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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 41e Législature,
Volume 148, Numéro 166

Le mardi 28 mai 2013
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 28 mai 2013

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de commencer, j'aimerais attirer votre attention sur la présence à la tribune d'une délégation de la République hellénique, dirigée par Son Excellence Vangelis Meimarakis, Président du Parlement hellénique, accompagné de sa gracieuse épouse et de sa fille, ainsi que du distingué ambassadeur de la République hellénique au Canada.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Question de privilège

Préavis

L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, plus tôt aujourd'hui, conformément à l'article 13-4(1) du Règlement, j'ai donné préavis par écrit de mon intention de soulever, plus tard dans la journée, la question de privilège. Je donne maintenant préavis oral que je soulèverai la question de privilège concernant l'ingérence externe dans les affaires internes du Sénat et les préjudices que cela cause à la réputation et à l'intégrité du Sénat.

Je suis prêt à proposer une motion tendant à renvoyer cette question à un comité, conformément à l'article 13-7(1) du Règlement, si Son Honneur décide qu'il y a matière à question de privilège et qu'elle mérite d'être étudiée.

L'Université Dalhousie

La bourse d'études de la Black Business Initiative

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour partager une très bonne nouvelle. Il y a un mois, la Black Business Initiative, ou BBI, s'est associée à l'Université Dalhousie pour lancer une bourse d'études renouvelable de 10 000 $ destinée à des étudiants noirs inscrits à la maîtrise en administration des affaires, avec stage en entreprise, de l'école de gestion Rowe à Halifax.

Il s'agit d'un cours rigoureux, novateur et unique de perfectionnement professionnel en gestion des affaires d'une durée de 22 mois. Permettez-moi d'expliquer pourquoi l'initiative est si importante. Elle favorise et améliore la mobilité ascendante des étudiants de niveau postsecondaire et de ceux qui pourraient devenir les chefs d'entreprise canadiens de demain. La BBI est une initiative de développement des entreprises mise en œuvre dans toute la province ayant pour objectif de promouvoir la croissance des entreprises dirigées par la communauté noire de la Nouvelle-Écosse. Sa priorité est d'apprendre aux propriétaires d'entreprises noirs comment gérer leur entreprise, de la commercialisation à l'établissement du budget, en passant par l'obtention de financement. Elle fait de l'excellent travail. Son partenariat avec l'école de gestion Rowe de l'Université Dalhousie est une alliance naturelle.

Pour demander une bourse, il faut être domicilié dans la province depuis au moins 24 mois et exceller dans ses études, être un citoyen exemplaire et de bonne réputation et désirer apporter une contribution appréciable à la collectivité.

Michael Wyse, chef de la direction de la BBI et titulaire d'une maîtrise en administration des affaires de l'Université Dalhousie, a déclaré ce qui suit :

Nous sommes à la recherche de Néo-Écossais de race noire innovateurs, dynamiques et talentueux qui veulent vraiment exceller dans ce programme. Nous sommes très heureux d'appuyer, dans le cadre de la BBI, les Néo-Écossais de race noire désireux de poursuivre leurs études dans ce prestigieux programme d'études supérieures.

Honorables sénateurs, cette nouvelle bourse, remise à nos plus brillants jeunes leaders néo-écossais de descendance africaine, réitère l'engagement de l'Université Dalhousie à promouvoir la diversité et l'égalité. L'Université Dalhousie a d'ailleurs été nommée, une fois de plus cette année, un des meilleurs employeurs du Canada pour la diversité.

Peggy Cunningham, doyenne de la faculté de gestion, espère que ce nouveau partenariat avec la BBI créera des possibilités uniques pour les Néo-Écossais de race noire. Elle espère qu'il montrera aussi l'engagement général de l'Université Dalhousie en matière d'innovation, de diversité, d'éthique, d'action et de durabilité.

Ce n'est pas la première fois que l'Université Dalhousie crée des bourses visant à accroître la diversité et à aider les jeunes de race noire à faire des études supérieures et à surmonter les obstacles créés par le système et les difficultés financières. L'Université Dalhousie décerne d'autres

bourses pour les étudiants de race noire. Je pense, par exemple, à la bourse de début d'études de 15 000 $ pour les étudiants de race noire ou des Premières nations, à la bourse Dr. Calvin W. Ruck en travail social, en hommage à notre ancien collègue au Sénat, à la bourse Jeff D. & Martha Edwards pour les étudiants bermudiens et canadiens de race noire et, je suis fier de le mentionner, à la bourse du sénateur Donald Oliver pour les Canadiens de race noire des provinces de l'Atlantique.

Honorables sénateurs, Allan Shaw, conseiller pour le programme de MBA en résidence, estime que cette nouvelle bourse financée par la BBI permettra à un plus grand nombre de Néo-Écossais de race noire de se préparer à assumer des fonctions de leader dans la collectivité. En effet, la nouvelle bourse s'inscrit dans le mandat de la BBI d'améliorer les possibilités des jeunes Néo-Écossais de faire des études, d'aider les futurs dirigeants et d'assurer le développement communautaire et commercial.

Il s'agit d'une excellente initiative, et je félicite la Black Business Initiative et l'Université Dalhousie de leur engagement constant à l'égard de la communauté noire.

Le décès de Neil Reynolds
Le décès de Peter Worthington

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, au cours des 15 derniers jours, le Canada a perdu deux grands pionniers de la presse : Neil Reynolds et Peter Worthington.

Neil Reynolds est né en 1940 et il a commencé très jeune sa carrière dans les médias en livrant le Kingston Whig-Standard aux gens de la région de Kingston. Cette voie l'a amené à devenir rédacteur en chef de ce journal et de plusieurs autres journaux importants du Canada.

Moi qui habite à Saint John, au Nouveau-Brunswick, je me souviens particulièrement de la période où il était rédacteur, puis, plus tard, à la fin du XXe siècle, rédacteur en chef et éditeur du Telegraph-Journal et du Brunswick News. Il a complètement refondu de dernier et c'est notamment grâce à lui que cette publication est devenue le journal très respecté qu'on connaît aujourd'hui.

Neil Reynolds était un authentique gentleman. Il n'hésitait pas à susciter le débat par ses écrits. C'était un libertaire acharné et un ardent défenseur des libertés individuelles, notamment de la liberté d'expression et, par extension, de la liberté de la presse. Pendant une brève période, au cours des années 1980, il a mis de côté sa carrière de journaliste pour devenir le premier chef national à plein temps du Parti libertarien. N'ayant pas obtenu les résultats escomptés, heureusement, il est revenu au journalisme.

(1410)

Neil est décédé le dimanche 19 mai, à son domicile d'Ottawa, au terme de sa bataille contre le cancer. Il avait 72 ans.

Peter Worthington était de la même trempe. La vie a semblé dès le début vouloir faire de ce fils de général né en 1927, dans les casernes du Fort Osborne, à Winnipeg, un homme d'une grande résistance et d'une grande détermination.

D'un naturel intrépide, il a quitté le domicile dès l'adolescence pour essayer de se joindre à la marine marchande, mais on lui a rapidement fermé la porte, étant donné qu'il n'avait que 15 ans. Alors qu'il avait 17 ans, en 1944, sa mère a accepté de signer le formulaire de consentement pour qu'il puisse s'enrôler dans la marine. À 18 ans, il est devenu la personne la plus jeune et aussi la plus incompétente, pour reprendre ses propres mots, à accéder au grade de sous-lieutenant dans la Réserve de volontaires de la Marine royale du Canada. Quelques années plus tard, il est parti pour la guerre de Corée.

M. Worthington est devenu plus tard un journaliste estimé et tenace et a participé à la création de la chaîne Sun Media.

Peter Worthington a eu, lui aussi, une brève carrière politique. Il s'est présenté comme candidat indépendant dans la circonscription de Broadview-Greenwood, à Toronto, en 1982. Cependant, comme il n'a pas été élu, lui non plus, il est revenu au journalisme.

C'est en raison de la participation de M. Worthington à la guerre de Corée que j'ai eu l'honneur de le rencontrer au cours d'un pèlerinage dans ce pays, en 2003, alors qu'on soulignait le 50e anniversaire de cette guerre.

J'ai eu l'honneur d'assister aux funérailles de M. Worthington en compagnie de centaines de connaissances, d'amis et de membres de sa famille. Il est décédé le 12 mai, à l'âge de 86 ans.

Nous offrons nos condoléances et nos remerciements les plus sincères aux familles de Peter Worthington et de Neil Reynolds pour avoir partagé avec nous ces deux esprits doués et indépendants. Journalistes talentueux et habiles, ils n'avaient pas peur d'entreprendre de nouvelles choses. Ils ont fait rejaillir sur le monde de la presse écrite une dignité pratiquement inégalée, et ceux qui veulent faire carrière en journalisme seraient bien avisés de faire tout en leur pouvoir pour suivre les traces de ces deux messieurs remarquables.

Le décès de Peter Worthington

L'honorable Yonah Martin : Honorables sénateurs, durant l'Année des vétérans de la guerre de Corée, nous soulignons le 60e anniversaire de la signature de l'armistice et nous rendons hommage à tous ceux qui ont servi en Corée.

[Français]

Aujourd'hui, je prends la parole pour rendre hommage à un héros, le lieutenant Peter John Vickers Worthington — cofondateur et chroniqueur du Toronto Sun, vétéran de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre du Corée et fier membre du Princess Patricia's Canadian Light Infantry —, qui est décédé le 12 mai 2013.

[Traduction]

Peter était un journaliste chevronné qui avait toujours une bonne histoire à raconter sur l'une de ses nombreuses aventures. Son amour de l'aventure a commencé à un très jeune âge et a été inspiré en grande partie par son père, un ancien combattant ayant participé à deux guerres en Amérique centrale et ayant servi pendant la Première Guerre mondiale qui a connu une vie colorée et remplie d'aventures après être devenu orphelin à l'âge de 10 ans.

[Français]

Lorsqu'il était enfant, Peter enviait son père pour sa vie remplie d'aventures, tant et si bien qu'à 15 ans, il a quitté la maison pour s'enrôler dans l'armée. À 18 ans, il est devenu le plus jeune enseigne de vaisseau de première classe dans la Réserve de volontaires de la Marine royale du Canada.

[Traduction]

En 1950, Peter a combattu en Corée comme commandant de peloton, puis comme officier du renseignement d'un bataillon du Princess Patricia's Canadian Light Infantry. Quand la guerre a pris fin, Peter était prêt pour sa prochaine aventure. Il a étudié le journalisme à l'Université Carleton puis, après avoir obtenu son diplôme, il a été engagé comme reporter par le Toronto Telegram.

Peu de temps après, l'Union soviétique a envahi la Hongrie, et la guerre de Suez a éclaté. Lorsque la Force d'urgence des Nations Unies a été autorisée à aller à Gaza, Peter a demandé qu'on l'envoie là-bas pour qu'il puisse faire un reportage de première main. Il était tellement déterminé à s'y rendre qu'il a offert de prendre des vacances et de payer son voyage là-bas. Il se dévouait complètement à chacune de ses missions.

Peter avait 77 ans quand il s'est rendu en Afghanistan en 2004 à bord d'un avion de transport Hercules C-130, devenant ainsi de loin le journaliste canadien le plus âgé à accompagner les troupes en Asie du Sud. Je me contenterai de dire que Peter a été témoin de plus de conflits et a fait plus de reportages à ce sujet que presque tout autre reporter canadien de sa génération. Dans sa dernière chronique pour le Sun de Toronto, qui a été publiée le lendemain de son décès, Peter a écrit ceci :

[...] J'ai couvert la totalité des guerres, des crises et des révolutions majeures dans le monde. J'étais réticent à prendre des vacances de crainte de rater une crise à l'étranger.

[Français]

Peter était un homme au grand cœur, courageux et passionné, qui sera pleuré par son épouse Yvonne, sa famille, ses amis journalistes et ses compatriotes de la guerre de Corée.

[Traduction]

Bill Black, président de l'Unité 7 de l'Association canadienne des vétérans de la Corée, à Ottawa, qui était présent aux funérailles de Peter en compagnie de notre collègue, le sénateur Day, le 22 mai, nous a écrit ceci :

Ce fut un événement des plus mémorables. Si je n'avais pas connu la personne à laquelle nous rendions hommage, j'aurais certainement cru qu'il s'agissait d'un membre de la famille royale. D'une certaine manière, on peut dire que c'était tout comme, compte tenu de la vie intéressante et bien remplie qu'il a vécue et où il a affronté assez souvent le danger. De plus, il avait la réputation d'aider les opprimés. Il a par exemple aidé de nombreux anciens combattants pendant des années.

Lorsqu'on voit tout ce qu'il a accompli pendant les 70 années de sa vie adulte, on a envie de dire que c'est comme s'il avait vécu deux existences [...]

La cérémonie dégageait un tel faste et une telle grandeur qu'on avait l'impression d'être en présence d'une personne qui était beaucoup plus qu'un Canadien ordinaire.

Je voudrais aussi souligner les courageux efforts d'un autre ancien combattant, Vince Courtenay, à qui la famille a demandé d'organiser le volet militaire des funérailles.

[Français]

Peter Worthington était et demeurera un véritable héros qui a inspiré tous ceux et celles qui ont eu le privilège de le connaître.

[Traduction]

Qu'il repose en paix.

Le Centre mondial du pluralisme

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, jeudi dernier, le sénateur Segal et moi avons assisté à la deuxième conférence annuelle sur le pluralisme du Centre mondial du pluralisme, dans les locaux de la Délégation des musulmans ismaéliens, à Ottawa. La conférence était donnée par le prix Nobel de la paix et ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan.

Le Centre mondial du pluralisme est un lieu de dialogue sur les fondements et les bienfaits d'une citoyenneté inclusive. Sa mission consiste à promouvoir le respect de la diversité en tant que nouvelle éthique mondiale et à stimuler l'adhésion au pluralisme grâce à des échanges de connaissances. L'idée de créer le centre est née pendant les années 1990, lorsque Son Altesse l'Aga Khan a demandé aux dirigeants canadiens de lui expliquer la réussite de l'approche canadienne en matière de diversité. En 2006, Son Altesse l'Aga Khan et le gouvernement du Canada ont formé un partenariat pour fonder le Centre mondial du pluralisme, un établissement privé sans but lucratif qui a pignon sur rue au Canada et qui a pour mission de servir le monde.

Dans son allocution de jeudi dernier, Son Altesse l'Aga Khan a déclaré ceci :

[...] le pluralisme exige un dialogue constant, une volonté de faire des compromis et la compréhension que le pluralisme n'est pas une fin en soi, mais plutôt un processus continu.

Le Centre mondial du pluralisme [...] s'inspire en partie de l'expérience du Canada en tant que société très diversifiée. Nous souhaitons que le centre soit un lieu où tous les intervenants peuvent mettre en commun leurs connaissances au sujet des défis à relever sur le plan de la diversité — et partager les leçons qu'ils peuvent tirer des exemples de pluralisme efficace.

C'est au cours de soirées comme celle-ci que nous pouvons nous rendre compte du potentiel du centre en tant que lieu de dialogue. C'est un endroit où nous pouvons échanger des idées avec de véritables champions du pluralisme mondial, comme Kofi Annan.

Voici un extrait de l'exposé de Kofi Annan :

[...] peu importent nos origines, ce qui nous unit est beaucoup plus important que ce qui nous divise [...] Nous devons apprendre les uns des autres et faire en sorte que nos traditions et nos cultures différentes soient une source d'harmonie et de force, et non de discorde et de faiblesse.

Kofi Annan a aussi livré le fruit de ses réflexions sur la nécessité de reconnaître la complexité et la nature unique de chaque société.

« La combinaison des politiques et des institutions qui est nécessaire pour gérer les relations entre les communautés autochtones et la majorité constituée de nouveaux venus établis depuis longtemps n'est pas la même que celle qui est requise pour intégrer et pour protéger les membres des « nouvelles » minorités qui viennent tout juste d'arriver au pays. » Les solutions doivent être adaptées à la situation unique de chacune des sociétés. « C'est à cet égard que le centre jouera un rôle inestimable. »

Honorables sénateurs, le travail réalisé par le Centre mondial du pluralisme en vue de favoriser le leadership en matière de pluralisme constitue un témoignage éloquent de notre propre société, qui est à la fois unique et imparfaite. Comme Son Altesse l'Aga Khan l'a fait remarquer dans son allocution, ce récit et les liens qui existent au Canada entre les peuples autochtones, les citoyens francophones et anglophones et les néo-Canadiens continuent d'évoluer parce que le pluralisme n'est pas une fin en soi, mais plutôt un processus continu. En poursuivant notre apprentissage et notre croissance pour devenir une société plus tolérante, plus bienveillante et plus compatissante, nous donnons à d'autres sociétés dans le monde l'exemple d'une société où la diversité et la paix sont des atouts pour le bien commun.

J'espère que les sénateurs se joindront à moi pour remercier le Centre mondial du pluralisme et Son Altesse l'Aga Khan de leur précieuse contribution en tant que facilitateurs du leadership en matière de pluralisme, au Canada et ailleurs dans le monde.

(1420)

L'Iran

La prisonnière politique Nasrin Sotoudeh

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour attirer votre attention sur la situation critique d'une prisonnière politique iranienne. Nasrin Sotoudeh fait partie des 2 600 prisonniers d'opinion qui sont actuellement privés de leur liberté dans la République islamique d'Iran.

Au cours des prochains mois et des prochaines années, je suivrai et soulèverai le cas de Mme Sotoudeh dans le cadre du Projet mondial de défense des prisonniers politiques iraniens. Ce projet est une initiative du Groupe interparlementaire pour les droits de la personne en Iran, qui a été fondé conjointement par le député canadien Irwin Cotler et par le sénateur américain Mark Kirk. Ce projet vise à jumeler des parlementaires du monde entier à des prisonniers politiques iraniens pour sensibiliser et mobiliser la population en leur nom.

Nasrin Sotoudeh est une femme mariée de 50 ans qui est mère de deux jeunes enfants. À titre d'avocate, elle consacre sa vie à la défense des droits de femmes et des mères, des militants et des politiciens de l'opposition, des enfants maltraités et des enfants condamnés à mort.

En septembre 2010, elle a été arrêtée et accusée de « diffuser de la propagande » et de « conspirer dans le but de nuire à la sécurité de l'État ». Elle a passé un certain temps en isolement cellulaire dans la tristement célèbre prison d'Evin. En janvier 2011, elle a été condamnée à 11 ans de prison. De plus, il lui a été interdit de pratiquer le droit et de quitter l'Iran pendant 20 ans. Plus tard, une cour d'appel a réduit sa peine d'emprisonnement à 6 ans et l'interdiction de pratiquer le droit à 10 ans.

La famille de Mme Sotoudeh fait elle aussi l'objet de harcèlement et d'une interdiction de voyager. Mme Sotoudeh a protesté à deux reprises en faisant la grève de la faim, ce qui semble avoir causé une détérioration rapide de sa vue. On lui a refusé la permission de sortir pour se faire soigner. En réponse aux refus répétés opposés aux demandes de visite de sa fille, on rapporte qu'elle a écrit ce qui suit à ses enfants :

Je sais que vous avez besoin d'eau, de nourriture, d'un toit, d'une famille, de vos parents, d'amour et de voir votre mère. Toutefois, la liberté, l'appui de la société, la primauté du droit et la justice sont tout aussi essentielles à votre bien-être.

Peu de mots expriment aussi clairement le caractère intrinsèque des droits de la personne. La volonté de Mme Sotoudeh de faire respecter ces valeurs constitue à la fois une leçon d'humilité et une source d'inspiration.

J'invite tous les sénateurs à continuer de prendre la défense des prisonniers politiques en Iran, comme Mme Nasrin Sotoudeh, des prisonniers qui ont sacrifié leur liberté pour défendre celle de leurs concitoyens et de toute la race humaine.

Je remercie les sénateurs d'appuyer cette initiative.

Les Mooseheads d'Halifax

Félicitations aux vainqueurs de 2013 de la Coupe Memorial

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour féliciter les Mooseheads, l'équipe de la ligue de hockey junior majeure d'Halifax, qui ont remporté la Coupe Memorial dimanche soir contre les Winterhawks de Portland.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Cordy : Le tournoi de la Coupe Memorial a couronné une saison exceptionnelle pour les Mooseheads, qui ont établi le record du plus grand nombre de victoires, du moins grand nombre d'échecs et du plus grand nombre de buts comptés au cours d'une saison. La puissance de leur jeu au cours de la saison s'est maintenue tout au long des séries éliminatoires. Ils n'ont perdu qu'un match sur 17 et ont remporté la Coupe du Président, ce qui en fait les champions de la Ligue de hockey junior majeur du Québec.

