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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 29

Le mercredi 29 janvier 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 29 janvier 2014

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer à la période réservée aux déclarations de sénateurs, il y a une question que nous devons aborder. J'ai reçu, à titre de Président du Sénat, une lettre du député et chef du Parti libéral du Canada, Justin Trudeau. Je vous la lis :

29 janvier 2014

Cher Président Kinsella,

Je vous écris pour vous informer que j'ai pris la décision, à titre de chef du Parti libéral du Canada, que les sénateurs qui étaient membres du caucus national parlementaire libéral, ne seront plus membres de ce caucus et, donc, seront dorénavant sénateurs indépendants. J'ai informé ces sénateurs de cette décision aujourd'hui.

Cette décision vise à assurer aux Canadiens qu'ils ont un parlement qui fonctionne mieux, dans leur intérêt. Je crois que cela sera possible par une réforme du Sénat, qui éliminerait la partisanerie et le favoritisme politique.

En vous remerciant de votre attention.

Sincèrement,

Justin Trudeau

Chef du Parti libéral du Canada

Honorables sénateurs, j'ai demandé qu'on fasse des copies de cette lettre et que celles-ci vous soient remises. Je demande également votre consentement pour la déposer. Est-ce d'accord?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : D'accord.

Y a-t-il des commentaires? Le leader de l'opposition a la parole.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Chers collègues —

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Cowan : Depuis ce matin, les choses ne sont plus les mêmes au Sénat.

En effet, chers collègues, le Sénat est entré aujourd'hui dans une ère nouvelle. Ce matin...

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : J'aimerais obtenir des clarifications. Vous avez reconnu le sénateur Cowan à titre de leader de l'opposition, et on vient de recevoir une lettre du chef du Parti libéral du Canada précisant que les sénateurs siègent maintenant à titre de sénateurs indépendants au Sénat.

Cela crée donc une énorme confusion au regard du premier droit de parole que vous avez donné, compte tenu du titre que vous avez donné au sénateur Cowan, à savoir le titre de leader de l'opposition. Comme les honorables sénateurs le savent, nous avons des règles entourant le déroulement de la séance. Concernant les déclarations, il est de coutume de débuter du côté du gouvernement pour donner la parole et de passer par la suite du côté de l'opposition.

Dans un premier temps, nous devons savoir s'il y a un parti de l'opposition de l'autre côté; et deuxièmement, le parti reconnu doit être composé d'au moins cinq membres en vertu de notre Règlement, donc d'au moins cinq sénateurs membres du Parti libéral du Canada ou d'un autre parti reconnu.

Je me réfère maintenant à la lettre, et je peux lire ce qui suit :

J'ai informé ces sénateurs de cette décision aujourd'hui. [...] ne seront plus membres de ce caucus et, donc, seront dorénavant sénateurs indépendants.

Nous devons donc savoir combien de sénateurs de l'autre côté sont membres du Parti libéral du Canada pour qu'il s'agisse d'un parti reconnu, parce que le chef laisse sous-entendre qu'ils ne sont plus membres du Parti libéral du Canada.

Cette clarification est aussi importante en vertu des temps de parole. Comme vous le savez, monsieur le Président, le leader de l'opposition dispose d'un temps de parole illimité. S'il n'est plus leader de l'opposition, son temps de parole est de 15 minutes. Dans le déroulement d'une séance où le whip peut avoir un rôle à jouer, on doit savoir qui est le whip. On doit également connaître le nombre de sénateurs; on peut attendre un peu et voir, au cours des prochaines heures, le nombre de sénateurs qui seront toujours membres, non seulement s'ils seront plus de cinq, mais combien ils seront.

Comme vous le savez, honorables sénateurs, la composition des comités et la distribution des budgets sont faites aussi en fonction du nombre de membres représentés dans un parti. S'il reste sept ou huit membres, il peut y avoir un leader de l'opposition pour sept ou huit membres, mais il faudra aussi revoir la composition des comités et la distribution des budgets.

J'aimerais donc savoir qui forme l'opposition de l'autre côté; y a-t-il une opposition, et a-t-elle un leader?

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Permettez-moi d'abord de rassurer le leader du gouvernement au Sénat : il y a bel et bien une opposition, et elle sera extrêmement forte. Avant que le leader ne prenne la parole, j'allais expliquer ce qui s'est passé ce matin et exposer notre vision pour la suite des choses. Avec votre consentement, Votre Honneur, c'est ce que j'aimerais maintenant faire.

Je me reporte en fait à deux articles des annexes du Règlement. Le premier, qui se trouve à la page 121, définit l'expression « parti reconnu »; je vous en fais la lecture : « Caucus formé d'au moins cinq sénateurs membres du même parti politique. » N'ayez crainte, il y a beaucoup plus que cinq sénateurs de ce côté-ci de la salle qui sont membres en règle du Parti libéral du Canada.

Le second article définit quant à lui l'expression « leader de l'opposition »; le voici : « Sénateur reconnu comme chef du parti, autre que le parti au pouvoir, qui compte le plus de sénateurs. »

(1410)

Comme je vais l'expliquer, après la déclaration de M. Trudeau ce matin, notre groupe s'est réuni et nous avons pris certaines décisions dont j'allais faire part au Sénat cet après-midi, dans ma déclaration. Si vous me le permettez, je vais prononcer ma déclaration tout de suite, en espérant que cela répondra aux questions soulevées par le leader du gouvernement au Sénat.

Chers collègues, le Sénat entre aujourd'hui dans une ère nouvelle. Ce matin, M. Trudeau a annoncé aux Canadiens qu'à compter de maintenant, seuls les députés élus de la Chambre des communes, ou de « l'autre endroit », comme nous la désignons ici, seront membres du caucus libéral national. Ceux d'entre nous qui sont membres du Parti libéral du Canada sont donc désormais officiellement indépendants du caucus libéral national.

Comme nous le savons tous, le Sénat vit l'une des plus importantes crises de confiance du public de ses 150 ans d'histoire. L'une des choses qu'on lui reproche le plus est le fait que les sénateurs ne sont pas véritablement indépendants et ne sont donc pas en mesure d'effectuer le second examen objectif que les Canadiens méritent et auquel ils s'attendent. La perception est que les sénateurs sont indûment influencés par leurs collègues de l'autre endroit au sein de leur caucus respectif.

Ce n'est pas mon expérience. Je peux dire en toute honnêteté qu'à ma connaissance, mes collègues de la Chambre des communes ne dictent pas aux sénateurs de ce côté-ci de la Chambre comment voter à l'égard d'une mesure donnée.

La décision prise par M. Trudeau aujourd'hui élimine résolument tout doute.

Une autre impression répandue du Sénat est qu'il est devenu trop partisan. Le geste posé par M. Trudeau aujourd'hui balaie tout fondement possible en ce qui concerne ce reproche, du moins de ce côté-ci de la Chambre.

Chers collègues, c'est aujourd'hui un jour historique pour le Sénat. Nous pénétrons en terrain inconnu et, bien que je ne prétendrai pas que nous nous y attendions, mes collègues et moi sommes excités et revigorés par les possibilités que cela laisse entrevoir.

M. Trudeau a défié le premier ministre Harper d'adhérer à cette réforme historique qui renouvellera le Sénat. Il faudra attendre pour voir ce qu'il décidera. Je sais que, d'un côté comme de l'autre, plusieurs sénateurs sont favorables depuis un certain temps à cette mesure, qui permettrait au Sénat de mieux assumer son rôle et de défendre les intérêts des Canadiens.

J'ai l'honneur de vous annoncer que ce matin, après l'annonce de M. Trudeau, mes collègues ont tenu un vote pour confirmer les dirigeants de notre équipe. Je continuerai donc d'être leader de l'opposition au Sénat. La sénatrice Fraser a aussi été élue leader adjointe. Le sénateur Munson sera notre whip et la sénatrice Hubley notre whip adjointe. Le sénateur Mitchell restera aussi président de notre groupe.

Je suis fier d'être membre du Parti libéral du Canada et je suis tout aussi fier de notre chef, M. Trudeau. Cette décision n'a pas été facile à prendre, mais c'est la décision qui s'impose pour le Sénat et surtout pour les Canadiens, que nous avons le devoir de servir. M. Trudeau a ainsi permis d'éliminer l'impression que nos actions sont déterminées par le chef ou les députés de notre parti, ce que croient bien des Canadiens.

Comme je l'ai dit à chaque session depuis que je suis leader de l'opposition au Sénat, nous ferons tout ce que nous pourrons pour remplir notre rôle constitutionnel à titre de membres d'une opposition active, réfléchie et dévouée, en exerçant le rôle de second examen objectif qui nous a été confié. Nous scruterons à la loupe le programme législatif du gouvernement et nous proposerons nos propres mesures législatives. Si nous décelons des lacunes dans les mesures législatives, nous proposerons des amendements pour les améliorer. Si, toutefois, nous voyons d'un œil favorable les propositions du gouvernement, nous les appuierons. Comme toujours, c'est le bien collectif qui nous guidera.

À l'approche du 150e anniversaire du Canada, je crois que ce changement permettra au Sénat de mieux remplir le rôle qu'avaient envisagé pour lui les Pères de la Confédération, à savoir celui d'une Chambre de second examen objectif vraiment indépendante.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, monsieur le Président, je vois une grande confusion dans les messages que l'on reçoit cet après-midi, particulièrement celui du chef du Parti libéral du Canada, qui nous a écrit une lettre pour annoncer qu'il a informé aujourd'hui ses sénateurs de sa décision qu'ils ne seront plus membres de son caucus, mais qu'ils seront dorénavant sénateurs indépendants.

J'écoute le sénateur Cowan dire que les sénateurs se sont réunis et qu'ils forment le parti de l'opposition, qu'ils sont de fiers libéraux, qu'ils vont continuer et y croire. Il y a une approche contradictoire. Certains ont soulevé tantôt ce point en disant : « Je suis membre. »

Nous avons une procédure à suivre lorsqu'on est nommé au Sénat. On rencontre le greffier et on doit signer un formulaire qui déclare à quel parti on appartient ou sous quelle bannière on va siéger au Sénat. Curieusement, au cours des dernières années, tous ceux qui ont été nommés ont décidé de siéger sous la bannière du Parti conservateur du Canada. Ce choix était populaire et une pure coïncidence.

Aux fins de clarifications, sur le plan du public, de nos règlements, des dépenses des deniers publics attribués, à l'opposition particulièrement, et de la justification, il apparaît important de requérir de chaque sénateur qui se dit sénateur libéral et qui veut le sénateur Cowan comme leader de son parti qu'il écrive au greffier pour déclarer qu'il veut siéger au Sénat sous la bannière libérale du Canada, et qu'il participe à la décision de désigner le sénateur Cowan comme leader de l'opposition de son parti. Cela permettra de clarifier l'application des règles afin qu'on puisse savoir qui ils sont, car s'il y en a qui ne signent pas, peut-être qu'ils voudront siéger sous une autre bannière, peut-être celle du NPD, par exemple. C'est important de clarifier cette situation. Je demanderais que cette lettre soit signée de nouveau ou réexpédiée au greffier.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Le leader a raison de dire que, lorsque nous arrivons au Sénat, nous signons un formulaire afin de désigner à quel parti nous appartenons ou de décrire nos allégeances politiques.

Si certains de mes collègues veulent quitter le caucus libéral du Sénat et changer leur désignation, ils sont libres de le faire, et il est possible que certains le fassent. À ma connaissance, certains de nos collègues n'étaient pas au caucus ce matin, et ils sont libres de prendre la décision de leur choix. S'ils veulent devenir et rester des membres du caucus libéral du Sénat, ils peuvent le faire. Ils peuvent aussi décider d'aller au Bureau du greffier et de changer de désignation. Cependant, je ne demanderais certainement pas à vos collègues d'aller au Bureau du greffier pour réaffirmer leur loyauté à votre égard, en tant que leader de leur parti. Ils peuvent le faire s'ils le désirent.

Si vous voulez vous joindre à notre caucus, nous serions prêts à étudier votre demande, sénateur Tkachuk. Je ne peux pas promettre qu'elle serait acceptée, mais nous serions heureux de l'examiner.

En tout cas, je crois que notre situation est claire. Tout le monde est libre d'aller au Bureau du greffier pour changer sa désignation.

