Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 123
Le mercredi 28 novembre 2012
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi interdisant les armes à sous-munitions
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- Le Code canadien du travail
La Loi sur l'assurance-emploi - La Loi sur la protection des pêches côtières
- Projet de loi établissant une stratégie nationale concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC)
LE SÉNAT
Le mercredi 28 novembre 2012
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La violence faite aux femmes et aux jeunes filles
L'honorable Yonah Martin : Honorables sénateurs, le 28 novembre marque la quatrième journée de la campagne de 16 jours d'activisme contre la violence faite aux femmes. Cette date marque aussi le cinquième anniversaire d'une motion adoptée à l'unanimité à la Chambre des communes visant à appuyer les survivantes de l'esclavage sexuel pratiqué pendant la Seconde Guerre mondiale, dont ont été victimes environ 150 000 à 250 000 femmes et jeunes filles d'à peine 13 ans, originaires de Corée, des Philippines, de Taïwan, de Birmanie, d'Indonésie, de Hollande et d'Australie.
Hier, à Séoul, les dernières survivantes, qui ont toutes dans les 90 ans, se sont rassemblées devant l'ambassade japonaise à l'occasion du mille cinquantième mercredi de manifestations pacifiques à la mémoire des femmes qui ont partagé les mêmes souffrances et vécu le même cauchemar qu'elles.
[Français]
Honorables sénateurs, bien que je sois née dans le même pays que ces femmes courageuses, j'ai toujours connu la paix. Aujourd'hui, alors que je prends la parole dans la Chambre haute, je sais très bien que des femmes vivent dans la souffrance partout dans le monde, en dépit des sacrifices consentis et des gains réalisés par leurs consœurs par le passé et encore aujourd'hui.
[Traduction]
Je suis émue et inspirée par la résilience de ces grands-mères qui se rencontrent tous les mercredis, beau temps, mauvais temps, pour manifester pacifiquement, pour montrer à ceux qui les observent qu'elles continueront de se tenir debout et de se faire entendre jusqu'à leur dernier souffle. Je sais que l'instinct de survie des femmes d'origine coréenne d'aujourd'hui les a poussées à s'affranchir des chaînes qui leur coupaient les ailes par le passé. Elles sont aujourd'hui libres de vivre et de réaliser leurs rêves comme elles l'entendent.
Récemment, j'ai rencontré une femme qui a échappé à la violence conjugale, une poète et une agente de programme pour le Togo et le Ghana au Carrefour international qui s'appelle Annie Kashamura Zawadi.
[Français]
Elle m'a appris que, dans la République démocratique du Congo, 4 000 femmes sont violées chaque jour. C'est inimaginable, mais Annie est aux premières lignes pour faire progresser les droits des femmes au Congo, et c'est ce qu'elle m'a dit.
[Traduction]
La semaine dernière, le sénateur Ataullahjan, qui est un chef de file mondial, a rendu visite à la famille de Malala Yousafzai, la militante pakistanaise de 14 ans dont la souffrance nous rappelle que, tout comme par le passé, des femmes et des filles se battent encore aujourd'hui pour leurs libertés et leurs droits fondamentaux.
Comme Annie Kashamura Zawadi l'écrit dans sa toute récente anthologie de poèmes autobiographiques intitulée Je peux témoigner, paroles d'une survivante :
La violence faite aux femmes et aux filles existe bel et bien encore, normalisée, tolérée et passée sous silence [...]
Prenez position. Si vous ne la condamnez pas, vous l'approuvez.
Si vous ne la dénoncez pas, vous la renforcez.
Honorables sénateurs, soyons toujours vigilants et ne relâchons pas nos efforts. Aujourd'hui, soyons solidaires de toutes les femmes qui méritent rien de moins que notre appui indéfectible.
[Français]
Les Fidèles à Riel
L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, le dimanche 25 novembre 2012 avait lieu, à Saint-Boniface au Manitoba, le lancement d'un livre intitulé Les Fidèles à Riel. L'auteur, Bernard Bocquel, a présenté ce livre comme étant un récit journalistique. Moi, je dis : quelle merveilleuse contribution à notre patrimoine manitobain!
Ce fut aussi un moment historique pour l'Union nationale métisse qui célèbre cette année son 125e anniversaire, car le livre retrace l'évolution de l'Union nationale métisse Saint-Joseph du Manitoba depuis les années 1880. Pour la première fois, les luttes des Métis canadiens-français
restés fidèles à Louis Riel après les résistances de 1869-1870 et de 1884-1885, sont explorées à partir des archives préservées des organisations métisses.
Dans ces pages, mentionne l'auteur, au fil des générations découvrez, les combats d'une poignée de passionnés de justice qui ont refusé d'abandonner leur identité.
En prenant la parole et en s'adressant aux 125 invités, le président de la Société historique de Saint-Boniface, M. Michel Lagacé, a souligné les liens d'amitié et de collaboration entre son organisme et l'Union nationale métisse en disant, et je cite :
Je me sens honoré de pouvoir rendre hommage aux héritiers de Riel qui ont insisté sur leur droit d'être libres et respectés dans leur propre pays et qui font preuve d'une grande fidélité à leur héritage remarquable.
Honorables sénateurs, nous, les Manitobains, sommes soucieux du sort de la Maison-Riel, à Winnipeg, par suite des compressions budgétaires du gouvernement fédéral, car nous savons qu'un service d'interprétation de qualité est essentiel pour faire connaître l'histoire complexe de Riel. Nous continuerons d'insister pour que les deux langues officielles du pays puissent être entendues sur ce site.
Comme l'a si bien dit dans le livre le président de la Société historique, et je cite :
Il serait tout simplement impensable qu'en ce Manitoba né bilingue par la volonté des Métis canadiens-français, Louis Riel ne soit pas honoré en français et en anglais [...]
... encore plus lorsqu'on parle de la Maison-Riel à Winnipeg.
Toutefois, j'ai toujours espoir que le gouvernement fédéral reconnaîtra la nécessité de continuer d'offrir, dans les deux langues officielles, le service d'interprétation sur place à la Maison-Riel.
[Traduction]
M. Mark Carney
Félicitations à l'occasion de sa nomination au poste de gouverneur de la Banque d'Angleterre
L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, Mark Carney est :
[...] tout simplement la meilleure personne, la plus expérimentée et la plus qualifiée du monde pour être le prochain gouverneur de la Banque d'Angleterre [...].et aider à orienter la Grande-Bretagne en ces temps économiques difficiles.
Honorables sénateurs, voilà ce que le ministre des Finances britannique a dit au sujet de Mark Carney, le gouverneur de la Banque du Canada, quand il a annoncé sa nomination au poste de gouverneur de la Banque d'Angleterre.
Le ministre des Finances britannique a ajouté ceci :
M. Carney a un profil unique parmi les candidats potentiels parce qu'il combine une longue expérience de banquier central, une immense crédibilité internationale en économie, une expertise solide dans la régulation financière et une expérience de première main des institutions financières privées.
Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à M. Carney, un des principaux experts financiers du Canada et un homme qui aidé le pays à traverser l'une des plus graves crises financières de son histoire.
Depuis mon arrivée au Sénat, il y a 22 ans, j'ai presque toujours été membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Durant son mandat de quatre ans à titre de gouverneur de la Banque du Canada, M. Carney a comparu devant ce comité à plusieurs reprises pour parler de questions touchant la politique monétaire. Il a été l'un des témoins les plus impressionnants qui ont comparu devant ce comité. Il s'est toujours exprimé avec franchise et clarté sur les enjeux monétaires les plus complexes. Peu importe les questions que je lui ai posées, il m'a toujours fourni des réponses pesées, rationnelles et perspicaces.
J'ai aussi eu l'honneur de m'entretenir avec lui en privé, ce qui m'a toujours donné l'occasion d'apprendre beaucoup de choses. Avant l'annonce de sa nomination à la Banque d'Angleterre, il m'avait invité à un déjeuner privé à la Banque du Canada pour discuter de questions financières et monétaires. J'espère maintenant recevoir d'autres invitations de ce genre.
Outre les nouvelles responsabilités qu'il assumera en Angleterre, M. Carney continuera d'être président du Conseil de stabilité financière, l'organisme international de réglementation financière qui est chargé de surveiller le système financier mondial et de formuler des recommandations à ce sujet. Il sera désormais mieux placé pour agrandir et faire croître le conseil, dont les bureaux se trouvent à Bâle, en Suisse. Voilà une bonne nouvelle pour le Canada.
Voici ce qu'a écrit la BBC au sujet de M. Carney :
[...] comme il assume la présidence du Conseil de stabilité financière, il pourra exercer une grande influence sur le débat très important qui aura lieu à l'échelle mondiale en vue d'assurer la sécurité des banques [...]
Honorables sénateurs, la nomination de Mark Carney à la Banque d'Angleterre est une nouvelle douce-amère pour le Canada. D'une part, au cours des quatre dernières années, il a accompli un travail exceptionnel au pays, et il nous manquera. D'autre part, la Banque d'Angleterre a de la chance de pouvoir compter sur l'un des économistes les plus compétents et les plus expérimentés au monde pour gérer sa banque centrale. La manière dont il a composé avec la récession et son leadership lui ont valu le respect de la communauté internationale.
M. Carney a fréquenté l'Université d'Oxford et l'Université Harvard. C'est un homme d'une très grande intégrité, qui dégage une assurance tranquille. À mon avis, Mark Carney est un banquier brillant, qui possède la capacité unique d'analyser d'énormes quantités de données et de documents extrêmement complexes pour concevoir une perception logique, claire et visionnaire du monde. Nous savons pourquoi le ministre des Finances britannique a déclaré que Mark Carney est reconnu comme étant « le gouverneur d'une banque centrale le plus remarquable de sa génération ».
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter M. Carney de sa nomination et de l'excellent travail qu'il a accompli au Canada.
(1340)
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi de 2012 sur l'emploi et la croissance
Dépôt du cinquième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles sur la teneur du projet de loi
L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui porte sur la teneur des sections 4, 18 et 21 de la partie 4 du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures, et, avec la permission du Sénat et nonobstant l'ordre adopté le 30 octobre 2012, je propose que le rapport soit renvoyé au Comité des finances nationales et que son étude soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.
Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(Sur la motion du sénateur Neufeld, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance. Conformément à l'ordre du 30 octobre 2012, le rapport est aussi renvoyé d'office au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)
Projet de loi sur la transparence financière des Premières Nations
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-27, Loi visant à accroître l'obligation redditionnelle et la transparence des Premières Nations en matière financière, accompagné d'un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Carignan, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après- demain.)
[Français]
L'Association parlementaire canadienne de l'OTAN
La session du printemps, tenue du 25 au 28 mai 2012—Dépôt du rapport
L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN concernant sa participation à la session du printemps, tenue à Tallinn, en Estonie, du 25 au 28 mai 2012.
[Traduction]
Les femmes autochtones portées disparues ou assassinées
Préavis d'interpellation
L'honorable Sandra Lovelace Nicholas : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat sur la tragédie continue des femmes autochtones portées disparues ou assassinées.
Des voix : Bravo!
Affaires juridiques et constitutionnelles
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat
Permission ayant été accordée de revenir aux préavis de motion :
L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, pour les fins de son examen du projet de loi S-12, Loi modifiant la Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires en conséquence et le projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel (maltraitance des aînés), le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir à 15 h 30 le mercredi 5 décembre 2012, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La justice
Le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions
L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Le communiqué officiel publié à la suite de la réunion fédérale- provinciale-territoriale des ministres responsables de la justice tenue au début du mois annonçait que le ministre fédéral avait indiqué que le Canada n'envisageait pas de ratifier le Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d'armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, qui, comme le savent les sénateurs, est un complément de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, que le Canada n'a pas non plus ratifiée. Pourquoi ne pas les ratifier?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur de sa question. Je ne suis pas en mesure d'y répondre, par conséquent je la prends en note.
Le sénateur Fraser : Le protocole est le seul instrument international essayant de contrôler le trafic illicite de petites armes. Voilà pourquoi c'est un instrument qui n'est pas sans importance dans la lutte contre le crime organisé.
Dans le même ordre d'idées, le communiqué annonçait, une fois de plus, que le gouvernement poursuit ses consultations dans le dossier du marquage des armes à feu. Ces consultations ont commencé au début de 2006, lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir. Il semblerait maintenant qu'elles se poursuivront jusqu'en décembre de l'année prochaine. Ce système de marquage est également un outil très important dans la lutte contre le crime organisé transnational. Le but est d'essayer de réduire au minimum le trafic d'armes à feu et de petites armes.
Madame le leader pourrait-elle également se renseigner sur l'état d'avancement de ces consultations, ainsi que sur les résultats auxquels on peut s'attendre à ce stade-ci?
Le sénateur LeBreton : Madame le sénateur pose une question très valable au sujet d'une question grave. Je serais ravie de fournir autant de renseignements que possible et de répondre à la question. Je remercie le sénateur de sa question.
Les ressources humaines et le développement des compétences
Les pertes d'emploi dans le Canada atlantique
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, ma question s'adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Une étude réalisée récemment par le Centre canadien de politiques alternatives confirme que le Canada atlantique est plus durement touché que les autres régions par les suppressions de postes au sein du gouvernement fédéral. Jusqu'à présent, la région de l'Atlantique a perdu plus de 1 000 emplois et 3 000 suppressions d'emplois suivront. Avec la perte de ces emplois, cette région — déjà aux prises avec un taux de chômage élevé, des salaires plus bas, une prépondérance d'emplois saisonniers et un exode de sa population — perd de bons emplois bien rémunérés. Les compressions du gouvernement ne feront qu'accroître les inégalités.
Pourquoi le gouvernement supprime-t-il des postes dans une région qui est moins en mesure d'absorber ces pertes d'emplois?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Les sénateurs savent ce que je pense du Centre canadien de politiques alternatives. Ce qu'il rapporte est, encore une fois, erroné.
Le gouvernement a été formel au sujet des postes au sein du gouvernement fédéral : toutes les régions du pays en conserveront une part proportionnelle. Aucune région n'a été ciblée pour subir des compressions disproportionnées.
Le sénateur Hubley : J'ai une question complémentaire : le taux de centralisation du gouvernement fédéral est déjà élevé. Il est de 42 p. 100 par rapport à 15 p. 100 aux États-Unis et à 16 p. 100 au Royaume-Uni. Les importantes pertes d'emplois dans la région de l'Atlantique ne feront qu'augmenter ce taux tout en faisant disparaître des programmes et des services importants dans l'ensemble de la région.
