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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 23

Le mercredi 26 octobre 2011
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 26 octobre 2011

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'honorable Percy Mockler

Félicitations au lauréat du prix de reconnaissance Richard B. Hatfield

L'honorable Gerald J. Comeau : Honorables sénateurs, permettez-moi de féliciter un cher collègue et un ami de la province voisine de la mienne, le sénateur Percy Mockler, à qui l'on a décerné le Prix de reconnaissance Richard B. Hatfield. Il s'agit d'un prix de haute distinction remis à un candidat qui a fait preuve d'un activisme positif pour le Canada et le Nouveau-Brunswick.

Le prix Hatfield a été créé en l'honneur d'un homme sans pareil qui a dirigé le Nouveau-Brunswick pendant 17 ans. Il a façonné sa province et l'a élevée au rang de chef de file du Canada, prouvant de ce fait qu'il était un homme visionnaire.

Non seulement le premier ministre Hatfield a-t-il fait la promotion du développement économique et mis en place des réformes extraordinaires en matière de santé, il a également œuvré en vue de l'adhésion du Nouveau-Brunswick à l'Organisation internationale de la Francophonie. Il a été un grand défenseur des Acadiens du Nouveau-Brunswick et de tout l'Atlantique. En l'honneur de ces réalisations et de bien d'autres encore, des universités de l'Est canadien lui ont en outre décerné de nombreux doctorats honorifiques.

Honorables sénateurs, je n'entrerai pas aujourd'hui dans les détails de la carrière et de la vie de Richard Hatfield puisque je tiens à faire mes commentaires en hommage à mon ami Percy.

Je voulais néanmoins faire ressortir le fait que le Prix de reconnaissance Richard B. Hatfield n'est pas décerné à n'importe qui, mais à une personne honorable et méritante qui continue de marquer favorablement la vie des gens, une personne infatigable qui cherche sans cesse à améliorer la vie au Nouveau-Brunswick et au Canada tout entier. Le sénateur Mockler est un lauréat digne de cet hommage. Il travaille sans arrêt et mène à bien les projets qu'on lui confie, et il est toujours prêt à aller plus loin et à faire plus pour les gens.

Il se démarque par un engagement d'une grande qualité et une énergie débordante. C'est un plaisir, pour moi, de voir un sourire souvent rusé éclairer son visage lorsqu'il a une idée à partager. Le sénateur Mockler n'érige jamais de murs, sa porte et son cœur sont toujours ouverts. Toujours prêt à recevoir ceux qui ont besoin de lui, sa générosité, sa patience, son intégrité et sa vie intelligence sont légendaires.

En plus des nombreuses années qu'il a passées à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, au service de ses commettants de Madawaska Sud, Madawaska-la-Vallée et Restigouche-la-Vallée, Percy connaît bien Ottawa. Il a travaillé pendant plusieurs années à titre d'organisateur fédéral du parti et célébrera bientôt le troisième anniversaire de son arrivée parmi nous à la Chambre haute.

J'offre mes félicitations les plus sincères à mon ami Percy. Je suis heureux de voir que le sénateur Mockler est habité d'un enthousiasme passionné envers sa collectivité, sa province et son pays, et je me réjouis d'autant plus qu'un tel candidat aussi méritoire ait été choisi pour recevoir le Prix de reconnaissance Richard B. Hatfield cette année.

Bonne chance dans tous vos projets, Percy, et continuez votre beau travail.

Mme Edna A. Hall

Hommage de la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, le vendredi 21 octobre 2011, à l'invitation de la Fédération des francophones de Terre- Neuve et du Labrador, j'étais présente au banquet où les communautés francophones ont rendu hommage à Mme Edna Hall, fonctionnaire de Patrimoine canadien.

Voici quelques extraits de l'allocution prononcée par M. Julio Custodio, président de la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador :

Ce soir, le Conseil provincial de la Fédération a souhaité exprimer sa reconnaissance à la contribution exemplaire qu'une fonctionnaire de Patrimoine canadien a donnée à nos communautés francophones.

Madame Hall a bien compris les besoins de la communauté et a saisi les opportunités pour l'appuyer dans son développement.

Elle a travaillé d'arrache-pied avec le gouvernement provincial pour la création du Bureau des services en français.

C'est sous sa direction que fut créé le Comité d'orientation aux Affaires francophones. Géré par Patrimoine canadien, ce comité rassemblant les acteurs fédéraux et provinciaux et les organismes francophones, est aujourd'hui toujours un outil très apprécié.

Elle a appuyé le concept de bâtir un centre scolaire et communautaire à St-Jean.

Lorsque la province a annoncé des fonds pour la construction d'une nouvelle école française à St-Jean, elle s'est assurée que Patrimoine canadien soit à la table pour financer les parties communautaires et partagées.

Madame Hall a sensibilisé les hauts fonctionnaires du secteur public aux besoins de la communauté francophone et a encouragé ceux-ci à être des leaders vis-à-vis la Loi sur les langues officielles, surtout la partie VII qui encourage les mesures positives.

Honorables sénateurs, la présence française à Terre-Neuve-et- Labrador date du début du XVIe siècle.

Il y a présentement, à de Terre-Neuve-et-Labrador, 21 000 personnes pouvant communiquer en français, dont 2 500 de langue maternelle française.

Les francophones de Terre-Neuve-et-Labrador se concentrent surtout dans trois noyaux principaux : la péninsule de Port-au-Port, Saint-Jean et sa grande région métropolitaine ainsi que Labrador. Dans certaines communautés, les francophones comptent pour presque 12 p. 100 de la population.

Honorable sénateurs, ces francophones de Terre-Neuve-et- Labrador ont reconnu publiquement que Mme Hall est un leader convaincu des bienfaits de la dualité linguistique de notre pays. J'aimerais, aujourd'hui, la remercier et lui souhaiter beaucoup de succès dans ses projets futurs.

La diversité dans la fonction publique fédérale

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur un sujet d'actualité : le bilinguisme des minorités visibles dans la fonction publique du Canada.

Pendant des décennies, certains ont avancé qu'il y avait très peu de minorités visibles dans les postes de cadre de la fonction publique parce que ceux-ci ne parlaient pas français.

Plusieurs cadres ont suggéré que les minorités visibles ont longtemps été incapables de répondre aux exigences de notre politique nationale sur le bilinguisme. Plusieurs croyaient que bien des membres des minorités visibles ne parlaient pas français.

Heureusement, cet argument vient d'être dissipé avec la publication d'un rapport sur la Commission de la fonction publique du Canada cette semaine.

(1340)

[Traduction]

Il s'agit du bulletin statistique déposé par la Commission de la fonction publique du Canada, intitulé Minorités visibles et postes bilingues au sein de la fonction publique fédérale — Incidence des exigences en matière de langues officielles.

Les minorités visibles se plaignent depuis des décennies que leurs possibilités d'avancement dans la fonction publique du Canada sont limitées pour de nombreuses raisons systémiques. Un motif mis en avant, c'est que les minorités visibles ne pouvaient pas relever les défis posés par la politique sur les langues officielles.

Dans le rapport d'aujourd'hui, il y a une analyse détaillée des répercussions des exigences linguistiques sur l'avancement professionnel des minorités visibles sous le régime de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. L'étude arrive à deux conclusions : premièrement, la proportion des membres des minorités visibles qui occupent un poste bilingue au sein des organisations assujetties à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique augmente; deuxièmement, les personnes bilingues membres des minorités visibles occupent moins longtemps un poste unilingue avant d'être nommées à un poste pour lequel le bilinguisme est impératif. C'est là une bonne nouvelle pour les minorités visibles et pour le succès continu de notre politique canadienne de bilinguisme.

Honorables sénateurs, beaucoup dépend de la langue première d'un membre d'une minorité visible, qu'il s'agisse du français ou de l'anglais. Par exemple, ceux qui ont le français comme première langue officielle passent d'un poste où le français est essentiel à des postes où le bilinguisme est impératif en 17 mois, tandis que les autres employés dont la première langue officielle est le français le font en 24,1 mois. Cependant, les membres des minorités visibles dont l'anglais est la première langue officielle passent d'un poste où l'anglais est essentiel à un poste où le bilinguisme est impératif en 23,7 mois, tandis que pour les autres employés dont l'anglais est la première langue, c'est 23,9 mois.

Vous vous demandez peut-être quelle est la représentation actuelle des minorités visibles dans la fonction publique. Au Canada aujourd'hui, plus de 20 p. 100 de la population est composée de minorités visibles. Leur représentation dans la fonction publique est passée de 5,9 p. 100 en 2000 à 9,8 p. 100 en 2009.

Honorables sénateurs, j'ai eu des réunions avec Maria Barrados, la présidente de la Commission de la fonction publique, et Graham Fraser, le commissaire aux langues officielles. Je les ai rencontrés à plusieurs occasions et j'entretiens une correspondance remarquable avec eux sur le sujet.

Quoi qu'il en soit, ce tout récent rapport confirme ceci : la représentation des minorités visibles dans les postes bilingues de la fonction publique est passée de 3,7 p. 100 en 2000 à 7,8 p. 100 en 2009.

La conclusion générale de cette étude, honorables sénateurs, c'est que les exigences linguistiques ne semblent pas nuire à l'essor des minorités visibles sur le plan professionnel.

J'attends le rapport du commissaire aux langues officielles pour avoir plus de détails pertinents dans le contexte de ma demande d'information su ce point, et je m'engage à communiquer cette information aux sénateurs une fois que je l'aurai reçue.

L'Institut Macdonald-Laurier

Reconnaissance par l'Université de Pennsylvanie

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner une grande réalisation de la part de l'un des plus éminents groupes de réflexion du Canada dans le domaine des politiques publiques. L'Institut Macdonald-Laurier, un organisme non partisan ayant ses bureaux à Ottawa, a récemment été reconnu par l'Université de Pennsylvanie comme étant l'un des 20 plus importants parmi les nouveaux groupes de réflexion du monde.

L'Institut Macdonald-Laurier, qui porte les noms de deux des plus grands premiers ministres du Canada, l'un conservateur et l'autre libéral, a été fondé il y a seulement un peu plus d'un an, mais il a déjà influencé grandement les recherches et la discussion concernant les politiques du gouvernement fédéral. L'institut est voué à la promotion de l'excellence des politiques publiques dans tous les domaines de compétence fédérale, et il mérite pleinement cet honneur.

Les travaux du groupe de réflexion ont servi à notre premier ministre actuel et par quatre de ses prédécesseurs et ont aussi été cités dans des médias nationaux et internationaux tels le Globe and Mail, le National Post, le Wall Street Journal et The Economist.

Le programme de l'Université de Pennsylvanie consacré aux groupes de réflexion et aux organismes de la société civile a examiné les travaux de près de 1 500 érudits, décideurs et experts du monde entier dans cette discipline avant d'établir son palmarès. Le fait que l'Institut Macdonald-Laurier soit le seul organisme canadien à se classer parmi les 20 premiers donne une idée de la qualité de son travail.

Pour que notre gouvernement applique des politiques qui répondent vraiment aux besoins du Canada, nous devons pouvoir compter sur une discussion pertinente et bien documentée sur les questions de politiques publiques qui importent aux Canadiens. Je remercie les membres de l'Institut Macdonald-Laurier, qui travaillent très fort pour apporter une contribution valable, et j'encourage les sénateurs à appuyer tous les organismes non partisans voués, de la même façon, à l'amélioration des politiques publiques.

L'Association des universités et collèges du Canada

Félicitations à l'occasion de son centième anniversaire

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, l'année 2011 marque le 100e anniversaire de la fondation de l'Association des universités et collèges du Canada. Cette semaine, l'AUCC tient sa conférence annuelle à Montréal. On y a annoncé hier que le professeur Stephen Toope, recteur et vice-chancelier de l'Université de la Colombie-Britannique, entamait un mandat de deux ans à la présidence du conseil d'administration de l'AUCC.

Il est intéressant de noter qu'il n'y avait pas d'universités en Colombie-Britannique il y a 100 ans. Quand l'AUCC a été fondée à l'Université McGill le 6 juin 1911, 19 établissements avaient été invitée : trois de l'Ouest; sept de l'Ontario; trois du Québec; et six des Maritimes.

En tout, 18 universitaires venant de 15 universités ont participé à cette réunion. Aucune des trois universités de l'Ouest n'y était représentée. Aujourd'hui, l'Association des universités et collèges du Canada compte 95 membres.

Il y a 100 ans, notre pays avait seulement 50 ans, et il avait pour tâche de bâtir une nation. Les gens comprenaient, par exemple, l'importance du chemin de fer national, qui jouait un rôle déterminant dans l'ouverture de l'Ouest. C'est également à cette époque que le réseau des parcs nationaux a été fondé. Par conséquent, il n'est pas surprenant que nos universités aient décidé d'unir leurs forces sachant qu'elles avaient un rôle à jouer dans l'édification du pays.

De nos jours, les universités canadiennes sont plus importantes que jamais et nombre d'entre elles font partie d'un mouvement visant à mettre les études supérieures à la portée de tous, dans le monde entier, par le biais d'Internet. Dans de nombreux pays, les apprenants peuvent maintenant suivre des cours en ligne donnés par des universités reconnues. Ils peuvent travailler à leur rythme et prendre les cours qui les intéressent.

Honorables sénateurs, l'Université Thompson Rivers, à Kamloops, et l'Université Athabasca, en Alberta, sont du nombre des 10 universités internationales qui, l'été dernier, ont créé la Open Education Resource Foundation, fondation qui s'est donné pour mission de contrôler la qualité du nombre croissant de programmes éducatifs offerts sur le web. Elle est en train de mettre au point un système d'évaluation des étudiants qui suivent des cours dans les établissements membres.

La fondation a convenu que les universités membres doivent rendre accessible gratuitement le contenu de leurs cours en ligne, mais que les étudiants devront payer pour l'évaluation de leur travail et la constitution de leur dossier d'étude en vue d'obtenir un titre de compétence ou un diplôme. Le travail de la fondation vise à répondre à deux questions fondamentales que soulève l'apprentissage à distance, à savoir si les cours à distance valent la peine et si les étudiants apprennent quelque chose.

Honorables sénateurs, je me réjouis que les établissements d'enseignement postsecondaire aient décidé d'exploiter le pouvoir d'Internet. Notre monde change. On assiste à une véritable explosion des connaissances, et il est essentiel que les étudiants, jeunes et moins jeunes, apprennent comment se servir de nouveaux outils pour profiter des nouveaux débouchés qui s'offrent maintenant à nous. En tant que sénateurs, nous devons également apprendre à utiliser les nouveaux outils et les nouvelles technologies et rester à jour afin d'accroître l'efficacité et la productivité des travaux du Sénat.

L'Association canadienne des paraplégiques

La journée parlementaire en fauteuil roulant

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je demande la permission de faire ma déclaration et de siéger au Sénat aujourd'hui en fauteuil roulant.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Munson : Tout d'abord, je remercie Son Honneur de me permettre de travailler en fauteuil roulant aujourd'hui. Je pense que nous créons un précédent et que nous envoyons un message très important au reste du pays et sur la Colline du Parlement.

