Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 92
Le lundi 18 juin 2012
L'honorable Donald H. Oliver, Président intérimaire
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations
- Le budget de 2012
- Projet de loi sur le drapeau national du Canada
- Projet de loi sur la Journée lavande
- Le Code criminel
- La Loi sur l'importation de boissons enivrantes
- La Loi sur les aliments et les drogues
- Règlement, procédure et droits du Parlement
- Le Code criminel
- Finances nationales
- Le Sénat
- Le Sénat
- Les avantages économiques de la pêche récréative au saumon
- La Charte des droits et libertés
- La prévention et l'élimination des atrocités de masse
- Les soins palliatifs
- La promotion des intérêts de l'Alberta
- Le Sénat
- Projet de loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable
- La Loi sur le droit d'auteur
LE SÉNAT
Le lundi 18 juin 2012
La séance est ouverte à 18 heures, le Président intérimaire étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le regretté Roland Désourdy
L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, j'ai le privilège aujourd'hui de vous entretenir quelques minutes sur l'un des grands bâtisseurs du Québec et du Canada : M. Roland Désourdy, fondateur de la compagnie Désourdy Construction.
M. Désourdy était un entrepreneur et un administrateur public, mais surtout un grand humaniste. Se entreprises ne se comptent plus au Québec, que ce soit les chantiers du Stade olympique, de la baie James, de Churchill Falls ou de nombreux hôpitaux. Il a été l’un des grands bâtisseurs du Québec.
Toute sa vie, il a consacré une très grande partie de son temps à sa population; maire de Cowansville pendant plus d'une décennie, fondateur de la ville de Bromont et surtout de son parc industriel, M. Désourdy a permis à une population aujourd'hui très intéressante de faire un site tout à fait naturel et extraordinaire de la ville de Bromont. Il a fondé avec des amis et des collaborateurs une ville de A à Z. La ville de Bromont est aujourd'hui reconnue internationalement pour son ski, ses pistes de course, son hippodrome, mais surtout pour son parc technologique.
Grâce à l'initiative de M. Désourdy, des entreprises comme IBM Canada ont justement choisi la ville de Bromont pour sa qualité de vie et le fait que les gens peuvent vivre en harmonie avec la nature et le travail. D'autres entreprises sont venues s'y installer au cours des années.
M. Désourdy était un passionné des chevaux. En 1976, il a reçu le Comité olympique canadien et le Comité olympique international et ils ont tenu des championnats olympiques dans la ville de Bromont. Il a reçu chez lui le prince Philip, le prince Charles et la princesse Anne, qui était de la compétition à cette époque.
M. Désourdy était avant tout un homme d’avenir, qui regardait vers l’avenir. Il a bâti une société au sein de laquelle les gens pouvaient vivre heureux. Comme il venait lui-même d’une famille pas très riche, il avait compris qu’un bon travailleur devait avoir une bonne qualité de vie pour lui, sa famille et ses enfants. C’est ce qu’il a fait tout au long de sa vie. Il s’est éteint l’année dernière, à l’âge de 93 ans.
J'ai eu le privilège d'assister au changement de nom de l'aéroport de Bromont, qui s'appelle maintenant l'aéroport Roland-Désourdy.
J'ai l'honneur de vous présenter son fils, qui est à la tribune aujourd'hui, M. Gérald Désourdy, qui a poursuivi les activités de l'entreprise dans bien des domaines avec son père.
Roland Désourdy était avant tout un personnage bon. Il a donné l'exemple à de nombreux Canadiens et Canadiennes. Aujourd'hui, les jeunes sont à la recherche de modèles au Canada et au Québec. Je crois sincèrement qu'ils peuvent adopter facilement le modèle de Roland Désourdy.
Honorables sénateurs, le nom Désourdy restera très longtemps dans nos mémoires, puisqu'il s'agit d'un modèle québécois et canadien. Il était un grand Québécois et, surtout, un grand Canadien.
[Traduction]
L'autisme
L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, permettez-moi quelques observations à propos du problème de plus en plus complexe que constitue l'autisme dans notre pays.
Bien qu'il y ait tout un débat autour des critères diagnostics de l'autisme, il n'en demeure pas moins que, chaque année, un enfant sur 110 environ reçoit ce diagnostic. Ce trouble a de profondes conséquences sur les personnes, les familles et la nation dans son ensemble.
Honorables sénateurs, les sénateurs Jacques Demers, Jim Munson, Francis Fox et moi avons eu le privilège, le 11 février dernier, d'animer ensemble une merveilleuse collecte de fonds organisée par l'American Hellenic Educational Progressive Association au profit d'une institution très spéciale à Montréal, l'école et centre de ressources pour l'autisme À Pas de Géant. Ce qui a rendu cet événement — le treizième bal de la Saint-Valentin de l'AHEPA — si spécial est le fait qu'il a réuni plusieurs centaines de leaders communautaires et de chefs d'entreprise, hors de tout esprit partisan, pour une bonne cause qui a permis de recueillir plus de 130 000 $ pour le programme À Pas de Géant. C'est un excellent résultat qui profitera à des enfants atteints d'autisme.
Le programme offert par l'école À Pas de Géant est fondé sur une approche globale comprenant un éventail de traitements et de techniques pédagogiques. Chaque enfant est suivi par un éducateur spécialement formé et, dans les cas où cela est possible, les élèves de cette école fréquentent une école régulière plusieurs fois par semaine dans le cadre du programme d'inclusion d'À Pas de Géant, pour qu'ils puissent côtoyer des élèves « neurotypiques ». C'est ce qui rend unique l'approche d'À Pas de Géant.
J'ai aussi eu l'occasion de m'entretenir avec un grand nombre des parents et des professionnels affiliés au programme À Pas de Géant. J'ai découvert que cette école serait la seule au Québec qui se consacre exclusivement à l'autisme.
L'établissement a actuellement une liste d'attente de 600 enfants. Le centre de ressources À Pas de Géant a donc entrepris une campagne de sensibilisation de la collectivité en organisant des conférences et des ateliers à l'intention des parents et des professionnels tout en offrant des services de consultations et autres.
(1810)
Certes, les efforts de l'école À Pas de Géant sont louables, mais il n'en reste pas moins que nous n'en faisons pas assez pour appuyer ces efforts et d'autres programmes similaires dans tout le pays. Le diagnostic et l'intervention précoce sont vitaux, et pourtant le système médical est manifestement à la traîne alors que le taux d'autisme croît. Les parents dénoncent le coût de plus en plus élevé des thérapies, alors que le système public se révèle incapable de fournir des services satisfaisants.
Honorables sénateurs, j'en profite pour féliciter l'AHEPA du leadership dont elle a fait preuve à l'échelle communautaire en appuyant notamment le programme de l'école À Pas de Géant et, plus généralement, la cause de l'autisme. Je tiens aussi à remercier les sénateurs Munson et Fox d'avoir mis de côté leurs opinions politiques pour se joindre au sénateur Demers et à moi au profit d'une cause aussi méritoire.
Il est maintenant temps que nous élaborions une stratégie globale sur l'autisme à l'échelle nationale. La grandeur d'une nation se mesure à sa compassion et à son ouverture. C'est ce qui nous distingue et fait un de nous un grand peuple, parce que nous estimons qu'un handicap ne doit jamais empêcher un Canadien de réaliser pleinement son potentiel dans notre société.
La Syrie
L'instabilité politique et la violence
L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, la situation en Syrie a profondément empiré depuis que la question a été abordée ici, il y a trois mois. Il est temps de nous demander si ce pays est devenu la Tchécoslovaquie de notre génération. La Syrie n'a pas été envahie par une puissance étrangère, mais des puissances étrangères et une armée syrienne brutale sont profondément impliquées dans le massacre de milliers de personnes.
Mis à part les déclarations pieuses et les missions d'observation stériles de l'ONU, la communauté internationale assiste à cette situation sans bouger. Pendant que nous restons là sans rien faire, on massacre et on torture des enfants et des mères arabes, et on les utilise même comme boucliers humains sur les blindés d'Assad. On bombarde des immeubles d'habitation jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne de vivant, et nous ne faisons rien.
Le président Assad s'est servi des efforts courageux et sincères de Kofi Annan pour gagner du temps et tuer plus de personnes. Armés par l'Iran et la Russie, et protégés par les vetos imposés au Conseil de sécurité par la Chine et la Russie, Assad, son armée et sa milice armée sont devenus le symbole de l'impunité. Les médias britanniques ont indiqué récemment qu'un cargo russe transportant des hélicoptères blindés Mi-25 et des missiles anti-aériens est en route vers la Syrie, ce qui, en plus de l'expédition éventuelle d'autres armes et de chasseurs, fait augmenter les coûts stratégiques, pour la Ligue arabe et pour nous tous, qui sont liés au fait de continuer à ne pas intervenir.
La Syrie est un client de l'Iran et un État qui appuie le terrorisme régional et international. Les Russes, qui tiennent désespérément à conserver leur base navale en Syrie et leur présence dans la région, s'engagent de plus en plus à fond dans les systèmes diplomatique et militaire dont dépend Assad. Les forces militaires syriennes auront peu à craindre, tant que l'OTAN et la Ligue arabe n'imposeront pas une zone d'exclusion aérienne et ne la feront pas respecter afin d'empêcher les hélicoptères syriens d'attaquer leur propre population civile. Tant que des bateaux dotés de missiles et des hélicoptères de l'OTAN ne patrouilleront pas au large de la côte syrienne, et tant que le commandement ainsi que les systèmes et centres de contrôle syriens n'auront pas été neutralisés, l'armée syrienne n'aura aucune raison de s'opposer à des ordres qui sont des crimes contre l'humanité, tant dans leur transmission que dans leur exécution.
Nos alliés turcs, nos partenaires commerciaux jordaniens et nos amis libanais méritent notre soutien logistique et tactique relativement aux fardeaux qu'ils portent ou devront porter, en raison des réfugiés qu'ils accueillent. Les négociations pour un cessez-le-feu en Syrie ne peuvent même pas commencer avant qu'Assad et ses marionnettistes iraniens comprennent que l'époque de l'impunité est révolue.
Les promoteurs de l'inertie, qui font valoir que les risques d'une intervention sont trop élevés, ne semblent pas conscients des risques liés à l'inertie. Une victoire d'Assad, obtenue en tuant des milliers de ses compatriotes — ce qui, soit dit en passant, est une vieille tradition au sein de la famille Assad —, maintiendrait au pouvoir une dictature violente et meurtrière qui a recours à la terreur et à l'oppression pour rester au pouvoir, pour tout prendre à son peuple et pour promouvoir les aspirations régionales de l'Iran et les initiatives géostratégiques de la Russie, tout cela au détriment de la stabilité et de la paix en Turquie, en Jordanie, au sein de l'Autorité palestinienne, au Liban et en Israël. Si le bain de sang se poursuit sans une présence militaire stabilisatrice de l'Occident ou de la Ligue arabe, le risque de génocide dans le cas des minorités qui ne font pas partie de l'opposition plus radicale, comme par exemple les alaouites, va augmenter sensiblement.
En terminant, je tiens à dire qu'il est toujours difficile d'intervenir. Ces interventions sont complexes et compliquées. Toutefois, rester sur la touche et ne rien faire n'est ni complexe ni compliqué. C'est tout simplement criminel.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le commissaire au lobbying
Dépôt du rapport d'enquête sur les activités de lobbying de M. Keith Beardsley
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'enquête portant sur les activités de lobbying de M. Keith Beardsley, conformément à l'article 10.4 de la Loi sur le lobbying.
La bibliothécaire du Parlement
Dépôt du certificat de nomination
L'honorable Claude Carignan (Leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination de Sonia L'Heureux, bibliothécaire parlementaire.
Adoption de la motion tendant à renvoyer le certificat de nomination au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)(i) du Règlement, je propose :
Que le Certificat de nomination de Sonia L'Heureux, bibliothécaire parlementaire, déposé au Sénat le 18 juin 2012, soit renvoyé au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement pour étude et rapport;
Que le comité fasse rapport au plus tard le 30 juin 2012;
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Projet de loi sur le cadre fédéral de prévention du suicide
Première lecture
Son Honneur le Président intérimaire annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-300, Loi concernant l'établissement d'un cadre fédéral de prévention du suicide, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
(1820)
Affaires sociales, sciences et technologie
Avis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude sur la cohésion et l'inclusion sociales
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 22 novembre 2011, la date pour la présentation du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur la cohésion et l'inclusion sociales au Canada soit reportée du 30 juin 2012 au 31 décembre 2012.
[Français]
Droits de la personne
Avis de motion tendant à reporter la date du rapport final sur l'étude des questions relatives aux obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 22 juin 2011, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne soit reportée du 30 juin 2012 au 28 juin 2013.
L'Association parlementaire Canada-Europe
Avis d'interpellation
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je donne avis que, dans deux jours :
J'attirerai l'attention du Sénat sur le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant sa mission parlementaire en République de Chypre, prochain pays appelé à exercer la présidence tournante du Conseil de l'Union Européenne et au Royaume-Uni, déposé au Sénat le jeudi 14 juin 2012.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
La coopération internationale
La prévention du paludisme dans le monde
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Selon le Rapport 2011 sur le paludisme dans le monde. de l'Organisation mondiale de la santé, le taux de mortalité due au paludisme a chuté de plus de 25 p. 100 dans le monde depuis 2000. Par contre, le rapport signale que de possibles baisses de financement pourraient tout à fait compromettre les progrès prévus.
L'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour le paludisme a déclaré ceci :
Avec la baisse importante de la mortalité due au paludisme en Afrique depuis 2000, le retour sur les investissements que nous avons consentis pour que cette maladie ne provoque plus de décès est plus important que tout ce que j'ai connu dans le secteur privé. Mais le paludisme tue toujours un enfant par minute, et c'est encore trop.
La question que je pose au leader, et que je lui ai déjà posée, est la suivante : que fera le Canada pour que les progrès se poursuivent et que le paludisme soit éradiqué pour toujours?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, il est évident que nous pouvons tous être fiers du rôle que les Canadiens ont joué dans cette baisse marquée du nombre de cas de paludisme.
En ce qui concerne les initiatives futures dans ce domaine, je vais devoir transmettre une demande spéciale au ministère pour avoir plus de précisions. Je remercie madame le sénateur de sa question.
Le sénateur Jaffer : J'ai plusieurs questions complémentaires à poser. Je crois comprendre que madame le leader devra se renseigner pour y répondre.
Quelles ressources ont été prévues pour que des millions d'hommes, de femmes et d'enfants cessent de mourir de cette maladie qu'il est tout à fait possible d'éviter et de traiter? Le Canada assumera-t-il le même rôle de leadership qu'il a assumé dans le cas de la santé maternelle? Quel financement le Canada fournira-t-il aux organisations multilatérales qui luttent infatigablement contre le paludisme?
Enfin, j'ai pu constater dans les villages où je travaille que le DDT a une influence certaine. Le Canada réexaminera-t-il la question du DDT et veillera-t-il à ce que ce produit puisse être utilisé en Afrique pour éradiquer le paludisme?
Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur. Nous connaissons tous l'histoire du DDT, de son interdiction et des problèmes que cela semble avoir créé. Je ne crois pas qu'on ait réexaminé l'utilisation du DDT, mais il n'y a pas de doute que son interdiction a eu des effets sur la population des moustiques.
Je serais heureuse de prendre note de toutes ces questions complémentaires et d'y répondre par écrit.
[Français]
La défense nationale
L'impact des compressions budgétaires
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur le budget du ministère de la Défense nationale par suite des deux grandes compressions budgétaires qui ont eu lieu.
Il est très difficile de comprendre l'impact de ces compressions lorsqu'on voit, toutes les semaines, des informations selon lesquelles tel projet a été retardé, tel projet a été réduit et peut-être même éliminé.
Madame le leader est-elle en mesure de nous dire quel impact ces compressions ont eu pour le ministère de la Défense nationale en ce qui a trait à l'acquisition de matériel, comparativement aux coûts reliés au personnel, à l'entretien et aux opérations?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. L'un des faits qu'on a tendance à oublier dans cette discussion sur le budget de la Défense nationale et d'autres ministères — mais particulièrement de la Défense nationale —, c'est que notre gouvernement a fait des investissements sans précédent dans les Forces canadiennes ces dernières années. Depuis qu'il est au pouvoir, le budget de la défense a augmenté en moyenne d'un milliard de dollars par an. Bien sûr, tous les ministères ont présenté leurs propositions au gouvernement, qui les a acceptées en général. Nous continuerons de financer le ministère à un niveau largement supérieur à ce qu'il a jamais reçu dans le passé. Nous croyons que la Défense nationale est en mesure de fonctionner dans les limites de l'enveloppe budgétaire que le ministère a demandée.
Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, il est vrai que le gouvernement conservateur a maintenu la croissance que le gouvernement libéral avait commencée au début des années 2000. La croissance d'un milliard de dollars par an était déjà là depuis trois ans avant l'arrivée des conservateurs au pouvoir. Bien sûr, le fait de mener des opérations de combat a imposé au gouvernement de dépenser de l'argent pour régler des problèmes qui duraient depuis des années.
Je voudrais attirer l'attention du leader sur le livre blanc de 1987, dans lequel Perrin Beatty avait promis le monde durant la guerre froide. Deux ans plus tard, le ministre Wilson a complètement détruit le livre blanc. Ayant personnellement participé au processus d'acquisition, je sais que rien n'a été acheté. Toutefois, je ne nie pas le fait que le gouvernement s'est procuré du matériel et l'a fait d'une manière responsable pour répondre aux besoins de nos soldats, réduire les risques et assurer le succès de la mission.
Ma question concerne l'avenir, au cas où le gouvernement décide de publier un exposé de principe, comme Le Canada d'abord, contenant une liste des besoins en immobilisations. Maintenant que les effets des compressions se font sentir, est-ce que le leader peut nous dire si le programme d'immobilisations correspond proportionnellement au plan établi à l'origine par le processus Le Canada d'abord? Par exemple, est-il en deçà du risque d'usure à 23 p. 100 du budget global?
Le sénateur LeBreton : Lorsque le sénateur a parlé des libéraux, je suppose qu'il évoquait la période qualifiée de « décennie de noirceur » par l'ancien chef d'état-major de la Défense. Je suppose aussi que c'est pour cette raison que les soldats ont été envoyés en campagne en Afghanistan avec des uniformes verts.
En fait, honorables sénateurs, contrairement aux libéraux, notre gouvernement a acheté du matériel pour les militaires. Par exemple, nous avons pris livraison de 4 C-17 Globemaster, de 17 C-130J Hercules et de plus d'un millier de véhicules de soutien moyens et de chars Leopard.
(1830)
Comme le sénateur l'a indiqué, le ministère de la Défense nationale a cherché, ces deux dernières années, des moyens de réaliser des économies afin d'augmenter son efficacité. Grâce à cette initiative ainsi qu'à la fin de la mission de combat en Afghanistan, la Défense nationale reviendra à un rythme de fonctionnement plus normal. Au cours des semaines et des mois à venir, les ministères informeront les intéressés des changements précis, qui seront communiqués en conséquence.
Le ministère de la Défense nationale a reçu un soutien incroyable de la part de notre gouvernement. Il pourra continuer à compter sur le même appui en gardant à l'esprit, comme le sénateur et moi l'avons dit, que nous avons dépensé plus d'un milliard de dollars par an depuis que nous formons le gouvernement.
Le sénateur Dallaire : Oui, il est vrai qu'il y a du soutien, mais il diminue. Par exemple, la décision prise il y a deux ans de cesser de transférer des fonds du crédit 5 au crédit 1 en fin d'exercice a en fait privé la Défense nationale de 400 millions de dollars que le ministère ne pouvait pas dépenser. Le programme d'immobilisations est essentiel pour l'avenir. Nous ne voulons pas que le matériel se détériore, ce que l'honorable Perrin Beatty avait essayé en vain de faire. Puis-je rappeler que la décennie de noirceur a commencé sous le gouvernement Mulroney?
J'ai regardé le programme d'immobilisations. À part les Chinook et les chars, tous les autres projets étaient déjà en cours. Pour mener à bien un projet d'immobilisations, il faut 15 à 20 ans. Il y a eu un processus accéléré, que nous applaudissons. Toutefois, on peut se demander à certains moments si les gens du Bureau du vérificateur général ne se trouvent pas dans une situation précaire à cause de l'excellent travail qu'ils ont fait.
Nous essayons de déterminer si le programme d'immobilisations est adéquat par rapport aux fonds reçus par le MDN. L'est-il, oui ou non? Je vais tenter de situer le contexte. Le gouvernement a réagi de manière excessive au rapport du vérificateur général et a décidé de ne pas dépenser plus de 9 milliards de dollars pour les F-35. Cette décision met la mission en péril parce qu'elle signifie que nous ne ferons pas l'acquisition de 65 F-35, ce qui est le nombre minimum d'avions qui doivent être achetés pour répondre aux besoins de la force aérienne. Une décision a été prise à propos de ce gigantesque projet, et cela l'a mis en péril. Qu'en est-il des autres projets qui pourraient eux aussi être menacés parce que le programme d'immobilisations n'est pas adéquat?
Le sénateur LeBreton : Le sénateur adopte certainement un point de vue qui n'est pas partagé par certains de ses collègues en ce qui a trait au vérificateur général et aux F-35.
Les sommes allouées par le gouvernement au ministère de la Défense nationale sont nécessaires pour maintenir une force viable. Toutefois, nous nous attendons à ce que ce ministère, ainsi que tous les autres ministères fédéraux, continue à utiliser et à gérer ces fonds de manière responsable. Le sénateur a déjà fait part de ses opinions sur les F-35 au Sénat. Grâce au comité de surveillance, le gouvernement veillera à ce que toutes les procédures appropriées soient suivies et que tous les chiffres relatifs au programme soient vérifiés indépendamment avant de procéder à l'acquisition.
Le sénateur Dallaire : Les membres du Cabinet et de l'ensemble de la fonction publique savent que le ministère de la Défense nationale, qui a le plus grand fonds discrétionnaire du gouvernement, surveille étroitement la façon dont il dépense son argent. La division des fonds entre l'acquisition d'immobilisations, l'exploitation et la maintenance, ainsi que le personnel, est également connue dans la fonction publique. Comme on le dit dans la Stratégie de défense Le Canada d'abord, il est essentiel que l'acquisition d'immobilisations repose sur un certain niveau de financement pour établir cette base.
Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle demander à son collègue de la Défense nationale de répondre à cette question et de garantir que le programme des immobilisations restera rentable une fois les examens terminés?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je ne sais pas sur quelles données le sénateur appuie ses affirmations. Il a certes de l'expérience au ministère de la Défense nationale. Je serai heureuse de prendre note de sa dernière question.
Tous les ministères devront gérer et surveiller adéquatement les fonds qui leur seront versés afin de mener à bien leur mandat respectif.
Le patrimoine canadien
Le Programme national de développement des archives
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, le gouvernement dépense 30 millions de dollars dans un projet de glorification de la guerre de 1812. Pour trouver l'argent nécessaire, il a dû faire des choix et établir des priorités. J'aimerais remettre en question certaines de ces priorités.
Le gouvernement a décidé de supprimer le Programme national de développement des archives. Les quelque 1,7 million de dollars ainsi économisés seront versés à ce budget de 30 millions de dollars. Debby Shoctor, présidente de la société des archivistes de l'Alberta, a écrit ceci dans une lettre :
L'élimination de ce programme aura des répercussions profondes et dévastatrices partout au Canada, car nous nous retrouvons maintenant littéralement devant l'effondrement du réseau canadien d'archivage, qui comprend des sociétés d'histoire, des archives religieuses, des archives municipales, des archives autochtones, des archives de minorités ethniques, des archives éducatives, des musées et des bibliothèques. Ce programme a permis d'appuyer les recherches et les archives historiques créées pour des groupes importants et des communautés, petites et grandes, partout au pays.
Pourquoi le gouvernement croit-il que cette glorification de la guerre de 1812 est plus importante que le soutien accordé à ces importants groupes qui mènent des recherches historiques et constituent des archives historiques sur la richesse du patrimoine des divers groupes et collectivités d'un bout à l'autre du pays?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le 200e anniversaire de la guerre de 1812 marque un événement important dans l'histoire de notre pays. Le ministère du Patrimoine canadien organise les événements à l'avance, et a notamment commencé à planifier l'anniversaire du Canada de 2017.
Comme je l'ai dit dans une réponse fournie il y a quelques semaines, Bibliothèque et Archives Canada dispose des fonds nécessaires pour s'acquitter de son mandat et les Canadiens pourront profiter d'un plus grand nombre de services en ligne. Le sénateur est l'un de ceux qui, depuis le tout début, se débrouillent le mieux avec la technologie. Par conséquent, il est sûrement conscient de l'importance de fournir ces services en ligne. L'initiative de modernisation va permettre d'améliorer et d'élargir l'accès au patrimoine documentaire et culturel, et ce, pour tous les Canadiens, indépendamment de leurs intérêts, de leur profession ou de l'endroit où ils vivent.
Le nouvel Index des longs métrages canadiens et le projet « Nous nous souviendrons d'eux », auxquels plusieurs sénateurs ont sans doute participé, sont deux initiatives parmi d'autres qui visent à rendre Bibliothèque et Archives Canada plus accessible que jamais. Tout comme la majorité des agences du gouvernement, Bibliothèque et Archives Canada reçoit le financement dont elle a besoin et elle est tout simplement en train de se moderniser de façon à répondre aux besoins actuels.
Les pêches et les océans
La Région des lacs expérimentaux—La fermeture de l'installation de recherche
L'honorable Grant Mitchell : Cela aussi coûte de l'argent, mais ils ne reçoivent pas de fonds à cette fin. Il faut de l'argent pour mener ces recherches.
(1840)
Soit dit en passant, madame le leader du gouvernement au Sénat vient de formuler la remarque la plus gentille qu'elle ait faite à mon égard, lorsqu'elle a dit que j'avais des compétences techniques. En fait, c'est peut-être le seul compliment qu'elle m'ait adressé. Je l'en remercie beaucoup. J'apprécie ce bon mot. Il est évident que nous avons eu un week-end de congé. Tout le monde est détendu et de bonne humeur.
Honorables sénateurs, je ne veux pas rompre l'harmonie, mais je reviens à la question des priorités et le fait est que le gouvernement dépense 30 millions de dollars pour glorifier la guerre par l'intermédiaire du projet sur la guerre de 1812. Toutefois, de ce montant, 2 millions de dollars vont provenir de l'abolition du programme de la Région des lacs expérimentaux, qui est un laboratoire extérieur unique, de renommée internationale, qui mène des recherches sur les écosystèmes. Le scientifique John Smol, de l'Université Queen's, a dit ce qui suit :
Certains pays ont de gros accélérateurs de particules. Nous avons la Région des lacs expérimentaux.
Nous perdons une ressource remarquable pour 2 millions de dollars sur les 30 millions consacrés au projet sur la guerre de 1812. Quelqu'un au sein du gouvernement a-t-il mené une analyse coûts-avantages afin de voir si le fait de renoncer à 2 millions de dollars au profit d'un projet de 30 millions de dollars sur la guerre de 1812 sera rentable? Allons-nous compenser les emplois scientifiques de haut niveau et la contribution mondialement reconnue que nous pouvons apporter à l'étude des écosystèmes, ou allons-nous tout simplement gaspiller de l'argent à glorifier une guerre qui s'est déroulée il y a 200 ans?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne suis pas de l'avis du sénateur Mitchell lorsqu'il dit que le projet glorifie la guerre. On entend souvent dire que les Canadiens ne connaissent pas assez leur histoire. La guerre de 1812 est une partie très importante de notre histoire et de la création de notre pays.
Comme je l'ai dit au sénateur Dallaire, on avance de l'argent à chaque ministère pour mettre en œuvre ses programmes. L'une des responsabilités de Patrimoine canadien consiste à renseigner les Canadiens sur leur histoire.
En ce qui concerne la Région des lacs expérimentaux, la recherche scientifique demeure essentielle. Le Canada va continuer par le truchement du ministère des Pêches et des Océans à faire des recherches importantes sur les poissons du Canada et leurs habitats. La recherche en eau douce va se poursuivre en divers endroits du Canada en fonction des besoins ministériels. Nous continuons de nous occuper de transférer ces installations à des universités ou d'autres groupes de recherche non gouvernementaux.
Le travail va se poursuivre. Plusieurs universités et groupes de recherche s'orientent vers ces domaines. Naguère, le gouvernement devait s'en occuper tout seul, mais il y a maintenant des établissements de recherche scientifique et d'autres intervenants qui prennent la relève.
Le sénateur Mitchell : Honorables sénateurs, on estime que la remise en état nécessaire de ce réseau de lacs quand ces installations seront fermées et évacuées coûtera environ 25 millions de dollars. Quelqu'un a-t-il réfléchi au fait qu'une économie de 2 millions de dollars maintenant va nous coûter en fin de compte 25 millions de dollars demain? N'aurait-il pas mieux valu consacrer cet argent à ce projet et à ces importantes recherches scientifiques sur l'importance de l'écosystème, ou se contente-t-on de dire froidement : « Pas de données, pas de recherche, pas de problème »? C'est cela, la nouvelle devise du gouvernement?
Le sénateur LeBreton : Le sénateur se trompe. Depuis 2006, nous avons investi dans le secteur scientifique pour moderniser les laboratoires, construire trois nouveaux navires de recherche scientifique et terminer la cartographie des océans en vue de présenter la position du Canada dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer, et financer les recherches scientifiques à l'appui de la pêche commerciale naissante dans l'Arctique. Dans le budget de 2012, nous avons annoncé d'autres investissements visant à aider la recherche halieutique, à améliorer la cartographie des écosystèmes côtiers essentiels et à favoriser la recherche sur la pollution marine.
Le sénateur a tort de dire que nous ne faisons pas un travail considérable dans ce domaine.
[Français]
Le patrimoine canadien
Le Programme national de développement d'archives
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, ma question fait suite aux questions posées par le sénateur Mitchell au sujet de Bibliothèque et Archives Canada, mais concernent plus particulièrement le Programme national de développement d'archives qui a été annulé.
Ce programme a appuyé directement au-delà de 800 projets aux niveaux local et régional. Depuis 26 ans, 800 projets ont été appuyés. Ces projets étaient d'envergure communautaire — les musées, le patrimoine, les paroisses, les collectivités, les Autochtones, le multiculturalisme. L'aide obtenue était très modeste, s'étalant de 5 000 à 50 000 dollars, mais il s'agissait d'un appui inestimable pour plusieurs collectivités. Cette somme leur permettait de parler de leur histoire, de sensibiliser les communautés et de développer des archives au niveau local pour que notre histoire ne se perde pas.
Encore une fois, en annulant le Programme national de développement d'archives aux niveaux local et régional, les minorités, les plus petits, seront privés de fonds importants et l'histoire de notre pays risque de se perdre.
Madame le leader, que se passera-t-il avec toutes ces initiatives communautaires qui permettaient de bâtir nos archives? On peut avoir les meilleures archives au monde, on peut parler de distribuer l'information par l'entremise des nouveaux médias sociaux, mais si le travail dans les collectivités ne se fait pas à la base, qu'arrivera-t-il à notre histoire?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme je l'ai dit au sénateur Mitchell, Bibliothèque et Archives Canada dispose des fonds nécessaires pour s'acquitter de son mandat. J'imagine que les projets dont parle l'honorable sénateur s'inscrivent dans ce mandat. L'organisme a les fonds nécessaires. Je ne peux pas me prononcer précisément sur tous les projets pour lesquels il pourrait demander du financement.
Le sénateur Tardif a posé une question analogue il y a quelques semaines et je crois que nous lui avons donné une réponse écrite. Tout ce que je puis dire, c'est que Bibliothèque et Archives dispose des fonds nécessaires pour s'acquitter de la totalité de son mandat. Je ne peux rien dire de plus.
[Français]
Le sénateur Chaput : Honorables sénateurs, ce qui me préoccupe, c'est comment les compressions se font et qui en décide. Madame le leader pourrait-elle nous dire si, parmi ces coupes, nous allons conserver le Programme national de développement d'archives qui, selon ce que j'ai appris, a été annulé? Pourrait-elle obtenir l'information pour nous, s'il vous plaît?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, je vais me procurer la réponse déposée la semaine dernière en réponse à la question du sénateur Tardif. Cela se trouve dans le compte rendu.
Les organismes et ministères du gouvernement disposent de fonds pour exécuter leur mandat. Il y a, à Bibliothèque et Archives Canada, une personne chargée d'évaluer les divers projets qui sont soumis. C'est comme cela que fonctionne un gouvernement. Une fois que le gouvernement a établi les crédits et les a octroyés aux divers ministères et organismes, ceux-ci peuvent exécuter leurs programmes comme ils le jugent bon.
Je ne sais pas s'il y a une liste de personnes à Bibliothèque et Archives Canada qui sont chargées de ces décisions. J'invite madame le sénateur à se reporter à la réponse que nous avons donnée la semaine dernière, je crois, au sénateur Tardif.
(1850)
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la salubrité de l'eau potable des Premières Nations
Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Plett, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-8, Loi concernant la salubrité de l'eau potable sur les terres des Premières Nations;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Dyck, appuyée par l'honorable sénateur Watt, que le projet de loi S-8 soit modifié à l'article 3, à la page 3, par substitution, aux lignes 8 à 11, de ce qui suit :
« 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. »
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de l'occasion, alors que je parle de l'amendement proposé à la disposition de non-dérogation du projet de loi S-8 à l'étape de la troisième lecture, pour remercier le sénateur Dyck de ses observations sur le projet de loi. Nous avons entendu de nombreux discours et témoignages et reçu des messages sur de nombreux éléments importants, mais surtout sur la question complexe entourant les droits ancestraux et l'inclusion des dispositions de non-dérogation dans le projet de loi.
En ce qui concerne les droits ancestraux et le respect de ces droits, madame le sénateur Dyck a terminé ses remarques au sujet de l'amendement qu'elle a proposé à ce projet de loi en faisant allusion aux droits des Algonquins qui ont, selon elle, été bafoués lorsqu'on leur a pris les terres sur lesquelles le Sénat se trouve aujourd'hui.
En fait, je dois souligner que le Canada et le gouvernement de l'Ontario négocient actuellement la signature d'un traité moderne avec les Algonquins de l'Ontario et travaillent à conclure une entente de principe.
Cependant, pour revenir au projet de loi S-8 et à l'amendement proposé par le sénateur Dyck, il n'y a pas mesures législatives plus importantes que le Sénat doive étudier que celles qui portent sur la santé et la sécurité de nos concitoyens. C'est une responsabilité que nous devons prendre très au sérieux.
Aujourd'hui, nos citoyens qui vivent dans des collectivités des Premières nations ne bénéficient pas des mêmes protections pour leur santé, leur sécurité et leur bien-être que les autres citoyens, en raison du vide juridique qui y existe. En effet, aucune loi ne régit la salubrité de l'eau potable et l'évacuation efficace des eaux usées dans les réserves.
Ce projet de loi permet aux Premières nations et au gouvernement du Canada de faire ce qu'il faut pour rectifier cette situation intolérable. Par conséquent, en réponse à la motion proposée, j'aimerais soulever trois points clés. J'espère que nous adopterons cette mesure législative nécessaire pour qu'elle puisse être étudiée à l'autre endroit.
Premièrement, si l'on modifie la disposition de non-dérogation pour supprimer l'exception « sauf dans la mesure nécessaire pour assurer la salubrité de l'eau potable sur les terres des premières nations », le gouvernement et les Premières nations pourraient ne pas être en mesure de protéger les sources d'eau potable sur les terres des Premières nations, ce qui irait à l'encontre de l'un des principaux objectifs du projet de loi dont les sénateurs sont aujourd'hui saisis.
Deuxièmement, la portée des derniers mots de la disposition de non-dérogation est limitée, mais néanmoins importante, car elle contribue à la protection du droit fondamental des enfants, des femmes et des hommes des Premières nations d'avoir accès à de l'eau potable sûre, fiable et propre à l'instar de tous les autres citoyens de ce pays.
L'article 3 ne vise pas à protéger le gouvernement ou à l'autoriser à bafouer les droits ancestraux ou issus de traités. Il vise uniquement à garantir que les membres des collectivités de Premières nations bénéficient des mêmes protections que tous les autres citoyens canadiens.
Troisièmement, la disposition de non-dérogation incluse dans le projet de loi S-8 est le fruit d'un compromis négocié entre les Premières nations et le gouvernement. C'est un résultat direct de la collaboration entre le gouvernement et les Premières nations pour trouver une solution à une question très litigieuse. Elle est le parfait exemple du juste milieu que doivent trouver les Premières nations entre les droits ancestraux ou issus de traités et le besoin global de la collectivité d'établir des règles garantissant que tout le monde ait accès à de l'eau potable sûre, fiable et propre.
J'aimerais parler plus en détail de ces points.
En premier lieu, le sénateur Dyck a dit ce qui suit :
[...] aucune personne sensée, qu'elle soit ou non Autochtone, ne revendiquerait le droit constitutionnel de se porter elle-même atteinte en accumulant des ordures ou des eaux usées assez près de sa source d'approvisionnement en eau potable pour la contaminer. Personne n'aurait l'idée saugrenue de mettre en danger la santé de sa famille, de ses enfants ou de toute sa collectivité.
Il est évident que personne ne veut sciemment mettre en danger la santé de sa famille ou de sa collectivité, mais le fait est qu'après les tragédies de Walkerton et de North Battleford, nous savons que les mesures prises par quelques personnes peuvent avoir des conséquences négatives non intentionnelles. Un cadre réglementaire constitue le mécanisme idéal pour veiller à ce que les gens soient informés des comportements pouvant présenter des risques et puissent être empêchés de les adopter.
À Walkerton, sept personnes sont décédées et plus de 2 500 personnes sont tombées malades. À North Battleford, approximativement 7 100 personnes sont tombées malades, et ces deux tragédies étaient directement attribuables à de l'eau de source contaminée. À Walkerton, on permettait aux vaches de brouter près de la source d'eau. À North Battleford, le traitement de l'eau potable était inadéquat. Dans une collectivité des Premières nations, quelqu'un pourrait réclamer son droit ancestral d'utiliser son terrain comme bon lui semble. On pourrait contester ce droit en faisant valoir que les habitants de la collectivité ont le droit d'avoir accès à de l'eau potable salubre. Le projet de loi S-8 et son règlement d'application établiraient des paramètres pour qu'on accorde la priorité à la santé et à la sécurité des habitants des collectivités.
L'insertion d'une disposition type de non-dérogation dans le projet de loi S-8 risque de faire en sorte que le règlement associé ne pourra empêcher une personne d'exercer ses droits ancestraux ou issus de traités, même si cet exercice mettait en péril la santé et la sécurité de la collectivité.
En incluant l'expression finale dans la disposition de non-dérogation, le gouvernement pourra, avec l'aide des Premières nations, veiller à ce que les règlements soient conçus de manière à traiter équitablement les droits ancestraux et issus de traités et à établir un équilibre entre les droits et la sécurité.
En second lieu, le sénateur Dyck a mentionné ce qui suit :
Certaines dispositions pourraient l'emporter sur les droits ancestraux et issus de traités existants des Premières nations visées par la Loi sur les Indiens de même que de toutes les autres Premières nations, autonomes ou non, qui décideront de s'y conformer.
Je voudrais d'abord parler de l'argument selon lequel le projet de loi S-8 empiéterait sur les droits des nations autonomes.
La réglementation découlant du projet de loi n'aurait préséance sur les lois et règlements existants que si ces Premières nations autonomes décident de se conformer au projet de loi. Il est logique qu'une collectivité qui choisit d'adopter un régime de réglementation soit ensuite assujettie à ce régime.
En ce qui concerne les Premières nations régies par la Loi sur les Indiens, contrairement à ce qu'on a dit, la portée du projet de loi, de façon générale, et celle de la disposition de non-dérogation, en particulier, est plus limitée que ce que l'on a laissé entendre. Le projet de loi vise uniquement à protéger le droit essentiel des Premières nations d'avoir accès à de l'eau potable salubre. Je souligne que le gouvernement ne modifie pas l'entente visant les droits ancestraux et issus de traités. La disposition de non-dérogation n'est pas une disposition autorisant la dérogation, puisqu'elle ne peut pas réduire la protection prévue en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
L'intention du gouvernement est de conserver l'approche actuelle en vertu de laquelle une atteinte aux droits pourrait être justifiée conformément aux critères établis par la Cour suprême dans l'affaire R. c. Sparrow.
Le gouvernement fédéral prend l'article 35 au sérieux et cherche à protéger à la fois les droits ancestraux et les droits issus de traités. La Loi constitutionnelle de 1982 offre une solide protection des droits ancestraux et issus de traités et c'est ce que la disposition de non-dérogation proposée dans le projet de loi S-8 vise à réaffirmer. Au fil des ans, la Cour suprême du Canada nous a rappelé l'existence des droits ancestraux et issus de traités. Ces droits ne sont pas absolus. Comme tous les autres droits au Canada, les gouvernements ne peuvent justifier une atteinte aux droits ancestraux et issus de traités qu'en vertu de critères très stricts établis par la Cour suprême du Canada.
La disposition de non-dérogation contenue dans le projet de loi S-8 est conçue pour respecter ce critère. Elle réaffirme la nécessité de trouver le juste équilibre entre les droits, comme la Cour suprême du Canada l'a confirmé dans de nombreux jugements. Autrement dit, cette disposition n'est pas contraire aux droits ancestraux ou issus des traités des peuples autochtones du Canada. Elle maintient le statu quo relativement à ces droits, mais nous rappelle simplement qu'ils sont limités, comme la Cour suprême du Canada l'a affirmé.
L'un des éléments principaux du critère à respecter, qui a été défini par la Cour suprême dans l'arrêt R. c. Sparrow, consiste à déterminer si le droit serait limité pour atteindre un « objectif législatif régulier ». Comme je l'ai indiqué lors du débat de deuxième lecture du projet de loi S-207, Loi modifiant la Loi d'interprétation (maintien des droits autochtones ancestraux ou issus de traités), la nécessité de fournir de l'eau potable aux populations constitue nettement un « objectif législatif régulier ».
(1900)
La disposition de non-dérogation réaffirme simplement l'objectif législatif du projet de loi S-8 et vise à permettre un juste équilibre concernant la nécessité de fournir de l'eau potable aux gens dans le contexte du respect des droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones et ce, en conformité totale avec la décision dans l'affaire Sparrow.
Ceci m'amène à mon troisième et dernier argument. Cette disposition de non-dérogation est le résultat de la collaboration entre les Premières nations et le gouvernement et des compromis dont ils ont pu convenir. Elle incarne l'équilibre que doivent atteindre les Premières nations entre les droits ancestraux et issus des traités et le besoin de la population autochtone de se doter de règles pour que tout le monde ait accès à de l'eau potable. Le gouvernement fédéral et les Premières nations croient fermement à l'importance de cet équilibre.
La disposition de non-dérogation définit le contexte dans lequel se dérouleront les nécessaires discussions entre le gouvernement et les Premières nations, une fois que la réglementation aura été rédigée. Les Premières nations et le gouvernement collaboreront pour cerner les paramètres à respecter en vue de garantir l'accès à l'eau potable. La réglementation devra trouver le juste équilibre entre le respect des normes prescrites et le maintien du pouvoir décisionnel local.
La formulation de la disposition de non-dérogation, dans le projet de loi S-8, est importante pour respecter l'objectif du projet de loi S-8 et fournir des outils au gouvernement et aux dirigeants des Premières Nations afin que les femmes, les enfants et les hommes des Premières nations aient accès à de l'eau potable.
Au cours des consultations exhaustives qui ont eu lieu les six dernières années, de nombreux spécialistes des travaux publics des Premières nations ont exprimé le besoin d'être suffisamment outillés pour faire leur travail et d'avoir accès à des mécanismes de protection pour pouvoir fournir de l'eau potable aux membres de leur collectivité. La disposition de non-dérogation a été conçue pour que tous les outils qui seront inclus dans la réglementation puissent être utilisés.
