Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 71

Le vendredi 13 juin 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le vendredi 13 juin 2014

La séance est ouverte à 9 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

People, Words & Change

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à People, Words & Change, un organisme sans but lucratif inspirant qui se trouve ici, dans la capitale nationale, et qui apporte sa contribution au pays en apprenant les rudiments de la lecture et de l'écriture ainsi que des mathématiques et de l'informatique à des adultes, notamment des néo-Canadiens.

En vous faisant part de mes réflexions sur le temps que j'ai passé avec ce groupe dans la collectivité et ici au Sénat du Canada, les paroles et les actes inspirants d'un distingué citoyen du Canada me viennent à l'esprit. Le grand Nelson Mandela avait raison de dire ceci :

La détermination permet de tout surmonter. Chacun peut faire son chemin en dépit des circonstances et réussir, pour peu qu'il soit déterminé et passionné par ce qu'il fait. L'éducation est votre arme la plus puissante pour changer le monde.

Ce ne sont pas simplement les paroles de l'un des plus grands humanistes de notre temps, mais précisément les valeurs qui ont contribué à bâtir notre grand pays, une prescription pour que nous, Canadiens et Canadiennes, puissions atteindre des sommets encore plus hauts.

Mon amitié pour People, Words & Change remonte à l'automne dernier, lorsque j'y suis allé rencontrer le personnel et un grand nombre des adultes qui y étudient. Ils venaient d'Asie, d'Europe de l'Est, d'Afrique et des Antilles, et ils m'ont expliqué en quoi cet organisme changeait leur vie. Ils m'ont décrit les problèmes que vit une personne qui ne sait pas lire, les préjugés qu'elle doit affronter et la difficulté qu'elle a à faire des choses courantes que la plupart d'entre nous faisons sans y penser.

Comme j'ai immigré au Canada à un très jeune âge, j'ai dû composer avec la pression sociale en plus d'avoir un accent. J'ai donc été ému par l'honnêteté et la passion avec lesquelles ces gens ont raconté à quel point apprendre à lire avait complètement changé leur vie. Vous auriez vous aussi été émus devant la reconnaissance et l'enthousiasme avec lesquels les mères, les pères et les grands-parents envisageaient leur avenir au Canada.

Honorables sénateurs, je leur ai raconté mon histoire et j'ai conclu sur un message clair : au Canada, ce n'est pas d'où l'on vient qui compte, mais où l'on va. Sur sa route, il faut trouver sa passion, apprendre sans cesse et faire preuve de compassion envers autrui. Je les ai mis au défi d'être les instigateurs du changement qu'ils veulent voir dans le monde.

La semaine dernière, c'est avec fierté que je les ai accueillis ici, au Sénat. Les apprenants, les tuteurs bénévoles et les membres du personnel se sont assis sur nos banquettes et ont été inspirés par l'histoire qu'incarnent ces lieux. Je les ai renseignés davantage sur ma passion pour le Canada, le travail que nous accomplissons à la Chambre haute et les efforts que nous déployons pour bâtir notre propre pays.

Mme Dee Sullivan, directrice générale de PWC, m'a écrit ceci :

[...] notre conversation au retour a été chargée du fort sentiment que nous avons une responsabilité commune envers le Canada.

Honorables sénateurs, c'est leur Parlement et, alors qu'ils continuent d'écrire les chapitres de leur vie, je présume que leur contribution ici aura ajouté plus qu'une note de bas de page à notre histoire.

En conclusion, je souligne que les résultats de leur apprentissage sont peut-être mieux résumés dans les mots de l'un des apprenants de PWC :

Pouvoir lire a simplement rendu ma visite sur la Colline du Parlement beaucoup plus intéressante.

Je vous remercie. Que Dieu vous bénisse et bénisse le Canada.

La Journée mondiale du vent

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je souhaite aujourd'hui attirer votre attention sur la Journée mondiale du vent, qui aura lieu le dimanche 15 juin. Ma collègue, la sénatrice Dyck, vient de nous rappeler, d'ailleurs, que cette journée est comme une brise fraîche susceptible de nous inspirer de nouvelles idées.

Cette journée internationale, qui est coordonnée par l'Association européenne de l'énergie éolienne et le Conseil mondial de l'énergie éolienne, vise à faire prendre conscience aux gens que, partout dans le monde, l'énergie éolienne est en train de s'imposer comme une source d'électricité durable, respectueuse de l'environnement et efficace.

Jusqu'à maintenant, 75 pays se sont dotés de parcs d'éoliennes, et ils ont tous vu leurs coûts associés à la production d'électricité éolienne diminuer considérablement — jusqu'à 43 p. 100 dans certains cas. Seulement en 2012, le marché mondial de l'éolien a crû de plus de 10 p. 100. Les deux plus grosses économies du monde — la Chine et les États-Unis — sont aussi les deux plus importants marchés pour la production

d'énergie éolienne. En Chine, l'éolien constitue en fait la troisième source d'électricité, après l'énergie thermique et l'énergie hydraulique. Aux États-Unis, en 2012, l'énergie éolienne représentait approximativement 42 p. 100 de la nouvelle capacité de production électrique.

Quelle est la position du Canada par rapport au développement de l'énergie éolienne?

En 2012, le marché canadien de l'éolien a crû de plus de 20 p. 100, générant des investissements de 2 milliards de dollars et créant des emplois pour l'équivalent de 10 500 années-personnes. Le Canada arrive au neuvième rang des marchés mondiaux de l'éolien, et il pourrait facilement miser sur l'innovation pour accroître la proportion de son électricité provenant de l'éolien.

Au pays, c'est l'Ontario qui mène le bal du développement éolien, et le Plan énergétique à long terme du gouvernement provincial devrait permettre la production de 7 000 mégawatts d'électricité d'ici 2018.

La Journée mondiale du vent nous permet de comprendre que les avantages des innovations dans le domaine de l'énergie éolienne dépassent la seule production électrique. Le parc éolien Diavik, qui est situé dans les Territoires du Nord-Ouest et dont la puissance s'élève à 9,2 mégawatts a largement contribué au développement du secteur minier dans le Nord, tandis que le projet ontarien d'énergie renouvelable Mother Earth d'une puissance de 4 mégawatts, qui est piloté par la Première Nation M'Chigeeng, est le premier qui se trouve sous la responsabilité exclusive d'une Première Nation.

À l'occasion de la Journée mondiale du vent 2014, l'Association canadienne de l'énergie éolienne organisera son premier tournoi de golf annuel au profit des Amis du vent, à Markham, en Ontario. L'entreprise ENERCON est le quatrième fabricant d'éoliennes en importance au monde, et elle tiendra une journée portes ouvertes à Matane, au Québec. Senvion, un chef de file mondial dans la production d'éoliennes côtières et en mer, présentera une exposition de photos sur la phase de construction de certains de ses parcs éoliens commandés par Hydro-Québec.

L'énergie éolienne mérite notre attention et nos efforts en vue de promouvoir la durabilité de l'énergie au Canada. J'encourage chaque sénateur à en apprendre davantage sur le travail admirable effectué par ces organisations et divers gouvernements dans le monde.

La réforme du Sénat

L'honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, tandis que nous tirons le rideau sur cette séance du Sénat, j'interviens aujourd'hui pour remercier mes collègues des deux côtés de notre Chambre, de même que ceux qui sont à l'extérieur de cette enceinte.

Je veux dire merci à notre excellent premier ministre de m'avoir nommé à cet endroit merveilleux et intéressant, et merci à mon illustre leader de m'avoir nommé whip adjoint. Merci aux nombreux sénateurs des deux côtés qui ont participé aux discussions, aux motions et aux interpellations visant à réformer le Sénat d'une façon ou d'une autre.

Réformer la façon dont nous menons nos travaux dans cette enceinte est un travail important, comme l'a fait remarquer le premier ministre lors du congrès de notre parti à Calgary, quand il affirmé qu'« il est temps pour le Sénat de montrer qu'il peut se réformer lui-même ».

(0910)

En outre, je crois que les Canadiens ont besoin d'un Sénat dont ils peuvent être fiers, et c'est ce qu'ils souhaitent. Pourquoi ne voudraient-ils pas être fiers de leur Sénat? Je crois que, si nous déployons des efforts, cette institution nécessaire peut devenir l'un des organes législatifs les plus respectés au monde. Je crois que cela devrait être notre mission pour l'année qui vient.

Je tiens à remercier tout spécialement le sénateur Nolin qui, depuis Noël, a présenté pas moins de sept interpellations portant sur la réforme du Sénat et l'histoire du Sénat, ainsi qu'une motion visant à créer un comité responsable de se pencher sur la réforme.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Greene : D'innombrables sénateurs ont exprimé leur point de vue au sujet de la réforme ou ont présenté des motions ou lancé des interpellations. Parce que l'allégeance des sénateurs qui présentent de bonnes idées de réforme du Sénat importe peu — c'est vraiment accessoire —, je vais remercier les participants au débat par ordre alphabétique : la sénatrice Andreychuk, la sénatrice Chaput, le sénateur Cowan, le sénateur Dawson, la sénatrice Eaton, la sénatrice Fraser, la sénatrice Hubley, le sénateur Mercer, le sénateur Nolin, la sénatrice Ringuette, le sénateur Tannas, la sénatrice Tardif et le sénateur Wallace.

En plus de ces sénateurs, je tiens à remercier tous les sénateurs de ce côté-ci qui ont participé aux réunions spéciales de caucus sur la réforme et aux nombreux dîners-réunion ad hoc, plus ou moins clandestins, organisés par et pour les sénateurs des deux côtés.

Je ne les nommerai pas. Votre secret est bien gardé avec moi. Je vous souhaite à tous un magnifique été!

Des voix : Bravo!

[Français]

Les élections provinciales en Ontario

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, avec vous tous, je félicite la première ministre libérale de l'Ontario élue hier, le 12 juin 2014.

Kathleen Wynne est la première femme élue première ministre en Ontario. C'est une bonne nouvelle pour la francophonie ontarienne, qui a maintenant l'assurance de pouvoir continuer à contribuer aux succès économiques, sociaux et culturels de la province. C'est une bonne nouvelle aussi pour le Nord de l'Ontario, qui continuera à se sentir partie prenante de cette immense province, malgré les distances géographiques.

[Traduction]

Honorables sénateurs, c'est également une bonne nouvelle pour les employés du secteur public de l'Ontario qui éduquent et forment les prochaines générations, qui dispensent les services de soins de santé et qui protègent les habitants des municipalités ontariennes. C'est également une bonne nouvelle pour les petites et grandes entreprises ainsi que les investisseurs, les institutions sans but lucratif et les institutions financières, en raison de la stabilité que procure un gouvernement majoritaire à la province.

Je remercie les Ontariens d'avoir élu un solide gouvernement majoritaire, d'avoir choisi une approche équilibrée à l'égard de la gouvernance et d'avoir reconnu l'authenticité d'un chef.

La démocratie a parlé. Bravo, madame Wynne!

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Conflits d'intérêts des sénateurs

Présentation du cinquième rapport du comité

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le cinquième rapport du Comité permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs. Le rapport recommande l'adoption d'un Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs modifié.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1023.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur la croissance économique et la prospérité — Canada-Honduras

Présentation du cinquième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L'honorable A. Raynell Andreychuk, présidente du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, présente le rapport suivant :

Le vendredi 13 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-20, Loi portant mise en œuvre de l'Accord de libre-échange entre le Canada et la République du Honduras, de l'Accord de coopération dans le domaine de l'environnement entre le Canada et la République du Honduras et de l'Accord de coopération dans le domaine du travail entre le Canada et la République du Honduras, a, conformément à l'ordre de renvoi du 12 juin 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

La présidente,
RAYNELL ANDREYCHUK

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Housakos, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Housakos, appuyée par l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence, tel que modifié.

L'honorable George J. Furey : Honorables sénateurs, je tiens à remercier le sénateur Housakos des sages propos qu'il a tenus hier, ainsi que de la courtoisie et de la coopération dont il fait preuve en tant que parrain de ce projet de loi.

Chers collègues, j'aimerais profiter de l'occasion pour dire quelques mots au sujet de l'importance du projet de loi S-4. Plus particulièrement, je tiens à parler d'un amendement qui a été rejeté par le comité.

En 2000, le Parlement a adopté la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, la LPRPDE. L'article 4 du projet de loi permettra d'ajouter de bonnes dispositions à la LPRPDE. Le sénateur Housakos a décrit certaines de ces dispositions hier, et je suis entièrement d'accord avec lui. Le commissaire à la protection de la vie privée se verra confier de nouveaux pouvoirs, comme la possibilité d'imposer des peines sévères, qu'il ne possède pas à l'heure actuelle. Le projet de loi permettra également de renforcer les mécanismes de protection.

À bien des égards, le projet de loi S-4 est une bonne mesure législative. Cependant, il portera atteinte à la protection de la vie privée des Canadiens d'une manière fondamentale : il permettra la communication de données privées à des institutions non gouvernementales. Avant la présentation du projet de loi S-4, la LPRPDE portait sur la façon dont des organisations gouvernementales comme la police, le SCRS et l'ARC pouvaient obtenir des données privées sur les abonnés auprès des entreprises de télécommunications. L'alinéa 7(3)d.1) prévu dans le projet de loi S-4 permettra dorénavant la divulgation de ces données à n'importe quelle organisation, plutôt qu'uniquement aux organisations gouvernementales comme la police et le SCRS.

Toute entreprise pourra désormais demander et obtenir des renseignements personnels de nature délicate sur vous. Plus précisément, le projet de loi S-4 accordera l'immunité aux entreprises de télécommunications qui divulguent vos renseignements privés à une autre société. Et c'est sans compter qu'elles ne seront même pas tenues de vous en aviser.

