Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 37
Le mardi 6 décembre 2011
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- La littératie financière
- L'École Polytechnique de Montréal—Les victimes de la tragédie
- La Journée internationale des personnes handicapées
- La Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes
- L'honorable Marjory LeBreton, C.P.
- La Journée internationale des volontaires
- L'Afghanistan
- La Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 6 décembre 2011
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La littératie financière
L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour attirer votre attention sur la Loi sur le chef du développement de la littératie financière, qui a été présentée à l'autre Chambre la semaine dernière par Jim Flaherty, le ministre des Finances. L'objectif de cette loi est de permettre la nomination d'un chef du développement de la littératie financière, qui assumera un rôle de premier plan à l'échelon national en ce qui a trait au renforcement de la littératie financière des Canadiens.
Comme les sénateurs le savent, beaucoup de dirigeants dans l'ensemble du pays ont récemment fait part de leurs préoccupations quant au taux d'endettement élevé des consommateurs au Canada. Le gouvernement croit fermement à l'importance d'aider les Canadiens à mieux gérer leur argent.
En 2009, le gouvernement a effectué une étude, l'Enquête canadienne sur les capacités financières, qui nous a donné une idée du degré de littératie financière des Canadiens. Certains des résultats étaient troublants.
Par conséquent, en juin 2009, le premier ministre Harper a mis en place le Groupe de travail sur la littératie financière, qui avait pour mandat de faire des recommandations au ministre des Finances en vue de l'élaboration d'une stratégie nationale visant à améliorer la littératie financière au Canada.
Dix-huit mois plus tard, le groupe de travail a présenté son rapport final au ministre des Finances. Il recommandait, entre autres, de créer un poste de chef national du développement de la littératie financière, un champion de la littératie qui relèverait directement du ministre des Finances et serait responsable de la mise en œuvre d'une stratégie nationale sur la littératie. La Loi sur le chef du développement de la littératie financière donne suite à cette recommandation.
Le ministre a dit que cette mesure permettra de garantir que les Canadiens disposent des outils et des connaissances nécessaires pour prendre des décisions financières responsables afin d'assurer leur bien-être personnel, ainsi que la vigueur et la stabilité de notre système financier.
Tous les sénateurs doivent comprendre que des connaissances de base concernant l'argent, le crédit et les placements sont essentielles. La gamme des produits financiers sur le marché s'élargit rapidement. La complexité de tels produits peut rendre difficile aux Canadiens la compréhension des risques, des frais et des rendements possibles.
La volatilité de l'environnement signifie que la littératie financière est cruciale si on veut rétablir la confiance des utilisateurs et assurer la prospérité à long terme de notre système bancaire.
Comme le savent les sénateurs, le Comité sénatorial des banques a examiné la littératie financière en 2009 dans le cadre de son étude du système des cartes de débit et des cartes de crédit. Pendant les audiences de ce comité, j'ai posé des questions aux témoins sur l'importance des programmes d'éducation visant à promouvoir l'acquisition de connaissances de base en finance.
Comme on l'a dit dans notre rapport au Sénat, notre comité « estime que la question des connaissances financières de base a deux volets. D'un côté, il incombe aux consommateurs, dans une certaine mesure, de comprendre les produits financiers qu'ils utilisent. De l'autre, les fournisseurs de services financiers ont la responsabilité de communiquer l'information nécessaire d'une façon claire, concise et utile [...]. »
[Français]
L'École Polytechnique de Montréal—Les victimes de la tragédie
Minute de silence
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rappeler un incident tragique qui a eu lieu il y a 22 ans : l'assassinat de nos jeunes filles de l'École Polytechnique.
Au lieu de vous parler d'elles, j'aimerais que nous nous levions afin d'observer une minute de silence en leur mémoire.
Les honorables sénateurs observent une minute de silence.
La Journée internationale des personnes handicapées
L'honorable Jacques Demers : Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour souligner la Journée internationale des personnes handicapées, pour laquelle j'ai été le conférencier invité, vendredi passé, à Montréal.
Au cours des dernières années, plusieurs mesures ont été prises pour améliorer la situation des personnes handicapées afin de leur permettre de s'intégrer au milieu du travail pour qu'elles puissent en bénéficier pleinement.
Cette célébration du 2 décembre rend hommage au rôle que jouent les personnes handicapées dans notre société. Environ 15 p. 100 de la population mondiale se compose de personnes handicapées, et la majorité d'entre elles font face à plusieurs difficultés dans la vie de tous les jours.
Les personnes handicapées sont des personnes comme nous : elles devraient avoir notre soutien pour bénéficier de droits égaux et garder de leur dignité. La Journée internationale des personnes handicapées a été instaurée par les Nations Unies dans le but d'aider à comprendre les questions liées aux handicaps.
J'espère que, en m'adressant à vous aujourd'hui, vous serez, comme moi, sensibilisés à l'amélioration des conditions de vie des personnes handicapées dans notre société. Elles le méritent pleinement.
[Traduction]
La Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes
L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, en 1991, le gouvernement du Canada a désigné le 6 septembre Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes. Cette journée marque l'anniversaire du meurtre insensé de 14 jeunes femmes à l'École Polytechnique de Montréal, en 1989.
Malheureusement, la violence envers les femmes et les jeunes filles demeure un problème grave au Canada. Les femmes et les jeunes filles sont plus susceptibles d'être victimes de certains types d'actes de violence et d'agressions. Le taux d'homicide par un conjoint chez les femmes autochtones est plus de huit fois celui des femmes non autochtones. Les femmes âgées sont deux fois plus susceptibles que les hommes âgés d'être victimes de crimes de violence commis par un membre de leur famille. Les jeunes femmes sont quatre fois plus susceptibles d'être victimes d'agressions sexuelles de la part d'un membre de leur famille que les garçons. En moyenne, 180 femmes ont été tuées chaque année entre 1994 et 2008.
En souvenir des jeunes vies fauchées lors du massacre de Montréal et pour contribuer à éliminer toutes les formes de violences contre les femmes, le Conseil consultatif sur la situation de la femme de l'Île-du-Prince-Édouard a lancé la Campagne du ruban violet, qui va du 25 novembre, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, déclarée par les Nations Unies, jusqu'au 6 décembre, Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes, déclarée par le Canada.
Dans ma province, cette campagne a commencé en 1992 de façon relativement modeste par la distribution de quelque 500 rubans. Cette année, des centaines de bénévoles de l'île ont préparé 35 000 rubans en vue de leur distribution dans les écoles, les églises, les organismes d'application de la loi et de défense de la justice ainsi qu'auprès de la population en général. Des services commémoratifs ont lieu aujourd'hui dans diverses localités d'un bout à l'autre du Canada en souvenir de toutes les femmes qui ont connu une mort violente ou qui sont actuellement victimes de violence.
(1410)
Je tiens à féliciter le Conseil consultatif sur la situation de la femme de l'Île-du-Prince-Édouard pour la Campagne du ruban violet ainsi que tous les bénévoles qui y ont participé pour avoir mené à bien une initiative aussi louable car, selon Statistique Canada, 51 p. 100 des femmes de l'Île-du-Prince-Édouard ont été victimes de violence dans leur vie.
Honorables sénateurs, la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes est une occasion d'évoquer le souvenir des 14 jeunes femmes assassinées à Montréal et de toutes les autres Canadiennes qui ont connu une mort violente dans notre pays. Elle est également une occasion pour nous d'appeler à l'action afin de venir en aide aux femmes qui sont chaque jour victimes de violence. Cette violence les empêche de participer pleinement à la société et de mener des vies productives et bien remplies. Nous devons tous faire notre part. Je suis impatiente de voir le jour où une telle campagne sera devenue inutile.
L'honorable Marjory LeBreton, C.P.
Félicitations à l'occasion de l'octroi du prix du Réseau des femmes exécutives
L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je tiens à attirer votre attention sur une récompense spéciale qui a été décernée à une de nos collègues.
Depuis neuf ans, le Réseau des femmes exécutives souligne les réalisations professionnelles de 100 femmes partout au Canada en leur remettant le prix annuel des femmes les plus influentes du pays. Ces femmes exceptionnelles sont reconnues comme étant les chefs de file les plus méritoires du Canada dans les secteurs public, privé et à but non lucratif.
Cette année, le conseil consultatif des 100 femmes les plus influentes a décidé de rendre un hommage particulier à cinq femmes de ce groupe au moyen d'une nomination non sollicitée. Je suis heureux de vous annoncer que notre collègue, madame le sénateur LeBreton, leader du gouvernement au Sénat, est l'une de ces cinq femmes.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Tkachuk : Honorables sénateurs, le 1er décembre, le sénateur LeBreton s'est vu décerner un prix dans la catégorie des leaders du secteur public pour l'ensemble de son œuvre au cœur de la politique fédérale canadienne — de ses débuts, en tant que membre du Parti progressiste-conservateur et attachée politique ayant travaillé auprès des premiers ministres John Diefenbaker, Joe Clark et Brian Mulroney, à ses fonctions actuelles de leader du gouvernement au Sénat au sein du cabinet du premier ministre Stephen Harper.
Ce cheminement, au cours duquel elle a gravi les échelons, d'attachée politique qu'elle était pour devenir ministre et proche conseillère du premier ministre, nous en dit long sur elle. Il nous dit que, derrière ce visage bon et affable, se trouve une femme forte, déterminée et très intelligente. Dans le cadre de ses fonctions au sein du Cabinet, elle défend les droits des aînés et lutte contre les mauvais traitements qui leur sont infligés. Elle s'intéresse aussi aux questions relatives à la santé et a déjà été présidente nationale de l'organisme Les mères contre l'alcool au volant.
Je sais que tous les sénateurs se joignent à moi pour féliciter le sénateur LeBreton et tous les autres lauréats de cet hommage unique.
La Journée internationale des volontaires
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, le 5 décembre, c'est-à-dire hier, on soulignait la Journée internationale des volontaires. Créée en 1985 en vertu d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations Unies, la Journée internationale des volontaires nous donne l'occasion de souligner l'apport de millions de bénévoles qui accomplissent un travail important au sein de nos collectivités. C'est aussi l'occasion de les remercier. Les bénévoles sont souvent des héros inconnus. Ils peuvent agir comme entraîneurs d'équipes sportives d'enfants ou intervenir dans des situations d'urgence. Dans tous les cas, ils mettent à contribution leurs compétences, leur temps et leur énergie inépuisable pour faire de notre monde un endroit meilleur où vivre.