En guise de conclusion, j'aimerais rappeler aux sénateurs mes trois points principaux. En modifiant la disposition de non-dérogation afin de supprimer le passage qui dit « sauf dans la mesure nécessaire pour assurer la salubrité de l'eau potable sur les terres des premières nations », on empêcherait le gouvernement et les Premières nations de protéger les sources d'eau potable sur les terres des Premières nations. La portée des derniers mots de la disposition de non-dérogation est limitée, mais néanmoins importante, car elle contribue à la protection du droit fondamental des enfants, des femmes et des hommes des Premières nations d'avoir accès à de l'eau potable sûre, fiable et propre, à l'instar de tous les autres citoyens de ce pays.
Comme l'a fait remarquer l'Association du Barreau autochtone dans son mémoire au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones :
Dans son projet de loi S-8, la Couronne doit aussi tenir compte en tout temps de la santé et de la sécurité des Premières nations.
Cette disposition de non-dérogation est le fruit d'un esprit de collaboration et de compromis. Elle incarne l'équilibre qu'il faut atteindre entre, d'une part, le respect des droits ancestraux et issus de traités, et, d'autre part, la nécessité, pour les grandes collectivités, d'établir des règles qui aident à garantir l'accès sûr et fiable à de l'eau potable pour tout le monde.
Pendant plus de six ans, le gouvernement s'est engagé à travailler avec les Premières nations pour corriger le fait que les membres des collectivités des Premières nations ne bénéficiaient pas de la même protection en matière de salubrité de l'eau potable que celle offerte à tous les autres Canadiens. Six ans plus tard, nous en sommes rendus à une étape essentielle dans le but de corriger cette situation inacceptable.
Cette loi habilitante permettra au gouvernement du Canada de travailler avec les Premières nations partout au pays pour mettre en place des régimes de réglementation appropriés et efficaces pour les collectivités des Premières nations. Comme l'a déclaré le sénateur Dyck :
Le projet de loi est conçu pour que des règlements soient élaborés et pris afin de protéger l'eau potable sur les terres des Premières nations [...] ces règlements pourraient être rédigés de façon satisfaisante par le ministère en collaboration avec les Premières nations.
Honorables sénateurs, il nous a fallu six ans pour en arriver à ce point. Même si les débats juridiques de nature théorique ont leur raison d'être, l'heure est venue de passer à l'action. L'heure est venue d'appuyer les Premières nations et d'assurer leur santé et leur sécurité en réglementant l'alimentation en eau potable et le traitement des eaux usées sur leurs terres. L'adoption du projet de loi est essentielle pour protéger la santé et la sécurité des hommes, des femmes et des enfants des Premières nations. J'encourage fortement les sénateurs à voter contre la motion visant à modifier l'article 3 proposée par l'honorable sénateur et à procéder à la troisième lecture de cette importante mesure législative.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?
Des voix : Oui.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent.
Le sénateur Tardif : Avec dissidence.
(La motion d'amendement est rejetée à la majorité.)
Son Honneur le Président intérimaire : La motion est adoptée avec dissidence.
Honorables sénateurs, nous passons maintenant à la motion principale.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Patterson, avec l'appui de l'honorable sénateur Plett, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)
Le budget de 2012
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Carignan, attirant l'attention du Sénat sur le budget intitulé Le plan d'action économique de 2012 : emplois, croissance et prospérité à long terme, déposé à la Chambre des communes le 29 mars 2012 par le ministre des Finances, l'honorable James M. Flaherty, C.P., député, et au Sénat le 2 avril 2012.
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui en réponse au budget du gouvernement conservateur intitulé Le plan d'action économique de 2012 : emplois, croissance et prospérité à long terme. Je mettrai l'accent sur l'aspect du développement de l'économie et de l'exploitation des ressources dans le cadre du programme du Nord du gouvernement, qui a grandement contribué à la prospérité de l'industrie minière au Nunavut. Comme je le montrerai, les investissements stratégiques du gouvernement fédéral, ainsi que d'importantes décisions d'ordre politique et législatif, ont créé le genre de milieu stable nécessaire à l'industrie pour prendre des décisions extrêmement importantes en matière d'investissements.
Depuis ma nomination en août 2009, j'ai pris la parole à quelques reprises au sujet de la prospérité de l'industrie minière au Nunavut. Par exemple, le 16 novembre, j'ai informé les sénateurs que Statistique Canada avait signalé que le produit intérieur réel avait augmenté dans chaque province et territoire en 2010. Or le plus impressionnant dans cette nouvelle, c'est que c'est le Nunavut qui a connu la plus grande augmentation, toute proportion gardée, de toutes les provinces et de tous les territoires du Canada. En effet, son PIB réel a augmenté de 11 p. 100 en 2010. Seule la province de Terre-Neuve-et-Labrador talonne le Nunavut, avec une croissance de 6,1 p. 100.
La hausse du produit intérieur brut du territoire s'expliquait par la présence de la mine d'or de Meadowbank, exploitée par Agnico-Eagle, qui non seulement produit de l'or, mais a aussi entraîné un changement fondamental dans l'économie et la qualité de vie des habitants de Baker Lake et de la région du Kivalliq, au Nunavut.
Fort impressionné par l'expérience de Meadowbank, le premier ministre a fait l'observation suivante lors de notre visite de la mine en août 2011 :
Nous investissons dans la santé et dans le logement. Toutefois, comme nous le savons, en nous fiant à l'expérience du Canada et des autres pays, il est beaucoup plus facile de gérer les questions de développement social si nous avons un développement économique. C'est pourquoi cette [mine] est importante.
La Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut prévoit que les mines existantes et proposées pourraient générer 75 années-personnes de travail et des dépenses de 30 milliards de dollars. Toutefois, la construction des mines nécessite que l'on investisse d'abord dans l'exploration.
Les dernières statistiques de Ressources naturelles Canada sur l'exploration minière effectuée dans le Nord en 2011révèlent que les Territoires du Nord-Ouest, avec des investissements qui se sont chiffrés à 81,8 millions de dollars malgré les problèmes posés par les règlements, arrivent au troisième rang derrière le Yukon, où les investissements se sont élevés à 309,2 millions de dollars.
Les investissements au Nunavut sont impressionnants : 396 millions de dollars. Bien que ces chiffres soient loin des sommes record enregistrées avant la récession de 2008 — 433 millions —, le total de 2011, 396 millions de dollars, représente quand même une hausse de 54 p. 100 par rapport à 2010.
(1910)
Il y a une chose particulièrement impressionnante : le Nunavut se classe quatrième au Canada en fonction des dépenses d'exploration, après des provinces minières telles que l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Qu'est-ce qui incite des sociétés minières internationales de pays tels que la Chine, l'Australie, la France, le Japon, les États-Unis et le Royaume-Uni à faire des investissements considérables dans l'exploration, la mise en valeur et la production au Nunavut?
Les sources conventionnelles de métaux de base et de métaux précieux dans les régions accessibles du monde sont en train de s'épuiser, de sorte que l'industrie cherche des sources de remplacement, qui comprennent des régions éloignées, autrefois trop coûteuses, telles que le Nunavut. La technologie nécessaire pour trouver, mettre en valeur et exploiter des mines dans ces régions a beaucoup évolué, rendant possibles les opérations dans le Nord, à des températures de -40 ºC.
Les changements climatiques jouent également un rôle dans les décisions d'investissement, surtout dans le cas du Nunavut, grâce à l'ouverture de routes essentielles de transport maritime, qui sont nécessaires pour amener sur place les biens et les matériaux de construction et d'exploitation et, dans certains cas, pour expédier le minerai.
Toutefois, on ne saurait sous-estimer le rôle du gouvernement, c'est-à-dire du gouvernement du Parti conservateur du Canada. Nous devons reconnaître en particulier l'importance essentielle du crédit d'impôt pour l'exploration minière dans le Nord et partout au Canada. Comme je l'ai dit au Sénat le 22 novembre 2011, Journée de l'industrie minière sur la Colline :
Le crédit d'impôt pour l'exploitation minière [...] vise à aider les jeunes entreprises à obtenir de nouveaux capitaux grâce à l'émission d'actions accréditives. [...] Les investissements dans le secteur de l'exploration minière du Nunavut illustrent toute l'utilité du crédit d'impôt pour l'exploitation minière. [...] Le Nunavut a bénéficié de 10 p. 100 des investissements du Canada en matière d'exploration minière, ce qui constitue une part exceptionnelle.
Honorables sénateurs, le budget de 2012 a mis en évidence la confiance placée dans l'industrie minière canadienne et dans le Nord en reconduisant d'une autre année le crédit d'impôt pour l'exploitation minière. Le crédit sera progressivement éliminé parce que les mesures prises par le gouvernement depuis 2006, y compris la baisse des taux d'imposition et l'élimination de l'impôt fédéral sur le capital, ont renforcé la compétitivité du secteur minier canadien. De ce fait, le crédit d'impôt n'est plus nécessaire.
J'ai également rappelé aux sénateurs l'important rôle joué par programme de géocartographie de l'énergie et des minéraux, ou GEM, de Ressources naturelles Canada. La géocartographie est très importante pour les trois territoires, mais plus particulièrement pour le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest. On ne dispose de connaissances géologiques adéquates que pour environ un tiers du Nunavut.
Honorables sénateurs, grâce au budget 2012, le programme GEM continuera pendant deux autres années.
Par ailleurs, j'ai été très impressionné par l'engagement que l'industrie manifeste en donnant à des habitants du Nunavut et du Nord une formation qui leur ouvre la perspective d'une carrière bien rémunérée dans le secteur minier. J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec des dirigeants de l'industrie qui croient vraiment à l'importance de la création d'une main-d'œuvre locale qualifiée et qui lui accorde autant d'importance qu'au rendement pour les actionnaires.
À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral, les gouvernements territoriaux, les entreprises actives dans le Nord, les sociétés de formation minière, les collèges de l'Arctique et les organisations autochtones élaborent un plan ambitieux visant la mise en place d'un programme de formation minière à l'échelle du territoire. Nous nous attendons à ce que le plan soit prêt à être présenté aux ministres fédéraux responsables dans un proche avenir.
Les demandes de fonds fédéraux, si elles sont approuvées, feront partie du budget de 2013-2014 du gouvernement. Il importe de noter que les partenaires nordiques de l'initiative de formation sont prêts à investir 50 p. 100 du coût de mise en œuvre, l'industrie en assumant 35 p. 100, les gouvernements territoriaux 10 p. 100 et les organisations autochtones 5 p. 100 sous forme de contributions financières ou autres.
Je dois également noter qu'en février 2012, à Iqaluit, le premier ministre a annoncé son appui au Programme d'éducation de base des adultes du Nord, initiative quinquennale de 27 millions de dollars qui aidera les habitants des trois territoires à tirer parti d'occasions d'emploi exceptionnelles dans leurs collectivités.
En ce qui concerne le budget de 2012, je crois savoir que le gouvernement conservateur prendra des mesures pour rationaliser les processus et accroître le financement afin de mieux intégrer les groupes sous-représentés dans la population active, comme les Autochtones.
Honorables sénateurs, je dirais, pour paraphraser Jimmy Pattison, milliardaire de la Colombie-Britannique que l'argent est le plus grand poltron du monde. Il fuit au moindre signe d'instabilité ou d'incertitude, cherchant un milieu plus sûr pour investir et faire des bénéfices.
Au Nunavut, nous avons la chance d'avoir un régime réglementaire équitable, méthodique et respectueux de l'environnement, de l'économie, des revendications territoriales des Inuits et des intérêts de l'industrie. Il garantit ainsi la certitude dont les investisseurs ont besoin pour prendre des décisions éclairées sur les projets miniers d'exploration et de mise en valeur.
Nous devons sans doute bien faire les choses au Nunavut car, pour l'essentiel, nous continuons à attirer des investissements des grandes sociétés internationales. Je m'attends, au cours de la prochaine session parlementaire, à d'autres améliorations du régime réglementaire du Nunavut grâce à la Loi sur l'aménagement du territoire et l'évaluation des projets au Nunavut. Cette mesure législative est le fruit d'une collaboration de l'industrie, du gouvernement et des organisations inuites visant à améliorer le processus d'évaluation des projets dans l'intérêt de tous les participants.
J'appuie également les mesures prises dans le budget de 2012 afin d'attribuer des ressources supplémentaires à l'ARC pour lui permettre de surveiller les activités des ONGE. J'ai parlé de mes préoccupations à ce sujet dans le cadre de l'interpellation du sénateur Eaton. Il s'agit d'activités politiques non autorisées.
J'appuie en outre les ressources supplémentaires prévues dans le budget de 2012 pour protéger les espèces en péril. Il fallait faire quelque chose parce qu'on dit de la Loi fédérale sur les espèces en péril, ou LEP, que c'est l'incarnation d'une mauvaise politique.
J'en ai discuté avec le député de Dauphin—Swan River—Marquette, qui partage mes préoccupations concernant la LEP, la pire étant que le programme a dépensé 311 millions de dollars depuis sa mise en place en décembre 2002 sans pour autant rétablir une seule espèce en voie de disparition.
Honorables sénateurs, le gouvernement prend des mesures visionnaires audacieuses dans le budget de 2012 en modifiant le processus environnemental et la législation connexe. Dans le Nord, nous ne savons que trop comment ces processus, lois et règlements ont étouffé le développement, le plus récent exemple en étant l'évaluation pendant sept ans du projet gazier Mackenzie par la commission mixte d'évaluation. Je crois que nos procédures au Nunavut établies en vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, et qui ne sont pratiquement pas touchées par les amendements prévus dans le projet de loi C-38, continueront à nous donner satisfaction.
Il y aura une exception pour le Nunavut en ce qui concerne les modifications des lois protégeant le poisson et l'habitat du poisson. D'après mes consultations avec les représentants du secteur minier, on s'entendait généralement pour dire que les règles actuelles traitent toutes les étendues d'eau de la même manière, quels que soient leur taille, leur environnement ou leur contribution à la pêche. Je crois que les nouveaux changements contribueront à protéger la productivité des pêches dans le Nord du Canada et permettront aux Canadiens d'y voir enfin plus clair.
Le ministre Ashfield a souligné ce qui suit :
En ce qui concerne les membres de l'industrie, les propositions leur offrent plus de clarté quant aux types d'activités qui seront examinés par Pêches et Océans Canada. Ces modifications complètent celles annoncées dans le cadre de l'annonce relative au développement responsable des ressources, qui comprenaient la mise en place de règlements pour préciser les exigences en matière d'information et les délais pour les autorisations.
Je suis aussi heureux de constater que, parmi les nouvelles, mesures, figureront de nouveaux outils tels que la délégation et l'équivalence des pouvoirs pour permettre aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux de travailler ensemble plus efficacement et d'avoir une démarche cohérente en matière de réglementation. À l'avenir, le ministère de l'Environnement collaborera plus étroitement avec ses partenaires provinciaux et territoriaux pour faire fonctionner efficacement ces nouvelles mesures.
La seule autre chose que j'ai à dire, c'est que le débat actuel sur les dispositions du projet de loi C-38 en matière d'environnement me rappelle la réaction hystérique des partis de l'opposition et des ONG à l'époque de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis au milieu des années 1980. Souvenez-vous des prévisions sinistres des libéraux et des néo-démocrates qui disaient que l'accord de libre-change allait détruire non seulement notre économie et nos normes environnementales, mais le tissu même de notre pays. Est-ce que cela n'a pas un air de déjà vu?
Ce que je dis à notre premier ministre, à nos ministres et à notre gouvernement, c'est de ne pas s'occuper de cette hystérie sans fondement et des accusations de l'opposition et des prophètes de malheur. Qu'ils maintiennent le cap. Qu'ils continuent à guider notre pays vers une plus grande prospérité et une plus grande croissance économique tout en travaillant avec les provinces et les territoires à préserver la bonne intendance de l'environnement du Canada.
(1920)
En terminant, je tiens à dire que je suis fier que le budget de 2012 contribue de façon si constructive et positive au développement de l'industrie des mines au Nunavut. Il reste de grands problèmes à régler : la réduction des coûts d'exploitation élevés, la formation des habitants du Nunavut, l'amélioration des infrastructures de transport et d'énergie et l'attention constante qu'il faut porter à l'amélioration de nos régimes réglementaires dans les territoires. Et il faut en outre veiller à ce que les habitants du Nunavut profitent de l'exploitation des ressources.
Lors d'une récente visite à Iqaluit, la mairesse de la capitale, Son Honneur Madeleine Redfern, m'a rappelé que la Fédération canadienne des municipalités a récemment adopté une résolution sur le coût de la vie au Nunavut, qui est élevé malgré les possibilités qu'offre l'exploitation des mines. La fédération demande dans sa résolution que le gouvernement fédéral réévalue la façon dont les déductions pour les habitants de régions éloignées sont calculées dans les régions du Nord afin de tenir compte du degré d'isolement et de l'accès aux services essentiels, et ce, en vue d'assurer un traitement semblable et équitable à tous les Canadiens; que le gouvernement fédéral hausse la composante relative à la résidence de cette déduction afin de tenir compte de la perte de valeur attribuable à l'inflation et que le gouvernement fédéral ajuste cette déduction en vue de reconnaître la situation unique des territoires. J'estime que ces demandes sont raisonnables.
Étant donné notre bilan à ce jour, le gouvernement, l'industrie et les Inuits ont montré qu'il est possible de surmonter ces problèmes par la collaboration. Grâce au budget de 2012 et à plusieurs autres initiatives, le gouvernement conservateur a prouvé une fois de plus qu'il souhaite être un allié de premier plan pour le Nunavut de demain.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Poirier, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur le drapeau national du Canada
Troisième lecture
L'honorable Pamela Wallin propose que le projet de loi C-288, Loi concernant le drapeau national, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, j'ai déjà parlé de cette mesure législative. Je rappelle que le projet de loi a pour but d'encourager tous les Canadiens à déployer fièrement le drapeau national du Canada conformément à l'étiquette du drapeau. Plusieurs personnes ont demandé pourquoi nous avons besoin d'une telle mesure, puisque nous supposons tous que nous pouvons faire flotter notre drapeau. Or, il semble que nos lois n'ont pas évolué avec le temps. Un nombre croissant de Canadiens vivent dans des appartements, des condominiums, des immeubles en copropriété, des édifices à logements multiples ou des ensembles résidentiels protégés, et ils se voient interdire de faire flotter leur drapeau. Ces conséquences imprévues de la vie moderne doivent être prises en compte, et c'est précisément ce que fait le projet de loi.
Le projet de loi C-288 reflète une aspiration. Il n'impose rien à personne. Nous voulons tout simplement créer le droit, pour les Canadiens, de faire flotter l'unifolié, et je crois qu'il serait bon de les encourager à le faire de toutes les façons possibles.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)
Projet de loi sur la Journée lavande
Troisième lecture
L'honorable Terry M. Mercer propose que le projet de loi C-278, Loi instituant une journée destinée à sensibiliser davantage le public à l'épilepsie, soit lu pour la troisième fois.
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
[Français]
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu propose que le projet de loi C-310, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes), soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-310, Loi modifiant le Code criminel (traite des personnes).
Ce projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 15 mai 2012. Lors de ses trois séances d'étude, le comité a entendu 11 témoins dont, notamment, des représentants d'organismes non gouvernementaux qui travaillent sur le terrain auprès des victimes, au Canada et à l'étranger.
Les sénateurs membres du comité ont entendu des experts de la GRC, du ministère de la Justice du Canada et du milieu juridique. Nous avons également écouté le témoignage de la députée de Kildonan—St. Paul, Joy Smith, qui a parrainé ce projet de loi à l'autre endroit. Le procureur de la Couronne de l'Ontario, maître Toni Skarica, a également livré un vibrant plaidoyer en faveur de ce projet de loi en dévoilant les côtés les plus obscurs du crime de la traite des personnes et, souvent, du crime organisé qui la soutient.
Après avoir brièvement résumé les changements prévus au Code criminel grâce au projet de loi C-310, je soulignerai quelques-uns des témoignages entendus lors des audiences.
[Traduction]
Le projet de loi C-310 renferme deux importants changements au Code criminel. Premièrement, il propose d'ajouter la traite des personnes à la liste des infractions commises à l'étranger, qui est actuellement incluse dans le Code criminel, afin de permettre aux tribunaux canadiens de poursuivre les Canadiens qui commettent ces infractions à l'étranger. Deuxièmement, le projet de loi précise la définition du mot « exploitation » en clarifiant le type d'éléments de preuve dont les tribunaux doivent tenir compte au moment de déterminer ce qui constitue de l'exploitation.
[Français]
Plusieurs témoignages entendus au comité ont porté sur la pertinence de faire de la traite des personnes une infraction à portée extraterritoriale. Ainsi, Julia Beazley, du Evangelical Fellowship of Canada, a rappelé que le Canada est un important pays source en matière de traite de personnes. Mme Beazley a expliqué que plusieurs Canadiens voyagent à l'extérieur du pays pour pratiquer le tourisme sexuel. Ils font ainsi vivre cette lucrative industrie malsaine qui détruit des vies humaines. Ces Canadiens voyagent dans des pays comme le Cambodge pour s'engager dans des activités sexuelles avec des enfants, bien entendu.
Selon un témoin, qui est également procureur de la Couronne, maître Toni Skarica, la partie extraterritoriale du projet de loi est très importante. Nous parlons ici des cas de traite de personnes dans des pays comme la Hongrie, mais il n'y a pas seulement la Hongrie et les pays de l'Est, il y a aussi l'Afrique et l'Asie.
M. Skarica a porté à notre attention le cas de Hongrois qui ont été amenés au Canada par des promesses attirantes et qui sont devenus des esclaves. Grâce au travail acharné de notre témoin, 17 criminels d'origine hongroise ont été reconnus coupables de traite de personnes dans la région de Hamilton, en Ontario. Dans cette affaire, il y a eu au moins 19 victimes.
Selon ce procureur expérimenté, et je cite :
[Traduction]
Les victimes travaillaient pratiquement 16 heures par jour. Elles recevaient un repas par jour — dans certains cas des restes — et elles faisaient du travail de construction.