Honorables sénateurs, nous célébrons aujourd'hui la Journée parlementaire annuelle en fauteuil roulant de l'Association canadienne des paraplégiques. Vingt-cinq sénateurs et députés essaient de travailler en fauteuil roulant aujourd'hui. Je suis heureux de voir que ma collègue, madame le sénateur Yonah Martin, compte parmi ceux d'entre nous qui relèvent le défi. La journée n'a pas été facile jusqu'à maintenant, surtout lorsqu'il a fallu traverser la rue Wellington.

Je suis content de l'occasion qui m'est donnée de faire de nouveau ma part pour sensibiliser la population aux obstacles auxquels se heurtent quotidiennement les personnes qui vivent avec des traumatismes médullaires et qui se déplacent en fauteuil roulant. Je dois admettre, par contre, que j'attendais cette journée avec des sentiments partagés. J'espère que je ne dépasse pas les bornes, mais, l'an dernier, je me suis presque empalé dans l'urinoir. N'empêche, j'ai survécu et je renouvelle l'expérience.

Il va sans dire que se déplacer en fauteuil roulant, n'est pas une sinécure. Cela exige beaucoup de force physique et de détermination. Avant de participer pour la première fois à cette activité, je ne m'étais jamais rendu compte des dangers et des obstacles physiques qui empêchent une personne en fauteuil roulant de se déplacer facilement d'un endroit à un autre. L'expérience peut être décourageante et frustrante. Maintenant qu'on m'a ouvert les yeux, je continue à prendre conscience de ces défis et à la nécessité de les relever.

Un exemple frappant d'un obstacle à éliminer se trouve dans cette enceinte. J'ai pu apporter mon fauteuil roulant au Sénat avec la permission du Président. En temps normal, je n'aurais pas pu entrer avec mon fauteuil roulant et je me serais déplacé en marchant, mais qu'en est-il des personnes qui ne peuvent pas marcher?

En principe et en pratique, le Sénat devrait être accessible à tout le monde. Même le Règlement du Sénat exige qu'un sénateur se lève pour que la présidence lui donne la parole. De plus, les sénateurs doivent se lever pour voter. Qu'arriverait-il si une personne ne pouvait pas se lever? Il faut penser à cela.

(1350)

L'an dernier, Robert White, directeur exécutif de l'Association canadienne des paraplégiques, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Dans ses remarques préliminaires, il a indiqué qu'un collègue était censé l'accompagner à l'audience. Toutefois, il n'avait pas pu prendre l'avion à Toronto comme prévu, car il n'y avait pas de place pour son fauteuil roulant dans la soute à bagages de l'appareil.

L'Association canadienne des paraplégiques aide les personnes atteintes d'une lésion à la moelle épinière à devenir autonomes et à participer pleinement à la vie de la société. L'association compte actuellement plus de 20 000 membres.

Je tiens à remercier l'Association canadienne des paraplégiques de m'avoir encore invité à participer à la Journée parlementaire en fauteuil roulant. Tout au long de la journée, je vais certainement me retrouver dans des situations délicates avec mon fauteuil roulant et, demain, j'aurai sûrement mal aux muscles, comme l'an dernier. Toutefois, cela en vaut la peine. C'est un privilège d'appuyer les objectifs importants de l'association, et les désagréments éprouvés pendant une journée seront bien vite oubliés.

Le décès de l'honorable Barney Danson, C.P., C.C.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à mon regretté ami Barney Danson. Le sénateur Meighen a parlé de lui hier. J'ai moi aussi assisté à ses funérailles dimanche dernier.

Barney Danson était formidable. Né en 1921, il allait bientôt avoir 91 ans. Il a servi comme sergent pendant la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle il a perdu un œil. Il a par la suite écrit un excellent livre, Not Bad for a Sergeant. Il était plein d'esprit et tout le monde l'aimait.

Bob Rae a assisté aux funérailles et a prononcé quelques mots. Il a dit : « Quand vous vous lancez en politique, certaines personnes en ont contre vous; croyez-moi, j'en sais quelque chose. Toutefois, je ne connais personne qui n'aimait pas Barney Danson. » C'est vrai.

C'était une belle cérémonie. Comme les sénateurs le savent, Barney a été ministre de la Défense et a siégé au Cabinet pendant 11 ans. Aux funérailles, une garde d'honneur a transporté le cercueil devant des soldats debout, en uniforme. On sentait la chaleur humaine.

Je n'entrerai pas dans les détails, mais, à un moment donné, la gravité a laissé place à la légèreté. Son fils, John, a lu quelques extraits d'une lettre que Barney avait écrite à l'ancien premier ministre Jean Chrétien. Voici ce qu'elle disait :

Je vous écris, car je suis aujourd'hui un septuagénaire qui s'inquiète de voir votre gouvernement prendre autant de temps à approuver la vente du Viagra au Canada. Je sais que c'est dur d'être premier ministre, mais je vous prie de ne pas vous ramollir devant cette question.

À combien de reprises êtes-vous allés à des funérailles où tout le monde glousse et a le sourire aux lèvres en se rappelant un ami, une personne hors du commun et respectée de tous?

J'ai fort bien connu Barney et j'ai travaillé avec lui.

Barney, vous nous manquerez. Nous chérirons votre souvenir. Il faudrait plus de gens comme vous dans la vie publique de nos jours, des gens qui ont un grand sens de l'humour.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Les changements climatiques

Avis d'interpellation

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la nécessité de prendre de nouvelles mesures sur les changements climatiques.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le vérificateur général du Canada

La capacité bilingue

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

J'ai en main l'avis de poste vacant pour le poste de vérificateur général du Canada, publié le 2 octobre 2010. Juste après la description du poste de vérificateur général, il est mentionné que la maîtrise des deux langues officielles est essentielle. En d'autres termes, le titulaire doit obligatoirement être bilingue. Depuis 24 mois, des rumeurs circulaient voulant que le candidat nommé par le gouvernement au poste de vérificateur général du Canada ne soit, en fait, pas bilingue. Pourquoi le gouvernement a-t-il nommé une personne qui ne satisfait pas aux qualifications essentielles énoncées pour ce poste, dont le titulaire est un mandataire du Parlement?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, justement, puisque le titulaire du poste est un mandataire du Parlement, le premier ministre a — si je suis bien informée — consulté tous les chefs de l'opposition et le candidat au poste de vérificateur général comparaîtra la semaine prochaine devant le comité plénier du Sénat.

Nous avons été très heureux d'annoncer que Michael Ferguson, ancien sous-ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, sera le prochain vérificateur général. M. Ferguson a fait ses preuves dans la fonction publique du Nouveau-Brunswick, où il a occupé le poste de vérificateur général de 2005 à 2010. Il a prouvé, durant sa carrière à la fonction publique, qu'il adopte toujours une attitude non partisane.

Honorables sénateurs, je n'ai pas en main le document que cite le sénateur Cowan, mais je crois savoir que M. Ferguson a déclaré qu'il fera tout ce qui est en son pouvoir pour respecter les exigences relatives au bilinguisme.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, d'après les exigences du poste, la maîtrise des deux langues officielles est essentielle. Par conséquent, on aurait pu s'attendre à ce qu'un candidat qui ne maîtrise pas les deux langues officielles n'ait aucune chance. Nous connaissons tous des gens qui, après avoir consulté un avis de poste vacant, ne postulent pas ou savent qu'ils seront éliminés à la présélection, parce qu'ils ne satisfont pas aux exigences du poste. M. Ferguson maîtrise-t-il les deux langues officielles?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je n'ai pas l'avis d'emploi sous les yeux, mais je comprends les exigences liées au poste. Évidemment, la maîtrise des deux langues officielles est un grand atout pour les titulaires de tous ces postes; je crois cependant que la loi ne l'exige pas. Il semble y avoir des écarts entre les exigences prévues par la loi et celles qui ont été publiées dans l'avis que le sénateur a en main.

(1400)

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, je répète au leader l'expression employée dans l'avis d'emploi : « la maîtrise des deux langues officielles est essentielle ». Par ailleurs, l'avis suivant, publié par le Centre canadien d'hygiène et de sécurité au travail, indique que « la maîtrise des deux langues officielles serait fortement préférée ». De toute évidence, il y a une différence, et ces mots ont été choisis avec précaution.

M. Ferguson maîtrise-t-il les deux langues officielles? Sinon, pourquoi le gouvernement nommerait-il une personne qui ne répond pas à ses propres critères? Il ne s'agit pas de respecter la loi à la lettre; il est plutôt question des critères publiés par le gouvernement dans ses propres avis d'emploi.

Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai mentionné, il semble y avoir des écarts entre les exigences publiées dans l'avis et les exigences réelles liées au poste. Je prends note de la question du sénateur Cowan, et je lui expliquerai la raison de ces écarts.

Comme je l'ai mentionné, ce monsieur est extrêmement qualifié. Si je ne m'abuse, l'opposition officielle a déjà été consultée. On a annoncé la nomination et il ne manque plus que l'approbation du Parlement. Le processus requis aura lieu en comité plénier la semaine prochaine.

Le sénateur Cowan : Quand madame le ministre examinera cette question, pourrait-elle vérifier si d'autres candidats unilingues ont été informés que cette exigence ne s'appliquerait plus et que, partant, ils pourraient poser leur candidature pour ce poste?

Le sénateur LeBreton : Je ne participe pas au processus de sélection. Les postes de mandataires du Parlement sont très particuliers, et il n'est absolument pas question que je fasse une telle vérification.

Le sénateur Cowan : Madame le ministre a également mentionné le fait que les leaders des partis reconnus dans les deux Chambres du Parlement, y compris elle et moi, ont été avisés, à titre confidentiel, par le premier ministre il y a quelques semaines. Quand une personne reçoit une information à titre confidentiel, elle doit en respecter la confidentialité. Dans cet ordre d'idées, comme nous tenions à respecter la confidentialité que le premier ministre avait requise de façon raisonnable, nous avons évité de poser des questions à ce sujet.

Toutefois, il va sans dire que lorsqu'une personne reçoit une lettre du premier ministre pour lui demander conseil au sujet d'une recommandation qu'il a faite, cette personne a le droit de tenir pour acquis que le candidat recommandé possède les qualifications énoncées dans l'avis de poste à pourvoir préparé par le gouvernement.

Madame le leader aurait-elle l'obligeance de vérifier pourquoi le gouvernement a affiché un avis de poste à pourvoir indiquant que le bilinguisme est obligatoire, pour ensuite modifier cette exigence sans en informer les leaders des partis, les parlementaires ou d'autres candidats potentiels?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je reviens au point que j'ai soulevé plus tôt. Il semble y avoir certaines divergences entre l'avis et les exigences du gouvernement pour le poste en question. J'ai indiqué précédemment que je vais m'informer pour savoir pourquoi il en est ainsi.

Le candidat recommandé a fait ses preuves dans la fonction publique. Par surcroît, il est compétent et non partisan et il a occupé le même poste pendant cinq ans au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cowan : Madame le leader vérifiera-t-elle pourquoi il y a apparemment eu une différence entre l'avis de poste à pourvoir et le processus de sélection et fera-t-elle part au Sénat du résultat de ses recherches avant que le candidat recommandé ne comparaisse devant le comité plénier?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, c'est exactement ce que je me suis engagée à faire. J'ai dit que je vais m'informer au sujet de la divergence apparente entre l'avis et la loi. Je ferai de mon mieux, mais je ne fais aucune promesse ferme.

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, je crois que madame le ministre comprend que cette situation rend l'ensemble des Canadiens français mal à l'aise. Je n'oserais pas demander à madame le ministre combien de Canadiens unilingues francophones ont été sous-ministres au gouvernement du Canada. Ce sont toujours un peu les francophones qui doivent faire l'effort de parler les deux langues dans le pays. C'est une situation de fait, il n'y a pas de procès d'intention dans ce que je dis, c'est une réalité. La décision du gouvernement, quelle que soit la compétence de la personne choisie — sur laquelle je n'ai aucun doute — crée une situation ambigüe.

Au-delà de cela et des questions qui ont été posées par le leader de l'opposition, madame le ministre ne conviendrait-elle pas que le poste de vérificateur général, contrairement aux sous-ministres, qui ne vont jamais sur la place publique et communiquent jamais avec l'ensemble des Canadiens puisqu'ils ont un ministre qui parle au nom de leur ministère, comprend la responsabilité de communiquer l'état de son travail et de ses recherches à l'ensemble des Canadiens? N'est-ce pas là la raison pour laquelle il serait plus que souhaitable, et on devrait même l'exiger, que cette fonction soit remplie par une personne qui maîtrise bien les deux langues officielles du pays?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'ose croire que, si M. Ferguson était un francophone unilingue, qu'il avait des qualifications exemplaires pour être vérificateur, qu'il avait déjà été vérificateur général pendant cinq ans et qu'il avait toujours agi de manière professionnelle et non partisane, il serait choisi en fonction de son mérite sans qu'on tienne compte du fait qu'il ne parle pas anglais.

Comme je l'ai dit, il semble qu'il y ait un malentendu quant à ce que la loi exige et à ce qui se trouve dans l'offre publiée. Je me suis engagée à trouver la raison précise de cette différence.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, comme le sénateur Rivest l'a souligné de façon éloquente, le vérificateur général du Canada n'est pas qu'un simple comptable. Je suis persuadée que M. Ferguson est un excellent comptable, mais le vérificateur général du Canada est un mandataire du Parlement qui a des responsabilités publiques précises au sein de cette institution. Selon la loi et l'usage établi, le Parlement du Canada est l'institution qui doit faire respecter les deux langues officielles.

Il faut remonter au moins 20 ans pour trouver le dernier vérificateur général qui ne parlait pas les deux langues officielles. À l'exception de M. Ferguson, tous les mandataires du Parlement parlent les deux langues officielles, et ce, pour la simple et bonne raison qu'ils sont responsables devant le Parlement et, par le fait même, devant tous les Canadiens. Par conséquent, ils doivent parler les deux langues officielles.

La nomination de M. Ferguson signifie-t-elle que ce principe fondamental n'importe plus pour le gouvernement du Canada? Dois-je comprendre, de la réponse qu'a donnée le leader à la dernière question, que la capacité d'assumer ses fonctions dans les deux langues officielles n'est plus considérée comme un critère de mérite?

Le sénateur LeBreton : Le sénateur Fraser est complètement dans l'erreur. J'ai tout simplement dit que, selon moi, personne ne devrait être automatiquement exclu, surtout lorsque la loi n'exige pas d'être bilingue.

Cela dit, le gouvernement adhère au principe de la dualité linguistique du Canada et il en fait depuis longtemps la promotion. J'ai dit au sénateur Cowan qu'il semble y avoir une différence entre ce qui se trouve dans l'offre d'emploi et ce qu'exige la loi. Nous ne suivons pas tous le processus de près.

