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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 43

Le jeudi 15 décembre 2011
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 15 décembre 2011

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Société Amarok

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, la Société Amarok est une organisation caritative canadienne fondée par Tanyss et G.E.M. Munro et leurs quatre enfants. Cette famille remarquable, qui vit au Bangladesh, a trouvé un moyen novateur d'assurer l'éducation d'enfants d'une extrême pauvreté vivant dans les taudis misérables de Dhaka.

La Société Amarok ouvre des écoles pour les mères dans les bidonvilles. Chaque mère, qui n'a elle-même reçu aucune éducation, apprend à devenir une enseignante de quartier. Elle transmet ensuite à au moins cinq enfants par jour ce qu'elle a appris. Ce modèle est une façon très économique d'offrir une éducation à ces enfants si pauvres.

J'ai récemment rencontré Tanyss et G.E.M. Munro. Leur dévouement à la cause de l'autonomisation des mères et des leurs enfants au Bangladesh m'a profondément ému. Le Bangladesh est le pays le plus pauvre de l'Asie du Sud, région qui continue d'être la plus pauvre du monde; le pays a une population de plus de 150 millions de personnes pour une superficie équivalente à un sixième de l'Alberta. Un grand nombre de ces citoyens vivent dans une pauvreté inconcevable, dans le danger et dans la peur.

La Société Amarok permet aux familles et aux collectivités de mener une vie qui a plus de sens, d'être en meilleure santé et de réduire les taux de natalité. De plus, l''éducation est la meilleure prévention contre les forces extrémistes du Bangladesh, dont l'objectif, d'ailleurs, est la radicalisation du pays.

J'incite les Canadiens à visiter le site web www.amarocksociety.org pour en apprendre davantage sur la Société Amarok. Son travail d'innovation a une profonde incidence sur la vie de milliers d'enfants bangladais et aussi sur celle de leur mère.

[Traduction]

Les rapports financiers trimestriels en temps réel

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, il y a exactement deux ans aujourd'hui même, le projet de loi C-51, Loi sur la reprise économique (mesures incitatives), a reçu la sanction royale. On y retrouve des modifications de la Loi sur la gestion des finances publiques obligeant chaque ministère et organisme à produire un rapport financier trimestriel pour chacun des trois premiers trimestres de l'année, rapport qui doit être publié dans les 60 jours suivants la fin du trimestre. Cette disposition est entrée en vigueur le 1er avril dernier. En août, le président du Conseil du Trésor, l'honorable Tony Clement, a annoncé que la première série de rapports était à la disposition du grand public pour qu'il « puisse avoir des renseignements plus détaillés sur la façon dont l'argent des contribuables canadiens est dépensé ».

Je suis arrivé au Sénat en 2005. J'ai eu l'honneur de présenter un projet de loi qui exigeait des rapports financiers trimestriels des ministères et organismes dès 2006. Ce projet de loi a été renvoyé à un comité à plusieurs reprises, mais son étude a chaque fois été interrompue par une prorogation. J'ai présenté un nouveau projet de loi en 2007. Il a franchi l'étape de la troisième lecture au Sénat, et il a été présenté à la Chambre des communes par le député de Peace River, Chris Warkentin. Il a obtenu l'appui de plusieurs partis, mais son étude a été interrompue par des élections. Encore une fois, j'ai présenté un autre projet de loi en 2009.

Je remercie les collègues qui étaient présents à l'époque de la tolérance et de la patience dont ils ont fait preuve en écoutant à trois reprises mon argumentaire, dans lequel j'expliquais pourquoi il était essentiel au Parlement d'obtenir de l'information financière en temps réel s'il voulait s'acquitter des fonctions que la Grande Charte lui confiait, soit le contrôle des dépenses de l'État avant la fin de l'exercice financier. Je songe plus particulièrement au sénateur Day, qui présidait le Comité sénatorial permanent des finances nationales, et aux sénateurs Murray, Nancy Ruth, Di Nino et Stratton, qui ont appuyé à fond cette mesure.

Honorables sénateurs, au cours des années 1970 le Parlement du Canada a renoncé à ses contrôles préalables des dépenses gouvernementales. C'est à ce moment qu'on a adopté une règle permettant de dire que les rapports des comités sur les dépenses avaient été présentés d'office. En d'autres termes, les prévisions des dépenses n'étaient pas réellement examinées ni approuvées, mais les rapports des comités étaient réputés avoir été présentés à une certaine date. La véritable reddition des comptes venait plus tard et c'est donc rétroactivement qu'on décernait des blâmes. Les rapports financiers trimestriels permettent d'éviter ce jeu des blâmes rétroactifs et fournissent au Parlement des chiffres en temps réel qui font ressortir les réussites ou les problèmes qui peuvent exister pendant l'exercice en cours.

Dans sa sagesse, le ministre des Finances, l'honorable Jim Flaherty, a repris la disposition sur les rapports financiers trimestriels dans la Loi sur la reprise économique de 2009. C'est aujourd'hui le deuxième anniversaire de cette disposition législative.

La tâche des parlementaires, des journalistes, des documentalistes, des entreprises, des syndicats et des milieux du bénévolat et des ONG est d'utiliser ces chiffres trimestriels en temps réel, de s'en servir pour l'évaluation parlementaire et citoyenne de la façon dont l'État, par l'entremise du gouvernement, dépense l'argent qui, au début comme à la fin, n'appartient ni au gouvernement, ni à la bureaucratie, ni au système. Cet argent appartient aux contribuables canadiens qui travaillent fort, qui, dans leur salle de classe, à la ferme, dans les ports maritimes, dans les petites entreprises comme dans les grandes usines, dans les organisations syndicales et locales, ont parfaitement le droit de s'attendre à ce que leur argent soit dépensé judicieusement.

Les prix Nesika

Félicitations à Honoré Gbedze

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je suis fière de prendre la parole aujourd'hui à titre de représentante de la Colombie-Britannique, qui est reconnue comme l'une des régions dont la culture est la plus diversifiée au monde. On y trouve des gens qui se réclament d'à peu près toutes les origines linguistiques, culturelles et religieuses. En 2008, le gouvernement de la Colombie- Britannique, avec le Multicultural Advisory Council, a parrainé les prix Nesika, qui honorent et célèbrent la diversité qui est si profondément ancrée dans l'identité de la province.

Le 18 novembre, la troisième cérémonie annuelle des prix Nesika a été tenue au musée de Vancouver. Pendant la cérémonie, un Britanno-Colombien bien spécial, Honoré Gbedze, qui est le propriétaire et le rédacteur en chef de The Afro News, a accepté le prix Nesika pour l'exploitation d'une entreprise axée sur la diversité.

Né dans un village du Togo, Honoré a appris très jeune l'importance du travail et de l'éducation. Fils d'une enseignante et d'un entrepreneur, Honoré a hérité de la volonté de faire du développement communautaire et de participer à la vie de sa communauté. Il a été chef pendant presque vingt ans, ce qui lui a permis de trouver des moyens d'établir des voies de communications pour aider les Africains à se comprendre les uns les autres et pour amener les autres à comprendre les Africains.

Honoré a reçu l'appui de nombreux parlementaires, tout particulièrement de notre estimée collègue, le sénateur Martin, qui travaille avec zèle dans notre province au dossier du multiculturalisme. Elle est une voix forte pour la communauté multiculturelle dans notre province. Merci, sénateur Martin, au nom de tous les habitants de la Colombie-Britannique.

(1340)

Honorables sénateurs, au fil des ans, j'ai observé avec beaucoup d'admiration la volonté d'Honoré d'instaurer un climat d'unité et de compréhension, non seulement parmi la diaspora africaine, mais parmi tous les Canadiens. Il a montré à mes frères et sœurs africains l'importance de s'unir et de se concentrer non pas sur ce qui divise, mais sur ce qui rassemble.

Chaque mois, un nouveau numéro de The Afro News fait la lumière sur les questions importantes auxquelles sont confrontés la communauté africaine, bien sûr, et l'ensemble des Canadiens. Grâce à son magazine, M. Gbedze a donné à la communauté africaine une tribune où exprimer ses préoccupations et partager des connaissances.

Honoré Gbedze illustre ce que signifie être un Canadien. Il a consacré sa vie à renforcer les liens qui unissent les Canadiens tout en embrassant la diversité qui fait du Canada un des pays les plus pluralistes au monde. J'exhorte les sénateurs à se joindre à moi pour féliciter Honoré Gbedze et le sénateur Martin pour le magnifique travail qu'ils accomplissent en Colombie-Britannique.

[Français]

Le décès de Pierre Rolland, O.C

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, le 29 novembre dernier, le monde de la musique et de l'éducation musicale au Québec s'est assombri. Un phare s'est éteint avec la mort de Pierre Rolland. Les jeunes musiciens de chez nous, quelle que soit leur discipline, ont perdu un mentor, un ami.

Originaire de Québec, Pierre Rolland était un passionné de musique, un travailleur infatigable, certains diront même un visionnaire. Il a marqué le monde musical montréalais pendant 50 ans.

Il a été le cor anglais de l'Orchestre symphonique de Montréal pendant des décennies. Critique de disques au journal Le Devoir pendant plusieurs années, il a aussi été animateur d'émissions radiophoniques sur la musique, tant à la CBC qu'à la SRC, où il a réalisé des entrevues mémorables avec plusieurs grands de la musique. D'abord professeur à la faculté de musique de l'Université de Montréal, il en est devenu le doyen. Il a été membre fondateur de l'Orchestre des jeunes du Québec.

Malgré toutes ses occupations, Pierre Rolland, avec la collaboration constante de sa femme, Nicole, a accepté la direction artistique du Centre d'arts Orford, en Estrie, où ils ont œuvré pendant plusieurs étés.

Tous les jeunes qui ont eu l'occasion et la chance de vivre quelques-unes de leurs semaines de vacances estivales au Centre d'arts Orford vous diront que, en plus d'avoir été immergés dans une vie musicale de haut niveau, ils ont trouvé en Pierre et Nicole des quasi-parents attentifs et soucieux de leur bien-être et d'excellents conseillers quant au déploiement de leur talent vers une carrière remplie de succès.

C'est son engagement envers les jeunes musiciens de chez nous qui a valu à Pierre Roland de devenir membre de l'Ordre du Canada, en 2010. Au cours des dernières années, il a aussi assumé la direction artistique de la compagnie Pro Musica de Montréal.

Pierre et Nicole ont été les parents de cinq filles, aussi magnifiques et talentueuses les unes que les autres. Si nous avons mieux connu la violoncelliste Sophie et la violoniste Brigitte, Catherine, France et Marie-Pier sont tout aussi brillantes. Pierre les appelait ses opus, de 1 à 5.

En nous quittant, Pierre Rolland devait sans doute espérer qu'au moins un de ses 13 petits-enfants trouve sa voie dans le monde de la musique.

Honorables sénateurs, je suis certaine que vous voudrez vous joindre à moi pour offrir nos plus sincères condoléances à Nicole et à toute la famille. En ce qui nous concerne, André Sébastien Savoie et moi, nous voulons en plus les assurer de notre amitié continue.

Pierre Rolland manquera à tous les amateurs de musique, des plus jeunes aux plus âgés.

[Traduction]

La consommation de sodium

L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, les Canadiens consomment quotidiennement plus du double de la dose de sodium recommandée, soit environ 3 400 milligrammes. Les gens associent généralement le sodium au sel. Ce qui est alarmant, c'est que, en moyenne, déjà à un an les enfants consomment quotidiennement le double de la dose recommandée.

Selon les spécialistes de la santé, le principal problème ne tient pas au fait qu'on ajoute du sel à la cuisson, car le sel n'est pas nécessairement du sodium et le sodium n'est pas nécessairement du sel. Le problème est plutôt attribuable au sodium ajouté dans les aliments transformés et emballés, comme le pain, la soupe et la vinaigrette. Environ 80 p. 100 du sodium consommé par les Canadiens se trouve dans ces produits et d'autres aliments transformés.

Cela engendre des risques importants pour la santé et coûte cher à notre système de soins de santé. Il existe d'abondantes preuves scientifiques qu'un régime alimentaire à haute teneur en sodium peut être cause d'hypertension artérielle, et ce problème est un facteur de risque dans les maladies cardiovasculaires, les AVC et les maladies rénales. On a aussi des indices qu'un tel régime pourrait être un facteur de risque dans l'ostéoporose, le cancer de l'estomac et l'asthme.

Les recherches montrent également qu'une baisse de consommation de sodium d'environ 1 800 milligrammes par jour permettrait d'éviter annuellement plus de 20 000 incidents attribuables aux maladies cardiovasculaires et engendrerait des économies directes de 1,3 milliard de dollars par année en soins de santé.

Le gouvernement a eu raison de suivre les conseils des fonctionnaires de Santé Canada et d'établir un Groupe de travail sur le sodium en 2007, qui a présenté un important rapport l'an dernier. Le groupe a recommandé qu'on procède à une réduction volontaire et structurée des niveaux de sodium dans les aliments transformés, qui serait soumise à des contrôles et à des évaluations. Il a aussi réclamé d'importantes campagnes de sensibilisation et d'éducation à l'intention des consommateurs, de l'industrie et des professionnels de la santé, parce que, comme on pouvait le lire dans un récent rapport de Santé Canada, beaucoup de Canadiens ne savent pas comment faire pour diminuer leur consommation de sodium.

Malheureusement, honorables sénateurs, le gouvernement n'a pas donné suite au rapport et a dissous le groupe de travail. Il a dépensé 1 million de dollars pour avoir un rapport qui recueille la poussière sur une tablette. Nous avons aussi appris récemment que le gouvernement n'avait pas donné suite à un plan pour lutter contre ce problème, que ses propres représentants avaient négocié avec les provinces, et ce, à une époque où les provinces disent au gouvernement fédéral qu'il faut se concentrer davantage sur la prévention des maladies au Canada, ce que les provinces ne peuvent pas faire seules.

Honorables sénateurs, il faut régler ce problème maintenant. Les preuves sont indéniables. Les plans sont prêts. Tout ce qu'il manque, c'est un gouvernement disposé à faire preuve de leadership.

[Français]

L'honorable Claire Kirkland-Casgrain, O.C.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais rendre hommage à une grande canadienne. Hier, le 14 décembre, marquait le 50e anniversaire de l'élection à l'Assemblée nationale du Québec de Mme Claire Kirkland-Casgrain, devenant ainsi la première femme à être élue dans cette institution. Elle succédait ainsi à son père, l'honorable Charles-Aimé Kirkland. À plus d'un titre, elle a marqué l'histoire du Québec. Éminente juriste, elle s'est illustrée dans la défense des causes féminines et dans l'adoption de certaines lois : en 1964, le fameux projet de loi 16, Loi sur la capacité juridique de la femme mariée, en 1969, Loi concernant les régimes matrimoniaux et l'établissement de la société d'acquêt et, en 1973, Loi établissant le Conseil du statut de la femme.

Elle occupa ses fonctions de députée et, à partir de 1962, de ministre, jusqu’en 1973, lorsqu’elle fut nommée juge à la Cour provinciale pour le district judiciaire de Montréal, où elle exerça ses fonctions jusqu’en 1991, année de sa retraite. Elle fut nommée chevalier de l’Ordre national du Québec en 1985, puis membre de l’Ordre du Canada en 1992. Elle accumula au fil des années diverses distinctions, en hommage à son exceptionnel engagement à l’égard de la justice et de la cause des femmes. Cette grande dame fut véritablement une pionnière qui marqua de façon indélébile notre histoire récente, en contribuant à l’amélioration de la position des femmes dans notre société.

Au nom de ma fille, Anne-Charlotte, de mon épouse, Brigitte, de l'ensemble de la population, mais surtout au nom de toutes les femmes du Québec et du Canada, je lui rends hommage aujourd'hui et lui dis merci.

[Traduction]

M. John Christopher

Félicitations à l'occasion de sa retraite

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à John Christopher, d'Ottawa, en Ontario, qui a pris sa retraite le 1er septembre 2011, après avoir travaillé avec les parlementaires canadiens pendant 40 ans comme attaché de recherche et, par la suite, analyste à la Bibliothèque du Parlement.

Ayant reçu une formation d'urbaniste et de planificateur en transports, il a aidé les comités de la Chambre des communes et du Sénat s'occupant des questions de transport, y compris la sécurité des transports. Dans le cadre de son travail, il a organisé des voyages d'étude au Canada, aux États-Unis, en Europe, en Australie et en Nouvelle-Zélande. En tant que chercheur, il a rédigé des rapports et des documents sur divers sujets, comme la restructuration de l'industrie aérienne, la sécurité du transport par camion, le service ferroviaire de passagers, l'établissement d'une stratégie maritime nationale et la sûreté aérienne.

(1350)

Pendant un certain nombre d'années, il a également été conseiller auprès du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Comme j'en faisais moi aussi partie, j'ai pu observer personnellement le dévouement de John et profiter de ses conseils et de son aide.

Au nom du Groupe interparlementaire Canada—États-Unis et des comités qu'il a aidés, je tiens à remercier John de toute l'aide professionnelle qu'il a fournie. Je souhaite à John et à sa famille une bonne santé, beaucoup de bonheur et un avenir paisible.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du distingué ambassadeur de la Croatie au Canada, Son Excellence Veselko Grubišic.

Bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le commerce international

Dépôt du rapport annuel de 2011

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport annuel des activités du bureau de la conseillère en responsabilité sociale des entreprises de l'industrie extractive, couvrant la période d'octobre 2010 à octobre 2011.

Les affaires autochtones et le développement du Nord

La Fondation autochtone de guérison—Dépôt du rapport annuel de 2011

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2011 de la Fondation autochtone de guérison.

[Traduction]

L'étude sur les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités en matière de sécurité nationale et de défense

Dépôt du quatrième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatrième rapport (provisoire) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Répondre à l'appel : le rôle de la Première réserve du Canada dans l'avenir.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Wallin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

La Loi régissant les institutions financières

Projet de loi modificatif—Présentation du deuxième rapport du Comité des banques et du commerce

L'honorable Michael Meighen, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :

Le jeudi 15 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de déposer son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre comité auquel a été renvoyé le projet de loi S-5, Loi modifiant la législation régissant les institutions financières et comportant des mesures connexes et corrélatives, a, conformément à l'ordre de renvoi du 6 décembre, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL A. MEIGHEN

(Le texte des observations figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 781.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carignan, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

La Loi constitutionnelle de 1867
La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales
La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Présentation du huitième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable John D. Wallace, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 15 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

HUITIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-20, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et la Loi électorale du Canada, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 13 décembre 2011, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOHN D. WALLACE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Wallace, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L'éducation dans la langue de la minorité

Avis d'interpellation

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, conformément aux articles 56 et 57(2) du Règlement, je donne avis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur l'évolution de l'éducation dans la langue de la minorité.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères

Le Liban—La détention de Henk Tepper

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, un producteur de pommes de terre du Nouveau-Brunswick, Henk Tepper, se morfond dans une prison de Beyrouth depuis neuf mois. C'est une situation épouvantable. Il est gardé dans une cellule de détention provisoire complètement aveugle. Ayant moi-même passé quelque temps à Beyrouth comme correspondant étranger, j'ai pu voir quelques-unes de ces prisons. Henk Tepper est accusé d'avoir falsifié des documents relatifs à un chargement de pommes de terre expédié en Algérie en 2007. Pourtant, neuf mois après son arrestation, il n'a fait l'objet d'aucune accusation officielle.

Dans le langage diplomatique, on dit qu'il est dans les limbes, mais ce n'est pas exact. Il est en prison. C'est un Canadien, Néo- Brunswickois comme moi, qui languit dans une prison libanaise, attendant qu'on le libère, qu'on l'accuse ou qu'on l'extrade, mais il doit attendre et attendre encore.

Nous avons vu la période des questions d'hier à l'autre endroit, mais combien de temps doit-il attendre encore? Que faut-il faire pour que M. Tepper puisse passer les Fêtes chez lui?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Le sénateur Munson a raison de dire que cette affaire a déjà été évoquée au Sénat. Elle a aussi été soulevée hier à l'autre endroit par deux députés, l'un conservateur et l'autre néo-démocrate, du Nouveau-Brunswick.

Il s'agit de toute évidence d'une situation grave. Le gouvernement est très préoccupé par l'affaire de M. Tepper. Nous sommes conscients des moments difficiles qu'il vit lui-même et des difficultés que connaît sa famille. Le gouvernement libanais a rejeté l'allégation faite par l'avocat de M. Tepper, il y a quelques jours, selon laquelle une simple lettre suffirait pour le faire libérer. Le gouvernement libanais affirme qu'il agira conformément à ses propres obligations juridiques internationales s'il est saisi de demandes d'extradition.

Nous avons fourni une aide consulaire active. Des responsables du gouvernement ainsi que la ministre Ablonczy ont eu des contacts avec de hautes instances libanaises. La ministre Ablonczy a personnellement écrit au gouvernement libanais au nom de M. Tepper.

Nous nous soucions tous de la situation de M. Tepper, comme Canadiens, comme Néo-Brunswickois ou comme parlementaires. Je peux assurer le sénateur que le gouvernement s'occupe activement de l'affaire. Nous espérons qu'il sera possible d'aboutir à une solution très bientôt.

Le sénateur Munson : Je remercie le leader de sa réponse, mais, dans ce genre de situation, il faut plus qu'une lettre.

Des voix : D'accord.

(1400)

Ne perdons pas de vue que M. Tepper est un Canadien. Il n'est pas en prison par suite d'un acte terroriste. Il s'agit seulement de pommes de terre. Il ne représente une menace pour personne. Pourquoi le gouvernement ne peut-il pas faire ce qu'il faut? C'est une chose de charger l'ambassadeur d'agir, c'en est une autre d'envoyer ces lettres, mais je crois bien qu'il faudrait que le ministre des Affaires étrangères s'en mêle. Pourquoi ne faisons-nous pas ce qu'il faut? Si cet homme doit répondre à des accusations, il faudrait au moins que les accusations soient portées.

Le sénateur LeBreton : Le sénateur sait bien, puisqu'il a déjà fait partie du gouvernement, comment le gouvernement d'un pays souverain réagirait aux mesures que prendrait un autre gouvernement.

Le fait est que la ministre Ablonczy a des responsabilités précises au ministère des Affaires étrangères. Elle a personnellement pris contact avec le gouvernement libanais. Je tiens à assurer au sénateur que ce n'est pas une situation facile pour M. Tepper et sa famille. Comme le sénateur s'est déjà occupé de cas de ce genre, il sait lui- même qu'il n'y a pas de solution facile.

Je peux dire aux sénateurs que notre gouvernement, les responsables consulaires et la ministre chargée de ces dossiers travaillent activement en faveur de M. Tepper. Nous espérons que le gouvernement libanais prendra les mesures nécessaires dans cette affaire. Toutefois, le Liban est un pays souverain, tout comme le Canada. Il y a des limites à ce qu'un gouvernement peut faire. Qu'il me suffise de dire, honorables sénateurs, que nous faisons vraiment tout ce qu'il nous est possible de faire.

Le sénateur Munson : Lorsque le présent gouvernement a prêté serment, M. Harper — et je ne peux que l'en féliciter — n'a pas hésité à dire bien fort ce qu'il pensait de la situation des droits de la personne dans des pays comme la Chine. Il a parlé des gens emprisonnés et de la libération d'un prisonnier ouïgour. Il en a parlé en public. Il s'est entretenu avec le président de la Chine, il est intervenu auprès des dirigeants d'autres pays qui avaient mis des gens en prison.

Pourquoi le premier ministre n'intervient-il pas en faveur d'un Canadien?

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, le fait est que le gouvernement libanais a des accusations précises. Dans d'autres cas, où nous sommes tous intervenus, il s'agissait de défendre les droits de la personne et de protéger des Canadiens dont les droits étaient bafoués dans différents autres pays. Ce cas est particulier. Il y a des accusations précises dont le Liban doit s'occuper sur la base d'allégations provenant d'un autre pays. La situation n'est pas exactement la même. Je crois que le sénateur en conviendra.

Encore une fois, aucun d'entre nous ici ne voudrait faire quoi que ce soit, si ce n'est d'exprimer notre grande préoccupation à l'égard de M. Tepper et de sa famille. Je répète que le gouvernement et les autorités, y compris le ministre, font tout ce qui est possible parce que, comme le sénateur le sait, il y a des choses qui ne sont pas possibles. Cela dit, nous avons recours à tous les services consulaires et à tous les autres moyens possibles pour aider M. Tepper dans ce dilemme.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je veux demander à madame le leader de nous confirmer la nature précise des accusations portées au Liban.

Le sénateur Cowan : Tout à fait.

Le sénateur Campbell : Je suis dans le vague à ce sujet, et je crois que c'est le cas pour nous tous. Madame le leader pourrait-elle nous dire quelles sont les accusations portées contre ce citoyen canadien au Liban? Nous lui en serions très reconnaissants.

Le sénateur LeBreton : Je n'ai pas les accusations précises avec moi. Nous parlons ici d'une mesure prise par un gouvernement étranger souverain. Les médias ont évidemment fait mention de ces accusations à maintes occasions, mais je ne suis pas convaincue que, à titre de leader du gouvernement au Sénat, le fait de mentionner des accusations portées par un gouvernement étranger souverain contre l'un de nos citoyens ajouterait quoi que ce soit au dossier. Par conséquent, sénateur Campbell, je vais respectueusement m'abstenir de le faire.

Le sénateur Campbell : Honorables sénateurs, je pose tout simplement une question à madame le leader. C'est elle, et non moi, qui a fait allusion aux accusations portées au Liban.

Est-il possible qu'aucune accusation n'ait été portée au Liban et qu'un citoyen canadien soit détenu dans une prison étrangère sans avoir fait l'objet d'accusations? Sans trop insister, on peut se demander comment les États-Unis réagiraient s'il s'agissait d'un citoyen américain. C'est madame le leader qui a fait allusion aux accusations. Ce n'est pas moi. Par conséquent, le sénateur Eaton devrait se taire. Je pose encore une fois la question.

Le sénateur LeBreton : Encore une fois, tout ce que je sais, c'est ce que j'ai lu, comme vous tous, au sujet de ce cas.

Honorables sénateurs, sauf erreur, les accusations ne sont pas portées par le gouvernement du Liban, mais plutôt par celui de l'Algérie.

Le sénateur Cowan : Précisément. Ce sont des allégations.

Le sénateur Tardif : Des allégations.

Le sénateur Cowan : Ce n'est pas ce que vous avez dit.

Le sénateur LeBreton : Le gouvernement du Liban détient cette personne à la demande du gouvernement de l'Algérie. C'est tout ce que je sais, honorables sénateurs. Sauf erreur, M. Tepper est détenu au Liban à la demande du gouvernement algérien. Toutefois, il se trouve au Liban. Par conséquent, le gouvernement du Canada traite avec celui du Liban afin d'aider M. Tepper.

Les finances

Les accords sur les soins de santé

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, lors de la campagne électorale du printemps dernier, le ministre des Finances, Jim Flaherty, a discuté de l'engagement des conservateurs à maintenir les transferts aux provinces au titre de la santé dans l'accord de 2014 et à respecter l'indexation annuelle de 6 p. 100 prévue dans l'accord signé en 2004. Voici ce que le ministre avait déclaré :

Nous devons négocier avec les provinces et leur demander : Voulez-vous un accord d'une durée de cinq ans, de dix ans, de deux ans? Nous maintiendrons l'indexation à 6 p. 100, quelle que soit la durée de l'accord.

C'est ce que le ministre Flaherty a déclaré au mois de mars. Est-ce que les provinces peuvent se fier à cet engagement électoral pris par le ministre?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois que madame le sénateur a répondu à sa propre question. Nous avons pris l'engagement de renouveler l'accord en 2014, sur la base des dernières négociations tenues avec les provinces, et le ministre a fait la déclaration citée par le sénateur. Il y aura de nouvelles négociations. Il a parlé de différents scénarios. Ce que je puis dire au sénateur Cordy, c'est que le gouvernement continuera à augmenter le financement au titre des soins de santé, et ce, de manière équilibrée et durable. L'un des objectifs du ministre est d'accroître la reddition de comptes. Je crois que la plupart d'entre nous appuieraient cet objectif, y compris les provinces. Je crois que la plupart d'entre nous aimeraient avoir la garantie, lorsque nous entamerons la prochaine série de discussions sur l'avenir des soins de santé, que l'argent est dépensé de façon appropriée et responsable.

Je tiens, encore une fois, à assurer aux sénateurs que, bien que nous voulions effectuer des économies, nous ne sabrerons pas le financement, contrairement au gouvernement précédent. Nous ne l'avons pas fait. Comme l'a dit le ministre Flaherty, et comme l'a mentionné le sénateur, aucune durée n'a été fixée. Il incombera aux provinces et au gouvernement fédéral de négocier la durée de l'accord.

(1410)

Le sénateur Cordy : Le ministre a effectivement dit, lors de la campagne électorale, que, quelle que soit la durée de l'accord — deux, cinq ou 10 ans —, il maintiendrait l'indexation annuelle de 6 p. 100.

Madame le leader dit-elle que le ministre respectera la promesse qu'il a faite durant la campagne électorale de maintenir l'indexation annuelle de 6 p. 100?