Comment le gouvernement peut-il justifier la réduction des services publics offerts dans la région de l'Atlantique alors qu'il les maintient ailleurs? La perte du bureau régional du ministère des Anciens Combattants à Charlottetown aura, par exemple, des répercussions importantes sur les anciens combattants de l'Île-du- Prince-Édouard.
Le sénateur LeBreton : Les chiffres que fait valoir le sénateur sont inexacts. En fait, pour ce qui est des services publics, aucune région ne sera touchée de façon disproportionnée par les suppressions d'emplois. Je dirais à l'honorable sénateur que le gouvernement entreprend divers projets avec le secteur privé, notamment dans le secteur de la construction navale.
(1350)
Des changements ont été apportés dans d'autres secteurs afin que tous les Canadiens, y compris ceux de l'Atlantique, aient accès à des emplois bien rémunérés et que la fonction publique ne soit pas plus touchée dans les provinces de l'Atlantique qu'ailleurs au pays.
Le sénateur Hubley : Avant toute chose, j'ai une question sur la construction navale. Madame le leader a mentionné ce secteur et c'est ce qu'elle a fait en réponse à plusieurs questions sur les pertes d'emploi dans l'Atlantique. Peut-elle me préciser si le nombre d'emplois éliminés dans la région de l'Atlantique sera supérieur au nombre d'emplois créés par l'industrie navale à Halifax?
Le sénateur LeBreton : N'importe quel Canadien serait ravi d'occuper les emplois créés dans le secteur privé. Selon moi, il ne s'agit pas de remplacer ceux-là par ceux-ci. Ce que je dis, c'est simplement que la fonction publique ne sera pas plus gravement touchée dans le Canada atlantique qu'ailleurs au pays. Cependant, le gouvernement entreprend beaucoup d'autres projets afin de diversifier et d'élargir les perspectives d'emploi pour les Canadiens d'un océan à l'autre, dans l'Atlantique comme partout ailleurs.
Le sénateur Hubley : Puisque madame le ministre ne souscrit pas aux chiffres que j'ai cités aujourd'hui dans mes deux questions, aussi bien sur l'ampleur des pertes d'emplois dans la région de l'Atlantique que sur le degré de centralisation du gouvernement — 42 p. 100 pour le Canada —, je me demande si elle serait en mesure de fournir ceux auxquels elle fait allusion et de les déposer au Sénat.
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, tous ceux qui ont regardé le rapport — pour ma part, je ne l'ai pas lu en profondeur parce que, comme je l'ai déjà signalé, je n'accorde pas grande importance aux rapports du Centre canadien de politiques alternatives — savent que l'organisme a clairement exclu la région de la capitale nationale, qui a, en termes de pourcentage, un nombre d'emplois beaucoup plus élevé que toute autre région du pays. La prémisse du rapport est fausse.
Je vais devoir le vérifier, mais je crois que nous avons déjà déposé, dans une réponse écrite, certains des renseignements que madame le sénateur a demandés. Si ce n'est pas déjà fait, je me ferai un plaisir de prendre note de sa demande et de lui obtenir l'information voulue.
La justice
La dualité linguistique
L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, le gouvernement de l'Ontario a annoncé que, en réponse au rapport intitulé Accès à la justice en français, il :
[...] permet[tra] aux francophones d'accéder plus facilement à la justice dans la langue officielle de leur choix.
Dans la foulée de cette annonce, le commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser, et le commissaire aux services en français de l'Ontario, François Boileau, ont signé cette semaine un protocole d'entente afin d'unir leurs forces pour « mieux protéger les droits linguistiques des citoyens ».
Compte tenu de ces initiatives fort positives, madame le leader nous dirait-elle comment le gouvernement fédéral entend intensifier ses efforts et faire preuve d'un véritable leadership pour promouvoir l'importante valeur canadienne que constitue la dualité linguistique dans notre système judiciaire?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je peux répondre pour le gouvernement fédéral, mais je ne peux ni ne veux commenter les diverses annonces faites par les gouvernements provinciaux. Je puis affirmer à madame le sénateur que le gouvernement accorde un appui sans précédent aux langues officielles dans sa Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne, ce qu'elle sait d'ailleurs fort bien. Comme elle le sait, nous avons fait part d'un investissement de 1,1 milliard de dollars. Dans son rapport, le commissaire aux langues officielles déclare ce qui suit :
La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne [...] tient compte du fait qu'il importe d'augmenter le niveau de bilinguisme des jeunes Canadiens. Elle le fait notamment en prévoyant des investissements fédéraux [...] Ces programmes fonctionnent.
Je tenais à montrer que le gouvernement accorde beaucoup d'importance à la dualité linguistique du Canada et qu'il l'appuie — et ce, depuis le jour de son assermentation. Heureusement, le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, est du même avis.
Le sénateur Charette-Poulin : C'est la Cour suprême du Canada, le plus haut tribunal du pays, qui devrait établir les normes en matière de bilinguisme. Madame le ministre convient-elle que le moment est venu de modifier la Loi sur la Cour suprême afin que la compréhension des deux langues officielles devienne un critère obligatoire de la nomination des juges de cette cour?
Le sénateur LeBreton : Je crois que le gouvernement et le ministre de la Justice ont été très clairs. La Cour suprême du Canada est une organisation unique. C'est à dessein que Pierre Elliott Trudeau, le grand héros du sénateur, ne l'a pas assujettie à la Loi sur les langues officielles. Toutes les nominations à la Cour suprême doivent être fondées sur le mérite.
[Français]
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Alors que le gouvernement de l'Ontario s'engage à améliorer l'accès à la justice en français, le gouvernement fédéral fait du surplace. Pourquoi le gouvernement rejette-t-il, encore une fois, du revers de la main l'idée que tous les Canadiens méritent un traitement égal à la Cour suprême afin que leurs plaidoiries soient entendues et comprises dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du pays?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Comme je l'ai indiqué en réponse au sénateur Chaput, il avait été décidé de ne pas assujettir la Cour suprême du Canada à la Loi sur les langues officielles pour des raisons qui sont tout aussi valides aujourd'hui qu'elles l'étaient à l'époque. Je recommande au sénateur de consulter les Débats du Sénat et de lire à ce sujet un discours de mon collègue, le sénateur Carignan. La Cour suprême du Canada est unique et, bien entendu, les personnes qui s'y présentent peuvent témoigner dans leur propre langue officielle. Les installations de la cour le permettent. Quant à la position du gouvernement à l'égard de cette organisation unique qu'est la Cour suprême du Canada, elle est identique à celle des gouvernements précédents.
[Français]
Le sénateur Tardif : Honorables sénateurs, ni la traduction ni l'interprétation ne sont un bon substitut. Quelle valeur le gouvernement accorde-t-il à l'accès à la justice de façon équitable?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Je crois que le Canada possède un excellent système juridique. Les personnes qui siègent à la Cour suprême ou à d'autres cours de justice sont les plus qualifiées qui soient. Je ne vois pas pourquoi, contrairement peut-être à d'autres pays, on remettrait en question notre système juridique qui, selon moi, est l'un des meilleurs au monde.
[Français]
La défense nationale
L'utilisation du personnel militaire lors d'événements politiques
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a presque deux semaines, le 16 novembre, notre premier ministre a fait une visite surprise à Québec. Je dis « surprise » parce que personne ne devait savoir qu'il venait. Néanmoins, à cette occasion, on a tout de même mobilisé un régiment, les Voltigeurs de Québec, régiment que mon beau-père a commandé lors de la Seconde Guerre mondiale et dans lequel mon fils sert actuellement.
Je trouve que le fait de ne pas avoir été invité à l'annonce sur le nouveau manège militaire, à titre de sénateur de la ville de Québec, montre un manque de respect envers notre institution. Peu importe, je suppose que c'est une question politique.
Toutefois, si on considère que c'est une question politique et si on regarde, dans le communiqué de presse, la photo qu'on a prise du premier ministre, on peut voir que presque tout le régiment est déployé derrière lui en arrière-plan. Je trouve que tout cela relève, de la part du premier ministre, d'une façon de faire à l'américaine, et j'ai déjà abordé ce sujet.
Je trouve aberrant qu'on implique des militaires en uniforme lors d'activités politiques et partisanes. J'attirerais votre attention sur ce qu'a dit le premier ministre Harper :
Je peux dire que notre priorité, pour la population du Québec, et du reste du Canada, c'est l'économie. Je pense que c'est la vraie priorité des Québécois. Pas des vieilles chicanes.
Des chicanes de drapeaux, si vous vous rappelez bien. Il poursuit en disant ceci :
Je n'ai pas l'intention de participer à ces vieilles chicanes.
C'est ici que vient le hic. Le journaliste commente à la fin ces propos en écrivant ce qui suit :
Les militaires présents dans la salle ont chaudement applaudi.
(1400)
Depuis quand implique-t-on directement des militaires dans une activité politique, particulièrement une guerre de drapeaux? Depuis quand cherche-t-on cela? Cela ne s'est jamais vu dans l'histoire de l'armée canadienne, qui existe depuis 1867. Pourquoi le premier ministre prend-il les militaires pour des instruments politiques?
Le sénateur Carignan : S'ils ont applaudi, c'est parce qu'ils étaient d'accord?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, si vous permettez, nous pouvons toujours vérifier dans les comptes rendus, mais il me semble que le sénateur m'a demandé à plusieurs reprises quand le premier ministre et le gouvernement iraient à Québec pour faire une annonce au sujet du manège militaire et de l'incendie tragique qui l'a ravagé. Le premier ministre n'y est pas allé sans se faire annoncer. La visite a été annoncée et rendue publique. Il y était. Plusieurs sénateurs y étaient.
Autant que je sache, on voit habituellement des soldats dans les parages des manèges militaires. Les soldats étaient très heureux d'apprendre que le manège allait être reconstruit. Honorables sénateurs, les soldats étaient présents lorsque le premier ministre a fait une annonce qui était importante non seulement pour le Québec, mais aussi pour le pays et nos militaires.
Je n'adhère pas un instant à la logique du sénateur qui dit, pour une raison ou une autre, que ce qui s'est passé est sans précédent. Je me rappelle une photo célèbre de Jean Chrétien, entouré d'un groupe de soldats, portant son casque dans le mauvais sens.
Le sénateur Dallaire : Je n'ai pas compris les derniers mots. Entouré de quoi?
En 1970, les gouvernements ont consacré quelque 350 millions de dollars à des travaux à la base de Valcartier — où sont basés 5 000 soldats — et, dans aucune des photos, on ne voit de soldats debout devant des bulldozers censés servir aux travaux d'infrastructure. J'y étais. En 1993-1994, nous avons fait construire, au coût de 250 millions de dollars, la base militaire d'Edmonton, où nous avons posté environ 4 000 soldats. C'était des travaux de grande envergure. J'étais commandant adjoint de l'armée à l'époque et je ne me souviens pas que quiconque ait jamais demandé à des militaires de se placer derrière le premier ministre durant une annonce. Nous n'avons pas pour tradition de demander aux militaires de se mettre dans une situation où ils pourraient avoir à exprimer ou exprimeraient involontairement des opinions politiques. Or, c'est ce qui s'est passé à Québec lors de cette annonce.
À propos, si le premier ministre a annoncé sa visite, le gouvernement provincial ne l'a su qu'à la dernière minute. La veille, je me trouvais au Cercle de la Garnison et quelqu'un m'a dit, sous le couvert du secret : « Ne le dites à personne, mais le premier ministre viendra faire une annonce demain. »
Madame le leader ne convient-elle pas qu'il est inapproprié de placer nos militaires — des gens en uniforme — au milieu d'un débat politique et de s'en servir comme accessoires lors de l'annonce d'une décision politique?
Le sénateur LeBreton : D'abord, les membres de nos forces armées, qui sont très bien servis par le gouvernement, n'ont pas été utilisés comme accessoires. Le sénateur a dit qu'on n'avait pas mis de soldats devant des bulldozers. Si j'étais un soldat, je ne me tiendrais pas devant un bulldozer moi non plus.
Le sénateur a tout à fait tort. Le premier ministre est allé à Québec pour faire une annonce importante. J'ignore qui a dit au sénateur Dallaire que la visite du premier ministre était un secret, mais ce n'était manifestement pas un secret bien gardé si cette personne était au courant. On a annoncé que le premier ministre serait présent et il était là. Il a fait une annonce très importante sur un dossier au sujet duquel le sénateur me pose régulièrement des questions pour savoir ce que le gouvernement compte faire. Maintenant que le gouvernement a annoncé ses intentions, il trouve le moyen de le critiquer. Je n'accepte absolument pas la prémisse de la question.
Le sénateur Dallaire : J'ai une question complémentaire.
Son Honneur le Président : Je vais maintenant donner la parole au sénateur Verner, qui désire poser une question complémentaire.
[Français]
L'honorable Josée Verner : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Je me rappelle très bien avoir fait l'annonce du plan et de l'échéancier pour la reconstruction du manège militaire, un monument si important pour la population de Québec, du Québec et pour toute l'histoire canadienne. Les Voltigeurs ont eux-mêmes participé aux consultations publiques et tenu à soumettre un plan pour la reconstruction du manège militaire. Étant donné que, dans les faits, ce manège porte le nom de manège militaire des Voltigeurs de Québec, ne croyez-vous pas qu'il était fort approprié que ces militaires soient présents à cet événement, le 16 novembre dernier?
[Traduction]
Le sénateur LeBreton : Je remercie le sénateur de sa question. Bien sûr, c'était fort approprié. Madame le sénateur, qui était ministre avant de devenir sénateur, a joué un rôle déterminant, au nom de la population du Québec, des habitants de Québec et des citoyens partout au Canada, dans l'élaboration de propositions pour que ce projet de reconstruction soit une priorité et qu'il se concrétise. Si vous me le permettez, j'aimerais d'ailleurs la féliciter pour l'excellent travail qu'elle a accompli.
Elle a tout à fait raison. Si vous assistez à un événement qui est organisé au manège militaire, de toute évidence, il y aura des militaires. Si vous vous rendez dans une ferme laitière pour faire une annonce, il y aura sur place des agriculteurs et des vaches. Si vous allez dans une usine où l'on fabrique des automobiles, il ne fait aucun doute que vous verrez des travailleurs en train de construire des automobiles.
Par conséquent, je dois dire que je ne comprends pas vraiment la logique de la question du sénateur Dallaire.
Le sénateur Dallaire : J'ai une question complémentaire.
Lorsque j'étais élève-officier à Shilo, j'ai dû défiler devant un instructeur-chef de l'artillerie, qui m'a dit : « Vous êtes désinvolte, jeune homme! » Je n'avais aucune idée de ce qu'il voulait dire par là, mais je ne me suis tu. Par la suite, quelqu'un m'a expliqué le sens de ce terme. Je me garderai d'utiliser ce qualificatif pour décrire les réponses du leader.