(0920)

Le texte de l'alinéa d.1) prévu dans le projet de loi S-4 établit quatre critères stricts permettant d'éviter que l'on ne divulgue les données personnelles d'un Canadien à mauvais escient. Voyons, chers collègues, quels sont les critères énoncés à l'alinéa d.1).

Dans les deux premiers cas, on prévoit que la divulgation doit être faite à une autre organisation et qu'elle doit être raisonnable. Ça ne veut rien dire. Aucun juge ne cherchera à déterminer si une demande de divulgation est raisonnable. Peut-on s'attendre à ce que les entreprises de télécommunications refusent de se plier aux demandes qui leur seront faites, raisonnables ou pas? L'alinéa d.1) leur donne l'immunité. Quel intérêt auraient-elles à refuser de divulguer les données qu'on leur demande, risquant ainsi d'avoir elles-mêmes maille à partir avec les autorités?

Selon le troisième critère, la demande doit porter sur la violation — réelle ou soupçonnée — d'un accord. Là encore, ce critère ne sert à rien. Dans quelle mesure les demandes présentées aux entreprises de télécommunications devront-elles prouver qu'il y avait un accord et qu'il a été violé? Suffira-t-il qu'il soit indiqué dans la demande que tel est le cas?

En réalité, si elles sont sûres de ne pas être inquiétées lorsqu'elles divulguent les données qu'on leur demande, pourquoi les entreprises de télécommunications se soucieraient-elles le moins du monde de ce qui est dit dans la demande? Si on leur donne le choix entre divulguer les données demandées ou être trainées en justice, pourquoi refuseraient-elles d'obtempérer, puisqu'elles auraient l'immunité?

Selon le dernier critère, il doit être raisonnable de s'attendre à ce que, en informant une personne que ses données personnelles ont été divulguées, on pourrait compromettre une « enquête ». Là encore, il suffit d'affirmer dans la demande que le secret doit être gardé pour ne pas compromettre une enquête, quelle qu'elle soit. Aucune personne objective, juge ou autre, n'aura à déterminer si ce critère a été rempli ou pas. La nature circulaire et subjective de ce processus me fait penser à l'ancienne façon de faire, dans le cadre duquel il suffisait que le directeur d'un processus concurrentiel produise une lettre aux termes de l'article 10 de la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions pour forcer les entreprises privées à divulguer les documents révélant la cible d'une enquête en cours. Or, dans une affaire à laquelle le gouvernement était partie prenante, l'affaire Hunter c. Southam, la Cour suprême a invalidé cette procédure, qu'elle a jugée trop subjective et trop floue. Pour être valide, elle aurait dû faire mention d'un fonctionnaire judiciaire et d'une autorisation préalable.

Voici ce que le juge en chef Dickson, de la Cour suprême du Canada, a dit dans l'arrêt Southam à propos d'une explication semblable à celle qui est utilisée pour justifier l'insertion de l'alinéa 7(3) d.1) dans le projet de loi S-4 :

Je reconnais qu'il n'est peut-être pas raisonnable dans tous les cas d'insister sur l'autorisation préalable aux fins de valider des atteintes du gouvernement aux expectatives des particuliers en matière de vie privée. Néanmoins, je suis d'avis de conclure qu'une telle autorisation, lorsqu'elle peut être obtenue, est une condition préalable de la validité d'une fouille, d'une perquisition et d'une saisie.

Pensez-y, honorables sénateurs. Le juge en chef Dickson a insisté sur l'obtention d'une autorisation judiciaire avant qu'une entité gouvernementale puisse avoir accès à vos renseignements personnels. Dans le projet de loi S-4, nous autorisons des entités non gouvernementales, des trolls de droits d'auteur, des firmes qui menacent d'intenter des poursuites, des agences de recouvrement, bref, n'importe quelle société, à obtenir nos renseignements personnels d'un fournisseur Internet si ces entités présentent une histoire « raisonnable » à l'entreprise de télécommunications.

Cela nous engage dans la voie qu'ont empruntée nos voisins du Sud, où un jeune qui télécharge un film peut involontairement exposer ses parents au chantage de titulaires de droits d'auteur, qui leur réclament des milliers de dollars à défaut de quoi les parents s'exposent à des poursuites de millions de dollars.

Ce genre de pratique est en train de devenir une industrie au sud de la frontière.

Je ne suggère pas que nous fermions les yeux sur les violations du droit d'auteur, au contraire. Cet amendement obligerait les fournisseurs de contenu à s'adresser à un organisme judiciaire avant d'obtenir des renseignements personnels. C'est ainsi qu'il faudrait procéder.

Aux termes de l'alinéa d.1), aucun juge n'établit la véracité ou le caractère raisonnable de l'histoire que les fournisseurs de contenu présentent à un fournisseur Internet. En raison de l'immunité qui leur est accordée, les entreprises de télécommunications n'entreprendront pas de vérifications coûteuses de ces histoires. Pourquoi le feraient-elles? En modifiant l'alinéa d.1), on protégerait la vie privée des Canadiens contre les effets néfastes découlant de la divulgation non autorisée de renseignements par des tiers non gouvernementaux, dont les intérêts vont très certainement à l'encontre de ceux de l'utilisateur canadien moyen d'Internet.

De nos jours, sans le projet de loi S-4, si une entreprise privée ou une organisation non gouvernementale souhaite obtenir vos renseignements personnels d'une entreprise de télécommunications, elle dispose d'une avenue légale pour se les procurer. Dans l'affaire TekSavvy, une entreprise américaine s'est adressée à la Cour supérieure de l'Ontario et a présenté une demande en vertu de la règle 30.11 des Règles de procédure civile de l'Ontario. La règle en question prévoit ce qui suit :

Le tribunal peut, sur motion d'une partie, ordonner la production, à des fins d'examen, d'un document [...] qui se trouve en la possession [...] d'un tiers [...].

— c'est-à-dire une entité qui n'est pas partie au litige. Au Canada, la divulgation de renseignements personnels a toujours fait l'objet d'une surveillance judiciaire, et les choses devraient demeurer ainsi.

Je vous demande, chers collègues, d'appuyer un amendement qui maintient à tout le moins le statu quo, c'est-à-dire que l'immunité relative à la divulgation de renseignements s'applique uniquement aux organisations gouvernementales mais pas aux entreprises privées.

La deuxième partie de l'amendement proposé à l'étape de l'étude en comité prévoyait l'ajout du paragraphe 7(3.1). Lors des audiences tenues au sujet du projet de loi S-4, nous avons entendu le témoignage du professeur de droit Michael Geist, qui nous a parlé des demandes présentées aux entreprises de télécommunications et du nombre de fois où celles-ci ont fourni des renseignements aux organisations gouvernementales en vertu du paragraphe 7(3). En une seule année, ce sont plus de 1 million de demandes qui ont été faites, et des renseignements ont été fournis dans presque tous les cas. Le professeur Geist a expliqué qu'il aurait été impossible d'être au courant de cette situation si les entreprises de télécommunications n'avaient pas levé le voile sur ce qui se passait.

Le gouvernement libéral des années 2000 a accordé aux fournisseurs de services Internet l'immunité leur permettant de divulguer des renseignements personnels de leurs abonnés à toute organisation gouvernementale qui en fait la demande. Aucune obligation ne leur est faite d'informer les particuliers concernant la divulgation de leurs renseignements personnels. C'est ce que prévoit le paragraphe 7(3) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.

L'amendement présenté à l'étape de l'étude en comité n'abroge pas le paragraphe 7(3). Les entreprises ont toujours la possibilité de divulguer vos renseignements personnels à des organisations gouvernementales sans votre consentement et à votre insu.

Tout ce que l'amendement propose, c'est d'obliger le fournisseur de services Internet à aviser les gens dont les renseignements personnels ont été divulgués sans qu'ils le sachent. Nous réclamions simplement que ces personnes soient avisées. L'amendement a été rejeté — et sans raison. Il ne touche même pas la LPRPDE. Il ne vise qu'à informer les Canadiens sur ce que font à leur insu les fournisseurs de services Internet et le gouvernement avec leurs renseignements personnels. L'amendement met tout simplement en lumière un processus qui est autrement opaque. Il fournit aux Canadiens ce qu'il leur faut pour protéger leurs renseignements personnels.

Dans l'amendement, on demande également que les sociétés Internet indiquent au Commissariat à la protection de la vie privée le nombre de fois qu'ils ont transmis à l'insu des Canadiens des millions de renseignements personnels à des organismes gouvernementaux. Ceci permettrait à la population de savoir à quel point ce genre de chose est pratique courante.

Il ne fait aucun doute que cet amendement est bon pour le Parlement, les abonnés et, chers collègues, bon pour la démocratie.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Furey : Les Canadiens sauront ce qui se passe avec leurs renseignements personnels et le commissaire sera informé des pratiques des entreprises de télécommunications.

Sur le plan de la forme, l'amendement est solide. Adopter les dispositions qui consistent à envoyer un avis au commissaire et aux individus ne créera aucune contradiction dans le projet de loi. Cet amendement est à l'avantage de tous les Canadiens. Voilà ce qu'est le rôle du Sénat, chers collègues : améliorer les mesures législatives.

Pensons juste un instant à toutes les dispositions concernant les mandats qui existent dans les lois canadiennes. Toutes, sans exception, exigent que la personne qui fait l'objet du mandat soit avisée tôt ou tard. Le projet de loi actuel ne prévoit aucune exigence semblable.

(0930)

En ce qui concerne le projet de loi S-4, si nous n'adoptons pas cet amendement, les Canadiens respectueux des lois qui utilisent Internet ne seront pas informés que le gouvernement a demandé aux entreprises de télécommunications d'exercer une surveillance quasi gouvernementale. Le commissaire à la protection de la vie privée n'en sera pas informé lui non plus.

Chers collègues, à mon avis, cela prouve que la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques n'est pas aussi bien formulée qu'elle devrait l'être — et je parle ici d'une mesure législative du gouvernement libéral. En effet, je dois rester indépendant.

Chers collègues, je vous demande d'appuyer l'amendement que je vais proposer. Je vous demande d'accepter de rendre ce projet de loi encore meilleur pour les Canadiens.

Des voix : Bravo!

Motion d'amendement

L'honorable George J. Furey : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose que le projet de loi S-4 soit modifié comme suit :

Que le projet de loi S-4 soit modifié à l'article 6 :

a) à la page 5 :

(i) par suppression des lignes 19 à 27,

(ii) par le changement de la désignation littérale des alinéas 7(3)d.2) et d.3) à celle des alinéas 7(3)d.1) et d.2) respectivement;

b) à la page 6, par le changement de la désignation littérale de l'alinéa 7(3)d.4) à celle d'alinéa 7(3)d.3);

c) à la page 7, par adjonction, après la ligne 5, de ce qui suit :

« (14.1) L'article 7 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (3), de ce qui suit :

(3.1) Sauf disposition expressément contraire de la loi et sous réserve du paragraphe (3.2), l'organisation avise l'intéressé de toute communication de ses renseignements personnels faite au titre du paragraphe (3), ainsi que du motif de cette communication, dans les soixante jours suivant celle-ci.

(3.2) Sur demande d'une institution fédérale, la Cour peut ordonner le report de l'avis prévu au paragraphe (3.1) si elle est convaincue que l'intérêt public l'exige.

(3.3) L'organisation qui communique des renseignements personnels au titre du paragraphe (3) pendant le trimestre d'un exercice présente au commissaire, dès que possible à la fin de ce trimestre, un rapport sur le nombre de communications de renseignements personnels qu'elle a faites au titre du paragraphe (3) au cours du trimestre, dans lequel elle précise :

a) le nombre total de communications;

b) le nombre de communications faites dans chacun des cas prévus aux alinéas (3)a) à h.1);

c) pour chaque catégorie, le nombre de communications comportant les renseignements suivants :

(i) nom,

(ii) adresse,

(iii) adresse de courrier électronique,

(iv) numéro de téléphone,

(v) contenu des messages électroniques,

(vi) données informatiques,

(vii) adresse de protocole Internet,

(viii) adresse URL,

(ix) toute autre catégorie de renseignements personnels que le commissaire précise.

(3.4) Le commissaire rend public le nom des organisations qui ont présenté un rapport en application du paragraphe (3.3) ainsi que les renseignements prévus aux alinéas (3.3)a) à c) que contient ce rapport. ».

Je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Furey, avec l'appui de l'honorable sénateur Eggleton, propose que le projet de loi S-4 soit modifié à l'article 6a), à la page... Puis-je me dispenser d'en faire la lecture?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Puis-je demander aux greffiers si les sénateurs ont reçu un exemplaire de cette motion? Peut-être pourrions-nous leur en remettre un?

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Pierrette Ringuette : J'ai une question à poser.

Sénateur Furey, je vous remercie de nous avoir fourni ces explications au sujet du projet de loi S-4, car beaucoup de sénateurs ne sont pas membres du comité qui a étudié le projet de loi. Je suis un peu troublée de vous avoir entendu dire que les entreprises de télécommunications ont répondu favorablement à 1 million de demandes de renseignements personnels faites par des organismes gouvernementaux.

Pourriez-vous préciser quels sont les organismes gouvernementaux concernés et dire si la communication de ce million de renseignements confidentiels sur les Canadiens visait un objectif particulier?

Le sénateur Furey : Je vous remercie de cette question.

Pour commencer, il y a eu un peu plus d'un million de demandes de renseignements, dont quelque chose comme 800 000 ont fait l'objet d'une réponse. Or, si cette information a été mise au jour, c'est strictement parce que M. Geist l'a obtenue par un hasard de circonstances, dans le cadre d'une demande d'accès à l'information. Autrement, nous n'en aurions rien su.