C'est donc leur équipe qui a représenté la ligue du Québec au tournoi de la Coupe Memorial. Les Mooseheads ont rapporté la Coupe Memorial à Halifax pour la toute première fois. Soit dit en passant, c'est la troisième année consécutive qu'une équipe de la ligue du Québec remporte la Coupe Memorial : il y a eu les Sea Dogs de Saint-Jean en 2011, les Cataractes de Shawinigan en 2012 et maintenant les Mooseheads en 2013.

Après la première période de la finale, le pointage était de 3 à 0 pour les Mooseheads, mais de 3 à 2 après la deuxième période, ce qui a rendu la troisième période encore plus fascinante. À une minute et seize secondes de la fin, le pointage était de 5 à 4. Le filet des Winterhawks était vide et six attaquants se pressaient aux abords de celui d'Halifax. Agissant comme le font les grands joueurs aux moments cruciaux, Nathan MacKinnon a compté son troisième but de la partie dans un filet vide, alors qu'il ne restait que 22 secondes à jouer pour remporter la partie et la Coupe Memorial.

Nathan MacKinnon, de Cole Harbour, en Nouvelle-Écosse, tout comme Sydney Crosby, a réussi un tour du chapeau et a eu deux mentions d'aide durant cette partie; il a été nommé joueur le plus utile du tournoi.

Les Mooseheads forment une équipe exceptionnelle, avec des étoiles comme Nathan MacKinnon, Jonathan Drouin et Marty Frk — un alignement digne de passer à l'histoire comme l'une des meilleures lignes avant du hockey junior. Le gardien de but Zachary Fucale, âgé de 17 ans, a joué comme un vétéran.

Félicitations à tous les joueurs des Mooseheads, qui ont conquis les cœurs des Néo-Écossais. Félicitations au propriétaire Bobby Smith, au directeur général Cam Russell — lui aussi de Cole Harbor, en Nouvelle-Écosse —, à l'entraîneur Dominique Ducharme et à toute l'organisation des Mooseheads qui, ensemble, ont bâti une équipe gagnante.

Aujourd'hui, les Néo-Écossais célébreront la journée Mooseheads lors d'un grand défilé à Halifax. Merci, Mooseheads, pour une saison de hockey remarquable et félicitations pour avoir remporté la Coupe Memorial.

Le Festival des grands voiliers du Nouveau-Brunswick sur la Miramichi

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du Festival des grands voiliers du Nouveau-Brunswick sur la Miramichi.

Un grand voilier est généralement un bâtiment à voile à large gréement, selon le nombre de mâtereaux et le découpage des voiles; toutefois, un grand voilier peut aussi être un sloop, une barquentine, un ketch, un brick, une goélette ou un brigantin. Du vendredi 31 mai au 2 juin 2013, huit grands voiliers remonteront la rivière Miramichi.

Miramichi est la plus grande ville du nord-est du Nouveau- Brunswick, située au bord de la rivière Miramichi, connue internationalement comme une grande rivière à saumon. Miramichi est une plaque tournante du tourisme pour les visiteurs et les résidants tout au long de l'été. On y organise de nombreux festivals, comme le Festival irlandais et le Festival de chansons folkloriques de Miramichi.

Cet été, le Festival des grands voiliers du Nouveau-Brunswick à Miramichi est l'événement le plus anticipé par les personnes de tout âge. Huit voiliers, chacun construit à des fins particulières et ayant une histoire distincte, remonteront la rivière Miramichi en prévision de l'événement.

Le NCSM Summerside, navire de défense côtière de la Marine royale canadienne, dirigera la petite flotte.

Le Peacemaker a été construit dans le sud du Brésil avec divers types de bois dur. Il a été racheté par un groupe religieux, les Twelve Tribes, qui a mis ses systèmes à niveau. Le Peacemaker a navigué pour la première fois en 2007; son port d'attache est situé à Brunswick, dans l'état de la Georgie.

Le Roter Sand, qui mesure 85 pieds de long et dont le port d'attache est à Rimouski, au Québec, est un voilier construit à des fins pédagogiques. Il sert avant tout à former les marins. Par exemple, il a servi pour des exercices de recherche et d'apprentissage dans la mer de Wadden et la mer du Nord, ainsi que le long de l'Elbe.

Le Pride of Baltimore II, le Lynx, le Unicorn, le Sorca, le Hindu et le Liana's Ransom seront également de la partie. Ce dernier déploiera ses voiles au quotidien afin de donner aux personnes intéressées l'occasion unique de naviguer le long de la rivière Miramichi. Des événements sont prévus de vendredi à dimanche. De plus, les huit voiliers en question seront ouverts au public les 1er et 2 juin.

Espérons que cet événement spécial attirera des visiteurs, des touristes et des résidants de tout âge au port de la côte Est cet été.


AFFAIRES COURANTES

L'étude sur la pêche au homard au Canada atlantique et au Québec

Dépôt du dixième rapport du Comité des pêches et des océans

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dixième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé La pêche au homard : gardons le cap.

(Sur la motion du sénateur Manning, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1430)

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir à 17 h le mardi 4 juin 2013, même si le Sénat est en séance à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'agriculture et le commerce agricole

L'importance pour l'économie et la prospérité rurale—Préavis d'interpellation

L'honorable JoAnne L. Buth : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur l'importance de l'agriculture et du commerce agricole pour l'économie canadienne et la prospérité rurale.

La cécité et la perte de vision

Préavis d'interpellation

L'honorable Asha Seth : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les taux croissants de cécité et de perte de vision au Canada ainsi que les stratégies pour prévenir des pertes de vision supplémentaires.

[Français]

Langues officielles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude sur les obligations de CBC/ Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion :

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mercredi 26 septembre 2012, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des langues officielles relativement à son étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion soit reportée du 30 juin 2013 au 31 décembre 2013.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Régie interne, budgets et administration

L'audience publique du comité

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au président du Comité de la régie interne. J'aimerais commencer par souhaiter un bon retour au sénateur Tkachuk. Je lui offre mes meilleurs vœux de santé, car la santé, c'est ce que nous avons de plus important. J'espère que tout va bien pour lui.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Furey : Sénateur Tkachuk, la semaine dernière, le sénateur Cowan et moi avons soulevé la nécessité de tenir des audiences publiques en ce qui concerne l'examen du rapport présenté par le sénateur Duffy au Comité de la régie interne. En fin de semaine, la sénatrice LeBreton a déclaré qu'elle appuierait des audiences publiques, si telle était la décision du Comité de la régie interne. Le sénateur Cowan a lui aussi écrit au Comité de la régie interne afin de réclamer des audiences publiques, compte tenu de la controverse entourant le rapport relatif au sénateur Duffy.

Alors, sénateur Tkachuk, je vous pose la question suivante : Êtes- vous prêt maintenant à déclarer que ces audiences seront ouvertes et transparentes, et accessibles au public et aux médias?

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, le comité directeur a décidé de recommander au Comité de la régie interne que la réunion du Comité de la régie interne de cet après-midi soit ouverte et publique.

La composition du comité directeur

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, j'ai une autre question, cette fois-ci pour madame le leader du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, sénatrice LeBreton, je vous ai demandé s'il était indiqué que le sénateur Tkachuk demeure président du comité durant cet examen — non pas pour toutes les études, mais le temps que durera l'examen visant le sénateur Duffy. Cette question faisait suite à des commentaires qu'a faits le sénateur Tkachuk dans les médias relativement à ses consultations auprès du cabinet du premier ministre et de M. Nigel Wright, à propos du rapport. Vous avez indiqué que vous aviez besoin de temps pour lire l'article ou revoir ce qu'on en disait dans les médias et pour vous entretenir avec le sénateur Tkachuk. Je me demande si vous avez eu le temps de le faire et si vous pourriez maintenant nous faire part de vos conclusions.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Merci, sénateur Furey. Oui, j'ai lu l'interview en entier et, comme je me le suis répété toute la fin de semaine, et je l'ai dit à plusieurs émissions de télé auxquelles j'ai participé, nous vivons et travaillons dans un environnement politique. Nous discutons de bien des choses entre nous. Il n'y a là rien d'inusité. Je me suis dit que toutes les discussions que nous avons pour assurer à nos collègues que nous avons un processus en place — dont je ne vous parlerai pas en détail pour ne pas vous ennuyer — découlent de la lettre que le sénateur Cowan et moi avons signée, des vérifications et de tout le reste.

Je vous signale, sénateur Furey, comme je vous l'ai dit quand vous m'avez demandé plus tôt si j'étais d'avis que ces audiences devraient être publiques, que j'ai toujours affirmé très clairement que le Comité de la régie interne est un comité du Sénat et que j'appuie complètement ses décisions. Évidemment, comme l'a signalé le sénateur Tkachuk quand il vous a répondu, le comité directeur, dont vous faites partie, a décidé de rendre les audiences publiques; il est d'ailleurs assez intéressant que vous posiez cette question, puisque vous êtes membre du comité qui a pris cette décision. Cela dit, je vous rappelle que le comité est saisi de cette question très importante. J'ai pleinement confiance en tous les membres du comité, des deux côtés.

Pendant que j'ai la parole, j'en profite pour signaler que c'est seulement quand nous avons obtenu la majorité ici que nous avons ouvert le processus et rendu publiques toutes les dépenses des sénateurs. Même s'il est un peu difficile pour le Sénat de faire face à ces problèmes en ce moment, je suis contente que nous l'ayons fait, parce qu'il en résultera un resserrement des règles.

Pour prouver que ce que nous avons fait est ce qu'il fallait faire, je citerai ce qu'une de nos anciennes collègues, la sénatrice Thelma Chalifoux, a dit en fin de semaine au cours d'une entrevue présentée dans le cadre du bulletin de nouvelles du réseau APTN. Je lis un passage de l'article :

Dans une entrevue présentée au bulletin de nouvelles d'APTN, l'ex-sénatrice Thelma Chalifoux s'est fait demander si elle avait vu des gens recourir à des échappatoires pour leur avantage personnel quand elle était à la Chambre rouge. Voici sa réponse :

« Oh, oui, mais c'était toujours en catimini et ce n'était pas rendu public. »

Je me réjouis que nous soyons membres du parti qui a ouvert les livres.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Furey : Sénatrice LeBreton, pour revenir à la question de la participation au comité directeur, il est parfois important que les discussions soient du domaine public.

Vous avez mentionné que ce dossier a fait l'objet des consultations habituelles. Pourriez-vous expliquer au Sénat ce qu'il y a d'habituel à ce qu'un chef de cabinet donne 90 000 $ à un sénateur dont les dépenses sont soumises à une vérification comptable? En quoi ce scénario est-il habituel?

La sénatrice LeBreton : Je parlais des conversations, en fait. La question que vous m'avez posée portait sur les conversations. J'ai répondu qu'il n'est pas inhabituel que des conversations aient lieu, un fait évident.

Le cabinet du premier ministre

Le versement de fonds—Le vingt-deuxième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma première question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat.

Mercredi dernier, le 21 mai, je vous ai demandé quel rôle avait joué Benjamin Perrin, conseiller spécial en affaires juridiques au cabinet du premier ministre, dans la mise en place de l'entente entre M. Wright et le sénateur Duffy. Vous avez répondu que vous ne connaissiez pas M. Perrin et ne saviez pas quel rôle il jouait au cabinet du premier ministre. Je vous ai alors demandé de découvrir quel rôle il avait joué dans l'entente conclue. Avez-vous pu obtenir ces renseignements?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois que mes propos faisaient référence à votre incertitude à propos du rôle de M. Perrin, sénateur Cowan. Au cours des jours qui ont suivi cet échange, M. Perrin a déclaré n'avoir joué aucun rôle dans cette affaire, si je me souviens bien.

Le sénateur Cowan : Ce n'est pas exactement ce qu'il a dit ni ce que j'ai dit. Vous savez que M. Perrin est présumé avoir participé à ces arrangements. C'est une affaire qui touche le fonctionnement d'un comité du Sénat, où vous êtes leader de la majorité. C'est vous qui dirigez le gouvernement ici, au Sénat. Vous êtes responsable du Sénat au gouvernement du Canada. C'est votre responsabilité. Vous êtes la ministre responsable de la Chambre haute. J'aurais cru que vous éprouveriez une petite curiosité, étant donné toute cette controverse. Vous auriez pu prendre l'initiative de vous renseigner sur le rôle que M. Perrin a joué dans ces arrangements. C'est la question que j'ai posée. Il était tout à fait normal que, la semaine dernière, vous ne connaissiez pas M. Perrin et ne sachiez pas quel rôle il avait joué. Avez-vous pu obtenir des renseignements? Vous êtes-vous donné la peine de chercher?

(1440)

La sénatrice LeBreton : Sénateur Cowan, je suis étonnée que vous connaissiez aussi peu le rôle du leader du gouvernement au Sénat. Ma responsabilité est de répondre au nom du gouvernement. J'ai dit que je répondais pour le gouvernement au Sénat. Je ne suis pas responsable du fonctionnement du Sénat. Le Sénat est une Chambre du Parlement, tout comme la Chambre des communes. Il a un Comité de la régie interne. Il dirige ses travaux dans un esprit de collaboration, de coopération. Je sais que cela est largement incompris dans le grand public, mais, à titre de leader du gouvernement au Sénat, je suis abasourdie que vous ne compreniez pas. Le fait est que je réponds au nom du gouvernement au Sénat. Je ne dirige pas le Sénat.

Le sénateur Cowan : Je déduis de cette réponse que vous n'avez pas demandé d'information et que vous n'en savez pas plus long que la semaine dernière sur le rôle qu'il a pu jouer. Est-ce exact?

La sénatrice LeBreton : Je me suis renseignée sur ce que M. Perrin avait dit publiquement dans une déclaration écrite, mais je m'en suis tenue là.

Régie interne, budgets et administration

La vérification juricomptable—Le vingt-deuxième rapport du comité

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je voudrais poser des questions au sénateur Tkachuk, président du Comité de la régie interne. Je salue encore une fois votre retour, sénateur Tkachuk, et j'espère que votre santé continue de s'améliorer.

Entre le 8 février 2013 et le 9 mai 2013, vous ou le sénateur Stewart Olsen avez-vous eu quelque contact avec un employé de Deloitte au sujet des vérifications des dépenses des sénateurs Brazeau, Duffy ou Harb?

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, je suis heureux d'être de retour, ne fût-ce que parce que, en mon absence, il semble que j'ai failli perdre mon poste. La prochaine fois que je tomberai malade, je vais venir au Sénat, quitte à me faire porter en civière.

Je ne peux pas dire avec une certitude absolue que nous les avons rencontrés entre le 8 février et le 18 mai, mais, lorsque nous avons rencontré les vérificateurs, nous les avons toujours rencontrés à titre de membres du comité directeur. Je ne peux pas vous donner les dates exactes.

Le sénateur Cowan : Toujours sur le même sujet, nous n'avez pas eu de conversations avec quiconque qui était un employé de Deloitte, sinon en compagnie des sénateurs Stewart Olsen et Furey, qui sont les autres membres du comité directeur. Est-ce exact?

Le sénateur Tkachuk : Je crois que c'est exact. Nous les avons peut-être rencontrés plus tôt, avant une réunion, mais je ne crois pas que nous les ayons rencontrés pour une raison qui se rapporte à la vérification même, sinon avec le sénateur Furey. Nous étions tous les trois.

L'honorable George J. Furey : J'ai une question complémentaire. Sénateur Tkachuk, votre mémoire vous trahit peut-être un peu. Je crois qu'il est arrivé une fois que vous rencontriez les vérificateurs sans que ni moi ni le sénateur Stewart Olsen ne soyons présents. Vous nous avez ensuite fait le compte rendu de la rencontre ultérieurement, mais je crois que vous avez bel et bien eu une rencontre en dehors de notre présence.

Le sénateur Tkachuk : J'ai dû les rencontrer à titre de président, et j'ai fait rapport de la rencontre au comité directeur. C'est tout ce que j'ai à dire.

Le sénateur Cowan : De quelle nature a été la discussion que vous avez eue alors?

Le sénateur Tkachuk : Si vous me demandez quelle discussion j'ai eue un jour donné, il faudra que je me reporte à mes notes. Je suis désolé, mais je suis incapable de donner cette information.

Le sénateur Cowan : En toute déférence, sénateur Tkachuck, vous allez devoir répondre à ces questions à un moment donné, d'une façon ou d'une autre. Le plus équitable est peut-être que je pose les questions dès aujourd'hui. Pour toute question à laquelle vous ne pouvez pas répondre, vous vous engageriez à essayer de vous rafraîchir la mémoire et à répondre au Sénat ultérieurement. Cela me conviendrait fort bien que vous acceptiez cette façon de faire.

Le sénateur Tkachuk : Ce sera un grand plaisir de prendre note de la question et de répondre plus tard.

Le sénateur Cowan : Ma question suivante est semblable, mais elle porte sur la période du 8 février au 9 mai 2013. Pourquoi ces dates? C'est le 8 février, je crois, que le comité a retenu les services de Deloitte et lui a confié l'étude de ces questions, et c'est le 9 mai que vous avez déposé les rapports au Sénat.

Entre le 8 février et le 9 mai 2013, est-ce que la sénatrice Stewart Olsen ou vous avez eu quelque contact que ce soit avec les sénateurs Brazeau, Duffy ou Harb au sujet des vérifications juricomptables en cours?

Le sénateur Tkachuk : Je n'ai eu aucune conversation avec le sénateur Brazeau ou le sénateur Harb au sujet des vérifications, et j'ai eu une conversation avec le sénateur Duffy. Il en est fait état dans le rapport du comité de vérification.

Le sénateur Cowan : Entre le 20 novembre 2012 et le 9 mai 2013, est-ce que la sénatrice Stewart Olsen ou vous avez eu quelque contact que ce soit avec Nigel Wright ou tout autre membre du cabinet du premier ministre au sujet des sénateurs Brazeau, Duffy ou Harb ou encore des vérifications juricomptables en cours?

Le sénateur Tkachuk : J'ai eu des conversations de nature générale — deux, je crois — au cours de cette période. Elles ne concernaient que la procédure elle-même et le fait que la situation était délicate, mais rien de plus. Il n'y avait absolument rien de compliqué.

Le sénateur Cowan : Était-il question du processus de vérification concernant un sénateur en particulier ou les trois?

Le sénateur Tkachuk : Les conversations portaient sur la procédure dans son ensemble et les problèmes actuels du Sénat.

Le sénateur Cowan : Je crois comprendre que M. Wright assistait à ces réunions. C'est juste?

Le sénateur Tkachuk : Il s'agissait de conversations téléphoniques. Il n'y a pas eu de réunion.

Le sénateur Cowan : Vous n'avez assisté à aucune réunion en personne, que ce soit avec M. Wright ou tout autre membre du cabinet du premier ministre?

Le sénateur Tkachuk : Voulez-vous dire au cours de cette période- là? Pourriez-vous être plus précis? Après tout, je suis un homme politique, alors il m'arrive de rencontrer des membres du cabinet du premier ministre.

Le sénateur Cowan : Je vous relis la question. Entre le 20 novembre 2012 et le 9 mai 2013, est-ce que la sénatrice Stewart Olsen ou vous avez eu quelque contact que ce soit avec Nigel Wright ou tout autre membre du cabinet du premier ministre au sujet des sénateurs Brazeau, Duffy ou Harb ou encore des vérifications juricomptables en cours?

Le sénateur Tkachuk : Je prends note de la question et je reviendrai là-dessus.

Le sénateur Cowan : Merci. Vous engagez-vous, le cas échéant, à remettre votre correspondance au Sénat, y compris les courriels?

Le sénateur Tkachuk : Non.

Le sénateur Cowan : Au cours de l'entrevue que le magazine Maclean's a publiée la semaine dernière, vous avez déclaré que Nigel Wright vous avait donné des « conseils » — c'est le mot qui a été employé. Quels conseils avez-vous reçus de la part de Nigel Wright ou d'autres membres du cabinet du premier ministre en ce qui concerne les rapports du Comité de la régie interne à propos des sénateurs Brazeau, Duffy ou Harb?

Le sénateur Tkachuk : Les conseils que j'ai demandés étaient d'ordre général. Je n'ai reçu aucun conseil au sujet de ce qu'il fallait inclure dans le rapport, dont nous assumons la pleine responsabilité. C'est le comité de direction qui a rédigé le rapport. Il est ensuite revenu au Comité de la régie interne, qui l'a examiné et l'a présenté au Sénat.

Le sénateur Cowan : Êtes-vous d'avis — et je vous demande là votre opinion personnelle — que la déclaration signée par chacun de ces sénateurs au sujet de leurs résidences principale et secondaire — comme les déclarations signées par plusieurs d'entre nous — était, pour reprendre le rapport, « amplement claire », de même que le but et l'objet des lignes directrices relatives au remboursement des frais de subsistance, et que les termes utilisés ne comportaient aucune ambiguïté?

