience avec le congé parental offert dans le cadre du régime d'assurance-emploi. Le fils de M. Duquette est né par césarienne d'urgence quatre jours avant que M. Duquette ne parte en mission sur le plateau du Golan.
Les deux premières nuits de la vie de son fils, M. Duquette les a passées à dormir dans une chaise près du lit d'hôpital de son épouse. Ils ont passé la troisième nuit ensemble, en famille, à la maison. Le lendemain, le lieutenant-colonel Duquette partait en mission.
Pour endurer ce temps passé loin de sa famille, il s'accrochait à l'idée que, à son retour, il pourrait passer du temps avec son fils — c'est du moins ce qu'il croyait. À son retour, M. Duquette a été sidéré d'apprendre que sa période d'admissibilité pour le congé parental avait expiré.
M. Duquette avait cotisé au régime d'assurance-emploi et il a dû laisser sa famille derrière pour servir honorablement son pays. Malheureusement, le régime de l'assurance-emploi dans sa forme actuelle ne contient aucune disposition pour les gens qui se retrouvent dans une situation comme la sienne.
Ayant réalisé immédiatement que le régime actuel était injuste envers les membres des Forces canadiennes comme M. Duquette, le député a porté le problème à l'attention de la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, ce qui a mené à la création de cette mesure législative, le projet de loi C-13, Loi sur l'équité pour les familles militaires.
Honorables sénateurs, j'aimerais remercier le député de Nepean-Carleton d'avoir réagi immédiatement aux préoccupations d'un citoyen, ainsi que la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences d'avoir pris des mesures décisives dans un délai opportun afin de résoudre ce problème.
En tant que pays, nous accordons une grande importance à la liberté, non seulement la nôtre, mais aussi celle des peuples du monde entier. Les Canadiens sont conscients que, pour préserver nos valeurs nationales, il y a un prix à payer. Souvent, ce sont nos militaires et leurs familles qui paient ce prix. Il ne fait aucun doute que les Canadiens appuient nos militaires et qu'ils leur sont reconnaissants pour leurs sacrifices, comme en témoignent les nombreuses affichettes collées sur les pare-chocs des voitures et les innombrables épinglettes. On peut le constater également par les foules qui se réunissent pour rendre un dernier hommage à nos soldats qui ont fait le sacrifice ultime.
Les Canadiens tiennent nos militaires en haute estime et veulent qu'ils soient traités équitablement. Dans le discours du Trône, le gouvernement s'est engagé à soutenir ceux qui protègent notre pays, notamment en cherchant à préparer un avenir encore meilleur pour nos familles et nos collectivités. Ces hommes et ces femmes acceptent de nombreux risques. Ils acceptent que leur profession occasionne des désagréments, lesquels se répercutent sur leur vie personnelle et familiale. Le gouvernement veut faire en sorte que les membres des Forces canadiennes aient l'occasion de nouer des liens avec leurs enfants grâce aux prestations parentales de l'assurance-emploi.
Honorables sénateurs, compte tenu des exigences propres à la vie militaire, nous recommandons que les règles d'admissibilité du personnel militaire aux prestations parentales de l'assurance-emploi soient améliorées. Les membres des Forces canadiennes cotisent à l'assurance-emploi, comme tous les autres Canadiens. Nous voulons nous assurer que, lorsqu'ils sont déployés pour des raisons militaires impératives, ils puissent toucher des prestations parentales de l'assurance-emploi à leur retour.
Le régime d'assurance-emploi verse des prestations parentales aux personnes qui prennent soin d'un nouveau-né ou d'un enfant qu'elles viennent d'adopter. Ces prestations apportent un grand soutien aux parents durant la première année suivant la naissance ou l'adoption de leur enfant. Elles remplacent une partie de leurs revenus, afin d'aider un parent qui reste à la maison la première année pour prendre soin de son enfant et de faciliter par la suite son retour sur le marché du travail. Les prestations permettent au parent de nouer des liens avec son enfant. Elles fournissent une fondation aux familles, en permettant aux parents de concilier plus aisément leurs obligations professionnelles et familiales.
Les membres des Forces canadiennes, y compris les réservistes, peuvent recevoir des prestations en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi à condition qu'ils répondent aux critères d'admissibilité. Ils peuvent toucher des prestations au même titre que tout travailleur au Canada. En quoi consistent ces prestations?
Pourvu qu'ils répondent aux critères d'admissibilité exigés, les membres des Forces canadiennes ont droit à des prestations régulières s'ils laissent leur emploi volontairement ainsi qu'à des prestations de maternité, parentales, de maladie et de soignant. La présente Loi sur l'assurance-emploi accorde aux parents 35 semaines de prestations parentales. Un même parent peut prendre les 35 semaines ou la période peut être divisée entre les deux parents.
En vertu des règles actuelles, les prestations parentales peuvent être payées au cours des 52 semaines qui suivent la naissance ou l'adoption d'un ou de plusieurs enfants. Le délai peut être prolongé lorsqu'un enfant doit séjourner à l'hôpital pendant une longue période. Cette mesure a été conçue pour rendre le système d'assurance-emploi plus juste et pour donner une certaine souplesse aux prestataires qui sont confrontés à des circonstances indépendantes de leur volonté.
Les militaires peuvent aussi se trouver dans des situations indépendantes de leur volonté. Les membres des Forces canadiennes qui sont déployés outre-mer ne peuvent pas avoir accès aux prestations parentales d'assurance-emploi pendant leur affectation. Puisque la durée moyenne de ces affectations est de neuf à 16 mois, les parents déployés peuvent être privés d'une période cruciale passée auprès de leurs enfants.
La Loi sur l'assurance-emploi doit prendre ces circonstances en considération. Le gouvernement croit que, s'ils sont rappelés en service pendant leur congé parental ou si leur congé parental est reporté pour des raisons militaires impératives, ils ne devraient pas perdre leurs prestations. C'est ce que le projet de loi dont nous sommes saisis vise à corriger.
(2140)
Il modifie en fait la Loi sur l'assurance-emploi pour prolonger la période d'admissibilité des militaires des Forces canadiennes dont le congé parental est reporté ou qui sont rappelés en service pendant ce congé. Bref, grâce à lui, les membres des Forces canadiennes qui doivent reprendre du service pendant leur congé parental ou dont ce même congé parental est reporté à cause des besoins du service ne risqueront plus de perdre les semaines auxquelles ils ont droit.
L'amendement qui a été adopté à l'unanimité par la Chambre des communes fait en sorte que le projet de loi ne s'appliquera pas uniquement aux membres des Forces canadiennes qui présenteront une demande de prestations parentales après sa sanction, mais à tous ceux qui touchent actuellement des prestations.
Honorables sénateurs, cette mesure législative sera très appréciée des membres des Forces canadiennes, puisqu'elle s'appliquera non seulement aux militaires en mission à l'étranger, mais à tous ceux qui doivent reporter ou interrompre leur congé pour reprendre du service. Grâce à elle, les membres des Forces canadiennes pourront eux aussi tisser des liens avec leurs enfants et jeter les bases de leur développement et de leur éducation, au même titre que n'importe quel autre Canadien qui a droit à des prestations d'assurance-emploi.
Cette mesure législative aidera les familles de nos militaires à demeurer unies. Lorsque le lieutenant-colonel James Duquette a comparu devant le comité permanent de l'autre endroit, en compagnie de sa femme, Anne, il a déclaré ceci :
[...] la situation touche [...] les jeunes familles des forces [...] et la valeur que [ces congés] représenteraient pour ces familles est incalculable.