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, il est important d'obtenir cette déclaration de façon à éviter la contradiction, car la lettre du chef du Parti libéral du Canada indique clairement qu'ils sont des sénateurs indépendants. On a une information contradictoire de l'autre côté. On doit demander une nouvelle désignation et, s'ils ne le font pas, on devra s'asseoir et décider quand on rétablira les représentations des comités, ainsi que les budgets qui sont rattachés aux différents partis.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Votre Honneur, je signale que le chef du Parti libéral du Canada a dit aujourd'hui que nous ne serions plus membres du caucus national de ce parti.

(1420)

C'est ce qu'il a dit.

Il a aussi déclaré, très clairement, que nous sommes toujours membres du Parti libéral du Canada, bien sûr — du moins, ceux d'entre nous qui souhaitent en demeurer membres, c'est-à-dire nous tous, je crois. Nous sommes bel et bien membres de ce parti. J'ai des preuves écrites qui le confirment.

J'aimerais souligner qu'il ne revient pas aux chefs des partis de la Chambre des communes de déterminer comment le Sénat doit gérer ses affaires. Le Sénat considère comme leader de l'opposition le leader du groupe qui, mis à part le parti gouvernemental, compte le plus de membres d'un même parti reconnu au titre de la Loi électorale du Canada. Nous occupons actuellement cette position : nous sommes membres du deuxième parti en importance au Sénat, en fonction du nombre de sénateurs.

Vous préférerez peut-être dire que nous sommes indépendants. J'ai toutefois noté que, dans la version anglaise de sa lettre, M. Trudeau utilise un « i » minuscule plutôt que majuscule au mot « independent ». Il n'en demeure pas moins que nous prenons nos propres décisions ici, au Sénat...

Une voix : De ce côté-ci de la Chambre.

La sénatrice Fraser : De ce côté-ci, en effet. Pardonnez-moi ce petit oubli. Nous, les sénateurs de ce côté-ci, avons décidé de demeurer des libéraux au sein d'un caucus libéral uni. C'est très simple.

Des voix : Bravo!

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'ai un peu de mal à comprendre ce qui se passe ici. J'aimerais donc que quelqu'un puisse m'éclairer.

Comme je l'ai déclaré plus tôt pendant des entrevues, je crois que les sénateurs devraient disposer de quelques minutes ou d'une journée pour réfléchir à la situation et en comprendre toute la portée. Mes collègues savent que je ne suis pas du genre à agir impulsivement. Ce qui se produit sort tout à fait de l'ordinaire; c'est une situation sans précédent. Nous devrions donc agir avec prudence et prendre le temps de prendre de bonnes décisions et de les communiquer. Nous aurions avantage à prendre le temps de réfléchir.

Honorables sénateurs, j'ai toujours compris l'importance du système de partis pour le fonctionnement quotidien du Parlement. J'ai toujours pensé que le mot « caucus », dans le cas des deux Chambres du Parlement, désignait les membres d'un parti connu et établi siégeant au Sénat. Autrement dit, les membres du Parti libéral qui siègent au Sénat forment le caucus libéral.

Il y a donc quelque chose qui cloche. Le chef du troisième parti à la Chambre des communes, M. Justin Trudeau, a pris la liberté et, à ce que je vois, s'est arrogé le pouvoir, à titre de chef du Parti libéral du Canada, d'écrire au Président pour l'informer d'une décision qu'il avait prise en tant que chef du Parti libéral du Canada.

C'est très important. M. Trudeau écrit ceci : « [...] qui étaient membres du caucus national parlementaire libéral [...] ». Or, l'emploi de l'imparfait ne convient pas ici.

Il y a quelque chose qui ne va pas du tout, chers collègues, parce que si les libéraux qui sont ici disent que, en étant membres du Parti libéral du Canada, ils peuvent continuer de siéger en formant ce nouveau caucus libéral, ils contredisent ce qu'a écrit M. Trudeau.

Je ne sais pas au juste sous quelle rubrique nous étudions cette question. Est-ce que quelqu'un le sait? Où en sommes-nous dans le Feuilleton?

Nous examinons un recours au Règlement? J'en suis heureuse.

Votre Honneur, on vous a demandé de vous prononcer sur cette question et de trouver une solution. Eh bien, bonne chance! J'ai toujours compris, Votre Honneur, que, en tant que Président, vous deviez éviter à tout prix les affaires des partis. Je vous y encourage.

Même si un nouveau parti est en train de se former sous nos yeux, je soutiens que ce n'est pas un recours au Règlement. Cependant, je ne m'aventurerai pas sur ce terrain.

Honorables sénateurs, de toute évidence, tout caucus, qu'il soit conservateur ou libéral, compte sur le leadership de son parti national. À mon avis, la seule façon de résoudre ce problème, Votre Honneur, c'est d'inviter M. Justin Trudeau, le chef du Parti libéral, à comparaître devant le Sénat afin qu'il nous explique son raisonnement. Les sénateurs d'en face disent qu'ils sont toujours membres du Parti libéral. C'est vraiment très intéressant. Je ne sais pas comment cette question sera réglée et je ne m'attendais pas à ce que le sénateur Cowan agisse aussi rapidement. Je me demande pourquoi il est si pressé.

Dans sa lettre, M. Justin Trudeau parle du « caucus national parlementaire libéral », il ne se limite donc pas à la Chambre des communes; il inclut les deux Chambres. Je pense que nous devons déterminer si, dans sa lettre, M. Justin Trudeau parle au nom du Parti libéral du Canada.

Honorables sénateurs, les décisions prises à la hâte ne sont pas mûrement réfléchies. Bien sûr, il se pourrait que ce plan ait été en préparation depuis très longtemps, je ne sais pas. Toutefois, j'en doute, car tous les sénateurs du caucus libéral ont été pris par surprise plus tôt aujourd'hui, à l'instar de tous les autres sénateurs, je crois.

Je ne sais pas si on a lu la lettre de M. Trudeau au complet, mais elle est rédigée sur du papier à en-tête du Parti libéral du Canada. Elle est très claire. Elle porte la date d'aujourd'hui, le 29 janvier, et elle est signée par le « chef du Parti libéral du Canada ». Le chef du Parti libéral a donc parlé et a dit qu'il n'y a plus de membres du Parti libéral au Sénat. C'est ce qu'il semble dire.

Il dit, dans sa lettre, que les sénateurs libéraux « [...] ne seront plus membres de ce caucus et [...] seront [...] sénateurs indépendants ». Il dit clairement qu'ils ne sont plus membres du caucus parlementaire libéral, pas seulement du caucus de la Chambre des communes, mais des deux Chambres.

Honorables sénateurs, je suis d'avis que nous devrions prendre un peu de recul...

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice Cools : Pardon? Vous pourrez prendre la parole, sénateur Dawson, dès que j'aurai terminé mon discours.

Honorables sénateurs, cette histoire est troublante. Je pense que nous devrions prendre un peu de recul et l'aborder plus posément. Pourquoi est-ce si pressant? D'après ce que je vois, personne ici n'a nommé qui que ce soit au Sénat. J'ai éprouvé beaucoup de sympathie et beaucoup de peine et d'inquiétude pour ces sénateurs libéraux aujourd'hui. C'est terrible pour un être humain qui a consacré sa vie au service d'un parti politique de se voir soudainement retirer tout appui.

(1430)

C'est une chose qui me touche beaucoup, car j'ai eu le privilège indéniable de servir au sein de caucus, et je connais bien comment fonctionnent les caucus.

Je ne vois pas comment ce problème pourrait être réglé autrement que par l'intervention de M. Trudeau.

L'honorable Wilfred P. Moore : Brièvement, au sujet du recours au Règlement, j'aimerais que tous, ici présents aujourd'hui, sachent que je suis membre du Parti libéral du Canada et que je souhaite faire partie du caucus libéral du Sénat.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre la parole au sujet du rappel au Règlement de l'honorable leader du gouvernement. Je veux moi aussi déclarer que je suis membre du Parti libéral du Canada et que je désire être membre du caucus libéral du Sénat.

[Traduction]

L'honorable Serge Joyal : Je prends rarement la parole lors d'un recours au Règlement, mais je le fais aujourd'hui, car je me sens personnellement obligé de prendre position.

Je me rappelle très bien, honorables sénateurs, lorsqu'une question semblable a été soulevée il y a quelques années. Il était question que le Parti progressiste-conservateur fusionne avec l'Alliance réformiste. Plusieurs membres de l'ancien Parti progressiste-conservateur avaient alors décidé de siéger comme indépendants. Il y avait d'éminents sénateurs parmi eux. Je n'en mentionnerai qu'un, l'ancien sénateur Lowell Murray, qui forçait le respect des sénateurs de toutes les allégeances au Sénat, tout comme l'ancien sénateur St. Germain, que j'admire personnellement pour son engagement en vue de défendre et d'élargir les droits des Autochtones. Je pourrais continuer à citer les qualités remarquables de ces sénateurs.

Ensuite, le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a été chargé d'examiner les règles concernant la reconnaissance des partis au Sénat. C'est à la suite de ces discussions que nous en sommes arrivés à la définition de « parti reconnu » qui se trouve dans le Règlement du Sénat, à l'annexe I, Terminologie. Dans l'intérêt de notre institution — je le répète, dans l'intérêt de notre institution seulement —, voici ce qu'est un « parti reconnu », honorables sénateurs. Je vous lis la définition :

Caucus formé d'au moins cinq sénateurs membres du même parti politique. Pour être reconnu, ce dernier doit avoir été enregistré à l'origine conformément à la Loi électorale du Canada et ne jamais compter moins de cinq sénateurs. Au Sénat, il y a un leader pour chaque parti reconnu.

On y définit également d'autres termes, notamment « leader de l'opposition au Sénat », et on y précise qui est admissible à cette fonction.

Le problème dont nous sommes saisis aujourd'hui tient à l'utilisation du mot « parti ». Je répète :

[Le parti] doit avoir été enregistré à l'origine conformément à la Loi électorale du Canada [...]

C'est le cas du Parti libéral du Canada. Je souligne également qu'un caucus est formé d'au moins cinq sénateurs membres du même parti.

Je suis membre du Parti libéral du Canada. Ce parti a établi une procédure d'expulsion des membres, sous certaines conditions. Si on est visé par cette procédure parce qu'on a enfreint les règles ou qu'on ne respecte pas les conditions imposées aux membres, on peut invoquer que, en vertu de l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit le droit d'association, on a le droit de faire partie de l'association si on en respecte toutes les conditions, par exemple si on paie ses cotisations et reconnaît les dirigeants. On peut consulter la constitution du parti.

Par conséquent, Votre Honneur, j'estime que, tant et aussi longtemps que je détiens une carte de membre valide du Parti libéral du Canada, je peux déclarer dans cette enceinte que je suis membre en règle de ce parti. Si cinq d'entre nous ont ce statut, nous pouvons dire que nous formons un parti reconnu en vertu du Règlement du Sénat.

Le sénateur Moore : Il nous en faut deux autres.

L'honorable Terry M. Mercer : Monsieur le Président, je veux que vous sachiez que je suis membre en règle du Parti libéral du Canada depuis 1968. Je suis fier d'appuyer le Parti libéral et son chef, Justin Trudeau. Je suis aussi très fier d'être membre du caucus libéral au Sénat. Je tenais à faire cette mise au point.

[Français]

Le sénateur Carignan : Le sénateur Joyal a soulevé un point important en disant qu'ils doivent être membres en règle du Parti libéral du Canada et qu'ils doivent être au moins cinq.

La lettre de M. Trudeau stipule clairement qu'ils ne seront plus membres du caucus libéral national et qu'ils seront dorénavant des sénateurs indépendants. De plus, une copie de la lettre du chef a été envoyée au président du Parti libéral du Canada.

Je ne connais pas les statuts du Parti libéral du Canada, mais lorsque le chef dit que ces gens ne seront plus des libéraux...

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Ce n'est pas ce qu'il a dit.

La sénatrice Fraser : Ce n'est pas ce qu'il a dit.

Le sénateur Mercer : Alors, restez où vous êtes pour voter.

[Français]

Le sénateur Carignan : ... et qu'il envoie même copie de la lettre au président du Parti libéral du Canada... Il l'a envoyée au président du Parti libéral du Canada!