Le sénateur Tkachuk : Je crois que trois rapports ont été présentés au Sénat. Vous pouvez les lire vous-même, sénateur Cowan.

Le sénateur Cowan : Je les ai lus, et j'ai pu constater une grande différence entre eux. Vous avez présenté trois rapports concernant trois sénateurs le 9 mai. La question qui se posait, dans le cas de chacun de ces trois sénateurs, concernait leur droit de demander le remboursement de frais de subsistance à l'égard d'une résidence principale ou secondaire dans la capitale nationale. C'était la question essentielle qu'ont examinée les vérificateurs et au sujet de laquelle votre comité a présenté des rapports.

Vous avez signé les trois rapports, à titre de président du comité. Comment se fait-il que, dans deux de ces rapports concernant les sénateurs Harb et Brazeau, vous avez dit que le comité croyait que le libellé du formulaire — je parle de la déclaration de résidence principale et secondaire — était amplement clair? Ce sont les termes du rapport, qui ajoute « [...] comme le sont aussi le but et l'objet des lignes directrices [...] sur le remboursement des frais de subsistance ». Votre comité était d'avis que le libellé ne comportait aucune ambiguïté. Si c'est aussi votre avis, pourquoi cela figurait-il dans deux rapports, mais pas dans le troisième?

(1450)

Le sénateur Tkachuk : Les trois rapports ont été présentés au Sénat. Permettez-moi d'en parler. Vous avez posé des questions ici au sujet du rapport relatif au sénateur Duffy en affirmant qu'il avait été édulcoré. Chacun de ce côté-ci, comme de votre côté, sait qu'il n'arrive presque jamais — du moins pas au cours des 20 ans que j'ai passés ici — que des comités adoptent un rapport sans discuter longuement de son contenu. Ce sont les sénateurs, et personne d'autre, qui rédigent les rapports.

Dans le cas du rapport relatif au sénateur Duffy, nous avions une première ébauche rédigée par le greffier après une discussion générale. Nous avons examiné cette ébauche et y avons apporté quelques changements. Sur certains des changements, le sénateur Furey était d'accord, mais, pour certains autres, il ne l'était pas.

Nous avons ensuite présenté le rapport au Comité de la régie interne. Une modification a été proposée et adoptée, comme dans le cas de la plupart des rapports. Nous avons suivi la procédure normale d'amendement, toujours en présence de sénateurs de l'opposition. Il est inenvisageable que des modifications puissent être apportées à un rapport d'une manière dont pourrait rougir n'importe quel membre de n'importe quel comité sénatorial. Ce rapport a été présenté après avoir été adopté par le comité. Il est maintenant débattu au Sénat. Il n'a pas été édulcoré. Il a suivi un processus démocratique du commencement jusqu'à la fin, de même que toute l'opération dans son ensemble.

Le sénateur Furey : Sénateur Tkachuk, je conviens volontiers que, dans le cours normal des choses, les rapports ont souvent différentes versions. Le problème dans ce que vous venez de dire, c'est que le rapport est arrivé le 7 mai. Il contenait quelques erreurs typographiques, et des modifications mineures, dont le comité a convenu dans son ensemble, y ont été apportées. Vingt-quatre heures plus tard, vous avez usé de votre majorité au comité de direction pour supprimer tous les propos négatifs concernant le sénateur Duffy, y compris ses habitudes de voyage et le temps qu'il a passé à l'Île-du-Prince-Édouard par rapport au temps qu'il a passé à Ottawa où, d'après le rapport, il avait sa résidence principale. Vingt- quatre heures après cela, M. Robert Fife, de CTV, a révélé que le sénateur Duffy avait reçu 90 000 $ du chef de cabinet du premier ministre pour rembourser l'argent que, selon le comité, il n'aurait pas dû recevoir. Voilà ce qui rend l'affaire inhabituelle. Voilà ce qui en fait une histoire qui sort de l'ordinaire.

Le sénateur Tkachuk : Elle n'aurait été inhabituelle, sénateur Furey, que si nous avions été au courant, mais nous ne savions rien de tout cela. Lorsque nous avons examiné ce rapport, nous n'avions aucune idée de ce qui s'était passé. Nous n'avons pris connaissance de ces renseignements que lorsqu'ils ont été rendus publics vendredi, après la présentation du rapport au Sénat.

Je voudrais parler de ce rapport du comité. Le Règlement décrit le fonctionnement des comités. Pour la gouverne des honorables sénateurs d'en face, je dois dire que, selon nos règles, c'est l'opinion du comité et non celle de membres particuliers qui importe pour le Sénat. À défaut d'unanimité, les conclusions auxquelles aboutit la majorité sont les conclusions du comité. C'est ce que dit le guide des présidents. S'il s'agit d'un rapport de fond, les membres du personnel rédigent une première ébauche conformément aux directives du comité. Une fois que l'ébauche est prête, les analystes et le greffier s'entretiennent encore avec le président pour discuter de révisions préliminaires, et ainsi de suite.

C'est ce qui s'est passé dans le cas de ce comité.

Voilà ce qui s'est passé au comité. Rien d'autre. Personne n'a essayé d'étouffer l'affaire. On a reconnu le fait que le sénateur Duffy avait remboursé l'argent. Nous avions déjà reçu l'argent et nous l'avions déposé au compte du receveur général. Voilà pourquoi les modifications ont été apportées.

Le sénateur Furey : Sénateur Tkachuk, vous parlez là de circonstances normales, dans l'interprétation des règles. Imaginez que vous siégiez de ce côté-ci. Un jour, un rapport est examiné, le lendemain, il est édulcoré et le surlendemain, vous entendez parler d'un montant de 90 000 $ qui change de mains. Vous vous diriez sûrement qu'il y a quelque chose qui se trame, n'est-ce pas?

Le sénateur Tkachuk : Je ne puis que répéter que nous avons étudié la question correctement au comité directeur, que nous l'avons étudiée correctement au Comité de la régie interne. Il y a eu débat. L'amendement a été adopté. Le rapport a été présenté au Sénat. Il n'y a rien de plus compliqué, sénateur Furey.

Le sénateur Cowan : Permettez-moi de revenir là où j'en étais il y a un instant. À titre de président du comité, vous avez signé et déposé trois rapports. Le problème dont le comité était saisi était exactement le même dans chacun des cas.

Vous hochez la tête, mais s'agit d'une déclaration de résidence principale et secondaire, et ce sont les mêmes lignes directrices qui s'appliquent. Dans deux des rapports du comité que vous avez signés, vous dites au nom du comité que le formulaire de déclaration de résidence principale et secondaire est « amplement clair ». Ce ne sont pas mes mots; ce sont les vôtres ou ceux du comité, dans les rapports que vous avez présentés au Sénat. Vous avez dit que le libellé ne présente « aucune ambiguïté ». À partir du même formulaire, des mêmes lignes directrices et du même libellé, comment pouvez-vous dire dans vos rapports au Sénat que tout est amplement clair et sans ambiguïté à l'égard de deux sénateurs, mais sans tirer la même conclusion pour le troisième sénateur?

Le sénateur Tkachuk : Sénateur Cowan, si j'avais reçu un chèque des sénateurs Brazeau et Harb, leurs rapports auraient peut-être été bien différents également.

Le sénateur Cowan : Sénateur Tkachuk, comment le remboursement que le sénateur Duffy a fait, que ce soit avec son argent ou celui de quelqu'un d'autre, ce dont nous parlerons une autre fois, peut-il influencer votre opinion et celle du comité sur la clarté ou le manque de clarté, sur l'ambiguïté ou l'absence d'ambiguïté? Les deux faits n'ont absolument aucun lien. Quel est le rapport? Qu'est-ce qui m'échappe?

Le sénateur Tkachuk : Vous avez une thèse, sénateur Cowan, et vous n'en dérogez pas. Elle est fausse. Le sénateur Duffy a admis qu'il avait peut-être commis une erreur et il a fait un chèque. C'est exactement ce que vous et la sénatrice LeBreton nous avez demandé de faire : percevoir l'argent avec les intérêts courus — tout l'argent doit être remboursés avec les intérêts. C'est exactement ce que nous avons fait. Le sénateur nous a remis un chèque en mars et il a remboursé. Le rapport en tient compte, sénateur Cowan.

Le sénateur Cowan : Il se peut que je trouve un document clair et que vous ayez l'impression contraire. Par contre, si nous considérons le même document, comment pouvons-nous dire qu'il est clair dans deux cas et ne l'est pas dans le troisième? Comment le remboursement, qui n'a rien à voir avec la clarté et l'absence d'ambiguïté du formulaire, peut-il avoir une influence, sénateur Tkachuk?

Le sénateur Tkachuk : Sénateur Cowan, le comité a adopté le rapport. Il a été déposé au Sénat et peut être débattu. Nous pouvons avoir un long débat sur la question lorsque nous l'aborderons. J'essaie simplement de faire valoir mon point de vue : le sénateur a remboursé l'argent. Le sénateur Duffy a dit qu'il s'était peut-être trompé. Le rapport en tient compte.

Le sénateur Cowan : Cela a-t-il un rapport avec la clarté du libellé du formulaire? Quel est le lien?

Le sénateur Tkachuk : Je vous ai donné ma réponse, sénateur Cowan. Vous avez le droit de poser cette question, mais vous l'avez répétée trois ou quatre fois. Ne me harcelez pas. Posez-moi une question et je vais essayer d'y répondre. J'ai répondu à cette question, et ma réponse ne va pas changer.

Le sénateur Cowan : Je récapitule pour voir si j'ai bien compris. Alors, le sénateur Duffy a remboursé l'argent et dit que, selon lui, il n'avait rien fait de mal. Le libellé est devenu plus clair et le formulaire sans équivoque — ou vice-versa —, parce que l'argent avait été payé...

(1500)

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Cowan : Sénatrice LeBreton, les questions ne s'adressent pas à vous, mais à lui. Merci. Ce n'est pas à vous que je pose les questions. Votre tour viendra.

La sénatrice LeBreton : Mais vous bafouillez.

Son Honneur le Président : À l'ordre.

Le sénateur Cowan : Expliquez-moi...

Son Honneur le Président : À l'ordre, s'il vous plaît.

Honorables sénateurs, c'est la période des questions. La parole est au sénateur qui pose la question à madame le leader du gouvernement au Sénat ou au président du comité.

Le sénateur Cowan : Voici ma question. En quoi le remboursement a-t-il quoi que ce soit à voir avec le caractère précis ou imprécis du libellé ou du formulaire?

Le sénateur Tkachuk : Je répète que le rapport est explicite. Le Sénat étudie la question, nous débattrons de ce rapport, et le Sénat se prononcera sur la question.

Le Sénat

La situation du sénateur Michael Duffy

L'honorable Lillian Eva Dyck : Ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat, et j'emploierai une tactique légèrement différente. Le sénateur Duffy a soutenu que les formulaires n'étaient pas clairs, qu'il n'était pas certain de savoir comment le remplir, et qu'il était donc possible qu'il ait fait une erreur. Je vous pose maintenant la question. Puisque le sénateur a été écarté de votre caucus et siège, selon toute vraisemblance, comme sénateur indépendant, s'il est incapable de comprendre ce formulaire, comment pourra-t-il s'acquitter de ses fonctions de sénateur lorsque le Sénat devra étudier des projets de loi bien plus complexes que ce formulaire? Est-il suffisamment compétent pour siéger au Sénat? Le gouvernement croit-il qu'il est compétent?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie la sénatrice Dyck de sa question. Comme vous le savez, le sénateur Duffy s'est retiré de notre caucus il y a deux semaines et siège maintenant à titre de sénateur indépendant. Comme l'a déclaré le président du Comité de la régie interne à l'issue de la réunion du comité de direction ce matin, à laquelle a aussi participé le vice- président, la séance aura lieu plus tard aujourd'hui. Je ne suis pas certaine de l'heure convenue — je crois que c'est après l'ajournement du Sénat. Compte tenu qu'il s'agit d'une réunion publique et que, si je ne m'abuse, le sénateur Duffy prévoit y assister — nous ne le savons pas, mais c'est le bruit qui court parce qu'il a lui-même dit souhaiter que cela se déroule publiquement —, donc, si le sénateur Duffy exerce effectivement son droit de comparution, vous pourrez lui poser ces questions directement au comité.

Régie interne, budgets et administration

Le processus de vérification judiciaire—Le vingt-deuxième rapport du comité

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au sénateur Tkachuk. Le 8 février 2013, vous avez émis, en tant que président du Comité de la régie interne, un communiqué de presse où l'on pouvait lire la phrase suivante :

En outre, le président et le vice-président du Comité (le sénateur Furey) ont demandé un avis juridique au sujet de la résidence du sénateur Duffy.

Qui fournira cet avis juridique et quand s'attend-on à le recevoir?

L'honorable David Tkachuk : Nous avons demandé au personnel du Sénat de produire cet avis juridique et nous l'attendons toujours.

Le sénateur Cowan : Quand croyez-vous le recevoir?

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période réservée aux questions orales est terminée.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse aux questions orales posées par l'honorable sénateur Dallaire, l'honorable sénatrice Cordy et l'honorable sénateur Munson, le 20 mars 2013, concernant l'Agence des services frontaliers du Canada.

La sécurité publique

L'Agence des services frontaliers du Canada—L'émission de télévision

(Réponse aux questions posées le 20 mars 2013 par l'honorable Roméo Antonius Dallaire, l'honorable Jane Cordy et l'honorable Jim Munson)

L'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) participe à une série télévisée documentaire intitulée « Border Security : Canada's Front Line », qui suit des employés de l'ASFC dans le cadre de leurs activités quotidiennes. Cette production informe les Canadiens sur le travail important que font les agents de l'ASFC en tout temps et partout au Canada, y compris à la frontière terrestre, dans les aéroports, dans les centres de traitement du courrier et lorsqu'ils appliquent la loi à l'intérieur du pays.

Les agents qui participent au tournage font leur travail et la production de l'émission est faite sans imposer des frais supplémentaires aux opérations de première ligne. Pour la première saison, l'ASFC a engagé des coûts internes inférieurs à 60 000 $, lesquels consistaient principalement en dépenses salariales pour le soutien administratif, y compris la surveillance sur place dans une région. La deuxième saison comportera deux fois plus d'épisodes et sera tournée dans plus d'une région. Ainsi, l'ASFC estime que les coûts internes liés à la surveillance administrative pourraient s'élever à environ 160 000 $, y compris les mesures mises en place pour assurer la protection de la vie privée des particuliers. De plus, il n'y a aucun échange d'argent entre l'ASFC et la compagnie de production, Force Four Productions Ltée ou Shaw Media.

L'ASFC et la société de production connaissent leurs obligations en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la législation connexe au Canada. La participation à la série documentaire est strictement volontaire. La vie privée des particuliers est protégée en tout temps.

La plupart des épisodes portent sur le travail des agents de première ligne alors qu'ils exercent l'interdiction d'entrer au Canada par des criminels. Le gouvernement s'attend à ce que l'ASFC applique les lois canadiennes, permettant ainsi d'assurer la sécurité et la sûreté des Canadiens honnêtes.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Décision de la présidence

Le vingt-deuxième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration

Son Honneur le Président : Le 21 mai, l'honorable sénateur Cowan, leader de l'opposition, a soulevé une question de privilège, faisant valoir que les événements ayant mené à la présentation du vingt-deuxième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration le 9 mai avaient enfreint le privilège. Se fondant sur l'information rapportée subséquemment par les médias et d'autres sources, le sénateur Cowan a soutenu que ce rapport était incomplet et tendancieux et qu'il avait eu pour effet de miner la crédibilité du Sénat et la confiance du public envers l'institution. Il faut absolument prendre des mesures, a-t-il dit, pour régler la situation et, à cette fin, examiner en profondeur tous les aspects des allégations.

[Français]

Le sénateur Carignan, leader adjoint du gouvernement, a pour sa part exhorté les sénateurs à se concentrer sur les faits établis et non sur des allégations. Il a ajouté qu'il existe d'autres procédures pour régler les préoccupations exprimées, notamment le recours au Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs. Revenant sur la question, le sénateur Nolin a évoqué une autre possibilité, soit le renvoi du rapport au Comité de la régie interne. La sénatrice Andreychuk a attiré notre attention sur les ouvrages parlementaires selon lesquels un différend sur des allégations de fait ne constitue pas une atteinte au privilège.

[Traduction]

Pour sa part, la sénatrice Fraser partageait les inquiétudes du leader de l'opposition. Rappelant l'importance, pour les institutions parlementaires, de rester à l'abri de toute obstruction, ingérence et intimidation, elle a soutenu que ces allégations sont très préoccupantes, car il est question d'ingérence indue dans les travaux d'un comité qui joue un rôle crucial dans le fonctionnement du Sénat.

Je voudrais tout d'abord citer une déclaration faite il y a plus de 30 ans par la très honorable Jeanne Sauvé, qui était à l'époque Présidente de la Chambre des communes. Le 18 mars 1982, après que les travaux de l'autre endroit eurent été sérieusement ébranlés, elle déclarait ceci :

Nous nous sommes exposés, faute d'avoir modernisé notre Règlement, aux haussements d'épaules, voire même aux quolibets de nos concitoyens, peut-être même avons-nous accentué la tendance malheureusement trop répandue au scepticisme envers les actions [du Parlement]...

Et elle ajoutait : « L'autorité du Président n'est pas plus considérable que ne le veulent » la Chambre. Le Président est au service de la Chambre. Il l'aide à s'acquitter de ses travaux d'une manière ordonnée qui respecte, autant que possible, un équilibre entre les nombreux intérêts divergents.

[Français]

Au Sénat, compte tenu du pouvoir limité du Président, la chose est encore plus évidente. Les honorables sénateurs sont eux-mêmes responsables de la conduite des travaux et ils conservent le contrôle ultime des délibérations grâce au droit d'en appeler des décisions du Président.

[Traduction]

Je suis revenu sur cette déclaration faite il y a longtemps à cause de la situation actuelle du Sénat, que bon nombre qualifient de crise. Une foule d'accusations ont été portées, parfois troublantes, et cela a affecté la façon dont les gens perçoivent notre institution. Le Sénat est une composante importante de notre système parlementaire, qui œuvre dans l'intérêt du pays depuis plus de 145 ans. Les honorables sénateurs occupent des postes de confiance et ils doivent agir de manière responsable. Ils doivent prendre le contrôle de la situation et rétablir le lien de confiance.

Au départ, quand le vérificateur général du Canada a constaté que certaines demandes de remboursement n'étaient pas étayées par une documentation suffisante, le Sénat a pris la chose au sérieux. Par l'entremise du Comité de la régie interne, nous avons procédé à l'examen des frais de déplacement, ce qui a mené à la vérification des dépenses de certains sénateurs. À ce jour, le Sénat a reçu trois rapports sur des cas précis. D'autres propositions afin d'exercer un plus grand contrôle sur les dépenses ont été présentées.

[Français]

Le sénateur Cowan nous a expliqué comment, à son avis, les événements liés au vingt-deuxième rapport se sont passés. En raison des préoccupations exprimées, le Sénat a décidé de renvoyer le rapport au Comité de la régie interne pour une étude approfondie le jour où la question de privilège a été soulevée.

(1510)

[Traduction]

Je ne sous-estime pas la gravité de cette situation pour le Sénat. Dans l'intérêt de l'institution et dans l'intérêt du Parlement, le Comité de la régie interne doit bien réfléchir à la façon dont il procédera pour examiner scrupuleusement et à fond les divers aspects de la situation. Le Règlement du Sénat et la pratique parlementaire lui confèrent le pouvoir d'interroger des témoins et d'exiger la production de documents. Le comité sait que les honorables sénateurs et les Canadiens suivront de près ses travaux.

C'est dans ce contexte que nous devons prendre en considération la question de privilège soulevée par le leader de l'opposition. À cette première étape, le Président indique au Sénat si la question de privilège paraît fondée à première vue. Son analyse de la question repose sur les quatre critères énoncés à l'article 13-3(1) du Règlement, qui doivent tous être satisfaits.

[Français]

Compte tenu des arguments avancés pendant l'examen de la question de privilège et des événements subséquents, il serait bon de commencer par le quatrième critère, selon lequel la réparation ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire. Le sénateur Carignan a mentionné que certains aspects de la situation pouvaient être réglés au moyen du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs. En outre, le fait même que le rapport a été renvoyé au comité montre qu'il existait une autre procédure. Le Sénat a déjà eu recours à cette procédure, ce qui devance, en quelque sorte, cette décision. Il avait le droit incontestable d'agir ainsi.