[Français]
Sur la question de la définition de l'exploitation, qui se trouve actuellement dans le Code criminel, Matthew Taylor, du ministère de la Justice du Canada, a indiqué que le projet de loi offrira une plus grande clarté dans la définition de l'exploitation, ce qui constituera, évidemment, un outil utile tant pour les policiers que pour les procureurs de la Couronne.
(1930)
Lors de l'étude au comité, il a été noté par Julia Beazley que la définition actuelle d'exploitation contenue dans le Code criminel n'était pas suffisante. Selon elle, la définition actuelle contenue dans la loi rendait difficile l'obtention de verdicts de culpabilité.
Quand un sénateur lui a demandé si le changement de définition de l'exploitation va aider à poursuivre davantage de criminels, le sergent Marie-Claude Arsenault, du Centre national de coordination contre la traite des personnes, a répondu ceci :
[...] je dirais que oui. Au Centre national de coordination contre la traite de personnes, on est au courant qu'en ce moment, les policiers comprennent difficilement la définition de la loi. En clarifiant la loi, ils pourront porter plus d'accusations au niveau de la traite des personnes.
Plusieurs témoins ont fait remarquer que les mesures législatives contenues dans le projet de loi C-310 arrivent à point nommé. Comme vous le savez maintenant, le gouvernement fédéral a annoncé, le 6 juin 2012, le Plan national de lutte contre la traite des personnes. Ce plan représente une avancée significative pour les victimes. Les mesures proposées dans le plan d'action national comprennent d'abord la formation des agents de première ligne, notamment celle des agents aux postes frontaliers et des agents d'immigration. La formation va viser principalement à sensibiliser ces personnes à détecter plus facilement les victimes de traite lorsqu'elles entrent au pays.
Par ailleurs, le plan d'action va créer une première équipe intégrée d'application de la loi du Canada dont le mandat est de lutter contre la traite de personnes. Selon Yves Leguerrier, directeur de la Division des crimes graves et du crime organisé au ministère de la Sécurité publique du Canada, et je cite :
[...] le projet de loi C-310, en ce sens, renforcerait des poursuites en tenant les Canadiens responsables des crimes qu'ils commettent à l'étranger.
Enfin, le plan d'action a un budget de 25 millions de dollars sur quatre ans pour lutter contre la traite de personnes et venir en aide aux victimes. En effet, le Plan d'action contre la traite de personnes vise à protéger et à aider les victimes en augmentant le soutien financier alloué aux services pour elles, ainsi qu'en identifiant et en protégeant les ressortissants canadiens et étrangers au Canada qui sont vulnérables aux activités de la traite de personnes, ce qui comprend, la plupart du temps, des jeunes femmes âgées entre 15 et 21 ans.
Honorables sénateurs, le Canada a été parmi l'un des premiers pays à ratifier le Protocole des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier celle des femmes et des enfants. Avec le Plan national de lutte contre la traite de personnes et le projet de loi C-310, le Canada se dote d'outils efficaces et cohérents qui permettront à tous les intervenants de travailler ensemble pour sauver les victimes.
Il est devenu urgent d'agir, car comme le disait M. Yves Leguerrier :
L'Organisation nationale du travail, par exemple, estime au moins à 2,45 millions, et ce en tout temps, le nombre des victimes de la traite d'êtres humains dans le monde.
Je tiens à souligner que la traite des personnes est une réalité aussi pour les jeunes filles canadiennes qui sont vendues au Canada dans le marché sous-terrain de la prostitution. D'ailleurs, les médias du Québec ont télédiffusé récemment des cas très pathétiques de ces jeunes filles aux prises avec ce type de criminalité.
Honorables sénateurs, l'ensemble des témoignages reçus indique clairement que le projet de loi C-310 de la députée Joy Smith apportera des outils additionnels pour sauver les victimes de la traite des personnes au Canada.
Au nom de ces victimes présentes, passées et malheureusement futures, car ce fléau ne sera jamais enrayé, je tiens à remercier la députée de Kildonan—St-Paul pour sa contribution précieuse et exceptionnelle à la cause des victimes d'actes criminels au Canada et dans le monde.
J'invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour voter en faveur de cette mesure pro-victime, et, ainsi, dire non à tous ceux et celles qui abusent d'êtres humains par la traite de personnes, tant à l'étranger qu'au Canada.
(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)
[Traduction]
La Loi sur l'importation de boissons enivrantes
Projet de loi modificatif—Troisième lecture
L'honorable Bob Runciman propose que le projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi sur l'importation de boissons enivrantes (importation interprovinciale de vin pour usage personnel), soit lu pour la troisième fois.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)
La Loi sur les aliments et les drogues
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'honorable Michael Duffy propose que le projet de loi C-313, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-313, qui propose d'assujettir les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue à la Loi sur les aliments et les drogues et au Règlement sur les instruments médicaux.
Pour commencer, j'aimerais souligner les efforts déployés par la députée qui représente la circonscription de Sarnia—Lambton à la Chambre des communes. C'est elle qui a présenté cette mesure législative et a insisté pour que l'on aborde cette question importante, qu'elle met de l'avant depuis 2008. Nous sommes aujourd'hui saisis de cette mesure législative, ce qui montre que la députée reste déterminée à protéger la santé et la sécurité des Canadiens. Je suis heureux de constater que son engagement et sa persévérance nous amènent maintenant à examiner cette question d'importance.
Le projet de loi C-313 a été adopté à l'unanimité à la Chambre des communes. Il est admirable de constater que tous les partis collaborent afin de protéger la santé et la sécurité des Canadiens.
À titre d'information, j'aimerais mentionner que les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue sont aussi appelées « lentilles à but esthétique ».
Si ces lentilles sont dites à but esthétique, c'est parce que les consommateurs s'en servent pour des raisons purement esthétiques. Elles n'améliorent en rien la vue et peuvent même causer du tort. Leur seul but est de changer l'apparence et la couleur des yeux. Les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue viennent dans toutes les couleurs de l'arc-en-ciel et viennent même ornées de toute une gamme de motifs. On peut changer la couleur de ses yeux. On peut également avoir des yeux de chat pour l'Halloween, et pour la St-Patrick, peut-être que le sénateur Mercer et moi-même pourrions porter des trèfles dans les yeux.
Qui plus est, les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue s'achètent facilement. Les consommateurs peuvent s'en procurer dans un magasin qui vend des accessoires de fête ou un magasin de location de costumes, ou encore les commander sur Internet. Il y a même eu des concours en ligne dont le prix était une paire de lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue.
Comme le savent les honorables sénateurs, nous vivons à une époque où les renseignements sur les produits peuvent être rapidement communiqués par voie électronique, notamment par l'entremise de médias sociaux, et atteindre la population cible. En l'occurrence, les jeunes constituent la population cible : les enfants, les adolescents et les jeunes adultes. Selon la recherche, la popularité des lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue auprès de ce groupe de consommateurs ne cesse de croître.
Certains se demandent peut-être quelle différence fera le projet de loi C-313. Ce sont, après tout, de simples lentilles cornéennes, comme celles que portent beaucoup de gens au quotidien.
Ce qui m'inquiète le plus, c'est que les jeunes sont beaucoup plus susceptibles de porter ces lentilles pour changer leur apparence sans penser aux risques associés au fait de mettre un corps étranger dans leurs yeux. Les professionnels de la santé ont mené de longues études sur les risques pour la santé associés au port d'une lentille sur la cornée. Les lentilles cornéennes à but esthétique présentent plusieurs risques potentiels pour la santé.
Certains de ces risques ne sont pas bien graves, comme l'irritation, la sécheresse oculaire ou une production lacrymale excessive. Cependant, ces lentilles peuvent entraîner de plus graves problèmes comme des brûlures oculaires, une sensibilité accrue à la lumière, une vue embrouillée, des égratignures cornéennes, une conjonctivite ou encore une infection grave. Dans les cas extrêmes, ces problèmes peuvent entraîner la cécité.
(1940)
Le problème, honorables sénateurs, est simplement le fait que nous avons affaire à deux produits très similaires qui comportent des risques analogues, mais qui sont actuellement assujettis à des cadres réglementaires différents au Canada.
C'est là qu'intervient le projet de loi C-313. Cette mesure législative propose d'affronter des risques très réels pour la santé en assimilant les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue à des instruments médicaux, tout comme les lentilles cornéennes ordinaires.
À l'heure actuelle, les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue ne s'inscrivent pas dans la définition d'« instrument », c'est-à-dire d'une chose ayant une fonction thérapeutique. Ces lentilles n'ont pas une telle fonction car elles sont utilisées strictement à des fins esthétiques. Elles n'améliorent pas la vue.
Comme elles ne constituent pas des instruments médicaux, elles ne sont pas soumises au Règlement sur les instruments médicaux, comme le sont les lentilles cornéennes qui corrigent la vue.
En vertu du projet de loi, les fabricants seraient tenus de veiller à ce que leurs lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue répondent à des normes de sécurité et de qualité avant de pouvoir les mettre en marché au Canada. Santé Canada peut également demander des renseignements supplémentaires sur la sécurité et la qualité, aussi bien avant qu'après la décision d'en autoriser la vente dans le pays.
De plus, honorables sénateurs, à titre d'instruments médicaux, les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue seront assujetties aux mêmes exigences d'étiquetage et d'information des consommateurs que les lentilles cornéennes qui corrigent la vue. Les étiquettes devront avertir les consommateurs des risques possibles et des problèmes de sécurité liés à l'utilisation de lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue.
Plusieurs études ont révélé que les risques pour la santé découlent d'une mauvaise utilisation et d'un manque de soin. Ces risques sont évitables. Avec un étiquetage approprié, les consommateurs disposeront de renseignements décrivant la façon d'utiliser les lentilles et d'en prendre soin. Cela jouera un rôle clé pour minimiser les risques possibles pour la santé.
En assimilant les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue à des instruments médicaux, on imposera à l'industrie de se conformer aux dispositions pré commercialisation et post commercialisation de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les instruments médicaux. Autrement dit, ce règlement imposera aux fabricants, importateurs et distributeurs d'obtenir des permis, de se soumettre à des inspections et de déclarer les incidents sérieux. La réglementation des lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue à titre d'instruments médicaux permettra un cycle complet de surveillance réglementaire de toutes les lentilles cornéennes.
En 2000, Santé Canada avait publié un avertissement concernant les risques possibles de ces lentilles et avait recommandé de ne les utiliser que si on était suivi par un professionnel de la vue. Je reconnais que le projet de loi C-313 n'aborde pas la question de savoir si une ordonnance est obligatoire pour acheter des lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue ou si les consommateurs seront tenus de consulter un professionnel de la vue à cette fin. Ces questions dépassent le cadre du Règlement sur les instruments médicaux.
Au Canada, le pouvoir de déterminer si un instrument médical doit être prescrit appartient aux gouvernements provinciaux et territoriaux. Par conséquent, la stratégie réglementaire régissant la vente de ces dispositifs esthétiques relèvera de chaque province et territoire.
Je suis heureux de signaler que l'Association canadienne des optométristes, l'Association des opticiens du Canada et la Société canadienne d'ophtalmologie se sont engagées à collaborer avec les provinces et les territoires au sujet des ordonnances liées aux lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue, une fois que le projet de loi sera en vigueur.
Je voudrais signaler que les intervenants de l'industrie sont déjà bien placés pour satisfaire aux exigences du projet de loi. Beaucoup des sociétés en question vendent aussi bien des lentilles qui corrigent la vue que des lentilles qui ne corrigent pas la vue aux États-Unis. Or, là-bas, toutes les lentilles cornéennes sont assimilées à des instruments médicaux depuis 2005.
À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons tous une vision parfaite à cause de nos légumes.
L'appui au projet de loi C-313 est compatible avec l'engagement du gouvernement à l'égard de la sécurité des Canadiens ainsi qu'avec l'objectif d'harmoniser la réglementation avec nos partenaires internationaux et de favoriser la coopération réglementaire entre le Canada et les États-Unis. À l'échelle internationale, d'autres pays considèrent les lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue comme des instruments médicaux, notamment les États-Unis et plusieurs autres de nos partenaires commerciaux.
Honorables sénateurs, je voudrais dire pour conclure que le projet de loi C-313 permettra de remédier à un important risque pour la santé associé à l'utilisation de lentilles cornéennes qui ne corrigent pas la vue. Il soumettra ces risques au même cadre réglementaire qui s'applique aux lentilles qui corrigent la vue. En d'autres termes, des produits semblables comportant des risques semblables seront réglementés de la même façon.
Je voudrais féliciter encore une fois la députée de Sarnia—Lambton d'avoir mis de l'avant cette importante question. Maintenant que nous sommes saisis de cette mesure, je voudrais exprimer mon appui au projet de loi et inviter les sénateurs à se joindre à tous ceux qui travaillent en faveur de la sécurité des Canadiens.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions, honorables sénateurs?
L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j'appuie ce projet de loi. J'ai fait quelques recherches et je mets la dernière main à mes notes. J'espère avoir l'occasion de participer au débat. Je propose donc l'ajournement à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Downe, le débat est ajourné.)
[Français]
Règlement, procédure et droits du Parlement
Premier rapport du comité—Rapport du comité plénier—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Oliver, appuyée par l'honorable sénateur Eaton, tendant à l'adoption du premier rapport du Comité plénier (premier rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (Règlement du Sénat révisé), avec des amendements), présenté au Sénat le 13 juin 2012;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Carignan, appuyée par l'honorable sénateur Marshall, que le rapport ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié :
a) en ajoutant la nouvelle recommandation numéro 4 suivante :
« 4. Remplacer le texte français de l'article 4-11(3), à la page 42 de la Première Annexe du rapport (page 458 des Journaux du Sénat), par ce qui suit :
« Rappels au Règlement et questions de privilège non permis au cours des affaires courantes et la période des questions
4-11. (3) Les rappels au Règlement et les questions de privilège sont irrecevables au cours des affaires courantes et de la période des questions. »;
b) en changeant les désignations numériques des recommandations 4 à 16 actuelles dans le rapport aux recommandations 5 à 17.
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, concernant le rapport du comité du Règlement, je sais que le sénateur Cools veut terminer la préparation de ses notes pour pouvoir répondre aux amendements et à l'ensemble du rapport. Je demande, en son nom, d'ajourner le débat à la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Carignan, au nom du sénateur Cools, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Adoption du quatorzième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
Le Sénat passe à l'étude du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (combats concertés), avec un amendement), présenté au Sénat le 14 juin 2012.
L'honorable Bob Runciman : Un amendement au projet de loi a été proposé au comité, et je crois que je devrais l'expliquer brièvement aux sénateurs.
Les sénateurs se rappelleront que le projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (combats concertés), modernisera l'article du Code criminel qui traite des combats concertés afin de refléter l'évolution des sports de combat depuis que l'article 83 a été modifié, il y a 78 ans.
Le projet de loi ajoute des exemptions à celle qui existe déjà pour la boxe afin que d'autres sports de combat, comme les arts martiaux mixtes, soient autorisés à condition qu'on obtienne une autorisation préalable et qu'on respecte la réglementation de l'organisme provincial approprié. L'une des exemptions prévues par le projet de loi vise des sports inscrits au programme du Comité international olympique qui, actuellement, sont techniquement illégaux en vertu du Code criminel.
L'un de nos témoins, Bal Gosal, ministre d'État aux Sports, a suggéré d'étendre cette exemption aux sports inscrits au programme du Comité international paralympique. Le judo est devenu un sport paralympique, et d'autres sports de combat pourraient un jour s'ajouter.
Le comité a suivi le conseil de M. Gosal, et nous le remercions de la suggestion. Il s'agit de l'unique amendement approuvé au comité.
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Runciman, l'article no 2, qui porte sur le quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, était inscrit au nom du sénateur Fraser. Je croyais à l'origine qu'elle ou vous entendiez proposer l'adoption du rapport. Je constate que vous avez expliqué le document, mais vous plaisait-il, au sénateur Fraser ou à vous, de présenter le rapport à la Chambre?
(1950)
L'honorable Joan Fraser : Je devrais expliquer, Votre Honneur, que si j'ai présenté le rapport sur ce projet de loi la semaine dernière, c'est parce que le sénateur Runciman devait se trouver à deux endroits en même temps, comme cela arrive de temps à autre en cette enceinte. Il s'est acquitté de la tâche qui lui avait été confiée ailleurs, et c'est pour cela que j'ai présenté le rapport. Je propose donc que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous proposez l'adoption du rapport?
Le sénateur Fraser : Je suis désolée. Il est tard, n'est-ce pas, Votre Honneur? Je propose l'adoption du rapport.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Finances nationales
Motion tendant à autoriser le comité à étudier les conséquences fiscales de diverses activités publiques et privées de promotion des intérêts menées par des entités qui ont le statut d'organisme de charité et par d'autres organismes qui n'ont pas ce statut—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénateur Tardif :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les conséquences fiscales de diverses activités publiques et privées de promotion des intérêts menées, au Canada et à l'étranger, par des entités qui ont le statut d'organisme de charité et par d'autres organismes qui n'ont pas ce statut;
Que, lorsqu'il effectuera cet examen, le comité porte une attention spéciale :
a) aux organismes de bienfaisance qui reçoivent du financement de sources étrangères;
b) aux sociétés qui demandent, pour les activités de promotion des intérêts qu'elles mènent tant au Canada qu'à l'étranger, des déductions relatives à l'impôt payable au Canada;
c) aux organismes à vocation éducative qui se servent de leur statut d'organisme de bienfaisance pour promouvoir les intérêts d'entités privées;
Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 30 juin 2013, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je souhaite parler de la motion présentée par le leader de l'opposition. J'ai pris le temps d'examiner les observations qu'il a formulées, et j'aimerais lui répondre maintenant.
À mon avis, compte tenu de sa portée générale, cette motion qui concerne un certain nombre de problèmes distincts vient mêler les cartes.
En ce qui concerne les entreprises et les lobbyistes, nous savons tous qu'il existe des mesures législatives qui visent à la fois le lobbying et les investissements étrangers. Par exemple, les lobbyistes doivent respecter la Loi sur le lobbying, qui établit les principes fondamentaux concernant le lobbying, alors que les mesures législatives sur l'imposition des entreprises exigent la production d'une longue liste détaillée des dépenses qui sont déductibles. À l'heure actuelle, tout porte à croire que ces mesures législatives en matière de déclaration publique et de transparence sont respectées.
Honorables sénateurs, cette motion parle également des contributions aux établissements d'enseignement canadiens. Je dirais que toutes les règles concernant la divulgation de renseignements sur les dons provenant de l'étranger devraient s'appliquer à tous les organismes de bienfaisance. En outre, le sénateur n'est pas sans savoir que toute modification qui s'applique aux organismes de bienfaisance vise également les établissements d'enseignement.
Je suis heureux que le sénateur Cowan se préoccupe du problème du financement étranger des organismes de bienfaisance. Je crois que le Sénat a déjà parlé d'un certain nombre de conséquences dans le cadre de l'interpellation au sujet de l'influence des fondations étrangères sur les affaires intérieures. Cependant, je déconseillerais aux sénateurs de débattre en même temps des règles concernant les entreprises et de celles qui ciblent les organismes de bienfaisance, car elles sont très différentes. C'est comme comparer des pommes à des oranges, et, à mon sens, cela ne fait qu'embrouiller la question qui nous occupe.
Je tiens à apporter d'emblée quelques précisions. Premièrement, à propos de cette motion, je tiens à préciser une fois de plus pour que ce soit bien consigné que la position adoptée par tous les intervenants dans le débat sur l'interpellation concernant la question des activités politiques d'organismes de bienfaisance ne visait pas à modifier la tranche de 10 p. 100 autorisée pour des activités politiques non partisanes. Il s'agissait au contraire de veiller à ce que ce principe soit respecté tout en montrant que certains manipulaient les règles existantes en suivant la loi à la lettre mais sans en respecter l'esprit. Deuxièmement, je tiens à réaffirmer que la raison de ce débat, c'est la transparence et la divulgation publique. Enfin, je tiens à dire sans équivoque qu'il est important d'avoir des organisations environnementales saines qui expriment leurs préoccupations dans le cadre des processus publics conçus pour les écouter et leur répondre.
Comme d'autres ici, je crois aussi qu'il faut préciser la réglementation pour mettre notre système de subventions fiscales à l'abri des manipulations. Je suis aussi fermement d'avis que les organisations qui sont financées par des organismes de bienfaisance étrangers devraient être tenues de révéler le but de ce financement et sa source.
Toute cette histoire du financement d'activités environnementales par des organismes de bienfaisance m'a ouvert les yeux. J'ai du mal à comprendre l'intérêt qu'on porte au Canada, alors qu'il y a tellement d'autres problèmes environnementaux plus graves à signaler, par exemple les centrales au charbon aux États-Unis et en Chine ou la peste environnementale des gisements énergétiques extracôtiers au Venezuela et au Nigeria. Alors, on se demande ceci : pourquoi le Canada?
Je n'accepte pas qu'on qualifie d'« antienvironnementalistes » les gens qui posent des questions sur les motifs de certains groupes. Je partage la volonté de chacun de nous, au Sénat, d'assumer nos responsabilités environnementales et je m'estime extrêmement heureux de représenter une région de notre pays qui peut se vanter d'avoir des paysages qui sont parmi les plus beaux du monde.
Pendant l'interpellation, le sénateur Segal a souligné l'importance de la liberté d'expression et rappelé que les organismes de bienfaisance doivent avoir le droit de continuer à participer au débat public qui touche leur champ d'action. Je suis tout à fait d'accord, comme d'autres sénateurs d'ailleurs.
Malheureusement, au cours de la dernière année, il est devenu évident que certains organismes écologiques à tendance politique avaient profité de leur statut d'organisme de bienfaisance pour financer des organismes politiques sans inclure ces dons dans la part de 10 p. 100 de leurs ressources qu'ils peuvent consacrer à des activités partisanes. En fait, les règles en vigueur permettaient de camoufler des transferts financiers, ce qu'ont fait les rares organismes-cadres qui avaient constaté cette faille et s'en sont servi pour financer des groupes activistes qui n'étaient pas admissibles au statut d'organisme de bienfaisance. Ces transferts n'étaient pas calculés parmi les activités politiques des organismes-cadres, puisqu'ils étaient inscrits comme des subventions destinées à des projets spécifiques et non à la défense d'intérêts politiques.