Afin que tout soit conforme, j'aimerais que, au cours des prochaines heures, on ait une désignation à savoir si le parti compte au moins cinq membres pour que ce soit un parti reconnu. Ensuite, j'aimerais savoir combien sont membres — certains ont peut-être changé d'idée —, parce que s'ils siègent à titre de sénateurs indépendants...

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Votre caucus a-t-il voté pour vous?

[Français]

Le sénateur Carignan : ... il y aura également des conséquences financières et des conséquences liées aux règles et à la composition des comités. Je ne demande pas que soient déposées les cartes de membres à ce moment précis, mais au cours des prochaines heures, si on pouvait obtenir cette information et présenter une confirmation au greffier précisant que tel ou tel sénateur désire siéger comme libéral au Sénat, afin que ce soit clair.

Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, dans la mesure des informations que j'ai, je vais répondre à la question du leader du gouvernement au Sénat.

Je comprends pourquoi le leader du Parti libéral du Canada, M. Justin Trudeau, a envoyé cette lettre au président du parti parce que, dans la constitution du parti, il y a un organisme qui s'appelle le caucus parlementaire.

Par conséquent, un sénateur qui n'est plus membre du caucus parlementaire n'est plus gouverné par ces dispositions de la constitution du parti qui s'adressent aux statuts du caucus parlementaire dans les instances décisionnelles du parti. Mais cela n'empêche pas une personne d'être membre du Parti libéral du Canada. Nous ne sommes plus membres d'une instance du parti qui s'appelle le « caucus parlementaire », mais nous demeurons militants comme tous les autres, puisque le chef n'a pas le pouvoir d'exclure un membre du parti sans une procédure formelle, et pour cause.

On ne reste pas membre du Parti libéral du Canada parce qu'on plaît au chef ou non. On a le droit d'être membre du Parti libéral du Canada si on paie la cotisation et si on satisfait à toutes les conditions d'admissibilité et qu'on continue de les satisfaire. Certains tribunaux ont déjà rendu des décisions sur cette question. C'est la raison pour laquelle je mentionne l'article 2 de la Charte canadienne des droits et des libertés.

Ce n'est que dans la mesure où les sénateurs étaient membres du caucus parlementaire qu'ils ne le sont plus dorénavant et que, par conséquent, le statut qu'ils avaient à cet égard dans la constitution du parti est exclu, évidemment. L'effectif du caucus parlementaire est la décision du chef uniquement et lui seul peut déterminer qui est membre et dans quelles conditions on peut être membre du caucus parlementaire ou en être expulsé.

(1440)

Donc, il y a une distinction de niveau de participation à faire dans les activités du parti, et je n'ai pas lu récemment la constitution du Parti conservateur du Canada, mais je suis convaincu que l'on reconnaît également l'instance qu'est le caucus parlementaire des députés et sénateurs conservateurs puisque, évidemment, ce sont des partis qui ont une longue pratique des affaires gouvernementales et parlementaires et que ces institutions sont reflétées dans les structures du parti.

[Traduction]

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour dire publiquement, à mon tour, que je suis un sénateur indépendant qui détient aussi une carte de membre du Parti libéral du Canada et ce, depuis plus de 50 ans. J'étais très jeune quand je suis devenu membre du parti. Je tiens à dire que, de mon point de vue — que je crois être celui de la plupart de mes collègues —, nous voulons veiller à appliquer la Constitution du Canada en ce qui concerne les travaux du Sénat, à assurer le bon fonctionnement du Parlement et de la démocratie, et à jouer le rôle de l'opposition. Nous comprenons que les sénateurs d'en face sont deux fois plus nombreux que nous, mais pour qu'un Parlement soit adéquat, efficace et démocratique, il faut qu'il y ait une opposition. C'est le rôle que nous avons joué et nous continuerons de l'assumer.

Je suis quelque peu déçu du fait que certains de nos collègues parlementaires d'en face veuillent prendre une mesure qui remet en cause la légitimité d'une opposition qui fonctionne comme telle.

Une voix : Ce n'est pas le cas.

Le sénateur D. Smith : Je suis heureux que ce ne soit pas le cas. C'est bon de l'entendre. Vous pourrez vous exprimer à ce sujet, sénateur, en temps et lieu.

Une voix : Je le ferai.

Le sénateur D. Smith : Je tiens à dire publiquement que tout cela ne m'empêchera pas du tout de dormir, et ce, pour de nombreuses raisons que je pourrais vous donner. Cela dit, nous allons travailler fort pour veiller au fonctionnement de la démocratie parlementaire au Canada et nous allons jouer le rôle de l'opposition. C'est notre rôle, et nous continuerons de l'assumer.

Le sénateur Cowan : Je suis heureux de confirmer au Sénat que je suis membre en règle du Parti libéral du Canada — et je suis fier de l'être, comme je l'ai dit dans ma déclaration.

Le sénateur D. Smith : Depuis 50 ans, en plus!

Le sénateur Cowan : Je suis également fier d'être membre et chef du caucus libéral du Sénat.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, je connais très bien la définition d'un parti reconnu telle qu'énoncée dans le Règlement du Sénat. J'aimerais également signaler à mes collègues que, il y a un certain nombre d'années, une sénatrice — une excellente sénatrice, soit dit en passant — a choisi de s'affilier au NPD.

La sénatrice Dyck : Je suis toujours ici.

La sénatrice Cools : En effet. Le chef du Nouveau Parti démocratique à l'époque, Jack Layton, s'y est opposé au motif qu'il n'avait pas contribué à la décision.

Une voix : Quelle honte!

La sénatrice Cools : Chers collègues, nous en sommes donc à la question du fonctionnement des partis politiques, et il existe peut-être des différences dans leur fonctionnement, mais j'ai toujours pensé que la décision finale, quant à la désignation des députés et des sénateurs, revenait aux chefs de partis nationaux.

Une voix : C'est faux.

La sénatrice Cools : C'est ce que j'ai toujours compris, honorables sénateurs. J'admettrai mon erreur avec plaisir s'il s'avère que j'ai tort, mais j'ai toujours pensé que la décision finale revenait au chef du parti national. Un chef de parti national à la Chambre des communes doit signer une déclaration de candidature pour ceux qui souhaitent se présenter à une élection sous la bannière d'un parti. Au Sénat, le chef de parti doit donner son autorisation pour qu'un sénateur se dise membre d'un parti, en l'occurrence le Parti libéral.

Chers collègues, les choses ont peut-être changé tout à coup, ou il se passe peut-être quelque chose d'étrange, mais j'ai toujours cru que le chef national d'un parti est le chef pour les deux Chambres du Parlement. Il n'est pas le chef pour seulement une Chambre, mais pour les deux. Le chef national détient le pouvoir, et si nous ne souhaitons pas que ce soit le cas, nous devrions en débattre. Le chef national d'un parti a le pouvoir de choisir quels députés et quels sénateurs sont membres du caucus de ce parti dans les deux Chambres. Honorables sénateurs, c'est ce que j'ai toujours cru, et je pense bien ne pas me tromper. Toutefois, les affaires des partis politiques nous entraînent sur un terrain miné, car elles dépendent de mécanismes non officiels qui ne sont définis ni dans la Constitution ni dans les lois. Ce qui vient de se produire est sans précédent. Nous entrons dans un territoire encore inexploré et nous devrions prendre le temps d'étudier très sérieusement la question.

Pour autant que je sache, le chef national du parti qui détient la majorité à la Chambre des Communes peut se rendre chez le représentant de Sa Majesté pour lui annoncer qu'il a la confiance de la Chambre. De plus, il a le pouvoir de déterminer quels membres de ce parti siègent au Sénat. Je n'ai jamais vu d'information sur cette question qui nous aurait été soumise dans cette enceinte.

Honorables sénateurs, le sénateur Joyal, qui sait le grand respect que j'ai pour lui, a soulevé la question des sénateurs qui ont continué de siéger en tant que progressistes-conservateurs. Mais il y a une différence dans leur cas : leur parti a cessé d'exister, et ils ont choisi de continuer de porter la même appellation au Sénat. Ce précédent, s'il en est un, ne s'applique pas au cas présent parce que le Parti libéral du Canada existe encore. J'en ai été membre pendant des lunes, et je le connais très bien. Permettez-moi de vous dire que le chef national du parti a son mot à dire. Affirmer le contraire revient à changer fondamentalement le système conférant aux partis politiques le droit, devoir ou pouvoir historique de contrôler les Chambres. Nous sommes en terrain inconnu. Nous devrions procéder avec une grande prudence.

Chers collègues, comme le sénateur Joyal l'a dit, il est tout à fait exact d'affirmer que la Constitution garantit aux gens le droit d'association. Toutefois, ce principe a ses limites. Un nouveau groupe ne peut pas surgir tout à coup et décider qu'il se nomme le Parti libéral du Canada ou le Parti conservateur du Canada.

Voilà qui nous ramène à la question de la désignation des partis au Sénat. Un sénateur décide-t-il seul qu'il est membre du caucus du Parti libéral du Canada au Sénat, ou le chef participe-t-il à cette décision? M. Pierre Elliott Trudeau m'a choisie pour que je siège comme sénatrice libérale au Sénat.

Malheureusement, la lettre de M. Trudeau laisse planer le doute sur ce point, mais, ce qui est certain, c'est qu'il écrit que les sénateurs libéraux sont désormais des sénateurs indépendants. Il les a donc dissociés du parti. Il écrit au Président Kinsella que les sénateurs « seront dorénavant sénateurs indépendants ».

Je ne sais pas comment ce problème sera résolu.

[Français]

L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, premièrement, j'aimerais féliciter la sénatrice qui, il y a 30 ans ce mois-ci, en janvier 1984, fut nommée sénatrice libérale.

(1450)

Vingt ans plus tard, encore au mois de janvier, elle a elle-même décidé de siéger de l'autre côté. Après deux ou trois ans, ils se sont aperçus, de l'autre côté, que ce n'était pas nécessairement une bonne recrue et elle est revenue à titre de sénatrice indépendante, mais en voulant tout de même se désigner conservatrice.

Je suis donc étonné, aujourd'hui, qu'elle soit à son tour surprise que nous nous désignions libéraux. Comme elle a elle-même profité de l'occasion de se désigner d'un côté et de l'autre — et c'est probablement la seule —, je suis un peu surpris de constater qu'elle soulève ce point.

Enfin, j'aimerais aussi sortir ma carte de membre et vous dire que moi aussi je suis et demeure membre du Parti libéral du Canada, et je serai fier de servir et de travailler pour ce parti, dans le cadre des fonctions que le parti voudra bien me confier.

[Traduction]

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, en réponse à la sénatrice Cools, qui a soulevé la question des sénateurs néo-démocrates, je tiens à rétablir les faits.

Lorsque j'ai été nommée en avril 2005...

La sénatrice Nancy Ruth : En mars.

La sénatrice Dyck : En mars? Merci, sénatrice Ruth.

J'ai reçu un appel du premier ministre Paul Martin, qui m'a dit que j'avais le choix : je pouvais siéger en tant que sénatrice libérale, ou en tant qu'indépendante. Il ne m'a pas nommée sénatrice néo-démocrate. J'ai donc réfléchi à la question.

J'ai appelé le greffier du Sénat et je lui ai demandé quels étaient réellement les choix qui s'offraient à moi, si je pouvais siéger uniquement en tant que sénatrice libérale ou indépendante. Le greffier m'a répondu que si j'acceptais ma nomination, je pouvais siéger comme membre de n'importe quel parti politique. J'ai donc opté pour le NPD, mais M. Jack Layton m'a immédiatement exclue du caucus, parce que, comme je n'étais pas très active dans le milieu politique, les représentants du parti ne savaient rien à mon sujet.

J'avais cependant mérité ma place au Sénat. Je suis restée avec le NPD pendant un certain nombre d'années parce que les femmes du parti m'avaient tendu la main et invitée à me joindre à elles. Cependant, lorsque l'ensemble du caucus a tenu un vote, ma candidature a été rejetée, parce qu'un membre pur et dur du parti a dit qu'il n'était absolument pas question de m'accepter.

J'ai alors changé ma désignation, comme y a fait allusion le sénateur Carignan. La décision de devenir sénatrice néo-démocrate indépendante était la mienne. Puis, il y a quatre ans, je me suis dit qu'il était temps que je me joigne à une équipe.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Moore : Formidable!

