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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 99

Le vendredi 25 mars 2011
L'honorable Donald H. Oliver, Président intérimaire



LE SÉNAT

Le vendredi 25 mars 2011

La séance est ouverte à 9 heures, le Président intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée mondiale de sensibilisation à l'épilepsie

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, selon les dernières prévisions météorologiques, le temps sera un peu gris ce samedi, le 26 mars. Toutefois, je prévois qu'il sera plutôt pourpre.

Honorables sénateurs, en 2008, une jeune fille de la Nouvelle-Écosse nommée Cassidy Megan a instauré, avec l'aide de l'Alliance canadienne de l'épilepsie et d'autres groupes de partout dans le monde, la Journée pourpre pour l'épilepsie. Le rêve de Cassidy était de désigner une journée mondiale annuelle de sensibilisation à l'épilepsie. C'est grâce à une présentation scolaire donnée par l'association de l'épilepsie de la Nouvelle-Écosse et le directeur de son école, qui a fixé la date, que le rêve de Cassidy s'est réalisé quand on a organisé la première Journée pourpre comme initiative locale.

Depuis, cette initiative visant à soutenir les personnes qui vivent avec ce trouble neurologique dévastateur a pris de l'ampleur et s'est étendue au reste du monde. Elle a obtenu un grand appui de la part de politiciens, de célébrités, d'entreprises et d'écoles. Elle s'est répandue sur tous les continents, à l'exception de l'Antarctique. Paul Shaffer, de l'émission The Late Show with David Letterman, a appuyé la tenue de la première Journée pourpre et, l'année suivante, il était l'invité spécial lors du lancement de l'initiative aux États-Unis.

Plus de 300 000 Canadiens et 50 millions de personnes dans le monde sont actuellement atteints d'épilepsie. Porter du pourpre le 26 mars est une façon simple de sensibiliser les gens à cette maladie et de montrer notre appui aux personnes qui en souffrent.

Le projet de loi d'initiative parlementaire C-430, Loi sur la Journée pourpre, présenté par l'honorable Geoff Regan, vient de passer l'étape de la première lecture à la Chambre des communes et y a été déposé. Une fois qu'il sera adopté, ce projet de loi aidera l'Alliance canadienne de l'épilepsie à faire approuver cette date par l'Organisation mondiale de la santé et les Nations Unies. Une personne sur 100 souffre d'épilepsie. Grâce à cette initiative, ces gens, y compris Cassidy Megan, sauront qu'ils ne sont pas seuls.

L'éducation sur le sujet est impérieuse et sauvera certainement des vies. Les risques sont beaucoup moins grands lorsque les gens sont capables de reconnaître une crise d'épilepsie et savent quoi faire.

J'exhorte les sénateurs à appuyer cette très bonne cause en portant leur teinte préférée de violet samedi. De plus, ce sera un bon moyen de rendre notre monde plus lumineux, en dépit du temps.

La Colombie-Britannique

L'élevage

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, la Colombie-Britannique est connue pour sa beauté et la richesse de sa nature. Personne ne le sait mieux que ceux qui travaillent la terre.

Prenez la famille Frolek, par exemple. Depuis plus d'un siècle elle fait l'élevage de bovins de grande qualité sur des terres situées près de Kamloops dont elle a fait l'un des plus grands ranchs familiaux de la province.

L'élevage n'a jamais été une activité facile. Pour prospérer, les éleveurs doivent être créatifs et savoir s'adapter. Les Frolek ont montré leur vision et leur souplesse lorsqu'en 2008, ils se sont associés à Conservation de la nature Canada pour assurer la conservation de grandes parties de leur ranch. Ils ont alors vendu près de 1 000 hectares à l'organisme et se sont engagés à réserver 2 000 autres hectares afin de protéger de façon permanente 3 000 hectares de terres.

Pourquoi ont-ils fait cela? Ils l'ont fait parce que les ressources sur lesquelles comptent les éleveurs, soit les prairies originelles de la Colombie-Britannique, sont menacées de disparition. Ces prairies, qui se retrouvent dans une poignée de vallées fluviales fertiles, constituent moins de 1 p. 100 de l'environnement naturel de la province. Cet écosystème offre cependant un habitat crucial pour de nombreuses espèces rares et menacées. C'est un des écosystèmes les plus gravement menacés de la province en raison de la facilité avec laquelle ils peuvent être exploités. L'utilisation des prairies pour le logement, l'agriculture et l'industrie contribuent à la disparition graduelle des prairies originelles précieuses et limitées de la province. Des mauvaises herbes et des forêts envahissantes ainsi que des activités récréatives destructrices mettent aussi à mal ce précieux écosystème.

En dépit de leur faible superficie, les prairies abritent une grande diversité de plantes et d'animaux. Des dizaines d'espèces menacées ont besoin des prairies pour survivre. L'avenir de la chevêche des terriers, du blaireau, du mouflon d'Amérique et de bien d'autres espèces est menacé par la diminution de la superficie des prairies de la Colombie-Britannique.

Principal organisme de conservation du territoire au Canada, Conservation de la nature Canada a su trouver, à de nombreuses occasions, des solutions de conservation qui intègrent des utilisations du territoire compatibles. Le projet réalisé en collaboration avec la famille Frolek a permis de protéger certaines des prairies les plus intactes de la vallée de Thompson-Nicola tout en permettant la poursuite des activités d'élevage sur les terres conservées.

Ce projet a été financé en partie par le Programme de conservation des zones naturelles du gouvernement du Canada, un investissement de 225 millions de dollars visant à soutenir la conservation des terres écosensibles, d'écosystèmes diversifiés, de la faune et des habitats. Depuis 2007, le Programme de conservation des zones naturelles a permis de protéger plus de 300 000 hectares répartis sur plus de 700 propriétés au Canada. Ces terres servent d'habitat à plus d'une centaine d'espèces en péril au Canada et ont pu être acquises parce qu'on a réussi à aller chercher plus d'un dollar en terres ou en dons pour chaque dollar versé par le gouvernement.

(0910)

Le travail de Conservation de la nature Canada ne s'arrête pas à l'octroi d'un statut de protection des terres. Grâce à un programme d'intendance active et sur le terrain, l'organisme surveille la santé et l'état des prairies. Une partie du projet réalisé en collaboration avec la famille Frolek constitue désormais l'aire de conservation Lac-du-Bois et est ouverte aux activités récréatives de faible incidence telles que la randonnée pédestre, le ski de fond et l'observation d'oiseaux, de sorte que la population locale puisse profiter de la splendeur naturelle de la région.

La famille Frolek continue de faire paître son bétail sur ces terres selon un calendrier qui respecte les besoins de la conservation, utilisant modérément les prairies pour subvenir aux besoins de son entreprise et d'une importante industrie dans la région. Conservation de la nature Canada collabore avec la famille Frolek pour veiller à ce que les prairies demeurent toujours saines et vivantes.

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour respecter et honorer la vision de la famille Frolek.

La participation des femmes aux processus de paix

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour vous faire part du processus de réconciliation lancé par des femmes très courageuses et visionnaires.

Il y a plus d'un an, le Fonds d'action urgente, un fonds qui aide les femmes à se prendre en charge, a décidé de mettre en œuvre la résolution 1325 des Nations Unies. Le Canada peut être très fier de cette résolution, puisque notre ambassadeur officiel, David Angell, a travaillé d'arrache-pied et en étroite collaboration avec d'autres intervenants pour la faire adopter par l'ONU. Cette résolution demande aux femmes de participer aux processus de paix. Terry Greenbelt, Marcy Wells et Sanam Anderlini ont réuni des Kényanes du Nord, de la Côte, de la vallée du Rift et des villes pour former une coalition de femmes qui se battent pour la paix.

Lorsque je les ai rencontrées pour la première fois à l'occasion de réunions à Amman, en Jordanie, il y a un an, Mary Kakuvi, Halima Shuria, Mildred Ngesa, Joy Mbaabu et Jessica Nkuuhe éprouvaient beaucoup de douleur et de colère. Leurs proches avaient été tués ou estropiés, leurs amis avaient disparu et leurs collectivités étaient détruites.

Pendant ces réunions que j'ai animées à Amman, je me suis mise à douter que ces femmes guérissent un jour ou soient capables de collaborer. La coalition verrait-elle le jour?

En quittant Amman, elles ont décidé de mettre leurs différences de côté et de collaborer. Le 8 mars 2011, les Kényanes ont lancé un organisme appelé Udada, ce qui signifie solidarité féminine en swahili. Le but de cet organisme communautaire créé par les cinq femmes susmentionnées est de promouvoir la solidarité féminine et de maintenir une paix durable. Udada a un mandat d'aider les femmes du peuple à se prendre en charge en leur fournissant les outils nécessaires pour leur permettre de faire régner la paix dans leur foyer et leur collectivité, et surtout d'éviter toute forme de violence lors du prochain scrutin au Kenya.

C'est le président de la Commission de mise en œuvre de la Constitution, Charle Nyachae, qui était le conférencier invité au lancement de l'organisme. Il a parlé avec éloquence de la participation des femmes à l'élaboration et surtout à l'application de la Constitution kényane. Après le lancement d'Udada, nous nous sommes rencontrés pour voir comment aider la coalition à mettre en œuvre son mandat. Le haut-commissaire du Canada, David Collins, était des nôtres et a désigné Richard LeBars pour collaborer avec nous et aider les femmes à s'organiser, en prévision des prochaines élections.

Lors de la réunion, le commissaire à la Constitution a dit que celle-ci ne serait totalement mise en œuvre que si les Kenyans, et surtout ceux qui en bénéficieraient le plus, soit les femmes kenyanes, demeurent vigilants.

Honorables sénateurs, le Kenya compte 40 tribus. Malheureusement, le tribalisme est une source de conflits et de tensions parmi les Kényans. Toutefois, Udada est une organisation qui veut mettre de côté les différences qui divisent les femmes et tente de se concentrer sur les points qu'elles ont en commun ou sur les enjeux qui les unissent.

Je suis convaincue que ces cinq femmes, avec l'aide d'autres femmes, changeront la façon dont les élections se déroulent au Kenya. Je félicite Udada et admire les efforts qu'elle déploie pour mobiliser les femmes, atténuer les conflits, promouvoir les valeurs nationales et favoriser une coexistence pacifique.

Je demande aux sénateurs de se joindre à moi pour féliciter Mary, Halima, Mildred, Jessica, Joy, Terry, Marcy et Sanam, qui défendent leurs sœurs kenyanes et sont solidaires de toutes les femmes kenyanes, quelles que soient leur tribu, leur religion ou leurs croyances, dans le but d'apporter la paix au Kenyan.

Les détracteurs étrangers des politiques canadiennes

L'honorable Nicole Eaton : Bonjour, honorables sénateurs. Il fait bon d'être ici avec vous à cette heure matinale.

Je veux porter à votre attention l'ingérence constante dans les affaires du Canada de la part de tous les soi-disant groupes de réflexion qui réussissent à obtenir d'importantes subventions auprès d'intérêts privés.

La dernière salve contre nous prend la forme d'un rapport qui a été publié la semaine dernière par le Pew Environment Group, intitulé A Forest of Blue : Canada's Boreal Forest, the World's Waterkeeper. Pour ceux qui n'en ont jamais entendu parler, le groupe Pew est dirigé par la fiducie caritative Pew, une organisation créée par la famille du fondateur de la Sun Oil, Joseph N. Pew.

Ce groupe établi aux États-Unis semble avoir fait des forêts boréales canadiennes son cheval de bataille. Selon lui, nos forêts boréales son menacées à cause de l'exploitation minière et forestière, de l'hydroélectricité ainsi que de l'extraction pétrolière et gazière.

Honorables sénateurs, pourquoi un autre groupe américain grassement financé s'ingère-t-il encore une fois dans les affaires intérieures canadiennes? La liste des dossiers dans lesquels ils mettent leur nez s'allonge sans cesse : la chasse au phoque, les sables pétrolifères, les différences en matière de réglementation, même le sort des éléphants de nos jardins zoologiques y passe et, maintenant, c'est le tour des forêts boréales.

Chaque fois, cette ingérence se fonde sur des demi-vérités et une désinformation flagrante. Cela doit cesser. Les Canadiens n'ont pas besoin d'être mal avisés par des politiciens, des producteurs de films et des personnalités d'Hollywood qui cherchent l'attention des médias dans le but de se forger une réputation de sauveur de la planète.

Les Canadiens savent ce qui convient le mieux au Canada et ce sont eux qui devraient décider de la manière de gérer la chasse aux phoques, l'exploitation des sables bitumineux et la préservation des paysages vierges du pays.

Honorables sénateurs, je suis fière de la beauté de notre grand pays et des secteurs dynamiques qui ont pour moteur les richesses naturelles que nous avons la chance d'avoir au Canada. Il est grand temps que nous rappelions aux gérants d'estrades que le Canada est parfaitement capable de s'occuper de ses propres affaires en ayant recours aux meilleurs moyens disponibles et nécessaires.

Envoyons un message clair que l'ingérence ne sera pas tolérée.

[Français]

La Ville de La Tuque, au Québec

Félicitations à l'occasion de son centième anniversaire

L'honorable Lucie Pépin : Honorables sénateurs, la journée d'hier a été un grand jour pour la ville québécoise de La Tuque, située dans la division sénatoriale de Chaouinigane, que je représente. Créée le 24 mars 1911, la ville a eu 100 ans hier.

Les Latuquois et les Latuquoises comptent célébrer ce centenaire avec faste. Tout au long de l'année, plusieurs activités commémoratives et des événements rassembleurs seront organisés. Les moments forts du centenaire auront lieu lors des 13 jours de retrouvailles, du 21 juin au 3 juillet.

Cent ans et tout l'avenir devant! Tel est le slogan du centenaire. Cette devise reflète l'ambition des gens de La Tuque de faire de ce centenaire une fenêtre d'opportunités. Ces célébrations serviront à réveiller la fierté des gens de La Tuque. Elles seront également un moment unique pour mettre de l'avant le patrimoine, les richesses culturelles, ainsi que les attraits touristiques de la région.

Avec sa superficie de près de 30 000 kilomètres carrés, l'agglomération de La Tuque est favorisée par la nature. Je vous invite, honorables sénateurs, à profiter de ce centenaire pour aller à la découverte de ce royaume du plein air, un véritable paradis des amateurs de chasse et de pêche. Vous serez émerveillés par les multiples atouts de la région qui permettent de s'adonner à toutes les activités, estivales comme hivernales.

Plusieurs personnes travaillent fort depuis des années pour faire de ce centenaire une réussite éclatante. Je profite de cette tribune pour féliciter tout le comité organisateur. Mes félicitations s'adressent également à la Société historique de La Tuque et du Haut-Saint-Maurice pour la réalisation des beaux ouvrages La Tuque Un siècle d'histoire, et La Tuque Histoires de familles. Un grand bravo également à M. Yves Vachon, qui a remporté le concours de la chanson du centenaire.

Honorables sénateurs, je vous invite à venir fêter avec nous à La Tuque et à découvrir ce merveilleux coin de pays.

[Traduction]

Mme Bertha Campbell

Félicitations à la récipiendaire du prix Rosemary Davis 2011

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à une grande amie, une femme d'affaires et une bénévole qui vient de remporter le prestigieux prix Rosemary Davis 2011 de Financement agricole Canada.

Bertha Campbell, de Kensington, dans l'Île-du-Prince-Édouard, se rendra à Boston à la fin d'avril pour recevoir son prix et participer à un important colloque sur le leadership pour les femmes. Je connais Bertha depuis longtemps et je peux témoigner de sa compétence et de son engagement à titre d'agricultrice et de leader communautaire.

(0920)

Le prix Rosemary-Davis rend hommage à des femmes qui jouent un rôle de premier plan dans l'industrie agricole canadienne. Ces femmes, qui réussissent en affaires, servent aussi de modèles aux jeunes femmes qui veulent se lancer dans cette industrie, et elles mettent généreusement leur temps au service de leurs collectivités.

Bertha Campbell correspond sans aucun doute à cette description et elle mérite tout à fait cet honneur. Elle a été vice-présidente du Conseil de l'adaptation agricole et présidente du P.E.I. Agricultural Sector Council, et elle est en ce moment membre du comité consultatif environnemental du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. Récemment, elle a aussi été présidente de la P.E.I. Federation of Agriculture. En plus de travailler bénévolement auprès d'intervenants de l'industrie agricole, elle exploite la ferme familiale et s'investit dans le hockey local, le patinage artistique et les conseils scolaires.

Je félicite Bertha de ses réalisations exceptionnelles et je lui souhaite un excellent voyage à Boston. Elle est un excellent modèle, non seulement pour les femmes de l'industrie agricole, mais aussi pour toutes les personnes qui souhaitent réussir tout en s'investissant dans leur collectivité.

Les détracteurs étrangers des politiques canadiennes

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je suis tout à fait de l'avis du sénateur Eaton, qui a dit qu'il est insultant qu'un pays dise à un autre pays ce qu'il devrait faire. J'espère que tous les sénateurs tiendront compte de notre opinion sur le sujet.

[Français]

La sanction royale

Son Honneur le Président intérimaire informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 25 mars 2011

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre le 25 mars 2011 à 7 h 55.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Stephen Wallace

L'honorable
    Le Président du Sénat
        Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale le mercredi 25 mars 2011 :

Loi visant à ériger le Monument national de l'Holocauste (Projet de loi C-442, Chapitre 13, 2011)

Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (méthamphétamine et ecstasy) (Projet de loi C-475, Chapitre 14, 2011)


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le budget de 2011

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le budget de mardi prévoyait un financement de 20,9 millions de dollars pour maintenir la renonciation aux frais de renouvellement des permis de toutes les catégories d'armes à feu. Le coût opérationnel du registre des armes à feu aujourd'hui se monte à environ quatre millions de dollars annuellement.

L'Association des chefs de police de l'Ontario a publié un communiqué de presse hier dans lequel ses représentants se plaignaient de ce que le gouvernement était parvenu à trouver des millions de dollars d'une manière ou d'une autre — 20,9 millions de dollars en fait, comme je l'ai dit — pour maintenir la renonciation aux frais de renouvellement des permis, mais n'avait rien prévu pour le Fonds de recrutement de policiers, que le chef du gouvernement avait promis afin d'embaucher 2 500 nouveaux agents de police dans tout le pays. Comment cela s'explique-t-il?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Comme le sénateur le sait, le gouvernement s'est engagé depuis longtemps à abolir le registre des armes d'épaule. Nous ne pensons pas, et nous l'avons dit en maintes occasions, que les citoyens respectueux des lois devraient avoir à inscrire leurs armes dans ce registre. À propos, le sénateur cite un chiffre qui est contesté.

En ce qui concerne les remarques faites par l'association de police que le sénateur a mentionnées, je dirais que, depuis la présentation du budget, le mardi 22 mars, nous avons reçu de nombreux commentaires à cet égard, dont la plupart étaient élogieux et flatteurs. Cependant, de toute évidence, certains groupes n'aiment pas ce budget. Le sénateur a cité un de ces groupes. Dans une société libre et démocratique, c'est leur droit.

Honorables sénateurs, nous continuerons de défendre le budget que nous avons présenté, parce que c'est un bon budget. Les Canadiens lui ont accordé leur appui dans une grande majorité. J'exhorte l'opposition officielle et leurs partenaires de la coalition à l'autre endroit à entendre raison cet après-midi et à permettre au Parlement de continuer à travailler afin que nous puissions nous occuper de tous ces importants dossiers.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, madame le leader conteste le coût de 4 millions de dollars. Or, un rapport produit par la Gendarmerie royale du Canada en février 2010 le confirme.

Le fait est que les lois du pays prévoient l'existence d'un registre des armes à feu et que la loi prescrit le paiement de frais d'enregistrement. Il incombe sûrement au gouvernement soit de convaincre une majorité de députés, et peut-être aussi une majorité de sénateurs le moment venu, d'abolir ces frais, soit de respecter la loi.

Quel genre de message le gouvernement envoie-t-il aux Canadiens s'il ne respecte pas lui-même les dispositions des lois du pays? N'est-ce pas totalement insensé?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je réaffirme l'engagement du gouvernement à l'égard d'un contrôle efficace des armes à feu qui donne des résultats tout en réduisant le fardeau administratif qui pèse sur les propriétaires d'armes respectueux de la loi.

À l'heure actuelle, il est possible de retracer, au Canada, toutes les armes à feu légales au moyen du numéro de série qu'elles portent. Cela n'a pas changé et ne changera pas, bien entendu. Voilà un des mythes véhiculés à ce sujet. Pour se procurer une arme au Canada, il faut obtenir un permis de possession et d'acquisition dans le cadre d'un processus rigoureux. Dans les deux cas, les gouvernements conservateurs ont présenté de rigoureuses mesures législatives régissant le contrôle des armes à feu.

Les Canadiens comprennent très bien la position du gouvernement sur la question. Nous croyons que le vrai problème, ce sont les armes illégales introduites dans le pays et qui sont liées aux drogues et aux gangs.

(0930)

Le sénateur Cowan : Le gouvernement dont le leader fait partie est fort pour ce qui est de durcir le ton contre la criminalité, d'exiger le respect de la loi et d'imposer des peines toujours plus sévères aux contrevenants, et pourtant, le gouvernement lui-même bafoue la législation canadienne.

Les lois sont en vigueur jusqu'à ce qu'elles soient modifiées. Le Parlement s'est prononcé, une loi a été adoptée. Le gouvernement devrait avoir la responsabilité de montrer l'exemple aux Canadiens en respectant ses propres lois. S'il souhaite modifier la loi, le gouvernement devrait présenter une mesure, faire en sorte qu'elle jouisse de l'appui de la majorité des députés de la Chambre des communes et suivre les étapes habituelles. Ce n'est pas montrer un bon exemple aux Canadiens que de bafouer non seulement les dispositions législatives établies, mais aussi la volonté de la Chambre des communes, des représentants élus du peuple, et de prendre des moyens détournés de faire ce que le gouvernement n'a pas pu faire par la voie directe.

Le sénateur LeBreton : Je m'attends à ce que le registre des armes d'épaule devienne un enjeu durant les élections que la coalition cherchera sûrement à nous imposer plus tard aujourd'hui. Nous verrons bien ce que les Canadiens pensent du registre des armes d'épaule et des mesures qu'a prises notre gouvernement jusqu'à présent.

Le sénateur Cowan : Je l'espère bien.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans le livret sur la citoyenneté que le gouvernement remet aux nouveaux immigrés, il est précisé que les crimes d'honneur, la mutilation génitale des femmes et les mariages forcés sont inacceptables au Canada. Je suis heureuse que nous soulignions ainsi nos valeurs.

Quelles ressources le gouvernement affecte-t-il pour venir en aide aux femmes maltraitées au Canada?

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai affirmé à plusieurs reprises, le gouvernement a dépensé des sommes considérables, non seulement pour accueillir de nouveaux immigrants au Canada, mais également pour leur faire comprendre que nous ne tolérons pas des actes barbares comme la mutilation génitale des femmes. J'ai précisé à maintes reprises les sommes d'argent que nous investissons par l'entremise du ministère de la Justice, de Condition féminine Canada et du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien dans le dossier de la violence à l'égard des femmes.

Le bilan du gouvernement dans ce dossier est excellent. Quand nous nous présenterons devant l'électorat, comme nous serons obligés de le faire puisque la coalition appuiera cet après-midi une motion de défiance, les Canadiens auront la chance de nous dire s'ils pensent que nous en avons fait suffisamment dans le dossier.

Le sénateur Jaffer : Ma question à madame le leader était plus précisément la suivante : combien d'argent a été mis de côté aux fins précises de sensibiliser les femmes de notre pays au fait que nous n'acceptons pas, chez nous, les crimes d'honneur, les mutilations génitales des filles ou le mariage forcé? Combien d'argent exactement a-t-on prévu pour permettre aux femmes d'être renseignées sur ces points?

Le sénateur LeBreton : Je vais répéter la réponse que j'ai déjà donnée maintes fois. L'objectif de mettre un terme à la violence faite aux femmes, tant celles qui sont nées et qui ont grandi au Canada que celles qui ont émigré chez nous, est une pierre d'assise de la politique de notre gouvernement, et notamment de notre politique de lutte contre la criminalité. Nous avons presque doublé le financement de projets visant à mettre un terme à la violence faite aux femmes. Nous avons vu à ce que de nouvelles lois assurent une plus grande protection des femmes face aux violeurs et aux assassins. Nous protégeons les femmes vulnérables face à la traite des personnes. Nous avons un projet de loi sur la traite des personnes qui, malheureusement, ne sera pas adopté en raison des élections prochaines qui ne sont pas nécessaires.

Comme l'a dit madame le sénateur Jaffer dans la question qu'elle m'a adressée, nous avons publié un guide sur la citoyenneté établissant clairement que le Canada a pour principe d'assurer un traitement juste et équitable aux filles et aux femmes.

