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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 62

Le mardi 27 mai 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 27 mai 2014

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

L'honorable Paul E. McIntyre

Félicitations à l'occasion de son cinquantième marathon

L'honorable Norman E. Doyle : Chers collègues, je tiens à attirer votre attention sur le fait que le sénateur McIntyre, du Nouveau-Brunswick, vient de franchir une étape importante dans sa vie. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler mais, il y a quelques jours, le dimanche 25 mai pour être exact, notre collègue a couru son 50e marathon, un exploit remarquable pour n'importe quelle personne à la fin de la soixantaine.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Doyle : En tout cas, c'est certainement un exploit pour un parlementaire en exercice, quel qu'il soit. En fait, sauf erreur de ma part, personne, que ce soit ici ou à l'autre endroit, ne peut égaler la feuille de route de notre collègue. Je ne suis même pas sûr qu'il y ait quelqu'un au Canada qui puisse rivaliser avec lui.

Mais commençons par le commencement : certains ici présents se demandent peut-être en quoi consiste un marathon. Il s'agit d'une course sur route s'étendant sur 42,2 kilomètres — ou 26,2 milles pour ceux de la vieille génération. Le premier marathon remonte aux débuts des Jeux olympiques modernes, en 1896. Cette course tire son nom de l'exploit réalisé par un soldat grec, Phidippidès, qui s'est rendu en courant jusqu'à Athènes pour annoncer que les Grecs avaient défait les Perses lors de la bataille de Marathon, en 490 avant Jésus-Christ.

Mes collègues seront sans doute intéressés d'apprendre qu'il se tient environ 500 marathons chaque année un peu partout sur la planète, et que les plus imposants d'entre eux peuvent réunir des milliers de coureurs, des amateurs pour la plupart.

Le sénateur McIntyre a commencé à courir pour des raisons de santé et de forme physique au début de la vingtaine, souvent pieds nus sur la plage. On me dit que, au fil des ans, notre collègue a pris part à plus de 200 courses de courte durée et que c'est en 1982 qu'il a réalisé son premier marathon, à Montréal. Il avait alors fait un chrono de 3 heures et 58 minutes, mais il semblerait qu'il s'est amélioré avec l'âge, puisque son record est de 3 heures et 33 minutes. On peut dire qu'il a eu la piqûre des marathons, parce que, 32 ans et des poussières plus tard, il vient de courir son cinquantième.

Au fil des années, le sénateur McIntyre a participé à des marathons à plusieurs endroits, notamment à Boston — trois fois —, à Montréal, à New York — deux fois —, à Chicago, à Toronto, à Québec, à Paris, à Maui, à San Francisco, à Beijing, à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse, sans parler d'un grand nombre de courses beaucoup plus près de chez lui. Notre collègue se prépare à ces épreuves à jouant au hockey et en faisant du ski de randonnée, en plus de courir.

Croyez-le ou non, il parcourt 2 000 kilomètres par année. Cela signifie qu'il fait environ 70 kilomètres par semaine à pied, en patins ou en skis, peu importe la météo ou la saison. C'est un degré d'engagement que la majorité d'entre nous ne peuvent qu'admirer et que très peu peuvent égaler ou même tenter d'égaler.

Il va de soi que courir un marathon n'est pas une mince affaire. Si notre collègue a une feuille de route aussi impressionnante, c'est grâce à son incroyable discipline et à sa passion pour le sport. Comme il le dit, la course n'est pas tant une compétition contre les autres qu'un combat solitaire avec soi-même. Or, c'est un combat que notre collègue a gagné plusieurs fois. Qui plus est, il dit que le bon exercice est synonyme d'alimentation saine.

Honorables sénateurs, je termine en saluant notre collègue du Nouveau-Brunswick, notre propre Phidippidès, notre modèle de coureur. Je vous demande de vous joindre à moi pour le féliciter d'avoir couru son 50e marathon.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Doyle : Comme nous tous, permettez-moi simplement...

Son Honneur le Président : À l'ordre. Votre temps de parole est écoulé.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation de nos collègues du Parlement de la République tchèque, qui sont en visite au Canada et qui rencontrent les membres de plusieurs de nos comités aujourd'hui. La délégation est dirigée par Mme Alena Gajdušková, première présidente du Sénat au Parlement de la République tchèque.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La reconstitution des débats historiques

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, aujourd'hui, nous célébrons, avec la Bibliothèque du Parlement, la réalisation du projet historique de reconstitution des débats parlementaires de l'époque de la Confédération.

Plus tôt aujourd'hui, j'ai eu l'honneur de participer à une réception à titre de coprésidente du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement. À cette occasion, la bibliothécaire parlementaire, Sonia L'Heureux, a remis aux Présidents des deux Chambres du Parlement — l'honorable Noël Kinsella et l'honorable Andrew Scheer — une copie des débats des années 1873 et 1874.

Fait peut-être méconnu, la publication des comptes rendus officiels des débats, qu'on appelle également le hansard, n'a pas débuté à l'époque de la Confédération. Le Sénat a commencé à publier les comptes rendus officiels en 1871, mais en anglais seulement, et la Chambre des communes, en 1880.

Avant ces dates, il n'existait aucun compte rendu officiel des délibérations parlementaires canadiennes. Dans le but de compléter les archives historiques, un projet très ambitieux a été entrepris pour reconstituer les premiers débats. On a réuni les comptes rendus publiés dans les journaux et produit un compte rendu non officiel.

(1410)

Les Canadiens et, en fait, les gens du monde entier ont accès, en format numérique et dans les deux langues officielles, à tous les débats qui ont eu lieu depuis la première législature, y compris ceux qui ont été reconstitués, grâce au portail Débats historiques du Parlement du Canada. Ces débats peuvent maintenant être consultés en ligne grâce aux efforts de la Bibliothèque du Parlement et de l'organisme Canadiana.

[Français]

Je félicite et remercie tous ceux et celles qui ont participé à ce projet. Non seulement ce projet préserve une part importante de l'histoire canadienne, mais il nous rappelle également que la valeur de la liberté de parole au Canada est précieuse et que l'une de nos responsabilités comme parlementaires est de garder cette valeur bien vivante, ici même, au Sénat, et à l'autre endroit, avec des débats bien recherchés et bien présentés qui demeurent respectueux des opinions des autres.

Canadian Parents for French B.C. and Yukon

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd'hui pour vous parler du 31e Concours d'art oratoire présenté par l'organisme Canadien Parents for French B.C. and Yukon (CPF), qui s'est tenu le 3 mai 2014, à Surrey, en Colombie-Britannique.

[Traduction]

Je tiens à féliciter Patti Holm, la présidente, de son esprit d'initiative et de son dévouement, et à saluer le conseil d'administration, le directeur général Glyn Lewis ainsi que tous les parents, les enseignants et les élèves, dont l'apport et la participation ont contribué au succès de cette activité annuelle. Au-delà de 10 000 élèves y participent chaque année un peu partout en Colombie-Britannique, ce qui est impressionnant.

[Français]

Ayant exercé la profession d'enseignante pendant 21 ans et ayant, à divers moments, enseigné le français langue seconde, ce fut un honneur pour moi de prendre part à cet événement important qui célébrait les réalisations de jeunes étudiants brillants, qui encourageait le bilinguisme et l'acquisition linguistique et qui faisait ressortir la valeur de notre système d'éducation.

[Traduction]

J'ai eu le grand plaisir de remettre leur prix aux lauréats et de féliciter tous les élèves d'avoir participé à ce concours annuel et de s'engager à maîtriser les deux langues officielles du Canada.

[Français]

L'organisme CPF a été fondé en 1977 par des parents soucieux de donner à leurs enfants la possibilité de devenir bilingues dans le cadre du système scolaire canadien. Au début, un petit groupe de parents se rencontraient à Ottawa, mais aujourd'hui, l'organisme est devenu un réseau national qui travaille en amont et qui compte 10 bureaux locaux et quelque 150 chapitres dans les collectivités du Canada tout entier.

[Traduction]

L'organisme Canadian Parents for French est un réseau national de bénévoles qui considèrent que le français fait partie intégrante du Canada et qui sont déterminés à promouvoir le français et à créer des occasions d'apprendre le français pour les jeunes Canadiens. Le français et l'anglais sont les deux langues officielles du Canada. La participation des jeunes enfants à un programme d'immersion et d'apprentissage du français les aidera à acquérir les compétences dont ils ont besoin et leur ouvrira de nombreuses possibilités ici même au Canada et à l'étranger. Ils apprendront une autre langue, une autre culture et un autre mode de vie, ce qui les aidera aussi à mieux comprendre la diversité du Canada et du monde entier.

[Français]

La Colline du Parlement est représentative de toutes les régions du Canada. En tant que sénateurs et sénatrices, nous représentons chacune de ces régions. La capacité de s'exprimer en français et en anglais est un atout dans nos activités de tous les jours, que ce soit sur la Colline du Parlement, au Canada et partout dans le monde.

Honorables sénateurs et sénatrices, joignez-vous à moi pour féliciter CPF à l'occasion de son 31e Concours d'art oratoire.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du gouverneur général de représentants de l'Aviation royale canadienne, sous la direction du lieutenant-général Yvan Blondin, commandant de l'ARC : il s'agit du major-général Richard Foster, commandant adjoint, de l'adjudant-chef Patrick Young, adjudant-chef de l'ARC, et de Dean Black, directeur exécutif de l'Association de la Force aérienne du Canada.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La Journée de reconnaissance de la Force aérienne sur la Colline du Parlement

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs et sénatrices, j'ai le vif plaisir de prendre la parole aujourd'hui pour souligner la Journée de reconnaissance de la Force aérienne sur la Colline.

[Traduction]

Au cours des dernières années, l'Aviation royale canadienne a participé à des opérations en Haïti, en Libye, en Afghanistan et au Mali. Ces derniers mois, six CF-18 Hornet ont été envoyés en Europe de l'Est à cause des tensions en Ukraine. Le Canada est et demeurera un partenaire fiable dans ses alliances militaires, grâce en grande partie aux capacités de l'Aviation royale canadienne.

Même si bon nombre des missions de l'Aviation royale canadienne qui retiennent l'attention des médias se déroulent à l'autre bout du monde, nous ne devons pas oublier le rôle important que notre force aérienne joue au Canada.

En décembre dernier, plusieurs d'entre nous ont observé, en direct à la télévision, le courage de membres du 424e Escadron Tiger de la BFC Trenton, au Canada. Quand un incendie a éclaté sur un chantier de construction à Kingston, en Ontario, un opérateur de grue s'est retrouvé suspendu à l'extrémité de sa grue, 180 pieds dans les airs. On ne pouvait pas l'atteindre à partir du sol. Nous regardions ce qui se passait, et nous avions tous peur de ce qui allait se produire.

Tous ont poussé un soupir de soulagement lorsqu'un hélicoptère CH-146 Griffon est apparu à l'horizon et qu'une personne en est descendue, soutenue par des dispositifs de sécurité, pour secourir l'homme qui se trouvait au bout de la grue et le mettre en sécurité. Pour tous ceux qui regardaient, cela semblait être une manœuvre banale et facile à accomplir, mais la compétence et la bravoure dont ces hommes et ces femmes ont fait preuve pendant ces quelques minutes montrent bien de quoi ils sont capables.

Celui qui a secouru l'homme qui se trouvait sur la grue est le sergent Cory Cisyk. Il est descendu de l'hélicoptère à des centaines de pieds au-dessus de ce brasier et il a risqué sa vie pour sauver celle d'un homme qu'il ne connaissait pas. Beaucoup diront qu'il est un héros, mais selon le sergent Cisyk, les vrais héros sont ceux qui étaient à bord de l'hélicoptère. L'équipage se composait du capitaine Iain Cleaton, qui a actionné le treuil ayant permis au sergent Cisyk de descendre de l'hélicoptère pour atteindre rapidement la grue, du pilote, Dave Agnew, et du copilote, Jean-Benoit Girard-Beauseigle, qui étaient aux commandes de l'hélicoptère. Il y avait aussi le caporal-chef Matt Davidson, qui donnait des directives et des renseignements à ceux qui tentaient de secourir l'homme sur la grue.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que chacun de ces hommes dirait que ce sont ses collègues qui ont sauvé cette personne en détresse. C'est la nature même des hommes et des femmes qui font partie de l'Aviation royale canadienne. Ils forment une équipe et travaillent en équipe.

Honorables sénateurs, je vous invite tous à vous rendre à la salle 256 entre 17 heures et 19 heures pour rencontrer les invités qui sont à la tribune aujourd'hui, de même que beaucoup d'autres membres de l'Aviation royale canadienne. Ces hommes et ces femmes pourront vous raconter ce qu'ils ont accompli et vu au sein de l'Aviation royale canadienne. Merci.

(1420)

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Lucya Spencer, directrice exécutive d'Immigrant Women Services Ottawa, de Mme Nancy Worsfold, directrice exécutive de Prévention du crime Ottawa, et de Mengistab Tsegaye, directeur exécutif du World Skills Employment Centre. Ces personnes sont les invités de la sénatrice Jaffer.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Mme Lucya Spencer

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à une Canadienne qui fait un travail exceptionnel au Canada. Lucya Spencer est une voix forte pour les femmes les plus vulnérables. Après son arrivée à Ottawa, en provenance d'Antigua, elle est rapidement devenue active au sein de l'Organisme communautaire des services aux immigrants d'Ottawa. Lorsque cet organisme a été restructuré, Lucya a été nommée coordonnatrice d'un centre où les femmes pouvaient obtenir de l'information, participer à des ateliers sur différents thèmes et en apprendre davantage sur le processus d'intégration.

En 1988, Lucya a cofondé l'organisme Immigrant Women Services Ottawa, dont le mandat consiste à fournir des services adaptés sur le plan culturel aux immigrantes et à leurs enfants qui sont des victimes ou des survivants de la violence, ainsi que d'autres services et programmes qui aident les immigrantes à développer leur plein potentiel.

En 1993, Lucya a accepté le poste de directrice exécutive d'Immigrant Women Services Ottawa, qu'elle occupe toujours. Elle est très active au sein de plusieurs groupes de défense nationaux et provinciaux.

En outre, elle a assumé la présidence de plusieurs organismes, y compris l'Immigrant and Visible Minority Women's Organization, tant en Ontario qu'au niveau national, et l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants. Elle a aussi été la première femme de couleur à assumer la présidence de la Société de l'aide à l'enfance d'Ottawa.

Lucya a reçu de nombreux prix pour sa contribution à la collectivité. Il convient de mentionner les honneurs suivants : le Prix d'appréciation de la Conférence d'étude canadienne du gouverneur général (1995); le Prix du bâtisseur communautaire de Centraide (2008); le Prix d'excellence pour leadership exceptionnel de l'Ontario Council of Agencies Serving Immigrants (2008); le Black Women's Civic Engagement Award pour son activisme sur les plans professionnel et social qui a contribué à bâtir des collectivités plus fortes au Canada (2011) et, tout récemment, le Prix de reconnaissance de Citoyenneté et Immigration Canada pour longs états de service liés aux services d'établissement et d'intégration (2013).

Honorables sénateurs, Lucya Spencer comprend vraiment les défis que doivent relever les personnes les plus vulnérables. Elle a appuie les immigrantes et leur permet d'atteindre leur plein potentiel. Je n'ai aucun doute que beaucoup de Canadiennes ne seraient pas qui elles sont aujourd'hui sans le travail exceptionnel de Lucya Spencer. Ce fut un plaisir pour moi de collaborer avec Lucya au cours des 30 dernières années. Permettez-moi de vous lire ce qu'une femme a déclaré au sujet du travail de Lucya :

J'avais été violemment battue, puis chassée de ma maison d'Ottawa, par une nuit très froide, avec mes trois enfants, âgés de 4, 3 et 1 an. La police m'a mise en contact avec Lucya et son organisme. Cette nuit-là, Lucya m'a serrée dans ses bras et m'a enveloppée de bonté. Elle a pris des dispositions pour que je puisse aller à l'école, puis trouver un travail. Elle m'a aidée à trouver une maison de transition, puis une maison permanente. Lucya a donné un sens à ma vie et m'a rendu ma dignité. Aujourd'hui, je suis bénévole à l'organisme Immigrant Women's Service.

C'est l'une des nombreuses femmes pour lesquelles Lucya a travaillé sans relâche.

Merci de votre travail, Lucya Spencer.

Les îles Turks et Caicos

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, hier, j'ai eu le plaisir de rencontrer le premier ministre des îles Turks et Caicos, l'honorable Dr Rufus Ewing. Il a rencontré les parlementaires dans l'espoir de resserrer les liens touristiques et commerciaux avec le Canada. L'approche et la démarche du Canada ont toujours été axées sur l'amélioration du sort du Canada et des îles Turks et Caicos. Ce partenariat est fondé sur des valeurs communes et la collaboration en vue de conclure des ententes qui permettraient aux îles d'atteindre leur plein potentiel grâce à des liens plus étroits avec le Canada.

L'idée de faire des îles Turks et Caicos la « onzième province » du Canada ne date pas d'hier. Tout a commencé en 1917, lorsque le premier ministre de l'époque, Robert Borden, a exprimé le désir d'annexer ces îles tropicales après les avoir visitées. Même si sa proposition a été rejetée, beaucoup d'autres ont exprimé leur intérêt de faire de ces îles la Floride du Canada.

Honorables sénateurs, l'idée présente plusieurs avantages. Les Canadiens pourraient trouver dans cette province ou ce territoire une destination sécuritaire pour la retraite ou les vacances où la monnaie serait la même, une destination qui favoriserait le multiculturalisme et qui offrirait beaucoup d'autres avantages.

Malgré les hésitations qui se manifestent au Canada et aux îles Turks et Caicos concernant l'adoption de celles-ci, je crois que l'idée mérite d'être étudiée. Les Canadiens sont déjà très présents sur les îles, des retraités aux touristes en passant par les professionnels. Plusieurs des installations de villégiature qui s'y trouvent appartiennent à des Canadiens. Les Canadiens forment le deuxième contingent parmi les touristes venant d'ailleurs pour visiter les îles. Le Canada y possède le plus grand nombre d'investissements étrangers directs. Par conséquent, en resserrant davantage nos liens d'amitié avec les îles Turks et Caicos, nous aurions bien plus à gagner qu'une destination de vacances très courue.

Honorables sénateurs, ce fut un honneur de rencontrer le premier ministre Ewing hier, et je remercie ceux qui se sont fait un devoir de le rencontrer, eux aussi. Je crois que ce n'est que le début du renforcement des liens politiques et économiques entre nos deux pays. Je vous encourage tous à visiter les îles et à goûter à leur magnifique culture.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le commissaire à l'intégrité du secteur public

La Société d'expansion du Cap-Breton—Dépôt du rapport sur les conclusions découlant d'une enquête sur une divulgation d'actes répréhensibles

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 38(3.3) de la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport sur le cas du Commissariat à l'intégrité du secteur public.

La Loi sur les grains du Canada
La Loi sur les transports au Canada

Projet de loi modificatif—Présentation du cinquième rapport du Comité de l'agriculture et des forêts

L'honorable Percy Mockler, président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, présente le rapport suivant :

Le mardi 27 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports au Canada et prévoyant d'autres mesures, a, conformément à l'ordre de renvoi du 13 mai 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
PERCY MOCKLER

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 867.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5b) du Règlement, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Plett, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à reconnaître la deuxième semaine de mai comme la Semaine internationale de la santé maternelle et infantile

L'honorable Asha Seth : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat reconnaisse la deuxième semaine de mai comme étant la « Semaine internationale de la santé maternelle et infantile » pour sensibiliser les Canadiens aux problèmes de santé qui touchent les mères et les enfants au Canada et dans le monde entier, pour réduire la mortalité maternelle et infantile, pour améliorer la santé des femmes et des enfants dans les pays les plus pauvres du monde, pour promouvoir l'accès égal aux soins pour les femmes et les enfants qui vivent dans des ménages de classes socioéconomiques inférieures, qui sont moins scolarisés, qui vivent sous le seuil de faible revenu, qui sont de nouveaux arrivants ou qui vivent dans des régions éloignées ou peu densément peuplées du Canada, et pour prévenir que des centaines de milliers de femmes et d'enfants meurent inutilement en raison de maladies évitables ou du manque de soins de santé adéquats pendant la grossesse, à la naissance ou pendant la petite enfance.

(1430)

[Français]

La pêche sportive du saumon de l'Atlantique

Préavis d'interpellation

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la sauvegarde de la pêche sportive du saumon de l'Atlantique dans les zones maritimes dans l'est du Canada, et sur l'importance de la protection du saumon de l'Atlantique pour les générations futures.

[Traduction]

Projet de loi sur la non-discrimination génétique

Préavis de motion tendant à retirer l'étude du projet de loi au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour le renvoyer au Comité des droits de la personne

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, qui a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, soit retiré dudit comité et renvoyé au Comité sénatorial permanent des droits de la personne.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Le commerce

Le commerce interprovincial

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je vous présente une question que m'a soumise Ian Shepherd, de Vancouver, que je trouve très pertinente à ce moment-ci. Je vais vous la lire dans la langue dans laquelle elle a été écrite.

[Traduction]

Pourquoi le gouvernement fédéral permet-il que des barrières commerciales interprovinciales fassent obstacle à l'activité économique?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Merci pour votre question. Comme vous le savez, l'économie est notre priorité et nous nous assurons que le maximum de commerce puisse se faire. Notre législation sur le vin canadien en est un bon exemple; elle permet aux provinces d'acheter et de vendre du vin canadien entre elles. Il s'agit d'un bon exemple de l'engagement du Canada et de son gouvernement envers le commerce interprovincial.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je vais compléter en citant le texte de M. Shepherd :

[Traduction]

Que fera maintenant le gouvernement national pour décloisonner le Canada et abolir les lois et les règlements provinciaux désuets, régionaux et néfastes pour la concurrence qui servent uniquement des intérêts spéciaux, et quand les marchés nationaux seront-ils ouverts aux investissements des Canadiens de partout au pays?

[Français]

Plutôt que de faire des rêves sur des accords internationaux, il faudrait peut-être conclure des accords nationaux et éliminer des centaines de barrières qui existent encore aujourd'hui au Canada.

Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, notre priorité est l'économie, mais nous tentons aussi de respecter les compétences des provinces. Nous comprenons que, dans plusieurs de ces domaines, il s'agit de l'exercice de compétences provinciales. Cependant, nous allons continuer, dans le cadre de nos plans d'action économiques, à favoriser la création d'emplois.

La sénatrice Hervieux-Payette : Merci, monsieur le leader. J'aimerais bien que vous me donniez le nom du comité qui étudie ces questions à l'heure actuelle et la date à laquelle le rapport visant à éliminer ces barrières sortira. En ce moment, cette question est à l'ordre du jour du gouvernement, mais nous ne voyons ni l'heure ni le jour où votre gouvernement, qui est censé créer des emplois, enlèvera ces barrières totalement inefficaces qui, surtout, occasionnent des coûts pour les consommateurs. Quand allons-nous recevoir le comité qui va nous aviser que, sur un certain nombre d'années, nous prendrons des mesures pour enlever, avec les provinces, les barrières interprovinciales?

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est de notre volonté de continuer à promouvoir l'économie et la création d'emplois et à prendre les mesures économiques qui atteignent ces objectifs, tout en respectant nos partenaires provinciaux dans le cadre des discussions que nous avons avec eux et selon leurs compétences.