La sénatrice Dyck : Lorsqu'on siège comme indépendant, on peut certes accomplir certaines choses, mais pas autant que lorsqu'on fait partie d'une équipe, alors j'ai fait mon choix. Je sais que les conservateurs ont tenté de m'attirer dans leurs rangs, mais cela n'a pas fonctionné.

Sénateur Tkachuk, vous n'aviez tout simplement pas le bon remède.

Des voix : Oh, oh!

La sénatrice Dyck : J'ai choisi de grossir les rangs des libéraux. J'appartiens au Parti libéral. J'en suis toujours membre aujourd'hui. Je n'ai plus l'intention de me désigner comme sénatrice néo-démocrate. Je demeure une sénatrice libérale.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Dyck : Je tenais à le dire clairement et officiellement, parce qu'aujourd'hui, dans les médias, M. Mulcair a parlé de moi en m'appelant « Mme Dike ». Sachez que mon nom est Dyck, Lillian Dyck, merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Dyck : M. Mulcair, pour une raison quelconque, continue à dire, à sous-entendre que Paul Martin m'a nommée à titre de sénatrice néo-démocrate. C'est faux. Le premier ministre n'est pas notre patron, et c'est là le cœur de la question. Ce n'est pas à lui de décider de notre affiliation politique.

Une voix : Je crois qu'il est leur patron.

La sénatrice Dyck : Il l'est peut-être, mais je tenais à apporter des précisions officiellement. Je relate ces faits sur mon site web personnel et j'aimerais que M. Mulcair les comprenne enfin.

L'honorable Jim Munson : Monsieur le président, je ne sais pas si je saurai égaler cette charmante intervention. Il y a 12 ans, lorsque je suis entré dans le bureau du premier ministre, M. Chrétien m'a dit : « Jimmy, tu es un libéral. » J'ai répondu : « Très bien, je suis un libéral. »

Je ne peux pas concurrencer les anciens qui se disent membres depuis 50 ou 60 ans, mais il reste que, depuis 12 ans, je suis membre du Parti libéral et du caucus libéral du Sénat, et je suis fier de l'être. Merci.

Des voix : Bravo!

L'honorable Leo Housakos : J'écoute très attentivement les sénateurs d'en face et je n'en crois pas mes oreilles. À l'ouverture du débat de cet après-midi, le sénateur Cowan — pour qui j'ai le plus grand respect — a signalé que l'objectif consiste à éliminer toute partisanerie politique dans cette enceinte. C'est sur cette idée que la discussion s'est entamée : nous ne devrions pas être aux ordres du cabinet du premier ministre ni des leaders de l'autre endroit. Pourtant, si nous débattons maintenant depuis une heure et demie, c'est à cause d'une lettre rédigée par le chef du troisième parti à l'autre endroit.

Selon ce que je comprends, il ressort clairement de cette lettre que le chef du troisième parti, à l'autre endroit, ne reconnaît plus les sénateurs libéraux en tant que membres du caucus national. Il écrit même qu'ils « seront dorénavant sénateurs indépendants », ce dont il a décidé unilatéralement.

Lorsque j'ai été nommé au Sénat, j'avais clairement le choix de m'identifier en fonction de mon affiliation politique.

Le sénateur Robichaud : Qui a dit cela?

Le sénateur Mercer : « Choix » est un bien grand mot.

Le sénateur Housakos : Ne nous berçons pas de l'illusion que nous pouvons faire preuve de partisanerie un instant et être impartiaux l'instant suivant. Sénateurs ministériels et de l'opposition confondus, nous faisons tous preuve de partisanerie ici. Nous faisons tous preuve de partisanerie dans l'enceinte du Parlement. Chaque fois que nous participons au débat politique, nous faisons preuve de partisanerie, car nous avons une opinion. Quelqu'un qui n'a pas d'opinion ne peut pas faire preuve de partisanerie, mais il ne devrait pas non plus débattre de la politique du pays.

Il est honteux de voir des gens raconter des histoires et prétendre qu'ils ont décidé de faire abstraction des considérations partisanes. Le chef du parti d'en face a décidé de jouer la comédie en affirmant en conférence de presse qu'il n'y aurait plus de sénateurs libéraux et que l'heure de la fin de la politique partisane avait sonné. Or, trois minutes plus tard, vous affirmiez dans cette enceinte que vous étiez des membres en règle du Parti libéral et que vous représentiez ce parti.

Il s'agit de partisanerie, et il n'y a rien de mal là-dedans. Je vous en félicite, mais pourquoi perdons-nous notre temps et l'argent des contribuables à discuter...

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Housakos : Non, c'est votre chef qui a lancé ce débat, et il ne sert à rien d'en discuter au Sénat.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, de toute évidence, compte tenu de ces circonstances inhabituelles, il était important que nous discutions de cette question avant la période consacrée aux déclarations de sénateurs. Il fallait éclaircir les choses.

Je tiens à souligner quelques éléments, en tant que sénateur et à titre de Président. J'ai constaté qu'une copie conforme de la lettre a été envoyée à mon distingué collègue, le Président de la Chambre des communes. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi il en a reçu une copie, puisque le Sénat est une institution distincte de la Chambre des communes. Honorables sénateurs, pour la suite de nos travaux, il convient de souligner que, comme plusieurs sénateurs l'ont mentionné, le Règlement du Sénat définit ce qu'est un parti reconnu : « Caucus formé d'au moins cinq sénateurs membres du même parti politique. Pour être reconnu, ce dernier doit avoir été enregistré à l'origine conformément à la Loi électorale du Canada et ne jamais compter moins de cinq sénateurs. Au Sénat, il y a un leader pour chaque parti reconnu. »

Je crois que toutes les conditions de cette définition sont réunies. Nous avons entendu nos collègues déclarer qu'ils sont membres d'un parti dûment enregistré aux termes de la Loi électorale du Canada.

En ce qui a trait au poste de leader de l'opposition, le Règlement du Sénat en donne la définition suivante : « Sénateur reconnu comme chef du parti, autre que le parti au pouvoir, qui compte le plus de sénateurs. Le titre complet est ``leader de l'opposition au Sénat''. »

Comme l'a indiqué le sénateur Cowan, celui-ci a été élu par ses collègues et satisfait donc aux critères de la définition de leader de l'opposition au Sénat.

Nous passons maintenant aux déclarations de sénateurs.


(1500)

[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Mme Flora Thibodeau

L'honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, j'ai eu le privilège, ces trois dernières années, de vous offrir un compte rendu d'une dame exceptionnelle de chez nous à l'occasion de chacun de ses anniversaires. C'est avec regret et une grande tristesse que je prends la parole aujourd'hui pour partager avec vous l'annonce du décès de Mme Flora Thibodeau, le 22 janvier 2014, à l'âge de 112 ans et 309 jours. Elle était la personne la plus âgée née au Canada et elle était la 17e personne la plus âgée au monde.

Jusqu'à tout récemment, elle a vécu chez elle et chaque jour elle recevait dix heures d'aide à la maison. Bien que sa santé se soit détériorée au cours des derniers mois, elle est restée lucide jusqu'à la fin.

[Traduction]

Née pendant la pire tempête de l'année, le 20 mars 1901, à Rogersville, au Nouveau-Brunswick, Mme Thibodeau était l'aînée d'une famille de six enfants. Elle a eu une sœur, quatre frères et trois demi-sœurs. Mme Thibodeau a donné naissance à sept enfants, dont cinq sont encore parmi nous. Elle a eu 17 petits-enfants, 24 arrière-petits-enfants et 8 arrière-arrière-petits-enfants.

Mme Thibodeau, qui est devenue veuve très jeune, quand ses sept enfants avaient entre 1 et 13 ans, est une source d'inspiration pour nous tous, notamment par la détermination dont elle a fait preuve pour subvenir aux besoins de sa famille. Ne pouvant compter que sur une pension mensuelle de 5 $ par enfant, elle a d'abord soutenu sa famille en exploitant une petite ferme. Plus tard, elle est devenue enseignante. Parmi ses nombreuses réalisations, notons qu'elle fut la première femme à gérer la succursale de la caisse populaire locale.

À une époque où les femmes devaient lutter pour se tailler une place, cette mère exceptionnelle a mené une carrière avec brio.

[Français]

Mme Thibodeau a été témoin de tous les grands moments et de toutes les inventions du dernier siècle : le téléphone, les guerres mondiales, la première voiture, la tragédie du Titanic, et d'autres encore. Mais, ce qui est le plus remarquable, c'est qu'à 112 ans elle avait encore un souvenir bien clair de plusieurs événements, comme l'arrivée de la première voiture à Rogersville. Lorsqu'elle partageait cette histoire, elle transmettait facilement l'émotion qu'elle avait éprouvée à ce moment-là et se sentait transportée vers cette période ancienne. Elle accueillait toujours les visiteurs avec le sourire et adorait jaser d'histoire et de politique.

[Traduction]

Je cite ce que ses petits-enfants ont dit d'elle il y a deux ans, alors qu'elle était âgée de 110 ans :

Ses grandes connaissances, son esprit vif, son humour pince-sans-rire et sa joie de vivre lui permettent toujours d'être un membre à part entière de sa communauté et de côtoyer des gens de tous âges. Même si une grande distance nous sépare, elle occupe une place spéciale dans nos cœurs. C'est un honneur de pouvoir dire qu'elle est notre grand-mère, et nous chérissons le temps qu'il nous a été donné d'être en sa compagnie.

Mme Thibodeau manquera énormément à sa famille, mais aussi à sa collectivité.

[Français]

Depuis son 100e anniversaire, je l'ai rencontrée chez elle à plusieurs reprises. Ce fut un honneur et un privilège de jaser avec elle, d'apprendre son histoire et de voir que, même à 112 ans, elle avait encore la joie de vivre et un grand cœur chaleureux.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour offrir nos sympathies à la famille de Mme Flora Thibodeau, une femme très spéciale, mais surtout une maman remarquable aimée de tous. Merci.

[Traduction]

Le décès de Cecil McEachern

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, c'est le cœur lourd que je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage à Cecil McEachern, qui est décédé le 13 janvier 2014, à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, à l'âge de 88 ans. M. McEachern, qui est né à Canavoy, à l'Île-du-Prince-Édouard, était un musicien de carrière, et le dernier membre du célèbre groupe de violoneux canadiens Don Messer and His Islanders.

M. McEachern a grandi dans une famille de musiciens. Il avait le don de pouvoir jouer un air aussitôt après l'avoir entendu. Il savait jouer de plusieurs instruments, dont la guitare, mais il était un amoureux du violon, qu'il avait appris à jouer à un très jeune âge.

Après son service militaire, pendant la Seconde Guerre mondiale, il a suivi des cours de musique. Puis, en 1948, il s'est joint au groupe de musique de Don Messer, à l'époque où M. Messer animait une émission de radio à la station CFCY de Charlottetown.

M. McEachern a fait partie du groupe Don Messer and His Islanders pendant toute la durée de la populaire émission de télévision Don Messer's Jubilee, qui a été diffusée sur les ondes de CBC de 1957 à 1969. M. McEachern a écrit de nombreux morceaux qu'on pouvait entendre à l'émission, et que d'autres musiciens ont continué de jouer et d'enregistrer ici, au Canada, et aux États-Unis. Heureusement pour nous, YouTube assurera la pérennité de sa musique, et les générations futures pourront en profiter.

Après sa carrière musicale, « Cec », comme on le surnommait, a travaillé pour le gouvernement provincial dans le secteur de la santé. Même s'il ne jouait plus autant vers la fin de sa vie, il n'a jamais perdu sa passion pour la musique.

M. McEachern a reçu la Médaille commémorative du 125e anniversaire de la Confédération en reconnaissance de tout ce qu'il a apporté à ses compatriotes, à sa province et au Canada.

Merci, « Cec », de nous avoir fait profiter de vos talents musicaux. Nous offrons nos sincères condoléances à votre famille. Nous ne vous oublierons pas de sitôt.

[Français]

M. Dany Laferrière

Félicitations à l'occasion de son élection à l'Académie française

L'honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, ma première intervention de 2014 se veut un hommage à un citoyen qui vient d'accéder à l'une des fonctions les plus honorifiques de la francophonie mondiale, c'est-à-dire devenir membre de l'Académie française.

Je veux parler ici de Dany Laferrière.