Sa femme a ajouté ce qui suit :
Que ce soit la mère ou le père qui est à l'étranger, leur donner la possibilité de former des liens d'attachement avec leur enfant à leur retour serait incroyable.
De même que ceci :
Ce changement [...] aidera de nombreuses familles de militaires aujourd'hui et dans le futur [...] Je vous en supplie, appuyez nos troupes et les familles qui les attendent à la maison.
Honorables sénateurs, les Canadiens sont fiers de leurs militaires. Le projet de loi dont le Sénat est aujourd'hui saisi changera leur vie et celle de leur famille. Je vous exhorte donc à vous joindre à moi et à l'appuyer aussi.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Carstairs.
L'honorable Sharon Carstairs : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Eaton : Volontiers.
Le sénateur Carstairs : Je n'ai rien contre ce projet de loi. Il fait de bonnes choses en ce qui concerne les congés parentaux, mais sa portée est étroite. Les conjoints de membres des Forces canadiennes qui quittent leur emploi pour accompagner ces derniers à l'étranger doivent faire face à d'énormes difficultés. Si la période de service a été de plus de deux ans, non seulement les conjoints se retrouvent-ils sans emploi à leur retour au pays, parce qu'ils avaient quitté leur emploi, mais ils ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-emploi parce que le délai maximal de deux ans n'a pas été respecté. Madame le sénateur peut-elle nous dire pourquoi le gouvernement n'a pas apporté de modification à cet égard dans le projet de loi, s'il a vraiment à cœur de réaliser de bonnes choses pour les familles de militaires?
Le sénateur Eaton : Ce que le sénateur qualifie de chômage quand les militaires partent à l'étranger fait partie de la catégorie des prestations ordinaires d'assurance-emploi. Le projet de loi se concentre tout particulièrement et, comme le sénateur l'a dit, étroitement sur un type donné de prestations spéciales.
Le sénateur Carstairs : Justement. Pourquoi le gouvernement répugne-t-il tant à élargir les possibilités d'obtenir des prestations offertes aux familles de nos militaires et pourquoi s'est-il limité à une disposition aussi étroite?
Le sénateur Eaton : C'était voulu. Madame le sénateur fait allusion à quelque chose dont on pourrait discuter à un autre moment, je crois. Sa question porte sur un volet beaucoup plus vaste de l'assurance-emploi, les prestations ordinaires. Le projet de loi a trait aux prestations parentales, et nous devrions nous en tenir à cela.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?
L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir dans le cadre du débat sur le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi.
Ce projet de loi permet aux membres des Forces canadiennes de toucher des prestations parentales durant une période maximale de 104 semaines, au lieu de 52 semaines, si le début du congé parental du militaire est reporté ou si celui-ci est rappelé en service pendant la première année suivant la naissance ou l'adoption d'un enfant. Cette modification fait en sorte que les membres des Forces canadiennes puissent profiter des avantages auxquels ils ont droit.
Ce projet de loi est, à maints égards, une simple mesure d'ordre administratif. Les Canadiens qui servent à l'étranger réclament une certaine souplesse. Ils demandent que les lois et les programmes canadiens répondent à leurs besoins et, la mesure législative dont nous sommes saisis vise simplement à remédier à un problème.
Les membres des Forces canadiennes et leurs familles méritent cette mesure d'équité. Ils méritent les meilleurs programmes et systèmes de soutien au monde. Le changement proposé est mineur, mais il constitue un pas dans la bonne direction.
Dans le cadre des ses audiences sur le projet de loi, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes a entendu le témoignage de personnes directement visées à qui on a refusé un congé parental parce qu'elles étaient au service du Canada.
Ces témoins ont fait état des difficultés auxquelles les familles des militaires sont confrontées lorsqu'un membre des forces armées doit partir en mission outre-mer. Ils ont exprimé un vigoureux appui à l'égard du projet de loi. Honorables sénateurs, ces témoins ont exprimé un point de vue que partagent un grand nombre de leurs collègues.
J'estime qu'il y a un consensus à l'égard de ce projet de loi parce qu'il propose une modification de politique à laquelle tous peuvent souscrire.
Honorables sénateurs, il y a toutefois lieu de se demander si ce projet de loi devrait aller beaucoup plus loin. J'estime qu'il devrait s'appliquer également aux Canadiens appelés à servir à l'étranger au nom du gouvernement du Canada. Les agents de la GRC et de la police civile, les fonctionnaires et les diplomates qui participent, au péril de leur vie, à des missions internationales pour servir le Canada sont exclus de l'application de la loi alors qu'ils doivent également laisser leur famille derrière eux pour aller servir leur pays à l'étranger.
Honorables sénateurs, ce projet de loi est loin d'offrir un soutien suffisant aux membres de la GRC et des autres corps policiers ainsi qu'aux fonctionnaires. Cette mesures législative n'est qu'un des nombreux changements que le gouvernement doit apporter dans sa politique en ce qui concerne les membres des Forces canadiennes et les anciens combattants.
Le gouvernement propose une certaine équité pour les familles des militaires avec cette mesure législative qu'il a nommée Loi sur l'équité pour les familles militaires. Cependant, il doit faire nettement plus pour appuyer les membres des Forces canadiennes et leurs familles ainsi que les anciens combattants après leur départ des forces armées.
Qu'en est-il de l'équité à l'égard des réservistes et de leur famille? Qu'en est-il de l'équité dans l'indemnisation des victimes de l'agent Orange? Qu'en est-il de l'équité à l'égard des anciens combattants qualifiés qui ont été dégagés de leurs obligations pour des raisons médicales et qui cherchent un emploi dans la fonction publique fédérale? Quand donnera-t-on suite à ces dossiers et aux nombreuses autres questions relatives à l'équité?
Les membres des Forces canadiennes et les anciens combattants attendent du gouvernement du Canada qu'il les aide vraiment. Ils ne veulent pas de promesses non tenues ni de lieux communs. Ils veulent qu'on agisse.
En plus de ce qui touche aux besoins des militaires en matière de santé et de sécurité, les membres des Forces canadiennes et les anciens combattants veulent trouver de l'emploi après leur carrière militaire et profiter d'une aide professionnelle. Ils veulent des services efficaces, des soins de santé et une bonne communication avec le gouvernement. Ils souhaitent que le gouvernement les écoute et réponde à leurs besoins.
(2150)
Avec la création de la Nouvelle Charte des anciens combattants, le gouvernement du Canada devait s'employer à mieux répondre aux besoins variés et complexes des anciens combattants tout en continuant à offrir des services de qualité. Or, les paroles ne suffisent pas. Il faut un engagement sérieux.
On ne peut pas considérer qu'on règle les problèmes que connaissent les membres des Forces canadiennes et les anciens combattant en adoptant des mesures législatives d'ordre administratif. Prenons l'exemple que j'ai mentionné plus tôt concernant la Commission de la fonction publique. Il s'agit d'un programme qui part de bonnes intentions, mais dont la gestion et la mise en œuvre ne sont pas efficaces.
Les sénateurs se rappelleront que les anciens combattants des Forces canadiennes qui ont été dégagés de leurs obligations pour des raisons médicales sont admissibles depuis 2005 aux nominations prioritaires dans la fonction publique fédérale. Ces nouvelles dispositions ont créé d'importantes possibilités d'emploi pour les anciens combattants. Malheureusement, dans la plupart des ministères fédéraux, le niveau de participation est faible.