Ce que je veux, c'est que, au strict minimum, le commissaire puisse révéler aux Canadiens la quantité d'information que les entreprises de télécommunications transmettent aux organismes gouvernementaux et, si nous n'adoptons pas la proposition d'amendement, aux sociétés privées. On parle strictement du nombre de demandes, pour que les Canadiens puissent bien faire le point et se dire : « L'entreprise de télécommunications A ne communique rien. L'entreprise de télécommunications B communique un million de renseignements par année. L'entreprise de télécommunications C en communique deux millions par année. Devinez laquelle je vais choisir. »

La sénatrice Ringuette : Lorsque vous avez examiné le projet de loi, a-t-il été question de sa constitutionnalité et de sa conformité à la Charte canadienne des droits et libertés?

Le sénateur Furey : Merci également de cette question. Le sujet n'a pas été traité en tant que tel, même s'il en a été question par la bande.

Je crois comprendre que la Cour suprême rendra aujourd'hui une décision sur l'obtention de renseignements sans mandat auprès des sociétés de communication en raison du fait qu'il faut obligatoirement accepter une entente pour s'abonner à Internet.

Dans l'arrêt Telus, la Cour suprême n'a pas traité de ces ententes. Il y était plutôt question des mandats généraux qu'utilisent les services de police pour obtenir de l'information. Le tribunal a statué qu'ils ne suffisent pas et que la collecte de renseignements personnels de cet ordre sur les Canadiens exigeait un mandat ciblé. Reviendra-t-il sur ce point aujourd'hui ou traitera-t-il uniquement des ententes? Seul l'avenir le dira.

L'honorable Donald Neil Plett : Merci, monsieur le Président. J'aimerais simplement faire quelques observations, si je puis me permettre.

Comme à son habitude, le sénateur Furey s'est montré raisonnable dans ses observations, tout comme il l'a été au comité. Il a proposé ces amendements au comité et, comme il l'a dit, ils ont été rejetés.

Ces amendements ont notamment été rejetés parce que le premier amendement proposé, soit la suppression des lignes 19 à 27 — ce qui aurait empêché les organisations du secteur privé de communiquer des renseignements dans le cadre d'une enquête privée — avait, à notre avis, une portée beaucoup trop grande. Ainsi, les organisations, notamment les organismes qui se réglementent eux-mêmes — et j'en ai d'ailleurs parlé au comité — ne pourraient tout simplement plus enquêter et sanctionner leurs membres en cas d'inconduite ou de faute professionnelles, et les Canadiens courraient ainsi un plus grand danger.

Le sénateur Furey a, bien entendu, parlé dans ses observations du rigoureux critère à quatre volets qui doit être respecté : la communication doit être raisonnable et être faite à une autre organisation privée — pas au gouvernement — en vue d'une enquête sur la violation d'un accord ou sur la contravention du droit; la violation doit avoir été commise, être en train d'être commise ou être sur le point d'être commise; et il doit être raisonnable de s'attendre à ce que l'obtention du consentement de la personne compromette l'enquête.

Le deuxième amendement, qui proposait de modifier des lignes à la page 7, était lui aussi, à notre avis, de trop grande portée et difficile d'application. Les organisations auraient été obligées d'inonder les gens d'avis, et on aurait ainsi miné des pratiques généralement reconnues en matière de confidentialité. Par exemple, les organisations auraient été tenues d'aviser les gens que des renseignements publics — il pourrait s'agir de répertoires de numéros de téléphone — seraient communiqués à des avocats, violant du coup le secret professionnel, ou que des renseignements seraient communiqués 20 ans après le décès de la personne ou 100 ans après que le dossier renfermant les renseignements a été créé.

(0940)

La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques oblige déjà les organismes à faire preuve de transparence au sujet de leurs pratiques de gestion des données et donne aux particuliers le droit de demander aux entreprises à qui et pourquoi elles ont transmis leurs renseignements personnels. Ce sont les arguments que j'ai présentés au comité. Je crois que, à la Chambre, lorsqu'il a été interrogé au sujet des amendements, le ministre a dit très clairement que l'opposition pourrait revenir là-dessus aux Communes. Ce projet de loi a été présenté d'abord au Sénat et sera ensuite envoyé à l'autre endroit; un rejet de ces amendements ici ne signifie donc pas qu'ils n'auront pas une deuxième chance.

J'ai suggéré au comité que nous annexions des observations à la mesure législative au lieu d'adopter les amendements. Le sénateur Furey n'a pas voulu, mais je ne crois pas qu'il lui arrive d'agir de façon déraisonnable et je ne crois pas qu'il agisse de façon déraisonnable en ce qui concerne les amendements. J'espère sincèrement que ceux-ci et d'autres seront étudiés très sérieusement à l'autre endroit et qu'ils seront acceptés s'ils sont jugés pertinents, et rejetés dans le cas contraire.

Nous décidons... Sénateur Eggleton, si vous avez des observations à formuler, vous pourrez le faire dès que j'aurai terminé. Merci.

Ce n'est toutefois pas tout le monde, au sein de notre comité, qui est aussi raisonnable que le sénateur Furey, de l'autre côté, mais lui, il l'a certainement été. Sénateur Furey sauf votre respect, j'aurais vraiment souhaité que ces observations soient formulées, mais elles ne l'ont pas été. Tout cela est derrière nous et nous devons maintenant passer à autre chose. Aujourd'hui, en tout cas, je ne peux certainement pas appuyer ces amendements, ni aucun autre, à un projet de loi qui, comme vous l'avez laissé entendre, est déjà fort satisfaisant.

Son Honneur le Président : Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question ou une observation?

La sénatrice Ringuette : Sénateur Plett, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Plett : J'accepte de répondre à une question. Ma réponse ne sera probablement pas celle que vous voulez, mais je veux bien essayer.

La sénatrice Ringuette : Je suis quelque peu surprise par votre réaction, mais je veux simplement vous poser une question sur ce que vous avez dit au début de votre intervention au sujet des sociétés. Vous avez dit qu'elles devraient avoir le droit d'accéder aux renseignements visés par ce projet de loi. Pourriez-vous nous donner quelques exemples?

Le sénateur Plett : Pourriez-vous répéter votre question?

La sénatrice Ringuette : Dans vos observations, vous avez dit que certaines sociétés devraient avoir le droit d'accéder aux renseignements détenus par ces entreprises de télécommunications au sujet de certains employés ou d'autres sujets de litige. Pourriez-vous nous donner des exemples?

Le sénateur Plett : Je crois que les meilleurs exemples seraient les grands cabinets d'avocats et les organisations professionnelles.

La sénatrice Ringuette : Qu'entendez-vous par là?

L'honorable Art Eggleton : Si vous le permettez, j'aimerais vous poser une question. Dans vos éloges au sénateur Furey, vous avez dit qu'il se montrait raisonnable et que vous étiez d'avis que les amendements avaient du mérite. C'est ce que je vous ai entendu dire. Cependant, vous avez dit qu'ils pourraient être étudiés à l'autre endroit. Qu'y a-t-il de mal à ce qu'ils soient étudiés au Sénat? Pourquoi ne pas étudier ces amendements ici même?

Le sénateur Plett : En fait, sénateur Eggleton, ils ont été étudiés, au comité et ici même. Ils ont été rejetés au comité. Nous les avons déjà étudiés.

Le sénateur Eggleton : Alors j'espère que vous les appuierez maintenant.

L'honorable Leo Housakos : Votre Honneur, je tiens à préciser que la collaboration au comité fut excellente. Nous avons eu une discussion approfondie sur le sujet. Je tiens aussi à souligner que la protection des renseignements personnels numériques sera l'une des questions les plus importantes sur lesquelles le Parlement devra se pencher au cours des prochaines décennies. La technologie évolue rapidement, et de jour en jour. Tous les gouvernements — le gouvernement actuel et ceux qui l'ont précédé — ont tenté de surmonter certaines difficultés afin de permettre aux entreprises de mener leurs activités tout en protégeant la vie privée.

Nos connaissances s'améliorent au fil du temps. La LPRPDE a été adoptée en 2000 par le gouvernement de l'époque, et elle fait partie de ces mesures qu'il faut réexaminer régulièrement. Son évolution se fait fonction de l'évolution de la technologie, comme nous l'avons souligné pendant les discussions et les débats. Notons que les amendements qui avaient été proposés ont été rejetés, pour certaines des raisons mentionnées par mon collègue.

On répète souvent que les agences gouvernementales ont présenté un million de demandes ou même plus au secteur privé, mais il faut savoir qu'il peut s'agir de demandes banales, sans importance, par exemple de confirmer le nom et l'adresse d'une personne, des renseignements qui se trouvent dans les annuaires en 2014.

Nous devons éviter qu'une mesure législative crée un processus à ce point lourd qu'il empêcherait les entreprises de fonctionner et de nous fournir les services que nous attendons d'elles, des services très simples que nous attendons des sociétés de services Interac, de cartes de crédit, d'assurance, etc.

L'une des dispositions de la LPRPDE m'apparaît particulièrement pertinente et utile étant donné les problèmes que nous examinons. Je pense ici à la partie de l'article 8 qui donne aux Canadiens le droit de demander à toute entreprise du Canada qui a accès à ses données personnelles de lui dire où elle a transmis ces données, à qui et pourquoi, et de recevoir une réponse dans les 30 jours. Aucune autre disposition n'offre aux Canadiens une protection plus complète.

La sénatrice Ringuette : Sénateur, accepteriez-vous de répondre à une question? C'est une question très simple. Le comité a-t-il vérifié si le projet de loi était constitutionnel, c'est-à-dire s'il respectait la Charte canadienne des droits et libertés?

Le sénateur Housakos : Bien honnêtement, je ne pense pas qu'il revienne à notre comité de faire une chose pareille. La Charte canadienne des droits et libertés s'applique à tous les Canadiens, et toute personne qui souhaite invoquer la Charte a parfaitement le droit de s'adresser aux tribunaux. Franchement, je ne pense pas que cette responsabilité incombe à notre comité.

La sénatrice Ringuette : Voilà qui est plutôt choquant, puisque le Sénat et ses comités se sont toujours enorgueillis de pouvoir évaluer la constitutionnalité des projets de loi et leur conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés. Or, ce projet de loi en particulier a probablement des incidences sur les libertés des Canadiens.

Si le comité ne l'a pas déjà fait, je pense qu'avant de nous prononcer sur le projet de loi ou sur des amendements, nous devrions nous réunir en comité plénier et demander à des experts de venir répondre à nos questions sur la constitutionnalité du projet de loi et sur les droits qu'ont les Canadiens en vertu de la Charte. Nous veillerions ainsi à ce que la Chambre de second examen objectif s'acquitte de son obligation d'étudier rigoureusement le projet de loi.

Le sénateur Housakos : Madame la sénatrice Ringuette, notre comité a entendu un grand nombre de témoins, y compris l'Association du Barreau canadien ainsi que des avocats. Je pense qu'ils sont bien placés pour déterminer si le projet de loi contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés d'une manière ou d'une autre. Or, pas un seul d'entre eux n'a invoqué un tel argument. La vaste majorité des témoins ont constaté qu'il s'agissait d'un très bon projet de loi. Ils ont soulevé des questions et des problèmes mineurs concernant le projet de loi. Nous en avons débattu, mais la vaste majorité des témoins, y compris l'Association du Barreau canadien, ont exprimé une opinion favorable sur le projet de loi.

La sénatrice Ringuette : Le sénateur voudrait peut-être nous résumer les observations que l'Association du Barreau canadien a faites devant le comité?

Le sénateur Housakos : Je n'ai pas les détails de leurs observations en main, mais nous avons déposé le rapport. Les témoignages sont consignés et vous pouvez les consulter. Je tenais pour acquis que nous l'avions tous fait avant de prendre part à la discussion d'aujourd'hui en vue d'adopter ce projet de loi et de nous prononcer sur les amendements. Je ne peux pas vous fournir des éléments précis des témoignages, mais je peux vous dire que les témoins se sont montrés largement favorables au projet de loi.

L'honorable Denise Batters : Ne serait-il pas normal que, à l'instar de tout autre projet de loi ministériel, celui-ci ait été soumis au ministère de la Justice pour veiller à ce qu'il soit conforme à la Charte?

Une voix : Non.

(0950)

Le sénateur Housakos : Encore là, je ne saurais dire si c'est le cas. Tout ce que je peux dire, c'est qu'un grand nombre de témoins ont comparu devant le comité, y compris l'Association du Barreau canadien, et je suis convaincu, étant donné la nature du travail des avocats dans ce pays, que s'il y avait, selon eux, le moindre problème concernant la constitutionnalité du projet de loi, ils l'auraient mentionné. Or, il n'en est rien.

[Français]

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Ma question s'adresse au vice-président du comité, le sénateur Housakos. J'aimerais continuer dans la même veine, puisque vous avez cité le témoignage du Barreau canadien.

J'ai de la difficulté à m'expliquer pourquoi le comité n'a pas accepté — parce que le comité a travaillé de façon très collaborative, comme vous le dites — l'amendement que propose le sénateur Furey, amendement qui me semble extrêmement raisonnable et qui, justement, apporte une amélioration à une loi qui touche, comme le disait la sénatrice Ringuette, une valeur canadienne fondamentale.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Comme l'a énoncé en détail mon collègue, le sénateur Plett et comme j'ai déjà dit en réponse à une question similaire, cet amendement supprime l'alinéa proposé 7(3)d.1), lequel autorise une organisation à communiquer des renseignements personnels à une autre organisation sans le consentement de l'intéressé dans des circonstances limitées liées à des enquêtes du secteur privé.