Je ne pourrai évidemment pas déposer une réponse écrite en raison des mesures prises par la coalition, à l'autre endroit, mais je me ferai un plaisir de préciser au sénateur Jaffer plus tard aujourd'hui le montant exact que nous consacrons à cette question.

La défense nationale

La mission en Afghanistan

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, dans notre prière, nous demandons « la paix et la justice dans notre pays et dans le monde ». Nous demandons d'être éclairés dans nos décisions à cet égard.

Il y a 20 ans, nous envoyions des troupes aux premières lignes, dans la première guerre du Golfe. C'est intéressant de constater que les anciens combattants de cette guerre luttent toujours, face à la bureaucratie canadienne, pour faire reconnaître les blessures subies durant ce conflit. La situation n'encourage pas les autres militaires ou leur famille à s'engager à se rendre dans des zones de guerre, sachant qu'ils devront ensuite se battre, peut-être pendant des décennies, pour pouvoir vivre décemment en tant qu'anciens combattants.

Ma question porte plus précisément sur l'opération en cours et sur ses conséquences. Il y a quelques jours, le commandant de nos forces en Afghanistan a dit sans équivoque, dans une entrevue, que nous nous étions engagés dans cette mission avec des capacités nettement insuffisantes, comme nous avons tendance à le faire chaque fois que nous nous lançons dans ces missions complexes. Il est intéressant de voir que, dans le cas de la Libye, nous avons procédé exactement comme nous l'avons fait en Corée. D'abord, nous avons envoyé quelques navires, ce qui ne présente pas un grand risque; ensuite, nous avons envoyé des avions, ce qui ne présente pas grand risque non plus. Il se pourrait bien que, comme en Corée, les Nations Unies finissent par demander l'envoi de troupes.

Le commandant en Afghanistan a dit que nous n'avons jamais été en mesure de tenir nos positions pour la simple raison que nous n'avons pas déployé suffisamment de militaires au cours des dernières années. Par conséquent, nous avons dû faire le même travail encore et encore, reconstruire chaque fois l'infrastructure et rétablir chaque fois un climat de sécurité, en subissant chaque fois des pertes. Le commandant affirme, en outre, que c'est au moment qu'il a finalement une brigade capable de faire progresser massivement cette cause que nous nous retirons.

Je ne vais pas discuter des raisons de ce retrait. Cependant, je pense qu'il est irresponsable de la part du gouvernement de s'engager dans une mission à long terme pour ensuite se retirer parce que cela paraît bien, parce que nous ne pouvons digérer ces 154 pertes de vie. En passant, ce chiffre est inexact, car il ne tient pas compte de tous ceux qui sont rentrés au pays blessés psychologiquement ni de ceux qui se sont suicidés depuis leur retour. En tenant compte de ces décès, le chiffre de 190 serait probablement plus près du compte.

Nous savons que nous nous sommes lancés dans cette mission sans avoir les ressources suffisantes. Au moment où nous arrivons finalement à maîtriser la situation grâce aux renforts fournis par les Américains, nous décidons de nous retirer. Nous nous retirons de notre mission initiale et nous lui substituons une mission de formation. Il est intéressant de noter que cette mission sera déployée non seulement dans la capitale, mais aussi partout où les Afghans auront des troupes à former, autrement dit à la grandeur du pays. Nous allons déployer 950 soldats.

Pourquoi déployer 950 soldats pour former les militaires et les agents de police afghans? Une vérification d'état-major révèle qu'un plus grand nombre de sous-officiers et d'officiers subalternes participera à cette mission qu'il n'y en a qui participent actuellement à la mission de combat et que ce sont justement l'épuisement et la perte de ces mêmes sergents et sous-officiers qui empêchent les forces armées d'intégrer de nouvelles recrues et de poursuivre la mise en valeur de nos forces armées.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis déçue d'entendre le sénateur dévaloriser de la sorte les grandes réalisations de nos Forces canadiennes en Afghanistan. Il a raison de dire que nous étions mal équipés pour nous déployer en Afghanistan. Nos militaires ne portaient même pas l'uniforme de la couleur appropriée. En outre, nous les avons déployés dans les régions les plus dangereuses de l'Afghanistan.

Cependant, même le général Petraeus, des États-Unis, a reconnu que l'intervention des Canadiens dans la région la plus dangereuse de l'Afghanistan, Kandahar, a permis d'en garder le contrôle et de la rendre relativement sûre.

(0940)

En ce qui concerne la décision, comme le sénateur le sait, en 2008, le gouvernement a établi une série d'objectifs reliés à son engagement pangouvernemental en réponse à l'excellent rapport sur l'Afghanistan du comité présidé par John Manley et notre collègue, le sénateur Wallin. Trois ans plus tard, nous sommes sur la bonne voie pour atteindre les objectifs relatifs à la province de Kandahar. La population de Kandahar pourra continuer de bénéficier de l'aide canadienne grâce à des programmes nationaux de santé, d'éducation et d'aide humanitaire.

Honorables sénateurs, en ce qui a trait à la situation actuelle, le gouvernement a indiqué clairement que la mission de combat se terminerait à l'été 2011 et que des membres des Forces canadiennes seraient déployés jusqu'en mars 2014 pour continuer la formation des forces de sécurité nationales afghanes, sans prendre part aux combats. Le ministère de la Défense nationale collabore étroitement avec le ministère des Affaires étrangères et des ONG en Afghanistan pour élaborer le meilleur plan de déploiement possible, selon l'évolution des circonstances.

Lorsque le sénateur affirme que le gouvernement a pris sa décision en raison du décès malheureux de plus de 150 hommes et femmes des Forces canadiennes, il tient des propos déplacés, en particulier pour un homme ayant son passé militaire.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, s'il y a quelqu'un ici qui est bien placé pour parler des pertes humaines et de leurs répercussions, c'est bien moi, et non le leader. Permettez-moi de le lui dire sans détour.

Le sénateur LeBreton : Je suis d'accord.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, au-delà de ce que disent les fils de presse et les journaux, je tiens à vous faire part de mes inquiétudes quant à l'utilisation de nos forces armées. Je suis inquiet de ce que je constate quant à l'efficacité de nos troupes sur le terrain lorsque je prends connaissance des analyses, que j'écoute les commandants présents là-bas et que je prends le temps de faire mes propres évaluations personnelles du dossier.

Constater que nous n'avons pas envoyé un assez grand nombre de troupes au départ n'en diminue aucunement la valeur. Au contraire, je dis que nos troupes ont fait un travail extraordinaire, mais cela ne veut pas dire que nous avons atteint le but ou rempli la mission. Nous sommes allés là-bas et nous nous sommes efforcés tant bien que mal d'atteindre notre but. Le problème des uniformes mal adaptés s'est produit en 2002. En 2006, ce problème avait été résolu. Ce fut un problème important, qui est survenu parce qu'il s'agissait d'un nouveau théâtre des opérations, après 45 années à œuvrer en Europe.

Honorables sénateurs, je reviens à ma question : pourquoi ont-ils conclu qu'il fallait 950 militaires? Quel concept de la demande ont-ils analysé pour veiller à ce que notre aide soit utile? Alors que le retrait de nos troupes est amorcé, je crois que nous devrions passer à un niveau stratégique, afin de fournir la profondeur nécessaire aux forces afghanes et d'augmenter le nombre de membres du personnel d'état-major, de commandants et d'autres dirigeants de leur armée. Je n'ai pas de problème à accepter cette réalité, car c'est ce qui a été décidé, et non pas parce que je crois que c'était la bonne voie à suivre.

Honorables sénateurs, compte tenu de ces chiffres, des répercussions et du maintien de la mission pendant encore trois ans, nous n'avons déjà pas assez de sous-officiers et d'officiers pour s'occuper des anciens combattants qui reviennent au pays et pour assurer leur réintégration au sein de nos forces armées. Plus de 12 000 recrues n'ont jamais été déployées ou n'ont jamais reçu la formation appropriée parce qu'il y a pénurie de sous-officiers et d'officiers pour assurer leur formation. Ils se tournent les pouces à la BFC Borden et à la BFC Gagetown en attendant, espérons-le, qu'un sergent se montre le bout du nez. Nous avons lancé une mission qui fait surtout appel aux services de sous-officiers et d'officiers, et l'attrition qui touche ceux qui ont déjà participé à cinq missions se poursuit.

Tous les officiers qui sont membres de mon régiment ont déjà participé à cinq missions jusqu'à maintenant. Ce sont eux qu'on renvoyait et maintenant ils doivent être réaffectés. Il faut leur donner le temps de panser leurs blessures pour qu'ils nous aident à rebâtir les Forces canadiennes.

Pourquoi a-t-on choisi ce chiffre, et quelle sorte d'analyse a-t-on réalisée? Je ne demande pas au leader de répondre à cette question. Je demande au leader de s'informer auprès des responsables qui ont offert cette option aux Canadiens.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur a tout à fait raison. Il est vrai que le sénateur Dallaire en sait plus que moi au sujet des opérations du ministère de la Défense nationale, du chef d'état-major de la Défense et des chiffres.

On en est arrivé à ces chiffres après avoir consulté des personnes qui travaillent sur le terrain pour le ministère de la Défense nationale et obtenu leurs recommandations. Évidemment, ces chiffres ont été recommandés par les responsables du ministère de la Défense nationale, qui ont évalué tous les enjeux relativement au recrutement dont a parlé le sénateur.

Le gouvernement a fait ce que font tous les bons gouvernements : il a écouté les conseils judicieux de notre personnel militaire et les a mis en pratique.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, les généraux à trois étoiles et le chef d'état-major de la Défense se réunissent régulièrement au sein du Conseil des Forces armées pour prendre des décisions qui touchent les forces armées. Au cours de ces réunions, ils reçoivent des directives et des ordres au sujet des forces armées. Ils se sont réunis à Halifax avec le ministre de la Défense nationale. Tout à coup, jeudi après-midi, le cabinet du premier ministre a annoncé le déploiement de 950 militaires chargés d'assurer la formation des forces afghanes.

Honorables sénateurs, devinez qui a été était le plus surpris par ce chiffre? Toute la bande qui était réunie à Halifax. Il n'y a pas eu de vérification d'état-major. Quelqu'un a sorti ce chiffre, qui venait de nulle part. Nous savions ce que l'OTAN demandait et elle demandait plus que ce nombre de personnes. J'ai un schéma de ce que voulait l'OTAN et nous avons fait des vérifications d'état-major. Au-delà de 600, nous ne pourrions pas maintenir la mission pendant trois ans. Rappelez-vous que ce n'est pas 950 personnes pour six mois, mais pour trois ans.

Honorables sénateurs, je vais aller plus loin. Il n'y a pas eu d'analyse. C'est une décision qui a été prise par les dirigeants du pays et les militaires se débattent encore pour savoir comment l'appliquer sur le terrain tout en limitant les répercussions sur le reste des forces.

Honorables sénateurs, à mesure que la mission de combat tirera à sa fin, nous commencerons à voir un nombre croissant de morts et de blessés. Nous verrons des victimes parmi ceux qui ont accéléré leur préparation opérationnelle. Ce rythme finira par ralentir, faute de demande, et les répercussions psychologiques de ces opérations et les conséquences pour les familles et sur la carrière des militaires commenceront à apparaître. Il est temps d'améliorer la qualité de vie, les structures de soutien pour les familles et le soutien médical pour prendre soin de la nouvelle génération d'anciens combattants afin de les intégrer au reste du personnel pour stabiliser les forces. La situation est encore plus complexe avec les unités de réserve.

Comment se fait-il que, même pendant le présent exercice — sans compter dans le récent budget, qui prévoit une diminution de 1 milliard de dollars par année —, le financement des ressources et des capacités des centres de soutien aux familles, des structures assurant une qualité de vie, des unités d'amélioration des conditions de vie pour les soldats, même si nous en avons créées cinq nouvelles, est gelé? Ces intervenants devront absorber la hausse du coût de la vie et composer avec des effectifs réduits à un moment où nous devrions accroître les moyens dont ils disposent.

Madame le leader pourrait-elle vérifier pourquoi nous visons ces cibles vulnérables, alors que nous exigerons beaucoup plus d'elles au cours des prochaines années?

Le sénateur LeBreton : D'abord, en ce qui concerne les commentaires du sénateur sur la façon dont la décision a été prise, ils sont carrément faux et complètement inexacts.

(0950)

Le sénateur doit comprendre, comme le comprendront sans doute les sénateurs d'en face qui ont pris part aux discussions du Cabinet et qui connaissent notre style de gestion, qu'il serait éminemment étonnant que le nombre de soldats envoyés en Afghanistan ait pu être déterminé sans que l'état-major des forces armées ne soit consulté.

N'ayez crainte, honorables sénateurs, le gouvernement se préoccupe du sort des soldats qui rentrent au pays grièvement blessés, que leurs blessures soient d'ordre physique ou mental. Voilà pourquoi le ministre des Anciens Combattants et le ministre de la Défense nationale ont annoncé que les services que leur offre le gouvernement seraient améliorés.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, j'étais général à trois étoiles quand le Canada s'est engagé à intervenir dans un certain nombre d'opérations. À moins que le gouvernement actuel ne soit vraiment différent de ses prédécesseurs, l'avis des militaires n'est jamais celui qui pèse le plus dans la balance, si tant est qu'on le leur demande.

Déjà, à l'époque, nous constations que certaines décisions politiques quant au nombre de militaires sur le théâtre des opérations prenaient le pas sur les concepts opérationnels. Si le premier ministre décidait qu'il envoyait 1 200 soldats, même si nos besoins étaient de 1 600, s'il décidait qu'il y en aurait 1 200, nous devions nous organiser. En ma qualité de commandant adjoint de l'armée, je me suis retrouvé deux fois dans cette situation. Il n'y avait aucune logique. On se faisait dire : « Nous préférons ne pas en envoyer 1 600, mais 1 200, parce que la pilule sera plus facile à avaler ainsi ». C'est encore comme ça aujourd'hui. C'est encore à cause du même type d'ordre venu des plus hautes instances qu'on parle de 950 soldats.

Il est essentiel de créer cinq nouvelles unités de soutien conjointes, je ne dis pas le contraire. C'est même très utile. J'aimerais cependant que madame le leader se reporte aux chiffres pour l'exercice en cours, qui se termine la semaine prochaine, ainsi qu'aux prévisions pour le prochain exercice. Elle verra bien que, même si de nouvelles unités ont été créées, les fonds consacrés aux soins médicaux et au soutien aux familles ont diminué, je dirais même radicalement. Je l'invite à lire les chiffres.

Si les soldats blessés qui rentreront bientôt au pays s'aperçoivent que les services dont eux et les membres de leur famille ont besoin pour les aider à réintégrer la collectivité et continuer à servir leur pays ont diminué, nous allons les perdre. Et si nous perdons cet investissement, ce sera la pire décision jamais prise pour économiser quelques dollars. L'expérience de ces gens vaut une fortune, une fortune à laquelle nous ne pouvons pas nous permettre de renoncer. Nous devrions au contraire mettre à profit les leçons que nous avons tirées des opérations des dernières années.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne discuterai pas des décisions prises par le passé, lorsque notre collègue était un général à trois étoiles. Je répète que les Forces canadiennes et le ministère de la Défense nationale ont fait de grands progrès dans le traitement des soldats blessés. Aujourd'hui, les Forces canadiennes comptent plus de 378 professionnels de la santé mentale à temps plein et elles déploient de grands efforts pour en embaucher davantage.

En outre, les Forces canadiennes et le ministère des Anciens Combattants travaillent de concert pour que le personnel militaire actuel et les anciens combattants reçoivent des soins sans interruption. Les deux ministères sont maintenant liés, ce qui permet d'assurer une continuité dans les soins. Nous avons annoncé que nous établirions 24 centres intégrés de soutien au personnel pour que le personnel militaire, les anciens combattants et leurs familles puissent recevoir tous les services au même endroit. Nous avons créé le programme Une tradition de soins à l'intention des militaires gravement blessés et de leurs familles et nous avons prévu 52,5 millions de dollars sur cinq ans pour offrir un soutien additionnel. Nous avons également annoncé 140 millions de dollars pour créer le Système d'information de santé des Forces canadiennes, qui permettra aux professionnels de la santé de partager l'information en toute sécurité et de coordonner les soins.

Honorables sénateurs, il est clair que le gouvernement souhaite continuer sur sa lancée, mais nous avons déjà beaucoup amélioré les services que nous fournissons aux anciens combattants et aux soldats qui servent ou ont servi le Canada avec tant de courage.

L'Industrie

Les médicaments utilisés à des fins humanitaires internationales

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, le projet de loi C-393, qui est une mesure législative cruciale pour l'envoi de médicaments contre le VIH-sida aux enfants des pays africains, nous est arrivé trop tard pour être débattu et amendé. Beaucoup de sénateurs des deux côtés, y compris moi, souhaitaient appuyer ce projet de loi, d'autant plus que le premier ministre a fait preuve d'un grand leadership dans le domaine de la santé de la mère et de l'enfant.

Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Que pouvons-nous faire ici pour que le projet de loi C-393 soit rétabli, convenablement étudié et adopté le plus rapidement possible afin de pouvoir sauver la vie des enfants des pays visés?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois que le sénateur pose sa première question depuis son entrée au Sénat.

Une voix : Et une bonne question.

Des voix : Bravo!

Le sénateur LeBreton : En effet, honorables sénateurs, le sénateur Meredith a posé une excellente question. De toute évidence, certains sénateurs des deux côtés appuient l'esprit du projet de loi C-393, comme l'appuyaient des députés des deux côtés de la Chambre. Le projet de loi a passé plus d'un an à la Chambre de communes avant de nous être envoyé. Comme nous l'avons déjà affirmé, le gouvernement n'est pas disposé à l'appuyer.

Honorables sénateurs, comme je l'ai indiqué à plusieurs de mes collègues lorsque nous avons été saisis de la mesure, nous voulions et espérions qu'il fasse l'objet d'un débat approfondi au Sénat et qu'il soit par la suite renvoyé à un comité pour entendre des arguments des deux côtés de la question. Comme les députés à la Chambre des communes, les sénateurs pouvaient voter librement sur la mesure.

Malheureusement, honorables sénateurs, tout projet que nous avions de débattre la mesure en profondeur tombera à l'eau cet après-midi lorsque la coalition de l'opposition à l'autre endroit renversera le gouvernement, puisque tous les projets de loi mourront au Feuilleton.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Meredith de sa question. Je l'ai trouvée excellente et je l'en remercie.

Cependant, comme nous le savons tous, nous ne pouvons anticiper sur l'étude d'une question à l'ordre du jour; en l'occurrence, le projet de loi C-393 est inscrit à l'ordre du jour. C'est à l'article 22(4) du Règlement du Sénat que figure cette règle.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Report du vote

L'honorable Bob Runciman propose que le projet de loi C-54, Loi modifiant le Code criminel (infractions d'ordre sexuel à l'égard d'enfants), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai parlé en détail du projet de loi C-54 il y a quelques jours; je ne me répéterai pas.

Je sais que les sénateurs des deux côtés préféreraient que la mesure fasse l'objet d'audiences approfondies au comité avant son adoption à l'étape de la troisième lecture. Je partage leur avis. Cependant, comme le savent tous les honorables sénateurs, nous sommes pressés à cause de la décision de la coalition de l'opposition de renverser le gouvernement plus tard dans la journée et de provoquer des élections futiles. Compte tenu des circonstances, je crois comprendre qu'on a proposé, hier, la tenue d'une audience accélérée, solution qui, loin d'être parfaite, aurait néanmoins été utile, compte tenu des circonstances dans lesquelles nous place la coalition de l'opposition.

Honorables sénateurs, malgré toute préoccupation que nous pourrions avoir relativement au processus suivi, nous ne pouvons perdre de vue l'importance du projet de loi C-54.

(1000)

Ce projet de loi offre des mesures de protection pour les enfants qui sont ou pourraient être victimes de crimes sexuels. Il a bénéficié de l'appui des quatre partis à l'autre endroit.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons, en toute conscience, laisser ce projet de loi mourir au Feuilleton.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, c'est avec grand regret que je prends la parole dans le cadre de l'étude du projet de loi C-54 à l'étape de la troisième lecture. Ce regret tient uniquement au fait qu'il est nettement prématuré de débattre de ce projet de loi à l'étape de la troisième lecture.

Le Sénat n'a reçu le projet de loi C-54 que le lundi 21 mars. Deux jours plus tard, conformément à nos règles et pratiques, nous avons entendu le parrain du projet de loi, le sénateur Runciman, qui a proposé que celui-ci soit lu pour la deuxième fois. Hier, nous avons entendu notre porte-parole, le sénateur Campbell, qui a soulevé un certain nombre de préoccupations dont il aurait souhaité pouvoir débattre et discuter au comité.

Après l'intervention du sénateur Campbell, nous nous attendions à ce que ce projet de loi soit lu pour la deuxième fois et renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude. Encore une fois, cela aurait été conforme à notre Règlement et à nos pratiques.

En fait, mercredi, quand le sénateur Fraser a posé une question au sénateur Runciman concernant certains détails du projet de loi, le sénateur Runciman a répondu ceci :

C'est une question intéressante et je suis certain que nous l'approfondirons au comité.

Hier, après le discours du sénateur Campbell, nous avons effectivement terminé l'étape de la deuxième lecture par un vote unanime. Malheureusement, à ce moment-là, le leader adjoint du gouvernement au Sénat, le sénateur Comeau, a présenté une motion proposant que nous passions immédiatement à la troisième lecture. Cela n'est pas conforme à notre Règlement et à nos usages. La motion du sénateur Comeau signifie qu'il n'y aura pas d'étude au comité, malgré ce qu'en disait le sénateur Runciman, qui s'attendait à ce qu'il y en ait une. Il n'y aura donc aucune possibilité d'étudier la question du sénateur Fraser au comité ou d'examiner les importantes questions soulevées par le sénateur Campbell.

Pour la première fois, selon mon expérience, un gouvernement a profité de sa majorité au Sénat pour passer outre à une étape fondamentale du processus législatif. Honnêtement, personne ici ne sera surpris de voir que l'étape qu'on a choisi d'éliminer est celle qui permet aux parlementaires de prendre connaissance de l'opinion des Canadiens, c'est-à-dire l'étape du comité.

Ce qui s'est produit est une preuve de l'attitude non démocratique du gouvernement relativement aux travaux parlementaires. Le gouvernement agit comme s'il savait déjà de quoi les Canadiens ont besoin et n'avait pas de temps à perdre à les écouter.

Il est arrivé, par le passé, lorsqu'un projet de loi avait un caractère très urgent, que le Sénat accepte de raccourcir le délai avant la prochaine lecture et, parfois, de supprimer l'étape normale de l'étude en comité, ou de la remplacer par une étude sommaire en comité plénier, mais cela ne peut se faire qu'avec le consentement unanime. Par le passé, cela ne s'est fait qu'après que le gouvernement eut convaincu tout le monde, ou du moins la plupart des sénateurs, de l'urgence de la situation et de la nécessité de traiter rapidement le projet de loi et d'écourter le processus législatif normal.

À ma connaissance, jamais le gouvernement n'a usé de sa majorité au Sénat d'une façon aussi inconsidérée pour éliminer l'étape normale de l'étude en comité, malgré les objections des sénateurs de l'opposition.

Toutefois, il convient peut-être de dire que le gouvernement adopte ainsi de nouvelles manières parce que, à l'autre endroit, au moment où l'on se parle — et nous avons entendu du bruit il y a quelques minutes qui nous donne une idée de ce qui s'y passe — le gouvernement a été, pour la première fois de l'histoire parlementaire canadienne, trouvé coupable d'outrage au Parlement.

Ce qui se passe aujourd'hui est toute une réussite pour un gouvernement qui avait promis aux Canadiens qu'il instaurerait la transparence, l'ouverture et le respect au Parlement. À défaut d'ouverture, de transparence et de respect, il y a introduit le mépris.

À l'autre endroit, des députés élus lui ont demandé des documents. Le gouvernement Harper a refusé de les leur donner. Au Sénat, nous avons demandé que des témoins puissent comparaître pour présenter leur point de vue au sujet de ce projet de loi d'initiative ministérielle, ce qui a été refusé par les partisans du gouvernement même qui avait présenté la mesure législative.

Honorables sénateurs, nous sommes membres du Sénat du Canada. Nous sommes fiers de notre statut de Chambre du second examen objectif. C'est pourquoi la décision de refuser d'entendre le témoignage de Canadiens ordinaires avant d'adopter des lois qui s'appliqueront à eux, dans l'ensemble du pays, est l'antithèse du rôle qui nous est confié en vertu de la Constitution. Les Canadiens ont le droit de donner leur avis à ceux qui les gouvernent. C'est pourquoi l'étape du comité est si importante dans le cadre de nos travaux.