Honorables sénateurs, cela se passait en coulisses alors que nous étions assis tranquilles, convaincus que les gens qui œuvrent dans un organisme de bienfaisance n'auraient jamais pour objectif de perturber, de retarder ou d'empêcher l'exploitation des ressources du Canada.
Revoyons le déroulement du projet d'oléoduc Northern Gateway. Ce projet vise à construire un pipeline jusqu'à la côte Ouest, ce qui permettrait d'expédier le pétrole canadien sur les marchés étrangers, où il se vendrait au prix du marché, alors que, à l'heure actuelle, le prix du baril canadien est inférieur au prix du marché dans une proportion pouvant atteindre 25 p. 100.
Combien de sénateurs, ou en fait combien de Canadiens, savent que, en 2009, des représentants de groupes environnementaux canadiens réunis aux États-Unis ont élaboré, avec leurs collègues américains, un plan qui visait justement à perturber, retarder ou empêcher l'exploitation des ressources canadiennes?
J'aimerais citer Robb Rice, président exécutif de Davies Public Affairs, qui a écrit ceci :
En juin 2009, une grande réunion a été tenue en Virginie pour permettre à des groupes environnementaux américains extrêmement puissants et bien financés de rencontrer leurs homologues canadiens pour élaborer un plan visant à mettre fin aux projets énergétiques et miniers qu'ils n'aimaient pas (ou de les retarder considérablement). Des rapports indiquent que les groupes environnementaux américains étaient prêts à financer les groupes environnementaux canadiens à condition que cela leur permette de dicter quels projets combattre et quels projets financer. Cette réunion historique et discrètement organisée a mené à l'exportation au Canada des tactiques de mobilisation et de communication du mouvement environnementaliste américain.
Même aujourd'hui, je me demande combien de Canadiens sont au courant de la tenue de cette réunion et des décisions qui y ont été prises. Pourquoi ne les a-t-on pas rendues publiques? Peut-être parce qu'on savait que la plupart des Canadiens s'offusqueraient de ce que les organisations environnementales du Canada soient dirigées et financées par leurs associés américains? Il y a de quoi se demander où est la transparence, l'obligation d'informer le public, qui est censée être l'un des principes directeurs du secteur caritatif.
Honorables sénateurs, passons en revue ce qui s'est passé depuis 2009 et regardons objectivement ce qui s'est produit dans cette réunion décisive. Au cours des trois dernières années, les Canadiens ont été témoins d'une campagne publique bien financée, bien organisée et bien exécutée visant à contrer toute possibilité de mettre en place un corridor énergétique vers la côte Ouest. Cette stratégie a-t-elle réussi à perturber, à retarder ou à arrêter le projet?
(2000)
Plus de 4 500 intervenants ont demandé à venir témoigner aux audiences publiques, ce qui pourrait retarder d'un an la décision concernant cet oléoduc. Il y en a qui proviennent d'aussi loin que le Brésil. Ne pourrait-on pas dire qu'il s'agit d'une tactique dilatoire organisée?
Il y a eu un débat national avant que tous les faits provenant du processus d'examen environnemental ne soient présentés aux Canadiens pour qu'ils puissent prendre une décision éclairée. S'agirait-il d'une autre manœuvre de déni ou de retardement?
Des millions de dollars provenant d'un organisme de bienfaisance américain ont servi à financer un parc marin s'étendant de la pointe de l'île de Vancouver à la péninsule de l'Alaska. L'objectif de cet organisme est bien connu et consiste à empêcher la navigation des pétroliers le long de la côte. N'est-ce pas là une stratégie visant à s'opposer indirectement au développement?
Les sites web de certains groupes environnementaux ont été modifiés quelques heures à peine après la présentation du budget fédéral au Parlement. N'est-ce pas là une façon de priver les Canadiens de leur droit de connaître tous les faits?
Pourtant, les décisions prises à l'occasion de la réunion déterminante de juin 2009 à Washington, en Virginie, ont réussi à nuire au développement responsable des ressources canadiennes. Les quelques groupes canadiens activistes sur les plans politique et environnemental présents à cette réunion ont pu brandir le drapeau canadien tout en accomplissant les basses œuvres de leurs homologues américains, qui ont manifestement un programme politique qui ne cadre peut-être pas avec les intérêts à long terme de notre pays.
Honorables sénateurs, je vous demande de songer à tout cela. Est-il dans l'intérêt à long terme de certains groupes américains de pouvoir influencer indirectement l'orientation du développement de nos ressources énergétiques en les diabolisant, tout en demeurant eux-mêmes en retrait de la scène environnementale pendant qu'ils développent les ressources énergétiques de leur propre pays en rencontrant moins de résistance, l'attention en matière d'environnement étant surtout tournée vers le développement des ressources énergétiques canadiennes?
Je me reporte à l'expérience de l'oléoduc Northern Gateway jusqu'à maintenant pour illustrer comment un processus environnemental conçu pour faire connaître tous les faits, avantages et inconvénients, peut être ignoré lorsque l'appareil politique se met à l'avant-scène.
Plus tôt au cours de la session, le sénateur Patterson a parlé de l'intrusion de groupes environnementaux et du financement étranger qui est fourni et qui vient perturber la vie quotidienne des gens du Nunavut. Nous constatons la même intrusion au Yukon, où un organisme financé en partie par des intérêts étrangers s'efforce quotidiennement d'influencer la politique publique. Encore une fois, ni le montant ni le but du financement n'ont fait l'objet d'une déclaration publique complète, ou n'a été compris par la population en général. Il importe de savoir que les intérêts étrangers au Canada ne se confinent pas à un projet ou à une région en particulier au pays. Encore une fois, la situation devrait être claire et une divulgation publique complète devrait être faite lorsque des intérêts étrangers tentent d'influencer et d'orienter des politiques publiques en finançant des organismes au pays.
Il existe toutes sortes de théories mais, au bout du compte, les Canadiens ont le droit de poser ces questions et d'exiger des réponses de la part de ceux qui sont sur la liste de paie d'un autre pays. La motion dont nous sommes saisis ne fait pas allusion au problème très réel posé par les contributions importantes qui sont faites discrètement, sans la transparence et la divulgation désirées. Je tiens à préciser que, à ce moment-ci, je ne dis pas que ces ressources externes doivent être stoppées. Toutefois, ce serait faire preuve de prudence que de faire en sorte que le public sache qui sont ces agences et ces donateurs et à quoi les dons sont censés servir.
Le budget de 2012, qui se trouve présentement à l'autre endroit, renferme un certain nombre d'amendements utiles relativement aux règles qui régissent la transparence et la divulgation des organismes de charité. Je suis heureux de dire que les amendements renfermés dans le budget continuent de protéger les droits et les privilèges des groupes de défense d'intérêts publics qui ont toujours existé. Les amendements clarifient les règles et font en sorte que les tours de passe-passe qui étaient permis en vertu des règles précédentes ne seront plus tolérés. Je crois fermement que les changements proposés dans le budget de 2012, notamment la façon dont les dépenses liées à l'activité politique sont calculées, vont aider à atténuer les problèmes qui ont été constatés tout au long du débat.
J'ai parlé tout à l'heure de l'interpellation lancée au printemps par le sénateur Eaton. En rétrospective, je crois qu'on peut dire que son interpellation a été utile parce qu'elle a suscité un débat national et qu'elle a entraîné des changements positifs dans le budget qui permettront de remédier à ce problème. L'Agence du revenu du Canada révisera la Déclaration de renseignements des organismes de bienfaisance enregistrés afin de pouvoir recueillir plus de renseignements sur leurs activités politiques.
Je veux répondre à la question soulevée par le sénateur Mitchell concernant le fait que cette mesure jetterait un froid parmi les organismes de bienfaisance. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, ni l'interpellation ni les modifications législatives prévues dans le budget de 2012 n'ont jamais eu pour but de susciter des craintes chez les organismes de bienfaisance qui respectent les règles. Je suis convaincu qu'ils pourront s'adapter rapidement aux modifications qui seront mises en œuvre.
Cela dit, je trouve surprenant que la motion demande que les organismes de bienfaisance et les établissements d'enseignement comparaissent dès maintenant devant le comité. Il me semble que ce geste prématuré jetterait un froid parmi les organismes de bienfaisance.
Par conséquent, honorables sénateurs, je recommande d'attendre que les changements apportés par l'Agence du revenu du Canada soient rendus publics. Nous pourrons alors décider s'il faut revenir sur cette question.
(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Adoption de la motion exhortant le gouvernement de la République islamique d'Iran à accorder la clémence à Hamid Ghassemi-Shall et à s'acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Tardif,
Que le Sénat encourage le gouvernement de la République islamique d'Iran d'accorder, pour des motifs d'ordre humanitaire, la clémence à Hamid Ghassemi-Shall et de le libérer afin qu'il puisse rejoindre les siens au Canada et presse l'Iran de renverser sa politique actuelle et de s'acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur la situation de M. Hamid Ghassemi-Shall, un citoyen canadien actuellement détenu et condamné à mort en Iran. La motion dont nous sommes saisis a pris de l'importance à la lumière des nouvelles troublantes voulant que l'exécution de M. Hamid Ghassemi-Shall puisse avoir lieu incessamment.
La motion demande de toute urgence au gouvernement de la République islamique d'Iran d'accorder, pour des motifs d'ordre humanitaire, la clémence à Hamid Ghassemi-Shall et de le libérer afin qu'il puisse rejoindre les siens au Canada, et presse l'Iran de renverser sa politique actuelle et de s'acquitter de ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
M. Ghassemi-Shall est détenu en Iran depuis qu'il s'y est rendu, en mai 2008, pour visiter sa famille. En août 2009, M. Ghassemi-Shall a été trouvé coupable d'espionnage et condamné à mort par un tribunal iranien.
Le gouvernement du Canada s'est occupé du cas depuis ses débuts et a multiplié les démarches auprès de représentants de haut niveau. Les autorités iraniennes ont privé M. Ghassemi-Shall d'assistance consulaire et ont refusé de fournir quelque information officielle que ce soit sur son statut, parce qu'elles ne reconnaissent pas sa double citoyenneté.
Comme on peut l'imaginer, la famille de M. Ghassemi-Shall, qui est encore ici au Canada, y compris sa femme Antonella, souffrent considérablement de la situation. L'idée que M. Ghassemi-Shall pourrait être exécuté d'un moment à l'autre leur est une véritable torture, nourrie en partie par le fait que le frère de M. Ghassemi-Shall est mort en prison après avoir été accusé d'un délit semblable.
Les Canadiens accordent une grande importance au caractère sacré de la vie, au rôle central de la famille et à l'exercice de la compassion, des valeurs fondamentales que partagent, bien sûr, le peuple iranien. Dans un esprit de compassion et d'humanité, j'invite les sénateurs à se joindre à moi pour demander au gouvernement de la République islamique d'Iran d'épargner la vie de M. Ghassemi-Shall et de lui permettre de retrouver sa famille.
Son Honneur le Président intérimaire : Y a-t-il d'autres interventions? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(2010)
Le Sénat
Motion tendant à presser le gouvernement de mettre à la disposition des citoyens, une journée par année, à prix réduit ou gratuitement, les installations de sport récréatif—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Raine, appuyée par l'honorable sénateur Wallin,
Que le Sénat du Canada presse le gouvernement canadien d'encourager les administrations locales d'un océan à l'autre à collaborer pour choisir une journée annuelle où elles mettront à la disposition des citoyens, à prix réduit ou gratuitement, leurs centres de bien-être et leurs installations de sport récréatif et de conditionnement physique, dans le but d'en promouvoir l'utilisation et d'améliorer la santé et le bien-être des Canadiens, et ce, pour les raisons suivantes :
a) si les montagnes, océans, lacs, forêts et parcs du Canada offrent d'abondantes possibilités d'activités physiques en plein air, les installations intérieures de bien-être, de sport récréatif et de conditionnement physique permettent tout aussi efficacement de prendre part à des activités physiques;
b) malgré sa capacité à être une nation en santé et en forme, le Canada accuse une baisse des taux de participation à des activités physiques, baisse qui a une conséquence directe sur la santé et la forme physique de sa population;
c) les administrations locales gèrent de nombreuses installations publiques qui favorisent la santé et la forme physique, et la population pourrait en faire meilleur usage;
d) au Canada, on s'inquiète de plus en plus de l'augmentation des maladies chroniques, lesquelles sont en partie attribuables à l'inactivité et peuvent à leur tour poser des obstacles à l'adoption et au maintien d'un mode de vie sain;
e) tous les ordres de gouvernement devraient promouvoir et encourager la santé et la forme physique auprès de l'ensemble des Canadiens, sans égard à leur âge et à leurs capacités;
f) nous aspirons à accroître la participation des Canadiens à des activités qui favorisent le bien-être, la pratique de sports récréatifs et la forme physique.
L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je suis très heureux de dire quelques mots en faveur de la motion du sénateur Raine, visant à instaurer une journée nationale de la santé et de la forme physique, durant laquelle le gouvernement mettra à la disposition des citoyens, à prix réduit ou gratuitement, les installations de sport récréatif.
Je tiens à rassurer tous les honorables sénateurs en leur disant que ce discours sera beaucoup plus court que celui que j'ai prononcé lundi dernier.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : Cette journée favorisera la santé et le mieux-être en incitant les gens à mener une vie plus active et à fréquenter davantage les installations de conditionnement physique et de sport. Je voudrais féliciter le sénateur Raine d'avoir soulevé la question du manque d'activité physique. C'est une conversation que nous devons avoir au Canada.
Honorables sénateurs, j'appuie cette motion ainsi que l'établissement d'une journée nationale de la santé et du conditionnement physique, mais nous ne pouvons pas nous arrêter là. Comme société, nous devons aller plus loin et changer notre mode de vie. Malheureusement, au fil des ans, notre société est devenue de plus en plus sédentaire : nous avons bien plus tendance à nous asseoir devant un grand ou un petit écran qu'à aller dehors faire une promenade, courir ou faire du vélo. L'activité physique ne doit pas être une chose que nous faisons une fois par an. Nous devons l'intégrer dans notre mode de vie et en faire une habitude quotidienne. Le sénateur Munson a dit, à juste titre, que l'engagement envers le conditionnement physique doit durer toute la vie, 365 jours par an.
Je suis sûr que plusieurs de sénateurs ont remarqué que je suis devenu plus aimable et plus cordial ces derniers temps. En fait, j'arrive même à l'occasion à m'entendre avec le sénateur Mercer. Depuis août 2011, j'ai perdu au total 35 livres.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : Je ne l'ai pas fait en suivant un de ces régimes à la mode. J'ai plutôt complètement changé mon mode de vie. Je mange encore trois repas par jour et une collation, à l'occasion. Je suis maintenant physiquement actif, et je crois que même mon comportement s'est amélioré. C'est un mode de vie que je dois maintenir.
Même les employés de mon bureau se sont joints à mon programme de conditionnement physique. Nous faisons maintenant de l'exercice au gymnase de l'édifice Victoria une fois par semaine pendant 60 à 90 minutes. J'encourage d'autres bureaux à se joindre à nous.
Honorables sénateurs, l'Agence de la santé publique du Canada et l'Institut canadien d'information sur la santé ont récemment publié un rapport conjoint intitulé L'obésité au Canada. Le rapport révèle qu'environ la moitié de la population canadienne a un excès de poids, qu'un adulte sur quatre est considéré comme obèse et que près de 9 p. 100 des enfants de âgés de six à 17 ans le sont aussi.
D'après le rapport, l'obésité augmente le risque d'un certain nombre de maladies chroniques, comme le diabète de type 2, l'hypertension, les maladies cardio-vasculaires et certaines formes de cancer. Les personnes très obèses ont un plus grand risque de mourir prématurément. Le rapport révèle en outre que le coût économique de l'obésité est absolument énorme au Canada, ayant été estimé à 4,6 milliards de dollars en 2008, en hausse par rapport à 3,9 milliards en 2000.
Selon le rapport, plusieurs facteurs contribuent à l'obésité, dont le manque d'activité physique, le comportement sédentaire, le temps passé devant un écran et le régime alimentaire. Beaucoup d'indices tendent à établir un lien entre la prévalence de l'obésité et l'activité physique pendant les périodes de loisir. Les Canadiens font en fait beaucoup moins que la dose quotidienne recommandée d'activité physique.
Le Guide d'activité physique canadien recommande que les adultes âgés de 18 à 64 ans fassent au moins 150 minutes d'activité physique par semaine. Cela ne représente que deux heures et demie dans une période de sept jours. Le guide a pour devise : Choisissez un moment. Choisissez un lieu. Élaborez un plan et bougez davantage! Cela ne signifie pas qu'on a besoin d'un équipement sportif élaboré ou d'une carte de membre dans un club coûteux. Il suffit de commencer à bouger. On peut marcher, courir, prendre l'escalier ou nager. L'idée est d'intégrer cette activité dans la vie de tous les jours. En ajoutant un peu d'activité physique au train-train quotidien, on améliore sa condition physique, sa force et sa santé mentale et on réduit le risque de maladie et de certains cancers.
Je voudrais, en fait, lancer un défi à tous les sénateurs qui ont leur bureau ailleurs qu'à l'édifice du Centre : au lieu de prendre la navette, marchez entre votre bureau et l'édifice du Centre pour ajouter un peu d'activité physique à votre programme quotidien. Le sénateur Stratton m'a encouragé à faire plusieurs allers-retours entre la salle du Sénat et mon bureau. En réalité, il m'a persuadé en me faisant honte. Quoi qu'il en soit, cela a marché, et je donne maintenant l'exemple. Faire cela deux ou trois fois par jour est un moyen facile de rester actif.
J'encourage aussi les sénateurs à ne pas rester devant leur ordinateur ou leur télé pendant leurs heures de loisir. J'avais 18 ans quand j'ai acheté mon premier téléviseur. C'était le tout premier dans ma famille. Or on peut très bien se passer de la télévision.
À 14 ans, quand je voulais jouer au hockey avec mes amis, nous marchions jusqu'à une patinoire locale extérieure. Nous commencions par la déneiger à la pelle, nous la recouvrions d'eau à l'aide d'un tuyau d'arrosage, puis nous faisions un feu dans la cabane. Après avoir pris le temps de mettre nos patins, il était souvent trop tard parce que les garçons de 18 et 19 ans nous chassaient. Nous étions néanmoins prêts à faire tout cela pour avoir l'occasion de jouer au hockey. Chaque fois que je commence à raconter cette histoire à mes garçons, ils m'interrompent immédiatement pour me dire : « Oui, papa, nous le savons. C'était toujours tellement difficile de ton temps. »
Notre société et nos jeunes doivent recommencer à passer du temps dehors et à être actifs, plutôt que de végéter à l'intérieur. N'est-il pas étrange de voir les parents conduire aujourd'hui leurs enfants en voiture à l'école ou au centre communautaire, souvent à moins d'un kilomètre de chez eux, où ils jouent au soccer, au basketball ou à un autre sport? Pourquoi ne pas leur dire plutôt de marcher jusqu'à l'école ou de s'y rendre en vélo?
Honorables sénateurs, je vais vous laisser sur une petite histoire. On peut faire de la bicyclette sur un vélo stationnaire en toute sécurité dans son salon, ou alors on peut en faire d'une manière un peu plus risquée. Il y a quelques semaines, après la fin de la séance au Sénat, en une belle journée chaude et ensoleillée, j'ai décidé d'aller faire un tour de vélo du côté de Gatineau. Il y a littéralement des centaines de kilomètres de superbes pistes asphaltées à Gatineau et à Ottawa. Je l'avais déjà fait bien des fois auparavant, mais cette fois-là ce fut différent. J'ai décidé d'aller faire une balade classique de 14 kilomètres. Cela me prend normalement une heure environ. Au bout de 30 minutes, je suis arrivé à un panneau annonçant que j'étais à 7,5 kilomètres du parc de la Gatineau. Sachant que l'entrée du parc est à environ 2 kilomètres de chez moi, je me suis dit que j'allais tout simplement continuer à suivre la piste. Je dois préciser que ça grimpe beaucoup plus du côté de Gatineau que du côté d'Ottawa.
À un moment donné, j'étais littéralement debout sur les pédales dans une montée presque verticale. En fait, un coureur s'est arrêté et m'a chaleureusement applaudi pour avoir réussi à atteindre le haut de la côte. Environ 35 minutes plus tard, je suis arrivé tout heureux au parc de la Gatineau, et c'est seulement là que je me suis rendu compte que j'étais à l'autre bout du parc, et donc à 15 kilomètres de chez moi. En fin de compte, j'ai parcouru plus de 30 kilomètres, pour l'essentiel en montée et contre le vent.
Honorables sénateurs, j'appuie la motion du sénateur Raine. Nous pourrions peut-être aller un peu plus loin en encourageant les magasins qui vendent du matériel de sport ou de conditionnement physique à offrir un rabais de 10 p. 100 sur le matériel sportif à leurs clients ce jour-là.
Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir écouté et je vous encourage tous à appuyer la motion du sénateur Raine et à faire un pas supplémentaire en intégrant l'activité physique à votre vie quotidienne et en adoptant un mode de vie sain.
Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Plett accepte-t-il de répondre à une question?
Le sénateur Plett : Certainement.
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, je suis évidemment très impressionné et époustouflé par l'énergie que le sénateur Plett a consacrée à cette question et aussi sa volonté d'améliorer la santé des gens. Toutefois, je me demande si, les choses étant ce qu'elles sont, il va me faire cadeau de tous les jujubes qu'il y a dans son bureau.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup, sénateur Dallaire, mais il paraît qu'il y a très peu de calories dans les jujubes, alors je vais m'en garder quelques-uns.
(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)
(2020)
[Français]
Les avantages économiques de la pêche récréative au saumon
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Meighen, attirant l'attention du Sénat sur les avantages économiques de la pêche récréative au saumon de l'Atlantique au Canada.
L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui au sujet de la pêche sportive au saumon de l'Atlantique.