M. Laferrière a été choisi, le 12 décembre dernier, pour occuper un siège à la prestigieuse Académie, fondée en 1635 par le cardinal Richelieu, un homme à la fois de religion et de politique qui a joué un rôle significatif dans l'implantation de la langue française au Canada.

L'Académie française compte 40 membres, mais jamais, en plus de 375 ans d'existence, un Nord-Américain n'avait été choisi pour y siéger. Aujourd'hui, M. Dany Laferrière accède à un siège à l'éminente société de langue française.

Quel honneur pour notre pays cofondé par un peuple francophone. Quel honneur pour le Québec, berceau de la francophonie dans notre pays et, aussi, quel honneur pour Haïti, pays d'origine de M. Laferrière.

Permettez-moi de faire un bref survol de la carrière du nouvel académicien. M. Dany Laferrière est issu d'une famille haïtienne politisée, dont le père s'opposait au régime Duvalier. Journaliste à la radio haïtienne, c'est en 1976 qu'il quitte précipitamment son pays lorsqu'un de ses collègues de travail est assassiné par les tontons macoutes de Duvalier. C'était une question de survie pour lui.

À 23 ans, M. Laferrière débarque donc à Montréal et deviendra ultérieurement citoyen canadien. Il travaille d'abord comme ouvrier dans une usine avant d'accéder à un poste à la télévision de TQS à Montréal, où il a été chroniqueur et présentateur de la météo. Mais Dany Laferrière a un autre objectif : l'écriture.

Déterminé, il marque un grand coup en 1985 avec son premier roman qui porte le titre Comment faire l'amour à un Nègre sans se fatiguer. Lui seul pouvait se permettre un tel titre. Ce livre a été traduit en plusieurs langues et adapté pour le cinéma. Dany Laferrière venait alors de faire son entrée dans le monde littéraire.

Les titres des livres de Dany Laferrière sont pour le moins percutants. Dans sa bibliographie, on retrouve les suivants : Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit?, ou encore L'Art presque perdu de ne rien faire, publié en 2011, et son dernier Journal d'un écrivain en pyjama, publié l'an dernier.

Tantôt à Haïti, tantôt à New-York ou à Miami, quand il n'est pas à Montréal, il puise dans la vie de tous les jours son inspiration. Sa famille, ses trois filles et ses qualités d'itinérant lui ont permis d'observer de petits bonheurs et de grands malheurs, comme le tremblement de terre qui a secoué son pays en 2010, alors qu'il était présent.

Au fil des ans, M. Laferrière a reçu plusieurs prix littéraires, dont celui du Gouverneur général du Canada pour la littérature jeunesse en 2006 et le prix Médicis de la littérature française en 2009, pour son livre L'Énigme du retour. L'œuvre de M. Laferrière venait alors de franchir définitivement nos frontières.

Aujourd'hui, les francophones du Canada et tous les Canadiens doivent être fiers de compter un des leurs à l'Académie française. Son élection s'est faite sans équivoque et il occupera le siège numéro 2 où se sont déjà assis Montesquieu et Alexandre Dumas fils. Autour de lui, on remarquera Simone Veil, Alain Decaux et l'ex-président français Valéry Giscard d'Estaing. L'histoire fait que tous ceux qui deviennent membres de l'Académie française portent le titre d'IMMORTEL.

C'est donc avec beaucoup d'émotion que je veux, aujourd'hui, saluer le choix de M. Laferrière par l'Académie.

[Traduction]

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du gouverneur général de l'honorable Linda Reid, Présidente de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Mme Reid est l'invitée de la sénatrice Jaffer.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1510)

La Colombie-Britannique

L'honorable Linda Reid

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, au nom de la sénatrice Jaffer, je prends la parole pour saluer la contribution au service public de la Présidente de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, l'honorable Linda Reid. En 1991, lorsque la Présidente Reid s'est présentée pour la première fois dans la circonscription de Richmond-Est, personne ne s'attendait à ce qu'elle remporte la victoire, sans compter qu'il n'y avait pas beaucoup de femmes en politique en Colombie-Britannique à l'époque. Ses chances étaient minces. Qu'à cela ne tienne : elle a remporté la victoire haut la main et est devenue un exemple pour de nombreuses Britanno-Colombiennes qui souhaitent se lancer en politique. Depuis, elle a été réélue cinq fois de suite. De tous les députés, c'est elle qui a siégé le plus longtemps dans la province, et c'est la seule à avoir siégé pendant 23 années consécutives. Je suis certaine que nombre de politiciens l'envient.

Durant ces 23 années, la Présidente Reid a vu passer six premiers ministres provinciaux. Elle a siégé au gouvernement et dans l'opposition. Pourtant, elle n'a jamais oublié ce qui, au départ, l'avait amenée à se présenter aux élections. Elle n'a jamais cessé de défendre les causes qu'elle a à cœur. Elle se passionne pour le bien-être des enfants et a été parmi les premières à encourager la participation des femmes en politique.

Ayant déjà enseigné, la Présidente Reid sait que l'ambition des femmes d'aller en politique doit être encouragée à un jeune âge. Pendant près de 30 ans, elle a soutenu sans réserve le Parlement des jeunes de la Colombie-Britannique. Elle a été la première à recevoir, pour son œuvre, le Prix pour leadership exceptionnel, décerné par le Parlement des jeunes de la Colombie-Britannique. Elle a été coprésidente de la Women's Campaign School, atelier annuel qui vise à inciter plus de femmes à participer au processus démocratique. Plus récemment, elle a été élue vice-présidente, pour le Canada, du réseau des femmes parlementaires du Commonwealth.

La Présidente Reid a aussi marqué l'histoire en devenant la première Britanno-Colombienne à avoir deux enfants dans l'exercice de ses fonctions. Elle est devenue un modèle parental à l'assemblée législative; son apport à la lutte pour l'équilibre hommes-femmes en politique est considérable.

La carrière politique de la Présidente Reid est extraordinaire. Je sais qu'elle continuera à faire de l'excellent travail. Ses réalisations à la présidence de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique témoignent de son bon jugement et de sa grande expérience.

Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie d'avoir servi les intérêts des Britanno-Colombiens au cours des 23 dernières années. Linda Reid, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'Assemblée parlementaire de la Francophonie

Les rencontres bilatérales et la session de l'Assemblée régionale Europe, tenues du 13 au 21 novembre 2013—Dépôt du rapport

L'honorable Andrée Champagne : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) concernant sa participation à des rencontres bilatérales et à la 26e session de l'Assemblée régionale Europe de l'APF, tenues à Paris, en France, et à Chisinau, en Moldavie, du 13 au 21 novembre 2013.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les anciens combattants

Le sort réservé aux anciens combattants

L'honorable Jane Cordy : Plusieurs anciens combattants, un par collectivité touchée par la fermeture de bureaux des anciens combattants, sont venus cette semaine à Ottawa pour rencontrer Julian Fantino, ministre des Anciens Combattants, et lui faire part de leur mécontentement. La rencontre avec le ministre était prévue hier, à 17 heures. Les anciens combattants sont allés au rendez-vous et ils ont attendu longuement, en vain. Le ministre ne s'est pas présenté à la rencontre. On a dit aux anciens combattants que le ministre était trop occupé et qu'il ne pouvait pas les rencontrer parce qu'il était retenu ailleurs.

Pourriez-vous me dire ce qui est plus important pour le ministre des Anciens Combattants que de rencontrer des anciens combattants d'un peu partout au Canada? Ces gens sont venus des quatre coins du pays pour rencontrer le ministre, mais M. Fantino n'a pas jugé bon de traverser le couloir pour aller les rencontrer. Il a plutôt envoyé trois députés à sa place.

Est-ce ainsi que le gouvernement canadien croit qu'on devrait traiter les anciens combattants?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le ministre Fantino a fait une déclaration aujourd'hui, et je vais la lire :

Hier, en raison de la prolongation d'une réunion du Cabinet, j'ai rencontré avec beaucoup de retard un groupe de vétérans qui étaient venus à Ottawa pour discuter de leurs préoccupations. Je tiens à leur présenter mes sincères excuses pour la manière dont cette situation a été traitée.

Aujourd'hui, je tends la main à ces vétérans pour discuter de cette erreur et pour leur présenter personnellement à nouveau des excuses.

Je me suis toujours engagé à entretenir un dialogue ouvert avec les hommes et les femmes qui ont porté l'uniforme au service du Canada, mais je me rends compte que mon regrettable retard d'hier a fait douter de cet engagement. Je tiens à ce que les vétérans de partout au Canada sachent que je reste profondément déterminé à les rencontrer et à les écouter sur les questions qui sont importantes pour eux et pour leur famille, ainsi qu'à faire ce qu'il faut pour soutenir ceux qui ont défendu le Canada.

Les vétérans de notre pays ne méritent pas moins.

Honorables sénateurs, je pense que cette déclaration du ministre Fantino explique son retard et il présente évidemment des excuses importantes et sincères. Je pense que cela répond à la question de la sénatrice Cordy.

[Traduction]

La fermeture de bureaux régionaux

L'honorable Jane Cordy : Merci beaucoup. Certes, le ministre Fantino a présenté des excuses, mais les anciens combattants ne les ont pas acceptées. Les anciens combattants croient que le ministre n'était pas sincère et qu'il s'est excusé pour des raisons purement politiques. Ils souhaitent simplement que les bureaux censés fermer leurs portes un peu partout au pays d'ici la fin de la semaine demeurent ouverts. Sénatrice Nancy Ruth, je conviens que ces bureaux ne resteront probablement pas ouverts même si ces anciens combattants réclament leur maintien depuis longtemps.

J'ai participé à une manifestation au Cap-Breton afin de garder ouvert le bureau de Sydney, en Nouvelle-Écosse. L'ancien combattant Ron Clarke, qui était à Ottawa hier, et d'autres anciens combattants voulaient seulement rencontrer le ministre Fantino. La manifestation a eu lieu avant Noël, en novembre. Le ministre avait alors amplement le temps de discuter avec eux, mais il a préféré remettre la rencontre à hier et il ne s'y est même pas présenté.

Ce qui est encore plus choquant, c'est que, tout juste avant la conférence de presse que devaient donner les anciens combattants après la rencontre, le ministre Fantino est venu les saluer. Mais lorsqu'ils ont commencé à lui poser des questions, le ministre les a traités avec mépris et a pris la poudre d'escampette. C'est incroyable, inacceptable et déplorable. Il semble que ce soit un autre de ces conservateurs qui cherchent des prétextes pour se faire photographier, à condition qu'on ne laisse surtout pas les anciens combattants lui poser des questions.

Ces hommes et ces femmes ont combattu en Afghanistan, en Bosnie, en Corée et lors de la Seconde Guerre mondiale. Ils ont participé à des missions de maintien de la paix partout dans le monde au nom des Canadiens. Malheureusement, le ministre et le gouvernement conservateur les traitent sans égard.

Le gouvernement fermera-t-il comme prévu neuf bureaux du ministère des Anciens Combattants situés aux quatre coins du pays à la fin de la semaine?

(1520)

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je suis un peu surpris que vous remettiez en cause la sincérité des excuses du ministre Fantino. C'est un homme honnête, intègre, sensible, et il a admis son erreur et présenté ses excuses publiquement. Je suis étonné que vous n'acceptiez pas ses excuses, surtout en cette journée importante pour votre caucus où vous êtes censés être moins partisans. Je trouve que le sens de vos questions est plutôt partisan.

Dois-je vous rappeler que notre gouvernement a fait des investissements records pour soutenir les anciens combattants du Canada, notamment en augmentant de presque 5 milliards de dollars le financement qui leur est destiné depuis notre arrivée au pouvoir, mesure contre laquelle, vous, les libéraux, avez voté? Vous avez également voté contre l'augmentation de l'investissement destiné aux anciens combattants, et je passe outre certaines déclarations de vos collègues libéraux concernant les sommes reçues par les anciens combattants qui, selon eux, étaient plutôt inappropriées et servaient à autre chose; je veux rester poli.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Sénateur, ce n'est pas moi qui remets en cause les excuses, ce sont les anciens combattants. Ils ont refusé d'accepter les excuses du ministre Fantino.