Je suis consterné à l'idée que nombreux sont les sénateurs d'en face qui, à une époque ou à une autre de leur carrière, ont été des membres estimés du « cinquième pouvoir » qui n'hésitaient pas à rappeler le gouvernement à l'ordre pour toute une gamme de ratés réels ou perçus. Cependant, lorsqu'il est question du droit fondamental des Canadiens de donner leur avis sur les lois adoptées par ceux qui les dirigent, ils restent silencieux et suivent docilement la ligne de parti.

Honorables sénateurs, y a-t-il une seule façon de justifier ce que le gouvernement fait aujourd'hui? Sommes-nous en présence d'une situation d'urgence?

Je voudrais bien intervenir au stade de la troisième lecture du projet de loi C-54, mais je ne suis pas vraiment en mesure de parler des détails ou des qualités de cette mesure législative, car aucun de nos comités n'a procédé à l'étude appropriée ou formulé de recommandations. Il n'y a aucun témoignage que je pourrais examiner. Il faudrait normalement être en situation d'urgence pour qu'on s'attende à ce que nous prenions la parole dans de telles circonstances.

Y a-t-il urgence? Le gouvernement Harper a-t-il dit aux Canadiens que le projet de loi C-54 était prioritaire? Prenons un instant pour examiner le cheminement législatif de ce projet de loi.

Le projet de loi C-54 a été présenté à l'autre endroit le 4 novembre 2010. A-t-il été étudié en priorité? A-t-il été adopté à toute allure dans l'autre endroit? Pour répondre à cette question, il suffit de faire le bilan des mesures législatives qui nous ont été soumises par l'autre endroit depuis novembre.

En fait, 11 autres projets de loi ministériels sont arrivés au Sénat depuis que le projet de loi C-54 a été présenté à la Chambre des communes. Ces 11 autres projets de loi ont eu la priorité sur le projet de loi C-54, qui a pour but de protéger les enfants contre les prédateurs sexuels.

Parmi les 11 projets de loi figurait le projet de loi C-61, qui a été présenté dans l'autre endroit le 3 mars, a franchi l'étape de la troisième lecture le 10 mars, puis est arrivé ici. Ce projet de loi s'intitule « Loi prévoyant la prise de mesures restrictives à l'égard des biens de dirigeants et anciens dirigeants d'États étrangers et de ceux des membres de leur famille ». Le gouvernement a fait adopter à toute vapeur, aux Communes, un projet de loi portant sur les biens des dirigeants étrangers, tandis qu'il a mis en attente son projet de loi sur les prédateurs sexuels. L'étude du projet de loi C-54 a été interrompue à l'étape du rapport, alors que le gouvernement Harper veillait à ce que le Sénat reçoive à temps le projet de loi concernant les biens des dirigeants étrangers, pour pouvoir l'adopter avant un éventuel vote de confiance sur le budget.

Le projet de loi C-54 n'a pas eu le même traitement prioritaire. Il est arrivé au Sénat il y a seulement quelques jours, plus précisément lundi, la veille de la présentation, par le gouvernement, d'un budget tellement régressif et déconnecté de la réalité qu'il était pratiquement certain que tous les partis de l'opposition s'y opposeraient, aux Communes, ce qui entraînerait la dissolution du Parlement.

Tout à coup, le gouvernement affirme que le projet de loi C-54 est tellement prioritaire que celui-ci doit recevoir la sanction royale aujourd'hui, même si pas un seul Canadien ne pourrait ainsi nous faire entendre son point de vue. Aujourd'hui, rien n'importe plus que ce projet de loi. Quelle hypocrisie!

Rappelons-nous, honorables sénateurs, que c'est le gouvernement qui est maître de l'ordre du jour dans l'autre endroit et qui décide quels projets de loi seront débattus et dans quel ordre.

Honorables sénateurs, nous ne devrions pas sacrifier la réputation que nous avons d'étudier soigneusement les projets de loi simplement parce que le gouvernement n'est pas capable de bien gérer ses affaires dans l'autre endroit.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, j'aimerais prononcer un discours sur le projet de loi C-54, à l'étape de la troisième lecture, comme nous y avons droit normalement et comme je l'ai fait sur un autre projet de loi lié au domaine de la justice cette semaine, le projet de loi C-59. J'ai eu l'occasion alors de lire le témoignage de personnes entendues par notre comité. Ce fut ma manière d'alimenter le débat et de donner de la matière à réflexion au Sénat. Toutefois, je ne peux pas évaluer de la même façon la valeur du projet de loi dont nous sommes saisis et je ne peux pas faire un discours semblable, car il n'y a pas de compte rendu des travaux du comité ni de recommandations dont je puisse tenir compte. Pour émettre un jugement éclairé à l'étape de la troisième lecture, nous avons tous besoin des renseignements que l'étape de l'examen en comité peut nous fournir.

(1010)

Motion d'amendement

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude et rapport.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne répondrai pas à toutes les observations faites par les sénateurs d'en face, mais je tiens à dire à quel point je suis reconnaissant du travail que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a accompli au cours des derniers mois. Nous avons demandé à ses membres de mettre les bouchées doubles. Ces derniers ont travaillé de très nombreuses heures, et les sénateurs des deux côtés ont fait plus que leur simple devoir. D'après ce que j'entends dire, du moins de mon côté, le comité fonctionne très bien.

Je dois également souligner le travail inestimable de la présidente du comité. J'ai eu le plaisir de travailler avec madame le sénateur Fraser lorsqu'elle était leader adjointe de l'opposition et j'ai toujours trouvé qu'elle faisait preuve d'un très grand professionnalisme. Jamais je n'ai eu l'impression qu'elle ne travaillait pas dans l'intérêt des Canadiens. Je me permets de déclarer publiquement ce que je lui ai déjà dit en privé : j'ai toujours aimé la manière dont elle s'acquitte de ses fonctions.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Comeau : Je ne veux pas que le vice-président pense que je ne le suis pas également reconnaissant de son travail. Le vice-président, qui siège depuis relativement peu de temps au Sénat, a accepté des charges très importantes et il s'en acquitte d'une façon qui est tout à fait digne du Sénat. Je lui en suis aussi reconnaissant.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Comeau : Je passerai au dilemme dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui. Le sénateur Cowan a mentionné le Règlement. Il a tout à fait raison, nous avons discuté de ce projet de loi hier. J'ai demandé aux sénateurs d'en face si nous pouvions le renvoyer au comité. Nous avons pris conscience que cela imposerait un fardeau supplémentaire à celui-ci, étant donné la grande quantité de travail qu'il a eu à abattre dernièrement. Nous savions cela, mais nous l'avons accepté. Nous étions prêts à ajouter au fardeau et à donner une dernière chance au projet de loi. À mon avis, compte tenu du travail que le comité a accompli jusqu'ici, nul doute que celui-ci s'en serait tiré avec brio.

Toutefois, nous avons été confrontés à une situation qui, aux termes du Règlement, ne permettait pas au comité de siéger hier. Il fallait que le comité puisse siéger hier et aujourd'hui et, pour ce faire, nous avions besoin d'un mandat du Sénat. Il nous fallait le consentement unanime de cette enceinte. Nous l'avons demandé afin de permettre au comité de siéger hier et aujourd'hui et d'étudier ce projet de loi. Nous aurions fait l'impossible pour permettre aux témoins de se présenter. Nous aurions pris toutes les mesures nécessaires. Étant donné l'importance du projet de loi, nous étions prêts à faire tout notre possible au comité. Hier matin, la réponse a été non. J'ai fait une autre tentative hier après-midi, mais la réponse est restée la même.

Hier après-midi, j'ai mentionné que si la coalition réussissait à défaire le gouvernement au moyen de la motion d'outrage, ce projet de loi mourrait au Feuilleton.

De ce côté-ci, nous avons déployé un dernier effort pour essayer de le faire adopter. Même si cela n'avait pas fonctionné, au moins, nous aurions pu le renvoyer au comité. Nous avons eu toute la journée hier et nous avions toute la journée aujourd'hui, jusqu'à 16 heures. Les deux fois, nous avons essuyé un refus catégorique.

Le leader de l'opposition nous a pratiquement dit que nous faisions une entorse au Règlement. Ce n'est pas le cas. Nous avons demandé le consentement unanime, mais selon le Règlement, nous ne pouvions pas demander que le comité se réunisse.

Honorables sénateurs, je veux aussi souligner autre chose. Le sénateur Cowan a mentionné que le gouvernement n'a pas renvoyé ce projet de loi au Sénat plus tôt. Je crois que dans ce cas, le sénateur Cowan joue sur les mots. Il a omis de dire qu'à l'autre endroit, à la Chambre des communes, il y a un gouvernement minoritaire qui doit affronter une coalition. À l'autre endroit, le gouvernement est en situation minoritaire et il doit affronter la coalition composée du Parti libéral, du NPD et du Bloc québécois. Il n'est pas maître de tout ce qui se passe à la Chambre. La majorité à l'autre endroit peut entraver la progression des projets de loi tout au long du processus législatif. Il est évident que si le gouvernement avait été majoritaire, les 11 projets de loi dont le sénateur Cowan a fait mention auraient été renvoyés au Sénat beaucoup plus rapidement. Toutefois, la coalition, qui bénéficie d'une bonne force de frappe, ne lui a pas permis de le faire. Elle l'en a en pratiquement empêché. Ce projet de loi aurait pu être renvoyé ici bien avant.

Je ne puis résister à la tentation d'aborder la question, étant donné que le sénateur Cowan a fait allusion à la motion d'outrage proposée à l'autre endroit. Cette motion a été adoptée par un tribunal bidon. Il suffit de regarder les chiffres pour constater qui détient la majorité au comité. Écoutez les enregistrements et lisez certains des commentaires, rapportés dans les médias, qu'a faits un dénommé Pat Martin, qui voulait pendre certains d'entre nous à l'arbre le plus proche. Voilà ce qui se passait concernant cette motion d'outrage. C'était un véritable tribunal bidon.

Je reviens à mon propos. Nous avons fait une offre. Nous avons fait tout notre possible pour que l'étape de l'étude en comité suive son cours normal. Notre offre a été refusée. L'opposition s'est retranchée derrière le Règlement du Sénat, ce qui aurait bel et bien torpillé le projet de loi. Elle aurait alors déclaré, comme le sénateur Cowan l'a dit tout à l'heure, que le gouvernement ne sait pas gérer ses affaires.

Aujourd'hui, à l'étape de la troisième lecture, nous donnons au projet de loi une bonne chance de devenir une loi du pays. C'est tout ce que nous faisons, et nous le faisons dans l'intérêt des enfants du Canada, pour les protéger contre les prédateurs sexuels.

(1020)

Honorables sénateurs, j'appuie le projet de loi. J'espère que nos vis-à-vis feront ce qu'il convient de faire, soit adopter maintenant le projet de loi et faire échouer la tentative du sénateur Cowan de le renvoyer encore une fois à un comité. Le comité ne se réunirait qu'après les élections, ce qui veut dire qu'il n'y aurait ni comité ni audiences. Le sénateur sait très bien ce qu'il fait. Renvoyer le projet de loi au comité aurait pour effet de le torpiller.

Nous rejetterons cet amendement. Nous continuerons d'encourager nos vis-à-vis à ne pas renvoyer le projet de loi à un comité, ce qui aurait pour effet de le torpiller, mais plutôt à en débattre aujourd'hui.

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Comeau accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Comeau : Oui.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'ai cru entendre le sénateur Comeau dire hier qu'il souhaitait que le Sénat renvoie le projet de loi C-54 au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. C'est ce que j'ai cru l'entendre dire. Je pense qu'il a dit avoir eu des discussions avec les chefs des partis de l'opposition. Je pense aussi qu'il a dit qu'il aurait eu besoin du consentement unanime, mais que ce ne serait pas possible. Cependant, comme je n'ai entendu personne demander le consentement unanime du Sénat hier, le sénateur devait faire allusion à des conversations qui avaient été menées en privé.

Pourrait-on éclairer le Sénat? Il m'a semblé que ce qui s'est passé hier était inhabituel. Le Sénat devrait savoir et comprendre ce qui est arrivé. Personnellement, j'aimerais bien qu'on m'explique tout cela.

Le sénateur Comeau : Il faudrait que je consulte le compte rendu d'hier pour savoir ce qui s'est passé au juste au Sénat — si j'ai demandé le consentement unanime ou non. Toutefois, je peux dire qu'hier matin, j'ai demandé à l'autre côté s'il accepterait, avec le consentement unanime du Sénat, que le comité soit autorisé à siéger. La réponse fut non. C'était hier matin.

De nouveau, hier après-midi, au cours de la sonnerie d'appel pour le vote concernant le renvoi du projet de loi à l'étape de la troisième lecture aujourd'hui, j'ai appelé l'autre côté pour lui demander s'il envisagerait la possibilité de renvoyer ce projet de loi au comité avant le vote et d'éviter de l'examiner à l'étape de la troisième lecture. Encore une fois, la réponse a été non. Toutefois, il faudrait que je relise le compte rendu juste avant le vote pour déterminer si nous avons prononcé les mots « consentement unanime » ou non. Je ne m'en souviens plus.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, j'aimerais qu'on me dise clairement si l'opposition a bel et bien dit qu'elle s'opposait au renvoi du projet de loi au comité hier. Je crois comprendre que le sénateur Comeau dit que c'était le cas. Je crois comprendre qu'il dit que, s'il n'avait pas proposé que le projet de loi passe à l'étape de la troisième lecture hier, celui-ci aurait été rayé du Feuilleton. Je crois comprendre que le sénateur dit qu'il a été obligé d'agir ainsi parce que les chefs des partis de l'opposition n'avaient pas accepté de renvoyer le projet de loi au comité.

Honorables sénateurs, j'attache de l'importance à ce point, et pas uniquement du point de vue de la procédure. Il en est ainsi parce que je suis un sénateur indépendant qui s'intéresse beaucoup à certaines de ces questions. J'ai toujours l'impression désagréable que les partis reconnus et leurs leaders font comme si les sénateurs indépendants n'existaient pas. C'est pénible. Il me semble que si une question aussi importante faisait l'objet de discussions entre les leaders du gouvernement et ceux de l'opposition, quelqu'un aurait dû communiquer avec les sénateurs indépendants pour obtenir leur point de vue. J'ai bien des opinions sur cette question. Comme je l'ai déjà dit, je répète constamment aux sénateurs que, s'ils veulent mon appui, ils doivent me parler. J'espère que le message est clair.

Je me demande si le sénateur Comeau pourrait être plus clair, parce que je crois savoir qu'il a dit que le projet de loi aurait pu être envoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles hier, ou même au comité plénier.

Le sénateur Comeau : Permettez-moi d'être aussi clair que possible. Hier, notre intention était de demander au Sénat d'envoyer le projet de loi au comité. Telle était notre intention. Toutefois, envoyer le projet de loi au comité alors que celui-ci n'avait pas le droit de siéger ni hier ni aujourd'hui aurait eu pour effet de faire mourir la mesure au Feuilleton si des élections sont déclenchées, et on croit que ce sera le cas.

Encore une fois, si le projet de loi est renvoyé au comité, il va mourir. La proposition que nous avons formulée hier visait à demander à l'opposition d'accorder au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le pouvoir de siéger.

Puis-je avoir encore cinq minutes?

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, accordez-vous une prolongation de cinq minutes?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Comeau : En fait, nous demandions le consentement unanime afin de permettre au comité de se réunir. Autrement dit, le comité aurait le droit de se réunir. Le consentement unanime était nécessaire à cette fin. Je ne l'ai pas obtenu. Si l'opposition avait donné son accord, notre côté aurait accepté. J'aurais immédiatement, comme je le fais presque toujours — ou le plus souvent possible — communiqué avec le sénateur Cools, le sénateur Murray, le sénateur McCoy et le sénateur Rivest, et je leur aurais demandé s'ils étaient d'accord.

Il n'y avait pas lieu de communiquer avec les sénateurs s'il n'y avait pas d'entente. Les appels aux bureaux des sénateurs auraient été inutiles, puisqu'on m'avait déjà dit non. Nous n'en sommes jamais arrivés à ce point. Cela dit, si les deux côtés avaient été d'accord pour se réunir hier ou aujourd'hui, en comité plénier ou peut-être dans un autre comité, il va de soi que j'aurais téléphoné aux bureaux des sénateurs pour leur demander s'ils étaient d'accord avec la tenue d'une telle réunion, comme je le fais habituellement. En général, je communique avec eux.

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, je tiens à revenir sur certains commentaires formulés par mon collègue, le sénateur Comeau, afin de les remettre en contexte.

C'est vrai que mon collègue et moi nous rencontrons tous les matins pour discuter des affaires du Sénat. C'est vrai que le sénateur Comeau a dit qu'il serait bien que nous étudiions le projet de loi C-54, qui nous a été renvoyé lundi, qui était à l'ordre du jour pour la première fois mercredi et dont notre porte-parole en la matière, le sénateur Campbell, a parlé hier.

Quand il en a été question, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles étudiait le projet de loi C-475. Au cours des trois dernières semaines, ce dernier a consacré un nombre considérable d'heures à l'étude de cinq projets de loi du gouvernement. Ses membres ont fait des heures supplémentaires et ils ont entendu 70 témoins afin que les sénateurs puissent se faire une idée des mesures législatives dont ils sont saisis.

En ce qui concerne le projet de loi C-475, on a d'abord cru que certaines difficultés y seraient associées. Il a notamment été question qu'il faille proposer un amendement pour être en mesure de pouvoir le présenter, à cause des liens avec un autre projet de loi, ce qui risquait de causer des complications.

(1030)

Quand j'ai rencontré le sénateur Comeau, hier à 10 heures, j'ai cru que le projet de loi C-475 monopoliserait le débat toute la journée. Je n'avais aucune idée que tout serait terminé quand nous sommes arrivés à 13 h 30, et quand le sénateur Comeau m'a posé la question, je lui ai répondu que le comité était déjà en train d'étudier un autre projet de loi. Les membres du comité ont fait des heures supplémentaires. Je lui ai dit que ce ne serait pas une bonne idée, que nous n'aurions pas le temps d'étudier le projet de loi C-54.

Il faut se rappeler qu'il était non seulement question de renvoyer ce projet de loi au comité, mais de l'y renvoyer et de le faire revenir ici à 11 heures ce matin. Il était impossible que le comité puisse en faire consciencieusement l'étude alors qu'il était déjà en train d'en étudier un autre. À 16 h 30 hier, le sénateur Comeau m'a demandé si j'étais disposée à le retourner au Sénat ce matin à 11 heures s'il était renvoyé au comité, car le Sénat était prêt à attendre jusque-là. Il était 16 h 30, et la sonnerie retentissait.

Nous devons prendre au sérieux notre fonction de sénateur. Nous ne pouvons pas simplement approuver sans discussion un projet de loi qui nous est envoyé. Le projet de loi doit être étudié convenablement. L'article 17 de la Loi constitutionnelle de 1867 énonce nos responsabilités et dit que nous devons faire des recommandations fondées, puis approuver la mesure législative. Pour faire des recommandations fondées, nous devons entendre des témoins experts et l'opinion de Canadiens concernés.

Honorables sénateurs, nous devons faire notre devoir, tel que le prévoit la Constitution. Comme le sénateur Cowan l'a dit, le gouvernement n'a pas mis ce projet de loi sur sa liste de priorités. Il ne peut pas simplement dire soudainement qu'il veut le projet de loi. Il ne peut pas dire : « Il nous faut ce projet de loi immédiatement. Laissez tomber l'étude en comité. »

C'est dans ce contexte, honorables sénateurs, que nous avons dit que c'était impossible.

Le sénateur Banks : Puis-je faire une vérification procédurale? Sommes-nous en train de débattre la motion d'amendement du sénateur Cowan?

Une voix : Oui.

Le sénateur Banks : Merci.

L'honorable Joan Fraser : Avant de commencer, j'aimerais remercier le sénateur Comeau des gentilles remarques qu'il a faites il y a un instant.

Le sénateur Comeau : C'était sincère.

Le sénateur Fraser : Je me souviens de l'époque où nous étions homologues et je l'ai toujours, moi aussi, trouvé très professionnel et direct. J'ai toujours apprécié ces qualités.

Pour faire suite à ses commentaires, j'aimerais rendre hommage aux membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Ils ont toujours été un fleuron du Sénat, mais encore plus ce mois-ci.

Honorables sénateurs, si vous avez quelques heures libres un jour, venez voir comment ils travaillent. Nous pouvons en être fiers.

Lundi, nous avons eu une séance marathon. Nous avons commencé à 10 heures et terminé à 21 heures. Un bon nombre de citoyens et d'autres témoins ont écouté nos délibérations du début à la fin, en partie parce qu'ils s'intéressaient au projet de loi que nous étudiions, mais en partie, comme plusieurs me l'ont dit expressément, parce qu'ils trouvaient que le débat était relevé. L'un d'eux, qui a comparu devant un grand nombre de comités parlementaires, à l'autre endroit et ici, a dit : « C'est la meilleure journée que j'ai passée sur la Colline depuis des années. » C'est en raison du travail des membres du comité. Je les remercie donc tous sincèrement.

Je veux apporter mon soutien à la motion du sénateur Cowan, pas parce qu'il s'agit d'une motion comme il y en a souvent, pas parce que c'est une motion de renvoi, puisque ce n'est pas le cas. Il s'agit d'une motion qui demande que nous fassions ce que nous sommes censés faire.

Hier, j'ai dit que le comité aurait de nombreuses questions à examiner lors de l'étude du projet de loi. Il compte 30 articles et apporte de nombreuses modifications au Code criminel du Canada. Je tiens à affirmer clairement que je ne suggère pas du tout que nous tentions, de quelque façon que ce soit, d'amoindrir la protection offerte à nos enfants contre les prédateurs sexuels. Personne ici ne souhaite cela. S'il y a un groupe que les législateurs doivent surveiller de près, c'est bien celui des individus qui s'en prennent à nos enfants. Nous le savons tous et nous voulons tous être vigilants.

Nous avons aussi appris qu'il n'existe pas de modifications simples lorsqu'il s'agit du Code criminel. Nous avions pensé que le projet de loi sur la méthamphétamine et l'ecstasy serait simple, mais beaucoup de questions se sont finalement posées.

Permettez-moi de vous donner des exemples d'éléments que le comité devrait étudier pour faire un examen approprié du projet de loi. Tout d'abord, le projet de loi prévoit une longue série de nouvelles peines minimales obligatoires et il n'y a que six ans que nous avons adopté la dernière série de peines minimales obligatoires dans le cas des infractions de nature sexuelle. Nous aurions voulu que l'on nous dise quels ont été les effets vérifiables de ces peines. Est-ce qu'elles constituent un instrument utile pour dissuader les prédateurs sexuels?

En deuxième lieu, puisque toutes ces nouvelles peines minimales obligatoires sont de moins de deux ans, ce qui signifie qu'elles seraient purgées dans des prisons provinciales, quels en seraient les effets sur les provinces?

L'argent ne doit pas être un facteur déterminant dans nos décisions en matière de justice, mais les ressources des provinces, comme celles du gouvernement fédéral, ne sont pas infinies. Chaque dollar dépensé dans les établissements pénitentiaires est un dollar qui ne peut pas servir aux programmes de réadaptation.

Est-ce que les provinces estiment qu'une augmentation radicale du nombre de peines minimales obligatoires est le meilleur moyen de s'attaquer au fléau que constituent les crimes de nature sexuelle? Ce sont elles qui vont devoir composer avec les conséquences du projet de loi.

Il y a d'autres questions. Ce projet de loi, tel qu'il l'a été expliqué par le sénateur Runciman, crée plusieurs nouvelles infractions. L'une d'entre elles est le fait de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite. Je crois que tout le monde peut convenir que cela devrait être une infraction. Toutefois, c'est dans les détails qu'il pourrait y avoir des problèmes. Par exemple, aucune exemption de proximité d'âge ne s'applique à cette nouvelle infraction. En vertu de cette exemption, il n'y aurait pas d'infraction s'il s'agit de deux jeunes qui ont à peu près le même âge.

Il y a des exemptions de proximité d'âge pour un grand nombre d'infractions d'ordre sexuel dans le Code criminel. Incidemment, comme je l'ai indiqué dans ma question au sénateur Runciman l'autre jour, nous aurions aimé que des experts nous disent quels articles du projet de loi sont couverts par l'exemption de proximité d'âge. Toutefois, il est clair que le fait de rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite n'est pas couvert par cette exemption.

Nous avons tous entendu parler du « sexting », qui est un phénomène relativement nouveau. Si un jeune de 18 ans envoie un message de nature sexuelle à sa petite amie de 16 ans, il s'expose à une peine d'emprisonnement minimale obligatoire en vertu du projet de loi. Cette peine est obligatoire, et elle n'est pas à la discrétion du juge.