(1410)

À ce qu'on m'a dit, M. Ferguson, qui a déjà été sous-ministre et vérificateur général, possède des compétences exemplaires. À ce qu'on m'a dit également, il s'est engagé à s'acquitter pleinement de ses fonctions dans les deux langues officielles.

Je me renseignerai sur la différence entre les exigences annoncées et réelles. M. Ferguson se présentera devant le Sénat. Je ferai de mon mieux pour obtenir la réponse avant qu'il vienne. Néanmoins, il a déjà indiqué son intention de s'acquitter de ses fonctions de vérificateur général dans les deux langues officielles.

Le sénateur Fraser : J'aurais autre une précision à demander au leader relativement à ma question. Lorsqu'elle fera ses recherches, pourrait-elle se renseigner et nous dire si la nomination d'une personne qui ne parle pas les deux langues officielles doit être considérée comme un précédent et s'il s'agit simplement d'un cas isolé malheureux, pour une raison ou une autre?

Le sénateur LeBreton : Je vous répète, honorables sénateurs, que M. Ferguson s'est dit déterminé à s'acquitter de ses fonctions dans le respect de notre dualité linguistique, si sa nomination est approuvée par le Parlement. Il sera capable de faire son travail dans les deux langues officielles du Canada.

Je ne connais pas très bien le processus de sélection, mais j'imagine qu'il y a eu un assez grand nombre de candidats. Je crois que la loi n'exige pas le bilinguisme de la part du titulaire de ce poste. Je compte me renseigner là-dessus. Cependant, je crois que, une fois la nomination approuvée par le Parlement, le vérificateur général respectera l'engagement qu'il a pris et fera le nécessaire pour se conformer pleinement à la Loi sur les langues officielles du Canada dans l'exercice de ses fonctions.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, je tiens à souligner qu'aucun sénateur ne met en doute les compétences du candidat retenu, sauf ses compétences linguistiques. Je souligne également que la question aurait été posée plus tôt si M. Ferguson, qui habite au Nouveau-Brunswick, la seule province officiellement bilingue du Canada, n'avait pas porté un nom qui est celui de beaucoup de francophones unilingues dans cette province. Nous avions des motifs raisonnables de croire que M. Ferguson maîtrisait les deux langues. Quoi qu'il en soit, ma question ne porte pas sur la loi, mais sur l'avis de concours.

Il n'y aucune confusion possible entre la loi et l'avis de concours puisqu'il est clairement précisé dans ce dernier que le bilinguisme fonctionnel est une qualification requise. Le leader du gouvernement vient de parler des postulants. On peut supposer que beaucoup de personnes unilingues, tant francophones qu'anglophones, auraient postulé si le bilinguisme n'avait pas été une qualification requise. Ces personnes n'ont pas postulé parce que l'avis n'avait rien d'ambigu. Il ne disait pas qu'il est préférable d'être bilingue et il ne renvoyait pas à la Loi sur le vérificateur général. Je n'ai aucun doute que le leader nous reviendra là-dessus après avoir effectué une vérification. L'avis dit bien que la maîtrise des deux langues officielles est « essentielle ». Si j'envisageais de postuler, cela suffirait à me décourager, car, comme le savent les honorables sénateurs, je ne parle pas un mot de français.

Ma question est donc la suivante : qu'en est-il de ces gens hautement compétents dans le domaine qui auraient postulé si l'avis ne leur avait pas dit, essentiellement, de ne pas perdre leur temps?

Le sénateur LeBreton : Je n'ai pas le document sous les yeux, mais, contrairement à ce qu'a lu le sénateur Cowan, je ne pense pas qu'il s'agissait d'une exigence. J'ignore combien de personnes ont postulé, honorables sénateurs. Je ne connais pas bien le processus. Comme le sénateur Cowan, j'ai reçu il y a quelques semaines une lettre du premier ministre indiquant que M. Ferguson avait été retenu au terme du processus. Le dossier de M. Ferguson est exemplaire. Je ne sais pas si d'autres candidats bilingues ou unilingues ont postulé. Je n'ai rien d'autre à ajouter à ce que j'ai déjà dit, nommément que je tenterai d'expliquer l'apparente divergence entre la loi et l'avis de poste vacant.

Le fait est que M. Ferguson est compétent et comprend qu'il devra faire des efforts supplémentaires pour s'acquitter de ses fonctions à titre de mandataire du Parlement dans les deux langues officielles. Il a indiqué qu'il était disposé à le faire, et nous devrions l'en féliciter.

Le sénateur Banks : Il y a un hic. Madame le sénateur a affirmé que M. Ferguson apprendra à parler français. Peut-elle vraiment nous regarder droit dans les yeux et affirmer qu'il est concevable qu'une personne unilingue francophone soit nommée au poste de vérificateur général à condition qu'elle promette aux Canadiens d'apprendre à parler anglais? Madame le leader est-elle sérieuse?

Le sénateur LeBreton : Et pourquoi pas? Absolument. Nous avons déjà eu la même discussion à propos de la Cour suprême.

M. Ferguson a déclaré qu'il prendrait des mesures afin de pouvoir s'acquitter de ses fonctions dans les deux langues officielles. Nous devrions lui faire confiance. Je n'ai aucune raison de mettre sa parole en doute. Je ne l'ai jamais rencontré mais, de toute évidence, il a travaillé dans des contextes où les deux langues officielles étaient présentes. J'en conclus donc, même si c'est pure supposition de ma part, qu'il a déjà une bonne base en français.

Quoi qu'il en soit, je ne peux rien ajouter d'autre, sinon ce que j'ai déjà dit aux sénateurs Cowan, Rivest et Fraser.

[Français]

L'honorable Francis Fox : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement sur le même sujet. Soyons clair, personne ici ne s'attaque aux qualités subjectives de l'individu en question. Il peut avoir toutes les qualités du monde et il les a probablement. On s'attaque plutôt aux conditions d'emploi, à des conditions objectives, à savoir si un candidat possède ou non certaines qualités objectives fixées par le gouvernement et par la tradition. Il n'y a aucun autre haut fonctionnaire du Parlement en ce moment qui n'est pas bilingue. On aurait cru qu'on assistait à une tendance lourde vers un bilinguisme officiel des hauts fonctionnaires du Parlement.

Je reviens à la semaine dernière, lors de la nomination d'un juge unilingue à la Cour suprême du Canada. Ce n'est pas mon intention d'attaquer l'individu qui a toutes les qualités nécessaires pour devenir juge à la Cour suprême du Canada, mais il lui manque une condition objective que je considère essentielle, soit le bilinguisme.

Ma question est la suivante : on a parlé de l’offre d’emploi. Le gouvernement a-t-il lu sa propre offre d’emploi? On a cité cette offre d’emploi en anglais. Je vais la citer en français. Je n’ai pas le texte devant moi, mais je vais utiliser ce que Mme Marie Vastel a écrit ce matin. Elle a cité l’offre d’emploi et évoqué la condition suivante : « La maîtrise des deux langues officielles est essentielle ». À ce que je sache, on ne dit pas que la maîtrise éventuelle des deux langues officielles est essentielle, mais que le candidat doit maîtriser les deux langues dès le début pour entrer en fonction le plus rapidement possible.

Encore une fois, ce n'est pas une condition subjective. C'est une condition objective que le gouvernement avait raison de poser et à laquelle j'aurais applaudi s'il avait respecté sa propre offre d'emploi. Est-ce que le gouvernement a lu sa propre offre d'emploi?

(1420)

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà dit. Je ne sais pas combien de personnes ont répondu à l'offre d'emploi. Je ne sais pas, parmi les répondants, combien étaient unilingues anglophones ou unilingues francophones. Je n'en sais rien, et je ne peux donc pas répondre et prétendre que je sais une chose que je ne sais pas.

Par conséquent, honorables sénateurs, je demanderais au sénateur Fox de me permettre de vérifier, à l'intention du Sénat, quel a été le processus d'embauche, comme je l'ai mentionné dans ma réponse au sénateur Cowan. Peut-être qu'il y a eu plusieurs candidats, mais qu'aucun n'était bilingue. C'est une possibilité. Dans ce cas — et c'est une situation hypothétique —, si aucun candidat officiellement bilingue n'a offert ses services, on a probablement choisi M. Ferguson parce qu'il était le meilleur candidat du groupe.

Cela dit, je crois que M. Ferguson a déjà déclaré que, si sa nomination est approuvée par le Parlement, il a l'intention de s'acquitter de ses fonctions en étant pleinement conscient et respectueux de la dualité linguistique du Canada et de notre engagement à l'égard de la Loi sur les langues officielles.

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, compte tenu du poste qu'elle a occupé auparavant, soit celui de directrice des nominations au cabinet du premier ministre, le sénateur LeBreton sait très bien que, lorsqu'un poste est affiché, des milliers de personnes posent leur candidature et que seulement ceux qui sont retenus à l'étape de la présélection et répondent aux critères passent à l'étape suivante du concours. Si ce n'est pas ce qui se produit, le poste doit être affiché de nouveau.

Comment la candidature de cette personne, qui ne possédait même pas les qualifications demandées, a-t-elle pu être acceptée?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne sais pas à quoi pense le sénateur Downe, mais, en ce qui concerne certains de ces postes de mandataire du Parlement, qui sont difficiles à combler parce que les faits et gestes de ceux qui les occupent sont toujours scrutés à la loupe, nous n'avons pas reçu des milliers de candidatures. Je ne vois pas ce qui aurait pu rendre ces postes plus alléchants lorsque le gouvernement du sénateur était au pouvoir.

Cela dit, je crois que la loi n'exige rien de tel. Par conséquent, toute personne responsable de ce dossier aurait été au courant. Je sais aussi, comme l'a souligné le sénateur Cowan, que l'avis affiché stipulait autre chose. Je m'engage une fois de plus à vérifier les faits et à déterminer ce qui s'est produit.

Lorsque j'occupais le poste que le sénateur a occupé au cabinet du premier ministre, où je traitais les nominations, ce sont les fonctionnaires et les cadres supérieurs du Bureau du Conseil privé qui s'occupaient des mandataires du Parlement et d'autres postes de haut niveau. Nous ne faisions aucune ingérence politique à cet égard.

Le sénateur Downe : C'est tout à fait vrai. Le personnel du Bureau du Conseil privé qui passe en revue les CV rejette ceux qui ne correspondent pas aux critères. C'est exactement ce que je voulais dire. Jamais nous n'aurions vu ces candidatures, car les candidats ne répondaient pas aux critères exigés pour le poste affiché.

Si le gouvernement a été avisé que personne ne respectait les critères, madame le ministre peut-elle nous dire pourquoi on n'a pas affiché de nouveau le poste afin de préciser que la candidature des personnes unilingues allait être prise en compte, ce qui aurait permis à tous les Canadiens unilingues de poser leur candidature et d'avoir eux aussi la possibilité d'obtenir le poste?

Le sénateur LeBreton : Je crois que j'ai déjà répondu à cette question, honorables sénateurs. Contrairement à l'offre d'emploi, la loi ne prévoit clairement pas cette exigence. J'ai signalé que j'allais vérifier la raison de cette divergence, et c'est tout ce que je peux ajouter au débat.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, bien qu'il soit important de déterminer combien de candidats unilingues anglophones ont décidé de ne pas poser leur candidature à ce poste parce qu'ils ont cru ce qu'ils avaient lu, à savoir que la maîtrise des deux langues officielles était essentielle, il est tout aussi important de déterminer pourquoi le candidat, de toute évidence unilingue, qui a été sélectionné a posé sa candidature à ce poste, puisqu'il avait dû lire que le poste était réservé à des personnes bilingues. À mon avis, c'est parce qu'il avait été sélectionné dès le début et qu'on lui avait demandé de poser sa candidature. Cela prouve que ce processus est bidon parce que les jeux étaient faits d'avance.

Que faut-il conclure au sujet du processus d'embauche ouvert du gouvernement et de l'équité, ou du manque d'équité, de ce processus? Les Canadiens pensaient qu'ils participaient à un processus ouvert et équitable.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, ces accusations sont tout à fait conformes à la façon de procéder du sénateur. Il devrait avoir honte.

Si nous nous servions des critères du sénateur, je crois que plusieurs mandataires du Parlement n'auraient probablement pas obtenu leurs postes. Cela montre à quel point ces allégations sont ridicules.

La question a été examinée par le Conseil du Trésor et les cadres supérieurs du Bureau du Conseil privé. Je pense que le sénateur devrait avoir honte d'accuser un ancien sous-ministre et vérificateur général du Nouveau-Brunswick, un fonctionnaire exemplaire, d'avoir eu recours à des tactiques sournoises dans le cadre de ce processus. Il devrait présenter des excuses.

Des voix : Bravo!


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les foyers familiaux situés dans les réserves et les droits ou intérêts matrimoniaux

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Nancy Ruth, appuyée par l'honorable sénateur Champagne, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-2, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi S-2, Loi concernant les foyers familiaux situés dans les réserves des premières nations et les droits ou intérêts matrimoniaux sur les constructions et terres situées dans ces réserves.

Selon moi, le Sénat du Canada est le gardien, en premier lieu, des intérêts nationaux du Canada et, deuxièmement, des droits des minorités au Canada et à l'étranger.

Le projet de loi à l'étude aujourd'hui est un exemple du travail que nous faisons au Sénat. C'est au Comité sénatorial des droits de la personne que la question des biens matrimoniaux dans les réserves a d'abord été abordée et c'est au Sénat que la question des droits de la personne dans les réserves devrait être défendue et promue. Je crois qu'il est de notre responsabilité de faire en sorte que les groupes minoritaires aient les mêmes droits et les mêmes protections que tous les autres. Dans un Canada diversifié, les droits fondamentaux devraient être les mêmes pour tous.

En 2003, je faisais partie du Comité sénatorial permanent des droits de la personne lorsqu'il a étudié les droits de propriété des femmes vivant dans les réserves. Dans un rapport intitulé Un toit précaire, le comité abordait la nécessité d'adopter une loi pour faire en sorte que les femmes autochtones jouissent des mêmes droits que le reste des femmes canadiennes en cas de rupture d'un mariage ou d'une union de fait. En 2004, le comité a publié un rapport de suivi intitulé Biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves : toujours en attente, qui insistait davantage sur la nécessité d'adopter et de mettre en œuvre une loi.

Actuellement, lorsqu'un mariage aboutit à un divorce, les personnes qui vivent dans une réserve n'ont pas les mêmes droits que le reste de la population. La population des réserves est laissée sans protection parce que la Loi sur les Indiens ne dit rien sur la division des biens matrimoniaux. Malheureusement, il n'existe pas de loi fédérale pour combler ce vide.

Dans notre système juridique, les biens matrimoniaux appartiennent normalement à un des deux conjoints ou aux deux et servent à toute la famille. Qu'entend-on par « biens matrimoniaux »? Les biens matrimoniaux peuvent être divisés en deux genres. Il y a les biens immobiliers matrimoniaux, qui incluent les terrains et tout ce qui est relié de manière permanente à ce terrain, comme la maison familiale. Selon la Loi constitutionnelle de 1982, les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables des biens. Par conséquent, les lois provinciales et territoriales protègent les couples mariés ou vivant en union de fait lors d'une séparation ou d'un divorce.