Le sénateur LeBreton : Je ne me rappelle pas avoir mentionné 6 p. 100 dans ma réponse. Je vais donc devoir vérifier la citation. Je dis simplement que nous allons continuer à augmenter le financement au titre des soins de santé d'une façon équilibrée et durable.

Cette question est très importante pour tous les ordres de gouvernement. De toute évidence, le financement des soins de santé est une priorité pour tous les ordres de gouvernement. Le présent accord sur les soins de santé prend fin en 2014, soit dans trois ans encore. Je suis convaincue que, d'ici là, quel que soit l'accord que le ministre des Finances et ses homologues provinciaux concluront — en passant, le ministre les rencontre, je crois, dans les prochains jours à Victoria — cet accord sera le fruit d'un consensus. Toutefois, comme je l'ai déjà dit, nous ne sabrerons pas le financement des provinces au titre des soins de santé.

Le sénateur Cordy : Je suis ravie de vous entendre dire que, peu importe ce que les provinces décident, le ministre maintiendra l'indexation annuelle de 6 p. 100. Je vous en remercie.

Les provinces de l'Atlantique s'attendent à ce que les pressions exercées sur leur système de soins de santé respectif s'intensifient à mesure que la population vieillit. La région de l'Atlantique compte un pourcentage disproportionné de Canadiens vieillissants par comparaison au reste du Canada, et ce pourcentage continuera d'augmenter dans un avenir prévisible. Le vieillissement de la population est un facteur important dans l'augmentation du coût des soins de santé, quelle que soit la province.

Pour continuer d'offrir aux Canadiens des soins de santé de qualité, les provinces doivent avoir l'assurance d'un financement stable et prévisible de la part du gouvernement fédéral. Je suis ravie que le ministre des Finances ait promis, pendant la campagne électorale, de maintenir l'indexation annuelle de 6 p. 100.

Dans le nouvel accord qu'il conclura avec les provinces, le gouvernement s'engagera-t-il à augmenter les paiements de transfert de 6 p. 100 annuellement?

Le sénateur LeBreton : Je souligne, en premier lieu, que madame le sénateur a une façon unique de toujours résumer ou de répéter dans cette enceinte ce qu'elle croit m'avoir entendu dire. Évidemment, je n'ai jamais tenu les propos qu'elle m'a attribués dans son préambule.

Nous sommes à trois ans de la fin de l'accord actuellement en vigueur. Le ministre et ses homologues des provinces se réuniront. À l'instar du reste des sénateurs, je ne connais ni la teneur, ni les conditions de l'accord que concluront les provinces et le gouvernement fédéral, ni le pourcentage d'indexation qui y sera prévu. Tout cela est hypothétique pour le moment.

Je peux uniquement dire que le ministre des Finances discutera avec les provinces d'une augmentation équilibrée et durable du financement des soins de santé. Comme madame le sénateur a tendance à m'attribuer certains propos, je précise très clairement que le ministre cherche entre autres à améliorer la reddition de comptes en ce qui concerne les dépenses.

Comme je l'ai signalé au sénateur, il est certain que le gouvernement ne profitera pas des prochaines négociations pour sabrer le financement, comme l'a fait le gouvernement libéral précédent.

Le sénateur Cordy : Le ministre des Finances a dit, et je cite :

Nous maintiendrons l'indexation à 6 p. 100 quelle que soit la durée de l'accord.

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je dois obtenir le texte exact de la citation, mais je crois que le ministre parlait de l'accord actuellement en vigueur.

Nous ne savons pas ce que sera la situation en 2014 et nous ne savons pas non plus ce que les provinces demanderont à la table de négociation. Nous ne savons pas à quelle situation économique le Canada sera confronté. Tous ces facteurs devront être pris en compte.

Honorables sénateurs, tout ce que je peux dire c'est que le gouvernement, — nous sommes au pouvoir depuis 2006 — a scrupuleusement respecté ses engagements en versant plusieurs milliards de dollars de plus aux provinces au titre des soins de santé.

Nul ne peut prédire en ce moment de quoi auront l'air les prochaines négociations. Je vais cependant répéter qu'il y a une chose que nous ne ferons pas, c'est réduire le financement accordé aux provinces au titre des soins de santé.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, le budget présenté en 2007 par le gouvernement dont le leader faisait partie prévoyait que les transferts aux provinces en matière d'enseignement postsecondaire seraient calculés au prorata de la population. Le budget prévoyait également qu'à compter de l'entrée en vigueur du nouvel accord sur la santé, soit le 1er avril 2014, le calcul actuel fondé sur les principes de l'équité et du partage serait remplacé par la formule de financement par habitant, ce qui serait particulièrement avantageux pour les provinces les moins nanties.

Respecterez-vous ces dispositions dans le cadre de vos négociations?

Le sénateur LeBreton : Je vous remercie de votre question. J'aimerais d'abord apporter une précision à l'intention du sénateur Cordy. Je tiens à souligner que, depuis notre arrivée au pouvoir, les paiements de transfert versés aux provinces au titre des soins de santé sont passés de 19 à 27 milliards de dollars.

En ce qui concerne votre question, je la prends en note et j'y répondrai par écrit.

[Français]

La justice

La nomination des femmes au sein des comités consultatifs

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, je lisais dans La Presse d'hier un article indiquant qu'une enquête du journal révèle un manque flagrant de femmes parmi les 52 membres nommés par le ministre fédéral de la Justice au sein des 17 comités qui conseillent Ottawa sur les nominations aux postes des quelque 1 100 juges nommés par le gouvernement fédéral. Ainsi, au Québec, il n'y a que deux femmes sur 16 membres, et à l'échelle nationale, il n'y a que six femmes sur 52 membres.

Je sais que les autres membres des comités consultatifs sont nommés par d'autres que le ministre fédéral de la Justice, mais aujourd'hui, je m'intéresse particulièrement aux membres nommés par ce ministre du gouvernement fédéral. Quels critères a reçus le ministre de la Justice dans le choix des membres représentant le gouvernement fédéral au sein des comités consultatifs? Est-ce que ces critères tiennent compte des réalités de la population canadienne?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le gouvernement est très fier des nominations judiciaires qui ont été faites. Il est très fier entre autres de la nomination de la juge en chef Nicole Duval Hesler, la première femme juge en chef de la Cour d'appel du Québec.

Bien entendu, les membres des comités consultatifs de la magistrature travaillent bénévolement. Leur rôle consiste à recommander la candidature de personnes qualifiées. Le gouvernement continuera bien sûr de se fier aux recommandations de ces organismes consultatifs pour la nomination des juges.

Moi aussi, j'ai lu l'article de La Presse et j'ai été surprise d'y constater le peu de détails qu'on y trouve. La composition des comités consultatifs de la magistrature est déterminée par des intervenants d'un peu partout au pays. Dans la plupart des cas, les gens qui y siègent le font sur la recommandation du gouvernement provincial. Il s'agit souvent du juge en chef et du ministre de la Justice de la province. C'est donc à dire qu'ils sont nommés par des gouvernements de tous les horizons politiques.

(1420)

Le comité consultatif de la magistrature d'une province donnée est composé des membres nommés par cette province et d'un ou deux membres nommés par le gouvernement fédéral. Comme on dit, c'est au fruit qu'on juge l'arbre. Étant donné la qualité des nominations et, autre autres, le nombre de femmes nommées, je dirais qu'on exagère en mettant en cause la composition des comités consultatifs, formés de membres bénévoles, et qu'on critique injustement le gouvernement. On exagère.

[Français]

Le sénateur Losier-Cool : Honorables sénateurs, voilà précisément pourquoi je pose la question. On dit que c'est au fruit que l'on juge l'arbre. Quels critères le ministre de la Justice établit-il pour composer ces comités consultatifs? Je sais que madame le leader du gouvernement est d'accord avec moi pour dire qu'il est important d'avoir autant de femmes que d'hommes au sein de tous les comités consultatifs. Toutefois, comment expliquer ce déséquilibre?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Je me demande ce que le sénateur dirait s'il fallait que le gouvernement dise à une province lesquels de ses ministres ou des membres du barreau de la province doivent siéger au comité consultatif de la magistrature. Les membres de ces comités sont choisis, et de nombreuses personnes sont consultées dans le cadre de ce processus. Je parle par expérience, car il m'est déjà arrivé de travailler avec ces groupes. Habituellement, ils sont constitués du juge en chef de la province, du procureur général de la province, du président du Barreau provincial et de groupes de bénévoles.

Le critère, s'il y en a un, c'est que nous faisons confiance au bon jugement des provinces et des barreaux des provinces lorsque vient le moment de choisir les personnes qui sont les plus qualifiées pour siéger au comité consultatif de la magistrature et conseiller adéquatement le gouvernement au sujet des personnes qui pourraient être nommées aux postes de juge.

[Français]

Les finances

Le Plan d'action économique

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

De toute évidence, lorsqu'on entend le ministre des Finances nous parler du Canada, force est de constater qu'il vit probablement dans un monde imaginaire. Récemment, le gouverneur de la Banque du Canada, dans des discours prononcés à Toronto, est venu détruire ses châteaux en Espagne.

Dans son dernier rapport, M. Mark Carney décrit un Canada tout autre que celui présenté par le ministre. Il dit que la productivité du Canada est basse, que notre démographie est insuffisante, que nos exportations se butent à des économies étrangères en récession et que les ménages canadiens consomment au-delà de leurs moyens, alors que le Canada s'endette de manière alarmante.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si son gouvernement, dans les prochaines semaines, entend réviser de façon draconienne son Plan d'action économique, dont les succès, selon les données de M. Carney, sont plus que douteux?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il n'y a pas de différence marquée entre les propos du gouverneur de la Banque du Canada et ceux du ministre des Finances. Le ministre des Finances a déclaré à plusieurs reprises qu'il était préoccupé par l'endettement des ménages, par la productivité et par le fait que le Canada tire de l'arrière. Je n'ai pas constaté de contradictions dans leurs observations. Il est évident que le contexte économique mondial est difficile, mais je me réjouis que des organismes du monde entier, par exemple l'Organisation de coopération et de développement économiques ou le Fonds monétaire international, reconnaissent que le Canada tire très bien son épingle du jeu dans cette situation difficile.

Tous les jours, si ce n'est toutes les heures, le ministre des Finances et le premier ministre se tiennent au fait de ce qui se passe dans le monde. Le gouvernement agira toujours dans l'intérêt des Canadiens et prendra les mesures qui s'imposent dans les domaines qui sont les plus importants pour les Canadiens, soit l'emploi et l'économie. Le gouvernement fera tout en son pouvoir pour que la situation du Canada ne change pas, car parmi tous les pays du monde, c'est le nôtre qui se trouve dans la meilleure position.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Madame le leader aurait intérêt à relire les discours de son ministre et à les comparer au discours du 12 décembre dernier, devant l'Empire Club du Canada et le Canadian Club de Toronto, où M. Carney a dit ce qui suit :

Dans un contexte où les taux d'intérêt sont bas et le système financier fonctionne bien [...]

[Traduction]

Lorsque nous chantons nos louanges, c'est que nous parlons des lois qui régissent notre système bancaire et financier, qui sont entrées en vigueur en 1995, sous un gouvernement libéral.

[Français]

[...] l'endettement des ménages a augmenté de 13 points de pourcentage supplémentaires par rapport à leur revenu.

On est aux alentours de 153 p. 100.

À présent, les Canadiens sont plus endettés que les Américains ou les Britanniques.

Ceux-ci connaissent une situation financière tout de même difficile.

Le solde de notre compte courant est également redevenu déficitaire, ce qui signifie que notre endettement envers l'étranger s'est réinscrit en hausse.

Quand le gouvernement prendra-t-il des mesures concrètes pour éviter le désastre financier aux Canadiens comme, par exemple, en imposant une limite aux taux d’intérêt sur les cartes de crédit — puisque ce sont les gens qui ont peu de moyens qui paieront la note — ou en diminuant l’échéance du remboursement des hypothèques en 25 ans, comme l’a suggéré le président-directeur de la banque Toronto-Dominion?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : J'inviterais madame le sénateur à lire les discours du ministre des Finances, car il a pris des mesures dans tous les secteurs qu'elle a mentionnés. J'ai lu les observations de M. Ed Clark, de la banque Toronto-Dominion. Le gouvernement a déjà pris des mesures concernant l'échéance des hypothèques. Il a présenté un projet de loi sur la littératie financière, ainsi que des réformes portant sur les cartes de crédit. Je réponds à madame le sénateur que c'est peut-être elle, et non moi, qui devrait lire les discours.

[Français]

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

L'environnement—La règlementation des centrales électriques

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 24 inscrite au Feuilleton par l'honorable sénateur Mitchell.

L'environnement—Les nouveaux règlements limitant les émissions de gaz à effet de serre

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 26 inscrite au Feuilleton par l'honorable sénateur Mitchell.

L'environnement—L'approche sectorielle de réglementation des émissions de gaz à effet de serre

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 28 inscrite au Feuilleton par l'honorable sénateur Mitchell.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation

Troisième lecture—Report du vote

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénateur Patterson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-18, Loi réorganisant la Commission canadienne du blé et apportant des modifications corrélatives et connexes à certaines lois.

L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, aujourd'hui, j'aurai l'honneur de voter pour la dernière fois à cette assemblée. Je voterai contre le projet de loi dont sont actuellement saisis les honorables sénateurs. Je voterai ainsi non pas à la demande de quelqu'un d'autre ni parce que le whip m'a soufflé un mot à ce sujet, puisque c'est faux, et ce n'est pas non plus parce que quelqu'un d'autre nous a suggéré de nous opposer à ce projet de loi. Je voterai ainsi dans l'intérêt des producteurs de blé et d'orge de ma province, l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba. La grande majorité de ces gens nous ont dit clairement ce qu'ils pensent de ce changement à l'égard du système de commercialisation du blé et de l'orge au Canada, qui est en place depuis de nombreuses années.

Il y a certains partis, auxquels ont été associés des sénateurs d'en face, qui croyaient que l'on devait surtout écouter les électeurs et faire ce qu'ils disent. Cette idée n'est pas toujours bonne. Cependant, lorsque l'électorat concerné par un projet de loi est aussi clairement défini que, dans le cas qui nous occupe, et lorsque les conséquences de ce projet de loi sont aussi clairement exprimées, il est parfois bon d'écouter ces électeurs.

(1430)

Ces électeurs nous ont dit qu'ils voulaient continuer d'avoir un système de commercialisation à guichet unique pour le blé et l'orge. Ils nous l'ont dit à une majorité de 62 p. 100 lors d'un plébiscite organisé par la Commission du blé, plébiscite que le ministre aurait dû en fait organiser lui-même, ce qu'il n'a pas fait.

Nous savons, honorables sénateurs, que le fait pour le ministre de présenter ce projet de loi à l'autre endroit était en soi une violation de la loi. La Cour fédérale nous l'a dit. Certains d'entre nous ont dit de temps en temps que, qu'il s'agisse d'une violation de la loi ou non, cette façon de procéder revient à agir par des moyens détournés. Je voudrais vous lire un extrait d'une déclaration faite par un sénateur en 2004 :

Le projet de loi [...] nous révèle la manipulation grossière d'un système qui n'est pas censé être partisan. Les députés qui favorisent cette pratique et tous ceux parmi nous qui appuient ce type de manipulation de nos lois en rédigeant d'autres mesures qui permettent de contourner ces lois devraient avoir honte.

Ces paroles concernant ce qui était alors le projet de loi C-49 ont été prononcées par le sénateur Marjory LeBreton. C'est exactement ce que nous ferons, sénateurs, si nous adoptons ce projet de loi. Ce projet de loi ne va pas dans l'intérêt des personnes qu'il touchera le plus, c'est-à-dire les producteurs de blé et d'orge.

Il y a environ deux semaines, le sénateur Eaton a dit que les citadins ne devraient pas se mêler de dire aux agriculteurs ce qu'ils doivent faire, mais c'est exactement ce que fait ce projet de loi. Dans cette mesure, il y a quelqu'un qui dit aux agriculteurs : « Nous savons mieux que vous comment défendre vos intérêts. »

C'est une chose que certains d'entre nous ne comprennent pas bien, sénateurs. Depuis des années, la Commission du blé est contrôlée par des agriculteurs, et personne d'autre. Le conseil d'administration de la Commission comprend actuellement 15 membres, dont cinq sont nommés par le gouvernement, les 10 autres étant élus par les agriculteurs. Depuis des années, ces agriculteurs — c'est-à-dire les gens qui sont directement touchés par ce projet de loi — ont surtout élu des administrateurs partisans du guichet unique. Le gouvernement affirme qu'il est mandaté pour agir ainsi parce que 20 p. 100 de l'électorat canadien l'a élu. Par comparaison, le mandat donné au conseil d'administration de la Commission du blé par les agriculteurs qui l'ont élu était de 80 p. 100, ou 8 membres sur 10. Autrement dit, 80 p. 100 de ces agriculteurs ont dit qu'ils voulaient continuer à élire des administrateurs et maintenir le système de commercialisation à guichet unique. Le gouvernement — je suppose qu'il s'agit des citadins mentionnés par le sénateur Eaton — est en train de leur dire : « Eh bien, vous ne savez pas vraiment ce qui est avantageux pour vous. Vous avez tort au sujet du système de commercialisation à guichet unique en faveur duquel vous votez depuis des années. Pour le prouver, nous allons faire abstraction de la loi. Nous allons passer outre à la loi. Nous ne nous conformerons pas à la loi. Nous allons estropier la Commission du blé. »

Je ne prétends pas que la Commission du blé soit parfaite telle qu'elle existe actuellement. Rien n'est parfait. En fait, on a suggéré différents moyens de modifier la CCB. Un bon moyen de le faire consisterait tout simplement à la céder aux agriculteurs. De toute façon, ils en sont les propriétaires, du moins moralement, sinon légalement, comme je le montrerai dans quelques instants. La meilleure chose que nous puissions faire est d'éliminer les sièges du gouvernement au conseil d'administration. Nous devrions laisser les agriculteurs élire tous les administrateurs, plutôt que de laisser le gouvernement les nommer, comme le propose ce projet de loi. Laissons le conseil d'administration décider de ce qu'il convient de faire.

Voilà qui serait démocratique. Toutefois, sénateurs, au lieu d'agir ainsi, nous avons ici une quasi-expropriation. Dans le projet de loi dont nous sommes saisis, le gouvernement dit qu'il n'y aura plus d'élections et qu'il nommera tous les membres du conseil d'administration. Ainsi, tout ira bien.

« Bonjour. Je suis du gouvernement. Je suis venu pour vous aider. » Ces paroles vont terroriser tous les agriculteurs de l'Ouest. Sénateurs, le gouvernement leur promet une mine d'or, mais il ne leur donne que des cailloux. C'est une manœuvre vraiment méprisable. Le gouvernement nomme des administrateurs pour diriger un organisme qu'il a éviscéré. Quand l'organisme se sera effondré, le gouvernement dira : « Nous vous avions bien dit que la Commission canadienne du blé était une mauvaise idée. Elle n'est même pas capable de se soutenir elle-même. »

Voilà, c'est simple : on s'organise pour que la commission échoue, puis, une fois qu'elle l'aura fait, on dira aux gens : « Vous voyez, elle a échoué. » Voilà ce que nous sommes en train de faire.

Toutefois, honorables sénateurs, il y aura de grands gagnants si nous adoptons le projet de loi. Il y aura de très grands gagnants. Entends-je CN? Archer Daniels Midland? Cargill? Il y aura aussi d'autres grands gagnants : les réactionnaires qui veulent tout simplement se débarrasser de toute forme d'intervention de l'État dans la commercialisation des produits agricoles, y compris la Commission canadienne du blé et, bien sûr, immanquablement, la gestion de l'offre. Ce sont des choses que certains de nos partenaires commerciaux n'aiment pas beaucoup. Ils ne les aiment pas et n'en ont pas besoin. Les États-Unis et de nombreux pays d'Europe accordent des subventions si outrageusement élevées à leurs agriculteurs que ces derniers n'ont besoin d'aucune protection du marché et peuvent en outre faire du dumping sur les marchés internationaux à des prix qui défient toute concurrence. Nous n'avons pas dans notre population une proportion suffisante d'agriculteurs pour nous permettre d'offrir ce genre de subventions. Nous devons trouver d'autres moyens de rendre les règles du jeu un peu plus équitables, comme la gestion de l'offre et la Commission canadienne du blé.

Après l'adoption du projet de loi, il sera beaucoup plus simple de plaire aux protectionnistes des autres pays en leur disant qu'on a fait exactement ce qu'ils souhaitaient. Si nous adoptons ce projet de loi, honorables sénateurs, nos partenaires commerciaux se frotteront les mains et jubileront. Voilà le motif secret de ce projet de loi. La notion d'exploitation familiale va tout simplement disparaître. Les pancartes, à la porte des exploitations, auront toutes la mention « Inc. » à la fin. Pour soutenir la concurrence, toutes les exploitations auront quelques dizaines de milliers d'acres d'ici quelques années. Elles seront possédées ou détenues par de grandes sociétés. Comme le sénateur Mitchell l'a dit hier, le prix des céréales tombera si bas qu'aucune exploitation familiale, pas même les plus grandes, ne sera rentable.

Une fois ces exploitations disparues, sénateurs, nous perdrons la gestion de l'offre. Ce sera sûrement l'étape suivante. Lorsque nous aurons perdu la Commission du blé, nous n'aurons aucun espoir de la retrouver.

Ce sera fini. Voilà notre chance, honorables sénateurs, de faire ce que le Sénat est justement conçu pour faire. Le Sénat n'a pas été créé pour approuver rapidement et sans heurts tout ce que le gouvernement — quelle que soit son affiliation — veut bien lui envoyer. Ce n'est pas notre rôle. Nous avons une tâche beaucoup plus difficile à faire. Une tâche qu'il nous incombe de faire maintenant, sénateurs, en nous opposant à ce projet de loi.

Il y a quelques autres points que je veux souligner avant de me rasseoir.

Des voix : Vous ne devez pas vous rasseoir. Poursuivez.

Le sénateur Banks : Je dois m'asseoir. Après tout, j'ai presque 75 ans.

Je vous prie de regarder le projet de loi à la page 8. J'ai eu le plaisir et l'honneur de servir des gouvernements des deux partis, au sein d'offices, de conseils et de commissions, mais je n'ai jamais vu des dispositions de ce genre. Les cinq administrateurs de la nouvelle Commission du blé seront nommés par le gouverneur en conseil. Cela figure au paragraphe 9(3), au haut de la page 8. Plus bas, le paragraphe (4) est ainsi libellé :

Sauf décision contraire du gouverneur en conseil, les administrateurs — à l'exception du président directeur général — exercent leurs fonctions à temps partiel.

On trouve ensuite la disposition suivante :

Les administrateurs reçoivent la rémunération fixée par le conseil.

Quoi? Je n'ai jamais vu une chose pareille. Je n'ai rien vu de semblable dans une loi fédérale, dans une société d'État ou n'importe quelle autre mesure législative. Il n'est tout simplement pas juste, sénateurs, que le conseil d'administration fixe la rémunération de ses membres. Habituellement, c'est le gouverneur en conseil qui décide ou qui détermine ce que les administrateurs toucheront et la façon dont la rémunération sera versée.

(1440)

Je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur un autre élément du projet de loi. Le gouvernement a dit qu'il n'avait pas l'intention d'abolir la Commission canadienne du blé. Celle-ci sera libre de livrer concurrence. Si elle y arrive, très bien. Sinon, très bien aussi. Je voudrais que vous vous intéressiez à la partie 4, mais il faut voir la partie 3 au préalable. Cette troisième partie de la loi est celle qui abolit le monopole. C'est là qu'on dit que la Commission canadienne du blé n'est plus le guichet unique par l'entremise duquel les agriculteurs de l'Ouest doivent vendre leur blé et leur orge. Voilà ce que dit la partie 3.

Voici ce que dit la partie 4, à l'article 46 :

La présente partie ne s'applique que si la Commission n'a pas été prorogée en vertu de la partie 3 dans les cinq ans...

— selon le bon plaisir du gouvernement —

... ou dans tout autre délai plus court fixé par le gouverneur en conseil — suivant l'entrée en vigueur de cette partie.

Une disposition autorise le gouverneur en conseil à fermer la Commission canadienne du blé à tout moment de son choix. Il ne faut pas oublier que le gouvernement du Canada ne verse pas un sou pour le fonctionnement de cette commission. Le fonds de réserve, qui s'élève à 200 millions de dollars, appartient moralement et peut- être même juridiquement aux agriculteurs, puisque cet argent n'est pas venu du gouvernement. Il a été versé par les agriculteurs. L'article 51 de la loi dispose que :

Tout surplus qui reste après l'acquittement des dettes et engagements de la commission et des frais, charges et dépenses liées à la liquidation...

— la liquidation est donc envisagée —

... appartient à Sa Majesté du chef du Canada.

Pas aux agriculteurs.

Le sénateur Moore : C'est une expropriation.

Le sénateur Banks : Sa Majesté exproprie le fonds. Pour nous faire bien comprendre ce qui nous attend, l'article 52 prévoit que le ministre peut nommer un liquidateur pour liquider la Commission canadienne du blé.

Honorables sénateurs, si nous faisons ce qui s'impose, si nous faisons ce que nous sommes chargés de faire aux termes du document qui est affiché sur nos murs, nous y penserons à deux fois, cet après-midi, lorsque nous devrons nous prononcer sur le projet de loi, à 17 h 30. Nous nous rendrons compte que le projet de loi est non seulement imparfait, mot que je déteste, mais inique. Il est moralement injuste d'imposer cette mesure aux personnes visées. Nous le regretterons amèrement.

Des voix : Bravo.

Son Honneur le Président intérimaire : Avez-vous une question à poser, honorable sénateur Plett?

Je rappelle aux honorables sénateurs, avant que le sénateur Plett ne pose sa question, que le sénateur n'a plus que 15 secondes sur ses 15 minutes de temps de parole.

Peut-être devrais-je d'abord poser deux questions au sénateur Banks. D'abord, acceptez-vous de répondre à une question du sénateur Plett? Deuxièmement, voulez-vous demander au Sénat une prolongation de votre temps de parole?

Le sénateur Banks : Avec plaisir.

Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

L'honorable Donald Neil Plett : Je ne le ferais pas si ce n'était pas la dernière journée du sénateur Banks au Sénat, mais je me dois de lui poser une question avant qu'il nous quitte.

Merci de votre intervention, sénateur Banks. Je suis heureux que vous ayez la possibilité de vivre ce moment historique cet après- midi.

On a beaucoup parlé du référendum. Bien sûr, on peut interpréter les chiffres dans un sens ou dans l'autre. Les sénateurs d'en face ont dit, entre autres choses, que le résultat de 39 p. 100 obtenu par les conservateurs aux élections ne confère pas un mandat solide.

Je voudrais poser au sénateur cette question : la Commission canadienne du blé a envoyé 68 000 bulletins de vote pour son référendum. Il n'y a pas 68 000 agriculteurs, mais c'est le nombre de bulletins qu'elle a envoyés. Elle a obtenu un taux de réponse d'à peine plus de 50 p. 100, selon ses chiffres. Je crois qu'il s'agit de 56 p. 100. Elle a donc reçu environ 34 000 ou 35 000 bulletins.

Dans le référendum sur l'orge, la Commission canadienne du blé a obtenu un taux de 51 p. 100, ce qui n'est pas une majorité imposante. En fait, 49 p. 100 des producteurs ont voté contre. Toutefois, si nous divisons ces 34 000 votes par deux, cela donne 17 000. C'est donc qu'environ 51 000 personnes sur 61 000 n'ont pas voté en faveur de cette mesure.

Je me demande ce que le sénateur dirait à ces 51 000 bons agriculteurs qui n'ont pas voté pour le maintien de la commercialisation par un guichet unique? Que devrions-nous faire, nous, parlementaires, pour ces 51 000 personnes qui ne voulaient pas la même chose que les 17 000 autres? Qui détient la majorité?

Le sénateur Banks : Je poserais la même question aux électeurs canadiens, et la réponse serait à peu près la même.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je tiens à remercier le sénateur Banks en notre nom à tous. Il a apporté au Sénat une contribution exceptionnelle. Son intervention d'aujourd'hui et la passion qu'il a manifestée dans ce dossier sont dignes d'éloges, et nous lui en sommes tous très reconnaissants.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Que différents sénateurs soient d'accord ou non sur les opinions qu'il a exprimées, j'estime que nous respectons tous sa façon de les exprimer et le soin avec lequel il prépare ses interventions au Sénat.

Honorables sénateurs, lorsque, jeudi dernier, j'ai pris part au débat sur le projet de loi, j'ai dit que nous nous avancions en territoire inconnu. Je crois même qu'il s'agit d'une situation sans précédent. Le gouvernement nous amène là où aucun autre n'avait osé le faire jusqu'ici. Il impose avec une précipitation implacable et déplacée un projet de loi dont la Cour fédérale a dit qu'elle avait été présentée au mépris de la loi. En effet, la Cour fédérale a dit que le ministre Ritz avait manqué aux obligations que lui impose une loi fédérale avant de présenter le projet de loi C-18 au Parlement. Pour reprendre librement les termes de la Cour fédérale, le ministre a enfreint la loi. Voici ce qu'elle a dit :

En ce moment, le ministre, en contravention des exigences décrites à l'article 47.1, tente de modifier unilatéralement le processus en obtenant l'adoption imminente d'un projet de loi.