[Traduction]

L'environnement

Les changements climatiques

L'honorable Grant Mitchell : Monsieur le leader, le premier ministre cherche continuellement à cacher sa réticence à poser des gestes concrets au sujet des changements climatiques en invoquant la nécessité que les autres pays prennent l'initiative. De fait, il affirmait assez récemment qu'il allait assujettir l'industrie pétrolière et gazière à des règlements sévères lorsque les États-Unis feraient de même. De toute évidence, huit ans après son arrivée au pouvoir, il n'a toujours pas mis en œuvre les normes importantes qu'il avait promises et que nous attendons depuis longtemps. Une autre promesse reniée.

De même, un rapport de l'Environmental Protection Agency en date de juin 2013 indique très clairement que les États-Unis ont pris des mesures que le premier ministre avait promis d'imiter. Un an s'est écoulé et il n'a pas encore rempli sa promesse.

Comment se fait-il que, un an après que les États-Unis aient agi, M. Harper n'ait toujours pas emboîté le pas? Est-il tout simplement en train de tromper les Canadiens?

Une voix : Qu'ont-ils fait?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Nous continuons et continuerons de prendre des mesures à l'égard des deux principales sources d'émissions au Canada, soit les secteurs des transports et de la production d'électricité. Comme vous le savez, sénateur Mitchell, nous sommes devenus le premier grand utilisateur de charbon à interdire la construction de centrales électriques alimentées au charbon. Au cours des 21 premières années de mise en œuvre de la réglementation visant le secteur de l'électricité au charbon, nous prévoyons des réductions cumulatives des émissions de gaz à effet de serre équivalant au retrait de 2,6 millions de véhicules sur la route. Depuis 2006, nous avons investi des fonds considérables en faveur de technologies plus efficaces, d'infrastructures mieux adaptées et d'énergies propres. Comme je l'ai déjà dit, grâce à nos mesures, les émissions seront réduites de près de 130 mégatonnes par rapport à ce qu'elles auraient été sous les libéraux.

Nous faisons également partie des membres fondateurs d'une coalition internationale qui œuvre en vue de réduire les polluants comme le carbone noir et, dans le cadre du mandat du Canada à la présidence du Conseil de l'Arctique, nous faisons de la lutte contre les polluants une priorité et nous avons versé des fonds substantiels aux pays en voie de développement pour qu'ils puissent également réduire leurs émissions. Nous agissons donc de façon importante dans ce domaine.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Obtenir la permission d'aller de l'avant avec des projets comme l'oléoduc Keystone XL, si essentiels à l'avenir énergétique du Canada, et ce, à bien des égards — je dois souligner que, en près de neuf ans, l'actuel gouvernement a été incapable de construire ne serait-ce qu'un seul pipeline, ce qui permettrait d'ouvrir de nouveaux marchés. Et pourtant, des gens continuent de prétendre que ce gouvernement est en mesure de gérer une économie.

Pour obtenir l'aval, ou la permission, du public, le Canada doit nécessairement s'engager de façon crédible à protéger l'environnement. C'est là que le bât blesse dans le projet Keystone XL.

(1440)

Lorsque M. Harper affirme qu'il entend mouler ses décisions sur celles des États-Unis, ne sacrifie-t-il pas la crédibilité du Canada, qui est pourtant essentielle pour gagner l'assentiment de la population et l'autorisation officielle de construire l'oléoduc Keystone XL? Les États-Unis agissent ainsi, mais, un an plus tard, M. Harper n'a toujours rien fait.

Le sénateur Tkachuk : Qu'ont fait les États-Unis?

Le sénateur Mitchell : Vous ne le savez sûrement pas.

Le sénateur Tkachuk : C'est exact. Vous devez nous le dire.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Mitchell, comme vous le savez et comme je l'ai déjà dit, nous sommes déçus du fait que la politique continue de retarder la décision de la construction de l'oléoduc Keystone XL.

Nous croyons que ce projet créera des dizaines de milliers d'emplois des deux côtés de la frontière et qu'il rehaussera également la sécurité énergétique en Amérique du Nord. Il recueille un fort appui au sein de la population et des départements américains, qui ont reconnu à de multiples occasions qu'il était sécuritaire d'un point de vue environnemental. En outre, je pense que les citoyens de votre province appuient également ce projet.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Si c'est si évident, on ne peut que se demander pourquoi l'actuel premier ministre lui-même n'y est pas parvenu.

La deuxième excuse que le premier ministre ne cesse d'invoquer, c'est qu'il n'est pas vraiment utile que le Canada fasse quoi que ce soit tant que la Chine n'aura rien fait puisque la Chine est un immense pollueur. Or, la vérité, c'est qu'au cours des prochaines années la Chine consacrera 280 milliards de dollars à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Vingt pour cent de l'énergie nouvelle créée cette année et l'an prochain sera solaire, sans compter les autres sources d'énergie renouvelable, comme l'énergie éolienne. En matière de lutte contre les changements climatiques, c'est la Chine qui a le plus à gagner, car elle pourra fabriquer les infrastructures nécessaires aux énergies renouvelables à moindre coût que tout autre pays. D'ailleurs, la Chine tient probablement à ce que nous pensions qu'elle ne fait rien; ainsi, elle pourra prendre les devants au point qu'il soit impossible de la rattraper, que ce soit en Amérique du Nord ou ailleurs.

N'est-il jamais venu à l'idée du gouvernement que, peut-être, les Chinois emploient la psychologie inversée à notre égard en agissant sans en avoir l'air, de manière à prendre les devants pour que nous ne puissions jamais leur faire concurrence sur le marché de l'énergie renouvelable?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur Mitchell, je vois que vous rendez hommage à la Chine et à son bilan environnemental. Je crois avoir vu une nouvelle la semaine dernière selon laquelle la Chine avait conclu une entente sur un pipeline avec la Russie, justement.

[Traduction]

La justice

La Cour suprême du Canada—Le processus de nomination

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Je rappelle au leader du gouvernement au Sénat qu'il y a maintenant neuf mois que l'un des trois juges du Québec à la Cour suprême a pris sa retraite. Quand pouvons-nous nous attendre à ce que son remplaçant soit nommé et quel est le processus adopté par le gouvernement pour choisir la personne qui prendra sa place?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : On peut s'attendre à ce que la nomination ait lieu bientôt. Vous pouvez être certains que le gouvernement va respecter l'esprit et la lettre de la décision de la Cour suprême concernant ce dossier.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Hier, dans une réponse écrite à une question posée par l'honorable Stéphane Dion à l'autre endroit, le gouvernement a déposé un document où on peut lire, notamment, que le gouvernement réfléchit à toutes les possibilités qui s'offrent à lui, y compris la nomination d'un remplaçant du juge Fish dès que cela sera possible. À première vue, cela laisse entendre que le remplacement rapide du juge Fish est une possibilité, pas une priorité. Pourriez-vous nous donner des précisions, s'il vous plaît?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vois qu'il y a encore une coordination de votre côté avec le caucus libéral dans la préparation de vos questions. Comme je l'ai dit plus tôt, nous respecterons la lettre et l'esprit de la décision de la Cour suprême et nous agirons avec célérité pour pourvoir le poste laissé vacant depuis le départ à la retraite du juge Fish.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Comme nous le savons, il y aura bientôt une autre vacance au sein de la magistrature québécoise à la Cour suprême. Je demande de nouveau quel processus le gouvernement adoptera pour faire les meilleures nominations possibles, maintenant que la Cour suprême a rendu une décision, et j'aimerais savoir si ce processus comprend par hasard la recherche d'une modification possible de la Constitution concernant la composition de la Cour suprême.

[Français]

Le sénateur Carignan : Dans le cadre du processus de nomination des juges du Québec à la Cour suprême, nous allons respecter l'esprit et la lettre de la décision prise dans le cas du juge Nadon.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Avant les dernières nominations, le gouvernement a publié, à juste titre, un protocole exigeant l'adoption d'un processus. Le gouvernement suivra-t-il le même processus pour les prochaines nominations?

[Français]

Le sénateur Carignan : Le gouvernement choisira un processus qui respecte la lettre et l'esprit de la décision de la Cour suprême.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Le leader n'a pas répondu à ma question. Je pense que vous vous n'avez pas tellement le choix pour ce qui est de vous conformer au jugement de la Cour suprême du Canada. La Cour suprême est le plus haut tribunal du Canada, et on s'attend à ce que tous les citoyens et tous les gouvernements du pays respectent ses décisions. J'espère donc que le gouvernement n'est pas en train d'adopter une nouvelle position.

Tôt dans son mandat, le gouvernement a établi un processus de consultation et d'audience devant un comité composé de députés pour l'examen des candidats au poste vacant de juge à la Cour suprême du Canada. Le gouvernement suivra-t-il le même processus, qui comprend les consultations prévues dans le protocole? Suivra-t-il le même processus pour combler le poste vacant actuel et celui qui vient d'être annoncé?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai expliqué, le gouvernement suivra un processus qui respecte la lettre et l'esprit de la décision de la Cour suprême dans le dossier du juge Nadon.

[Traduction]

L'Agence de promotion économique du Canada atlantique

La Société d'expansion du Cap-Breton

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, l'enquête réalisée par le commissaire à l'intégrité du secteur public du Canada, Mario Dion, a révélé que le premier dirigeant de la Société d'expansion du Cap-Breton, John Lynn, avait gravement enfreint le code de déontologie lorsqu'il a embauché Rob MacLean, Allan Murphy, Ken Langley et Nancy Baker, quatre personnes ayant des liens étroits avec le Parti conservateur. Deux d'entre eux sont des candidats conservateurs défaits. La Société d'expansion du Cap-Breton a embauché ces personnes sans respecter ses propres politiques en matière de dotation par concours. En gros, elles ont obtenu leur emploi sans même qu'on les convoque à une entrevue.

Les constatations du commissaire sont claires. L'embauche de ces quatre personnes a été, pour reprendre les mots du commissaire, le fruit de nominations « injustes » et « inappropriées ». M. Lynn a fait fi de la politique d'embauche de la Société d'expansion du Cap-Breton afin de procurer à ses amis des postes en or au sein de la fonction publique fédérale.

Ces nominations partisanes ont-elles été approuvées par le cabinet du premier ministre? Le gouvernement révoquera-t-il les quatre nominations à la Société d'expansion du Cap-Breton qui, selon les mots employés par le commissaire, ont été faites de façon irrégulière?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Comme vous le savez, des mesures ont été prises pour mettre fin à l'emploi de M. Lynn. Nous avons accepté les conclusions du commissaire à l'intégrité du secteur public. La Société d'expansion du Cap-Breton a déjà mis en œuvre les recommandations du commissaire.

Le commissaire à l'intégrité indique dans son rapport que la société a déjà pris des mesures et a mis en œuvre une nouvelle politique relative au processus de recrutement et de direction, laquelle reflète clairement l'équité et la transparence dans le processus de dotation de la société.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Avez-vous dit qu'on a mis fin à l'emploi de M. Lynn à la Société d'expansion du Cap-Breton? Vous ai-je bien compris? Selon la traduction, je n'en suis pas tout à fait sûre.

[Français]

Le sénateur Carignan : Nous avons pris des mesures pour mettre fin à l'emploi de M. Lynn.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : M. Lynn a perdu son emploi. Compte tenu du rapport, c'est une bonne chose. Aura-t-il droit à une indemnité de départ? Je cite le paragraphe 183(1) du projet de loi C-31, le projet de loi d'exécution du budget :

Le mandat des membres du conseil d'administration de la Société prend fin à la date d'entrée en vigueur de la présente section.

Voici ce que dit le paragraphe 183(2) :

Malgré les dispositions de tout contrat, accord ou décret, les personnes nommées membres du conseil de la Société, exception faite du premier dirigeant, n'ont aucun droit de réclamer ou de recevoir une compensation, des dommages-intérêts [...]

La liste se poursuit.

(1450)

Doit-on comprendre de ce que vous avez dit que M. Lynn ne recevra aucune compensation du fait qu'il a perdu son emploi? Autrement dit, il ne recevra aucune indemnité de départ?

[Français]

Le sénateur Carignan : Puis-je vous demander de reformuler votre question en parlant plus lentement, parce que la traduction en a manqué 50 p. 100?

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Désolée, j'ai simplement lu une partie du projet de loi C-31, le projet de loi d'exécution du budget. Le paragraphe 183(1) prévoit ce qui suit :

Le mandat des membres du conseil d'administration de la Société prend fin à la date d'entrée en vigueur de la présente section.

Et voici le paragraphe 183(2) :

Malgré les dispositions de tout contrat, accord ou décret, les personnes nommées membres du conseil de la Société, exception faite du premier dirigeant, n'ont aucun droit de réclamer ou de recevoir une compensation, des dommages-intérêts [...]

Et ça continue, mais voici où je veux en venir.

Puisque John Lynn était le premier dirigeant de l'organisme, recevra-t-il, oui ou non, quelque indemnité de départ que ce soit étant donné qu'il a perdu son emploi à la suite du rapport publié par M. Dion?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme dans le cas de tous les emplois auxquels on met fin, ce licenciement a été effectué conformément à la loi.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Je ne suis pas assez claire. Les contribuables canadiens, qui travaillent dur pour leur argent, devront-ils verser une indemnité de départ à M. Lynn vu que ce dernier est en congé payé depuis juin 2013? Je répète. M. Lynn, durant l'enquête dont il faisait l'objet, a touché son salaire pendant presque une année entière; les contribuables canadiens, qui travaillent fort pour leur argent, devront-ils en plus lui verser, par l'entremise du gouvernement, une indemnité de départ?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne connais pas les détails de la gestion quotidienne de l'administration de l'agence en ce qui concerne les employés, mais on s'attend à ce que les agences gouvernementales agissent conformément à la loi.

[Traduction]

L'honorable Terry M. Mercer : Monsieur le Président, le leader du gouvernement au Sénat pourra peut-être répondre à la question suivante. Est-ce que l'une des personnes dont la sénatrice Cordy a parlé dans sa question, notamment M. Lynn, aurait reçu des primes au rendement au cours des dernières années pour du travail qu'elles ne faisaient pas?

[Français]

Le sénateur Carignan : Il s'agit de la gestion quotidienne de l'administration d'une agence, et vous comprendrez qu'il m'est impossible de fournir ce renseignement à l'heure actuelle.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Vous pouvez vous dissimuler derrière ce prétexte si vous le désirez, monsieur le leader, mais il n'en demeure pas moins qu'ici même, ainsi qu'au Cap-Breton et dans d'autres régions du Canada atlantique dont l'Île-du-Prince-Édouard, certains se questionnent sur le rendement de ces gens et le fait qu'ils reçoivent un salaire depuis des années sans avoir eu à postuler pour leur emploi.

Ce sont des cas flagrants de favoritisme, puisque le système en place aurait permis de doter ces postes. Les citoyens du Canada ont le droit de savoir s'ils ont versé à ces gens des primes de rendement pour un travail qu'ils n'ont jamais accompli.

[Français]

Le sénateur Carignan : Notre gouvernement est déterminé à s'assurer que la fonction publique soit professionnelle, indépendante et non partisane. L'enquête indépendante effectuée par le commissaire n'a trouvé aucune preuve indiquant qu'il y avait eu inconduite ou influence de la part d'un ministre ou de personnel politique dans cette affaire. Je vous rappellerais que la situation est bien différente par rapport à celle de 2006, lorsque les libéraux avaient ouvert toutes grandes les portes de la fonction publique, notamment à des adjoints ministériels.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Vous rêvez en couleurs, il me semble. Comment peut-on affirmer que cela n'avait rien à voir avec le gouvernement? Ce sont tous des amis ou d'anciens employés de l'actuel ministre de la Justice. En fait, l'une des personnes en question travaille même de nouveau au bureau du ministre.

Le leader peut bien parler de toutes les règles concernant le Conseil du Trésor, il n'en demeure pas moins que ce n'est pas la Commission de la fonction publique qui décide des primes de rendement. Ces décisions sont prises par les dirigeants, et non par la Commission de la fonction publique.

Voici ce que veulent savoir les citoyens canadiens : ces gens ont-ils reçu une prime de rendement pour un travail qu'ils n'ont pas accompli?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je vous l'ai dit, notre gouvernement est déterminé à ce que la fonction publique agisse de façon professionnelle, indépendante et non partisane. Je vais répondre à votre question par une question.

Vous rappelez-vous que, en 2006, les libéraux avaient ouvert toutes grandes les portes de la fonction publique à leurs adjoints ministériels?

[Traduction]

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Le revenu national—L'évasion fiscale à l'étranger

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 10 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

Les anciens combattants—La Charte des anciens combattants

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 16 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

Les anciens combattants—Anciens combattants Canada

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 24 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer la réponse aux questions orales posées par l'honorable sénatrice Jaffer, les 8 et 30 avril 2014, concernant les affaires étrangères, la Birmanie et les droits de la personne. J'ai aussi l'honneur de déposer la réponse à la question orale posée par l'honorable sénatrice Charette-Poulin, le 8 mai 2014, concernant la neutralité du réseau.

Les affaires étrangères

La Birmanie—Les droits de la personne

(Réponse aux questions posées les 8 et 30 avril 2014 par l'honorable Mobina S. B. Jaffer)

La promotion et la protection des droits de la personne font partie intégrante de la politique étrangère du Canada, et le Canada adopte des positions de principe sur les enjeux importants afin de promouvoir la liberté, la démocratie, les droits de la personne et la primauté du droit. Les mesures prises par le gouvernement sont conformes à ses engagements énoncés dans le discours du Trône de 2011 en vue de continuer à « défendre le bien sur la scène internationale » et « d'aider à protéger les minorités religieuses et de promouvoir le pluralisme, une composante essentielle des sociétés libres et démocratiques ».

Le ministre des Affaires étrangères a soulevé la question des minorités ethniques avec Wunna Maung Lwin, ministre des Affaires étrangères de la Birmanie. Des représentants du Canada, y compris le premier ambassadeur résident du Canada en Birmanie, Mark McDowell, ont exprimé leurs préoccupations chaque fois que l'occasion se présentait, à la fois dans le cadre des relations bilatérales avec les autorités birmanes et dans des contextes multilatéraux comme les Nations Unies.

Le Canada condamne la violence et les violations des droits de la personne à l'endroit de minorités ethniques ou religieuses en Birmanie, dont les Rohingyas, et continue de surveiller la situation. Le Canada exhorte le gouvernement birman à s'assurer que la sécurité de tous les résidents est protégée et à faire preuve d'une transparence totale à l'égard de la situation dans l'État de Rakhine.

Le Canada a invité à maintes reprises toutes les parties à chercher une solution pacifique aux tensions qui ont mené à la violence. L'instauration de la paix et de la prospérité à long terme reposera nécessairement sur le dialogue et la coopération entre tous les groupes, dont les minorités ethniques et religieuses.

Le Canada continue de fournir de l'aide humanitaire pour répondre aux besoins fondamentaux des citoyens birmans réfugiés ou déplacés. Cette aide comprend du financement aux organisations humanitaires qui œuvrent dans l'État de Rakhine afin de fournir un accès à des soins de santé d'urgence, de l'eau potable, des installations sanitaires, des services de dépistage et de traitement des cas de malnutrition aigüe chez les enfants de moins de cinq ans déplacés par le conflit, des refuges, des articles ménagers essentiels et de l'aide alimentaire. Nous exhortons sans relâche le gouvernement à veiller à ce que les organismes humanitaires aient un accès sûr, complet et sans entraves aux personnes touchées par la crise à l'échelle de la Birmanie. En 2013, le Canada a fourni plus de 6 millions de dollars en aide humanitaire à la Birmanie.

L'ambassadeur pour la liberté de religion demeure préoccupé par la situation en Birmanie, et continuera de se prononcer au besoin contre les violations de ce droit. Le Fonds pour la liberté de religion du Canada soutiendra des projets visant à promouvoir et à protéger la liberté de religion et les collectivités religieuses en Birmanie, y compris les Rohingyas dans l'État de Rakhine.

Le patrimoine canadien

La neutralité du réseau

(Réponse à la question posée le 8 mai 2014 par l'honorable Marie-P. Charette-Poulin)

Le gouvernement croit que les Canadiens devraient avoir accès au contenu légitime de leur choix lorsqu'ils utilisent Internet pour participer pleinement à l'économie numérique. Selon le principe de la neutralité du réseau, toutes les données en ligne devraient recevoir le même traitement, peu importe leur source, type ou destination et relever de la compétence de l'organisme de réglementation des télécommunications, soit le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Certains fournisseurs de services Internet (FSI) ont eu recours à des mesures, comme les plafonds mensuels d'utilisation ou les limites de vitesse pour certaines applications caractérisées par une forte utilisation de la bande passante (p. ex. des applications poste-à-poste, qui sont des services de partage de fichiers facilitant le téléchargement rapide, mais souvent illégal, de fichiers) afin de gérer la congestion du réseau. Le débat sur la neutralité du réseau tourne autour du caractère approprié de ces mesures et de la nécessité, ou non, d'instaurer des cadres de réglementation pour en gérer l'usage. Certains persistent à croire que de telles mesures pourraient servir à des fins anticoncurrentielles.

Après un processus de consultations publiques étalé sur un an, le CRTC a publié en 2009 une politique sur la neutralité du réseau qui encadre l'utilisation, par l'industrie des télécommunications, de pratiques acceptables de gestion du trafic Internet. La politique tente de trouver un juste milieu entre le droit des Canadiens d'utiliser Internet pour des raisons variées et les intérêts légitimes des FSI qui souhaitent gérer le flux du trafic. Les intervenants se montrent généralement en faveur, y compris les groupes de consommateurs.

La politique s'applique à tous les fournisseurs canadiens d'accès au réseau, dont les opérateurs de réseaux filaires et sans fil. Voici les grandes lignes de la politique :

  • Les FSI doivent gérer avec transparence le trafic sur leurs réseaux;
  • Les investissements permanents dans le réseau devraient être les principaux moyens de remédier à la congestion du réseau;
  • Le fait de bloquer ou de nuire purement et simplement à la transmission de données exigeant une livraison rapide (p. ex. voix sur le protocole Internet) est interdit, à moins d'avoir obtenu au préalable l'approbation du CRTC;
  • Toute mesure de gestion du trafic Internet utilisée ne doit pas donner lieu à une discrimination ou à des préférences injustifiées.

S'ils croient que ces principes sont bafoués, les consommateurs peuvent soumettre au CRTC des plaintes qu'il évaluera au cas par cas.

Le gouvernement continuera de surveiller nos cadres législatifs et de réglementation, dans le but de veiller à ce qu'ils répondent aux besoins des consommateurs et des entreprises du Canada.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les grains du Canada
La Loi sur les transports au Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'honorable Donald Neil Plett propose que le projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi sur les grains du Canada et la Loi sur les transports du Canada et prévoyant d'autres mesures, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un honneur de prendre de nouveau la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-30. Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts s'est réuni tous les jours, et même deux fois certains jours, pendant la dernière semaine de séance pour veiller à ce que cet important projet de loi reçoive dans les meilleurs délais l'attention qu'il mérite. Vingt-quatre personnes ont témoigné pendant plus de neuf heures d'audience. La grande majorité des témoins appuyaient le projet de loi et remerciaient le gouvernement de son initiative. En fait, les seuls témoins qui étaient opposés à la mesure législative étaient les représentants des deux principales sociétés ferroviaires, à savoir le CN et le CP.