Cela dit, pour commencer, les soldats ne se placent pas devant les bulldozers. Les soldats se placent plutôt devant l'ennemi. Je n'ai pas dit « devant », mais bien « à côté de ». Ensuite, pour corriger ce qui a été dit, aucun des Voltigeurs de Québec — les militaires actifs, qui ont servi notre pays et ont fait preuve de loyauté à l'égard de celui-ci et qui ont dû promettre allégeance — n'a fourni de documents concernant le manège militaire. Ce sont les manèges militaires, l'association ou le personnel du musée qui l'ont fait. Aucun des réservistes n'avait le droit ou la permission de présenter des documents.
Enfin, l'argument que nous faisons valoir est le suivant : oui, des agriculteurs sont présents lorsqu'une ferme laitière ouvre ses portes, et il y a aussi des travailleurs de l'automobile dans une usine de fabrication d'automobiles, mais ils ne sont pas employés par le ministère de la Défense nationale ou assujettis à la Loi sur la défense nationale. Les personnes assujetties à cette loi n'ont pas le droit de participer à un processus politique, quel qu'il soit. Ils devraient exprimer leur point de vue, et j'espère qu'ils le font, mais ce n'est pas la même chose pour les militaires. C'est pourquoi je demande que le premier ministre s'abstienne de faire appel aux militaires pour des annonces de nature politique; je reconnais toutefois que le manège militaire était nécessaire. Il est déplacé d'utiliser les militaires pour des activités politiques. Madame le leader ne partage-t-elle pas mon avis? Va-t-elle en parler au premier ministre?
(1410)
Le sénateur LeBreton : Il est question d'une annonce importante que le premier ministre a faite au nom du gouvernement canadien, à titre de premier ministre. Je ne doute pas un seul instant que tous les cadets et toutes les personnes associées au manège militaire se sont grandement réjouis de cette annonce. Je n'arrive pas à comprendre le raisonnement du sénateur Dallaire.
Le premier ministre Harper est le premier ministre du Canada. Il dirige le gouvernement du Canada et il se trouvait là pour faire une annonce importante au sujet d'une demande faite par l'honorable sénateur, entre autres, et appuyée par le gouvernement. Il s'agissait d'une importante annonce au nom du gouvernement du Canada.
Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, il est approprié que les troupes accompagnent le gouverneur général, qui est aussi commandant en chef. Le gouverneur général ne s'exprime pas politiquement, sauf lorsqu'il prononce le discours du Trône. Le président des États-Unis est également commandant en chef, mais ce n'est pas le cas du premier ministre. De plus en plus, j'ai l'impression qu'on pense que les militaires devraient, de la même façon, relever directement du premier ministre. Nous n'arrivons pas à voir que c'est le message qu'on envoie lorsque les militaires sont présents lors d'occasions hautement politisées.
Oui, le gouvernement a annoncé la reconstruction du manège militaire, mais nous savions qu'il y avait un affrontement au sujet des drapeaux au provincial. Tout le monde en parlait.
Lorsque j'ai vu qu'on avait placé les militaires dans une situation où ils devaient réagir à un geste politique, je n'ai pu m'empêcher de me remémorer la crise d'Octobre, en 1970, où les troupes auraient pu se voir obligées d'utiliser une force meurtrière contre des séparatistes qui pouvaient être des membres de leur famille. Ces troupes travaillaient pour le gouvernement fédéral. Il ne faut pas mettre les troupes devant un tel dilemme éthique. Je demande au premier ministre d'en tenir compte à l'avenir lorsqu'il se trouve avec des militaires; oui, ces derniers ont vraiment servi de toile de fond.
Le sénateur LeBreton : Je tiens à répéter que le premier ministre faisait une importante annonce gouvernementale, et non politique.
En ce qui concerne la question du drapeau, je me suis réjouie des résultats d'un sondage rendu public aujourd'hui qui révèle ce que les Québécois pensent du drapeau canadien.
Cependant, je suis très heureuse de faire remarquer que le sénateur a officiellement fait savoir qu'il désapprouvait la mesure prise par Pierre Elliott Trudeau, soit l'utilisation de l'armée contre de simples citoyens, lorsque ce dernier a invoqué la Loi sur les mesures de guerre.
Des voix : Oh, Oh!
Le sénateur Dallaire : Attendez un instant. Le leader va vraiment trop loin. Je n'ai jamais rien dit de tel. J'ai simplement dit que nous nous trouvions dans cette situation, et que nous l'avons acceptée, de même que ses conséquences.
Honorables sénateurs, j'ai été obligé de me demander si j'allais tirer sur ma sœur. Le gouvernement nous avait imposé ce fardeau, telles sont les règles d'engagement. Nous les avons loyalement respectées et nous aurions fait usage de la force si cela c'était révélé nécessaire.
N'essayez jamais de me faire dire quoi que ce soit contre M. Trudeau ou contre la décision d'invoquer la Loi sur les mesures de guerre. Je dis simplement qu'il ne faut pas mettre les militaires dans une position où ils doivent faire de tels choix éthiques alors qu'ils se sont engagés à servir le gouvernement des Canadiens.
Le sénateur LeBreton : J'hésite à l'admettre, mais j'étais ici à l'époque de la Loi sur les mesures de guerre. J'ai dû contourner un soldat pour entrer dans mon bureau, car la Colline du Parlement était sous la protection des militaires.
Honorables sénateurs, je maintiens ma déclaration. Il est évident que cette décision a été difficile pour le sénateur Dallaire, mais nous nous sommes considérablement éloignés de la question initiale. Le sénateur lançait contre le premier ministre des accusations infondées.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi interdisant les armes à sous-munitions
Troisième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fortin-Duplessis, appuyée par l'honorable sénateur Nolin, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-10, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous-munitions.
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-10, Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes à sous- munitions. La Convention sur les armes à sous-munitions vise à interdire l'utilisation de ces armes qui tuent sans distinction, et à prévenir les souffrances qu'elles causent.
Le Canada a signé la convention en décembre 2008 et présente maintenant la mesure législative de ratification nécessaire, le projet de loi S-10. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a examiné ce projet de loi pendant quatre semaines. Nous avons entendu près de 30 témoins, dont le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, des fonctionnaires du MAECI, du MDN et de Justice Canada, des représentants d'ONG, des experts juridiques indépendants et des personnes qui ont pris part à la négociation de la convention.
Dans l'ensemble, les témoins s'entendaient sur ces points importants : les armes à sous-munitions sont des armes terribles qui causent des préjudices aux civils; la Convention sur les armes à sous-munitions est un traité international important; le Canada appuie la convention et les efforts déployés à l'échelle internationale afin de décourager l'utilisation d'armes à sous-munitions et de soutenir les victimes; le Canada lui-même n'a jamais produit ni utilisé d'armes à sous-munitions; le Canada n'a pas l'intention d'utiliser un jour des armes à sous-munitions; et, enfin, le Canada s'efforce d'être un chef de file mondial en matière de protection humanitaire des civils.
Cependant, les témoins n'étaient pas tous du même avis concernant l'interprétation à donner au projet de loi S-10. Ils n'étaient pas tous convaincus que le projet de loi reflétait les valeurs et les intentions déclarées du Canada en ce qui a trait aux armes à sous-munitions et à la convention. Autrement dit, le projet de loi nous permettra-t-il d'obtenir le résultat escompté? Est-il assez bon tel quel ou devrait-il être amélioré?
Le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international, John Baird, a énoncé la position du gouvernement comme suit : « La politique est l'art du possible, et non l'art de la perfection. » Le gouvernement croit que le projet de loi est assez bon ainsi.
Honorables sénateurs, je ne suis pas de cet avis, et beaucoup d'experts juridiques, d'ONG et d'autres personnes ayant témoigné devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international ne sont pas d'accord non plus. Je pense que nous pouvons et que nous devons faire mieux. S'il y a un projet de loi qui exige la perfection, c'est bien celui-ci. Quoique l'article 21 de la Convention sur les armes à sous-munitions soit controversé et constitue un obstacle pour les pays qui envisagent de la ratifier, cela ne veut pas dire que nous devons nous contenter d'un travail plus qu'ordinaire.
Il est frustrant de voir que les rédacteurs du projet de loi ont dessiné à gros traits les dispositions relatives à l'interopérabilité des forces armées alors qu'il aurait fallu plutôt les ciseler délicatement. Par conséquent, l'article 11 contient des exceptions aux interdictions prévues à l'article 6, et ces exceptions sont si largement définies que plusieurs les qualifient d'échappatoires.
Honorables sénateurs, c'est inacceptable, mais il est heureusement possible d'y remédier. Les témoins que le comité a entendus, dont plusieurs ont des années d'expérience et sont des experts du droit international et de la Convention sur les armes à sous-munitions, nous ont présenté des suggestions pour améliorer le projet de loi. Permettez-moi donc de les revoir avec vous et d'y ajouter des suggestions de mon cru. Je vous expliquerai comment nous pouvons nous acquitter des obligations prévues dans la convention sans sacrifier la capacité de nos forces armées de collaborer efficacement avec des forces comptant parmi nos alliés, mais n'ayant pas signé la convention. Je préciserai comment nous pouvons renforcer le projet de loi et y inclure des mesures pour améliorer la reddition de comptes et la transparence. Nous devons montrer au monde que le Canada est à nouveau un chef de file préconisant des critères élevés pour la protection humanitaire.
(1420)
On s'accorde généralement pour dire que c'est l'article 11 du projet de loi S-10 qui pose problème. L'article 11 porte sur l'interopérabilité militaire entre les États qui ont signé la Convention, les États parties, et les États qui ne l'on pas fait. Il énumère les exceptions aux activités interdites aux membres des Forces canadiennes lorsqu'ils participent à une opération militaire combinée. L'article 21 de la convention autorise l'interopérabilité militaire, mais ne se veut pas une exception générale. L'article 21 ne permet pas aux États parties d'enfreindre l'article 1 de la convention. Comme l'a expliqué Bonnie Docherty, de l'organisme Human Rights Watch et de la clinique internationale de défense des droits humains de la faculté de droit de Harvard, lorsqu'elle a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international :
L'article 1 interdit d'aider qui que ce soit à mener une activité interdite, indépendamment des circonstances, et cela devrait englober les opérations militaires conjointes. L'article 21 devrait être interprété comme une précision du fait que la simple participation à des opérations militaires conjointes est autorisée plutôt que comme une réserve créant des exceptions durant de telles opérations.
Par conséquent, si des membres des Forces canadiennes participent à une opération combinée avec les forces d'un État qui n'a pas signé la convention, ils ne sont pas autorisés à utiliser eux- mêmes des armes à sous-munitions ou à aider quiconque à en utiliser. Néanmoins, dans la version actuelle du projet de loi S-10, l'alinéa 11(3)a) permettrait expressément à un Canadien d'aider ou d'encourager une personne à utiliser, acquérir, posséder ou transporter des armes à sous-munitions. L'alinéa 11(1)b) permettrait à un Canadien de demander expressément l'utilisation d'armes à sous-munitions et le paragraphe 11(2) permettrait aux Forces canadiennes de transporter des armes à sous-munitions. De plus, l'alinéa 11(1)c) va jusqu'à permettre aux Forces canadiennes d'utiliser, d'acquérir, de posséder et de transporter des armes à sous- munitions dans le cadre d'un détachement, d'un échange ou d'une affectation.
Ces exceptions générales ont été, à plusieurs reprises, signalées comme un grave problème par les nombreux témoins qui se sont présentés devant le comité. Voici par exemple ce qu'a dit le directeur du Center for International Stabilization and Recovery, M. Ken Rutherford :
Je crois que les exceptions décrites dans le projet de loi S-10 s'écartent du but de la convention, qui est de mettre un terme à perpétuité à l'utilisation des armes à sous-munitions, qui causent des souffrances inutiles. C'est une arme non discriminatoire et immorale, et je crois que la majorité du monde le reconnaît.
Si nous acceptons des exceptions, je crains que d'autres gouvernements décident unilatéralement de définir leurs propres exceptions au traité. L'esprit du traité constitue vraiment le cœur de l'article 1, qui vise à interdire définitivement l'utilisation des armes à sous-munitions.
Le directeur de la Division Armes de Human Rights Watch, Stephen Goose, trouvait lui aussi que l'article 11 du projet de loi S- 10 laissait énormément à désirer :
Nous croyons que cette loi est contraire à la Convention sur les armes à sous-munitions et pourrait bien nuire à son intégrité et à son succès à long terme. Cette opinion est partagée par nombre d'États signataires de la convention, dont la Norvège, ainsi que par le Comité international de la Croix-Rouge et diverses agences de l'ONU, comme cela a été exprimé à l'occasion de la troisième réunion des États parties à la convention, où les dangers de ce projet de loi ont été le principal sujet de conversation dans les corridors et pendant les séances plénières.
De son côté, le président du Département de la sécurité et des affaires internationales du Collège des Forces canadiennes, Walter Dorn, avait ceci à dire à propos de l'article 11 :
[Il] contrevient donc clairement au traité, même en donnant à l'article 21 l'interprétation la plus large possible. Cet article permet aux parties de prendre part à des opérations multinationales avec des États non parties au traité — ce qui est tout à fait normal —, mais il ne permet pas aux États parties d'aider ou de collaborer dans l'utilisation des armes à sous-munitions. Les Canadiens dans une chaîne de commandement américain ou qui se battent aux côtés des Américains ne sont pas autorisés par la loi, en vertu de ce traité, à utiliser des armes à sous-munitions ou à collaborer à leur utilisation.
Paul Hannon, directeur général d'Action Mines Canada, a fait écho aux commentaires de M. Rutherford, M. Goose et M. Dorn quand il a dit ceci :
Selon le libellé actuel du projet de loi, les défenses et les échappatoires prévues à l'article 11 présentent un danger pour le traité. Cette disposition nuit à l'interdiction de porter assistance puisqu'elle prévoit d'énormes échappatoires, au lieu de rétrécir le libellé afin d'assurer la clarté requise selon la norme du droit pénal canadien. Si le Canada ratifie la convention en adoptant le projet dans sa forme actuelle, il sera beaucoup plus difficile de convaincre d'autres États à nous emboîter le pas.