Notre système de démocratie parlementaire donne-t-il au Parlement le pouvoir d'adopter le projet de loi C-18, sans tenir compte de la décision de la Cour fédérale? Le gouvernement prétend que oui. D'autres disent que non. Ce sera à une Cour de trancher cette question éventuellement. Serait-il correct d'agir ainsi? Je soutiens fermement, honorables sénateurs, que la réponse à cette question est un « non » retentissant.

Ce gouvernement qui aime se dire « grand défenseur de la loi et de l'ordre » a décidé qu'il est au-dessus des lois, qu'il peut faire fi des lois qui ont été adoptées en bonne et due forme par le Parlement, qu'il peut faire fi de la Cour fédérale quand elle déclare que le gouvernement a enfreint la loi.

Reconnaissons clairement, honorables sénateurs, que le projet de loi soumis à notre examen est le produit d'un comportement qui est, d'après le jugement de la Cour fédérale du Canada, « un affront à la primauté du droit ». Si le gouvernement du Canada avait respecté la loi, le Sénat ne serait pas saisi aujourd'hui du projet de loi C-18. C'est un fait clair et incontestable.

Honorables sénateurs, nous sommes aux prises avec un dilemme. Comment pouvons-nous avoir l'audace d'adopter des lois que les citoyens ordinaires devront respecter et tolérer le fait que le gouvernement ne se sente pas tenu d'obéir à ces mêmes lois? C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Si nous votons pour que ce projet de loi franchisse l'étape de la troisième lecture — ce projet de loi issu de la violation d'une loi fédérale adoptée par cette assemblée —, nous déclarons que le gouvernement est au-dessus des lois, qu'il peut mépriser les lois en toute impunité.

Honorables sénateurs, parmi les principes qui forment le cœur même de notre tradition démocratique, peu ont autant d'importance que le principe selon lequel aucune personne — pas même un ministre ou le premier ministre — n'est au-dessus des lois.

Ce simple principe juridique est au cœur de la primauté du droit et il distingue une démocratie d'une dictature. Dans une démocratie, la loi s'applique à tout le monde, sans distinction.

(1450)

Je suis certain que tous les sénateurs qui sont avocats de formation connaissent lord Denning, un juge britannique qui a souvent été décrit comme le juge le plus influent du XXe siècle. Voici ce qu'il écrivait en 1977 dans un jugement contre le procureur général du Royaume-Uni :

À tout sujet de notre pays, si puissant soit-il, je rappellerais les paroles prononcées par Thomas Fuller il y a 300 ans : « Nul ne peut se placer au-dessus des lois. »

Je sais que certains sénateurs d'en face soutiennent qu'avec sa majorité, le gouvernement conservateur n'a qu'à changer la loi. Ils n'y voient pas de problème. Pourtant, honorables sénateurs, que la majorité emploie une manière illégale pour modifier la loi pose un sérieux problème. Dans une démocratie, la fin ne justifie pas les moyens.

Moi et de nombreux autres sénateurs avons cité abondamment la décision du juge Campbell, de la Cour fédérale, sur l'application du principe de la primauté du droit et sur l'importance de ce principe dans cette situation. Permettez-moi de citer une autre source, qui ne vient pas du monde juridique, mais qui décrit très clairement ce principe.

Francis Fukuyama est un auteur réputé qui, j'en suis certain, suscite le respect de plusieurs sénateurs, quel que soit leur parti. Il a publié cette année un livre intitulé Aux origines de la politique, dans lequel il consacre toute une section à la primauté du droit, ce qui illustre la grande importance qu'il accorde à ce principe dans le développement politique. Voici ce qu'il écrit :

Pour qu'on puisse dire qu'il y a primauté du droit, il faut que le droit existant soit souverain par rapport aux lois à venir. Celui qui détient le pouvoir politique doit se sentir lié par le droit existant. Les détenteurs du pouvoir législatif ont tout à fait le droit d'adopter de nouvelles lois. Mais pour que la primauté du droit soit respectée, ils doivent légiférer en suivant les règles établies dans les lois existantes, et non selon leur bon vouloir.

Permettez-moi de résumer brièvement ce qui s'est passé, comme l'a fait hier mon collègue, le sénateur Day, lorsqu'il s'est adressé à nous au sujet de ce projet de loi.

En 1998, le Parlement a adopté un certain nombre de modifications à la Loi sur la Commission canadienne du blé. Elles visaient essentiellement à retirer au gouvernement fédéral le contrôle de la commission et à le donner aux agriculteurs. Un changement majeur consistait à convertir la commission gérée par le gouvernement en commission gérée par les agriculteurs grâce à l'élection directe de la majorité des administrateurs, comme le sénateur Banks vient de nous le dire.

Le gouvernement Harper fait marche arrière avec le projet de loi C-18. Il enlève aux agriculteurs le contrôle qu'ils ont sur la Commission canadienne du blé et le remet au gouvernement. Il éconduit le conseil d'administration élu par les agriculteurs et le remplace par un conseil constitué de membres qu'il nommera lui- même. À mon avis, sénateurs, ces mesures sont rétrogrades.

J'ai été particulièrement surpris de constater que le sénateur Brown approuve ces changements. Dans d'autres contextes, il est un ardent défenseur des élections. Le sénateur Brown croit qu'un Sénat élu est une excellente idée, mais qu'il est apparemment trop risqué de conserver un conseil d'administration élu pour la Commission canadienne du blé.

Honorables sénateurs, soyons clairs. Il s'agit de changements non démocratiques qui sont imposés par des moyens non démocratiques.

Les modifications apportées en 1998 à la Loi sur la Commission canadienne du blé comportaient une disposition, le fameux paragraphe 47.1, qui prévoyait ce qui suit :

Il ne peut être déposé au Parlement, à l'initiative du ministre, aucun projet de loi ayant pour effet, soit de soustraire quelque type, catégorie ou grade de blé ou d'orge [...] à l'application de la partie IV, que ce soit totalement ou partiellement, de façon générale [...] à moins que [...]

Le paragraphe se poursuit en précisant ce qui doit d'abord se passer :

a) [le ministre] a consulté le conseil au sujet de la mesure;

b) les producteurs de ce grain ont voté — suivant les modalités fixées par le ministre — en faveur de la mesure.

Le ministre n'a satisfait à aucune de ces exigences. Il a omis, ou plutôt il a refusé, de consulter le conseil et il a refusé de tenir le plébiscite requis aux termes de la loi.

Les honorables sénateurs d'en face peuvent contester les résultats de ce plébiscite. La réponse évidente était la suivante : « Faites ce qu'exige la loi. » Le ministre aurait dû tenir son propre plébiscite. Il aurait alors pu déterminer les règles, comme la loi l'y autorise, et il aurait été lié par les conséquences qui en auraient découlé.

Il ne l'a pas fait. Pourquoi? La seule explication possible, c'est que son parti savait qu'il perdrait. Pour ne pas perdre le vote, il a décidé d'enfreindre la loi. Il est évident que pour ce gouvernement, la fin justifie les moyens.

Avec d'autres de ses collègues du gouvernement, le leader du gouvernement au Sénat a voulu faire croire que les élections générales du 2 mai dernier constituaient le véritable référendum. Notre confrère, le sénateur Plett, a posé la question au sénateur Banks il y a quelques minutes. Il laissait ouvertement entendre qu'il s'agissait là du véritable référendum, qui a donné au gouvernement la réponse et les pouvoirs qu'il lui fallait pour aller de l'avant.

Honorables sénateurs, il s'agit d'un argument spécieux et sans aucun fondement. Les deux types de vote ne sont tout simplement pas équivalents. Des élections générales ne peuvent pas se substituer à un référendum portant sur une question précise. Comme l'a souligné le sénateur Fraser, l'élection d'un gouvernement séparatiste au Québec ne constitue pas un référendum sur la séparation.

D'ailleurs, la Cour fédérale a rejeté cet argument, cet écran de fumée. Elle s'est contentée de citer en l'approuvant un document d'information du Conseil des Canadiens, qui disait ce qui suit :

En outre, la possibilité de voter lors d'une élection fédérale ne saurait remplacer la perte de la possibilité d'exercer leur droit de vote dans ce cas précis.

Le Conseil des Canadiens faisait ainsi allusion au plébiscite exigé aux termes de l'article 47.1.

Jusqu'à la présentation soudaine du projet de loi C-18, les agriculteurs canadiens s'attendaient à ce que les exigences de l'article 47.1 soient respectées.

L'autre jour, notre collègue, le sénateur Baker, nous a donné un cours intensif sur le principe des attentes raisonnables des citoyens.

D'ailleurs, le gouvernement Harper avait promis de façon explicite aux agriculteurs de l'Ouest qu'il n'apporterait aucun changement à la Commission canadienne du blé sans d'abord tenir un plébiscite, comme l'exige la loi. Gerry Ritz, ministre de l'Agriculture et ministre responsable de la Commission canadienne du blé, a lui-même déclaré aux agriculteurs de l'Ouest que le gouvernement Harper respecte le vote des agriculteurs et qu'il ne tenterait jamais d'imposer un système de commercialisation mixte à la Commission canadienne du blé, sauf si une majorité de producteurs votaient en ce sens. Je le cite :

Tant que les agriculteurs ne se prononceront pas en faveur de ce changement, je ne suis pas prêt à travailler de façon arbitraire [...] Ils...

— c'est-à-dire les agriculteurs —

...ont entièrement raison de croire à la démocratie. J'y crois moi aussi.

C'était avant les élections. Les agriculteurs se sont présentés au scrutin et ont voté en grand nombre pour les conservateurs de Harper, comme nous le répètent sans cesse les sénateurs d'en face. Les agriculteurs ont cru les promesses, honorables sénateurs, mais immédiatement après les élections au terme desquelles le gouvernement a obtenu sa majorité si convoitée, tout a changé. Soudainement, il n'était plus nécessaire de tenir un plébiscite. Les élections avaient tenu lieu de plébiscite à ses yeux.

Cependant, comme y a fait allusion le sénateur Plett dans la question qu'il a posée au sénateur Banks il y a quelques instants, les agriculteurs ont organisé leur propre plébiscite puisque le gouvernement refusait de le faire. Soixante-deux pour cent des producteurs de blé et 51 p. 100 des producteurs d'orge ont voté en faveur du guichet unique, du maintien de la Commission canadienne du blé sous sa forme actuelle.

Quelle a été la réaction du gouvernement Harper? Comme de toutes les opinions dissidentes, il en a fait bon marché; nous savons aujourd'hui que c'est caractéristique du gouvernement. En l'occurrence, il a tout simplement refusé de tenir compte des résultats du vote.

Comme il était clair qu'une majorité d'agriculteurs souhaitaient le maintien de la Commission canadienne du blé, le gouvernement a décidé de ne pas tenir de vote. Le gouvernement n'a tout simplement pas respecté la loi. Il a refusé de tenir le plébiscite prescrit en vertu de l'article 47.1, affirmant que le vote organisé par la Commission canadienne du blé elle-même était illégitime ou non pertinent.

Stephen Harper dit : « La loi, c'est moi. » Les honorables sénateurs se souviendront de la phrase mémorable prononcée durant la campagne électorale : « C'est moi qui fixe les règles. »

Honorables sénateurs, comme si tout cela n'était pas suffisamment non démocratique, n'oublions pas que, tout ce temps-là, on imposait des bâillons à tour de bras. Le gouvernement Harper a imposé la clôture du débat sur ce projet de loi à l'autre endroit, pas seulement une fois, mais à plusieurs reprises. La première motion d'attribution de temps a été présentée alors que l'autre endroit avait débattu ce projet de loi pendant moins de deux heures.

(1500)

Des voix : C'est honteux!

Le sénateur Cowan : Le gouvernement a ensuite énormément limité les séances du comité de l'autre endroit qui n'a entendu que quelques témoins. Cela ne devrait pas nous étonner. En 2006, le gouvernement Harper a imposé le bâillon pour empêcher la Commission du blé de faire la promotion des avantages du guichet unique auprès des agriculteurs et des Canadiens. C'était une première dans l'histoire de la Commission du blé. Aucun gouvernement n'avait jamais empêché les administrateurs de la commission de communiquer avec les agriculteurs qui les avaient élus pour les représenter.

Dans cette enceinte, nous avons tenté à maintes reprises d'obtenir que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se rende dans les provinces de l'Ouest pour entendre de vive voix le point de vue des agriculteurs sur ce projet de loi, autrement dit, pour que ces derniers puissent faire entendre leur voix. La majorité conservatrice a rejeté cette demande et, partant, elle a refusé d'entendre le son de cloche des agriculteurs canadiens, directement dans les collectivités où ils vivent. C'est tout à fait à l'opposé de ce qui s'est produit en 1998.

En passant, je signale que le gouvernement libéral jouissait, à l'époque, de la majorité dans les deux Chambres, comme c'est actuellement le cas du gouvernement conservateur.

Les modifications apportées en 1998 ont certes soulevé la controverse. Bon nombre des opposants à la Commission du blé étaient les mêmes qu'aujourd'hui. Stephen Harper militait à l'époque dans la National Citizens Coalition. Cette organisation politique appuyait vigoureusement les opposants à la Commission du blé. Cependant, le gouvernement Chrétien n'a pas eu peur d'écouter les opinions dissidentes émises par les parlementaires et les Canadiens visés par les modifications proposées à la loi.

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a alors été chargé, comme il l'est aujourd'hui, d'étudier ces modifications. Le comité était à l'époque présidé par le sénateur Gustafson, un conservateur. Le comité a demandé à tenir des audiences dans l'Ouest pour connaître le point de vue des agriculteurs. La majorité libérale au comité n'a soulevé aucune objection à l'égard de ce déplacement.

En effet, le sénateur Stratton croyait qu'il n'était pas suffisant de se rendre seulement à Winnipeg, à Regina, à Saskatoon ou à Edmonton. Il croyait que c'était trop demander aux agriculteurs de se rendre dans les grandes villes de leurs provinces. Il a affirmé qu'il était important que nous nous rendions aussi dans les collectivités agricoles.

Le sénateur Tardif : Bravo! Que s'est-il passé?

Le sénateur Munson : C'était un homme en avance sur son temps.

Le sénateur Cowan : Laissez-moi lire la transcription de la réunion d'organisation du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, lorsqu'il préparait son étude du projet de loi. Cette réunion remonte au 19 février 1998. Voici ce que le sénateur Stratton a dit :

Pourquoi n'allons-nous pas rencontrer directement les agriculteurs?

Des voix : Bravo!

Une voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Le sénateur Stratton a ajouté ceci :

Pourquoi ne pas aller dans les petites villes, dans les localités agricoles?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Je cite toujours le sénateur Stratton.

Il faut bien dire que ce qui nous amène là-bas, c'est le désir de nous entretenir avec les gens qui sont nos interlocuteurs dans le dossier. Je pense qu'il faut au moins choisir une des destinations, soit Brandon, soit Red Deer, afin de les rencontrer en personne, chez eux, plutôt que dans une grande ville. J'estime que c'est important.

Une voix : Bravo!

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : La majorité libérale du comité était de l'avis du sénateur Stratton. Je vous invite à lire la transcription, honorables sénateurs. Il n'y avait pas de dissension, pas de motions inspirées par la rancune et pas de vote. Les membres du comité se sont déplacés et ont tenu de longues audiences dans l'Ouest, ainsi qu'à Ottawa.

Le gouvernement actuel n'autorise aucun déplacement, adopte des motions d'attribution de temps pour limiter les débats au Parlement, bâillonne la Commission canadienne du blé dans l'Ouest et utilise sa majorité dans les deux Chambres pour empêcher les membres des comités de se déplacer pour entendre directement ce que les agriculteurs canadiens ont à dire.

Le sénateur Cordy : C'est honteux.

Des voix : C'est une honte.

Le sénateur Cowan : Il y a ensuite la Cour fédérale du Canada qui s'est prononcée sur la conduite du gouvernement en déclarant :

Le comportement du ministre constitue une atteinte à la primauté du droit.

Honorables sénateurs, c'est extraordinaire. Notre système repose sur la primauté du droit. C'est ce qui nous distingue des régimes tyranniques et militaires. Qu'il ait été déclaré que le gouvernement a eu un comportement qui constitue une atteinte à la primauté du droit et que ce gouvernement déclare effrontément qu'il n'accepte pas la décision du tribunal nous amène, comme je l'ai déjà dit, sur un terrain glissant.

Il ne fait aucun doute que le tribunal a respecté la séparation des pouvoirs dans notre système. On ne lui a pas demandé, et il a explicitement refusé, de se prononcer sur la validité et l'effet de tout projet de loi qui deviendrait loi après l'adoption du projet de loi C- 18. La cour n'a pas dit si le projet de loi et toute loi qui en découlerait serait valide ou invalide. La question demeure ouverte. Cependant, comme le sénateur Baker l'a signalé mardi, le tribunal a pris la peine de rendre sa décision rapidement pour qu'elle soit disponible. En fait, le juge, ce qui est inhabituel, a déclaré qu'il publiait sa décision sans attendre qu'elle soit disponible dans les deux langues officielles parce qu'il estimait qu'attendre : « entraînerait un délai préjudiciable à l'intérêt public ».

Pourquoi le juge a-t-il agi ainsi? La raison évidente, c'est qu'il voulait que sa décision soit disponible avant que nous, au Sénat, terminions l'étude du projet de loi C-18. En d'autres mots, la décision du tribunal pourrait avoir des répercussions sur notre décision à nous.

Le projet de loi nous est parvenu uniquement parce que le gouvernement n'a pas tenu compte du droit. En fait, il a enfreint la loi. Si nous l'adoptons, nous dirons aux Canadiens que les députés du gouvernement Harper ne sont pas liés par leurs propres lois, des lois que tous les autres doivent respecter.

Le gouvernement Harper n'est certainement pas le gouvernement de la loi et de l'ordre qu'il prétend être, il serait plutôt le gouvernement « qui-est-au-dessus-des-lois-que-tous-les-autres- doivent-respecter ».

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Il existe un nom pour ce type de gouvernement, mais ce n'est pas « démocratie ».

Soyons clairs : les sénateurs qui votent en faveur du projet de loi après la décision claire de la Cour fédérale et sans attendre le résultat des appels susceptibles d'intervenir se rendent complices d'une infraction aux lois.

En terminant, je tiens à ce qu'on sache comment fonctionnait le Sénat autrefois. Plus tôt, j'ai fait allusion à l'approche très différente qui avait été adoptée en 1998, lorsque les membres du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts s'étaient rendus dans l'Ouest pour écouter les agriculteurs canadiens qui allaient être touchés par les changements qui étaient alors proposés. La semaine dernière, j'ai parlé de la façon dont les amendements avaient été proposés et approuvés par le comité au cours de l'étude article par article du projet de loi. Le sénateur Stratton se rappellera sans doute que ces amendements avaient été présentés par les deux côtés du Sénat. En effet, certains avaient été proposés par le Parti libéral, d'autres, par le Parti progressiste-conservateur. Ils avaient tous été adoptés grâce à l'appui des deux partis. C'est de cette façon que le Sénat et, en fait, le Parlement parviennent à effectuer le meilleur travail possible.

Le sénateur Stratton : Exactement comme dans le cas du projet de loi sur le contrôle des armes à feu.

Le sénateur Cowan : J'aimerais vous faire la lecture de certaines parties du débat qui a eu lieu au Sénat lorsqu'il a reçu le rapport du comité. Voici un extrait des Débats du Sénat du 14 mai 1998 :

Le sénateur Gustafson : Honorables sénateurs, le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a tenu d'intensives audiences dans les Prairies. Je félicite les sénateurs membres du comité pour l'excellent travail accompli.

Nous avons eu des audiences exhaustives. Nous avons entendu 100 agriculteurs. Nous avons entendu 30 associations professionnelles agricoles, trois ministres de l'Agriculture — de l'Alberta, de la Saskatchewan, et du Manitoba —, des fonctionnaires et, bien sûr, le ministre de l'Agriculture à trois reprises.

Nous avons proposé d'importants amendements dont je suis très satisfait. La coopération dont ont fait preuve les membres du comité pour en arriver à ces amendements et à ces recommandations a été remarquable, et je les en remercie.

J'énumérerais simplement ces amendements. La clause d'inclusion et d'exclusion dans le projet de loi est supprimée. La nomination du président-directeur général se fait en consultation avec le conseil d'administration, ce qui règle une partie de la recommandation du ministre, et le vérificateur général a le droit de vérifier les comptes de la Commission canadienne du blé.

Je ne retiendrai pas la Chambre avec un long discours. Encore une fois, je remercie les membres du comité pour un excellent travail. Ils ont fait honneur au Sénat du Canada et nous avons reçu de nombreux compliments. Un prophète a dit : « Qu'un autre te loue, et non ta bouche, un étranger, et non tes lèvres. » Les sénateurs qui ont participé aux travaux de ce comité ont fait un excellent travail. Ils ont réellement mis tout leur cœur au travail. Je suis très satisfait.

(1510)

Après la courte déclaration du sénateur Gustafson, Nick Taylor, un sénateur libéral, a pris la parole. Voici ce qu'il a dit :

Honorables sénateurs, je me fais l'écho des propos du sénateur Gustafson.

L'une des parties intéressantes du projet de loi C-4 porte sur la commercialisation du grain.

En 1998, le projet de loi C-4 visait à modifier la Loi sur la Commission canadienne du blé.

Il n'y a pas eu vraiment de compromis, mais on a fait des concessions. De ce côté-ci, les extrémistes sont en faveur de la libéralisation totale du marché et, de l'autre côté, ils sont en faveur d'un guichet unique à la manière de l'OPEC. Il est surprenant que les deux côtés soient parvenus à s'entendre. Je suppose que c'est dû en partie au fait que dans les deux partis il y a des gens qui ont des opinions très tranchées sur la libéralisation du marché.

En guise de conclusion, le sénateur Taylor a déclaré ce qui suit :

À nouveau, je me fais l'écho des propos du sénateur Gustafson en disant que ce fut une joie de travailler avec ce comité. La publicité dont nous avons été entourés dans l'Ouest est la preuve de ce que peut faire le Sénat, de ce qu'il fait et de ce qu'il a fait.

Le débat s'est poursuivi ainsi :

L'honorable Terry Stratton : Honorables sénateurs, je voudrais également remercier le comité. C'était très collégial et nous avons bien travaillé ensemble. Je pense en particulier que c'est notre insistance [...]

En disant « nous », il parlait de son parti.

[...] sur la nécessité de nous rendre dans l'Ouest qui a fait débloquer les choses.

Une bonne partie du crédit revient au président, le sénateur Gustafson. Il a administré magistralement les audiences, gardant les choses assez libres, mais positives, jusqu'à leur conclusion.

Vous vous souviendrez de Mira Spivak, sénateur progressiste- conservateur. Elle a dit ce qui suit :

Honorables sénateurs, moi aussi je tiens à dire que le travail du comité a été admirable.

Le sénateur Stratton : Et le projet de loi sur le contrôle des armes à feu, alors?

Le sénateur Cowan : Nous y viendrons sous peu, sénateur Stratton, et vous aurez l'occasion d'intervenir. J'écouterai avec intérêt votre discours à ce moment-là.

Ensuite, le sénateur Spivak a dit ceci :

Tous les membres en méritent le crédit.

Il faut aussi mentionner le ministre Goodale, qui avait demandé notre avis, et les discussions qu'il a eues avec le sénateur Hays et d'autres. La collaboration a été très étroite. Je pense que c'est un excellent exemple de la façon dont le Sénat peut se saisir d'une mesure législative et obtenir des résultats qui, je l'espère, profiteront à tout le pays.

Puis, honorables sénateurs, avec l'autorisation du Sénat, le rapport sur les modifications apportées en 1998-1999 a été adopté et le projet de loi a été lu pour la troisième fois. Le débat s'est conclu là — il ne restait plus rien à dire — et le projet de loi a été adopté.

Le gouvernement de Jean chrétien et les députés ont tous accepté les amendements proposés par le Sénat. Comme l'a dit le sénateur progressiste-conservateur Spivak, c'était « un excellent exemple de la façon dont le Sénat peut se saisir d'une mesure législative et obtenir des résultats qui, je l'espère, profiteront à tout le pays. »

Honorables sénateurs, c'est ainsi que le Sénat a toujours fonctionné, et c'est ainsi qu'il devrait fonctionner aujourd'hui afin d'agir dans le meilleur intérêt des Canadiens. Or, les choses sont radicalement différentes aujourd'hui. Alors qu'il prétend faire de l'ordre public son cheval de bataille, le gouvernement refuse pourtant d'obéir lui-même à la loi. Les agriculteurs canadiens qui ont été dûment élus par leurs pairs pour les représenter ont été muselés, et voilà que le gouvernement adopte un comportement qui est qualifié d'affront à la primauté du droit.

Ce n'est pas ainsi que je conçois la démocratie. Ce n'est pas ainsi que l'on adopte des lois, ce n'est pas ainsi que le Parlement doit fonctionner et ce n'est pas ainsi que l'on gouverne un pays.

Le sénateur Eaton trouve cela amusant.

Je vais terminer en citant une chronique de Frances Russell, publiée dans le Winnipeg Free Press d'hier. La chronique est intitulée « Rule by law, or is it rule of law? »

Mme Russell a écrit ce qui suit :

Le Canada est-il subordonné à la primauté du droit — ou uniquement aux lois jugées acceptables par le parti au pouvoir? De toute évidence, la différence entre les deux n'est pas que purement sémantique. C'est ce qui distingue la démocratie de l'autoritarisme, un gouvernement constitutionnel d'un gouvernement partisan provisoirement majoritaire qui exerce le pouvoir de façon totalement arbitraire.

Ces questions fondamentales se posent à la suite de la décision des conservateurs de Harper d'abolir le guichet unique de la Commission canadienne du blé sans soumettre préalablement cette initiative au vote des producteurs de blé et d'orge de l'Ouest, comme l'exige la Loi sur la Commission canadienne du blé.

L'auteur de l'article analyse le jugement rendu par la Cour fédérale et poursuit ainsi :

Errol Mendes, expert en droit constitutionnel de l'Université d'Ottawa, prévient que, lorsqu'un gouvernement enfreint la loi, au mépris de la justice ou des droits...

Le sénateur LeBreton : Oh, oh!

Le sénateur Cowan : Parfois, sénateur LeBreton, lorsqu'on écoute, on apprend.

Errol Mendes, expert en droit constitutionnel de l'Université d'Ottawa, prévient que, lorsqu'un gouvernement enfreint la loi, au mépris de la justice ou des droits en jeu, « on se dirige vers un État autoritaire. Le gouvernement prône en fait de faire fi de la primauté du droit dans notre pays afin de gouverner à coup de lois. »

Il ajoute que la Chine gouverne « à coup de lois ».

Honorables sénateurs, mon Canada respecte la primauté du droit. Je voterai contre le projet de loi C-18 et j'invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour envoyer un message clair au gouvernement Harper. Il faut lui dire qu'il est extrêmement important que tous les Canadiens — y compris, et surtout, les ministériels — respectent les lois de ce pays et respectent la primauté du droit.

Des voix : Bravo!

L'honorable Bert Brown : Est-ce que le sénateur Cowan accepterait de répondre à une question?

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Cowan, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Cowan : Oui.

Le sénateur Brown : Ai-je ou n'ai-je pas montré une copie de la décision de la Cour fédérale dans laquelle on peut lire que « personne au Canada ne doit exporter du blé ou tout produit du blé sans la coopération de la Commission »?

Le sénateur Baker m'a remis une copie de cette déclaration erronée faite par la Cour fédérale. En effet, les agriculteurs du Québec et de l'Ontario ont toujours été en mesure de vendre ou d'exporter leur grain.

J'accepterais que le sénateur Cowan s'excuse sur le champ auprès des sénateurs ou de tout autre parlementaire élu.

Le sénateur Cowan : Cette période est réservée aux questions et aux observations. La question visait à savoir si le sénateur Brown m'a montré une copie de l'article et la réponse est oui.

Le sénateur Brown : Le sénateur Baker a une autre copie dans ses mains.

Le sénateur Cowan : Le sénateur Brown m'a montré une copie de l'article. Je l'ai bien sûr lu moi-même. Je l'ai même cité la semaine dernière et de nouveau aujourd'hui. Plusieurs autres sénateurs l'ont également cité.

Ce n'est pas à moi que le sénateur Brown veut s'en prendre. Il interprète l'article différemment du juge Campbell de la Cour fédérale du Canada. Je ne dis pas que le juge Campbell a raison et que le sénateur Brown a tort. Il se peut que le sénateur Brown ait raison. C'est pourquoi les tribunaux d'appel existent.

Je vais répéter ce que j'ai dit au tout début : Le gouvernement doit interjeter appel de la décision du juge Campbell et interrompre l'étude de ce projet de loi.

Il se peut que le sénateur Brown ait raison et que le juge Campbell ait tort. Les juges ne sont pas infaillibles, ils font des erreurs. C'est pourquoi les tribunaux d'appel existent.