Pas plus tard qu'aujourd'hui, les cultivateurs de canola ont déposé une plainte à l'Office des transports du Canada à propos du service offert par les deux principales compagnies de transport ferroviaire au pays, qu'ils qualifient de lamentable. Brett Halstead, président de la Canadian Canola Growers Association et agriculteur de Nokomis, en Saskatchewan, a déclaré ceci :

L'effondrement du transport ferroviaire dans l'Ouest canadien cette année est totalement inacceptable pour les céréaliculteurs. Au bout du compte, ce sont les agriculteurs qui font les frais de cette rupture de la chaîne d'approvisionnement.

Voici ce qu'avait à dire le CN pour sa défense contre ces accusations. Je cite Mark Hallman, porte-parole de la société :

Le problème est le résultat d'une récolte record comme on n'en voit qu'une fois tous les 100 ans, combinée au pire hiver que l'on ait connu depuis des décennies. [...] Le CN assure le transport de volumes records de grains [...] et s'en est tiré beaucoup mieux que toute autre société de transport ferroviaire au cours de cet hiver difficile [...]

Ma réponse à M. Hallman serait la suivante : premièrement, il n'y a que deux transporteurs qui exploitent les lignes principales de chemin de fer au Canada, alors je ne suis pas certain de ce qu'il veut dire quand il dit que le CN s'en est beaucoup mieux tiré que les autres sociétés de transport ferroviaire.

Deuxièmement, le Canada connaît au moins un hiver par année et cela ne changera pas de sitôt. Nous espérons et avons bon espoir que les récoltes records de cette année deviendront la norme et non l'exception.

Nos producteurs de l'Ouest canadien font de l'excellent travail et le reste de la chaîne d'approvisionnement doit emboîter le pas.

(1500)

Les 22 autres témoins ont reconnu la gravité du problème d'accumulation du grain et appuyaient fortement les efforts du gouvernement.

Art Enns, membre du conseil d'administration des Producteurs de grains du Canada, a dit ceci au comité :

Le gouvernement est à l'écoute de nos préoccupations et ce projet de loi, qui prolonge les mesures adoptées par décret en conseil, nous fait avancer vers un système ferroviaire plus équilibré et plus responsable. Nous en sommes donc reconnaissants au gouvernement.

Phil de Kemp, président de l'Association de l'industrie brassicole du Canada et conseiller pour le Conseil de l'orge du Canada, a dit ce qui suit au comité :

Ce qu'il faut, c'est une solution à long terme qui garantira la sécurité économique de l'ensemble du Canada.

Pulse Canada représente 30 000 agriculteurs de tout le Canada. Son administrateur en chef, Greg Cherewyk, a aussi comparu devant le comité, disant ceci :

[…] le projet de loi C-30 envoie un message clair — qu'un réseau de transport ferroviaire qui ne peut répondre aux demandes du marché de l'industrie agricole et qui ne peut se remettre des effets des intempéries est tout simplement inacceptable.

Le message qui est ressorti clairement est qu'il faut agir rapidement. Le décret imposant un minimum d'un million de tonnes par semaine est valable jusqu'au 1er juin, dans quelques jours, alors que commencera une semaine agricole. La présente mesure législative vise à prolonger les dispositions sur le volume jusqu'au début de la nouvelle campagne agricole, le 3 août prochain.

Il faut qu'une mesure législative soit adoptée dès que possible pour prolonger ce mandat et protéger les agriculteurs. Le temps, c'est de l'argent. Comme le ministre nous l'a dit, chaque million de tonnes transportées représente des rentrées d'argent pour les agriculteurs. Nous devons veiller à ce qu'ils soient payés pour tout le travail qu'ils ont fait. Le grain a commencé à se déplacer dans le réseau et à quitter les ports, grâce, en grande partie, au décret pris le 7 mars.

Selon un communiqué de Statistique Canada, les exportations de blé étaient en hausse de plus de 7 p. 100 en mars, et les exportations de blé dur, de plus de 30 p. 100. Nous devons veiller à ce que l'acheminement du grain se poursuive. À la veille des semailles, il est absolument essentiel de maintenir l'effort si nous voulons que les agriculteurs puissent libérer de l'espace d'entreposage pour la nouvelle récolte.

Bien entendu, comme des témoins l'ont dit au comité, il n'y a pas que les agriculteurs qui soient touchés. Voilà pourquoi le projet de loi cherche à éviter que l'accroissement des expéditions de grain ne se fasse au détriment du transport du charbon, de la potasse, du bois, d'autres produits en vrac et de conteneurs.

C'est là une priorité du gouvernement, non seulement pour réduire les retards qui touchent les producteurs de grain et les expéditeurs, mais aussi parce que ce secteur apporte beaucoup à l'économie canadienne. Le succès du secteur du grain au Canada est l'une des grandes raisons qui expliquent que l'économie canadienne ait eu des résultats parmi les meilleurs dans les pays du G7, tant pour la production que pour la création d'emplois. Le secteur du grain a eu des exportations de près de 20 milliards de dollars en 2013. La première exportation agricole du Canada, cette année-là, a été le blé, à près de 7 milliards de dollars, suivi de près par le canola et le soya.

En moyenne, les agriculteurs exportent la moitié de leur production. Ils doivent pouvoir compter sur une chaîne d'approvisionnement efficace et sûre pour acheminer leurs produits vers les marchés. Dans cette optique, le gouvernement du Canada a travaillé avec tous les maillons de la chaîne d'approvisionnement pour bâtir une logistique de qualité mondiale. Il prend des mesures concrètes pour accélérer le transport du grain dans l'Ouest du Canada.

Grâce à la mesure d'urgence proposée pour le transport du grain, nous prenons aussi d'autres mesures pour que l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement fonctionne et utilise mieux sa capacité, pour renforcer les contrats dans l'intérêt des agriculteurs et pour aider le Canada à maintenir en place une logistique de qualité mondiale.

Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et la ministre des Transports ont présenté le projet de loi pour modifier la Loi sur les transports au Canada et la Loi sur les grains du Canada de façon à donner au gouverneur en conseil le pouvoir d'établir des volumes cibles pour le transport du grain, s'inspirant d'une recommandation commune des deux ministres; à préciser davantage les dispositions relatives aux accords sur les niveaux de service; à réglementer les contrats entre les producteurs et les titulaires de licences, dont les expéditeurs; à doter l'Office des transports du Canada du pouvoir d'ordonner aux sociétés ferroviaires d'indemniser les expéditeurs pour les dépenses qui découlent du non-respect des obligations en matière de service; à étendre la distance d'interconnexion.

Bref, le projet de loi apporte un mécanisme qui établira des solutions claires et réalistes aux problèmes de transport du grain.

Dans le projet de loi C-30, le gouvernement propose des mesures à court et à moyen termes pour améliorer l'efficience et l'efficacité du système logistique, à la veille d'une nouvelle campagne agricole et par après. La Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain consacrera des mesures propres à aider les expéditeurs canadiens à acheminer les produits agricoles vers les marchés dans les délais, et de façon prévisible.

Chers collègues, permettez-moi de parler des choses précises que le projet de loi doit faire. Le projet de loi C-30 modifiera la Loi sur les transports au Canada pour permettre au gouverneur en conseil de fixer, au besoin, le volume minimum de grain à transporter, sur la recommandation commune des ministres des Transports et de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Cette modification rendra la situation plus prévisible pour les expéditeurs et les producteurs, faisant en sorte que la chaîne d'approvisionnement soit mieux préparée à réagir à la demande en période de pointe.

Le décret a été le premier moyen, et le plus rapide, d'accélérer immédiatement le transport du grain. La nouvelle loi confère le pouvoir permanent d'établir des exigences volumétriques selon les besoins.

Deuxièmement, le gouvernement propose le pouvoir réglementaire voulu pour que l'Office des transports du Canada puisse faire passer les distances d'interconnexion de 30 à 160 kilomètres pour tous les produits de base dans les Prairies.

L’interconnexion est une opération effectuée par une compagnie de chemin de fer qui prend en charge les wagons d’un expéditeur et qui transfère ces wagons à un autre transporteur qui effectue le transport de ligne. Actuellement, le CN et le CP ne sont tenus d'offrir l'interconnexion que dans un rayon de 30 kilomètres du point de transfert. Au-delà de 30 kilomètres, c'est tant pis pour l'expéditeur. En améliorant l'accès que les agriculteurs et les exploitants d'élévateurs peuvent avoir à des sociétés ferroviaires concurrentes, on intensifie la concurrence entre ces sociétés et on multiplie les choix des expéditeurs en matière de transport.

Cent cinquante élévateurs auraient accès à plus d'un chemin de fer, contre seulement quatorze à l'heure actuelle. Pour l'heure, la vaste majorité des élévateurs sont desservis par un seul chemin de fer. Si la distance d'interconnexion est portée à 160 kilomètres, près de la moitié des élévateurs auront accès à l'interconnexion, contre seulement 4 p. 100 d'entre eux aujourd'hui. Il y aura ainsi plus de concurrence entre les chemins de fer et les expéditeurs auront un choix en matière de services ferroviaires puisqu'il y aura plus d'élévateurs dans les zones d'interconnexion.

Troisièmement, nous allons modifier la Loi sur les grains du Canada afin de renforcer les contrats entre les producteurs et les expéditeurs. La modification donnera à la Commission canadienne des grains le pouvoir de régir certaines clauses contractuelles entre les agriculteurs et les exploitants d'élévateurs.

Quatrièmement, nous établissons un pouvoir réglementaire pour préciser davantage les éléments opérationnels dans les accords arbitrés sur les niveaux de service, comme tous les expéditeurs l'ont demandé. Pour ce faire, nous définirons, dans le règlement, des conditions opérationnelles dont les arbitres doivent tenir compte lorsqu'ils évaluent ces accords.

Le projet de loi C-30 renforcera aussi les rapports de responsabilité entre les expéditeurs et les chemins de fer grâce à un amendement adopté à l'autre endroit. Cet amendement permet aux expéditeurs qui concluent des accords sur les niveaux de service — et à ceux qui ne le font pas — d'être indemnisés directement pour les dépenses subies parce que la société ferroviaire n'a pas honoré ses obligations en matière de service.

Cette modification est une solution axée sur le marché permettant d'accéder à la demande des parties intéressées, qui réclament un partage plus équilibré des responsabilités entre les chemins de fer et les expéditeurs.

(1510)

Par exemple, si un expéditeur de grain a conclu un accord sur les niveaux de service avec une société ferroviaire et que cette dernière ne le respecte pas, occasionnant ainsi des frais de surestarie, l'expéditeur de grain pourra désormais demander à l'Office des transports du Canada d'exiger que la société ferroviaire offre une indemnité pour les frais que l'expéditeur a dû payer de sa poche.

J'ajouterais que les producteurs appuient sans réserve cette modification. Lors de son témoignage devant le comité, Rick White, premier dirigeant de la Canadian Canola Growers Association, nous a dit ceci :

La modification présentée par le gouvernement est un pas vers la responsabilisation commerciale du système logistique.

Honorables collègues, voilà les mesures immédiates que nous prenons dans le cadre de ce projet de loi pour assurer le transport du grain dès maintenant et au cours des prochains mois.

De plus, le gouvernement demandera à l'Office des transports du Canada de consulter les sociétés ferroviaires et d'autres partenaires de la chaîne d'approvisionnement afin de discuter de leurs plans concernant le transport du grain en prévision de la prochaine campagne agricole. Nous pourrons également demander de recevoir, au besoin, une analyse mise à jour tout au long de l'année. Cela permettra aux ministres de déterminer s'il est nécessaire d'accroître les exigences de volume, en fonction de ces données concrètes.

Par ailleurs, le gouvernement obligera les sociétés ferroviaires à produire des données détaillées à jour sur le transport du grain. Comme plusieurs l'ont signalé, ce projet de loi est urgent.

Bien entendu, nous devons examiner la situation dans une optique à long terme. C'est pourquoi la ministre des Transports a fait savoir qu'elle avancera l'échéance de l'examen de la Loi sur les transports au Canada. Au lieu de commencer d'ici un an, comme c'était prévu, l'examen débutera cet été et il mettra d'emblée l'accent sur le transport du grain. Nous continuerons d'évaluer et d'adapter nos lois et nos pratiques en matière de transport du grain afin d'améliorer davantage le système de transport ferroviaire du Canada à long terme.

Chers collègues, prises ensemble, ces mesures renforceront les contrats entre producteurs et expéditeurs, amélioreront le rendement des chemins de fer et favoriseront le fonctionnement à plein rendement de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement.

La Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain aidera les agriculteurs et d'autres expéditeurs à faire parvenir leurs produits aux marchés et contribuera au maintien de la réputation du Canada à titre de pays exportateur de calibre mondial. Elle appuiera le travail que nous faisons pour édifier un système rentable et durable. Notre gouvernement est déterminé à collaborer avec tous les éléments de la chaîne de valeur du grain — industrie, universités et gouvernements — pour assurer la croissance du secteur et l'aider à atteindre son plein potentiel comme moteur économique du pays.

Le projet de loi C-30 inscrira dans la loi des mesures qui aideront les expéditeurs canadiens à faire parvenir leurs produits agricoles et d'autres denrées aux marchés du monde d'une manière prévisible et opportune.

Je voudrais exprimer ma reconnaissance à mes collègues des deux côtés de la Chambre pour leur coopération et leur compréhension de l'urgence de la situation pour les agriculteurs et le secteur du grain. Je voudrais remercier en particulier le sénateur Mercer, vice-président du comité, et ses collègues qui ont, dès le départ, appuyé le principe du projet de loi.

Le sénateur Mercer : Ma réputation est perdue à jamais.

Le sénateur Plett : Je suis heureux de dire que le projet de loi a été adopté sans amendement, avec trois observations dont le comité a convenu à l'unanimité.

Ce fut vraiment un plaisir pour moi de parrainer le projet de loi et de collaborer avec mes amis et collègues des deux côtés du Sénat. Je voudrais aussi remercier et féliciter le sénateur Mockler, président du comité, pour son travail inlassable sur le projet de loi.

Notre comité a noté les observations suivantes. Premièrement, plusieurs intervenants croient que la ministre des Transports et le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire doivent consulter tous les intéressés pour fixer des exigences concernant les quantités à transporter obligatoirement et que celles-ci doivent tenir compte des wagons des producteurs, des lignes courtes et des exigences d'un couloir à l'autre.

Deuxièmement, beaucoup d'intervenants pensent que le gouvernement du Canada devrait mettre en œuvre les règlements nécessaires pour donner effet aux contrats des producteurs de grains et des sociétés céréalières ainsi qu'aux ententes sur l'interconnexion et le niveau de service d'ici au début de la nouvelle campagne agricole, le 1er août 2014.

Troisièmement, plusieurs intervenants se sont dits inquiets de l'ambiguïté des ententes sur le niveau de service. Le projet de loi C-30 accorde à l'Office des transports du Canada le pouvoir de réglementer ces ententes. Toutefois, la Loi sur les transports au Canada ne définit pas ce qu'il faut entendre par « adéquat et approprié » et « obligations de service ».

Le projet de loi avance la date du prochain examen de la Loi sur les transports au Canada, qui devait commencer en juin 2015. Par conséquent, le comité estime que, durant le prochain examen de cette loi, on devrait se pencher également sur la définition des termes « adéquat et approprié » et « obligations de service ».

Permettez-moi maintenant de dire, pour ajouter à la grande réputation du sénateur Mercer, que les trois observations ont été conjointement proposées par le sénateur et moi et ont été adoptées à l'unanimité par le comité.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Comme je l'ai déjà dit, le décret expirera au début de la semaine prochaine. Cela étant, j'exhorte tous les honorables sénateurs à poursuivre l'effort de coopération qui s'est manifesté au comité afin que nous puissions adopter immédiatement le projet de loi, éviter toute interruption du mandat et maintenir la protection de nos agriculteurs. Je vous remercie.

L'honorable Terry M. Mercer : J'ai déjà été expulsé d'un caucus. Il veut maintenant me faire chasser d'un autre!

Le sénateur Plett : Vous ne voulez pas venir de ce côté?

Le sénateur Mercer : Jamais de la vie!

Honorables sénateurs, il est intéressant d'entendre le sénateur Plett parler de données détaillées à jour. Je n'avais pas cela dans mes notes, mais il m'est soudain apparu que, s'il disposait de données détaillées à jour, pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps l'entrée en vigueur du décret alors que nous étions déjà au courant du problème? Il n'y a pas de doute que des questions ont été posées au Sénat avant l'adoption du décret.

Honorables sénateurs, je crois que nous reconnaissons tous la nécessité de ce projet de loi. Toutefois, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain est seulement le début de ce que je considère comme une réforme en profondeur de la totalité du système de transport canadien. Ce n'est pas la première fois que nous étudions des dispositions semblables à celles qui figurent dans le projet de loi. L'année dernière, nous avons été saisis du projet de loi C-52. Je peux aussi vous garantir que ce ne sera pas la dernière fois que nous examinerons des enjeux semblables.

Avant de commencer à formuler quelques observations à propos du projet de loi, je tiens moi aussi à m'attaquer à la réputation du sénateur Plett. J'aimerais le remercier, ainsi que les dirigeants conservateurs au Sénat, d'avoir accepté que nous demandions la permission de procéder aujourd'hui à la troisième lecture du projet de loi, parce que je me rendrai demain en Nouvelle-Écosse avec le Comité des pêches. Nous espérons que cette bonne volonté s'étendra à l'étude des autres projets de loi dont nous sommes saisis.

Le sénateur Robichaud : N'exagérez pas.

Le sénateur Mercer : Nous attendrons de voir ce qui se passera.

Le sénateur Cowan : Vous mettez le sénateur Robichaud dans l'embarras.

Le sénateur Mercer : Honorables sénateurs, je veux m'assurer que nous comprenons tous que ce projet de loi comporte certaines lacunes. Si le projet de loi C-30 est un pas dans la bonne direction, va-t-il assez loin pour régler le retard enregistré actuellement dans le transport des céréales et pour garantir une chaîne d'approvisionnement efficace dans les années à venir? Je crains que le transport des autres marchandises ne soit touché en raison du manque de coordination qui existe entre tous les intervenants du système de transport.

Un représentant du British Columbia Agricultural Council et de la Fédération canadienne de l'agriculture, M. Etsell, qui exploite un élevage de dindons dans la vallée du Fraser, a témoigné devant le comité de la Chambre des communes. Il a exprimé des préoccupations semblables en disant ceci :

Ce qui m'inquiète, c'est que la différence dans le nombre de wagons sera comblée aux dépens d'autres marchandises. Jusqu'ici, on ne parle de compenser le retard dans la livraison du grain qu'aux points d'exportation. Qu'en est-il des secteurs à valeur ajoutée du bétail et des minoteries, qui dépendent des grains pour nourrir les animaux ou faire fonctionner les usines? Dans la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique, nous avons un secteur de l'élevage de 2 milliards de dollars qui dépend des grains des Prairies. Nous avons toujours besoin de 100 wagons par semaine, 52 semaines par année.

Ensuite, il a dit ceci :

[...] il faut reconnaître que les secteurs canadiens de l'élevage et des minoteries traversent eux aussi une crise puisqu'ils dépendent de la fiabilité du transport des grains des Prairies.

Je partage la position de M. Etsell et j'espère que, à l'avenir, nous tiendrons compte de cet aspect lorsque nous discutons des façons d'améliorer le transport du grain.

Honorables sénateurs, il se peut que les récoltes plus abondantes, comme celles de cette année, deviennent la norme dans l'Ouest du pays. Du moins, c'est ce que nous espérons. J'espère qu'elles deviendront la norme car c'est une grande réussite pour les agriculteurs canadiens, mais nous voilà encore à chercher à régler le problème du transport sans tenir compte de l'ensemble du système.

(1520)

Honorables sénateurs, les conséquences imprévues sont les résultats de décisions et d'actions délibérées que l'on n'avait pas anticipés à l'origine. L'année dernière, nous avons adopté le projet de loi C-52, Loi sur les services équitables de transport ferroviaire des marchandises, ainsi que le projet de loi C-18, Loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation. Le projet de loi C-52 a modifié la Loi sur les transports au Canada de manière à donner aux expéditeurs de marchandises le droit d'établir des ententes de service avec les sociétés ferroviaires et à établir un processus d'arbitrage en cas de différend entre l'expéditeur et la société concernant l'entente.

Dans le débat sur le projet de loi C-30, nous avons entendu des préoccupations semblables à celles exprimées par les témoins relativement au projet de loi C-52, c'est-à-dire que les ententes sur les niveaux de service sont très coûteuses à négocier — cela peut aller jusqu'à 100 000 $ — et aussi que la loi n'est pas suffisamment musclée pour bien définir ces ententes. Le projet de loi C-18 a été adopté pour permettre la transition du blé et de l'orge de l'Ouest vers un marché libre — nous nous plaisons à l'appeler le projet de loi sur la mort de la Commission canadienne du blé.

La fin du guichet unique de la commission a-t-elle contribué au gâchis dans lequel nous nous trouvons actuellement, à l'accumulation de grain dans les Prairies? Premièrement, parlons des ententes sur les niveaux de service. Il n'y a pas grand-chose dans le projet de loi C-30 qui permette d'établir ou d'améliorer les ententes sur les niveaux de service entre les expéditeurs et les sociétés ferroviaires. Tout ce que fait la mesure, c'est permettre à l'Office des transports du Canada de réglementer des aspects de ces ententes. Le projet de loi C-52 a été conçu de manière à éviter les problèmes qu'on cherche maintenant à résoudre avec le projet de loi C-30, cette fois-ci par voie réglementaire.

Plusieurs intervenants sont d'avis que des amendements au projet de loi s'imposaient à l'époque pour définir clairement les obligations de la compagnie et faire en sorte qu'il soit plus facile d'imposer des amendes aux sociétés ferroviaires en cas de problèmes. Toutefois, tous les amendements proposés qui auraient renforcé la position des expéditeurs et des agriculteurs ont été rejetés à l'unanimité par les conservateurs à la Chambre des communes. Le projet de loi C-30 a été présenté en vue de corriger les lacunes de la version précédente, le projet de loi C-52. Cependant, le projet de loi C-30 ne définit pas ce qu'on entend par des niveaux de service adéquats et appropriés. Nous continuons d'être saisis de mesures législatives qui font référence à des installations convenables et à des obligations de service, mais qui ne les définissent pas clairement.

C'est l'une des raisons pour lesquelles le comité a joint des observations au rapport sur le projet de loi C-30. Dans le cadre de l'examen de la Loi sur les transports au Canada, nous encourageons les intervenants à passer en revue ces définitions et à essayer de s'entendre sur la définition de l'expression « obligation de service » et des termes « adéquats et appropriés ». Voici ce que M. Phil de Kemp, président de l'Association de l'industrie brassicole du Canada, a déclaré lorsqu'il a comparu devant le comité au nom du Barley Council of Canada — c'est la même personne, mais une citation différente :

Nous désirons trouver une solution qui convient à tous. Nous sommes conscients également que certains éléments de ce projet de loi doivent être précisés. Selon nous, si nous voulons disposer d'un système ferroviaire fort, fiable et transparent, nous devons utiliser une terminologie qui reflète cet objectif. À notre avis, les termes « adéquats et appropriés » et l'expression « obligation de la compagnie » que l'on trouve dans le libellé actuel du projet de loi sont trop ambigus et laissent place à une interprétation subjective. Nous devons employer un langage qui définit clairement les droits et les obligations de toutes les parties. Nous demandons à ce que cette mesure législative tienne compte de cet élément. Si cela est impossible en raison de contraintes de temps, nous demandons au comité d'en tenir compte dans le cadre de son étude de la Loi sur les transports au Canada.