En réponse à une question que j'ai posée à la présidente de la Commission de la fonction publique lors d'une réunion du Comité sénatorial des finances, j'ai récemment appris que le ministère de la Défense nationale était le seul ministère fédéral qui engageait des anciens combattants libérés pour des raisons médicales.
Comme si cela ne suffisait pas, en 2007-2008, le statut prioritaire de 67 anciens combattants a pris fin sans qu'ils aient trouvé de travail. Je veux poser la question suivante aux sénateurs. Pourquoi fait-on attendre ces 67 anciens combattants qui ont été libérés pour des raisons médicales et qui veulent travailler pour le gouvernement fédéral, qui sont en mesure de le faire et qui sont prêts à le faire? Pourquoi doivent-ils attendre pour ne plus être dépendants et pour pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles, ces mêmes familles qui ont dû les laisser partir sans savoir ce que l'avenir leur réservait? Ces personnes ont agi ainsi parce qu'elles croyaient que le Canada prendrait soin des siens. Les a-t-on trompées? Ces anciens combattants ont été blessés — gravement, dans bien des cas — en servant le Canada.
Tous les anciens combattants admissibles auraient trouvé du travail si tous les ministères fédéraux participaient activement au programme. La fonction publique canadienne compte 380 000 postes dans l'ensemble du pays. On aurait pu en trouver pour tous ces anciens combattants.
Honorables sénateurs, ce projet de loi répond à un besoin exprimé par les familles de militaires. J'espère que le gouvernement élargira la portée du projet de loi et montrera par ses gestes qu'il est à l'écoute des membres des Forces canadiennes, de nos anciens combattants, des membres de la GRC et des services de police et des autres personnes qui servent le Canada à l'étranger et qu'il répond à leurs besoins.
Le sénateur Eaton : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Downe : Oui.
Le sénateur Eaton : J'ai cru comprendre que le projet de loi porte spécifiquement sur les membres des Forces canadiennes parce qu'ils sont contraints, par la loi, d'aller en mission. Les membres des services de police et les employés de la fonction publique sont-ils eux aussi contraints par la loi de quitter leurs familles?
Le sénateur Downe : C'est une très bonne question. Le sénateur a absolument raison de dire que les militaires doivent aller en mission. Toutefois, cela s'applique également aux réservistes. Ils peuvent décider d'aller en mission. On demande aussi aux membres de la GRC d'aller en mission et, parfois, ils se portent volontaires. Les employés de la police municipale se portent parfois volontaires eux aussi.
Cependant, l'élément essentiel de mon intervention — je suis certain que le sénateur l'a compris — est que, une fois que les employés se trouvent sur place à l'étranger, tous servent le Canada, alors pourquoi ne seraient-ils pas couverts? Pourquoi votre voisin serait-il admissible à une catégorie de prestations différente de la vôtre si vous servez tous les deux le même pays?
Le sénateur Eaton : C'est parce qu'ils ont le choix, alors que les militaires et les réservistes n'ont pas le choix, conformément à la loi.
Le sénateur Downe : C'est l'interprétation qu'en fait le sénateur. Comme les sénateurs le savent, un amendement à ce projet de loi a été proposé à la Chambre des communes et a été rejeté par le gouvernement. Par souci d'équité, et étant donné le titre que porte le projet de loi, l'amendement suggérait que le projet de loi s'applique à tout individu qui est au service du Canada.
Le sénateur Eaton : Honorables sénateurs, d'après ce que je crois comprendre en tant que néophyte au Sénat, nous ne pouvons pas présenter des projets de loi qui entraînent des dépenses. Ce projet de loi prolonge la période pendant laquelle les familles militaires peuvent faire la demande d'un congé parental. Si nous décidons d'élargir la portée du projet de loi et d'y ajouter d'autres mesures, il faudra avoir recours au sénateur Gerstein.
Le sénateur Downe : Madame le sénateur a tout à fait raison en ce qui concerne la prérogative royale, mais je suis certain qu'elle a entendu, dans mon intervention, que je disais que c'est le gouvernement qui devait élargir la portée du projet de loi. Je ne pense pas avoir jamais mentionné que le Sénat modifierait le projet de loi. C'est ce que je propose, mais c'est au gouvernement qu'il incombe d'étendre l'application du projet de loi pour que son titre, « Loi sur l'équité pour les familles militaires », soit conforme à la réalité. Le projet de loi actuel n'atteint pas cet objectif.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Eaton, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)
Projet de loi sur la Journée nationale des aînés
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) propose que le projet de loi C-40, Loi instituant la Journée nationale des aînés, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-40, Loi instituant la Journée nationale des aînés.
Dans l'ensemble, les aînés ont été très respectés dans l'histoire de l'humanité. Dans beaucoup de cultures, notamment la culture autochtone, le mot « aîné » véhicule un immense respect. Il fait référence à ceux dont la sagesse et l'expérience sont tenues en haute estime par la collectivité.
Le gouvernement croit qu'il est temps d'instituer une journée pour témoigner de façon officielle notre respect à nos aînés et leur montrer que nous apprécions la contribution qu'ils apportent à leur famille, aux collectivités, aux milieux de travail et à la société en général. Une telle journée nous donne l'occasion de remercier nos aînés pour tout ce qu'ils ont fait et font pour nous.
En adoptant ce projet de loi, nous honorons l'engagement pris dans le discours du Trône de 2010. Cet engagement de créer une journée nationale des aînés reflète les valeurs canadiennes et respecte la promesse de défendre ceux et celles qui ont bâti et protégé ce pays et en ont fait ce merveilleux pays, le Canada.
La Journée nationale des aînés sera non seulement une occasion de souligner leurs contributions, mais également de reconnaître que les aînés représentent un segment croissant de notre population. En effet, d'ici 2036, plus d'un Canadien sur quatre sera un aîné.
Bien sûr, les aînés canadiens constituent un groupe hétéroclite. Leur attitude, leurs intérêts et leurs croyances varient. Ils sont d'origines différentes, parlent différentes langues et ont des avis très divergents, notamment en ce qui concerne leur vision de la retraite. Par contre, ils partagent tous le désir de continuer à contribuer. Les aînés mènent des vies actives, notamment en prenant soin de leurs petits-enfants, en faisant du bénévolat dans la collectivité ou en mettant leur expérience à contribution dans les milieux de travail. Quoi qu'ils choisissent de faire, ils prouvent que vieillir ne rime pas forcément avec ralentir ou ne plus s'intéresser au monde qui les entoure.
Les aînés jouent un rôle essentiel dans le secteur du bénévolat. En effet, les bénévoles âgés de plus de 65 ans ajoutent une valeur sociale et économique considérable. Selon diverses études, les aînés sont les champions du bénévolat, puisqu'ils y consacrent en moyenne plus de 230 heures par année. On estime la valeur de tout le travail bénévole au Canada à environ 14 milliards de dollars. La valeur de l'apport des personnes âgées qui font du bénévolat est donc évidente.
(2200)
Honorables sénateurs, la contribution des aînés ne se calcule pas uniquement en dollars et en cents, loin de là. Les personnes âgées font la promotion d'un mode de vie respectueux de l'environnement dans leur collectivité, apportent leur aide dans les hôpitaux, enseignent dans des garderies, entraînent des sportifs, jouent le rôle de leader dans leur lieu de culte et mènent des programmes d'alphabétisation. La liste de leurs activités est quasi interminable et les Canadiens de tous les âges en bénéficient.