Il existe cependant un vide juridique. Les tribunaux n'ont pas le pouvoir de protéger les intérêts des conjoints mariés ou vivant en union de fait dans des réserves eu égard aux biens matrimoniaux.

(1430)

Comme je l'ai déjà mentionné, les terres sur les réserves relèvent de la compétence exclusive du gouvernement fédéral en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.

En vertu de l'article 88 de la Loi sur les Indiens, sous réserve des traités conclus par les Premières nations avec la Couronne et des lois fédérales, toutes les lois provinciales d'application générale sont applicables aux membres des Premières nations sauf dans la mesure où ces lois sont incompatibles avec la Loi sur les Indiens.

Les provinces sont responsables des affaires relevant du droit familial, y compris les biens matrimoniaux, selon le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867. À première vue, on présumerait que les lois provinciales et territoriales régiraient aussi les droits de propriété en cas d'échec d'un mariage sur les réserves. Toutefois, étant donné le statut juridique des réserves indiennes, il faut faire une distinction entre les biens immobiliers et les biens personnels.

Il n'existe pas de dispositions législatives pour la séparation des biens immobiliers matrimoniaux sur les réserves, d'où la nécessité d'une loi pour que les Canadiens jouissent tous des mêmes droits. Le projet de loi S-2 vise à redresser la situation par souci de justice pour tous les Canadiens.

Les lois provinciales s'appliquent aux biens personnels dans l'éventualité de l'échec d'un mariage sur la réserve. Je parle de biens comme les voitures, les meubles et les effets personnels. Dans l'arrêt Derrickson c. Derrickson, la Cour suprême du Canada a statué que le droit de posséder des terres sur une réserve et le transfert du droit de possession sont régis par les dispositions de la Loi sur les Indiens. Elle a également statué que les tribunaux ne peuvent pas ordonner la séparation des biens immobiliers sur la réserve en vertu des lois provinciales.

Dans sa décision rendue dans l'affaire Paul c. Paul en 1986, la même année que dans l'affaire Derrickson, la Cour suprême du Canada a statué que les mêmes principes s'appliquaient à une demande d'occupation à titre provisoire de la demeure familiale faite en vertu des lois provinciales.

Honorables sénateurs, premièrement, il y a une zone grise en ce qui concerne les habitants des réserves et, deuxièmement, il y a toute la question de la propriété de la terre et des droits collectifs sur les réserves. La plupart des propriétaires terriens au Canada sont pleinement propriétaires en fief simple. Les membres des Premières nations ne sont pas « propriétaires », dans le sens habituel du terme, des terres sur les réserves. Le titre de propriété est détenu par la Couronne. D'ailleurs, l'article 18 de la Loi sur les Indiens dit ceci :

[...] Sa Majesté détient des réserves à l'usage et au profit des bandes respectives pour lesquelles elles furent mises de côté [...]

Même si les membres des Premières nations peuvent obtenir la possession de terres dans les réserves sur lesquelles ils pourront éventuellement ériger des bâtiments dont ils seront propriétaires, dans la plupart des cas, ils ne peuvent pas avoir la pleine propriété en fief simple des terres elles-mêmes.

Comme je l'ai déjà dit, selon les arrêts Derrickson c. Derrickson et Paul c. Paul rendus par la Cour suprême du Canada en 1986, dans les cas de rupture d'une relation conjugale dans une réserve, les tribunaux ne peuvent pas appliquer les lois provinciales ou territoriales parce que les réserves relèvent de la compétence du gouvernement fédéral.

Compte tenu des arrêts Derrickson et Paul et du vide législatif, les personnes qui habitent dans les réserves ne jouissent pas des mêmes droits matrimoniaux que les autres Canadiens.

Au moment de la rupture d'une relation conjugale, les résidants des réserves ne peuvent pas avoir recours aux tribunaux provinciaux ou territoriaux en vue de faire le partage de leurs biens.

Depuis 1986, en raison de l'arrêt Derrickson de la Cour suprême du Canada et du vide législatif, les tribunaux ne peuvent pas décerner réparation, comme ordonner que le conjoint — en général, celui qui a la garde exclusive des enfants — ait la possession de la maison ou ordonner que le conjoint au nom duquel la propriété est enregistrée ne frappe pas cette dernière d'une autre hypothèque.

Cela signifie que les textes de loi rédigés au sujet des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves doivent établir un équilibre adéquat entre les droits individuels, qui protègent les époux et les conjoints de fait, tout en protégeant les intérêts collectifs des Premières nations dans les terres situées dans leurs réserves.

En outre, la loi qui en découlera établira des dispositions pour la promulgation de lois des Premières nations relatives aux biens immobiliers matrimoniaux, ainsi que de lois provisoires et fédérales. Ces lois fédérales et provisoires s'appliqueraient à moins que des collectivités des Premières nations établissent leur propre loi sur les biens immobiliers matrimoniaux, car la loi prévoit un mécanisme en vertu duquel les Premières nations peuvent créer leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux, que les tribunaux partout au Canada pourraient ensuite faire appliquer.

Le projet de loi S-2 est la quatrième tentative du gouvernement en vue d'atteindre cet objectif. La plus récente mouture, le projet de loi S-4, avait été adoptée au Sénat en juin 2010.

Au cours des réunions du comité et lors d'un discours que j'ai prononcé à l'occasion de la troisième lecture du projet de loi S-4, j'ai soulevé plusieurs sujets de préoccupation et je suis extrêmement satisfait de constater que le projet de loi à l'étude aujourd'hui a été amélioré de trois façons importantes.

Le premier changement est la suppression du processus de vérification, y compris du rôle du vérificateur. Quand j'ai pris la parole sur le projet de loi S-4 à l'étape de la troisième lecture, j'avais parlé du ton paternaliste de cette mesure. J'avais parlé de la partie du projet de loi S-4 portant sur la fonction de vérification et le travail du vérificateur, qui devait avoir pour mission de surveiller la conformité des mesures prises pour assurer le respect des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux des Premières nations. Cela posait un problème pour différentes raisons, et surtout parce que c'était le vérificateur qui était chargé d'attester le processus de consultation populaire des Premières nations.

Je félicite le gouvernement d'avoir tenu compte des différentes préoccupations qui avaient été exprimées. Le gouvernement a en effet supprimé tout ce qui concernait la vérification. Selon le projet de loi dont nous sommes saisis, les citoyens des Premières nations sont seuls responsables de l'attestation de la conformité des mesures prises pour l'adoption de lois sur les biens matrimoniaux des Premières nations, et leurs conseils ont la charge de faire rapport du résultat de la consultation, par écrit, au ministre, si la loi de la Première nation est approuvée.

Le deuxième changement est la réduction du seuil de ratification. Au comité, plusieurs de mes collègues et moi-même avons dénoncé le seuil élevé de ratification qui semblait déraisonnable, parce qu'il aurait été extrêmement difficile pour les collectivités des Premières nations d'adopter leurs propres lois sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Le projet de loi S-4 exigeait une double majorité pour l'adoption des lois des Premières nations, c'est-à-dire que la majorité des électeurs admissibles devaient participer, et la majorité d'entre eux, ou 50 p. 100 plus un, devaient voter en faveur de la loi.

Je félicite encore une fois le gouvernement d'avoir abaissé ce seuil. Il ne faut plus maintenant qu'une majorité simple, avec une participation de 25 p. 100 des électeurs admissibles. Cela facilitera grandement les choses pour les Premières nations désireuses d'adopter leurs propres lois.

Le troisième changement est l'ajout d'une période de transition. Aucune période de transition n'était prévue dans le projet de loi S-4. La mesure législative entrait donc en vigueur au jour fixé par le gouverneur-en-conseil. Le projet de loi S-2, dont nous sommes saisis aujourd'hui, prévoit une période de transition de 12 mois avant l'entrée en vigueur des règles fédérales provisoires. Cette période de transition a été prévue pour permettre aux Premières nations dont le processus d'adoption de la loi est très avancé de promulguer leur loi avant que les règles fédérales provisoires entrent en vigueur.

Je félicite le gouvernement d'avoir tenu compte des recommandations que nous avons formulées lors de l'étude du projet de loi S-4 et d'avoir adapté en conséquence le projet de loi S-2 dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Honorables sénateurs, bien que je me réjouisse de voir que plusieurs éléments problématiques dans le projet de loi S-4 ont été corrigés dans la présente mesure législative, il y subsiste encore plusieurs aspects préoccupants, car nous accordons des droits aux gens qui vivent dans des réserves sans pour autant leur fournir les mécanismes nécessaires pour s'en prévaloir.

Aujourd'hui, j'aimerais vous faire part de mes préoccupations, en ce qui concerne le manque de ressources, la pénurie de logements, l'aide juridique et les consultations en bonne et due forme.

En juin 2010, lorsque le Comité sénatorial permanent des droits de la personne était saisi d'une mesure législative sur les biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves sous la forme du projet de loi S-4, le député John Duncan, actuellement ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien, est venu témoigner. Dans son exposé, il a dit ce qui suit :

Adopter le projet de loi est la bonne décision à prendre pour trois raisons. D'abord, le projet de loi offre aux résidents des communautés des Premières nations un niveau de protection semblable à celui qui est offert au reste de la population canadienne. Ensuite, il permet aux communautés des Premières nations de concevoir et de mettre en œuvre des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux qui sont adaptées à leurs cultures et à leurs traditions. Enfin, la solution immédiate et concrète offerte par le projet de loi S-4 s'appuie sur les travaux de recherche et les efforts de consultation considérables de groupes indépendants, dont des organisations autochtones nationales.

Après avoir étudié attentivement le projet de loi S-4, j'ai appris que, même si la mesure législative s'imposait vraiment pour résoudre la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, le projet de loi S-4 n'était pas la solution.

Je suis ravie de constater, dans le projet de loi S-2, que plusieurs améliorations ont été apportées au texte législatif, mais je crains toujours que l'on ne respecte pas les priorités établies par le ministre Duncan.

Le premier élément problématique, c'est que l'on accorde des droits, mais sans fournir les mécanismes pour s'en prévaloir. Je suis fermement convaincue que les Autochtones, hommes et femmes, doivent jouir des mêmes droits qui sont accordés aux autres Canadiens, mais je ne suis certaine que ce projet de loi pourra faire de ceci une réalité.

(1440)

Honorables sénateurs, n'oublions pas, et c'est important, que les conditions de vie des hommes et des femmes des Premières nations vivant dans les réserves diffèrent de celle des autres Canadiens. Malheureusement, les personnes qui vivent dans les réserves n'ont pas accès aux mêmes ressources que nous.

Si nous reconnaissons les droits des collectivités des Premières nations et collaborons avec ces dernières pour faire en sorte que leurs droits soient protégés, nous devons nous rappeler qu'un droit sans ressources n'est pas un droit. C'est un droit creux. Reconnaître que les hommes et les femmes vivant dans les réserves devraient avoir des droits similaires à ceux dont jouissent les autres Canadiens ne suffit pas. Nous devons veiller à ce que les ressources appropriées soient mises à leur disposition pour qu'ils puissent exercer ces droits. Si nous nous battons pour les droits des femmes autochtones vivant dans les réserves, nous devons être conscients que ces droits viennent avec des responsabilités. Nous devons veiller à ce qu'elles aient les moyens d'exercer leurs droits. Ne pas le faire, ce serait comme si on accordait à une femme le droit de voter à Ottawa, alors que l'urne se trouve à Vancouver.

La pénurie de logements dans les réserves est une autre chose qui me préoccupe. Je travaille sur ce dossier depuis de nombreuses années et j'ai entendu plusieurs histoires déchirantes que m'ont racontées des femmes qui ont perdu leur logement et n'avaient nulle part d'autre où aller. Je me souviendrai toujours de l'histoire d'une autochtone qui s'est suicidée après que les autorités lui eurent enlevé ses enfants. Cette mère de cinq enfants avait été forcée de quitter sa réserve en raison de la pénurie de logements. Malheureusement, elle n'a pas réussi à trouver un logement à prix abordable hors réserve et n'a eu d'autre choix que d'emménager, avec ses cinq enfants, dans une pension délabrée. Lorsque les autorités ont eu vent de la situation, elles lui ont enlevé ses cinq enfants. Malheureusement, parce qu'elle avait le sentiment d'avoir tout perdu, elle s'est enlevé la vie.

La triste réalité, c'est que ce n'est que l'un des nombreux exemples dévastateurs qui témoignent de la gravité de la pénurie du logement dans les réserves. Lorsqu'un couple divorce, la pénurie de logements est l'une des principales raisons qui forcentles gens à quitter la réserve. Il faut en être conscient et faire face à ce problème, dans le cadre d'une approche plus vaste et globale.

Un autre problème auquel se heurtent les hommes et les femmes est l'accès à la justice. Il est difficile pour tous les Canadiens d'avoir accès à l'aide juridique, mais c'est encore plus difficile pour ceux qui vivent dans les réserves. Le projet de loi S-2 implique que les gens fassent abondamment appel aux tribunaux provinciaux. Or, comme les systèmes d'aide juridique sont gravement sous-financés, je crains que le projet de loi oblige les Premières nations à puiser encore davantage dans des ressources déjà rares. Par exemple, imaginons une femme qui rentre chez elle et s'aperçoit que son mari a changé les serrures. Elle se retrouve dans la rue avec ses enfants. L'article 16 du projet de loi S-2 prévoit une protection d'urgence, mais la femme doit s'adresser à un juge, retenir les services d'un avocat et obtenir une ordonnance pour pouvoir retourner dans son domicile. En outre, cette ordonnance ne sera en vigueur que pour 90 jours. Au bout de cette période, la femme se retrouvera encore dans la même situation : elle et ses enfants n'auront plus nulle part où aller.

Honorables sénateurs, beaucoup de femmes qui vivent dans les réserves n'ont ni l'argent, ni le moyen de transport, ni les capacités voulus pour s'adresser à la justice et obtenir une telle ordonnance. Nous devons nous demander quel recours la femme aura vraiment. Pour que ce projet de loi donne de bons résultats et pour que nous puissions atteindre notre objectif d'accorder aux Autochtones les mêmes droits que possèdent déjà les autres Canadiens, nous devons nous assurer que des ressources suffisantes sont disponibles. À défaut de prévoir ces ressources, je crains que, une fois de plus, notre gouvernement ne suscite des espoirs parmi les Autochtones, mais finisse par les laisser tomber.

Dans l'affaire Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), la Cour suprême du Canada a rappelé en 2004 les principes établis pour permettre au gouvernement du Canada de mener des consultations efficaces et productives avec les Premières nations. Ces principes peuvent se résumer comme suit.

Premièrement, un engagement commun : la consultation sera fondée sur l'engagement d'être de bonne foi, de se respecter mutuellement, d'être réciproquement responsable et d'être efficace.

Deuxièmement, une prise de décisions judicieuses : ce processus assurera la durabilité des résultats des consultations importantes.