Moi, au Sénat, je suis censée représenter ma région. Je suis une sénatrice de la Nouvelle-Écosse. Le ministre Fantino et votre gouvernement ferment des bureaux du ministère des Anciens Combattants dans ma province, la Nouvelle-Écosse. J'ai bien l'intention de prendre la parole dans cette enceinte et de défendre les habitants de ma province, les anciens combattants de ma province. Si vous n'aimez pas mon ton, j'en suis désolée. Quand je défends les gens de ma région, je le fais avec passion et j'agis dans leur intérêt.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Cordy : À la conférence de presse d'hier, il y avait un ancien combattant de l'Ontario atteint du trouble de stress post-traumatique. Il a parlé de la politique du gouvernement envers les anciens combattants. Il l'a appelée la « politique des trois D », pour démentir, différer et décéder. Il a ajouté qu'à force d'essuyer des refus, on finit par renoncer. Voilà qui trace un portrait fort triste du traitement réservé aux anciens combattants canadiens.

Le ministre Fantino restera-t-il ministre des Anciens Combattants s'il ne souhaite pas rencontrer les anciens combattants ou leur parler, malgré tout ce que ceux-ci ont fait pour les Canadiens? Ils ont énormément contribué à la paix et à la liberté dans le monde.

Le ministre Fantino démissionnera-t-il?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je pense que vous faites toujours partie du caucus libéral, parce qu'ils ont le même genre de questions de l'autre côté, donc je présume que vous vous êtes quand même parlé ce matin.

Nous offrons davantage de services aux anciens combattants, et à davantage d'endroits. À compter du mois de février, les anciens combattants pourront obtenir les services du gouvernement du Canada en personne à plus de 650 endroits au Canada, soit 16 fois plus qu'en 2006. Et, dès le mois de février, un agent à temps plein du service à la clientèle d'Anciens Combattants Canada sera en poste au bureau de Service Canada le plus proche des huit bureaux qui doivent fermer.

Je suis donc en complet désaccord avec vous, sénatrice, sur le traitement accordé, particulièrement sur le plan de la fermeture des bureaux. Je pense que les anciens combattants auront accès plus facilement à Service Canada dans 650 bureaux de service, et à du personnel formé pour répondre à leurs besoins.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Les bureaux du ministère des Anciens Combattants fermeront-ils leurs portes à la fin de la semaine?

[Français]

Le sénateur Carignan : C'est ce que j'ai dit; dès le début du mois de février, les services seront offerts dans les 650 bureaux de Service Canada.

[Traduction]

L'honorable Catherine S. Callbeck : Ma question porte sur le même sujet, soit la fermeture de bureaux des anciens combattants.

À Charlottetown, le bureau fermera ses portes à la fin du mois.

Une voix : Il vient tout juste de dire que ce n'est pas vrai.

La sénatrice Callbeck : Le bureau de district de Charlottetown du ministère des Anciens Combattants va fermer ses portes. La plupart des employés ont déjà été transférés à Saint John et les effets de la fermeture commencent déjà à se faire sentir.

Alban LeClair a accompagné les anciens combattants sur la Colline, hier. Il travaille avec les anciens combattants de l'Île-du-Prince-Édouard en tant que bénévole à la Légion royale canadienne. Voici ce qu'il a dit :

Je peux vous dire qu'avant la fermeture du bureau de district de Charlottetown, un ancien combattant pouvait avoir une visite à domicile en quelques jours. Maintenant, il faut attendre jusqu'à six semaines. Six semaines, c'est long pour un ancien combattant de 93 ans et même pour les plus jeunes anciens combattants atteints d'un trouble de stress post-traumatique.

C'est totalement inacceptable. Cela démontre l'absence totale de respect du gouvernement à l'égard des anciens combattants.

Pourquoi le gouvernement prive-t-il les anciens combattants de l'Île-du-Prince-Édouard des services en temps opportun qu'ils méritent tant?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, dans les huit régions où il y a des fermetures de bureaux, un agent des services à la clientèle du ministère des Anciens Combattants sera en poste au bureau de Service Canada le plus proche. Ai-je besoin de vous rappeler que, par l'entremise des huit budgets, notre gouvernement a réservé près de 5 milliards de dollars de fonds nouveaux afin d'améliorer les avantages et les services offerts aux anciens combattants et à leurs familles? Il demeure toutefois que les libéraux, même s'ils hésitent ou si on ne sait plus combien sont libéraux de l'autre côté, ont tout de même voté contre l'augmentation des investissements accordés aux anciens combattants.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : Vous dites qu'un agent du ministère des Anciens Combattants sera en poste au centre de service. Je n'ai aucune idée comment le trouver. Je peux vous dire que j'ai récemment travaillé avec un ancien combattant de 95 ans de l'Île-du-Prince-Édouard et que tout a été fait à partir du bureau de district de Saint John. Je n'ai trouvé personne à l'Île-du-Prince-Édouard qui pouvait nous aider. Cet homme et sa famille ont dû se retrouver dans les menus d'un numéro 1-800 et ont fini par parler à quelqu'un dans une autre province. Nos anciens combattants méritent mieux.

Que compte faire le gouvernement pour s'assurer qu'une telle situation ne se reproduise plus?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai expliqué, dès le mois de février, des agents d'information seront en poste dans les bureaux de Service Canada. Pour chaque district, les bureaux de Service Canada les plus près des services seront ouverts pour répondre aux besoins des anciens combattants.

[Traduction]

La sénatrice Callbeck : J'ai une dernière chose à dire au sujet de ces centres de service. Vous avez dit qu'il y en a environ 600 au Canada. L'Île-du-Prince-Édouard comptait 113 employés de Service Canada en 2012. En 2015, ce chiffre aura été réduit à 61. Le nombre d'employés passera de 113 à 61. Vous prétendez toutefois que les anciens combattants auront accès au même niveau de service. C'est tout bonnement impossible.

Comme je viens de le dire, j'ai travaillé avec un ancien combattant de 95 ans — en fait, je travaille toujours avec lui — et je n'ai trouvé personne à l'Île-du-Prince-Édouard à qui parler. Le dossier est traité à Saint John, au Nouveau-Brunswick; c'est dans cette province que se trouvent les gens à qui il faut parler et avec qui l'ancien combattant et les membres de sa famille ont traité.

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai déjà expliqué, en ce qui concerne les postes et l'information, il est important de signaler également que d'énormes investissements ont été faits en faveur des services d'information en ligne, ceci afin d'offrir plus de services et plus de rapidité pour la communication de l'information.

(1530)

Étant donné que vous parlez particulièrement des services offerts aux anciens combattants, je le répète, pour les huit bureaux qui seront fermés, un agent à l'information à temps plein sera disponible au bureau de Service Canada le plus près.

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Je n'étais pas ici hier, honorables sénateurs, mais je souhaite une bonne année à mon collègue. Je lui dis cela en toute fraternité, mais mon but n'est pas nécessairement de rendre cela joyeux pour lui; il a ses responsabilités et moi, j'ai les miennes.

Dans ce contexte, c'est bien beau de dire qu'il y a 600 endroits où les gens peuvent trouver de l'information, mais avoir 600 endroits qui ne sont pas dotés de gens qui savent de quoi ils parlent, c'est aussi utile que 600 Tim Hortons sans café.

Il y a absolument très peu de formation offerte à ces gens. La complexité de la bureaucratie au sein du ministère des Anciens Combattants, bien qu'il ait adopté des réformes et coupé le ruban rouge, fait en sorte que l'information est loin d'être facilement compréhensible. Cela vaut pour une personne qui n'est pas blessée, mais imaginez pour une personne psychologiquement blessée.

Dans les forces armées, en reconnaissant que les gens psychologiquement blessés constituent la vaste majorité des blessés, on a créé un système distinct pour répondre à leurs besoins et leur expliquer plus en détail tous ces règlements compliqués au sein du ministère de la Défense nationale.

Imaginez maintenant quelqu'un qui est parachuté de la Défense nationale, qui se retrouve dans une organisation sans avoir obtenu la formation nécessaire, qui cherche à répondre à une demande d'information et qui dit à la personne d'aller sur Internet pour trouver des réponses. Mais ce n'est pas tout. Vous dites qu'une somme de 5 milliards de dollars a été investie. Cette somme représente le plan sur 40 ans. C'est une estimation économique. De grâce, qu'on arrête de nous écœurer avec une somme de 5 milliards de dollars sur une période de 40 ans. Je veux qu'on nous parle des sommes prévues pour cette année, pour l'an prochain et l'année suivante, dans un contexte de compressions budgétaires qui freinent l'efficacité du travail.

Notre premier ministre dit que des compressions budgétaires peuvent être effectuées puisqu'il y a moins d'anciens combattants; les anciens combattants de la Corée et ceux de la Seconde Guerre mondiale ne sont plus là. Mais au Québec, par exemple, il y a plus d'anciens combattants de l'ère moderne qu'il n'y en avait autrefois. On ferme le centre de Sainte-Anne-de-Bellevue et des endroits où sont offerts des services pour les besoins de ces gens.

[Traduction]

Par exemple, les services offerts par le ministère des Anciens Combattants et le ministère de la Défense nationale auraient été assurés par l'unité interarmées de soutien au personnel. Le but était d'instaurer un guichet unique et d'aider ces anciens combattants, avant même qu'ils n'enlèvent leur uniforme, à avoir accès à leurs dossiers. Eh bien, le ministère des Anciens Combattants s'est débarrassé de son personnel. Il ne reste qu'une poignée d'employés qui essaient de gérer la situation. À titre d'exemple, la garnison de Valcartier compte plus de 8 000 militaires, dont au moins 1 500 anciens combattants blessés.

Pourquoi sabrez-vous les services de ce ministère, alors que son seul mandat est de prendre soin des anciens combattants, plus particulièrement de ceux qui sont blessés, et de leur famille? Pourquoi sabrez-vous les services de première ligne? Pourquoi rendez-vous ces services inaccessibles et obligez-vous ces personnes blessées — incapables de composer avec les tensions, le stress et la pression — à utiliser Internet alors que, souvent, ils n'ont même pas la force d'entreprendre les démarches?

Pourquoi sabrez-vous les services de première ligne, alors que le nombre d'anciens combattants augmente de façon exponentielle? La guerre est terminée, mais beaucoup de blessés ont aujourd'hui besoin d'aide. Pouvez-vous nous expliquer?

[Français]

Le sénateur Carignan : Honorables sénateurs, je ne peux pas partager votre opinion lorsque vous parlez de compressions budgétaires. Notre gouvernement a investi des milliards de dollars. Je sais que la défense est un dossier qui vous tient à cœur en matière d'investissements, d'équipements et de matériel. En arrivant au pouvoir, nous avons dû et nous devons encore réparer ce qui a été fait durant la décennie de noirceur qu'a été la période de votre gouvernement libéral.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Attribuable à un déficit de 46 milliards de dollars. Allons donc. Pensez-vous que nous sommes amnésiques?

Le sénateur Mercer : Demandez à votre ami, Brian Mulroney.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous vous sentez peut-être rejetés par votre parti aujourd'hui, mais c'est quand même votre gouvernement qui a contribué à cette décennie de noirceur, et nous devons réparer cela.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Nous avons présenté neuf budgets équilibrés. Neuf!

[Français]

Le sénateur Carignan : Quant aux investissements faits depuis notre arrivée, il s'agit de 5 milliards de dollars de nouvel argent. Je ne connais pas la mesure que vous utilisez pour qualifier un dollar ou mille dollars, mais pour moi, c'est important. Quelquefois, on perd la notion de l'argent, mais on ne peut pas rejeter du revers de la main une somme de 5 milliards de dollars.

C'est une somme énorme qui a été accordée depuis 2006. Concernant le nombre de bureaux, il s'agit de plus de 650 endroits; c'est 16 fois plus qu'en 2006. Lorsque vous parlez de compressions budgétaires, je ne sais pas où vous pouvez trouver des compressions budgétaires, car il y aura 16 fois plus de bureaux qu'en 2006 qui offriront des services. J'ai donc de la difficulté à comprendre vos reproches, sénateur Dallaire.

Le sénateur Dallaire : Premièrement, comme on retourne un peu dans l'histoire, il faut se rappeler qu'il n'y a pas un projet — sauf les chars d'assaut — pour lequel vous avez fait progresser les choses depuis que vous êtes au pouvoir qui n'était pas déjà entamé depuis des années par le gouvernement précédent. Ces projets étaient en préparation depuis plusieurs années.

Incidemment, il a fallu une guerre pour réveiller tous les parlementaires et investir de l'argent. Qui a fait cela? C'est le ministre du moment, Gord O'Connor. Depuis ce temps, combien de projets ont été approuvés?