J'ai déjà entendu qualifier les bénévoles de « gigantesque ressource renouvelable pour la solution de problèmes sociaux, économiques et environnementaux dans le monde entier ». Je pense que c'est absolument vrai et que c'est une très bonne façon de concevoir le bénévolat. Nous avons chacun des talents et des compétences qui nous sont propres. En permettant à d'autres d'en profiter, nous créons un système très puissant.
Dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, je fais partie du cercle CUSO-VSO. CUSO-VSO a pour mission d'envoyer des volontaires dans le monde. C'est le plus ancien organisme de ce genre au Canada, et il a jusqu'à maintenant envoyé 15 000 volontaires à l'étranger. Ces volontaires sont généralement des gens d'âge mûr qui ont réalisé une carrière professionnelle au Canada et qui ont acquis des connaissances et des compétences hautement spécialisées. En jumelant ces personnes avec des collectivités ayant des besoins particuliers en Amérique centrale et en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique, CUSO-VSO a contribué à créer des partenariats ayant donné le jour à toutes sortes de réalisations, allant d'écoles à des sites Web.
En l'honneur de la Journée internationale des volontaires, je veux profiter de l'occasion pour remercier tous les volontaires et bénévoles de notre pays. Vos contributions sont remarquées et permettent vraiment d'apporter des changements qui comptent dans la vie de nos concitoyens.
Au Canada, nous comptons près de 13 millions de bénévoles. Ensemble, ils effectuent plus de deux milliards d'heures de service communautaire par année. C'est vraiment remarquable.
L'Afghanistan
L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, la violence a de nouveau fait éruption en Afghanistan, plus tôt aujourd'hui. C'est un rappel brutal de l'importance du rôle que joue le Canada là-bas. Nous formons les Afghans à défendre et à protéger leurs concitoyens. La protection de la population est d'ailleurs l'obligation première de toute nation.
Je suis allée récemment en Afghanistan. J'ai pu observer de près les opérations canadiennes d'entraînement à Kaboul. Kaboul est la ville où nous avons effectué notre première intervention dans la lutte contre le terrorisme, au cours des semaines et des mois qui ont suivi le 11 septembre 2001. Aux côtés de nos alliés, nous avons poursuivi notre intervention en organisant une mission de combat à Kandahar, où nous avons tenu les talibans en respect. Auprès de nos alliés, nous nous sommes taillé une réputation légitime de guerriers féroces et de robustes travailleurs humanitaires, parce que nous avons montré que la doctrine de la contre-insurrection n'était pas que des mots. Pendant toute la durée des opérations de combat, nous avons collaboré avec nos partenaires afghans en offrant de la formation et du tutorat. Nous nous consacrerons désormais à plein temps à ces dernières tâches.
Plus de 120 000 soldats et policiers ont déjà obtenu leur diplôme et des milliers d'autres apprennent à lire et à écrire, afin d'être prêts à défendre leur pays et à en assurer la sécurité lorsque les forces de sécurité internationales auront quitté le pays, d'ici 2014.
C'était toute une expérience de visiter les salles de classe improvisées installées dans des tentes. Les jeunes soldats, carnets et crayons en main, avaient tous le regard enthousiaste d'un enfant qui commence la première année du primaire. J'ai demandé à l'un d'eux s'il pouvait écrire « Le Canada et l'Afghanistan sont amis » sur le tableau blanc instable accroché sur la cloison de la tente. La fierté l'a emporté sur les peurs et il a accompli sa mission à la perfection.
J'ai rencontré le commandant afghan, le général Patyani, qui a encore une fois insisté pour que nous menions cette mission à terme et que nous les épaulions jusqu'à ce qu'ils soient prêts à se débrouiller seuls, et nous le ferons.
Comme l'a déclaré le ministre Baird dans le cadre de la 10e Conférence internationale sur l'avenir de l'Afghanistan à Bonn, hier :
Nous ne sommes pas uniquement des amis des beaux jours et nous continuerons d'aider les femmes, les enfants et les hommes de l'Afghanistan.
Alors que les dernières troupes canadiennes s'apprêtent à quitter Kandahar d'ici la mi-décembre, elles ont — comme elles l'ont fait au combat — monté une opération de départ des plus impressionnantes et y ont mis le cœur, le bon sens et la parcimonie appropriés. Une mission prend fin et l'autre débute.
Durant notre visite des sites de formation, nous avons vu une nouvelle classe de soldats en puissance arriver. Le colonel canadien Minor, commandant du Centre d'instruction militaire de Kaboul, nous a expliqué que le Canada accomplit un incroyable acte de foi, fondé sur la certitude que si nous assurons l'éducation et la formation de la prochaine génération de citoyens et de soldats, nous donnerons vraiment une chance à la paix et à l'Afghanistan.
Comme le ministre Baird nous l'a rappelé, nombre de nos soldats, femmes et hommes, ont consenti l'ultime sacrifice afin de protéger la population afghane contre le retour d'un régime répressif pratiquant le terrorisme. Le Canada est fermement convaincu que, pour que la transition et la transformation réussissent, l'Afghanistan et la communauté internationale doivent accepter pleinement le principe de responsabilité mutuelle.
La « responsabilité mutuelle » implique que le gouvernement afghan s'engage résolument à œuvrer sans relâche pour instaurer la paix en Afghanistan. Il doit bâtir une société fondée sur la démocratie, la primauté du droit, une gouvernance efficace et transparente de même que le respect intégral des droits de la personne. En contrepartie, nous devons continuer à aider l'Afghanistan à s'acquitter de ses responsabilités.
Honorables sénateurs, il est plus important que jamais que nos efforts demeurent axés sur la réussite de cette transition et que nous fassions en sorte que les Afghans gardent espoir.
[Français]
La Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'aimerais ajouter ma voix à celle de mes collègues afin d'attirer l'attention du Sénat sur la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes.
Instituée en 1991 par le Parlement du Canada, cette journée souligne le triste anniversaire du meurtre de 14 jeunes étudiantes, en 1989, à l'École Polytechnique de Montréal, qui sont mortes parce qu'elles étaient des femmes.
En plus de commémorer les victimes de cet acte de violence, le 6 décembre offre l'occasion de réfléchir au phénomène de la violence à l'égard des femmes dans notre société et de penser aux femmes pour qui la violence est une réalité quotidienne.
Malgré les progrès immenses qui ont été accomplis dans la promotion des droits des femmes au cours des dernières décennies, la violence à l'égard des femmes persiste toujours sous plusieurs formes.
Au Canada, une femme a été tuée par son conjoint ou ex-conjoint tous les six jours en 2009. La même année, plus de 17 000 femmes ont signalé à la police qu'elles avaient fait l'objet d'une agression sexuelle.
Chaque jour, en 2010, quelque 3 000 femmes ont trouvé refuge dans un centre d'hébergement pour échapper à la violence familiale.
La violence à l'égard des femmes a une portée et une gravité particulières.
(1420)
En effet, les femmes sont plus susceptibles de subir des actes de violence de la part des hommes qu'elles connaissent, comme leur partenaire intime, un membre de la famille ou une connaissance. Cette violence entraîne des blessures physiques, émotionnelles et psychologiques qui laissent souvent ses victimes souffrir en silence. De plus, elle entrave la liberté de ses victimes et la participation de celles-ci à la vie sociale et politique et, par là même, compromet le développement de la société qui la tolère.
Cette journée nous rappelle que beaucoup reste encore à faire afin de prévenir et d'éliminer la violence à l'égard des femmes. Ce faisant, elle nous offre l'occasion d'envisager des mesures concrètes en vue de combattre les attitudes et les conditions qui permettent à cette violence de persister.
J'invite donc les Canadiens et les Canadiennes à participer à l'une des vigiles se déroulant partout au pays en ce 6 décembre, et à unir leurs forces dans ce combat qui est l'affaire de tous, afin de mettre un terme à la violence à l'égard des femmes au Canada et ailleurs dans le monde.
[Traduction]
L'honorable Nancy Ruth : Honorables sénateurs, la Journée nationale de commémoration et d'action contre la violence faite aux femmes a été instaurée en 1991 à la suite de la mort tragique, le 6 décembre 1989, de 14 jeunes femmes à l'École Polytechnique de Montréal. Cette journée nationale nous invite, d'une part, à nous rappeler les victimes et, d'autre part, à agir.
C'est ce que font les Canadiens. D'un bout à l'autre du Canada, ils organisent des vigiles et des services commémoratifs à la mémoire de ces femmes et mettent en œuvre des projets de sensibilisation à la violence fondée sur le sexe.
Les activités soulignant la journée du 6 décembre découlent d'une volonté d'éliminer la violence. Elles contribuent à instaurer une dynamique de changement qui dure toute l'année. Les Canadiens prennent ainsi des mesures qui ont le pouvoir de réaliser petit à petit le rêve d'une société pacifique. Pour réaliser ce rêve commun et mettre un terme à la violence fondée sur le sexe, nous devons tous être des acteurs et des partenaires de ce changement.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi de crédits no 3 pour 2011-2012
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-29, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2012, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)
[Traduction]
Projet de loi sur la sécurité des rues et des communautés
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-10, Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)
[Français]
Projet de loi sur les élections au sein des premières nations
Première lecture
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) présente le projet de loi S-6, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)
[Traduction]
ParlAmericas
L'Assemblée générale de l'Organisation des États américains, tenue du 5 au 7 juin 2011—Dépôt du rapport
L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne concernant sa participation à la 41e session de l'Assemblée générale de l'Organisation des États américains, qui s'est tenue du 5 au 7 juin 2011, à San Salvador, au El Salvador.
[Français]
Les négociations sur le développement à Doha
Avis d'interpellation
L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :
J'attirerai l'attention du Sénat sur l'importance pour le Canada de jouer un rôle proactif afin que le cycle des négociations sur le développement à Doha arrive à une conclusion heureuse.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La justice
Le projet de loi sur la sécurité des rues et des communautés
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Dans un article paru dans Le Devoir du 28 novembre dernier, on peut lire que la directrice générale du Bureau international des droits des enfants, Mme Nadia Pollaert, estime que le projet de loi C-10 viole la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, que le Canada a ratifiée en 1991.
En effet, la convention est très claire sur les obligations des États à l'égard des enfants en conflit avec la loi. L'article 37b) se lit comme suit :
L'arrestation, la détention ou l'emprisonnement d'un enfant doit être en conformité avec la loi, n'être qu'une mesure de dernier ressort, et être d'une durée aussi brève que possible;
Mme Pollaert précise que la raison première de ce traitement particulier conféré aux mineurs tient au fait que, du point de vue psychologique, ils n'ont pas atteint leur plein développement et que bien des jeunes que l'on dit contrevenants ont souvent eu des trajectoires difficiles du fait de milieux familiaux dysfonctionnels qui ont entraîné beaucoup de souffrance.