Kevin Bender, qui est directeur de l'Alberta Wheat Commission, a dit ce qui suit :

Comme M. Kemp l'a déjà indiqué, l'Alberta Wheat Commission demande toujours à ce qu'on adopte une définition plus claire du terme « installations convenables » et qu'on précise la référence aux « obligations en matière de service ». Les définitions actuelles sont trop ambiguës, laissant place à une interprétation subjective. Ces termes devraient définir clairement les droits et les obligations de toutes les parties concernées.

Ces deux témoins sont du même avis.

Je vais suivre attentivement les travaux concernant l'étude sur la Loi sur les transports au Canada lorsqu'ils débuteront. J'ai l'avantage, Votre Honneur, de siéger également au Comité des transports. Ainsi, lorsque le comité entamera son étude de la Loi sur les transports au Canada, j'aurai l'occasion de traiter de la question. Le sénateur Plett siège également à ce comité, et nous aurons l'occasion d'en reparler. Voilà qui signale le début de la troisième ronde. Nous espérons que le gouvernement inclura ces discussions dans le mandat de l'étude.

Honorables sénateurs, je m'inquiète également de la courte vue du gouvernement lorsqu'il est question de l'abolition du guichet unique de la Commission canadienne du blé. Nous avons débattu de la question, et je n'ai pas l'intention de rouvrir de vieilles plaies. Par contre, la situation actuelle est le résultat d'un manque de planification en ce qui concerne l'avenir après l'abolition du guichet unique. Je ne crois pas que beaucoup de gens nieraient que l'un des mandats de la Commission canadienne du blé était de négocier le transport efficace du blé et de l'orge canadiens. Les conditions météorologiques ont entraîné des problèmes pour les sociétés ferroviaires cette année — comme le sénateur Plett l'a dit, l'hiver frappe chaque année, mais il arrive parfois qu'il s'éternise —, mais il y a aussi eu un manque de coordination entre les intervenants concernant le transport des grains. C'était un aspect dont s'occupait la Commission canadienne du blé, à savoir la coordination.

Quand nous sommes passés du guichet unique au marché libre, je ne pense pas qu'il y avait un autre plan concernant la façon dont les agriculteurs et les fournisseurs devaient se débrouiller dans un marché où ils n'étaient plus chapeautés par une grande organisation comme la Commission canadienne du blé. M. Pellerin, directeur de GNP Grain Source Limited et représentant d'Inland Terminal Association of Canada, avait ceci à dire :

Du point de vue des indépendants, le débat sur la Commission du blé est du passé. Nous en sommes à une autre étape. Nous avons cru que nous pourrions effectivement fonctionner sur le marché libre. Nous avons pensé être en mesure de nous occuper de nos clients.

Ça s’est compliqué du fait qu’il est difficile pour nous d'être concurrentiels quand notre voisin a toujours un train à sa disposition et que nous n’obtenons aucun service. Ça nous met dans le pétrin. Alors, quand on a fini par obtenir un train, s’il lui fallait 14 jours pour se rendre à Vancouver, c’était avec nos capitaux immobilisés pour toute cette période. Pour un indépendant, c’est plutôt important.

« Plutôt », en effet. M. Ken Eshpeter, président-directeur général de Battle River Railroad, a lui aussi formulé des observations devant le comité :

C'est un peu difficile à dire, car, à la suite de l'élimination du guichet unique de la Commission canadienne du blé, nous n'avons pas vu beaucoup de problèmes de transport de ce genre. Maintenant que c'est une sorte de sauve-qui-peut, nous sommes plongés en plein cœur du processus d'attribution des wagons et nous essayons d'obtenir un bon service auprès de notre partenaire, le CN.

Le sénateur Mitchell : Ont-ils déjà bien fait les choses?

Le sénateur Mercer : Quand je lui ai demandé devant le comité si la Commission canadienne du blé permettait de régler certains des problèmes que nous voyons maintenant, il a ajouté ce qui suit :

C'est difficile à dire, car avant la suppression du guichet unique de la Commission canadienne du blé, nous ne voyions pas beaucoup de ces problèmes de transport. Maintenant que c'est devenu une sorte de mêlée générale, nous sommes catapultés au milieu du système de répartition des wagons, et nous essayons d'obtenir un bon service de la part de notre partenaire, le CN. Absolument. La Commission canadienne du blé, en coordination avec la Commission canadienne des grains, faisait beaucoup pour décider de la répartition des wagons et de leur destination. Ils contribuaient à la bonne marche de notre système. Nous n'avons plus ce monstre. Il faut que tous les acteurs du secteur se réunissent pour déterminer la manière dont nous allons ordonner le transport de ces marchandises.

Je répète :

Il faut que tous les acteurs du secteur se réunissent pour déterminer la manière dont nous allons ordonner le transport de ces marchandises.

C'est important. Bien que le projet de loi C-30 permette de régler les problèmes accumulés, il faudrait un examen plus vaste de l'ensemble du système pour atténuer et peut-être éviter des problèmes semblables à l'avenir.

Honorables sénateurs, les faits sont clairs. La valeur estimative des retards dans les expéditions de grain est de l'ordre de milliards de dollars. Les grains restent dans la cour et les silos des agriculteurs alors qu'ils devraient être acheminés aux clients à travers le monde. C'est inacceptable. Bien que le projet de loi C-30 ne soit pas parfait, il devrait aider à éliminer une partie de l'arriéré pour le moment. Pour cette raison, je suis heureux de l'appuyer.

(1530)

Pour conclure, honorables sénateurs, j'aimerais encore une fois porter le coup de grâce à la carrière politique du sénateur Plett en le remerciant — lui et la direction du Parti conservateur — d'avoir travaillé avec nous et non contre nous sur cette question. Nous sommes tous préoccupés par les retards dans le transport du grain et l'avenir des agriculteurs canadiens. J'espère que ce projet de loi permettra de régler certains problèmes et d'expédier davantage de grains à nos partenaires du monde entier. Il est à espérer que les deux côtés du Sénat feront preuve du même esprit de collaboration lorsqu'ils débattront d'autres projets de loi.

Merci, honorables sénateurs. Je vous prie d'appuyer ce projet de loi.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

La Loi électorale du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Linda Frum propose que le projet de loi C-23, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d'autres lois et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis ravie d'intervenir aujourd'hui dans le débat à l'étape de la deuxième lecture à titre de marraine du projet de loi C-23, la Loi sur l'intégrité des élections. Le titre n'aurait pu être mieux choisi puisque les dispositions du projet de loi permettront d'accroître l'équité des élections fédérales.

Cette mesure législative améliorera l'intégrité du système électoral canadien. Aux prochaines élections, les Canadiens constateront qu'il est plus facile que jamais de voter; que l'influence indue des intérêts spéciaux est plus étroitement surveillée; que les règles électorales, tout comme les sanctions en cas de violations, sont plus sévères; que les protections contre les éventuelles fraudes électorales sont accrues; et, enfin, que les règles régissant le recours aux services d'appels aux électeurs sont resserrées.

Pourquoi le gouvernement a-t-il présenté le projet de loi C-23? Parce qu'il s'est engagé à réaliser des changements en profondeur dans les lois électorales canadiennes. Il remplit cette promesse avec la Loi sur l'intégrité des élections, que nous avons proposée afin de pallier les lacunes de la loi actuelle et pour répondre à ceux qui ont déclaré qu'il était nécessaire d'apporter des améliorations à la Loi électorale du Canada.

Le directeur général des élections est l'un de ceux-là. Il a formulé des recommandations dans ses rapports déposés au Parlement à la suite des élections de 2008 et de 2011. Après avoir étudié ses rapports, un comité de l'autre endroit a convenu que des changements s'imposaient. Au total, le projet de loi C-23 comprend 38 des recommandations du directeur général des élections.

Les tribunaux ont eux aussi signalé des problèmes; pensons au tribunal inférieur de l'Ontario qui a annulé les résultats des élections de 2011 pour Etobicoke-Centre, en raison d'irrégularités. À propos de cette affaire portée jusqu'en Cour suprême par un ancien député libéral, le chef du Parti libéral à l'époque, Bob Rae, a déclaré ceci :

De toute évidence, il faut apporter des correctifs à notre loi électorale.

En outre, Harry Neufeld, ancien directeur général des élections de la Colombie-Britannique, a effectué un examen de la conformité sur les élections de 2011, à la demande du directeur général des élections. Dans son rapport, M. Neufeld déclare ce qui suit :

Si le taux d'erreur n'est pas considérablement réduit à la prochaine élection générale, la confiance du public s'en ressentira.

Il ajoute ceci :

[...] l'ampleur et la gravité des erreurs administratives détectées [...] montrent sans l'ombre d'un doute qu'une réforme s'impose de façon urgente.

De plus, M. Neufeld a conclu que le taux d'erreur observé dans les élections de 2011 ne saurait « être acceptable d'aucune façon pour le Canadien moyen. »

Une lecture impartiale de l'examen de la conformité effectué par M. Neufeld porte à conclure qu'il est nécessaire de modifier la Loi électorale du Canada. C'est ce que nous accomplirons avec le projet de loi C-23.

De plus, lors des audiences du comité au Sénat et à la Chambre des communes, le gouvernement a écouté les intervenants et s'est montré réceptif aux améliorations proposées, y compris à certaines suggestions de sénateurs.

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a effectué une étude préalable du projet de loi. Le comité a formulé neuf recommandations, qui ont été approuvées à l'unanimité, et le gouvernement a intégré les plus importantes d'entre elles dans le projet de loi C-23 parmi les 45 amendements adoptés par la Chambre des communes. Le projet de loi C-23 a donc fait l'objet d'une mûre réflexion et d'un examen approfondi avant d'être renvoyé au Sénat. Laissez-moi souligner les principales façons dont le projet de loi C-23 améliore et modernise le système électoral.

Premièrement, il prévoit plus de jours de vote. Il y aura une autre journée de vote par anticipation, pour un total de quatre jours. Cela donnera une occasion de plus aux électeurs de voter au moment et à la date qu'ils jugent les plus opportuns. Cette mesure a été très bien accueillie durant l'étude préalable du projet de loi C-23 par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Deuxièmement, le projet de loi prévoit des restrictions plus strictes en ce qui a trait aux groupes d'intérêts spéciaux. Nous resserrons le contrôle des dépenses électorales par des tiers. À partir de maintenant, les tiers doivent attester qu'ils sont des citoyens canadiens ou des résidents permanents, ou qu'ils habitent au Canada. C'est une recommandation du directeur général des élections à laquelle le gouvernement a donné suite.

Troisièmement, le projet de loi prévoit des changements au financement électoral. Jean-Pierre Kingsley, ancien directeur général des élections, a parlé au comité sénatorial du contrôle des fonds dans le processus politique du Canada. Voici ce qu'il a dit :

Nous avons un des meilleurs systèmes au monde. J'hésite à dire le meilleur parce que nous sommes modestes de nature, mais je crois que nous avons le meilleur système.

Le projet de loi C-23 améliorera encore plus notre système.

Les legs, qui ne sont assujettis actuellement à aucune limite, se limiteront à partir de maintenant à 1 500 $ par année, comme les contributions individuelles, et augmenteront de 25 $ chaque année. Il y aura des vérifications et des peines plus rigoureuses pour assurer le respect de ces limites.

Le recours à des prêts pour contourner les règles liées aux dons sera interdit. Dorénavant, les prêts devront être remboursés dans un délai de trois ans et ils ne pourront pas excéder la limite annuelle de contribution individuelle, qui est de 1 500 $. Seules les institutions financières et les entités politiques pourront consentir des prêts supérieurs à cette limite et tous les prêts liés à la politique devront être déclarés de façon uniforme et transparente, y compris les conditions et l'identité du prêteur.

Quatrièmement, les peines seront renforcées afin de refléter la gravité des infractions à la Loi électorale. Dans le cas des déclarations de culpabilité par procédure sommaire, les amendes seront décuplées puisqu'elles passeront de 2 000 $ à 20 000 $, avec la possibilité d'une peine d'emprisonnement maximale d'un an. Les amendes sont aussi décuplées dans le cas des déclarations de culpabilité par mise en accusation, puisqu'elles passeront de 5 000 $ à 50 000 $. Une peine d'emprisonnement de cinq ans pourra aussi être imposée.

Cinquièmement, on propose de sévir contre les appels frauduleux. Le projet de loi resserre sensiblement les règles visant les services automatisés d'appels aux électeurs, communément appelés les appels automatisés. En soi, les appels automatisés sont un outil légitime dans les campagnes électorales modernes. Toutefois, les Canadiens sont de plus en plus préoccupés par l'utilisation abusive de ces appels, et c'est pourquoi le projet de loi C-23 donne suite à ces préoccupations de façon énergique et vigoureuse.

Honorables sénateurs, tout d'abord, le CRTC aura la responsabilité d'établir, d'administrer et de faire respecter un registre de communication avec les électeurs. Quiconque fait des appels automatisés aux électeurs ou se sert d'un tel service doit s'inscrire et confirmer son identité.

Les enregistrements doivent être rendus publics dans les 30 jours suivant le jour des élections, et le CRTC doit y avoir accès dans les 48 heures suivant les appels téléphoniques aux électeurs. La Loi sur l'intégrité des élections précisera aussi que ni Élections Canada ni le personnel électoral n'effectueront d'appels non sollicités auprès des électeurs.

Enfin, à la suite des changements découlant de l'étude préalable faite par le comité sénatorial, la mesure législative exige que tout message enregistré qui est envoyé au moyen d'appels automatisés et tout texte de message en direct soient conservés durant trois ans, au lieu d'une seule année comme cela avait été proposé à l'origine. Il ne fait aucun doute que ce changement sera utile dans le cadre des enquêtes ouvertes par le commissaire relativement aux services d'appels.

(1540)

Ceux qui ne respecteront pas les règles seront passibles d'une amende maximale de 2 000 $ ou d'une peine d'emprisonnement de trois mois. Quiconque contrevient sciemment à l'obligation de tenir des registres appropriés est passible d'une amende de 20 000 $ ou d'une peine d'emprisonnement d'un an, en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire. En cas de mise en accusation, une amende de 50 000 $ ou une peine d'emprisonnement de cinq ans est prévue.

La sixième recommandation vise le recours à un répondant. Honorables sénateurs, la Loi sur l'intégrité des élections mettra fin au processus qui permettait de voter en faisant appel à un répondant. En vertu de ce système, une personne n'ayant pas la pièce d'identité requise pouvait faire confirmer son identité par un autre électeur. Le projet de loi C-23 élimine cette possibilité. Dorénavant, les électeurs devront présenter des pièces d'identité avant de pouvoir voter, ainsi qu'une preuve d'adresse.

Au Canada — et en fait presque partout dans le monde —, nous ne pouvons pratiquement plus rien faire sans d'abord prouver notre identité. Nous ne pouvons pas monter à bord d'un avion, passer un examen d'études, conduire un véhicule, obtenir des services ou des avantages gouvernementaux, ou ouvrir un compte bancaire à moins de nous identifier correctement.

Les Canadiens sont d'avis que les gens devraient avoir la même obligation lorsqu'ils votent. Selon un récent sondage Ipsos, 87 p. 100 des Canadiens croient qu'il est raisonnable d'exiger que les électeurs prouvent leur identité et leur adresse avant de pouvoir voter. Voter est l'un des principaux devoirs et privilèges dont nous jouissons à titre de citoyens libres. Par conséquent, il n'est pas surprenant que les Canadiens conviennent que des mesures de protection appropriées sont nécessaires pour protéger l'intégrité du système.

Dans son rapport, M. Neufeld estime qu'il y a eu 120 000 cas où l'on a fait appel à un répondant lors des élections de 2011. Il a constaté que 42 p. 100 de ces votes comportaient des erreurs graves, assez graves en fait pour être considérées comme des irrégularités par les tribunaux et, par conséquent, être susceptibles de fausser les résultats d'un scrutin.

En abolissant le recours à un répondant, nous éliminons une menace potentielle pour l'intégrité de notre système électoral. Voici ce que Michael Pinto-Duschinsky, un Britannique spécialiste des systèmes électoraux du monde entier, a dit ce qui suit à notre comité :

[...] nous avons constaté en Grande-Bretagne que, s'il y a place à la fraude dans un système, tôt ou tard — et généralement plus tôt que tard —, il va y en avoir.

Cependant, au terme d'un débat constructif sur le projet de loi C-23, le gouvernement a reconnu que, bien qu'elles puissent fournir une preuve d'identité, certaines personnes ne sont peut-être pas en mesure de fournir une preuve de résidence. Le projet de loi sur l'intégrité des élections permet à ces personnes de prêter serment par écrit pour confirmer leur adresse, pourvu qu'un autre électeur de la même section de vote ayant prouvé son identité et son lieu de résidence prête serment par écrit pour confirmer cette adresse. La personne qui reçoit la déclaration sous serment doit, au préalable, aviser l'électeur des peines prévues pour les contrevenants.

Pour réduire davantage les risques de fraude et d'erreur, et afin d'assurer l'intégrité du vote, le directeur général des élections devra, après le jour du scrutin, demander à un vérificateur de s'assurer que les membres du personnel électoral local ont exercé leurs pouvoirs correctement et se sont acquittés de leurs tâches et fonctions de façon appropriée, notamment en ce qui a trait aux déclarations sous serment des résidants.

Garanti par la Constitution, le droit de vote des Canadiens est un droit fondamental d'une importance capitale. Cependant, il n'y a rien de mal à vérifier l'identité et le lieu de résidence de l'électeur avant le vote; c'est même tout à fait juste.

Certains font valoir qu'aucun cas de fraude électorale liée au recours à un répondant n'a été démontré au Canada, mais nous ne pouvons pas en être sûrs, car Élections Canada n'a jamais mené de vérification à la suite des élections pour déterminer si le processus de recours à un répondant a donné lieu à de la fraude. Ce dont nous sommes sûrs, c'est que chaque vote frauduleux annule un vote légitime. En s'attaquant aux risques de fraude, le projet de loi C-23 assurera l'intégrité des élections.

La septième recommandation vise à préciser le mandat du directeur général des élections. Honorables sénateurs, la Loi sur l'intégrité des élections modifiera le mandat du directeur général des élections, qui est énoncé à l'article 18. À l'heure actuelle, cet article prévoit que le directeur général des élections :

[....] peut mettre en œuvre des programmes d'information et d'éducation populaire visant à mieux faire connaître le processus électoral à la population, particulièrement aux personnes et aux groupes de personnes susceptibles d'avoir des difficultés à exercer leurs droits démocratiques

Ce pouvoir était trop large, trop vague et trop éloigné de la principale et plus importante responsabilité du directeur général des élections, c'est-à-dire voir à tous les détails de l'organisation et de la tenue d'élections justes, en minimisant le plus possible le risque d'erreurs graves et d'irrégularités. À l'avenir, le mandat du directeur général des élections en ce qui concerne l'éducation populaire sera davantage ciblé et destiné à aider les électeurs. Le directeur général des élections pourra donc fournir des renseignements de base aux électeurs au sujet du vote, comme l'endroit et le moment où il aura lieu et les pièces d'identité qu'ils devront présenter, car ce sont des choses que bien des électeurs ne savent pas, plus particulièrement les jeunes électeurs.

Comme le directeur général des élections l'a indiqué dans son Enquête nationale auprès des jeunes, après les dernières élections, environ le quart des non-votants ont affirmé que le fait qu'ils ne savaient pas comment voter ni où aller pour le faire avait influencé leur décision de ne pas voter. Par ailleurs, 40 p. 100 des jeunes Autochtones ont souligné qu'ils ne sont pas allés voter en raison de considérations personnelles, que ce soit parce qu'ils étaient à l'école, travaillaient, s'occupaient d'un membre de leur famille, étaient en voyage, étaient malades ou ne pouvaient pas se rendre au bureau de vote le jour des élections.

Ces données indiquent que les jeunes électeurs ont besoin de plus de renseignements sur le fonctionnement du vote. Ils doivent être mieux renseignés sur les diverses possibilités qui s'offrent à eux, comme le vote par anticipation, le vote au bureau d'Élections Canada de leur localité à tout moment pendant la période des élections ou encore le vote postal. Le projet de loi C-23 garantira que le directeur général des élections et Élections Canada axent leurs efforts sur cet aspect crucial de l'éducation des électeurs.

La huitième recommandation consiste en une modification des dispositions relatives à l'observation et au contrôle d'application. Honorables sénateurs, ces dispositions jouent un rôle essentiel dans l'intégrité du système électoral canadien. Le commissaire aux élections fédérales est responsable de l'observation et du contrôle d'application. À l'avenir, par suite des mesures prévues dans le projet de loi C-23, le commissaire sera vraiment indépendant. Il occupera un poste au sein du Bureau du directeur des poursuites pénales plutôt qu'au sein de celui du directeur général des élections.

Le commissaire aura le rang d'administrateur général chargé de l'embauche et de la gestion de son propre personnel. Il ne sera plus nommé et ne pourra plus être congédié par le directeur général des élections. Il aura un mandat fixe de sept ans et ne pourra être révoqué par le directeur des poursuites pénales que pour un motif précis. Le directeur général des élections ne s'occupera plus des relations avec les médias au nom du commissaire, ne parlera pas en son nom des enquêtes menées et ne sera plus habilité à lui donner l'ordre d'ouvrir une enquête.

Grâce à ces mesures, le commissaire sera vraiment indépendant. Cela est clairement conforme aux pratiques exemplaires, car il y aura séparation complète entre l'administrateur des élections et le responsable des enquêtes électorales.

En vertu du projet de loi C-23, le commissaire aux élections fédérales bénéficiera explicitement de l'autonomie juridique et pratique en matière d'enquêtes électorales. Il sera explicitement interdit au directeur des poursuites pénales d'intervenir dans ses enquêtes. De plus, la loi régissant les activités du directeur des poursuites pénales interdit déjà au ministre de la Justice et procureur général d'intervenir dans une enquête menée en vertu de la Loi électorale du Canada.

Le commissaire et le directeur général des élections pourront-ils encore communiquer entre eux? Absolument. Ils peuvent se rencontrer en personne, se téléphoner et échanger des courriels. De plus, la Loi sur l'intégrité des élections établit clairement que le directeur général des élections peut communiquer au commissaire toute information qu'il considère utile. De son côté, le commissaire peut exiger du directeur général des élections qu'il lui communique tout renseignement recueilli en vertu de la Loi électorale du Canada qui peut l'aider dans l'exercice de ses fonctions.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-23 porte à juste titre le nom de Loi sur l'intégrité des élections. C'est une mesure législative qui améliorera sensiblement notre système électoral et qui rendra notre démocratie plus forte que jamais. C'est aussi une mesure que beaucoup de sénateurs, des deux côtés de la Chambre, ont contribué à modeler.

Je voudrais maintenant remercier et féliciter tous les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour les longues heures et le travail ardu qu'ils ont consacrés à l'étude préliminaire du projet de loi au Sénat. Je voudrais reconnaître en particulier les contributions de mes collègues libéraux, et surtout de notre vice-président, le sénateur Baker. Sous la direction de notre président, le sénateur Runciman, je crois que nous avons montré quel excellent travail le Sénat peut faire quand tous ses membres collaborent entre eux.

L'honorable Grant Mitchell : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question? Merci.