Le gouvernement du Canada reconnaît depuis longtemps le rôle des personnes âgées dans notre pays. Le gouvernement a démontré son engagement à aider les gens à vieillir en santé et en sécurité. Si vous le permettez, je vais décrire brièvement quelques-unes des nombreuses mesures que le gouvernement a prises pour les personnes âgées.
Sur le plan financier, l'aide la plus importante que nous offrons aux personnes âgées est constituée des pensions de l'État. Chaque année, les Canadiens reçoivent près de 70 milliards de dollars du régime public de prestations de retraite du Canada. Aujourd'hui, plus de 4 millions de personnes âgées reçoivent des prestations de la Sécurité de la vieillesse et plus de 3,5 millions reçoivent des prestations de retraite du Régime de pensions du Canada.
Depuis 2006, le gouvernement a pris des mesures pour soutenir les personnes âgées, mesures grâce auxquelles les personnes âgées et les prestataires du RPC bénéficient d'allégements fiscaux supplémentaires atteignant environ 1,9 milliard de dollars par année. Ces mesures comprennent des dispositions permettant le fractionnement du revenu de pension, la bonification du crédit en raison de l'âge et le crédit pour revenu de pension. En outre, l'âge limite pour convertir un régime de pension agréé et un régime enregistré d'épargne-retraite est passé de 69 à 71 ans.
Afin que ces questions d'importance pour les personnes âgées soient portées à l'attention du gouvernement, nous avons nommé enA2007 un ministre d'État aux Aînés et nous avons créé le Conseil national des aînés. En 2004, le programme Nouveaux Horizons pour les aînés, qui prévoit des mesures pour qu'il soit plus facile aux personnes âgées de participer à des activités sociales et d'apporter une contribution dans leur collectivité, a été lancé. Lorsque le gouvernement conservateur est arrivé au pouvoir en 2006, nous avons accru de 10 millions de dollars le financement de ce programme, le faisant passer de 25 à 35 millions de dollars. Dans le budget de 2010, le gouvernement augmente encore, cette fois-ci de 5 millions de dollars, le financement de ce programme, ce qui le porte à 40 millions de dollars par année.
Dans le budget de 2008, le gouvernement a investi 13 millions de dollars sur trois ans dans le cadre de l'Initiative fédérale de lutte contre les mauvais traitements envers les aînés. Cette initiative comprend une campagne nationale de publicité qui aidera les aînés, entre autres, à reconnaître les signes et les symptômes de la violence à leur égard et fournira des renseignements sur l'aide disponible. Comme je l'ai dit au Sénat il y a quelques semaines, ce programme se poursuivra cet automne.
Enfin, le Plan d'action économique du Canada a prévu un investissement unique de plus de 2 milliards de dollars sur deux ans, soit de 2009 à 2011, pour la construction de nouveaux logements sociaux et la rénovation des logements existants. Dans le cadre de ces investissements, une somme de 400 millions a été prévue pour la construction de logements pour les personnes âgées à faible revenu. Cet argent permettra d'assurer que les Canadiens qui ont un revenu fixe pourront vivre de façon digne et indépendante, à proximité de leur famille et de leurs amis. Ces sommes donnent suite à l'engagement pris par le gouvernement en 2008 de consacrer 1,9 milliard de dollars aux programmes de logement et de lutte contre l'itinérance pour les Canadiens à faible revenu.
La création de la Journée nationale des aînés est un autre moyen pour le gouvernement et les Canadiens d'appuyer les aînés. Cette journée permettra d'accroître la sensibilisation à l'égard de l'importance de la contribution des aînés et d'établir des liens entre les générations. C'est un autre exemple de la façon dont notre gouvernement travaille avec les gens de tous les groupes d'âge pour faire face aux défis sociaux et économiques.
Dès cette année, désignons donc le 1er octobre la Journée nationale des aînés, de même que la Journée internationale des personnes âgées. De cette manière, nous joindrons les rangs d'autres pays, comme les États-Unis et le Japon, qui honorent leurs aînés.
En terminant, je souligne le fait que la Journée nationale des aînés est plus qu'un symbole. Cette journée ne remplace pas les actions concrètes visant à aider les aînés. À cet égard, le bilan du gouvernement est éloquent.
L'établissement de la Journée nationale des aînés aidera à sensibiliser les gens aux contributions des aînés à l'édification de ce pays et à tout ce qu'ils continuent d'accomplir. Cette journée mettra aussi l'accent sur l'importance d'encourager les aînés à continuer de participer à l'économie et à la société.
J'exhorte les sénateurs à faire en sorte que cela devienne réalité. Montrons à nos concitoyens et au monde entier à quel point nous respectons nos aînés. Veuillez vous joindre à moi pour appuyer le projet de loi C-40, qui désigne le 1er octobre de chaque année la Journée nationale des aînés.
(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)
[Français]
La Loi sur le casier judiciaire
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu propose que le projet de loi C-23A, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je tiens à vous adresser la parole aujourd'hui et à parrainer ce projet de loi, qui donne suite à un engagement qui nous tient à cœur, soit celui de réformer le régime de pardon au Canada.
Ce soir, les victimes d'actes criminels, y compris leurs familles, sont toujours en attente d'une meilleure justice. Comme leurs concitoyens, ils s'attendent à ce que nous agissions maintenant dans le respect et la prudence.
Le premier ministre s'est prononcé à ce sujet il y a quelques semaines. C'est un homme qui tient parole, un homme sage qui agit courageusement et de façon efficace.
[Traduction]
Honorables sénateurs, nous savons que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui est le fruit d'une entente entre tous les partis à l'autre endroit ayant pour but de veiller à ce que ces réformes soient adoptées le plus rapidement possible. Par conséquent, je tiens à souligner que la réforme proposée par notre gouvernement découle d'importants efforts effectués dans un esprit de compromis et d'équilibre.
[Français]
Le projet de loi C-23A modifierait le système de pardon au Canada pour le rendre plus équilibré, protégerait mieux la société, défendrait la réputation et l'intégrité de notre système de justice et ferait surtout en sorte que les droits et les intérêts des victimes soient mieux reconnus. Je tiens donc à vous rappeler pourquoi ce projet de loi est d'une importance majeure.
Nous avons besoin, dès aujourd'hui, de ce projet de loi pour prévenir l'octroi facile d'un pardon aux criminels notoires au cours des prochains jours et des prochaines semaines. Plusieurs Canadiens et Canadiennes se demandent maintenant si le système actuel fonctionne aveuglément. D'autres veulent savoir s'il y a suffisamment de mesures de protection en place. Ce sont des questions sur lesquelles nous devons nous pencher attentivement afin de nous assurer que les besoins des victimes et la sécurité de la population passent avant tout.
À l'heure actuelle, cela ne semble pas être le cas. Ainsi, en règle générale, les personnes déclarées coupables par procédure sommaire sont admissibles à un pardon, trois ans après avoir purgé leur peine, à condition qu'elles n'aient pas été déclarées coupables d'un autre crime au cours de cette période.
Dans ces cas, le pardon est automatique, et la commission n'a absolument aucun pouvoir discrétionnaire lui permettant de refuser ces demandes. Pour les personnes déclarées coupables d'actes criminels graves, la période d'attente est un peu plus longue et correspond à cinq ans. Chaque demandeur doit montrer qu'il a observé une bonne conduite pendant cette période. Or, les demandes sont acceptées ou refusées en fonction des mêmes critères, peu importe la nature du crime.