Est-ce que le gouvernement conservateur considère que le droit international se limite au libre-échange ou à l'OMC et qu'il peut ignorer les droits des jeunes Canadiens?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le projet de loi C-10 a été adopté à l'autre endroit et renvoyé au Sénat il y a quelques instants. À mon avis, il y aura une multitude d'avis à l'égard des différents aspects du projet de loi C-10.
(1430)
Maintenant que le Sénat est saisi du projet de loi, nous aurons amplement l'occasion de l'étudier lorsqu'il sera renvoyé au comité, où l'on convoquera des témoins. Je ne crois pas que les déclarations dont on a donné lecture se rapportent au projet de loi. Manifestement, différents fonctionnaires ont rédigé celui-ci, et il a fait l'objet d'un examen complet à la Chambre des communes. Si le sénateur a des questions précises sur la pertinence des observations de gens qui souhaitent exprimer leurs points de vue sur ce projet de loi, il y aura amplement de temps pour le faire au Sénat.
Le sénateur Hervieux-Payette : J'ai une question complémentaire à poser au leader. En permettant la prolifération des armes au Canada, alors qu'il impose des peines minimales aux jeunes contrevenants sans tenir compte de leur histoire personnelle ou de leur chances de réhabilitation, le gouvernement a montré qu'il est soit insensible aux besoins des jeunes Canadiens, soit ignorant des recherches qui se font à l'heure actuelle dans ce domaine.
Le gouvernement a créé, ou est en train de créer, une société où les tentations seront constantes et la répression, systématique. Votre liberté sélective s'arrête aux juges, qui ont les mains liées par vos peines minimales. Est-ce que le gouvernement conservateur croit que la moralité ne peut exister que si l'on adopte une loi populiste visant à plaire à sa base électorale réformiste ou que s'il abandonne ses valeurs chrétiennes au profit du puissant lobby américain des armes à feu?
Le sénateur LeBreton : Mon Dieu.
En ce qui concerne les jeunes contrevenants, le projet de loi C-10 témoigne de l'engagement du gouvernement à aborder les problèmes découlant de la criminalité chez les jeunes en instaurant des mesures justes et appropriées qui ont pour objectif de les obliger à répondre de leurs actes lorsqu'ils enfreignent la loi. Une chose est sûre : aucun jeune de moins de 18 ans ne purgera sa peine dans une prison pour adultes. Ce projet de loi et les autres mesures proposées par le gouvernement créent une approche équilibrée qui comprend la prévention, l'application de la loi et la réadaptation.
Je crois que j'ai déjà mentionné que plusieurs des préoccupations soulevées par le ministre de la Justice du Québec ont été prises en compte par le ministre fédéral de la Justice lorsque la mesure législative a été rédigée.
Le sénateur Hervieux-Payette : Madame le leader pourrait-elle présenter un rapport sur l'étude qui prouve ce qu'elle avance?
Le sénateur LeBreton : Je réponds aux questions posées par madame le sénateur, malgré son discours creux plein d'exagérations sur les motifs des gens de notre côté, ce qui est totalement inacceptable. Nous aurons tout le temps d'aborder cette question lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, comme je l'ai mentionné à madame sénateur Fraser lorsqu'elle a posé une question sur le même sujet. Le gouvernement s'est engagé à faire adopter cette mesure législative, qui a pris plusieurs formes et que le Parlement étudie depuis longtemps. Les deux Chambres en ont débattu plusieurs reprises. Nous nous sommes engagés à faire adopter le projet de loi dans les 100 premiers jours de séance du Parlement, ce qui, je crois, correspond à la mi-mars de l'an prochain. Le sénateur aura tout le temps voulu pour faire connaître son point de vue, ici et au comité.
Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'obtiendrai peut-être une réponse à ma prochaine question.
Nous pourrions élaborer ensemble une question et consulter les Canadiens en leur présentant la question dans le cadre d'un sondage. Le gouvernement serait-il prêt à financer ce sondage si nous nous entendons sur la question?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, puisqu'il est question de sondages, je me permets d'en citer un qui a été rendu public hier par Options politiques. Il révèle que 64 p. 100 des Canadiens appuient l'orientation du gouvernement.
L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle communiquer aux sénateurs le rapport ou l'étude portant sur les coûts de l'application du projet de loi? Les provinces ont fait valoir bien des préoccupations au sujet des coûts qu'elles pourraient devoir assumer. Elles ne savent pas à quoi s'en tenir. Madame le leader aurait-elle l'obligeance de déposer au Sénat le rapport qui fournit ces chiffres?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je reprends la réponse que j'ai déjà donnée. Le coût de l'application du projet de loi C-10 est inférieur et de loin aux coûts massifs que les victimes du crime doivent subir. Comme le projet de loi est à l'étude au Sénat, les sénateurs des deux côtés auront tout le loisir d'interroger les fonctionnaires et les experts qui ont rédigé le projet de loi. D'ici l'adoption finale du projet de loi, nous aurons amplement le temps de répondre à toutes ces questions.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : J'ai une question complémentaire qui fait suite à celle du sénateur Moore. Si madame le ministre n'est pas en mesure de nous dire dès aujourd'hui quels seront ces coûts, peut-elle donner aux sénateurs l'assurance que des fonctionnaires pourront comparaître devant le comité pour répondre aux questions quand il étudiera le projet de loi?
Le sénateur LeBreton : Il est curieux que le sénateur soit souvent intervenu à propos de deux études qui ont été réalisées et accuse le gouvernement de les cacher, bien que l'une d'elles n'appartienne pas au gouvernement. Pourtant, je n'ai pas entendu le sénateur Cowan admettre que nous avions communiqué toute l'information qu'il réclamait. L'information a été publiée en annexe du compte rendu le jour où elle a été déposée.
Comme je l'ai dit au sénateur Moore, le coût du crime pour notre société est de loin supérieur à celui de la lutte contre le crime. Une étude réalisée en 2008 par le ministère de la Justice sur le coût du crime a estimé qu'il s'élevait à 99 milliards de dollars au Canada. La majeure partie de ce coût est à la charge des victimes. Comme je l'ai dit en réponse à des questions posées plus tôt, nous avons remis au printemps dernier à un comité des Communes des centaines et des centaines de pages de documents qui montrent en détail comment nous avons établi le coût d'application des projets de loi. Le ministre Nicholson a déposé un résumé de ces documents au Comité de la justice de la Chambre des communes. Il s'avère que le coût du projet de loi C-10 au niveau fédéral sera de 78,6 millions de dollars sur cinq ans. Nous croyons que, en collaborant avec les provinces et les territoires, nous ferons des dépenses judicieuses qui nous assureront un système de justice solide d'un bout à l'autre du pays.
Le sénateur Cowan : J'ai une question complémentaire pour corriger ce que la ministre a dit. Pendant deux bonnes années, je lui ai demandé à répétition deux rapports. Au bout de deux ans, elle en dépose un au Sénat et me dit qu'elle ne peut déposer l'autre parce qu'il est entre les mains des provinces. Ce n'est pas la communication complète qu'elle prétend.
Ma question ne portait pas sur le coût du crime. Elle faisait suite à celle du sénateur Moore sur le coût de l'application des projets de loi. Je veux que madame le leader donne aux sénateurs l'assurance que, si elle ne peut donner ces détails aujourd'hui, elle veillera à ce que des fonctionnaires puissent comparaître au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour répondre à ces questions avant que les sénateurs ne soient invités à se prononcer.
Le sénateur LeBreton : J'apporte une précision : j'ai fait ce que le sénateur m'a demandé et je me suis procuré l'information au ministère de la Justice. Nous avons déposé intégralement un des rapports. Quant à l'autre rapport, il n'appartient pas au gouvernement fédéral, mais aux provinces. Nous ne pouvons donc pas déposer un document qui ne nous appartient pas.
Honorable sénateurs, comme c'est le cas pour tous les projets de loi présentés au Sénat et renvoyés à un comité, le ministre de la Justice, dans ce cas-ci, et ses collaborateurs comparaîtront. Pourquoi est-ce qu'il en irait différemment de ce qui s'est toujours fait? Je n'arrive pas à me rappeler un projet de loi pour lequel des fonctionnaires n'ont pas comparu. Le ministre comparaît d'abord, suivi des fonctionnaires qui répondent à toutes les questions de leur mieux.
Les affaires autochtones et le développement du Nord
La Première nation d'Attawapiskat
L'honorable Marie-P. Poulin : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
(1440)
Dans l'affaire des conditions de vie inacceptables à Attawapiskat, par des températures de moins 20 degrés, la balle revient soudain dans le camp du gouvernement fédéral, puisque le gestionnaire indépendant qu'il a nommé a été immédiatement éjecté. Le gestionnaire, Jacques Marion, est reparti devant l'insistance du chef, Theresa Spence. Madame le leader du gouvernement aurait- elle l'obligeance de faire le point sur toute la situation?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la situation d'Attawapiskat fait, bien sûr, l'objet de beaucoup d'attention de la part du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et de la Croix-Rouge. En ce moment, Gestion des situations d'urgence Ontario est sur les lieux.
Comme je l'ai dit la semaine dernière, le gouvernement est déterminé à faire en sorte que les habitants de l'endroit, et surtout les enfants, puissent dormir au chaud et au sec. Nous exhortons le conseil de bande à participer à la solution. Nous avons confié Attawapiskat à un gestionnaire indépendant pour répondre à des besoins urgents en matière de santé et de sécurité.
Il est évident que les fonds importants injectés dans cette collectivité, soit 90 millions de dollars depuis 2006, n'ont pas permis de donner un niveau de vie acceptable aux membres de la collectivité. Nous sommes très préoccupés par l'information à laquelle le sénateur se reporte. Si on empêche le gestionnaire indépendant de travailler sur place, cela ne fera que retarder l'aménagement de logements dont la collectivité a un urgent besoin. Le ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord travaille d'arrache-pied pour trouver une issue au problème du rejet, par le chef, de l'intervention d'un tiers.
Le sénateur Poulin : Honorables sénateurs, le ministre des Affaires autochtones, John Duncan, aurait dit que Jacques Marion a souhaité « respecter la situation instable » qui règne dans la réserve et qu'il est donc reparti. Le gestionnaire exercerait toujours, semble-t-il, un plein contrôle sur les fonds et tout ce qui se rapporte à la réserve. Le ministre dit que le gouvernement fédéral collaborera avec la collectivité.