[Traduction]

Le comité doit maintenant examiner les dépenses et diverses questions connexes. Au lieu d'amorcer une deuxième procédure en parallèle, il vaudrait mieux attendre les résultats de ces travaux et voir si la situation devient plus claire. Sinon, nous risquons de rendre les choses plus confuses.

Pour qu'une question de privilège soit déclarée fondée à première vue, le Président doit pouvoir conclure que les quatre critères ont été satisfaits. Le fait que cette question de privilège ne respecte pas un critère signifie, conformément au Règlement, qu'elle ne peut être considérée comme fondée. Par conséquent, nul n'est besoin de s'attarder aux autres critères.

Les débats qui se déroulent au Sénat et les autres mesures montrent bien la gravité de la situation. Lorsque le Comité de la régie interne aura présenté une version mise à jour du rapport, les sénateurs pourront en prendre connaissance et voir si les préoccupations ont été traitées convenablement et efficacement.

[Français]

La décision est donc la suivante : il n'y a pas matière à question de privilège. Le Sénat donne déjà suite aux préoccupations ayant suscité la question de privilège du sénateur Cowan. Il faut maintenant laisser aux sénateurs la chance de se mettre à l'œuvre pour régler la situation.

[Traduction]

La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénatrice Martin, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-42, Loi modifiant la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je suis membre du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, qui a étudié ce projet de loi, et j'aimerais faire quelques observations. Parallèlement à ce projet de loi, nous nous sommes aussi penchés sur une étude sur le harcèlement. On confond parfois ces dossiers, parce que nous sommes tous très préoccupés par ce qui se passe à la GRC et par les diverses poursuites qui ont été intentées. D'ailleurs, on a appris la semaine dernière qu'une agente qui faisait partie du carrousel poursuit également la GRC.

Honorables sénateurs, il faut régler certains problèmes. Le projet de loi C-42 est intitulé Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada. Cette mesure législative vise à rétablir la confiance du public dans la GRC, laquelle a été mise à rude épreuve après une série de controverses qui ont éclaté ces dernières années.

Je suis fier du travail accompli par les membres de la Gendarmerie royale du Canada, qui est aussi connue sous le nom de « police montée ». J'estime qu'il n'y a pas meilleur ambassadeur pour le Canada que ces hommes et ces femmes remarquables qui portent la tunique rouge et le Stetson. Ce symbole canadien est reconnu partout dans le monde, et nous devons en être reconnaissants, honorables sénateurs. Je suis sûr que la vaste majorité des membres de la GRC sont remplis de bonnes intentions et qu'ils exercent leurs fonctions avec fierté et honneur tout au long de leur carrière. La plupart des agents et des retraités de la GRC que je connais sont profondément troublés par ce qui est rapporté dans les nouvelles, plus encore que M. et Mme Tout-le-Monde.

Toutefois, ces réalités n'empêchent pas la GRC d'affronter des problèmes urgents qu'il est nécessaire de régler immédiatement pour donner aux Canadiens l'assurance que la GRC est et restera l'excellent service de police que nous connaissons et sur lequel nous comptons. Étant donné les événements des dernières semaines, je n'ai pas à rappeler aux sénateurs à quel point les agissements de quelques personnes peuvent influer sur la réputation d'une institution.

Après avoir écouté les témoins, je crois que le projet de loi constitue un premier pas pour remédier à ces problèmes. Pour cette raison, je suis d'une façon générale favorable aux objectifs de cette mesure.

Toutefois, notre rôle de législateurs, particulièrement au Sénat, nous impose de veiller à ce qu'une mesure législative soit plus qu'un premier pas et de nous assurer que tout projet de loi renvoyé à l'autre endroit permet d'aller aussi loin que possible pour combler les lacunes qui existent. À mon avis, le projet de loi ne satisfait pas à ce critère.

Si nous l'adoptons dans sa forme actuelle, nous n'aurons pas fait de notre mieux pour améliorer la situation de cette institution extraordinaire qu'est la Gendarmerie royale du Canada. Nous pouvons nous attendre à recevoir d'autres projets de loi dans un avenir pas trop lointain, qui viseront à réaliser ce que nous pourrions accomplir tout de suite grâce à cette mesure législative.

La nouvelle partie VI proposée dans le projet de loi traite de la création de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada.

Le projet de loi comporte trois aspects que les sénateurs devraient connaître : le processus interne dans le cadre duquel un membre peut se plaindre des activités d'un autre membre, les dispositions concernant l'amélioration du rôle du commissaire et lui conférant de nouveaux pouvoirs de gestion et les dispositions traitant des plaintes extérieures dans lesquelles des membres du public se plaignent du fait qu'un agent de la GRC a agi d'une manière excessive.

La création de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada est une tentative d'amélioration de l'actuelle Commission des plaintes du public contre la GRC. Cette commission existe déjà dans la structure de la GRC, mais il est proposé de charger une nouvelle commission civile de l'examen des plaintes.

Ses pouvoirs élargis comprennent notamment la convocation et l'assignation de témoins, la possibilité de demander des renseignements au commissaire de la GRC, ce qui était impossible par le passé ainsi que le pouvoir d'ouvrir des enquêtes spéciales.

(1520)

Comme c'est souvent le cas, honorables sénateurs, les difficultés surgissent quand on examine les détails. Comme je l'ai expliqué, la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes, que j'appellerai CCETP, est investie de pouvoirs plus étendus que sa précédente incarnation, la Commission des plaintes du public, sans pour autant que son mandat aille aussi loin que l'ont préconisé deux enquêtes indépendantes distinctes sur la GRC : celle de David Brown en 2004 et celle du juge Dennis O'Connor en 2007.

Même si le projet de loi permet à la CCETP de procéder à un examen de sa propre initiative ou à la demande du ministre, le libellé du projet de loi est tel qu'un examen de ce genre ne peut porter que sur des activités précises. Or c'est en vain qu'on chercherait une définition de ces « activités précises » dans le projet de loi. Celui-ci ne donne pas de détails sur l'étendue de telles activités, ce qui ouvre la porte à de sévères restrictions sur le mandat de la nouvelle commission.

Dans la même veine, les décisions de la CCETP ne sont pas exécutoires. En fin de compte, il appartient au commissaire de la GRC de les accepter ou non. Il est impératif que le commissaire expose, d'une manière complète et réfléchie, les motifs sur lesquels il s'est fondé pour rejeter une décision de la CCETP. La CCETP est une commission, et la GRC est dirigée par un commissaire. En lisant le projet de loi, il faut faire attention pour ne pas confondre commissaire et commission. En effet, le commissaire peut rejeter les décisions de la commission.

Comme les sénateurs le verront, le projet de loi confère plus de pouvoirs au commissaire de la GRC dans plusieurs domaines. Je n'ai pas l'impression que la nouvelle incarnation de la Commission des plaintes du public, telle que décrite dans le projet de loi, ait des pouvoirs correspondant suffisamment à ceux du commissaire pour qu'elle puisse participer pleinement à la gouvernance de la GRC.

On peut établir des comparaisons entre la CCETP et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, ou CSARS. Les sénateurs connaissent sûrement ce comité, qui surveille le Service canadien du renseignement de sécurité, ou SCRS, et passe en revue ses activités.

Dans son rapport, le juge O'Connor disait que, à son avis, on ne devrait pas restreindre l'accès de la CCETP aux documents dont elle a besoin pour exercer ses fonctions et que, comme le CSARS, elle devrait avoir accès aux documents du Cabinet. Toutefois, l'article 45.42 proposé dans le projet de loi inclut d'autres restrictions.

La CCETP n'a pas les mêmes pouvoirs de surveillance et d'enquête à l'égard de la GRC que le CSARS à l'égard du SCRS. Voici l'une des recommandations : pour être efficace, la CCETP doit pouvoir enquêter sur les activités de la GRC quand il y a une plainte du public.

L'article 45.42 proposé comprend d'autres restrictions concernant les renseignements auxquels la CCETP peut avoir accès. Le paragraphe 45.34(2) proposé impose également des conditions préalables à tous les examens entrepris à l'initiative de la CCETP. Ces articles imposent des restrictions sur les capacités et les fonctions qui ne s'appliquent pas au CSARS.

Le paragraphe 45.34(2) me préoccupe lui aussi, car il n'est nulle part question de la protection des membres de la GRC faisant l'objet d'une enquête. Je parle de la partie IV du projet de loi qui porte sur la conduite des membres et les enquêtes sur les prétendues entorses au code de déontologie.

L'article 40.3 précise ce qui suit :

Sur demande ex parte, le juge de paix peut ordonner à toute personne de communiquer à l'agent de la paix nommé dans l'ordonnance un document qui est la copie d'un document qui est en sa possession ou à sa disposition au moment où il reçoit l'ordonnance ou d'établir et de communiquer un document comportant des données qui sont en sa possession ou à sa disposition à ce moment.

Je dois d'abord parler du fait que toutes les perquisitions peuvent être faites sur demande ex parte. Ainsi, les autorités peuvent aller consulter un juge de paix à l'insu du membre qui fait l'objet d'une enquête. Ce membre n'aura pas la possibilité de se défendre ou d'expliquer sa position avant que l'ordonnance soit délivrée.

Le projet de loi C-60, qui est étudié actuellement par le Comité des finances, élimine en fait les demandes ex parte liées à la Loi de l'impôt sur le revenu et à la Loi sur l'accise de 2001, parce que ces demandes sont jugées contraires à la justice naturelle, c'est-à-dire au processus normal qui consiste à informer une personne qu'elle fait l'objet d'une enquête et à lui donner l'occasion d'être entendue. De toute évidence, ce type de procédure est contraire à notre concept fondamental de la justice. Les demandes ex parte sont éliminées dans deux lois, mais elles sont inscrites dans la Loi sur la GRC.

Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers, a exprimé ses préoccupations au sujet de cette disposition lors de son témoignage devant notre comité. Il croit qu'il s'agit d'une mesure inutile. Honorables sénateurs, je suis plutôt d'accord avec lui.

Pour embrouiller encore plus les choses, le paragraphe 40.4(1) du projet de loi prévoit ce qui suit :

L'ordonnance rendue en vertu du paragraphe 40.3(1) peut...

— et j'insiste sur le mot « peut » —

... peut être assortie des conditions que le juge de paix estime indiquées, notamment pour protéger les communications privilégiées entre la personne habilitée à donner des avis juridiques et son client.

À mon avis, quand on dit que les communications privilégiées « peuvent » être protégées, c'est qu'il se peut qu'elles ne le soient pas. Honorables sénateurs, cette situation porte atteinte à une règle établie depuis très longtemps, à savoir qu'un client peut avoir des communications privées avec son conseiller juridique.

La protection de la communication entre le particulier et son avocat relève de la justice naturelle fondamentale. Ce projet de loi est rédigé de telle façon qu'il accorde aux membres de la GRC moins de droits qu'aux citoyens canadiens, bien que les membres de la GRC risquent leur vie pour protéger ces derniers.

Pour compliquer davantage les choses, le paragraphe 40.2(2) proposé, qui concerne les demandes de mandats, prévoit ceci : « La demande indique si le lieu est une maison d'habitation. »

Il s'applique lorsque la GRC veut entrer dans une maison pour saisir du matériel et des documents. Le projet de loi n'impose aucune restriction quant à la perquisition d'une maison d'habitation. Tout ce qu'il prévoit, c'est que la demande doit indiquer s'il s'agit d'une maison d'habitation. Ensuite, la GRC peut faire tout ce qu'elle pourrait faire ailleurs; ce qu'elle fait dans un entrepôt, elle pourrait le faire dans une voiture ou une maison d'habitation. D'ordinaire, lorsqu'il faut indiquer qu'il s'agit d'une maison d'habitation, il y a des règles spéciales à respecter lors de la perquisition des lieux, pour respecter le caractère sacré de la résidence et de la maison d'habitation de la personne.

La version anglaise du paragraphe 45.16(10) prévoit ceci : « [...] the Commissioner may rescind or amend the Commissioner's decision [...] ».

Il y a une commission, ainsi que le commissaire de la GRC. Voyons maintenant ce que dit la version française de cet article du projet de loi.

Son Honneur le Président intérimaire : J'ai le regret d'informer le sénateur que son temps de parole est écoulé.

Le sénateur Day : Je me demande si les sénateurs accepteraient de m'accorder plus de temps pour compléter mon intervention au sujet de cet article.

Une voix : Cinq minutes.

Des voix : D'accord.

(1530)

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, en anglais, l'article dit ceci :

The Commissioner may rescind or amend the Commissionner's decision.

Cela laisse entendre que le commissaire modifie la décision de quelqu'un d'autre. Par contre, en français, l'article dit ceci :

[Français]

Malgré le paragraphe 9, le commissaire peut annuler ou modifier sa décision.

[Traduction]

La version française dit donc que le commissaire peut modifier sa décision, et la version anglaise, elle, dit que le commissaire peut modifier la décision du commissaire. À mon avis, ce passage pourrait être remanié. Si on prévoit que le français soit le reflet de l'anglais, ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.

Il y a aussi la question du nouvel article 86 dans la partie 2 du projet de loi. Je vais tenter de conclure là-dessus, honorables sénateurs. Je pourrais signaler plusieurs autres passages qui sont on ne peut plus ambigus, mais l'article 86 porte sur les personnes nommées en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Les sénateurs doivent comprendre qu'il y a des agents de la GRC en uniforme, des agents de la GRC qui sont appelés membres civils, puis des employés qui sont des fonctionnaires. Les sénateurs ont probablement tous reçu de nombreuses lettres de membres civils de la GRC. Les membres civils occupent une place importante à la GRC. J'ai ici une lettre d'une dame qui a travaillé pour le service du renseignement de la GRC à titre de membre civil. Elle déclare que le rôle des analystes consiste à mener des enquêtes criminelles complexes. Ce sont des membres assermentés de la GRC, qui ont pris des engagements à l'égard de leur pension et de la durée de leur service au sein de la GRC. Ce projet de loi tente de nier leur existence.

C'est l'aspect le plus important du projet de loi que nous pouvons corriger ici. J'espère que les sénateurs accepteront de supprimer cet aspect du projet de loi.

Je peux signaler un certain nombre d'autres amendements que nous pourrions proposer, mais, pour que nous arrivions au cœur du problème, je ne parlerai pas des amendements qui ont été proposés au comité et rejetés.

Je rappelle aux sénateurs que des observations ont été faites. Quand nous avons fait rapport du projet de loi, nous avons formulé des observations indiquant que nous n'étions pas à l'aise avec certains de ses éléments, mais qu'il comportait par ailleurs de bons points et qu'il allait dans la bonne direction.

Motion d'amendement

L'honorable Joseph A. Day : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose, avec l'appui de la sénatrice Hubley, que le projet de loi C-42 ne soit pas lu maintenant pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié.

Honorables sénateurs, je peux lire l'amendement à voix haute. Il est habituel que je le fasse. Il porte sur la disposition relative aux membres civils qui figure à l'article 65. J'ai tâché de faire en sorte que la catégorie de personnes qui existe déjà soit maintenue. Si le commissaire veut s'entendre avec ces personnes sur une base individuelle, c'est parfait. Celles-ci ne sont cependant pas représentées par un syndicat, parce qu'il n'y a pas de syndicat à la GRC. Je suggère que cette catégorie continue d'exister tant que le cas des personnes qui en font partie n'aura pas été réglé, que ce soit en maintenant cette catégorie ou en leur permettant de conserver leur poste en vertu de leurs droits acquis, mais qu'on ne fasse pas d'autres nominations.

Il y a évidemment bien des façons dont le commissaire peut s'occuper de la question. Nous voulons protéger les membres civils de la GRC qui ont signé un contrat, ont donné de leur temps et ont reçu l'assurance qu'ils feraient partie du personnel civil de la GRC.

Honorables sénateurs, je vois que mon temps de parole est écoulé. Je transmettrai les amendements au greffier qui pourra les lire à ma place.

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénateur Day, avec l'appui de l'honorable sénatrice Hubley, propose que le projet de loi C-42 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié

a) à l'article 12, à la page 9, par substitution, à la ligne 27, de ce qui suit :

« des catégories de membres, qui doivent comprendre des catégories de membres exerçant des fonctions essentiellement semblables à celles qu'exercent des officiers et des membres autres que des officiers à l'entrée en vigueur du présent article. »;

b) à l'article 13, à la page 9, par substitution, à la ligne 36, de ce qui suit :

« a) déterminer des catégories de membres, qui doivent comprendre des catégories de membres exerçant des fonctions essentiellement semblables à celles qu'exercent des officiers et des membres autres que des officiers à l'entrée en vigueur du présent article; »;

c) à l'article 86, à la page 118,

(i) par substitution, à la ligne 30, de ce qui suit :

« tel que défini à cette date, à l'exception de celui qui était membre à la date de la sanction de la présente loi, qui ne fait partie »,

(ii) par substitution, à la ligne 38, de ce qui suit :

« Gendarmerie royale du Canada, à l'exception de celle qui était membre à la date de la sanction de la présente loi, qui ne fait ».

Y aura-t-il débat sur la motion d'amendement, honorables sénateurs?

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin : Est-ce que le sénateur Day accepterait de répondre à certaines questions?

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Malheureusement, le temps supplémentaire accordée au sénateur Day est écoulé. Nous sommes maintenant prêts à débattre de l'amendement.

(Sur la motion du sénateur Nolin, le débat est ajourné.)

Le Comité de sélection

Adoption du quatrième rapport

Consentement ayant été accordé de revenir à la présentation ou au dépôt de rapports de comités permanents ou spéciaux :

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall, présidente du Comité de sélection, présente le rapport suivant :

Le mardi 28 mai 2013

Le Comité de sélection a l'honneur de présenter son

QUATRIÈME RAPPORT

Votre comité recommande un changement à la composition des comités suivants :

Comité sénatorial permanent des banques et du commerce

L'honorable sénateur Campbell remplace l'honorable sénateur Harb comme membre du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Comité sénatorial permanent des pêches et des océans

L'honorable sénateur Robichaud, C.P., remplace l'honorable sénateur Harb comme membre du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Comité sénatorial permanent des droits de la personne

L'honorable sénateur Munson remplace l'honorable sénateur Harb comme membre du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Comité mixte permanent d'examen de la réglementation

L'honorable sénatrice Fraser remplace l'honorable sénateur Harb comme membre du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation.

Respectueusement soumis,

La présidente,
ELIZABETH MARSHALL

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

La sénatrice Marshall : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5(f), je propose que le rapport soit adopté maintenant.

Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1540)

[Français]

La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénatrice Dyck, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre).

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, c'est avec la ferme conviction de l'importance fondamentale de la règle de droit et la reconnaissance de la condition humaine, ainsi qu'un profond respect pour les différences qu'elle révèle, que je désire participer au débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-279.

Cette initiative parlementaire vise, dans un premier temps, à modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'intégrer l'identité de genre à la liste des motifs de distinction illicite, et, dans un deuxième temps, à modifier le Code criminel afin d'intégrer l'identité de genre à la liste des caractéristiques protégées par l'article 318, qui prohibe la propagande haineuse et celle des circonstances aggravantes dont un juge doit tenir compte pour déterminer la peine à infliger en application de l'article 718.2.

Chaque fois que le Parlement est ainsi invité à légiférer afin de protéger des individus contre une distinction illicite, cela soulève les passions à un point tel que, de bonne foi, certains parlementaires laissent présager les pires calamités.

Ce fut le cas en 2004 lorsque nous avons dû faire le même genre de modification au sujet de l'orientation sexuelle, certains allant jusqu'à invoquer les enseignements bibliques contre l'homosexualité au soutien de leur argumentaire.

Un amendement a été proposé et inséré afin de protéger la légitimité de tout précepte religieux et ce, malgré l'enchâssement dans la Charte canadienne des droits et libertés de la liberté de conscience et de religion. Le présent débat n'échappe pas à cette tendance qui, malgré tout, est une preuve indubitable de la qualité de notre démocratie et des valeurs qui la sous-tendent.

Venons-en maintenant aux principes du projet de loi dont nous sommes saisis. Explorons ensemble la notion de distinction ainsi que les diverses terminologies utilisées qui peuvent, j'en conviens, rendre la discussion fort confuse. Au sens courant, la discrimination est le fait de traiter de manière inégale et défavorable un ou plusieurs individus. De manière plus précise, il s'agit de distinguer un groupe social des autres en fonction de caractères extrinsèques, comme la fortune, l'éducation, le lieu d'habitation, et cetera, ou intrinsèques, comme le sexe ou l'origine ethnique, par exemple, afin de pouvoir lui appliquer un traitement spécifique, en général négatif.

Discriminer signifie donc, dans le langage commun, distinguer, mais dans le langage juridique, discriminer a pour signification de traiter de manière défavorable une personne pour un motif prohibé.

Une discrimination n'est pas seulement une distinction, car toute distinction n'est pas en soi illicite et ne constitue pas invariablement une discrimination.