Un autre aspect qui me perturbe — il ne me perturbe pas vraiment, mais il m'intrigue — est que, par le passé, on parlait de communication de matériel sexuellement explicite par ordinateur pour désigner cette infraction dans le Code criminel. Maintenant, nous ne parlons plus d'ordinateur, mais plutôt de moyen de télécommunication.

Je suppose que l'expression « moyen de télécommunication » a été utilisée pour inclure Internet au cas où le terme « ordinateur » ne semblait pas l'inclure. Les autres moyens permettant de transmettre du matériel sexuellement explicite aux enfants sont-ils exclus, intentionnellement ou non?

(1040)

Si un individu envoyait par la poste un CD par exemple, ce type de communication serait-il aussi couvert? Je ne sais pas. Il ne s'agit pas de télécommunication, selon moi. Peut-être est-ce couvert cependant. Peut-être qu'il y a des articles du Code criminel, qui fait cela d'épaisseur, qui couvrent cette question particulière, mais je l'ignore. J'aimerais avoir l'avis d'avocats et d'informaticiens sur ce point précis.

On peut se poser la même question en ce qui concerne la nouvelle infraction qui est créée dans ce projet de loi. Elle a à voir avec le leurre, ce qui signifie s'entendre avec une personne ou prendre des arrangements avec elle pour perpétrer une infraction d'ordre sexuel contre un enfant. Encore une fois, et pour dire les choses clairement, le leurre est un crime abject. Nous ne voulons pas qu'un tel acte se produise et s'il se produit, nous voulons que son auteur soit puni. Quoi qu'il en soit, ce projet de loi dans sa version actuelle fera-t-il ce que nous voulons tous qu'il fasse? Je n'en suis pas certaine.

Il y a un autre point que j'aimerais soulever relativement à l'infraction dont j'ai parlé un peu plus tôt, à savoir rendre accessible à un enfant du matériel sexuellement explicite : c'est une infraction qui est créée à l'article 13 du projet de loi. Aux articles 22 et 23 du projet de loi, il est dit que les délinquants qui commettent cet acte sont susceptibles de voir leur ADN inclus dans la banque de données génétiques et leur nom ajouté au registre des délinquants sexuels.

Dans la plupart des cas, c'est probablement une bonne chose, mais qu'en est-il du cas dont j'ai parlé plus tôt, de l'adolescent qui envoie des « sextos » à sa petite amie? Cet adolescent devrait-il craindre de voir son ADN conservé à jamais dans une banque de données de la police? Le nom de cet adolescent devrait-il être inscrit à jamais dans le registre des délinquants sexuels? Il s'agit de questions graves, qui ont de vraies répercussions sur la vie de vrais citoyens au Canada. Seule une étude adéquate en comité permettrait de leur trouver une solution.

Je voudrais soulever un autre point, qui renvoie encore une fois à une des questions que j'ai posées au sénateur Runciman l'autre jour. En cas d'agression sexuelle, si la victime a moins de 16 ans, la nouvelle peine minimale obligatoire est d'un an si le délinquant est poursuivi par mise en accusation et de 90 jours s'il s'agit d'une procédure sommaire.

Honorables sénateurs, je rappelle que l'expression « agression sexuelle » englobe un très grand nombre de comportements, dont certains sont odieux. Ils nous viennent instinctivement à l'esprit lorsque nous entendons cette expression. Par contre, ce n'est pas le cas pour tous les comportements, comme par exemple voler un baiser lorsque la personne est soûle à un party de finissants, ou toucher quelqu'un de façon inappropriée. Ces comportements sont déplacés, mais un garçon ou une jeune fille de 17 ou 18 ans devrait-il aller en prison pour de tels écarts de conduite? Il me semble qu'il faut étudier ces questions.

Malgré mes efforts et ceux de mes vaillants employés, je n'ai pu examiner tous les renvois et les changements contenus dans le projet de loi, parce que cette mesure est complexe. Par exemple, une disposition semble s'appliquer à la violation de la vie privée. Je n'ai pu saisir la portée de cette disposition, mais nous savons tous que la protection de la vie privée est quelque chose d'important. Il y a ensuite deux pages du projet de loi qui renferment le genre de changements dont j'ai parlé hier. En vertu de ce genre de modifications, si un autre projet de loi est adopté ou entre en vigueur avant celui-ci, il doit faire l'objet d'amendements. À l'inverse, si le projet de loi entre en vigueur avant une autre mesure, c'est cette dernière qui doit être modifiée. Or, le projet de loi renferme deux pages de dispositions semblables. Je n'ai pas eu le temps de vérifier tous les renvois dans ces dispositions.

Il est évident qu'une étude appropriée permettrait au comité d'entendre le ministre et les représentants de divers ministères, notamment le ministère de la Justice, le ministère responsable des Services correctionnels et probablement le ministère de la Santé. Nous savons que ces personnes seraient disponibles si nous les pressentions, parce qu'elles répondent aux moindres désirs du gouvernement. Ce n'est pas le cas de tous. Il faudrait aussi entendre les gouvernements provinciaux, les avocats de la Couronne, le Service des poursuites pénales, Statistique Canada, des spécialistes sur les délinquants sexuels et les victimes — ce groupe inclut tant les travailleurs sociaux que les chercheurs dans les universités. Il faudrait entendre les jeunes. Il faudrait aussi entendre les peuples autochtones, parce que, malheureusement, nous savons que ce problème a des ramifications particulières pour un grand nombre d'Autochtones. Comme je l'ai dit, il faudrait également entendre des experts en informatique.

Honorables sénateurs, ces personnes ne peuvent pas tout laisser de côté, sauter dans un avion et s'amener à Ottawa à temps pour témoigner, disons avant minuit hier soir, afin de permettre au comité de déposer son rapport à 11 heures ce matin. Selon moi, agir de cette façon et prétendre avoir fait mener une étude appropriée du projet de loi par le comité aurait été encore pire que de ne pas avoir d'étude du tout. À mon avis, le projet de loi est une mesure importante. Dans bien des cas, cela vaut probablement la peine de tenter d'atteindre l'objectif qu'il vise.

Permettez-moi de faire une parenthèse. Les peines minimales obligatoires soulèvent des questions. Toutes les peines minimales obligatoires soulèvent des questions. Je suis d'avis, dans certains cas, que c'est probablement une bonne chose d'imposer des peines minimales obligatoires, notamment dans le cas de nouvelles infractions. Toutefois, il nous aurait été absolument impossible de terminer une telle étude avant 11 heures ce matin. Nous pourrions mener une telle étude si le projet de loi était renvoyé au comité. Les travaux effectués ce mois-ci par le comité donnent à croire que ses membres peuvent faire du travail sérieux dans un délai remarquablement court. Cela dit, ils ne peuvent pas faire l'impossible.

Certains ont laissé entendre qu'étant donné que le gouvernement va tomber aujourd'hui, cette question n'est plus pertinente. Je ne suis pas certaine que nous sachions ce qui va se passer. Nous ne le saurons pas avant le résultat du vote. Nous avons tous vécu des surprises dans le passé.

Puis-je avoir cinq minutes supplémentaires?

Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Fraser : Même si le gouvernement est défait, lorsque nous étudions des projets de loi qui traitent de questions aussi importantes, il faut absolument que nous sachions ce que nous faisons.

Ce n'est pas comme si les prédateurs sexuels n'étaient pas déjà ciblés dans le Code criminel. Ils le sont de façon détaillée et ils sont visés par des dispositions très sévères. Ce n'est pas comme si nous disions que les agresseurs d'enfants peuvent se promener en toute liberté. Non. Nous nous demandons seulement s'il y a lieu de rajuster la façon dont nous les traitons. La seule façon de le savoir, c'est d'écouter les gens qui comprennent les vastes ramifications de ce problème.

Honorables sénateurs, c'est pour cette raison que j'appuie la motion du sénateur Cowan.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je vais me rendre impopulaire en traitant de la motion du sénateur Cowan. Je m'excuse, d'emblée, d'avoir la témérité de dire les choses que je vais dire. Je suis conscient de ce que je vais faire et je m'en excuse à l'avance. J'espère que je n'aurai pas l'air agressif ou moralisateur. Ces opinions sont uniquement les miennes et celles de personne d'autre.

Je pense que non seulement ce n'est pas sage, mais que c'est une mauvaise chose que de mener nos travaux en anticipant un événement qui est pour le moins incertain. En fait, je prends les paris et je vous dis qu'il n'y aura pas d'élections. Pour employer une expression courante, l'opposition ne peut pas déclencher des élections. L'opposition n'a pas ce pouvoir. C'est le premier ministre qui le détient. L'opposition a le droit de renverser le gouvernement, mais je vous prédis que cela ne se produira pas aujourd'hui. Et même si cela se devait se produire, nous ne devons pas nous laisser guider, dans cette enceinte, par nos suppositions quant à ce qui pourrait se produire, que ce soit imminent ou non.

(1050)

Comme le sénateur Fraser l'a souligné, nous ne pouvons pas discuter en connaissance de cause du fond du projet de loi qui nous est soumis parce que nous n'en savons rien. Nous avons reçu le projet de loi cette semaine et nous n'en savons encore rien.

Je ne sais pas si les sénateurs ont eu la chance d'examiner le projet de loi, mais il est compliqué, comme madame le sénateur Fraser l'a indiqué. Je partage entièrement son appréciation lorsqu'elle dit que, pour les raisons qu'elle a données, il est impossible qu'un comité puisse arriver à terminer l'étude du projet de loi, comme c'est notre responsabilité de le faire. Même le comité auquel le sénateur Comeau a adressé des félicitations bien méritées ne pourrait pas y arriver. Notre devoir consiste à étudier les projets de loi rigoureusement. C'est la raison d'être du Sénat et c'est ce que nous sommes censés faire. Pour reprendre les mots de John A. Macdonald, nous sommes la Chambre du second examen objectif, et un tel examen est impossible dans le délai qu'on nous accorde.

Nous sommes mal placés pour parler du projet de loi parce que nous n'en savons rien, et c'est justement là que le bât blesse. C'est la proposition du sénateur Comeau de procéder à la troisième lecture du projet de loi aujourd'hui qui pose problème.

Je siège au Sénat depuis seulement 11 ans, alors j'ai demandé à tous les gens que je connais et qui y siègent depuis plus longtemps que moi de me dire s'ils avaient déjà eu connaissance d'une chose pareille par le passé.

Le sénateur Cools : Vous ne me l'avez pas demandé.

Le sénateur Banks : Si.

Une voix : Demandez-le-lui.

Le sénateur Banks : J'ai posé la question au sénateur Cools, au sénateur Murray et à des gens qui ne sont plus ici. Tout le monde m'a répondu que, à l'exception des projets de loi non controversés, où les deux camps donnent leur accord, peu importe quel parti est au pouvoir, aucun projet de loi substantiel n'a jamais franchi l'étape de la troisième lecture sans avoir d'abord fait l'objet d'audiences d'un comité.

Plus d'une fois, le sénateur Comeau a affirmé, avec raison, que les travaux des comités constituaient la tâche la plus importante des sénateurs, du moins qu'ils figuraient parmi les tâches plus importantes. Le gros du travail d'examen minutieux se fait pendant les séances des comités.

Le sénateur Comeau a déclaré aujourd'hui que le comité devrait se contenter de faire son possible dans les circonstances. Voilà qui me rappelle une vieille blague au sujet de l'équivalent canadien des expressions « aussi américain que la tarte aux pommes » et « aussi britannique que le flegme ». La réponse est « aussi canadien que possible compte tenu des circonstances ».

« Autant que possible compte tenu des circonstances » n'est pas suffisant lorsqu'il s'agit d'étudier un projet de loi de 30 articles modifiant le Code criminel de diverses façons, comme le sénateur Fraser l'a décrit. Le mieux que nous pouvons faire compte tenu des circonstances ne suffit pas. Nous ne devrions jamais adopter un projet de loi simplement passable.

Je vais maintenant m'aventurer en terrain dangereux. Je m'excuse donc de ma témérité, honorables sénateurs. Je m'adresse à tous les sénateurs, mais surtout à ceux d'en face.

Certains sénateurs d'en face donnent l'impression, à voir la façon dont ils se comportent, que les projets de loi du gouvernement dont nous sommes saisis — pas les projets de loi de la Chambre des communes, mais bien les projets de loi du gouvernement — sont gravés sur des tablettes de marbre et qu'ils nous arrivent tout droit du sommet d'une montagne, qu'ils sont inviolables, parfaits, qu'ils ne doivent pas être étudiés en profondeur ou remis en question ou pire encore, Dieu nous en garde, amendés. Ce n'est pas le cas, honorables sénateurs. Nous en avons eu quelques exemples au cours des dernières semaines. Ainsi, il y a eu le projet de loi S-11, ainsi que les mesures législatives qui ont été mentionnées par le sénateur Fraser aujourd'hui. Les projets de loi du gouvernement ne sont pas parfaits. Il n'en tient qu'à nous. Le juge Willard Estey a déclaré, devant un comité sénatorial, que nous avions le devoir d'examiner ces textes à la loupe et de les améliorer s'ils n'étaient pas parfaits. C'est ce que nous avons fait. Du moins, c'est ce que nous avions l'habitude de faire.

Ce que je veux dire, honorables sénateurs, c'est que ce qu'il faut retenir à notre sujet, c'est qu'ils ne peuvent se défaire de nous. Ils ne peuvent nous mettre à la porte du Sénat. Vous n'avez pas à acquiescer à tout ce qu'on vous dit à l'autre endroit. Je ne suis au courant d'aucune conséquence potentielle.

Le sénateur Cools : Je pourrais vous donner bien des exemples de conséquences, sénateur Banks.

Le sénateur Banks : Madame le sénateur Cools aura l'occasion de nous régaler de sa prose sur la question une autre fois.

Cependant, je puis affirmer que, selon mon expérience personnelle, il n'y a aucune conséquence à craindre. J'ai souvent fait ce dont je suis en train de parler.

Je me suis donné du mal, honorables sénateurs, pour être en mesure de vous dire aujourd'hui que, entre les années 2000 et 2006, cet endroit a apporté 197 amendements à des projets de loi du gouvernement. Pendant pratiquement toute cette période, il y avait une écrasante majorité libérale à l'autre endroit et une écrasante majorité libérale au Sénat. Nous avons tout de même apporté 197 amendements à des projets de loi du gouvernement et nous les avons renvoyés à l'autre endroit.

Cela ne leur a pas plu, mais nous occupons toujours nos banquettes dans cette enceinte. J'ai conservé le même bureau et je fais encore des voyages à Washington à l'occasion.

Le sénateur Cools : On ne m'a jamais donné le bureau qu'on m'avait promis il y a 20 ans.

Le sénateur Banks : Le sénateur Cools nous régalera plus tard de ses anecdotes savoureuses. Le sénateur Cools est toujours l'exception à la règle.

Le sénateur Cools : Je suis toujours l'exception.

Le sénateur Banks : C'est un fait indéniable, honorables sénateurs. Nous avons proposé 197 amendements.

Quelques semaines après mon arrivée ici, le projet de loi sur la clarté a été présenté. J'étais naïf et je ne savais pas de quoi je parlais, mais je pensais le savoir, et j'ai élaboré un amendement. Le projet de loi sur la clarté était le projet de loi chouchou du premier ministre Chrétien, et c'est une chance qu'il l'ait élaboré. À toutes fins utiles, il a été rédigé par Stéphane Dion.

Le sénateur Cools : J'ai voté contre.

Le sénateur Banks : Je sais que le sénateur Cools a voté contre, tout comme moi, d'ailleurs.

Je disais donc que j'avais élaboré un amendement au projet de loi sur la clarté. Les députés étaient outrés. Comment osais-je? Comme je ne savais pas ce que je faisais et que j'avais compris qu'ils ne pouvaient me chasser d'ici, j'ai proposé un amendement, qui a été rejeté par 17 voix, ce qui veut dire que plusieurs libéraux avaient voté en faveur de celui-ci. Tous les conservateurs avaient voté en faveur de l'amendement, tout comme le sénateur Cools.

Mon amendement n'ayant pas été adopté, il ne fait pas partie des 197 amendements que nous avons apportés aux projets de loi d'initiative ministérielle durant cette période. Je n'ai subi aucune conséquence. J'ai été critiqué, mais je n'ai pas été réprimandé. Je n'ai pas perdu mon bureau ni mon siège aux comités auxquels je siégeais. J'avais compris que c'était la raison pour laquelle nous sommes ici. Nous sommes ici pour corriger les erreurs.

(1100)

Nous sommes le service de contrôle de la qualité du Parlement. Nous sommes ici pour réparer, pour polir, pour veiller à ce que les projets de loi que nous adoptons font ce qu'ils sont censés faire, atteignent les objectifs visés et n'aient aucune conséquence imprévue. C'est notre travail, et j'espère que nous l'effectuerons tous.

Pour ce faire, il faut, comme l'a si bien dit le sénateur Fraser, qu'un comité étudie la mesure, mais il n'en aura pas le temps d'ici à ce qui risque fort de se passer cet après-midi.

Cependant, nous ne devrions pas nous laisser influencer par les circonstances. Le projet de loi devrait être soumis à l'examen d'un comité, et je vous promets que ce comité siégera mardi prochain.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je ne comptais pas intervenir sur la motion, mais, après avoir entendu les interventions de mes collègues de ce côté-ci, j'en ressens maintenant le besoin.

Comme le savent certains sénateurs, lorsque je suis arrivée au Sénat, j'appartenais au NPD. J'ai donc siégé à titre de sénateur indépendant pendant de nombreuses années jusqu'à ce que je décide de me joindre aux libéraux.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dyck : Je suis vice-présidente du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones depuis un peu plus d'un an. Le sénateur Banks a présenté le projet de loi S-11, qui a été envoyé au Comité des peuples autochtones. Ce projet de loi illustre très bien le bon fonctionnement du processus législatif. Il a été soumis à l'examen du Comité des peuples autochtones. C'est un projet de loi ministériel, présenté au Sénat, et nous en avons entamé l'examen, si je ne m'abuse, la première semaine de février. Nous l'avons étudié pendant cinq ou six semaines. Nous avons entendu des témoins de l'ensemble du pays. Nous avons accueilli des dirigeants d'organisations autochtones nationales et régionales et des membres de l'Association du Barreau autochtone du Canada. Nous avons accueilli des représentants de l'Institut sur la gouvernance. Nous avons entendu des témoins autochtones et non autochtones, qui nous ont tous dit que le projet de loi ne valait rien, qu'il devrait être retiré et qu'il fallait le retravailler, que le gouvernement avait agi trop vite. L'idée derrière le projet de loi était bonne, parce que les Premières nations méritent d'avoir accès à de l'eau potable; cependant, le projet de loi ferait plus de mal que de bien.

Finalement, au cours des deux dernières semaines, les sénateurs des deux côtés ont collaboré au comité et nous avons convenu que le ministre allait reprendre le projet de loi. Le ministre demanderait au ministère de travailler en collaboration avec les dirigeants des Premières nations pour améliorer le projet de loi et nous avons présenté des propositions d'amendements. Nous avons vu ceux proposés par le gouvernement et ceux proposés par le sénateur Banks, le sénateur Dallaire et le sénateur Sibbeston, qui étaient tous excellents. Nous avons dit que nous en ferions part au ministre.

Ce processus a fonctionné à merveille. Cela montre que, pour faire notre travail, nous devons suivre le processus instauré, et, dans ce cas, cela a montré qu'un projet de loi ministériel avait sérieusement besoin d'être remanié. À la fin du processus, il était clair pour le ministre et les ministères concernés qu'ils devaient prendre du recul et revoir le projet de loi. C'est ce qu'ils font en ce moment.

C'est pareil dans le cas présent. Nous n'avons pas eu l'occasion d'étudier le projet de loi. Je sais que le projet de loi est passé par le même processus à la Chambre des communes, mais nous n'avons pas eu l'occasion de l'étudier. S'il y a une chose que j'ai apprise en six ans — cela fera six ans au mois d'avril que certains d'entre nous ont été nommés —, c'est qu'au Sénat, nous avons de grands esprits, des deux côtés. Nous avons une grande diversité. Nous ne pouvons pas nous contenter de rester assis sans rien dire et de permettre à ce projet de loi de faire son chemin, sans le soumettre à un second examen objectif.

Des voix : Bravo!

[Français]

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir la chance de participer à ce débat.

[Traduction]

Le débat d'aujourd'hui porte essentiellement sur deux choses. Il y a, bien sûr, le fond de ce projet de loi, qui a probablement été mal conçu et élaboré précipitamment et qui est fondé sur l'idéologie plutôt que sur un raisonnement scientifique permettant de dresser la liste des mesures que nous devrions prendre pour réduire la criminalité et mieux protéger les Canadiens.

Malheureusement, nous ne pourrons pas aller au fond des choses, parce que nous n'aurons pas l'occasion d'étudier le projet de loi au comité. Cette situation soulève toutefois une autre question — et loin de moi l'idée de vouloir diminuer l'importance du problème que ce projet de loi tente de régler — plus vaste et importante concernant les libertés, la sécurité, la qualité essentielle de notre système démocratique et l'importance de mener une réflexion et de défendre et préserver les institutions essentielles au maintien et à la défense des libertés qui devraient et auraient dû nous permettre d'avoir au comité ce débat dont nous serons privés.

Bien sûr, je parle du rôle que jouent notre assemblée, l'autre endroit, le pouvoir judiciaire et les institutions moins officielles — comme les caucus et les partis politiques, par exemple — dans notre processus parlementaire. Ce sont les piliers fondamentaux des libertés dont nous jouissons au Canada et le gouvernement en parle abondamment, parfois — et c'est malheureux —, sur un ton chauviniste.

Récemment, le premier ministre a fait une déclaration passionnée pour annoncer que nous allions envoyer des troupes, de l'équipement, du matériel et des avions en Libye pour défendre la liberté. Bien sûr, son discours était inspirant et il a trouvé un vaste écho. Je suis certain que son discours était tout à fait sincère et qu'il savait très bien à quel point ces questions nous tiennent à cœur.

Il me semble néanmoins que, par leur comportement, le premier ministre et son gouvernement montrent qu'ils ne comprennent pas qu'il faut défendre nos institutions, y compris le Sénat, justement parce qu'elles jouent un rôle essentiel dans le maintien et la défense des libertés que ces pilotes et autres militaires déployés en Libye et en Afghanistan défendent en notre nom.

Les gens tiennent totalement pour acquises les institutions gouvernementales telles que notre Parlement et notre magistrature. Je ne crois pas que ce soit une coïncidence si nous avons été témoins, il y a environ 30 ans, de la multiplication des attaques souvent irrationnelles de la part de la droite à l'endroit du gouvernement, des politiciens et de tout ce qui touche la raison d'être du gouvernement et le travail qu'effectue une institution comme le Sénat.

Je me souviens d'avoir participé à un débat au début des années 1990 ou à la fin des années 1980 avec John Williams, qui, plus tard, est devenu député. Il était alors candidat à l'investiture de son parti. Il se tenait juste à côté de moi et critiquait les politiciens. Je me suis tourné vers lui et lui ai demandé : « Que croyez-vous être, John? Vous êtes un politicien. Pourquoi vous rabaisser ainsi? »

Pourquoi nous rabaisser et pourquoi rabaisser ces belles institutions si extraordinaires, si merveilleuses et si remarquables?

On nous confie un projet de loi le lundi avec l'attente que nous l'adopterons en quatre jours. Ensuite, on nous critique si nous prenons du recul et déclarons qu'il nous faut plus que deux heures ou qu'une heure et demie pour étudier et adopter un projet de loi de cette nature qui, comme l'a mentionné le sénateur Fraser, revêt une grande importance pour la vie de nombreux jeunes, car ceux-ci risquent de commettre une erreur qui pourrait être mal interprétée en raison de la sévérité des mesures instaurées par ce projet de loi. Lorsque nous demandons juste un peu de temps pour étudier le projet de loi, on nous accuse d'être déraisonnables. La grande question, en l'occurrence, est de savoir ce qui est raisonnable pour ces institutions.

(1110)

Ce que le gouvernement nous pousse à faire aujourd'hui découle vraiment d'un long processus qui, consciemment ou peut-être même inconsciemment, de façon plus pernicieuse encore, compromet les institutions mêmes qui protègent, défendent et soutiennent, entre autres, les symboles de notre liberté et les libertés pour lesquelles des Canadiens risquent leur vie dans le monde entier.

Honorables sénateurs, l'un des vrais problèmes auxquels on est confronté lorsqu'on songe à instaurer la démocratie en Irak, en Afghanistan et en Libye, c'est que ces pays ne disposent pas d'institutions ou de structures démocratiques, ni sur le plan pratique ni sur le plan théorique. Il n'y a rien qui soutient les aspirations des gens de ces pays. Ils doivent bâtir la liberté et la démocratie à partir de moins que rien.