Le gouvernement devrait interrompre les délibérations immédiatement, interjeter appel, demander que la Cour d'appel fédéral entende l'appel dans les plus brefs délais et, si la décision de celle-ci ne lui plaît pas, porter la cause devant la Cour suprême. Si, après toutes ces étapes, il s'avère que le gouvernement a raison, que le sénateur Brown a raison, alors nous adopterons le projet de loi et personne ne pourra s'y opposer.

Pour l'instant, la seule opinion que nous ayons veut que le sénateur Brown ait tort.

Le sénateur Brown : Cela ne répond pas à la question que j'ai posée. J'ai demandé si le sénateur Cowan avait un exemplaire du document que le sénateur Baker a cité, qui dit que personne au Canada ne peut exporter des grains ou des produits céréaliers. La cour était dans l'erreur.

Je veux que le sénateur Cowan me dise s'il a lu le document et si je le lui ai montré.

Le sénateur Cowan : Le sénateur Brown me demande si je peux confirmer qu'il m'a montré la disposition de la loi. Je lui confirme qu'il l'a fait. Je l'ai même lue. Le sénateur Baker y a fait référence, tout comme plusieurs autres sénateurs.

Le sénateur Brown interprète cette disposition d'une façon, et moi d'une autre. Le juge Campbell, de la Cour fédérale du Canada, l'interprète de la même façon que moi.

Il se peut que le sénateur Brown ait raison et que j'aie tort. J'ai déjà eu tort par le passé, tout comme le sénateur, j'imagine.

(1520)

Par contre, ce n'est pas à nous décider si le juge Campbell a raison ou tort. C'est la décision que doit rendre la Cour d'appel fédérale.

Ce que vous devez faire, sénateur Brown, c'est de convaincre... Ne secouez pas la tête. Il vous faut persuader votre collègues du gouvernement qu'ils... Sénateur Brown, puis-je finir de parler?

Le sénateur Brown : J'ai dit...

Des voix : À l'ordre. À l'ordre.

Le sénateur Campbell : À l'ordre! Assoyez-vous!

Le sénateur Fraser : C'est le Président qui accorde la parole.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Brown, c'est le sénateur Cowan qui a la parole.

Le sénateur Cowan a la parole.

Le sénateur Cowan : C'est avec le juge Campbell que vous vous querellez, pas avec moi. Je suis convaincu, sénateur Brown, que si vous exprimiez le désir témoigner ou de présenter un mémoire, cela ne changerait rien, car le Sénat du Canada ne peut pas annuler la décision du juge Campbell. Il se peut que cela vous contrarie. Peut- être voudrez-vous maintenant abolir la Cour d'appel fédérale.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : La Cour d'appel fédérale... — Sénateur Brown? Sénateur Brown?

Le sénateur Campbell : Sénateur Brown, êtes-vous là?

Le sénateur Cowan : C'est à la Cour d'appel fédérale que l'on conteste les décisions de la Cour fédérale du Canada. Si vous n'aimez pas la décision rendue par la Cour fédérale du Canada, ne la contestez ni au Sénat ni à la Chambre des communes. C'est devant la Cour d'appel du fédéral que vous pouvez en appeler de la décision. Si vous n'aimez pas la décision qu'elle rendra alors, allez ensuite à la Cour suprême du Canada. Quoi qu'il en soit, ne faites pas fi de la décision, sénateur Brown. C'est tout ce que j'ai à dire.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Nous poursuivons la période des questions et observations.

[Français]

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, dans le deuxième volet de l'intervention du sénateur Brown, il demandait des excuses au sénateur Cowan concernant sa position à titre de sénateur élu, qu'il a perçue comme péjorative à son égard. Je me questionne : les sénateurs élus ont-ils des privilèges que les sénateurs nommés n'ont pas?

[Traduction]

Le sénateur Cowan : À ce que je sache, il ne m'a pas demandé de m'excuser de quoi que ce soit.

Est-ce que j'ai raté quelque chose, sénateur Brown?

Le sénateur Brown : Non, vous n'avez rien manqué. Ce que j'ai dit, c'est que cela n'avait rien à voir avec ce que dit la loi. Cela avait à voir avec la mauvaise décision du tribunal. C'est ce que le sénateur Baker a...

Le sénateur Campbell : C'est votre opinion.

Le sénateur Brown : ... et c'est ce que je vous lis.

Le sénateur Cowan : Sénateur Brown, je ne puis que répéter ce que j'ai dit. Si vous n'aimez pas la décision de la Cour fédérale, appelez- en à la Cour d'appel fédérale; ne vous plaignez pas au Sénat.

Le sénateur Campbell : Un peu de maturité!

Le sénateur Cowan : Pour en revenir à la question du sénateur Dallaire, à ce que je sache, le sénateur Brown a été nommé à cette assemblée comme nous tous. Il a les mêmes droits et privilèges que nous tous, ni plus, ni moins.

Une voix : Bravo!

Le sénateur Comeau : Voilà. C'est réglé.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, mon père était producteur de grain. Il a vendu la ferme à mes frères, qui ont décidé d'acheter d'autres fermes et de produire plus de grain. Ils vendaient leur grain à qui ils voulaient bien le vendre et, un jour, ils ont décidé de le transformer et de le vendre dans des animaleries. C'était une petite entreprise. Ils ont commencé à acheter le grain de leurs voisins. Ils ont négocié directement avec leurs voisins la possibilité d'acheter leur grain. Ils ont créé une entreprise assez florissante, qui embauche actuellement de 30 à 40 employés, qui vend son produit au Québec, mais aussi dans le reste du Canada et un peu aux États-Unis. Maintenant, ils achètent du grain de plusieurs endroits dans le monde, même en Argentine.

Ma question est simple : les Québécois peuvent commercialiser leur grain comme bon leur semble et ont des entreprises florissantes. Pourquoi voulez-vous priver les gens de l'Ouest canadien de ce même droit?

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Merci, sénateur Carignan. Je ne cherche pas du tout à empêcher les agriculteurs de l'Ouest de faire quoi que ce soit. Tout ce que je dis, c'est que la loi stipule que pour redéfinir le champ de compétence fondamental ou revoir la nature même de la Commission canadienne du blé, il faut d'abord consulter son conseil d'administration et tenir un plébiscite.

Ce que je veux dire, c'est que ni l'un ni l'autre de ces critères n'a été respecté, et c'est ce qu'a conclu la Cour fédérale. Si le gouvernement avait consulté le conseil d'administration, tenu un plébiscite, et qu'une majorité des agriculteurs aptes à voter s'étaient exprimés en faveur de la proposition, et avait alors présenté son projet de loi en disant : « Non seulement nous avons promis que nous mettrions fin au régime du guichet unique, mais nous l'avons fait durant trois ou quatre campagnes électorales. Tout le monde est d'accord. Tout le nécessaire a été fait aux termes de l'article 47.1 », je n'aurais aucun problème avec ça. Je n'ai pas à dire aux agriculteurs de l'Ouest comment commercialiser leur blé et leur orge.

Je ne dis pas qu'il devrait ou qu'il ne devrait pas y avoir ni qu'il aurait dû y avoir un régime analogue au Québec, en Ontario ou en Nouvelle-Écosse, mais je dis qu'il existe un régime aujourd'hui, et que la loi stipule que, pour le modifier, il faut suivre certaines étapes. Mon problème, c'est le processus qui a été suivi, pas la question de savoir s'il devrait ou non y avoir un régime de commercialisation à guichet unique pour les agriculteurs de l'Ouest.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous êtes un avocat éminent, vous avez une carrière florissante et exceptionnelle. Vous êtes reconnu comme un expert par vos pairs. Je vais donc vous poser une question juridique : s'il y avait une décision, une loi qui était manifestement à l'avantage de l'ensemble des Canadiens, mais manifestement au désavantage des agriculteurs, et que l'on doive choisir entre les intérêts collectifs de l'ensemble des Canadiens et l'intérêt des agriculteurs, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que ce référendum ne passerait jamais parmi les agriculteurs? Ils ne l'approuveraient jamais parce que ce n'est pas dans leur intérêt, ce qui fait que votre interprétation de l'article 47.1 a pour résultat que jamais le Parlement ne pourrait modifier une loi.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Je crois que le sénateur m'a mal compris. Je n'ai rien contre le principe de la souveraineté du Parlement. Nous savons que, sauf exception, une législature donnée ne peut exercer de contraintes sur une législature qui lui succède. Je pense que le sénateur et moi avons cité le professeur Hogg. L'extrait que d'autres et moi-même avons cité ici au cours de ce débat, de notre discussion, indique clairement que l'exception à ce principe, c'est qu'une législature donnée peut établir certains critères à respecter avant qu'une autre législature modifie la loi, et c'est ce qui arrive dans le cas qui nous occupe. C'est ce que la cour a déterminé.

Le sénateur et moi ne sommes peut-être pas du même avis lorsqu'il s'agit de déterminer si la cour a raison. C'est peut-être le sénateur qui a raison, et moi qui ai tort. Il m'est arrivé de donner de mauvais avis juridiques, et je suis persuadé que le sénateur l'a fait aussi.

Comme j'ai tenté de l'expliquer au sénateur Brown, c'est pour cela que la cour existe. C'est l'argument que l'on défendrait devant la Cour d'appel fédérale.

Cependant, le seul avis juridique dont nous disposons sur cet article, c'est que la situation correspond à l'exception à laquelle le professeur Hogg faisait allusion, et c'est l'un des seuls moyens dont une législature dispose pour exercer des contraintes sur une législature qui lui succède.

Je répète que je ne contesterais pas les résultats d'un plébiscite tenu auprès des agriculteurs de l'Ouest. Je ne dirais pas : « Je préférerais qu'il y ait un système de commercialisation à guichet unique pour les céréales de l'Ouest canadien. Je ne suis pas d'accord. » Ce n'est pas à moi de décider. La loi dit que c'est à eux de décider. Ce qui me pose problème, en fait, c'est le refus du gouvernement de prendre les deux mesures prévues à l'article 47.1.

(1530)

Nous avons entendu des gens dire que la très grande majorité des agriculteurs de l'Ouest appuient la position du gouvernement. C'est possible. Par contre, le ministre ne leur a pas donné la possibilité de voter dans le cadre d'un plébiscite ou d'un référendum, comme le prévoit l'article 47.1.

Si un vote avait été organisé et que le résultat avait été conforme au souhait du gouvernement, je n'aurais rien à redire. Je n'en parlerais même pas. Ce que je conteste, c'est le processus que le gouvernement a suivi. Je crois qu'il comporte de graves lacunes, et à mon avis, nous nous engageons sur une pente très dangereuse si nous ignorons cette disposition en particulier, cette exception particulière à la suprématie du Parlement. Honorables sénateurs, là est toute la question.

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, pour tenter de simplifier tout cela, j'aimerais que le sénateur Cowan nous dise, selon sa compréhension du droit au Canada, ce qui se produira, par exemple, si un tribunal rend une décision qui, de l'avis de tous ceux qui sont présents dans cette enceinte, est choquante et erronée. Sera-t-elle maintenue jusqu'à ce qu'elle soit renversée dans le cadre d'un appel ou jusqu'à ce que le Parlement y réagisse?

Le sénateur Cowan : Absolument. Je crois que c'est exact, sénateur Furey.

L'honorable Hugh Segal : Étant donné la réponse obligeante qu'il vient de donner au sénateur Furey, je me demande si le sénateur Cowan nous dira s'il accepte tous les précédents établis par les instances supérieures, provinciales et fédérales, à qui on avait demandé de se prononcer sur une loi existante, adoptée des mois, voire des années auparavant, selon le cas, qui ont déterminé en dernier ressort que la loi en question était anticonstitutionnelle ou contrevenait à la Charte canadienne des droits et libertés. Dans de tels cas, la cour a donné au gouvernement le temps de faire les rajustements appropriés, mais la capacité de légiférer du Parlement pendant le processus n'en a pas pour autant été entravée. Le sénateur suggère-t-il que ce projet de loi est particulier au point que les nombreux précédents ayant permis au Parlement de procéder de la meilleure manière possible, en faisant appel à son meilleur jugement pour prendre les mesures qu'il juge à propos — en acceptant les points de vue divergents entre les majorités et les minorités qui ont existé par le passé — que cette règle du précédent ne devrait pas exister, que ce projet de loi devrait recevoir un traitement spécial, différent de tous les autres projets de loi de l'histoire du pays?

Le sénateur Cowan : La différence tient au fait que l'exception à la règle de la suprématie du Parlement est une question de mode et de forme.

La grande question est de savoir quelle est la meilleure chose à faire. Je ne peux pas vous le dire aujourd'hui, je ne le sais pas. Je ne me suis pas penché sur les conséquences que cela aura. Nous voterons à 17 h 30 aujourd'hui, la sanction royale sera sans doute accordée peu après, et le projet de loi entrera en vigueur.

Supposons que la décision du juge Campbell soit maintenue par la Cour suprême du Canada. Je ne sais pas dans quelle situation nous serions alors. Pour déterminer ce qu'il convient de faire dans les circonstances actuelles, nous pouvons procéder de deux manières en tant que Parlement et en tant que Sénat. Nous pouvons suivre la voie sur laquelle nous semblons engagés, ou nous pouvons considérer que nous avons maintenant une décision à prendre. Que le juge Campbell ait raison ou non, le processus a été remis en question. Le juge a déclaré que ce projet de loi était contraire à la loi et n'aurait pas dû être soumis à notre examen. C'est ce qu'il a dit, peu importe qu'il ait raison ou non.

Madame le sénateur LeBreton a déclaré être déçue de cette décision et a dit que le gouvernement irait en appel. Je ne sais pas s'il a déjà interjeté appel.

Le sénateur Tardif : Oui, il l'a fait.

Le sénateur Cowan : L'appel a été déposé et sera entendu en temps opportun.

Il nous revient maintenant de décider ce que nous ferons. Oublions la loi pour un instant. Que serait-il raisonnable de faire maintenant? Nous pourrions décider de foncer, d'adopter le projet de loi puis de voir ce qui se passera ensuite. Supposons que la Cour d'appel fédérale et la Cour suprême maintiennent la décision du juge Campbell. Dans ce cas, le plus haut tribunal du pays dirait que le ministre Ritz a manqué à ses obligations légales et que c'est abusivement que ce projet de loi a été présenté au Parlement. Cette supposition n'est peut-être pas exacte, puisque je ne sais pas ce qui se produira.

Si un tel jugement était rendu, ce ne serait pas le cas avant plusieurs mois. Entre-temps, des agriculteurs se seraient fiés à la nouvelle loi adoptée et auraient commercialisé leurs céréales sans faire appel à la Commission canadienne du blé. En vertu des nouvelles dispositions, le gouvernement aurait congédié les membres du conseil d'administration élus par les agriculteurs pour les remplacer par des administrateurs nommés par eux, qui auraient commencé non pas à mettre fin aux activités, mais à les ralentir et à s'occuper des actifs restants de la Commission canadienne du blé. Il ne fait aucun doute que les grands joueurs comme Cargill dont les sénateurs Banks et Mitchell ont parlé se seraient employés à acheter directement ou indirectement la fidélité des agriculteurs pour qu'ils leur soient redevables. C'est ce qui se produira. Alors, une fois l'omelette cuite, comment s'y prendra-t-on pour remettre les œufs dans leur coquille? Comme je l'ai demandé l'autre jour au Président, lorsque j'ai soulevé la question de privilège, comment sera-t-il possible de revenir en arrière?

À l'inverse, nous pourrions attendre la décision de la Cour suprême du Canada une fois qu'elle aura entendu rapidement l'appel, à la demande du gouvernement. Peut-être qu'elle sera d'accord avec le sénateur Brown et qu'elle contredira le juge Campbell. Dans ce cas, nous adopterions le projet de loi.

Mais si la Cour suprême du Canada n'est pas d'accord avec le sénateur Brown et décide que le projet de loi ne pouvait pas être soumis au Parlement, ce qui le rend invalide, que ferons-nous? C'est l'argument que j'essaie de faire valoir.

Nous devrions oublier la dimension juridique et songer à ce qu'il convient de faire dans les circonstances actuelles. Il conviendrait de nous arrêter où nous en sommes, d'attendre la décision de la Cour sur le point de droit, puis d'en prendre acte d'une façon ou d'une autre.

Le sénateur Segal : Mon bon ami me corrigera si j'ai mal compris sa position. En somme, il est d'avis que les deux hypothèses présentent des risques et de l'incertitude. Dans la première hypothèse, où le Parlement adopterait le projet de loi, il y a un risque parce qu'il y a de bonnes chances que ceux qui s'y opposent demandent une injonction contre la promulgation soit du règlement d'application, soit de diverses autres lois de nature administrative qui découleraient de l'adoption du projet de loi actuel et de sa sanction royale. Le résultat, dans ce premier cas, est donc incertain.

L'autre incertitude, celle que préfère l'honorable sénateur, si je ne m'abuse, c'est si nous décidions de laisser la Cour fédérale rendre un jugement déclaratoire, ce qui fait déjà l'objet d'un appel, sans préciser qu'on devrait mettre fin à certains débats et à certains travaux, un simple jugement déclaratoire qui stopperait tout jusqu'à ce qu'un appel et peut-être même un deuxième soient réglés, au bout de Dieu sait combien de temps.

Ce qui me frappe, c'est que les deux incertitudes ont des effets différents. L'idée selon laquelle les sénateurs, dans l'exercice de leurs responsabilités souveraines, choisiraient l'incertitude la moins marquée, à savoir une loi claire adoptée par le Parlement et édictée pour que les règles soient apparentes et claires, est beaucoup plus dans l'intérêt de la population.

L'honorable sénateur confirmera-t-il que j'ai raison de dire qu'il préfère une incertitude à une autre, moins grande?

Le sénateur Cowan : Si nous mettions tout simplement le projet de loi en veilleuse, sur la glace, et que nous ne faisions rien de plus jusqu'à ce que les tribunaux aient rendu un jugement final, le pire qui pourrait arriver, c'est que ceux qui ne veulent pas du guichet unique seraient obligés de l'utiliser encore pour une courte période.

À mes yeux, cela causera beaucoup de moins de problèmes aux agriculteurs, à la population et aux marchés que si la Cour suprême du Canada statuait que ce projet de loi n'est pas adéquat. Comment faire marche arrière, se débarrasser des candidats qui seront nommés par le gouvernement et remettre en place des administrateurs élus par les agriculteurs? Cela me semble être une toute autre histoire, car c'est beaucoup plus difficile à faire que de demander à ceux qui veulent se départir du guichet unique d'attendre encore un peu plus longtemps pour voir qui du sénateur Brown ou du juge Campbell a raison.

(1540)

Le sénateur Segal : Le sénateur n'est-il pas un peu troublé par le précédent qui risque d'avoir été créé sur les plans législatif et démocratique à l'autre endroit et dans cette enceinte parce que normalement, lorsque la Chambre des communes ou le Sénat étudie un projet de loi, le simple fait qu'une requête en jugement déclaratoire soit adressée à une instance juridique, supérieure dans le cas qui nous intéresse ici, suffit à paralyser le processus législatif jusqu'à ce qu'on interjette appel? Le sénateur aimerait-il que ce projet de loi crée un tel précédent?

Le sénateur Cowan : Il ne s'agit pas d'une requête. Il y a deux requêtes, pas une seule, et une décision a été rendue. Ce n'est pas une question de requête. Le tribunal a rendu une décision dont madame le sénateur LeBreton est déçue. La solution consiste à interjeter appel de cette décision et on connaît la suite du processus. Le tribunal a peut-être erré, mais on ne sera pas fixé à cet égard tant qu'on n'aura pas interjeté appel.

Le sénateur Tardif : Pour l'instant, c'est ce que prévoit la loi.

Le sénateur Cowan : Pour l'instant, c'est la seule interprétation que nous ayons sur le plan juridique.

Son Honneur le Président : Nous en sommes à la période des questions et observations. Le sénateur Baker a la parole.

L'honorable George Baker : Je me demande si le sénateur Cowan pourrait vérifier pour nous s'il s'agit effectivement d'un cas auquel s'applique l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, qui ont compétence exclusive à l'égard de l'appel d'une décision ministérielle. J'aimerais également qu'il confirme que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la constitutionnalité de l'article en question, mais uniquement sur la légalité de la décision du ministre et sur le fait que le gouvernement fédéral ne devrait jamais prendre de telles décisions sans consulter les intéressés.

Le sénateur Cowan : Honorables sénateurs, c'est ce que je comprends.

L'honorable Michael A. Meighen : Honorables sénateurs, il y a longtemps que je ne pratique plus le droit de façon active. Il va sans dire que ma carrière juridique n'a probablement pas été aussi remarquable que celle du sénateur Cowan. Toutefois, je suis enclin à partager le point de vue de mon collègue le sénateur Segal en ce qui concerne la suprématie du Parlement. Si j'ai bonne mémoire, la capacité d'obtenir une injonction dépend généralement de la capacité de revenir en arrière, et plus il est difficile de faire marche arrière, plus il y a de chance d'obtenir une injonction.

La question est la suivante : pourquoi la Commission canadienne du blé n'a-t-elle pas demandé une injonction? Pourquoi n'en demande-t-elle pas une? De cette façon, si la thèse du sénateur, qui est sans doute partagée par la commission, est correcte et qu'il serait trop difficile de revenir en arrière, la commission pourrait obtenir une injonction et mettre fin à cette mesure sans interrompre le travail du Parlement. C'est ce qui compte vraiment.

Le sénateur Cowan : Comme le sénateur, il y a longtemps que je n'exerce plus le droit. Toutefois, d'après ce que je me souviens, le sénateur a raison, et il y a une prépondérance des inconvénients. C'est ce que je tentais d'expliquer dans ma réponse au sénateur Segal.

Je pense que c'est correct. Je ne suis pas un expert de la procédure suivie par la Cour fédérale du Canada, mais je ne crois pas que la Cour suprême du Canada ou la Cour fédérale du Canada ait le droit de prononcer une injonction. La Commission canadienne du blé n'a certainement pas demandé d'injonction à la Cour fédérale du Canada. Je ne parle évidemment pas pour la commission, mais j'ai cru comprendre qu'elle avait demandé hier une injonction à la Cour du Banc de la Reine du Manitoba. Je ne sais pas si la requête a été entendue et sur quoi elle se fondait. Quand j'ai examiné le dossier, j'ai demandé pourquoi la commission n'avait pas demandé d'injonction, et on m'a répondu que la Cour fédérale du Canada ne pouvait pas prononcer d'injonction. Je ne sais pas si c'est vrai.

Le sénateur Meighen : Je ne veux pas nécessairement m'éterniser sur cette question, mais tant que l'injonction est prononcée, ce n'est pas vraiment important de savoir qui la prononce.

Le sénateur Cowan : Exactement.

Le sénateur Meighen : Voyons si la commission obtient son injonction.

[Français]

Le sénateur Carignan : Le leader de l'opposition, peut-il me dire comment il concilie son opinion avec celle de la Cour suprême?

Je vais citer un passage de la décision de la Cour suprême dans affaire du renvoi à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, qui évoque d’ailleurs les expectatives légitimes telles que les a exprimées le sénateur Baker. Je suis en désaccord avec la théorie des expectatives légitimes, car elle créerait le droit pour une personne d’être consultée avant même qu’une loi ne soit adoptée. Je crois que, à ce moment-là, on parle de droit substantif, et que la théorie ne s’applique pas.

Je vais lire lentement, pour m'assurer que la traduction se fasse bien.

Le gouvernement parlementaire serait paralysé si la théorie de l'expectative légitime pouvait s'appliquer de manière à empêcher le gouvernement de déposer un projet de loi au Parlement. Des expectatives pourraient naître de déclarations faites au cours d'une campagne électorale. L'activité gouvernementale serait au point mort pendant que la question de l'application et de l'effet de la théorie serait débattue devant les tribunaux. En outre, il est essentiel à notre système de gouvernement qu'un gouvernement ne soit pas lié par les engagements de son prédécesseur. La théorie de l'expectative légitime aurait pour effet d'imposer une restriction à ce trait essentiel de la démocratie.

Comment conciliez-vous ce passage avec ce que vous nous avez dit cet après-midi?

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Je ne pense absolument pas qu'il y ait de contradiction là. Je disais, comme le tribunal l'a fait, qu'une disposition précise de la loi mentionne que deux conditions doivent être remplies avant qu'un projet de loi puisse être présenté au Parlement. Pour ce qui est du juge Campbell, le fait que, selon moi, il ait raison ou tort est sans importance. Je ne suis pas juge. Lui, il l'est. On lui a demandé son opinion et il l'a donnée. À son avis, il y a clairement eu manquement à l'obligation que la loi impose au ministre.

Comme je l'ai dit lorsque j'ai traité de la question de privilège, selon moi — et il est possible que me trompe — le gouvernement aurait pu présenter le projet de loi en disant : « Nous allons modifier l'article 47.1. Nous allons présenter une loi qui modifie la Loi sur la Commission canadienne du blé en supprimant l'article 47.1, ou du moins les exigences qu'il renferme. Nous allons adopter cette mesure législative puisque nous jouissons d'une majorité à la Chambre des communes et au Sénat. » Le gouvernement aurait ensuite pu déposer le projet de loi.

Je ne pourrais contester cette façon de faire. Toutefois, selon moi, et selon le juge Campbell, le gouvernement ne peut pas tout faire d'un seul coup et dire : « Nous nous fichons de ce que prévoit l'article 47.1. Nous n'allons pas consulter la commission. Nous n'allons pas tenir de plébiscite et, en fait, nous allons rejeter celui qui a été tenu par les producteurs parce que le gouvernement ne veut pas de plébiscite. Nous allons aller de l'avant et modifier le mandat fondamental de la Commission canadienne du blé. »

Selon moi, cette façon d'agir est très différente de ce que dit la Cour suprême, à savoir qu'il est erroné — et je suis d'accord — de laisser entendre qu'une législature est liée par les mesures prises par ses prédécesseurs. Je crois que l'exception est celle dont nous avons discuté auparavant, à savoir une loi antérieure qui énonce — comme celle-ci, ou comme la Loi sur la clarté, pour donner un autre exemple — les conditions qui doivent être satisfaites avant qu'un gouvernement futur modifie une mesure législative. C'est le point important.

Pour ce qui est des attentes légitimes, il y a deux aspects. Je pense qu'il est juste de dire que — du moins jusqu'à maintenant — la majorité des Canadiens s'attendent de façon légitime à ce que le gouvernement respecte ses propres lois. Je m'attends à devoir obéir aux lois et, jusqu'à maintenant, j'ai toujours cru que le gouvernement avait la même obligation.

Les gens ont des attentes légitimes selon lesquelles les lois doivent être respectées par tous, qu'il s'agisse du premier ministre, du gouvernement du Canada, d'un sénateur ou d'un simple citoyen.

J'ai peut-être mal compris l'interprétation, mais je pense qu'une allusion a été faite aux déclarations formulées dans le cadre des campagnes électorales. C'est difficile à imaginer, mais je pense qu'il arrive, pendant une campagne électorale, que les gens disent des choses qu'ils ne diraient pas à d'autres moments ou qu'ils prennent des engagements qu'ils ont du mal à respecter par la suite. Cependant, surtout en l'occurrence, le ministre Ritz a pris des engagements précis...

Une voix : Des promesses.

Le sénateur Cowan : ... à propos du respect de la démocratie et de la volonté des agriculteurs.

(1550)

Il n'y a aucun doute quant à ce que votre parti a dit qu'il ferait. La question ne se pose même pas. Je ne remets pas du tout en question le droit de votre gouvernement de démanteler la commission, mais cela doit se faire dans le respect de la loi. C'est là où je veux en venir, sénateur Carignan.

Le sénateur Baker : Le sénateur Cowan ne convient-il pas du fait que, si les appels des décisions ministérielles relèvent exclusivement du ressort de la Cour fédérale — ce qui est effectivement le cas depuis qu'elle a remplacé la Cour de l'Échiquier en 1972, si je ne m'abuse —, il serait censé de demander à la Cour fédérale de trancher avant de présenter une demande d'injonction à un tribunal compétent?

Si vous sollicitiez immédiatement une injonction, le tribunal vous dirait de vous se présenter devant la Cour fédérale, seule instance habilitée à statuer sur la légalité d'une décision ministérielle. Le sénateur n'est-il pas d'accord?

Le sénateur Cowan : Je le suis.

Le sénateur Plett : J'aimerais poser une dernière question au sénateur Cowan, s'il le veut bien. Je suis un peu intimidé à l'idée d'intervenir dans un débat de juristes, mais on dit parfois qu'un plombier ou un fermier est davantage en mesure de poser les questions simples.

Sénateur Cowan, vous avez affirmé que notre gouvernement aurait dû attendre la décision du tribunal. Or, la décision a été prise : l'injonction n'a pas été accordée.

Au comité, j'ai demandé à M. Oberg pourquoi il n'avait pas demandé une injonction, car il m'aurait semblé logique qu'il le fasse. Il a répondu très clairement qu'il ne l'a pas fait parce qu'il ne croyait pas pouvoir obtenir gain de cause. Pas parce qu'il s'agissait d'une Cour fédérale, mais simplement parce qu'il ne pensait pas pouvoir obtenir une injonction.