Le projet de loi S-4 propose d'abroger les dispositions en vigueur de la LPRPDE qui autorisent la divulgation de renseignements personnels aux services d'enquête sans le consentement de l'intéressé et de les remplacer par une exception autorisant les organisations à communiquer des renseignements personnels dans le contexte d'une enquête du secteur privé, et mon collègue a énuméré les quatre exemptions prévues à ce chapitre.

La sénatrice Ringuette a demandé plus tôt des exemples précis. Si Ingénieurs Canada mène une enquête interne sur les activités frauduleuses de l'un de ses membres, l'organisation doit avoir le droit de demander certains renseignements dans l'ordre du raisonnable. Si l'Association du Barreau canadien fait enquête sur un de ses membres et demande certains renseignements pertinents dans le cadre de son enquête, elle doit avoir la liberté d'obtenir, de façon raisonnable, certaines données. Lorsque l'Association des banquiers canadiens ou l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes font enquête sur des activités frauduleuses, elles doivent aussi se voir accorder la flexibilité raisonnable nécessaire pour qu'elles puissent mener leurs enquêtes et protéger les droits des citoyens qui font partie de l'autre élément de l'équation.

[Français]

La sénatrice Charette-Poulin : Je trouve très inquiétant d'entendre ce que vous dites, honorable collègue. Vous avez tout à fait raison sur le fait qu'il est de la responsabilité de certaines associations professionnelles de faire des enquêtes quand il y a suspicion d'irrégularité. C'est un droit très important. Je dis bien quand il y a suspicion d'irrégularité.

Cependant, étant donné que, dans les cabinets d'avocats, tout est fondé sur la nature même d'une relation privilégiée entre un avocat et son client, il serait tout à fait inacceptable d'ouvrir cette porte uniquement en raison d'un manque de précision raisonnable dans la loi.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Je pense que ce que nous disons n'est pas bien compris. Si l'Association du Barreau canadien enquête sur un de ses membres, l'enquête ne porte pas sur la relation avocat-client. L'enquête porte sur le comportement à titre d'avocat, et vise à savoir si le membre respecte les règles de l'association. Je pense donc que l'Association du Barreau canadien, puisque vous avez pris cet exemple, connaîtrait les limites à ne pas franchir.

Outre les règles énoncées dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, il existe des dispositions législatives fondamentales qui ont préséance sur cette loi et ce serait le cas pour la mesure législative proposée.

Le sénateur Furey : Sénateur Housakos, comme vous soulevez la question de certains organismes comme les barreaux, je mentionne que les organismes d'autoréglementation sont régis par beaucoup de règlements. C'est le cas d'une foule d'associations qui disposent de plusieurs moyens pour enquêter sur leurs membres.

Je dis simplement que cet amendement ne leur enlèvera rien de tout cela. En revanche, il empêchera les entreprises privées d'obtenir sans mandat de l'information qu'elles n'ont pas à divulguer au Canadien ordinaire. En proposant cet amendement, nous ne voulions pas diminuer de quelque manière que ce soit la capacité de ces organismes à faire ce qu'ils ont à faire.

Le sénateur Housakos : Sénateur Furey, je comprends le but de l'amendement et je n'étais pas complètement fermé à cette idée, comme vous le savez. Nous en avons discuté et j'en ai discuté avec le ministère.

Cependant, nous devons aussi tenir compte du fait que, peu importe les amendements et les recommandations que nous proposons, ils ne peuvent être généraux au point d'être inapplicables et de créer une charge administrative inutile dans le secteur privé.

Nous devons être conscients parfois de ce que cela implique concrètement pour les entreprises. Prenons deux compagnies d'assurance, par exemple, qui devraient communiquer parce qu'elles en auraient l'obligation, parce qu'elles ont chacune un client qui fait une demande de réclamation. Elles devraient chacune se confirmer le nom et l'adresse de l'assuré ou simplement confirmer que l'assuré est bien un de leurs clients.

Pouvez-vous imaginer la situation si nous obligions les entreprises canadiennes à informer les citoyens du moindre échange de données les concernant? Les entreprises canadiennes se retrouveraient dans une situation invraisemblable, où elles consacreraient tout leur temps à informer leurs clients qu'elles ont reçu un appel et qu'elles ont confirmé qu'ils étaient bel et bien leurs clients.

Nous devons également faire preuve de vigilance et permettre au secteur privé d'exercer ses activités de façon raisonnable tout en assurant la protection des données, ce que fait déjà la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, je crois, si on l'examine attentivement. C'est pour cette raison que, à notre avis, l'ajout de cet amendement au projet de loi aurait eu pour effet d'en élargir un peu trop la portée et de le rendre concrètement inapplicable.

Le sénateur Furey : Comme vous êtes d'accord, sénateur Housakos, pour dire que nous ne pouvons faire preuve d'une ouverture totale au point de permettre à des chasseurs de brevets de harceler les familles canadiennes, vous semblez dire que l'amendement, si sa portée avait été moins large, aurait été satisfaisant à vos yeux. Est-ce ce que je dois comprendre?

Le sénateur Housakos : Absolument. Je crois que l'amendement va un peu plus loin qu'il le devrait.

La sénatrice Ringuette : Le sénateur Housakos pourrait-il préciser la réponse qu'il a donnée à l'une des questions qui lui ont été posées? Il a répondu que nous ne pouvons imposer une charge administrative inutile au secteur privé en l'obligeant à signaler aux Canadiens que des renseignements personnels les concernant sont divulgués.

Êtes-vous en train de dire que certains de vos collègues et vous-même êtes prêts à sacrifier la protection des renseignements personnels des Canadiens pour éviter au secteur privé de devoir se plier à des formalités administratives?

Le sénateur Housakos : Ce n'est pas du tout ce que nous préconisons. Si vous lisez attentivement les dispositions du projet de loi, vous constaterez qu'elles vont plus loin que toutes les mesures législatives antérieures portant sur les fuites de données et la protection des renseignements personnels des Canadiens. C'est la raison pour laquelle nous obligeons actuellement les entreprises à déclarer, dans la mesure du possible, les fuites de données.

Comme vous le voyez, les sanctions que nous prévoyons dans cette mesure législative modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques sont plus sévères que jamais. Elles vont jusqu'à 100 000 $ par fuite de données. Je ne mentionnerai pas d'entreprise en particulier, mais pouvez-vous imaginer ce qui arriverait si une entreprise gérant des centaines de millions de fichiers personnels sur des dizaines de millions de gens perdait ou compromettait les données d'un million de ses clients et qu'elle devait payer 100 000 $ d'amende pour chacun de ces cas?

Par ailleurs, je crois que nous sous-estimons la responsabilité sociale de plusieurs grandes entreprises canadiennes du secteur des banques ou des télécommunications. Elles sont allées très loin en matière de divulgation des renseignements personnels. Actuellement, de nombreuses entreprises canadiennes sont proactives et, lorsqu'il s'agit d'informer leurs clients des atteintes aux données, elles prennent des mesures beaucoup plus strictes que ce que la loi exige.

Selon moi, il est donc irresponsable de laisser entendre que le projet de loi ne fait rien pour protéger les renseignements personnels des Canadiens. En fait, il va beaucoup plus loin que toutes les mesures législatives antérieures, et nous en sommes très fiers.

(1000)

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables collègues, je suis grandement préoccupée par certaines des remarques qui ont été faites dans le cadre de ce débat. Je ne suis pas spécialiste de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. J'ai siégé à des comités qui ont examiné quelques-uns de ses éléments, mais j'ai toujours cru que cette loi pourrait être quelque peu renforcée.

Je crois que le sénateur Furey a présenté des arguments fort convaincants à l'appui de ses amendements, mais j'ai été très surprise d'entendre le sénateur Housakos affirmer que ce n'est pas le travail de son comité d'évaluer la constitutionalité des mesures législatives qui lui sont soumises. J'ai été presque aussi surprise d'entendre le sénateur Plett suggérer que ce n'est pas au Sénat, mais à la Chambre des communes, d'apporter des amendements aux projets de loi. Je ne sais pas si c'est que vous aviez l'intention de dire, sénateur Plett, mais c'est l'impression que vos propos ont donnée.

Nous débattons ici d'un projet de loi qui provient du Sénat. Évaluer la constitutionnalité de toute mesure législative dont nous sommes saisis est notre obligation la plus fondamentale. Nous savons tous que tout gouvernement doit demander au ministère de la Justice d'évaluer la constitutionnalité de chaque projet de loi qu'il présente, et plus particulièrement sa conformité à la Charte des droits et libertés. Nous savons également que le seuil utilisé par le ministère n'est pas, disons, très élevé.

Il y a eu des indications très convaincantes selon lesquelles le ministère de la Justice se contente de dire que, si cette mesure législative devait faire l'objet d'une contestation devant les tribunaux, il serait possible de soutenir que la mesure législative est constitutionnelle. Il semble peu important pour lui de savoir si cet argument survivrait à un examen judiciaire. Il se soucie seulement de la possibilité d'invoquer cet argument.

C'est peut-être utile pour le gouvernement en place de savoir cela, mais à quoi servons-nous au juste? Quel est notre rôle, si ce n'est d'examiner très attentivement chacun des projets de loi dont nous sommes saisis pour déterminer s'il répond aux critères constitutionnels pertinents? Nous commettons parfois des erreurs; nous adoptons parfois des projets de loi, et les tribunaux nous informent plus tard — parfois à notre grande honte — qu'ils ne sont pas constitutionnels. Cependant, nous devrions au moins essayer de déterminer s'ils sont constitutionnels ou non. Si ce n'est pas au comité, où devrions-nous tenter de faire cela?

Chers collègues, nous devrions vraiment réfléchir très sérieusement à ces questions, car, si notre rôle n'est pas de faire cela, je me demande bien en quoi il consiste exactement.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je ne souhaite pas prononcer de discours sur cette question, mais les motifs invoqués par le sénateur Furey sont bien fondés, et ses propos sur la jurisprudence sont tout à fait exacts. En outre, ses observations aujourd'hui sur le fait que la Cour suprême du Canada prendra une décision sur cette question sont aussi tout à fait justes.

Il est important de prendre note des constatations de la Cour suprême du Canada dans le cas de TELUS qui, comme le sénateur Furey l'a souligné, portait sur l'utilisation d'un mandat général. Un mandat général doit être utilisé en conformité avec les dispositions de l'article 47.01 du Code criminel. Il s'agit d'un mandat extraordinaire, en ce sens qu'il permet de faire ce qu'aucun autre mandat prévu au Code criminel ne permet de faire.

En vertu de ce mandat, on cherchait à faire en sorte que les messages texte envoyés par la personne visée par l'enquête et enregistrés par TELUS soient à l'avenir copiés et communiqués à la police. La Cour suprême du Canada a statué que l'utilisation d'un mandat prévu au Code criminel autre que le mandat autorisant l'interception de communications privées aux termes de l'article 186 du Code criminel serait illégale.

Nous ne savons pas encore ce que sont les exigences relatives aux documents que possède déjà TELUS. Ce que la preuve dans cette affaire a démontré — et je l'ai lue très attentivement, car je ne connais pas grand-chose aux messages texte, n'utilisant jamais cette fonction —, c'est que chaque fois que des messages texte sont envoyés, TELUS les conserve à des fins de contrôle de la qualité dans son ordinateur principal à Toronto pendant une période minimale de 30 jours.

Quand on examine l'article 186 du Code criminel, on constate que ces sociétés peuvent intercepter les communications privées et les conserver aux fins de contrôle de la qualité. Le jury doit donc déterminer quel type de mandat est nécessaire pour obtenir les messages textes qui sont conservés pour les besoins du contrôle de la qualité. Tous les messages textes de TELUS sont conservés à cette fin. Si la société reçoit une ordonnance de communication de documents — comme celle qui a récemment visé des sénateurs sur la Colline du Parlement —, elle gardera les enregistrements qu'elle conserve aux fins de contrôle de la qualité jusqu'à ce que la cour ordonne la production de documents, c'est-à-dire qu'elle émette l'ordonnance de communication.

La décision que nous devons prendre aujourd'hui revêt une grande importance pour l'affaire dont nous sommes saisis. Le sénateur Furey dit simplement qu'il voudrait qu'on ajoute la disposition qui existe à l'article 186 du Code criminel concernant l'interception de communications privées. Cette disposition prévoit que la personne visée par le mandat en soit informée dans les trois mois — le sénateur a parlé de 60 jours, mais la disposition prévoit trois mois — période qui peut être prolongée par un juge dans certaines affaires.

Donc, en matière d'interception de communications privées, il faut informer la personne qui a été mise sur écoute qu'elle a fait l'objet d'une telle surveillance. J'ai lu le libellé de ces avis et ils sont très généraux. La personne qui reçoit un tel avis se demande bien de quoi il s'agit. Elle consulte alors un avocat, et doit débourser des frais, pour que l'avocat lui dise qu'il ne sait pas ce que cela signifie.

À la suite des changements récemment apportés au Code criminel par le Sénat dans le cadre des dispositions antiterroristes, la période d'avis a été prolongée à un an pour toutes les personnes dont les communications sont interceptées.

Ce que j'essaie de dire, c'est que le sénateur Furey nous présente une demande raisonnable. Il dit que, puisque l'interception des communications privées doit être faite conformément aux dispositions générales sur les mandats et aux dispositions sur le terrorisme, nous avons l'obligation de fournir un avis et d'allouer une certaine période de temps. Il propose donc d'adopter cette façon de faire dans ce cas, s'il est question de l'utilisation des renseignements personnels.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Le vote porte sur l'amendement proposé par l'honorable sénateur Furey, avec l'appui de l'honorable sénateur Eggleton. Des copies de la motion ont été distribuées.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs. La sonnerie retentira pendant 30 minutes et le vote aura lieu à 10 h 40.