La Commission nationale des libérations conditionnelles n'est pas habilitée à dire si le pardon risque de discréditer la justice. C'est à nous de juger de cette lacune. La commission ne peut pas non plus tenir compte de la nature, de la gravité ou de la durée de l'infraction, ce qui va à l'encontre du bon sens de la justice aux yeux des Canadiens et des Canadiennes.
(2210)
[Traduction]
Nous avons entendu, par exemple, le témoignage de victimes comme Sheldon Kennedy qui, tout comme bien d'autres Canadiens, remet en doute l'équité d'un système de réhabilitation qui permet de fermer un casier judiciaire après seulement trois ans, et ce, même pour un délinquant sexuel dangereux. Nous avons entendu le témoignage d'autres victimes qui ont exprimé la même préoccupation légitime.
[Français]
Le projet de loi C-23A fera en sorte qu'on refuse l'octroi de tout pardon qui nuise à la réputation de l'administration de la justice au Canada.
Une personne reconnue coupable d'une infraction sexuelle contre un enfant, condamnée à moins de deux ans de pénitencier, ne recevra pas de pardon dans les cinq ans. Le coupable ne recevra pas de pardon dans les 10 ans pour un acte criminel pour lequel il purge une peine de plus de deux ans. Donc, dorénavant, les criminels les plus dangereux attendront plus longtemps avant de devenir admissibles à la procédure de demande de pardon. Premièrement, la période d'inadmissibilité passera de cinq à 10 ans pour ceux qui sont coupables d'un acte criminel de sévices graves à la personne, y compris l'homicide involontaire. Deuxièmement, la période d'admissibilité passera de trois à cinq ans pour une infraction punissable par déclaration sommaire de culpabilité et à 10 ans pour un acte criminel.
[Traduction]
Dans le cas des infractions qui seront désormais assujetties à une période d'attente de cinq à dix ans avant que le détenu soit admissible à une demande de réhabilitation, les modifications proposées dans le projet de loi C-23A accorderaient à la Commission nationale des libérations conditionnelles un plus grand pouvoir discrétionnaire dans l'évaluation de la valeur des demandes. On doit donner à la commission les outils nécessaires pour faire en sorte que notre système de justice ne soit pas discrédité.
[Français]
En décidant si l'octroi du pardon serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice, la commission examinera les facteurs tels que la nature, la gravité et la durée des actes criminels. Elle tiendra aussi compte des circonstances entourant la perpétration de l'infraction et les antécédents criminels du demandeur, ce qui n'est pas le cas actuellement.
Dorénavant, un criminel qui veut se faire octroyer un pardon aura le fardeau de convaincre la commission que la suspension de son dossier criminel contribuera à sa réadaptation et à sa réhabilitation en tant que citoyen redevenu respectueux des lois et des règles de notre société. Bien qu'on doive étudier tout changement proposé, il faut faire vite et il ne faut pas céder au cynisme au sujet du bien-fondé d'une réforme du système de pardon.
Honorables sénateurs, ce n'est pas seulement pour les cas les plus connus, les plus médiatisés, que je milite pour l'adoption du projet de loi C-23A; c'est également pour ceux qui restent trop longtemps silencieux, pour les victimes qui souffrent dans l'ombre de l'oubli à cause de centaines de criminels dangereux qui se voient octroyer le privilège du pardon de façon hâtive, imméritée et automatique.
On ne peut jamais défaire ce qui est fait, rectifier complètement le tort causé, mais on peut au moins prendre un engagement ferme de ne pas accorder un laissez-passer automatique à des gens qui ne sont pas complètement réhabilités, des personnes qui risquent trop souvent de récidiver et de faire d'autres victimes.
Honorables sénateurs, je suis de ceux qui favorisent la réhabilitation. Cependant, il existe aussi plusieurs autres principes de justice criminelle au Canada. Ce sont des principes puisés dans l'histoire, ancienne et récente, de notre droit, qui importent tant sur le plan pratique que théorique.
La dénonciation du crime est une partie intégrante de notre système de justice. Elle fait aussi partie du processus de réhabilitation. Le casier judiciaire joue un rôle, un véritable rôle, et sa suspension ne devrait pas être automatique.
[Traduction]
Nous croyons en la possibilité d'accorder une seconde chance à des délinquants qui montrent qu'ils sont désireux d'être productifs et respectueux de la loi, mais les Canadiens ne croient pas qu'on devrait pour autant approuver automatiquement les demandes de réhabilitation. On doit avoir plus de garanties. Tel qu'il a été écrit dans le Times Colonist de Victoria, l'ancienne loi « [...] ne réussit pas à établir les distinctions morales pertinentes [...] Elle impose des normes beaucoup trop laxistes aux responsables. Et elle insulte notre sens des convenances. » Les victimes d'actes criminels, comme tous les Canadiens, ont le droit de s'attendre à plus.
[Français]
Actuellement, les criminels peuvent prendre une voie rapide avec un laissez-passer automatique au pardon. En 2005, 97 p. 100 des criminels qui ont demandé un pardon l'ont obtenu. La situation empire avec un taux de 98 p. 100 en 2006 et, en 2007, 99 p. 100, des criminels ont obtenu leur pardon. Plus de 25 000 criminels en font la demande chaque année.
Une telle facilité de voir son crime pardonné discrédite notre justice. Pire, elle fait fi des souffrances des victimes d'actes criminels. Certains ont parlé de l'importance de la discrétion judiciaire et administrative dans notre système de justice, mais quelle discrétion est possible quand on constate l'automatisme de l'octroi actuel du pardon?
[Traduction]
Ces chiffres soulèvent des questions troublantes pour de nombreux Canadiens, surtout compte tenu de la réhabilitation accordée à Graham James et de la révélation que Karla Homolka sera elle aussi admissible à une réhabilitation très prochainement.
[Français]
L'adoption de ce projet de loi s'applique seulement aux cas les plus graves. Cependant, il ne se limite pas aux plus célèbres ou aux plus médiatisés. Il s'étend plutôt à d'autres criminels violents et à certains criminels qui commettent des crimes d'ordre sexuel. Je tiens à souligner que le projet de loi n'aura pas d'effet sur la majorité de la population criminelle et même sur la plupart des demandes de pardon. L'accent sera mis exclusivement sur les criminels les plus dangereux, que leur cas soit médiatisé ou pas, ce qui représente environ 10 p. 100 des criminels.
Je le répète, honorables sénateurs, afin qu'on ne dise pas que ce projet de loi est cruel envers les criminels : il touchera à peine 10 p. 100 des criminels, c'est-à-dire 2 500 demandes sur 25 000.
Honorables sénateurs, je suis fier d'appartenir à un Parlement qui croit que les Canadiens et les Canadiennes ont le droit de se sentir en sécurité chez eux et dans leur propre collectivité, un Parlement qui a écouté la population, surtout les victimes d'actes criminels, et qui a pris des mesures pour les protéger.
[Traduction]
Le gouvernement sévit contre les trafiquants de drogues et d'armes à feu, ainsi que contre les gangs. Nous veillons à ce que les auteurs de crimes graves purgent des peines sévères. Nous envoyons plus d'agents de police dans nos collectivités. Dans le cas des pardons, nous avons agi rapidement et de manière responsable en présentant des réformes qui sont fermes, mais aussi justes et équilibrées.