J'admire beaucoup l'attitude confiante de la sénatrice Frum, qui préfère dire que « le verre est à moitié plein », mais j'avoue que je n'admire pas son projet de loi autant qu'elle.

Il semble y avoir une contradiction inhérente dans la réflexion entourant le système des répondants. D'une part, la sénatrice a dit clairement — comme le gouvernement — que ce système doit disparaître. Autrement dit, je dois donner une preuve de mon lieu de résidence dans la circonscription pour être en mesure de voter.

D'autre part, il n'est nullement nécessaire de prouver qu'on est citoyen canadien. Le gouvernement ne veut pas reconnaître et semble même nier cette contradiction. Ainsi, le gouvernement croit sur parole un Canadien qui dit être Canadien, mais il ne le croit pas lorsque ce même Canadien dit qu'il vit tout près, même si cette déclaration est confirmée par un autre Canadien. Comment pouvez-vous jouer sur les deux tableaux? Si l'on vous permet de voter sans prouver avec une pièce d'identité que vous êtes Canadien, pourquoi ne pas vous permettre de le faire si vous dites que vous vivez tout près sans produire une pièce d'identité, surtout si un autre Canadien agit comme répondant?

(1550)

Je sais que la sénatrice Frum a dit, au cours du débat, que je dois penser que les banques devraient laisser leurs portes déverrouillées parce que nous pouvons faire confiance à tous les Canadiens. Notre collègue est d'avis que tous les Canadiens et tous les non-Canadiens au pays peuvent voter sans devoir prouver au moyen d'une pièce d'identité qu'ils sont Canadiens. Je fais valoir qu'ils ne devraient pas être tenus de produire une pièce d'identité et que le recours à un répondant devrait être tout à fait acceptable. Vous ne pouvez pas jouer sur les deux plans.

La sénatrice Frum : Sénateur Mitchell, je vous remercie de votre question. Ce qui va se produire maintenant et qui ne se produisait pas avant le projet de loi C-23, c'est qu'un électeur devra présenter une pièce pour prouver son identité. Ce n'était pas le cas auparavant. C'est une amélioration importante afin de protéger l'intégrité de notre processus. Si l'électeur a une pièce d'identité, mais qu'il ne peut pas prouver son lieu de résidence, il peut faire une confirmation en prêtant serment. Ce sont là des améliorations par rapport à la situation actuelle.

Le sénateur Mitchell : Mon argument tient toujours. Les gens doivent avoir une pièce pour prouver leur identité, mais ils ne doivent pas en avoir une pour prouver qu'ils sont Canadiens. Donc, d'un côté vous les croyez sur parole, ce qui me semble tout à fait légitime. Vous les croyez sur parole lorsqu'ils disent qu'ils sont Canadiens, mais vous ne les croyez pas sur parole lorsqu'il s'agit de leur identité, même si un tiers agit comme répondant. Comment est-ce possible? Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux. Nous n'avons pas besoin d'un répondant pour prouver que nous sommes Canadiens. Nous n'avons besoin de rien pour prouver que nous sommes Canadiens et voter. Toutefois, avoir un répondant pour confirmer notre adresse et notre identité n'est pas acceptable. Comment est-ce possible? Vous ne pouvez pas jouer sur les deux tableaux.

La sénatrice Frum : Comme nous l'avons vu pendant l'étude préalable, la solution au problème que vous décrivez serait la création d'une carte d'identité nationale. Si c'est que ce que vous préconisez, je vous encourage à poursuivre dans cette voie. Cette idée ne fait pas partie de la mesure législative, mais si vous voulez la défendre, allez-y.

Le sénateur Plett : Oui, tout à fait. Vous aurez mon soutien.

Le sénateur Mitchell : Je ne veux pas défendre cette idée. En fait, je l'ai très clairement fait savoir. Voilà évidemment la technique employée : on saute à la conclusion.

Les ministériels envisagent-ils de créer une carte d'identité nationale parce qu'ils ont laissé passer ce qui constitue sans doute pour eux, selon la logique de leur position sur le recours à un répondant, une autre lacune? Moi, je ne le préconise pas. Je crois que nous pouvons croire les Canadiens sur parole. Selon moi, le recours à un répondant est tout à fait légitime. Il est déjà difficile de trouver une personne qui mente, à plus forte raison deux, et il faudrait recommencer ce manège encore et encore. Pour une raison que j'ignore, le gouvernement ne semble pas faire suffisamment confiance aux Canadiens. Il ne les croit pas lorsqu'ils donnent leur lieu de résidence et déclinent leur identité. Pourquoi croirait-il alors qu'ils sont Canadiens? Je dis seulement que ce n'est pas mon problème, mais le vôtre. Ce n'est pas mon point de vue qui est contradictoire, mais le vôtre. Je ne suis pas en train de dire qu'il faille instaurer une carte d'identité nationale, mais je crois que c'est là où vous voulez en venir. Est-ce bien le cas?

La sénatrice Frum : Non, cette idée ne se trouve pas dans le projet de loi. La mesure législative parle d'elle-même. Elle est très claire. Nous voulons que les Canadiens aient à présenter une pièce d'identité lorsqu'ils votent. C'est très clair.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Moore, le débat est ajourné.)

Propositions en vue d'une loi corrective

Motion de renvoi au comité—Ajournement du débat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 15 mai 2014, propose :

Que le document intitulé Propositions visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines dispositions ayant cessé d'avoir effet, déposé au Sénat le 15 mai 2014, soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Son Honneur le Président intérimaire : La sénatrice Martin a la parole.

La sénatrice Martin : Le vote!

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Est-ce qu'on pourrait nous expliquer brièvement de quoi il est question?

La sénatrice Martin : Je vous remercie. J'ai demandé le vote simplement parce que la motion se passe d'explications. Ce document porte sur certaines anomalies et erreurs entre les versions française et anglaise, ainsi que sur les dispositions qui doivent être abrogées parce qu'elles n'ont plus d'effet. Il s'agit d'une procédure courante, et le comité permanent va pouvoir s'en charger et nous faire ensuite rapport.

La sénatrice Fraser : Mais comme il s'agit d'un document, et non d'un projet de loi en bonne et due forme, on parle en réalité d'une étude confiée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, non?

La sénatrice Martin : C'est exact.

L'honorable Wilfred P. Moore : Je ne suis pas sûr de comprendre. Ce processus découle-t-il de la Loi corrective? Devrions-nous nous attendre à ce qu'un nouveau projet de loi correctif soit présenté sous peu? Ce n'est pas ce que dit la motion. Ce serait loin d'être le premier, mais ce n'est pas ce que dit la motion.

La sénatrice Martin : Tout est dans la motion. Ce document fait la liste des dispositions à examiner en prévision du projet de loi qui suivra, et le comité en tiendra compte pour son étude.

L'honorable Serge Joyal : Je crois que mon collègue comprend bien la distinction entre un document et un projet de loi. Les projets de loi font l'objet de trois étapes appelées « lecture » : la première, la deuxième et la troisième. Si nous souhaitons modifier un projet de loi, nous devons suivre le processus établi, par exemple lorsque nous voulons nous assurer que les versions française et anglaise sont équivalentes. Pour ce qui est du document dont il est question dans la motion, il s'agit en quelque sorte d'un examen général des différents enjeux. Je crois comprendre que le ministère de la Justice — à moins que ce ne soit le Conseil privé — a conclu que cette étape devait avoir lieu plus tard. Nous ne sommes donc pas en train d'étudier une mesure législative. En fait, nous avons devant nous un rapport portant sur un certain nombre de questions qui se retrouveront ultérieurement dans un projet de loi en bonne et due forme.

La sénatrice Martin : Merci, sénateur Joyal. Un projet de loi correctif est appelé projet de loi, mais ce n'en est pas vraiment un encore. C'est une proposition, comme le dit la motion, qui est renvoyée à un comité. La proposition comprend des modifications réclamées par des ministères et organismes. Les modifications proposées doivent être non controversables, elles ne doivent pas entraîner des dépenses publiques, toucher les droits individuels ni créer une nouvelle infraction. Elles doivent seulement corriger des anomalies, et la plupart de ces anomalies sont des divergences de forme, comme je l'ai dit, entre le français et l'anglais, ou des corrections mineures. Si le comité a des objections, la proposition de modification est retirée.

L'honorable Joseph A. Day : Les honorables sénateurs pourraient-ils m'éclairer un peu? Y a-t-il des lignes directrices que nous pourrions consulter et qui expliqueraient ce qu'on entend par « modifications mineures et non controversables »? Cela se présente comme un projet de loi omnibus, et vous vous servez de ces mots pour nous amadouer et nous amener à donner notre approbation sans que nous sachions ce qui se passe. S'il y avait des lignes directrices, ce serait utile.

La sénatrice Martin : Plutôt que de proposer des lignes directrices précises, je pourrais peut-être préciser que le programme de correction des lois a vu le jour en 1975 pour permettre d'apporter des modifications mineures et non controversables à des lois fédérales dans un éventuel projet de loi omnibus. On peut considérer cette mesure comme un projet de loi omnibus, puisqu'il propose environ 80 modifications visant de nombreuses lois. On me donne cependant l'assurance qu'il n'y a rien de controversable dans cette proposition et on me dit qu'on s'attend à ce que la Chambre des communes et le Sénat adoptent immédiatement la loi corrective puisque toutes les dispositions qui pourraient être controversables ou inconstitutionnelles ont déjà été retirées. Ce sont des anomalies très précises et des modifications mineures et non controversables.

(1600)

Le sénateur Day : Merci. Si je vous comprends bien, on vous a donné l'assurance que ce projet de loi omnibus portait sur des éléments mineurs et non controversables, et vous me dites maintenant la même chose. Vous vous fiez à ce qu'on vous a dit et vous voudriez que nous fassions confiance à l'avis que vous nous transmettez?

La sénatrice Martin : Oui.

Le sénateur Day : Merci.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, mon intérêt pour cette mesure est soudain devenu plus vif. La sénatrice pourrait-elle nous expliquer en quoi consiste le document? Sa motion dit : « Document intitulé ». Il y a ensuite le titre : « Propositions visant à corriger des anomalies » et le reste. Cela est connu. Mais lorsqu'elle répond à des questions, la sénatrice parle d'articles. Je me reporte à ce que vous avez dit. Vous avez dit que les modifications étaient non controversables, et ainsi de suite.

Pourriez-vous nous éclairer sur la nature et les caractéristiques du document dont nous sommes saisis? Si vous vouliez que la question soit renvoyée au comité, pourquoi avez-vous d'abord déposé le document au lieu de le présenter au Sénat? Je voudrais connaître la nature et les caractéristiques du document, ainsi que la forme qu'il prend.

La sénatrice Martin : Merci, sénatrice Cools. Comme je l'ai expliqué, ce que je sais, c'est que le contenu de la proposition, ce sont des modifications mineures et non controversables, portant par exemple sur des divergences entre les versions anglaise et française, qui doivent être apportées par les deux Chambres. Ces modifications seront étudiées; le comité pourra les examiner.

Il s'agit d'un document omnibus en ce sens qu'il renferme environ 80 éléments. Toutefois, je répète qu'il s'agit de simples détails techniques qui peuvent être examinés attentivement par le comité. S'il y a d'autres préoccupations, celles-ci seront retirées. Cela dit, un premier examen attentif a déjà été fait pour s'assurer que le document ne renferme rien qui puisse susciter la controverse.

La sénatrice Cools : J'ai de la difficulté à comprendre la position de la sénatrice.

Vous répétez constamment que ces éléments ont déjà été examinés, comme si quelqu'un avait effectué un examen, mais nous n'en savons rien.

La sénatrice utilise un langage bizarre. Elle parle de « propositions ». J'essaie de déterminer la nature du document. La leader adjointe du gouvernement continue de dire qu'il s'agit d'un document. Est-ce un projet de loi?

La sénatrice Martin : Non, ce n'est pas un projet de loi.

La sénatrice Cools : Dans ce cas, qu'est-ce que c'est? Vous devez nous le dire. Vous ne pouvez pas proposer une motion qui dit, « un document intitulé quelque chose ». Vous devez nous dire de quoi il s'agit.

La sénatrice Martin : Ce n'est pas un projet de loi. C'est un document qui va renfermer divers éléments simples et non controversables.

Comme je l'ai dit plus tôt — et je vérifie —, il s'agit de modifications réclamées par des organismes et des ministères fédéraux. L'examen en question a été mené par ces organismes et ministères, qui ont relevé des anomalies, des incohérences et des erreurs. Par conséquent, ces éléments sont dans un document qui doit être examiné par le comité. Il s'agit d'éléments non controversables en ce sens qu'ils ont trait aux versions anglaise et française et qu'ils sont motivés par un souci d'exactitude. Par conséquent, ils ne suscitent pas la controverse.

La sénatrice Cools : La sénatrice ne demande pas au comité de faire quoi que ce soit. Elle demande uniquement que le dossier soit renvoyé au comité. Toutefois, je ne comprends pas pourquoi elle veut renvoyer un document renfermant des changements demandés par des agences et des ministères fédéraux.

Que demandez-vous au comité de faire avec ce document? Vous ne le dites pas. Demandez-vous au comité de l'étudier? Demandez-vous au comité d'en faire rapport? L'intention n'est pas claire. Elle est peut-être parfaitement claire dans votre tête, mais la nature du document n'est pas du tout claire. Dès que vous parlez de modifications demandées par les ministères, vous parlez de lois futures.

Nous devrions énoncer très clairement ce dont nous parlons. Autrement, cela devient très compliqué. Je voudrai examiner cette motion. Si nécessaire, je demanderai l'ajournement du débat à mon nom. Vous devez être claire.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Martin, souhaitez-vous répondre?

La sénatrice Martin : Je dirai simplement que le rôle du comité consistera à examiner le document, à passer en revue les points énumérés et à s'assurer qu'aucun point ne suscite d'objections de la part des membres. Pour le moment, ce document n'est pas un projet de loi, mais il sera déposé comme tel plus tard.

La sénatrice Cools : Vous ne demandez pas au comité de l'étudier. Par conséquent, ce que vous attendez du comité n'est pas du tout clair. Vous devriez peut-être prendre le temps d'examiner la motion pour décider de ce que vous voulez demander au comité de faire.

Lorsque nous renvoyons un projet de loi à un comité, nous sommes clairs. Nous savons ce que nous faisons. Dans ce cas, ce n'est pas clair. Si vous voulez que le comité étudie le document et présente un rapport, vous devez le dire dans la motion. Cela nécessiterait un amendement.

La sénatrice Martin : Permettez-moi de donner quelques précisions de plus. Ce document n'est pas encore un projet de loi. Le ministre de la Justice l'a déposé à la Chambre des communes, après quoi il a été renvoyé au comité compétent. C'est le document que nous recevrons et que nous renverrons nous-mêmes à un comité.

L'étude des propositions par le comité qui recevra le document — en l'occurrence, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles — a toujours été complète et impartiale. Si l'un des comités trouve qu'une proposition prête à controverse, elle sera retirée.

Le comité qui recevra le document aura simplement à passer en revue les différents points, ce qui devrait être simple et ne devrait occasionner aucune difficulté. Si les membres trouvent qu'un point donné suscite des préoccupations, il sera retiré.

Pour le moment, ce n'est pas un projet de loi. C'est un document que les deux Chambres doivent étudier avant qu'il ne soit déposé comme projet de loi.

Le sénateur Moore : J'ai l'impression qu'on met la charrue avant les bœufs. Votre Honneur, je siège au Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, comme d'autres sénateurs. Il nous arrive souvent de voir de telles anomalies. Nous posons des questions à leur sujet. Nous demandons si nous recevrons cela sous forme d'une loi corrective qui permettra de remédier à des anomalies du libellé et d'apporter des modifications mineures ne prêtant pas à controverse, et cetera.

Nous devrions plutôt avoir un projet de loi que le gouvernement déposerait à titre de mesure corrective. C'est cela que nous aurions dû recevoir. Ce qui est proposé aujourd'hui est nouveau pour moi. Je ne siège pas au Sénat depuis aussi longtemps que d'autres, mais je n'ai jamais vu cela auparavant. Je crois que les choses sont faites à l'envers. Nous devrions recevoir un projet de loi. Normalement, il serait renvoyé au Comité d'examen de la réglementation, puis ferait l'objet d'un rapport au Sénat comme mesure non controversable. Nous aurions alors à voter, et ce serait fini. C'est ainsi que les choses se font d'habitude.

Son Honneur le Président intérimaire : Je suis sûr que la leader adjointe du gouvernement voudra répondre aux observations que vous venez de m'adresser. Sénatrice Martin, vous avez la parole.

La sénatrice Cools : J'invoque le Règlement.

Son Honneur le Président intérimaire : À l'ordre, sénatrice Cools. La parole est à la sénatrice Martin.

La sénatrice Martin : Le programme de correction des lois a été établi en 1975. Depuis, neuf lois ont été adoptées. Nous aurons un projet de loi à un moment donné, mais, pour l'instant, nous demandons au comité d'examiner la proposition qui figure dans ce document. Peut-être le processus pourrait-il être traité comme l'objet d'une étude préalable du comité.

(1610)

Je peux donner à tous les sénateurs, y compris aux membres du comité, l'assurance que le document ne porte que sur des anomalies et des modifications non controversables. Le comité les examinera, et s'il a des réserves, il pourra les signaler au Sénat lorsqu'il lui fera rapport.

La sénatrice Fraser : Je crois que j'arrive à suivre, mais, si je comprends ce que vous avez dit, sénatrice Martin, ce document est en un sens ce que nous appelions un livre blanc.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Fraser, avant que vous ne poursuiviez, je demande à la sénatrice Martin si elle souhaite avoir plus de temps.

La sénatrice Martin : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Cinq minutes encore.

La sénatrice Fraser : Une série de propositions est soumise au comité pour qu'il l'examine et en fasse rapport. À partir du rapport de notre comité et de celui du comité de l'autre endroit, un projet de loi sera élaboré.

Une chose me préoccupe, et c'est que, même si j'ai été membre du Comité des affaires juridiques pendant de longues années, je ne me rappelle pas avoir jamais vu pareille procédure. Je craignais que nous ne nous retrouvions dans une situation semblable à celle des propositions de frais aux usagers, qui prennent effet automatiquement, qui deviennent loi, si on peut dire. Je voulais m'assurer qu'il ne s'agissait pas de cela ici, que tout ce dont il s'agit, c'est une étude et que, à la lumière des conclusions de cette étude et de celle qui se fait à l'autre endroit, le gouvernement rédigera un projet de loi, qui fera à son tour l'objet d'une étude. C'est bien cela?

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Martin, avant que vous ne répondiez, je pourrais faciliter le débat en apportant un élément. Ce n'est pas la première fois que nous sommes saisis d'un document semblable, et par « semblable », je veux dire identique.

En 2001, un document semblable, au mot près, a été présenté par le sénateur Robichaud, soit dit en passant, pour accomplir exactement le même objectif. C'était donc en 2001. Le document est une proposition qui porte sur la correction d'anomalies et de contradictions. Je crois qu'on a repiqué le même titre.

Je me tourne vers le côté ministériel. Vous souhaiterez peut-être proposer l'ajournement du débat pour vous assurer d'avoir toutes les bonnes réponses aux diverses questions qui vous ont été posées. Demain, peut-être, vous pourriez reprendre la parole et proposer la fin du débat, après quoi nous nous prononcerions.

Le sénateur Martin : Merci, Votre Honneur. Comme vous le dites, la dernière fois que cela s'est produit, qu'une motion comme celle-là a été présentée, c'était en 2001. À la lumière des rapports des comités, s'il y a des réserves au sujet de l'un ou l'autre des éléments de la proposition, cet élément ne sera pas retenu dans le projet de loi. Cependant, pour m'assurer que la sénatrice Cools et d'autres sénateurs comprennent parfaitement cette étape qui précède la présentation d'un projet de loi — cette procédure est nouvelle pour moi aussi, mais elle existe depuis 1975 et elle a été utilisée pour la dernière fois en 2001 —, je prendrai de nouveau la parole demain pour donner davantage d'explications et répondre aux questions soulevées aujourd'hui.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Tardif, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-210, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel).

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, comme j'ai déjà pris beaucoup de temps lors d'une séance antérieure, je ne serai pas d'une extrême longueur.

Le projet de loi S-210 vise essentiellement à modifier l'article 347 du Code criminel canadien. Je comprends les efforts que fait notre collègue, la sénatrice Ringuette, pour donner plus de chances aux familles canadiennes moyennes qui font face à des taux d'intérêt parfois surprenants. Je relisais son discours dernièrement et, lorsqu'elle parlait de taux usuraires sur des prêts sur salaire offerts à des particuliers et qui peuvent aller jusqu'à 1 200 p. 100, vous conviendrez avec moi que c'est un peu élevé.

Ses préoccupations sont justes. Ce serait une erreur et se voiler la face que de dire qu'elles ne sont pas réelles. Cependant, le gouvernement, en 2007, a adopté le projet de loi C-26, qui permettait aux provinces de légiférer spécifiquement sur les taux de prêts sur salaire.

Je crois que l'Alberta, la Colombie-Britannique, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et la Saskatchewan se sont prévalus de l'article 347.1 du Code criminel qui permettait, au sein des législations provinciales, de proposer une législation juste sur ces taux usuraires sur les prêts sur salaire. Or, c'était une préoccupation de la sénatrice Ringuette.

Il est important de bien préciser ici, honorables sénateurs, que l'on ne peut pas, d'une façon multiple, départager, tenter de corriger un article à l'intérieur du Code criminel sans ouvrir la porte à une multitude de réclamations, parmi lesquelles toutes ne sont pas nécessairement bonnes. Avec son projet de loi, la sénatrice Ringuette vise spécifiquement les taux d'intérêt.

Cependant, on ne peut pas se permettre de corriger unilatéralement les taux d'intérêt. Il y a le monde privé, il y a le monde des affaires, il y a toute une panoplie de considérations judiciaires dont il faut tenir compte. Or, on ne peut, par un projet de loi, venir corriger ce qui créerait une distorsion ailleurs.

En revanche, dans les éléments du projet de loi S-210, il y a des choses intéressantes, il y a des choses qu'on ne peut pas rejeter du revers de la main. Ce serait de l'irresponsabilité de la part des législateurs. Je pense que, comme législateurs dans ce Parlement, nous avons le devoir de tenter de protéger le mieux possible nos compatriotes, qui font parfois face aux abus que la sénatrice dénonce à juste titre.

Je ne pourrai pas voter en faveur du projet de loi parce qu'il n'est pas complet à mes yeux. Par contre, les efforts et le travail que la sénatrice a faits sont d'une très grande valeur et je pense fermement que, si on veut travailler pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes, la sénatrice devrait demander un mandat d'initiative au Comité sénatorial permanent des finances nationales qui, lui, après étude, pourrait faire une recommandation précise aux affaires juridiques et corriger exactement ce que vise la sénatrice Ringuette.

(1620)

Je ne pense pas que son projet de loi soit nocif, mais je pense qu'il ne corrigerait pas totalement la situation. De plus, on ne pourrait pas introduire un autre projet de loi, ce qui ferait que le Code criminel serait amendé d'une façon qui rendrait la vie encore plus compliquée aux législateurs, aux utilisateurs et à l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes, mais qui, bien sûr, ferait l'affaire des avocats, qu'il n'en déplaise à Dieu.