Je voudrais tout d'abord rendre hommage à notre ancien collègue, le sénateur Meighen, qui, pendant de très nombreuses années, s'est intéressé à la question. Il a consacré énormément de son temps et de son argent à la pêche sportive et à la protection du saumon de l'Atlantique. Le sénateur Meighen était un amant de la nature et il était un pêcheur averti. Il était aussi un grand conservateur de la ressource et nous lui devons beaucoup dans le domaine de la pêche sportive au saumon de l'Atlantique au Canada. Ce soir, j'aimerais lui rendre hommage pour le travail qu'il a fait au cours de ses dernières années au Sénat, et même avant.
Le saumon de l'Atlantique est considéré, par la majorité du monde occidental, comme le roi de nos rivières. Honorables sénateurs, ceux et celles qui s'adonnent à ce sport savent que la pêche sportive au saumon est un combat entre la nature que la Providence nous a donnée et la finesse du pêcheur. C'est un sport qui attire beaucoup d'étrangers dans l'Atlantique, puisque c'est là que se retrouvent les saumons les plus combatifs. Je n'ai rien contre le saumon de la Colombie-Britannique, bien au contraire, mais celui de l'Atlantique est reconnu pour sa grosseur et pour sa combativité.
Cette pêche est non seulement un apport sportif, c'est aussi un apport économique d'une très grande valeur, que ce soit pour le Québec, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, mais le Nouveau-Brunswick est la province qui détient les meilleures rivières à saumons dans l'Atlantique Nord.
Il faut se rappeler que, dans les années 1986 et 1987, lorsque le dernier permis de pêche au saumon commerciale a été retiré par le gouvernement fédéral, suite à l'importante baisse de la ressource, en dehors de nos limites frontalières, de nos zones côtières, beaucoup de pays ont pêché sans retenue. Des usines flottantes venaient pêcher le saumon de l'Atlantique et retournaient chez elles, privant le Canada d'importants bénéfices. Il y a eu tellement de surpêche que la ressource a été mise en danger.
D'autres, également, on participé à la destruction du saumon de l'Atlantique. C'est alors que le premier ministre de l'époque, le très honorable Brian Mulroney, en collaboration avec les provinces de l'Atlantique, a mis sur pied un programme spécial de reconstruction des rivières à saumon afin de rebâtir les frayères du saumon de l'Atlantique. Dans chacune des provinces, que ce soit le Québec, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont acharnés à rebâtir ces rivières, à construire des piscicultures.
Parce que, faut-il se le rappeler, le saumon vient frayer dans la rivière où il est né. Il fallait donc cultiver des alevins et les implanter dans les rivières retournant dans l'océan afin que les saumons reviennent par la suite frayer et rebâtir une population raisonnable dans l'Atlantique.
Au cours de ces années, il y a eu des gens extraordinaires, comme le sénateur Meighen, mais, dans chacune des provinces, il y a eu également des biologistes, des gestionnaires de rivières, de simples guides ou encore des gestionnaires de clubs à qui on doit une conservation de la ressource. Les travailleurs de l'ombre ne feront jamais les premières pages, mais s'il existe encore du saumon de l'Atlantique dans nos rivières, c'est grâce à ces gens qui ont travaillé dans l'ombre et qui ont contribué à sauvegarder cette ressource si importante.
J'aimerais m'attarder sur le Nouveau-Brunswick, qui a les deux meilleures rivières à saumon de l'Atlantique, rivières qu'il a gérées d'une façon extraordinaire, grâce une gestion contrôlée. Les autres provinces ont suivi, mais le Nouveau-Brunswick a été le premier à faire une gestion contrôlée : si la montaison de saumons est bonne, les gens peuvent garder leurs saumons lorsqu'ils pêchent; dans le cas contraire, ils doivent les remettre à l'eau. Après un bon combat, on remet le poisson à l'eau et il repart, un peu étourdi.
Les autres provinces de l'Atlantique ont accepté de se soumettre à ce genre de pêche, et les pêcheurs ont accepté de bonne foi de lutter contre le roi des rivières et de le remettre à l'eau, le gracier, comme on dit en bon pêcheur. Cela s'est fait de façon ordonnée dans toutes les provinces. Tout le monde — que ce soit les pêcheurs ou les gestionnaires — a voulu protéger la ressource.
Faut-il rappeler que nos ancêtres, les premiers Blancs qui sont venus en Amérique, se nourrissaient en grande partie de cette ressource donnée par la Providence? Les peuples autochtones du Nord et de l'Est du Canada se nourrissaient également de saumon. Vu sa quantité phénoménale, le saumon a été la nourriture des pauvres durant de très nombreuses années. On ne peut malheureusement plus dire la même chose aujourd'hui, car c'est devenu un repas de roi.
Le Nouveau-Brunswick s'est particulièrement spécialisé, avec la Nouvelle-Écosse, dans l'aquaculture, qui nous permet de manger encore du saumon ayant un goût d'Atlantique, comme on dit par chez nous. Il n'est pas facile de faire de l'aquaculture. On en fait beaucoup dans les pays de la Scandinavie, mais ils n'ont pas les mêmes problèmes que nous. L'aquaculture est un travail tout à fait exceptionnel. Ce sont les aquaculteurs qui nous permettent aujourd'hui d'avoir du saumon sur nos tables et dans les restaurants.
Il ne faut pas s'arrêter à cela, car un autre danger guette le saumon de l'Atlantique, un danger plus dévastateur que l'homme. Honorables sénateurs, certaines statistiques démontrent que, dans l'Atlantique et dans l'Arctique, il y a des troupeaux de plus de six millions de phoques qui sont maintenant à l'entrée des rivières, que ce soit à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou au Québec. Ces carnassiers de la mer, ces assassins de saumons sont à la porte pour détruire et pour rayer de la carte le saumon de l'Atlantique.
En tant que parlementaires, nous nous devons de prendre immédiatement nos responsabilités afin de nous assurer que nos enfants, nos petits-enfants et nos arrière-petits-enfants pourront profiter de cette ressource divine qu'est le saumon.
Je sais que plusieurs d'entre vous préfèrent le golf à la pêche au saumon. Pour ma part, je préfère aller à un tournoi de pêche au saumon plutôt qu'à un tournoi de golf, mais, après trois ou quatre voyages de pêche pendant l'été, la meilleure saison du saumon est passée.
Honorables sénateurs, c'est maintenant la meilleure saison pour la pêche au saumon — et nous sommes ici. Et le saumon nous attend.
Ce que je veux qu'on retienne de mon intervention, c'est que nous devons prendre nos responsabilités pour l'avenir. On a cru un jour que les stocks de morues étaient indestructibles. Aujourd'hui, la pêche à la morue est devenue presque inexistante; les pêcheurs ont dû se convertir à autre chose, des usines ont fermé. Ce sort guette également la production de flétans du Groenland, dont les stocks sont menacés par les phoques qui font des ravages tout à fait extraordinaires.
(2030)
Plutôt que de nourrir une population de six millions de phoques qui mangent 75 livres de poisson par jour, on pourrait nourrir beaucoup de familles du tiers-monde, vivant en Amérique centrale ou dans des pays africains.
Rappelons-nous que la morue salée séchée était d'abord et avant tout la nourriture des gens ordinaires. Elle n'était pas à la table des riches, elle était à celle des travailleurs. Si on a perdu la morue et qu'on risque de perdre le turbo du Groenland, on risque aussi de perdre le saumon de l'Atlantique. Je vous en supplie. Soyons très vigilants dans chacune de nos provinces.
En tant que parlementaires, nous avons un devoir vis-à-vis des générations à venir. Nous devons nous assurer que le roi de nos rivières demeure à jamais ici, chez nous, dans l'Atlantique, afin que nos enfants et nos petits-enfants puissent aussi en profiter.
[Traduction]
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, j'ai bien l'intention de répondre en détail à cette interpellation. Mon intervention fera suite aux propos de notre collègue au sujet des phoques qui se tiennent maintenant à l'embouchure de divers fleuves dans les provinces de l'Atlantique, parce qu'ils ont déjà mangé toute la morue.
(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)
[Français]
La Charte des droits et libertés
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur le 30e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés qui a grandement contribué à la fierté de notre pays et à notre identité nationale.
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je n'ai pas eu l'occasion d'aviser madame le sénateur Andreychuk de mon désir de participer au débat. Avec la permission du Sénat, j'aimerais prononcer mon discours avec l'entente que l'ajournement du débat demeure au nom du sénateur Andreychuk.
Honorables sénateurs, je tiens moi aussi à participer à l'interpellation du sénateur Cowan, que je remercie très sincèrement de cette initiative. La Charte canadienne des droits et libertés a 30 ans cette année. Plusieurs de mes honorables collègues ont récemment souligné cet anniversaire. Je ne reprendrai pas leurs propos, si ce n'est pour dire que moi aussi je me réjouis de la présence de cet important outil constitutionnel dans ma vie de citoyenne canadienne. Je m'en réjouis encore plus lorsque je songe à mes enfants, mes petits-enfants et aux vôtres, quel que soit le parti politique que nous représentons dans cette Chambre haute.
Nous sommes les héritiers de nos prédécesseurs et nous sommes responsables de conserver l'héritage reçu et représentatif d'une longue tradition parlementaire. Nous sommes fiers de notre identité canadienne, bien sûr, mais aussi de notre identité provinciale, de notre culture, de notre langue.
Je me suis souvent définie devant vous comme francophone du Manitoba engagée dans ma communauté, ma province et mon pays. Aujourd'hui, une fois de plus, je voudrais témoigner de la relation entre ma culture, mon identité et les institutions constitutionnelles qui ont changé ma vie et celle de mes concitoyens de façon inespérée et, il faut bien le dire, radicale. Avec vous, je voudrais mesurer l'immense chemin parcouru dans le domaine scolaire, grâce à la Charte canadienne des droits et libertés.
Voyez-vous, il y a 30 ans, au Manitoba français, nous entamions à peine un des parcours les plus difficiles qu'il soit donné de vivre comme minoritaires opprimés par un ensemble de lois. Nos grands-parents qualifiaient ces lois d'odieuses, d'injustes et d'iniques. Depuis 1890, nous étions sous la coupe de législateurs hostiles tout d'abord, et indifférents par la suite. En 1979, après trois tentatives infructueuses devant les tribunaux, nous venions de récupérer, grâce à M. Georges Forest, une partie de la Constitution du Manitoba qui indiquait, à l'article 23, que le français était une des deux langues officielles de ma province.
Cette difficile et essentielle lutte constitutionnelle venait de diviser notre communauté. C'était la première fois, mais pas la dernière. Nous avions dû affronter le gouvernement du Québec, qui s'était opposé à nos désirs de voir notre langue maternelle retrouver son statut constitutionnel. Même après cette victoire incontestable, nous savions qu'il nous restait encore beaucoup de travail à faire parce que le premier ministre provincial de l'époque, Sterling Lyon, estimait que nos droits constitutionnels n'étaient que des privilèges.
Notre combat de minoritaires a toujours été à double voie; les écoles d'abord et la langue ensuite. Les historiens débattront si nos priorités auraient dû et pu être différentes. Cependant, face à une intolérance renaissante de la part de ce premier ministre et de son gouvernement, nous étions déjà engagés dans une lutte publique, mesquine et fractionnelle dans nos communautés. Nous devions lutter pour voir la loi scolaire mise en œuvre et obtenir des écoles qui reflétaient nos aspirations culturelles. Nous devions lutter pour obtenir une ou plusieurs salles de classe où on pourrait enseigner en français, et lorsque nous demandions des écoles neuves à partir de nos impôts, certains les qualifiaient de « futurs éléphants blancs ».
Nos luttes étaient quotidiennes. Il ne se passait pas une semaine sans une ou deux ou trois réunions. Nous devions souvent laisser nos enfants à la maison pour leur garantir un avenir à l'école. Il y a des conflits qui deviennent des guerres d'usure et qui épuisent parfois jusqu'à l'agonie. Certains des nôtres ont abandonné, faute d'énergie.
Entre l'école, la langue, notre vie familiale et nos carrières, avions-nous le temps de suivre les débats constitutionnels, alors que notre premier ministre provincial était en tête des opposants, de la « bande des huit »?
Vous vous doutez de la réponse. Habitués à être mis de côté dans la préparation de lois qui nous concernaient directement, nous avons tendu une oreille à ce bruit et à cette fureur. Habitués à être pris entre l'arbre et l'écorce, nous savions que si certaines garanties n'étaient pas enchâssées dans la Constitution, nous aurions un problème.
La présidente de l'époque de la Société franco-manitobaine, Mme Gilberte Proteau, disait d'ailleurs, lors d'une présentation devant le comité constitutionnel :
La bonne volonté du gouvernement du Manitoba et celle de la majorité anglophone au Parlement ne constituaient pas des garanties suffisantes pour les droits de la minorité.
Habitués à voir une Constitution canadienne qui ne nous avait pas protégés contre les ambitions de nos adversaires, nous avions fait connaître notre position qui ressemblait bien à un cri du cœur.
Notre position en faveur du « oui » au référendum québécois résonnait encore dans nos oreilles. Nous étions donc coincés entre les Québécois, qui voulaient obtenir un statut différent, et ceux qui nous entouraient. Nous savions qu'au Québec, il y avait tout ce qui constituait nos désirs les plus chers : des institutions, des écoles et des tribunaux, entre autres, qui fonctionnaient dans notre langue maternelle.
Toutefois, nous étions et nous sommes du Manitoba. Même si, parfois, certains de nos voisins et nos politiciens s'opposaient à nos désirs de survivance, nous savions bien que d'autres nous appuyaient. Nous n'étions pas les seuls à souhaiter un Canada et un Manitoba différents et bilingues. Tous les Manitobains ne nous disaient pas : « Go back to Québec », en pensant nous renvoyer chez nous.
Donc, les discussions constitutionnelles ravivaient ou gardaient ouvertes les blessures ainsi que les occasions de dissension. Ce qui frappait le plus, c'était de voir notre premier ministre lutter contre notre idéal du Canada, et de lutter contre ce qui était une amélioration de notre sort. C'était une déchirure supplémentaire car nous ne voulions pas le statu quo, mais nous n'avions aucun moyen d'influencer le débat.
Pourtant, comme province bilingue en 1870, notre Manitoba était et est tout aussi fondateur du Canada que le Québec. Les Métis et les Canadiens français de cette époque acceptaient la vision de Louis Riel d'un Canada bilingue et biculturel.
Si nous avons ressenti un certain malaise en voyant le Québec exclu de la ronde de signatures constitutionnelles, nous n'avons pas été surpris. Puisque nous parlons et comprenons les deux langues officielles de ce pays, nous avons appris sans filtre médiatique que les points de vue des parties en présence étaient irréconciliables.
Comme dans beaucoup de communautés hors Québec, l'avènement de la Charte a été un événement important, mais qui nous semblait être une autre cause possible de dissension dans nos communautés. C'est probablement la raison pour laquelle, à l'époque, nous avons pensé que les droits que nous recevions n'étaient pas aussi utiles que nous l'avons découvert par la suite.
Minorisés depuis des décennies, il nous semblait inconcevable qu'un gouvernement fédéral puisse présenter un outil constitutionnel du calibre de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés dans la cour des provinces. Les tribunaux avaient toujours protégé les prérogatives provinciales, jusqu'à Londres même. Rarement un gouvernement provincial a-t-il été critiqué ou censuré par les tribunaux pour avoir opprimé sa minorité.
(2040)
La première instance de changement à ce niveau s'est produite dans l'affaire Forest en 1979, mais la mise en œuvre strictement juridique de cette décision par le gouvernement Lyon nous avait atteints au cœur de nos revendications.
Donc, l'article 23 de la Charte ne présentait pas le profil que nous lui connaissons. Historiquement parlant, il vient de loin, puisqu'il fait sa première apparition en 1968 dans les documents et réflexions de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme. Vous vous souviendrez que les commissaires avaient consacré à l'éducation un volume entier. Si on compare avec la dernière version de cet article, leur attitude dans ce dossier était, selon le constitutionnaliste Michel Bastarache, très modérée. Selon lui, les commissaires de B & B estimaient les revendications des parents légitimes, mais proposaient des solutions inadéquates tant au niveau des commissions scolaires et de la gestion que de la langue d'enseignement.
Au cours des années qui ont suivi ce rapport de la commission, Ottawa et parfois les provinces se sont penchés, ensemble et séparément, sur ce dossier extrêmement vexant pour quiconque cherchait à protéger les droits scolaires des jeunes générations. Que ce soit en 1972, lors d'une démarche conjointe de la Chambre des communes et du Sénat, ou en 1977, avec l'accord de Saint-Andrews, on parle plus souvent de « nombre qui justifie » plutôt que de liberté de choix des parents. Ce concept du nombre, qui date de 1896 et de l'accord Laurier-Greenway, a hanté les francophones de ma province pendant des décennies.
On le retrouve encore en 1978, lors d'une réunion constitutionnelle, mais c'est aussi à cette date qu'on voit apparaître le concept du droit de l'enfant de recevoir son éducation dans sa langue. Pour la première fois aussi, à cette époque, on passe du libre choix au droit collectif des minorités.
C'est donc seulement en 1980 qu'on se rapproche du droit des minorités officielles de faire instruire leurs enfants dans la langue de leur choix. On y ajoute le droit de mobilité, qui permettait aux parents de continuer à placer leurs enfants dans une école de leur choix quelle que soit la province dans laquelle ils déménageraient.
Finalement, en 1982, l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés voit le jour. Vous connaissez la suite et l'histoire. Il a fallu de longues années, aux minorités francophones surtout, pour qu'elles comprennent la valeur et la force fondamentale et intrinsèque de cet article. Elles se sont adressées aux tribunaux pour obtenir ce que la minorité anglophone au Québec a toujours obtenu, c'est-à-dire une reconnaissance pleine et entière du droit de la langue d'enseignement dans la langue maternelle sans contrainte de nombre ou de lieu géographique.
C'est ainsi qu'avec le temps, il a été possible de voir l'article 23 prendre toute son ampleur au fil des divers jugements. Nous avons vu la création de nouveaux modèles scolaires, de regroupements d'élèves ou encore l'utilisation à bon escient du transport. Surtout, et selon moi c'est là où le plus important progrès se situe, on ne peut plus forcer un enfant francophone à suivre des cours dans une école si ce n'est pas son choix. Le concept d'ayant droit a vraiment pris racine dans le collectif des minorités francophones hors Québec. C'est ce qui donne à un parent une marge de manœuvre considérable par rapport au passé.
Bien évidemment, tous ces progrès n'ont pas été réalisés sans difficulté. Il a fallu convaincre les provinces qu'elles devaient légiférer pour créer un système scolaire acceptable. Parfois, elles ont trouvé cela contraignant. Ultimement, cependant, il est bien reconnu que les communautés minoritaires, qu'elles soient au Québec ou hors Québec, sont égales devant la Loi constitutionnelle. Nos grands-parents ne demandaient pas plus et ne voulaient pas moins.
En terminant, j'aimerais citer un constitutionnaliste québécois bien connu, M. Benoit Pelletier, qui résume ainsi le rôle de la Constitution dans la vie des citoyens en général :
La Constitution est le pacte fondamental d'un pays, une espèce de contrat solennel entre des partenaires travaillant à la construction d'un État. La modification substantielle de ce pacte ou contrat sans le consentement de l'une des parties constitue un affront et entache l'acte constitutionnel d'une certaine illégitimité, pour ne pas dire d'une illégitimité certaine.
Je vous remercie, honorables sénateurs, de l'attention que vous avez portée à ce discours.
(Sur la motion du sénateur Andreychuk, le débat est ajourné.)
[Traduction]
La prévention et l'élimination des atrocités de masse
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Dallaire, attirant l'attention du Sénat sur le manque d'engagement constant du Canada en matière de prévention et d'élimination des atrocités de masse, et demandant également au Sénat de suivre la recommandation du Secrétaire général des Nations Unies en désignant 2012 comme l'année de la prévention des atrocités de masse.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de l'interpellation du sénateur Dallaire sur la prévention et l'élimination des atrocités de masse en temps de guerre.
Le sénateur Dallaire, qui a parlé si éloquemment, nous a donné un aperçu des dures réalités que vivent plusieurs personnes dans le monde chaque jour. Cela nous rappelle à quel point nous avons de la chance de vivre au Canada, un pays qui a comme principes la justice, les droits de la personne et l'égalité.
Je remercie le sénateur Dallaire d'avoir présenté cette interpellation très pertinente et, surtout, pour tout le travail qu'il fait au nom des Canadiens pour mettre fin aux atrocités de la guerre et tenter de restaurer la paix dans des régions ravagées par la guerre. Je le remercie plus particulièrement pour tout le travail qu'il a fait en Afrique, le continent où je suis née.
J'en profite pour remercier le sénateur Eggleton de nous avoir informés sur le rôle que le Canada a joué au Kosovo lorsqu'il était ministre de la Défense. Nous savons tous qu'un grand nombre de vies ont été sauvées parce que notre pays a décidé d'intervenir et de venir en aide au peuple du Kosovo.
Les sénateurs Dallaire et Eggleton non seulement savent à quel point la guerre est destructrice, mais ils agissent aussi pour trouver des moyens de sauver des vies et je tiens à les remercier pour le bon travail qu'ils font.
Comme les sénateurs le savent, j'ai été nommée au poste d'envoyée du Canada au Soudan en 2002. Pendant quatre ans, j'ai eu l'honneur de voyager dans plusieurs régions de ce pays en tant que votre envoyée. J'ai visité tant le Sud que le Nord du Soudan et j'ai constaté de visu l'incidence que la guerre a eue sur la vie des Soudanais. À l'époque, cela faisait 50 ans que le Soudan était en guerre et, dans de nombreuses régions du Soudan du Sud, c'était littéralement le néant. Il n'y avait plus d'école, d'hôpital ou de bâtiment. Tout avait été détruit et plusieurs personnes m'ont dit que lorsqu'un immeuble était construit, il était détruit peu de temps après.
[Français]
La première guerre civile soudanaise s'est déroulée de 1955 à 1972, entre le Nord et le Sud du Soudan. Plus de 500 000 personnes sont mortes pendant cette guerre. Malheureusement, l'accord qui a marqué la fin de la guerre n'a pas réussi à soulager les tensions entre le Nord et le Sud, ce dernier réclamant une meilleure représentation et autonomie régionale.