En effet, certains individus peuvent être traités différemment des autres, et ce, de façon tout à fait licite. Une discrimination n'est pas seulement une inégalité de traitement. Une différence de traitement peut être illégitime, mais ne pas constituer une discrimination. Sa sanction, lorsqu'elle est possible, ne relève alors pas du droit.

Une distinction ou une différence de traitement ne devient une discrimination que lorsqu'elle est illicite. Une discrimination se produit lorsqu'une différence de traitement défavorable est illégitime et qu'elle a pour fondement ou motif un critère sur la base duquel le droit interdit de fonder des distinctions juridiques. C'est la conjonction de ces constats qui provoquera l'existence d'une discrimination dans son sens juridique.

Le langage que la Loi canadienne sur les droits de la personne emploie dans sa version française de l'expression « distinction illicite », qui est dans sa version anglaise « prohibited grounds of discrimination », est la preuve de cette tentation de vouloir éliminer toute confusion.

Afin d'éviter toute confusion et afin de bien établir son principe, le caractère illicite ou « prohibited » de la distinction ou « discrimination » est bien en évidence dans le libellé de l'article 3(1) de la loi. Si vous me le permettez, je vais vous le lire. Il s'agit bien du projet de loi actuel qu'on nous demande de modifier mais qui existe déjà. Dans la partie I du projet de loi, aux Dispositions générales des Motifs de distinction illicite, on peut lire ce qui suit :

Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicites sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l'état de personne graciée ou la déficience.

Vous aurez noté que la loi utilise le mot « illicite » pour bien accentuer et ne pas utiliser juste le mot « distinction », mais le qualitatif « illicite » associé au mot « distinction ».

Le principe de la loi repose donc sur la répression de toute inégalité de traitement qui serait fondée sur un motif qui est prohibé.

Il est primordial de préciser que le principe d'égalité est lui aussi déjà reconnu dans la Charte canadienne des droits et libertés.

L'article 15, dont je ne citerai qu'un passage, prévoit clairement que :

[...] tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi indépendamment de toute discrimination [...]

J'y reviendrai un peu plus loin dans mon exposé.

[Traduction]

Maintenant, étudions brièvement la notion d'identité de genre. Dans le paragraphe 2(2) et dans l'article 3 du projet de loi, on propose la définition suivante :

[...] « identité de genre » désigne, pour une personne...

— le mot « individu » est employé dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, alors que le mot « personne » est utilisé dans le Code criminel —

... l'expérience intime, personnelle et profondément vécue de son genre, que celui-ci corresponde ou non au sexe qui lui a été assigné à sa naissance.

(1550)

En psychologie, l'identité de genre désigne la perception intime et l'expérience subjective de son propre genre. On dit généralement que cela correspond au fait de se sentir un homme ou une femme, perception caractérisée essentiellement par le sentiment d'appartenance à une catégorie donnée de personnes, de sexe masculin ou de sexe féminin.

Toutes les sociétés distinguent les sexes d'une manière pouvant permettre à une personne de fonder son identité sociale par rapport aux autres membres de la société. La plupart des sociétés établissent une distinction élémentaire entre les attributs sexuels associés aux hommes et aux femmes, mais dans toutes les sociétés certaines personnes ne s'identifient pas, en tout ou en partie, aux attributs associés à leur sexe biologique. Le comité examinera sans doute en profondeur cette facette de la condition humaine.

[Français]

L'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne énonce déjà le principe d'égalité de la façon suivante :

La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet dans le champ de compétence du Parlement du Canada au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l'état de personnes graciée.

Devons-nous ajouter à cette liste de motifs de distinction illicite l'identité de genre, et ainsi garantir le droit à l'égalité à tout individu pour qui l'expérience intime personnelle et profondément vécue de son genre correspond ou non au sexe qui lui a été assigné à sa naissance, si cette distinction est source de préjudice et qu'elle porte atteinte à la dignité et à la liberté humaine essentielle? Pour moi, la réponse est simple, et elle est affirmative.

Personnellement, je ne puis accepter qu'une distinction nuise à l'égalité des chances d'épanouissement d'un autre individu. Il est de mon devoir de légiférer afin de rendre illicite une telle distinction. C'est notre Charte nous y incite.

[Traduction]

Il est de mon devoir de faire en sorte qu'on ajoute l'identité de genre aux motifs de distinction illicites.

[Français]

Le projet de loi est-il nécessaire? Je ne peux éviter de tenter de répondre à cette question, puisque certains parlementaires, surtout à l'autre endroit, ont voté contre le projet de loi, concluant que la mesure n'était pas nécessaire. Quelques sénateurs ont pris part au débat, et d'autres, avec lesquels j'ai eu d'intéressantes conversations, ont, eux aussi, adopté la même position.

J'ose croire qu'ils reconnaissent malgré tout que certains individus au Canada peuvent avoir un rapport avec leur identité qui soit différent de celui de la majorité, et qu'ils n'ont pas accès à l'égalité des chances, principalement en raison, de cette expérience intime, personnelle et profondément vécue de leur genre, qui correspond ou non au sexe qui leur a été assigné à la naissance. Je ne vous demande pas d'accepter cette situation, mais bien de reconnaître sa réalité et son existence.

Honorables sénateurs, vous aurez compris, et j'en suis convaincu, mon argument. Sans aucun irrespect pour les interprètes, je vais le lire dans les deux langues officielles.

Aujourd'hui, en 2013, dans notre société qui se veut libre, juste et démocratique, si une distinction fondée sur l'identité de leur genre nuit aux chances d'épanouissement de certains au point d'être une source de préjudice, et porte atteinte à la dignité humaine essentielle, cette distinction doit devenir illicite afin d'assurer l'égalité des droits garantie à tous par la Charte des droits et libertés.

[Traduction]

Aujourd'hui, en 2013, dans notre société qui se veut libre, juste et démocratique, si une distinction fondée sur l'identité de leur genre empêche certains d'avoir des possibilités égales de mener la vie qu'ils veulent et qu'ils seraient capables de mener, au point que cela devient une source de préjudice et porte atteinte à la dignité humaine essentielle, cette distinction doit devenir illicite afin d'assurer l'égalité des droits garantie à tous par la Charte canadienne des droits et libertés.

[Français]

Le comité auquel sera confiée l'étude approfondie du projet de loi devra, afin de faire une étude la plus sérieuse possible du projet de loi C-279, premièrement, avérer et documenter l'expérience particulière de genre pour ceux qui la vivent; deuxièmement, s'informer sur les conséquences d'une telle distinction sur les individus qui la vivent, afin de déterminer si cette distinction peut être la source d'un préjudice qui porte atteinte à la dignité et à la liberté humaine essentielle. Troisièmement, le comité devra se convaincre qu'il faut interdire cette distinction et l'ajouter à la liste de motifs de distinction illicites déjà prévues à la Loi sur les droits de la personne et au Code criminel.

[Traduction]

Compte tenu du principe constitutionnel et de la suprématie de la primauté du droit, reconnaissant et acceptant les différents genres humains, je demande humblement aux honorables sénateurs de voter en faveur du projet de loi C-279 à l'étape de la deuxième lecture. Merci d'avoir écouté mon plaidoyer.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre écoute attentive.

[Traduction]

Je tâcherai le plus possible de fournir des réponses intelligentes et cohérentes à toute question qu'on me posera.

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, s'il n'y a pas de questions, je propose l'ajournement du débat au nom de la sénatrice Nancy Ruth.

(Sur la motion du sénateur Carignan, au nom de la sénatrice Nancy Ruth, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du vingt-cinquième rapport du comité

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Carignan, tendant à l'adoption du vingt-cinquième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Politiques et lignes directrices sur les déplacements des sénateurs), présenté au Sénat le 9 mai 2013.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénatrice LeBreton, avec l'appui de l'honorable sénateur Carignan, propose que le vingt-cinquième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Politiques et lignes directrices sur les déplacements des sénateurs), présenté au Sénat le 9 mai 2013, soit adopté maintenant.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président intérimaire : Les whips ont-ils déterminé l'heure du vote?

La sénatrice Marshall : Dans 30 minutes.

Une voix : Dix minutes.

Le sénateur Munson : Impossible, à cause des comités. Trente minutes.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, il y a accord entre les whips pour que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes. Le vote aura lieu à 16 h 28.

(1620)

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk LeBreton
Ataullahjan Maltais
Batters Manning
Bellemare Marshall
Beyak Martin
Black McInnis
Boisvenu McIntyre
Braley Mercer
Buth Meredith
Callbeck Mockler
Campbell Moore
Carignan Munson
Champagne Nancy Ruth
Chaput Ngo
Charette-Poulin Nolin
Comeau Ogilvie
Cordy Oh
Cowan Oliver
Dagenais Plett
Dallaire Poirier
Dawson Raine
Demers Ringuette
Downe Rivard
Doyle Rivest
Duffy Robichaud
Dyck Runciman
Eaton Segal
Eggleton Seidman
Enverga Seth
Fortin-Duplessis Smith (Cobourg)
Fraser Smith (Saurel)
Furey Stewart Olsen
Gerstein Tannas
Greene Tardif
Hervieux-Payette Tkachuk
Housakos Verner
Hubley Wallace
Jaffer Watt
Joyal Wells
Lang White—80

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Harb Cools—2

(1630)

Le vingt-quatrième rapport du comité—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Stewart Olsen, appuyée par l'honorable sénateur Ogilvie, tendant à l'adoption du vingt-quatrième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Examen du statut des résidences principale et secondaire du sénateur Harb), présenté au Sénat le 9 mai 2013;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice McCoy, appuyée par l'honorable sénatrice Cools, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit renvoyé au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pour étude approfondie et rapport.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, cette motion d'amendement est inscrite à mon nom. Je souhaite que le débat soit ajourné, car je ne suis tout simplement pas prête à intervenir.

Je propose que cette question reste inscrite à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

[Français]

La violence à l'égard des femmes

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Oliver, attirant l'attention du Sénat sur le besoin d'entamer une conversation à l'échelle nationale pour appeler à l'élimination de la violence à l'égard des femmes de tous âges et dans toutes ses formes incluant l'abus physique, sexuel et psychologique, et, en particulier, sur comment nous pouvons, en tant qu'entité nationale législative, mettre davantage l'accent sur l'éducation, la prévention et la sensibilisation à l'échelle nationale et internationale de l'égalité des genres et réaffirmer que la violence à l'égard des femmes constitue une violation des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales.

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole devant vous aujourd'hui pour participer au débat auquel notre confrère, le sénateur Oliver, nous a conviés pour appeler à l'élimination de la violence à l'égard des femmes.

Plusieurs éléments de son discours m'ont interpellée, notamment le récit de la mort tragique de la jeune Rehtaeh Parsons, qui s'est malheureusement enlevé la vie. Je ne pouvais passer sous silence cette triste histoire qui a été également rapportée par les médias du monde entier.

Je veux d'abord prendre un moment pour offrir mes sincères condoléances aux parents et amis de la jeune Rehtaeh.

La mort de Rehtaeh restera à jamais inacceptable. Aujourd'hui, je souhaite joindre ma voix à celle du sénateur Oliver pour crier haut et fort que nous ne tolérerons pas la violence faite aux femmes.

Le Canada est l'un des pays offrant la meilleure qualité de vie à ses résidants. Nous croyons en la tolérance, en la justice, en l'aide aux plus démunis. Nous partageons un ensemble de valeurs qui définissent notre identité, comme la fierté, la foi en l'égalité et la diversité ainsi que le respect de tous les membres de notre société.

Hommes et femmes, enfants et aînés, tous sont également respectés au Canada. Malgré nos différences individuelles respectives, nous partageons tous ces valeurs qui font du Canada un pays accueillant, compatissant, où il fait bon vivre.

(1640)

Nous bénéficions de cette qualité de vie en portant un regard attentif sur les enjeux auxquels même un pays sûr et pacifique tel que le Canada est confronté. Il en est ainsi, car nous, Canadiens et Canadiennes, aspirons à une vie meilleure non seulement pour nous, mais pour nos enfants et les générations futures qui nous succéderont.

Ce regard attentif traduit une réalité à laquelle nul ne peut rester passif. Selon Statistique Canada en 2011, les femmes étaient 11 fois plus susceptibles que les hommes d'être victimes d'une agression sexuelle et trois fois plus susceptibles d'être victimes de harcèlement criminel.

Selon les données policières, les jeunes femmes sont d'ailleurs les plus à risque de subir de la victimisation avec violence. D'ailleurs, de 15 à 25 p. 100 des femmes seront victimes d'agression sexuelle au cours de leur carrière universitaire. C'est donc plus d'une femme sur cinq qui verront leur vie basculer, et c'est inconcevable!

Pour s'attaquer à ce problème, Condition féminine Canada a lancé l'an dernier un appel de propositions visant à mobiliser les jeunes pour prévenir la violence contre les étudiantes sur les campus. Ainsi, en novembre dernier, j'ai eu la chance de procéder à l'annonce d'un des projets retenus, chapeauté par le Y des femmes de Montréal.

Un montant de plus de 185 000 $ leur a été attribué pour la réalisation du projet MobiliCampus, qui vise la population étudiante de trois cégeps à Montréal. Ensemble, ces trois institutions sont des partenaires actifs qui s'emploient à prévenir la violence faite aux femmes étudiantes. Lors de ma rencontre avec les intervenants responsables de ce projet, j'ai également appris que bon nombre d'agressions sexuelles commises sur les campus se produisent au cours des huit semaines qui suivent le début des cours.

Par ailleurs, le quart des étudiantes âgées de plus de 18 ans seraient victimes de violence amoureuse ou de violence dans le cadre de leurs fréquentations. La violence émotionnelle ou psychologique est courante dans les fréquentations amoureuses des jeunes au collège et à l'université. On la définit comme le fait d'insulter une personne, de l'injurier, de la rabaisser ou de la menacer, voire de détruire ses biens ou de l'isoler de ses proches et de sa famille.

Selon un rapport publié en 2002, la violence émotionnelle est si répandue dans les fréquentations que les jeunes femmes la considèrent pratiquement comme la norme. Il est essentiel de renverser ces tendances et de dire haut et fort que toute forme de violence ne peut être tolérée.

Pour ce faire, il est primordial que notre gouvernement encourage des projets tels que celui du Y des femmes de Montréal. Il faut unir nos voix à celles des institutions et des organismes actifs sur le terrain et rallier nos connaissances, notre savoir-faire et nos ressources afin de ne ménager aucun effort pour affronter le cycle de la violence, qui est trop souvent accompagné par le silence des victimes.

À cet égard, plusieurs moyens ont été mis en œuvre par le gouvernement du Canada pour protéger, prévenir et réduire la violence à l'égard des femmes et des jeunes filles. Je pense, entre autres, au renforcement des mesures pénales afin d'augmenter certaines peines lors de crimes violents.

Je songe également à l'augmentation de l'âge du consentement à l'activité sexuelle et aux mesures prises afin que les intervenants judiciaires puissent gérer plus efficacement la menace que posent les personnes présentant un haut risque de récidive sexuelle ou violente.

Le gouvernement du Canada soutient également plusieurs initiatives et projets communautaires visant à répondre à de nouveaux enjeux, tels que la violence perpétrée au nom d'un soi- disant « honneur » et l'engagement des hommes et des garçons dans la prévention de ce genre de violence. Notre gouvernement déploie également beaucoup d'efforts pour contrer la violence faite aux femmes et aux jeunes filles autochtones et persiste à croire que les mesures mises de l'avant dans le domaine de l'éducation, du logement et de la santé contribueront à prévenir et à réduire la violence à leur égard.

En effet, une fois de plus, les statistiques sont choquantes : le risque de violence est multiplié pour les femmes autochtones qui sont trois fois et demie plus susceptibles de subir une victimisation violente que les femmes non autochtones. Les femmes autochtones sont substantiellement surreprésentées parmi les victimes d'homicide et sont aussi trois fois plus susceptibles d'être victimes de violence conjugale que les femmes non autochtones.

Le gouvernement du Canada s'est engagé à prendre des mesures concrètes pour s'attaquer au problème des femmes autochtones disparues et assassinées en améliorant la réponse des organismes responsables de l'application de la loi et du système de justice dans les cas des personnes disparues.

Un comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones mis en place par la Chambre des communes a entrepris ses travaux en avril dernier. Ce comité a pour mandat de conduire des auditions sur la question des disparitions et des meurtres de femmes autochtones au Canada et de proposer des solutions pour s'attaquer aux causes profondes de cette violence.

Un rapport de Human Rights Watch sur ce fléau paru récemment indiquait d'ailleurs que 582 femmes autochtones ont disparu ou ont été assassinées au cours des dernières décennies, dont 39 p. 100 d'entre elles depuis l'an 2000. Ce même taux appliqué à la population canadienne générale se serait traduit par la disparition ou l'assassinat de 18 000 femmes et jeunes filles canadiennes depuis la fin des années 1970. Il s'agit de statistiques qui sont absolument inacceptables! La pauvreté, le chômage et le racisme figureraient parmi les causes de ce phénomène. Une fois de plus, il est essentiel d'assurer un leadership pour poursuivre l'identification des causes de cette violence et déployer les ressources nécessaires pour l'éradiquer.

La violence faite aux femmes demeure un problème au Canada et dans le monde entier, et elle compromet la sécurité personnelle des femmes ainsi que leur capacité de participer et de contribuer à la société. Le Canada travaille conjointement avec d'autres pays à renforcer la mise en œuvre des mécanismes visant à protéger les droits des enfants et des jeunes, surtout des filles, qui risquent davantage d'être victimes de violence et d'exploitation.

En tant que parlementaires, je crois qu'il est de notre devoir de sensibiliser et de mobiliser les hommes et les femmes du monde entier contre cette violence.

En mars dernier, j'ai pris part à la 57e session de la Commission des Nations Unies sur la condition de la femme. Cette commission a réuni des milliers de représentants de l'Organisation des Nations Unies, des gouvernements, de la société civile, des médias et du secteur privé en provenance de toutes les régions du monde. L'un des principaux objectifs de ce rassemblement visait à étudier l'élimination et la prévention de toute forme de violence à l'égard des femmes et des jeunes filles.

Cet exercice fondamental a permis de passer en revue les progrès accomplis, partager les expériences et les bonnes pratiques, analyser les lacunes et les défis à relever et convenir d'actions prioritaires afin de bannir à jamais ce fléau social.

Le secrétaire général de l'ONU a rappelé que la pandémie mondiale de violence contre les femmes prospère trop souvent dans une culture de la discrimination et d'impunité. C'est pourquoi il est nécessaire de s'élever avec force contre toute forme de violence et de mettre de l'avant des législations solides et des services de sensibilisation et de prévention pour que les femmes et les jeunes filles puissent vivre à l'abri de la violence.

Dans le monde entier, des pas ont été faits, mais il reste encore beaucoup à faire.

(1650)

En agissant ensemble, nous pouvons aspirer à faire avancer cette cause, car il est essentiel de faire valoir le droit des femmes à l'égalité à tous les égards, et ce, à l'échelle planétaire.

Sur une note plus personnelle, j'aimerais vous parler d'une initiative dont je suis la marraine, soit l'avènement d'une websérie appelée Vixit.

« Vixit » vient du latin et signifie : elle a vécu. Cette série est basée sur des histoires vécues par des jeunes filles qui conseillent les scénaristes et les auteurs des textes. L'objectif de cette initiative est d'appuyer et de faire la promotion des problèmes particuliers que vivent les jeunes filles.

En tout, neuf capsules vidéo seront disponibles en ligne et pourront être visionnées en classe. Ces capsules sont réalisées en laissant toute la place aux jeunes, à leur fougue et à leur créativité. Elles constituent un excellent outil de sensibilisation, tant auprès des jeunes filles qu'auprès des garçons en ce qui a trait à la violence.

Au total, 18 thèmes comme l'intimidation, la sexualité, le respect de soi et des autres ou encore les enjeux liés aux réseaux sociaux sont abordés. Cette judicieuse initiative est porteuse d'un message d'espoir, de compréhension et de compassion et rappelle aux jeunes qu'ils ne sont pas seuls.

Je souhaite, par ailleurs, souligner devant cette Chambre le travail extraordinaire de M. Réjean Savard, lauréat de la Médaille du jubilé de la reine, qui chapeaute ce projet avec brio.

Je veux également souligner la précieuse implication des jeunes qui s'associent avec joie et entrain à ce projet.

En terminant, tout comme notre confrère, le sénateur Oliver, je vous invite à participer au débat et à joindre votre voix au mouvement visant à prévenir, sensibiliser et condamner la violence faite aux femmes. À toutes celles et ceux qui demeurent parties prenantes de ce combat, je veux vous témoigner toute mon estime et ma reconnaissance. Votre exemple nous conduit à redoubler nos efforts et guide notre action commune contre la violence, pour le respect et la dignité auxquels chaque femme et chaque jeune fille a droit.