Troisièmement, la transparence : pour être efficaces et productives, les consultations doivent se tenir au moment opportun et être accessibles, inclure tous les groupes éventuellement visés et privilégier un dialogue franc et ouvert et la responsabilité.

D'aucuns soutiennent que les Premières nations n'ont pas vraiment été consultées par le gouvernement, ce qui est nettement contraire aux principes établis dans l'affaire Haïda.

En 2006, le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a chargé le chef Wendy Grant-John d'examiner, au nom du ministère, la question des droits relatifs aux biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves. Au terme d'une collaboration avec plusieurs représentants et des membres des Premières nations, le chef Wendy Grant-John a fait plusieurs recommandations pour assurer la tenue d'une consultation en bonne et due forme. Elle a notamment dit ceci :

Mes recommandations s'appuient dans une large part sur le contexte juridique, social et culturel dans lequel les questions relatives aux biens immobiliers matrimoniaux sont vécues par les familles des Premières nations et, en particulier, les femmes.

Il y a eu des consultations, mais il n'est pas certain qu'elles aient servi à quoi que ce soit. Un certain nombre de groupes d'Autochtones ont pu prendre part aux consultations, mais bien des témoins qui avaient déjà comparu devant le comité ont clairement fait savoir qu'on ne semblait pas avoir pris en considération ce qu'ils avaient dit, car les mesures législatives présentées ne tenaient pas compte de leurs préoccupations.

Je crois comprendre qu'il n'y a pas eu de nouvelles consultations sur le projet de loi S-2. Il semble actuellement que les lignes directrices établies à la suite de l'affaire Haïda et les recommandations du chef Wendy Grant-John, la représentante du ministre, aient été mises de côté. Ainsi, j'ai bien peur que le projet de loi S-2 ne montre encore une fois que nous avons manqué à notre obligation de consulter.

Honorables sénateurs, je sais que le projet de loi sera examiné en profondeur à l'étape de l'étude en comité et que nous aurons alors l'occasion de prêter une oreille attentive aux gens qui seront le plus touchés par la mesure législative. Je suis impatiente de vous faire rapport des travaux du comité.

(Sur la motion du sénateur Tardif, au nom du sénateur Dyck, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser le Sénat à se réunir en comité plénier afin de recevoir M. Michael Ferguson relativement à sa nomination au poste de vérificateur général du Canada et à ce que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard quatre-vingt-dix minutes après le début des travaux

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis donné le 25 octobre 2011, propose :

Que, à la fin de l'étude des projets de loi du gouvernement le mardi 1er novembre 2011, le Sénat se forme en comité plénier afin de recevoir M. Michael Ferguson relativement à sa nomination au poste de vérificateur général du Canada;

Que le comité plénier fasse rapport au Sénat au plus tard quatre-vingt dix minutes après le début de ses travaux.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

(1450)

[Traduction]

Projet de loi sur la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Munson, appuyée par l'honorable sénateur Hubley, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi instituant la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme.

L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, le projet de loi S-206, Loi instituant la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, a grandement profité de l'appui du sénateur Jim Munson et de son travail de sensibilisation. Le sénateur a défendu ce dossier avec énergie et compassion et il a bien tenu compte des observations et des suggestions de ses collègues.

Le 3 juin 2010, le sénateur Munson a livré un éloquent témoignage devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Depuis, il multiplie les efforts afin que son projet de loi soit adopté. Je suis convaincue qu'il a su s'attirer l'admiration de tous, pour sa détermination, certes, mais aussi pour sa compassion et son attachement à la cause. Le sénateur Munson est le champion et le chantre de tous ceux qui sont touchés par les troubles du spectre autistique, et je tiens à lui exprimer tout mon soutien.

Les troubles du spectre autistique, que l'on peut désigner par le sigle TSA, peuvent prendre de nombreuses formes. Il ne faut donc jamais perdre de vue, quand on tente de comprendre la manière dont ils touchent les Canadiens, que chaque cas est unique. C'est encore la Société canadienne de l'autisme qui décrit le mieux la situation :

Les TSA forment un continuum de troubles envahissants du développement dont la gravité des symptômes ou des déficiences varie.

C'est précisément ce qui rend les TSA aussi difficiles et compliqués à diagnostiquer. Les symptômes, leur gravité et l'âge de leur apparition peuvent en effet varier, de même que le niveau de fonctionnement des personnes atteintes et leurs difficultés d'interaction sociale.

Comment, alors, peut-on lutter contre des troubles aussi complexes et aussi difficiles à cerner? Il est généralement admis que les enfants peuvent subir des examens diagnostics vers l'âge de trois ou quatre ans. Par contre, les spécialistes scientifiques s'entendent presque tous pour dire que les signes précurseurs de l'autisme peuvent apparaître dès l'âge de neuf mois.

À l'Université McMaster se déroule actuellement une étude visant à compiler des données scientifiques sur la détection et le diagnostic précoces des TSA. Cette étude, qui est en cours depuis le printemps 2005, observe et analyse les mouvements oculaires des nouveau-nés durant leur première année de vie. L'absence de contact visuel réel avec le visage des adultes de leur entourage constitue l'un des premiers indicateurs de TSA. Heureusement, les traitements peuvent débuter dès que le diagnostic est posé.

Les études comme celles-là ont une valeur inestimable pour les familles des autistes. Elles permettent en effet de commencer les traitements pendant que le cerveau de l'enfant se développe encore, en plus de redonner espoir à ceux qui ont vu leur vie chamboulée par ce terrible diagnostic. L'intervention précoce, en plus de permettre aux familles de prendre une longueur d'avance en matière de soutien éducatif et de traitements, leur laisse le temps d'apprivoiser l'autisme et d'en évaluer les conséquences futures sur leur enfant. Plus les familles sont bien outillées et bien formées, plus elles peuvent facilement établir le contact avec leur enfant et l'aider.

Même si les études comme celle qui a actuellement lieu à l'Université McMaster nous aident à mieux comprendre ces troubles complexes, il faudrait que ces derniers fassent l'objet d'autres recherches, particulièrement du point de vue de la détection précoce. Si on les renseigne adéquatement, les parents devraient être en mesure de reconnaître les premiers signes de l'autisme dès les premiers mois de vie de leur nourrisson. Une fois le diagnostic posé, les enfants atteints peuvent alors entreprendre un processus thérapeutique qui les aidera à parfaire leurs aptitudes sociales et leurs habiletés de communication. Rappelons par exemple que, sans une thérapie du langage adéquate et entreprise rapidement, plus de 40 p. 100 des enfants atteints de TSA sont carrément incapables de s'exprimer par la parole.

La Société canadienne d'autisme estime qu'il y a actuellement 200 000 Canadiens qui souffrent d'autisme. Si ce chiffre est alarmant en soi, il ne correspond même pas au nombre total de personnes qui sont touchées par les troubles du spectre autistique. Ces troubles touchent également les membres de la famille et les aidants qui consacrent leur vie à aider les personnes atteintes de TSA. Les membres de la famille d'une personne autiste travaillent sans relâche pour aider cet être cher sur les plans émotif et financier et, souvent, ils mettent en place à la maison leur propre système de thérapie comportementale.

Une étude du Réseau canadien de recherche d'intervention sur l'autisme conclut que les parents qui participent avec leurs enfants à un programme de formation axé sur l'attention conjointe et l'engagement conjoint verront une amélioration dans les habiletés de communication de ces derniers. Une autre étude révèle que les parents qui jouent un rôle dans le traitement de leurs enfants, outre le recours à une thérapie professionnelle, contribuent à l'amélioration des capacités cognitives et langagières. Par surcroît, la formation permet aux parents d'élargir leurs connaissances sur l'autisme en général. Autrement dit, les parents ont un rôle très important à jouer dans l'éducation des enfants autistes.

Il n'est pas facile d'agir comme principal aidant auprès d'un enfant aux prises avec des TSA. Le diagnostic peut entraîner un changement permanent dans la dynamique familiale. Les parents doivent s'attendre à consacrer d'innombrables heures à leurs enfants autistes. Voilà pourquoi la Société canadienne d'autisme encourage les familles à chercher de l'aide à l'extérieur, notamment des services de counselling et du répit.

Les parents eux-mêmes deviennent souvent des experts en matière de TSA. Nous connaissons tous un collègue qui est très versé dans le domaine. Il faut reconnaître le dévouement du député d'Edmonton- Mill Woods-Beaumont, Mike Lake, ainsi que celui de tous les parents ayant des enfants atteints de TSA. Ce projet de loi constitue une première étape vers l'atteinte de cet objectif.

Dans une récente intervention sur le sujet, le sénateur Munson a souligné un fait important. Si les cas de troubles du spectre autistique sont tous différents les uns des autres, tous les parents d'enfants autistes partagent la même anxiété à l'égard de l'avenir de leurs enfants. Les ressources disponibles pour les enfants autistes dans les écoles et les établissements communautaires ne leur seront peut-être plus accessibles lorsqu'ils deviendront adultes. De toute évidence, il est judicieux d'offrir des possibilités sur le marché du travail pour aider les personnes souffrant de TSA à s'intégrer à la société et à devenir indépendantes. Cependant, comme le sénateur Munson l'a indiqué, les ressources pour les adultes souffrant d'autisme sont souvent limitées et il est difficile de trouver un employeur disposé à accepter les défis uniques auxquels les autistes sont confrontés. Les symptômes que présentent les autistes à l'âge adulte peuvent également varier en gravité. Cependant, il est certain que ces adultes possèdent souvent des talents uniques.

Un récent article sur le site Internet de la CBC parle d'une compagnie de tests de logiciels à but non lucratif appelée Aspiritech. Son nom est une combinaison des mots anglais pour « Asperger », « esprit » et « technologie ». Cette compagnie cherche à tirer parti des capacités exceptionnelles des adultes autistes tout en valorisant certaines de leurs caractéristiques normalement peu propices à l'emploi, soit les difficultés sur le plan social, le manque de contact visuel et la tendance à être submergé par la charge de travail.

Aspiritech propose un milieu de travail détendu et s'adapte aux besoins de son personnel. Ce faisant, elle bénéficie considérablement des talents qu'on retrouve souvent chez les gens atteints de TSA : la concentration, le souci du détail, le rappel de mémoire et l'aptitude à travailler avec les ordinateurs.

La Société canadienne de l'autisme reconnaît ces capacités singulières et souligne que les gens atteints de TSA ont parfois une perception spatiale et une mémoire à long terme exceptionnelles, ce qui leur permet d'exceller dans les domaines de la musique, des mathématiques, de la physique, de la mécanique, des sciences et technologies et de l'architecture. En plus de permettre à ses employés de sentir qu'ils accomplissent quelque chose et qu'ils appartiennent à un groupe, Aspiritech organise des activités de groupe pour améliorer les interactions sociales au travail. Cette histoire illustre à merveille combien les adultes autistes peuvent exceller dans un environnement qui leur convient.

Honorables sénateurs, nous savons la mesure dans laquelle le dépistage et le traitement précoces peuvent freiner le développement des TSA chez les enfants. Nous savons que ce sont les parents et les principaux aidants qui sont aux premières lignes. Et maintenant, nous savons que les adultes autistes peuvent être heureux et contribuer à la société.

Avant de réaliser de tels progrès, cependant, il faut que les troubles du spectre autistique soient reconnus à l'échelle nationale et portés à l'attention du public. En sensibilisant les Canadiens à l'autisme, non seulement nous contribuerons à la création d'une société bienveillante et bien informée, mais nous rendrons également hommage aux personnes touchées par les TSA.

Honorables sénateurs, le sénateur Munson a travaillé sans relâche pour que ce projet de loi soit adopté. Il a comparu devant le comité et présenté des arguments raisonnables et remplis de compassion à l'appui de sa position. Ce projet de loi est né de la détermination d'un homme à sensibiliser les Canadiens, et son adoption témoignera de la compassion de tous les Canadiens. Nous sommes solidaires des gens touchés par les TSA et nous reconnaissons leurs combats ainsi que leurs victoires. Merci.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Munson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

(1500)

Droits de la personne

Autorisation au comité d'examiner des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et d'examiner l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé

Permission ayant été accordée de passer aux motions, conformément à l'article no 29 :

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément à l'avis donné le 23 juin 2011, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à examiner des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la Fonction publique fédérale, d'étudier la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés et d'examiner l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé; et

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 30 juin 2012.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Projet de loi sur la modernisation des conseils d'administration

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Céline Hervieux-Payette propose que le projet de loi S-203, Loi visant à moderniser la composition des conseils d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères, notamment à y assurer la représentation équilibrée des femmes et des hommes, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est avec grande fierté que je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-203, puisqu'il est le fruit d'un travail rigoureux et porteur d'espoir pour les femmes et les hommes de demain.

Le projet de loi S-203 veut rationaliser la composition des conseils d'administration de certaines personnes morales, institutions financières et sociétés d'État mères, notamment pour y assurer la représentation équilibrée des femmes et des hommes.

Dans le cadre de l'étude du défunt projet de loi S-206, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a fait témoigner plusieurs experts sur la représentativité des femmes au sein des conseils d'administration. Après les avoir entendus présenter leurs recherches, démontrant sans aucune ambiguïté qu'une plus grande diversité dans un conseil d'administration est le gage d'une meilleure efficacité économique, les sénateurs conservateurs membres de notre comité ont tué le projet de loi S-206 en refusant le vote article par article et en exigeant le huis clos. Cette manière avec laquelle les sénateurs conservateurs ont envoyé aux oubliettes le projet de loi est tout simplement irrespectueuse de notre institution et méprisante pour nos conventions parlementaires et pour les femmes.

D'entrée de jeu, permettez-moi de spécifier que les conclusions de ce rapport d'étude, c'est-à-dire le rapport préparé strictement par les conservateurs et présenté le 3 février dernier, ne reflètent en rien les conclusions des témoins.

Dans leur rapport d'étude, la majorité conservatrice du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce s'est d'abord empressée de préciser que la mixité des sexes et la solide performance d'entreprises allaient de pair, ce avec quoi je suis d'accord. Elle a aussi précisé qu'elle partageait les objectifs du projet de loi S-206. Était-ce de l'ironie ou de l'inconscience, puisqu'ils appuyaient mon projet de loi? Subitement, par contre, le groupe a recommandé l'arrêt de l'étude du projet de loi pour des raisons que j'ignore à ce jour, allant complètement à l'encontre du consensus établi par les experts lors de leurs témoignages, consensus selon lequel une mesure législative est nécessaire si l'on veut que les femmes soient justement représentées au sein des conseils d'administration.

L'une des raisons données par la majorité conservatrice du comité était que le projet de loi S-206 aurait changé profondément les dispositions de régie d'entreprise de la loi canadienne des sociétés par actions. Selon leur rapport, mon projet de Loi aurait fait en sorte de bouleverser le cadre permettant aux compagnies de décider de leur propre fonctionnement, pénalisant ainsi les actionnaires. On aurait dû faire un petit cours de droit à ce moment-là pour montrer que ce sont les actionnaires qui choisissent les administrateurs et non les officiers de l'entreprise.