Honorables sénateurs, le message de ces témoins et d'autres encore était abondamment clair : nous devrions rejeter l'article 11 sous son libellé actuel. Ils ne considèrent pas que l'article 11 soit approprié ni qu'il respecte l'esprit du traité. Ils craignent que celui-ci aille à l'encontre de l'objectif d'une interdiction complète des armes à sous-munitions et pourrait encourager d'autres États à qui envisagent de ratifier la convention à autoriser de grandes exceptions pour que leurs militaires utilisent des armes à sous- munitions quand ceux-ci participent à des opérations multinationales. Bien qu'ils aient admis que le libellé de l'article 21 était vague et prêtait à confusion, ils ne croient pas qu'il ait été rédigé dans l'objectif d'outrepasser la liste d'interdictions figurant à l'article 1 ni qu'il devrait être interprété de la sorte.
Cela dit, il est également important de faire remarquer que la majorité de ces témoins comprenaient, respectaient et appuyaient le fait que le Canada avait le droit et le devoir de participer à des opérations militaires multinationales avec des États qui ne sont pas parties à la convention. Je tiens à dire très clairement qu'il s'agit là de ma position également, ainsi que de celle de mes collègues libéraux. Le Canada a la chance d'avoir une relation étroite avec les États-Unis et l'OTAN. Notre sécurité dépend de ces relations, qui doivent pouvoir grandir et s'épanouir. Toutefois, je ne crois pas que, en ratifiant la Convention sur les armes à sous-munitions, nous devrions être tenus de choisir entre l'adhésion au traité et le maintien de nos alliances militaires. Dans ce scénario, l'un n'exclut pas forcément l'autre. Nous pouvons faire les deux, et nous pouvons le faire de manière à ne pas dévaloriser les idéaux de la convention.
Pour ce faire, plusieurs témoins ont proposé que le Canada adopte un langage identique ou semblable à celui employé dans la mesure législative de ratification de la Nouvelle-Zélande. Les dispositions sur l'interopérabilité proposées par la Nouvelle-Zélande demeurent très simples. La mesure législative néo-zélandaise dit ceci : « Ne commet aucune infraction aux termes du paragraphe 10(1) un membre des forces armées qui, dans le cadre de ses fonctions, participe à des opérations, à des exercices ou à d'autres activités militaires avec les forces armées d'un État non partie à la Convention qui est en mesure de s'adonner à des pratiques interdites aux termes du paragraphe 10(1). » La Nouvelle-Zélande croit que cette disposition est suffisante pour permettre à ses militaires de participer à des opérations combinées tout en assurant qu'ils ne se rendent pas complices de l'utilisation d'armes à sous- munitions.
Bien que je respecte la décision de la Nouvelle-Zélande de choisir ce langage, et que je serais heureuse que le Canada en adopte un semblable, je ne crois pas que ce serait suffisant. Nous devons reconnaître que notre engagement auprès des forces des États-Unis et de l'OTAN est différent de celui de la Nouvelle-Zélande. Les besoins de nos militaires sont doncaussi différents. Par conséquent, je crois que nous devons être un peu plus explicites. En plus de faire en sorte que nos militaires puissent simplement participer à des opérations avec les forces d'un État non partie à la Convention, nous devrions tenir compte des besoins des commandants canadiens qui pourraient diriger ces forces. Cependant, je ne crois pas que nous devrions aller jusqu'à permettre à nos commandants d'exiger expressément l'utilisation d'armes à sous-munitions, même lorsque le Canada n'est pas le seul à prendre la décision quant aux armes à utiliser.
(1430)
Les commandants canadiens devraient plutôt utiliser leur position et leur influence pour décourager l'utilisation d'armes à sous- munitions. Puisque le Canada a déjà signé la convention et déclaré que les armes à sous-munitions ne sont en aucun cas une arme appropriée et ne doivent jamais être utilisées, il ne devrait y avoir aucune raison pour qu'un commandant canadien demande expressément l'utilisation d'une arme à sous-munition.
D'un autre côté, si un commandant canadien a le pouvoir d'autoriser une attaque ou une activité faisant participer des troupes américaines, mais ignore totalement quelles armes ces troupes choisiront d'utiliser et n'exerce aucun contrôle à cet égard, alors ce commandant canadien ne devrait d'aucune manière être tenu responsable ou être passible de poursuites si ces troupes américaines choisissent d'utiliser des armes à sous-munitions.
Bien que j'estime que le modèle néo-zélandais couvrirait ces éventualités, je crois qu'il serait prudent de reformuler l'article 11 de manière à ce qu'il soit absolument clair qu'un commandant canadien peut autoriser et ordonner une activité pouvant comporter l'utilisation d'armes à sous-munitions lorsque cette utilisation ne relève pas de sa compétence.
Ce que j'essaie principalement de dire, c'est qu'il faut établir une distinction entre les actions qui relèvent du Canada et celles qui sont hors de son contrôle. Nous ne pouvons être tenus responsables ou être contraints de rendre des comptes pour les actions d'un autre pays. Nous ne pouvons être responsables que de nous-mêmes.
D'ailleurs, selon les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et du ministère de la Défense nationale qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, c'est exactement ainsi que la question a été abordée. Comme l'a dit le major-général Jonathan Vance, directeur d'état-major, État- major interarmées stratégique, dans son témoignage :
En vue d'être en mesure de défendre nos intérêts nationaux au sein d'une coalition dont certains membres sont peut-être des États non parties, nous devons nous assurer que si nos troupes se trouvent dans une telle situation, même si nous préférions que ce ne soit pas le cas, elles ne sont pas passibles de poursuite au criminel pour quelque chose qui est indépendant de leur volonté.
Honorables sénateurs, il me semble évident que c'est la meilleur façon d'aborder l'article 11 et l'interopérabilité militaire. Nous devons bien faire comprendre aux Forces canadiennes qu'elles peuvent tout à fait participer aux opérations militaires menées conjointement avec des États non signataires de la convention, mais qu'elles ne peuvent pas utiliser activement des armes à sous- munitions ni aider quiconque à en utiliser.
Voyons les choses de la façon suivante : admettons que vous ayez interdit à votre fils de frapper un autre enfant. Lui permettriez-vous de frapper un autre enfant lorsqu'il est chez un ami? Bien sûr que non. Nous nous attendons des Forces canadiennes à ce qu'elles respectent les lois et les valeurs canadiennes quels que soient l'endroit où elles se trouvent dans le monde et l'identité de leurs partenaires. Cependant, de la même façon que vous ne tiendriez pas votre fils responsable des actes de son ami, nous ne tiendrons pas les Forces canadiennes responsables de ce que font les militaires étrangers.
Selon les témoignages entendus au comité, il semble encore une fois que le ministère de la Défense nationale et le ministère des Affaires étrangères soient du même avis que moi. Le colonel Gleeson a déclaré ceci au comité :
Je veux simplement rappeler que les membres des Forces canadiennes déployés partout dans le monde sont assujettis au Code de discipline militaire et aux lois et aux valeurs canadiennes par l'entremise de ce code, peu importe l'État avec lequel ils collaborent.
L'honorable John Baird a laissé entendre au comité que, comme les États-Unis font une faveur au Canada en permettant à nos commandants de travailler avec eux, nous ne devrions pas imposer de restrictions à ces commandants. Toutefois, selon d'autres témoins, ce ne serait pas de cette façon que l'interopérabilité militaire fonctionne.
Le major-général Vance a éclairci ce point :
Du fait même de notre participation aux opérations, dans un poste de haut commandement, d'état-major ou de commandement indépendant au sein d'une coalition, nous conservons, en tout temps, le commandement intégral des Forces canadiennes et le commandement intégral de leurs actions. Selon mon expérience, ce n'est jamais une nation qui prend toutes les décisions. Il s'agit toujours d'un effort de collaboration.
Autrement dit, les Forces canadiennes sont, en tout temps, assujetties aux lois canadiennes et négocient d'égal à égal avec leurs partenaires étrangers.
Par ailleurs, je dois aussi reconnaître l'importance de veiller à ce que le fardeau de l'observation de la convention et du projet de loi S-10 incombe au gouvernement du Canada et aux cadres supérieurs du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi qu'à ceux de la Défense nationale. Il serait injuste de placer les soldats dans une situation où ils auraient à choisir entre défier un ordre ou assumer seuls le fardeau moral de leur complicité dans l'utilisation d'armes à sous-munitions. Voilà pourquoi, selon moi, il est essentiel que le ministre de la Défense nationale négocie les modalités de toute entente relative à l'affectation, à l'échange ou au détachement de militaires canadiens conclue avec un État qui n'est pas partie à la convention. Il faut faire clairement comprendre à nos alliés quelles sont nos obligations au titre de la convention et ce que nos soldats seront ou non autorisés à faire. Je crois qu'on procède déjà à ce genre de négociations, alors cela ne devrait rien avoir d'exceptionnel pour nos militaires et nos alliés.
Le gouvernement a affirmé qu'il adopterait des politiques expressément à cet effet, mais je ne crois pas que cela suffise. Earl Turcotte est un ancien négociateur en chef pour le Canada au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international relativement à la Convention sur les armes à sous-munitions. Il a expliqué au comité pourquoi des interdictions par voie de politiques ne suffisent pas :
Ce que je réponds à cela, c'est que, à moins qu'une chose ne soit interdite par le droit canadien, elle n'est pas interdite par la Convention. Une interdiction par voie de politique n'a aucune valeur. Les politiques peuvent être modifiées d'un coup de crayon. Il n'y a aucune diligence raisonnable. Le Parlement n'intervient pas dans la réorientation des politiques. Une directive du CEMD peut être modifiée par le Chef d'état- major de la Défense, probablement avec l'accord du ministre de la Défense et peut-être même avec celui du ministre des Affaires étrangères.
La Convention exige que des sanctions juridiques soient prévues pour les actes interdits. Par conséquent, si le gouvernement souhaite sérieusement interdire quelque chose, alors il doit le faire par voie législative. Il doit l'énoncer de façon très claire et explicite. S'il souhaite y apporter des modifications par la suite, il devra le faire dans le cadre d'un processus officiel.
Honorables sénateurs, outre les modifications à l'article 11, le Comité sénatorial des affaires étrangères a reçu d'autres suggestions pour améliorer le projet de loi. L'une d'entre elles, que nous avons entendue à plusieurs reprises, consiste à inclure dans le projet de loi une référence aux obligations positives que renferme la convention. Plus précisément, les témoins ont recommandé l'incorporation des obligations positives énoncées à l'article 21. Cet article comporte quatre parties. Même s'il permet l'interopérabilité militaire, il précise que les États parties doivent décourager les autres d'utiliser des armes à sous-munitions, informer leurs alliés de leurs obligations en vertu de la convention et tout mettre en œuvre pour encourager les États non parties à adhérer à la convention.
M. Titus Peachey, directeur de la sensibilisation à la paix au Comité central mennonite, a déclaré qu'il pensait que :
Si ces obligations positives étaient explicitement reprises dans le projet de loi, elles établiraient clairement un rôle contraignant en vertu duquel il serait certain que le Canada excellerait dans le respect de ses obligations découlant du traité.
Stephen Goose et Bonnie Docherty ont également exprimé leur point de vue sur l'inclusion des obligations positives dans le projet de loi S-11. M. Goose a dit ceci :
En règle générale, nous pensons que les lois de mise en œuvre de la convention au Canada et dans d'autres pays devraient englober ces obligations positives de promouvoir l'universalité de la convention, de décourager l'utilisation et de détruire les stocks.
Mme Docherty a affirmé ce qui sui :
Nous convenons certainement qu'il faudrait ajouter au projet de loi une déclaration sur l'obligation positive que nous impose le paragraphe 21(2) d'aviser nos alliés que nous décourageons l'utilisation de ces armes.
(1440)
J'abonde dans le même sens et je crois que, au vu des exceptions relatives à l'interopérabilité prévues à l'article 11, nous devrions inclure une mention de ces obligations positives. Plus précisément, une disposition exigeant que les ministres compétents produisent un rapport annuel contribuerait à garantir que le Canada remplit ces obligations et est perçu comme tel.
Dans son allocution à l'étape de la troisième lecture, madame le sénateur Fortin-Duplessis a laissé entendre qu'il ne serait pas pratique d'exiger un rapport annuel. Honorables sénateurs, elle veut dire que cela imposerait un fardeau aux ministres qui doivent à la fois remplir leurs obligations en vertu de la convention et informer le Parlement de leurs activités. Ce n'est pas trop demander. Encore une fois, si nous accordons autant d'importance à l'article 21 et aux questions d'interopérabilité militaire, nous devrions y adhérer entièrement. Le privilège de l'interopérabilité est assorti de la responsabilité de veiller à remplir nos obligations positives. Le rapport annuel est le seul moyen pour nous d'obliger nos élus à rendre des comptes sur ces importantes obligations.
Outre la disposition sur les rapports annuels, je suis d'avis que nous devons songer sérieusement à ajouter une disposition d'extraterritorialité de sorte que le projet de loi et toutes ses interdictions d'utilisation, de transport, d'importation et d'exportation d'armes à sous-munitions s'appliquent aux citoyens canadiens partout dans le monde. Comme l'a souligné le sénateur Fortin-Duplessis, ce n'est pas exigé explicitement dans la convention. C'est ce qui explique que le gouvernement n'ait pas pris la peine d'inclure une telle disposition dans la mesure législative. Encore une fois, il semble que le gouvernement ne veuille faire que le minimum. Je pense que nous devrions faire le maximum pour empêcher la souffrance engendrée par les armes à sous-munitions, y compris interdire aux Canadiens de participer à la fabrication, à l'utilisation ou au commerce d'armes à sous-munitions à l'étranger. Nous avons déjà des dispositions d'extraterritorialité en droit criminel pour les matières nucléaires et les armes chimiques. Il ne devrait pas en être autrement pour les armes à sous-munitions.
Au cours de l'étude article par article du projet de loi S-10, j'ai soumis au comité d'autres amendements, qui visent notamment à : resserrer la définition du mot « transfert » pour qu'il inclue à la fois les déplacements physiques et les transferts de propriété et de responsabilité; interdire le stockage; interdire les investissements. Ces petits amendements auraient pour effet d'apporter des précisions additionnelles sur des questions importantes. Plusieurs témoins nous ont indiqué que le fait d'inclure nommément le stockage et les investissements dans les interdictions serait une bonne manière d'améliorer le projet de loi. Je ne donnerai pas davantage de détails sur ces amendements pour l'instant, mais je pense qu'ils mériteraient d'être considérés de nouveau lors de l'étude de ce projet de loi à l'autre endroit.