Honorables sénateurs, nos institutions, même si elles ne génèrent pas grand-chose, sont à l'image de la démocratie. Elles sont garantes de nos libertés et tout ce que nous faisons doit servir à protéger et à enrichir ces institutions.

Honorables sénateurs, certains signes nous montrent que ces institutions sont minées et qu'on les attaque. Je me permets d'en mentionner quelques-uns. L'un des signes que je trouve fort pernicieux, c'est la charge contre les juges et leur interprétation de la loi. Il s'agit d'une attaque cynique et injustifiée, venant de l'extrême droite, qui met à mal le meilleur système judiciaire du monde. Le monde entier envie notre système et le respecte, car il se fonde sur l'équité, la justice, l'égalité, la liberté et la primauté du droit. Or, le premier ministre et le gouvernement dénigrent et ridiculisent constamment les juges et leur interprétation de la loi, ce qui, fondamentalement, porte atteinte à nos institutions et à nos libertés.

Mentionnons aussi le fait que Mme Oda, une ministre de la Couronne, a induit le Parlement en erreur. Je ne peux pas employer le mot qui s'applique en l'occurrence, car je sais que je l'ai employé à tort l'autre jour, et je m'en excuse. La ministre Oda a consciemment et à plusieurs reprises induit le Parlement en erreur, ce qu'elle a d'ailleurs admis.

Honorables sénateurs, quels sont les effets de tout cela sur la qualité et l'intégrité de cette institution, et sur la perception qu'en ont les Canadiens et le monde entier? Lorsque les gens constatent que les personnes qui occupent des postes importants et qui exercent l'autorité minent cette institution, ils se disent que son rôle n'est pas aussi important qu'il devrait l'être si nous voulons défendre nos libertés, la justice et la primauté du droit qu'incarne Parlement.

Je me souviens du guide de 200 pages que le gouvernement avait rédigé dans le seul but d'entraver les travaux des comités de la Chambre des communes. Le mot est fort et certains pensent peut-être que je suis trop émotif, mais ces endroits sont des « lieux sacrés » de la liberté et de la démocratie. Le cynisme, les manœuvres politiques et la manipulation qui caractérisaient ce guide montrent qu'au lieu d'avoir un gouvernement qui travaille dans un endroit qu'il devrait défendre, bâtir et soutenir, nous avons un gouvernement qui déteste son lieu de travail. Nous avons un gouvernement qui souhaite diminuer sensiblement l'importance et l'influence du Parlement, et qui est en train d'y parvenir.

Honorables sénateurs, regardez ce qui se passe aux comités de la Chambre des communes, où les ministres n'ont pas le droit de répondre aux questions. Ils doivent laisser un chien de garde répondre à la majorité des questions. La notion de responsabilité est essentielle afin de préserver la liberté, le pouvoir et l'intégrité de ces institutions, mais le gouvernement interdit à la plupart des ministres de répondre aux questions et de rendre des comptes aux Canadiens. C'est un affront à ces merveilleuses institutions qui a pour effet de les diminuer et de les miner. En même temps qu'il se comporte de la sorte, le gouvernement demande à nos forces armées d'aller à l'autre bout du monde et de se battre pour les libertés qu'il laisse s'éroder ici au pays.

Honorables sénateurs, regardez ce qui se passe au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. J'ai été critiqué pour avoir été impoli envers le ministre qui est venu témoigner cette semaine. Ma réaction initiale a été la suivante : et alors? Quelle différence cela peut-il bien faire? En fait, je n'ai pas été impoli envers le ministre. Je n'étais pas d'accord avec lui. J'ai laissé transparaître cette divergence de vues dans des questions. N'est-ce pas là un élément important d'un débat raisonnable? Comment le fait qu'un sénateur soit impoli envers un ministre peut-il être interprété comme une critique implicite de ce que nous faisons? En fait, posons des questions aux ministres et n'hésitons pas à diverger d'opinion avec eux, et j'espère que les membres et la présidence du comité ne jugeront pas que le fait d'être impoli envers un ministre constitue, sous quelque forme que ce soit, une critique implicite de ce que nous faisons. Et alors? Parfait! Faites ce que vous avez à faire.

Poser une question qui sous-entend un désaccord ou une critique des décisions prises par le ministre n'est pas un manque de respect à l'endroit de ce dernier. Honorables sénateurs, le fait de poser des questions difficiles à un ministre témoigne plutôt d'un respect implicite, du respect de son intelligence, de ses motifs et de son désir de faire de son mieux, et peut-être aussi d'un respect implicite pour l'institution que les sénateurs doivent protéger, développer et préserver chaque fois qu'ils prennent la parole ici. Nous avons un rôle à jouer et, si les sénateurs doutent de sa crédibilité, ils minent leur propre raison d'être ici.

Cette institution a une crédibilité constitutionnelle intrinsèque et fondamentale, ainsi qu'un rôle et une responsabilité à assumer. Rappelez-vous, honorables sénateurs, qu'il y a beaucoup de gens qui sont nommés par le gouvernement et qui donnent des conseils à des membres très hauts placés du gouvernement. M. Carson est l'un d'entre eux. Nous aussi, nous donnons des conseils au gouvernement et nous sommes nommés, mais la différence, c'est que nous donnons nos conseils publiquement.

Honorables sénateurs, je veux mentionner comment on a nui à la capacité du Comité de la défense de faire son travail. J'étais très heureux d'être membre de ce comité, mais je ne le suis plus. Honorables sénateurs, quand le comité s'est rendu à Washington, j'ai tenté de demander à des responsables de la sécurité ce qu'ils pensaient de l'idée d'acheter du pétrole extrait des sables pétrolifères plutôt que du pétrole de l'Arabie saoudite afin de pouvoir mieux défendre et protéger les États-Unis. Je pensais que c'était une question raisonnable de la part d'un sénateur albertain qui tentait de défendre l'importante industrie des sables pétrolifères de sa province. J'ai posé cette question dans le cadre de discussions avec des responsables de la sécurité des États-Unis, qui seraient avantagés par une telle transaction. On m'a laissé poser cette question une seule fois.

Lors de réunion suivante et de plusieurs autres qui ont suivi, j'ai tenté de poser la question de nouveau, mais la présidente du comité m'a interrompu. Elle a dit que ma question était inappropriée. Je jure que c'est ce qu'elle a dit.

Le sénateur Cordy : C'est honteux!

Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai quand même posé la question parce que je ne peux pas imaginer pourquoi il serait inapproprié pour un sénateur de l'Alberta de demander, dans le cadre d'une réunion sur la sécurité, à l'un de ses meilleurs voisins et alliés d'acheter du pétrole de sa province pour des raisons de sécurité.

Le sénateur Dallaire : Vous parliez de pétrole éthique.

Le sénateur Mitchell : Oui, honorables sénateurs, c'est de cela que nous parlions, mais la présidente m'a interrompu. Cela montre ce qui se passe sous ce régime. On observe une érosion lente et subtile, et parfois pas si subtile, de ces institutions. Il y a des conséquences, à savoir que ces institutions ne peuvent plus avoir la crédibilité nécessaire pour inspirer les Canadiens et d'autres et pour défendre, soutenir et maintenir des valeurs qui leur sont chères, comme la liberté.

Honorables sénateurs, le sénateur Comeau a affirmé, sur un ton cavalier, que nous disposions de suffisamment de temps et que nous adopterions le projet de loi en quatre heures. Le ministre fédéral responsable nous a écrit pour nous blâmer d'avoir retardé le projet de loi C-55 pendant quatre jours. Or, le gouvernement, lui, a mis sept mois pour l'étudier. Il a eu cinq ans pour le présenter. Pendant ce temps, le gouvernement aurait pu faire une grande partie de ce que ce projet de loi prévoit.

Lorsque le sénateur Comeau fait de telles affirmations, il attaque directement nos merveilleuses et remarquables institutions, qui sont enviées et admirées dans le monde entier. Le sénateur Comeau les dénigre d'une façon qui, à mon avis, est inconvenante, disgracieuse et inacceptable et ne démontre que du mépris.

Honorables sénateurs, je crois que nous devrions réfléchir à la situation et permettre à cette Chambre de s'acquitter de ses fonctions. Nous avons le devoir de nous assurer que nous adoptons les projets de loi selon les règles. Nous devons étudier le projet de loi adéquatement et dans son intégralité, dans l'enceinte d'institutions qui peuvent faire leur devoir et défendre les droits pour lesquels des gens se battent partout dans le monde.

Le sénateur Cools : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Mitchell : Oui.

Le sénateur Cools : Je dois dire, honorables sénateurs, que quiconque ici se dit surpris des pressions dont nous faisons l'objet n'était évidemment pas ici entre 1993 et 2006. Laissez-moi vous dire que ce sont les gouvernements qui ont été au pouvoir entre 1993 et 2006 qui ont exercé le plus de pression pour que nous adoptions des projets de loi.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Cools : Je le sais, car lorsqu'il était question des projets de loi relatifs aux crédits, je devais exhorter les sénateurs à les adopter; je sais donc de quoi je parle.

(1120)

Reportons-nous, honorables sénateurs, à cette semaine de la fin de mars, il y a quelques années, au cours de laquelle j'ai travaillé sur trois projets de loi : deux gros projets de loi de crédits et le projet de loi sur la création de l'Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, le projet de loi C-49. Permettez-moi de vous dire que je m'y connais en matière de projets de loi qu'on fait adopter à toute vapeur au Sénat. N'importe quel sénateur qui a jamais essayé de piloter deux projets de loi de crédits et un autre gros projet de loi comme celui-là sait combien cela est difficile.

Ma question concerne les institutions parlementaires. Je suis heureux que le sénateur Mitchell ait exprimé des préoccupations à l'égard de certaines d'entre elles. Je me demande si quelqu'un a remarqué...

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Cools, je crois que vous avez eu la parole pendant...

Le sénateur Tardif : Cinq minutes de plus.

Une voix : Elle pose une question.

Son Honneur le Président intérimaire : Le temps de parole alloué au sénateur Mitchell est écoulé. Sénateur Mitchell, souhaitez-vous qu'on vous accorde plus de temps?

Le sénateur Mitchell : Oui, je demande plus de temps.

Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, en ce qui concerne les situations inhabituelles que l'on vit actuellement, et il y en a tant qu'il est difficile de réagir à toutes ces situations, peu de gens semblent avoir remarqué — à l'exception peut-être du sénateur Day et du sénateur Comeau — que des élections seront déclenchées avant que nous ayons pu adopter certains projets de loi de crédits, pendant la période critique du cycle budgétaire que sont les mois de mars et d'avril. Le Sénat se trouvera dans l'impossibilité d'adopter le projet de loi de crédits à cause du moment choisi pour la tenue des divers votes à l'autre endroit.

Il faut comprendre ce que cela signifie pour un gouvernement. Cela signifie que le gouvernement sera obligé de recourir à ce qu'on appelle les mandats spéciaux du gouverneur général afin de retirer des milliards de dollars du Trésor, situation que nous ne devrions pas laisser se produire selon moi.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cools : Le gouvernement a été placé dans cette position.

Je me demandais si le sénateur Mitchell voudrait exprimer son opinion sur cette situation inhabituelle concernant les projets de loi de crédits. Outre le fait que nous n'étudierons pas ce projet de loi, que dire du fait que nous n'étudierons pas les projets de loi de crédits?

Le sénateur Mitchell : Premièrement, honorables sénateurs, pour ce qui est de ce qui s'est produit au cours d'une législature précédente, je dirais bien sûr que, si l'on en croit les propos de madame le sénateur, dans lesquels on décelait une critique implicite, on en conclut qu'elle voudrait que les choses soient mieux faites cette fois-ci. Elle devrait être particulièrement critique face à ce que fait le gouvernement actuel.

Le gouvernement a pu observer des situations où l'on a mal fait les choses, mais il n'en a pas tiré de leçon. En fait, il se contente d'exploiter ces situations antérieures en s'en servant pour justifier ses maladresses et embellir le tableau.

Je dirais également — et cela devrait intéresser madame le sénateur sur bien des plans puisqu'elle défend constamment les droits avec rigueur et intelligence — qu'il se peut que des pressions aient été exercées de toutes parts durant cette période. Je ne sais pas. Je sais toutefois que, au sortir de cette période, nous avions fait de véritables progrès sur la question des droits de la personne. La reconnaissance des droits des gais et la légalisation du mariage gai ont été des réalisations remarquables en matière de droits de la personne, ainsi que les progrès concernant les droits et les choix des femmes. Tous ces droits ont été défendus vigoureusement et de façon constante, à long terme.

Si l'on examine le genre d'atteintes aux droits dont je suis témoin maintenant, par exemple les votes sur les projets de loi d'initiative parlementaire, ce sont là des changements qui ont été adoptés afin que notre institution soit plus ouverte, avant que le gouvernement actuel mette un terme à cette ouverture. Ce sont de grandes réalisations qui, selon moi, atténuent l'impact de ces critiques implicites.

Quoi qu'il en soit, cette idée qu'il pourrait y avoir une journée ou deux, ou une certaine période, pendant lesquelles la procédure parlementaire exigerait une suspension de la démocratie, les gens étant alors, pour certaines raisons, privés de leur droit de voter, il est difficile de..

Le sénateur Cools : Les crédits.

Le sénateur Mitchell : Bon, les crédits. Si les crédits sont en jeu, nous ne devrions pas avoir le droit de voter. On reporterait les élections. On devrait peut-être faire une liste des occasions où nous ne pourrions pas tenir d'élections. Les crédits seraient une raison. Y en a-t-il d'autres? Nous ne devrions peut-être pas avoir le droit de tenir des élections si nous sommes en guerre.

Le sénateur Cools : Oui, mais...

Le sénateur Mitchell : Est-ce moi qui ai la parole? S'il y a quelqu'un qui respecte cette institution, c'est bien le sénateur Cools. Elle devrait me laisser parler.

Revenons à notre liste. Donc, nous ne devrions pas tenir d'élections au moment du débat sur les crédits ou sur le budget. Peut-être bien, parce que c'est passablement important. Nous ne pourrions pas tenir d'élections quand nous sommes en guerre. Pouvons-nous énumérer toutes les situations où nous devrions peut-être exclure la possibilité de tenir des élections?

Quelle que soit leur forme, comment des élections pourraient-elles constituer, d'une manière ou d'une autre, un affront envers cette institution qui est un élément essentiel de la démocratie. Les élections sont le fondement de celle-ci.

D'ailleurs, honorables sénateurs, il existe bien des façons de soutenir des gouvernements et d'allouer des fonds pendant une période électorale. Il nous est possible de tenir des élections pendant des périodes où les crédits budgétaires n'ont pas nécessairement été approuvés parce que nous disposons d'institutions qui assurent un système de freins et de contrepoids.

Toutefois, comment le sénateur peut-il savoir que nous ne voterons pas sur les crédits budgétaires aujourd'hui? Il est fort possible que nous ayons à le faire. Rien ne dit que cela ne se produira pas.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre part au débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-54. Il y a une méthodologie établie qui, à mon avis, devrait être en première ligne des réformes.

Le processus est en train d'affecter le contenu du projet de loi. Le leader du gouvernement au Sénat est ministre et fait partie du Cabinet. À ce titre, elle doit certainement avoir une influence et être en mesure de gérer, avec les autorités gouvernementales, l'évolution des différents projets de loi. Elle devrait exercer assez d'influence pour faire en sorte que le Sénat ne se retrouve pas devant un scénario aussi irresponsable et ridicule que celui dans lequel il se trouve en ce moment. Éthiquement, on ne répond pas à notre devoir : nous ne sommes pas éthiques en essayant de sauter des étapes d'un processus, qui est déjà complexe, pour faire avancer un projet de loi.

[Traduction]

J'ai un exemple de l'empressement qu'on a montré à brûler toutes les étapes et à pulvériser tous les obstacles afin de faire adopter le projet de loi C-54, alors qu'un autre projet de loi, qui aurait, à mon avis, mérité plus d'attention, mourra sans doute au Feuilleton.

Si vous me le permettez, je reviendrai sur deux points. D'abord, je parlerai de ma position en tant que sénateur. Hier marquait le sixième anniversaire de mon arrivée au Sénat. J'espère donc en arriver peu à peu au terme de mon apprentissage, mais j'ai des doutes en voyant l'introduction constante de nouveaux procédés.

Lorsqu'il m'a nommé au Sénat, le premier ministre m'a dit que je pouvais siéger à titre de sénateur libéral ou indépendant. Le même premier ministre a également nommé à cette occasion des sénateurs conservateurs, qui étaient peut-être alors progressistes-conservateurs, et même des sénateurs néo-démocrates.

Le premier ministre croyait que cette institution pouvait faire preuve de suffisamment d'indépendance pour effectuer un second examen objectif. Dans le monde militaire, nous appelons cela une contre-vérification par un tiers indépendant.

Dans cette enceinte, je dispose de la latitude nécessaire pour examiner les projets de loi qui sont présentés par le Parti libéral — ce que j'ai fait quand nous étions au pouvoir — et, maintenant, par le Parti conservateur, puis pour décider, dans chaque cas, si je vais voter pour ou contre ces projets de loi. Permettez-moi de m'expliquer. À titre de sénateur, ma loyauté va à la population canadienne. Je ne me réclame pas d'un processus qui nuit à ma capacité d'agir de façon indépendante, et ce, même si je serais autorisé à le faire en tant que membre d'un parti.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dallaire : Cette pratique a disparu lors de l'arrivée des nouveaux sénateurs. J'attends encore de voir un nouveau sénateur en face envisager de voter contre un projet de loi, voire un rapport, présenté dans cette enceinte par le parti au pouvoir.

Soit les règles ont changé avec l'arrivée du nouveau premier ministre — et il s'agit d'une réforme dont nous n'avons pas entendu parler de ce côté-ci —, soit ils suivent des règles qui n'existent pas officiellement, ce qu'ils devraient s'abstenir de faire s'ils souhaitent remplir honorablement leurs responsabilités à l'égard du Canada et du Sénat.

(1130)

J'arrive maintenant au point que je souhaite faire valoir relativement au projet de loi C-54, qui vise à protéger nos enfants, les enfants de notre pays. Je reviens à notre prière matinale, car je la trouve extraordinaire. Le Sénat est l'un des rares endroits au pays où une prière est récitée avant chaque séance. Je suis très heureux que ce soit le cas. J'allais dire : « Merci, mon Dieu. » La prière dit : « [...] la cause de la paix et de la justice dans notre pays et dans le monde. » Elle reconnaît que nous avons une responsabilité à l'égard de notre pays et du monde.

Le projet de loi C-54 porte sur les prédateurs et l'exploitation qu'ils font subir à nos enfants et qui les marquera pour le reste de leur vie. Je souscris à l'objet de cette mesure législative. Je ne peux pas adhérer à l'ensemble de son libellé parce que je suis loin d'être avocat. Simplement en feuilletant le projet de loi, je me suis rendu compte qu'il me serait impossible, si j'étais membre du comité, d'en assimiler le contenu en quelques heures à peine.

Toutefois, il existe un autre projet de loi beaucoup plus simple, le projet de loi C-393. Que ferait-il? Le projet de loi C-393, que nous espérions faire adopter, sauverait la vie de centaines de milliers d'enfants. S'il était adopté, ce projet de loi empêcherait que des millions d'enfants tombent malades. Il empêcherait que des pays sombrent dans le chaos devant la mort des membres de ses générations futures.

Or, honorables sénateurs, impossible de faire progresser le projet de loi C-393. Disons que l'ordre de priorité pose de sérieuses questions éthiques. Nous n'avons jamais réussi à savoir ce qu'il y avait de si offensant dans le projet de loi C-393. Les sénateurs d'en face ne veulent rien savoir d'en débattre et n'arrêtent pas d'ajourner le débat. À mon avis, le projet de loi C-393 a une emprise bien plus maléfique sur le Sénat que ne pourra jamais l'avoir le projet de loi C-54. Nous savons que nous pourrions empêcher des centaines de milliers d'enfants de mourir et des millions d'autres de tomber malades. Nous savons que c'est ce que ce projet de loi nous permettrait de faire, mais voilà que nous allons le jeter à la poubelle parce qu'il ne plaît pas à certaines personnes. Il n'y a pas moyen de savoir pourquoi, et tous les moyens semblent bons pour court-circuiter la bonne marche de nos travaux, qui visent dans ce cas-ci à protéger nos enfants.

Peut-être est-ce parce que nos enfants sont plus humains que les enfants qui vivent dans ces pays-là, ce qui nous justifierait alors de nous en occuper avant les autres et de prendre tous les moyens qu'il faut pour arriver à nos fins, y compris contourner les règles les plus élémentaires en forçant l'adoption d'un projet de loi qui laisse sérieusement à désirer et placer des adultes dans une position où ils risquent de voir leurs droits civils bafoués.

Je me demande comment mes collègues peuvent tenir le double discours qu'ils tiennent au sujet de l'éthique et des considérations morales. Leurs responsabilités juridiques vont à la population canadienne, et non à leur parti ou au mien.

L'honorable Terry M. Mercer : Le sénateur Dallaire accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dallaire : Certainement.

Le sénateur Mercer : Dans son intervention, le sénateur parlait des recrues qui ont gonflé les rangs des sénateurs d'en face. Je n'ai pas pu faire autrement que de penser, ayant moi-même été au service de Sa Majesté, que les sénateurs Dallaire et Day, en leur qualité de diplômés du Collège militaire royal, pourraient peut-être mettre sur pied un camp d'entraînement à leur intention, où ils auraient tout le loisir de leur expliquer leurs responsabilités. Est-ce une chose que le sénateur serait prêt à envisager après les élections?

Le sénateur Dallaire : Je crains fort que certains d'entre eux risqueraient d'être recalés.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'aurais moi aussi quelques mots à dire sur la question. Par rapport aux sénateurs ici présents, j'approche de la fleur de l'âge. Quand je regarde autour de moi, je vois les sénateurs Baker, Nolin, Comeau et Tkachuk, puis, de notre côté, les sénateurs Kenny, Cools, Joyal, Pépin et Rompkey.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Day, auriez-vous objection à ce que je vous interrompe pour demander au sénateur Dallaire, qui avait la parole juste avant vous, s'il accepterait de répondre à une question du sénateur Segal? C'est que je n'avais pas vu que ce dernier avait levé la main.

Le sénateur Day : Il est vraiment important, je crois, que le sénateur Segal ait la possibilité de poser une question au sénateur Dallaire. Par conséquent, je lui cède mon temps de parole.

L'honorable Hugh Segal : Le sénateur Dallaire accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dallaire : Cela me semble difficile de refuser.

Le sénateur Segal : J'ai écouté attentivement les arguments que le sénateur a présentés concernant le projet de loi en question et l'indépendance dont les sénateurs doivent faire preuve, ce qui, selon nous, est une attente légitime.

Ma question concerne la procédure. Le sénateur a été nommé avant moi; il a donc plus d'expérience. Cependant, un grand nombre des sénateurs des deux côtés sont plus au fait des règlements que, dirons-nous, lui et moi.

J'ai eu le privilège de présenter plusieurs motions et projets de loi qui sont morts au Feuilleton en raison de ce que j'appellerais la possibilité sans limite qu'il y a ici d'ajourner sans contrainte ni restriction pour n'importe quelle période de temps. Je propose et je demande au sénateur s'il appuierait l'idée de modifier le Règlement du Sénat afin de limiter cette possibilité dont se sont prévalus certains sénateurs de part et d'autre, non pour éviter qu'on soulève des questions qui leur déplaisent, mais bien pour éviter d'en débattre. Les sénateurs ont en effet le droit de soulever n'importe quel sujet. Selon moi, cette trop grande latitude empêche le Sénat d'effectuer un second examen objectif et de proposer des idées créatives pour l'élaboration de politiques publiques.

Le sénateur Dallaire : Nous n'avons pas eu d'échanges sur cette question. Cela me rappelle l'époque où j'apprenais l'art de faire des présentations à des comités ministériels ou de la défense. On m'a appris à être préparé à répondre à toutes les questions. Je remercie le sénateur de sa question, parce que j'ai une réponse.

Il y a un an et demi, je suis allé voir le Président parce que j'en avais assez de cette tactique ou de ce mécanisme qui m'empêchait, pendant une durée déterminée, d'aller au fond des choses. Les débats s'étiraient en longueur et ils étaient interrompus à tout bout de champ, ce qui coupait court à notre lancée. Parfois des articles restaient inscrits au Feuilleton pendant six ou sept mois sans que nous en débattions. La lancée — l'océan, le côté humain — fait partie du processus.

Le Président m'a répondu que changer les choses n'allait pas forcément profiter aux sénateurs de mon côté. Autrement dit, c'est une tactique couramment utilisée. Si vous êtes au pouvoir, c'est une tactique utile vous permettant de retarder l'étude de certains articles. Je lui ai demandé si je suis le seul à avoir soulevé cette question et il m'a répondu que c'était à moi d'y réfléchir, ce que j'ai fait.