Cette conclusion du rapport est complètement fictive et non représentative des faits décrits par les experts lors des délibérations du comité. L'objectif de mon projet de loi S-206 n'était pas d'imposer quoi que ce soit aux actionnaires, mais plutôt de leur offrir un éventail plus diversifié d'administrateurs potentiels.

D'ailleurs, Mme Deborah Gillis, vice-présidente de Catalyst Canada Inc., a exposé en ces termes, lors de son témoignage du 9 décembre dernier, pourquoi il était important d'offrir aux actionnaires un choix plus diversifié d'administrateurs, et je cite :

Les actionnaires veulent, bien entendu, que leurs organisations soient dirigées et administrées par les personnes les plus qualifiées, et je pense qu'ils aimeraient que leurs organisations reflètent l'image du marché qu'elles desservent. Lorsque les femmes représentent 50 p. 100 de la population et qu'elles influencent la majorité des décisions d'achat — et d'après de nombreuses études, c'est 80 p. 100 ou plus — et qu'elles constituent la majorité des employées de nombreuses organisations, être le reflet du marché devient, pour les actionnaires, un facteur essentiel à prendre en considération.

De plus, comment la majorité conservatrice du comité peut-elle avancer une telle raison alors que le projet de loi S-206 n'a tout simplement jamais été étudié et adopté article par article?

La majorité conservatrice du comité a ensuite prétendu dans son rapport que le « soi-disant » volontarisme provenant du milieu des affaires améliorait la représentativité des femmes au sein des conseils d'administration. Je cite la déclaration candide des représentants conservateurs du comité :

Les sociétés canadiennes ont déjà commencé à augmenter le nombre de femmes au sein de leur conseil d'administration.

Les témoignages d'experts confirmaient exactement le contraire. C'est notamment le cas d'une Norvégienne, Mme Liv Monica Stubbholt, première dirigeante et membre du conseil d'administration d'Aker Clean Carbon et ancienne secrétaire d'État au ministère de l'Énergie, qui nous a précisé lors de son témoignage on ne peut plus clairement, et je cite :

L'expérience nous a appris qu'elles (les femmes) ne seront jamais en nombre suffisant tant qu'on ne mettra pas une loi spéciale en place.

Évidemment, la Norvège a été le premier pays à adopter une loi, après avoir demandé volontairement de le faire. C'est aussi l'avis de plusieurs organismes de recherche réputés tels, que Catalyst ou encore le Conference Board of Canada. D'ailleurs, Anne Golden, présidente actuelle du Conference Board du Canada, avançait récemment que, au rythme actuel, il faudrait encore 151 ans — on risque de ne plus être ici — pour que la parité soit atteinte au sommet de l'échelle. Si vous trouvez que 151 années équivalent à une progression pour atteindre la parité ou une représentativité équilibrée, il faudrait revoir ensemble ce qu'est la définition de « progression ».

Enfin, selon le rapport d'étude de la majorité conservatrice du comité du 3 février dernier, les exigences du projet de loi S-206 alourdiraient le fardeau réglementaire et les formalités administratives des sociétés. C'est, là encore, tout le contraire qu'a exposé lors de son témoignage Mme Poonam Puri, professeure agrégée de droit à la faculté de droit Osgoode Hall, confirmant que le projet de loi était tout à fait approprié dans le contexte législatif actuel et qu'il n'allait aucunement bouleverser le cadre des lois visées. Elle a d'ailleurs précisé, et je cite :

Le projet de loi S-206 est un projet de loi raisonnable, qui s'appuie sur la législation actuelle des sociétés, sur les banques et sur les assurances.

Contrairement à l'inquiétude évoquée dans le rapport de la majorité conservatrice au sujet d'un hypothétique alourdissement règlementaire que créeraient les exigences du projet de loi S-206, la professeure émérite en droit, qui a un doctorat et est également reconnue comme une des femmes les plus remarquables dans le milieu des affaires à Toronto, a précisé que le projet de loi avait été rédigé de façon à ce que, justement, on n'alourdisse pas la règlementation déjà en place.

(1510)

À ce propos, laissez-moi citer un passage de son témoignage, le 9 décembre dernier :

Le projet de loi prévoit d'accorder aux sociétés un délai raisonnable pour mettre en place les pratiques et les procédures en matière de gouvernance et de candidature, afin de leur permettre de se conformer aux règles proposées et pour qu'il y ait suffisamment de personnes qualifiées pour respecter les nouvelles règles.

Voilà ce que sont les conclusions idéologiques de la majorité conservatrice sur le projet de loi S-206 : de la plus pure invention.

Ce rappel étant fait, j'en viens plus précisément au projet de loi S- 203, qui m'a été après suite à des témoignages et des consultations.

Honorables sénateurs, le nouveau projet de loi S-203 est différent. Il se veut innovateur pour deux grandes raisons : d'une part, parce qu'il exigera une représentation équilibrée des sexes au sein des conseils d'administration et, d'autre part, parce qu'il permettra aux actionnaires de voter expressément contre l'élection d'un administrateur lors des assemblées annuelles, à la demande de l'Association canadienne des gestionnaires des caisses de retraite.

Pour ce qui est de la composition des conseils d'administration, le projet de loi S-203 n'impose pas un quota de 40 ou 50 p. 100 de femmes, comme le faisait mon dernier projet de loi. Ce nouveau projet de loi exige un minimum de 40 p. 100 de chacun des sexes dans les conseils d'administration. Ce changement permet donc d'assurer un meilleur équilibre des occasions données aux femmes et aux hommes. Avec cette modification, on envoie à mon sens un message clair en termes d'égalité des chances puisque, désormais, pour les femmes comme pour les hommes, tout sera non seulement possible mais probable. Quant au processus menant aux plus hauts postes de décisions, il ne sera plus simplement virtuel.

Il est vrai qu'aujourd'hui la femme occupe une plus grande place dans plusieurs secteurs de la société civile. Toutefois, il est aussi vrai qu'elles sont trop peu nombreuses à occuper une place dans les hauts lieux décisionnels de notre société civile. C'est notamment le cas des conseils d'administration des grandes entreprises, qui constituent probablement le dernier bastion de la culture du « old boys' club ».

Après la récession de 2008 et 2009, provoquée par une gestion défaillante et d'innombrables pratiques financières scandaleuses, force est de constater que le temps est venu de revoir l'efficacité des pratiques de gestion et de gouvernance. Comme les conseils d'administration jouent un rôle crucial dans le fonctionnement des grandes entreprises, il est plus que logique de revoir certaines façons de faire.

L'incertitude économique que nous vivons depuis déjà quelques années nous démontre que la gouvernance d'entreprise est constamment mise à l'épreuve. C'est pourquoi il est vital que les sociétés disposent d'administrateurs qualifiés et compétents, hommes et femmes. La diversité d'un conseil d'administration s'avère un atout indispensable pour les entreprises canadiennes; ce n'est pas seulement moi qui le dis, c'est le Conference Board du Canada, qui en est venu à cette conclusion dans une étude publiée en 2002 et intitulée Women on Boards : Not Just The Right Thing... But the « Bright Thing ». Leur conclusion est très claire : la nomination de femmes et d'hommes au sein de conseils d'administrations est un avantage considérable pour la santé économique des compagnies canadiennes. Sachant que le gouvernement conservateur se soucie « grandement » de la santé économique du Canada, ne serait-il pas temps d'adopter des mesures concrètes visant à améliorer la performance économique canadienne, comme celles que propose mon projet de loi S-203?

Poser la question, c'est y répondre.

D'autant plus qu'au Canada, ce ne sont pas les ressources féminines compétentes qui manquent. Mme Marie-Soleil Tremblay, professeure à l'École nationale d'administration publique, a d'ailleurs précisé en comité que le Canada pouvait compter sur 60 000 femmes comptables professionnelles, 20 000 avocates, plus de 16 000 ingénieures, des milliers de professeures d'université et des centaines d'actuaires. Pourquoi nous priverions-nous de ces ressources aussi riches dans nos conseils d'administration?

Selon Paul Tellier, ancien président-directeur général du CN, de Bombardier et ancien greffier du Conseil privé, la pénurie de femmes au sein des conseils d'administration est un sérieux problème qui mine la gouvernance des entreprises canadiennes. Il a soulevé cette déficience au sein des conseils d'administration lors d'un discours prononcé le 17 novembre 2010 devant le Conference Board du Canada. Pour lui, l'équation est simple : si on continue de trouver différentes raisons pour exclure le talent féminin disponible, les hauts lieux décisionnels canadiens n'atteindront jamais leur plein potentiel.

N'oublions pas que c'est au conseil d'administration que revient la lourde tâche non seulement d'assurer la survie d'une entreprise, mais aussi de trouver des moyens pour qu'elle puisse rester performante. En y amenant du sang neuf et en équilibrant leur constitution, on assurera aux entreprises et aux investisseurs un plus large éventail d'expériences pouvant contribuer au succès de celles-ci. L'application de cette nouvelle mesure enverrait un message positif à la société canadienne, selon lequel la classe politique se soucie des intérêts des Canadiens et des Canadiennes en poussant les sociétés à se doter de conditions de travail et de structures permettant aux femmes et aux hommes de s'impliquer dans des tâches d'administrateurs.

Il faut aussi arrêter de croire naïvement que la représentativité des femmes au sein des conseils d'administration des entreprises canadiennes s'améliore d'année en année, comme l'extravagant rapport produit par la majorité conservatrice du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce le laissait entendre en février dernier. Chiffres et tendances nous démontrent malheureusement que la place des femmes n'est toujours pas valorisée au sein des conseils d'administration des entreprises canadiennes.

L'organisme Catalyst rapportait, en avril 2011, que, malgré une population canadienne composée de 50,4 p. 100 de femmes et une main d'œuvre canadienne composée de 47,3 p. 100 de femmes, on retrouvait seulement 14 p. 100 de femmes au sein des conseils d'administration des entreprises comprises dans le FP500 du Financial Post 500. Pour ce qui est du poste de président de conseil d'administration, 3,2 p. 100 seulement de femmes détenaient ce poste manifestement convoité uniquement par les hommes.

Les intervenants qui sont plus frileux à l'idée d'imposer une meilleure représentation des femmes au sein des conseils d'administration ont longtemps soulevé, et soulèvent toujours, l'argument voulant que les entreprises mettent en place, par leur propre initiative, des plans d'action visant à intégrer plus de femmes dans les conseils d'administration. J'aimerais bien savoir si ces mêmes intervenants voient d'un bon œil le fait que, entre 1998 et 2009, la représentativité des femmes est passée de 6,2 p. 100 à 14 p. 100. Si c'est le cas, en 2040, les femmes n'atteindront même pas 30 p. 100 de représentation dans les conseils d'administration. C'est tout à fait inacceptable pour une société qui veut rester ouverte, égalitaire et prospère comme la nôtre, et qui s'est engagée, en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, au droit à l'égalité.

Lorsque je lis ces statistiques, je ne peux que conclure à la faillite du soi-disant volontarisme émanant du milieu des affaires. C'est aussi à cette conclusion qu'en sont venus la plupart des témoins devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. D'après la presque totalité des experts venus témoigner devant le comité, la solution pour contrer la stagnation des femmes au sein des conseils d'administration est sans aucun doute la mise en place d'une loi pour exiger un nombre suffisant de femmes et nous assurer des conseils d'administrations équilibrés.

Comme l'indiquait Mme Stubholt lors des délibérations au comité, l'égalité hommes-femmes, bien qu'elle soit évidemment souhaitable, n'est pas la principale raison d'appuyer une mesure législative du genre. D'après elle, la raison la plus importante est plutôt d'ordre stratégique, voire économique.

Elle a déclaré ceci lors de son témoignage :

À une époque où il est nécessaire d'avoir des conseils d'administration extrêmement professionnels, composés de personnes issues d'un large éventail de milieux afin de pouvoir évaluer convenablement les risques, nous avons besoin de femmes.

L'exemple de la performance de la Norvège dans la crise actuelle nous démontre bien que ce pays a atteint ces objectifs.

Ce genre de mesure législative produit des effets concrets. L'exemple le plus près de chez nous est certainement le Québec, avec sa Loi sur la gouvernance des sociétés d'État, entrée en vigueur depuis 2006. Cette mesure a fait en sorte que la présence des femmes dans les conseils d'administration des sociétés d'État a augmenté de 66 p. 100 depuis son entrée en application. Mis à part le Québec, qui a pris les choses en main, le vent de changement souffle davantage sur l'Europe que sur l'Amérique.

L'exemple le plus connu est certainement la Norvège, mais l'imposition d'une meilleure représentativité des deux sexes au sein des conseils d'administration ne se limite pas à ce pays nordique.

(1520)

Comme je l'avais déjà précisé l'année dernière, l'Espagne a suivi la Norvège, en 2007, en obligeant par une loi les sociétés cotées en bourse à avoir 40 p. 100 de femmes dans leur conseil d'administration. En mars 2010, ce fut au tour de l'Islande d'introduire une loi semblable pour les entreprises publiques et privées. Présentement, plusieurs autres pays travaillent à des propositions de mesures législatives similaires à celles adoptées en Norvège. C'est notamment le cas de la Belgique, de l'Allemagne, de la Suède, des Pays-Bas et du Royaume-Uni.

Plus récemment, en janvier 2011, la France s'est dotée de sa Loi sur la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle. C'est d'ailleurs cette loi, ainsi que mes discussions avec la marraine du projet de loi, la députée Marie-Jo Zimmerman, qui m'ont amenée à apporter certains changements à mon projet de loi sur la représentation des femmes au sein des conseils d'administration. Tout comme la loi française, mon projet de loi S-203 mise sur une représentation équilibrée et sur la flexibilité. Non seulement l'exigence de 40 p. 100 de représentation vise les deux sexes, mais son application bénéficie de délais — j'insiste sur le mot « délais » — pour que l'adaptation se déroule le plus facilement possible. Ainsi, les instances dirigeantes des sociétés visées auront trois ans, après l'entrée en vigueur de la loi, pour compter au moins 20 p. 100 de femmes et d'hommes. De plus, ce taux de 40 p. 100 de femmes et d'hommes devra être atteint par les instances dirigeantes six ans après l'entrée en vigueur de la loi. C'est un changement par rapport au projet de loi précédent.

Malgré tous ces avancements encourageants, l'Union européenne s'est aussi emparée du sujet, comme le démontre le rapport sur l'égalité adopté par la Commission européenne, en décembre 2009, et la résolution du Parlement européen. D'ailleurs, cette commission a récemment fait une sortie virulente en dénonçant la sous- représentation des femmes aux postes de direction des grandes entreprises de l'Union européenne. Bien que plusieurs pays aient adopté des lois imposant un pourcentage minimum de femmes, la commission s'impatiente du fait que les choses n'avancent pas assez vite à son goût. Elle se disait même, le 12 juillet dernier, donc en 2011, prête à légiférer en 2012 pour faciliter la promotion des femmes dans les conseils d'administration des plus grandes entreprises de l'Union européenne.