Honorables sénateurs, je crois fermement à la Convention sur les armes à sous-munitions. C'est un important traité international, et il est essentiel que le Canada y adhère pleinement, au lieu de se borner à satisfaire aux obligations juridiques minimales. Les témoignages que le comité a entendus nous montrent clairement que tout le monde souhaite voir le Canada se comporter en chef de file pour aider le monde à se débarrasser des armes à sous-munitions. Nous voulons tous adopter un solide projet de loi qui empêchera le Canada d'être complice de l'utilisation de ces armes horribles. Toutefois, beaucoup de gens sont d'avis que, dans son état actuel, le projet de loi S-10 n'aura pas cet effet. Les exceptions prévues à l'article 11 sont tout simplement trop larges et accorderaient aux Forces canadiennes trop de latitude pour participer à des opérations militaires combinées où des armes à sous-munitions seraient utilisées et pour aider d'autres forces armées à les utiliser.
Nous devons rectifier ce projet de loi et, pour y parvenir, nous devons resserrer l'article 11. Il doit être clair que des Canadiens peuvent participer à des opérations militaires combinées avec des États qui ne sont pas signataires de la convention, sans craindre d'être persécutés pour les agissements de ces États. Les commandants canadiens doivent pouvoir autoriser ou ordonner des activités où des armes à sous-munitions seront utilisées par des États non signataires, mais ils ne doivent jamais pouvoir demander qu'on utilise ces armes. Il doit être interdit aux membres des Forces canadiennes qui prennent part à des échanges ou qui sont détachés ou affectés ailleurs d'utiliser, de transporter, de posséder, d'importer ou d'exporter des armes à sous-munitions. Il doit leur être interdit d'aider ou d'encourager d'autres personnes à s'en servir. Enfin, il devrait être interdit aux Forces canadiennes en général d'aider ou d'encourager d'autres personnes à utiliser des armes à sous- munitions.
Motion d'amendement
L'honorable Elizabeth Hubley : À cette fin, honorables sénateurs, je propose :
Que le projet de loi S-10 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié,
a) à l'article 11,
(i) à la page 6,
(A) par substitution, aux lignes 24 à 32, de ce qui suit :
« et le contrôle sur celles-ci, si cette personne ne demande pas expressément que des armes à sous- munitions, des sous-munitions explosives ou des petites bombes explosives soient utilisées dans la réalisation des activités;
b) de demander que soient réalisées des activités pouvant comporter l'utilisation par les forces armées de cet État de telles armes, sous- munitions ou bombes si cette personne ne demande pas expressément que de telles armes soient utilisées et si le choix des munitions ne dépend pas exclusivement des Forces canadiennes;
c) de déplacer de telles armes, sous-munitions ou bombes d'un État ou d'un territoire »,
(B) par substitution, aux lignes 39 à 48, de ce qui suit :
« (2) L'article 6 n'a pas pour effet d'interdire les activités liées au transport — autres que le transport proprement dit —, par toute personne, dans le cadre de la coopération militaire ou d'opérations militaires combinées mettant en cause le Canada et un État non partie à la Convention, d'armes à sous-munitions, de sous-munitions explosives ou de petites bombes explosives qui sont en la possession ou sous le contrôle de cet État, ou sur lesquelles cet État a un droit de propriété. »,
(ii) à la page 7,
(A) par substitution, aux lignes 5 à 13, de ce qui suit :
« à la Convention, sachant qu'une personne a commis un tel »,
(B) par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit :
« (4) Nul ne contrevient à l'article 6 du seul fait de sa participation à de la coopération militaire ou à des opérations militaires combinées mettant en cause le Canada et un État non partie à la Convention qui pourrait s'engager dans une activité interdite visée à l'article 6.
(5) La personne qui est assujettie au code de discipline militaire au titre de l'un des alinéas 60(1)a) à g) et j) de la Loi sur la défense nationale ou qui est un fonctionnaire au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et qui dirige ou autorise des activités dans le cadre d'une coopération militaire ou d'opérations militaires combinées mettant en cause le Canada et un État non partie à la Convention met tout en œuvre pour décourager les forces armées de cet État d'utiliser ou de prévoir l'utilisation d'armes à sous-munitions, de sous- munitions explosives ou de petites bombes dans le cadre de ces opérations et est tenue de les conseiller quant à la disponibilité d'autres munitions conventionnelles efficaces. »;
b) à la page 8, par adjonction, après la ligne 27, de ce qui suit :
« RELATIONS INTERNATIONALES
16.1 (1) Le ministre de la Défense nationale est tenu d'informer le gouvernement de tout État non partie à la Convention — avec lequel le Canada s'engage dans une coopération ou des opérations militaires combinées — des obligations du Canada aux termes de la Convention.
(2) Tout accord conclu entre le Canada et un État non partie à la Convention aux termes duquel une personne visée au paragraphe 11(1) fait l'objet d'un détachement, d'un échange, d'une affectation ou d'un arrangement semblable auprès des forces armées de cet État doit prévoir que cette personne ne peux recevoir d'un membre de celles-ci l'ordre de commettre un acte interdit par la présente loi et qu'elle n'est pas tenue de suivre un tel ordre. »;
c) à la page 9, par adjonction, après la ligne 8, de ce qui suit :
« 17.1 (1) Tout citoyen canadien, résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou société constituée en personne morale sous le régime des lois du Canada ou d'une province qui commet à l'étranger une action ou une omission qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à la présente loi, est réputé avoir commis cette action ou omission au Canada.
(2) Il est entendu que l'article 130 de la Loi sur la défense nationale s'applique relativement à la présente loi. »;
d) à la page 10, par adjonction, après la ligne 17, de ce qui suit :
« RAPPORT ANNUEL
23.1 (1) Dans les quatre mois suivant la fin de chaque exercice, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et le procureur général du Canada préparent conjointement un rapport sur la mise en œuvre de la Convention et sur l'application de la présente loi, et le ministre des Affaires étrangères fait déposer une copie de ce rapport devant chacune des Chambres du Parlement dans les quinze premiers jours de séance de cette Chambre après l'établissement du rapport.
(2) Le rapport annuel contient notamment un compte rendu des progrès réalisés par le gouvernement du Canada à l'égard de chacune des questions suivantes :
a) la promotion des normes établies par la Convention;
b) les efforts déployés pour encourager les États non parties à la Convention à la ratifier, à l'accepter, à l'approuver ou à y adhérer;
c) la notification, aux États non parties à la Convention avec lesquels le Canada est engagé dans une coopération militaire ou dans des opérations militaires combinées, des obligations du Canada au titre de la Convention;
d) les efforts déployés pour décourager les États non parties à la Convention avec lesquels le Canada est engagé dans une coopération militaire ou dans des opérations militaires combinées d'utiliser des armes à sous-munitions, des sous- munitions explosives et des petites bombes explosives;
e) la désactivation, la disposition et la destruction des armes à sous-munitions, des sous-munitions explosives et des petites bombes explosives détenues par Sa Majesté du chef du Canada, d'une manière qui protège l'environnement et la santé humaine. ».
(1450)
Des voix : Bravo!
L'honorable Pierre Claude Nolin : Madame le sénateur accepterait-elle de répondre à quelques questions?
Le sénateur Hubley : Certainement.
Le sénateur Nolin : Permettez-moi, pour commencer, d'aborder la question du stockage. Madame le sénateur pense-t-elle que le mot « posséder », qui figure au paragraphe b) de l'article 6, dans l'expression « de mettre au point, de fabriquer, d'acquérir ou de posséder des armes à sous-munitions », s'applique aux stocks?
Le sénateur Hubley : À quelle page cela se trouve-t-il?
Le sénateur Nolin : À la page 4.
Le sénateur Hubley : S'agit-il du projet de loi S-10 ou de la convention comme telle?
Le sénateur Nolin : Cela se trouve dans le projet de loi S-10.
Le sénateur Hubley : Je suis à la page 4. Le sénateur Nolin peut-il m'indiquer où cela se trouve?
Le sénateur Nolin : C'est à la 10e ligne.
Le stockage suppose la possession des armes, qui est interdite en vertu de ce paragraphe, d'où ma question. Si la possession des armes est interdite, il est impossible de les stocker. Madame le sénateur est- elle de mon avis?
Le sénateur Hubley : Je comprends où le sénateur veut en venir, mais je ne suis pas tout à fait de son avis. Dans cette disposition précise, nous aurions voulu y inclure le mot « vendre » pour que ce soit plus précis. Certains stocks se trouvent dans des pays auxquels ils n'appartiennent pas. Cela n'est pas le cas au Canada. J'aimerais aussi que le mot « stocks » soit inclus dans cette disposition.
Le sénateur Nolin : J'ai une autre question au sujet de l'article 11 du projet de lois S-10 et de l'article 21 de la convention.
Plus précisément, je parle de l'alinéa 11(1)b), qui se trouve à la page 6 du projet de loi, à la ligne 25, où il est question de demander l'utilisation des armes. Passons ensuite à la page 29, la dernière page du projet de loi, à l'alinéa 4d) de l'article 21 de la convention.
L'honorable sénateur peut me corriger si je me trompe, mais les deux dispositions ne se contredisent pas; elles sont simplement différentes. Le traité interdit à un État de demander expressément l'emploi d'armes à sous-munitions dans les cas où le choix des munitions employées est sous son contrôle exclusif.
C'est ce qu'on trouve dans le traité; selon moi, les mots « contrôle exclusif » sont les deux mots clés.
Si l'on se réfère à l'article 11du projet de loi, on constate qu'on ne parle pas du contrôle exclusif exercé par le Canada. En fait, on dit essentiellement le contraire, car on peut lire : « [...] ne dépend pas exclusivement des Forces canadiennes ». Lorsque le sénateur affirme que l'article 11 contredit le paragraphe 4 de l'article 21, où est la contradiction au juste?
Le sénateur Hubley : J'ai de la difficulté à concilier les deux.
Je vais tenter de préciser comment on peut catégoriser les articles 6 et 11 du projet de loi S-10.
L'article 6 du projet de loi S-10 décrit les interdictions. L'article 11 comprend les exceptions, et c'est celui qui pose problème. Je crois que le sénateur m'a demandé de lire la ligne 25 de l'article 11, et de voir s'il y a effectivement une contradiction dans...
Le sénateur Nolin : Ce que je dis, c'est qu'il n'y a pas de contradiction, contrairement à ce que le sénateur a dit dans son allocution. Les deux articles ne parlent pas de la même chose. Dans le traité, il est question du contrôle exclusif exercé expressément par le Canada. Il n'y aurait pas d'exception si les armes à sous- munitions étaient sous le contrôle exclusif du Canada. L'exception dans l'article 11 du projet de loi s'applique aux armes à sous- munitions qui ne sont pas sous le contrôle exclusif des Forces canadiennes; il n'y a donc pas de contradiction.
Le sénateur Hubley : J'ai de la difficulté. La seule chose que je peux dire, c'est que, lorsque nous avons discuté des amendements, nous avons essayé de préciser l'article 11 un peu plus, peut-être même beaucoup plus.
La version du projet de loi que j'ai entre les mains est probablement différente de celle qu'a le sénateur, car je suis à l'article 12. Est-ce bien à cet article que le sénateur fait référence?
Le sénateur Nolin : Je suis à la page 6, aux lignes 25 à 29.
(1500)
Le sénateur Hubley : J'ai la même chose sous les yeux, sénateur. Je parlais plutôt de la convention même.
Le sénateur Nolin : Je parle pour ma part du projet de loi, plus précisément de la page 29 du projet de loi, où l'on trouve le paragraphe 4 de l'article 21.
Le sénateur Hubley : Page 29?
Le sénateur Nolin : Page 29, soit la dernière page du projet de loi.
Le sénateur Hubley : De toute évidence, nos documents ne sont pas pareils...
Le sénateur Nolin : Trouvez l'article 21, qui porte sur l'interopérabilité.
Le sénateur Hubley : Oui.
Le sénateur Nolin : Allez au paragraphe 4 de l'article 21.
Le sénateur Hubley : Oui.
Le sénateur Nolin : Trouvez l'alinéa d).
Le sénateur Hubley : Je l'ai.
Le sénateur Nolin : Lisez ces deux lignes.
Le sénateur Hubley : C'est fait.
Le sénateur Nolin : Ces lignes renvoient à quelque chose que l'article 11 du projet de loi ne prévoit pas.
Le sénateur Hubley : Cet alinéa ne renvoie à rien dans le projet de loi?
Le sénateur Nolin : Non, il n'est pas question de la même chose.
Le sénateur Hubley : Merci, sénateur. Je vais devoir prendre quelques instants pour me pencher sur la question, mais j'estime que les amendements étaient absolument nécessaires. Je prendrai le temps d'examiner la question de nouveau, mais je suis heureuse que le sénateur ait parlé de l'article 21, parce que ce sont ces quatre paragraphes ou ces quatre lignes qui forment les éléments essentiels des articles 6 et 11.
Tout ce que je dis, c'est qu'il y a peut-être un chevauchement, mais le sénateur affirme qu'il renvoyait à deux choses différentes. Je ne suis pas du même avis, mais je devrai examiner plus attentivement la question pour être en mesure de le lui expliquer.
Son Honneur le Président : Poursuivons-nous le débat?
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Je ne sais pas s'il reste du temps de parole au sénateur Hubley.
Son Honneur le Président : Non, il ne lui reste plus de temps.
Le sénateur Andreychuk : Je ne peux donc pas poser de questions.
Son Honneur le Président : Y a-t-il d'autres interventions? Le sénateur Hubley demande cinq minutes de plus. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Andreychuk : Je pourrais peut-être poser une question plus générale. L'amendement proposé par le sénateur donnerait cette responsabilité aux soldats, alors que, selon la convention, c'est l'État qui a la responsabilité de voir à ce que les soldats n'utilisent pas d'armes à sous-munitions. Je suis heureuse que le sénateur ait souligné que le Canada n'utilise pas ces armes et n'a jamais eu l'intention de le faire. Je crois que cette affirmation représente parfaitement la position des gouvernements précédents et du gouvernement actuel.
Toutefois, l'amendement ajoute aux responsabilités des soldats et du personnel militaire qui se trouvent sur le terrain des opérations, ce qui soulève la question de l'interopérabilité. Le sénateur dit qu'ils doivent mettre « tout en œuvre » pour décourager l'utilisation de ces armes. Comment peut-on évaluer que tout a été mis en œuvre? Est- ce à eux de le déterminer? D'une manière subjective ou objective? Le sénateur ne le précise pas dans l'amendement.
Ce qui m'inquiète, c'est que nous envoyons parfois nos soldats participer à des opérations militaires dont nous n'avons pas le commandement et le contrôle et où ils ne représentent qu'une partie des forces en place. Le sénateur leur demande de mettre tout en œuvre pour appliquer la convention, une responsabilité qui revient à l'État. Qu'est-ce qui lui fait croire qu'il s'agit d'une interprétation appropriée de la convention?