Honorables sénateurs, je pense qu'il est grand temps d'aborder la réforme de cette pratique. J'aimerais que les choses changent. Je suis totalement en faveur de l'instauration d'un mécanisme permettant d'étudier ces questions en temps opportun, afin de ne pas perdre notre lancée et de garder le débat en vie. Nous devons prendre des décisions au lieu de constamment tourner autour du pot et de retarder l'étude jusqu'à finir par étouffer les grandes idées. À ce que je vois, la production est très limitée.

(1140)

Je vous remercie très sincèrement pour cette question.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, je remercie Son Honneur de me redonner la parole après que je l'aie cédée. Je suis sensible à cette attention.

Je parlais de ces plus anciens sénateurs des deux côtés qui nous font profiter de leurs conseils et de leur sagesse. Certains sujets refont constamment surface. Je veux remercier les sénateurs que j'ai déjà mentionnés et d'autres qui ne sont pas ici en ce moment — le sénateur De Bané vient juste d'arriver — et qui nous donnent des conseils critiques pour que nous continuions d'écrire l'histoire, les procédures et les pratiques qui ne sont pas écrites, mais sont d'une très grande importance pour que notre institution et ses comités fonctionnent comme ils l'ont toujours fait.

En commençant, je tiens à dire qu'il est fort regrettable que nous n'ayons pas pu trouver le moyen de nous occuper de cela autrement qu'en perdant notre temps. Nous avons gaspillé notre énergie en commençant une étude que nous aurions dû pouvoir faire en suivant notre processus normal de renvoi à un comité.

Malheureusement, cela ne s'est pas fait. Je tiens donc à ce qu'il soit bien clair que j'appuie la motion, parce que c'est insulter les sénateurs et le Sénat que de ne pas nous laisser le temps de comprendre ce sur quoi on nous demande de nous prononcer. J'ai toujours regretté ici que nous votions sur tant de choses et que nous adoptions tant de choses sans qu'au moins certains d'entre nous — parce que nous ne pouvons pas tout comprendre ce qui nous passe entre les mains — puissent nous assurer que le processus a été bien suivi et qu'ils ont eu le temps d'étudier les choses à fond et qu'ils peuvent nous expliquer à l'étape de la troisième lecture ce que contient un document. Je crois que cela constitue un élément critique des processus que nous suivons.

La meilleure image que je peux évoquer pour expliquer bien humblement ma position, ce que je ne peux faire aussi éloquemment que les sénateurs qui ont pris la parole avant moi, c'est de parler du « conte des deux projets de loi ». Ces deux projets de loi sont le C-2 et le C-54. Je peux emprunter la première phrase du livre dont le titre m'a inspiré et dire que c'était la meilleure des époques et la pire des époques.

Le sénateur Comeau : Quelle créativité!

Le sénateur Day : J'admets avoir volé ces quelques mots.

Le sénateur Comeau : Je vois.

Le sénateur Day : Le sénateur n'a peut-être pas compris qu'il s'agissait de Charles Dickens. Le livre dont la citation est tirée est excellent; je lui en recommande vivement la lecture.

Le sénateur Comeau : J'y prends un plaisir immense chaque fois que je le lis.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, j'aimerais parler de ces deux projets de loi, et les juxtaposer, de manière à illustrer la façon dont notre enceinte peut fonctionner.

Les honorables sénateurs qui n'étaient pas encore des nôtres lorsque les rênes du pouvoir ont changé de mains en 2006 seront peut-être intéressés à entendre parler du tout premier projet de loi présenté par le nouveau gouvernement de M. Harper en 2006. C'était le projet de loi C-2, la Loi sur la responsabilité. Il a été soumis à l'examen du même comité dont nous avons chanté les louanges pour avoir étudié tous les projets de loi modifiant le Code criminel dont il a été saisi ces derniers temps.

Le projet de loi C-2 a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Plusieurs des sénateurs ici présents siégeaient avec moi au comité qui s'est penché sur le projet de loi C-2, dont l'ancien président du comité, qui est aujourd'hui Président intérimaire du Sénat. Comme j'étais le porte-parole en ce qui a trait au projet de loi, lui et moi avons eu de nombreuses discussions intéressantes — intéressantes selon la définition de certains. Cependant, je peux dire que nous sommes demeurés en bons termes, même après l'adoption du projet de loi.

Honorables sénateurs, nous avons pris le temps d'examiner la mesure, malgré les protestations de John Baird. Cet homme est capable d'émettre de vives protestations. Malgré celles-ci, nous avons pris le temps d'étudier le projet de loi C-2 comme nous, sénateurs, l'entendions. Nous avons convoqué tous les témoins que nous croyions devoir convoquer. Nous avons affirmé ne pas pouvoir terminer notre travail avant l'été 2006, mais nous avons promis de conclure notre étude au plus tard à la fin octobre. En fait, nous l'avons terminée à l'avance. Nous avons entendu tous les témoins. Nous avons rédigé un rapport volumineux et proposé 180 amendements à un projet de loi qui, nous avait-on assuré, avait été analysé au peigne fin. On nous avait dit qu'il n'était pas nécessaire que le Sénat s'y penche.

Avec le temps, même le ministre John Baird en est venu à reconnaître le bon travail dont le Sénat est capable. Par conséquent, John Baird et moi avons négocié 90 amendements, et le gouvernement les a acceptés, car le Sénat avait bien travaillé. Nous avons cependant dû subir la fronde et les flèches de la fortune outrageante — elle vient de Shakespeare, celle-là. Nous avons essuyé toutes sortes de coups afin de pouvoir faire notre travail. Nous avons tenu le coup, nous avons fait notre travail et on nous en a félicités par la suite.

Nous sommes maintenant saisis du projet de loi C-54. Nous subissons les mêmes pressions. Nous nous trouvons face à une situation semblable à celle de l'étude du projet de loi C-55, dont j'ai parlé l'autre jour, dans le cadre de laquelle les audiences n'étaient qu'une mascarade, c'est-à-dire que pratiquement aucun témoin n'est venu comparaître et qu'il n'y avait certainement pas une brochette équilibrée de témoins. Nous subissions les mêmes pressions que maintenant. Comparons ce qui s'est passé avec le projet de loi C-2 et ce qui se passe maintenant avec le projet de loi C-54. Voilà pourquoi je ne peux accepter qu'on laisse tomber l'étape de l'étude en comité. C'est inacceptable et je dois appuyer la motion du sénateur Cowan à cet égard.

Honorables sénateurs, comment devrions-nous remplir notre rôle dans cette enceinte? Je suis certain que nous nous posons tous la question de temps à autre. Jouons-nous un rôle politique tout le temps ou un rôle indépendant la plupart du temps, mais en étant parfois influencés par la politique? Je crois que nous passons constamment de l'un à l'autre.

Certaines mesures, comme celles portant affectation de crédits, sont fondamentales pour le fonctionnement d'un gouvernement. Nous proposons rarement, voire jamais, de retenir l'octroi de crédits ou de modifier ceux-ci, car ils sont trop importants. Nous sommes conscients qu'il y a un aspect politique à certains projets de loi. Nous étions prêts à étudier les projets de loi de crédits.

Les manœuvres politiques se poursuivent à l'autre endroit. Dans cette enceinte, nous consacrons la majorité de notre temps à jouer un rôle autre que politique. Nous examinons attentivement les mesures législatives d'une perspective non teintée de l'esprit partisan qui caractérise l'autre endroit. Il incombe à chacun d'entre nous de décider de la perspective que nous voulons adopter.

(1150)

Venons-nous ici pour appuyer un groupe minoritaire en particulier? Venons-nous ici pour travailler principalement pour notre région, de concert avec d'autres sénateurs qui peuvent siéger de l'autre côté?

Honorables sénateurs, ce sont quelques-unes des questions auxquelles chacun d'entre nous doit répondre. Personnellement, je m'efforce d'établir le meilleur équilibre possible, en gardant à l'esprit le fait que les députés qui siègent à l'autre endroit sont trois fois plus nombreux que nous et que nous devrions donc les laisser s'occuper de la politique et nous concentrer sur le travail que les Canadiens attendent de nous. Notre tâche consiste à nous assurer que nous n'adoptons pas des mesures législatives qui comportent des lacunes et des erreurs que la magistrature devra plus tard corriger. Peut-être que dans cinq ou dix ans, les juges vont corriger quelque chose et que cela aura pour effet de causer un préjudice inutile à toutes les personnes qui se seront fiées à la loi durant ces cinq ou dix années.

Honorables sénateurs, je veux mentionner un autre point. Chacun d'entre nous est appelé à jouer un rôle, en particulier ceux qui occupent des postes de premier plan, et j'inclus dans ce groupe les parrains de projets de loi et les personnes qui s'y opposent.

Notre rôle ne consiste pas à accepter un discours rédigé dans un ministère, à le prononcer, puis à se dire voilà, j'ai fait mon travail relativement à cette mesure législative et, étant donné que j'en suis le parrain, je n'ai plus rien d'autre à faire.

À titre de parrains de projets de loi et d'opposants à des mesures législatives, il nous incombe de travailler ensemble afin de comprendre les projets de loi et de nous assurer que les dirigeants de nos partis respectifs à l'autre endroit savent ce qui est réaliste, ce qui peut être fait et ce qui ne peut pas être fait. Si nous n'informons pas la Chambre des communes et les responsables de ce qui est possible au Sénat et de ce qui ne l'est pas, ils vont continuer de supposer qu'une fois qu'une mesure est adoptée à l'autre endroit, elle est adoptée par le Parlement.

Les gens de l'autre endroit n'ont aucune idée du rôle du Sénat, parce que nous ne leur expliquons pas ce rôle. Dans le cas du projet de loi C-35, la ministre de la Santé dit que le Sénat retarde les choses. M. Blackburn tient lui aussi le même langage. Dans le cas du projet de loi de la ministre de la Santé, nous n'avions même pas encore reçu cette mesure qu'on nous accusait déjà de la retarder. Pour ce qui est du projet de loi du ministre des Anciens Combattants, nous ne l'avions reçu que deux jours auparavant.

Le sénateur Banks : Nous l'avions reçu la veille.

Le sénateur Day : La veille alors, je vous l'accorde. Nous avons la responsabilité d'indiquer ce qui est possible et ce qui ne l'est pas à ceux qui demandent au Sénat d'étudier à la hâte leurs projets de loi. Nous devons leur expliquer les particularités de notre travail.

Honorables sénateurs, l'étude d'un projet de loi par un comité est une partie importante de notre travail. Cette étape a été sautée dans le cas présent parce que quelqu'un a décidé que ce projet de loi était plus important que le rôle traditionnel du Sénat. Il est temps de dire à ce monsieur qu'il est directement concerné par le rôle particulièrement important que nous devons jouer, et qu'il doit nous laisser faire notre travail. Nous ferons notre travail et nous le ferons comme il se doit, ce qui nous permettra d'être tous fiers des projets loi adoptés.

Le sénateur Mercer : Je suis heureux que le sénateur ait souligné mon invention.

Je ne peux qu'approuver entièrement le discours du sénateur Day.

Permettez-moi de revenir à l'intervention du sénateur Comeau dans le présent débat, lorsqu'il a parlé du comité de l'autre endroit ayant bâclé l'étude du projet de loi. En entendant l'expression « kangaroo court », qu'il a employée en anglais, je suis allé consulter la neuvième édition du Concise Oxford Dictionary, qui se trouve sur la table. Je voulais m'assurer de ne pas faire une mauvaise interprétation des paroles du sénateur.

Ce dictionnaire indique que « kangaroo court » est une expression désignant un tribunal qui n'est pas constitué selon les règles ou qui est constitué illégalement, notamment par des grévistes. Or, le comité de l'autre endroit a probablement été constitué dans les règles.

Cette définition ne me paraissant pas suffisante, je suis allé voir celle de la célèbre encyclopédie Wikipédia, que nous consultons tous désormais :

Terme familier désignant une procédure judiciaire truquée, dont l'issue est connue d'avance et qui sert habituellement à garantir la déclaration de culpabilité, soit en manipulant la procédure elle-même, soit en ne permettant pas à l'accusé de se défendre.

Une telle procédure est employée en violation du droit à l'application régulière de la loi, au nom de l'efficacité.

Une voix : Voilà qui nous est familier.

Le sénateur Mercer : C'est peut-être ce qui est en train de se produire ici, et le sénateur Comeau a peut-être accusé trop vite le comité de l'autre endroit.

En passant, honorables sénateurs, il accuse allègrement les députés de l'autre endroit d'agir en coalition, notamment environ 75 de mes amis là-bas.

Je tiens à lire cette lettre aux fins du compte rendu. C'est une lettre qui a été adressée au gouverneur général :

Excellence,

En tant que chefs des partis de l'opposition, nous savons très bien qu'en raison de la situation minoritaire du gouvernement libéral, le premier ministre pourrait vous demander à tout moment de dissoudre la 38e législature, si la Chambre des communes n'appuie pas certaines parties du programme du gouvernement.

Nous soulignons respectueusement que les partis de l'opposition, qui ensemble forment la majorité à la Chambre, se sont consultés étroitement.

« Se sont consultés étroitement », honorables sénateurs. C'est ce que dit l'auteur de cette lettre.

Nous croyons que si une demande de dissolution vous est présentée, vous avez la possibilité, en vertu de la Constitution, de consulter les chefs des partis de l'opposition et d'étudier toutes les solutions avant d'exercer le pouvoir que vous confère la Constitution.

Votre attention sur cette question est grandement appréciée.

Cordialement,

Cette lettre est signée par Jack Layton, député, chef du Nouveau Parti démocratique, Gilles Duceppe, député, chef du Bloc québécois et Stephen Harper, député, chef de l'opposition. Cette lettre est datée du 9 septembre 2004. Voilà celui qui a proposé une coalition.

S'ils parlent de « coalition » pendant la campagne électorale, honorables sénateurs, attendez-vous à ce que cette lettre se retrouve à tous les arrêts d'autobus et sur tous les seuils de porte du pays. Nous allons lire cette lettre aux Canadiens parce que le mot « coalition », dans les législatures contemporaines, a été prononcé par Stephen Harper et non pas par le Parti libéral. C'est Stephen Harper qui a parlé de coalition. C'est lui qui a donné le ton. Je sais que madame le sénateur Cordy est stupéfaite, mais c'est la vérité. C'est ainsi que tout a commencé.

Le sénateur Comeau a également parlé des gens de l'autre endroit qui contrôlaient tout. Soixante-cinq pour cent des Canadiens n'ont pas voté pour ces gens. Soixante-cinq pour cent des Canadiens ont voté pour quelqu'un d'autre. La majorité des Canadiens a donc voté pour un autre parti que le Parti conservateur. Je suis fier de dire que j'en fais partie. Je suis fier de dire que j'ai voté au bureau de vote de Mount Uniacke, en Nouvelle-Écosse. Même s'il s'agissait d'un scrutin secret, j'avouerai aux honorables sénateurs que j'ai inscrit mon « X » à côté du nom de Scott Brison, le candidat libéral. Merci beaucoup. J'ai été heureux de le faire.

Je considère ce déni des règles de procédure et ce refus de renvoyer le projet de loi C-54 au comité comme une attaque contre la démocratie et contre la tradition plusieurs fois centenaire sur laquelle reposent le système de Westminster et le régime canadien. Je dois dire que cela me fait également m'interroger sur certains de mes collègues d'en face, qui s'y connaissent pourtant beaucoup plus que moi en droit.

(1200)

Je songe, entre autres, au sénateur Raynell Andreychuk, qui a fait ses études à l'Université de la Saskatchewan. Je me demande ce que ses collègues de la promotion de 1967 diraient en apprenant ce qui se passe ici aujourd'hui. Diraient-ils que les règles procédurales ont été suivies? Je pense aussi au sénateur Angus, qui est sorti de l'École de droit de McGill en 1962. Ses compagnons de classe oseraient-ils affirmer que ce que nous faisons respecte les règles de procédure? Et que dire du sénateur Carignan, qui a été admis au Barreau du Québec en 1988? Que diraient ses confrères? Et que dire de mon bon ami, le sénateur Dickson? C'est dommage qu'il ne soit pas ici aujourd'hui, parce que c'est un homme extraordinaire. Est-ce que ses collègues de la promotion de 1962 de l'Université Dalhousie diraient que la procédure a été respectée? Et qu'en est-il du sénateur Meighen, qui a obtenu son diplôme de la faculté de droit de McGill, et qui est aussi professeur de droit? Qu'en est-il de Son Honneur, diplômé de cette excellente institution qu'est l'Université Acadia, ainsi que de l'Université Dalhousie? J'aimerais d'ailleurs féliciter Son Honneur, qui a remporté la bourse sir James Dunn Scholarship, offerte aux étudiants en droit. Qu'est-ce que les étudiants du programme de Son Honneur, qui a obtenu son diplôme en 1964, penseraient des règles qui ont été appliquées ici? Et le sénateur Smith, lui, du Québec? Est-ce que ses confrères de la promotion de 1976 de l'Université McGill croiraient que les règles procédurales sont respectées? Qu'en est-t-il de mon ami et voisin de bureau dans l'édifice de l'Est, le sénateur Wallace, qui a obtenu son diplôme en droit de l'Université du Nouveau-Brunswick en 1973?

Honorables sénateurs, je m'inquiète tout particulièrement au sujet de ces personnes. Je n'ai pas mentionné mon ami, le sénateur Nolin, qui est un éminent juriste. Je ne veux pas qu'il se sente laissé pour compte. J'ai dressé la liste complète ici. Que penseraient de tout ce processus ses camarades de 1976 de l'Université d'Ottawa?

Je me préoccupe de la réputation de ces sénateurs, parce que ce sont tous des avocats et qu'ils sont censés être versés dans le droit et comprendre ce qui se passe. Puis, j'ai regardé le reste de mes collègues et je me suis dit : que penser des deux autres personnages célèbres que M. Harper a nommés au Sénat, ceux qui sont bien en vue? Que diraient les sénateurs Duffy et Wallin s'ils ne siégeaient pas dans cette enceinte et s'ils se trouvaient plutôt dans la tribune de la presse, où il leur arrivait parfois de prendre place par le passé?

Le sénateur Munson : Je sais ce que je dirais!

Le sénateur Mercer : Ou encore lorsqu'ils se trouvaient dans le vestibule de la tribune de la presse, là-haut? Nous avons tous été témoins de cela. Notre ami, le sénateur Munson, sait de quoi je parle.

Que diraient-ils au sujet de ce qui se passe ici aujourd'hui? Je crois que le sénateur Duffy aurait invité plusieurs sénateurs à son émission aujourd'hui, hier et probablement aussi avant-hier. Des sénateurs seraient invités à son émission 24 heures sur 24, sept jours sur sept, parce que cette situation l'aurait mis dans tous ses états.

Pour sa part, le sénateur Wallin aurait enclenché un excellent processus documentaire pour expliquer comment cette parodie a pu être imposée au bon peuple canadien.

Le sénateur Cordy : Plus maintenant.

Le sénateur Mercer : Non, plus maintenant, parce que les sénateurs Duffy et Wallin siègent en face.

Le sénateur Harb cherche à protéger les phoques. De grands coups sont donnés ici, sénateur Harb. Ne vous inquiétez pas.

Ce qu'il importe de savoir, c'est que ce projet de loi est complexe et important. Son objet est très important. Cependant, la mesure législative compte 30 articles. Comment les sénateurs qui ne connaissent rien au droit sont-ils censés comprendre tous les détails de ce projet de loi?

J'ai le privilège de participer, de temps à autre, aux délibérations du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Quand je siège au sein de ce comité, j'essaie d'apprendre des choses. La compétence des témoins m'impressionne toujours. Comme je ne suis pas avocat, je me pose les questions suivantes : « Qu'est-ce que cela veut vraiment dire pour les bonnes gens que je représente en Nouvelle-Écosse? Qu'est-ce que cela veut dire pour les amis avec lesquels j'ai grandi dans le quartier nord d'Halifax? Comment est-ce que cela touche ces hommes, ces femmes, ces garçons et ces jeunes filles? Comment est-ce que cela touche la collectivité? »

Honorables sénateurs, lorsque je retournerai dans ma province cette semaine pour frapper à la porte de quelques citoyens et que ceux-ci me demanderont en quoi les touche le projet de loi C-54, je ne serai pas en mesure de leur répondre, pas plus que ne le sera Son Honneur à l'endroit des citoyens de South Shore lorsqu'il regagnera son coin de pays. Nous n'avons pas eu la possibilité d'étudier le projet de loi au comité pour en connaître les tenants et les aboutissants. Or, nous voulons les connaître.

Le sénateur Campbell veut pouvoir expliquer aux citoyens de la Colombie-Britannique ce qu'apportera ce projet de loi. Le sénateur Cordy veut pouvoir faire de même pour les gens de Dartmouth. Le sénateur Munson veut pouvoir dire aux personnes qui habitent le long du canal Rideau ce que cette mesure signifie. Le sénateur Tardif a hâte de regagner Edmonton pour parler aux gens du projet de loi C-54. Le sénateur Plett veut aller à Landmark, au Manitoba, et en parler lui aussi. Hélas, ils ne pourront le faire, car ils ignorent le détail du projet de loi, étant donné que celui-ci n'a pas été renvoyé au comité.

Honorables sénateurs, il s'agit d'une question de procédure et de respect, non seulement de l'institution, mais aussi des citoyens et des régions que nous sommes ici pour représenter. Comment pouvons-nous retourner voir ces gens la semaine prochaine et leur expliquer que nous n'avons aucune idée de ce que signifie réellement le projet de loi ou de ce qu'il apporte parce que nous n'avons pas eu la possibilité de consulter les experts en la matière? Comme l'a dit le sénateur Banks, une telle étude aurait peut-être mené à une multitude d'amendements. Il a mentionné que de 2000 à 2006, le Sénat a apporté 197 amendements à des projets de loi du gouvernement, ce qui est certes non négligeable.

Lorsque nous étions au pouvoir, il m'est arrivé une ou deux fois de voter, au Sénat, contre le gouvernement. Je le ferai de nouveau, si je le juge approprié.

Honorables sénateurs, vous qui êtes de l'autre côté, vous devez vous tenir debout et vous demander : « Qu'est-ce que j'en pense? » C'est important. Nous devons en parler.

Le processus prévoit que les projets de loi viennent au Sénat pour que nous prenions le temps de les étudier attentivement. Nous ne nous traînons pas les pieds. Nous demandons à des témoins de se présenter. Nous avons plus de flair que ceux de l'autre endroit pour ce qui est d'identifier de bons témoins. Nous l'avons constaté à plusieurs reprises, un projet de loi après l'autre, quand nous avons songé à des témoins auxquels ils n'avaient pas pensé. Ces témoins nous ont donné des idées qui nous ont aidés à améliorer un projet de loi ou nous ont offert des éclaircissements, lorsque certains d'entre nous s'opposaient à un projet de loi, qui nous ont permis de dire : « Ça y est, je comprends ce que vous essayez de faire et j'y crois maintenant. »

Honorables sénateurs, je ne sais pas si « j'y crois », parce que je n'ai pas eu cette possibilité, tout comme le sénateur Peterson d'ailleurs. Ce dernier va retourner en Saskatchewan cette fin de semaine et les gens vont lui demander, « Sénateur Peterson, qu'est-ce que le projet de loi C-54 et quelles conséquences aura-t-il pour les Saskatchewanais? » Il n'aura pas de réponse.

Honorables sénateurs, il est injuste que la procédure établie ne soit pas respectée. Il faut dire qu'elle n'est pas respectée par les gens d'en face, qui prônent les coalitions lorsqu'elles font leur affaire et les dénoncent lorsque celles-ci pourraient leur nuire.

Je veux également parler un peu plus des traditions ici. Comme le sénateur Banks l'a mentionné, le Sénat est un endroit très important. Lors des débats sur la Confédération, sir John A. Macdonald, qui était un premier ministre formidable — et ce ne sont pas des remarques que vous allez m'entendre faire souvent à propos d'un membre de ce parti — a réfléchi longuement à la formation de cette Chambre. C'était très important. Il n'a pas agi à la légère. Il a réfléchi longtemps à la question. C'est à ce type de situation que sir John A. Macdonald pensait. Quand une personne présentait une mesure législative et que d'autres ne voulaient pas respecter la procédure établie, sir John A. disait qu'on avait besoin d'effectuer un second examen. C'est le rôle du Sénat, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président intérimaire : J'ai le regret d'informer le sénateur que son temps de parole est écoulé. Souhaitez-vous qu'on vous accorde plus de temps?

Le sénateur Mercer : Cinq minutes de plus.

Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(1210)

Le sénateur Mercer : Merci, honorables sénateurs. Je suis sûr que je n'aurai pas besoin des cinq minutes au complet, parce que j'ai presque terminé mes remarques.

Je fais appel aux sénateurs d'en face. Je fais appel à leur sens de la justice, à leur bonne foi et à leur décence élémentaire. Où est le tribunal fantoche, honorables sénateurs? Est-il à la Chambre des communes où la majorité s'est clairement prononcée ou au Sénat où nous ne respectons pas la procédure établie clairement par le Règlement du Sénat, par notre tradition et par l'histoire du système de Westminster?

Le sénateur Dallaire : Sénateur Mercer, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Mercer : Oui.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, quand les paroles prononcées ici sont rapportées ailleurs, elles sont considérablement déformées.

Le Parti conservateur a décidé de bloquer le projet de loi C-393, qui aiderait des centaines de milliers d'enfants. Nous parlons présentement du projet de loi C-54. Nous essayons d'empêcher qu'il saute des étapes sans être étudié comme il se doit.

À quel genre de manipulation le sénateur pense-t-il que cette façon de procéder donnera lieu?

Le sénateur Mercer : Je remercie le sénateur de sa question.

Si nous avions suivi la suggestion de longue date du sénateur Segal de téléviser les délibérations du Sénat, cela ne se produirait pas aujourd'hui. Ils ne supporteraient pas ce qui serait révélé sous le feu des projecteurs.

À propos du projet de loi C-393, mon conseil à ces femmes merveilleuses, qu'on connaît mieux sous le nom de « mamies » et qui se trouvaient à la tribune est le suivant : ne l'oubliez pas le 2 mai. Ne l'oubliez pas lorsque vous parlerez à vos amis et vos voisins d'ici au 2 mai. Nous devons le rappeler aux groupes comme le leur d'ici au 2 mai. Ce n'est pas de la manipulation, honorables sénateurs. Ce sont les faits, c'est la vérité, c'est parole d'évangile. Nous devons le faire savoir à la population, et vite.

L'honorable Pierre De Bané : Honorables sénateurs, le sénateur Mercer a nommé tous les juristes de renom de l'autre côté. Je signale que la personne qui a fait la recherche pour le sénateur a par erreur indiqué que notre collègue, le sénateur Michael Meighen, était diplômé de McGill. En fait, nous avons étudié ensemble à l'Université Laval.

Le sénateur convient-il que l'une des principales caractéristiques du système parlementaire britannique, voire la principale, est le rôle central qu'y joue l'opposition officielle?

Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, j'ai mal lu ma note. Mes recherchistes ont bien fait leur travail. La note dit que le sénateur Meighen a obtenu un diplôme de McGill et une licence en droit de Laval. Je reconnais mon erreur. Dans ma hâte, j'ai mal lu.

Le sénateur De Bané a tout à fait raison. L'un des grands principes du système de Westminster est que nous avons une opposition, que nous pouvons exprimer notre opposition et que nous pouvons poser des questions à nos vis-à-vis. Plus particulièrement, nous pouvons interroger n'importe quel ministre qui siège dans notre assemblée et nous posons quotidiennement des questions au sénateur LeBreton. Je suis tout à fait de l'avis du sénateur De Bané.

[Français]

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, j'appuie la motion du sénateur Cowan, visant à renvoyer le projet de loi C-54 au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

À mon avis, ce projet de loi doit être renvoyé à un comité pour débat, étude et réflexion. Le projet de loi comporte deux aspects : son contenu et ses conséquences. J'entends par « contenu » l'intention ou la perception du projet de loi. Il ne fait aucun doute que ce projet de loi est louable dans son intention de protéger nos enfants. Nous voulons tous protéger les enfants. Ils sont ce que nous avons de plus précieux. La perception du projet de loi est la façon dont on peut protéger les enfants. L'impact du projet de loi, dans la réalité, est de savoir comment il protégera nos enfants. Il est très important de tenir cette réflexion au sein du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Quel est l'impact réel du projet de loi? Va-t-il protéger nos enfants? Est-ce un autre outil qui nous permettra de protéger nos enfants des prédateurs, des abuseurs ou même d'eux-mêmes? Est-ce un outil réel et applicable? Voilà le débat qui se tient au sein des comités. Les témoins invités à comparaître nous apportent une meilleure compréhension de ce qu'est un projet de loi et de l'impact de celui-ci.

Comme je l'ai dit plus tôt, nous voulons tous protéger nos enfants. Nous voulons d'autres outils pour nous permettre de mieux les protéger. Toutefois, ce projet de loi contribuera-t-il vraiment à leur assurer une protection additionnelle? Pour être en mesure de le déterminer, il faut un débat en comité. Ce débat est aussi une consultation effectuée auprès des Canadiens et des Canadiennes. À mon avis, cette consultation est obligatoire et cette réflexion fait partie de ce que nous sommes, au Sénat du Canada.

J'ai toujours eu et j'ai de plus en plus de réserves lorsqu'il est question de ne pas consulter. On parle ici de sauter des étapes dans un processus démocratique. On fait fi de l'étape de la consultation sur un projet de loi qui affecte la vie des Canadiens et des Canadiennes, qui affecte la vie de nos enfants et de leurs enfants, sur un sujet qui les touche directement et de très près. Il est question de ne pas consulter la population. Il est question de prendre une décision, dans cette Chambre, sans avoir entendu ce que les Canadiens et Canadiennes ont à nous dire sur ce projet de loi. Je trouve cette façon de procéder inacceptable.

Le processus de consultation doit être respecté. Il fait partie de nos responsabilités et de nos obligations, voire de notre réflexion. Il incarne le respect que nous devons montrer à l'égard des Canadiens et des Canadiennes, que nous devons porter envers cette honorable institution, ainsi que l'intégrité de notre processus.

Pour ces raisons, honorables sénateurs, j'appuie la motion du sénateur Cowan.

L'honorable Marie-P. Poulin : Honorables sénateurs, j'aimerais aussi appuyer la motion déposée par le sénateur Cowan, leader de l'opposition au Sénat, visant à renvoyer le projet de loi C-54 pour étude au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Plus tôt, le sénateur Banks a qualifié le Sénat de « quality control department of Parliament ». Nous avons toujours parlé du Sénat comme étant la Chambre de seconde réflexion. La description du sénateur Banks, même si on l'écoute avec un certain sourire, est tout à fait exacte.

La tâche confiée par les Pères de la Confédération à notre honorable institution en qualité de deuxième Chambre, selon le système parlementaire britannique établi de longue date, met sur nos épaules, individuellement et collectivement, une grande responsabilité face aux lois déposées devant nous. Le projet de loi qui est devant nous touche les personnes les plus importantes du pays, des gens qui n'ont pas de voix au Sénat.

(1220)

Nous nous devons d'être ceux et celles qui parlent au nom de tous ces enfants pour leur assurer une protection accrue. Honorables sénateurs, ce qui est frappant, c'est que tous les sénateurs reconnaissent à l'unanimité l'importance de ce projet loi déposé au Sénat cette semaine.

J'ai pris le temps de retourner dans notre histoire. J'ai trouvé une étude rédigée par M. Brian O'Neil, en juin 1994, sur le rôle et l'efficacité des comités du Sénat. J'ai trouvé intéressant de revoir une étude présentée en 1994. Un petit rappel a été fait par plusieurs d'entre nous. Je le cite :

Il est un aspect du Sénat, et de ses travaux, que la plupart des critiques oublient, et dont bien peu de Canadiens sont conscients. Si la Chambre haute elle-même a vu son prestige décliner, ses comités ont par contre mérité, de la part d'observateurs qui suivent de près les activités de l'institution, des louanges pour leur contribution à la vie publique du pays. Comme C.E.S. Franks l'admet, les comités du Sénat ont une bien meilleure fiche qu'on ne le reconnaît généralement (5).

Ceux qui connaissent bien les travaux de ces comités n'ont pas été avares d'éloges à leur égard. On a félicité les sénateurs qui y siègent pour leur diligence et pour leur aptitude à mettre leurs connaissances et leur expérience à profit afin d'étudier des questions qui leur sont soumises.

Dans son ouvrage de 1965, qui fait autorité sur le Sénat, le professeur F.A. Kunz a donné l'une des rares descriptions des tâches que les comités de la Chambre haute devraient accomplir. À son avis, les principaux rôles de ces comités sont au nombre de trois :

  • légiférer; selon Kunz, c'est peut-être leur rôle premier, et aussi le plus évident, car les comités ont pour tâche d'étudier les dispositions particulières d'un projet de loi de façon compétente, en prenant le temps voulu (11);

Je répète « en prenant le temps voulu ». Évidemment, le professeur Kunz parle justement de notre deuxième responsabilité face aux comptes publics, et, troisièmement, de notre responsabilité d'enquête. Toutefois, je reviens à notre rôle premier. Nous sommes saisis du projet de loi C-54. Le professeur Kunz nous rappelle notre première responsabilité en tant que parlementaires : il s'agit d'étudier les dispositions particulières d'un projet de loi de façon compétente, « en prenant le temps voulu ».

Plusieurs honorables sénateurs ont articulé de façon éloquente ce que l'étude d'un projet de loi requiert. Ces études requièrent non seulement les témoignages d'experts canadiens, de représentants, des premiers visés par une législation. Elles permettent aussi de travailler avec des experts de partout au pays et de l'extérieur du pays.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer la motion du sénateur Cowan.

[Traduction]

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'ai seulement quelques mots à dire au sujet de ce projet de loi. Je vais commencer par revenir sur les observations faites par le sénateur Banks, le sénateur Fraser et le sénateur Cowan en leur demandant ce qu'il en est de la Loi sur la lutte contre les crimes violents actuellement et de sa constitutionnalité? La Cour suprême du Canada se penche actuellement sur sa validité dans le cadre de l'affaire R. c. Dineley; l'autorisation d'interjeter appel a été accordée en 2010, CarswellOnt 8210. Honorables sénateurs, elle est devant la Cour suprême actuellement parce que la Chambre et le Sénat ont tous deux omis de demander au ministre, lorsqu'il a comparu devant le comité, si la loi allait s'appliquer rétrospectivement ou prospectivement. La question est très importante parce que la Loi sur la lutte contre les crimes violents fait l'objet de litiges depuis son adoption. La Cour suprême du Canada en a finalement été saisie au motif que le paragraphe 258(1) est inconstitutionnel.

En ce qui concerne d'autres décisions rendues par des cours supérieures, Son Honneur a témoigné devant la cour supérieure de la Colombie-Britannique. Il a été convoqué en sa qualité d'expert en la matière et de président du comité qui s'est penché sur la question. Il sait donc de quoi je parle.

Dans le cas de la décision CarswellOnt 7794, rendue en 2008 par une cour supérieure, le titre du paragraphe 43 de la décision est le suivant : « Silence du Parlement sur le caractère rétrospectif ». On peut y lire ce qui suit :

La Couronne cite les débats du hansard concernant le projet de loi C-2 pour démontrer que le Parlement avait l'intention d'appliquer la loi rétrospectivement.

Le projet de loi C-2 est la mesure législative sur la lutte contre les crimes violents adoptée au Sénat en 2008. Dans la décision, on cite d'autres témoignages livrés devant le comité. Au paragraphe 44, la cour supérieure indique ce qui suit :

L'argument qu'invoque la Couronne pose problème pour deux raisons.

On explique ensuite les raisons. En l'espèce, on dit ce qui suit aux paragraphes 46 et 47 :

Pour ces raisons, le demandeur devrait avoir droit à une défense « fondée sur la preuve contraire » [...]

Au paragraphe 47 on lit ce qui suit :

Dans l'attente des conclusions de ce procès, la Couronne et l'avocat du demandeur ont convenu de ne pas rendre cette décision publique dans la presse locale ou régionale [...]

Il en serait ainsi jusqu'à ce que ce soit réglé.

Ensuite, honorables sénateurs, il y a d'autres exemples, comme 2008 CarswellOnt 7794, qui comporte le sous-titre « Application rétrospective ou prospective : modification du fond ou de la procédure? ». Le juge dit ce qui suit :

Comme on s'y attendait, la Loi sur la lutte contre les crimes violents ne nous éclaire pas sur son éventuelle application prospective et ne donne pas de directives quant à sa portée pendant la période de transition.

Puis, le juge poursuit en disant ceci :

En évaluant l'application potentiellement rétrospective du projet de loi C-2, les cours en sont venues à étudier la nature des changements occasionnés par les modifications.

Je pourrais citer des affaires encore et encore. En voici une autre, 2008 CarwsellOnt 6407, avec le titre « Le projet de loi C-2 s'appliquera-t-il de manière rétrospective? ». Il s'agit d'une autre cour supérieure. Dans le paragraphe 10, on lit ce qui suit :

Depuis le 2 juillet, une kyrielle de décisions bien étayées et très fouillées ont été rendues relativement au caractère rétrospectif.

Honorables sénateurs, nous avons tous oublié de poser cette simple question. Et le ministère de la Justice a oublié de dire si cette mesure serait applicable aux personnes ayant déjà commis une infraction et si la nouvelle loi s'appliquerait aux personnes en attente de l'énoncé de leur peine. Nous avons simplement oublié de poser une question toute simple.

(1230)

Nos cours provinciales et supérieures, partout au pays, se débattent également avec la modification apportée par la Loi sur la lutte contre les crimes violents au paragraphe 254(2) du Code criminel. Pourquoi? Parce que — et c'est une honte — des coupables s'en tirent en raison de l'adoption de cette modification. Si elle n'était pas entrée en vigueur, ils auraient été condamnés.

Voici comment la Loi sur la lutte contre les crimes violents a modifié le paragraphe 254(2) du Code criminel. Certains sénateurs connaissent très bien cette disposition. Le paragraphe 254(2) traite de la conduite avec facultés affaiblies. Si un policier arrête un conducteur qui zigzague sur la route, par exemple, le policier lui demandera : « Puis-je voir votre permis de conduire, votre certificat d'immatriculation et d'assurance, s'il vous plaît? » Il y est autorisé en vertu du code de la route provincial.

Ensuite, il se peut que le policier détecte, par exemple, une odeur d'alcool dans la voiture, parce que la fenêtre de la voiture est baissée. Il pourrait alors poser la question suivante : « Avez-vous consommé de l'alcool? » Si le conducteur répond, par exemple : « Oui, j'ai bu une bouteille de bière plus tôt dans la journée » ou « J'ai pris un verre ce matin », le paragraphe 254(2) stipule que le policier doit demander immédiatement, à toute personne qu'il soupçonne d'avoir de l'alcool dans son organisme, de subir un test de sobriété. Si la personne avoue qu'elle a bu de l'alcool, le policier a l'autorité de le lui demander, à condition qu'il détecte une odeur d'alcool et qu'il y a d'autres indices de conduite avec facultés affaiblies.

Quel changement avons-nous apporté aux termes de la Loi sur la lutte contre les crimes violents, qui a été adoptée en 2008? Nous avons apporté une modification afin qu'un agent de police qui soupçonne une personne d'avoir conduit un véhicule, ou d'avoir la responsabilité ou le contrôle d'un véhicule — autrement dit, si la personne est assise dans le siège du conducteur, même si le véhicule est stationné — puisse exiger immédiatement un échantillon. Cette disposition s'applique aussi dans le cas des aéronefs, des bateaux et de tout autre véhicule. Nous avons modifié la disposition afin que si l'agent soupçonne que la personne a consommé de l'alcool et qu'elle a conduit dans les trois heures précédentes, l'échantillon peut être exigé immédiatement. Tel est le changement apporté.

L'intention était bonne. Nous avions de bonnes intentions. Il s'agissait d'inclure le cas où une personne informerait la police du fait que quelqu'un a conduit dans les trois heures précédentes, ce qui a donné lieu à des absurdités.

Prenons le cas d'un fonctionnaire qui travaille au 15e étage d'une tour de bureau. Une information a été reçue portant que la personne s'est rendue au bureau le matin alors qu'elle était en état d'ébriété, ou soupçonnée de l'être. En vertu de la loi, un échantillon doit être exigé immédiatement, parce que la personne a bu, ou qu'une information a été reçue portant qu'elle était en état d'ébriété dans les trois heures précédentes. On exigerait donc que la personne au 15e étage d'une tour de bureau de la rue Kent fournisse immédiatement un échantillon d'haleine. Il y a eu un cas où un homme se trouvant au travail, dans un endroit très public, deux heures après avoir bu a dû fournir un échantillon immédiatement.

La contestation devant les tribunaux est liée à la question de savoir si l'exigence s'applique dans le cas d'une personne qui a bu dans les trois heures précédentes. Le mot « immédiate » est explicite et on ne l'associe pas spontanément à l'expression « dans les trois heures précédentes ».

Comme les sénateurs le savent, l'objectif de la loi est que les choses fonctionnent bien. Une personne n'a pas le droit de consulter un avocat lorsque la première demande est faite le long de la route. Cette disposition a été jugée être une violation des droits prévus dans la Charte, mais on a jugé qu'elle était justifiée parce que, dans les circonstances, il est raisonnable qu'une personne ne se voie pas accorder le droit de consulter un avocat. C'est lorsque nous avons modifié cette disposition afin d'inclure les trois heures précédentes que le droit de consulter un avocat a été violé. C'est cette question qu'on soumet aux tribunaux, qui se renvoient la balle. Les causes sont nombreuses et la disposition est contestée dans toutes les provinces.

On peut logiquement conclure que les projets de loi qui sont rédigés en vitesse par le ministère de la Justice et adoptés à toute vapeur au Parlement comportent parfois des lacunes. La seule façon de savoir si une mesure a des lacunes, c'est de poser des questions aux fonctionnaires et au ministre.

L'autre jour, lors d'une audience du comité, on a demandé au ministre à quel moment le projet de loi s'appliquerait. On voulait savoir s'il s'appliquerait de façon rétrospective. Le ministre a répondu que le Sénat semblait bien préoccupé par les termes « rétrospectif » et « rétroactif ».

Il y a une bonne raison pour qu'il en soit ainsi, à savoir que le projet de loi sur la criminalité qui a été adopté récemment crée des problèmes devant les tribunaux, précisément en raison des réponses qui ont été données relativement à cette mesure.

Le sénateur Fraser a soulevé la question du mot télécommunication. J'ai fait une petite recherche rapide, parce que j'ai été frappé par ce mot qui, selon moi, ne désignait pas un ordinateur. Le projet de loi que nous étudions maintenant remplace dans la loi le mot ordinateur par le mot télécommunication. Comme le sénateur Fraser l'a signalé, le projet de loi ne donne pas de définition du mot télécommunication. On a soulevé ce point au comité, et les représentants du ministère ont dit qu'il y avait une définition du mot télécommunication dans le Code criminel et dans la Loi d'interprétation. J'ai vérifié rapidement et j'ai découvert qu'il avait une telle définition dans le Code criminel, au paragraphe 326(2). On lit dans ce paragraphe et à l'article 327 :

[...] « télécommunication » désigne toute transmission, émission ou réception de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de renseignements de toute nature par fil, radioélectricité, optique ou autres systèmes électromagnétiques.

Le problème, c'est que cette définition a fait l'objet d'un jugement de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. McLaughlin en 1980. Qu'est-ce qu'en dit la Cour suprême du Canada? Commentant ce qui était alors l'article 287, la cour a déclaré ceci :

[...] télécommunication [...] connote l'existence d'un émetteur et d'un récepteur. L'ordinateur, qui est un calculateur, ne met en jeu que la participation d'une seule entité, savoir l'opérateur [...] par conséquent, c'est déformer le sens de l'expression en cause que de conclure qu'une personne qui se sert d'un ordinateur fait usage d'une installation de télécommunication [...]

La Loi d'interprétation donne exactement la même définition.

Une question simple a été posée au comité de la Chambre des communes concernant cette question que madame le sénateur Fraser a probablement posée parce qu'elle savait que le problème avait déjà été soulevé et qu'il n'existait pas de définition de ce mot. La Chambre des communes a accepté le fait que le terme est défini dans le Code criminel et à l'article 35 de la Loi d'interprétation. Elle a dit « très bien » sans chercher plus loin et sans avoir découvert que la Cour suprême du Canada avait invalidé cette définition, du moins quant à la possibilité qu'elle s'applique à un ordinateur.

L'honorable Pierre Claude Nolin (Son Honneur le Président suppléant) : Le sénateur Baker désire-t-il avoir plus de temps?

Le sénateur Baker : Deux minutes.

Son Honneur le Président suppléant : Vous avez cinq minutes, sénateur Baker.

(1240)

Le sénateur Baker : Honorables sénateurs, ce n'est pas la première fois que je le dis, mais il suffit de consulter la jurisprudence pour constater qu'il y est très souvent fait mention des travaux du Sénat. Et si c'est ainsi, c'est parce que ces questions sont soulevées au Sénat, d'où leur importance.

Honorable sénateurs, il m'est déjà arrivé de prendre la parole pour féliciter deux des sénateurs d'en face pour les questions qu'ils avaient posées durant une séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Hélas, l'un d'eux l'a mal pris, croyant que je me payais sa tête. Rien n'est plus faux, car dès lors qu'une personne pose une question et obtient une réponse, elle nous aide à mieux comprendre l'objectif que l'on tentait d'atteindre avec telle ou telle loi et nous évite bien souvent de nous retrouver dans la situation où nous sommes aujourd'hui, où des gens qui ont commis un crime sont remis en liberté.

Si l'on fait comme on le propose et qu'on utilise dorénavant le mot « télécommunication », car je rappelle qu'il n'est fait mention nulle part du mot « ordinateur », est-ce qu'on pourrait se retrouver dans la même situation qu'avec la Loi sur la lutte contre les crimes violents et faire en sorte que certains coupables ne soient jamais condamnés? Si tel devait être le cas, la réponse serait très certainement « oui ».

Honorables sénateurs, ce projet de loi a passé 127 jours à l'autre endroit, alors qu'il n'a passé que deux jours ici. C'est tout ce que je voulais dire. Je vous remercie.

Son Honneur le Président suppléant : Sénateur Fraser, vous avez une question?

Le sénateur Fraser : Si le sénateur Baker n'était pas sénateur, il serait sans doute un témoin expert, j'aimerais donc qu'il réponde à quelques questions.

Si je me reporte à la définition que donne l'article 326 du mot « télécommunication », on s'aperçoit qu'elle s'applique et à l'article 326 et à l'article 327 et que ce dernier est passablement long. Le sénateur a-t-il réussi à déterminer si cette définition s'appliquerait aussi aux infractions de nature sexuelle ou est-ce une question qu'il aurait fallu poser aux témoins experts qui auraient comparu devant le comité?

Ensuite, à la lecture du projet de loi, avez-vous vu quelque part qu'il serait appliqué rétrospectivement? Moi, je n'ai rien vu de tel, mais vous vous y connaissez mieux que moi. Créerait-il le même vide juridique que le projet de loi C-2 s'est trouvé à créer?

Le sénateur Baker : Pour répondre à la question du sénateur Fraser, je crois que le projet de loi créerait en effet le même type de problème.

Le changement proposé vaut pour l'ensemble du projet de loi, puisqu'il s'applique à l'article 172.2 du Code criminel, mais aussi à l'article 172.1. À ma connaissance, le mot « ordinateur » serait remplacé par « [...] d'utiliser Internet ou tout autre réseau numérique [...] », sans qu'on définisse cependant la notion de « réseau numérique ».

Comme la présidence le sait, il y a une énorme différence entre le sens d'Internet avec un « i » majuscule et internet avec un « i » minuscule dans la loi.

La nécessité de clarifier ces articles est certainement très importante.

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : Le sénateur Cowan, avec l'appui du sénateur Tardif, propose que le projet de loi C-54 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude et rapport.

Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Que tous ceux qui sont contre, veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, conformément aux articles 67(1) et 67(2) du Règlement, je demande que le vote soit reporté à 17 h 30 lundi prochain.

Son Honneur le Président suppléant : Le vote est reporté à lundi.

L'étude des questions relatives à l'antiterrorisme

Troisième rapport du Comité spécial sur l'antiterrorisme—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport (provisoire) du Comité spécial sur l'antiterrorisme, intitulé Liberté, sécurité et la menace complexe du terrorisme : des défis pour l'avenir, qui a été déposé au Sénat le 23 mars 2011.

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je me demande si je peux parler du rapport du comité sous l'article no 1. Je me suis entretenu avec le sénateur Joyal et il a accepté que je prenne la parole à sa place.

Je veux parler un peu du contenu du rapport dont l'étude est maintenant inscrite au Feuilleton, pour étude à une date ultérieure. Je tiens à remercier très sincèrement le sénateur Joyal, qui a été vice-président du comité, ainsi que les sénateurs Furey, Jaffer, Marshall, Nolin, Smith (Cobourg), Tkachuk et Wallin, qui représentent les deux partis et qui ont aussi travaillé d'arrache-pied tout au long des audiences et lors de la préparation du rapport qui nous a été présenté.