M. Oberg a accordé plus tard une interview télévisée. Je me trouvais à ses côtés, attendant mon tour. Le reporter lui a posé la même question : allez-vous demander une injonction? Il a de nouveau répondu : « Non, car nous ne croyons pas pouvoir obtenir une injonction. »

En fait, je ne crois pas que le gouvernement soit simplement en train de faire adopter un projet de loi à toute vapeur. Il a interjeté appel de la décision du juge Campbell. Celui-ci ne nous a pas accordé d'injonction. Les parties sont de nouveau devant les tribunaux, comme vous le dites — je crois aussi que c'est aujourd'hui —, mais je ne sais trop pourquoi; elles demandent un report quelconque. Le juge pourrait fort bien l'accorder après la sanction royale.

Je suppose que nous allons alors devoir attendre. Toutefois, l'une des raisons pour lesquelles nous devions nous presser, c'est que, si nous voulons que le projet de loi entre en vigueur cette année, il faut l'adopter tout de suite, de façon que les agriculteurs puissent établir un contrat à terme pour se mettre à l'œuvre le 1er août.

Il n'y a rien ici qui dise ce qu'un juge peut faire. La juge Karen Sharlow — et je l'ai signalé dans l'une de mes interventions — a dit très précisément que l'article 47.1 n'empêche pas le Parlement de légiférer comme bon lui semble.

Je ne vois pas très bien quels propos le juge Campbell aurait tenus qui nous empêcherait d'aller de l'avant en faisant adopter le projet de loi et en interjetant appel. Si le juge de la cour manitobaine suspend certaines mesures, nous devrons respecter sa décision, comme nous respectons toujours les décisions des juges.

Je crois que nous nous y prenons de la bonne façon. Nous ne faisons pas adopter le projet de loi à toute vapeur. Nous respectons toutes les dispositions de la loi. Mais peut-être que vous voyez les choses différemment, avec votre culture juridique.

Le sénateur Cowan : Merci, sénateur Plett. La réponse à la question de l'injonction, c'est que, comme le sénateur Baker l'a dit, la Cour fédérale n'a pas le pouvoir d'accorder une injonction. Comme il l'a dit dans la question qu'il m'a posée tout à l'heure, je crois qu'il fallait suivre la procédure. Il fallait d'abord obtenir la déclaration, et, ensuite, obtenir l'injonction.

J'ignore pourquoi la Commission canadienne du blé a fait ce qu'elle a fait au moment où elle l'a fait, pourquoi elle a présenté une demande ici et une autre là-bas. Comme je n'étais pas partie à ces procédures, je n'en sais rien. Je me demande si ce n'est pas parce qu'elle devait s'adresser d'abord à la Cour fédérale et que celle-ci ne pouvait pas accorder l'injonction dont nous avons parlé.

Voilà ce que j'ai à répondre à ce sujet.

Le sénateur Plett : Le juge Campbell a dit dans sa décision que le requérant n'avait pas réclamé d'injonction.

Le sénateur Cowan : C'est exact. Et s'il ne l'a pas fait, c'est que la Cour fédérale n'a pas le pouvoir d'accorder des injonctions. Il ne l'a donc pas demandée.

Quant à l'autre question — répondiez-vous au sénateur Plett ou voulez-vous que je réponde? Avez-vous terminé?

Le sénateur LeBreton : Excusez-moi?

Le sénateur Cowan : Avez-vous fini de donner votre réponse?

Le sénateur LeBreton : Oh, oh!

Le sénateur Cowan : Sauf erreur, sénateur Plett, vous avez demandé ce que nous devrions faire maintenant. Nous y prenons- nous correctement ou devrions-nous attendre?

La seule opinion que nous ayons à ce sujet, c'est celle du juge Campbell. Comme je l'ai dit, il a peut-être raison, mais il peut aussi avoir tort. C'est ce que l'appel déterminera.

Je pense simplement qu'il sera plus compliqué de régulariser la situation si nous constatons au bout du compte que la Cour suprême du Canada donne raison au juge Campbell et dit que le gouvernement doit tout recommencer depuis le début, qu'il ne s'y est pas pris comme il le fallait.

Si la Cour suprême du Canada n'est pas de l'avis du juge Campbell et estime que le gouvernement a agi correctement, il n'y aura aucun problème. Toutefois, il y a toujours la possibilité que la décision du juge soit confirmée. Cela nous placerait dans une situation très inconfortable.

J'accepte sans réserve votre argument : à moins que le projet de loi ne soit adopté dès maintenant, les efforts de commercialisation ne pourront se faire à la date que vous avez dite. La conséquence serait que, pendant une campagne de plus ou une année de plus, le régime de guichet unique de la Commission canadienne du blé continuerait de s'appliquer. C'est du moins ce que je crois comprendre.

C'est une question d'équilibre. Il faut mettre en balance la commodité et la difficulté. Telle est la situation qui se présenterait, selon moi.

Voici ce que dit le juge Campbell, et cela a peut-être plus à voir avec la réponse au sénateur Carignan. La citation est extraite de la page 19 :

Au cours de leur argumentation verbale, les requérants ont confirmé que, s'ils obtenaient gain de cause au sujet de la dérogation à l'article 47.1, ils seraient satisfaits de ce seul résultat de leur démarche. Par conséquent, j'exerce la discrétion qui m'est laissée pour ne pas faire droit aux demandes de Déclaration d'attente légitime.

Je présume que la demande comprenait deux aspects. Les requérants ont eu gain de cause sur un point, mais non sur l'autre. Je crois que c'est là une réponse complète à votre question, sénateur Carignan.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : D'accord.

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, je ne sais pas comment nous pourrions procéder, et ce, avec le consentement du Sénat. Il y a eu une discussion entre les leaders des deux côtés, et nous allons demander de tenir un vote par appel nominal sur cette question. Nous voudrions que ce vote se tienne à 17 h 30, la sonnerie retentissant à 17 heures.

Le problème est que nous avions une motion qui n'a pas été présentée, mais qui disait que nous tiendrions un vote jeudi à 17 h 30. Cette motion était connue du public. Ainsi, plusieurs de personnes, notamment des agriculteurs, s'attendent à ce que le vote se tienne à 17 h 30, et nous voulons donc que le vote se tienne à cette heure-là.

(1600)

Son Honneur le Président : Je vois que tous les sénateurs sont d'accord avec cette façon de procéder. Je vais donc poser la question. Je procéderai ensuite aux autres étapes.

[Traduction]

Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Plett, avec l'appui de l'honorable sénateur Patterson, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois. Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je crois comprendre que vous êtes d'accord pour que le vote par appel nominal ait lieu à 17 h 30. Il en est ainsi ordonné.

Le sénateur Cowan : La sonnerie retentira pendant une demi- heure.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, si c'est utile et que vous êtes tous d'accord, la sonnerie retentira pendant une demi- heure. Elle commencera à 17 heures pour le vote qui aura lieu à 17 h 30.

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, ma suggestion était que l'on poursuive avec les articles inscrits à l'ordre du jour jusqu'à 17 heures.

Son Honneur le Président : Le timbre retentira à 17 heures. Toutefois, la Chambre poursuivra ses travaux jusqu'à 17 heures.

Des voix : D'accord.

[Traduction]

Projet de loi sur la sécurité des rues et des communautés

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Runciman, appuyée par l'honorable sénateur Stewart Olsen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-10, Loi édictant la Loi sur la justice pour les victimes d'actes de terrorisme et modifiant la Loi sur l'immunité des États, le Code criminel, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et d'autres lois.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui du projet de loi C-10, Loi sur la sécurité des rues et des communautés et, plus particulièrement, des dispositions concernant la narcocriminalité.

Une fois adopté, le projet de loi C-10 fera passer de sept à 14 ans la peine maximale liée à la production de marijuana. Il réduira le recours à l'emprisonnement avec sursis, imposera des peines plus sévères aux jeunes contrevenants et resserrera les règles régissant la détention avant procès. Il établira un certain nombre de nouvelles peines minimales obligatoires pour les infractions graves liées aux drogues, y compris une peine minimale de un an ou de deux ans, selon qu'il y a circonstances aggravantes ou non, pour la possession de marijuana en vue d'en faire le trafic. Il se traduira également par l'imposition d'une peine — largement disproportionnée — de six mois aux personnes qui cultivent aussi peu que six plants de marijuana. Ces dispositions du projet de loi comportent de graves lacunes. Elles sont fondées sur l'idéologie plutôt que sur des données probantes et elles ne permettent aucunement de régler les problèmes sous-jacents à la consommation de drogues au Canada.

Je ne crois pas que le projet de loi serve les intérêts supérieurs des Canadiens et je n'appuierai pas son adoption sous sa forme actuelle pour les raisons qui suivent.

Premièrement, les peines minimales obligatoires enlèvent tout pouvoir discrétionnaire aux juges. Or, ce sont les juges, et non les politiciens, qui sont les mieux placés pour juger d'une affaire et décider si le crime commis mérite un emprisonnement de six mois ou de deux ans moins un jour, ou si une telle peine aura pour unique conséquence de faire un criminel de carrière d'un jeune qui a fait les mauvais choix.

En pensant à cela, je me suis rappelé d'une fois où je me trouvais au Nord-Vietnam et qu'on m'a fait visiter une prison qui avait été construite par le gouvernement français. On y amenait des gens de tout le Vietnam qui étaient contre les Français et préparaient une révolution, dont Ho Chi Minh et le général Giap. Ces gens ne se connaissaient pas, mais ils se sont rencontrés en prison. Ils ont pu organiser des interventions, et les Français ont dû quitter le Vietnam. Ce fut ensuite la guerre avec les États-Unis. La personne qui m'accompagnait affirmait que les Français croyaient avoir construit une prison, mais qu'ils avaient, en fait, établi une université.

L'expérience montre que les prisons sont incroyablement efficaces pour convertir en criminels endurcis des personnes désespérées ou troublées. En outre, les conditions précises prévues dans ce projet de loi pour l'imposition de peines minimales obligatoires sont insensées. Quelles sont, au juste, les preuves empiriques sur lesquelles on se serait fondé pour imposer une amende à quelqu'un qui cultive cinq plants de marijuana et six mois de prison à quelqu'un qui en a six?

J'ai une certaine expérience dans le domaine de l'application de la loi en matière de drogue. Ce serait une totale perte de temps et d'énergie pour moi de tenter d'établir une preuve dans un cas de culture de six plants de cannabis. En fait, dans la majorité des cas, aucune accusation n'est portée faute de preuves étayant les accusations. C'est parfois dû au fait que les plants sont cultivés à l'extérieur, parfois au fait que les gens qui vivent aux côtés de la plantation sont des locataires, souvent des immigrants, et n'ont rien à voir avec cette culture, et c'est parfois dû à l'absence d'une preuve substantielle.

Ces crimes devraient faire l'objet d'une enquête approfondie et la peine adéquate devrait être déterminée par un tribunal en fonction de la nature du crime pris dans son ensemble, et non en fonction d'un nombre de plants fixé arbitrairement, quel qu'il soit. Il est tout à fait possible qu'une personne soit condamnée à juste titre pour possession en vue d'en faire le trafic même si elle cultivait moins de six plants.

Cela ne devrait jamais être une question de quantité. La culpabilité ou l'innocence devrait être déterminée selon les preuves recueillies par la police et présentées au tribunal. Pour répondre à la question du sénateur Tkachuk, j'admets que j'aurais de la difficulté à affirmer que plus de 100 plants pourraient être considérés comme une culture à des fins personnelles. Quoi qu'il en soit, entre le moment de la saisie et la comparution de l'accusé, il faut qu'une enquête adéquate ait eu lieu. Après tout, je viens de la Colombie- Britannique, où le commerce de la marijuana représenterait un marché estimé à plus de 7 milliards de dollars. Je pourrais m'écarter du sujet et parler des avantages de la réglementation et du contrôle de la marijuana, mais je m'en abstiendrai. Ce sera pour une autre fois.

Deuxièmement, le projet de loi n'est pas efficient. Une analyse coûts-avantages de tout projet de loi doit être faite. Prendre certaines mesures en vaut-il la peine? Est-ce que le résultat sera bénéfique et rapportera davantage que ce qu'il a coûté en temps et en argent? Ce n'est pas le cas du projet de loi, tout particulièrement pour les gouvernements provinciaux. Ils porteront le fardeau des coûts astronomiques de toutes les incarcérations. Avec la mise en œuvre des peines minimales obligatoires, un grand nombre de peines de six mois et d'un an seront imposées. Comme les sénateurs le savent, toute peine de moins de deux ans doit être purgée dans un pénitencier provincial plutôt que fédéral.

Selon un article paru hier dans le Globe and Mail, les documents du gouvernement fédéral établiraient le coût des changements qui ne concernent que les jeunes contrevenants à 717 millions de dollars sur cinq ans. On s'attend à ce que les gouvernements des provinces paient la moitié de ces coûts et je dirais aux sénateurs que je m'attends à ce que ce soit bien plus que la moitié. Le ministre de la Sécurité publique du Québec a récemment évalué le coût des agrandissements des prisons pour accueillir les détenus supplémentaires entre 294 millions et 545 millions de dollars pour la province. Nous avons déjà entendu quelques provinces affirmer qu'elles refusaient de payer pour le coût de la loi proposée, qu'elles ne voient de toute évidence pas comme un bon investissement.

Si nous continuons dans la même voie, des sommes toujours plus grandes seront englouties dans des mégaprisons qui seront remplies sans fin. Nous verrons, comme aux États-Unis, la construction de prisons devenir une activité en plein essor. songez-y, honorables sénateurs. C'est comme construire un Holiday Inn sans jamais avoir à s'inquiéter de savoir si la clientèle va se présenter parce que le taux d'occupation et les revenus sont garantis. Les mesures de rigueur envers les criminels comme celles que l'on voit présentement défient la raison et ne sont pas durables.

Troisièmement, nos prisons sont déjà surpeuplées par un nombre disproportionné d'Autochtones, de femmes, de démunis et de malades mentaux. Le projet de loi C-10 ne fera qu'empirer les choses.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Campbell : C'est exact, et la situation est déjà grave. Je n'en doute pas. Le projet de loi empirera les choses parce que nous n'avons pas la place pour incarcérer les individus qui seront condamnés. Le projet de loi n'atteindra pas le but qu'il vise, qui est la lutte contre les gangs et le crime organisé.

(1610)

La lutte contre la drogue, qui inspire le projet de loi, ne pourra que nous faire gaspiller de l'argent et aggraver la situation de nos citoyens les plus vulnérables tout en profitant aux chefs de gangs, aux têtes dirigeantes de la pègre et aux barons de la drogue.

Inévitablement, de plus en plus de Canadiens pauvres, toxicomanes, atteints d'une maladie mentale ou autochtones se retrouveront dans le système carcéral à répétition au lieu de recevoir l'aide dont ils ont désespérément besoin. Notre propre enquêteur correctionnel, Howard Sapers, a soutenu dernièrement que le projet de loi se contentera d'exacerber les problèmes de surpeuplement de groupes démographiques donnés qu'on constate déjà dans notre réseau carcéral. L'Association des psychiatres du Canada a déclaré, il n'y a pas longtemps, que le projet de loi aggravera une situation déjà déplorable, celle des Canadiens atteints d'une maladie mentale, qui sont parqués dans les prisons en dernier recours lorsqu'il n'est pas possible de les traiter.

Les grands chefs du Manitoba pressent le gouvernement de mettre la hache dans le projet de loi, car ils sont convaincus qu'il aura des conséquences néfastes pour les Premières nations de leur province et qu'il ne réglera aucun des vrais problèmes avec lesquels les communautés autochtones sont aux prises.

Honorables sénateurs, pourquoi le gouvernement conservateur a- t-il fait la sourde oreille à ces groupes et à d'autres groupes marginalisés? Il n'y a tout simplement pas assez de preuves à l'appui du projet de loi. En fait, elles démontrent plutôt le contraire : il ne permettra pas de mettre un frein à la consommation de drogue.

Tout récemment, un ancien conseiller principal du ministère de la Justice aujourd'hui retraité, David Daubney, a dénoncé le projet de loi, déclarant en entrevue, relativement à la politique en matière de criminalité :

De toute évidence, le gouvernement n'était pas du tout intéressé par les conclusions des travaux de recherche ni par les données, pourtant convaincantes.

Nous avons constaté aux États-Unis les conséquences désastreuses des peines minimales et prolongées. Le gouvernement ne peut pas continuer à faire la sourde oreille à ces réalités ni, d'ailleurs, aux experts conservateurs américains, qui nous exhortent à ne pas commettre les mêmes erreurs qu'eux.

Honorables sénateurs, la tactique a été éprouvée et, aux États- Unis, révisée. Le Texas ayant mis en œuvre une politique de répression du crime étrangement semblable à celle-ci, ses mégaprisons ont rapidement souffert de surpeuplement et son système judiciaire a été surchargé, mais ses taux de criminalité n'ont pas baissé. Toutefois, depuis que le Texas a complètement renoncé à cette politique et a concentré ses efforts sur les programmes de traitement et les mesures de surveillance, les taux de criminalité et les coûts connexes ont diminué. Au cours des cinq ans qui ont directement suivi le virage à 180 degrés du gouvernement texan, le taux d'incarcération de l'État a baissé de 9 p. 100, et le taux de criminalité de 12,8 p. 100.

Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas nous permettre d'aller dans la mauvaise direction pendant des années avant d'apprendre finalement la même leçon.

De plus, contrairement à ce que dit le gouvernement conservateur, les Canadiens ne craignent pas leurs rues et leurs communautés. Selon un sondage publié dans le Globe and Mail le 12 décembre, 93 p. 100 des Canadiens se sentent en sécurité. L'auteur de l'article pose alors une excellente question : « Pourquoi, dans ce cas, dépenser des milliards de dollars pour aller à reculons? »

Je voudrais parler de cette notion de peur. Pendant plus de 40 ans, comme membre de la GRC et des services du coroner de la Colombie-Britannique, puis comme maire, j'ai dû composer avec les peurs des autres. Au début, je rejetais ce sentiment que je trouvais irrationnel. J'ai cependant fini par comprendre que la peur est réelle, indépendamment de la réalité. On ne peut affronter la peur qu'en offrant des renseignements concrets et opportuns. C'est la responsabilité du gouvernement de combattre la peur, et non de la susciter. Ce projet de loi pourra peut-être apaiser les craintes de 7 p. 100 de la population, mais il ne fera rien pour rendre le Canada plus sûr ou moins dangereux.

À un moment où les crimes de tous genres diminuent, nous devrions examiner les causes de la baisse et trouver des moyens de la maintenir. Nous devons travailler à la solution des problèmes sous- jacents qui motivent la criminalité dans notre pays, au lieu d'imposer des punitions et des peines d'emprisonnement plus sévères à nos populations les plus vulnérables.

Le projet de loi ne prendra au piège que le fond du panier. Il ciblera les jeunes. Il ciblera, oui, les imbéciles. Il ciblera les criminels en herbe. Il ne permettra pas de prendre les barons de la drogue et les trafiquants qui expédient des drogues à l'étranger. Il ne mettra sûrement pas fin à la production de drogue au pays.

Nous devons chercher de nouveaux moyens pour résoudre les vieux problèmes : stratégies de réduction des méfaits, stratégies communautaires, programmes pour les jeunes axés sur les segments à grand risque de la population et solutions à base scientifique. Ce sont les seuls moyens d'améliorer la situation.

Honorables sénateurs, les dispositions du projet de loi C-10 qui cherchent à réprimer la consommation de drogues sont tout simplement mal conçues. Dans sa forme actuelle, le projet de loi n'atteindra pas l'objectif visé, qui est d'augmenter la sécurité des rues et des communautés. Il ne servira qu'à remplir les prisons, à surcharger les tribunaux et à alourdir le fardeau des contribuables.

Je m'oppose fortement à ce projet de loi.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je voudrais parler du projet de loi C-10, que le gouvernement a baptisé Loi sur la sécurité des rues et des communautés. Je vais aborder aujourd'hui les répercussions de cette mesure législative sur nos peuples autochtones.

C'est le rêve de chaque enfant autochtone de vivre et de grandir dans des rues et des communautés sûres, mais ce projet de loi ne fera pas grand-chose pour concrétiser ce rêve dans les collectivités autochtones du Canada. Il est impératif pour vous d'examiner le projet de loi C-10 dans le contexte de la population autochtone, qui sera la plus touchée.

L'extraordinaire surreprésentation des Autochtones dans le système carcéral canadien a été clairement établie ces dernières années par le Bureau du vérificateur général et le Bureau de l'enquêteur correctionnel. Les Autochtones représentent moins de 4 p. 100 de la population canadienne, mais 20 p. 100 de la population carcérale fédérale. Cette surreprésentation est encore pire dans les provinces des Prairies, où vivent la majorité des Canadiens autochtones. Dans ma province, la Saskatchewan, les Autochtones constituent près de 14 p. 100 de la population, mais ils représentent environ 50 p. 100 de la population des détenus dans les établissements pénitentiaires provinciaux. Les études réalisées permettent de croire que les causes profondes de cette surreprésentation résident dans les problèmes historiques, sociaux et économiques sous-jacents des collectivités autochtones. Pourtant, la seule réaction du gouvernement semble être de vouloir en enfermer davantage, sans leur offrir les services nécessaires de réadaptation et de santé mentale.

Le projet de loi C-10 ne fera qu'aggraver la situation actuelle des Autochtones en prison. Il va complètement à l'encontre de la tendance à la reconnaissance et à la réconciliation que le système de justice pénale a essayé de suivre. La Cour suprême du Canada a cherché, dans l'arrêt Gladue, à mettre en évidence la nécessité pour le système de justice pénale d'accorder une attention particulière aux circonstances des délinquants autochtones, compte tenu de leurs antécédents sociaux, et d'envisager toutes les sanctions possibles à part l'emprisonnement. Les modifications apportées au Code criminel et à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents avaient pour but de tenir compte de certains facteurs culturels et historiques lors de la détermination de la peine des délinquants autochtones. Comme l'a dit la Cour d'appel de l'Ontario dans sa récente décision de 2011 dans l'affaire R. c. Collins, il faut clairement établir que cette approche de la détermination de la peine :

[...] vise non à rejeter le blâme ou à éviter à quelqu'un d'assumer ses responsabilités, mais plutôt à reconnaître les effets dévastateurs que le Canada a fait subir aux membres de la population autochtone en les traitant comme il l'a fait.

Toutefois, comme l'ont noté les rapports successifs du Bureau de l'enquêteur correctionnel, les Autochtones incarcérés n'ont pas facilement accès à ces programmes de justice autochtone traditionnelle. Il nous reste donc une plus forte surreprésentation et peu de moyens de combattre les causes sous-jacentes du comportement criminel.

Le gouvernement conservateur et cette mesure législative ont négligé la nature historique cyclique de l'incarcération des Autochtones, surtout dans ses effets sur les femmes et les jeunes filles autochtones.

(1620)

Il s'agit là d'un important segment de la population autochtone auquel il vaut la peine de s'intéresser, parce que la proportion de femmes et de jeunes filles autochtones en prison continue d'augmenter régulièrement depuis 1997. Les chiffres sont vraiment stupéfiants. Trente-trois pour cent des femmes incarcérées dans des établissements fédéraux sont des Autochtones. En Saskatchewan, cette proportion grimpe à 87 p. 100.

Si on étudie la nature cyclique de l'incarcération des Autochtones et ces chiffres effarants, on ne peut être surpris qu'un grand nombre de femmes autochtones aujourd'hui en prison aient eu des parents ou des proches qui ont aussi purgé des peines d'emprisonnement. Ce problème a des racines profondes dans les collectivités.

L'Association des femmes autochtones du Canada a produit un important rapport, intitulé Arrest the Legacy : From Residential Schools to Prisons, qui explique la criminalisation des femmes autochtones découlant des décennies de traumatisme intergénérationnel qui sont l'héritage des politiques colonialistes, plus précisément la politique des pensionnats indiens. Cette politique est à l'origine de nombreuses années de mauvais traitements et d'exploitation sexuelle, de discrimination, d'alcoolisme et de toxicomanie et d'autres troubles mentaux. Ces conditions ont augmenté le risque de criminalisation pour les femmes et les jeunes filles autochtones.

Honorables sénateurs, selon la société Elizabeth Fry, la plus grande partie des femmes autochtones incarcérées sont en prison pour avoir commis des crimes associés à l'alcoolisme ou à la toxicomanie. Ce sont des crimes économiques comme le vol, la fraude et la prostitution.

Avec les nouvelles dispositions du projet de loi C-10, le gouvernement impose des peines minimales obligatoires dans le contexte de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Cela éliminera la possibilité pour les juges d'appliquer l'alinéa 718.2e) du Code criminel, qui permet l'application de certains principes et politiques dans le cas des délinquants autochtones. Les juges ne pourront plus utiliser leur pouvoir discrétionnaire en imposant aux délinquants autochtones, au lieu d'une peine d'emprisonnement, l'obligation de suivre un programme culturellement pertinent. Après l'adoption du projet de loi C-10, le juge devra imposer la peine minimale. Dans les faits, il n'aura pas d'autre choix. Un juge peut condamner un délinquant à une cure de désintoxication ou renvoyer sa cause à un tribunal consacré aux affaires de drogue, mais, dans le Nord, ce type de tribunal n'existe pas et les quelques programmes de traitement de la toxicomanie existants ont déjà des listes d'attente qui retardent lourdement le traitement. Le projet de loi C-10 empirera la situation.

La population carcérale autochtone ne pourra pas bénéficier facilement de beaucoup de programmes destinés à lutter contre les problèmes de toxicomanie, car ces programmes sont offerts dans les villes, loin des réserves. De plus, le projet de loi C-10 ne prévoit aucune exception additionnelle permettant aux juges de renvoyer les délinquants autochtones devant les tribunaux pour Autochtones, comme la cour Gladue, à Toronto, pour éviter les peines minimales obligatoires. Le projet de loi C-10 ne prévoit pas, pour les délinquantes autochtones, de peines autres que carcérales ou qui respectent les principes de la justice autochtone. Les délinquantes autochtones auront beaucoup de difficulté à obtenir les traitements contre la toxicomanie et les services de santé mentale dont elles ont besoin. Elles en ont beaucoup plus besoin que d'être mises derrière les barreaux.

Honorables sénateurs, les deux tiers des femmes autochtones en prison sont des mères, et plusieurs sont chefs de famille monoparentale. Tandis que les programmes permettant aux femmes incarcérées de garder le contact avec leurs enfants sont limités, les peines avec sursis donnent au juge la souplesse nécessaire dans la détermination de la peine pour que les mères célibataires puissent continuer de travailler tout en purgeant leur peine et pour que les délinquantes qui ont des problèmes sous-jacents de santé mentale puissent obtenir le traitement en milieu communautaire qui leur donne la meilleure chance de se rétablir et de se réadapter. On évite ainsi de briser des familles et on s'attaque aux causes profondes de la criminalité parmi les Autochtones. Malheureusement, le projet de loi C-10 prévoit l'élimination des peines avec sursis de ce type. Si on remplace les peines avec sursis pour les mères autochtones par des peines minimales obligatoires, des mères seront incarcérées plus longtemps, sans possibilité de maintenir leur relation avec leurs enfants.

Les enfants autochtones dont les parents sont en prison risquent fort d'être abandonnés au système des familles d'accueil. De plus, l'inclusion de certains crimes non violents, comme un vol de plus de 5 000 $, dans la liste des infractions ne pouvant pas donner lieu à une peine avec sursis est une mesure qui vise spécialement les femmes autochtones. Comme je l'ai indiqué auparavant, la vaste majorité des femmes autochtones sont incarcérées pour avoir commis des crimes économiques.

On constate l'importance de cette question lorsqu'on examine le taux d'incarcération des femmes autochtones d'âge mineur. En 2008 et 2009, les adolescentes autochtones constituaient 6 p. 100 des adolescentes au Canada, mais 44 p. 100 des adolescentes mises sous garde. Parmi les adolescentes autochtones incarcérées, une proportion stupéfiante de 81 p. 100 est passée par une famille d'accueil à un moment ou un autre. Compte tenu de ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet des peines minimales obligatoires et de l'élimination des peines avec sursis qui est prévue dans le projet de loi C-10 et qui aura une incidence sur les femmes autochtones, on peut facilement constater que le cycle de l'incarcération au sein de la population autochtone risque fort de se perpétuer. On voit plus particulièrement comment le projet de loi C-10 aggrave le problème.

Par exemple, songez à ceci : une femme se fait incarcérer. En prison, elle n'a accès à aucun programme adapté à sa culture, ni à aucun service de santé mentale. Le juge ne peut pas condamner cette femme à une peine avec sursis pour qu'elle maintienne sa relation avec sa fille. La fille est placée dans une famille d'accueil, ce qui la rend plus susceptible de commettre un crime et de se retrouver en prison. Voilà un cycle crève-cœur, où la mère et la fille deviennent des abonnées du système carcéral.