[Français]
Les victimes d'actes criminels ont enfin une voix au Parlement. Nous voulons et devons effectivement changer de philosophie. Il faut que les droits des victimes, qui ont été blessées gravement et portent des séquelles pour longtemps, aient préséance sur ceux des criminels. Il faut également que la protection de la société soit entérinée comme principe, voire érigée en tant que pierre angulaire sur laquelle repose le système de justice. Nous favorisons la réhabilitation, mais il faut que la suspension du dossier criminel soit méritée.
C'est dans cette logique de protection des victimes et de la société, et de la possibilité d'une réhabilitation méritée, que s'inscrit le projet de loi que nous proposons aujourd'hui.
Toute notre philosophie en matière de justice et de sécurité repose sur le mérite. Il faut se rappeler l'importance de la réputation dont doit jouir l'administration de la justice pour que le système fonctionne bien et que les citoyens y croient. En adoptant ce projet de loi, notre approche est claire : le pardon appartient aux victimes d'actes criminels, y compris à leurs proches, à leur famille, et non à l'État ou à un service correctionnel.
Le rôle de l'État est d'aider le criminel à se réformer, avec le seul souci de sécuriser la population. L'État peut suspendre ou effacer temporairement une faute commise à des conditions très strictes. Cette décision du gouvernement, cette possibilité de pardon n'est pas un droit, c'est un privilège que la société accorde.
Dans la vie, on doit prouver qu'on mérite un privilège et il faut l'attendre longtemps tout en faisant ses preuves. Dans le cas des criminels, il faut faire la preuve d'une véritable réhabilitation.
Je ne veux pas exagérer l'urgence de prendre des mesures maintenant. En cherchant à réformer le régime du pardon au Canada, le gouvernement s'est rendu compte que certains des changements proposés ne pouvaient tout simplement plus attendre. Pour cette raison, le gouvernement a divisé l'ancien projet de loi C-23 en deux, afin de pouvoir refuser l'octroi d'un pardon aux criminels notoires dangereux qui seront bientôt admissibles au pardon.
La première partie nous permettra de procéder à la mise en œuvre des volets les plus importants de la réforme du pardon sans plus tarder. Nous n'arrêterons pas là. Nous respecterons notre engagement en vue de réformer le système.
(2220)
À l'automne, nous poursuivrons nos efforts pour mettre en œuvre l'ensemble des réformes prévues dans le projet de loi C-23.
[Traduction]
Le gouvernement est prêt à prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les Canadiens aient confiance en notre système de justice.
[Français]
Avec ce projet de loi, honorables sénateurs, vous pouvez donner au système pénal et à la Commission nationale des libérations conditionnelles les outils nécessaires pour traiter les demandes de pardon de façon plus contextuelle, c'est-à-dire en considérant tous les facteurs, et surtout, vous pourrez empêcher que les criminels dangereux obtiennent un pardon sans mérite.
Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de vous inviter à appuyer le projet de loi à l'étude aujourd'hui et à travailler avec le gouvernement pour que le régime de pardon soit mieux équilibré, qu'il protège mieux la population, et, surtout, qu'il soit plus crédible.
[Traduction]
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement l'intervention du sénateur Boisvenu. Je le félicite du travail qu'il réalise en collaboration avec les ministres sur plusieurs projets de loi. Je suppose que certains députés se demandent comment le sénateur peut obtenir autant de pouvoirs qui lui permettent de présenter des projets de loi à l'autre endroit. Je le félicite d'avoir prononcé le premier discours sur ce projet de loi, bien qu'il ait déjà été adopté à la Chambre des communes. Habituellement, nous enseignons à nos étudiants — comme vous l'avez fait, Votre Honneur, avec vos étudiants en droit — qu'un projet de loi doit être adopté à l'étape de la première lecture, puis à l'étape de la deuxième lecture. Par la suite, il est renvoyé à un comité qui examine chacun de ses articles. Après cela, c'est l'étape du rapport à la Chambre des communes, puis, enfin, l'étape de la troisième lecture. Eh bien, il n'en fut rien avec ce projet de loi. Par conséquent, je n'ai pu lire aucun discours en prévision de ma réponse au sénateur. Il n'y a aucun examen législatif, ni résumé ministériel, ni document de ce genre. Permettez-moi d'expliquer aux sénateurs pourquoi aucun discours n'a été prononcé à la Chambre des communes sur le projet de loi C-23A — ce qui constitue une façon bien étrange d'adopter une mesure législative.
À la Chambre des communes, toutes les motions ont été réputées avoir été mises aux voix. Comme le sénateur Boisvenu l'a mentionné, à l'origine, le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes sous un autre numéro. Il y a eu un problème à l'étape de la deuxième lecture, et les députés ont convenu que certaines parties du projet de loi devaient être adoptées rapidement, car certaines personnes allaient pouvoir faire une demande de réhabilitation le mois prochain. C'est le 5 juillet 2010, je crois, que Karla Homolka sera admissible à présenter une demande en vertu du système actuel.
Tous les partis se sont entendus et le leader du gouvernement à la Chambre a présenté une motion, avec le consentement unanime, concernant les dispositions du projet de loi allongeant la période d'inadmissibilité à présenter une demande de réhabilitation après l'expiration légale de la peine, période qui est portée, selon les cas, à dix, cinq ou trois ans. Ces modifications ajoutent, pour la première fois, certains critères dont la Commission nationale des libérations conditionnelles peut tenir compte. À ce jour, le seul critère est le comportement du demandeur depuis sa condamnation.
Ces critères sont mentionnés à trois reprises dans le projet de loi, qui dresse la liste des facteurs qui permettent de déterminer si le fait d'octroyer la réhabilitation serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice. Le 17 juin 2010, à la Chambre des communes, le ministre a dit :
[...] qu'aux fins d'impression des projets de loi C-23A et C-23B, le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter les modifications ou corrections de nature administrative, le cas échéant, nécessaires pour donner effet à la présente motion;
[...] que le projet de loi C-23A soit réputé avoir fait l'objet d'un rapport sans amendement, soit réputé adopté à l'étape du rapport et soit réputé lu une troisième fois et adopté.
Aux fins d'impression des projets de loi C-23A et C-23B, le légiste et le conseiller parlementaire seront autorisés à apporter les modifications ou corrections, le cas échéant, nécessaires pour donner effet à la motion, et le projet de loi C-23A serait réputé avoir fait l'objet d'un rapport à l'étape de la deuxième lecture, réputé avoir été renvoyé à un comité, réputé avoir fait l'objet d'un rapport sans amendement et réputé avoir été adopté à l'étape de la troisième lecture.
C'était une procédure extraordinaire. Le Président a dit ceci :
La présidence a de sérieuses réserves quant à cette façon de faire. Comme il y a consentement unanime, j'accepte de faire comme si la motion avait été présentée, mais, à mon avis, il y aurait d'autres façons plus faciles de procéder.
Certains députés ont accepté, puis :
Le projet de loi C-23A est réputé avoir fait l'objet d'un rapport sans propositions d'amendement, avoir été agréé à l'étape du rapport, lu pour la troisième fois et adopté.
C'est probablement la première fois que la Chambre des communes renvoie un projet de loi au Sénat afin que celui-ci puisse l'adopter avant l'ajournement d'été. Je n'ai aucun doute que nous y arriverons. Apparemment, le comité accueillera demain le ministre, des fonctionnaires du ministère et des représentants de la Commission nationale des libérations conditionnelles au sujet du projet de loi C-23A. La première chose que je tiens à signaler est le fait que le discours prononcé par le sénateur aujourd'hui est le seul élément de recherche disponible sur ce projet de loi.