Honorables sénateurs, je vous remercie infiniment de votre attention.

L'honorable Lillian Eva Dyck : L'honorable sénatrice, accepterait- elle de répondre à une question?

La sénatrice Fortin-Duplessis : Oui.

La sénatrice Dyck : Je remercie la sénatrice Fortin-Duplessis de son beau commentaire sur les femmes autochtones. Soutenez-vous une enquête nationale sur la question des femmes disparues ou assassinées autochtones?

La sénatrice Fortin-Duplessis : Non, je ne tiens pas d'enquête.

La sénatrice Dyck : Pardonnez-moi.

[Traduction]

J'ai voulu être aimable et pratiquer mon français, mais cela laisse clairement à désirer.

Des voix : Bravo.

La sénatrice Dyck : J'essaie de nouveau, mais plus lentement, et je serai probablement tout de même incapable de le dire correctement.

[Français]

L'honorable sénatrice appuierait-elle une enquête nationale sur la question des femmes disparues ou assassinées autochtones?

La sénatrice Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, actuellement, un comité de la Chambre des communes entame une étude. Je l'ai d'ailleurs mentionné dans le discours. Personnellement, je ne crois pas, de notre côté, que nous devrions commencer une enquête nationale sur ce cas. Par contre, le gouvernement fait beaucoup. Il a déjà consacré 25 millions de dollars pour s'attaquer au grand problème des femmes autochtones portées disparues ou assassinées. Ces sommes servent à améliorer la réponse des organismes responsables de l'application de la loi et du système de justice et aident également à améliorer les services aux victimes.

Je suis convaincue que le gouvernement va faire beaucoup plus. Il va enquêter davantage et mettre en place des mesures pour que les femmes autochtones ne soient plus violentées ou assassinées.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole sur cette interpellation, nous allons considérer que le débat est clos.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je n'ai pas été assez rapide, je m'en excuse. Je souhaite prendre la parole sur l'interpellation du sénateur Oliver.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

[Français]

L'accès à la justice en français

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Tardif, attirant l'attention du Sénat sur l'accès à la justice en français dans les communautés francophones en situation minoritaire.

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, je suis fière de vous parler aujourd'hui sur le sujet de l'accès à la justice en français dans les communautés francophones en situation minoritaire.

Je remercie sincèrement la sénatrice Tardif d'avoir soulevé la question et de nous avoir expliqué très clairement les défis que vivent les francophones en situation minoritaire au Canada, en particulier les francophones de l'Alberta, la province représentée par la sénatrice Tardif.

Au Canada, l'accès à la justice dans la langue officielle de notre choix est un droit fondamental, un droit non négociable qui doit être non seulement protégé, mais dont il faut toujours faire la promotion pour le bénéfice de l'unité du Canada. C'est ce qui justifie l'obligation du gouvernement du Canada de faire œuvre pédagogique auprès des citoyens des majorités linguistiques et de promouvoir les droits des minorités linguistiques. Il me semble que, dans la même veine, tous les Canadiens ont l'obligation de respecter ces droits.

Pourtant, comme le souligne dans son dernier rapport annuel Graham Fraser, commissaire aux langues officielles, et je cite :

Même si la Loi sur les langues officielles en est à sa cinquième décennie, d'aucuns ont encore de la difficulté à admettre que la dualité linguistique est une valeur canadienne et un élément essentiel de l'identité du Canada.

Oui, honorables sénateurs, tant du côté des gouvernements que de celui des citoyens, on voit encore, malheureusement, une résistance à cette valeur fondamentale que représentent les deux langues officielles pour l'unité de notre pays.

Dans le portrait qu'elle a dessiné, la sénatrice Tardif a signalé que l'accès à la justice est inégal chez les différentes communautés francophones en situation minoritaire du pays. Les provinces du Manitoba et de l'Ontario, disait-elle, se démarquent parce qu'elles se sont dotées de véritables politiques visant à offrir des services juridiques dans la langue officielle française, une rareté au pays.

Aujourd'hui, j'aimerais offrir une perspective franco-ontarienne. La communauté compte plus de 600 000 personnes dont la première langue est le français et presque autant de francophiles, ce qui en fait la plus importante communauté francophone en nombre à l'extérieur du Québec.

(1700)

L'expérience des francophones de l'Ontario à l'égard de l'accès à la justice en français se veut un cheminement plutôt positif, surtout au cours de la dernière décennie. Beaucoup de progrès ont été accomplis, et les choses continuent d'évoluer dans la bonne direction. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus aucune amélioration à apporter.

Tout comme la sénatrice Maria Chaput, je considère que :

Le simple droit d'avoir accès à la justice dans la langue officielle de son choix ne devrait pas, dans un pays comme le Canada, être gagné de peine et de misère.

Néanmoins, en Ontario — ainsi qu'au Manitoba, comme l'a indiqué la sénatrice Chaput —, se faire servir en français dans le système judiciaire n'a jamais été facile.

L'histoire de la minorité francophone de l'Ontario et celle du Manitoba ont beaucoup en commun. Les deux minorités ont vécu des moments d'adversité, des avancées et des victoires.

La sénatrice Chaput a fait le récit de la sombre période vécue par les Franco-Manitobains lorsque le gouvernement de la province a adopté, en 1890, deux lois antifrancophones. Elle nous a également raconté l'histoire de George Forest qui, en 1976, refusa de payer une contravention qui avait été rédigée en anglais seulement. M. Forest se rendit jusqu'à la Cour suprême du Canada, qui déclara inconstitutionnelle l'Official Languages Act du Manitoba de 1890.

D'aucuns ont joué un rôle important dans la lutte des Franco- Ontariens pour la reconnaissance des droits linguistiques. En avril 2013, par exemple, j'ai rendu hommage au quotidien d'expression française Le Droit, qui fut très présent dans la lutte contre le règlement 17 du gouvernement de l'Ontario, visant à restreindre les droits des Ontariens d'expression française. Ce règlement fut abrogé en 1927, ce qui donna aux Franco-Ontariens le droit d'avoir des écoles primaires d'expression française dans la province. Pour Graham Fraser, il s'agit :

[...] d'un événement marquant de l'histoire et de la fierté de l'Ontario français.

Il a tout à fait raison et, si on regarde tous les progrès des écoles françaises en Ontario depuis ce moment-là, c'est toute une réussite!

Plusieurs décennies plus tard, en 1975, une nouvelle bataille occupa l'avant-scène de l'Ontario francophone : la bataille contre les contraventions unilingues anglaises, surtout dans les communautés à forte prédominance francophone.

Cette année-là, la communauté francophone de l'Ontario manifesta massivement, et plusieurs actes de désobéissance civile furent commis. En juillet, à Sudbury, Lise Pellerin choisit d'être détenue pendant cinq jours plutôt que de payer une contravention rédigée en anglais seulement. À peu près à la même époque, à Ottawa, plusieurs francophones refusèrent de payer leurs contraventions ou de renouveler leur permis de conduire, car les formulaires n'étaient disponibles qu'en anglais.

L'Assemblée législative de l'Ontario ne fut pas en reste. Au printemps de 1975, le député d'Ottawa-Est, Albert Roy, proposa des modifications à la Loi sur la juridiction afin d'autoriser l'utilisation du français dans les tribunaux de certaines régions.

Les jeunes francophones, devenus impatients face à l'absence de véritables progrès pour faciliter l'accès en français aux services gouvernementaux, mirent en marche le mouvement appelé « C'est le temps », dirigé par des étudiants du Collège Algonquin.

Voici un extrait de leur communiqué à l'époque :

[...] il est encore souvent impossible à un Franco-Ontarien d'obtenir dans sa langue des services aussi essentiels que les soins hospitaliers et médicaux, la justice et le bien-être social, pour lesquels il paie des impôts au même titre que ses concitoyens anglophones.

Il était devenu impossible pour le gouvernement de l'Ontario de faire la sourde oreille, et le procureur général de l'Ontario, Roy McMurtry, réagit en 1976. Sa première mesure fut importante : il lança le projet pilote visant la création du tribunal bilingue de Sudbury.

Honorables sénateurs, vous remarquerez que Sudbury et Ottawa occupent une place importante dans mes récits, et c'est tout à l'honneur de ces deux communautés qui sont des chefs de file dans la promotion et la protection des droits linguistiques pour les francophones de l'Ontario.

Oui, avec l'élan lancé en 1976, les francophones obtinrent l'accès à des services en français dans le cas de poursuites criminelles en 1979. Aujourd'hui, une association des juristes francophones de l'Ontario joue un rôle important pour veiller à l'accès égal à la justice dans les deux langues officielles et agit auprès de l'ensemble de la communauté juridique franco-ontarienne en favorisant les liens entre ses membres, en diffusant de l'information et en suscitant la participation de tous.

Rappelons-nous que, en1984, le gouvernement de l'Ontario a adopté la Loi sur les tribunaux judiciaires de l'Ontario, qui donnait au français et à l'anglais le statut de langues officielles dans l'appareil judiciaire de la province. Puis, en 1986, il a adopté la Loi sur les services en français, connue sous le vocable de la Loi 8. J'ai eu l'honneur de siéger à la Commission des services en français de l'Ontario de 1986 à 1989, commission responsable de l'implantation de la Loi 8.

Depuis, l'Ontario a beaucoup accompli pour améliorer les services du gouvernement qui sont offerts à la communauté francophone de la province, y compris l'amélioration de l'accès à la justice en français. Bien des mesures ont été prises à cet égard, y compris la publication en français des Lois refondues de l'Ontario en 1991, ainsi que la mise en œuvre des deux premières phases du plan stratégique du gouvernement intitulé Les services en français et le domaine de la justice en Ontario : Un état des lieux. Dans le cadre de ce processus visant à améliorer, à moderniser et à accroître l'accès aux services en français dans le secteur de la justice, le gouvernement a fait appel à des intervenants francophones. En 2007, le gouvernement de l'Ontario a créé le Commissariat aux services en français.

Aujourd'hui, il faut poursuivre l'impulsion et continuer d'avancer. Le gouvernement de l'Ontario a montré qu'il avait et continue d'avoir la volonté nécessaire à cet égard, et j'en suis très fière.

En 2010, le gouvernement ontarien a formé le Comité consultatif de la magistrature et du Barreau pour les services en français, par suite de la recommandation de Me François Boileau, commissaire aux services en français. Le mandat du comité consistait à examiner à la fois les connaissances en matière de droits linguistiques de la magistrature et le manque apparent de juges bilingues en Ontario.

L'été dernier, le comité a rendu public son rapport intitulé Accès à la justice en français. Ce rapport s'ouvre sur plusieurs commentaires positifs, et j'aimerais vous lire une citation provenant de la lettre adressée au procureur général qui accompagnait le rapport :

Au cours des 35 dernières années, les gouvernements qui se sont succédé ont élargi le droit aux services en français dans le système judiciaire ontarien. Ce droit est large et significatif. De nombreux efforts et ressources ont été consacrés à son développement et sa mise en œuvre. Les tribunaux, le ministère du Procureur général et d'autres participants au sein du système judiciaire ont fait preuve de bonne volonté et d'un engagement de ressources à cet égard. Le Plan stratégique pour le développement des services en français dans le domaine de la justice en Ontario, qui a été élaboré par le ministère du Procureur général, est particulièrement digne de mention.

Le rapport du comité conclut que la communauté francophone se heurte encore à des obstacles quand il s'agit d'avoir accès à la justice en français et que, bien souvent, les personnes à l'intérieur de l'appareil judiciaire ne sont pas au courant de ces obstacles.

(1710)

Le comité croit toutefois qu'il est possible d'apporter des améliorations sans investir de façon importante et sans déployer de vastes nouvelles initiatives. Le rapport dit clairement que les solutions se trouvent entre les mains du ministère, du procureur général et d'autres partenaires, participants et intervenants pertinents, notamment le gouvernement du Canada, la magistrature et la profession juridique.

L'une des principales conclusions du comité est que l'absence de services uniformes en français partout en Ontario réduit l'accès à la justice en français. Le rapport contenait 17 recommandations, que je résume ici brièvement :

Que le procureur général renouvelle son engagement à fournir des services en français en se fondant sur la notion de l'offre active;

Que la formation concernant les droits linguistiques des francophones à l'intention des juges et juges de paix soit améliorée;

Que des changements législatifs et réglementaires soient examinés pour veiller à ce que tous les points de contact d'une instance soient en français;

Que soient mises en œuvre des procédures garantissant que chaque personne est informée de ses droits linguistiques à la première occasion et que des services juridiques en français soient offerts et disponibles en même temps que des services juridiques en anglais.

Honorables sénateurs, puis-je avoir quelques minutes de plus, s'il vous plaît?

Son Honneur le Président : D'accord?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Charette-Poulin : Merci, honorables sénateurs.

Que chaque échelon du système judiciaire adopte la même définition de juge bilingue et de juge de paix bilingue pour veiller à ce qu'il y ait suffisamment de candidats bilingues qualifiés pour les postes de juge;

Que la coordination entre l'appareil judiciaire, le procureur général, la magistrature soit améliorée pour la prestation de services en français ou bilingues.

Maître François Boileau, le commissaire aux services en français, s'est déclaré satisfait de la réponse du gouvernement provincial au rapport ainsi que de l'engagement du procureur général qui veillera à la mise en œuvre des recommandations du comité en vue du renouvellement de l'accès à la justice en français.

Les bonnes nouvelles ne s'arrêtent pas ici. En novembre dernier, le commissaire aux langues officielles du Canada et le commissaire aux services en français de l'Ontario ont signé un protocole d'entente en vertu duquel ils pourront collaborer pour mieux protéger les droits linguistiques des Canadiens.

Les commissaires Fraser et Boileau disent qu'il s'agit d'une mesure sans précédent au Canada. Le protocole d'entente qu'ils ont signé permettra à leurs deux bureaux de s'informer mutuellement sur leurs enquêtes et de travailler ensemble à des projets de sensibilisation et à des études visant à déterminer de quelle manière leur gouvernement respectif respecte ses obligations linguistiques.

Honorables sénateurs, j'aimerais quand même prendre un moment pour vous rappeler l'un des débats que nous avons eus en cette Chambre. Il s'agit de la nomination par le gouvernement actuel de deux juges unilingues de langue anglaise à la Cour suprême du Canada.

Le ministre de la Justice Nicholson a justifié la décision en tentant d'établir une distinction entre le mérite et le bilinguisme. Ceci est un faux débat. C'est l'argument qu'on entend chaque fois qu'on tente d'établir l'égalité entre les deux langues officielles du Canada.

À l'heure actuelle, le bilinguisme n'est pas un critère préalable à la nomination des juges à la Cour suprême. Donc, un juge unilingue devra entendre une cause en anglais ou se fier sur la traduction, ce qui est risqué quand on comprend l'importance de chaque mot dans le contexte judiciaire.

Il est donc clair que, si on souhaite donner aux Canadiens d'expression française un accès égal à la justice, il faut que le bilinguisme des juges de la Cour suprême devienne un critère obligatoire. Il faut tenir compte de la nature de la langue. La sénatrice Tardif a d'ailleurs cité l'ancien juge en chef Dickson.

Ces paroles valent la peine d'être répétées :

Une langue est plus qu'un simple moyen de communication; elle fait partie intégrante de l'identité et de la culture du peuple qui la parle. C'est le moyen par lequel les individus se comprennent eux-mêmes et comprennent le milieu dans lequel ils vivent.

C'est pour cette raison que le gouvernement actuel doit transformer sa façon de penser et prendre des mesures pour veiller à ce que, à l'avenir, tous les juges de la Cour suprême soient bilingues.

Je conclus toutefois sur une note plus positive. J'ai été très heureuse de recevoir, il y a quelques mois, un communiqué de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario annonçant la mise en ligne de Jurisource.ca, le portail de ressources juridiques et jurilinguistiques destiné aux professionnels de la justice œuvrant au sein des communautés de langue officielle en situation minoritaire au Canada. Il s'agit d'une initiative extrêmement positive et j'aimerais souligner qu'elle est financée par le ministère de la Justice.

Le lancement de Jurisource.ca, que l'on décrit comme une bibliothèque virtuelle, a été accueilli avec beaucoup d'enthousiasme. Maître Paul Le Vay, associé chez Stockwoods et président de l'association, affirme ceci :

Jurisource.ca comble en ce sens un grand besoin pour la communauté juridique. Désormais, les professionnels de la justice ont un lieu de référence commun pour appuyer leur pratique au quotidien.

Dans un contexte de minorité linguistique, il est important de briser l'isolement en se dotant d'outils rassembleurs qui permettent à la communauté juridique de se fédérer et de s'entraider.

Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure sur une recommandation formulée par le commissaire aux langues officielles, M. Graham Fraser, dans son dernier rapport annuel :

Dans cinq ans, lorsque les Canadiens célébreront le 150e anniversaire de leur pays, ils devraient pouvoir célébrer la dualité linguistique du Canada et profiter de sa présence d'un bout à l'autre du pays.

J'espère sincèrement que, lorsque nous verrons la véritable dualité linguistique, nous célébrerons également l'amélioration de l'accès à la justice en français et en anglais pour toutes les communautés linguistiques du pays. Ainsi, 2017 pourrait être le début d'une toute nouvelle ère pour les Canadiens et les Canadiennes.

(Sur la motion du sénateur Jaffer, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Charte canadienne des droits et libertés

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Cowan, attirant l'attention du Sénat sur le 30e anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés qui a grandement contribué à la fierté de notre pays et à notre identité nationale.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai indiqué que je souhaitais prendre la parole à ce sujet. J'ai toujours l'intention de la faire, mais des dossiers urgents m'ont accaparée. J'implore donc l'indulgence du Sénat et lui demande la permission de reporter cette question à une date ultérieure.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

Question de privilège

Le vingt-quatrième rapport du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration—Report de la décision de la présidence

L'honorable Mac Harb : Honorables sénateur, le 23 mai, le Président a rejeté la question de privilège que j'avais soulevée le 21 mai, au motif que « [l]es préoccupations relatives à l'équité du [...] rapport et [de] ses conclusions pourront être examinées durant le débat [...] ».

(1720)

Je souhaite soulever aujourd'hui une nouvelle question de privilège à la lumière de nouveaux renseignements. Dans la décision qu'il a rendue le 23 mai, Son Honneur a déterminé que, dans l'exercice de son droit à l'égard de la manière dont il conduit ses travaux :

[...] le Sénat peut mettre en œuvre des mesures pour protéger sa réputation auprès du public [...]

La question de privilège que je souhaite soulever est directement liée à la réputation du Sénat auprès du public, et au privilège permettant au Sénat de régir ses propres affaires internes.

Il est bien établi que, en ce qui concerne les privilèges du Sénat, l'un des aspects les plus importants est la non-ingérence dans ses affaires internes. Dans l'ouvrage d'O'Brien et Bosc, intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes, voici ce que dit le chapitre 3, sous la rubrique « Les droits collectifs de la Chambre », au sujet de ce droit :

Le droit exclusif de la Chambre des communes de réglementer ses affaires internes s'entend de son droit d'être maître de ses débats, du programme de ses travaux et du déroulement de ses délibérations relativement à ses fonctions législatives et délibératives.

Autrement dit, le Sénat doit être indépendant. Il est également évident que les comités doivent être indépendants, surtout lorsqu'ils prennent des décisions en tant qu'organisme quasi judiciaire.

Les rapports concernant les frais de subsistance de certains sénateurs sont tous sous la responsabilité du même comité, et ils sont encadrés par un processus entièrement régi par ce comité, le Comité de la régie interne. Selon certains reportages, dans le cas d'au moins un des rapports, les observations et les conclusions du comité ont été modifiées à la suite d'une intervention du cabinet du premier ministre. On ne connaît pas encore tous les détails. Ce qu'on sait, cependant, c'est que c'est ce même comité qui a adopté le rapport sur les demandes de remboursement présentées par mes autres collègues et moi.

Dans le cadre d'une entrevue accordée à Maclean's le 23 mai 2013, on a posé la question suivante au président du Comité de la régie interne au sujet du rapport du comité :

Pouvez-vous dire, toutefois, que les conseils du Cabinet du premier ministre ont influencé, même partiellement, la façon dont le rapport a été rédigé?

Ce à quoi il a répondu ceci :

Eh bien, je ne sais pas. Je suppose que oui. C'est difficile à dire. C'est difficile à dire. Seulement parce que j'ai demandé conseil auprès de beaucoup, beaucoup de gens, et le rapport reflète tout cela.