[Français]
Je vois là une situation très complexe qui crée une confrontation accrue entre le gouvernement et la collectivité.
Madame le leader peut-elle nous dire comment cela va fonctionner?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Nous ne souhaitons certainement pas un affrontement. Le ministre Duncan signalait simplement à la chef d'Attawapiskat qu'elle ne faisait que nuire à ses gens, et particulièrement aux enfants, en refusant de coopérer avec l'administrateur.
Nous espérons que la situation sera réglée grâce aux réunions qui se poursuivent. Personne ne veut voir des familles et des enfants vivre dans de telles conditions, surtout avec l'arrivée de l'hiver.
Comme je l'ai mentionné, Gestion des situations d'urgence Ontario et la Croix-Rouge sont sur place. Il y a des gens sur le terrain qui essaie d'améliorer une situation qui n'est vraiment pas facile, comme le sénateur en conviendra, j'en suis sûre.
[Français]
Le sénateur Poulin : Cela signifie-t-il que madame le leader peut nous assurer, aujourd'hui, que les conditions de vie à Attawapiskat seront améliorées avant Noël?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il est évident que les deux ordres de gouvernement et la Croix-Rouge ne quitteront pas cette collectivité avant que les conditions de vie des résidents ne se soient améliorées.
Le sénateur Poulin : Honorables sénateurs, j'ai noté une petite contradiction dans les nouvelles qui ont été diffusées pendant le week-end. J'aimerais que le leader nous donne des explications à ce sujet. Le ministre Duncan a affirmé à plusieurs reprises qu'il n'avait entendu parler de cette situation qu'en octobre 2011 et qu'il en avait été très surpris. De son côté, l'ancien ministre des Affaires autochtones, Chuck Strahl, a dit en public qu'il était au courant de la situation depuis l'année dernière. Est-ce que le leader pour nous expliquer cette contradiction entre les déclarations de l'ancien ministre et du ministre actuel?
Le sénateur LeBreton : Je ne crois pas qu'il y ait contradiction. Je pensais que tout le monde était au courant. Il n'y a pas de doute que le député Charlie Angus aurait dû être au courant, puisque la collectivité se trouve dans sa circonscription.
J'ai vu les actualités. Je n'ai pas cherché à obtenir des précisions, mais je crois qu'il y avait certaines divergences d'opinions au sujet du moment où la situation d'urgence a été déclarée. Je n'ai pas vu l'ancien ministre Strahl, mais je crois qu'il parlait de la situation permanente de certaines de ces collectivités, et surtout les plus isolées. Nous avons bien sûr vu ce qui s'est passé à Kashechewan, il y a quelques années. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment contradiction. Il s'agit tout simplement de circonstances différentes.
[Français]
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Comme plusieurs Canadiens et Canadiennes, nous sommes gênés de voir la situation des Autochtones. Ce n'est pas le temps de jeter le blâme. Je suis heureuse de savoir que le ministre responsable des affaires autochtones, le ministre Duncan, se rendra sur les lieux.
A-t-on envisagé que d'autres ministres puissent accompagner le ministre Duncan? Je pense, entre autres, à la ministre responsable de la condition féminine, l'honorable Rona Ambrose, qui est très ouverte à la condition des femmes ainsi qu'à ministre de la Santé, l'honorable Leona Aglukkaq.
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, la situation exige des mesures concrètes. En toute franchise, je ne vois pas comment des visites de différentes personnalités dans la collectivité peuvent faire autre chose que gêner ceux qui essaient d'aider les résidents.
La situation est vraiment terrible, mais le ministre Duncan a réagi immédiatement en détachant un séquestre-administrateur, dans l'intérêt des gens. Nous espérons que la chef y consentira. Je sais qu'elle s'y est opposée jusqu'ici, mais il n'y a pas de doute que les intérêts des enfants et des familles sont primordiaux. Ce sont ces intérêts qui sont au centre des préoccupations du gouvernement.
Des gens très compétents se sont rendus dans la collectivité et ont adressé des rapports complets au gouvernement, et particulièrement au ministre, sur les conditions qui y règnent. Nous n'aiderions pas vraiment les habitants d'Attawapiskat en envoyant d'autres personnes y jeter un coup d'œil. Nous savons que la situation est grave. Il y a des gens qui vivent dans des tentes non chauffées. Il y a des installations à remettre en état. Il y a des maisons vacantes. Différentes conditions ont été notées. Nous avons besoin d'envoyer des gens pour faire des réparations, et non pour jeter un coup d'œil.
Le sénateur Losier-Cool : Je ne crois pas que l'objet soit de jeter un coup d'œil. Il s'agit de montrer à ces gens qu'on s'intéresse à leur sort et qu'on a de la compassion pour eux.
Ma question est la suivante : a-t-on envisagé de charger d'autres membres du Cabinet de visiter ces gens, de leur parler et de leur montrer de la compassion?
(1450)
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, deux membres du Cabinet sont autochtones et comprennent parfaitement les difficultés que connaissent nos collectivités autochtones. Franchement, il est injuste et faux de suggérer, comme le sénateur, que nous ne nous soucions pas de ces gens et que nous n'éprouvons pas de la compassion pour leur situation.
Le gouvernement de l'Ontario, le gouvernement fédéral, la Croix- Rouge et Gestion des situations d'urgence Ontario ont des représentants sur place. Chacun fait tout son possible pour, d'abord et avant tout, aider les familles qui vivent dans des logements froids et insalubres.
Les médias sont allés là-bas et ont fait un travail admirable pour informer les Canadiens de ce qui se passe. Je ne crois pas que quiconque puisse voir ces images et lire ces articles sans éprouver de la compassion pour les gens qui vivent dans de telles conditions.
Je ne sais pas ce que je peux dire d'autre au sénateur. Chacun essaie de faire de son mieux, et je suis sûre que tous y arriveront. Nous devons accorder un tout petit peu de confiance à la nature humaine et à la compassion des gens qui sont là, et croire qu'ils ne partiront pas en laissant les habitants dans les conditions où ils les ont trouvés il y a deux semaines.
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question supplémentaire. J'ai vraiment beaucoup de difficultés à comprendre comment un séquestre-administrateur va régler les problèmes d'Attawapiskat. La collectivité est en cogestion depuis près de 10 ans. Le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord est au courant de la situation depuis des années et a approuvé les budgets établis pour la collectivité. Il est maintenant trop tard pour un administrateur. Les responsables étaient au courant depuis des années et des années.
Le ministre parle de femmes et d'enfants. Nous savons très bien que, partout au Canada, c'est la population autochtone qui est la plus jeune et qui connaît la plus forte croissance. La population d'Attawapiskat a augmenté considérablement dans les cinq à 10 dernières années, mais pas le financement. Comment un administrateur va-t-il résoudre ce problème? La collectivité compte de plus en plus d'enfants et de bébés. Le ministre parle d'enfants qui courent des risques. Et bien, voilà des enfants à risque. Comment un administrateur va-t-il pouvoir les aider?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, à ce stade-ci, il est évident qu'il s'est passé quelque chose de très grave. Des sommes importantes ont été dépensées depuis quatre ou cinq ans à Attawapiskat. D'autres mesures devront être prises dans l'avenir. Pour l'instant, nous sommes confrontés à une crise et, conjointement avec les divers intervenants sur place, le gouvernement veut qu'une tierce partie prenne le contrôle de la situation. Cette décision a été prise en raison de la situation particulière qui existe.
Dans le cas de cette réserve, et d'autres réserves éloignées, il va de soi que d'autres mesures devront être prises à l'avenir. C'est l'une des raisons — et ce n'est un secret pour personne — pour lesquelles une mesure législative a été présentée à l'autre endroit, relativement à la gestion des sommes versées à différentes bandes. Il doit y avoir une plus grande obligation de rendre des comptes. De toute évidence, il y avait une lacune à ce niveau et cette lacune devra être corrigée. Toutefois, pour l'instant, la priorité absolue est de faire en sorte que les familles et les enfants ne soient plus exposés à des conditions dangereuses et insalubres, et qu'ils soient installés dans des habitations chauffés, surtout maintenant que la température se situe autour de moins 20 degrés Celsius.
Le sénateur Dyck : Madame le ministre a dit que la Première nation à Attawapiskat n'avait pas rendu suffisamment de comptes. Comment cela peut-il être le cas? Ce n'est pas vrai, puisqu'un régime de cogestion est en place. Chaque année, la Première nation doit présenter un budget au ministère anciennement appelé le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Ce budget est étudié, puis approuvé. Par conséquent, comment peut-on dire que la Première nation n'a pas rendu de comptes? Elle l'a fait. La réponse de madame le ministre n'a aucun sens. Comment peut-elle dire de telles choses?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, nous avons tous vu les nouvelles et je ne vais pas formuler de remarques sur les histoires qui ont été présentées relativement aux dépenses faites avec l'argent. Peut-être que des comptes ont été rendus, mais peut-être aussi qu'un examen et une gestion plus serrés sont nécessaires. C'est un aspect dont le ministre et le ministère vont tenir compte dans l'avenir, au moment d'avancer des fonds.
L'honorable Sandra Lovelace Nicholas : Honorables sénateurs, j'ai aussi une question complémentaire. D'où vient l'argent qui permet aux tiers administrateurs de s'occuper des collectivités? Vient-il du gouvernement, de la province ou d'une partie du budget des collectivités?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je crois que ces fonds proviennent du ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord, mais il faudrait que je vérifie cela. Je répondrai à cette question par écrit.
Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
Les anciens combattants—La dotation en personnel
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 16 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.
Les ressources humaines et le développement des compétences—La fermeture du centre de traitement de l'assurance-emploi
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 22 inscrite au Feuilleton par le sénateur Callbeck.
[Français]
ORDRE DU JOUR
La Loi régissant les institutions financières
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suspension du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Greene, appuyée par l'honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives.
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques commentaires sur le projet de loi S-5. La semaine dernière, nous avons reçu de l'information sur ce projet de loi, sauf qu'on parle de consultations avec, par exemple, des associations sectorielles d'institutions financières et des groupes de consommateurs.
Ce que je déplore, ce n'est pas tellement le projet de loi, mais bien le fait qu'aucun rapport n'a été soumis au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et le fait que nous n'avons jamais été consultés. On ne connaît pas les termes de référence.