[Traduction]

Combien de nouveaux grands projets de l'État ont été approuvés depuis l'époque où Gordon O'Connor était ministre de la Défense nationale, et qui était ministre lorsque le Canada était en guerre? Que diable devait-on faire? Ne pas acheter d'équipement alors que le pays était en guerre? Oui, il fallait acheter l'équipement nécessaire en accélérant un processus qui était déjà bien entamé. À l'époque, il aurait été extrêmement irresponsable de ne pas faire cela. Parfait; c'est ce que vous avez fait.

Que se passe-t-il quand les militaires rentrent au pays? À l'heure actuelle, des sommes colossales sont destinées à l'entretien des véhicules et aux infrastructures. Un jour peut-être, nous pourrons acheter un peu d'équipement neuf au lieu de dépenser énormément d'argent dans le développement. Toutefois, dans ce contexte, il ne faut pas que les services aux anciens combattants soient limités par la somme de 5 milliards de dollars. Loin de moi l'idée de dénigrer cette somme. Pour qui me prenez-vous? Par contre, que faire si cette somme ne suffit pas, si elle doit être consacrée à d'autres choses et si les gens ne peuvent pas y avoir accès?

George Hees — un des vôtres ou, à tout le moins, un progressiste-conservateur — s'est rendu compte qu'il existait toutes sortes d'avantages dont les anciens combattants et leurs familles n'avaient jamais entendu parler. Tous les mois, il insérait de petites notes dans les enveloppes avec les chèques pour demander aux anciens combattants s'ils savaient qu'ils pouvaient obtenir telle ou telle chose. Il a fallu des décennies avant d'accorder aux anciens combattants les avantages dont ils avaient besoin et auxquels ils avaient droit.

De nos jours, je ne vois rien de comparable. Tout ce que je vois, c'est un bulletin stupide et absolument inutile, Salut, publié par le ministère des Anciens Combattants.

[Français]

Mon cher ami, ne me parlez pas d'histoire dans le cadre d'une guerre qui nous a forcés à faire ce qu'il fallait faire. De plus, rien n'a été acheté depuis, sauf bien des promesses. On a tassé les projets vers la droite et on les a réduits en capacité. Ce n'est pas parce que vous avez investi une somme de 5 milliards de dollars que vous avez trouvé la solution au problème.

(1540)

La question fondamentale est la suivante : pourquoi les experts sont-ils retirés des lignes où ils peuvent communiquer avec les anciens combattants blessés et leur expliquer ces questions si complexes dans le but de leur éviter de devoir mendier pour obtenir du soutien?

[Traduction]

Dans ces centres, on m'a dit qu'un jeune caporal a dû supplier le préposé de prendre son dossier. On refusait sans cesse de l'aider et on lui disait d'aller sur le site web. Le type est blessé. Il a perdu une jambe. Il a des séquelles psychologiques. « Allez sur le site web », lui dit-on. Il doit supplier pour obtenir de l'aide.

Le sénateur Mercer : Quelle honte!

Le sénateur Dallaire : Si vous avez regardé le discours sur l'état de l'Union d'Obama hier soir, vous avez vu ce qu'ils ont fait pour cet ancien combattant.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai compris que c'était une question.

Le sénateur Dallaire : Ma question est la suivante : pourquoi les experts sont-ils retirés des lignes où ils peuvent aider les anciens combattants blessés?

Le sénateur Carignan : Dans un premier temps, je veux quand même répondre à vos accusations par rapport à la fourniture d'équipement. Nous nous sommes engagés à rebâtir — et je dis bien rebâtir — nos forces armées en leur donnant le matériel dont elles ont besoin au meilleur prix possible pour les Canadiens. Nous avons acquis des capacités clés qui ont fait la différence aux Philippines, en Afghanistan, en Libye, en Haïti. Il s'agit notamment des C-17, des nouveaux appareils C-130J et des chars d'assaut Léopard 2. Ce sont des investissements sans précédent également qui ont été accordés à la marine, dans le cadre de la Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale.

Sénateur Dallaire, avec respect, en ce qui concerne les investissements, vous tournez un peu les coins ronds lorsque vous dites que rien n'a été livré.

Quant aux services offerts aux anciens combattants, je ne vous rappelle pas la Charte des anciens combattants, qui a été adoptée par notre gouvernement pour réparer des erreurs commises par votre gouvernement. J'hésite encore à dire « votre gouvernement » à la suite du rejet de ce matin.

Il faut en être conscient et, comme je l'ai dit, les services sont offerts dans plus de 650 endroits et il y en a 16 fois plus qu'en 2006. Les ressources sont là pour veiller à ce que les droits des vétérans soient protégés, que les services leur soient rendus et que, s'ils ont droit à certains programmes ou recours, ils puissent avoir accès à toute l'information dont ils ont besoin.

[Traduction]

Le sénateur Wilfred P. Moore : Monsieur le leader, la sénatrice Cordy vous a demandé si vous pouviez lui garantir que ces bureaux régionaux seraient ouverts à la fin de la semaine. Vous avez dit oui. Puis, en réponse à la question de la sénatrice Callbeck, je pense que vous avez dit non, du moins en ce qui concerne le bureau de l'Île-du-Prince-Édouard. Pouvez-vous préciser cela, s'il vous plaît?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je n'avais pas compris que la sénatrice Cordy voulait savoir si les bureaux allaient être ouverts la fin de semaine.

La sénatrice Hervieux-Payette : Non, à la fin de la semaine.

Le sénateur Carignan : Je suis désolé. J'ai dit : dès le mois de février.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Pouvez-vous dire au Sénat si et quand ces bureaux vont fermer? J'aurais aussi une question complémentaire après celle-ci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Écoutez, je comprends que huit bureaux seront fermés et qu'une personne à temps plein sera affectée au bureau de Service Canada le plus près des huit bureaux fermés, pour servir les anciens combattants. C'est ce que je comprends présentement.

[Traduction]

Réponse différée à une question orale

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter la réponse à une question orale posée au Sénat le 26 novembre 2013 par le sénateur Wilfred P. Moore, au sujet de la sécurité publique, de la Banque nationale de données génétiques et des laboratoires de la GRC.

La sécurité publique

La Gendarmerie royale du Canada—La Banque nationale de données génétiques

(Réponse à la question posée le 26 novembre 2013 par l'honorable Wilfred P. Moore)

L'équipe de la Banque nationale de données génétiques (BNDG) est tenue de déposer au Parlement un rapport annuel qui contient des indicateurs de rendement relatifs à la BNDG, soit le nombre de profils génétiques contenus dans la banque, le nombre de correspondances avec le fichier des délinquants condamnés (correspondances établies entre des condamnés et des lieux de crimes) et le nombre de correspondances entre des lieux de crime. Le rapport traite principalement de ces statistiques importantes plutôt que de services judiciaires connexes offerts par les trois laboratoires judiciaires publics canadiens qui reçoivent et analysent des échantillons d'ADN pour ensuite présenter des rapports aux services de police.

Les Services de laboratoire judiciaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sont chargés d'offrir des services d'analyse d'ADN prélevé sur des lieux de crime à tous les organismes canadiens d'application de la loi à l'extérieur de l'Ontario et du Québec. Des renseignements sur le rendement des Services de laboratoire judiciaire figurent dans le Rapport ministériel sur le rendement de la GRC déposé au Parlement chaque automne par le président du Conseil du Trésor.

Les délais d'exécution diffèrent selon la priorité des demandes de service : certaines sont désignées prioritaires et d'autres, ordinaires. Ce sont les Services de laboratoire judiciaire de la GRC qui, en collaboration avec les enquêteurs et les clients, déterminent le degré de priorité en tenant compte du risque pour la sécurité publique, du fait que le suspect court toujours ou non, du risque potentiellement élevé que le suspect prenne la fuite, du niveau de violence, de la possibilité que le suspect récidive et de la façon dont les résultats de l'analyse judiciaire seront utilisés dans le cadre de l'enquête (p. ex. ils serviront à identifier un suspect).

Dans le cas des homicides, le délai d'exécution moyen des demandes prioritaires de service d'analyse génétique pour l'exercice 2012-2013 était de 21 jours et le délai d'exécution moyen des demandes ordinaires de service d'analyse génétique était de 60 jours. De manière générale, les affaires d'homicides sont plus complexes et exigent plus de travail que les autres types d'affaires.

Pour l'exercice 2012-2013, le délai d'exécution moyen des demandes prioritaires de service d'analyse génétique provenant de la Nouvelle-Écosse était de 17 jours, tandis que le délai d'exécution moyen des demandes ordinaires de service d'analyse génétique était de 48 jours.

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Les anciens combattants—Loi améliorant la Nouvelle Charte des anciens combattants

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 7 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

Les anciens combattants—L'indemnisation liée à l'épandage de l'agent Orange

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 8 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les élections au sein de premières nations

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Scott Tannas propose que le projet de loi C-9, Loi concernant l'élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.

— Honorables sénateurs, c'est un honneur de prendre la parole dans cette enceinte en tant que parrain du projet de loi C-9, Loi sur les élections au sein de premières nations.

Nous avons entendu le point de vue des Premières Nations, qui nous ont dit que le système électoral prévu par la Loi sur les Indiens ne leur convenait tout simplement pas. Elles nous ont expliqué comment la Loi sur les Indiens les empêche d'établir la stabilité politique qui leur est nécessaire pour mettre en œuvre des projets à long terme, améliorer la gouvernance et multiplier les possibilités économiques essentielles pour une prospérité durable au sein de leurs collectivités.

Le projet de loi C-9, Loi sur les élections au sein de premières nations, corrigerait enfin les lacunes de la Loi sur les Indiens, car elle prévoit la mise en œuvre d'une alternative solide au système électoral, jugé obsolète, prévu dans la Loi sur les Indiens — chose que réclamaient les Premières Nations.

En fait, si nous sommes saisis du projet de loi C-9 aujourd'hui, c'est en grande partie grâce à la vision de deux organismes autochtones, soit l'Assemblée des chefs du Manitoba, dirigée par le grand chef Ron Evans, et l'Atlantic Policy Congress of First Nations Chiefs, qui ont fait valoir la nécessité d'une réforme électorale.

Ils avaient de bonnes idées pour améliorer les choses. Ils en ont discuté avec les chefs et les résidants des communautés de leur région, puis ils ont soumis leurs recommandations au ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord.

À la demande du ministre, les deux organismes ont par la suite entamé un processus de consultation nationale auprès des organismes et des chefs des Premières Nations des autres provinces afin de débattre des recommandations en vue d'améliorer le système électoral prévu dans la Loi sur les Indiens. Le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis se fonde sur ces recommandations. Ce projet de loi est le fruit des cinq années de travail de ces personnes dans le but de trouver une solution de rechange efficace, viable et moderne au système actuellement prévu dans la Loi sur les Indiens.

Le Congrès des chefs des Premières nations de l'Atlantique continue d'appuyer résolument notre démarche. Il est donc d'autant plus urgent pour le Sénat d'adopter le projet de loi afin que les Premières Nations puissent se prévaloir des avantages qu'elles pourront en retirer. John Paul, directeur général du congrès, a d'ailleurs écrit dernièrement au ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord pour réaffirmer l'appui indéfectible de son organisme au projet de loi :

Comme vous le savez, depuis des années, de nombreux membres des Premières Nations se montrent très critiques au sujet du système électoral prévu dans la Loi sur les Indiens, système qu'ils trouvent vétuste et paternaliste. Les mandats sont beaucoup plus courts que dans le cas des élus municipaux, provinciaux et fédéraux. Les règles concernant les nominations sont approximatives. Aucune sanction n'est prévue en cas de violation d'une règle électorale. Voilà seulement quelques-uns des problèmes importants que nous voudrions voir réglés grâce à ce projet de loi.

Le ministre a également reçu une lettre de l'ancien grand chef de l'Assemblée des chefs du Manitoba, Ron Evans, qui y expose les avantages de la Loi sur les élections au sein de premières nations en soulignant ceci :

[...] une fois adopté, le projet de loi C-9 transformera la façon dont les Premières Nations sont gouvernées, créera de la stabilité et de la crédibilité, renforcera l'autonomie gouvernementale et permettra aux Premières Nations de se tourner vers l'avenir.