Je m'en voudrais de ne pas souligner tout le travail abattu par les agents de recherche, Dominique Valiquet et Cynthia Kirby, ainsi que, évidemment, le travail de notre remarquable greffière, Barbara Reynolds, qui n'a jamais accepté un refus et qui, par son attitude constructive et sa compétence, a si bien su faciliter le déroulement de nos réunions et des téléconférences avec des témoins de partout dans le monde.

Comme ceux qui sont ici depuis plus longtemps que moi le savent, au départ, ce comité a été créé pour étudier un projet de loi spécial présenté par le gouvernement Chrétien après les attaques du 11 septembre 2001.

Honorables sénateurs, de nombreux changements ont dû être envisagés lorsque la loi est devenue caduque après cinq ans. Des recommandations avaient été formulées par les comités précédents; elles étaient également fondées sur les décisions de la Cour suprême concernant certaines garanties qui avaient été offertes par les fonctionnaires, qui avaient alors affirmé que la loi d'origine ne contrevenait pas à la Charte. En fait, les tribunaux ont déterminé que, à de nombreux égards, elle ne respectait pas la Charte. Le comité a recommandé que des changements soient apportés et le gouvernement alors au pouvoir a pris les mesures nécessaires pour ce faire. Puis, en raison des élections et des prorogations, et parce que le projet de loi se trouve encore à l'autre endroit et qu'il ne nous a pas été renvoyé, nous n'avons pu mener le processus à bien.

Entre-temps, l'an dernier, le comité a reçu un ordre de renvoi du Sénat afin d'étudier l'anti terrorisme et d'effectuer une analyse de la préparation du Canada, du processus d'échange de renseignements entre nos agences de sécurité et de ce qui pourrait être fait, au besoin, pour renforcer ces activités.

Je n'exposerai pas en détail les 15 recommandations, qui portent sur un vaste éventail d'enjeux, mais je parlerai brièvement de ceux-ci.

Fait important, dans la première partie du rapport, on trouve un examen détaillé de l'évolution qui a été observée dans le terrorisme issu de la société elle-même, que ce soit au Royaume-Uni, aux États-Unis ou au Canada. On a constaté le passage d'une simple radicalisation chez certains jeunes désabusés à la planification et à la perpétration d'actes violents contre le reste de la société.

(1250)

Nous sommes tous au courant de l'arrestation des 17 suspects de Toronto et de la coopération entre les forces policières et les services de renseignement pour recueillir les preuves nécessaires en vue d'inculper les gens et de permettre à la justice de suivre son cours. Nous ne le savions peut-être pas, mais c'était le troisième réseau à faire l'objet d'une surveillance par les forces de sécurité et les forces policières du pays. Deux autres réseaux ont existé, mais ils ont été neutralisés par des moyens légaux avant de constituer un danger réel. Leurs activités ont amené les services de police à s'inquiéter du risque que d'autres réseaux soient créés, et nous pouvons remercier les forces policières et les forces de sécurité d'avoir agi de manière préventive et d'avoir réussi à empêcher le pire par des moyens légaux, ce qui est évidemment le meilleur résultat que l'on puisse espérer.

Le Canada ne fait pas beaucoup de recherche sur la transition qui amène une personne à passer de la simple radicalisation à la violence. D'autres pays en ont fait davantage, notamment les États-Unis et le Royaume-Uni. Nous avons entendu des témoignages sur les travaux qui se font là-bas, et le présent rapport demande au gouvernement d'investir davantage dans les études de ce genre, qui portent sur les comportements, sur les cultures, sur les problèmes économiques et sociaux de même que sur l'utilisation d'Internet pour propager des incitations à la violence.

Bien que ce rapport prenne fermement position contre la censure, il dit aussi que nous pourrions nous inspirer des activités de la police pour lutter contre la pornographie juvénile. À cet égard, les fournisseurs de services Internet, qui permettent la transmission des données numériques, sont responsables dans une certaine mesure du contenu de leurs vastes réseaux et agissent de manière préventive et constructive.

De solides recommandations sont formulées concernant la représentation au sein des forces policières et des forces de sécurité. Nous avons été enchantés de constater que la composition de ces forces se rapproche de la composition de la société en général, mais il y a tout de même un écart. Nous invitons les forces de police et les forces de sécurité à essayer de le combler le plus rapidement possible, mais nous n'avons pas recommandé l'établissement de quotas pour y arriver.

Je voudrais parler d'un dernier élément du rapport avant de céder la parole à quelqu'un d'autre. Il s'agit de la surveillance par le pouvoir législatif. Je vais tâcher d'aborder cette question sous un angle qui intéressera tous nos collègues.

Le Canada est le seul pays du G8 dont les services de sécurité ne font pas l'objet d'une supervision législative. Je ne parle pas de l'excellent travail effectué par le CSARS, qui est formé de distingués Canadiens titulaires d'une autorisation de sécurité et qui, rétroactivement, analysent les plaintes formulées au sujet du SCRS. Ce dont je parle, c'est du modèle britannique du comité parlementaire du renseignement et de la sécurité présidé par sir Malcolm Rifkind, un ancien secrétaire au Foreign Office et au Ministry of Defence. Ce comité est formé de députés de tous les partis de la Chambre des communes et de la Chambre des lords. Ceux-ci ne reçoivent aucune attestation officielle de sécurité au sens où nous l'entendons. Le sénateur Eggleton sera en mesure de le comprendre dans le contexte du ministère de la Défense et des autorisations de sécurité qui y sont exigées des hauts fonctionnaires qui occupent ces fonctions. Les membres du comité sont donc nommés par le premier ministre de la Grande-Bretagne en consultation avec les chefs de l'opposition.

Nous avons participé à des rencontres officieuses avec ce groupe ici même au Canada. Tous les membres du comité ont dîné en leur compagnie au haut-commissariat de Grande-Bretagne. Nous avons eu une franche discussion, de parlementaire à parlementaire, sur leur mode de fonctionnement. Ce groupe de supervision responsable d'examiner les plans, les budgets, les opérations, les priorités et les membres du personnel supérieur de toutes les agences de sécurité britanniques existe depuis 1994, soit depuis 17 ans. On ne rapporte aucune infraction à la sécurité nationale pendant cette période.

Un grand nombre de représentants d'agences et de dirigeants qui ont comparu devant ce comité britannique ont déclaré que ce processus était extrêmement utile lorsqu'il arrive que les médias ou, Dieu nous en préserve, même un député de l'opposition, font une allégation au sujet de faits survenus ou non au sein des services de sécurité. Les membres de ce comité parlementaire sont alors en mesure d'affirmer : « L'allégation est injuste et sans fondement. Ces questions ont été discutées en profondeur à notre comité. Nous comprenons précisément ce que les agences de sécurité essayaient de faire et pourquoi leurs agissements étaient un reflet rationnel de l'intérêt public tel qu'il pouvait être compris à l'époque. »

Honorables sénateurs, la recommandation que nous avons formulée en ce qui concerne l'adoption du modèle britannique figure dans le rapport dont vous êtes saisis. Je crois que, compte tenu de l'esprit de collaboration qui règne au comité, cette recommandation survivra quoi qu'il arrive au cours des cinq ou six semaines qui vont suivre. En effet, le gouvernement qui prendra le pouvoir à la suite de cet exercice de notre processus démocratique sera probablement disposé à réfléchir au contenu de ce rapport et à aller de l'avant.

Fait intéressant, le comité relève du premier ministre. Or, le premier ministre est tenu par la loi de rendre le rapport public dans un délai donné. Il est libre de décider, dans sa grande sagesse, qu'il n'est pas dans l'intérêt public d'en divulguer certains éléments. Par contre, il doit signaler à la population et aux parlementaires qu'il a supprimé des éléments du rapport pour que nous sachions à quoi nous en tenir.

Cette responsabilité législative est importante, non pas parce que les parlementaires — certainement pas ceux qui sont membres de notre comité, et je suis convaincu que c'est également le cas de l'ensemble des parlementaires — souhaitent s'immiscer dans les décisions opérationnelles que prennent les forces de sécurité au quotidien. Celles-ci doivent prendre des décisions en s'appuyant sur la loi et sur la chaîne de commandement et en fonction du pouvoir décisionnel et discrétionnaire que leur confère la loi pour qu'elles assurent notre sécurité nationale collective et notre sécurité individuelle au sein de la société. On semble penser qu'il n'y a ni examen parlementaire, ni discussions franches concernant les priorités, les plans, les orientations, les budgets et l'efficacité, ni discussions en vue de déterminer si les activités respectent la Charte des droits et libertés. On entend souvent des fonctionnaires dire que telle ou telle mesure législative résisterait à un examen fondé sur la Charte, mais il se révèle plus tard, dans le cadre de l'application régulière de la loi devant les tribunaux, que n'est pas aussi conforme qu'on le prétendait. L'idée selon laquelle la Loi sur les secrets empêche un chef de la lutte antiterroriste au SCRS ou à la GRC de communiquer des renseignements complets aux parlementaires, comme c'est actuellement le cas devant tous les comités des deux Chambres, ne met en cause ni leur intégrité ni la nôtre. Elle en dit long sur l'absence d'un pont jeté par voie législative pour leur permettre de dire la vérité, ce qu'ils souhaitent souvent faire, mais que la loi en vigueur les empêche de faire.

Honorables sénateurs, cette proposition nous permettrait de faire avancer les choses à cet égard. Je vous recommande donc d'appuyer cette proposition, ainsi que les autres que contient le rapport.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Segal, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Segal : J'en serais ravi.

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, je dois admettre que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire le rapport du comité, mais je le ferai avec grand intérêt. Je remercie le sénateur d'en avoir présenté le contenu. Son exposé était intéressant et complet.

Je dois dire, d'abord, que je suis tout à fait de l'avis du sénateur quant à la surveillance législative. Je me souviens bien du jour où le sénateur Fraser, au nom du gouvernement Chrétien, a présenté de nouvelles mesures à la suite des événements du 11 septembre 2001. Je suppose qu'on a tendance à se répéter à mon âge avancé, mais je me souviens d'avoir pensé et, il me semble, d'avoir dit qu'un grand nombre de sénateurs et moi étions prêts, étant donné qu'il y avait une véritable surveillance législative, à accorder une marge de manœuvre beaucoup plus grande aux services de sécurité. À mon avis, la mise en œuvre des recommandations du sénateur rassurerait bien des Canadiens.

Ma question, toutefois, porte sur la surveillance ministérielle. Je ne sais pas si le comité a abordé cette question, qui m'intéresse fortement.

(1300)

Les ministres ne sont pas des pantins, mais ils ne devraient pas pour autant s'ingérer dans les opérations de sécurité, pas plus que le reste d'entre nous. Néanmoins, je crois rejoindre l'opinion du sénateur et de la plupart des honorables sénateurs en soutenant qu'il est de la plus haute importance de donner des directives politiques adéquates aux services de sécurité.

Une fois de plus, je puise dans mon répertoire d'anecdotes. Je me rappelle avoir été en quelque sorte scandalisé, il y a quelques années, lorsque la ministre de la Justice de l'époque, l'honorable Anne McLellan, qui, comme nous le savons, était érudite et fort compétente, a déclaré aux médias ne pas avoir été avisée des descentes effectuées par la GRC et les services de sécurité à la résidence privée d'un membre de la Tribune de la presse parlementaire et que, par surcroît, elle a affirmé qu'il était normal qu'il en soit ainsi.

J'avais une opinion tout à fait différente et je crois qu'il en aurait été de même de la plupart des sénateurs. La question touchait notre sécurité nationale, nos relations internationales et la liberté de la presse. Bien entendu, les services de sécurité auraient dû consulter la ministre et celle-ci aurait dû leur interdire de faire une telle intervention. Elle l'admettra peut-être un jour si elle assume la responsabilité de ses actes.

Je ne sais pas si le comité s'est intéressé à cette question importante. Notre première ligne de défense est la surveillance ministérielle adéquate. J'ignore si le comité auquel siège mon ami s'est penché sur la question ou non, ou s'il aurait des observations à faire à ce sujet, mais si oui, j'aimerais beaucoup les entendre.

Son Honneur le Président intérimaire : Avant de laisser le sénateur Segal répondre, j'aimerais signaler que son temps de parole est écoulé. Souhaite-t-il demander plus de temps?

Le sénateur Segal : Cinq minutes.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour accorder au sénateur cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Segal : Je remercie le sénateur Murray de sa question. Puisque nous n'étions pas officiellement saisis d'un projet de loi lorsque nous avons préparé le rapport, nous n'avons convoqué ni invité aucun ministre à se joindre aux discussions; nous n'avons donc pas posé ce genre de questions. Je ne pense pas pouvoir affirmer que le comité a débattu en détail la question de l'exercice de la responsabilité ministérielle.

Toutefois, je ne crois pas me tromper en affirmant — et j'ai des collègues des deux côtés du Sénat qui siégeaient au comité qui pourraient en témoigner — que le consensus en ce qui a trait au pouvoir de surveillance législatif est que la responsabilité ministérielle, et notamment la chaîne de commandement, est inadéquate dans une démocratie parlementaire; qu'à la base, dans une démocratie parlementaire, bien qu'il soit reconnu que des décisions opérationnelles doivent parfois être prises en secret et que les personnes qui sont directement concernées au sein des ministères et qui ont l'habilitation de sécurité nécessaire doivent être au courant de ces décisions — et je ferais valoir, à l'instar du sénateur, que cette responsabilité ne devrait pas seulement être exercée à posteriori — les ministres ont le droit de connaître ces décisions à l'avance et d'exercer leur responsabilité ministérielle à cet égard. Nous avons adopté la position selon laquelle, dans une démocratie parlementaire, quelles que soient les circonstances, quelle que soit le degré de discrétion dont se prévaut un ministre pour s'acquitter de son obligation, il est de toute importance, dans une démocratie, que les agents responsables de la sécurité nationale aient des comptes à rendre dans le cadre du processus parlementaire. Si c'est ainsi, c'est parce que, dans le rapport, la sécurité nationale est définie comme la nécessité de protéger les Canadiens, leurs institutions, leurs libertés et leurs droits contre l'intimidation, le terrorisme ou la violence perpétrée par ceux qui sont disposés à avoir recours à la violence pour atteindre des objectifs politiques.

Par conséquent, l'obligation de rendre des comptes au Parlement est l'un des éléments que nos organismes de sécurité nationaux cherchent à protéger. Ces organismes devraient donc être tenus de rendre des comptes au même titre que les autres composantes du gouvernement de Sa Majesté. Toutefois, nous admettons la nécessité de confidentialité, de discrétion et d'un contexte sûr, et la loi devrait leur permettre de témoigner uniquement dans de telles circonstances.

L'honorable Joan Fraser : Je ne suis pas membre du comité. En écoutant le sénateur Segal, je me suis mise à penser que cela semble être un rapport très intéressant et que j'approuve le concept de surveillance législative. Je suis tout à fait de cet avis, la surveillance améliorerait grandement le système canadien. Je voulais cependant commenter la question du sénateur Murray.

Avec son extraordinaire mémoire institutionnelle, le sénateur Murray se souviendra peut-être que, il y a quelques années, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a publié un rapport sur la politique fédérale relative aux médias d'information au Canada. Dans ce rapport, nous recommandions qu'une autorisation du ministre soit nécessaire pour qu'une perquisition ou toute autre intervention du genre puisse être effectuée à l'endroit d'un journaliste, que ce soit chez lui, dans une salle de presse, ou n'importe où, pour sensiblement les mêmes raisons que souligne le sénateur, je pense. Notre raisonnement était semblable à celui du sénateur Murray. Dans sa grande sagesse, le gouvernement n'a pas accepté notre explication, mais je crois encore qu'elle était valable.

L'honorable Tommy Banks : Je voulais poser une question au sénateur Segal, mais il n'a presque plus de temps et le préambule à ma question serait long, alors je ferai simplement une intervention dans le cadre du débat sur le rapport. Je suis désolé d'avoir eu d'autres occupations et de n'avoir pu lire le rapport, mais j'ai pris bonne note du fait qu'il formule des recommandations à l'égard de la surveillance parlementaire.

Je suis sûr que je n'apprends rien aux sénateurs, mais il serait utile que nous sachions tous que le premier ministre Chrétien a reconnu, comme l'a dit le sénateur Segal, que le Canada est le seul pays, parmi tous ses proches alliés, et pas seulement les « four-eyes » ou les « five-eyes », où il n'existe aucune forme d'examen ou de surveillance parlementaire des questions relatives à la sécurité et au renseignement. Le premier ministre Chrétien avait donc constitué un comité de tous les partis des deux Chambres du Parlement qui était présidé par Derek Lee et auquel siégeaient Michael Forrestall, Colin Kenny, Serge Ménard, qui était alors ministre de la Sécurité publique du Québec, Peter MacKay, Joe Comartin, du NPD, et moi. Je crois que j'ai nommé tous les membres.

Nous sommes allés à Londres, Washington et Canberra et avons aussi correspondu avec des gens pour savoir ce que nous devrions faire à ce chapitre. Le gouvernement de l'époque avait déterminé que nous devions prendre contact avec ces personnes.

Nous avons rédigé un rapport qui est, je le soupçonne, de plusieurs façons, concomitant de celui du sénateur parce que nous en sommes arrivés à la même conclusion. Le Parlement doit exercer une surveillance, car la surveillance du ministre, quoiqu'importante, ne suffit pas.

Il ne suffit pas que, dans l'une ou l'autre des Chambres du Parlement, une personne dise qu'il semble y avoir un problème en Lituanie et que le ministre dise : « Tout va bien. Nous nous en sommes occupés. », ou qu'il semble y avoir une fuite et que le ministre dise : « Nous nous en sommes occupés. » Ce n'est pas assez. Quelqu'un d'autre doit pouvoir garantir à ses collègues qu'on s'occupe du problème. Je simplifie à l'extrême, mais c'est le principe.

La question, cependant, est la suivante : comment fait-on? Va-t-on exercer une surveillance au sens habituel du terme, ce qui suppose un certain encadrement, ou y aura-t-il un examen, comme dans le cas, par exemple, du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité? Est-ce qu'on oriente les activités, est-ce qu'on surveille ce qui se passe ou est-ce qu'on examine ce qui s'est passé après les faits et détermine si tout va bien? C'est une question importante. Nous n'avons pas tranché. Nous avons recommandé une solution intermédiaire.

Une des choses dont nous avons parlé, cependant, c'est l'accès auquel le sénateur a fait allusion. Pour qu'un député puisse garantir aux deux Chambres et à ses collègues qu'on s'occupe d'une affaire comme il se doit, ce député devrait avoir un accès à peu près semblable à celui d'un membre du Conseil privé, comme les personnes qui supervisent le Service canadien du renseignement de sécurité. Ce sont des conseillers privés. Cela présente des avantages et des inconvénients. Certains membres du comité que j'ai mentionné avaient des opinions différentes quand venait le temps de déterminer si les membres d'un comité de surveillance parlementaire devaient devenir des conseillers privés ou si on devait trouver un autre moyen de leur donner accès aux dossiers les plus confidentiels. Nous avons cherché un autre moyen et déterminé qu'ils devaient prêter et signer un serment très spécial, qui leur donnerait accès à des dossiers extrêmement confidentiels.

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Honorables sénateurs, j'espère que, lorsque nous examinerons le rapport décrit par le sénateur Segal, nous tiendrons également compte du rapport du comité que j'ai mentionné, parce qu'il peut y avoir des synergies entre eux. Ils pourraient peut-être se compléter, et les résultats pourraient être surprenants.

Toutefois, je suis ravi d'apprendre que le comité mentionné par le sénateur a fait cette recommandation. On n'a pas donné suite au rapport que le comité a présenté au gouvernement, en partie par inertie et en partie à cause des changements au niveau du gouvernement. Je suis ravi que le comité du sénateur ait soulevé cette question de nouveau, et je suis fier de ce que le sénateur a dit.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, en devenant sénateur, cela m'a confirmé ce que j'ai appris durant les années où j'ai servi mon pays, même comme officier général, lorsque je venais témoigner devant des comités. Les parlementaires soulevaient des questions qui n'avaient rien à voir avec les renseignements et les données dont nous disposions, mais que nous ne pouvions divulguer devant un comité. Je pense, par exemple, au Comité de la Défense et même au Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme, bien que je vienne tout juste d'en devenir membre et que je n'aie pas vu grand-chose de ce qui s'y fait jusqu'à maintenant.

Une telle chose était totalement insensée pour nous, les généraux. D'une part, il y avait le ministre et les hauts placés, et, d'autre part, il y avait les parlementaires au sein des comités qui disposaient de renseignements extrêmement limités. Je suis en train de réfléchir à ce qui a été convenu, à savoir que les comités spéciaux de la Chambre et du Sénat devraient avoir accès à toutes les sources de renseignements qui existent dans notre pays afin qu'ils puissent fournir des conseils au premier ministre et assurer une surveillance.

Est-ce bien ce que nous avons recommandé?

J'ai dit que je voulais poser une question.

Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions?

Le sénateur Dallaire : Je croyais que mon temps de parole était limité. J'allais poursuivre.

Je ne veux pas demander l'ajournement du débat parce que je veux aller jusqu'au bout de cette question. Je vais donc conclure mon intervention maintenant.

(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, après avoir discuté avec notre collègue d'en face, je demanderais aux sénateurs s'ils sont disposés à passer à l'article 84 sous la rubrique « Autres ». En fait, j'ai consulté les sénateurs indépendants, comme je le fais toujours.

Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement chinois de libérer Liu Xiaobo de prison—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Di Nino, appuyée par l'honorable sénateur Stewart Olsen :

Que le Sénat du Canada demande au gouvernement chinois de libérer Liu Xiaobo, gagnant du prix Nobel de la paix de 2010;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Banks, que la motion soit modifiée en substituant tous les mots après « Sénat du Canada » par les mots :

« prie le gouvernement du Canada de discuter avec le gouvernement chinois du bien-être de M. Liu Xiaobo. ».

L'honorable Consiglio Di Nino : Honorables sénateurs, je ne m'éterniserai pas. Je ne prendrai que quelques minutes pour apporter une précision.

Je ne suis pas du tout impressionné, honorables sénateurs, par l'amendement du sénateur Day et par ses arguments concernant la question à l'étude. Son amendement viendrait affaiblir ma motion au point de la rendre sans intérêt. Peut-être est-ce là son intention.

Le sénateur Banks propose de s'en remettre au gouvernement sur ces questions, mais je lui rappelle que nous sommes la Chambre haute du Parlement du Canada et que nous disposons de pouvoirs constitutionnels pour régler ces questions.

Honorables sénateurs, je suis fermement convaincu que nous ne devons ni abandonner notre indépendance ou nos pouvoirs ni affaiblir davantage le rôle que joue le Sénat dans la gestion du pays. Il pourrait éventuellement s'agir là d'un bon sujet d'interpellation pour le Sénat.

Honorables sénateurs, hier soir, madame le sénateur Jaffer a été la seule à ne pas voter comme ses collègues du caucus. Ce n'est pas quelque chose qui est facile à faire. J'ai vécu la même chose, il y trois ou quatre ans. Je félicite le sénateur Jaffer. Je sais ce que l'on ressent.

J'ai quelques mots à dire au sujet de la motion.

À mon avis, c'est une simple question de défense des droits de la personne. La faute de Liu Xiaobo a été d'exprimer une opinion, ce que permet, il me semble, la constitution de la Chine, mais c'est une opinion que le régime communiste n'a pas appréciée. Pour sa faute, il a été condamné à 11 ans de prison, où il dépérit et a fort peu de contacts avec sa famille et ses amis, voire aucun. Presque tous les pays du monde ont condamné la Chine pour avoir poursuivi et, en fait, persécuté Liu Xiaobo, un citoyen chinois qui a osé remettre en question la gestion de son pays.

Ma motion ne condamne pas la Chine et elle n'est pas offensante en raison, justement, du caractère délicat des relations bilatérales entre le Canada et la Chine. Elle exprime tout simplement une opinion au sujet d'une question que nous jugeons importante, ce qui arrive régulièrement dans toute relation entre des intervenants.

La motion défend également quelqu'un dont les droits ont été bafoués. Elle donne espoir à tous les gens qui sont opprimés et qui ne peuvent pas se défendre. M. Elie Wiesel a dit que le fait de ne pas dénoncer les injustices nous rend également coupables.

Je suis du même avis que lui. Lorsque nous sommes confrontés à des injustices et à des violations des droits fondamentaux, le silence fait de nous des complices.

Honorables sénateurs, en rejetant l'amendement du sénateur Day, j'affirme clairement ma position.

(Sur la motion du sénateur Di Nino, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au lundi 28 mars 2011, à 14 heures.)


La quarantième législature a été dissoute par proclamation de Son Excellence le Gouverneure général le samedi 26 mars 2011.


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