Lorsqu’il s’agit d’établir de nouvelles règles, c’est la deuxième fois que je constate, à titre de membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, que l’on nous prive du privilège d’étudier la situation en profondeur, avec tous les participants du secteur financier, y compris, évidemment, la société canadienne et les personnes chargées de protéger les consommateurs.
J’aimerais rappeler que, depuis la fameuse Loi sur les banques, établie en 1995 sous un gouvernement libéral, notre système bancaire est considéré comme le meilleur au monde. Son Honneur était là quand nous avons fait cette révision. Nous avons parcouru tout le Canada et avons entendu tous les groupes intéressés pendant un an. Nous avons également entendu des citoyens; l’homme de la rue pouvait, à la fin de nos séances, venir exprimer ses idées et ses inquiétudes. Cette révision a été faite, et ce, en profondeur.
Au moment où la loi de 1995 a été adopté, nous avions la majorité, comme le gouvernement actuel, mais cette loi a quand même reflété les travaux d'un comité. Cette étude a été faite selon, je dirais, les règles de l'art. Les parlementaires reçoivent les opinions de la population, en font rapport et, après, le gouvernement peut rédiger sa loi.
Aujourd'hui, et pour la deuxième fois, puisqu'on a vu la même situation avec le projet de loi antérieur, le projet de loi C-37, le ministre des Finances arrive avec des formules toutes faites et minimise ainsi le rôle de notre comité.
(1500)
Je ne prétends pas que ce sont de mauvaises mesures; je dis tout simplement qu'on fait cela à la pièce. Aujourd'hui, on étudie encore un projet de loi que nous recevons à la dernière minute et qui doit être adopté avant le 20 avril 2012, parce qu'on y oppose une date limite.
Je trouve malheureux qu'on ne prenne pas suffisamment la question au sérieux et qu'on ne fasse pas confiance aux Canadiens ni à nos institutions pour les inviter à venir sur la place publique discuter de ces choses fondamentales.
Si on croit aujourd'hui que toute la question des institutions financières — le meilleur système au monde, comme on dit — est résolue, c'est parce qu'on n'a pas lu, la semaine dernière, le rapport de l'Agence de notation Moody's, qui dit que si on devait en venir à une augmentation des taux d'intérêt, à une récession et à une affectation générale du cadre financier du gouvernement canadien, les Canadiens qui sont endettés — je le répète, pour 148 p. 100 de leur revenu — pourraient subir des dommages sérieux. Les Canadiens se retrouveraient évidemment dans une situation extrêmement difficile.
Aujourd'hui, on peut regarder les autres en se disant que nous sommes chanceux parce que nous avons pris des mesures en 1995. Cela fait quand même un certain nombre d'années, mais il reste que, maintenant, il serait temps de songer à étudier de façon globale l'évolution de l'économie mondiale pour voir quels sont les instruments dont nous aurons besoin.
Nous avons apporté des changements extrêmement importants qui ont permis aux banques d'acquérir des banques d'investissement. La semaine dernière, les représentants de l'Association des banquiers canadiens nous ont parlé seulement du système bancaire et du fait qu'ils ont évité la crise. Évidemment, on n'a pas beaucoup parlé des banques d'investissement ou des compagnies d'assurances.
Des compagnies d'assurances ont pratiquement été sauvées de la faillite in extremis par notre système financier, mais on oublie aussi qu'on s'était donné des outils. Je siège au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce depuis longtemps et, à ma grande surprise, lorsque nous avons donné plus de pouvoir au gouverneur de la Banque du Canada, c'était pour lui permettre d'avancer 75 milliards de dollars en passant par la SCHL et pour racheter de nos banques des milliers d'hypothèques pour permettre aux banques d'avoir des états financiers solides.
La Banque du Canada est donc intervenue et a injecté des milliards de dollars dans nos banques canadiennes. Oui, on avait des outils, d'une part, mais, d'autre part, nos banques avaient octroyé énormément de prêts immobiliers parce que les règles avaient été copiées sur les règles américaines. On pouvait s'acheter une maison pratiquement sans paiement de base et on élargissait la période de paiement à 30 ans.
Éventuellement, le gouvernement a fermé cette porte. Il reste que c'est le gouvernement d'en face qui a ouvert la porte à ces excès en mettant en péril une institution nationale et que nous avons dû d'intervenir.
On est intervenu aussi pour quelques milliards dans le domaine de l'automobile et quelques autres milliards à la BDC pour venir en aide aux gens qui avaient des problèmes de financement de stock. La BDC a joué un rôle admirable mais de là à prétendre qu'on a toutes les solutions et que l'État n'est pas intervenu, je pense qu'il ne faut pas se mettre la tête dans le sable.
Il faut revoir et repenser l'avenir parce que nous subissons encore des pressions énormes pour que les banques puissent vendre de l'assurance. On vit cette situation dans les institutions financières provinciales au Québec : il avoir une institution financière qui puisse à la fois émettre des actions, prêter de l'argent et vendre de l'assurance. On ne peut pas vous assurer puisqu'il y a une grande étanchéité entre les secteurs. On ne peut pas assurer que les hommes ou les femmes d'affaires des petites et moyennes entreprises qui sont si bien servis par ce système, même si je crois que ces derniers ne seraient pas d'accord avec moi.
Il faut donner l'option à ceux qui sont dans le domaine des affaires de choisir l'institution qui va leur offrir le plus, et je pense que la concurrence l'exige.
Dans cette revue, même si notre comité a passé plusieurs mois à regarder la question des cartes de crédit, on a fait des vœux pieux. J'ai le regret de vous annoncer que, hier, j'ai reçu l'avis de renouvellement de ma carte de crédit avec un taux d'intérêt de 29,9 p. 100. Je souhaite avoir les fonds pour payer le solde à la fin du mois parce que si je ne le paye pas chaque mois, à la fin de l'année j'aurai payé 100 p. 100 d'intérêt sur la somme d'argent que j'aurai utilisée pour acheter des biens et services.
Là où je veux en venir, c'est que le projet de loi S-5 aurait pu traiter de cette question, parce qu'il a mis sur pied des mesures stipulant que les banques ou les institutions financières ne peuvent pas charger de frais pour toucher un chèque du gouvernement de moins de 1 500 $. On s'est donc soucié un peu des petits consommateurs, mais je doute qu'ils aient étés consultés sur les taux d'intérêt des cartes de crédit.
Rappelons-nous aussi qu'au moment où on se parle, des limites ont été fixées par le gouvernement américain sur les taux d'intérêt des cartes de crédit. Des lois ont été promulguées alors que nous sommes toujours sur la touche et qu'on impose encore, au Canada, des taux d'intérêt faramineux sur les cartes de crédits.
J'aimerais souligner certains aspects du projet de loi qui me posent encore problèmes — et le ministre aura probablement l'occasion de nous expliquer pourquoi il s'attribue maintenant des pouvoirs qui étaient entre les mains du Bureau du surintendant des institutions financières.
D'un côté, le gouvernement se dit qu'il a un système financier fantastique, solide et tout, mais maintenant, dans ce projet de loi, on transfère la responsabilité accordée à un secteur, celui du surintendant, d'approuver certaines transactions, pour la donner au ministre, surtout en ce qui concerne les questions d'ordre bancaire international.
Posons-nous la question suivante: soit notre système est stable, et on n’a pas nécessairement à transférer cette responsabilité, car tout cela a été bien fait depuis des années, soit notre système comporte des failles, et nous ne sommes pas au courant. Nous voulons savoir pourquoi le ministre accepte cette responsabilité plutôt que de la laisser à un corps professionnel, soit les représentants du Bureau du surintendant des institutions financières, qui font un travail extraordinaire. Ces représentants ont comparu régulièrement devant notre comité et ont prouvé qu’il existe une harmonie entre les différents joueurs qui contrôlent le système financier.
L’autre mesure qui me pose problème est celle qui veut qu’un gouvernement étranger puisse posséder des actions d’une banque canadienne et disposer d’un droit de vote. Il faut se rappeler que, quel que soit l’actionnaire, on peut acquérir un nombre maximal d’actions d’une banque. C’est la raison pour laquelle nos banques sont restées canadiennes, sinon certaines ne le seraient plus. Cependant, 20 p. 100, c’est beaucoup. Si on parle de contrôle, nous avons eu, pendant plusieurs années, une norme de 10 p. 100. Maintenant, nous en sommes à 20 p. 100. Le ministre doit nous dire en quoi le fait de permettre à un gouvernement étranger de posséder ces actions et d’avoir le droit de vote va favoriser les intérêts des Canadiens. Il faut aussi souligner que tous les contribuables possèdent probablement des actions dans une banque, à cause de leur fonds de pension, et qu’ils ne pourraient jamais voter directement. Nous devons obtenir cette réponse.
L'autre question que j'aimerais souligner, et qui a fait l'objet d'un communiqué de presse de la part de l'Association des banquiers, concerne l'augmentation des amendes dans le cadre de la protection des consommateurs de 200 000 à 500 000 $. Quand on ne fait pas de mauvais coup, cela ne coûte rien, et on ne devrait pas s'inquiéter.
(1510)
Les fonctionnaires ont dit qu’on avait harmonisé le projet de loi avec d’autres lois. Si, dans d’autres lois, on avait augmenté la pénalité, le montant de celle-ci serait de 500 000 $. Je suppose, dans ce cas-ci, qu’on laissera le juge décider si le montant de la pénalité sera de 200 000 $ ou de 500 000$. Étant donné qu’il s’agit du secteur financier, on ne parlera pas de peine minimale, comme c’est le cas dans d’autres secteurs. On peut tout de même féliciter le gouvernement de laisse aux juges le soin de décider quelles seront les amendes imposées à ceux et celles qui ne respecteront pas la loi.
Je conclurai mon survol du projet de loi avec le commentaire suivant. Nous savons qu'une étude de ce projet de loi est nécessaire. Toutefois, nous ne disposerons que de peu de temps pour ce faire, étant donné la relâche de la période des Fêtes qui approche. Nous étudierons le projet de loi en profondeur. Des questions seront posées au ministre sur la nécessité de revoir la loi. Nous n'avons pas le choix, la loi nous y oblige. J'invite tout de même le gouvernement à songer sérieusement à entreprendre, au cours de l'année 2012, une révision du secteur financier pour mesurer la solidité de nos institutions financières. Étant donné la situation des fonds de pension, des compagnies d'assurances et le faible rendement de nos institutions, on peut se poser des questions sur l'avenir de nos citoyens lorsqu'ils prendront leur retraite. Il faut donc s'assurer de la solidité de tous les piliers de notre secteur financier.