Le sénateur Hubley : Je ne suis pas d'accord avec l'évaluation que fait le sénateur Andreychuk. Nous nous sommes efforcés de ne pas donner cette responsabilité aux soldats, et je crois que nous y sommes parvenus. Nous tentons de présenter des amendements qui décriraient avec précision le genre de gestes qui doivent être posés dès le début d'un détachement, pour employer cette expression.
Ce n'est pas de cette façon que cela se passerait; nous ne déploierions pas quelques soldats au petit bonheur la chance. Ils devraient être commandés par quelqu'un. Je pense que j'ai été très claire dans mes discours. Si des soldats canadiens sont déployés, ils le sont toujours sous le commandement de nos commandants canadiens. Ils sont toujours sous contrôle canadien.
Les amendements que nous avons proposés visent à créer un protocole afin d'établir des règles d'engagement. Si nous voulons signer la Convention sur les armes à sous-munitions, c'est une condition sine qua non. Je suis persuadée que tout le monde sait que le Canada signera cette convention. Par conséquent, ces règles d'engagement vont de soi.
Cependant, nos commandants ont la responsabilité d'informer les autres corps militaires où nos soldats sont déployés et que nous sommes signataires de cette convention. Ce n'est pas tout. Cela signifie que nos soldats ne seront pas tenus ou ne recevront pas l'ordre d'utiliser des armes à sous-munitions ou de les transporter. Parce que le Canada est signataire, ils n'y sont pas contraints.
Les obligations positives nous donnent aussi la responsabilité d'aller plus loin, car nous voulons vraiment que cette arme disparaisse complètement de la circulation. Les Forces canadiennes ont la responsabilité d'aller plus loin et de dire : « Non seulement nous n'autoriserons pas nos soldats à participer aux opérations au cours desquelles des armes à sous-munitions sont utilisées, mais nous ferons appel à notre jugement et à notre pouvoir de persuasion pour inciter d'autres pays à ne pas les utiliser et à les encourager à devenir eux aussi des États signataires de la convention. »
Le sénateur Andreychuk : Le sénateur dit que les soldats auront des responsabilités supplémentaires. Je comprends sont point de vue, mais je ne le partage pas.
Qu'en est-il des rapports annuels? La convention prévoit un mécanisme de déclaration qui établit la responsabilité de l'État de produire ces rapports. Le sénateur demande maintenant que le gouvernement présente un autre rapport au Parlement, dans lequel il documentera toutes ses activités diplomatiques visant à persuader d'autres pays à devenir signataires.
Je vais l'étudier, mais je crois que l'amendement du sénateur viole peut-être d'autres conventions dont nous sommes signataires. Madame le sénateur y a-t-elle songé?
Le sénateur Hubley : J'ai effectivement envisagé tous ces éléments. J'aimerais dire que, si ce n'était de l'article 11, la production de rapports serait peut-être de nature plus générale, dans le cadre des activités militaires, par exemple.
Toutefois, en raison des nombreuses exceptions devant lesquelles nous nous trouvons maintenant et parce qu'on accorde tellement de latitude à nos militaires au sujet de l'utilisation des armes à sous- munitions, c'est à nous qu'il revient, si telle doit être notre loi, de demander très sérieusement au gouvernement de nous présenter un rapport annuel, simplement pour que nous sachions ce qui arrive et ce qui va arriver à nos commandants et à nos soldats sur le terrain.
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, la Convention sur les armes à sous-munitions est un document d'une grande sagesse qui correspond assez bien à l'objectif de notre pays — ce que le gouvernement a largement prouvé — de limiter l'utilisation d'armes inappropriées, qui causent à des populations civiles des torts indus allant au-delà des besoins d'une opération militaire. Pour cette raison, il est fort à propos et opportun que nous adoptions cette mesure législative afin de mettre en œuvre une convention que nous avons signée.
Toutefois, à la lumière des amendements présentés par le sénateur Hubley, il semble y avoir dans cette mesure législative une rupture fondamentale par rapport à l'esprit de la convention et aux obligations qu'elle contient. Cette rupture tient au fait que des témoins experts, militaires et civils, nous ont dit que cette mesure législative allait au-delà de l'esprit ultime de la convention. La mesure crée une situation où ceux qui doivent appliquer la convention sur le terrain — pas seulement ceux qui prennent des décisions politiques, déploient les militaires et leur donnent un mandat, mais aussi ceux qui sont présents sur le terrain — sont aux prises avec un dilemme éthique insoutenable.
(1510)
Ce dilemme éthique insoutenable vient du fait que nous voulons que nos militaires soient déployés légalement, et dans le respect du droit criminel, bien sûr. Ainsi, les militaires sont responsables et pourraient être poursuivis selon les lois pénales s'ils ne respectent pas la convention. Nous tentons de prévoir les situations où des militaires participeront à des opérations conjointes et interarmées, parfois aux côtés de nations susceptibles d'utiliser des armes à sous- munitions.
En 2006, on m'a demandé si j'étais intéressé à faire partie du groupe de trois personnes à qui la Commission des droits de la personne avait demandé d'enquêter sur l'opération menée dans la bande de Gaza, afin de déterminer si des crimes contre l'humanité avaient été commis. J'ai fini par refuser, car nous allions enquêter uniquement sur les Israéliens, et non sur le Hamas, mais les forces israéliennes avaient utilisé des armes à sous-munitions dans des régions urbaines.
Nous avons constaté, très récemment en fait, que la Syrie, qui est finalement un État plutôt délinquant, a utilisé des armes à sous- munitions dans une zone scolaire, un milieu urbain où habitent des civils. Par conséquent, nous disposons d'assez de preuves montrant que ces armes causent des problèmes qui suscitent chez nous un grand malaise et qu'elles créent aussi des problèmes pour nos alliés. La grande majorité de nos alliés ont signé cette convention, et en fait, ceux avec qui nous collaborons le plus, comme les Anglais et les Français, l'ont signée eux aussi, mais les Américains, eux, ne l'ont pas signée.
Honorables sénateurs, en vertu de l'article 21 de la convention et de l'article 11 du projet de loi, dont nous essayons de préciser le libellé, il n'est pas interdit de participer à une opération avec un pays qui risque d'utiliser des armes à sous-munitions. C'est une chose. Cependant, qu'en est-il des personnes qui sont détachées auprès d'un tel pays? S'ils sont sous le commandement des forces du pays en question, ils risquent de se trouver dans une situation où ils enfreignent la convention et même notre propre loi, si ce n'était du fait que nous avons prévu une échappatoire. Quiconque est en détachement peut ordonner l'utilisation d'armes à sous-munitions, déplacer celles-ci d'un endroit à l'autre et ordonner à d'autres de s'en servir sans être criminellement responsable.
Honorables sénateurs, c'est contradictoire, car l'État affirme vouloir interdire l'utilisation de ces armes. C'est d'ailleurs plutôt intéressant, car on peut lire, à l'article 6 :
[...] il est interdit à toute personne :
a) d'utiliser des armes à sous-munitions, des sous-munitions explosives ou des petites bombes explosives.
Pourtant, le paragraphe 11(1) dit ceci :
L'article 6 n'a pas pour effet d'interdire à la personne visée par le code de discipline militaire [...]
a) de diriger ou d'autoriser des activités pouvant comporter l'utilisation, l'acquisition, la possession [...]
L'alinéa 6f) dit qu'il est interdit à toute personne « d'aider ou d'encourager [...] ou de [...] conseiller [...] ». Par contraste, aux termes de l'alinéa 11(3)a), une personne en détachement peut faire de telles choses.
L'alinéa 6g) dit « comploter » pour utiliser une telle arme — or il est interdit de comploter. Passons maintenant à l'alinéa 11(1)b), qui dit « de demander expressément l'utilisation [...] de [...] sous- munitions »; cela est autorisé. Puis, l'alinéa 6h) dit qu'il est interdit de recevoir, d'aider ou d'assister une personne qui a commis un tel acte, alors que l'alinéa 11(1)c) n'interdit pas « [...] d'utiliser, d'acquérir ou de posséder [...] ».
Voilà qui pose problème, parce que, théoriquement, nous sommes censés ne jamais avoir recours aux armes à sous-munitions. Notre philosophie, notre entrainement, la formation du personnel militaire nous enseigne que rien ne nous autorise à utiliser des armes à sous- munitions, que cette expression ne doit même pas faire partie de notre vocabulaire et qu'elles ne font même pas partie de notre arsenal. Puis voilà qu'on dit que les soldats en détachement ont le droit de les utiliser.
Ils auraient le droit de les utiliser sous prétexte qu'un autre corps d'armée qui n'a pas signé le traité les utilise; ils auraient le droit de les utiliser, d'en faire l'acquisition, de les lancer, bref de les employer, sans jamais craindre d'en être tenus criminellement responsables. Toutefois, qu'en est-il de l'éthique et de la morale? On s'en fiche. L'État interdit l'utilisation de ces bombes, mais il dit du même souffle que les soldats en détachement peuvent les utiliser.
Les principes éthiques et moraux qui sous-tendent cette dichotomie sont complètement absurdes. Comment peut-on former, entraîner des officiers, pour donner un exemple au hasard, et leur inculquer la moindre éthique en leur faisant entrer dans la tête que la seule perspective d'utiliser des armes à sous-munitions doit leur répugner, pour leur dire aussitôt que, s'ils travaillent pour quelqu'un d'autre, cela change tout. Ils peuvent les utiliser parce qu'ils sont alors en détachement, ce qui fait qu'on ne peut les en tenir criminellement responsables.
L'odieux de l'affaire, avec les lois comme celle-là, revient alors au commandant en poste qui est détaché sur le terrain. On lui dit non pas qu'il va aller en prison, mais bien qu'il doit aller à l'encontre de tout ce qu'il a appris, à savoir que les armes à sous-munitions étaient à proscrire et que la seule perspective de les utiliser devait lui répugner sachant que 98 p. 100 des victimes seront des civils, qu'il va très certainement tuer des civils et que ce type d'arme est complètement inefficace contre les menaces qui caractérisent les conflits de notre époque. Pourtant, il n'a rien à craindre, puisque c'est légal, donc acceptable.
Nous protégeons les gens sur le plan juridique, mais nous leur imposons un dilemme moral et éthique avec lequel ils auront à composer toute leur vie parce que ce sont eux qui donnent les ordres et qui voient les corps que les armes à sous-munitions lancées sur leur ordre auront déchiquetés.
Honorables sénateurs, quelque chose ne va pas. Je ne peux pas admettre qu'une décision soit nécessairement acceptable sur le plan éthique et moral parce qu'elle l'est sur le plan juridique. Il y a deux semaines, j'ai prononcé une allocution devant 300 juges de la Cour supérieure du Québec et nous avons débattu précisément de cette question. Les juges ont dit qu'ils sont parfois contraints par l'aspect légal d'un acte. Parfois, ils savent en leur for intérieur qu'il est inacceptable sur le plan éthique ou moral, mais qu'il est parfaitement légal.
Il faut trouver le moyen de ne pas imposer une telle chose à ceux qui sont sur le terrain et qui doivent vivre avec les conséquences des décisions qu'ils prennent, car, au bout du compte, c'est le commandant qui donne l'ordre d'utiliser des armes à sous- munitions. C'est lui qui verra les corps et qui devra rendre des comptes. Les journalistes lui mettront le micro sous le nez et lui diront : « À propos, vous savez que c'est vous qui avez fait ça. » Il est fondamentalement inacceptable que nous lui fassions porter la responsabilité de la situation alors que nous, au Parlement, nous disons que ses actes sont légaux, qu'il est protégé et qu'il n'ira pas en prison. Nous le protégeons sur le plan juridique, mais, en fait, nous le détruisons sur le plan moral et éthique.
J'aurais pu servir cet argument à 30 000 Rwandais lorsque j'ai reçu l'ordre d'abandonner le Rwanda. Le secrétaire général m'avait formellement donné l'ordre d'abandonner ce pays. J'ai refusé d'obéir à cet ordre parce qu'il était immoral. Si nous avions abandonné cette mission, les 30 000 Rwandais qui étaient sous notre protection auraient été massacrés en quelques heures. Un pays avait déjà fait ce choix. Il s'était retiré, et 4 000 personnes ont été tuées en moins de trois heures.
(1520)
Je ne comprends pas pourquoi nous disons que nous essayons d'éviter la pression et la complexité associées à l'application d'une convention comme celle-ci. Nous voulons protéger nos militaires sur le terrain en affirmant que le Canada refuse d'utiliser de telles armes; pourtant, nous leur disons aussi qu'ils peuvent les utiliser sans problème s'ils sont détachés à tel ou tel endroit.
L'argument qu'on nous sert est que nous avons besoin d'une telle disposition lorsque nos militaires sont en détachement, et particulièrement lorsqu'ils sont détachés avec les États-Unis, puisque, la plupart du temps, c'est avec les forces armées de ce pays que nos militaires détachés travaillent. Si un militaire canadien est détaché dans l'armée britannique ou l'armée française, il n'y a pas de problème puisque le Royaume-Uni et la France ont déjà indiqué qu'ils n'utiliseraient pas ces armes. Par contre, les États- Unis en ont dans leurs stocks. Alors, on nous dit qu'il faut préserver l'interopérabilité lorsque nos militaires sont détachés avec les forces armées des États-Unis. Cet argument n'est que de la foutaise.
L'enjeu du débat n'est pas l'interopérabilité. Il s'agit de savoir si nous pouvons, oui ou non, fournir à un autre pays du personnel militaire canadien qui y sera détaché pour participer à des opérations. Des officiers canadiens sont allés en Irak. Nous n'avons pas pris part à la guerre en Irak, mais des officiers canadiens y sont allés. Nous en avons aussi envoyés en Afghanistan avec les forces spéciales des États-Unis et dans d'autres unités du genre. Lorsque nous détachons des militaires, rien ne nous empêche de prévenir l'autre pays que les règles d'engagement applicables aux militaires détachés leur interdiront, une fois qu'ils seront déployés pour des opérations, d'ordonner l'utilisation d'armes à sous- munitions. Cela n'a absolument aucune incidence sur l'interopérabilité. Il y aura toutefois une restriction, et les États- Unis pourraient dire : « Étant donné que nous tenons à utiliser des armes à sous-munitions, nous n'aurons pas recours à telle ou telle personne. »
Pourtant, devant ce qui s'est passé il y a deux jours en Syrie, les États-Unis poussent des cris d'orfraie et affirment qu'ils sont à mille lieues de vouloir imiter les barbares syriens condamnés pour leur utilisation des armes à sous-munitions. Les gens que nous essayons de rassurer sur l'interopérabilité sont en train de nous dire, de toute manière, qu'ils n'ont pas l'intention d'utiliser les armes à sous- munitions.