Pendant ce temps au Canada, l'immobilisme règne et le gouvernement Harper continue de défendre la culture dépassée du « old boys' club », à moins qu'il ait changé d'idée, mais il ne m'en pas avisée. Ce qui a mené à la plus grande crise financière et économique depuis 1929, c'est tout de même les conseils d'administration actuels qui ont la responsabilité de tous les déboires qu'on vit présentement. Il faut changer cette culture au Canada et encourager la diversification dans les hauts lieux décisionnels. Le Canada tire de l'arrière et ne montre pas l'exemple en ce qui a trait aux problèmes qui sont au cœur de la question de l'égalité hommes-femmes a indiqué Mme Deborah Gillis lors de son témoignage devant le comité.

Pour tous les experts venus témoigner devant le comité l'hiver dernier, il est important de se joindre aux pays avant-gardistes et de s'allier à ceux qui ont déjà légiféré pour que soient mieux représentées les femmes au sein des conseils d'administration.

La deuxième grande innovation que propose mon projet de loi S- 203 consiste à donner aux actionnaires le pouvoir de voter contre un candidat proposé à titre d'administrateur. Tout le monde s'entend pour dire que, dans les cadres économiques et juridiques actuels, le rôle de l'actionnaire est primordial. Conséquemment, il est grand temps qu'il puisse avoir le choix, lors de l'élection d'administrateurs aux assemblées annuelles, de voter pour ou contre un administrateur et ce, de façon expresse.

Cet avis était partagé par Mme Judy Cotte, conseillère générale et directrice du développement politique à la Coalition canadienne pour une saine gouvernance, lors de son témoignage. D'après Mme Cotte, le mode d'élections des administrateurs au Canada est désuet. Elle nous rappelait que, encore aujourd'hui, en effet, en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par action, il n'est pas possible pour un actionnaire de voter expressément contre l'élection d'un administrateur. Ladite loi prévoit deux possibilités pour l'actionnaire, soit celle de voter pour ou celle de s'abstenir. Or, s'abstenir n'a juridiquement aucun effet pratique. Elle nous donnait en exemple une situation tout à fait absurde où un administrateur pouvait être élu avec seulement une voix et que celle-ci pouvait être la sienne propre. Ce qui lui fait dire ceci :

Si une majorité des actionnaires ou même 99 p. 100 d'entre eux décident de ne pas accorder leurs suffrages à un candidat au conseil d'administration, l'intéressé sera élu néanmoins ou, s'il fait déjà partie du conseil, il conservera son siège.

Si on part du principe que les propriétaires des grandes entreprises sont les actionnaires, je crois qu'il est tout à fait logique et légitime de permettre à ces derniers d'avoir la possibilité de voter expressément contre un administrateur.

De plus, ce genre de mesure existe déjà dans certains États américains. C'est notamment le cas du Delaware, où la loi intitulée Delaware General Corporation Law prévoit la possibilité, lors de l'élection d'administrateurs, qu'un actionnaire puisse voter contre l'élection d'un administrateur. Dans cet État américain, les actionnaires peuvent donc voter contre un administrateur qui doit son siège seulement à son réseau de contacts, un administrateur qui n'a pas les compétences requises ou encore qui ne contribue pas, soit en raison de son absence ou ses interventions impertinentes, aux délibérations du conseil.

Donc, il est grand temps que l'on permette aux actionnaires d'exercer un droit de vote intégral.

La représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et le droit de vote intégral pour les actionnaires, voilà les deux principaux objectifs du projet de loi S- 203.

J'aimerais quand même vous rappeler que tout récemment, lors d'une réunion du G20, un groupe de jeunes femmes déléguées de tous les pays participants ont insisté...

[Traduction]

... sur l'inégalité qui a cours entre les sexes partout dans le monde et sur les répercussions négatives que cela a en définitive sur la croissance mondiale.

La déléguée française a dit que la représentation sociale, politique et économique des femmes est un élément essentiel dont les dirigeants et les agents de changements doivent tenir compte pour assurer la croissance à long terme de leurs pays.

[Français]

Donc, quand nos ministres des Finances se rencontrent, ils se rendent compte que la présence des femmes dans le milieu décisionnel est essentielle à la reprise économique.

Honorables sénateurs, le Parlement canadien a la chance, en cette période d'incertitude économique, d'encourager une mesure législative qui est socialement juste et bonne, très bonne économiquement. C'est donc dans cet esprit particulièrement innovateur que je vous invite à adopter le projet de loi S-203.

(Sur la motion du sénateur Frum, le débat est ajourné.)

Bibliothèque du Parlement

Adoption du premier rapport du comité mixte visé à l'article 104 du Règlement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du premier rapport du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement (mandat du comité et quorum), présenté au Sénat le 4 octobre 2011.

L'honorable Marie-P. Poulin propose l'adoption du rapport.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à demander au gouvernement pakistanais de libérer Mme Asia Bibi de prison

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Downe,

Que,

Attendu que conformément à la Déclaration universelle des droits de l'Homme proclamée par l'Organisation des Nations Unies :

« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » (article 3);

« Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (article 5);

« Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées » (article 11, alinéa 1);

« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion » (article 18);

Attendu que le Pakistan est un membre actif de l'Organisation des Nations Unies depuis 1947;

Attendu que la communauté internationale a démontré sa compassion et sa solidarité envers le peuple Pakistanais lorsque celui-ci est confronté à la souffrance comme ce fut le cas lors des terribles inondations de l'été 2010;

Attendu que Madame Asia Bibi est détenue depuis juin 2009 dans des conditions indignes de la personne humaine sans procès équitable et que sa santé et sa sécurité sont compromises,

Que le Sénat du Canada appelle le gouvernement du Pakistan à libérer sans délai Madame Asia Bibi, à garantir sa sécurité et son intégrité physique, à entendre l'indignation de la communauté internationale et à respecter les principes de la Déclaration universelle des droits de l'Homme;

Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes pour lui demander de faire front commun avec le Sénat aux fins de ce qui précède.

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion tendant à demander au gouvernement pakistanais de libérer immédiatement Mme Asia Bibi de prison. Cette femme est emprisonnée depuis deux ans et a été condamnée à mort pour blasphème.

Je suis fort reconnaissante au sénateur Hervieux-Payette de porter de nouveau cette question à l'attention du Sénat, alors que le mouvement international pour la libération d'Asia Bibi s'accentue.

J'ai parlé à des ministres et à des sénateurs du Pakistan pendant une visite dans les régions pakistanaises dévastées par des inondations en novembre 2010.

(1530)

Le Pakistan étant un membre actif de la communauté internationale — comme en témoignent sa participation aux Nations Unies et l'aide incroyable qu'il a reçue lors des inondations —, j'ai exhorté les représentants pakistanais à songer à abroger leurs lois sur le blasphème. Plus particulièrement, j'ai parlé au ministre des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, qui a dit que de sérieuses discussions se déroulaient au sujet de ces lois.

Asia Bibi est une chrétienne accusée d'avoir fait des remarques désobligeantes après avoir puisé, et supposément contaminé, de l'eau dans un puits situé dans un village à prédominance musulmane. Bien que son cas ait attiré encore plus l'attention sur les lois sur le blasphème, il n'en est qu'un parmi de nombreux autres qui mettent en lumière les injustices commises en vertu de ces lois. Dans bien des cas semblables, les accusations sont sans fondement et motivées par des préjugés ou de l'hostilité personnels.

Les victimes appartiennent généralement à des minorités religieuses, comme les chrétiens ou les ahmadis, mais maintenant, plus que jamais, la loi s'attaque également à des musulmans. En janvier 2011, Mohammed Samiullah, un jeune musulman de 14 ans, a été accusé de blasphème après avoir écrit des commentaires jugés désobligeants dans un examen scolaire. Il a été envoyé dans une prison pour mineurs en attendant son procès. Sur 4 000 personnes accusées de blasphème, 3 000 sont musulmanes.

Ces lois découlent du Code pénal indien de 1860. Elles ont été adoptées par les dirigeants britanniques en 1927. Le Pakistan les a conservées après avoir accédé à l'indépendance en 1947. Plusieurs dispositions, dont certaines prévoyant des peines d'emprisonnement à vie et des peines de mort, ont été ajoutées aux lois de 1977 à 1986, sous la présidence du général Mohammed Zia-ul-Haq.

La dissidence nationale contre les lois sur le blasphème est étouffée par la peur. On fait taire les personnes à coup de menaces de violence ou de mort. En février 1995, Salamat Masih, un jeune chrétien de 14 ans, a été condamné à mort pour avoir écrit des commentaires jugés choquants sur le mur d'une mosquée. Il a fini par être acquitté par le juge Arif Iqbal Bhatti après qu'on ait découvert qu'il était analphabète. Deux ans plus tard, le juge Bhatti a été assassiné dans ses appartements en représailles de cet acquittement.

Un grand nombre de sénateurs se souviennent peut-être que j'ai déjà parlé ici du regretté Shahbaz Bhatti. J'ai eu le plaisir de rencontrer plusieurs fois M. Bhatti, ancien ministre des Minorités religieuses du Pakistan. Seul chrétien dans le Cabinet pakistanais, il critiquait avec virulence les lois du Pakistan sur le blasphème, en dépit de toutes les menaces de mort qu'il a reçues. Il a été assassiné en mars dernier.

Dans le but de souligner les efforts déployés par M. Bhatti, je suis allée assister à ses funérailles au Pakistan avec le ministre Jason Kenney. Lors de rencontres avec le premier ministre du Pakistan, le ministre de l'Intérieur et des membres des groupes minoritaires, le ministre Kenney et moi avons encouragé la discussion et la révision des lois sur le blasphème.

Cependant, la réforme du système judiciaire est difficile en raison du terrorisme qui frappe les agents du changement et de la mort de personnalités en vue. J'ai mentionné les assassinats du juge Arif Iqbal Bhatti ainsi que de mon bon ami Shahbaz Bhatti. Cette année, Salman Taseer, le gouverneur de la province du Pendjab, a été assassiné par un de ses gardes du corps en raison de son opposition aux lois sur le blasphème, particulièrement dans le cas d'Asia Bibi, avec qui il a participé à une conférence de presse. L'assassin de M. Taseer a récemment été reconnu coupable et condamné à mort. Le fils de M. Taseer a été kidnappé en août et son sort reste inconnu.

Après M. Taseer, une rumeur voulait que ce soit Sherry Rehman, une femme politique de premier plan et une ancienne ministre de l'Information, qui soit ciblée pour avoir proposé une mesure législative modifiant les lois sur le blasphème en novembre dernier. Depuis, elle vit cachée et on l'a persuadée de renoncer à toute intention de présenter un projet de loi modifiant ces lois.

Un religieux musulman en vue, Javed Ahmad Ghamidi, vit aussi au secret. Un des seuls docteurs de la foi à s'opposer publiquement aux lois sur le blasphème depuis l'assassinat de Salman Taseer, Ghamidi s'est enfui en Malaisie avec sa famille après qu'un attentat à la bombe contre sa résidence ait été déjoué.

Il faut que la communauté internationale sache ce qui se passe au Pakistan et se fasse la voix de la tolérance. Il est de notre devoir d'examiner les lois qui permettent que des atrocités soient commises contre ceux qu'elles sont censées protéger, surtout lorsque la plupart des accusations visent des gens qui sont sans pouvoir et sans voix.

J'ai été étonnée d'apprendre que les lois sur le blasphème n'existent pas qu'au Pakistan, mais qu'il y en a sous différentes formes ailleurs dans le monde. Human Rights First, une organisation internationale indépendante et sans but lucratif du domaine des droits de la personne, a publié une étude ce mois-ci où on lit ce qui suit :

Plus de 100 cas ont été répertoriés dans 18 pays où l'application des lois sur le blasphème a abouti à des peines de mort et à de longues peines d'emprisonnement de même qu'à des détentions arbitraires en plus de susciter des agressions, des meurtres et des attaques en bandes.

À la fin de la dernière législature, le Sous-comité des droits internationaux de la personne de l'autre endroit a adopté une motion sur la tenue d'audiences sur la persécution des minorités religieuses en Indonésie et au Pakistan. J'exhorte le sous-comité à examiner également les persécutions subies par toutes les personnes, qu'elles appartiennent à une grande religion ou à une petite.

Honorables sénateurs, j'appuie la motion proposée et je crois qu'il est de notre devoir, en tant que membres de la communauté internationale, d'insister pour que Mme Asia Bibi soit libérée de prison. J'ai fait tout ce que j'ai pu, mais l'union fait la force.

De plus, je recommande fortement qu'on entreprenne une étude des lois sur le blasphème, au Pakistan mais aussi ailleurs dans le monde. Il est de notre devoir, en tant que membre de la communauté internationale et des Nations Unies, de faire respecter l'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et plus précisément ce qui suit :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion [...].

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'honorable Lowell Murray

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition), avis ayant été donné le 29 septembre 2011 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la carrière exceptionnelle de notre ancien collègue, l'honorable Lowell Murray, C.P., qui a servi dans cette Chambre pendant 32 ans avant de prendre sa retraite le 26 septembre 2011.

— Honorables sénateurs, je souhaite aujourd'hui redresser un tort grave. En juin dernier, un de nos collègues, le doyen de cette Chambre en fait, a essayé de se retirer en catimini, sans même nous laisser la chance de lui rendre hommage pour ses 50 années de service public. Je parle bien sûr du sénateur Lowell Murray, qui a pris sa retraite du Sénat le 26 septembre, soit un jour avant que le Sénat recommence à siéger.

Il est venu au Sénat pour représenter Pakenham, en Ontario, une tâche dont il s'est acquitté pendant 30 ans, mais c'est au Cap-Breton qu'il est né et qu'il a grandi. Et tous les Néo-Écossais vous le diront : ceux qui sont nés dans notre province ressentent toujours le besoin d'y revenir, même s'ils l'ont quittée depuis longtemps. Il n'est donc pas étonnant que le sénateur Murray et son épouse Colleen ait choisi de retourner s'établir au Cap-Breton. Un de nos anciens collègues, Allan J. MacEachen, m'a demandé de mentionner que le sénateur Murray habite maintenant une maison construite à l'origine par le Dr Moses McGarry, qui a été Président de l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse et député à la Chambre des communes et qui, plus important encore, était un fervent libéral. Le sénateur MacEachen espère que tous ces éléments — sans oublier le portrait du Dr McGarry, qui occupe une place d'honneur dans le salon — inspireront le sénateur Murray et l'aideront à poursuivre son évolution politique jusqu'à sa conclusion naturelle.

Honorables sénateurs, ce qui se produit actuellement dans l'ancienne résidence du Dr McGarry n'est qu'un exemple du caractère unique du Cap-Breton. Je crois que si un chercheur curieux voulait creuser cette question, il constaterait que cette petite région a produit, toutes proportions gardées, plus d'hommes et de femmes d'État que toute autre région au pays. Et même dans un groupe aussi illustre, le sénateur Murray se distingue. L'historien Jack Granatstein l'a décrit comme un maître des coulisses politiques.