(Le débat est suspendu.)
[Traduction]
Déclaration d'intérêts personnels
L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je soulève la question de privilège. La semaine dernière, j'étais à l'étranger avec le Comité des affaires étrangères. J'ai pris connaissance de ce projet de loi il y a quelques jours seulement. Comme je suis administrateur indépendant d'une banque étrangère qui a établi une filiale au Canada, il est possible, en principe, que des dispositions de ce projet de loi aient des répercussions sur la banque. Je crois qu'il serait approprié que j'indique de façon officielle que je ne participerai ni aux discussions sur ce projet de loi ni aux votes le concernant.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, le sénateur Smith a fait une déclaration d'intérêts personnels au sujet du projet de loi S-5, dont le Sénat est actuellement saisi. Conformément à l'article 32.1 du Règlement, cette déclaration sera consignée aux Journaux du Sénat.
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Greene, appuyée par l'honorable sénateur Housakos, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives.
L'honorable Wilfred P. Moore : Madame le sénateur Hervieux- Payette accepterait-elle de répondre à une question?
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Oui.
Le sénateur Moore : J'ai écouté l'intervention du sénateur. Sauf erreur, elle a dit que, si une banque canadienne veut accroître son actif de plus de 10 p. 100 de sa valeur courante, il faut que le ministre des Finances examine la transaction. Est-ce bien le sens de ce qu'elle a dit?
Le sénateur Hervieux-Payette : Oui, on peut consulter les articles 53, 101 ou 118, qui exigent que le ministre approuve l'acquisition étrangère que fait une entité canadienne et qui fait augmenter la taille de cette entité canadienne d'au moins 10 p. 100.
Le sénateur a raison. Il est important de s'intéresser à la question pour la simple raison que nous savons que, par le passé, nos banques ont souvent beaucoup investi dans certains pays en développement. Il y a eu des épisodes regrettables, mais je m'abstiendrai de nommer les pays en cause, puisque je travaille un peu avec les parlementaires de ces pays. Nous devons simplement nous assurer que les banques canadiennes seront protégées par cette nouvelle disposition. Je voudrais également savoir pourquoi c'est désormais le ministre qui devra exercer une surveillance.
Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, j'essaie de voir comment cela se passera concrètement.
Dans la situation que le sénateur a esquissée, revient-il à la banque de s'adresser au ministre pour lui dire : « Je crois que nous allons augmenter notre valeur », ou encore : « Cette acquisition représentera plus de 10 p. 100 »? Ou bien la banque doit-elle soumettre toutes ses transactions au ministre, qui dira alors : « Celle-ci est inférieure 10 p. 100, c'est d'accord; celle-ci est supérieure »? Comment les choses se passeront-elles, concrètement?
Le sénateur Hervieux-Payette : Le sénateur et moi siégeons au même comité. Le surintendant nous a dit la semaine dernière qu'il veillera au respect des règles canadiennes. Bien entendu, les normes de Bâle II et, un jour, celles de Bâle III seront respectées en ce qui concerne les liquidités des banques. Les responsables ont précisé ce qui constituait un actif conforme aux normes de Bâle parce que, auparavant, il y avait des actifs étranges qui étaient pris en considération.
Dans ce cas-ci, honorables sénateurs, nous aurons des questions à poser au gouvernement sur les raisons qui justifient ce choix. Il y a eu récemment des transactions avec certaines de nos grandes banques et des sociétés d'assurance qui ont dépassé le seuil des 10 p. 100. Les transactions représentant moins de 10 p. 100 seront-elles toujours du ressort du surintendant? Je l'ignore. Le projet de loi prévoit un seuil d'au moins 10 p. 100. Je présume que, au-delà de ce seuil, il y aurait un gros impact sur les états financiers des banques.
Le sénateur Moore : Le sénateur a signalé que le projet de loi prévoit une augmentation du taux de propriété étrangère, qui passerait de 10 à 20 p. 100. J'ignore ce que cela voudrait dire pour les actionnaires minoritaires qui détiendraient maintenant 20 p. 100. Cela a-t-il un impact, aux termes de la législation canadienne, en ce qui concerne la composition du conseil et l'influence sur le fonctionnement de nos banques à charte? A-t-on tenu compte de ce facteur?
Le sénateur Hervieux-Payette : Dans la Loi sur les banques, aucune mesure ne vise l'investissement étranger. Dans ce cas-ci, il s'agit de gouvernements étrangers. Les investissements étrangers ont été plafonnés à 20 p. 100. C'était 10 p. 100, mais cela a changé.
Pour l'instant, un gouvernement étranger aura le droit de détenir des actions et de voter comme actionnaire. Je présume que cette participation sera soumise au même genre d'examen de l'investissement étranger que celle de particuliers, d'autres banques ou de banques étrangères qui n'appartiennent pas à un gouvernement. Certains gouvernements sont propriétaires de banques. Il y avait les Landesbanks, en Allemagne, qui étaient des banques provinciales appartenant à des gouvernements provinciaux. Dans ce cas, elles ont éprouvé de graves difficultés pendant la crise. Certaines n'ont même pas été rescapées. Le gouvernement propriétaire a écopé lourdement, et il a fallu légiférer pour restreindre l'investissement étranger dans ces institutions. Elles peuvent donc exister, mais seulement dans leur pays.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres intervenants? Les honorables sénateurs sont-ils prêt à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée, et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)
(1520)
La sclérose en plaques et l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cordy, attirant l'attention du Sénat sur les Canadiens qui souffrent de l'insuffisance veineuse cérébrospinale (IVCC) et de sclérose en plaques (SP), et qui n'ont pas accès à la procédure de « déblocage ».
L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je crois fermement que les Canadiens qui souffrent de sclérose en plaques devraient avoir accès à notre système médical. L'accessibilité est l'un des cinq principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, et pourtant, de nombreux Canadiens atteints de sclérose en plaques n'ont pas été bien traités par le système ou, pire, n'ont pas pu se faire traiter du tout.
Je sais que la ministre a récemment annoncé la phase I des essais cliniques, après l'annonce qu'elle avait faite en juin dernier. Comme je cherche encore les commentaires qu'elle a formulés, j'aimerais ajourner le débat à mon nom pour le reste du temps de parole dont je dispose.
(Sur la motion du sénateur Cordy, le débat est ajourné.)
Les projets de loi d'initiative parlementaire
Interpellation—Ajournement du débat
L'honorable Stephen Greene, ayant donné avis le 23 novembre 2011 :
Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la modernisation des pratiques et des procédures du Sénat, une attention particulière étant portée aux projets de loi d'initiative parlementaire.
— Honorables sénateurs, j'aimerais vous faire part de mon opinion sur la question de la modernisation et de l'efficacité des pratiques du Sénat. Je m'arrêterai aujourd'hui aux projets de loi d'initiative parlementaire.
Comme vous le savez, nous parlons toujours de la réforme du Sénat. Mais quand nous parlons de réforme, la discussion porte plus précisément sur la façon dont les sénateurs sont choisis et la durée de leur mandat. On se demande si les sénateurs devraient être élus ou non, quelle devrait être la durée maximale de leur mandat, entre autres. Cela fait longtemps qu'on en discute et on en discutera sans doute longtemps encore, car il s'agit d'un débat très pertinent, mais ce n'est pas de ce genre de réforme que je parlerai aujourd'hui.
J'aimerais plutôt présenter mon point de vue à propos d'une autre réforme du Sénat : sa modernisation. À mon avis, une telle réforme est plus que nécessaire. Aujourd'hui, j'aimerais porter à votre attention des façons de moderniser nos façons de travailler.
C'est peut-être parce que je viens du secteur privé mais, selon moi, si le Sénat était une entreprise, nos techniques de travail inefficaces et désorganisées nous auraient forcés à fermer boutique depuis longtemps. Certains sont peut-être tentés de me dire, en agitant le doigt : « Voyons, voyons... Le Sénat fonctionne de cette manière depuis près de 150 ans. On ne peut pas tout changer sur un coup de tête. » Eh bien, il serait vraiment irréfléchi de penser qu'une entreprise qui est en affaires depuis presque 150 ans n'aurait pas besoin de modifier ses activités quotidiennes. La même chose est vraie dans le cas du Sénat.
En fait, j'ai dû essuyer les critiques du sénateur Tardif, il y a quelque temps, parce que j'avais osé remettre en question la valeur de la période des questions. Je crois effectivement que, parmi les activités que nous accomplissons ici, la période des questions est l'une des moins utiles. Elle n'a rien à voir avec la principale tâche qui nous est confiée, soit celle d'examiner attentivement les mesures législatives proposées par le gouvernement. Cependant, je garderai mes commentaires sur la période des questions pour un autre jour.
Notre spécialiste du Sénat lui-même, le sénateur Serge Joyal, a reconnu qu'il vaudrait la peine de se pencher sur l'efficience de la Chambre haute. À la page xxv de l'introduction de son merveilleux recueil d'essais sur le Sénat, Protéger la démocratie canadienne : Le Sénat en vérité, il écrit ce qui suit :
[...] [Toute] réforme du Sénat doit viser à en accroître l'efficience et à améliorer les rapports qui l'unissent à la Chambre des communes et au Cabinet fédéral.
Je suis d'accord avec lui. Évidemment, nous ne sommes pas une entreprise, alors il n'est pas nécessaire que le souci d'efficience dicte chacun de nos gestes. Ce qui ne veut pas dire, non plus, que le Sénat ne peut pas s'inspirer des principes qui sont appliqués de façon universelle dans le secteur privé, comme s'adapter aux réalités courantes, chercher à améliorer l'efficience et moderniser les procédures et les pratiques. Je crois qu'il est possible pour le Sénat d'accroître ses activités et sa productivité. Il est cependant difficile de quantifier la productivité. Nous pourrions peut-être adopter un indice de productivité qui mesurerait le nombre d'heures ou les sommes que nous consacrons en moyenne à chaque projet de loi, ce qui nous permettrait d'établir des comparaisons avec d'autres assemblées législatives, mais comment mesurer les idées, qui sont aussi le fruit du processus? Je crains par ailleurs qu'une partie de notre travail semble futile aux yeux de certains Canadiens et que ceux-ci pensent que nous faisons comme certains bureaucrates, qu'ils soient du privé ou du public, qui s'activent pour donner l'impression à leur employeur ou à leur gestionnaire qu'ils travaillent. À mon avis cependant, le statu quo n'est plus une option.