Y aura-t-il vraiment un problème d'interopérabilité? Premièrement, l'interopérabilité n'est pas vraiment l'enjeu du débat. Deuxièmement, le pays avec lequel nous voulons collaborer en y détachant des militaires que nous souhaitons protéger nous dit qu'il n'utilisera pas les armes à sous-munitions ou qu'il est très peu probable qu'il les utilise.
Pourquoi bafouer l'esprit et l'objectif de cette convention, qui est remarquable et dont nous avons dirigé l'élaboration? En fait, nous sommes à l'origine du mouvement en faveur de cette convention. Bon sang, nous avons presque rédigé la convention d'un bout à l'autre et, maintenant, alors que nous tentons de la mettre en application, nous sommes en train de miner notre propre crédibilité. Nous avons l'air de tenir un double langage. Nous disons : « Non, nous n'utiliserons pas ces armes. Toutefois, si des militaires de notre armée participent à des opérations, nous allons les laisser les utiliser. » Est-ce que cela est censé nous donner la douce et vague impression que nous respectons l'esprit — pas seulement la lettre, mais aussi l'esprit — de la convention?
Je soutiens que les amendements proposés par le sénateur Hubley nous permettent de couvrir nos arrières. Ils ne mettent pas en danger notre interopérabilité de quelque façon ou sous quelque forme que ce soit.
Puis-je avoir cinq minutes de plus?
Son Honneur le Président : Est-ce d'accord?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Dallaire : Merci.
Il n'y a pas de problème d'interopérabilité. Il s'agit d'un faux argument. Toutefois, notre réputation à l'échelle internationale sera ternie si nous n'adoptons pas ces amendements. En effet, nous seront vus comme un pays qui ne peut pas vraiment mettre en œuvre, pour le bien-être de sa propre population, une convention que nous avons rédigée et à laquelle nous prétendons souscrire. Or, nous sommes tout à fait prêts à mettre nos concitoyens en danger.
Peut-être dans le but de reconnaître in extremis les dichotomies prévues à l'article 11 et l'incohérence absolue qui existe entre les articles 6 et 11 et l'esprit général de la convention, on a imaginé qu'il conviendrait peut-être d'ajouter un paragraphe. Si les honorables sénateurs s'en souviennent bien, il s'agit du paragraphe qui figure à la page 7(ii)(5), où on parle d'une personne qui participe à des activités dans le cadre d'une coopération militaire ou d'opérations militaires combinées.
Nous parlons ici des commandants, comme le général Bouchard. Ils ont demandé que le général Leslie assume le commandement au Congo. Ces demandes sont présentées continuellement. Un contre- amiral de la Marine royale canadienne occupait les fonctions de commandant adjoint de l'exercice RIMPAC. Ils veulent profiter de nos capacités
Nous disons donc : « En passant, si nos officiers généraux participent à telle ou telle activité, ils ne peuvent pas empêcher un État non signataire d'utiliser ces munitions. Ils n'y sont pas autorisés. Cependant, dans l'esprit de la convention et dans un souci de continuité du cadre logique, éthique et moral dans lequel nous les avons formés et entraînés, nous voulons qu'ils fassent le maximum. »
Lorsqu'un commandant se fait dire de « faire le maximum », il comprend très bien ce qu'on attend de lui : tout faire, hormis donner des ordres. Il peut donc harceler et sermonner ses subordonnés ad nauseam et leur rebattre sans cesse les oreilles pour leur faire prendre conscience que ce n'est pas la seule solution et qu'il existe d'autres armes. Il peut insister pour qu'ils envisagent d'autres options. Il peut faire tout cela. « Faire le maximum » veut dire quelque chose de très précis pour les militaires. L'idée n'est pas d'ordonner, mais d'influencer.
Afin de couvrir un peu nos arrières si nous devions accepter l'article 11, nous avons donc ajouté ce paragraphe pour, au moins, laisser au commandant, qui devra assumer la responsabilité ultime de ses actes, le moyen de défendre malgré tout l'esprit de notre doctrine selon laquelle les armes à sous-munitions sont répugnantes et de signifier qu'il ne souscrira jamais à leur utilisation et ne l'approuvera en aucun temps, sans pour autant être autorisé à ordonner à ses subalternes de ne pas utiliser ces munitions. Merci beaucoup.
(Sur la motion du sénateur Fortin-Duplessis, le débat est ajourné.)
Énergie, environnement et ressources naturelles
Autorisation au comité d'étudier l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures
Permission ayant été accordée de revenir à l'article no 123, sous la rubrique Motions :
L'honorable Richard Neufeld, conformément à l'avis donné le 27 novembre 2012, propose :
Que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à examiner l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada, et à faire rapport à ce sujet, c'est-à- dire :
Examiner le cycle de vie des pipelines servant au transport des hydrocarbures dans tout le Canada, notamment leur conception, leur construction, leur exploitation, les interventions en cas de déversement et leur abandon;
Examiner les responsabilités fédérales, provinciales et territoriales concernant la surveillance des pipelines d'hydrocarbure, notamment les lois et règlements à ce sujet, les normes, les systèmes de gestion de l'intégrité, les activités de surveillance, d'application de la loi et de vérification, et les plans d'intervention d'urgence;
Examiner comment le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires se partagent la responsabilité de veiller à la sécurité du transport des produits d'hydrocarbures par navires pétroliers, notamment les lois et règlements à ce sujet, les normes, les mesures d'inspection et d'application de la loi, les systèmes de gestion des risques et les plans d'intervention d'urgence;
Examiner comment le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires se partagent la responsabilité de veiller à la sécurité du transport ferroviaire des produits d'hydrocarbures, notamment les lois et règlements à ce sujet, les normes, les mesures d'inspection et d'application de la loi, les systèmes de gestion des risques et les plans d'intervention d'urgence;
Examiner et comparer les régimes de réglementation, les normes et les pratiques exemplaires appliqués au Canada et à l'étranger en ce qui concerne le transport sécuritaire des hydrocarbures au moyen des pipelines, des navires pétroliers et des trains;
Recommander des mesures précises pour améliorer la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada;
Que le comité présente son rapport final au plus tard le 30 juin 2013 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(1530)
Le Code canadien du travail
La Loi sur l'assurance-emploi
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Nicole Eaton propose que le projet de loi C-44, Loi modifiant le Code canadien du travail et la Loi sur l'assurance- emploi en modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu et le Règlement de l'impôt sur le revenu en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, c'est un honneur d'intervenir pour parler de la Loi visant à aider les familles dans le besoin et de contribuer à l'adoption du projet de loi par le Sénat.
Ce projet de loi est l'initiative la plus récente du gouvernement pour aider les travailleurs canadiens et leurs familles. Trois modifications principales permettent d'atteindre cet objectif : la création d'une prestation d'assurance-emploi spéciale pour les parents d'enfants malades ou blessés; un accès plus facile aux prestations de maladie pour les parents; et, enfin, une protection des emplois en vertu du Code canadien du travail qui est harmonisée aux prestations actuelles d'assurance-emploi, ainsi qu'aux nouvelles prestations.
[Français]
Ce projet de loi respecte notre engagement électoral de 2011 qui consistait à offrir un soutien au revenu des familles canadiennes au moment où elles en ont le plus besoin.
[Traduction]
Nous pouvons tous compatir avec une mère ou un père qui est atteint d'une maladie pendant qu'elle ou qu'il prend soin de son bébé. La plupart d'entre nous peuvent à peine imaginer ce que ressent le parent d'un enfant gravement malade ou l'angoisse et la peine que vit un parent dont la fille ou le fils a été assassiné ou est disparu.
Nous sommes de tout cœur avec ces parents.
[Français]
Étant moi-même mère, je sais que, peu importe l'emploi que nous occupons ou les titres que nous portons, lorsqu'une tragédie nous frappe, notre priorité absolue est toujours de nous occuper de notre famille. Tout le reste a alors moins d'importance.
[Traduction]
C'est pourquoi le bien-être des familles est une priorité pour le gouvernement. La Loi visant à aider les familles dans le besoin vise d'abord à rendre les prestations de maladie de l'assurance-emploi plus facilement accessibles aux parents.
[Français]
À l'heure actuelle, pour se qualifier pour des prestations de maladie de l'assurance-emploi, un individu doit être disponible pour occuper un emploi. Un parent qui reçoit des prestations parentales ne peut occuper un emploi durant la période où il reçoit ces prestations. Donc, si un parent tombe malade pendant qu'il reçoit ces prestations parentales, il est inadmissible à des prestations de maladie.
[Traduction]
En vertu des nouvelles règles, si un parent tombe malade, il peut suspendre sa prestation parentale et demander jusqu'à 15 semaines de prestations de maladie. Une fois rétabli, ou lorsque les prestations se terminent, il peut toucher le reste de sa prestation parentale.
Permettez-moi de vous donner un exemple concret. Alice est une mère de famille monoparentale. Elle a donné naissance à un beau garçon en pleine santé. Elle demande ses 15 semaines de prestations de maternité, puis ses 35 semaines de prestations parentales.
Pendant sa 33e semaine de prestations parentales, Alice contracte une méningite, une maladie très grave, et il lui faut plusieurs semaines avant de s'en remettre. Selon les règles actuelles, Alice n'a pas droit aux prestations maladies, car elle reçoit des prestations parentales, et n'est donc pas disponible pour travailler. Nous trouvons cela injuste. Voilà pourquoi nous modifions les règles, afin que des personnes comme Alice aient droit aux prestations de maladie. Grâce aux modifications proposées, Alice pourra suspendre ses prestations parentales, demander des prestations de maladie jusqu'à concurrence de 15 semaines, puis recommencer à recevoir ses deux dernières semaines de prestation parentale.
[Français]
Permettez-moi maintenant de vous parler d'une situation terrible à laquelle un parent ne devrait jamais avoir à faire face, à savoir celle où un de ses enfants tombe gravement malade ou subit une très sérieuse blessure.
[Traduction]
Pour bien des familles canadiennes, il s'agit d'une des pires épreuves qu'elles auront à affronter. Le gouvernement prend des mesures pour leur rendre la vie un peu plus facile pendant qu'elles traversent cette période difficile. Dans la deuxième partie du projet de loi C-44, la nouvelle prestation spéciale d'assurance-emploi nous permet de renforcer le soutien aux familles qui ont un enfant gravement malade ou blessé, afin que les parents qui vivent une situation de ce genre ne soient pas exposés à des difficultés financières inutiles à un moment pareil.
[Français]
Cette nouvelle prestation d'assurance-emploi offrira un soutien du revenu temporaire pour une période allant jusqu'à 35 semaines aux parents admissibles, et ceux-ci pourront se le partager. Il s'agit d'un ajout aux six semaines de prestations de compassion auxquelles les parents peuvent aussi être admissibles si une maladie grave risque de causer le décès de leur enfant.
[Traduction]
Sharon Ruth aurait pu profiter de ces changements. Sa fille, Colleen, avait six ans lorsqu'on lui a diagnostiqué un cancer. Comme la maladie ne menaçait pas la vie de Colleen à court terme, sa famille n'a même pas pu être admissible à des prestations de compassion.
La famille Ruth n'a pas obtenu l'aide dont elle avait tant besoin. Cette nouvelle prestation d'assurance-emploi permettra à des familles comme les Ruth de présenter une demande afin d'obtenir jusqu'à 35 semaines de soutien du revenu. Cette mesure aidera les parents à s'occuper de leurs enfants et leur permettra d'être avec eux en tout temps pendant qu'ils sont gravement malades ou se remettent d'une blessure.
Heureusement, Colleen a gagné son combat contre le cancer et est maintenant une jeune femme en bonne santé, mais sa famille aurait apprécié l'aide prévue dans ce projet de loi.
La mère de Colleen, Sharon, a livré un vibrant témoignage sur la nécessité d'adopter rapidement cette mesure législative afin que d'autres familles n'aient pas à se démener comme la sienne l'a fait pour aider son enfant gravement malade.
Les enfants atteints d'une maladie mortelle n'ont pas seulement besoin de soins constants pour guérir. Ils ont aussi besoin de l'amour, du réconfort et de l'aide de leurs parents.
[Français]
Cette nouvelle prestation aidera à réduire certaines des pressions financières que subissent les parents lorsqu'ils s'absentent du travail pour s'occuper de leur famille.
[Traduction]
La troisième disposition de ce projet de loi porte sur une autre situation inimaginable pour les parents canadiens, soit la mort ou la disparition de leur enfant en raison d'un acte criminel probable. Les amendements sont fondés sur l'annonce du premier ministre Harper, en avril 2012, d'une nouvelle subvention offrant jusqu'à 35 semaines de soutien du revenu aux parents d'enfants portés disparus ou assassinés à la suite d'une infraction probable au Code criminel afin de les aider à traverser cette période difficile. Nous avons décidé d'offrir ce soutien au revenu sous forme de subvention plutôt que par l'entremise du système d'assurance-emploi, afin que le petit nombre de personnes visées par ce programme reçoivent rapidement de l'aide lorsqu'elles en ont le plus besoin.
[Français]
Je sais que nous sommes nombreux, dans cette enceinte, à être conscients de tout le travail que notre collègue, le sénateur Boisvenu, a consacré à ce dossier, et de l'aspect plus personnel que présente pour lui cette mesure. Je crois qu'il est beaucoup mieux placé que moi pour expliquer ce que c'est que de vivre une telle situation.
[Traduction]
J'aimerais ajouter que nous avons délibérément voulu parler d'infraction « probable » au Code criminel. Cette tournure nous permettra d'éviter toute confusion possible découlant de la nécessité de déterminer si une infraction au Code criminel a réellement eu lieu.
Les familles qui doivent composer avec la maladie ou la disparation d'un enfant éprouvent déjà un stress et une douleur incroyables, et elles ne devraient pas se soucier de leur sécurité d'emploi pendant qu'elles s'occupent de leur enfant ou pleurent la mort d'un enfant.
[Français]
Alors la troisième mesure de ce projet de loi, nous apportons aussi à l'intention de ces parents des modifications au Code canadien du travail afin de protéger les emplois des personnes qui travaillent dans les industries réglementées par le gouvernement fédéral.
[Traduction]
Le Code canadien du travail s'applique à quelque 128 000 milieux de travail et touche plus d'un million de Canadiens dans l'ensemble du pays qui travaillent pour des sociétés d'État et dans les domaines du transport, des communications et des banques. La Loi visant à aider les familles dans le besoin vient modifier la partie III du Code du travail afin de protéger l'emploi d'une personne qui prend un congé non payé, dans certaines circonstances.