(1040)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Furey
Campbell Hervieux-Payette
Chaput Hubley
Charette-Poulin Kenny
Cools Massicotte
Cordy Mitchell
Cowan Munson
Dawson Ringuette
Day Robichaud
Dyck Smith (Cobourg)
Eggleton Watt—23
Fraser

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk Martin
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Bellemare Meredith
Beyak Mockler
Black Nancy Ruth
Boisvenu Neufeld
Buth Ngo
Carignan Oh
Champagne Patterson
Dagenais Plett
Demers Poirier
Doyle Rivard
Eaton Runciman
Enverga Seidman
Fortin-Duplessis Seth
Frum Smith (Saurel)
Gerstein Stewart Olsen
Greene Tannas
Housakos Tkachuk
Lang Unger
LeBreton Verner
Maltais Wallace
Marshall Wells—48

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Nolin—1

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte maintenant sur le projet de loi S-4 à l'étape de la troisième lecture.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Débat. Le sénateur Cowan a la parole.

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Peu de temps avant la sonnerie à la conclusion du débat sur l'amendement du sénateur Furey, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l'affaire Spencer. Certains sénateurs ont pu y jeter un coup d'œil, mais nous n'avons pas eu le temps de l'examiner attentivement. Or, elle semble avoir un impact sur la question à l'étude.

Il serait conforme au principe du second examen objectif de prendre la fin de semaine pour nous familiariser avec la décision et de poursuivre le débat à l'étape de la troisième lecture lundi. Les leaders des deux côtés du Sénat se sont entretenus; mon amie, la sénatrice Martin, en parlera brièvement.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

Fixation de délai—Adoption de la motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je voudrais informer le Sénat que j'ai pu en venir à une entente avec la leader adjointe de l'opposition pour fixer un délai à l'étude du projet de loi S-4. Par conséquent, je propose :

Que, conformément à l'article 7-1 du Règlement, le débat de troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence, tel que modifié, se poursuive le lundi 16 juin 2014, et que toutes questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi soient mises aux voix et tout vote par appel nominal demandé ait lieu avant l'ajournement du Sénat ce jour-là.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, dans les circonstances, le Règlement prévoit que la motion soit mise aux voix immédiatement. Comme cela est conforme à l'article 7-1(3), je vais mettre la question aux voix.

(1050)

L'honorable sénatrice Martin propose, avec l'appui de l'honorable sénatrice Fraser :

Que, conformément à l'article 7-1 du Règlement, le débat de troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et une autre loi en conséquence, tel que modifié, se poursuive le lundi 16 juin 2014, et que toutes questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi soient mises aux voix et tout vote par appel nominal demandé ait lieu avant l'ajournement du Sénat ce jour-là.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Une voix : Avec dissidence.

Son Honneur le Président : Il en est ainsi ordonné, avec dissidence.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais clarifier notre position à la suite de la déclaration du leader de l'opposition.

Nous avons accepté que cet article de l'ordre du jour soit ajourné jusqu'à lundi, à cause de cette décision. Il ne faudrait pas que l'opposition interprète ce geste de notre part comme signifiant que cette décision a un impact sur le projet de loi. L'étude préliminaire, au contraire, nous démontre que la décision n'a pas d'impact et elle confirme notre point de vue à ce sujet. C'est uniquement par souci de favoriser une bonne entente et pour permettre aux sénateurs de l'opposition d'étudier de façon plus approfondie cette décision que nous avons accepté ce compromis. Ce n'est donc pas parce que nous pensons que cela modifie le projet de loi, au contraire.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Traduction]

La Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada — Terre-Neuve
La Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wells, appuyée par l'honorable sénatrice Beyak, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada — Terre-Neuve et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et d'autres lois, et comportant d'autres mesures.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'aimerais simplement faire quelques observations. Je serai bref.

Fait intéressant, la déclaration que vient de faire le sénateur Carignan il y a quelques minutes est digne de ce que dirait tout procureur de la Couronne qui se respecte en présence d'une décision de la Cour suprême. Cela donnera cependant l'occasion aux sénateurs et au gouvernement de prendre vraiment connaissance de la décision de la Cour suprême.

Honorables sénateurs, nous en sommes à l'étape de la troisième lecture d'un projet de loi d'initiative ministérielle très important que tous devraient appuyer.

Avant de formuler quelques observations générales — je doute fort d'arriver jusque-là —, je tiens à dire que le sénateur Wells, le parrain du projet de loi à l'étude, est, parmi tous les parlementaires, la personne toute désignée pour accomplir cette tâche. En effet, le sénateur Wells a été président-directeur général adjoint de l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. De tout temps, il a été délégué du Canada à l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest pour défendre les eaux internationales au large de la côte Est du Canada dans des négociations internationales. Il connaît intimement le sujet du projet de loi dont nous sommes saisis à l'étape de la troisième lecture.

Selon moi, un seul homme au pays en sait plus que le sénateur Wells sur la santé et la sécurité des travailleurs extracôtiers. Il est l'un des meilleurs juristes de Terre-Neuve-et-Labrador et a siégé à la Cour suprême 22 ou 23 ans. Boursier Rhodes, membre du barreau de l'Angleterre et diplômé de l'Université Oxford, il représente de brillante façon le barreau canadien auprès des organismes internationaux de défense des droits de la personne.

Cet homme a dirigé la commission d'enquête chargée d'examiner les faits entourant un accident d'hélicoptère survenu en direction d'une plate-forme de forage ayant causé 17 morts. Ces travaux suivaient une autre enquête sur le naufrage d'une plate-forme de forage où 84 personnes ont péri. Vingt-neuf recommandations sont ressorties de la commission d'enquête dirigée par cette personne qui est la seule à en savoir plus que le sénateur Wells. Elles sont toutes incluses, à quelques exceptions près je crois, dans cet énorme projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Cette personne qui en connaît davantage que le sénateur Wells s'appelle Robert Wells. Vous vous demandez peut-être si des liens de parenté unissent ce grand juriste de Terre-Neuve-et-Labrador et le sénateur. Eh bien, cette personne qui possède la plus grande expertise sur le sujet à l'étude est nul autre que le père du sénateur Wells.

D'une part, vous avez un commissaire qui s'est penché sur les mesures de sécurité qui devraient être instaurées pour protéger les Canadiens qui travaillent sur les plateformes de forage dans les zones extracôtières et qui assurent le transport des ressources, et, d'autre part, vous avez une personne qui a travaillé en étroite collaboration avec l'industrie extracôtière et qui a parrainé un projet de loi au Parlement du Canada visant la mise en œuvre de ses mesures de sécurité.

Je tenais tout d'abord à féliciter le sénateur Wells, car il était la personne tout indiquée pour instaurer les mesures de sécurité qui ont été recommandées dans le rapport de la commission d'enquête que présidait le juge Robert Wells. C'était mon premier point.

Je tiens en second lieu à parler du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a étudié le projet de loi au Sénat. Je tiens à saluer le président, le sénateur Neufeld; le vice-président, le sénateur Mitchell; le sénateur Boisvenu; le sénateur Massicotte; le sénateur Patterson; le sénateur Sibbeston; le sénateur MacDonald; la sénatrice Ringuette; le sénateur Wallace; le sénateur Black; et, enfin, la sénatrice Seidman. Il s'agit tous de gens remarquables. Ils ont beaucoup fait pour le Canada et les Canadiens avant de devenir sénateurs.

Je sais que le président du comité, le sénateur Neufeld, a été pendant plusieurs années ministre de l'Énergie de la Colombie-Britannique. Dans le cadre de ses fonctions, il a d'ailleurs fait faire un examen scientifique de l'exploitation du pétrole et du gaz dans les zones extracôtières. Ancien politicien, c'est un être d'exception. Qui aurait cru qu'un politicien puisse se faire élire sous trois bannières politiques différentes comme l'a fait le sénateur Neufeld? Cela en dit long sur la politique en Colombie-Britannique. Il a d'abord été élu en tant que créditiste, puis il a pour ainsi dire mené la vague du Parti réformiste qui a déferlé dans cette province. Je ne crois pas que ma mémoire me fasse défaut à ce sujet. Par la suite, puisqu'il ne pouvait, bien entendu, pas se faire élire en tant que conservateur, il a rejoint les rangs des libéraux...

Des voix : Bravo!

Le sénateur Baker : ... du premier ministre Campbell, et il a occupé la fonction de ministre de l'Énergie pendant quatre ans. Ses liens avec les réformistes étaient, je suppose, ce qui le caractérisait jusqu'à cette époque, mais voici ce qui est vraiment remarquable à son sujet si on le compare aux autres politiciens canadiens. Peu importe pour quel parti le sénateur Neufeld s'est présenté, il a toujours obtenu plus de 50 p. 100 des votes. Imaginez : se présenter à des élections successives contre cinq, six ou sept autres candidats et obtenir chaque fois plus de 50 p. 100 des voix en se présentant chaque fois pour un parti différent! Cela en dit long sur l'homme.

(1100)

Le sénateur Mitchell, vice-président du comité, a un parcours politique presque aussi remarquable. Il a été chef du Parti libéral de l'Alberta et a siégé à l'assemblée législative de cette province pendant une douzaine d'années. Impressionnant, n'est-ce pas?

Une voix : Ils demandent encore un recomptage.

Le sénateur Baker : Il est comme le sénateur Wells. C'est un athlète extraordinaire. Il est ce qu'on appelle un « Ironman ». Il est dans une forme physique extraordinaire, tout comme le sénateur Wells, qui fait de l'alpinisme et qui a gravi toutes les grandes montagnes du monde.

Parmi les autres membres du comité, nous comptons deux anciens premiers ministres provinciaux : les sénateurs Patterson et Sibbeston. Je pourrais les nommer tous et dire quelque chose du remarquable parcours de chacun d'eux et des raisons pour lesquelles ils se distinguent sur la scène politique canadienne.

Si je fais cela, c'est parce qu'il s'agit d'un rapport de comité et que, comme nous le savons, la Cour suprême du Canada s'est récemment prononcée sur le Sénat. Elle a parlé de « second regard attentif » et de « représentation des régions », mais elle a précisé ce qui suit, dans une phrase qui se trouve au paragraphe 15 de son jugement :

Cette règle d'égalité visait à assurer aux régions que leurs voix continueraient de se faire entendre dans le processus législatif, même si elles devenaient minoritaires au sein de l'ensemble de la population canadienne.

Autrement dit, la Cour suprême a parlé d'un second regard attentif sur le processus législatif relatif aux projets de loi. Je tiens à signaler la mention « nous soulignons », ajoutée par la Cour suprême à la fin du paragraphe 58 au sujet du rôle du Sénat, parce qu'elle n'est pas sans rapport avec les allocutions que j'ai entendues récemment ici au sujet des changements nécessaires et des raisons pour lesquelles nous n'adoptons pas les amendements à certains projets de loi.

Lorsqu'on ajoute les mots « nous soulignons » dans une décision ou dans toute autre déclaration, ce n'est pas sans raison. On le fait pour faire ressortir quelque chose qui revêt une importance exceptionnelle. La Cour suprême du Canada a ajouté les mots « nous soulignons » à la fin du paragraphe 58, dans une citation de sir John. A. Macdonald. Voici ce qu'elle souligne :

Un sénat dont les membres sont nommés aurait pour rôle de « modérer et [de] considérer avec calme la législation de l'assemblée...

— l'assemblée, c'est la Chambre des communes —

... et [d']empêcher la maturité de toute loi intempestive ou pernicieuse passée par cette dernière, sans jamais oser s'opposer aux vœux réfléchis et définis des populations » [...]

Et voici les mots que la Cour suprême a soulignés :

[...] sans jamais oser s'opposer aux vœux réfléchis et définis des populations [...]

On comprend que la population exprime ses vœux le jour du scrutin.

Honorables sénateurs, je crois que c'est un point très important. Le Sénat remplit très bien son rôle. Il amende des projets de loi. Je peux fournir divers exemples. Prenons la Loi électorale du Canada : lorsque nous avons procédé à l'étude préalable, les sénateurs Plett et Frum y ont proposé des amendements substantiels. Quand on a entendu, en fin de semaine, que le Sénat proposait des amendements au projet de loi, c'était une bonne nouvelle. Le gouvernement avait initialement affirmé qu'il n'en envisagerait aucun. Le ministre en a parlé publiquement. J'étais content, parce qu'il a dit qu'il devrait examiner attentivement tout ce que les sénateurs recommandent puisque ce sont des gens intelligents qui ont un riche bagage, ce qui est parfaitement vrai.

Tout d'un coup, le chef de l'opposition à l'autre endroit s'est demandé pourquoi il fallait tenir compte des amendements du Sénat, alors que les amendements proposés à l'autre endroit avaient été rejetés. C'est donc le Sénat qui, au terme d'une étude minutieuse, a proposé les principaux amendements au projet de loi. Les sénateurs n'ont pas simplement proposé des amendements à l'aveuglette. Ils les ont plutôt proposés après avoir étudié la question correctement.

J'aimerais donner un exemple pour montrer à quel point le rôle du Sénat est important. Nous avons récemment entendu des sénateurs dire que le Sénat devait changer de telle ou telle manière. Jour après jour, lorsque je lis des décisions qui ont fait jurisprudence au pays, qu'elles aient été rendues par des organismes quasi judiciaires, des comités de discipline, des commissions du travail, ou tout organisme responsable d'appliquer la loi canadienne — on peut les lire en format électronique grâce aux services offerts par Westlaw, Carswell ou Quicklaw —, je me rends compte à quel point le Sénat joue un rôle essentiel.

J'aimerais citer quelques déclarations concernant les sénateurs et leurs comités, faites il y a deux semaines, qui illustrent ce que j'ai voulu dire lorsque j'ai parlé de l'excellent travail des comités du Sénat. J'aimerais lire trois phrases tirées de trois décisions différentes qui ont été rendues au cours des dernières semaines.