Cependant, ce n'est pas le but recherché par la sénatrice Ringuette. Le but de la sénatrice Ringuette est fort louable et j'y souscris. Je suis toutefois convaincu qu'on ne peut corriger un article du Code criminel qui touche des questions financières sans consulter le monde des affaires et bancaire et, aussi, le monde juridique. Ces derniers doivent être consultés de façon à corriger la situation. Ce pourrait être par le truchement du projet de loi S-210, qui reviendrait sous une autre forme; tant mieux si c'est la sénatrice Ringuette qui le présente à nouveau. Cette fois, il pourrait véritablement corriger la situation pour plusieurs années à venir.

C'est mon souhait, et je pense que c'est également le souhait de la sénatrice, d'en arriver un jour à corriger une situation qui, à mes yeux, est tout à fait inacceptable. Cependant, on ne peut, comme le disait souvent ma mère, mettre un cataplasme sur une jambe de bois.

J'invite la sénatrice Ringuette à demander un mandat d'initiative au Comité sénatorial permanent des finances nationales et au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour en arriver à une proposition que le Sénat pourra faire pour modifier la loi une fois pour toutes.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur le Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Hugh Segal propose que le projet de loi S-220, Loi constituant le Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité, soit lu pour la deuxième fois.

— Chers collègues, j'interviens aujourd'hui au sujet du projet de loi S-220, Loi constituant le Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité. Il ne s'agit pas d'une nouvelle tentative en vue d'adopter une mesure législative novatrice en matière de surveillance des services de renseignement et de sécurité. Un projet de loi très semblable à celui-ci avait été présenté au cours des derniers mois du gouvernement Martin dans le but d'amener le Canada à se conformer aux mécanismes mis en place par nos partenaires de l'OTAN et nos alliés.

Comme j'ai été nommé au Sénat pendant les derniers mois du gouvernement Martin, on ne peut pas dire que tout ce qui s'est produit pendant cette période était mauvais ou mal orienté. La différence entre l'ancienne mesure législative et le projet de loi S-220, c'est que le comité proposé aura le pouvoir absolu de convoquer des témoins et d'exiger des documents. Toutefois, son budget de fonctionnement sera établi en vertu d'une recommandation royale. Les membres du comité ne seront pas rémunérés et seront astreints au secret à perpétuité.

Le débat entourant la création d'un tel comité dure depuis plus d'une décennie au Canada, soit depuis bien avant ce qu'on appelle l'affaire Snowden. Les discussions ont commencé tout de suite après les événements du 11 septembre, sous le gouvernement Chrétien. À cette époque, le Parlement a adopté des dispositions législatives pour appuyer les efforts antiterroristes déployés par le gouvernement du Canada, de concert avec ses alliés.

Les nouveaux projets de loi sur la protection des renseignements personnels numériques et les mesures destinées à lutter contre la cyberintimidation devront être examinés attentivement par le Parlement en vertu de la procédure normale. Le projet de loi S-220 contribue à ce débat, car toute agence publique de ressort fédéral qui saisit ou qui reçoit des données privées ou appartenant à des fournisseurs sans mandat serait assujettie aux mécanismes de surveillance prévus dans ce projet de loi. Le comité que cette mesure législative vise à constituer pourrait examiner l'objet, la nécessité et la protection des renseignements personnels. À l'heure actuelle, aucun comité parlementaire ne peut assumer ce rôle au Canada.

Dans sa définition la plus simple, le terme « démocratie » signifie « gouvernement par le peuple ». Dans une démocratie légitime, les processus des services de sécurité et du renseignement doivent faire l'objet d'une certaine surveillance. Dans le système actuel en vigueur au Canada, ni les députés élus, ni les sénateurs nommés n'ont accès aux documents dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées, parce qu'ils ne possèdent pas l'habilitation de sécurité qui leur permettrait d'obtenir ces documents ou d'entendre ces témoignages. Les témoins qui comparaissent devant les comités de la sécurité nationale et de la défense de la Chambre ou du Sénat ne peuvent pas répondre à toutes les questions et les membres de ces comités se posent plus de questions qu'ils n'obtiennent de réponses.

La plupart de nos collègues de l'OTAN — les Américains, les Britanniques, les Français, les Allemands, les Belges, les Italiens, nos alliés australiens et les Néerlandais — possèdent un mécanisme législatif de surveillance aux termes duquel leur loi respective sur la protection de l'information n'empêche pas les titulaires de postes de pouvoir dans le milieu du renseignement de dire toute la vérité et de révéler des détails aux législateurs, qui ont le mandat législatif de les entendre.

Lors de récentes audiences tenues par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, j'ai posé une question directe au conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre, Stephen Rigby. Je lui ai demandé si, selon ses homologues des pays qui possèdent un mécanisme législatif de surveillance, cette surveillance pose problème. Il m'a répondu que non, que cela ne les a jamais empêchés de faire leur travail. Qui plus est, lorsque je lui ai demandé si une telle surveillance lui poserait problème — si le Canada venait à mettre sur pied un tel comité —, il m'a répondu que, à son avis, cela ne poserait pas problème, à condition que la surveillance soit exercée avec circonspection.

M. Rigby n'a pas pu répondre à plusieurs autres questions, pas parce qu'il n'avait pas la réponse, mais parce que les membres du comité ne possédaient pas l'habilitation de sécurité suffisante.

John Adams, qui a dirigé le Centre de la sécurité des télécommunications Canada pendant sept ans, a déclaré ceci lors d'une entrevue qu'il a accordée au réseau CTV en octobre dernier :

On pourrait obtenir une forme de consentement éclairé en créant un groupe de députés et de sénateurs de tous les partis, si le gouvernement le voulait. Les membres de ce groupe auraient la cote de sécurité leur permettant d'être informés sur les activités du Centre de la sécurité des télécommunications.

Les mots essentiels sont « auraient la cote de sécurité ». Lorsque les représentants des Canadiens sont maintenus dans l'ignorance des activités de leurs organismes nationaux de sécurité parce qu'ils n'ont pas la cote de sécurité nécessaire pour qu'on leur communique de l'information, nous devons fonctionner à l'aveuglette et remettre en question les motifs et la sagesse des décisions dont les effets se retrouvent dans les manchettes de nos journaux, comme les allégations que l'on doit à Edward Snowden, selon lesquelles le Centre de la sécurité des télécommunications se serait servi des métadonnées sur les courriels et les appels téléphoniques pour constituer un schéma des communications du ministère des Mines et de l'Énergie du Brésil.

Chers collègues, le terrorisme que nous devions affronter après la Seconde Guerre mondiale, au Moyen-Orient, en République d'Irlande, en Espagne, en Amérique centrale et ailleurs était différent du terrorisme d'aujourd'hui. Cependant, les changements qui se sont produits ne signifient pas nécessairement que nous soyons moins exposés au danger. La nouvelle nature des réseaux terroristes et le recours à Internet et à la cryptographie pour communiquer rendent en fait les risques terroristes qui nous menacent encore plus insaisissables.

Les terroristes qui sont prêts à mourir ou qui souhaitent parfois même ardemment donner leur vie simplement pour faire valoir leur cause constituent, eux aussi, un saut quantique par rapport aux pirates de l'air avec lesquels on pouvait négocier, dans les années 1970 et 1980, de façon raisonnable et rationnelle. Une autre forme de danger a aussi vu le jour, soit le terrorisme sans frontière, sans revendication et sans ennemi précis, qui s'oppose au monde occidental en bloc et qui n'est pas sous l'emprise d'un État nation en particulier. C'est ce qui se produit notamment lorsque des pays comme l'Iran décident de commanditer des groupes terroristes agissant pour leur compte dans une région, avec des ramifications dans le monde entier.

Lorsque le terrorisme est employé, parfois à l'intérieur du pays dont il provient, comme tactique dans une guerre de nature politique que se livrent des sectes d'une même confession religieuse pour asseoir leur domination — nous en voyons actuellement les répercussions un peu partout en Europe occidentale —, il est clair que le terrorisme s'est radicalement transformé, pour atteindre de nouvelles dimensions, depuis les jours où le groupe Stern a fait exploser une bombe dans l'hôtel King David, vers la fin du mandat britannique en Palestine. Sans aucune hésitation, je suis favorable à une solide capacité de renseignement et de sécurité pour le Canada.

(1630)

En mai 2010, le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme a été reconstitué et j'ai eu l'honneur d'en être élu président après de distingués prédécesseurs, le sénateur Joyal et le sénateur Smith (Cobourg). Entre le 13 mai 2010 et le 14 février 2011, le comité a tenu 11 séances et entendu des témoins très divers, dont des universitaires et des représentants des milieux du renseignement et de l'exécution de la loi de différents pays, dont le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie. Le rapport provisoire du comité gravitait autour des grands thèmes qui étaient ressortis de ces séances : l'évolution des menaces, les difficultés associées aux enquêtes et aux poursuites relatives au terrorisme, la surveillance parlementaire de la sécurité nationale au Canada.

Le 23 mars 2011, le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme a formulé des observations dans son rapport, Liberté, sécurité et la menace complexe du terrorisme : des défis pour l'avenir, sur les problèmes et les défis qui attendaient le Canada. Plusieurs observations unanimes portaient directement sur le manque de surveillance parlementaire.

Dans une allocution prononcée au Centre parlementaire en novembre 2011 au nom du comité, j'ai fait valoir que la capacité et le contexte de nos engagements en matière de sécurité nationale étaient compromis par ce manque de surveillance parlementaire et cette différence flagrante entre le Canada et ses plus importants alliés. C'est une opinion à laquelle je reste attaché et que je recommande en toute déférence à tous les sénateurs.

Le Canada est doté de plusieurs organismes de renseignements qui se chargent de différents aspects, soit le Service canadien du renseignement de sécurité, la GRC, le CSTC, le CSARS et l'AFSC. Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité et le commissaire du CSTC sont de petits organismes, ce dernier comprenant un petit effectif de 11 personnes et un juge, et le premier étant formé d'anciens parlementaires et d'autres personnes désignées qui, conformément à leur mandat, peuvent uniquement se saisir de plaintes rétroactivement. Le Canada est le seul pays occidental démocratique qui ne possède pas d'organe de surveillance dont le mandat est prévu par voie législative.

Les États-Unis ont une pléthore de comités de surveillance dans le domaine du renseignement et de la défense au Congrès et au Sénat. Ce n'est pas un cadre que je propose pour le Canada. Nous avons un régime de gouvernement différent et toute approche doit tenir compte de cette différence.

Il existe un modèle inspiré de Westminster, toutefois, que le projet de loi S-220 propose comme applicable au Canada, modèle solidement appuyé par les gouvernements Thatcher, Major, Blair, Brown et Cameron pendant deux décennies. Au Royaume-Uni, il existe un comité de parlementaires à l'image des principaux partis présents dans les deux Chambres, comité qui compte aussi des membres de la Chambre haute qui ne sont affiliés à aucun parti politique, qui sont indépendants. Jusqu'à l'an dernier, ces personnes étaient choisies par le premier ministre, à qui le comité faisait rapport de son travail tous les ans. Toutefois, la Justice and Security Act de 2013 a réformé ce comité du renseignement et de la sécurité, l'ISC pour en faire un comité du Parlement, lui conférant de plus vastes pouvoirs et élargissant son champ de compétence, y ajoutant la surveillance de l'activité opérationnelle et des activités plus larges du gouvernement en matière de renseignement et de sécurité.

En dehors des trois organismes de renseignement et de sécurité, l'ISC examine le travail du bureau du Cabinet dans le domaine du renseignement, y compris celui du Joint Intelligence Committee, du personnel chargé de l'évaluation et du National Security Secretariat. Le comité assure aussi la surveillance du renseignement de défense au ministère de la Défense et à l'Office for Security and Counter-Terrorism du Home Office. Les membres de l'ISC sont nommés par le Parlement sur la recommandation du premier ministre, et le comité relève directement du Parlement.

Le comité peut aussi présenter au premier ministre des rapports sur des questions qui se rattachent à la sécurité nationale et sont délicates de ce point de vue. Le comité du renseignement et de la sécurité du Parlement au Royaume-Uni est actuellement présidé par sir Malcolm Rifkind, député et ancien secrétaire aux affaires étrangères et ancien secrétaire à la défense. Les membres n'ont pas à avoir une autorisation de sécurité au sens où nous l'entendons. Le rapport annuel est rendu public et, si la sécurité nationale l'exige, le bureau du Cabinet peut supprimer des passages dans toute partie du rapport, mais le fait que des passages ont été supprimés doit être signalé. La loi qui a créé le comité autorise les dirigeants d'organisme à communiquer de l'information. Au Canada, aucune loi n'autorise quelque cadre supérieur dans les domaines de la défense, du renseignement, de la police ou de la sécurité à communiquer de l'information à des parlementaires qui n'ont pas une autorisation de sécurité aussi élevée que celle du cadre lui-même. En fait, la loi prévoit le contraire. Seuls les ministres ont l'autorisation nécessaire pour prendre part à ce genre de franche discussion.

Le Comité sénatorial spécial sur l'antiterrorisme a tenu une réunion officieuse avec le comité de sir Malcolm ici, au Canada, il y a quelques années. Les membres des deux comités ont déjeuné ensemble au Haut-commissariat de Grande-Bretagne et ont tenu une discussion franche entre parlementaires sur le fonctionnement du comité. Ce groupe de supervision se penche sur les plans, les budgets, les opérations, les priorités et les cadres supérieurs de chacun des organismes de sécurité britanniques; il a été créé en 1994, il y a 20 ans. Depuis, chers collègues, il n'y pas eu une seule fuite provenant du comité.

Un grand nombre de représentants d'organismes et de dirigeants qui ont comparu devant ce comité britannique ont déclaré que ce processus était extrêmement utile lorsqu'il arrive que les médias ou, Dieu nous en préserve, un député de l'opposition, fassent une allégation injuste au sujet de faits survenus ou non au sein des services de sécurité. Les membres de ce comité parlementaire sont alors en mesure d'affirmer, lorsqu'il est justifié de le faire : « L'allégation est injuste et sans fondement. Ces questions ont été discutées en profondeur par notre comité. Nous comprenons précisément ce que les organismes de sécurité essayaient de faire et pourquoi leurs agissements étaient un reflet rationnel de l'intérêt public tel qu'il pouvait être compris à l'époque. »

Le système britannique n'amoindrit en rien la responsabilité du ministre envers le Parlement à l'égard des organismes qui relèvent de lui. Il n'empiète pas non plus sur les activités quotidiennes et il ne perturbe nullement la chaîne de commandement si essentielle aux organismes de la sécurité nationale, de la défense, du renseignement ou de police.

Pourquoi une telle approche serait-elle intéressante au Canada? Premièrement, elle nous permettrait d'aller au-delà du rôle rétroactif et axé sur les plaintes du CSARS, composé d'anciens députés et dirigeants communautaires distingués et dignes de confiance. Ce comité fait du bon travail, mais son mandat l'oblige à réagir rétroactivement à des faits déjà passés. Un tel système permettrait également aux chefs des services canadiens de discuter des préoccupations à moyen et à long termes en matière de sécurité de manière à éduquer les parlementaires et à leur donner une idée claire des difficultés. Qui plus est, il leur donnerait une idée de la façon dont les législateurs réagiraient à certaines des difficultés et certains des choix envisagés. Et enfin, comme certains législateurs des deux Chambres ont des antécédents particuliers dans les domaines de la défense, de la police, des communautés, des opérations gouvernementales et des affaires, tout le monde serait gagnant.

L'absence de surveillance par le pouvoir législatif fait en sorte que les dirigeants et les cadres supérieurs ne parlent qu'à leurs supérieurs et à leurs homologues des autres ministères, le cas échéant. Bien souvent, quand ça dérape, les gens qui travaillent dans ce milieu ne sont pas vraiment enclins à voir les choses d'un autre œil ou à faire preuve d'ouverture d'esprit, c'est le moins qu'on puisse dire.

L'objectif premier des organismes chargés de la sécurité nationale et du renseignement est de protéger la démocratie canadienne et nos libertés, soit justement les valeurs qui irritent les extrémistes violents qui pourraient passer à l'acte et ceux qui font la promotion de la terreur pour atteindre leur but. Sans surveillance permanente exercée par le pouvoir législatif, il est impossible de savoir si notre liberté et notre mode de vie sont vraiment protégés. À l'heure actuelle, de petits organismes de surveillance exercent leurs activités à temps partiel, sur le fondement de plaintes, et ils se concentrent sur le passé; or, ce modèle ne permet pas de surveiller adéquatement le SCRS, la GRC, l'unité antiterroriste de la GRC et le Centre intégré d'évaluation du terrorisme du ministère de la Défense nationale.

Le premier ministre du Canada mérite des félicitations pour le comité sur la sécurité nationale qu'il a créé au sein du Conseil privé après les dernières élections. La création d'un véritable comité de surveillance par le pouvoir législatif serait un ajout bienvenu et positif à l'infrastructure de sécurité du Canada. Cette proposition n'a pas semblé inquiéter les cadres des organismes de renseignement et de sécurité qui ont été rencontrés de façon informelle à l'époque où le comité sénatorial a préparé son rapport de mars 2011. Un gouvernement éclairé n'a pas à s'inquiéter de la surveillance qu'exercerait le pouvoir législatif, puisque des gens compétents, discrets et avisés, les législateurs, appuieraient et renforceraient ainsi les principes démocratiques sous-jacents à la sécurité nationale, que nos fonctionnaires ont juré de protéger.

À notre époque, la lutte contre le terrorisme exige le maintien d'un équilibre délicat. D'une part, le terrorisme représente une menace unique et potentiellement dévastatrice pour la sécurité nationale, et le public doit être protégé grâce à la collecte active de renseignements de sécurité et à l'application énergique des lois. D'autre part, le Canada jouit d'une solide tradition en matière de protection des droits de la personne et de la primauté du droit, comme en témoigne la Grande Charte, la Déclaration canadienne des droits, la Constitution, y compris la Charte canadienne des droits et libertés, et la ratification de divers accords internationaux sur les droits de la personne. Voici le défi, l'objectif ultime : établir un juste équilibre entre la protection des Canadiens et leur liberté. Le Canada est le seul pays du G8 dont les services de sécurité ne sont pas assujettis à une surveillance législative et qui est aussi une démocratie.

(1640)

La notion de responsabilité législative est importante. L'idée selon laquelle la Loi sur les secrets empêche un responsable de la lutte antiterroriste au SCRS ou à la GRC de communiquer des renseignements complets aux parlementaires, comme c'est actuellement le cas devant tous les comités des deux Chambres, ne met en cause ni leur intégrité ni la nôtre. Elle en dit long sur l'absence d'un pont jeté par voie législative pour leur permettre de dire la vérité, ce qu'ils souhaitent souvent faire, mais que la loi en vigueur leur interdit. J'ose dire, avec le plus grand respect, que le projet de loi S-220 est ce pont jeté par voie législative.

Il ne faut pas perdre de vue l'équilibre qui fait que le Canada est une société ouverte, créative, libre et dynamique. Voilà, dans une certaine mesure, ce que les terroristes et ceux qui les appuient détestent le plus et la raison pour laquelle la lutte contre ces forces obscures — qu'il s'agisse de terroristes qui se sont radicalisés à l'intérieur du pays ou qui sont inspirés ou dirigés par une entité étrangère — continue de revêtir une grande importance pour nous tous. Cependant, pour le Canada et l'ensemble du monde civilisé, nous ne devons pas oublier de maintenir l'équilibre délicat entre la protection des Canadiens et le respect de leur liberté. Pour reprendre les propos tenus par sir Winston Churchill pendant la Seconde Guerre mondiale, nous ne voulons pas d'une victoire qui serait acquise à un tel coût qu'elle se distinguerait à peine de la défaite.

La liberté, la diversité, l'égalité entre les sexes, la présomption d'innocence et la primauté du droit sont loin d'être parfaites au sein de la démocratie canadienne, ni d'aucune autre démocratie, mais elles méritent néanmoins qu'on les défende contre des ennemis provenant tant du Canada que de l'étranger. Je fais respectueusement valoir à mes collègues des deux côtés que le projet de loi S-220 contribue concrètement à l'atteinte de cet objectif.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Sénateur Segal, je ne suis pas une spécialiste de cette question, mais le principe de votre projet de loi me plaît beaucoup. En examinant celui-ci l'autre jour, j'ai cependant constaté quelque chose. Cela n'a rien à voir avec le fond de la mesure législative, mais plutôt avec la forme.

Dans la version anglaise du projet de loi, on trouve très souvent le mot « must », qui signifie « doit » : par exemple, « le gouvernement doit » ou « le comité doit ». Il me semble que le terme anglais ordinairement utilisé dans les projets de loi que nous recevons est « shall », qui est impératif en rédaction juridique. Pourquoi avez-vous choisi de substituer « must » à « shall »?

Le sénateur Segal : En toute franchise, je me suis inspiré de la structure du projet de loi britannique dans lequel il était plus ou moins sous-entendu que « shall » comportait un élément de doute, surtout si on cherche à imposer à des fonctionnaires de la Couronne de communiquer des renseignements et d'aborder les choses d'une certaine manière. Dans le cas du Royaume-Uni, les hauts responsables du comité parlementaire négocient le programme à suivre avec les hauts responsables des différents organismes de renseignement. Les Britanniques ont constaté que, depuis qu'ils ont récemment adopté le mot « must », les représentants du comité parlementaire semblent avoir une autorité plus directe dans les négociations que lorsque le mot utilisé était « shall ».

La sénatrice Fraser : C'est vraiment intéressant. En pensant aux débats et au mandat législatif du directeur parlementaire du budget, je trouve l'argument fascinant.

L'honorable Nicole Eaton : L'honorable sénateur a-t-il bien dit que les parlementaires qui siégeraient à ce comité ne seraient pas tenus d'avoir une autorisation de sécurité?

Le sénateur Segal : Les membres du comité auraient à prêter le même serment que les hauts responsables des organismes actuels de sécurité doivent prêter en vertu d'une loi sur la confidentialité de l'information. Le serment, qui figure à la fin du projet de loi, doit être prêté par les membres du comité, qui seraient astreints au secret jusqu'à la fin de leurs jours, c'est-à-dire bien après qu'ils auront quitté le Sénat, le comité ou l'autre endroit. Même s'ils ne reçoivent pas une autorisation de sécurité dans la forme à laquelle vous pensez, ils seraient assujettis au même serment.

Le projet de loi prévoit l'élection des membres du comité après leur mise en candidature par le premier ministre. Au Royaume-Uni, le Cabinet du premier ministre a participé aux mises en candidature et a procédé à des recherches normales sur les personnes considérées comme de bons candidats. Il y a eu beaucoup de négociations entre les différents partis, les Communes britanniques et la Chambre des lords au sujet des personnes envisagées. Toutefois, comme le processus exige tant une mise en candidature par le premier ministre qu'une élection subséquente par la Chambre, il est évident que le Cabinet du premier ministre britannique — l'équivalent de notre Bureau du Conseil privé — fait les vérifications voulues avant que les noms ne soient proposés.

L'honorable George Baker : Sénateur, pendant que vous parliez, j'ai pensé au fait que le Sénat a examiné ce qu'on appelle couramment les dispositions du Code criminel sur le terrorisme. Au fil des ans, nous avons été tenus — dans le cas le plus récent, par la Cour suprême du Canada — d'apporter des modifications à ces dispositions pour les rendre conformes. Lorsqu'on lit les arrêts les plus récents de la Cour suprême, comme R. c. Harkat, rendu il y a deux semaines, on se rend compte que nous avons travaillé dans le noir quant aux effets des dispositions relatives au terrorisme que nous adoptons, parce que nous n'en connaissions pas les répercussions ultimes.