Plus précisément, le poste des parents d'un enfant gravement malade sera protégé pendant un maximum de 37 semaines. Pour ce qui est des situations découlant d'une infraction probable, les parents d'un enfant porté disparu peuvent compter sur la protection de leur emploi pendant un maximum de 52 semaines, alors que les parents d'un enfant assassiné verront leur emploi protégé pendant un maximum de 104 semaines.
(1540)
Ces mesures de protection des emplois sont semblables aux prestations d'assurance-emploi mentionnées plus tôt, mais elles en sont distinctes. Ces deux systèmes ont été conçus pour s'harmoniser et se compléter.
[Français]
Honorables sénateurs, ces mesures représentent la ferme réalisation des promesses de notre gouvernement. Nous sommes résolus à améliorer la qualité de vie des familles de travailleurs dans ce pays.
[Traduction]
Comme l'a déclaré Dan Demers, de la Société canadienne du cancer :
Ces programmes viendront renforcer les familles canadiennes et leur procurer la souplesse et la sécurité dont elles ont besoin pour assurer un semblant de normalité dans une période extrêmement difficile.
Ces mesures montrent, une fois de plus, que notre gouvernement aide les parents canadiens à trouver un juste équilibre entre leur travail et leurs responsabilités familiales.
[Français]
Honorables sénateurs, je vous recommande vivement d'appuyer ce projet de loi. Merci.
(Sur la motion du sénateur Cordy, le débat est ajourné.)
[Traduction]
La Loi sur la protection des pêches côtières
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Segal, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières.
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'avais espéré que nous pourrions entendre le sénateur Runciman aujourd'hui, mais il semble que nous ne nous rendrons pas jusqu'au projet de loi sur le jeu. Quand ce débat aura lieu, j'aimerais qu'il soit ajourné à mon nom.
Nous pouvons toutefois passer à l'étude de ce projet de loi-ci, et le faire sans tarder. Je parle, bien entendu, du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières. Le comité souhaite entendre le ministre mardi, et il souhaiterait donc que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.
Le sénateur Michael L. MacDonald a livré un excellent discours lorsqu'il a proposé la deuxième lecture de ce projet de loi. Honorables sénateurs, il est impératif d'étudier cette mesure législative de façon urgente, car elle permettra enfin au Canada de sévir contre ceux qui s'adonnent à des activités de pêche illicites, non déclarées et non réglementées sur les côtes du Canada. C'est une mesure législative très importante. Je vais en parler brièvement.
Il y a un instant, j'y ai jeté un coup d'œil et, à mon avis, il y a une chose qui doit être corrigée. J'ai remarqué que, tout au long du projet de loi, il est indiqué qu'il faut disposer d'un mandat pour saisir des bateaux de pêche, vendre du poisson, saisir du poisson et emprisonner ceux qui exploitent illégalement des bateaux de pêche étrangers sur les côtes du Canada.
Permettez-moi de lire le paragraphe 7.4(2) du projet de loi :
Sur demande ex parte, un juge...
...l'article 2 du Code criminel définit ce qu'est un juge. Comme les sénateurs le savent, selon cette définition, un juge est un juge de paix ou un juge d'une cour provinciale.
Il en est question tout au long de cette mesure législative bien nécessaire, sauf dans une partie. Je vais lire la partie qui devrait vraiment être corrigée. Je crois que c'est une erreur qui a été commise par le ministère de la Justice du Canada. Les rédacteurs du projet de loi ont peut-être reçu des directives incomplètes. Quoi qu'il en soit, je vais lire le paragraphe 7.4(2) :
Sur demande ex parte, le juge de paix peut décerner un mandat autorisant [...] le garde-pêche à entrer dans un local d'habitation [...].
Comme les sénateurs le savent, pour obtenir un mandat en vue d'entrer chez les gens, il faut s'adresser à devant une instance judiciaire, un juge qui examine les renseignements présentés sous serment à l'appui de la demande de mandat qui doit être fondée sur des motifs raisonnables. Chacun est maître chez lui. Nous ne pouvons pas autoriser les personnes qui n'ont pas de formation juridique à délivrer des mandats.
Je le souligne, car ce projet de loi prévoit que seul un juge de paix peut délivrer un mandat. Le garde-pêche ne peut pas s'adresser à un juge d'une cour provinciale ou de la cour supérieure; il doit s'adresser à un juge de paix. Cette disposition est peut-être applicable en Nouvelle-Écosse, où certains juges de paix ont une formation juridique. Il y a trois divisions et chaque province possède sa propre loi sur les juges de paix.
À Terre-Neuve-et-Labrador, où se trouve la majeure partie du littoral, les juges de paix n'ont pas besoin de suivre une formation juridique. N'importe qui peut postuler. Si la personne a une bonne réputation et ne possède pas de casier judiciaire, sa candidature sera prise en considération et elle pourrait être nommée juge de paix.
Je ne dis pas que les personnes sans formation juridique ne sont pas aptes à décider s'il faut faire une perquisition dans une maison au milieu de la nuit pour récupérer des documents. Or, le problème, c'est que, de plus en plus souvent, lorsqu'un juge de paix délivre un mandat sans avoir des « motifs raisonnables de croire », tout ce qui a été saisi sera exclu du procès et les accusations seront retirées. C'est ce qui arrive si le mandat a été délivré pour des motifs insuffisants ou si le juge de paix n'a pas compris les dispositions de la loi régissant l'exécution des mandats autorisant une perquisition au domicile d'une personne. Si une erreur est commise, tout ce qui est saisi ne sera pas pris en considération lors du procès.
Je suggère fortement que la disposition du projet de loi autorisant le garde-pêche à entrer dans un local d'habitation au Canada en vue de recueillir des renseignements concernant un bateau de pêche étranger qui a enfreint la loi, soit amendée, afin que, à l'instar des autres dispositions du projet de loi, le mandat soit délivré par un juge de paix, au sens de l'article 2 du Code criminel — c'est-à-dire un juge d'une cour provinciale.
J'estime que c'est le seul élément qu'il faut absolument amender.
Honorables sénateurs, il s'agit d'un projet de loi très important, parce que la pêche illégale au large du Canada nous prive de milliards de dollars — des milliards de dollars. Nous exportons 85 p. 100 du poisson pêché au large de la côte Est du Canada, ce qui représente 3,5 milliards de dollars. Or, il y a toujours de 20 à 30 navires-usines qui pêchent dans ce secteur.
Les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador n'ont pas le droit de pêcher de la morue pour en manger. Cela contrevient à la loi; il s'agit d'une infraction pénale. Par contre, les pêcheurs du Japon, de la Corée, de la Norvège, de la Russie, de l'Ukraine, de l'Union européenne, du Danemark ou de Cuba peuvent le faire parce qu'ils ont des quotas.
Lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité, j'aimerais bien que ce dernier passe rapidement en revue la question des quotas. Peu importe qui est au pouvoir, que ce soit les libéraux, les conservateurs ou les néo-démocrates, la situation perdure d'aussi loin que je m'en souvienne. J'étais secrétaire parlementaire lorsque nous avons instauré la zone des 200 milles en 1977. C'est moi qui ai dû en informer l'Union soviétique, comme on l'appelait à l'époque. On a alors assisté aux premiers balbutiements de la gestion des pêches, mais nous sommes le seul pays du monde qui permet à des flottes étrangères de venir piger dans ses bancs de poissons au large de ses côtes.
Permettez-moi de donner un exemple. Il n'y a pas actuellement de quotas pour la morue à Terre-Neuve-et-Labrador à cause du moratoire. Or, le moratoire a été levé pour les flottes étrangères.
(1550)
Honorables sénateurs, laissez-moi vous lire les contingents accordés pour la morue de la division 3M, qui désigne le Bonnet Flamand, une région du plateau continental canadien : Canada, 113 tonnes; Cuba, 522 tonnes; Danemark, 3 154 tonnes; Union européenne, 8 049 tonnes; Norvège, 1 305 tonnes; Fédération de Russie, 913 tonnes. Le total s'élève à 14 113 tonnes. Quel pourcentage des prises autorisées le Canada obtient-il? Il en obtient 0,8 p. 100, soit pas même 1 p. 100.
Je pourrais aussi parler du poisson rouge, qu'on nous sert sous le nom de sébaste. Dans ce cas, au moins, nous obtenons 42 p. 100 du contingent pêché au large de la côte est de Terre-Neuve, dans la division 3LNO.
Nous pêchons aussi la limande à queue jaune, ou sole. Ce que je remarque, et les membres du comité devraient poser des questions à ce sujet, c'est que, pour ce poisson, le tableau des contingents indique que, à la demande des États-Unis, le Canada transférera à ce pays 1 000 tonnes de son contingent de limandes à queue jaune pêchées dans la division 3LNO. J'ai découvert que cela s'est produit chaque année depuis 2010.
La même situation se produit dans le cas de la merluche blanche, qui ressemble à la morue. Nous recevons 294 tonnes sur 1 000. Dans le cas de la raie, ce magnifique poisson de l'océan, nous en recevons 1 167 tonnes sur le contingent total de 7 000 tonnes. Sur les 11 000 tonnes de flétan du Groenland, nous obtenons 1 700 tonnes. Il y a aussi le calmar, la crevette, et bien d'autres encore.
Le problème, c'est qu'un grand nombre de navires provenant de plusieurs pays étrangers pêchent juste à la limite de la zone des 200 milles, mais dans sa grande générosité, le Canada accepte que ces pays étrangers gèrent les stocks à l'intérieur et à l'extérieur de la zone des 200 milles. Alors ces pêcheurs étrangers pêchent aux extrémités des Grands Bancs et du Bonnet Flamand, et nous acceptons ces contingents et sommes témoins de ces infractions chaque année. Comme l'a indiqué le sénateur MacDonald dans son excellent exposé, ce projet de loi proposé par le gouvernement mettra en place des sanctions sévères.
Je recommande vivement à tous les sénateurs d'adopter ce projet de loi et j'en recommande vivement l'adoption à la Chambre des communes. Je félicite le gouvernement de l'avoir présenté et de veiller à y apporter les correctifs nécessaires que j'ai mentionnés.
Merci beaucoup.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Une voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur MacDonald, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.)
Projet de loi établissant une stratégie nationale concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC)
Quinzième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie—Débat
Le Sénat passe à l'étude du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (projet de loi S-204, Loi établissant une stratégie nationale concernant l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique (IVCC), avec une recommandation), présenté au Sénat le 22 novembre 2012.
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, les défenseurs du projet de loi S-204 semblent avoir laissé entendre que l'adoption de ce projet de loi se traduirait par l'accès immédiat au traitement chirurgical de l'IVCC au Canada. Il ne permet rien de tel. Le projet de loi formule plutôt la nécessité d'un essai clinique du traitement chirurgical de l'IVCC, qui serait piloté par un comité d'experts et mené au Canada. Honorables sénateurs, la réalisation d'un essai a déjà été approuvée et les travaux ont commencé à la demande des Instituts de recherche en santé du Canada et de la ministre de la Santé.
Le projet de loi énonce également la nécessité d'une stratégie nationale pour donner des conseils sur le recours au traitement chirurgical de l'IVCC chez les personnes atteintes de sclérose en plaques. Une telle stratégie ne pourra être élaborée qu'une fois que nous connaîtrons les résultats d'un essai clinique scientifique effectué en bonne et due forme. Les travaux pour cet essai clinique ont déjà commencé.
Pourquoi, honorables sénateurs, avons-nous besoin des essais cliniques pour renseigner les Canadiens sur cette intervention? À ce jour, personne ne sait si elle sert à traiter un problème médical à part entière, l'IVCC, qui n'a rien à voir avec la sclérose en plaques; s'il s'agit au contraire d'un facteur causal de la sclérose en plaques; si elle provoque un impressionnant effet placebo; ou si ses effets sont dus à d'autres conséquences de la chirurgie. Il faut répondre à ces questions, évaluer la valeur du traitement et déterminer s'il présente des risques avant de songer à une stratégie nationale et avant que les médecins puissent informer les patients atteints de sclérose en plaques, ou d'une autre maladie, des résultats que l'intervention pourrait avoir dans leur cas.
Enfin, l'expertise que les essais cliniques permettront de développer permettra aux médecins du Canada de déterminer le meilleur moyen de traiter les patients qui sont allés à l'étranger pour subir cette intervention et qui ont des complications depuis leur retour au Canada.
Je pourrais vous citer bon nombre de publications qui expriment de sérieuses réserves à propos du traitement de l'IVCC, mais je n'en retiendrai qu'une seule. Tout récemment, la FDA a publié une alerte et réclamé la tenue d'essais cliniques rigoureux. Comme rien, dans les essais menés à ce jour, ne permet de conclure que cette intervention assure un traitement efficace de la sclérose en plaques, la FDA préconise la tenue de recherches rigoureuses et ciblées afin d'évaluer le lien entre le traitement et la maladie. Avec d'autres pays, le Canada a justement décidé de lancer des essais cliniques rigoureux.
Pour toutes ces raisons, honorables sénateurs, le Sénat devrait rejeter ce projet de loi et lui préférer les étapes logiques énoncées dans la motion provenant des Instituts de recherche en santé du Canada et de la ministre de la Santé.
L'honorable Jane Cordy : Le sénateur disait que les essais cliniques étaient en cours. Quand les premiers patients ont-ils été recrutés?
Le sénateur Ogilvie : Honorables sénateurs, la ministre de la Santé et les Instituts de recherche en santé du Canada ont entrepris en 2012 de choisir qui réalisera les essais cliniques en sol canadien. Afin de faire le meilleur choix possible, les propositions, qui ont déjà été reçues, ont été évaluées par un groupe international de spécialistes. Le processus suit actuellement son cours afin que le centre choisi puisse commencer les essais.
Les sénateurs devraient savoir que cette intervention chirurgicale est à l'essai. Seuls les chirurgiens formés peuvent procéder à l'intervention. Je crois savoir que le centre d'essais forme actuellement les chirurgiens qui participeront à l'essai. Ensuite, il passera à l'étape suivante, qui consiste à poursuivre le processus d'essais mis en branle.
Le sénateur Cordy : Le chef des essais cliniques, le Dr Traboulsee, a déjà déclaré que les essais étaient censés...
Son Honneur le Président : Je suis désolé, honorables sénateurs, mais, comme il est 16 heures, je déclare que, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 18 octobre 2011, le Sénat s'ajourne au jeudi 29 novembre 2012, à 13 h 30.
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 29 novembre 2012, à 13 h 30.)