Commençons par une citation de la Cour suprême de Nouvelle-Écosse, qui donnera le ton pour les deux autres citations. Je vais citer le paragraphe 103 de la décision Carswell NS380, 2014. Le juge Chipman dit avoir examiné les rapports admis comme éléments de preuve pour la véracité de leur contenu, et ceux qui doivent être étayés par des éléments de preuve supplémentaires. Il a résumé la décision de la Cour suprême, et voici un extrait très intéressant du paragraphe 103 :

Plusieurs tribunaux se sont ensuite fondés sur la décision rendue dans l'affaire Robb. Les tribunaux canadiens ont déclaré fermement que des documents tels que...

— il donne ici la liste des documents que les tribunaux examinent souvent —

... les rapports des commissions royales, les rapports d'enquête publique, les rapports de la commission des plaintes du public contre la GRC, les rapports des comités sénatoriaux et les rapports d'un ombudsman [...]

Il indique ensuite si ces documents seraient considérés faire foi de leur contenu et admis en tant que preuve.

Lorsqu'on consulte la liste des rapports importants examinés par les tribunaux, les rapports des comités sénatoriaux sont mentionnés encore et encore.

Voyons par exemple l'affaire Ross c. Ross, qui a fait l'objet de la décision Carswell Ontario, 5284, 2014. Il s'agit d'une cause de divorce, dans laquelle il a été question de l'étude menée par un comité sénatorial sur les changements apportés à la Loi sur la faillite. Il s'agissait du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. La décision a été rendue par le juge Cornell, de la Cour supérieure de l'Ontario. Apparemment, M. Ross avait déclaré faillite. Les discussions portaient sur sa libération de faillite, la différence entre une libération et une libération absolue, les conditions de la libération absolue et leur incidence sur la prestation alimentaire versée au conjoint en cas de divorce.

Voici ce qu'a dit le juge Cornell au paragraphe 39 de sa décision. Il cite une décision rendue peu de temps avant par la Cour suprême du Canada :

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a aussi examiné d'autres modifications relatives au partage des biens familiaux.

C'était l'un de ces examens quinquennaux. Chaque comité doit, à un moment donné, procéder à un examen quinquennal des mesures législatives, quoique certains de ces examens se font plutôt tous les 10 ans ou, dans certains cas, tous les 2 ans. C'était donc pour l'un de ces examens quinquennaux.

(1110)

Il renvoie au rapport intitulé Examen de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies du comité, qui recommande que la LFI, c'est-à-dire la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, soit modifiée de sorte que :

[...] la faillite ne suspende ni n'éteigne de réclamation au titre de l'égalisation ou de la division de l'actif exempté en vertu des lois provinciales ou territoriales pertinentes.

Au paragraphe suivant, il cite la Cour suprême du Canada et dit ceci :

Le temps est venu pour le législateur d'intervenir et de veiller à assurer l'harmonie et éviter les contradictions entre le droit de la faillite et le droit de la famille.

Voilà un exemple où la Cour suprême du Canada et la Cour supérieure de l'Ontario renvoient au rapport de l'examen de la loi effectué par le Comité des banques et à une recommandation formulée par ce comité. Vous ne verriez jamais un tel renvoi à un comité de la Chambre des communes, parce que ce n'est pas le rôle de ces comités.

Permettez-moi de vous donner un exemple plus intéressant. Il s'agit d'une décision rendue il y a deux semaines dans l'affaire Chowdhury c. Canada, dont la référence est Carswell Ontario, 5568, 2014, et dans laquelle on renvoie à un autre comité sénatorial, où John Baird est venu témoigner au sujet de la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers. Certains membres de ce comité ici présents sauront sans doute de quoi je parle. La cour étudie ce qui s'est dit au comité sénatorial. Voici la position de la Couronne dans cette affaire, que l'on trouve au paragraphe 47 de la décision :

La Couronne invoque également un témoignage entendu par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international dans le cadre de son étude du projet de loi modificatif prévoyant l'ajout de l'article 5 à la LCAPE.

C'est-à-dire la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, si je ne m'abuse. Le juge poursuit en disant :

Le conseiller juridique d'Affaires étrangères et Commerce international a indiqué au comité...

Ici, vous avez le juriste du ministère qui dit au comité :

Ce projet de loi s'applique aux Canadiens, aux résidents, aux entreprises et aux membres canadiens de ces entreprises.

Il continue, mais je ne le citerai pas au complet. C'est le représentant du ministère de la Justice. Puis, il a mentionné le principe du lien important avec le Canada.

Le tribunal dit ceci :

Si la mention d'un lien important avec le Canada était une allusion au critère tiré de l'arrêt Libman, alors, en tout respect, j'estime que ce commentaire confond la compétence sur l'infraction et la compétence sur la personne, comme je l'ai déjà expliqué.

Puis, le tribunal ajoute ce qui suit :

Le problème ici semble avoir été abordé plus directement par le ministre des Affaires étrangères lorsqu'il a dit au comité :

M. Baird : Toutefois, s'ils ne sont pas résidents canadiens, ils ne sont pas citoyens canadiens non plus, et il est donc très difficile de leur mettre la main au collet.

Il continue, puis le tribunal dit ce qui suit :

Il semble que le ministre était d'avis que les ressortissants étrangers n'étaient pas visés par la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers, que le Canada n'aurait pas de pouvoir sur eux et qu'il appartiendrait à leur pays d'accueil de déterminer s'il allait les traduire en justice.

Au paragraphe suivant, toutefois, le juge parle de notre ministère de la Justice, lorsqu'il dit ceci :

La Couronne est d'avis qu'une telle interprétation permettrait au demandeur de mener ses activités en toute impunité.

Nous avons donc un cas avec deux témoins qui ont comparu devant notre comité ici, au Sénat : des juristes et le ministre. Le ministre a été plus clair que les juristes, mais voilà que la Couronne avance l'argument contraire pour pouvoir engager des poursuites. Tout cela est arrivé devant ce comité du Sénat.

Je pourrais citer de nombreux exemples qui prouvent que c'est aux comités que l'on doit une bonne partie de l'excellent travail qu'accomplit le Sénat. Certaines personnes croient que l'on devrait réformer le Sénat, mais sa principale fonction demeure l'étude et l'évaluation des lois du pays et, qu'il s'agisse des tribunaux, des organismes quasi judiciaires ou de n'importe quelle autre entité chargée d'évaluer les lois canadiennes, le Code criminel ou les lois étrangères, tous se fient aux comités du Sénat. C'est vers le Sénat qu'ils se tournent, invariablement. C'est encore plus vrai aujourd'hui qu'il y a une dizaine d'années, parce que la Chambre des communes est de plus en plus politique. Le second examen objectif des mesures législatives auquel nous nous livrons est de si bonne qualité que les tribunaux et l'ensemble des instances judiciaires du pays consultent le Sénat pour connaître l'interprétation qu'il convient de faire des dispositions législatives en vigueur. Je crois qu'il serait bon de ne pas l'oublier.

Si j'avais une recommandation à faire, Votre Honneur, quant aux changements à apporter à la procédure, je proposerais que les comités du Sénat fassent systématiquement rapport au Sénat des témoignages qu'ils entendent et des sujets qu'ils traitent. Je ne sais pas toujours à quoi s'occupent les comités auxquels je ne siège pas, mais je suis sûr que les sujets sur lesquels ils se penchent sont fascinants. Je crois donc que tout cela devrait être intégré aux travaux du Sénat, conformément aux paramètres établis dans la décision de la Cour suprême du Canada.

Oui, nous pouvons modifier les procédures du Sénat afin que, le jour où nos débats seront télévisés, les téléspectateurs n'auront pas autant l'impression d'assister à une joute politique que lorsqu'ils regardent les débats de la Chambre des communes. Bref, laissons de côté la partisanerie si on veut que les gens puissent regarder les délibérations du Sénat à la télévision. Et si nous devions renommer la période des questions « période réservée à l'étude des travaux des comités », je crois que nous remplirions mieux notre rôle. Je crois aussi que ce serait bien si nos travaux étaient télévisés, parce que les Canadiens verraient tout ce que nous voyons lorsque nous étudions les lois du Canada dans le but de les faire respecter et de les faire appliquer. Ils constateraient que le Sénat remplit son rôle et qu'il le remplit très bien. Ne l'oublions jamais.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Projet de loi de crédits no 2 pour 2014-2015

Deuxième lecture

L'honorable JoAnne L. Buth propose que le projet de loi C-38, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi à l'étude aujourd'hui, soit le projet de loi de crédits no 2 pour 2014-2015, prévoit l'octroi du reste des crédits figurant au Budget principal des dépenses de 2014-2015, qui a été renvoyé au Sénat le 4 mars 2014.

Comme le gouvernement demande au Parlement de lui accorder le pouvoir de dépenser des fonds publics, il lui présente un budget des dépenses afin d'étayer ses demandes. Le Budget principal des dépenses détaille l'information relative aux autorisations de dépenses budgétaires et non budgétaires, et le Parlement doit ensuite adopter des projets de loi de crédits afin d'autoriser les dépenses en question.

Le Budget principal des dépenses de 2014-2015 prévoit des dépenses budgétaires de 235,33 milliards de dollars et une diminution de 10,02 milliards de dollars des dépenses non budgétaires.

(1120)

Les 235,33 milliards de dollars en dépenses budgétaires incluent les frais de gestion de la dette publique, les dépenses de fonctionnement et d'immobilisations, les paiements de transfert aux autres ordres de gouvernement, à des organisations ou à des particuliers, et les paiements aux sociétés d'État.

Ce Budget principal des dépenses appuie la demande que le gouvernement a présentée pour obtenir du Parlement l'autorisation de dépenser 86,28 milliards de dollars conformément à des autorisations de programme dont le Parlement doit approuver chaque année les dépenses maximales. Le reste, soit 149,05 milliards de dollars, est affecté à des postes législatifs déjà approuvés par le Parlement. Les prévisions détaillées ne sont fournies qu'à titre informatif.

La diminution de 10,02 milliards de dollars des dépenses non budgétaires correspond à une augmentation de 0,03 milliard de dollars en autorisations de dépenses votées et à une diminution de 10,05 milliards de dollars des dépenses législatives approuvées précédemment par le Parlement.

Les dépenses non budgétaires — prêts, placements et avances — sont des dépenses qui correspondent à des modifications de la composition des actifs financiers du gouvernement du Canada.

La partie I présente la comparaison entre le Budget principal des dépenses de 2014-2015 et le Budget principal des dépenses de 2013-2014.

Le total des postes votés dans le Budget principal des dépenses de 2014-2015 s'élève à 86,31 milliards de dollars. De ce montant, la Loi de crédits no 1 pour 2014-2015 demandait l'autorisation de dépenser 24,82 milliards de dollars. La Loi de crédits no 2 pour 2014-2015, elle, demande l'autorisation de dépenser le reste, soit 61,49 milliards de dollars.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer ce projet de loi.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques observations concernant le projet de loi C-38. Je félicite la sénatrice Buth d'avoir présenté si succinctement le contexte. J'accepte tous les chiffres qu'elle a présentés.

Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que c'est la dernière étape du processus d'affectation des crédits. Nous adoptons les crédits provisoires en mars et ensuite nous étudions le Budget principal des dépenses. En fait, nous continuons l'étude du Budget principal des dépenses durant toute l'année. À chaque étape, nous présentons un rapport provisoire. Nous avons présenté un rapport provisoire en mars pour l'affectation des crédits provisoires. Ensuite, nous avons publié un deuxième rapport provisoire que j'ai présenté au Sénat il y a quelques jours. J'ai alors parlé des ministères dont nous avions étudié le budget et qui demandaient des fonds, ou un budget accru.

En deux mots, nous avons présenté le deuxième rapport intérimaire et, maintenant, nous étudions le projet de loi C-38, qui porte sur l'ensemble des crédits. Comme les sénateurs s'en souviendront, les crédits provisoires visaient une période de trois mois. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui porte sur les crédits visant les neuf derniers mois, soit la période allant jusqu'à la fin de l'exercice 2015, qui se termine le 31 mars.

Je tiens à souligner que ce projet de loi, qui porte sur l'ensemble des crédits totalisant 61,5 milliards de dollars et qu'on est sur le point de vous demander d'adopter, renferme deux annexes. Il s'agit d'autoriser les dépenses, si nécessaire, afin que des chèques puissent être faits conformément aux règles du Conseil du Trésor. Ce dernier libelle les chèques qui sont envoyés aux ministères et organismes. Nous allons accorder notre consentement général en fonction des renseignements que nous avons en main à l'heure actuelle.

Le projet de loi renferme deux annexes. La première porte sur l'ensemble des crédits qui sont destinés à un certain nombre de ministères et organismes et qui totalisent 57,8 milliards de dollars pour l'année financière en cours. Les sommes autorisées en vertu de ce pouvoir doivent être dépensées au cours de la présente année financière.

Certains ministères et organismes obtiennent des crédits répartis sur deux ans, c'est-à-dire qu'ils disposent d'une période de deux ans pour dépenser les fonds qui leur sont impartis. Il s'agit de ministères et d'organismes qui, en raison de la nature même de leurs activités, ont besoin d'une période plus longue pour dépenser les crédits qui leur sont accordés.

À la page 63 du projet de loi, vous pouvez voir le nom de ces organismes. Les trois organismes en question, l'Agence des services frontaliers du Canada, l'Agence du revenu du Canada et l'Agence Parcs Canada, se verront accorder une période de deux ans pour dépenser les fonds que nous sommes sur le point d'autoriser ici. Il s'agit d'un montant total de 1,24 milliard de dollars.