Cela a conduit à la seconde guerre civile soudanaise, en 1983, qui a duré jusqu'à 2005. Deux millions de personnes sont mortes. Quatre millions ont été forcées d'abandonner leur maison.
Au cours de 50 ans de guerre, plus de 6,5 millions de personnes sont mortes ou ont été forcées d'abandonner leur maison. Ce nombre égale la somme des populations de la Colombie-Britannique, du Manitoba et de la Nouvelle-Écosse. Il défie l'imagination.
[Traduction]
Avec ses terres très fertiles, le Soudan du Sud pourrait visiblement nourrir ses habitants. Toutefois, à l'époque, et malheureusement même maintenant à certains endroits, les Soudanais sont obligés de dépendre de l'aide alimentaire car ils se déplacent constamment pour essayer de fuir la violence. J'ai vu de mes propres yeux les répercussions bouleversantes qu'a la guerre sur les populations et, surtout, sur la vie des enfants.
À mes débuts comme envoyée, je demandais quelles étaient les quantités de nourritures acheminées à la région et si les denrées se rendaient à ceux qui en avaient le plus besoin. Après un certain temps, j'ai établi ma propre façon non scientifique de déterminer la gravité de la situation dans une région donnée.
Je me rendais dans les banques alimentaires dans des régions très éloignées pour voir les aliments qui étaient disponibles pour les enfants souffrant de malnutrition. Ces enfants n'étaient pas seulement affamés; ils mourraient littéralement de faim.
(2050)
Si j'ai bien compris, pour qu'un enfant récupère, il doit être nourri au moins huit fois par jour. Je n'ai trouvé aucun centre qui puisse répondre à cette exigence. Les centres les mieux équipés étaient en mesure de nourrir les enfants quatre ou cinq fois par jour. Cependant, la majorité des centres n'étaient en mesure de les nourrir que deux ou trois fois par jour.
C'est alors que j'ai pris conscience de la véritable atrocité de la guerre : la guerre, c'est voir des enfants au ventre gonflé, à la peau flasque et pendante. La guerre, c'est voir les cheveux noirs d'un enfant devenir blonds en raison de la malnutrition. La guerre, c'est se sentir soulagé d'entendre un enfant hurler ou pleurer, sachant que le silence est habituellement un signe de défaite.
Dans le Sud du Soudan, la situation était désastreuse un peu partout, car la guerre, qui a duré 50 ans, avait eu raison des autorités, et nous n'avions plus ne serait-ce qu'un semblant de gouvernement ou de gouvernance tribale. Dans le Nord du Soudan, plusieurs villes étaient détruites ou dévastées par la pauvreté, en raison de la guerre.
Je me suis rendue dans une région à proximité de Port-Soudan, dans l'est du pays, où de grands navires viennent apporter d'énormes quantités d'aide alimentaire. J'y ai visité des camps de personnes déplacées. Ils manquaient de nourriture et d'autres produits de première nécessité. Je n'oublierai jamais le jour où j'ai rencontré une mère flanquée de ses quatre enfants — elle en portait deux et les deux autres s'accrochaient à elle. Cette femme m'a pratiquement traînée vers un endroit d'où le port était visible et m'a dit :
Vous voyez, ces tonnes d'aliments arrivent au port, mais aucun sac — même pas un petit sac — ne nous est distribué. Nous mourons de faim pendant que toute cette nourriture est amenée loin d'ici.
Elle a dit qu'elle avait été forcée de regarder ses enfants et son peuple mourir pendant que le monde ignorait ses pleurs.
Puis, malheureusement, il y a eu le grand conflit au Darfour. La délégation canadienne a été la première à se rendre à El Fasher, où les combats étaient intenses. On m'a dit que nous irions dans un camp des Nations Unies pour personnes déplacées. J'imaginais des tentes bleues montées en rangées, des comptoirs de nourriture et des personnes qui recevaient une aide médicale. Nous avons été accueillis par le personnel de l'armée canadienne, qui faisait un travail remarquable dans des circonstances très difficiles.
Les gens au camp avaient fui les bombardements et avaient mené des vies assez paisibles. Par conséquent, ils étaient vraiment en état de choc et de déni face à ce qui leur était arrivé.
Honorables sénateurs, rien ne m'avait préparé à ce que j'ai vu. Il n'y avait pas de tentes, seulement des abris de fortune en plastique déchiré. L'approvisionnement en eau, qui se limitait à un seul robinet, n'avait pas été branché. Les gens attendaient encore que la nourriture soit livrée. Lorsque je suis arrivée, les mères m'ont entourée et elles m'ont dit de remercier les Canadiens pour l'aide que nous apportions au camp, étant donné que nous avions donné de l'argent de l'UNICEF pour dispenser un enseignement aux enfants.
J'ai été frappée de stupeur lorsque ces mères m'ont remerciée. J'étais au centre d'un camp où les conditions étaient déplorables, mais ces femmes me remerciaient pour tout ce que notre pays avait fait.
Puis, j'ai compris : les parents du monde entier veulent tous la même chose. Ils veulent le meilleur pour leurs enfants, et le meilleur pour leurs enfants, même en pleine guerre, c'est l'éducation.
Depuis, je me suis rendue dans un grand nombre de pays dans le monde. Les gens, en particulier les mères, me répètent constamment qu'ils veulent éduquer leurs enfants. La guerre n'enlève à personne le désir de vivre une vie aussi normale que possible. Les parents s'efforcent de rendre la vie de leurs enfants aussi normale que possible et ils sont conscients de l'importance de l'éducation dans la vie de leurs enfants.
J'ai visité plusieurs camps en tant qu'envoyée au Darfour. Un jour, je me suis rendue au camp de personnes déplacées de Nyala, où je me suis liée d'amitié avec Ahmed, un garçon de neuf ans. J'avais visité ce camp à de nombreuses reprises et j'avais remarqué qu'Ahmed gardait ses distances. Un jour, je lui ai apporté des crayons de couleur et du papier et je me suis assise près de lui. Après un certain temps, il s'est mis à dessiner et je suis partie. Le jour suivant, lorsque je suis retournée au camp, Ahmed a couru à ma rencontre et m'a montré son œuvre. J'y ai vu toutes sortes d'images, et je prie pour qu'aucun enfant ne soit témoin d'une telle scène. Il avait dessiné un hélicoptère larguant des bombes et détruisant son village. Il avait dessiné aussi des gens étendus au sol, qu'il avait colorés de rouge pour illustrer le sang, comme il me l'expliqua.
Après avoir vu ce dessin, j'ai demandé à Ahmed ce qui lui était arrivé. Il perdit alors sa timidité. Il me raconta que la milice avait tué toute sa famille. Elle avait tué sa mère, son père et ses sept frères et sœurs. Il m'expliqua aussi que, s'il avait survécu, c'est qu'il était parti chercher du bois pour faire du feu et que l'attaque s'était produite en son absence. Avec les quelques autres survivants de son village, il s'était par la suite rendu à pied au camp.
La guerre a enlevé à Ahmed sa famille, son enfance et surtout son innocence et sa tranquillité d'esprit.
Honorables sénateurs, pendant les quatre années où j'ai été envoyée spéciale du Canada au Soudan, j'ai vu beaucoup de choses terribles, qui me font encore faire des cauchemars aujourd'hui. Cependant, rien n'aurait pu me préparer à ma rencontre avec Samia.
Au Darfour, je me suis rendue dans une maison qui abritait des bébés nés de mères victimes de viol. Ils avaient été abandonnés par leur mère, non pas parce qu'elles souhaitaient s'en défaire, mais plutôt parce qu'elles craignaient ce qui arriverait à leur bébé si elles le ramenaient chez elles.
Là-bas, le personnel m'a parlé de Samia. Âgée de deux ans et demi, elle était très émaciée. On m'a dit que sa mère avait l'habitude de lui rendre visite tous les jours et qu'elle pleurait au moment de partir. Samia ne pouvait pas rentrer à la maison parce qu'elle représentait le souvenir vivant du viol brutal dont sa mère avait été victime. La mère de Samia rêvait d'être réunie avec sa fille, mais elle savait que celle-ci rappellerait à son mari le viol collectif qu'elle avait subi et le fait qu'il n'avait pas pu la protéger à ce moment-là.
Samia faisait le sacrifice ultime. Je lui ai souvent rendu visite et je me suis attachée à elle. Je n'oublierai jamais la première fois où je l'ai prise dans mes bras. La peau pendait sur ses os, mais tout ce qu'elle voulait, c'était que les gens la serrent dans leurs bras. Comme tous les enfants du monde, Samia voulait qu'on s'occupe d'elle et qu'on l'aime. Je voyais bien l'angoisse dont souffrait sa mère lorsqu'elle devait quitter sa petite princesse, et il m'est arrivé de pleurer avec elle.
Je pense souvent à la souffrance qu'ont dû endurer Samia et sa mère, et je me sens en quelque sorte personnellement responsable de leur sort, car j'occupais le poste d'envoyée spéciale, et je me suis toujours demandé si le Canada n'aurait pas pu en faire plus pour mettre un terme à la guerre qui touchait les habitants du Darfour.
Honorables sénateurs, Samia est la raison pour laquelle nous devons mettre un terme aux atrocités de la guerre. Comme l'a déclaré Francis Deng, conseiller spécial du secrétaire général de l'ONU pour la prévention du génocide :
[...] la prévention avant l'escalade est la meilleure solution. En effet, si on établit des contacts sans tarder avec les gouvernements, avant qu'ils ne soient placés sur la défensive, on peut faire beaucoup de choses pour éviter ce choix critique entre l'engagement militaire et l'indifférence.
Nous devons nous rappeler que décider de ne pas agir, c'est aussi une décision.
Honorables sénateurs, au nom d'Ahmed et de Samia, nous devons agir pour mettre un terme aux guerres. Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)
(2100)
Les soins palliatifs
Interpellation—Ajournement du débat
L'honorable Elizabeth Hubley, ayant donné avis le 3 mai 2012 :
Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur l'état des soins palliatifs.
— Honorables sénateurs, les soins palliatifs combinent les thérapies actives aux soins de compassion en vue de réconforter et d'appuyer les personnes atteintes d'une maladie évolutive et mortelle, ainsi que la famille et les personnes en deuil. Les soins palliatifs viennent soulager la douleur, traiter les symptômes et apaiser l'esprit. C'est une question de dignité et de respect et une illustration de la qualité de notre société. Essentiellement, les soins palliatifs permettent aux gens de vivre bien jusqu'à leur dernier jour.
Voilà bientôt 20 ans que le Sénat a publié un rapport intitulé De la vie et de la mort. En 1995, un comité présidé par Joan Neiman, ancien sénateur, a joué un rôle déterminant dans la sensibilisation des Canadiens à la question des soins palliatifs. Le rapport décrivait l'état décourageant des soins palliatifs au Canada à l'époque. Il signalait qu'aucun programme officiel de spécialisation dans la discipline des soins palliatifs n'était offert aux professionnels de la santé. Il signalait également que le Québec était la seule province qui affectait des fonds directement pour doter des postes en soins palliatifs et que de tels soins n'étaient pas offerts dans l'ensemble du pays.
Honorables sénateurs, ce rapport du Sénat publié en 1995 a contribué en grande partie au déclenchement d'une révolution dans les soins palliatifs au Canada. En moins de 20 ans, ces soins sont passés d'une discipline marginale à un élément bien reconnu et essentiel de notre système national de soins de santé.
En 1995, l'opinion publique relativement aux soins palliatifs était plutôt mauvaise. Les soins palliatifs étaient vus comme un dernier recours, une capitulation face à la maladie, un abandon. Aujourd'hui, grâce aux efforts infatigables de beaucoup de merveilleuses personnes qui travaillent dans le domaine, les gens commencent à mieux comprendre la discipline. Demander des soins palliatifs n'est pas une abdication, c'est l'expression d'un désir de vivre au maximum. Nous allons tous mourir un jour. Le but des soins palliatifs n'est pas d'accélérer la mort. Il est plutôt d'aider les gens à vivre une vie valorisante et confortable le plus longtemps possible.
Je suis fière de dire que le Sénat jouait alors un rôle majeur en appuyant et en contribuant à la reconnaissance des soins palliatifs. Le rapport de 1995 fut suivi du rapport de 2000 intitulé Des soins de fin de vie de qualité : chaque Canadien et Canadienne y a droit, présidé par notre ancienne collègue, madame le sénateur Sharon Carstairs et le vice-président, l'ancien sénateur Gérald Beaudoin.
Ces premiers rapports ont été suivis en 2009 par le rapport final du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, présidé par les anciens sénateurs Carstairs et Wilbert Keon, intitulé Le vieillissement de la population, un phénomène à valoriser et deux rapports du sénateur Carstairs déposés dans cette enceinte, intitulés Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Des soins de fin de vie de qualité : Rapport d'étape en 2005 et Monter la barre : Plan d'action pour de meilleurs soins palliatifs au Canada en 2010.
Le Sénat a joué un rôle de chef de file en soulevant des questions touchant aux soins palliatifs et aux soins pour les aînés. Sharon Carstairs a été ministre chargée de responsabilités particulières à l'égard des soins palliatifs de 2001 à 2004, et le sénateur LeBreton a été ministre responsable des aînés. Grâce au travail de ces deux sénateurs, et d'autres membres du Sénat, et à leur collaboration avec les gouvernements fédéral et provinciaux, les organismes communautaires et les intervenants du secteur, les Canadiens bénéficient aujourd'hui de diverses améliorations, comme une recherche accrue sur les soins palliatifs, des prestations de compassion au titre du régime d'assurance-emploi, un crédit d'impôt pour les aidants familiaux, une amélioration de l'éducation et de la formation des professionnels de la santé dans le domaine des soins palliatifs, et des normes nationales. À mon avis, l'amélioration des soins palliatifs est un secteur où le Sénat a contribué à changer la vie de nombreux Canadiens.
Cette année, la Semaine nationale des soins palliatifs se déroulait du 6 au 12 mai. Cette campagne, qui se tient chaque année, permet d'attirer l'attention sur les questions se rapportant aux soins palliatifs et aux soins de fin de vie et d'y sensibiliser la population. La campagne de cette année avait pour slogan « Travaillons ensemble! ». À bien des égards, ce slogan rappelle l'essence même des soins palliatifs. Au point de vue politique et stratégique, le Sénat a collaboré avec l'Association canadienne de soins palliatifs et de nombreux autres organismes et institutions afin d'accroître la sensibilisation et l'acceptation de la population à l'égard des soins palliatifs.
Du point de vue médical, les médecins, les infirmières et les autres spécialistes des soins palliatifs font intervenir les ressources de nombreux secteurs pour coordonner efficacement les soins qu'ils fournissent à leurs patients. Du point de vue du patient, des soins palliatifs efficaces rassemblent les aspects physique, mental et spirituel du traitement ainsi que la famille et les amis du patient.
Le slogan « Travaillons ensemble » est davantage que le cri de ralliement pour la Semaine nationale des soins palliatifs. C'est le reflet d'une philosophie de soins intégrés qui est à la base des soins palliatifs. Depuis toujours, le travail d'équipe nécessaire à l'efficacité des soins palliatifs a entravé l'acceptation de ce domaine en tant que discipline. En effet, ce n'est pas une discipline médicale isolée des autres. La nature interdisciplinaire du domaine n'est pas seulement une caractéristique additionnelle utile; il s'agit de la nature profonde des soins palliatifs.
Les soins palliatifs exigent que les infirmières, les médecins, les pharmaciens, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes, les préposés aux soins personnels, les musicothérapeutes, les conseillers spirituels, les travailleurs sociaux et d'autres intervenants travaillent ensemble pour répondre aux besoins du patient et de sa famille. Cette approche intégrée des soins exige qu'on abatte les cloisons et les barrières si nous voulons vraiment offrir des soins à ceux qui sont en fin de vie.
Même si les soins palliatifs ont fait des progrès décisifs au cours des deux dernières décennies, il y a encore beaucoup de travail à faire. Il y a quelques mois à peine, le Comité parlementaire sur les soins palliatifs et soins de compassion, un comité spécial formé de représentants de tous les partis à l'autre endroit, a produit un rapport sur les soins palliatifs. Ce rapport réaffirme un grand nombre des thèmes et des recommandations contenus dans les rapports publiés par le Sénat, ce qui prouve qu'il reste encore bien des problèmes à régler.
Même si les soins palliatifs sont maintenant bien mieux reconnus que par le passé, les statistiques les plus troublantes concernent l'accès aux soins palliatifs pour les Canadiens. Près de 90 p. 100 de toutes les personnes qui décèdent pourraient bénéficier de soins palliatifs. Cependant, seuls 16 à 30 p. 100 de ces personnes reçoivent ce type de service. La majorité des gens qui en ont besoin n'y ont pas encore accès. Bien des lacunes demeurent, particulièrement chez les Autochtones.
Même si de grands progrès ont été réalisés, le combat pour que tous les Canadiens qui ont besoin de soins palliatifs y aient accès est loin d'être gagné. Je souligne en particulier la difficulté à obtenir ces soins en milieu rural, ce qui me préoccupe particulièrement puisque je représente l'Île-du-Prince-Édouard, une province essentiellement rurale.
Honorables sénateurs, le recours accru aux soins palliatifs n'est pas une dépense additionnelle pour notre système de santé, c'est une mesure de rentabilisation qui permettra à long terme d'économiser. Des gens qui devraient recourir aux soins palliatifs finissent souvent à l'hôpital simplement parce qu'ils ne peuvent obtenir nulle part ailleurs les soins qu'il leur faut. Un lit en milieu hospitalier coûte de 600 à 800 $ par jour, voire 1 200 $ aux soins intensifs, mais les patients en cause n'ont souvent pas d'autre choix.
Comparons ce prix à celui d'autres options de soins palliatifs. Un lit dans un centre de soins palliatifs coûte environ 300 $ par jour. Le soutien aux soins palliatifs à domicile coûte environ 200 $ par jour. Les économies éventuelles sont substantielles dans le domaine de la santé, mais pour les concrétiser, il faut poursuivre l'élaboration d'une série de services destinés à ceux à qui les soins palliatifs peuvent être profitables.
(2110)
Nous devrions nous inspirer du modèle des soins palliatifs pour définir l'avenir des soins de santé au Canada. En raison de leur nature, les soins palliatifs forment un domaine interdisciplinaire qui, en plus de reposer sur la collaboration entre des professionnels de différentes disciplines médicales, fait appel au soutien communautaire et familial de même qu'aux professionnels d'autres domaines.
Ils représentent une approche holistique de la médecine, selon laquelle le patient est au cœur d'un réseau de soutien dont l'objectif ultime n'est pas de guérir la maladie à tout prix, mais d'améliorer le plus possible la qualité de vie du patient. La pratique de la médecine dans d'autres domaines a sans doute des leçons à tirer de l'approche axée sur la collaboration qui caractérise les soins palliatifs en vue d'optimiser l'efficacité et l'efficience du système de soins de santé canadien.
Honorables sénateurs, la pratique des soins palliatifs a considérablement évolué ces 20 dernières années. Alors qu'ils étaient autrefois une discipline marginale, ils font maintenant partie intégrante du système de soins de santé. Par soins palliatifs, on entendait la renonciation à la qualité de vie, il s'agit maintenant de maximiser celle-ci. Il reste cependant beaucoup de chemin à parcourir.
Le Sénat a grandement contribué à l'essor des soins palliatifs au cours des deux dernières décennies. Des gens comme les anciens sénateurs Sharon Carstairs, Wilbert Keon, Joan Neiman, Gérald Beaudoin et d'autres encore ont joué un rôle déterminant dans l'appui accordé par le Sénat à l'amélioration de ces soins. J'invite tous les sénateurs à reprendre le flambeau qu'ils nous ont relayé et à contribuer à faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à des soins palliatifs.
L'honorable Jane Cordy : Madame le sénateur Hubley accepterait-elle de répondre à une question?
Le sénateur Hubley : Oui.
Le sénateur Cordy : Honorables sénateurs, c'était un excellent discours. Bien entendu, une interpellation sur les soins palliatifs est une excellente chose pour le Sénat, car il s'agit d'une question d'une importance capitale.
Je me demande si le sénateur sait qu'une nouvelle initiative a été mise en œuvre pour appuyer les projets communautaires de soins palliatifs au Manitoba.
Le Sharon Carstairs Caring Community Award a été créé par Hospice and Palliative Care Manitoba afin d'appuyer les initiatives locales visant à améliorer les programmes, les services et les soins aux personnes en phase terminale et à leur famille. Ce prix a été créé afin de reconnaître la contribution extraordinaire de madame le sénateur Carstairs, la première et unique ministre responsable des soins palliatifs au Canada. Le sénateur Carstairs, qui a pris sa retraite en octobre dernier, est le parlementaire qui compte le plus de réalisations à son actif dans le domaine des soins palliatifs, et ce, dans le monde entier.
Madame le sénateur savait-elle que le Manitoba a ainsi reconnu le travail du sénateur Carstairs dans le domaine des soins palliatifs?
Le sénateur Hubley : Honorables sénateurs, je suis toujours très heureuse de répondre aux questions du sénateur Cordy, car elle me donne toujours la réponse. Cela dit, j'ai une fois de plus l'occasion de souligner l'excellent travail que nous accomplissons dans cette enceinte et de reconnaître la contribution du sénateur Sharon Carstairs. En fait, son travail se poursuit. Elle n'a jamais abandonné. Je remercie le sénateur de sa question.
(Sur la motion du sénateur Fortin-Duplessis, le débat est ajourné.)
La promotion des intérêts de l'Alberta
Interpellation—Ajournement du débat
L'honorable Grant Mitchell, ayant donné avis le 11 juin 2012 :
Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le rapport entre le maintien de la licence sociale pour exercer des activités dans le secteur de l'énergie et la promotion des intérêts de l'Alberta.
— Honorables sénateurs, je vais présenter les choses plus simplement. Qui cause réellement du tort aux Albertains lorsque vient le moment de promouvoir les produits de l'Alberta à l'étranger et à l'échelle nationale et lorsqu'on tente de réaliser des projets de développement?