La Cour suprême du Canada a dit dans son arrêt le plus récent que ces dispositions sont très différentes des dispositions normales de nos lois pénales et ne satisfont pas aux mêmes critères. Dans une certaine mesure, nous avons affaire à du ouï-dire pour ce qui est des preuves recueillies, et personne ne peut procéder à un contre-interrogatoire au sujet des sources de l'information. Les critères applicables sont donc différents. Je vois comment ce que vous suggérez dans le projet de loi S-220 fournirait aux parlementaires une source d'analyse indépendante leur permettant d'aller au-delà de l'information normalement disponible pour légitimer, plus ou moins, ce que font les législateurs.

Ce serait une excellente addition à notre processus législatif. Ce comité pourrait peut-être étudier directement certaines mesures législatives liées aux dispositions du Code criminel sur le terrorisme. Est-ce cela que vous avez envisagé?

Le sénateur Segal : Le principal objet du projet de loi est de créer une tribune au sein de laquelle les parlementaires des deux Chambres pourraient poser des questions détaillées sur les plans, les opérations, les effets des mesures législatives et la façon dont elles sont appliquées par les différents organismes. Je vois le sénateur Smith en face et le sénateur Tkachuk, qui est ici. Il est intéressant de noter qu'une partie de ce que nous avons fait au comité a consisté, comme vous l'avez signalé à juste titre, à modifier les dispositions antiterroristes selon les instructions de la Cour suprême du Canada.

Je me souviens d'avoir discuté avec un haut fonctionnaire du ministère de la Justice bien avant mon arrivée au Sénat, au moment du dépôt des mesures législatives en question. Simplement pour le provoquer, je lui ai demandé pourquoi ces mesures ne contenaient pas une disposition de dérogation qui nous donnerait l'assurance que tout serait fini cinq ans plus tard. On aurait pu considérer que c'était une circonstance spéciale, et non une abrogation permanente des libertés de quelqu'un. Le fonctionnaire a répondu en toute bonne foi que les mesures proposées étaient absolument à l'abri de toute contestation en vertu de la Charte. Il le croyait vraiment. Ironie du sort, quand j'ai eu le grand privilège de siéger au comité sous la présidence de sénateurs d'en face, et même quand j'ai moi-même été président, nous avons passé une grande partie de notre temps à modifier les projets de loi que les tribunaux avaient déclaré inconstitutionnels et qu'ils nous avaient demandé de modifier dans un certain délai.

(1650)

Ce que le comité nous permettrait de faire — que nous ne pouvons pas faire à l'heure actuelle parce qu'aucun des dirigeants des organismes n'a la liberté de parler franchement — c'est de poser la question suivante : « Comment cette disposition sur les règles spéciales en matière de preuve va-t-elle fonctionner, compte tenu du droit à un avocat qui est normalement protégé dans notre système? Pouvez-vous nous mentionner certains éléments ayant eu une incidence sur votre besoin de protéger des sources dans les activités légitimes de renseignement que vous menez? »

À l'heure actuelle, il n'y a pas de tribune nous permettant de poser cette question de façon efficace. Le comité nous fournirait cette possibilité, probablement à huis clos. Il se réunirait à huis clos, compte tenu des dispositions existantes, soit à l'appel de la présidence ou à la suite d'un vote par la majorité de ses membres. Les audiences à huis clos feraient ensuite l'objet d'un rapport que le comité présenterait en faisant preuve de discernement et en respectant à la fois son mandat et les exigences liées à la sécurité nationale.

L'honorable Percy E. Downe : J'aimerais revenir sur la question posée par la sénatrice Eaton. Dans votre réponse, vous avez correctement identifié ce qu'on pourrait appeler les soupapes de sécurité en ce qui a trait aux candidats. Le Conseil privé effectuerait ses examens du SCRS, de la GRC et d'autres organismes. Toutefois, comme vous l'avez mentionné, le premier ministre pourrait nommer les membres de ce comité. Je ne veux pas faire preuve d'une trop grande partisanerie, mais il se trouve que le premier ministre a aussi le pouvoir, comme vous le savez en raison de votre expérience passée, de tout simplement rejeter l'avis du SCRS et de la GRC. Nous l'avons constaté dans le cas du récent responsable du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui est présentement en prison au Panama. Il s'agit d'un poste tellement élevé au sein du gouvernement du Canada que le titulaire doit être assermenté au Conseil privé avant d'assumer ses responsabilités et d'avoir accès à des documents hautement confidentiels.

Craignez-vous que cette protection ne soit pas suffisante pour rassurer les gens qui seront préoccupés par votre proposition?

Le sénateur Segal : Cette question comporte plusieurs volets. Comme c'est souvent le cas avec mon collègue de l'Île-du-Prince-Édouard, chaque question posée comporte plusieurs aspects. Un aspect à l'égard duquel je ne formule aucun avis ou opinion est l'efficacité du processus utilisé par un gouvernement pour faire des nominations. Votre question soulève cet aspect et je n'ai pas l'intention de m'engager dans cette voie pour défendre le contenu du projet de loi, mais c'est un point tout à fait légitime.

Deuxièmement, le projet de loi dit très clairement que, même si le gouverneur en conseil fait les nominations en fonction de l'avis du Cabinet, cet avis doit être formulé après consultation des deux partis ici et à l'autre endroit. Il ne pourrait s'agir d'un processus qui se limiterait à une décision prise par le premier ministre.

Pour qu'un tel comité puisse fonctionner en jouissant de la confiance des parlementaires, il faut que tous les parlementaires aient le sentiment d'avoir été consultés, par l'intermédiaire de leur chef, relativement au processus de sélection des membres, comme c'est le cas pour d'autres comités. Si l'on commence avec la prémisse d'un décret, c'est précisément pour les raisons de sécurité qu'a si justement soulevées ma collègue, la sénatrice Eaton.

Le sénateur Downe : Souhaiteriez-vous que non seulement les autres intervenants soient consultés, mais qu'ils puissent aussi voir les rapports que le premier ministre reçoit sur les candidats si quelque chose est signalé par le SCRS ou la GRC? Leur approbation ou désapprobation reposerait sur le contenu de ces documents. Je pense que c'est ce que vous souhaiteriez.

Le sénateur Segal : Votre interprétation de ma réponse va peut-être un peu trop loin. Les avis donnés au gouverneur en conseil relativement aux questions de sécurité nationale ne sont normalement pas partagés. Il en est ainsi parce que, avant la constitution du comité et l'assermentation, vous ne savez pas si les personnes avec lesquelles vous pourriez partager l'information sont qualifiées pour en prendre connaissance.

Comme vous le savez, il existe une tradition selon laquelle les chefs de l'opposition font partie du Conseil privé. Sauf erreur, c'est le premier ministre Mulroney qui a lancé cette tradition, qui a ensuite été suivie par ses successeurs. Cette mesure vise à faire en sorte que les chefs de l'opposition soient informés de dossiers tels que les déploiements en Afghanistan ou d'autres questions de sécurité nationale. Ce système semble bien fonctionner et ne pas être traité à la légère ou faire l'objet d'abus par le gouvernement ou par les chefs de l'opposition. J'imagine que la même règle, c'est-à-dire des membres du Conseil privé des deux côtés, tant au Sénat qu'à l'autre endroit, s'appliquerait dans le cas des consultations liées à ces nominations.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Dallaire, le débat est ajourné)

[Français]

L'étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de la Loi sur la radiodiffusion

Adoption du troisième rapport du Comité des langues officielles et de la demande réponse du gouvernement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Tardif, appuyée par l'honorable sénateur Munson, que le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles intitulé Les obligations linguistiques de CBC/Radio-Canada, Les communautés veulent se voir et s'entendre d'un océan à l'autre!, déposé au Sénat le mardi 8 avril 2014, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre du Patrimoine canadien et des Langues officielles étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, je tiens à prendre le temps qui m'est alloué aujourd'hui afin de commenter le dépôt, le 8 avril dernier, du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles, intitulé Les obligations linguistiques de CBC/Radio-Canada, Les communautés veulent se voir et s'entendre d'un océan à l'autre!

En tout premier lieu, je me dois de rappeler certains éléments techniques de cette étude. En effet, ce rapport et les recommandations qu'il contient sont le fruit d'une longue étude, minutieuse et grandement étoffée. C'est à l'automne 2011 que le comité s'était doté du mandat d'étudier les obligations de CBC/ Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects de la Loi sur la radiodiffusion.

Comme l'a mentionné l'honorable sénatrice Tardif, présidente du comité, lors de son allocution au moment du dépôt du rapport, c'était la première fois que le comité entreprenait d'étudier en détail la place qu'occupe le diffuseur public dans la promotion de la dualité linguistique canadienne et le rôle clé qu'il a à jouer dans le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Plus de 40 témoins, par l'intermédiaire de 80 porte-paroles, ont défilé devant le comité pour témoigner de l'importance de CBC/ Radio-Canada. De façon quasi unanime, ils ont réitéré leur désir d'être vus, entendus et lus sur les différentes plateformes du diffuseur public. Ces témoignages, en provenance des quatre coins du pays, de la part d'organismes et de simples citoyens, ont tous permis de souligner la préoccupation que partagent ceux-ci pour la pérennité de leur communauté de langue officielle en situation minoritaire et pour le rôle que CBC/Radio-Canada peut jouer afin de combler leurs aspirations.

Les 12 recommandations du rapport proposent des pistes de solution, des avenues que peuvent étudier le gouvernement et CBC/ Radio-Canada pour répondre aux besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire et pour promouvoir la dualité linguistique.

Honorables sénateurs, je ne vais pas répéter chacune de ces recommandations, puisque l'honorable sénatrice Tardif vous a, au préalable, offert un excellent compte rendu du rapport. Je tiens toutefois à souligner deux recommandations, non pas parce qu'elles sont plus importantes que les autres, mais parce que celles-ci m'interpellent personnellement.

(1700)

Il y a tout d'abord la recommandation no 8, qui enjoint CBC/ Radio-Canada à refléter les talents culturels et artistiques des communautés francophones et anglophones en situation minoritaire dans sa programmation nationale aux heures de grande écoute. Je crois qu'il est impératif que le diffuseur public prenne part à la promotion des talents locaux et à l'émergence d'artistes que l'on aurait avantage à connaître.

Cette recommandation est l'expression quelque peu singulière de la dévotion de la sénatrice Champagne à l'endroit de la relève artistique du pays, et je tiens à saluer la détermination de notre collègue pour l'avancement d'une telle cause.

Deuxièmement, je dois souligner la dixième recommandation du rapport, qui encourage la société d'État à entreprendre des consultations auprès des jeunes francophones, anglophones et francophiles pour être au fait de leurs attentes et de leurs besoins. Cette jeunesse canadienne doit faire l'objet d'une attention particulière puisqu'elle porte le flambeau de la dualité linguistique. Une meilleure utilisation de sa plateforme web par Radio-Canada, compte tenu des habitudes de nos jeunes, constituera un atout majeur dans la promotion de nos langues officielles.

Ces quelques remarques sur le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des langues officielles ne pourraient être complètes sans que j'adresse des remerciements à ceux qui ont collaboré à l'étude. En tout premier lieu, je me dois de saluer la contribution de l'honorable sénatrice Chaput. L'étude qui a commencé sous les bons auspices de notre collègue du Manitoba s'est déroulée dans un climat de coopération, sans partisanerie.

C'est dans ce même esprit que la sénatrice Tardif a poursuivi le travail. D'ailleurs, j'aimerais souligner le travail remarquable de chacun des sénateurs qui ont pris part à cette étude. Le Comité sénatorial permanent des langues officielles est, sans contredit, un comité où la bonne entente règne.

Évidemment, je ne peux passer sous silence le travail du personnel du comité. Nous prenons trop rarement la peine de féliciter et de remercier nos greffiers et nos analystes. Le comité a la chance d'avoir à sa disposition une analyste exceptionnelle en la personne de Marie-Ève Hudon, ainsi qu'un greffier remarquable et dévoué en la personne de Daniel Charbonneau, qui vient récemment de se joindre à nous. Cela dit, Danielle Labonté, la greffière très efficace qui a commencé l'étude, mérite elle aussi nos remerciements.

Honorables sénateurs, je vous encourage à prendre connaissance de ce rapport. Maintenant plus que jamais, nos communautés veulent se voir et s'entendre d'un océan à l'autre!

Au nom de tous les membres de notre comité, je vous demande d'adopter ce troisième rapport le plus rapidement possible. Merci.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

L'étude de la capacité des particuliers à se prévaloir d'un régime enregistré d'épargne-invalidité

Troisième rapport du Comité des banques et du commerce—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Le régime enregistré d'épargne-invalidité : pourquoi n'est-il pas plus utile?, déposé au Sénat le 26 mars 2014.

L'honorable Irving Gerstein propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je vous demande aujourd'hui d'adopter le troisième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, intitulé Le régime enregistré d'épargne-invalidité : pourquoi n'est-il pas plus utile?

C'est à la suite d'une lettre du 22 avril 2013 de celui qui était alors ministre des Finances, feu notre collègue James M. Flaherty, que le comité a examiné « la capacité des particuliers à se prévaloir d'un régime enregistré d'épargne-invalidité (REEI), notamment la représentation par un avocat et la capacité des particuliers à conclure un contrat ».

Mes amis, au cours des jours qui ont suivi le décès prématuré de Jim Flaherty, on a fait l'éloge de sa belle carrière politique ainsi que de ses amitiés et de sa camaraderie, qui transcendaient les lignes de parti, mais aussi de la manière dont il avait su mener l'économie canadienne à bon port au cours d'une période difficile. Cependant, on ne peut pas brosser son portrait sans aussi parler de son appui profond et indéfectible envers les Canadiens handicapés. C'est ce qui explique que, parmi toutes ses réalisations en tant que ministre des Finances, le régime enregistré d'épargne-invalidité lui tenait particulièrement à cœur.

En 2009, le magazine Euromoney a attribué à Jim Flaherty le titre de ministre des Finances de l'année. Il a été le tout premier Canadien à jouir de cet honneur. Si Euromoney l'a choisi, c'est parce qu'il « a rehaussé la réputation de son pays en raison de la qualité de sa politique financière qui fait une large place à la justice sociale ». Ceux qui l'ont connu conviendront d'ailleurs qu'il a toujours fait une large place à la justice sociale.

Jim avait un fils handicapé, ce qui a sûrement contribué à aiguiser son intérêt pour la situation des plus démunis, mais ce n'est pas pour répondre aux besoins de son fils que Jim a fait du régime enregistré d'épargne-invalidité l'une de ses premières priorités à titre de ministre des Finances. Non, honorables collègues. C'était plutôt, comme l'a souligné le premier ministre Harper, parce qu'« il avait la conviction d'avoir accepté une responsabilité pour toutes nos familles, et non seulement pour la sienne ». Voilà, chers collègues, ce qui motivait Jim Flaherty.

Il se sentait responsable de toutes les familles canadiennes. Voilà pourquoi il a mis en place la prestation universelle pour la garde d'enfants et le crédit d'impôt pour enfants. Voilà pourquoi il a créé les crédits d'impôt pour aidants familiaux, pour la condition physique des enfants et pour les activités artistiques des enfants. Voilà pourquoi il a instauré le fractionnement du revenu de pension pour les aînés. Et oui, honorables sénateurs, c'est aussi ce qui l'a motivé à instaurer le régime enregistré d'épargne-invalidité, puis à l'améliorer constamment.

En effet, Jim a apporté des modifications au REEI dans les budgets de 2012 et de 2013. Il a aussi demandé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce de l'aider à répondre à une question qui continuait de le tarauder : « Pourquoi le régime enregistré d'épargne-invalidité n'aide-t-il pas davantage de personnes? » Jim cherchait toujours à aider plus de gens.

Le REEI est une innovation purement canadienne. Il s'agit d'un instrument d'épargne assorti d'une aide fiscale conçu pour favoriser la sécurité financière à long terme des Canadiens handicapés. Un peu comme le régime enregistré d'épargne-études, le régime enregistré d'épargne-invalidité permet d'accumuler des fonds et de les faire croître à l'abri de l'impôt. De plus, le gouvernement fédéral verse des contributions équivalentes par l'entremise de la Subvention canadienne pour l'épargne-invalidité et du Bon canadien pour l'épargne-invalidité lorsque l'investissement répond à certains critères.

Pour être admissible au régime enregistré d'épargne-invalidité, le bénéficiaire doit d'abord répondre aux critères d'admissibilité du crédit d'impôt pour personnes handicapées, une admissibilité que détermine l'Agence du revenu du Canada en consultation avec le principal intéressé et des professionnels de la santé.

Chers collègues, il s'agit d'un programme novateur de grande qualité mais, comme toute innovation, il a connu une crise de croissance. Jusqu'à maintenant, seulement 81 000 Canadiens atteints d'un handicap physique ou mental ont ouvert un REEI sur les 500 000 qui y sont admissibles. Ce faible taux de participation d'environ 16 p. 100 est attribuable à des obstacles importants à l'inscription, qui ont d'ailleurs fait l'objet de notre étude.

(1710)

Honorables sénateurs, au cours des mois consacrés à cette étude, le comité a tenu huit audiences et a entendu seize témoins. Les délibérations qui ont suivi ont mené à quatre recommandations qui ont fait l'unanimité.

La plus importante vise à donner suite à la requête principale formulée par le ministre Flaherty dans sa lettre et a constitué le point central de l'étude du comité, à savoir l'incapacité de certains adultes canadiens handicapés à conclure des contrats en raison de doutes sur leur capacité mentale. Pour qu'un REEI puisse être ouvert en leur nom, ces personnes doivent être déclarées légalement inaptes, ce qui peut se révéler un processus long et coûteux, voire traumatisant.

Je pense que c'est ce genre de cas qui troublait le plus le ministre. Afin de régler ce problème, le ministre Flaherty a présenté dans le budget de 2012 une mesure temporaire permettant à un conjoint ou à un parent de devenir titulaire du régime pour un adulte qui pourrait être légalement inapte à conclure un contrat. Toutefois, les règles régissant la capacité légale des adultes ayant une déficience intellectuelle et les personnes autorisées à administrer leurs biens relèvent des provinces et des territoires. Par conséquent, c'est à ce niveau qu'il faudra trouver une solution permanente.

Au moment de rédiger sa lettre, le ministre Flaherty a salué le leadership des gouvernements de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan, du Manitoba, de Terre-Neuve-et-Labrador et du Yukon, qui s'étaient attaqués à ce problème. Le temps que nous déposions notre rapport ici, au Sénat, le 26 mars 2014, le gouvernement de l'Alberta avait aussi pris des mesures.

Je tiens à préciser, chers collègues, que les gouvernements provinciaux et territoriaux ont tous été invités à se présenter devant le comité, mais qu'ils ont tous refusé. Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a bien envoyé un mémoire, mais celui-ci nous est parvenu après l'étude du rapport, comme l'indique l'annexe C.

Certains témoins ont cependant parlé des efforts déployés pour supprimer l'obstacle juridique qui empêche l'inscription au REEI dans les provinces. La Commission du droit de l'Ontario, notamment, a indiqué qu'elle envisageait neuf possibilités pour corriger la situation, mais elle n'a pas encore présenté de recommandation au gouvernement de l'Ontario.

D'autres témoins ont réclamé une solution fédérale commune, y compris une modification à la Loi de l'impôt sur le revenu qui permettrait la création d'un formulaire propre au REEI autorisant une personne qui a un lien de confiance avec le bénéficiaire à devenir cotitulaire du régime.

Chers collègues, le comité reconnaît qu'une solution commune serait l'idéal, car elle avantagerait à la fois les particuliers et le secteur financier. Cependant, comme les gouvernements provinciaux et territoriaux n'ont pas témoigné devant le comité, celui-ci n'a pas pu mesurer l'efficacité des diverses formules en place.

Par ailleurs, on s'est interrogé sur la viabilité d'une solution nationale, compte tenu des différences entre la common law et le droit civil au niveau provincial, des problèmes que pose le recours à la Loi de l'impôt sur le revenu pour empiéter sur les pouvoirs des instances provinciales, des conséquences qu'aurait l'ajout d'un autre palier administratif à un programme déjà lourd sur ce plan et de la probabilité qu'une intrusion dans les champs de compétence provinciale donne lieu à une contestation constitutionnelle.

Par conséquent, le comité n'était pas convaincu qu'une solution fédérale réglerait le problème. Il recommande donc, en premier lieu, aux provinces et aux territoires d'examiner sans tarder leur cadre juridique concernant la représentation et la capacité juridiques, si ce n'est pas déjà fait.

Honorables sénateurs, les témoins qui ont comparu devant le comité ont également soulevé plusieurs autres problèmes associés au programme de REEI. Par exemple, ils étaient tous d'avis que le manque d'information avait grandement contribué au faible taux de participation au REEI. Ainsi, en deuxième lieu, le comité recommande au gouvernement de communiquer directement avec les personnes admissibles au crédit d'impôt pour personnes handicapées, de créer des partenariats avec des groupes de défense des personnes handicapées pour promouvoir le programme et de travailler avec les bureaux de soutien des personnes handicapées des provinces et des territoires afin de faire connaître le REEI.

Les témoins ont également fait valoir que bien que le REEI soit utile, la période d'attente de 10 ans entre la fin des contributions du gouvernement et le moment où le bénéficiaire peut retirer les fonds du régime sans devoir rembourser une partie des contributions était longue. C'est un problème très grave. Si l'invalidité d'un bénéficiaire réduit son espérance de vie, il ne pourra peut-être jamais faire de retrait sans pénalité. Par conséquent, le comité recommande au gouvernement de réduire à cinq ans la période d'attente, et de réduire les montants à rembourser au gouvernement en vertu des règles relatives au montant de retenue.

Enfin, honorables sénateurs, le comité reconnaît que les bénéficiaires du programme de REEI éprouvent déjà des difficultés au quotidien et peuvent avoir besoin d'aide pour souscrire à un REEI. Pour faciliter la participation, le comité recommande la mise en place d'une initiative fédérale ou le financement d'organisations reconnues par le gouvernement fédéral pour aider les Canadiens handicapés à ouvrir un REEI.

Le comité recommande également au gouvernement d'envisager sérieusement l'ouverture automatique de REEI pour les Canadiens qui bénéficient du crédit d'impôt pour personnes handicapées.

En conclusion, honorables sénateurs, je crois parler au nom de tous les membres du comité lorsque je dis que ce fut un honneur de poursuivre les travaux entamés par Jim Flaherty avec la création du régime enregistré d'épargne-invalidité. Cela me rappelle que, en tant que parlementaires, nous avons tous, comme Jim, assumé notre responsabilité envers les familles canadiennes.

Malheureusement, chers collègues, après avoir fondé et défendu le régime enregistré d'épargne-invalidité, Jim ne le verra pas atteindre son plein potentiel, mais nous le pourrons peut-être. C'est dans cet esprit que je vous demande d'adopter ce rapport.

Merci.

L'honorable Wilfred P. Moore : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Gerstein : J'en serais ravi.

Le sénateur Moore : Cela m'a étonné lorsque vous avez dit que seulement 16 p. 100 des personnes admissibles au régime y participent. Comment savons-nous cela? D'où provient cette statistique? Les provinces ont refusé de comparaître et de livrer un témoignage, alors comment savons-nous combien de personnes participent au régime?