Honorables sénateurs, je vous ai présenté des renseignements de base sur ce document particulier. Compte tenu de l'importance de ce projet de loi et du fait qu'il est différent d'un projet de loi ordinaire, une étude préalable a déjà été réalisée sur la destination des crédits et un rapport nous a été remis pour que, une fois saisis du projet de loi — comme vous pouvez le constater, le projet de loi C-38 est très court —, nous connaissions déjà en détail son contenu. Ainsi, nous sommes mieux placés pour dire « oui » ou « non » au moment de voter sur le projet de loi de crédits.

Par ailleurs, nous ne renverrons pas le projet de loi au comité, comme on le fait habituellement après la deuxième lecture. Le projet de loi ne comporte, de toute façon, que deux ou trois articles, qui portent en fait sur l'annexe du document. Il passera directement à l'étape de la troisième lecture. Lorsque le vote à l'étape de la deuxième lecture aura eu lieu, nous passerons à l'étape de la troisième lecture, et nous compléterons probablement cette étape à la prochaine séance.

C'est une particularité de ces deux projets de loi de crédits. Je dis « deux » parce que nous serons saisis de l'autre projet de loi aussitôt que nous aurons adopté celui-ci.

C'est une question de confiance, et une question de grande importance pour le gouvernement. Le gouvernement — c'est-à-dire l'exécutif, le Cabinet — demande au Parlement d'autoriser des dépenses de 61,5 milliards de dollars jusqu'à la fin de l'exercice.

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

La sénatrice Buth : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5b) du Règlement, je propose que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.

L'honorable Anne C. Cools : Pourriez-vous nous expliquer pourquoi il faudrait entreprendre aujourd'hui l'étape de la troisième lecture?

La sénatrice Buth : Nous passons maintenant à l'étape de la troisième lecture parce que l'étape de la deuxième lecture est terminée. Le projet de loi n'a pas besoin d'être renvoyé au comité. Nous avons déjà reçu le rapport sur le Budget principal des dépenses.

La sénatrice Cools : Je sais tout cela.

La sénatrice Buth : Nous pouvons maintenant passer à l'étape de la troisième lecture. Si quelqu'un souhaite demander l'ajournement du débat, il peut le faire. Je ne suis pas disposée à intervenir à l'étape de la troisième lecture.

La sénatrice Cools : Vous ne pouvez refuser de répondre à la question. Vous demandez la permission de passer immédiatement à l'étape de la troisième lecture. Or, si nous vous demandons pourquoi et quelle est l'urgence, vous devez nous répondre.

La sénatrice Buth : J'ai répondu.

La sénatrice Cools : Il n'y a aucune urgence. Elle vient de dire que l'étape de la deuxième lecture est terminée. Je vais demander l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président intérimaire : Nous n'avons pas le consentement. Le consentement n'a pas été accordé. C'est aussi simple que cela.

L'honorable sénatrice Buth propose, avec l'appui de l'honorable sénatrice Unger, que la troisième lecture du projet de loi soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Buth, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi de crédits no 3 pour 2014-2015

Deuxième lecture

L'honorable JoAnne L. Buth propose que le projet de loi C-39, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi à l'étude aujourd'hui, le projet de loi de crédits no 3 pour 2014-2015, prévoit l'octroi de crédits rattachés au Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2014-2015 et demande au Parlement d'approuver des dépenses votées de 2,4 milliards de dollars.

Ces dépenses étaient prévues dans le plan des dépenses que le ministre des Finances a présenté dans son budget de février 2014.

(1130)

Le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2014-2015 a été déposé au Sénat le 15 mai 2014 et renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il s'agit du premier Budget supplémentaire des dépenses pour l'exercice en cours qui se terminera le 31 mars 2015.

Ce Budget supplémentaire des dépenses traduit une augmentation de 2,4 milliards de dollars des dépenses budgétaires, dont 2,4 milliards de dollars en crédits votés et 11,4 millions de dollars en dépenses législatives.

Le montant de 2,4 milliards de dollars en crédits votés doit être approuvé par le Parlement. Il comprend des postes budgétaires comme 499,2 millions de dollars de financement pour le Fonds canadien pour la création d'emplois, y compris pour la subvention canadienne pour l'emploi, budget fédéral de 2013; 253,7 millions de dollars pour l'exploitation, l'entretien et la réparation des structures fédérales de Montréal, budget fédéral de 2014, Les Ponts Jacques-Cartier et Champlain Inc.; 200 millions de dollars pour le fonctionnement de PPP Canada et pour l'affectation de montants provenant du Fonds PPP Canada, budget fédéral de 2013; 195 millions de dollars pour répondre aux besoins de fonctionnement afin de respecter l'engagement du gouvernement d'assurer l'approvisionnement en isotopes médicaux et de faciliter la transition des laboratoires nucléaires, budget fédéral de 2014, Énergie atomique du Canada limitée; 195 millions de dollars pour la prolongation du Programme des responsabilités nucléaires héritées en vue de continuer de contrôler et de réduire les risques et les responsabilités aux sites d'Énergie atomique du Canada limitée; 142,2 millions de dollars de financement pour le Nouveau Fonds Chantiers Canada, budget fédéral de 2013; 136,3 millions de dollars pour le renouvellement du plan d'action pour l'approvisionnement en eau potable et le traitement des eaux usées des Premières Nations, budget fédéral de 2014; 133,6 millions de dollars pour la consolidation du Haut-commissariat du Canada à Trafalgar Square, à Londres; 127,7 millions de dollars destinés à l'évaluation, à la gestion et à l'assainissement des sites contaminés fédéraux, Affaires indiennes et du Nord canadien; 119,8 millions de dollars pour la construction d'un nouveau pont sur le Saint-Laurent, budget fédéral de 2014.

Nouveaux postes : 101,6 millions de dollars pour les besoins supplémentaires en matière de pensions, VIA Rail Canada Inc.; 95 millions de dollars d'aide financière à la province de Québec pour l'aider à assumer les coûts de décontamination engagés à la suite de l'explosion provoquée par le déraillement de train survenu à Lac-Mégantic, au Québec.

Le Budget supplémentaire des dépenses comprend également une augmentation de 11,4 millions de dollars des dépenses budgétaires législatives que le Parlement avait approuvées antérieurement. Les rajustements des dépenses législatives prévues sont indiqués uniquement à titre informatif et sont attribuables au régime d'avantages sociaux des employés.

La Loi de crédits no 3 pour 2014-2015 demande l'autorisation du Parlement afin de dépenser une somme de 2,4 milliards de dollars à titre de dépenses votées.

Honorables sénateurs, je vous demande d'appuyer ce projet de loi.

L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord remercier la sénatrice Buth de sa présentation relative au projet de loi C-39, c'est-à-dire les crédits pour le Budget supplémentaire des dépenses (A).

Les chiffres que la sénatrice Buth vient de citer sont les mêmes que ceux que j'ai présentés hier dans le cadre du rapport que notre comité a produit, après avoir étudié le Budget supplémentaire des dépenses (A) que nous avons reçu. Nous avons procédé à l'étude du budget et produit un rapport qui résume toutes les dépenses demandées, ou du moins toutes celles que nous avons étudiées et sur lesquelles nous avons pu nous pencher.

Il y a une chose dont je n'ai pas parlé hier et je pense qu'il s'agit d'une innovation intéressante ajoutée par la sénatrice Buth. Elle a fait le lien entre les dépenses qui figurent dans le Budget supplémentaire des dépenses et le moment où ces dépenses ont été introduites dans le budget. Parmi les dépenses, il y en a deux ou trois, dont celle que j'ai notées rapidement. Je n'arrive pas à me relire, mais l'une d'entre elles venait du budget de 2013. Je sais que le budget de 2014 figurera dans le Budget supplémentaire des dépenses, je l'ai d'ailleurs expliqué hier. En effet, le Budget principal des dépenses est élaboré en même temps que le budget, qui est lui-même un document secret. Les initiatives du budget que le gouvernement décide de lancer ne peuvent pas être incluses dans le Budget principal des dépenses jusqu'à ce que les décisions soient prises. Or, les deux documents sont publiés en même temps.

Nous comprenons pourquoi le gouvernement présente un Budget principal des dépenses suivi de trois Budgets supplémentaires des dépenses, qui couvrent les postes budgétaires qui n'ont pas été étoffés au moment de la présentation du premier budget. Nous comprenons le processus.

Je comptais adresser ma question à la sénatrice Buth, mais je pense qu'il serait préférable de l'adresser au Conseil du Trésor. Pourquoi une initiative annoncée il y a un an et demi dans le budget de 2013 se retrouverait-elle dans un budget supplémentaire plutôt que dans le Budget principal des dépenses de 2014? À mon avis, les budgets supplémentaires devraient être le moins volumineux possible. Il est préférable de ne pas y inscrire trop de postes. Le Budget principal des dépenses devrait brosser un très bon portrait des initiatives prévues pour l'année.

La présence, dans les Budgets supplémentaires des dépenses, d'un certain nombre de postes qui figuraient dans les budgets présentés il y a plus d'un an m'amène à me demander quel est le problème, mais nous y reviendrons, honorables sénateurs.

Vous vous souvenez du rapport qui a été déposé hier : en l'occurrence, selon mes estimations, il est question de 2,5 milliards de dollars; selon celles de la sénatrice Buth, de 2,4 milliards de dollars. Lorsqu'on parle de milliards de dollars, le fait d'arrondir à un dixième de point de pourcentage représente quand même beaucoup d'argent.

Je propose que vous considériez que la somme qu'on nous demande d'approuver s'élève à 2,5 milliards de dollars. Comme vous pouvez le constater, on nous demande d'autoriser le gouvernement à dépenser, jusqu'à la fin de l'exercice, 61,5 milliards et 2,5 milliards de dollars.

On peut encore s'attendre à deux autres budgets supplémentaires des dépenses : le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui couvre les postes qui n'ont pas encore été étoffés, et le Budget supplémentaire des dépenses (C), qui fait un dernier ménage à la fin de l'année. Le budget (C) est souvent très peu volumineux, comme il se doit; le budget (B) l'est parfois un peu plus, dépendamment des initiatives inscrites dans le budget de l'année auxquelles le gouvernement souhaite donner suite.

Comme l'autre projet de loi de crédits que nous venons d'examiner, le Budget supplémentaire des dépenses (A) fera l'objet d'un vote de confiance envers le gouvernement, et c'est sous cet angle que ces projets de loi doivent être envisagés.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Permettez-moi d'indiquer officiellement et à l'intention de la sénatrice Buth que, si notre parti a refusé de consentir à ce que le Sénat passe immédiatement à l'étape de la troisième lecture du projet de loi et s'il compte refuser encore de consentir à toute nouvelle demande de cette nature, ce n'est pas parce que nous remettons en question le bien-fondé du projet de loi. C'est tout simplement parce que, comme il n'y a pas urgence, il nous semble préférable de ne pas suspendre l'application des règles.

Je tiens à ce qu'elle sache que nous ne contestons pas du tout la qualité de son travail. Je n'ai entendu à ce sujet que des éloges, et quand je vous entends parler au Sénat, madame la sénatrice Buth, je vois bien pourquoi. Beaucoup de gens regrettent énormément que vous ayez pris la décision de quitter le Sénat. Vous y faisiez du très bon travail.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur le Président intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Buth, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1140)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du sixième rapport du comité

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (nomination du légiste et conseiller parlementaire du Sénat), présenté au Sénat le 12 juin 2014.

L'honorable George J. Furey propose que le rapport soit adopté.

— Je serai bref, honorables sénateurs. Je tiens à féliciter Michel Patrice de sa nomination à titre de nouveau légiste du Sénat.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Furey : Son prédécesseur, M. Mark Audcent, laissera une marque profonde au sein de cette institution. Il a servi les sénateurs et le Sénat de façon remarquable et il correspond en tout point à l'idée que l'on se fait d'un employé modèle du Sénat.

Je vous assure, Mark, que Michel travaille très fort — ce que vous savez d'ailleurs fort bien pour l'avoir côtoyé au cours des dernières années — et qu'il fera de son mieux pour atteindre les normes extrêmement élevées que vous avez établies.

Félicitations, Michel.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, j'aimerais signaler la présence à la tribune de l'ancien légiste du Sénat, Me Mark Audcent. Il est accompagné de notre nouveau légiste, Me Michel Patrice.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le Sénat

Motion tendant à décerner la citoyenneté canadienne d'honneur à Mme Asia Bibi—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P.,

Que le Sénat du Canada rappelle au gouvernement du Pakistan l'urgence de libérer sans délai Madame Asia Bibi, femme chrétienne détenue arbitrairement pour ses croyances religieuses;

Que le Sénat du Canada déclare son intention de voir la citoyenneté canadienne d'honneur décernée à Madame Asia Bibi et son intention de voir le Canada lui accorder asile avec sa famille à sa libération si elle en fait la demande;

Qu'un message soit envoyé à la Chambre des communes pour lui demander de faire front commun avec le Sénat aux fins de ce qui précède.

L'honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat à mon nom.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Greene, le débat est ajourné.)

Banques et commerce

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada ainsi que le respect des lois et des principes de tous les accords commerciaux—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Tardif,

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada ainsi que le respect des lois et des principes de tous les accords commerciaux applicables, en accordant une attention particulière aux importations de volaille de réforme et de poulet, notamment :

a) l'application de droits et de quotas aux produits dont la classification comprend les mélanges, préparations et kits alimentaires ainsi que la possibilité que ces produits échappent aux lois et aux principes des accords commerciaux applicables, en particulier aux quotas d'importation;

b) la réglementation applicable aux droits et quotas d'importation établis par le ministère des Finances;

c) l'interprétation et l'application des règles et règlements de l'Agence des services frontaliers du Canada;

d) la surveillance des produits qui constituent des mélanges, des préparations et des kits alimentaires;

e) la réciprocité de la réglementation américaine en ce qui a trait aux importations canadiennes similaires;

Que le comité formule des recommandations sur la prise de mesures réglementaires et législatives afin d'assurer l'équité du système pour les Canadiens;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 27 juin 2014, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant les 180 jours suivant le dépôt de son rapport final.