Honorables sénateurs, j'ai remarqué avec le temps que, lorsque les spécialistes juridiques du Sénat lisent un projet de loi, ils font tous la même chose : les sénateurs Joyal, Nolin, Rivest ou Carignan, par exemple, commencent d'abord par lire un paragraphe en anglais, puis ils en lisent la version française. Ils font ensuite le contraire, en lisant d'abord le français, puis l'anglais. Ils continuent comme ça jusqu'à la fin du texte. J'ai fait la même chose pendant que j'écoutais le sénateur, il y a quelques instants, et j'ai remarqué une chose assez incroyable dans ce projet de loi. On parle ici de pardon. Généralement, c'est au souverain, c'est-à-dire au roi, à la reine ou au gouvernement, que revient la prérogative de pardonner à une personne le fait qu'elle ait transgressé la loi. C'est l'article 748 du Code criminel qui traite des pardons. En anglais, on utilise le terme « pardon », comme en français. Si les sénateurs prennent la peine de lire les lignes suivantes, ils constateront qu'il existe plusieurs types de pardons : le pardon absolu, qui est accordé par le Cabinet, efface ni plus ni moins l'infraction visée du casier de la personne concernée. Il y a également le pardon conditionnel. Quant à la prérogative royale de clémence, qui se trouve à l'article 749 du Code criminel, elle efface elle aussi l'infraction visée.
Le pardon français est le même que le pardon du Code criminel, ce qui me fait penser à la disposition de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et au fait que le Canada a sa propre Charte des droits et libertés. La référence au pardon se trouve à l'article 18.6 de la Charte québécoise. On y lit que nul ne peut congédier ou refuser d'embaucher une personne du seul fait qu'elle a été déclarée coupable d'une infraction pénale ou criminelle, si cette personne en a obtenu le pardon.
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Dans ce cas, l'anglais et le français utilisent le mot « pardon ». J'ai lu le projet de loi et, dans la version anglaise, on utilise le mot « pardon ». Toutefois, dans la version française, on parle de « réhabilitation ». Cela prête à une toute autre interprétation. Il y a une grande leçon à tirer de cela, honorables sénateurs, car le pardon dont il est questions dans ce projet de loi est un pardon administratif. Il ne s'agit pas d'un pardon dans le sens du terme qu'on utilise depuis des siècles et qu'on retrouve dans l'article 748 du Code criminel.
En 2000, nous avons pris des règlements selon lesquels l'employeur de personnes qui s'occupent de personnes vulnérables telles que des enfants et des aînés doit faire signer un formulaire à tout éventuel employé. Ce document est envoyé à la police. On y indique non seulement le fait que la personne a un casier judiciaire, mais tous les renseignements sur le pardon administratif dont elle a fait l'objet aux termes du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui.
Lorsqu'une personne accusée d'un crime reconnaît sa culpabilité devant le tribunal, le juge, avant de déterminer la peine, dit ceci : « Vous avez obtenu un pardon pour un crime commis il y a dix ans. » Aux termes de la loi, la police et la GRC versent le document dans un dossier. Il s'agit d'une copie papier, mais un CD n'est pas une copie papier. Par conséquent, le pardon et les détails de ce pardon sont versés dans la base de données du CIPC. Ils sont également versés dans un autre registre appelé la Banque nationale de données criminelles, qui sert pour les mandats de perquisition, les renseignements concernant des tiers et les ouï-dire, entre autres. Par conséquent, le « pardon » a le sens de réhabilitation, si bien que le terme employé dans la version française du projet de loi est adéquat, contrairement à celui utilisé dans la version anglaise.
Je crois comprendre que le sénateur Boisvenu comptait proposer qu'on remplace le mot « pardon » par un autre mot dans le projet de loi initial. Est-ce exact, sénateur?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
Le sénateur Baker : Oui. Il hoche la tête en signe d'assentiment. Je crois qu'il serait indiqué de changer le terme. Voilà ma première observation relativement à ce projet de loi.
Si les sénateurs ont du temps libre, un soir, je leur recommande une lecture intéressante : la décision de 2001 de la Cour suprême du Canada dans l'affaire du juge Richard Therrien, de la Cour du Québec. Le juge Therrien s'était adressé à la Cour suprême parce qu'il avait été destitué en raison d'un crime qu'il avait commis en 1970 et pour lequel il avait obtenu un pardon. Lorsqu'il s'était présenté devant le conseil chargé de l'embaucher, on lui avait demandé : « Avez-vous déjà été reconnu coupable d'un crime? » Il a fait une pause. On lui a alors demandé : « Eh bien, avez-vous déjà eu des démêlés avec la loi ou le Barreau? » Il a répondu : « Non. » Quelqu'un a par la suite découvert qu'il avait obtenu un pardon. L'enquête n'avait pas permis de découvrir ce détail. Il a donc été destitué. Il a porté sa cause devant la Cour supérieure du Québec, puis devant la Cour d'appel du Québec, et enfin devant la Cour suprême du Canada, qui a jugé que, dans le cas d'une réhabilitation administrative, ce dont il est question ici aujourd'hui, le plaignant n'avait pas le droit de nier son passé criminel du simple fait qu'il avait obtenu un pardon. Il avait cité cet article; c'est pourquoi je me suis souvenu qu'il s'agissait de l'article 18.6 de la Charte québécoise. Il prétendait qu'il s'agissait d'une violation de la charte, mais la Cour suprême du Canada a jugé que tel n'était pas le cas, car il n'avait pas le droit de nier l'existence de ce dossier.
À l'examen du projet de loi, j'ai aussi trouvé intéressant, et j'ai cru que les sénateurs partageraient mon avis, que la Commissions nationale des libérations conditionnelles obtient pour la première fois — et c'est une bonne chose — le pouvoir de déterminer s'il convient ou non de réhabiliter une personne, et de ne pas la réhabiliter si cela risque de déconsidérer l'administration de la justice, comme l'a répété le sénateur Boisvenu.
C'est là une norme assez élevée, sénateurs. Et pourquoi pas « choquer la collectivité »? Ne serait-ce pas préférable? Ou alors « la justice telle que déterminée par la Commission nationale des libérations conditionnelles »? Qu'est-ce qui serait « juste »?
Quand vous dites « déconsidérer l'administration de la justice », à cet égard, je me souviens d'événements survenus il y a cinq ans, en juin et je crois même que c'était cette semaine, ici même. Le sénateur Biron a pris la parole pour faire une déclaration. Ensuite, il a repris sa déclaration à CTV News. Elle portait sur la décision d'un juge d'une cour provinciale du Québec d'invoquer l'article 810 du Code criminel à la demande du procureur général de l'Ontario au moment de la libération de Karla Homolka, le 5 juillet 2005. Cet article est intéressant. Karla Homolka était déclarée danger pour la société en vertu de cet article. Le juge lui imposait alors un engagement. Cet engagement était très détaillé. Karla Homolka devait se rapporter à la police tous les jours, elle devait se rapporter dans les 72 heures lorsqu'elle changeait de région ou de lieu de résidence. Elle ne devait avoir aucun contact avec quiconque dans les collectivités où les crimes avaient été commis et elle ne devait pas non plus s'associer à quiconque consommait de l'alcool ou de la drogue. On peut interpréter cela comme étant une suite de la peine. Lorsqu'un engagement est aussi détaillé, c'est comme une libération sous probation. Le juge de la cour provinciale avait déclaré que cet engagement s'appliquerait et que s'il y avait une violation de l'une ou l'autre des conditions, Karla Homolka passerait trois ans en prison. Je crois que les détails que j'ai donnés sont assez exacts.