La plupart du temps, je suis vraiment très heureux que les délibérations du Sénat ne soient pas télévisées. Les travaux de nos comités le sont, comme il se doit, mais nous discutons en comité de problèmes auxquels les Canadiens s'intéressent. Ce n'est habituellement pas le cas dans la salle du Sénat. J'espère que quelques-unes des idées de modernisation que je compte proposer me permettront, à un moment donné, d'appuyer la diffusion de nos délibérations. Par exemple, je n'appuierai jamais un tel projet tant que nous aurons une période des questions, du moins dans sa forme actuelle.
Honorables sénateurs, permettez-moi de passer directement à la question des projets de loi d'initiative parlementaire. L'idée de faire des recherches sur ces projets de loi m'est venue après avoir écouté un discours impromptu prononcé par le sénateur Comeau le 4 octobre. Il avait alors pris la parole pour dire que le Feuilleton était bien trop encombré, que cela ralentissait les travaux de la Chambre et que les projets de loi d'initiative parlementaire comptaient parmi les motifs de cet encombrement. Il avait affirmé que leur nombre ne cessait d'augmenter.
Le sénateur Comeau avait-il raison? Il a toujours raison, mais j'étais déterminé à le prouver.
Commençons par prendre un peu de recul. Du temps du premier ministre Trudeau, c'est-à-dire pendant les 11 années écoulées entre 1968 et 1979, 66 projets de loi d'initiative parlementaire ont été déposés au Sénat, ce qui représente une moyenne de six projets de loi par an. Il n'y en a eu aucun pendant les neuf mois que Joe Clark a passés au pouvoir. Durant les neuf années du gouvernement Mulroney, entre 1984 et 1992, 54 projets de loi d'initiative parlementaire ont été déposés, ce qui représente encore une fois une moyenne de six par an. Par conséquent, dans une période allant en gros de 1968 à 1992, soit 25 ans, environ six projets de loi d'initiative parlementaire ont été déposés chaque année. Pendant les 13 années des gouvernements Chrétien-Martin, de 1993 à 2005, la moyenne annuelle est passée à 10 projets de loi d'initiative parlementaire, soit au total 135 projets de loi.
Depuis 2006, c'est-à-dire au cours des cinq dernières années, le nombre des projets de loi d'initiative parlementaire déposés a grimpé à 172. En partant de la moyenne de six par an pendant 25 ans, nous avons fait un bond à 172 sur cinq ans, ce qui représente une moyenne de 34 par an, ou six fois plus que la moyenne précédente.
Ces chiffres sont assez inquiétants, mais ils deviennent alarmants une fois placés en contexte. Si les projets de loi d'initiative parlementaire, indépendamment de leur nombre, n'avaient représenté qu'une petite fraction de la production législative totale du Sénat, il n'y aurait pas lieu de s'inquiéter. Toutefois, ce n'est pas le cas. Par exemple, les 45 projets de loi d'initiative parlementaire déposés en 2009 représentaient 86 p. 100 de l'ensemble des projets de loi déposés au Sénat dans cette année.
J'espère que mes honorables collègues conviendront au moins d'une chose, à savoir que le nombre des projets de loi d'initiative parlementaire a augmenté à un rythme exponentiel dans les quelques dernières années.
Passons maintenant à la qualité de ces projets de loi. C'est un sujet particulièrement délicat, mais nous pouvons constater que sur les 172 projets de loi déposés depuis 2006, seulement huit ont reçu la sanction royale. Cela fait huit sur 172. Au cours de la période 1968- 1979 que j'ai mentionnée plus tôt, sur 66 projets de loi d'initiative parlementaire déposés, 36 ont reçu la sanction royale. Autrement dit, le taux de succès de ces projets de loi a dégringolé, passant d'environ 55 p. 100 il y a 40 ans à moins de 5 p. 100 aujourd'hui. Cela indique que beaucoup des projets de lois les plus récents n'étaient rien d'autre qu'une perte de temps.
Comment peut-on expliquer le taux de succès tellement faible d'aujourd'hui? Pour moi, il y a deux raisons. Premièrement, je crois que beaucoup des projets de loi actuels sont l'expression d'une marotte ou d'un dada des sénateurs qui les déposent. De ce fait, on ne peut pas vraiment les prendre au sérieux parce qu'ils ont peu de chances d'être adoptés ou d'être intégrés à la politique du gouvernement. Deuxièmement, beaucoup de ces projets de loi reflètent le caractère tortueux des stratagèmes politiques destinés non à faire adopter une loi, mais à embarrasser le gouvernement en l'obligeant à dire non, puis à affirmer qu'il s'oppose aux objectifs de la mesure proposée ou de la cause défendue, même s'il est en fait favorable à ces objectifs et à cette cause, mais opposé aux moyens proposés dans le projet de loi.
(1530)
Permettez-moi de vous présenter deux exemples, un de chaque parti, qui illustrent ces deux motifs. Je vous prie de noter que j'ai pris en exemple un projet de loi de chacun des deux côtés de la Chambre pour souligner que cette interpellation n'est pas de nature partisane et tend plutôt à défendre l'intérêt général du Sénat.
Le premier exemple que je voudrais mentionner remonte à la fin de la dernière législature. Le projet de loi était intitulé Loi concernant la Journée Giovanni Caboto. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'aborder ce projet de loi en détail, sauf pour dire qu'il témoignait du désir légitime du sénateur Di Nino de faire reconnaître concrètement les racines italiennes de notre pays. Cela est parfaitement raisonnable, mais nous devons nous rendre compte qu'il s'agit d'un dada, que notre collègue avait bien sûr profondément à cœur, mais qui ne revêtait pas une importance nationale telle qu'il méritait de faire l'objet d'une loi.
Le second exemple est une mesure qui vient d'en face et qui me donne l'occasion de dire que je suis opposé aux projets de loi d'initiative parlementaire qui sont purement partisans. Cette mesure s'intitule Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (crédit d'impôt pour compensation de carbone). Il s'agit en l'occurrence d'un projet de loi de nature tout à fait partisane et, de ce fait, qui devrait être présenté à l'autre endroit, non au Sénat. C'est un projet de loi qui ne correspond en rien aux plans du gouvernement dans ce secteur, plans qui ont été élaborés et qui continuent d'être étoffés par les Canadiens élus pour donner une orientation bien précise à un secteur crucial et fort complexe de la politique gouvernementale. C'est à l'autre endroit qu'il est possible d'utiliser un projet de loi d'initiative parlementaire comme outil politique. Le genre de manœuvre politique que représente ce projet de loi illustre on ne peut plus clairement ce que j'entends par « culture des projets de loi d'initiative parlementaire » au Sénat et nous amène à parler d'un obstacle gigantesque auquel le Sénat est toujours confronté. Cet obstacle est bien sûr le fait que nous ne sommes pas élus.
Certains sénateurs seront peut-être étonnés d'apprendre que nous ne sommes pas élus, sauf peut-être l'un d'entre nous, en l'occurrence le sénateur Brown. Je vous rappelle que nous ne sommes pas élus et qu'il faut à un sénateur non élu une certaine dose de morgue, de prétention, d'audace ou de suffisance mal placée pour se permettre d'élargir le pouvoir législatif du Sénat en proposant lui-même une mesure législative. Nous devons nous rappeler que le fait que nous ne sommes pas élus définit notre rôle dans cette enceinte. Nous avons comme principal mandat d'examiner de façon attentive les mesures législatives présentées à l'autre endroit et de faire contrepoids dans les cas où la hâte et les visées politiques nuisent à la cohérence des projets de loi présentés par le gouvernement. Voilà notre véritable pouvoir et je crains les conséquences que pourrait entraîner le fait de l'outrepasser.
Je répète donc que notre rôle principal consiste à adopter les projets de loi d'initiative ministérielle, à proposer des amendements au besoin et au moment opportun ou à rejeter les projets de loi dont nous sommes saisis. Nous ne sommes pas ici pour proposer de nouvelles mesures législatives car nous n'avons pas de mandat direct des Canadiens.. Notre tâche ne consiste pas non plus à faire le gros du travail lié à l'élaboration des lois canadiennes. À tous les sénateurs qui ne souscrivent pas à cette déclaration ou qui ne l'apprécient pas je me permets de dire : « Démissionnez du Sénat, briguez les suffrages et faites-vous élire à l'autre endroit dans le cadre d'élections démocratiques et vous pourrez alors présenter votre projet de loi. »
La raison pour laquelle je suis aussi tranchant, c'est que nous ne rendons pas de comptes de façon démocratique. Prenons par exemple un sénateur qui a, selon lui, une bonne idée et qui parvient à faire adopter un projet de loi d'initiative parlementaire. Puis, quelques années plus tard, cette mesure législative entraîne des conséquences imprévues totalement inacceptables aux yeux de la population canadienne, ce qui peut parfois arriver. Qu'advient-il alors? Eh bien, le sénateur peut simplement s'en laver les mains en haussant les épaules et en disant : « Il faut croire que je me suis trompé. Cela arrive à tout le monde. » Le sénateur ne serait pas chassé de cet endroit pour avoir présenté une mauvaise loi, comme doivent et peuvent le faire les braves gens du Canada ou de n'importe quel pays démocratique lorsque les législateurs présentent des lois qui ont des répercussions néfastes. Le fait que bon nombre de ces projets de loi ne sont pas adoptés prouve qu'ils ne constituent souvent pas des tentatives sérieuses de légiférer. Tout ce qu'ils font, c'est monopoliser le temps du Sénat ou mettre quelqu'un dans l'embarras.
Les règles actuelles entraînent une perte de temps et un gaspillage de l'argent des contribuables. Fort heureusement, nous avons des options. Nous pouvons moderniser les règles, ou encore adapter nos pratiques, ce qui serait encore plus simple. Nous pouvons régler certains des problèmes d'inefficacité dans la façon dont nous traitons actuellement les projets de loi d'initiative parlementaire. J'ai deux modifications à proposer aux règles, deux solutions qui nous aideraient à composer avec l'augmentation marquée du nombre de projets de loi d'initiative parlementaire.
Premièrement, je propose qu'on oblige tout sénateur qui présente un projet de loi de trouver, dans les banquettes opposées, un sénateur disposé à coparrainer son initiative. Quiconque croit au caractère non partisan du Sénat appuiera certainement cette solution.
Deuxièmement, je propose qu'on mette en œuvre un système de tirage au sort comme celui qui existe à l'autre endroit, afin d'assurer que nous soyons saisis, à tout moment, d'un nombre limité de projets de loi d'initiative parlementaire. Je propose qu'on limite le nombre de projets de loi d'initiative parlementaire à six, la moyenne annuelle avant le récent afflux. De plus, ces deux solutions ne sont pas mutuellement exclusives.