J'ai été actif en politique en Alberta pendant longtemps, en fait du début des années 1980 au milieu des années 1990. On sent parfois une certaine arrogance de la part des conservateurs, qui disent qu'on est ou avec eux, ou contre eux et qu'en quelque sorte, ils ont raison et tout le reste du monde a tort. Je me souviens qu'à l'époque, en Alberta, je me suis souvent fait demander : « Pourquoi ne cessez-vous pas de tout politiser? » Cette grande hypocrisie m'a toujours frappé, car si les conservateurs disaient quelque chose, cela n'avait rien de politique, mais dès qu'un libéral ouvrait la bouche, c'était politique. J'avais l'habitude de répondre : « Je ne me livre pas à des jeux politiques, à des jeux partisans. Je ne suis pas en désaccord avec les conservateurs parce que ce sont des conservateurs. Ce serait agir de façon partisane. Je suis en désaccord avec les conservateurs parce qu'ils ont tort. C'est fondamentalement différent. »
Cette arrogance a cependant pris une forme différente dans le contexte albertain d'aujourd'hui, compte tenu de la politique nationale. Si quelqu'un ne semble pas envisager les questions qui touchent le secteur de l'énergie de l'Alberta de la manière dont les conservateurs les aborderaient, il est considéré comme anti-Albertain. Il existe une vision monolithique limitée de ce qui est dans l'intérêt des Albertains et cette vision, c'est qu'il faut mettre en œuvre des projets et créer de l'emploi. Cela sert les intérêts de l'Alberta, certes, mais ce malheureux étiquetage ne permet pas de déterminer dans quelle mesure on réussit à promouvoir les intérêts de l'Alberta, ce qui nous amène directement à la question de l'approbation sociale.
C'est là que la question de savoir qui nuit vraiment aux Albertains ne tient plus. Pour leur part, les conservateurs et ceux qui adoptent cette position estiment que ce qui est évident est toujours manifestement correct. Dans le cas de l'approbation sociale, le monde tourne et, comme je l'ai dit plus tôt, en haut n'est pas en bas, c'est tout à fait différent; l'intérieur n'est pas l'extérieur, ce n'est pas du tout la même chose; le noir n'est pas blanc, ce n'est pas du pareil au même. Ceux qui sont figés dans le passé adhèrent à cette idée simpliste que si nous abolissons « tous les obstacles » — les évaluations environnementales — et si nous accordons aux projets d'exploitation absolument tout ce dont ils ont besoin pour aller de l'avant, alors nous représentons les intérêts des Albertains.
Je soutiens ici ce soir que c'est faux et que, en ce qui concerne ces projets, la licence sociale est doit être prise en compte. Voici la question qu'il faut se poser : comment peut-on obtenir la licence sociale? Le projet Gateway est très important, car il nous permettra d'avoir accès au marché de l'Ouest, celui de la côte du Pacifique. Nous perdons entre 35 $ et 37 $ du baril, ce qui est énorme, parce que nous n'avons pas accès aux marchés des États-Unis.
En ce qui concerne le projet d'oléoduc Gateway, ce n'est probablement pas l'évaluation environnementale qui importe : je ne crois pas qu'il sera écarté à cause de l'évaluation environnementale. Ce qui importe, c'est la licence sociale que doivent donner les habitants de Colombie-Britannique et les Autochtones de cette province pour que ce projet aille de l'avant. Les gens oublient que, même si l'évaluation environnementale est positive — et elle le sera probablement parce que les projets ne sont jamais rejetés — et même si cette évaluation prend 18 ou 24 mois grâce au projet de loi C-38, qui accélère les évaluations et aplanit toutes les difficultés, comme le diraient les conservateurs, les habitants de la Colombie-Britannique et 60 groupes autochtones ont probablement de grandes réserves à l'égard du projet parce qu'ils ne voient rien d'autre que les risques.
Je suis prêt à parier que le projet sera retardé, mais ce ne sera pas à cause du processus d'évaluation environnementale ni parce que le gouvernement ne sera probablement jamais en mesure, d'une façon ou d'une autre — je n'irais pas jusque-là —, de mener une évaluation adéquate. Ce projet d'oléoduc sera écarté parce que le gouvernement et les autres promoteurs ne seront pas capables d'obtenir la licence sociale des Britanno-Colombiens et des Autochtones de la Colombie-Britannique.
Ces personnes qui foncent tête baissée et qui tentent de faire adopter ce projet par la force oublient un point important. Ce n'est pas en affirmant qu'elles ont raison et en intimidant les gens qu'elles auront gain de cause, parce qu'elles ont besoin de ces gens plus que ces derniers ont besoin d'elles.
Pour faire approuver des projets, il faut obtenir l'assentiment du public. Honorables sénateurs, vous n'avez qu'à songer à Keystone. C'est un exemple parfait. Combien d'argent l'incapacité d'obtenir l'autorisation pour ce projet coûte-t-il chaque jour au Canada et à l'Alberta? Des millions et des millions de dollars. Pourquoi? Parce que le Canada n'a pas réussi à faire valoir ses arguments de manière à convaincre le public américain qu'il fallait construire l'oléoduc Keystone.
Certaines personnes disent que nous devons aller de l'avant sans nous soucier de l'environnement, que cela va de soi. Je pense que le premier ministre a affirmé qu'il allait de soi qu'il fallait construire cet oléoduc. Cependant, honorables sénateurs, il y a des gens qui sont intervenus pour lui dire qu'il avait tort. Les gens qui vont de l'avant sans penser aux conséquences environnementales et aux évaluations environnementales, sans avoir prévu des façons de contrer les changements climatiques, ces gens-là ne servent pas les intérêts des Albertains qui veulent ces emplois et le développement économique qui les accompagne et qui en ont besoin, pas seulement en Alberta, mais partout au pays.
(2120)
Qui nuit aux Albertains? Ceux qui ne comprennent pas que l'approbation sociale a un rôle clé à jouer dans ce dossier. On ne peut pas intimider des citoyens des États-Unis, de la Colombie-Britannique ou d'ailleurs pour obtenir les résultats qu'on désire en faisant fi des conséquences. Les citoyens ont des valeurs, des opinions, des forces et du pouvoir, et ils s'en servent pour mettre fin à ce projet.
À titre d'exemple, je faisais partie de la délégation Canada-Europe qui s'est rendue en Grande-Bretagne récemment. Nous y étions pour parler de la directive sur la qualité des carburants, dont l'Europe se sert comme facteur de discrimination contre le pétrole de l'Alberta. L'Europe a tort d'agir ainsi. Nous avons défendu l'Alberta et fait valoir qu'elle ne mérite pas cette discrimination, puisque le pétrole de l'Algérie et de la Russie a une empreinte comparable, voire encore plus marquée. Malgré cela, ces pays bénéficient d'un avantage par rapport au pétrole et aux produits que nous pourrions vendre à l'avenir et aux dérivés de nos produits vendus actuellement.
Nous avons rencontré le Comité de l'énergie de la Chambre des communes du Parlement britannique. Il y avait un conservateur endurci, le genre de député qui défend des principes économiques de droite. Je sais que le sénateur MacDonald s'entendrait très bien avec lui, puisqu'il est lui-même endurci, sauf que le député en question est financièrement responsable, ce qui n'est évidemment pas le cas des sénateurs d'en face.
Il nous a demandé comment le Canada pouvait poursuivre dans cette voie qui est intenable du point de vue environnemental. C'était un conservateur, je le rappelle, et non un député travailliste de gauche. C'était un conservateur qui comprend la situation, qui comprend qu'on ne peut pas aller de l'avant et faire croître l'économie si on néglige l'environnement et la promotion des valeurs, si on oublie qu'il faut d'abord faire accepter ces projets grâce à la crédibilité dont on dispose en matière d'environnement, et obtenir l'approbation sociale qui permettra d'aller de l'avant.
Les sénateurs savent-ils qui comprend l'argument de la légitimité sociale? Étonnamment, il s'agit de mon collègue de l'Assemblée législative de l'Alberta, l'ancien premier ministre de l'Alberta Ed Stelmach. C'est un homme exceptionnel. Il a dit ce que certains peuvent croire que les changements climatiques n'existent pas — ce n'est pas mon cas, et ce n'est probablement pas le cas de M. Stelmach non plus —, que nous ne réglons pas le problème, que nous n'en sommes pas responsables, que ce n'est pas vraiment notre faute ou que c'est la faute de quelqu'un d'autre. Eh bien, vous savez quoi? Ce n'est pas ce que le monde croit. Le monde croit que nous avons un problème, et c'est le monde qui déterminera ce que nous ferons, où nous vendrons nos produits et si nous mettrons en œuvre ces projets.
Ed Stelmach a utilisé une analogie intéressante. Il a dit que si quelqu'un fabrique des complets noirs, alors que ses clients ne veulent que des complets blancs, il ne peut pas faire croire à ses clients que ses complets noirs sont blancs. Cette personne doit tenir compte de la situation et commencer à fabriquer des complets qui répondent aux attentes de son marché.
Les sénateurs savent-ils qui d'autre comprend ce principe en Alberta? Il s'agit d'une conservatrice, la première ministre de l'Alberta, Alison Redford. Elle sait que le gouvernement ne peut pas imposer ses idées par l'intimidation, qu'il ne peut pas s'attendre à ce que le monde l'appuie parce qu'il croit qu'il a raison et que les autres ont tort, et que tous n'accorderont pas au gouvernement la légitimité sociale dont il a besoin pour mettre en œuvre des projets et vendre nos produits. Mme Redford le comprend vraiment. Elle sait que nous avons besoin d'une approche crédible à l'égard des changements climatiques et de la réduction des émissions, non seulement en Alberta, mais dans l'ensemble du pays. Le gouvernement du Canada doit lancer ce message au reste du monde, de façon convaincante. Sans crédibilité ni réduction démontrable des émissions de gaz à effet de serre, nous ne convaincrons personne.
La réponse des conservateurs comporte deux volets. Tout d'abord, ils présentent l'argument simpliste du pétrole éthique. C'est si simpliste et si transparent que personne n'est dupe et que, par conséquent, personne ne l'accepte. Il appert que les provinces de l'Atlantique achètent le même pétrole que les États-Unis, ce pétrole qui, selon le gouvernement et M. Harper, serait contraire à l'éthique. Les provinces de l'Atlantique achètent le même pétrole que les Américains. Quel message envoyons-nous aux provinces de l'Atlantique? Qu'elles font preuve d'un manque d'éthique? Que nous ne nous soucions pas de leur sécurité énergétique? Est-ce bien cela? Et ça inclut aussi le Québec. C'est un argument si simpliste. C'est tout ce qu'ils ont à offrir. C'est leur seul argument.
Savez-vous, honorables sénateurs, qui leur a fourni cet argument? Ezra Levant. Oh, mon Dieu, la stratégie de marketing de nos projets pétroliers nationaux et internationaux dépend d'Ezra Levant. C'est ainsi. Il est vraiment incroyable de constater le degré de faillite intellectuelle auquel ils s'abaissent pour plaider leur cause.
Le fait est qu'une fois cet argument épuisé, les conservateurs se replient sur cette notion que le reste du monde ne nous comprend pas. Les autres pays ne comprennent pas notre histoire. Nous ne la communiquons pas assez bien.
Si les autres pays comprenaient de quoi il retourne, quelles mesures nous prenons et ne prenons pas? Et si c'était le cas? Les autres pays ne sont pas stupides. Ils comprennent. Ils comprennent que nous n'en faisons pas assez, vraiment pas assez, et ils ne nous accordent aucune crédibilité.
Si le gouvernement estime que notre message n'est pas assez clair et fort, alors pourquoi ne corrige-t-il pas le tir? Selon le gouvernement, aux yeux des gens, ce sont les risques de déversement qui posent le principal problème relativement au projet Gateway. Que faire? Rassurons les gens en fermant le bureau d'intervention d'urgence en cas de déversement de Vancouver et en le déménageant dans l'Est. Quel génie du marketing a eu une telle idée? Avons-nous payé quelqu'un pour un tel conseil? J'espère que non, mais le gouvernement dépense tellement à tout vent que cela ne me surprendrait pas.
Qu'en est-il du projet Keystone? De puissants intérêts américains ont entraîné la fermeture, l'interruption et le report de ce projet. Il ne s'agit pas seulement d'intérêts environnementaux, mais aussi d'intérêts économiques, d'intérêts puissants dans le secteur du charbon. Savez-vous ce qu'ils font? On imagine leur joie lorsque les puissants ministres et sénateurs du gouvernement déclarent que les fondations environnementales étrangères font du blanchiment d'argent. Ce sont des écoterroristes. Ce sont des gens condamnables. Je paraphrase; je ne rapporte pas textuellement leurs paroles.
Quel génie du marketing a compris cela? Pourquoi ne pas fournir ces arguments aux gens qui s'opposent au projet Keystone aux États-Unis? Pourquoi ne pas tout simplement les leur servir sur un plateau d'argent? Il suffit de les écrire. Pourquoi n'achèterions-nous pas de la publicité, tant qu'à y être? C'est pour cette raison que le projet Keystone est interrompu et qu'il coûte des millions de dollars chaque jour, car, honorables sénateurs, le gouvernement, M. Harper, le grand génie du marketing, est incapable de vendre la plus simple des idées.
Que faire? Ils abolissent la mise en œuvre du Protocole de Kyoto, ce qui envoie un signal clair. Ils s'attaquent aux fondations environnementales étrangères, ce qui me paraît contre-productif. Ils abolissent la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, qui est connue et respectée dans le monde entier. Ils l'abolissent pour que tout le monde sache, bon sang, qu'on ne peut pas mesurer les émissions de gaz. Aucun tiers indépendant ne sera en mesure de les mesurer et de surveiller ce que les acteurs de l'industrie font ou ne font pas.
Le monde nous fait-il un tant soit peu confiance? Absolument pas. Qui fait du tort aux intérêts de l'Alberta? Ce sont les gens qui ne comprennent pas qu'on ne peut pas faire ce qui leur semble évident. On ne peut tout simplement pas aller directement du point A au point B. En fait, on doit passer par le point C pour se rendre au point B. Ils devraient faire attention à l'environnement, mais ils font exactement le contraire. Ils n'ont aucune crédibilité sur la scène mondiale.
Il existe un modèle qui fonctionne : l'industrie forestière. Je ne sais pas combien de sénateurs s'intéressent à l'industrie forestière, mais je me souviens des débats à l'Assemblée législative de l'Alberta. L'exploitation forestière était un gâchis. La neige entourant les usines de pâte du Nord de l'Alberta était noire de suie. On y brûlait simplement la matière, sans filtre ni rien d'autre. Le monde entier s'inquiétait de ce qu'on appelait les coupes à blanc, de la reforestation insuffisante et des pratiques jugées inadéquates selon les normes internationales.
Le secteur des pâtes et papiers était polluant, et c'était un gâchis. L'industrie forestière faisait exactement ce que ces gens, assis là-bas, sont en train de faire. Nous devons le leur dire plus fort et le leur répéter plus souvent. Nous devons en faire plus et nous arranger pour que ce soit clair, car ils ne comprennent pas ce que nous leur disons. Nous ne communiquons pas comme il faut. Vous savez ce qui a été bien communiqué au secteur albertain des pâtes et papiers? La société Victoria's Secret a décidé un jour qu'elle n'achèterait plus de papier de l'Alberta pour imprimer ses catalogues. Le résultat ne n'est pas fait attendre. Tout à coup, les gens de ce secteur ont compris. Il leur a fallu un peu de temps, mais ils ont compris. Aujourd'hui, cette industrie est un modèle à suivre. La dernière fois que j'ai vérifié, l'empreinte carbone de leur industrie était de 44 p. 100 inférieure aux niveaux de 1990.
Pourrais-je avoir cinq minutes de plus, je vous prie? Je n'ai pas terminé.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, accordons-nous cinq minutes de plus au sénateur?
Des voix : Cinq minutes.
Le sénateur Mitchell : Je pourrais continuer pendant 10 minutes, car je commence seulement à prendre mon élan. Merci, honorables sénateurs.
L'empreinte carbone est de 44 p. 100 inférieure aux niveaux de 1990. Ils ont conclu des accords de collaboration avec les militants écologistes. Au lieu de les qualifier d'écoterroristes ou de blanchisseurs d'argent pour le compte de vilaines fondations, ils ont tendu la main à ces gens et ont résolu leurs différends. Comme l'industrie se comporte de manière responsable, les groupes écologistes ont cessé de la tenir constamment en respect, ce qui lui permet de faire son travail. Les résultats sont vraiment épatants. L'industrie utilise chaque arbre abattu jusqu'au dernier fragment, car elle a réfléchi aux méthodes à employer pour protéger l'environnement et pour être efficace, notamment par la cogénération. Je pourrais continuer ainsi encore longtemps. Voilà une industrie qui a compris.
(2130)
Il ne fait aucun doute que même les sénateurs d'en face qui nient les fondements scientifiques finiront par comprendre, car l'ampleur des changements climatiques et leurs répercussions sur notre économie dépassent l'entendement. Cela ne fait aucun doute. La question est de savoir dans combien de temps.
Notre temps est compté, qu'il s'agisse des changements climatiques ou de l'économie. Il y a urgence. Les marchés nous échappent. Certains disent que la Chine ne le fait pas, alors pourquoi le ferions-nous? Savez-vous ce que fera la Chine? D'une part, elle est aux prises avec un problème de pollution qui empêche sa population de respirer, ce qui l'incite à trouver une solution à ses problèmes environnementaux, cela ne fait aucun doute. D'autre part, la Chine est probablement le pays le mieux placé pour fabriquer toutes les technologies fondées sur les énergies de remplacement qui sont nécessaires afin de créer un marché solide pour ces énergies et stimuler la production. Elle les fabriquera et, du jour au lendemain, elle les utilisera. La planète entière changera alors d'avis concernant les changements climatiques. Savez-vous pourquoi? La Chine a un intérêt économique à le faire.
La Chine nous dépassera. Elle aura la technologie nécessaire. L'Inde et les États-Unis nous dépasseront également. Toutes les perspectives économiques, non seulement les occasions d'assurer l'avenir de nos sources d'énergie conventionnelles et de l'énergie produite à partir des sables pétrolifères, mais toutes les autres perspectives économiques découlant de la résolution du problème des changements climatiques — qu'il s'agisse des technologies, de la propriété intellectuelle et de l'économie futuriste qui en découlent — nous échapperont.
Je vais terminer par une analogie qui devrait convaincre madame le sénateur Raine, la championne de la négation de la science du Sénat et probablement du pays tout entier. Je dis que la planète entière nous devancera. Voilà une analogie qu'elle comprendra : les autres pays nous battront à plate couture et ils remporteront la médaille d'or, pas le Canada, car nous laisserons échapper toutes les occasions et tout ce potentiel de développer cette économie du XXIe siècle qui peut diriger le monde, donner à nos enfants les emplois d'avenir qu'ils méritent et assurer un avenir glorieux à notre pays, lequel fait l'envie de la planète entière.
Toutefois, nous n'en sommes pas là, et nous n'y arriverons jamais parce que le groupe de sénateurs d'en face, du côté du gouvernement, ne comprend tout simplement pas que, pour arrêter de nuire aux intérêts des Albertains, il faut commencer à comprendre l'environnement, acquérir de la crédibilité et obtenir l'approbation sociale nécessaire pour prendre les mesures qui s'imposent pour développer l'économie dont nous avons besoin, c'est-à-dire celle tournée vers l'avenir.
L'honorable Jim Munson : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Mitchell : Oui.
Le sénateur Munson : Je suis d'accord sur tout ce que le sénateur vient de dire. Toutefois, les membres de mon personnel aimeraient bien savoir ce que Victoria's Secret a à voir dans tout cela.
Le sénateur Mitchell : Victoria's Secret jouissait d'une réputation internationale avant l'arrivée des catalogues numériques et des achats en ligne. Cette entreprise publiait des catalogues sur support papier et utilisait beaucoup de papier. Elle constituait un gros marché pour le papier. Elle utilisait sans aucun doute du papier canadien. Toutefois, elle a arrêté de le faire parce qu'elle était mécontente du bilan du secteur forestier canadien. Celui-ci a alors commencé à réagir à cette décision.
Sur un plan purement anecdotique, j'ai remarqué qu'une entreprise québécoise fabrique des comptoirs tout à fait uniques au moyen d'un type de verre spécial. Ces produits ont beaucoup de style et sont très populaires. Ils sont aussi connus à l'échelle internationale. L'entreprise commence à peine à connaître du succès. Une société britannique avec laquelle elle avait passé un contrat l'a contactée après que le gouvernement du Canada a annulé notre participation au Protocole de Kyoto lors de la conférence tenue à Durban. Cette société britannique a déclaré qu'elle annulait son contrat avec l'entreprise québécoise en question. Savez-vous pourquoi? Elle a dit que c'était parce que notre pays s'était retiré du Protocole de Kyoto et que notre gouvernement et nos politiques n'étaient pas responsables sur le plan de l'environnement.
C'est ce qu'elle a dit. Ce ne sont certes pas des faits vérifiés, mais je parie que cela arrive bien plus souvent qu'on le pense et que cela commence à nuire à notre capacité d'influencer le reste du monde et d'avoir un avantage économique sur les marchés étrangers. C'est très dangereux et le gouvernement devrait commencer à faire quelque chose à cet égard.
(Sur la motion du sénateur Lang, le débat est ajourné.)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à suspendre la séance d'aujourd'hui aux fins de la motion d'ajournement ou de la réception de messages de la Chambre des communes
L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous attendons l'arrivée de deux projets de loi importants et qui seront adoptés à l'autre endroit entre 22 h 30 et 23 heures. Par conséquent, et afin d'être en mesure de recevoir ces projets de loi, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)i) du Règlement, je propose :
Que la séance soit suspendue jusqu'à nouvelle convocation de la présidence, le timbre retentissant pendant quinze minutes avant la reprise de la séance;
Qu'à la reprise des travaux, il y ait soit ajournement, soit réception de messages de la Chambre des communes.
[Traduction]
Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, ai-je la permission de quitter le fauteuil?
Des voix : D'accord.
(La séance est suspendue.)
(2320)
[Français]
(Le Sénat reprend sa séance.)
Projet de loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité durable
Première lecture
Son Honneur le Président intérimaire annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
La Loi sur le droit d'auteur
Projet de loi modificatif—Première lecture
Son Honneur le Président intérimaire annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
(Le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)