Le sénateur Biron s'élevait contre le fait que ces questions aient été décidées au préalable. En d'autres mots, sa thèse, c'était qu'une enquête judiciaire indépendante avait été faite sur l'entente intervenue entre la Couronne et la défense dans l'affaire Homolka, où on avait promis à celle-ci 12 ans de pénitencier si elle plaidait coupable à une accusation d'homicide involontaire coupable, et aucune condition n'était prévue après ces 12 ans. Comme le savent les sénateurs, la peine moyenne pour les homicides involontaires coupables s'établit entre 10 et 15 ans. La peine était donc dans la fourchette normale. Évidemment, ils ont accepté cette entente; ils avaient une semaine pour l'accepter.
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Lorsque cette entente a été rendue publique, les gens ont été scandalisés. Le procureur général de l'Ontario a commandé une enquête indépendante à un juge de la Cour supérieure de la province qui a déterminé que les mesures prises par la Couronne étaient acceptables; elles correspondaient aux conditions juridiques justifiables définies en droit à l'époque.
Le sénateur Biron estimait que le juge provincial n'avait pas le pouvoir, dans ce cas, d'imposer des conditions supplémentaires au moment de la libération de Karla Homolka. Une telle déclaration faite par un sénateur avait suscité des protestations à la Chambre des communes. Karla Homolka a été libérée le 5 juillet 2005 et soumise aux conditions que j'ai mentionnées.
La Cour supérieure du Québec a déterminé en novembre que le juge de la cour provinciale avait erré. Le ministre de la Justice du Québec a immédiatement interjeté appel devant la Cour d'appel du Québec afin de ne rien changer à l'engagement. La Cour d'appel a déclaré que l'engagement ne pouvait pas tenir. Je me souviens que c'était avant Noël.
Voici où je veux en venir par mon survol de la question. La Commission nationale des libérations conditionnelles doit déterminer si elle peut refuser la réhabilitation si cela risque de déconsidérer l'administration de la justice. N'est-ce pas là le problème depuis le début? Certains diraient que c'est l'administration de la justice.
Le critère qui est défini par l'expression « déconsidérer l'administration de la justice » constitue une norme élevée. Ce critère pourrait ne pas être retenu en raison de ce qui s'est passé auparavant. Je crois qu'il devrait y avoir une norme moins élevée. Peut-être que le critère que j'ai suggéré heurte la conscience de la collectivité ou que, de l'opinion de la Commission des libérations conditionnelles, il serait injuste.
J'utilise ces expressions parce que, comme vous le savez, Votre Honneur, elles se retrouvent dans les paragraphes 24(1) et 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés. Le paragraphe 24(1) permet à un juge de rendre une décision au nom de la justice. Le paragraphe 24(2) a trait au fait de déconsidérer l'administration de la justice par l'utilisation d'éléments de preuve obtenus d'une manière qui constitue une infraction à la Charte.
Le projet de loi contient un passage salvateur dont certains sénateurs sont conscients : le libellé du projet de loi en anglais est « would bring the administration of justice into disrespute ».
C'est une norme tellement stricte qu'elle ne s'appliquera pas dans certains cas. Le libellé anglais dit bien « would bring the administration of justice into disrespute ».
Le juge en chef Lamer a expliqué que la version française de ce passage, soit « pourrait déconsidérer l'administration de la justice », correspond à une norme moins stricte. C'est la norme qu'il préconisait d'ailleurs lui-même dans toutes ses décisions. Cependant, certains sénateurs pourraient examiner le libellé de ce projet de loi car la même erreur a peut-être été faite ici. Nous pourrions peut-être utiliser la version française pour régler tout problème susceptible de découler du fait que la barre est placée très haut dans la version anglaise de ce passage.
Je félicite le sénateur Boisvenu de son excellent travail. Je lui demanderais cependant d'expliquer au comité pourquoi il n'a pas remplacé le mot « pardon » en anglais par ce qu'il avait proposé au départ, soit quelque chose comme « faire disparaître des dossiers ».
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Comeau, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
[Français]
Les travaux du Sénat
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je demande à ce que la motion no 59, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des Avis, à la page 26, au nom de l'honorable sénateur Fraser, soit devancée.
[Traduction]
Affaires juridiques et constitutionnelles
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable John D. Wallace : Conformément à l'avis donné le 17 juin 2010, je propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger le mardi 22 juin et le mercredi 23 juin 2010, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard.
— Honorables sénateurs, c'est la motion que je crois devoir présenter, compte tenu des observations que le sénateur Carstairs m'a adressées pendant la période des questions. J'ai été étonné de son indignation devant la possibilité que le comité siège pendant les réunions des caucus déjà prévues. Le sénateur Fraser et moi avons eu sur la question une longue discussion qui a commencé vendredi dernier pour se terminer aujourd'hui. Le sénateur Fraser, le sénateur Carignan et moi sommes membres du comité de direction et j'avais cru que nous avions une parfaite entente sur la question.
Cependant, peu importe les raisons, il semble qu'il y ait eu un changement ou que nos vis-à-vis n'approuvent pas la motion à ce moment-ci. Cependant, nous devons faire avancer les choses plutôt que de poursuivre le débat sur la motion, d'autant plus que le sénateur Fraser n'est pas ici et que, personnellement, je n'oserais jamais parler à sa place.
Le mardi 22 juin, entre midi et 13 h 30, tous les membres du comité seront disponibles pour les réunions des caucus.
Son Honneur le Président intérimaire : Quelqu'un d'autre veut-il participer au débat? Il est proposé :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger le mardi 22 juin et le mercredi 23 juin 2010, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mardi 22 juin 2010, à 14 heures.)
ANNEXE
Le patrimoine
Le financement des festivals d'été
(Réponse aux questions posées le 29 avril et le 11 mai 2010 par l'honorable Francis Fox et l'honorable Percy E. Downe)
(Voir p. 866.)
Tourism Event/Manifestation touristique
2010 Grey Cup Game and Festival
Calgary Stampede
Canada's Largest Ribfest
Carnaval de Québec
Charlottetown Festival
Cisco Ottawa Bluesfest
Crankworx
Dauphin's Countryfest
Festival de montgolfières de Gatineau
Festival des traditions du monde de Sherbrook
Festival d'été de Tremblant
Festival du Voyageur
Festival International de Jazz de Montréal
Festival juste pour rire
Festival Western de St-Tite
Festivent ville de Lévis
Fort Festival Series
Globalfest
Grand Prix de Trois-Rivières
Interior Provincial Exhibition
International de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu
International Plowing Match and Rural Expo
Luminato
Niagara Wine Festival
Norfolk County Fair and Horse Show
Old Home Week
Pacific National Exhibition
Québec City's Summer Festival
Red River Exhibition
Régates Molson Dry de Valleyfield
Rexall Edmonton Indy
Rodéo du Camion
Royal Agricultural Winter Fair
Royal Manitoba Winter Fair
Royal Nova Scotia International Tattoo
SaskTel Saskatchewan Jazz Festival
Shaw Festival
Sound of Music Festival
Stratford Shakespeare Festival
TD Canada Trust Vancouver International Jazz Festival
The Saskatoon Exhibition
Thousand Islands Playhouse
Tim Hortons Shuffle Blues & Jazz Festival
Vélirium - Festival international et championnats du Monde de velo du montagne
Whoop-up Days
Winnipeg Folk Festival
World Ski and Snowboard Festival