Si c'est vrai, sommes-nous censés permettre que des personnes qui ne font pas partie du processus aient leur mot à dire sur le contenu du rapport d'un comité sénatorial? Si les propos rapportés sont vrais et que des collaborateurs politiques qui ne font pas partie du Sénat participent effectivement à la prise des décisions relatives aux procédures internes du Sénat, n'y a-t-il pas atteinte aux privilèges?

Comme vous le savez, honorables sénateurs, la justice naturelle est un terme technique désignant les règles relatives à l'impartialité et au droit à une audience équitable. De manière plus générale, c'est le devoir d'agir de manière juste et équitable. Le droit à une audience équitable implique que nul ne doit être pénalisé par des décisions concernant ses droits ou ses attentes légitimes à moins qu'on ne lui en ait donné préavis et qu'on lui ait accordé une occasion raisonnable d'y répondre ainsi que la possibilité de présenter sa propre défense.

Malheureusement, l'indépendance du Comité de la régie interne est remise en question, ce qui met en doute son impartialité, tandis que le processus employé remet en question le respect du droit à une audience équitable. Le Règlement administratif du Sénat exige que les procédures du Sénat soient transparentes. Dans le cas présent, la transparence et l'indépendance du processus qui a mené à la rédaction du rapport sur les allocations sont remises en question. Si le processus semble avoir été injuste pour la rédaction d'un des rapports du comité, comment le public peut-il avoir confiance dans le processus qui a mené aux autres rapports portant sur des questions similaires, puisqu'il s'agit du même? La justice naturelle exige non seulement un processus équitable, mais la perception d'un processus équitable.

Par exemple, un examen du rapport sur mon indemnité de subsistance et d'autres rapports du comité illustre très clairement que la vérification de mon indemnité de subsistance ne peut être considérée ni indépendante, ni juste. Dans le rapport me concernant, le comité dit ce qui suit :

Votre comité reconnaît l'observation de Deloitte concernant l'absence de critère de détermination de la résidence principale.

Plus loin, le rapport dit que malgré les observations du vérificateur indépendant, le comité a conclu que la déclaration de résidences principale et secondaire est amplement claire.

Cependant, dans un autre rapport sur les indemnités de subsistance, le comité dit ceci :

Le comité convient avec Deloitte qu'il n'existe pas de critère de détermination de la résidence principale. Cette question est actuellement examinée par le Comité.

Dans les deux cas, il s'agit de la même politique. Le vérificateur indépendant a soumis les mêmes constatations au comité concernant l'absence de règles claires déterminant ce qui constitue une résidence principale. Pourtant, dans un rapport, le comité parle de « l'observation [...] concernant l'absence de critère de détermination de la résidence principale », alors que, dans un autre rapport, les observations du vérificateur indépendant quant à l'absence de règles amènent le comité à affirmer « qu'il n'existe pas de critère de détermination de la résidence principale ». Je suis certain de ne pas être le seul sénateur qui a du mal à comprendre comment une même information peut être décrite comme étant une observation dans un rapport et un fait établi dans un autre.

De surcroît, dans le rapport me concernant, le comité a conclu que le libellé sur le formulaire concernant la résidence principale n'est pas ambigu et, dans l'autre rapport, il a conclu qu'il est nécessaire pour lui d'examiner la question en raison de l'absence de critères de détermination de la résidence principale.

C'est un principe établi de la justice naturelle que des affaires semblables doivent être traitées de la même façon pour établir et maintenir la confiance du public à l'égard de l'administration de la justice. Ces principes s'appliquent tout autant aux procédures parlementaires. Le processus qui a amené le comité à adopter l'un de ces rapports, le même processus qui l'a amené à adopter un autre rapport, a été compromis. Il semble avoir été terni à la suite d'ingérence extérieure. C'est une violation du privilège du Sénat qui discrédite l'institution même du Sénat.

Il convient de répéter les critères établis au paragraphe 1 de l'article 13-3 du Règlement, qui permettent de déterminer s'il y a, à première vue, matière à question de privilège. Premièrement, j'ai soulevé la question à la première occasion, étant donné que les nouveaux renseignements sur l'indépendance du processus suivi par le Comité de la régie interne ont seulement été révélés le 23 mai.

Le deuxième critère est que la question se rapporte directement aux privilèges du Sénat, d'un de ses comités ou d'un sénateur. Dans ce cas-ci, la question se rapporte à l'intégrité du Sénat et à son devoir d'administrer ses affaires, sans ingérence de l'extérieur.

Le troisième critère est que la question « vise à corriger une atteinte grave et sérieuse » aux privilèges du Sénat. C'est l'intégrité même du Sénat qui est remise en question par la population canadienne du fait qu'il puisse y a ingérence de l'extérieur et qu'il ne respecte pas ses propres règles.

Pour ce qui est du quatrième critère, l'article 13-3(1)d) dit que la question de privilège doit chercher :

à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire.

Dans le cas qui nous occupe, le fait que le Sénat ait discuté du rapport et ait voté sur ce rapport ne change rien au fait que le processus a été compromis et à la question de l'intégrité du Sénat. Un processus qui porte atteinte aux privilèges du Sénat ne peut pas être annulé par un vote du Sénat. Sans un tableau complet et factuel du processus et un processus qui respecte les principes de base de la justice naturelle, il ne peut y avoir de véritable réparation.

Compte tenu de l'ingérence apparente qu'il y a eue dans les affaires internes du Sénat, dans la production du rapport du comité, je suis prêt à présenter une motion pour demander que cette affaire soit renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement pour enquête et rapport, conformément à l'article 13-7(1) du Règlement, si Son Honneur conclut qu'il y a, à première vue, une question de privilège qui en justifie l'étude.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'impression d'avoir déjà entendu l'argumentation du sénateur Harb sur plusieurs des points soulevés concernant l'équité du processus.

Il me semble que la décision rendue par Son Honneur le Président était assez claire quant à son contenu et que la question de privilège n'était pas recevable à première vue.

J'ai l'impression que le sénateur Harb utilise un reportage dans une revue publiée la semaine dernière pour essayer de faire renaître le droit de soulever une question de privilège parce que, sinon, il aurait un problème de délai.

Évidemment, lorsqu'on n'est pas satisfait de la décision du Président, la seule façon de la contester est de le soulever en Chambre et de remettre en question la décision du Président.

Comme Son Honneur le Président l'a dit cet après-midi dans une autre décision sur une question de privilège, il est au service de la Chambre, des sénateurs, et il est possible d'infirmer sa décision ou de proposer d'infirmer sa décision s'il y a insatisfaction. Cela n'a pas été fait par le sénateur Harb lorsque Son Honneur le Président a rendu sa décision.

(1730)

Il essaie, avec la publication d'un article dans une revue, de faire renaître le droit et il arrive à peu près avec les mêmes arguments quant au fond, les arguments que Son Honneur le Président a rejetés dans la décision qui le concerne et une série d'autres arguments que Son Honneur le Président a aussi rejetés cet après-midi dans la décision concernant la question de privilège soulevée par le sénateur Cowan.

Dans les deux cas, il me semble que la décision a été claire et couvre le processus mis en place.

Si je peux résumer un peu la décision de Son Honneur le Président, je vais reprendre quelque peu les mêmes arguments. Les questions soulevées par le sénateur Harb peuvent être traitées par d'autres instances, particulièrement au niveau du rapport. Le rapport est toujours à l'étude au Sénat et on a même une proposition d'amendement de la sénatrice McCoy afin de renvoyer le rapport au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. L'ensemble des sénateurs ont l'occasion de débattre de nouveau du fond du rapport ou de le renvoyer au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration; ce sera au Sénat de décider de cette question. Il me semble que cela suffit à rejeter la question de privilège.

Concernant l'interférence, j'ai dit, lorsque j'ai argumenté sur la question de privilège soulevée par le sénateur Cowan sur cette section de l'intervention de la part du bureau externe, qu'il y a un processus d'enquête et d'éthique qui est en cours actuellement, soit une enquête par le commissaire à l'éthique à la Chambre des communes et ici également, au Sénat. Dans les deux cas, les commissaires à l'éthique ont le pouvoir de convoquer des témoins, de forcer à entendre des témoins et de forcer la production de documents pour procéder à une étude complète du dossier.

Il me semble, dans un premier temps, que la question a déjà été réglée par des décisions relatives à deux questions de privilège; en droit, on plaide chose jugée, mais je ne m'attendais pas à plaider chose jugée en droit parlementaire. C'est un peu ce que je vous soumets comme argument ici. Dans un deuxième temps, si Son Honneur le Président considère que ses décisions n'on pas traité la question de façon assez spécifique, il existe d'autres recours tels celui d'avoir recours aux conseillers en éthique et celui, évidemment, d'avoir recours au Sénat, qui n'a toujours pas décidé complètement du rapport concernant le sénateur Harb.

Je demande donc à Son Honneur le Président de rejeter la question de privilège, ainsi que la question du délai. Ce n'est pas parce qu'il se produit un événement par la suite que cela fait renaître l'argument. Sinon, on serait en constante répétition de questions de privilège chaque fois qu'une étincelle se produit après une décision.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, je pense que le sénateur Carignan a bien fait le tour d'à peu près tous les arguments.

Je voudrais revenir à la motion d'amendement au rapport de la régie interne. Je pense que le sénateur Harb était dans la Chambre lorsque cet article a été appelé. Il aurait très bien pu se lever et prendre part au débat sur la motion d'amendement de la sénatrice McCoy et offrir à la Chambre tous les arguments qu'il vient de nous donner pour tenter de nous convaincre que nous devrions renvoyer la question au Comité de la régie interne pour un examen plus approfondi.

Le sénateur Harb : On a encore du temps.

Le sénateur Nolin : Cela sort de la bouche du sénateur; alors, l'outré mentionne lui-même qu'on a encore du temps pour justement examiner une autre procédure parlementaire que celle de la question de privilège pour les raisons énumérées par le sénateur Carignan.

Je crois donc que Son Honneur le Président devrait rejeter cette question de privilège.

[Traduction]

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'aimerais participer au débat sur la question de privilège du sénateur Harb. J'aimerais répéter à nouveau que je trouve cette question très troublante et inquiétante.

Honorables sénateurs, je ne crois pas un seul instant qu'une situation aussi pénible puisse se poursuivre indéfiniment sans qu'il y ait atteinte aux privilèges de certains sénateurs. Je suis sur la scène publique depuis longtemps, et j'ai vu beaucoup de personnes traverser de grandes périodes d'angoisse et, en fin de compte, souffrir d'un cancer, d'une crise cardiaque ou d'un accident vasculaire cérébral, ou même mourir. Nous devons comprendre que ce processus a été très douloureux et stressant. J'ai lu l'entrevue du sénateur Tkachuk dans le Maclean's. Je dois admettre que, lorsque je l'ai lue, je me suis inquiétée à son sujet. En effet, le sénateur Tkachuk m'a dit une fois que sa mère et sa sœur avaient été atteintes du cancer. Alors, quand j'ai appris qu'il était malade, j'ai prié que ce ne soit pas le cancer.

Honorables sénateurs, nous devons admettre que ce spectacle est pénible pour tout le monde, pour le sénateur Tkachuk et pour tous les membres du comité. Je crois qu'il est aussi pénible pour les sénateurs concernés, à savoir les sénateurs Wallin, Harb, Brazeau et Duffy. Je reviens au principe de justice naturelle et au droit de ces sénateurs de répondre adéquatement aux allégations portées contre eux. J'aimerais présenter une ou deux idées nouvelles aujourd'hui. L'une porte sur le pouvoir qu'exercent certains sénateurs sur d'autres.

Honorables sénateurs, je crois comprendre de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et de la Constitution du Canada qu'aucun sénateur ne dispose de plus de pouvoirs, de privilèges ou d'immunités que les autres, et qu'aucun comité ne confère de pouvoirs supplémentaires aux sénateurs qui en sont membres. À mon avis, nous avons chargé le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration d'un fardeau très lourd et, je dirais même, très injuste.

Je ne cherche pas à faire l'éloge du comité ou à le défendre. Je dis seulement ce qu'il en est. Je pourrais peut-être commencer par rappeler le mandat du comité.

Voici ce qu'on peut lire dans le Règlement du Sénat :

12-7. (1) le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui est chargé :

a) d'examiner, de sa propre initiative, les questions financières et administratives se rapportant à la régie interne du Sénat,

b) sous réserve du Règlement administratif du Sénat, de prendre des mesures à l'égard des questions financières et administratives, de donner son avis et de statuer sur la régularité de l'utilisation des ressources du Sénat;

Honorables sénateurs, lorsqu'on regarde à la page 34 du Petit Robert, on constate qu'« administrer » et « administration » viennent du latin minister, qui signifie « serviteur ».

(1740)

Ce qui m'inquiète, c'est qu'aucun pouvoir n'est accordé au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration pour considérer le comportement de sénateurs et se prononcer à ce sujet. J'ai toujours cru que les jugements et l'arbitrage sur les comportements, qu'il s'agisse de probité ou d'autre chose, revenaient uniquement à l'ensemble du Sénat. C'est ce que j'ai toujours compris, et je crois parler avec une grande autorité.

J'ai étudié à fond le mandat, la description du rôle du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, et je ne trouve aucun pouvoir qui lui permettrait de juger des sénateurs ou d'autres personnes. S'il faut prononcer un jugement, il appartient à l'ensemble du Sénat de le faire.

Honorables sénateurs, ce point de vue est bien étayé par de nombreux textes. Nous connaissons bien et entendons souvent des expressions comme : le Sénat est maître de ses propres délibérations ou le Sénat a le droit de régir ses affaires internes à l'abri de toute ingérence. Ces expressions sont justes, mais elles s'appliquent toujours à l'ensemble du Sénat.

Au cours de la dernière semaine, j'ai entendu bien souvent dans la bouche de plusieurs sénateurs que le Sénat est une entité quasi judiciaire. Je dois informer tous les sénateurs que le Sénat n'est pas une entité quasi judiciaire. Il est un organe judiciaire de plein droit, doté de tous les pouvoirs d'arbitrage dans de nombreux domaines, qui sont à la disposition de toute institution judiciaire, de toute cour supérieure. N'oublions jamais que le Sénat vote, crée les juges et les tribunaux et fait partie de la haute cour du Parlement. Par ailleurs, le régime parlementaire a toujours insisté sur le fait que, lorsque des problèmes de comportement, un manque de probité ou des erreurs de conduite surgissent ou commencent à se manifester chez un sénateur, la tribune qui se prononce sur ces problèmes, c'est le Sénat, agissant dans la pleine capacité judiciaire et, au besoin, au moyen d'un projet de loi.

Le problème que j'ai, honorables sénateurs, c'est que bien des gens ici ont joué avec la carrière et la réputation d'autres sénateurs. Toutefois, j'ai du mal à les prendre au sérieux. Je les prendrais au sérieux s'ils adoptaient au Sénat une démarche correcte et portaient des accusations en bonne et due forme. Ainsi, le Sénat et tous les sénateurs pourraient réagir à quelque chose de concret au lieu d'être aux prises avec un flot constant de soupçons, d'insinuations et de calomnies. J'ai déjà exprimé mon sentiment, et je n'y reviendrai pas. À l'appui de ma position — mais je ne justifierai aucun acte répréhensible —, je dirai que je ne doute pas que les sénateurs dont nous avons parlé et dont les noms ont été lancés avec nonchalance sont plongés dans une profonde détresse.

Je dois dire aux sénateurs que j'ai servi dans le caucus de deux partis. Je remarque que le sénateur Cowan me décrit comme une ancienne conservatrice, mais en réalité j'ai servi le Parti libéral pendant de longues années. Je me perçois toujours comme une libérale britannique classique du XIXe siècle. Je voudrais inviter les sénateurs à étudier le libéralisme. Je dirais aux sénateurs que c'est très important. Je suis plutôt sensible à certaines de ces questions. J'ai appartenu au Parti libéral plus longtemps que bien d'autres Canadiens. Ma conception de la grande tradition libérale, c'est qu'on respecte les droits de la personne et traite tous les êtres humains avec une certaine dignité. Nous ne brandissons pas le nom des gens avec insouciance et nous respectons la justice naturelle.

Honorables sénateurs, je voudrais citer un ouvrage, car il existe une riche tradition et beaucoup de dispositions législatives au sujet de l'ensemble du phénomène des attaques et des accusations lancées contre des parlementaires. Je vais me reporter à la partie de l'AANB qui traite de ces problèmes. Je vais commencer par citer mon toujours fidèle Alpheus Todd, dans l'édition de 1887 de son ouvrage On Parliamentary Government in England. La page 573 de l'ouvrage porte sur le jugement qu'on porte sur des juges et les titulaires de hautes charges de l'État, avec possibilité de destitution ou de déclaration d'inadmissibilité. On y lit ce qui suit :

Selon une pratique parlementaire invariable, des accusations criminelles ne peuvent être portées à moins d'être fondées sur des motifs distincts et précis. Les accusations doivent être soumises à l'examen de la Chambre par écrit, que l'on procède par voie de mise en accusation, de destitution ou par comité, afin de permettre la tenue d'une enquête sur les allégations d'inconduite et permettre à l'accusé de se défendre pleinement contre les accusations dont il fait l'objet.

Il est question d'une procédure impliquant la participation de l'ensemble de la Chambre. Je ne suis pas en train de dire que nous devrions envisager la destitution, mais simplement qu'il existe une longue tradition. Lorsqu'une telle procédure exceptionnelle est mise en branle, elle nous fait sentir l'étendue des pouvoirs qui nous sont attribués. Cependant, nous avons toujours compris qu'il fallait procéder avec sobriété, avec bienséance et en adhérant totalement à un ensemble de règles qui protègent les droits de la personne visée.

Honorables sénateurs, je le répète, il me semble que les caucus de parti sont des milieux où le jeu devient de plus en plus rude. L'expression la plus fréquemment employée pour décrire la politique d'aujourd'hui me semble être le terme « sport sanglant ». Je n'ai que faire de ce genre d'injustice. Personne ne me persuadera jamais d'appuyer les injustices ou les actes répréhensibles, ne comptez pas sur moi pour cela. Je n'emprunterai jamais cette voie. Heureusement, j'ai toujours eu le courage et la force intellectuelle de résister et de dire non. On est toujours un peu seul lorsqu'on choisit de dire non, mais ça ne fait rien. Je le sais d'expérience.

Je voudrais apporter une petite précision. J'entends constamment les médias dire que la commissaire à l'éthique de la Chambre des communes se penche sur l'affaire du sénateur Duffy. Je ne vois pas comment la Chambre des communes pourrait bien détenir le pouvoir d'examiner les activités d'un sénateur. C'est tout à fait impossible. Les Communes sont libres d'examiner les activités des députés, de leur personnel, et ainsi de suite, mais pas les activités d'un sénateur. Il est malheureux que les médias répètent constamment cette information erronée.

(1750)

Pour conclure, je dirais que, jusqu'ici, rien qui s'appuie sur des bases claires ne nous a été soumis, absolument rien. Jusqu'ici, on nous a présenté les résultats de vérifications judiciaires, mais leurs conclusions sont plus que dérisoires. J'ai cru comprendre qu'on n'a rien trouvé qui soit de nature judiciaire. Par conséquent, ces insinuations persistantes me dérangent beaucoup.

Honorables sénateurs, je dois vous dire que j'ai rencontré personnellement beaucoup de gens dont des proches avaient été lynchés. L'incident le plus récent s'est produit en Virginie en juillet dernier, lorsque j'ai appris que le frère ou le cousin d'une grand- mère avait été lynché. J'ai lu suffisamment à ce sujet pour savoir tout le mal que cela fait aux gens. Je lance encore et encore un appel aux honorables sénateurs pour leur dire que nous ne devrions même pas parler de cette façon. Je crois que c'est en deçà de la dignité du Sénat et de chaque sénateur.

Mon cœur s'ouvre à quiconque souffre. C'est simplement ma nature, la façon dont j'ai été élevée. Quand j'étais petite fille, ma mère m'emmenait dans les champs pour me montrer l'injustice et la pauvreté. Elle me disait : « Tu as l'obligation d'améliorer la vie de ces gens. » C'est ainsi que j'ai grandi, dans une atmosphère très britannique, très coloniale, très aristocratique, mais avec de très forts principes de justice et de liberté et un sens profond du devoir.

Comme la sénatrice McCoy a soulevé cette question, je voudrais parler de toute la question des vacances au Sénat et des qualifications des sénateurs. Elle a cité l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1867, selon lequel ces questions relèvent de l'ensemble du Sénat, et je cite :

S'il s'élève quelque question au sujet des qualifications d'un sénateur ou d'une vacance dans le Sénat, cette question sera entendue et décidée par le Sénat. Je répète : la question doit être entendue et décidée par le Sénat, et non par le comité.