C'est tout à fait juste. C'est un stratège politique d'une intelligence exceptionnelle et — chose plutôt rare chez les habitués des coulisses politiques — ce qui le motivent avant tout, c'est sa foi dans le pouvoir du gouvernement et de la politique publique, et son désir de découvrir et de mettre en place les meilleures solutions possibles pour les Canadiens.

Il a déjà dit qu'il avait grandi dans un monde où la politique était omniprésente. Son père était conservateur, tandis que les autres membres de la famille étaient libéraux. Le milieu dans lequel il a grandi lui a fait prendre conscience du rôle crucial que peut jouer le gouvernement pour améliorer le niveau de vie et aider les citoyens.

(1540)

Il n'y a aucun doute que ses études à l'Université St. Francis Xavier, à Antigonish, en Nouvelle-Écosse, l'ont aidé. En 1955-1956, il devenait chef du Parti progressiste-conservateur de l'université. La tâche a dû lui sembler herculéenne. Les étudiants de St. F-X n'avaient jamais élu un gouvernement conservateur à leur Parlement étudiant, mais à partir du moment où Lowell Murray est devenu chef du parti, les choses ont changé.

Ce fut un très illustre parlement, honorables sénateurs. Robert Higgins, qui est plus tard devenu chef du Parti libéral du Nouveau- Brunswick, en était le gouverneur général, et un jeune homme de 17 ans du nom de Brian Mulroney y était ministre des Pêches. Dans ses mémoires, l'ancien premier ministre Mulroney dit qu'il était réticent à l'idée d'accepter le portefeuille des pêches, mais qu'il l'avait fait après que le premier ministre Lowell Murray lui eut assuré que cela ne lui poserait pas de problème de ne pas connaître la différence entre un flétan et une plie.

Honorables sénateurs, que fait un ancien premier ministre après avoir obtenu son diplôme universitaire? Le sénateur Murray s'est tourné vers la politique provinciale qui, en 1956, présentait un contexte intéressant pour un jeune progressiste-conservateur de la Nouvelle-Écosse. C'est l'année où Robert Stanfield est devenu premier ministre de notre province et où, incidemment, mon propre père a obtenu un siège sur les banquettes de l'opposition. À l'échelle locale, Lowell a travaillé à faire élire Bill MacKinnon dans Antigonish, une circonscription où aucun progressiste- conservateur n'avait été élu en plus de 40 ans. Encore une fois, le sénateur Murray a contribué à changer les choses et à faire élire Bill MacKinnon à l'assemblée législative.

Lowell a ensuite travaillé en politique fédérale au service de Donnie MacInnis et de Bob Muir — notre ancien collègue au Sénat — au Cap-Breton, au cours des campagnes électorales de 1957 et 1958.

J'ai parlé de son triomphe en politique à l'Université St. Francis Xavier, mais ce n'est pas la seule fois où Lowell Murray a brigué les suffrages. Dans un article écrit l'an dernier par Pat MacAdam, on apprend que, aux élections provinciales de 1960 en Nouvelle-Écosse, Lowell Murray « s'était offert en pâture dans Cape Breton Centre ». Il se présentait contre le populaire chef du CCF, Mickey MacDonald, et le libéral Jimmie P. McNeil, qui était maire de New Waterford. Selon MacAdam, Lowell a été battu à plate couture, mais en toute honnêteté, je dois souligner qu'il avait obtenu près de 700 voix de plus que les précédents candidats conservateurs.

Heureusement pour nous, les libéraux, le sénateur Murray a dès lors cessé de se porter candidat aux élections. En 1961, il est venu à Ottawa, où il a été chef de cabinet du ministre de la Justice, Davie Fulton. C'est là qu'il a travaillé aux côtés de Marc Lalonde et de notre ancien collègue, Michael Pitfield. Je m'imagine très bien à quoi ressemblait leur équipe et les dossiers dont ils ont dû s'occuper!

À l'époque, le ministre de la Justice était responsable de la GRC, des pénitenciers et de la Commission des libérations conditionnelles et était, comme le veut la tradition, procureur général du Canada. Le cabinet a participé à de profondes réformes des services correctionnels qui ont dû être entérinées par le Parlement ainsi qu'à une enquête sur les nombreux cas d'abus à l'endroit des travailleurs chinois à contrat non résiliable.

À la suite de la défaite du gouvernement Diefenbaker, Lowell a travaillé pour le sénateur Wallace McCutcheon, qui a entre autres été membre du Comité mixte spécial du Régime de pensions du Canada. C'était vraiment une époque exaltante pour tous ceux qui travaillaient en politique. Comme le sénateur Murray l'a dit, il a été un témoin privilégié de la plupart des grands débats politiques qui ont fait de notre pays ce qu'il est aujourd'hui.

Il a ensuite été chef de cabinet de Robert Stanfield lorsque ce dernier est devenu le chef de l'opposition à Ottawa, en 1967. Honorables sénateurs, il n'a pas posé sa candidature à ce poste. En fait, lorsque M. Stanfield a essayé de communiquer avec lui par téléphone après le congrès à la direction, il était introuvable. En effet, il était parti à Tokyo, car il voulait découvrir le monde. Ils ont discuté, et M. Stanfield lui a dit qu'il aimerait beaucoup qu'il travaille pour lui. C'était tout un honneur et une occasion formidable pour un jeune homme passionné de politique. Quelle a été la réaction de Lowell? Il lui a proposé de discuter de nouveau après son voyage.

Deux semaines plus tard, alors qu'il se trouvait à Saigon, il a reçu un autre appel, cette fois de Davie Fulton, qui lui a dit que M. Stanfield voulait savoir pourquoi il n'était pas revenu et ne se dépêchait pas de prendre sa décision. Cela a eu peu d'effet sur Lowell Murray, qui a poursuivi son périple et s'est rendu en Thaïlande et au Liban, après quoi il a décidé de rentrer au pays et de voir ce que M. Stanfield avait en tête. Je devine, honorables sénateurs, que M. Stanfield pouvait maintenant avoir la certitude que cet homme ne céderait pas aux pressions et irait au fond des choses même si quelqu'un cherchait à le distraire de son but.

En 1970, Lowell s'est intéressé de nouveau à la politique provinciale, mais cette fois-ci à celle du Nouveau-Brunswick voisin , où il est allé aider Richard Hatfield, qui était alors chef de l'opposition, mais qui est ensuite devenu premier ministre. En 1973, il s'est joint au cabinet du premier ministre à titre de sous-ministre. Voici ce que disait récemment le sénateur Murray aux gens de l'équipe du sénateur McCoy, à qui il a accordé une entrevue, que l'on peut d'ailleurs voir sur le site du sénateur :

Ces années ont été déterminantes. Louis Robichaud est le père du Nouveau-Brunswick moderne. Il a peut-être transformé la province au début des années 1970, mais c'est le premier ministre Hatfield qui a réussi à faire fonctionner le nouveau modèle de gouvernement. Nous avons fait en sorte que les réformes prennent solidement racine, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de l'aide sociale ou de la fiscalité, et qu'elles puissent continuer d'aider les Néo-Brunswickois à prospérer au cours des deux décennies suivantes.

Lowell est un ami et un supporteur de longue date de Joe Clark. Il a d'ailleurs été directeur de la campagne nationale du Parti progressiste-conservateur du Canada, en 1979. Après son élection, le premier ministre Clark l'a nommé au Sénat. Puis, en 1986, le premier ministre Mulroney le nommait au Cabinet à titre de leader du gouvernement au Sénat et de ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales.

À l'époque où Mulroney était au pouvoir, le sénateur Murray a aussi été ministre des Communications; c'est également lui qui a été le premier à occuper le poste de ministre de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, ou APECA, comme on la désigne généralement. Évidemment, en sa qualité de ministre d'État aux Relations fédérales-provinciales, le sénateur Murray a participé de près aux travaux entourant l'accord du lac Meech et l'accord de Charlottetown, deux moments controversés mais ô combien marquants de l'histoire canadienne.

Honorables sénateurs, que l'on ait été favorable à ces accords ou qu'on s'y soit opposé, deux choses sont indiscutables : primo, la position du sénateur Murray est demeurée la même tout au long de ces débats constitutionnels. Secundo, il s'est opposé au rapatriement de la Constitution que proposait le premier ministre Trudeau, rapatriement contre lequel il a même voté, pour la simple et bonne raison que le gouvernement du Québec s'y opposait aussi. Il était aussi sincèrement convaincu, pendant toute la durée des débats souvent houleux qui ont entouré les accords de Meech, puis de Charlottetown, que les propositions qui s'y trouvaient étaient dans l'intérêt supérieur du pays.

À l'époque du gouvernement Mulroney, le sénateur Murray a fait partie de 12 comités du Cabinet, en a présidé cinq et a été le vice- président de deux autres.

Notre ancien collègue n'a pas chômé une fois nommé au Sénat. Il a présidé le Comité sénatorial permanent des finances nationales durant des années. En fait, il en aura été l'un des membres les plus estimés jusqu'au moment de sa retraite. Il a également présidé le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

J'aimerais mentionner une des nombreuses contributions importantes du sénateur. En 1999, lorsqu'il était président du Comité des affaires sociales et que sœur Peggy Butts, une de ses compatriotes du Cap-Breton, en était vice-présidente, le comité a mené une étude spéciale sur la cohésion sociale. L'étude avait pour objet d'établir ce qui assurait la cohésion d'une société, compte tenu surtout des profonds changements causés par la mondialisation et les technologies.

Dans les premiers paragraphes de l'avant-propos du rapport, les sénateurs Murray et Butts ont affirmé ce qui suit :

En effet, si les Canadiens en venaient à croire que les sacrifices à faire ou les coûts à assumer n'incombent qu'aux éléments les plus démunis et les plus faibles de notre société et que les avantages n'échoient qu'à une poignée de privilégiés, leur volonté d'améliorer le rendement économique du pays risquerait de s'émousser.

Honorables sénateurs, ces propos sont encore pertinents aujourd'hui.

Le sénateur Murray a également présidé deux comités mixtes des langues officielles, et il serait trop long de nommer tous les comités auxquels il a siégé.

Le sénateur Murray a affirmé qu'il croit fermement que les partis politiques et les activités politiques partisanes sont des éléments indispensables de notre démocratie parlementaire. C'est une chose que nous aurions devinée en écoutant cette brève biographie. Pourtant, en décembre 2003, quand le Parti progressiste- conservateur du Canada a fusionné avec l'Alliance canadienne, le sénateur Murray a refusé de se joindre au nouveau parti et a plutôt décidé de siéger comme sénateur indépendant.

Nous savons ici ce que cette décision signifie dans le quotidien. De plus, puisque la plupart d'entre nous sont aussi très attachés à nos partis, nous sommes également conscients de la portée de cette décision. Ce n'est pas une décision qu'une personne, surtout quelqu'un d'aussi expérimenté que le sénateur Murray, prend à la légère. Cependant, Lowell Murray est un homme d'une grande intégrité, qui n'a jamais hésité à prendre des décisions difficiles s'il croit qu'elles sont justes, peu importe les conséquences personnelles qu'elles pourraient avoir.

(1550)

Honorables sénateurs, j'ai commencé mon discours en décrivant à quel point le sénateur Murray est animé d'abord et avant tout par le fait qu'il croit profondément aux possibilités de la politique gouvernementale et publique. Toujours réticent à accorder des entrevues, il s'est même esquivé avant que nous puissions lui rendre hommage pour ses nombreuses années de service public, mais, ces derniers mois, il a quand même parlé publiquement des questions qui lui tiennent beaucoup à cœur. Au cours de cette interpellation, je m'en voudrais de ne pas parler de plusieurs des questions sur lesquelles il faut, selon lui, porter notre attention.

Comme le sénateur Murray a passé sa vie à étudier le gouvernement canadien et à en faire partie, que ce soit sur les bancs de l'opposition ou en tant qu'attaché politique, haut fonctionnaire et ministre, on peut dire que ses observations et ses analyses méritent une attention très particulière.

Il s'inquiète de ce qu'il perçoit comme une concentration croissante des pouvoirs au bureau du premier ministre et de sa conséquence directe, soit la diminution du rôle des ministres sur le plan individuel et du Cabinet dans son ensemble. Ce processus, qui est en marche depuis longtemps, est dénoncé depuis de nombreuses années, en particulier par Donald Savoie dans l'ouvrage qu'il a fait paraître en 1999, Governing from the Centre : The Concentration of Power in Canadian Politics. Ce qui en résulte, c'est que, comme le dit le sénateur Murray, « le gouvernement par l'exécutif ne fonctionne pas comme il le devrait ».

Notre ancien collègue s'inquiète aussi de la diminution du rôle joué par le Parlement. Comme il l'a dit à plusieurs reprises, il ne s'agit pas de confier les pouvoirs exécutifs aux parlementaires, mais plutôt de faire en sorte que les parlementaires recouvrent des pouvoirs qui ont toujours été les leurs. Voici ce qu'a déclaré un jour William Gladstone, grand homme d'État et ancien premier ministre britannique :

Vous n'êtes pas ici pour gouverner, mais plutôt pour demander des comptes à ceux qui gouvernent.

Selon le sénateur Murray, l'outil parlementaire que nous avons laissé s'atrophier au fil des décennies, c'est le pouvoir de dépenser, c'est-à-dire nos responsabilités fondamentales envers les Canadiens d'obliger les ministres et le gouvernement à rendre des comptes au moyen du processus des prévisions budgétaires et des crédits. Il sait de quoi il parle, puisqu'il a déjà présidé le Comité sénatorial permanent des finances nationales et fait partie d'un comité du Cabinet chargé d'examiner les dépenses.

Récemment, le sénateur Murray a été interviewé à l'émission The Current, diffusée à la CBC. Anna Maria Tremonti a souligné le fait que certaines personnes mettent ce phénomène sur le compte de la procédure et lui a demandé pourquoi, au contraire, cela revêt une si grande importance et pourquoi les Canadiens devraient s'y intéresser. Voici ce que le sénateur Murray lui a répondu :

Parce que c'est ce qui fait que notre démocratie électorale fonctionne, que notre démocratie parlementaire fonctionne, que notre système de gouvernement fonctionne. Nous devons respecter la procédure.

La procédure a de l'importance, honorables sénateurs. Une mesure législative présentée au Parlement franchit une série d'étapes dans les deux Chambres. Elle suit un processus — ce qu'on appelle le processus législatif — qui vise à garantir, dans toute la mesure du possible, que le résultat final soit dans le meilleur intérêt public.

Il ne fait aucun doute que le sénateur Murray a toujours cherché à agir dans le meilleur intérêt public. Ce fut un privilège de siéger à ses côtés.

Sénateur Murray, si vous prenez le temps de lire ces lignes, je vous souhaite, à vous et à votre famille, de longues et heureuses années de retraite au Cap-Breton.

(Sur la motion du sénateur Carignan, au nom du sénateur LeBreton, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au jeudi 27 octobre 2011, à 13 h 30.)


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