Honorables sénateurs, je prends quelques instants pour parler de différents modèles de systèmes de justice. Je vous renvoie d'ailleurs au rapport Arrest the Legacy : From Residential Schools to Prisons. Il existe dans les collectivités autochtones des systèmes de justice qui sont complètement différents du système de justice généralement admis. J'ai lu il y a longtemps le livre Dancing with a Ghost, de Rupert Ross, un juge qui s'est rendu dans le Nord de l'Ontario pour tenir les séances d'un tribunal autochtone. Il a écrit ce livre à la suite de son expérience, car il ne pouvait pas comprendre les gens qui vivaient dans la collectivité autochtone. Il ne comprenait pas pourquoi la peine d'emprisonnement ne leur plaisait pas.

Ce que je vais vous dire provient de l'Association des femmes autochtones du Canada. Pour l'ensemble des citoyens canadiens, le crime relève de l'individu. Les peines sont prescrites pas l'État, qui détermine les gens qui peuvent participer au processus et proposer des solutions. Voilà comment fonctionne notre système judiciaire.

Par contre, dans le système de justice autochtone, on invite les membres de la collectivité à assumer la responsabilité de ce qui arrive aux jeunes et à trouver ensemble une solution qui réponde aux besoins de tout le monde : l'accusé, la victime et l'ensemble de la collectivité. Les gens considèrent que le délinquant doit revenir vivre au sein de sa famille et de sa collectivité. Pour eux, on ne peut pas se contenter de le punir. On doit le réhabiliter. Si on ne le fait pas, la personne reviendra dans la collectivité et commettra de nouveau des infractions du même genre. C'est ce qu'elle fera si elle n'apprend pas comment vivre dans une collectivité et suivre les règles communes.

Dans la collectivité en général, ce dont nous parlons est principalement d'ordre juridique. Le système exclut de nombreuses personnes qui sont indirectement touchées par le crime, telles que les familles. On nous a déjà dit que la victime est très marginalisée dans le processus. Les victimes de crimes sont souvent laissées pour compte. Cependant, dans les systèmes de justice autochtone, les cérémonies et les prières font partie du processus. Il faut entre autres définir toutes les personnes touchées par le crime de sorte à les faire participer aux démarches en vue de trouver des solutions. Le processus met l'accent sur la victime et sur les responsabilités et les droits collectifs. La victime et le délinquant ont l'impression que justice a été faite. C'est une approche beaucoup plus globale.

(1630)

Honorables sénateurs, les jeunes filles et les jeunes garçons autochtones méritent de grandir dans des rues et des collectivités sûres. Ils méritent aussi d'aller à l'école et d'obtenir leur diplôme.

Pour conclure, honorables sénateurs, j'aimerais insister sur l'importance de l'éducation pour régler le problème de la surreprésentation des Autochtones en milieu carcéral.

Il ne faut pas s'étonner d'apprendre que près de la moitié des jeunes Autochtones en détention avaient abandonné l'école avant de commettre leur première infraction, mais ce qui est vraiment intéressant et qui devrait être très présent dans l'esprit des décideurs, c'est que l'éducation a une incidence importante sur les taux d'incarcération des Autochtones. Selon Statistique Canada, en Saskatchewan, le taux d'incarcération chez les jeunes adultes autochtones qui avaient un diplôme d'études secondaires était quatre fois moins élevé que le taux d'incarcération de ceux qui n'avaient pas de diplôme. Il nous faut investir dans les jeunes autochtones et nous assurer qu'ils obtiennent leur diplôme d'études secondaires.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dyck : Il existe une corrélation directe, chez les Autochtones, entre l'obtention d'un diplôme d'études secondaires et des taux d'incarcération moins élevés.

Comme les sénateurs le savent, le financement consacré à la scolarisation des élèves autochtones dans les réserves est insuffisant depuis des décennies. Trente-quatre pour cent des élèves autochtones abandonnent leurs études secondaires; c'est le taux de décrochage le plus élevé de notre merveilleux pays. En Saskatchewan, ce taux atteint 49 p. 100, ce qui signifie que la moitié des élèves autochtones n'obtiennent pas leur diplôme d'études secondaires.

Le gouvernement ne voit pas des faits qui sautent pourtant aux yeux. Sa priorité législative consiste à renforcer la lutte contre la criminalité au lieu de renforcer l'éducation. Son programme de lutte contre la criminalité coûtera entre 9 et 19 milliards de dollars. Il enverra plus d'autochtones en prison pour plus longtemps, mais il ne prévoit pas leur offrir des programmes qui seraient adaptés à leur culture et donneraient de bons résultats.

Son Honneur le Président intérimaire : J'ai le regret d'informer madame le sénateur Dyck que les 15 minutes dont elle disposait sont écoulées. Souhaite-t-elle demander plus de temps?

Le sénateur Dyck : Oui. Il me faudrait environ une minute.

Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur dispose de cinq minutes de plus.

Le sénateur Dyck : Honorables sénateurs, je ne suis pas en faveur de l'adoption du projet de loi C-10. J'estime que cette mesure législative aurait pour effet d'aggraver considérablement la situation des peuples autochtones.

Pour terminer, je soulignerai, comme l'a fait le chef de la police de Saskatoon, M. Clive Weighill, que « tant que nous ne changerons pas les déterminants sociaux de la criminalité, nous ne verrons pas de baisse marquée des taux de criminalité ». Les faits sont on ne peut plus clairs. Le projet de loi C-10 n'est pas la solution.

Son Honneur le Président intérimaire : Madame le sénateur Dyck accepterait-elle de répondre à une question?

Le sénateur Dyck : Oui.

[Français]

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, madame le sénateur Dyck a dit qu'il en coûterait 17 milliards de dollars pour la mise en œuvre du projet de loi C-10. Madame le sénateur peut-elle nous faire connaître la source de cette somme? Si la source provient de l'analyse produite par l'IRIS, peut-elle nous dire si elle a pris connaissance de cette analyse?

[Traduction]

Le sénateur Dyck : Je crois avoir dit que les coûts pourraient se situer entre 9 et 19 milliards de dollars, mais le montant de 17 milliards de dollars se situe entre ces deux extrêmes. Je n'ai pas mes documents sous les yeux, mais je peux donner la source au sénateur plus tard.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Je l'apprécierais beaucoup. L'honorable sénateur comprendra qu'un montant aussi énorme est de la désinformation. J'apprécierais d'avoir le document en question.

[Traduction]

Le sénateur Dyck : Je me permets d'indiquer que ce n'est pas le coût qui est important. Le plus important, ce sont les effets de ce projet de loi sur les femmes et les jeunes filles autochtones, ainsi que sur les Autochtones en général.

Des voix : Bravo!

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, le projet de loi C-10 proposé par le gouvernement détonne par rapport aux commentaires du sénateur Dyck, qui a proposé une façon plus empathique, efficace et réfléchie de structurer le système de justice pénale pour certains groupes de notre société, et qui a démontré à quel point la structure proposée dans le projet de loi C-10 serait injuste pour ces groupes.

Mon intervention portera sur l'envers de cette médaille. Je veux simplement souligner, même si cela a été dit ici à plusieurs reprises, à quel point ce projet de loi est mal structuré, à quel point il est irréfléchi, et à quel point il sera dommageable, tant pour les victimes, dont semble se soucier le gouvernement, ou plutôt dont il se soucie, j'en suis certain, que pour les personnes dont le gouvernement fera, malheureusement, des victimes imprévues à cause du projet de loi C-10.

Un élément clé, même si ce n'est pas le plus important, est l'optimisation des ressources, le rapport coûts-avantages de cette initiative dans la lutte contre la criminalité. Il est difficile d'évaluer les coûts de façon précise. Il est peut-être tout aussi difficile d'évaluer quels seront, selon le gouvernement, les résultats positifs, parce que dans un cas comme dans l'autre nous n'avons reçu aucune analyse coûts-avantages détaillée. En fait, les seuls arguments présentés par le gouvernement, souvent de façon très vague, sont contredits par toutes les études scientifiques sur la criminalité, qui prouvent que le gouvernement s'est engagé dans la mauvaise voie.

Des chiffres ont été avancés. Certains parlent de dépenses annuelles supplémentaires de 500 millions de dollars liées au projet de loi adopté au cours de la dernière année. Je fais allusion à la mesure législative qui dit que l'on ne peut défalquer le temps passé dans des centres de détention provisoire avant le prononcé de la peine. Cette mesure a fait augmenter la population carcérale au point où il en coûte maintenant 500 millions de dollars de plus par année. À l'autre bout de l'échelle, une étude présentée par le Québec évalue ces coûts à quelque 19 milliards de dollars. Il y a beaucoup de gros chiffres entre ces deux extrêmes. Il est difficile de se faire une idée précise. J'ai voulu prendre un chiffre plus facile à comprendre, un chiffre que les gens peuvent se représenter, afin d'illustrer l'impact de ce volet de la lutte contre la criminalité.

Prenons 100 millions de dollars et voyons un peu ce que nous pourrions faire avec ce montant pour augmenter la population carcérale, en supposant que l'incarcération soit la solution miracle en laquelle le gouvernement croit fermement pour prévenir la criminalité et la faire baisser.

Imaginez ceci : ces 100 millions de dollars permettraient de construire 416 nouvelles cellules. Seulement 416 nouvelles cellules dans lesquelles il y aurait 416 détenus durant une année. Ces 100 millions de dollars permettraient donc de détenir 416 individus durant une année. Et qui seraient ces 416 individus? Ce pourrait être 416 jeunes de 18 ans qui avaient six plants de marijuana et qui n'auraient jamais dû aller en prison. Rien ne justifierait l'incarcération de ces 416 jeunes au motif qu'ils avaient six plants de marijuana en leur possession. Cette peine n'aurait aucun effet dissuasif et elle ne favoriserait pas une diminution du nombre d'infractions de leur part. Autrement dit, elle ne réduirait pas les risques de récidive. En fait, elle les ferait plutôt augmenter, et nous parlons de 416 personnes.

Supposons que l'application du projet de loi permet d'incarcérer 4 000 nouveaux détenus de ce type. Cela signifie que, sur une période de 10 ans, cette mesure entraînerait des coûts de l'ordre de 6 milliards de dollars, et ce pour seulement 4 000 détenus. Prenons ma province, l'Alberta, où se trouverait à peu près le dixième de ces détenus. Nous aurions 400 nouveaux détenus sur une période 10 ans qui coûteraient environ 600 millions de dollars. Nous parlons de 400 personnes sur une population de 3,4 millions d'habitants, 400 personnes qui ne devraient probablement même pas aller en prison, qui n'ont rien fait de vraiment criminel, qui n'auraient dérangé personne, ni fait de victimes, puisque leur infraction ne fait pas de victimes. Et cette mesure est censée assurer une plus grande sécurité aux Albertains? Le fait d'incarcérer 400 personnes sur une population de 3,4 millions, 400 personnes qui ne devraient pas aller en prison, va garantir une plus grande sécurité aux Albertains? Sur une période de 10 ans, cela signifie 4 000 personnes sur un total de 34 millions. Et cela va améliorer notre sécurité? Un tel raisonnement dépasse l'entendement.

Poursuivons dans la même veine et imaginons qu'il permettrait d'attraper 10 000 personnes supplémentaires. Disons que le gouvernement pourrait évaluer l'efficacité de sa loi en envoyant derrière les barreaux 10 000 personnes de plus qui ne devraient probablement pas se trouver là. Cette mesure coûterait 12 milliards de dollars. On parle de 10 000 personnes sur une population de 34 millions d'habitants. Elle aura un effet négligeable sur la qualité de vie ou sur les normes de sécurité de notre société, surtout parce que le chiffre est relativement petit. En outre, comme ces personnes ne devraient probablement même pas être incarcérées, la mesure va coûter une fortune pour rien.

(1640)

Qu'allons-nous obtenir en retour? En résumé, le taux de criminalité ne va pas diminuer; en fait, il va augmenter. Toutes les études le confirment : quand on envoie en prison des gens qui n'ont pas à y être, ils deviennent des criminels plus efficaces. Le taux de récidive va augmenter, de même que le nombre de crimes. Les études et les données scientifiques sont tellement éloquentes qu'il est difficile d'imaginer comment un gouvernement peut affirmer sans gêne que ces dispositions législatives vont bénéficier à l'ensemble de la société.

Comme le gouvernement ne peut pas démentir ces données scientifiques, il prétend qu'il agit dans l'intérêt des victimes. Hier, un sénateur a crié la question suivante : « Qui va prendre la défense des victimes? » Chacun d'entre nous prend avec raison la défense des victimes, mais on ne peut pas en dire autant de ce projet de loi.

Ce projet de loi ne prévoit pas de services psychologiques pour les victimes. Il ne prévoit aucun dédommagement pour les victimes. On dit qu'il va en quelque sorte aider les victimes en punissant les personnes qui leur causent du tort. Cela pourrait réconforter certaines victimes, mais, en réalité, le projet de loi C-10 va faire beaucoup plus de victimes. Il ne va pas réduire le nombre de victimes parce qu'il ne va pas faire baisser le nombre d'actes criminels. Par conséquent, il va faire beaucoup plus de victimes. Si l'objectif du projet de loi consiste à réconforter les victimes, il va tout simplement manquer sa cible et, par surcroît, il va coûter très cher.

Honorables sénateurs, il y a de bien meilleures façons d'aider les victimes, notamment en prévenant la criminalité. Il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup lu ou procédé à des analyses de fond pour savoir que la prévention est parfaitement possible. Bon nombre des sénateurs en ont parlé à maintes reprises pendant le débat. La prévention a fait l'objet de nombreuses études et les données sont probantes.

Je veux parler d'un programme qui a vu le jour à Edmonton. Il a été conçu par l'organisme YOUCAN, afin d'aider les jeunes à risque. Il y a un rapport qui porte sur une jeune femme qui doit sa vie au programme. Elle a commencé à boire à 10 ans. À l'âge de 12 ou 13 ans, elle raconte qu'elle adorait cela. C'était tout ce qui l'intéressait et l'idée de rester sobre lui répugnait. Elle a abandonné ses études. Elle est devenue alcoolique, a consommé des drogues et a quitté le foyer familial. Imaginez l'avenir qui l'attendait et le risque qu'elle se retrouve en prison, au coût de 120 000 $ à 200 000 $ par année. Les coûts pour garder une femme en prison peuvent atteindre 200 000 $ par année. Imaginez la somme.

Le programme YOUCAN œuvre auprès des jeunes; il coûte 10 000 $ par enfant et a donné des résultats remarquables dans son cas. Dans le cadre du programme, les participants apprennent des techniques d'entrevue, de rédaction de curriculum vitae et de résolution de conflit à l'aide de cercles de paix. Le programme développe chez les jeunes des aptitudes à la vie quotidienne grâce à des ateliers où ils apprennent à respecter un budget, à adopter des habitudes alimentaires saines et à utiliser un ordinateur et où ils ont accès à des services en ligne. Le programme leur donne en outre accès aux services de psychologues et de travailleurs sociaux.

À 17 ans, cette jeune fille est aujourd'hui sobre et est retournée à école. YOUCAN lui a offert des programmes afin de l'aider à quitter le cycle de l'alcoolisme et de la toxicomanie. C'est une jeune femme qui aura une chance de réussir et qui risque peu de se retrouver en prison, au coût de 200 000 $ par année. Le programme YOUCAN nous coûte 10 000 $. Les faits sont éloquents.

Fait intéressant, au Canada, le coût d'incarcération d'un détenu de sexe masculin est de 120 000 $, mais dans le cas d'une détenue, le coût varie de 120 000 $ à 200 000 $ environ. Les établissements carcéraux pour femmes, qui sont plus petits, ne peuvent réaliser les mêmes économies d'échelle. Le coût annuel d'une détenue y est de 120 000 $. Au Canada, il coûte 170 000 $ pour éduquer un enfant durant 17 ans. La comparaison est éloquente : emprisonner quelqu'un que l'on aurait pu sauver pour 10 000 $ coûterait plutôt 120 000 $ par année, alors qu'éduquer la même personne durant 17 ans, soit de la maternelle jusqu'au diplôme d'études secondaires, coûte de 177 000 $. Il n'est pas du tout rentable d'incarcérer les gens de la façon dont ce projet de loi le prévoit.

Honorables sénateurs, toutes sortes de données scientifiques commencent à montrer qu'il existe une solution efficace, autre que les « solutions » que prône le gouvernement. On serait porté à croire que, si le gouvernement voulait vraiment résoudre le problème, il prendrait des programmes tels YOUCAN et d'autres programmes de prévention, dont certains qui sont mis en œuvre dans les établissements carcéraux, et il procéderait à une analyse de fond.

Au cours du débat, nous avons abondamment entendu parler des États-Unis et entendu dire à quel point le Texas déplore que le Canada s'engage dans la mauvaise voie. Je n'ai encore rien entendu au sujet de l'État de Washington au cours du débat, mais je vais faire mention des initiatives qu'il a prises à cet égard.

L'État de Washington a jugé, il y a une dizaine d'années, que l'approche axée sur la répression de la criminalité et l'incarcération était contre-productive et inefficace. Il a procédé à une analyse des programmes mis en œuvre à l'étranger en adoptant une approche très scientifique, proactive et méthodique afin d'évaluer s'ils étaient efficaces. Les responsables en ont calculé le coût et ont fait une analyse coûts-avantages.

Ce faisant, le gouvernement de l'État de Washington a pu cerner des politiques publiques qui se sont avérées efficaces puisqu'elles ont produit les résultats suivants, soit : réduire la violence envers les enfants; réduire la criminalité, accroître le niveau de scolarité, rehausser les salaires, améliorer la santé mentale et la santé publique; augmenter l'aide sociale; et, enfin, réduire l'abus de substances. Bref, ces politiques s'attaquent à tous les aspects pouvant mener à l'incarcération. La méthodologie employée est claire et élaborée et respecte une approche structurée en quatre volets.

Premièrement, le gouvernement évalue systématiquement les données sur l'efficacité des mesures prises afin d'améliorer les résultats. Il évalue les pratiques exemplaires. Deuxièmement, il calcule les coûts et les avantages pour l'État de Washington et produit un classement qui ressemble à ceux établis par le magazine Consumer Reports, mais pour les options de politique gouvernementale. Troisièmement, il mesure le risque associé à ses conclusions en essayant de déterminer en quoi les résultats varient lorsque les estimations et les hypothèses changent. Autrement dit, il tente de déterminer s'il est susceptible d'obtenir les résultats prévus pour ces programmes. Il s'agit d'analyses très poussées. Lorsque c'est possible, il fournit une analyse de portefeuille, qui expose les raisons pour lesquelles une combinaison donnée de diverses options de politique gouvernementale pourrait avoir des répercussions sur les résultats de l'ensemble de l'État.

Ce qui est le plus important dans ce processus d'analyse, c'est que l'État présente le tout comme étant des estimations monétaires fondées sur trois perspectives distinctes, qui sont les suivantes : les avantages dont ne profitent que les participants au programme, qu'il s'agisse d'avantages financiers ou d'autres types d'avantages; les avantages dont profitent les contribuables, ce qui, bien entendu, constitue une préoccupation non seulement pour tous les sénateurs d'en face, mais aussi pour tous les sénateurs de ce côté-ci de la Chambre; et enfin, tout autre avantage monétaire mesurable qui ne vise ni les participants ni les contribuables. Le gouvernement ramène tout cela à l'argent. De l'argent est investi dans un programme. Est- ce qu'il récupère de l'argent? Est-ce qu'il obtient plus que ce qu'il a investi? Finalement, c'est bel et bien ce qui se produit dans ce cas, et depuis plus de 10 ans, il dispose de listes de programmes qui ont été structurés et analysés de cette façon.

Par exemple, le gouvernement offre des programmes de services juridiques pour les jeunes, qui sont axés sur la prévention. Dans le cadre de l'un de ces programmes, le Functional Family Therapy Program, qui est axé sur la thérapie familiale, des intervenants travaillent avec un jeune contrevenant ou un jeune en détresse et sa famille. On a évalué que l'avantage total associé à ce programme serait d'environ 38 000 $. Les contribuables économisent 8 500 $ grâce à ce programme — par personne — et les autres, c'est-à-dire les employeurs, le système de soins de santé et les personnes visées par le programme, économisent environ 29 000 $.

Les économies totalisent 38 000 $. Ce sont de véritables économies pour les contribuables, les victimes potentielles et les personnes qui sont en détresse. Combien tout cela a-t-il coûté? La mise en œuvre de ce programme a coûté 3 190 $. Puisque le rendement du capital investi est environ 10 fois plus élevé que la somme initiale, soit 3 100 $, le programme peut figurer au classement. Selon le gouvernement, le rendement, le rapport coûts-avantages, est d'environ 11:86 et le taux réel de rendement du capital investi, de 641 p. 100. À l'heure actuelle, je ne pense pas que qui que ce soit peut nommer un autre investissement social qui donne un tel rendement. Ce sont des données concrètes, qui ont été analysées avec soin, comme il se doit, et qui ont été vérifiées et contre-vérifiées, et traduites en dollars.

Il y a aussi ce programme appelé Scared Straight, qui vise à faire peur aux jeunes afin qu'ils restent sur la bonne voie. Nous le voyons beaucoup à la télévision et, bien sûr, c'est un concept très vendeur. Je suis certain que certaines personnes aiment beaucoup voir des jeunes se faire traiter aussi durement. Cela dit, le programme Scared Straight ne fonctionne pas. L'avantage total est négatif et s'élève à 6 000 $. Ce programme n'aide pas les jeunes qui y participent. C'est un programme peu coûteux, car les coûts ne sont que de 63 $ par participant, mais le programme ne donne aucun résultat. Il a des effets négatifs.

(1650)

Ces programmes sont classés dans les catégories suivantes : justice pour les adolescents, justice pénale pour les adultes et protection de la jeunesse. Ils soulignent que le rendement du programme de partenariat personnel infirmier-famille, destiné aux familles à faible revenu, est de 20 000 $ par enfant qui participe à ce programme et que cet argent permet d'éviter que les gens ne fassent un séjour en prison, ce qui coûterait jusqu'à 120 000 $ par année.

Malheureusement, je n'ai pas trouvé ce genre d'analyse au Canada. Tous les programmes que j'ai mentionnés sont des programmes préventifs visant à empêcher que les gens soient emprisonnés en premier lieu. Certaines personnes qui ont été emprisonnées, y participent à nouveau.

Son Honneur le Président : Le temps de parole du sénateur est écoulé. Souhaitez-vous que l'on vous accorde plus de temps?

Le sénateur Mitchell : Oui.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, acceptez-vous d'accorder plus de temps au sénateur?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Mitchell : Merci.

Au Canada, nous ne disposons pas de données aussi concluantes. Il en existe, mais elles ne proviennent pas du gouvernement et ne sont pas le résultat d'une analyse structurée. Le Conference Board du Canada a mené des études sur les programmes correctionnels, autrement dit les programmes offerts aux prisonniers. Il ne s'agit pas de programmes visant à prévenir l'emprisonnement.

Selon l'étude, au cours des dernières années, le Canada a mis en œuvre des programmes d'une valeur de 58 millions de dollars dans le système carcéral — soit 20 millions de dollars en coûts et 38 millions de dollars en avantages. La bonne nouvelle, c'est que les avantages se chiffrent à 38 millions de dollars. La mauvaise nouvelle, c'est que l'argent investi dans ces programmes représente moins de 2 p. 100 des 3 milliards de dollars que nous avons dépensés l'an dernier pour les services correctionnels. L'autre mauvaise nouvelle, c'est que ces programmes ne vous sont offerts qu'une fois que vous êtes déjà emprisonné et que vous n'y avez accès que si vous avez de la chance. En outre, le but de ces programmes n'est pas de prévenir l'emprisonnement et, malheureusement, le nombre de programmes offerts ne suffit pas à la demande.

Il y a, au Canada, un établissement à sécurité moyenne qui compte 461 détenus. On sait que, dans les prisons à sécurité moyenne, 80 p. 100 des détenus ont des problèmes de drogue et d'alcool et que 50 p. 100 avaient des facultés affaiblies lorsqu'ils ont commis l'infraction pour laquelle ils ont été condamnés. Sur les 461 détenus de cette prison, 80 p. 100 avaient des problèmes de drogue et d'alcool. Pourtant, seuls 25 des 461 étaient inscrits à un programme de désintoxication, alors que 300 ou 350 autres en auraient eu besoin. Ces programmes ne sont pas particulièrement coûteux. Ils ne coûtent sûrement pas 120 000 $ par an, qui est le prix de l'incarcération d'un seul détenu.

La situation est encore pire dans le cas des femmes. Il y a une seule clinique médico-légale dans tout le système carcéral canadien pour desservir les 600 femmes incarcérées dans le pays. Ce qui est encore pire, c'est que ce centre ne se trouve pas dans un établissement pour femmes. Il a été placé dans un établissement pénitentiaire pour hommes, et il ne sert qu'une poignée de personnes. D'après certaines estimations, le pourcentage de détenues souffrant de graves problèmes mentaux pourrait atteindre 80 p. 100, et beaucoup d'entre elles ont probablement subi de graves sévices sexuels, physiques ou psychologiques à un moment donné de leur vie. Pourtant, nous n'avons qu'un seul centre, qui se trouve très loin des appuis dont les intéressées pourraient avoir besoin parmi les amis et les membres de la famille vivant dans leur collectivité. Très peu des femmes qui en ont besoin obtiennent de l'aide et, pour obtenir cette aide, elles doivent se rendre dans un établissement pour hommes.

Nous dépenserons des sommes pouvant atteindre 19 milliards de dollars pour enfermer davantage de gens. Nous ne leur donnerons pas le genre de services qui pourraient les empêcher de commettre les actes pour lesquels ils ont été condamnés.

Le plus exaspérant à cet égard et ce qui importe encore plus que les coûts, c'est que cela nuira aux jeunes. L'adolescent de 18 ans, qui n'a pas encore un degré suffisant de maturité et qui fait une erreur de jugement en faisant pousser six plants de marijuana, sera envoyé en prison, ce qui détruira très probablement sa vie. Il ne pourra plus jamais quitter le pays parce qu'il aura un casier judiciaire, et ne pourra probablement pas trouver un bon emploi. Il n'aura jamais la possibilité d'adhérer à un groupe professionnel. Tout cela, parce qu'il a commis une erreur, qui n'est probablement pas si sérieuse que cela, sans faire d'autre victime que lui-même. Sa vie est littéralement démolie.

Bref, le projet de loi C-10 ne réduira pas la criminalité. Nous le savons. En fait, il augmentera la criminalité. Il ne réduira pas le nombre de victimes, parce qu'en augmentant le crime, il fera plus de victimes parmi les Canadiens et leur coûtera extrêmement cher. Nous pourrions utiliser judicieusement cet argent. Nous pourrions inciter nos agents correctionnels et d'autres à étudier et à mettre en œuvre des programmes susceptibles d'être efficaces et d'avoir des résultats concrets. Pourtant voilà, nous n'allons pas le faire. Nous allons plutôt nuire aux gens.

J'ai dit, hier, que le projet de loi sur la Commission canadienne du blé consacrait le triomphe de l'idéologie sur le bon sens. Aujourd'hui, je pose la question suivante : Si ce projet de loi ne fait rien de bon et fait beaucoup de tort, pourquoi le gouvernement veut-il le faire adopter? Je crois que c'est un calcul politique destiné à lui rapporter quelques voix de plus. Le gouvernement se soucie peu de ce que cette mesure législative fera aux gens qui sont dans le système et aux victimes. Il ne s'intéresse qu'aux voix qu'il peut obtenir. C'est un calcul politique impitoyable. Et c'est un triste jour que d'être témoin d'un tel calcul dans le cas de ce projet de loi.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Mitchell, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Mitchell : Oui.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Honorables sénateurs, le sénateur Mitchell parle du cas assez pathétique d'une jeune fille de 17 ans qui a pu se réhabiliter grâce à un programme. Il est évident que, si on prend un cas mineur et qu'on généralise, cela nous donne l'impression que le projet de loi C-10 va faire augmenter le nombre d'incarcérations chez les jeunes Canadiens.

Même si je n'aime pas en parler, je voudrais vous parler de l'autre côté de la médaille. Ma fille a été assassinée pas un récidiviste qui avait agressé une femme en 1997, et qui a écopé de deux mois dans la collectivité. Cet homme a également été arrêté pour conduite avec facultés affaiblies, en 1998, crime pour lequel il a purgé quatre mois dans la collectivité. En 1999, il a de nouveau été arrêté pour agression sexuelle sur une femme pendant une période de 12 heures. Il a alors écopé d'une sentence de 36 mois d'emprisonnement, et il n'en a purgé que trois.

Si cet individu avait reçu une sentence plus sévère que trois mois pour le viol d'une femme et qu'il avait bénéficié des services d'un pénitencier fédéral plutôt que d'une prison du Québec, pensez-vous qu'on aurait pu réhabiliter cet homme et que ma fille, qui a été assassinée, serait vivante aujourd'hui?

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Rien de ce que nous pourrions dire ne saurait alléger la peine que le sénateur ressent, évidemment, après avoir perdu sa fille de cette horrible façon. Je comprends sa situation aussi bien que quelqu'un qui n'a pas vécu une telle épreuve peut le faire.

Si nous avions peut-être pris ce délinquant plus tôt dans sa vie, si nous avions pu lui faire suivre des programmes susceptibles de l'écarter de la voie qu'il a fini par suivre, peut-être n'aurait-il pas commis ce crime. S'il avait été possible de l'inscrire à un programme de prévention de la violence ou de désintoxication, il n'aurait peut- être pas fait la même chose, puisque ces programmes ont de bons taux de succès.