(1550)

Avant même que les chefs du Manitoba et l'Atlantic Policy Congress commencent l'élaboration de grandes résolutions visant ces lacunes, plus de 75 Premières Nations, de leur propre initiative, étaient allées au-delà de la Loi sur les Indiens : elles avaient conçu et mis en œuvre leur propre système électoral, qui tenait compte de leurs besoins et de leur réalité, en établissant des codes électoraux coutumiers.

Pendant ces consultations, certaines Premières Nations ont toutefois affirmé que la transition vers un code électoral coutumier ou un gouvernement autonome n'était pas toujours une option judicieuse et qu'elles souhaitaient que la Loi sur les Indiens soit remplacée par un régime législatif solide et viable.

Comme de nombreux sénateurs le savent, l'élection des dirigeants des Premières Nations au Canada peut se faire de trois façons : 343 Premières Nations tiennent leurs élections au titre d'un code électoral coutumier, 238 d'entre elles tiennent leurs élections au titre de la Loi sur les Indiens et 36 autres tiennent leurs élections au titre de dispositions prévues dans des accords d'autonomie gouvernementale.

Autrement dit, environ 40 p. 100 des Premières Nations continuent de tenir leurs élections sur le fondement des dispositions désuètes et paternalistes de la Loi sur les Indiens. La Loi sur les Indiens constitue donc encore un boulet pour un grand nombre de Premières Nations du pays.

De nombreux sénateurs sont déjà bien au fait des lacunes du régime électoral que la Loi sur les Indiens prévoit à l'heure actuelle. En fait, bon nombre de mes collègues qui siègent au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se sont penchés pour la première fois en 2009 sur les faiblesses du régime électoral établi par la Loi sur les Indiens, et ils ont conclu qu'une réforme s'imposait. Le rapport final du comité recommandait notamment que le gouvernement travaille avec les Premières Nations à l'élaboration de mesures législatives dans le domaine électoral, et le projet de loi dont nous sommes saisis découle directement de cette recommandation.

Mon collègue, le sénateur du Nunavut, a parlé pour la première fois en décembre 2011 de ce projet de loi, qui portait alors le numéro S-6. Le projet de loi a ensuite été examiné par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et renvoyé au Sénat sans amendement.

J'aimerais souligner que ce projet de loi est identique au projet de loi S-6 et qu'il est tout aussi pertinent. J'exhorte donc tous les sénateurs à se joindre à moi pour l'appuyer et en hâter l'adoption.

Comme je l'ai déjà fait remarquer, les Premières Nations réclament cette mesure législative, et je pense qu'il y a assez longtemps qu'elles attendent.

Je rappellerai en outre aux sénateurs que l'adoption du système électoral proposé dans le projet de loi est facultative. Ce système n'est proposé que pour aider les Premières Nations qui n'ont peut-être pas la capacité voulue pour élaborer leur propre code électoral communautaire ou qui sont tout simplement trop débordées par d'autres dossiers auxquels elles doivent accorder la priorité. Il se peut, en fait, que certaines Premières Nations décident de tenir leurs élections conformément aux dispositions de la Loi sur les Indiens, comme avant. Certaines ont réussi à tirer profit de la loi, d'autres, non.

Prenons un instant pour examiner les failles que ce projet de loi corrigera. Par exemple, la Loi sur les Indiens précise que les dirigeants sont élus pour un mandat de deux ans. Cela n'est guère propice à l'élaboration et à la mise en œuvre des stratégies à long terme nécessaires pour la réalisation des objectifs prioritaires. Cela signifie également que les communautés des Premières Nations sont presque toujours en mode électoral. Une fois qu'un conseil de bande élu et assermenté commence à bien comprendre ses responsabilités et à agir en conséquence, il est déjà temps pour lui de préparer la campagne électorale suivante.

Le projet de loi C-9 permettra aux collectivités des Premières Nations de remédier à ce problème en prévoyant un mandat de quatre ans pour les élus — la norme en vigueur dans la plupart des administrations au pays —, ce qui leur donnera le temps non seulement d'apprendre à faire leur travail, mais aussi de faire leur travail.

De plus, ce projet de loi permettra à différentes collectivités des Premières Nations de tenir leurs élections le même jour. C'est une idée novatrice et judicieuse proposée par l'Assemblée des chefs du Manitoba. En prévoyant des mandats qui débutent et se terminent en même temps ainsi qu'une date d'élections commune, le projet de loi aiderait des regroupements de Premières Nations à travailler en collaboration et à s'entendre sur les activités de développement et les autres dossiers prioritaires communs.

La prolongation des mandats et la possibilité de choisir une date d'élections commune sont des améliorations importantes. Cependant, le mandat d'un élu sera toujours trop long si la légitimité du processus électoral est mise en doute. Voilà peut-être l'aspect le plus dommageable du système électoral prévu actuellement dans la Loi sur les Indiens.

Les freins et contrepoids sur lesquels la plupart des Canadiens peuvent compter pour s'assurer que les résultats d'élections reflètent fidèlement la volonté de la population sont pratiquement inexistants dans la Loi sur les Indiens. Nous avons tous entendu parler de votes achetés et d'autres irrégularités qui, même si elles ne compromettent pas la légitimité d'une élection, peuvent faire en sorte qu'elle soit perçue comme illégitime. Peu de dispositions de la Loi sur les Indiens peuvent décourager ces pratiques, qui entraînent peu de conséquences, voire aucune. Non seulement cette situation mine la confiance envers le gouvernement, mais les appels des résultats d'élections ont un effet paralysant.

Aux termes de la Loi sur les Indiens, quiconque n'est pas satisfait des résultats d'une élection peut tout simplement en appeler des résultats en soumettant une déclaration sous serment au ministre. De plus, le processus d'appel prévu dans la Loi sur les Indiens est lent et lourd à administrer. Plusieurs mois peuvent s'écouler avant qu'une décision soit rendue. Dans la majorité des cas, l'appel est rejeté, mais en attendant la décision, le gouvernement de la Première Nation dont la légitimité est mise en doute est pratiquement paralysé. Des projets et des initiatives bénéfiques pour une communauté peuvent être bloqués. Pour ajouter l'insulte à l'injure, la Loi sur les Indiens contient des dispositions paternalistes qui permettent au ministre de rendre lui-même les décisions sur les appels.

Tout comme la Loi électorale du Canada, le projet de loi C-9 contient des dispositions visant à minimiser les risques de pratiques électorales frauduleuses en prévoyant des infractions assorties de sanctions précises pour les fautifs. Les services de police locaux pourront ensuite porter des accusations pour activités frauduleuses lors d'une élection au sein d'une Première Nation et ils auront l'appui des tribunaux, ce qui pourrait se traduire par des amendes et des peines de prison pour les coupables.

Au lieu d'interjeter appel auprès du ministre, un électeur pourra le faire auprès d'un tribunal fédéral ou provincial. Les tribunaux examineraient ces appels comme ils le font dans le cas des élections fédérales, provinciales et municipales. Cette disposition devrait contribuer à restreindre le nombre d'appels futiles, tout en écartant le ministre du processus.

Encore une fois, ce sont des protections que la plupart des Canadiens tiennent pour acquises, car elles contribuent à rendre le processus fiable, cohérent, efficace et moins sujet aux abus, dans le but d'assurer la stabilité politique qui est indispensable à la croissance économique, à la création d'emplois et à l'amélioration du niveau de vie.

Le projet de loi sur les élections au sein des premières nations encourage également les citoyens à participer au processus politique, en éliminant les anomalies et autres singularités que le flou de la Loi sur les Indiens a laissé se produire.

Le processus de présentation des candidatures en est sans doute l'exemple le plus flagrant. En vertu de la Loi sur les Indiens, la même personne peut présenter sa candidature au poste de chef et à un poste de conseiller, pendant la même élection. Non seulement la même personne peut être élue, elle peut occuper les deux postes. Ce ne sera plus possible avec le projet de loi C-9.

De plus, la Loi sur les Indiens contient peu de détails sur d'autres aspects du processus de présentation des candidatures. Si elle le désire, une personne peut présenter des dizaines de candidats à n'importe quel poste. Il est déjà arrivé que des électeurs des Premières Nations reçoivent un bulletin de vote où figuraient les noms de plus de 100 candidats. Voilà qui n'encourage guère la participation citoyenne.

Aux termes du projet de loi C-9, les Premières Nations pourront aussi exiger de tous les candidats qu'ils acceptent leur mise en candidature par écrit, afin que les noms des personnes qui ne souhaitent pas se faire élire ne figurent pas sur le bulletin de vote.

D'autres dispositions du projet de loi permettront de prendre des règlements pour écarter les risques d'abus dans l'envoi de bulletins de vote par la poste, ce qui était une plainte fréquente.

En conclusion, je souligne qu'aucune des dispositions que j'ai présentées, ni aucune autre disposition du projet de loi, ne va au-delà de la norme qui s'applique à la plupart des Canadiens. Ce projet de loi propose une option que les Premières Nations elles-mêmes nous ont réclamée.

Honorables sénateurs, je suis persuadé que vous êtes tous conscients qu'un système électoral solide et robuste, qui garantit des élections libres et justes, favorise la participation des citoyens et une saine gouvernance.

Ce que nous avons à faire est simple, honorables sénateurs : nous devons simplement nous écarter du chemin.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Oui.

(1600)

La sénatrice Dyck : Dans votre discours, vous avez affirmé que le projet de loi nous est présenté de nouveau sans avoir été modifié. Vous avez également affirmé qu'il permet aux Premières Nations de choisir si elles veulent être régies par les dispositions du projet de loi. Or, nous avons examiné le projet de loi la dernière fois et, si je me souviens bien, il permettait au ministre d'ordonner à une Première Nation de se soumettre à ces dispositions. Autrement dit, même si les Premières Nations peuvent faire le choix librement, elles peuvent aussi être obligées par le ministre d'appliquer le régime prévu par le projet de loi. Pourriez-vous, je vous prie, me dire ce que vous en pensez?

Le sénateur Tannas : Le ministre a toujours eu le pouvoir d'ordonner la tenue de nouvelles élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Je pense qu'il a utilisé ce pouvoir trois fois au cours des 10 dernières années, plutôt que le mécanisme normal prévu dans la Loi sur les Indiens. Essentiellement, le ministre peut prendre la décision d'appliquer le régime prévu dans la loi. Quoi qu'il en soit, dorénavant, si le ministre décide d'ordonner la tenue d'élections, c'est le mécanisme prévu dans le projet de loi qui s'appliquera plutôt que celui qui est prévu dans la Loi sur les Indiens.

La sénatrice Dyck : Je vous remercie. Permettez-moi de préciser toutefois que, bien que le ministre ait toujours eu ce pouvoir, il ne pouvait pas exiger que les élections se tiennent selon le mécanisme prévu dans la Loi sur les Indiens si la Première Nation avait déjà opté pour un code électoral conçu par la communauté. À l'inverse, nous avons conclu précédemment que ce projet de loi permet au ministre d'ordonner aux 343 Premières Nations ayant choisi un code électoral conçu par la communauté de se soumettre au régime prévu par le projet de loi, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Le sénateur Tannas : C'est exact. Si le ministre constate qu'une Première Nation connaît de sérieux problèmes de gouvernance, les élections devront se tenir selon le mécanisme prévu dans le projet de loi.

Cela dit, rien n'empêche une collectivité de tenir des élections et de clarifier qui en sont les dirigeants, puis d'adhérer de nouveau à la loi pour les élections subséquentes; cela conviendrait tout à fait. Si le ministre détermine qu'il doit intervenir pour obtenir des précisions à savoir qui sont les véritables dirigeants élus, ce qui est rare, mais cela s'est déjà produit, il aurait recours à ce procédé.

La sénatrice Dyck : Je ne crois pas que le projet de loi définisse ce qui permet au ministre d'ordonner à une Première Nation de se soumettre à cette disposition. Aucun règlement ne précise les circonstances dans lesquelles le ministre peut faire cela. Il a carte blanche, en quelque sorte. Ai-je raison?

Le sénateur Tannas : J'aimerais prendre en note la question et y fournir une réponse écrite. Je crois que le ministre dispose d'une certaine latitude, mais le projet de loi mentionne aussi certaines des circonstances qui doivent être présentes pour cela. J'aimerais donner une réponse écrite.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)

© Sénat du Canada

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