J'estime également que je dois aborder la question des droits et privilèges des parlementaires. Le but de mes propositions n'est pas de limiter ou de restreindre les droits et privilèges des sénateurs, qui pourraient encore avoir recours aux interpellations, aux motions et aux déclarations pour aborder les questions qu'ils souhaiteraient aborder. Je cherche plutôt, expressément, à mettre fin à la tendance selon laquelle nos droits commencent à prendre une ampleur inattendue.
Je suis prêt à être proactif pour amener un changement. Quoi que nous décidions ensemble, en ce qui me concerne, je demanderai dorénavant un peu plus d'efforts et d'explications de la part de mes collègues des deux côtés avant d'appuyer leurs projets de loi d'initiative parlementaire. Je demanderai peut-être un appui des deux partis avant de donner le mien. Il se peut que je m'entête tout simplement, en raison du nombre de ces projets qui apparaissent dans le Feuilleton, et par principe, à ne jamais voter en faveur d'un projet de loi d'initiative parlementaire, quelle qu'en soit la source.
Bien entendu, j'espère que les sénateurs ne pensent pas que je n'accorde pas d'importance aux questions sur lesquelles portent certains de leurs projets de loi d'initiative parlementaire. Toutefois, je crois que les dadas et les entourloupettes partisanes ne doivent pas avoir préséance sur le mandat qui est confié au Sénat, qui est d'étudier efficacement les mesures proposées par le gouvernement et les adopter si elles le méritent et de faire du bon travail en comité, notamment en produisant les nombreux rapports intéressants auxquels nous avons la chance de travailler.
L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, j'aimerais proposer l'ajournement de cette diatribe dénuée de sens.
(Sur la motion du sénateur Moore, le débat est ajourné.)
[Français]
L'euthanasie et le suicide assisté
Interpellation—Ajournement du débat
L'honorable Andrée Champagne, ayant donné avis le 29 novembre 2011 :
Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'euthanasie et le suicide assisté.
— Honorables sénateurs, voilà qu'à nouveau la question de l'euthanasie et du suicide assisté fait les manchettes.
Au Québec, au cours des derniers mois, une commission itinérante est allée s'enquérir auprès de mes concitoyens de leur point de vue sur ces sujets remplis d'émotion. Que je sache, le rapport de cette commission n'a pas encore été publié.
Il y a quelques années, le sujet avait été discuté en long et en large lorsque Sue Rodriguez avait voulu en finir avec une vie bien difficile sans faire en sorte que ceux et/ou celles qui l'aideraient à mourir se retrouvent en difficulté avec la loi.
Dans notre Parlement, au cours de ces dernières semaines avant de prendre une retraite forcée par la maladie, la députée Francine Lalonde y avait présenté un projet de loi privé voulant décriminaliser et l'euthanasie et le suicide assisté. Le projet de loi a été défait à l'autre endroit et ne s'est donc jamais rendu au Sénat.
Maintenant qu'une autre femme de la Colombie-Britannique s'adresse à la cour pour obtenir la même permission, le sujet est à nouveau sur toutes les lèvres.
Doit-on décriminaliser l'euthanasie? Doit-on permettre le suicide assisté?
D'autres parlent de simplement permettre à une personne souffrante et impossible à guérir de mourir dans ce que certains appellent « la dignité ».
Peut-on permettre à un médecin de sciemment mettre fin aux douleurs d'un patient incurable? Il semble que cela se produise dans nos hôpitaux et que, à certains moments, on en vienne à servir le « grand cocktail » final à un patient condamné par la science.
S'il devient convaincu qu'une guérison est improbable, voire impossible, et que les soins ne font que prolonger le mal intense de la personne malade, un médecin peut-il décider de cesser les traitements?
Quand la famille peut-elle décider que le temps est venu de débrancher le malade en difficulté respiratoire? Doit-on prolonger la vie d'une personne qui ne vit que grâce à une machine?
Quand, avec l'accord du médecin, la famille peut-elle décider qu'il faut cesser de gaver le malade?
Bien sûr, il semble évident que, quand on fait face à une mort imminente, faire cesser la douleur serait le choix d'un malade qui peut l'exprimer. Mais si le patient ne peut le dire, s'il ne peut partager son souhait de mourir, que faire alors?
Il est difficile de déterminer où se situe la ligne de démarcation entre l'euthanasie, le suicide assisté et ce qui pourrait être considéré comme un meurtre, purement et simplement.
Permettez-moi de vous présenter ce que je considère comme l'autre côté de la médaille.
En 2007, quand une méningite m'a causé une septicémie, quand mes reins ont cessé de fonctionner et qu'on a dû me dialyser pour me tenir en vie, quand un infarctus a attaqué mon cœur, que j'ai perdu le réflexe de respirer et qu'une machine a dû le faire pour moi, plusieurs ont cru que j'étais sur la voie de non-retour. Les médecins ont alors demandé aux membres de ma famille ce qu'ils souhaitaient que le personnel médical fasse si, par hasard, je devais subir une autre crise cardiaque.
Devait-on faire le maximum pour me réanimer?
(1540)
Heureusement pour moi, en chœur, ils ont répondu oui. Quelques jours plus tard, après trois chocs sceptiques, après 40 jours dans un profond coma, l'autre question est venue : « Il y a si longtemps qu'elle n'a pas bougé du tout, qu'elle n'a donné aucun signe de vouloir se réveiller, il est fort possible qu'elle reste dans cet état végétatif pour très longtemps. De plus, son système immunitaire est inexistant puisque ses globules blancs sont à zéro. Tant que sa moelle osseuse ne produit pas de globules blancs, elle demeure un terrain très fertile à la contagion. Elle pourrait contracter toutes sortes d'autres infections plus dangereuses les unes que les autres. »
« De plus, quand elle se réveillera, si elle se réveille, nous ne pouvons pas prédire dans quel état sera son cerveau. Considérant cette éventualité, très bientôt vous devrez songer à la possibilité que l'interruption des traitements soit la chose la plus sage qu'on puisse faire pour elle. Pensez-y, au cas où. »
Une fois encore, le conseil de famille s'est réuni. Mon homme, mes enfants et ma sœur ont conclu que c'était bien mal me connaître et que si j'avais la moindre possibilité de survie, dès que je reprendrais conscience, je me battrais et je reviendrais à la vie.
Quelques jours plus tard, il y a eu un cri de joie et d'espoir autour de mon lit, me dit-on. Pour la première fois depuis un mois et demi, le petit contenant qui devait recueillir l'urine avait été utilisé. Mes reins avaient donc recommencé à faire leur boulot. Ma moelle osseuse en ferait-elle autant?
Quelques jours plus tard, j'ai commencé à vivre. Bien sûr, dans les heures qui ont suivi, j'ai dû me battre contre une énorme dépression. Je ne pouvais pas parler. Moi qui avais passé ma vie à être comédienne et politicienne, qu'allais-je devenir si je ne pouvais plus émettre de sons?
On m'a finalement fait comprendre que la trachéotomie, toujours présente même si je n'étais plus intubée, empêchait mes cordes vocales de vibrer. On m'a alors assurée que, dès que je n'oublierais plus de respirer, on enlèverait ce tube de ma gorge et je pourrais alors parler normalement. Voilà une cicatrice que je porte avec bonheur.
Chose certaine, si ma famille avait permis à l'équipe médicale de cesser de me prodiguer tous les soins disponibles, je ne serais pas ici aujourd'hui à vous exprimer mon espoir que jamais nous ne permettrons que l'euthanasie soit légale si le patient n'est pas en mesure de donner son avis.
Évidemment, je ne parle pas ici de quelqu'un qui est cliniquement mort et qu'on conserve en vie artificiellement, peut-être en vue d'une transplantation d'organes. En fait, les dons d'organes devraient devenir obligatoires dans notre société. Cela empêcherait la mort de plusieurs personnes qui meurent chaque année, alors qu'elles sont en attente d'un organe qui leur permettrait de vivre pendant des décennies encore.
Croire aux miracles fera toujours partie de ma façon de vivre. Ces miracles ne se produisent pas toujours, mais la science fait maintenant des progrès autrefois inespérés. Il y a quelques années, le cancer du pancréas supposait un diagnostic de mort certaine quelques mois plus tard. Pourtant, il y a quelques semaines, on a vu un scientifique qui, toute sa vie, a fait des recherches pointues à ce sujet, et qui est décédé de cette maladie, mais ce plusieurs années après avoir obtenu son diagnostic. Il y a donc de l’espoir.
Je ne crois toujours pas que les médecins devraient mettre fin à la vie d’un malade inconscient parce qu’ils ne savent pas quel serait son choix à lui, s’il pouvait l’exprimer. Dans notre système de santé, l’euthanasie ferait probablement épargner beaucoup d’argent. Pourtant, si on avait cessé de me soigner, je ne serais plus de ce monde, et Dieu sait à quel point j’apprécie chaque moment qui m’est donné.
Je trouverais insensé qu'un projet de loi comporte la décriminalisation de l'euthanasie et du suicide assisté. Je croirai toujours au miracle, et après toutes ces semaines et tous ces mois à réapprendre à marcher, à utiliser un crayon, à ouvrir un pot de confitures, à mémoriser des numéros de téléphone, je vis chaque moment avec une grande joie. Je suis là.
Je suis ravie qu'on m'ait permis de vivre et de réapprendre à respirer. Des séquelles, j'en ai quelques-unes, bien sûr. Monter et descendre des escaliers m'est toujours pénible. Chaque jour, quand j'entre dans cet édifice, je bénis ceux qui ont inventé les ascenseurs.
Laissons le temps faire les choses.
[Traduction]
L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, je voudrais que le débat soit ajourné à mon nom.
Il s'agit d'un sujet passionnant, sur lequel la Chambre s'est déjà penchée il y a sept ou huit ans. Qu'on le veuille ou non, ce sujet restera d'actualité, et je crois qu'il mérite un débat plus approfondi.
(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)
Finances nationales
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Irving Gerstein, conformément à l'avis donné le 1er décembre 2011, propose :
Que, jusqu'au 31 décembre 2011, pour les fins de son étude du projet de loi C-13, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 2011 mis à jour le 6 juin 2011 et mettant en œuvre d'autres mesures, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à se réunir même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 95(4) du Règlement étant suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 7 décembre 2011, à 13 h 30.)