Ce ne sont que des hypothèses, mais je ne suis pas convaincu que ce projet de loi aurait maintenu cet homme en prison pendant une plus longue période, parce qu'il prévoit en fait des peines moins sévères pour certains types d'agressions sexuelles que pour d'autres infractions. Je ne suis pas sûr que le projet de loi aurait changé la situation.

J'aurais bien voulu que le gouvernement du sénateur élabore des programmes mieux conçus pour résoudre ce problème. Si le sénateur Boisvenu est persuadé que ce projet de loi aurait changé quelque chose, je serai obligé de lui dire que je ne suis pas d'accord. Je ne crois pas que ce soit la solution à ce problème. Croyez-moi, j'aurais bien voulu que ce soit le cas.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, ce projet de loi compte cinq parties, et nous avons entendu beaucoup d'observations contradictoires quant au coût des différentes initiatives qu'il contient.

J'aimerais réfléchir à tout cela et prendre la parole demain. Je demande, par conséquent, que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, il est presque 17 heures, heure à laquelle la sonnerie retentira pour le vote de 17 h 30.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

Projet de loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation

Troisième lecture

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Plett, avec l'appui de l'honorable sénateur Patterson, propose :

Que le projet de loi C-18, Loi réorganisant la Commission canadienne du blé et apportant des modifications corrélatives et connexes à certaines lois, soit lu pour la troisième fois.

La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Marshall
Angus Martin
Ataullahjan Meighen
Boisvenu Meredith
Braley Mockler
Brazeau Nancy Ruth
Brown Neufeld
Carignan Nolin
Champagne Ogilvie
Cochrane Oliver
Comeau Patterson
Demers Plett
Di Nino Poirier
Duffy Raine
Eaton Rivard
Finley Runciman
Fortin-Duplessis Segal
Frum Seidman
Gerstein Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Housakos Stratton
Johnson Tkachuk
Lang Verner
LeBreton Wallace
MacDonald Wallin—51
Manning

CONTRE
LES HONORABLE SÉNATEURS

Baker Hervieux-Payette
Banks Hubley
Callbeck Jaffer
Campbell Losier-Cool
Chaput Lovelace Nicholas
Cordy Mahovlich
Cowan Merchant
Dallaire Mitchell
Dawson Moore
Day Munson
De Bané Peterson
Downe Poulin
Dyck Poy
Eggleton Rivest
Fairbairn Robichaud
Fraser Tardif—33
Furey

ABSTENTIONS
L'HONORABLE SÉNATEUR

Cools—1

[Français]

Retrait de la motion d'attribution de temps pour le débat

À l'appel de la motion no 23 de L'honorable Claude Carignan :

Que, au plus tard à 17 h 30 le jeudi 15 décembre 2011, le Président interrompe les délibérations en cours au Sénat et, nonobstant tout article du Règlement, mette aux voix immédiatement et successivement toutes les questions nécessaires pour disposer de toutes les autres étapes du projet de loi C-18, Loi réorganisant la Commission canadienne du blé et apportant des modifications corrélatives et connexes à certaines lois, y compris la motion de troisième lecture, sans autre débat, amendement ou ajournement, et que tout vote par appel nominal demandé à cet égard ne soit pas reporté mais ait lieu immédiatement, le timbre retentissant seulement pour le premier vote et seulement pendant 15 minutes;

Que, si les délibérations sur le projet de loi prennent fin avant l'heure indiquée ci-dessus, tout vote par appel nominal demandé à cet égard soit, nonobstant l'article 67(2) du Règlement, différé, si l'un des whips le demande, à au plus tard 17 h 30 le jeudi 15 décembre 2011;

Que le Sénat ne suspende pas ses travaux conformément à l'article 13(1) du Règlement et qu'il ne s'ajourne pas le jeudi 15 décembre 2011 tant que toutes les délibérations concernant le projet de loi C-18 ne seront pas terminées.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, compte tenu de ce que la motion no 23 est devenue théorique, je demande son retrait.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix : D'accord.

(Retrait de la motion.)

(1740)

[Traduction]

L'étude des responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis

Adoption du troisième rapport du Comité des peuples autochtones et demande d'une réponse du gouvernement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur St. Germain, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Greene, que le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé La réforme de l'éducation chez les Premières nations : de la crise à l'espoir, déposé au Sénat le 7 décembre 2011, soit adopté et que, conformément à l'article 131(2) du Règlement, le Sénat demande au gouvernement de fournir une réponse complète et détaillée et de confier cette tâche au ministre des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour traiter du rapport sur l'éducation remis par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé La réforme de l'éducation chez les premières nations : de la crise à l'espoir.

Tout d'abord, je voudrais remercier tous les membres du comité, les ministériels et ceux de l'opposition, pour leur bon travail. Nous avons commencé cette étude en avril 2010 et, suite à l'audition des témoins et grâce au bon travail des membres du comité, à leurs questions et à leurs observations, nous avons été en mesure de produire un rapport qui, à mon avis, est tout à fait remarquable. J'en remercie tous les membres du comité.

Je voudrais aussi remercier la greffière du comité, les analystes, le responsable des communications, les interprètes et tout le personnel. Comme vous le savez, quand nous voyageons, nous devons amener avec nous beaucoup de personnel. Ils nous ont tous apporté une aide exceptionnelle dans notre travail et je les en remercie.

Je tenais tout particulièrement à remercier le président du comité, le sénateur St. Germain. Il a très bien mené les travaux du comité. Il s'est assuré que nous pouvions travailler ensemble de manière exceptionnelle et, en conséquence, nous avons pu produire un rapport qui, je le répète, est tout à fait remarquable.

Nous avons entendu de nombreux témoins devant le comité. Nous avons fait des visites sur place. Nous sommes allés dans les Prairies et dans le Canada atlantique. Nous avions prévu d'aller dans le Nord de l'Ontario, tout près de certaines localités comme Attawapiskat. Malheureusement, cet automne, nous n'avons pu mettre nos projets à exécution, mais c'est ce que nous avions prévu. Nous avons tenu des audiences publiques.

En octobre, nous avons eu une table ronde d'experts et ce fut exceptionnel. Nous avions pour témoins Marlene Atleo, Bruce Stonefish, Colin Kelly, James Wilson et Harvey McCue. Nous avons eu une discussion bien ciblée qui a éclairé le comité exceptionnellement bien. C'est cette table ronde qui m'a convaincue que nous devrions procéder par la voie législative.

Comme je l'ai dit dans mon discours sur le projet de loi C-10, le financement de l'éducation chez les Autochtones est un dossier important, mais tous les rapports, jusqu'à maintenant, ont mis l'accent sur les inégalités du financement et le plafond de 2 p. 100 qui a été imposé en 1996. De tous les rapports présentés jusqu'à maintenant, il ressort que nous devrions supprimer le plafond et égaliser le financement. C'est là-dessus qu'ils ont insisté.

Notre comité est allé beaucoup plus loin que cela. Nous avons compris — c'est notre président qui a trouvé cette formule — qu'il nous fallait concevoir un nouveau véhicule. En fait, dans mon esprit, le véhicule n'était même pas à moteur. Le modèle de l'éducation dans les réserves ressemble à un véhicule hippomobile, c'est-à-dire un chariot tiré par un cheval.

Le sénateur Munson : Votre Honneur, je n'entends pas le discours.

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît. Honorables sénateurs, les discussions et autres manifestations doivent avoir lieu à l'extérieur de cette enceinte.

Le sénateur Dyck a la parole.

Le sénateur Dyck : Je vous remercie, Votre Honneur.

Comme je le disais, l'éducation dans les réserves fait penser à un chariot tiré par un cheval. Nous, au comité, avons élaboré un véhicule de l'ère spatiale. C'est une fusée, un vaisseau spatial. Nous allons sur Mars, nous visons la Lune.

C'est un fait que le financement est inéquitable, mais il n'y pas de conseil scolaire dans les réserves. Il n'y a pas d'autorité en matière d'éducation. Il n'y a rien qui puisse se charger de la planification stratégique, aucune des structures qui sont nécessaires pour appuyer un bon réseau d'éducation. L'argent qui est versé aux réserves est inégalement réparti, mais il ne peut même pas suffire à payer l'essentiel comme des ordinateurs, des bibliothèques, des cours de langue des Premières nations, l'élaboration de programmes d'études et tout ce qui constitue un bon système d'éducation.

Comme vous le savez tous, le groupe d'experts national a été mis sur pied, il fonctionne et espère déposer son rapport d'ici la fin de l'année. Je suis contente que notre comité ait pu publier son rapport avant celui du groupe d'experts national, parce celui-ci a passé beaucoup moins de temps sur la route et a eu beaucoup moins d'occasions d'entendre tous les témoins que notre comité a entendus. Il semble que le groupe d'experts produira des recommandations semblables aux nôtres.

Notre rapport renferme quatre recommandations principales. Premièrement, comme je l'ai dit, nous recommandons une loi fédérale sur l'éducation qui sera élaborée conjointement avec les Premières nations et les autorités scolaires des Premières nations. Ce sera une loi de l'éducation qui ne sera pas imposée. Elle sera facultative. En choisissant d'y adhérer, on pourra abroger les articles de la Loi sur les Indiens qui traitent de l'éducation et constituent ce vieux modèle hippomobile. Ce sont ces dispositions qui ont permis d'imposer aux peuples des Premières nations le système des pensionnats.

La loi sur l'éducation reconnaîtra que les Premières nations ont compétence sur l'enseignement primaire et secondaire dans les réserves et établira des structures scolaires pour les deuxième et troisième niveaux. Elle établira des conseils scolaires des Premières nations et des structures scolaires pour l'éducation des Premières nations.

Durant nos voyages aux quatre coins du pays, nous avons vu des progrès en ce sens, avec des accords et des ententes tripartites, mais personne n'a atteint le niveau des écoles provinciales ou territoriales hors réserves. Nous allons tracer la voie à suivre. Cette loi créera un système qui sera l'équivalent de ce qu'offrent les écoles provinciales. Je suis fermement convaincue que cela fera une différence extraordinaire.

Deuxièmement, le comité a recommandé l'octroi d'un financement prévu par la loi au lieu des accords de contribution conclus d'année en année avec le ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien. Les fonds accordés au moyen des accords de contribution peuvent ne pas être consacrés seulement à l'éducation. Les Premières nations ne connaissent pas nécessairement la somme qu'elles obtiendront, ce qui crée une situation instable qui ne leur permet pas de planifier à long terme. Comme on le sait, pour pouvoir instruire les gens, il faut disposer de fonds garantis et prévoir à long terme.

La loi permettra l'intégration d'une formule globale qui remédiera à l'iniquité du financement. Cette formule permettra à chaque Première nation de demander du financement pour diverses installations, comme des laboratoires informatiques et des bibliothèques. Les collectivités des régions éloignées, comme Attawapiskat, pourront également demander du financement supplémentaire. De plus, la loi permettra d'élaborer une formule qui couvrira le coût de l'enseignement des langues autochtones et d'autres choses comme l'adaptation du programme scolaire à la culture autochtone.

Grâce à cette mesure, les écoles qui sont situées dans les réserves disposeront d'un système comparable aux autres écoles.

La formule de financement sera élaborée en collaboration avec les Premières nations pour qu'elle puisse être ensuite adaptée aux besoins particuliers. Comme je l'ai déjà dit, elle accordera un financement stable qui permettra de planifier à long terme.

Troisièmement, le comité a recommandé l'élaboration commune d'un plan d'action Canada-Premières nations en matière de réforme de l'éducation, qui comprendra un échéancier adopté par les deux parties et qui précisera les modalités d'adhésion.

Certaines collectivités autochtones que nous avons visitées se portaient bien. Nous avons visité plusieurs écoles micmaques en Nouvelle-Écosse qui avaient un taux de diplomation diamétralement opposé aux autres écoles du Canada. En effet, 70 p. 100 des élèves y obtenaient leur diplôme, tandis que le même pourcentage d'élèves ne réussissaient pas à le décrocher ailleurs au Canada. Ces collectivités s'en tiraient bien, mais elles avaient des problèmes parce que le mécanisme de financement ne leur permettait pas d'élaborer un programme scolaire adapté aux Autochtones ni de donner de la formation linguistique.

Quatrièmement, le comité a recommandé la mise sur pied d'un groupe de travail conjoint qui veillera à l'élaboration d'une réforme de l'éducation et qui fera le suivi des progrès réalisés. Ce groupe de travail soumettra un rapport annuel pendant cinq ans au ministère des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien, ainsi qu'au chef de l'Assemblée des Premières Nations.

(1750)

Ce groupe de travail mixte est un élément essentiel parce qu'il démontre que nous surveillons ce qui se passe. Il permettra à ce processus de suivre son cours. Comme ce dernier sera surveillé, on peut espérer que le rapport ne restera pas sur les tablettes parce que le groupe de travail devra faire rapport de ce qui se passe et nous laisser aller de l'avant.

J'aimerais mettre le rapport quelque peu en contexte. Je sais que de nombreux sénateurs travaillent aussi à assurer un accès égal à l'éducation. Dans mon bureau, j'ai des piles et des piles de rapports sur l'éducation des Autochtones, dont la majorité porte sur les lacunes au chapitre de la scolarisation. Ce problème a été étudié sous toutes ses coutures, mais bien peu de solutions ont été proposées. Je crois que les membres de notre comité, en travaillant si bien ensemble, ont trouvé une solution qui, comme je l'ai dit, est digne de l'ère spatiale.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dyck : Lors de sa comparution au comité l'autre soir, le vérificateur général a également indiqué que nous avons besoin de structures. Il nous faut du financement prescrit par la loi pour l'éducation, l'eau potable et ainsi de suite. Il faut un financement stable. Voilà essentiellement ce que le vérificateur général a dit.

Comme je l'ai mentionné, la plupart des collectivités autochtones au pays affichent de faibles taux d'obtention du diplôme d'études secondaires. Il est crucial que nous intervenions car, comme nous le savons, la population autochtone au pays connaît une croissance rapide. J'appelle ce phénomène l'explosion démographique autochtone. Un grand nombre de jeunes fréquentent maintenant l'école. Si nous ne leur offrons pas une éducation décente, ils seront condamnés à l'échec. Ils finiront dans le système carcéral. Ils se prostitueront. Il est impératif que nous commencions tout de suite car 50 p. 100 de la population autochtone est âgée de moins de 25 ans. Bientôt, on comptera également un très grand nombre d'enfants âgés de moins de cinq ans. Il faut agir maintenant. Je suis très heureuse d'avoir siégé à ce comité parce que je crois que ses travaux transformeront la vie de ces enfants autochtones.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dyck : Il faut renforcer plus que les aptitudes générales au sein des collectivités autochtones. Les Autochtones doivent également posséder le même niveau de scolarité que le reste des Canadiens afin de comprendre ce qui se passe autour de nous. Par exemple, il faut pouvoir comprendre les documents complexes que le ministère des Affaires autochtones et du Nord envoie aux écoles dans les réserves, ou aux bandes pour leur demander des vérifications ou des rapports. Il faut de bonnes compétences en lecture et en calcul pour fonctionner dans le monde moderne. Cette initiative permettra d'acquérir ces compétences. Ce qui est vraiment important, à mon avis, c'est qu'elle permettra aussi d'élaborer un programme complémentaire d'enseignement des langues et de la culture des Premières nations. Son contenu permettra aux jeunes de grandir en acquérant des connaissances des deux mondes, une compréhension de leur propre culture et un fort sentiment de fierté et d'estime à l'égard de leur personne. Ce n'est pas ce qui s'est produit dans la majorité des endroits au Canada. Tant d'enfants — et cela me brise le cœur de les voir — ont honte de qui ils sont parce qu'ils ne sont pas représentés de façon positive dans le système d'éducation traditionnel.

Une fois que ces jeunes auront commencé à apprendre leur propre histoire, ils seront vraiment fiers. Nous l'avons constaté lors de notre voyage. Nous sommes allés à l'école d'immersion crie d'Onion Lake, en Saskatchewan. Nous avons vu ces jeunes réunis autour de leurs enseignants, qui s'exprimaient en langue crie. C'était vraiment inspirant. Ces jeunes étaient heureux et ils se sentaient bien dans leur peau. Nous avons constaté la même chose en Nouvelle-Écosse, lorsque nous nous sommes rendus à l'école élémentaire et intermédiaire Eskasoni. Nous y avons vu de jeunes enfants chanter dans leur propre langue et nous avons vu des textes écrits dans leur langue sur le mur, en écriture syllabique. Nous avons vu tout cela, et c'était vraiment inspirant. Nous devons poursuivre nos efforts. Nous devons aller au-delà de ces premières années, afin que ces jeunes deviennent des adultes compétents, solides et heureux.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dyck : Sur une note plus personnelle, durant mes années de bénévolat, j'ai passé plus de 20 ans à souligner l'importance de l'éducation. Je crois fermement que je suis au Sénat parce que je suis allée dans diverses écoles pour parler aux enfants, jeunes et moins jeunes, de l'importance de persévérer dans leurs études. J'étais, en quelque sorte, leur modèle. J'ai défendu leur cause. Je suis honorée d'avoir participé à l'élaboration de ce rapport. Je suis vraiment très honorée.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dyck : Comme je l'ai dit, ce document est très différent de la multitude d'autres rapports. Nous avons eu bien de la chance d'avoir des gens aussi talentueux qui travaillent pour nous au comité, et nous avons élaboré cette vision, qui va changer l'image des Canadiens autochtones. Cette vision est porteuse d'espoir. Elle est une inspiration pour les adultes et elle va donner aux enfants le passeport dont ils ont besoin pour devenir des adultes productifs et heureux qui vont apporter leur contribution à la société canadienne.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur St. Germain, avec l'appui du sénateur Greene, propose que le troisième rapport du Comité sénatorial des peuples autochtones, intitulé La réforme de l'éducation chez les Premières nations : de la crise à l'espoir, soit adopté.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Deuxième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Braley, appuyée par l'honorable sénateur Ataullahjan, tendant à l'adoption du deuxième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat relatives aux congés et aux suspensions), présenté au Sénat le 29 novembre 2011.

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, je suis heureux d'exprimer aujourd'hui mon appui aux changements proposés dans le deuxième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Je remercie le sénateur Braley de ses observations et également d'avoir présidé le sous-comité, qui a retourné un rapport unanime au comité, lequel l'a, à son tour, accepté unanimement.

Comme l'a indiqué le sénateur Braley lorsqu'il a proposé l'adoption du rapport, il s'agit de changements simples, mais importants. Le comité a proposé des modifications concernant les articles 139 et 140. Ces changements concernent trois points distincts du Règlement : premièrement, le processus d'octroi d'un congé; deuxièmement, la question de l'accès à des ressources autres que l'indemnité de session annuelle pendant la durée du congé et troisièmement, la question du versement de l'indemnité de session annuelle après une déclaration de culpabilité, mais avant le début de la suspension.

Dans le cadre du système actuel, un sénateur déclaré coupable d'une infraction par mise en accusation doit remettre un exemplaire de la déclaration de culpabilité qui sera déposée au Sénat et entraînera la suspension. Le comité a jugé qu'il serait prudent de prévoir une disposition permettant au Président de déposer les documents voulus au cas où le délai serait jugé trop long.

La deuxième modification donnerait au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration le pouvoir de suspendre l'accès d'un sénateur en congé autorisé à une partie ou à l'ensemble des ressources du Sénat . C'est un mécanisme de contrôle qui n'existe pas à l'heure actuelle.

Enfin, aux termes des modifications proposées, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pourrait, pour la période entre le moment où un sénateur est reconnu coupable d'un acte criminel et celui où il reçoit sa sentence, suspendre l'indemnité parlementaire du sénateur en question si le comité juge que les circonstances le justifient.

Honorables sénateurs, j'aimerais indiquer que les éléments essentiels du Règlement et du système actuels demeureront en place malgré les modifications proposées. Normalement, un sénateur en congé autorisé continuerait d'avoir accès aux ressources dont il a besoin pour s'acquitter de ses fonctions parlementaires.

(1800)

Cependant, grâce aux modifications proposées, le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration exercera désormais un contrôle et une surveillance. Je crois que les propositions contenues dans le deuxième rapport permettent d'établir un équilibre raisonnable en intégrant des mécanismes de contrôle aux règles actuelles, et j'encourage tous mes collègues à appuyer le rapport.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je crois que le sénateur Carignan...

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Je crois que madame le sénateur Cools veut commenter ce rapport, mais qu'elle n'est pas prête à prendre la parole et a besoin de plus de temps pour se préparer.

Le sénateur Furey : Honorables sénateurs, à titre d'information, je vous indique que le Comité du Règlement a déposé deux rapports devant la Chambre. Un de ces rapports porte sur des modifications mineures apportées au Règlement et sur une mise à jour du libellé. Je crois que certains sénateurs souhaitent se prononcer sur ce rapport.

Ce rapport ne parle que des situations où un collègue a, malheureusement, été accusé d'une infraction criminelle punissable par voie de mise en accusation. Les seules modifications apportées au Règlement prévoient une certaine surveillance dans les situations que je viens de mentionner, ce que le Comité du Règlement a estimé approprié après que soit survenue une situation où le Règlement a effectivement été mis à l'épreuve. Nous avons estimé que le temps était venu de remanier le Règlement et de mettre à jour certaines dispositions qui ne changent pas le Règlement en soi, mais qui prévoient dorénavant une certaine surveillance.

Sénateur Cools, je ne sais pas si vous souhaitez parler du premier rapport ou des deux rapports.

Le sénateur Cools : Honorables sénateurs, il n'y a aucun doute dans mon esprit entre les deux rapports. Je ne les confonds pas.

Je ne savais pas qu'on avait précipité le vote sur ce rapport. Je ne l'ai appris que tout récemment, il y a quelques heures à peine. J'envisageais de faire une intervention très élaborée, parce que je m'interroge sur la loi qui sous-tend ces propositions. Ce ne sont pas des questions banales ou sans importance dont on peut faire abstraction.

Je croyais que, ces derniers jours, nous nous concentrions sur l'adoption des projets de loi de crédits et les dossiers qu'il fallait régler avant les Fêtes. Je m'attendais à ce que Son Honneur le Président intervienne.

Je propose l'ajournement du débat. Ce rapport n'est pas une question urgente.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je précise que nous en sommes à l'étape du débat. Le sénateur Furey a terminé son intervention et madame le sénateur Cools vient de faire part de son souhait de participer au débat, mais pas tout de suite.

D'autres sénateurs souhaitent-ils participer au débat maintenant? Dans la négative, le sénateur Cools a le droit d'ajourner le débat à son nom; elle a d'ailleurs présenté une motion à cet égard.

(Sur la motion du sénateur Cools, le débat est ajourné.)

[Français]

Les travaux du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, étant donné qu'il est passé 18 heures, je suggère de ne pas voir l'horloge de façon à ce qu'on puisse poursuivre avec les articles qu'il reste à l'ordre du jour et attendre le rapport de signature du gouverneur général sur le projet de loi C-18.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est maintenant 18 heures, je dois, conformément au Règlement, quitter le fauteuil et revenir à 20 heures, à moins que les whips et les leaders ne me donnent d'autres consignes.

Y a-t-il entente pour que je ne tienne pas compte de l'heure?

Des voix : D'accord.

L'étude sur la question de l'exploitation sexuelle des enfants

Troisième rapport du Comité des droits de la personne et demande de réponse du gouvernement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Exploitation sexuelle des enfants au Canada : une action nationale s'impose, déposé au Sénat le 23 novembre 2011.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, 61 p. 100 de toutes les victimes d'agressions sexuelles sont des enfants, et 86 p. 100 des victimes se font agresser sexuellement par une personne qu'elles connaissent. Chaque année, 9 000 agressions sexuelles contre des enfants sont signalées au Canada. Plus de 80 p. 100 de ces victimes sont des jeunes filles.

Si on tient compte du fait que la vaste majorité des cas d'agression sexuelle ne sont pas signalés, ces statistiques sont extrêmement troublantes. L'agression sexuelle des enfants est une question qui demande notre attention parce qu'elle est profondément enracinée dans nos maisons, nos familles et nos collectivités. Le problème n'est pas en marge de notre société, il est en son cœur. C'est un crime qui est commis contre des enfants que nous connaissons par des hommes et des femmes que nous connaissons.

J'aimerais partager une expérience personnelle avec vous. Tous les quelques mois, je me promène dans les rues de Vancouver le soir pour voir ce qui se passe dans ma ville. Je me promène parfois avec les gens qui s'occupent du recensement des sans-abri et, des fois, lors des nuits très froides, je tente de convaincre les gens de se rendre dans un refuge pour sans-abri.

Un jour, j'ai fait la rencontre de Christina. Elle était vêtue d'une très jolie robe transparente lors d'une nuit pourtant froide. Elle était gelée. Je lui ai offert un café brûlant, puis nous nous sommes assises et avons discuté. Je lui ai demandé son âge. Elle m'a d'abord dit avoir 16 ans, puis m'a avoué plus tard avoir 12 ans.

Elle portait de très beaux vêtements, beaucoup de maquillage, des souliers à talons hauts très coûteux et un sac à main dispendieux. Elle m'a raconté s'être enfuie de sa réserve non seulement pour fuir la violence dont elle était victime, mais également parce qu'elle avait le sentiment qu'elle n'y avait aucun avenir pour elle là-bas. Elle m'a expliqué avoir été sauvée par un très gentil monsieur qui lui avait acheté toutes les très belles choses qu'elle portait. Elle n'avait jamais possédé d'aussi belles choses de toute sa vie. Elle était très fière de son nouveau statut.

Elle m'a dit avoir mené une vie très heureuse jusqu'à ce que ce très gentil monsieur perde tout son argent et qu'il lui demande de se prostituer pendant quelque temps afin de l'aider à se renflouer financièrement. Au départ, elle a refusé, mais il a commencé à s'intéresser à d'autres jeunes filles et devenait méchant avec elle. Il lui a dit que, si elle l'aimait, elle ferait ce qu'il faut pour l'aider et se prostituerait.

Alors qu'elle me racontait son histoire, une voiture dans laquelle se trouvaient trois hommes s'est arrêtée, et elle s'est précipitée vers elle. Elle est montée à bord, et la voiture a quitté rapidement les lieux. Je n'ai jamais pu terminer ma conversation avec Christina. Chaque fois que je me promène ou que je passe dans ce quartier, je la cherche. Son visage rempli d'innocence me hante.

Au moment d'entreprendre cette étude, je savais qu'elle me permettrait d'aller à la rencontre de jeunes filles comme Christina d'un bout à l'autre du Canada et de les aider.

[Français]

Honorables sénateurs, en juin 2009, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a amorcé son étude sur l'exploitation sexuelle des enfants au Canada. Cette étude venait compléter un rapport de 2007 du comité, intitulé Les enfants : des citoyens sans voix, mise en œuvre efficace des obligations internationales du Canada relatives aux droits des enfants, qui avait également attiré l'attention de tous sur l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales.

Après avoir entendu plus de 40 témoins qui ont généreusement accepté de nous faire part de leur savoir et de leur expérience à ce sujet, le mercredi 23 novembre dernier, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a eu l'honneur de déposer son troisième rapport, intitulé Exploitation sexuelle des enfants au Canada : une action nationale s'impose. Dans ce rapport, le comité traite bien sûr de l'exploitation sexuelle des enfants au Canada, en essayant non seulement de comprendre l'étendue de la prévalence de ce fléau, mais aussi d'offrir des pistes de solutions pour le contrer.

De plus, il y formule huit recommandations sur les moyens que le gouvernement fédéral peut prendre pour établir des politiques, programmes et services fiables pour aider les enfants à éviter l'exploitation sexuelle, à s'en libérer et à guérir des sévices liés à l'exploitation sexuelle.

(1810)

[Traduction]

Notre rapport comporte huit recommandations. Je parlerai de certaines d'entre elles aujourd'hui. En voici une synthèse.

Recommandation 1 : Notre comité recommande que le gouvernement veille à l'intégration d'analyses comparatives entre les sexes dans les recherches ainsi que dans l'élaboration et la mise en œuvre de politiques et de programmes gouvernementaux.

Recommandation 2 : Notre comité recommande qu'on fournisse du soutien aux collectivités autochtones.

Recommandation 3 : Notre comité recommande que le gouvernement crée une base de données nationale réunissant des recherches et de l'information statistique sur l'exploitation sexuelle des enfants au Canada.

Recommandation 4 : Notre comité recommande encore une fois que le gouvernement du Canada adopte une loi portant création d'un commissariat aux enfants indépendant.

Recommandation 5 : Notre comité recommande que le gouvernement améliore le système de justice pénale pour qu'il réponde mieux aux besoins des enfants victimes d'exploitation sexuelle avant et après une instance judiciaire.

Recommandation 6 : Notre comité recommande que le gouvernement assure un niveau adéquat et constant de services destinés aux enfants qui sont victimes d'exploitation sexuelle au pays et qu'il en fasse l'une de ses grandes priorités.