Le sénateur Gerstein : Sénateur Moore, le REEI est un programme fédéral. On sait combien de REEI sont ouverts et on connaît approximativement le nombre de personnes handicapées au Canada, soit un demi-million. Environ 80 000 REEI sont ouverts, alors on peut déduire quel est le taux de participation.

Le sénateur Moore : Sur quoi se fonde-t-on pour déterminer le nombre de personnes admissibles? Une inscription à un bureau de l'impôt sur le revenu? Le recensement? D'où vient ce nombre global?

Le sénateur Gerstein : Sénateur Moore, si je ne m'abuse, dans nos audiences, ce nombre a été présenté par divers organismes comme le nombre approximatif de personnes au Canada qui ont un handicap.

Le sénateur Moore : Savons-nous pourquoi les provinces ont refusé de comparaître et de vous faire part de leurs idées ou opinions à ce sujet?

Le sénateur Gerstein : C'est une excellente question, et la réponse est non, je ne le sais pas. Ce ne sont pas seulement les provinces qui ont déjà pris certaines mesures qui ont refusé; les autres aussi. Mais je peux vous assurer que nous avons tout tenté pour qu'elles comparaissent devant le comité.

Le sénateur Moore : Je n'en doute pas. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

(1720)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Motion tendant à autoriser le comité à examiner des changements au Règlement et aux pratiques du Sénat pour faire en sorte que les délibérations du Sénat concernant les mesures disciplinaires à l'endroit des sénateurs et d'autres personnes respectent l'application régulière de la loi—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice McCoy, appuyé par l'honorable sénateur Rivest :

Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, des changements au Règlement et aux pratiques du Sénat qui, tout en reconnaissant l'indépendance des organes parlementaires, feront en sorte que les délibérations du Sénat concernant les mesures disciplinaires à l'endroit des sénateurs et d'autres personnes respectent l'application régulière de la loi et tiennent compte, de façon générale, des autres droits, notamment ceux garantis par la Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 novembre 2014.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, comme vous le savez, le sujet de la motion, à savoir la modernisation du Sénat, fait l'objet d'un certain nombre de questions dont le Sénat est saisi en ce moment, ainsi que de certaines discussions intenses et fascinantes. Il serait peut-être approprié que, au lieu d'aborder immédiatement n'importe laquelle de ces questions, je demande que cette question reste ajournée au nom du sénateur Cowan. Il a déjà ajourné la question une fois, alors je demande le consentement du Sénat pour le faire de nouveau à son nom.

Son Honneur le Président : La présidence vous remercie du rappel.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à créer un comité spécial sur la péréquation et le fédéralisme fiscal—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénateur Munson,

Qu'un comité spécial sur la péréquation et le fédéralisme fiscal soit nommé pour examiner si les formules actuelles de péréquation et d'autres transferts fédéraux connexes nuisent à la capacité des Canadiens des diverses régions du pays d'accéder à des services publics de base sans être assujettis à des niveaux d'imposition très différents;

Que le comité soit composé de neuf membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et à présenter son rapport final au plus tard le 31 mars 2015.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'ai appris plus tôt aujourd'hui que la sénatrice Callbeck souhaite parler de cette motion et, comme vous pouvez le voir, chers collègues, elle n'est pas ici en ce moment. Je me demande si je pourrais proposer l'ajournement du débat au nom de la sénatrice Callbeck.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Callbeck, le débat est ajourné.)

Les enfants canadiens pris en charge

Interpellation—Report du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Hubley, attirant l'attention du Sénat sur les enfants canadiens pris en charge, les familles d'accueil et les services de protection de l'enfance.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, la sénatrice Jaffer a dû quitter l'enceinte pour quelques instants et elle m'a demandé de proposer que le débat soit ajourné à son nom. L'article en est à son 13e jour et il porte sur un sujet qui revêt un intérêt considérable pour nous tous. Je propose donc l'ajournement.

Son Honneur le Président : La question suivante est inscrite au nom de l'honorable sénatrice Jaffer, mais, comme elle est absente, l'usage veut que le débat soit reporté. Je n'irai pas à l'encontre de la pratique habituelle car ce serait contraire au Règlement.

Honorables sénateurs, l'article demeure inscrit au nom de la sénatrice Jaffer.

(Le débat est reporté.)

Les disparités en matière d'éducation au sein des Premières Nations

Interpellation—Report du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Dyck, attirant l'attention du Sénat sur les disparités en matière du niveau d'éducation des membres de Premières Nations, le financement inéquitable des écoles situées dans les réserves et le financement insuffisant de l'éducation postsecondaire.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : C'est reparti, chers collègues. Cet article en est aussi au 13e jour, et la sénatrice Tardif n'est pas à Ottawa cette semaine. Elle ne pourra pas intervenir dans le cadre de cette interpellation cette semaine. Je demande donc que le débat soit ajourné à son nom et que le compte soit repris à zéro.

Son Honneur le Président : Aucune disposition ne prévoit, honorables sénateurs, de reprendre le compte des jours à zéro. L'article demeure inscrit au Feuilleton pendant 15 jours et, si on n'en a pas débattu à l'intérieur de ce délai, il est supprimé du Feuilleton. Je pense qu'il est important que nous commencions à appliquer cette règle, à moins que nous ne recevions un rapport du Comité du Règlement pour qu'elle soit modifiée.

L'article demeure inscrit au nom de la sénatrice Tardif. Si quelqu'un entame le débat sur la question demain, nous aurons atteint le résultat escompté.

(Le débat est reporté.)

[Français]

Le Sénat

Son rôle de protection des minorités—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle de protection des minorités.

L'honorable Maria Chaput : Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord remercier le sénateur Joyal d'avoir gracieusement accepté que je participe aujourd'hui à cette interpellation, l'entente étant que, lorsque j'aurai terminé, le débat demeure ajourné à son nom.

Honorables sénateurs, les débats qu'a lancés l'honorable sénateur Nolin auront, je crois, une incidence majeure sur l'avenir de notre institution, le Sénat. Je le remercie de cette initiative qui me permet aujourd'hui de participer à une de ses interpellations : le Sénat et son rôle de protection des minorités.

J'ai choisi cette interpellation à titre de francophone du Manitoba et aussi à titre de femme, bien consciente de l'importance du rôle du Sénat dans la protection des minorités. Être en situation minoritaire, c'est un statut que je connais bien et qui a marqué mon identité et ma carrière au Sénat du Canada.

Le Canada a reconnu, avec l'adoption de la Loi sur les langues officielles, l'importance de la dualité linguistique et des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Cette loi témoigne de l'engagement du Canada à favoriser l'épanouissement de minorités de langue officielle, à appuyer leur développement et à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne. Cet engagement est aussi devenu le mien. Il a marqué mes interventions communautaires et continue à me guider dans mes travaux, mais cette fois-ci comme parlementaire, membre d'une institution du Parlement et du gouvernement du Canada.

Ce privilège et cette grande responsabilité sont un engagement de toute une vie, un engagement que je défends avec ferveur. Je suis aussi pleinement consciente que c'est spécifiquement grâce au rôle de protection des minorités du Sénat que j'ai eu la chance de faire entendre la voix de ma communauté au Parlement.

Je continuerai de suivre avec grand intérêt les débats concernant chacune de ces interpellations. Le Sénat, après tout, ne joue pas ses différents rôles en vase clos. Les différents rôles du Sénat et des sénateurs sont tous reliés.

[Traduction]

Nous devons tout d'abord en finir avec le faux débat entre la démocratie et la protection des minorités. Pour ce faire, nous devons simplement comprendre ce que signifie la démocratie au Canada.

Selon Winston Churchill, « la démocratie est le pire des régimes à l'exception de tous les autres ». Sa célèbre formule fait valoir que le principe fondamental de la démocratie, soit la règle de la majorité, est imparfait. Évidemment, il est primordial que le pouvoir soit entre les mains du peuple, et que le peuple l'exerce par l'entremise d'un gouvernement élu selon un système électoral libre. Ce principe qui protège nos libertés les plus fondamentales fait partie intégrante de notre conscience morale et civique.

Toutefois, un système démocratique qui se fonde sur la règle de la simple majorité est imparfait, car, s'il permet à la majorité de veiller à ses intérêts, il n'offre aucune protection pour les minorités. À lui seul, il ne peut même pas assurer la primauté du droit. Évidemment, la définition de la démocratie canadienne va au-delà de la règle de la simple majorité. Dans son Renvoi relatif à la sécession du Québec de 1998, cité par le sénateur Nolin, la Cour suprême explique ainsi le fait que les Canadiens n'aient jamais accepté une telle définition de la démocratie : « Notre principe de la démocratie [...] est plus riche. »

D'ailleurs, cet avis n'a pas été exprimé que par les tribunaux. Déjà, en 1864, à la suite de la conférence constitutionnelle de Québec, George Brown, l'un des Pères de la Confédération, a déclaré ceci :

Nos amis du Bas-Canada ont accepté de nous donner une représentation en fonction de la population à la Chambre basse à la condition expresse d'obtenir l'égalité à la Chambre haute. Nous n'aurions pas pu avancer d'un pas si nous avions rejeté cette condition [...]

(1730)

[Français]

Le Renvoi relatif la sécession du Québec représente l'étude la plus complète effectuée au sein de la jurisprudence canadienne au sujet des principes constitutionnels fondamentaux. La Cour suprême rappelle que la Constitution comprend des règles non écrites en plus de celles qui sont écrites, ainsi que des règles et des principes « qui régissent la répartition ou l'exercice des pouvoirs constitutionnels dans l'ensemble et dans chaque partie de l'État canadien. » La Cour suprême énonce ensuite « quatre principes constitutionnels directeurs fondamentaux », sans pour autant former une liste exhaustive : le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme, la primauté du droit, ainsi que le respect des minorités. Ces principes, pour la cour, « inspirent et nourrissent le texte de la Constitution : ils en sont les prémisses inexprimées » et « en sont la force vitale ». Il serait, de plus, « impossible de concevoir notre structure constitutionnelle sans eux. » Sur le dernier principe de la protection des minorités, la Cour suprême rappelle que « le passé du Canada en matière de défense des droits des minorités n'est pas irréprochable », mais que « cela a toujours été, depuis la Confédération, un but auquel ont aspiré les Canadiens dans un cheminement qui n'a pas été dénué de succès. » Ce rappel de notre histoire doit nous servir quand vient le temps de planifier notre avenir.

La Cour suprême précise aussi — et c'est une partie de la décision qu'on oublie trop souvent — que ces principes « fonctionnent en symbiose », qu'aucun d'entre eux « ne peut être défini en faisant abstraction des autres, et qu'aucun de ces principes ne peut empêcher ou exclure l'application d'aucun autre. »

La protection des minorités n'est donc pas seulement un ajout ou un complément à notre ordre constitutionnel et à notre démocratie. Elle en constitue un élément essentiel.

Bien sûr, il y a la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège les droits des minorités. Il y a les tribunaux, qui agissent à titre de dernier recours dans le cadre de la protection des droits des minorités. Mais est-ce réellement suffisant? Est-ce la seule relation qui doit exister entre la législature du Canada et ses groupes minoritaires? Une relation perpétuellement conflictuelle, nécessitant l'intervention constante du bras judiciaire?

[Traduction]

L'avocate de droit constitutionnel Jennifer Klinck a récemment commenté la décision de la Cour suprême au sujet de la réforme du Sénat dans un texte intitulé « La décision de la Cour suprême sur le Sénat était une bonne chose pour les minorités ». Elle mentionne que « la structure fondamentale du gouvernement établit un équilibre délicat entre les intérêts du gouvernement fédéral et des provinces et les intérêts de la majorité et des minorités. » Voilà pourquoi il est si difficile de modifier la Constitution.

À propos de la décision de la Cour suprême concernant le Renvoi relatif à la sécession du Québec, Jennifer Klinck explique qu'un large consensus est nécessaire pour modifier des institutions et des droits constitutionnels qui protègent les minorités, car « la Constitution garantit que les intérêts des minorités seront pris en considération avant l'adoption de changements qui les concernent. »

[Français]

On parle très peu de l'abolition de la Chambre haute au Manitoba. En fait, le 4 février 1876, le Manitoba a aboli son Conseil législatif, la Chambre haute de six membres qui jouait à peu près le même rôle de « Chambre de réflexion » que le Sénat du Canada. Il a reçu, en échange, des subventions plus substantielles de la part du gouvernement fédéral. Le premier ministre manitobain d'alors avait promis aux francophones que leurs droits seraient protégés malgré l'abolition de cette Chambre haute.

En 1890, soit à peine 14 ans plus tard, le Manitoba décidait d'abolir les droits constitutionnels des catholiques et des francophones du Manitoba. Le Conseil législatif, qui aurait pu freiner et même infirmer ces décisions, n'était plus là pour jouer ce rôle de défenseur des minorités.

Ce chapitre de l'histoire manitobaine montre l'effet protecteur que peut avoir une Chambre haute responsable des droits des minorités du pays.

Le principe de la protection des minorités va donc beaucoup plus loin que la simple existence d'un système judiciaire. C'est un principe qui doit aussi se refléter dans notre processus parlementaire.

D'où l'importance du rôle de protection des minorités joué par le Sénat.

En fait, il est fort instructif de remarquer à quel point les différents rôles du Sénat sont liés à ces principes fondamentaux. Notre rôle de représentation régionale, par exemple, est intimement lié au principe constitutionnel du fédéralisme. Notre rôle de second examen objectif de la législation est au service de la primauté du droit, et notre rôle en matière de protection et de représentation des minorités est une expression du principe fondamental du respect des minorités. Or, si nous associons plus souvent la Chambre des communes — là où siègent les élus — à la démocratie, il ne faut pas oublier ce que l'on entend par « démocratie canadienne », qui, comme l'explique la Cour suprême, vise aussi une progression vers l'objectif du suffrage universel et d'une représentation plus effective, notamment pour « ceux qui en étaient injustement privés — les femmes, les minorités et les peuples autochtones ».

Comment le Sénat peut-il accomplir son rôle de protection des minorités? Il est clair, premièrement, que l'absence de pression électorale permet aux sénateurs de prêter leur voix aux minorités dont les intérêts ne sont pas entendus à l'autre endroit. Cela ne se fait pas au détriment des autres obligations des sénateurs, mais bien de façon complémentaire.

Nous avons plusieurs exemples, ici, de sénateurs qui se portent à la défense des minorités et qui vouent une attention particulière à leur protection. Tous les sénateurs, en fait, sont sensibles au rôle qui doit être joué dans l'étude de la législation, afin de veiller à ce que des minorités ne soient pas indûment ou même involontairement affectées par une mesure quelconque.

Un deuxième moyen très important d'assurer la protection des minorités est de s'assurer de leur représentation. S'il est important pour les minorités de reconnaître au Sénat des législateurs avisés et bienveillants, il est tout aussi important pour elles de se voir représentées dans le processus démocratique. L'histoire du Sénat du Canada est pleine d'exemples de tels sénateurs, qui sont arrivés au Sénat pour donner une voix à leur communauté et à notre diversité.

Je cite en exemple les sénateurs francophones du Manitoba. Le sénateur Marc-Amable Girard, nommé le 13 décembre 1871 par le premier ministre Macdonald, a siégé au Sénat jusqu'en 1892, en intervenant de façon régulière en faveur des droits des minorités canadiennes-françaises. On lui doit, par exemple, la reconnaissance, au même titre que l'anglais, du français dans les Territoires du Nord-Ouest. Notons aussi son intervention bien sentie au Sénat, en réaction aux mesures antifrancophones du gouvernement manitobain de l'époque. Le 27 mai 1891, il se levait au Sénat pour dire ce qui suit :

[Traduction]

Je vous demande maintenant de protéger les minorités dans l'une des provinces et dans les territoires contre une atteinte à leurs droits et à leurs privilèges. Il me semble que c'est le devoir de chaque sénateur, s'il constate un manque d'harmonie dans la province qu'il représente, d'en déterminer la cause et de proposer une solution. Je dois dire que l'actuel gouvernement du Manitoba a traité durement la minorité francophone de la province. Nul besoin d'expliquer l'importance de la langue française devant une institution aussi bien disposée à notre égard que l'est le Sénat. D'un autre côté, je mentionne que nous demandons tout simplement que justice soit rendue, et nous revendiquons un droit qui n'aurait jamais dû être contesté. Dans les présentes circonstances, il est justifié de demander au gouvernement fédéral de nous protéger. Il y a des gens d'origine française non seulement au Manitoba, mais aussi partout dans le Nord-Ouest, qui attendent que justice soit rendue, et ils ne comprennent pas pourquoi ils doivent attendre aussi longtemps pour avoir ce à quoi ils ont droit à juste titre.

On était alors en 1891.

Il importe de remarquer l'usage du « nous ». De toute évidence, le sénateur Girard savait très bien qui il représentait. Le fait qu'un sénateur sonne l'alarme dès 1891 au sujet des graves injustices subies par les francophones du Manitoba en dit long; d'ailleurs, le gouvernement provincial a attendu presque 100 ans avant de se racheter.

[Français]

Il faut aussi citer le nom du sénateur Thomas-Alfred Bernier, nommé au Sénat en 1892. Il apporta son appui indéfectible à la cause des écoles francophones du Manitoba. Il se levait en Chambre, le 3 avril 1894, afin de prononcer les paroles suivantes, et je cite :

[Traduction]

On a dit à maintes reprises que, tant que durerait notre Confédération et pour l'éternité, les minorités seront protégées et auront droit à la libre et pleine jouissance de leur langue, de leurs institutions et de leurs libertés. Pourquoi? Parce que la Confédération a été conçue et adoptée expressément dans ce but!

(1740)

[Français]

Un an plus tard, le sénateur Bernier ajoutait ceci :

[Traduction]

Nous ne nions certainement pas que nous faisons partie d'une petite minorité, mais nous sommes contre l'idée qu'aucune attention ne soit accordée à nos intérêts et à nos sentiments pour cette raison et parce que nous n'avons pas une voix forte. On a adopté la loi parce qu'on prévoyait qu'il y aurait une minorité. Elle a été adoptée pour protéger cette minorité. La majorité n'a pas besoin d'une telle protection constitutionnelle. Elle peut prendre soin d'elle-même.

[Français]

Je cite aussi l'exemple du sénateur Gildas Molgat qui a représenté le Manitoba de 1971 à 2001. Je note en particulier ses efforts acharnés pour préserver le Programme de contestation judiciaire au cours des années 1990. Ce programme avait financé des causes importantes liées à la protection des droits des communautés francophones en milieu minoritaire, dont la cause phare Mahé c. Alberta de 1990, par laquelle la cour a reconnu à ces communautés leur droit de gestion scolaire.

Cette tradition, bien entendu, se poursuit à ce jour. Pensons à nos honorables collègues qui représentent si dignement et avec tant de fougue les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Pensons également à nos collègues qui représentent nos Premières Nations et qui sont si conscients de leur réalité.

J'évoque aussi tous les sénateurs qui se sont donné la responsabilité de refléter notre diversité ethnique, religieuse et culturelle.

Tous ces sénateurs apportent une importante diversité au Sénat, qui en sort grandement enrichi.

En arrivant au Sénat, il devient tout de suite très clair que notre rôle de représentation est un rôle sérieux. Le Guide d'orientation à l'intention des nouveaux sénateurs, par exemple, nomme trois rôles que doit jouer le sénateur moderne : un rôle législatif, un rôle d'enquête, et un rôle de représentation. Sur le dernier rôle de représentation, le guide nous explique que « certains sénateurs se font les porte-parole non officiels de groupes dont les droits et les intérêts les préoccupent plus particulièrement. »

Le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs nous informe aussi que « le service parlementaire est un mandat d'intérêt public » et « qu'on s'attend à ce que les sénateurs : a) continuent à faire partie intégrante de leurs communautés et régions et y poursuivent leurs activités tout en servant, au mieux de leurs moyens, l'intérêt public et les personnes qu'ils représentent. »

Le Règlement administratif du Sénat, bien entendu, reconnaît l'indépendance constitutionnelle des sénateurs concernant leur charge et l'exercice de leurs fonctions. Le sénateur n'est pas tenu de représenter des groupes ou des intérêts régionaux, mais il est en droit de le faire. Pour ceux qui choisissent de le faire, le Règlement administratif du Sénat reconnaît aussi l'importance des engagements publics reliés aux fonctions de représentation, auxquels il accorde la même importance que les engagements officiels.

Nous avons reçu, le 25 avril dernier, l'avis de la Cour suprême du Canada dans le renvoi relatif à la réforme du Sénat.

[Traduction]

Je vais maintenant lire une courte déclaration de la Cour suprême :

Avec le temps, le Sénat en est aussi venu à représenter divers groupes sous-représentés à la Chambre des communes. Il a servi de tribune aux femmes ainsi qu'à des groupes ethniques, religieux, linguistiques et autochtones auxquels le processus démocratique populaire n'avait pas toujours donné une opportunité réelle de faire valoir leurs opinions [...]

La Cour suprême nous a ainsi indiqué que le Sénat protège les minorités non seulement en portant un second regard attentif aux projets de loi et aux initiatives gouvernementales, mais aussi en donnant une voix aux minorités et en assurant leur représentation.

[Français]

Il ne faut pas se surprendre que la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) et la Société de l'Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) aient toutes deux participé aux audiences de la Cour suprême concernant la réforme du Sénat. Ces deux organismes ont très clairement expliqué pourquoi les minorités — et non seulement les minorités de langue officielle — tiennent au Sénat.

Ceux qui souhaitent voir une démocratie plus inclusive ne peuvent sérieusement envisager de détruire l'institution qui donne une voix aux minorités au Parlement, ou ne peuvent parler de réformer le Sénat sans considérer ce rôle vital de représentation des minorités.

[Traduction]

Dans le cadre des discussions sur la réforme du Sénat et la nomination des sénateurs, il faut toujours examiner sérieusement le rôle vital de notre institution à l'égard de la protection et de la représentation des minorités.

Avant de terminer, je vais brièvement parler de la représentation des Autochtones. Nous abordons souvent le sujet dans le contexte de la représentation et de la protection des minorités. J'ai moi-même remarqué les efforts de nos collègues autochtones et non autochtones du Sénat qui travaillent très fort pour permettre aux Autochtones de se faire entendre au Parlement. Cela dit, quand nous parlons de la représentation des Autochtones, je crois que nous devons regarder au-delà des paramètres de la protection des minorités, simplement parce que nous ne pouvons pas considérer nos Premières Nations comme des minorités.

Comme nous le savons tous, les sièges au Sénat ont été répartis également entre les Maritimes, le Québec, l'Ontario et les provinces de l'Ouest. Cette distribution était fondée sur la reconnaissance que les régions canadiennes sont toutes aussi importantes les unes que les autres, quelle que soit la taille de leur population, et que leurs préoccupations et intérêts respectifs méritent autant d'attention. Le moment est peut-être venu d'appliquer ce principe fondamental d'égalité à la voix que nous devons donner aux Premières Nations du Canada.

J'aimerais savoir ce que mes collègues, en particulier mes collègues autochtones, en pensent.

[Français]

En conclusion, je serai éternellement reconnaissante envers le Très honorable Jean Chrétien, qui a tenu à respecter la tradition de nommer au Sénat un Manitobain qui représenterait la communauté francophone de sa province.

M. Chrétien m'a permis, le 10 décembre 2002, de renouveler mon engagement personnel et communautaire d'appuyer l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et d'en faire un engagement public.

Sénateur Nolin, je vous suis très reconnaissante de m'avoir donné l'occasion de participer à cette interpellation.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 28 mai 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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