Nous entendons beaucoup parler d'expulsion. Cela me dérange un peu car, par sa nature même, une nomination à très haut niveau doit amener à résister à l'impétuosité et inciter à la retenue.

Honorables sénateurs, l'article 31 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique énumère les cinq motifs d'exclusion d'un sénateur. Nous les reconnaîtrons facilement. Paragraphe (1) : « Si, durant deux sessions consécutives du parlement, il manque d'assister aux séances du Sénat »; (2) « S'il prête un serment, ou souscrit une déclaration ou reconnaissance d'allégeance, obéissance ou attachement à une puissance étrangère [...] »; (3) « S'il est déclaré en état de banqueroute ou de faillite [...] »; (4) — cette disposition est importante — « S'il est atteint de trahison ou convaincu de félonie, ou d'aucun crime infamant ». À l'époque où ce texte a été adopté, félonie n'avait pas le même sens qu'aujourd'hui. Ce mot a disparu de l'usage canadien lors de l'adoption du nouveau Code criminel de 1892. « Félonie » désignait alors les crimes associés à la violation de la notion d'allégeance, c'est-à-dire frisant la trahison. Bref, il s'agit d'infractions très graves. Le motif d'exclusion suivant était : (5) « S'il cesse de posséder la qualification reposant sur la propriété ou le domicile [...] ». Ce sont là les motifs qui font que le siège d'un sénateur devient vacant.

Honorables sénateurs, tandis que ces débats se poursuivent, suscitant le spectacle qu'ils semblent avoir créé, on a l'impression que les principes sous-jacents sont oubliés. Toutefois, je tiens à donner aux honorables sénateurs l'assurance que, si quelqu'un avait cru que le comportement de l'un de ces sénateurs frisait l'activité criminelle, il aurait déposé une mesure pour que le Sénat s'occupe de l'affaire.

Il y a aussi beaucoup de lâcheté morale dans l'air, parce que bien de gens espèrent que les sénateurs en cause disparaîtront, tout simplement. Toutefois, honorables sénateurs, nous devrions procéder avec la plus grande sobriété et le plus grand sérieux.

J'ai beaucoup lu sur ces questions. Comme nous le savons, j'ai qualité d'intervenante dans le renvoi à la Cour suprême.

Si les honorables sénateurs sont un jour impressionnés par quelque chose, ils le seront sûrement par le caractère et l'intelligence de ceux qui nous appelons les Pères de la Confédération et par les grands sacrifices qu'ils ont consentis en notre nom afin de créer le Sénat.

Quoi qu'il en soit, je suppose que je lance une sorte d'appel à la raison, à la justice, à l'équilibre en espérant que nous trouverons un moyen de tourner la page ici. Je crois que ce serait bon pour le pays. Je crois que ce serait bon pour tout le monde car, sur la base des éléments de preuve présentés dans ces rapports, il n'y a aucun indice d'intention coupable.

J'espère que ces propos seront utiles à Son Honneur. Très peu d'entre nous connaissent encore quelque chose à ces processus, mais chaque fois que nous nous réunissons en plénière pour aborder une question telle que la destitution — le mot « destitution » ne devrait mystifier personne : il désigne un procès dans lequel la Chambre haute agit en mode judiciaire et chaque sénateur ou lord devient un juge. Ce processus est de nature judiciaire. Il existe toujours, mais il est tombé en désuétude parce que chaque action au cours de ce procès doit suivre la forme des délibérations du Parlement et se faire par motion et par vote.

Bref, je crois que nous devrions nous efforcer de tourner la page, si cela est possible, sur certaines de ces questions. En même temps, je pense que nous rendrions un grand service au Sénat et à tous nos collègues en étant plus tempérés dans nos propos, particulièrement dans les interviews accordées aux médias, et en essayant à l'occasion d'être plus équilibrés.

Cela dit, honorables sénateurs, je n'envie pas son travail à Son Honneur . Je le remercie encore une fois, comme je l'ai fait à maintes reprises au fil des ans, de l'indulgence dont il fait preuve, dans le cadre d'un processus comme celui-ci, en donnant la parole à un grand nombre de sénateurs. Je l'en remercie. Nous devrions aller de l'avant de manière judicieuse et avec la plus grande probité.

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je tiens simplement à apporter une précision. Je n'ai pas entendu Mary Dawson dire qu'elle enquête sur quelque sénateur que ce soit. Elle occupe une double fonction et, à ce titre, elle n'a pas dit qu'elle enquêtait sur quelque député que ce soit. Elle occupe une autre fonction — je suis désolée, je ne me souviens plus du titre — en lien avec les mandataires, et elle a déclaré qu'elle menait une enquête dans ce domaine.

Par souci de clarté, il nous incombe, à nous les sénateurs, de protéger tous les pouvoirs de la conseillère sénatoriale en éthique.

Je le signale à l'intention de la sénatrice Cools et des autres sénateurs.

La sénatrice Cools : Je remercie la sénatrice de ces précisions. Cela confirme ce que j'ai entendu dans les médias.

Son Honneur le Président : Je remercie le sénateur Harb d'avoir soulevé la question de privilège et je remercie tous les sénateurs de leurs contributions, qui sont toujours utiles à la présidence. Je vais prendre la question en délibéré et je ferai rapport au Sénat dès que possible.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, selon mon horloge, il est presque 18 heures. Les sénateurs sont-ils d'accord pour que nous ne tenions pas compte de l'heure, ou revenons-nous à 20 heures?

Nous ne tenons pas compte de l'heure.

(1800)

Sécurité nationale et défense

Autorisation du comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude sur les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, et aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada

L'honorable Roméo Antonius Dallaire, conformément au préavis donné le 21 mai 2013, propose :

Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mercredi 22 juin 2011 et le jeudi 14 juin 2012, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense relativement à son étude sur les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, et aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles, soit reportée du 28 juin 2013 au 27 juin 2014.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Finances nationales

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Joseph A. Day, conformément au préavis donné le 23 mai 2013, propose :

Que, pour les fins de son étude de la teneur du projet de loi C-60, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à modifier le Règlement du Sénat

L'honorable Claude Carignan (leader adjoint du gouvernement), conformément au préavis donné le 23 mai 2013, propose :

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

(1) par substitution, à l'article 4-5b), de ce qui suit :

« présentation ou dépôt de rapports de comités »;

(2) par substitution, à l'article 5-5f), de ce qui suit :

« l'adoption du rapport d'un comité permanent ou du Comité de sélection »;

(3) par adjonction, à l'article 12-2, de ce qui suit :

« Pouvoirs du Comité de sélection

12-2. (4) Le Comité de sélection peut faire des enquêtes et rapports sur toute autre question dont le Sénat le saisit et peut également :

a) ordonner la publication de documents et de témoignages;

b) proposer au Sénat des changements à la composition d'un comité.

Le Comité de sélection n'est ni comité permanent ni comité spécial

12-2. (5) Il est entendu que le Comité de sélection n'est ni un comité spécial ni un comité permanent.

Quorum du Comité de sélection

12-2. (6) Six membres du Comité de sélection constituent le quorum. »;

(4) par substitution, à l'article 12-6, de ce qui suit :

« Quorum des comités permanents

12-6. Sauf disposition contraire, quatre membres d'un comité permanent constituent le quorum.

DISPOSITION CONTRAIRE

Article 12-27(2) : Quorum du Comité sur les conflits d'intérêts des sénateurs »;

(5) par modification de la définition de « Comité » à l'Annexe I :

a) par adjonction de la définition suivante :

« a) Comité de sélection : Comité du Sénat nommé au début de chaque session pour proposer un sénateur à la charge de Président intérimaire et pour proposer les candidats aux fonctions de membres des comités permanents et des comités mixtes permanents. »;

b) par le changement de la désignation littérale des points a) à e) à celle des points b) à f) et le changement de tous les renvois dans le Règlement qui en découlent.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Les soins de santé mentale prodigués aux détenus des établissements correctionnels fédéraux

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Catherine S. Callbeck, ayant donné préavis le 7 mai 2013 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la nécessité d'améliorer les soins de santé mentale prodigués aux détenus des établissements correctionnels fédéraux, et sur les avantages de diversifier les modes de prestation de tels soins.

— Honorables sénateurs, j'interviens au sujet de cette interpellation, qui porte sur la nécessité d'améliorer les soins de santé mentale prodigués aux détenus. Il n'y a pas très longtemps, le sénateur Runciman a présenté une interpellation semblable, mais elle a été rayée du Feuilleton avant que j'aie le temps de prendre la parole.

La question de la santé mentale fait parler d'elle comme jamais auparavant, grâce à des campagnes comme la journée Bell Cause pour la cause, qui tentent de créer une tribune où on peut discuter ouvertement de la santé mentale. Ce n'est pas facile, mais, lentement, nous travaillons ensemble à faire tomber les préjugés associés à la santé mentale. Cependant, il y a encore des gens qui sont fermement convaincus que les problèmes de santé mentale sont un signe de faiblesse ou une source d'embarras — une question dont il faudrait éviter de parler. Quand une personne se casse un bras, on lui met un plâtre; quand elle se coupe, on lui fait des points de suture. Dans les deux cas, nous n'hésitons pas un instant à l'aider. Toutefois, nous tournons trop souvent le dos aux personnes qui semblent être dépressives ou souffrir d'un trouble bipolaire.

La situation n'est pas différente dans nos établissements correctionnels. Ils sont conçus pour incarcérer les détenus, pas pour les guérir. Essentiellement, notre système carcéral laisse tomber les détenus atteints de maladie mentale, lesquels composent presque la moitié de la population carcérale canadienne. Il suffit de se rappeler la gestion scandaleuse du cas d'Ashley Smith et son suicide tragique pour constater à quel point les autorités ne savent pas comment composer avec la maladie mentale dans notre système carcéral.

Selon le Service correctionnel du Canada, en 2010-2011, on dénombrait 9 200 détenus atteints de maladie mentale. Par conséquent, 45 p. 100 des détenus incarcérés dans les prisons canadiennes souffrent d'une maladie mentale. Dans le cas des délinquantes, le taux grimpe à 69 p. 100, ce qui est incroyable. En fait, la moitié des femmes purgeant une peine de ressort fédéral ont des antécédents d'automutilation, 85 p. 100 ont des antécédents de violence physique, et 68 p. 100 ont été victimes de violence sexuelle à un moment ou un autre de leur vie.

De 1997 à 2008, le nombre de détenus qui ont été estimés avoir un trouble mental au moment de leur admission a doublé. Il semblerait que nous soyons plus à même d'identifier les gens qui souffrent de troubles mentaux, mais que, malgré cela, ces gens ne reçoivent pas de meilleurs soins en milieu carcéral, et c'est justement ce sur quoi nous devons nous concentrer maintenant.

Le rapport de 2011-2012 de l'enquêteur correctionnel expose très bien les défis actuels que Service correctionnel Canada doit surmonter en ce qui a trait aux détenus qui souffrent de troubles mentaux. L'enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers, a écrit ce qui suit dans son rapport :

Comme j'en ai déjà parlé, nombreux sont les délinquants ayant des troubles mentaux qui ne fonctionnent pas bien dans un environnement carcéral. Les symptômes peuvent se manifester sous forme de comportements perturbateurs, agressifs, violents ou autodestructeurs, de pensées suicidaires, de retrait, ou encore de refus ou d'incapacité de se conformer aux règlements et à la routine de l'établissement. Dans ce milieu, ces symptômes sont souvent mal compris et perçus comme de la manipulation ou de la simulation, et on y réagit habituellement avec toute une gamme de mesures inappropriées comme l'imposition de sanctions disciplinaires, le transfèrement vers un établissement à sécurité supérieure et l'isolement de la population carcérale générale. Cette situation est particulièrement courante dans les établissements à sécurité maximale et à niveaux de sécurité multiples où il n'est pas rare que plus de la moitié de la population carcérale reçoive des services de santé mentale en établissement ou présente certains degrés de troubles mentaux.

La question du confinement a aussi été soulevée par l'enquêteur correctionnel, et c'est particulièrement troublant. Les gens qui souffrent de troubles mentaux sont beaucoup plus affectés par l'isolation et les longues périodes de confinement que les gens qui n'en souffrent pas. Les personnes qui souffrent de troubles mentaux ne devraient jamais, au grand jamais, être placées en isolation. Je cite Howard Sapers :

Les conditions de confinement extrêmement restreintes qui prévalent dans les unités d'isolement peuvent exacerber les symptômes d'un déséquilibre mental. Même si j'ai recommandé une interdiction complète des périodes d'isolement prolongées des délinquants souffrant de maladie mentale aiguë dans mon rapport annuel de 2009-2010, cette recommandation n'a toujours pas été mise en œuvre par le SCC.

[...] En fait, même certaines des « mégaprisons » les plus reconnues des États-Unis repensent leur approche en matière d'isolement cellulaire, ce qui leur permet d'épargner de l'argent, de sauver des vies et de favoriser la santé mentale.

Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies est arrivé à la même conclusion dans un rapport publié en 2011, qui portait sur la torture et d'autres traitements cruels. Dans ce rapport, M. Méndez a déclaré que « l'isolement cellulaire de personnes souffrant de troubles de santé mentale, peu importe la durée, est considéré comme un traitement cruel, inhumain ou dégradant, ce qui va à l'encontre des lois internationales ».

Il semblerait donc que le Service correctionnel du Canada est confronté à un dilemme fondamental. Comme M. Sapers l'a mentionné :

[...] les pénitenciers ne sont pas destinés à être un hôpital, alors que certains détenus sont en fait des patients. Le SCC doit trouver des façons créatives de résoudre les conflits inhérents, en matière de bien-être des détenus, entre la santé et la sécurité.

Comment pouvons-nous atteindre cet objectif? Comment pouvons-nous faire en sorte que les prisonniers obtiennent les traitements dont ils ont besoin, tout en maintenant le niveau de sécurité requis pour protéger la population?

Il existe diverses solutions. Je crois que le gouvernement devrait d'abord et avant tout envisager différents modes de prestation de services. Cette solution a reçu l'appui du sénateur Runciman et de l'enquêteur correctionnel. Comme le sénateur Runciman l'a mentionné dans son discours lorsqu'il a parlé du Centre correctionnel St. Lawrence Valley :

À l'extérieur, l'édifice ressemble bel et bien à une prison, mais à l'intérieur, il ressemble plutôt à un hôpital. La sécurité y est assurée par le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Quant aux traitements et aux soins, ils sont offerts par le Groupe des Services de santé Royal Ottawa. Il s'agit d'un hôpital d'avant-garde qui a été construit conformément aux normes établies pour les prisons à sécurité maximale.

Le centre St. Lawrence obtient de bons résultats. Personne ne s'en est jamais échappé. Personne ne s'y est jamais suicidé [...]

Le sénateur a aussi dit que son programme a permis de réduire les taux de récidive de 40 p. 100.

Honorables sénateurs, cela me semble être le parfait compromis. On peut ainsi offrir aux détenus les traitements dont ils ont besoin, tout en offrant aux Canadiens le niveau de sécurité auquel ils s'attendent. Cela dit, je crois que cela donne lieu à deux questions évidentes. La première est la suivante : le Service correctionnel du Canada peut-il confier la garde de prisonniers à un tiers? Est-ce que cela fait partie de son mandat? L'enquêteur correctionnel souligne que :

[...] le SCC est tenu de répondre aux besoins essentiels des délinquants sous responsabilité fédérale en matière de santé, mais il n'est pas tenu légalement d'être le fournisseur de ces services. Il est fréquent que les délinquants ayant des besoins importants en matière de santé physique (chimiothérapie, dialyse, urgences médicales, etc.) soient traités dans des hôpitaux communautaires extérieurs. Toutefois, pour une raison que l'on ignore, on remarque une résistance interne beaucoup plus grande dans les cas similaires de délinquants nécessitant des soins ou des traitements de santé mentale importants, spécialisés ou complexes.

Il semble que la prestation de ces soins relève tout à fait du mandat du SCC.

La deuxième question évidente est : combien cela coûtera-t-il? Pouvons-nous nous permettre de construire ces établissements, de les pourvoir en personnel et de les gérer?

(1810)

Premièrement, le gouvernement fédéral n'aurait pas nécessairement à agrandir les établissements actuels ni à en construire davantage. Pensons par exemple, comme l'a souligné le sénateur Runciman, à l'Hôpital Royal Ottawa, qui envisage de fonder un établissement semblable au Centre correctionnel et de traitement St. Lawrence Valley, mais destiné aux détenues. Pour ce faire, l'hôpital ne demande pas au gouvernement de financer ses frais d'immobilisations, mais simplement de s'engager à couvrir le coût des lits.

Deuxièmement, les rapports des Services de santé Royal Ottawa et de l'enquêteur correctionnel conviennent que :

[...] le coût total cumulatif de gestion d'un délinquant souffrant d'une maladie mentale aiguë dans un établissement correctionnel fédéral, en tenant compte de l'isolement, de la sécurité, du traitement, du recours à la force, du transfèrement ou d'autres exigences, est souvent similaire ou même supérieur aux coûts par jour du recours à un hôpital psychiatrique communautaire extérieur.

Actuellement, on ne sait pas à combien s'élèvent précisément, au Canada, les coûts de détention d'une personne aux prises avec la maladie mentale. Cela dit, nous savons que ce chiffre est de 578 $ par jour pour l'incarcération d'une femme en santé et de 500 à 1 200 $ par jour pour le traitement d'un patient dans un hôpital psychiatrique provincial. Diverses études étatsuniennes démontrent par ailleurs que les frais d'incarcération d'un détenu atteint de troubles mentaux, par rapport à la population carcérale en général, est habituellement de 50 à 100 p. 100 supérieur, et j'imagine que les statistiques seraient similaires au Canada. Par conséquent, j'estime que l'enquêteur correctionnel a raison de soutenir qu'il en coûte à peu près autant d'incarcérer une personne atteinte de maladie mentale dans un centre correctionnel que de l'héberger dans un établissement psychiatrique externe.

Je précise que je ne préconise pas de traiter tous les détenus aux prises avec la maladie mentale dans un tel établissement. Ce serait irréaliste. Cela dit, je crois qu'il serait ainsi possible de faire en sorte que ceux qui présentent les risques et les besoins les plus importants soient traités comme des patients plus que comme des prisonniers.

Verser plus d'argent dans le système carcéral actuel ne fonctionnerait pas nécessairement. Les gens qui travaillent dans les prisons ne sont pas formés pour traiter avec des personnes aux prises avec des troubles mentaux. Par exemple, comme l'a souligné le sénateur Runciman, on compte au centre St. Lawrence 80 employés cliniques pour 20 employés des services correctionnels. On observe l'inverse dans les prisons canadiennes. En outre, les prisons ont beaucoup plus de mal à attirer et à maintenir en poste un personnel de qualité. Une étude publiée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies confirme que le roulement de personnel dans l'aile psychiatrique des prisons est beaucoup plus élevé que dans les hôpitaux psychiatriques. La diversification des modes de prestation de services contribuerait à attirer et à maintenir en poste du personnel mieux formé, ce qui est crucial pour garantir des soins de qualité aux prisonniers.

Honorables sénateurs, la situation de la santé mentale dans notre système correctionnel a atteint un point critique. La moitié des détenus souffrent de troubles mentaux. Il ne faut pas attendre qu'un autre jeune homme ou une autre jeune femme s'enlève la vie pour agir. Grâce à la diversification des modes de prestation de services, la sécurité publique ne serait pas compromise et les détenus souffrant de troubles mentaux recevraient les traitements appropriés de la part de spécialistes du domaine, des traitements éprouvés qui diminuent les risques de récidive.

Les personnes détenues dans nos services correctionnels ont commis des erreurs; personne ne dit le contraire. Toutefois, ce n'est pas une raison pour ignorer leurs besoins les plus élémentaires; leur fournir des soins appropriés en santé mentale est un pas important en ce sens. La grande majorité des détenus réintégreront la société à un moment donné, et des services adéquats en santé mentale leur donneront une bien meilleure chance de réussir leur réinsertion.

L'honorable Jane Cordy : S'il n'y a pas de question, puis-je ajourner le débat à mon nom?

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant que je demande au sénateur Carignan de présenter la motion d'ajournement, je vous signale que, demain, mercredi, après l'adoption de la motion d'ajournement, il y aura une brève cérémonie d'une quinzaine de minutes pour dévoiler le calendrier du jubilé de diamant. Nous demanderons aux journalistes de rester pour en faire état. Comme il ne s'agit pas d'une séance, vous pouvez inviter des photographes à y assister.

Je demanderais aux présidents des comités qui tiendront une réunion demain après l'ajournement du Sénat de retarder un peu le début de leur réunion, car je crois que vous serez enchantés de la contribution de notre groupe à cet important objet que nous laisserons à la postérité.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 29 mai 2013, à 13 h 30.)

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