Recommandation 7 : Notre comité recommande que le gouvernement travaille activement avec les entreprises et les organismes du secteur privé pour promouvoir des initiatives visant à combattre l'exploitation sexuelle des enfants.

Recommandation 8 : Notre comité recommande que le gouvernement affecte les ressources et les fonds nécessaires à la promotion d'une approche fondée sur la prévention de l'exploitation sexuelle des enfants.

Tout au long de l'étude, nous avons examiné le large éventail de situations qu'englobe l'exploitation sexuelle. Il s'agissait notamment de l'agression sexuelle en milieu familial, du tourisme sexuel, de la pornographie infantile, de l'exploitation des enfants à des fins de prostitution et du leurre d'enfant sur Internet. Après avoir analysé toutes ces situations, notre comité a découvert que ces diverses formes d'exploitation sexuelle avaient toutes une chose en commun : l'atteinte à la dignité humaine fondamentale de l'enfant pour la gratification sexuelle de l'adulte.

Honorables sénateurs, la prévalence de l'exploitation sexuelle chez les enfants autochtones a immédiatement attiré l'attention de notre comité. Bien que les Autochtones ne représentent que 5 p. 100 de notre population, les jeunes Autochtones représentent au moins la moitié des jeunes gens exploités sexuellement. Qui plus est, selon l'Association des femmes autochtones du Canada, dans certaines villes canadiennes, 90 p. 100 des jeunes sans-abri exploités sexuellement sont d'ascendance autochtone.

Plusieurs facteurs contribuent à la situation extrêmement vulnérable dans laquelle les enfants autochtones sont constamment placés. Par exemple, le niveau d'instruction est moins élevé dans les collectivités autochtones, le taux de pauvreté y est plus élevé, les logements y sont surpeuplés et insalubres et on y a pas accès aux services sociaux de base. C'est pourquoi notre comité a recommandé que le gouvernement du Canada effectue des recherches sur les besoins particuliers des collectivités autochtones en ce qui a trait à la problématique de l'exploitation sexuelle des enfants, aux fins de l'élaboration d'excellents services pour les enfants, et qu'il appuie la réalisation de telles recherches.

Le comité a également recommandé que le gouvernement élabore des politiques adaptées à la culture des Autochtones et visant à réduire l'incidence et les séquelles de l'exploitation sexuelle dans les collectivités autochtones, autant dans les réserves qu'à l'extérieur.

[Français]

Honorables sénateurs, notre comité a entendu de nombreux témoins qui ont travaillé très fort pour réduire la prévalence de ce fléau au Canada. Plusieurs ont exprimé leur frustration quant au fait que si peu de recherches soient menées sur ce problème important et qu'on dispose de si peu de données à ce sujet. Ce manque criant non seulement les empêche de venir en aide à ces enfants maltraités, mais contribue aussi à maintenir dans l'ombre les auteurs de ces crimes, ce qui leur permet de continuer d'abuser des enfants.

C'est pour cette raison que notre comité a convenu qu'une stratégie nationale s'imposait pour recueillir des données et mener des recherches en vue de fournir des données fiables aux intervenants dans ce domaine.

Notre comité recommande donc que le gouvernement du Canada créée une banque de données nationales pour recenser les recherches et les données statistiques sur l'exploitation sexuelle des enfants au Canada. Cette banque de données sera créée en collaboration avec les ministères, les ONG, les groupes de femmes, les peuples autochtones, les organismes de services et les enfants.

Ces données et recherches devraient être mises à la disposition de tous pour qu'elles puissent ensuite aider les forces policières, les organismes sociaux et les autres intervenants concernés à combattre l'exploitation sexuelle des enfants.

[Traduction]

Notre comité sait trop bien qu'il est malheureusement difficile de recueillir des données et de faire des études sur cette question très délicate. Les difficultés proviennent du fait que les enfants ayant subi des sévices sexuels n'osent pas dénoncer leur agresseur. Ils souffrent seuls et en silence.

Honorables sénateurs, nous devons garder à l'esprit que la majorité des enfants exploités sexuellement sont victimes d'un adulte qu'ils connaissent et qui avait gagné leur confiance. Au cours de son étude, notre comité a appris que la plupart des agresseurs d'âge adulte sont des hommes et font partie des personnes que l'enfant connaissait. Ce sont des membres de la famille, des voisins, des associés dans une entreprise ou des amis.

Après avoir subi des sévices sexuels de la part d'un adulte qu'il connaissait et auquel il faisait confiance, l'enfant éprouve souvent beaucoup de difficulté à continuer de faire confiance aux adultes, même lorsqu'il s'agit d'obtenir de l'aide. Il est essentiel que nous aidions ces enfants à rétablir des liens de confiance.

Nos enfants doivent savoir que leurs voix seront entendues et que leurs droits seront respectés. Les enfants canadiens sont nos enfants. C'est pourquoi notre comité recommande, comme il l'a fait en 2007 dans son rapport intitulé Les enfants : des citoyens sans voix, que le Parlement crée un commissariat fédéral aux enfants qui surveillerait l'application de la Convention des Nations Unies relatives aux droits de l'enfant et qui agirait comme défenseur des droits des enfants au Canada.

Notre comité recommande que le commissaire aux enfants ait le pouvoir de recevoir des plaintes individuelles et de mener des campagnes d'information du public. Il devrait également assurer la liaison avec les responsables dans les autres administrations publiques, avec des organisations non gouvernementales ainsi qu'avec le Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits des enfants et des jeunes. De plus, notre comité croit fermement que le commissaire aux enfants devrait avoir l'obligation d'écouter les enfants et de les faire participer à ses activités, afin de s'assurer qu'on les entende et qu'on respecte leurs droits.

Honorables sénateurs, en réalisant cette étude, notre comité a pu entendre le témoignage d'une femme qui lui a courageusement parlé de son expérience de travailleuse du sexe. C'est un témoignage qui résonne encore dans ma tête, et j'aimerais en lire un extrait aux sénateurs aujourd'hui, qui pourront ainsi mieux apprécier la gravité du problème. Debbie Cumby, du Centre Ma Mawi Wi Chi Itata, à Winnipeg, est une femme courageuse et une mère aimante. Voici ce qu'elle a dit à notre comité :

Je m'estime chanceuse. À bien des reprises, ma vie aurait pu se terminer, mais j'ai survécu. Dernièrement, toutefois, nos jeunes et nos enfants ne sont pas habités par cet instinct de survie. Ils sont trop nombreux à être portés disparus ou trouvés assassinés. Ce sont nos enfants, et c'est notre devoir de les protéger et de faire tout le nécessaire pour assurer leur sécurité.

Je suis tombée enceinte de ma fille, qui est maintenant âgée de 12 ans. Je voulais simplement une meilleure vie pour elle. J'étais terrifiée à l'idée qu'elle soit un jour impliquée dans des activités de ce genre. Lorsque ma fille était âgée d'un an et demi et que l'un de mes clients réguliers m'a demandé combien c'était pour elle, ça m'a vraiment ouvert les yeux. Même si c'était une chose horrible et négative, j'en ai retiré du positif, car cela m'a ouvert les yeux : j'ai compris que si je continuais à faire ce que je faisais, peu importe les mesures que je prendrais et les efforts que je déploierais pour protéger ma fille, elle finirait par tomber dans ce style de vie d'une façon ou d'une autre.

Nous voulons toujours que la situation de nos enfants soit meilleure que la nôtre à leur âge. Je tire ma force de ma fille chaque jour. Elle est la meilleure chose qui me soit arrivée.

Honorables sénateurs, j'aimerais à nouveau citer quelques statistiques canadiennes : 61 p. 100 de la totalité des victimes d'agressions sexuelles sont des enfants. Quatre-vingt-six pour cent des agressions sexuelles sont commises par une personne connue de la victime. Chaque année, environ 9 000 agressions sexuelles sont perpétrées contre des enfants au Canada. Plus de 80 p. 100 des victimes sont des jeunes filles. Ces chiffres sont éloquents. Nous devons protéger nos enfants. Nous devons leur donner une voix et nous devons les écouter.

(1820)

Honorables sénateurs, j'aimerais proposer ce qui suit :

Que le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé Exploitation sexuelle des enfants au Canada : une action nationale s'impose, déposé au Sénat le 23 novembre 2011, soit adopté et que, conformément à l'article 131(2) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Justice et procureur général du Canada étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à la mise sur pied d'une stratégie nationale de prévention du suicide—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Dawson, appuyée par l'honorable sénateur Day,

Que le Sénat convienne que le suicide n'est pas qu'une tragédie personnelle, mais qu'il constitue aussi un grave problème de santé publique et une priorité sur le plan politique; et que le Sénat exhorte le gouvernement à travailler de concert avec les provinces, les territoires, des représentants des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres intervenants afin de mettre sur pied et de financer une stratégie nationale de prévention du suicide, qui ferait, entre autres, la promotion d'une démarche complète et axée sur la recherche pour se pencher sur cette terrible perte de vie humaine.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, j'aimerais parler de la motion sur le suicide présentée par mon collègue, le sénateur Dawson. Comme brève entrée en matière, j'aimerais fournir quelques statistiques qui, je l'espère, sauront éveiller votre attention. Les Forces canadiennes ont perdu 158 soldats des deux sexes, y compris des femmes dans les unités de combat, lors de la récente campagne en Afghanistan. Selon des chiffres non confirmés, en raison des blessures subies lors de cette mission et de missions antérieures, on croit maintenant que le nombre de soldats décédés varierait plutôt entre 175 et 180 en raison des soldats qui se sont suicidés après leur retour au pays en raison de troubles psychologiques et de blessures de stress opérationnel.

[Français]

Mon discours portera sur la motion proposant une stratégie nationale pour la prévention du suicide.

Honorables sénateurs, je veux vous entretenir aujourd'hui de la question du suicide en lien avec la motion présentée par mon collègue, l'honorable sénateur Dawson. Comme il l'a mentionné, le suicide est une tragédie personnelle, mais aussi une problématique majeure de santé publique qui devrait être prise en considération par le gouvernement afin de développer un plan d'action efficace permettant la collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces, mais aussi toutes les organisations pertinentes, dans le but d'établir une stratégie nationale de prévention du suicide.

Je suis d'accord avec la solution de l'honorable sénateur et je souhaite aborder cette problématique en présentant les aspects liés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants et à ceux qui servent outre-mer.

[Traduction]

Dans le cadre de leurs fonctions, les soldats et les membres de la marine et de la force aérienne peuvent être exposés à des situations traumatisantes, que ce soit sur le terrain, à l'étranger et au pays, et au cours de leur formation. Lorsque nous participons à des missions de l'ONU et de l'OTAN, nos soldats sont confrontés à des atrocités inimaginables. Ces images restent imprimées très nettement dans leur mémoire, et ce, même pendant plusieurs décennies. Par exemple, les missions au Rwanda, en Yougoslavie, au Cambodge ou, tout dernièrement, en Afghanistan ont marqué profondément les soldats qui y ont pris part. Notre participation plus modeste à des missions comme les missions au Congo, au Soudan et en Sierra Leone a également laissé des traces dans l'esprit de bien des soldats. Certains subissent instantanément les séquelles psychologiques de ces situations horribles, tandis que d'autres n'en sentent les effets que des années plus tard.

Un des 12 officiers qui ont été déployés au Rwanda avec moi il y a 17 ans s'est suicidé il y a trois ans, soit 14 ans après les événements. La commission d'enquête a confirmé que son suicide était attribuable à une blessure de stress opérationnel et, par conséquent, à sa participation à la mission.

[Français]

Comme j'ai vécu cette réalité, je vous implore de prendre en considération les souffrances que j'ai vécues et que de nombreux anciens combattants et membres actifs des Forces canadiennes partagent avec moi. Les événements que j'ai vécus m'ont profondément marqué et ont changé le cours de mon existence et celle de ma famille. J'ai vécu une descente aux enfers et, bien que le pire soit désormais derrière moi, je souffre encore des conséquences de mon service dévoué envers ce pays.

Lors d'une réunion familiale à Pâques, l'an dernier, ma petite-fille, qui venait d'avoir huit mois, est tombée et s'est cogné la tête sur une table dans le salon. Évidemment, elle s'est mise à pleurer. Ce n'était rien de grave, mais tous les membres de la famille sont immédiatement allés la consoler; tous, sauf moi. Le bruit de sa tête heurtant la table et ses pleurs ont instantanément ramené à ma mémoire des centaines et des centaines d'enfants que j'ai vus être massacrés, abandonnés et mourir dans les rues, dans les forêts, dans les montagnes et dans les rivières du Rwanda.

J'ai revu ces images, claires et nettes et au ralenti, pendant quelques minutes, ce qui m'a pratiquement empêché de prendre ma petite-fille dans mes bras, voire de la consoler. Il a fallu que j'obtienne des soins continus et que je prenne des médicaments pour être en mesure, aujourd'hui, de l'apprécier un peu plus.

Mon cas est loin d'être unique. Le nombre d'anciens combattants et membres actifs souffrant de blessures, de stress post-traumatique opérationnel, de dépression, du syndrome du stress et autres troubles d'anxiété a triplé entre 2002 et 2007. Cette spirale infernale de souffrance psychologique peut les conduire au même point où j'ai été, c'est-à-dire des tentatives de suicide et, dans trop de cas, au succès dans le suicide.

Je ne souhaite cet enfer à personne, ni de vivre cette douleur et cette détresse à aucun être humain.

[Traduction]

Les dernières statistiques sur le suicide chez les militaires et les anciens combattants ont été publiées cette année dans une étude réalisée par Statistique Canada et intitulée Étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes : causes de décès. Les auteurs ont examiné les causes de décès chez les membres des forces régulières qui ont fait partie des Forces canadiennes entre 1972 et 2006. Ils ont constaté que 696 anciens combattants de sexe masculin et 29 de sexe féminin s'étaient suicidés. De plus, au cours de la même période, 201 hommes et 37 femmes membres des forces armées se sont suicidés alors qu'ils étaient encore en service. Ce sont là des suicides documentés et confirmés par une commission d'enquête. Il y a bien plus de blessures et d'empoisonnements, entre autres causes de décès, pour lesquels il est impossible de déterminer s'ils sont le fait de la victime elle-même. Avant même d'avoir été établis, ces chiffres sont beaucoup trop élevés.

Ce qui me préoccupe aussi, honorables sénateurs, c'est que ces données arrêtent à 2006. On ne connaît pas le taux de suicide chez les militaires et les anciens combattants de 2007 à aujourd'hui. Ce que nous savons, cependant, c'est que le rythme opérationnel a augmenté considérablement, ces derniers temps, avec le théâtre des opérations en Afghanistan. Quand les forces armées étaient occupées à cette mission de combat, elles l'étaient aussi à des missions humanitaires en Haïti, en Sierra Leone, au Darfour et au Congo, à des opérations de sécurité aux Jeux olympiques d'hiver à Vancouver et à leurs opérations courantes, notamment des missions de recherche et de sauvetage à la défense de la souveraineté canadienne.

(1830)

À force de trop en demander à nos militaires, qui sont relativement peu nombreux, c'est leur santé mentale qui finit par écoper, même si ce problème est souvent passé sous silence.

Je tiens à souligner, honorables sénateurs, que les Forces canadiennes ont entrepris leur mission à Kandahar en 2006 et que la plupart des décès et des blessures liés au combat, de même que les plus forts combats, ont eu lieu par la suite. Cela dit, puisque nous n'avons pas de statistiques officielles sur le nombre de militaires et d'anciens combattants qui se sont suicidés depuis 2006, je vais vous décrire de manière assez troublante l'état de santé mentale des militaires des Forces canadiennes.

[Français]

Les statistiques nous permettent de constater que le nombre de militaires et de vétérans qui ont des pensées suicidaires est deux fois plus élevé que dans la population civile. Toutefois, selon les autorités officielles, le taux de suicide est semblable entre les civils et les militaires du même âge. Cela peut être expliqué par le fait que les militaires sont judicieusement sélectionnés afin d'être habilités au service. En général, ils sont en meilleure santé que les civils, mais sont plus exposés à des situations traumatisantes. Ces deux facteurs s'équilibrent pour nous donner un taux similaire entre ces deux populations. Ce fait change lorsque les militaires se retirent du service actif. Par Comparaison aux civils du même âge, il y a 46 p. 100 plus de suicides parmi les vétérans.

De plus, depuis 2006, les trois quarts des clients de la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui accèdent à la réhabilitation et à un soutien financier mensuel, ont une blessure ou une maladie mentale. Ceci nous confronte à des questions sérieuses traitant des services de transition de nos vétérans et est une source importante de préoccupation. De fait, nous pouvons donc présager que le nombre de suicides et de blessures de stress opérationnel est plus important qu'avant 2006 et le sera pour les années à venir.

Veuillez noter, honorables sénateurs, que ces statistiques portent seulement sur la Force régulière. Aucune statistique officielle et récente n'est disponible pour la situation des réservistes qui ont formé généralement jusqu'à 20 p. 100 de tous les effectifs dans toutes les missions.

Nous nous sommes dernièrement fortement appuyés sur nos réservistes afin d'accomplir nos multiples missions difficiles et simultanées. La transition difficile et parfois multiple entre la vie civile et la vie d'un militaire déployé, pour nos réservistes, en plus de leur éloignement géographique des bases militaires au Canada, nous permettent d'estimer que le suicide et les difficultés de santé mentale seraient aussi nombreux parmi ce groupe. Un effort délibéré de cueillette d'information est absolument essentiel, à cet égard, pour mieux évaluer la situation.

[Traduction]

Honorables sénateurs, grâce aux relations que j'entretiens toujours avec les militaires et les anciens combattants, j'ai pu recueillir des données à l'appui de la situation difficile que je viens de relater. Je suis bouleversé de vous annoncer que l'année qui se termine a été difficile, surtout ce mois-ci, car quatre réservistes qui ont tous servi en Afghanistan se sont récemment suicidés. Au cours des deux dernières semaines, quatre autres soldats ont tenté de s'enlever la vie. Cette semaine, deux de plus ont réussi.

En 2010, le taux de suicide moyen a doublé. Ainsi, 22 militaires sont décédés dans ces circonstances. En 2011, le nombre de suicides a beaucoup augmenté. C'est terrible et tout à fait inacceptable. Ces décès sont aussi attribuables à ces opérations, et pourtant, on ne le reconnaît pas et on ne souligne pas la contribution de ces militaires, alors qu'on le fait pour ceux qui sont morts sur le terrain.

Il faut aussi tenir compte des répercussions du suicide d'un militaire ou d'un membre de la famille ou d'un proche d'un militaire. D'autres personnes dans la famille peuvent elles aussi vivre un traumatisme lorsqu'un membre de la famille est déployé ou décède, plus particulièrement s'il s'agit du père ou de la mère, et les changements de comportement qui peuvent survenir au retour d'une mission risquent aussi d'avoir le même effet. Il faut tenir compte de ces aspects dans l'élaboration d'une stratégie nationale de prévention du suicide. Lorsqu'un soldat, un marin ou un militaire des forces aériennes est déployé, sa famille est elle aussi engagée dans cette opération.

Nos ressources militaires sont relativement limitées si on les compare à celles de nos alliés. Nous faisons toutefois notre part dans les missions menées par les coalitions internationales. Comme les Forces armées canadiennes comptent un nombre limité de militaires, ceux-ci sont régulièrement appelés à participer à des opérations à l'étranger. Il n'est pas rare de voir un militaire qui a été déployé trois ou quatre fois en Afghanistan seulement. Si on compte aussi la campagne en Yougoslavie et d'autres missions, on a de nombreux sergents qui ont été déployés à neuf reprises, ce qui représente chaque fois un déploiement de six mois précédé d'un entraînement.

Des membres des Forces armées canadiennes ont maintenant passé plus de temps au combat que les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, et dans des situations beaucoup plus complexes.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, peut- on avoir le silence, s'il vous plaît, afin de pouvoir entendre l'honorable sénateur Dallaire?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Dallaire : Je parlerai plus fort et j'appliquerai ce que mes amis du corps des Marines m'ont inculqué, c'est-à-dire être bref.

Cette multiplication des missions augmente le stress et le risque de vivre des événements traumatisants. De nombreux militaires souffrent de blessures physiques et psychologiques qui pourraient les pousser au suicide. Les risques de préjudices sont très élevés au sein de ce groupe.

D'autres ministères et agences pourraient aussi être touchés par le rythme du « déploiement pangouvernemental outremer » qui est devenu la politique du gouvernement. Je pense en particulier au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, le MAECI, au déploiement de diplomates et de leur personnel, à la GRC et aux policiers des corps municipaux et provinciaux. Honorables sénateurs, il y a, en tout temps, plus de 200 policiers canadiens en moyenne déployés partout dans le monde. Je pense aussi à l'ACDI et à ses spécialistes en développement, qui sont maintenant déployés à l'extérieur du périmètre de sécurité et se rendent sur le terrain pour accomplir les tâches qui leur sont confiées pendant les missions. Toutes ces personnes peuvent vivre des niveaux de stress et des situations traumatisantes semblables à ce que vivent les militaires. Les militaires ne sont pas les seuls à subir les effets néfastes des traumatismes. Les organisations non gouvernementales qui fournissent une aide humanitaire dans les zones de conflit et les zones sinistrées peuvent aussi avoir des problèmes semblables, tout comme les journalistes qui ont passé trop de temps dans des zones de guerre et en subissent les conséquences; les agences de presse qui les emploient devraient d'ailleurs se demander s'ils sont en mesure de supporter ce stress et de produire des reportages objectifs. Ces gens sont, eux aussi, susceptibles de souffrir de traumatismes liés au stress opérationnel et d'autres problèmes qui peuvent les pousser au suicide. Les traumatismes liés au stress opérationnel peuvent être mortels.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorable sénateur Dallaire, vos 15 minutes sont écoulées. Souhaitez-vous demander aux sénateurs de vous accorder cinq minutes de plus?

Le sénateur Dallaire : Je ne voudrais pas exagérer, mais oui, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président intérimaire : Lui accordons-nous cinq minutes de plus, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Dallaire : Je vais essayer de parler plus vite.

L'officier que j'avais côtoyé en mission et qui s'est suicidé, il y a trois ans, a été retrouvé le lendemain matin. Sa femme, avec qui il s'était querellé, était allée dormir avec ses filles afin de permettre à tout le monde de se calmer. Trois ans jour pour jour après ce triste événement, les jeunes filles en question, qui sont maintenant des adolescentes, ont accusé leur mère d'avoir causé la mort de leur père, ou du moins de l'avoir précipitée, arguant que le stress l'aurait rendue moins tolérante. Les familles continuent de souffrir bien au- delà de l'année pendant laquelle nous leur offrons du soutien. Il n'est pas rare que la douleur ne s'estompe jamais.

[Français]

Cette réalité différente doit être intégrée afin de s'assurer de répondre à leurs besoins spécifiques. Les ressources disponibles doivent prendre en compte ce qu'ils ont vécu et les blessures psychologiques dont ils souffrent. Le suicide n'est pas un problème individuel, c'est un problème de société puisque c'est celle-ci qui a besoin des services dangereux qui mettent les individus à risque. Nous devons nous assurer de protéger les individus qui souffrent d'eux-mêmes et leur donner des outils leur permettant de trouver une autre solution afin de faire cesser leurs souffrances. Ils se tuent parce qu'ils ont mal, ils tentent d'atténuer leur mal physique et psychologique.

(1840)

Un suivi est essentiel pour leur éviter de souffrir d'une rechute fatale et leur permettre de trouver un équilibre qui, bien que précaire, peut assurer leur survie. Il faut reconnaître que l'approche des Forces canadiennes face à la santé mentale a évolué depuis mon époque. Les Forces canadiennes et Anciens Combattants Canada reconnaissent les blessures psychologiques, comme les blessures liées au stress opérationnel et les troubles de stress post-traumatique. Cette reconnaissance peut aider ceux qui en souffrent à se faire traiter. Auparavant, ces maux étaient considérés comme un signe de faiblesse. Le système militaire s'est ajusté face aux nombreux cas et a adopté une approche permettant le dialogue. Espérons que la Ligue nationale de hockey évoluera dans le même sens.

De la formation est offerte, dans le cadre de l'entraînement militaire, avant et après le déploiement, pour présenter les symptômes, les traitements et les ressources disponibles pour ceux et celles qui souffriront de ces malaises.

Les mentalités évoluent, et cela permet aux membres des Forces canadiennes de jouir d'un meilleur support de la chaîne de commandement et des pairs. Bien qu'il reste du travail à accomplir dans ce domaine, notamment dans le but d'aider les réservistes, souvent isolés dans leur milieu rural et qui n'ont pas accès aux services en raison de leur éloignement géographique des bases, on peut conclure que le processus de sensibilisation a été raisonnablement réussi et que des mesures ont été prises pour contrer le problème.

Dans l'élaboration d'une stratégie nationale du suicide, il faut prendre en considération les problèmes vécus par nos vétérans et nos membres actuels des Forces canadiennes, de même que toute autre personne souffrant de blessures psychologiques liées à des événements stressants vécus dans le cadre de sa profession, ainsi que sa famille. Je répète : ainsi que sa famille.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous savons que le mois de décembre est un mois difficile pour ceux qui souffrent de problèmes de santé mentale. C'est particulièrement le cas pour ceux d'entre nous qui ont servi sous les drapeaux et qui sont maintenant des anciens combattants. Le mois de décembre est censé être une période de réjouissance, mais il arrive souvent que les militaires ne puissent pas être avec leurs familles. Ceux qui servent ou qui ont servi sous les drapeaux songent souvent, notamment à l'occasion du jour du Souvenir, aux compagnons d'armes qui ne sont jamais revenus à la maison.

Honorables sénateurs, en ce mois de décembre, posons un geste et montrons à ceux qui ont des pensées suicidaires que le Parlement est là pour les soutenir et que nous allons prendre des mesures afin de les aider à vivre une vie plus positive.

[Français]

Honorables sénateurs, il est important d'agir maintenant et d'adopter cette motion aujourd'hui afin d'étudier les options possibles et de mettre en place une stratégie nationale de prévention du suicide. L'autre endroit a déjà adopté, à l'unanimité, une motion semblable visant à prendre des actions concrètes à l'égard des questions de suicide. En particulier, les caractéristiques des militaires et des anciens combattants doivent être implicitement incluses afin de s'assurer que ce problème singulier soit pris en considération.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorable sénateur, ce sujet me tient particulièrement à cœur. Comme je n'ai pas eu le temps de préparer mon intervention, j'aimerais proposer l'ajournement du débat à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)

La sanction royale

Son Honneur le Président intérimaire informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :

RIDEAU HALL

Le 15 décembre 2011

Monsieur le Président,

J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre le 15 décembre 2011, à 18 h 17.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.

Le secrétaire du gouverneur général,
Stephen Wallace

L'honorable
        Président du Sénat
                Ottawa

Projets de loi ayant reçu la sanction royale, le jeudi 5 décembre 2011 :

Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2012 (Projet de loi C-29, Chapitre 23, 2011);

Loi portant exécution de certaines dispositions du budget de 2011 mis à jour le 6 juin 2011 et mettant en œuvre d'autres mesures (Projet de loi C-13, Chapitre 24, 2011);

Loi réorganisant la Commission canadienne du blé et apportant des modifications corrélatives et connexes à certaines lois (Projet de loi C-18, Chapitre 25, 2011).

[Traduction]

Le Sénat

Motion exhortant le gouvernement à présenter des excuses officielles à la communauté sud-asiatique et aux personnes touchées par l'incident du Komagata Maru—Report du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Jaffer, appuyée par l'honorable sénateur Munson :

Que le gouvernement du Canada présente des excuses officielles à la communauté sud-asiatique et aux personnes touchées par l'incident du Komagata Maru survenu en 1914.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je demande respectueusement au sénateur Carignan de m'indiquer quand je peux m'attendre à ce qu'il réponde cet article inscrit au Feuilleton. Plusieurs de personnes de ma province me demandent ce qu'il advient de cette motion.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, je dois préparer mes notes. Par conséquent, mon discours ne sera certainement pas pour demain. Je prendrai la parole brièvement demain afin d'éviter que cette motion ne soit retirée de l'ordre du jour. Toutefois, mon discours sera probablement prononcé au début du mois de février.

(Le débat est reporté.)

[Traduction]

Les changements climatiques

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Grant Mitchell, ayant donné avis le 26 octobre 2011 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur la nécessité de prendre de nouvelles mesures sur les changements climatiques.

— Honorables sénateurs, j'aimerais en dire davantage à ce sujet, mais ce n'est pas le moment. Je ne suis pas prêt. Je suis persuadé qu'il y a ici des gens qui sont très heureux de l'entendre.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mitchell : Par contre, cet article en est au 15e jour. J'aimerais donc qu'on reprenne le compte des jours à zéro, si possible, et remettre mon intervention à plus tard.

(Sur la motion du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)

(1850)

Affaires sociales, sciences et technologie

Autorisation au comité de déposer son rapport sur l'étude sur l'accessibilité à l'éducation postsecondaire auprès du greffier pendant l'ajournement du Sénat

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, conformément à l'avis donné le 14 décembre 2011, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport final sur la question de l'accessibilité à l'éducation postsecondaire au Canada avant le 31 décembre 2011, si le Sénat ne siège pas; et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne à demain, à 9 heures.)


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