L'honorable Stephen Greene : Je demande l'ajournement au nom du sénateur Maltais.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous ne pouvez pas demander l'ajournement au nom du sénateur Maltais, car il a déjà demandé qu'on ajourne le débat à son nom. Par contre, vous pouvez demander l'ajournement, sénateur Greene. Vous pouvez le proposer à votre nom.

Le sénateur Greene : Je serai heureux de demander l'ajournement à mon nom.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Greene, le débat est ajourné.)

La Cour suprême du Canada

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 3 juin 2014 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur :

a) le code constitutionnel et les pratiques d'indépendance judiciaire, les concepts juridiques et politiques inscrits dans la Constitution, en particulier dans les articles 96 à 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 qui prévoient le statut constitutionnel des juges des cours supérieures du Canada ainsi que le devoir des chambres du Parlement de les protéger et de superviser l'indépendance judiciaire et la justice proprement dite;

b) la situation publique troublante dans laquelle la représentante vice-royale de Sa Majesté, qui est également la distinguée juge en chef de la Cour suprême du Canada, la très honorable Beverley McLachlin, C.P., a été placée par suite des insinuations injustes et injustifiées de certaines personnes au cabinet du premier ministre, insinuations qui ont déformé les actions appropriées de la juge en chef dans un entretien téléphonique avec le très respecté procureur général Peter MacKay, entretien qui avait pour objet son observation adéquate et fidèle des dispositions de la loi concernant la sélection et l'admissibilité des trois juges du Québec, conformément à l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême du Canada;

c) sur l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême, qui est très clair et qui prévoit que :

Au moins trois des juges sont choisis parmi les juges de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure de la province de Québec ou parmi les avocats de celle-ci;

d) sur les insinuations et déformations indésirables, qui ont eu pour effet d'exposer la juge en chef à des controverses et à des bouleversements désagréables, dont les risques potentiels ont obligé la Cour, en la personne de son adjoint exécutif juridique, M. Owen Rees, à faire une déclaration pour clarifier les choses et confirmer que la juge en chef avait agi selon son devoir, déclaration qui a été accueillie favorablement par le public;

e) sur la diligence de Madame la juge McLachlin dans son rôle de juge en chef et sur le principe bien établi selon lequel tous les fonctionnaires judiciaires et tous les avocats ont l'obligation, s'ils en ont connaissance, de prendre les mesures qui s'imposent pour prévenir les manquements à la loi ainsi que les torts et erreurs juridiques.

— Honorables sénateurs, j'interviens dans le cadre de mon interpellation au sujet de Beverley McLachlin, C.P., juge en chef de la Cour suprême du Canada, et de la manière dont ce tribunal doit réagir à certains agissements dérogatoires. En mai dernier, les médias ont fait grand bruit du fait que certains membres du cabinet du premier ministre avaient insinué que la juge en chef avait indûment sollicité une rencontre avec le premier ministre dans le dossier de la nomination abusive du juge Marc Nadon, de la Cour fédérale, à titre de troisième juge du Québec à la Cour suprême, le tribunal où elle siège.

(1150)

Ces insinuations ont tellement entraîné de hauts cris que ce fut comme un électrochoc au sein de la population. Pour clarifier les faits, la cour s'est sentie obligée de publier, le 1er mai, un bref communiqué de presse qui a été bien accueilli. Je tiens d'ailleurs à citer la déclaration de M. Owen Rees, adjoint exécutif juridique, au sujet des démarches louables qui avaient été entreprises pas la juge en chef.

POUR DIFFUSION IMMÉDIATE

En réponse à certaines informations rapportées dans les médias, le cabinet de la Juge en chef du Canada, la très honorable Beverley McLachlin, C.P., diffuse la déclaration suivante.

Il n'y a à aucun moment eu quelque communication que ce soit entre la juge en chef McLachlin et le gouvernement au sujet d'instances devant les tribunaux. Voici les faits pertinents :

Le 22 avril 2013, par courtoisie, la Juge en chef a rencontré le Premier Ministre afin de lui remettre la lettre annonçant le départ à la retraite du juge Fish. Comme c'est l'habitude dans de telles occasions, la Juge en chef et le Premier Ministre ont discuté des besoins de la Cour suprême du Canada.

Le 29 juillet 2013, dans le cadre du processus habituel de nomination, la Juge en chef a rencontré le comité parlementaire au sujet de la nomination du successeur du juge Fish. Elle a fait part au comité de ses vues concernant les besoins de la Cour suprême.

Le 31 juillet 2013, le cabinet de la Juge en chef a téléphoné au bureau du ministre de la Justice et au chef de cabinet du Premier Ministre, M. Novak, pour signaler une possible difficulté relativement à l'admissibilité des juges des Cours fédérales à occuper un des postes de juge de la Cour suprême réservés au Québec. Plus tard le même jour, la Juge en chef a parlé avec le ministre de la Justice, M. MacKay, pour lui signaler cette possible difficulté. Le cabinet de la Juge en chef a également exploré de façon préliminaire la possibilité d'organiser un appel ou une rencontre avec le Premier Ministre, mais la Juge en chef a en définitive décidé de ne pas procéder à un appel ou à une rencontre.

La Juge en chef n'a eu aucun autre contact avec le gouvernement à ce sujet.

La juge en chef a déclaré ce qui suit : « Vu les possibles répercussions de la question pour la Cour, je souhaitais m'assurer que le gouvernement était au fait de la difficulté touchant l'admissibilité. Je n'ai à aucun moment exprimé quelque opinion que ce soit quant au fond de la question de l'admissibilité. Selon la coutume, les juges en chef sont consultés durant le processus de nomination, et il n'y a rien d'inopportun à soulever une possible difficulté susceptible d'influer sur une éventuelle nomination. »

Pour de plus amples renseignements, veuillez joindre :

Owen M. Rees

Adjoint exécutif juridique

Téléphone : (613) 996-9296

Honorables sénateurs, troisième dans l'ordre des préséances, la juge en chef est hautement respectée en tant que juge, vice-reine et suppléante du gouverneur général. Par les Lettres patentes de 1947 constituant la charge de gouverneur général, le roi George VI a décrété qu'elle était notre administratrice, soit la personne qui, en cas d'absence du Canada ou d'incapacité du gouverneur général, remplit les fonctions de représentante de Sa Majesté. L'article VIII établit ce qui suit :

Et Nous déclarons, par les présentes, qu'il Nous plaît que, en cas de décès, incapacité, renvoi ou absence de Notre gouverneur général hors du Canada, tous et chacun des pouvoirs et attributions qui lui sont ici accordés doivent, jusqu'à ce que Notre nouveau plaisir y soit signifié, être dévolus à Notre juge en chef du Canada [...] ou, en cas de décès, d'incapacité, de renvoi ou d'absence hors du Canada de Notre juge en chef, ensuite au juge alors le plus ancien de la Cour suprême du Canada [...]. Ledit juge en chef ou juge le plus ancien [...], tant qu'il sera investi desdits pouvoirs et attributions, sera appelé Notre administrateur.

En vertu de la Constitution, notre administrateur dispose des pouvoirs qui lui permettent de révoquer les premiers ministres et les gouvernements; de la même façon, dans les provinces, les juges en chef agissent à la place des lieutenants gouverneurs.

Honorables sénateurs, offenser la juge en chef, c'est offenser l'administration de la justice et la reine, la magistrate suprême et la source de la justice, de la miséricorde et de l'honneur. Commandant en chef des Forces armées canadiennes, elle est à la tête du gouvernement, de l'État et du Parlement.

À la page 149 du livre I de son ouvrage intitulé Commentaries on the Laws of England, William Blackstone dit du souverain et des Chambres du Parlement qu'elles forment ensemble :

[...] le corps politique suprême du Royaume, dont on dit que le roi est caput, principium, et finis.

La reine est la tête, le début et la fin. Je cite la partie III de la Loi constitutionnelle de 1867, qui porte sur le pouvoir exécutif. L'article 9 dit ceci :

À la Reine continueront d'être et sont par la présente attribués le gouvernement et le pouvoir exécutifs du Canada.

Honorables sénateurs, la reine détient le pouvoir d'actualisation de la Constitution. Toute loi est soumise à son consentement. Comparer le gouverneur général à un automate est pure malice, puisque c'est en son nom que la juge en chef exerce le pouvoir absolu de la souveraine.

Le devoir d'allégeance et d'indépendance judiciaire du Sénat, Chambre haute du Parlement où s'exerce le pouvoir royal, lui commande d'appuyer et de protéger la juge en chef. La juge en chef McLachlin s'est acquittée correctement de son devoir en conseillant le gouverneur général et ses ministres au sujet de certaines questions juridiques touchant la nomination des juges à sa cour. Elle a le devoir et le droit de s'entretenir, en temps opportun, avec le ministère au sujet de l'administration de la justice et des besoins de la cour. Elle a le devoir de conseiller le premier ministre au sujet des candidatures soumises au gouverneur général en vue d'une nomination à sa cour. Parfois, elle se charge elle-même de la nomination.

Un principe de droit commande à tous les fonctionnaires judiciaires et aux avocats de prendre des mesures préventives lorsqu'ils sont informés de certains faits pouvant donner lieu à un préjudice sur le plan juridique ou judiciaire. La juge en chef a réagi avec dignité et sang-froid face à une attaque injuste et sans précédent que certaines personnes malavisées ont commise contre sa personne et l'intégrité de la cour. Le maintien des relations cordiales et de la courtoisie constitutionnelle entre les ministres de la Couronne, les procureurs généraux et la juge en chef est essentiel à l'ordre social. Le procureur général est attornatus rex, c'est-à-dire procureur du roi, et, parmi les trois conseillers juridiques de la Couronne, il assume les fonctions les plus importantes.

La Loi sur le ministère de la Justice de 1868 a été rédigée par sir John A. Macdonald, qui était à la fois le premier procureur général et le premier premier ministre du Canada. Cette loi confiait à une même personne les rôles de procureur général et de ministre de la Justice. L'article 2.(2) se lit comme suit :

Le ministre est d'office procureur général de Sa Majesté au Canada; il occupe sa charge à titre amovible et assure la direction et la gestion du ministère.

J'ai beaucoup d'estime et de respect pour le ministre de la Justice et procureur général du Canada, Peter MacKay. Les sénateurs ont le devoir, dans un esprit d'indépendance judiciaire, de protéger et de respecter les juges et le juge en chef. La communauté juridique a elle-même signalé son appui, les présidents des associations du barreau, les doyens des facultés de droit et des associations de procureurs y allant de déclarations publiques.

Honorables sénateurs, aux débuts du Canada, il n'y avait pas de législation sur l'indépendance judiciaire des juges, un fondement de la liberté. Les juges étaient alors actifs en politique; ils faisaient partie de législatures et de conseils exécutifs. Les réformistes ont livré une dure bataille pour promouvoir l'idée d'un gouvernement responsable et indépendant sur le plan judiciaire. Le soutien de lord Durham a grandement aidé leur cause.

Cet enjeu se trouvait au cœur des préoccupations lors de la Conférence de Québec de 1864. Les Pères de la Confédération se sont entendus sur ce principe. Ils ont convenu qu'il fallait une cour d'appel générale et d'autres cours, devenues depuis la Cour suprême du Canada et la Cour fédérale. Soixante-douze résolutions ont été adoptées à la Conférence de Québec, la plupart ayant été rédigées par le procureur général de l'Ouest canadien, John A. Macdonald. Ces résolutions, amendées et retravaillées, allaient devenir l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867.

Joseph Pope a publié ces résolutions dans son livre de 1895, Confederation : being a series of hitherto unpublished documents bearing on the British North America Act. Les résolutions de Québec numéro 31 à 37 et 29.(34) décrivent les éléments judiciaires décidés par les Pères de la Confédération. Ces éléments ont été repris dans les articles 96 à 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, partie VII, sous le titre « Judicature ». Ces dispositions forment la loi sur l'indépendance judiciaire. Elles répondent à une impulsion politique semblable à celle des lois sur les accords établies en 1689 et 1701 après la guerre civile des États-Unis, qui définissaient les relations entre le roi, le Parlement et les juges, les institutions coordonnées prévues dans la Constitution.

En 1875, le nouveau Parlement du Canada a adopté l'Acte pour établir une Cour suprême et une Cour d'Échiquier pour le Canada, en vertu de l'article 101, qui dit notamment ceci :

Le Parlement du Canada pourra [...] adopter des mesures à l'effet de créer [...] une cour générale d'appel pour le Canada, et établir des tribunaux additionnels [...].

Honorables sénateurs, ces articles de la partie « Judicature » sont nés de l'accord sur la création de la fédération, les résolutions de Québec. Les Pères ont prudemment tenu compte du droit civil français du Québec, de la langue française et du partenariat complet dans le nouveau Canada, et ont façonné en conséquence l'administration de la justice dans leur nouvelle constitution. Leur intention était que les cours créées en vertu de l'article 101 soient des instances supérieures, dont les juges seraient des juges d'instance supérieure et qui, à l'instar des juges de cours supérieures créées en vertu de l'article 96, seraient nommés par le gouverneur général. Leur intention était que les juges des cours du dominion, à l'instar des juges des cours supérieures maintenues, soient choisis parmi les membres des barreaux respectifs des provinces. Très important.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 a édicté que la magistrature incarnerait l'accord sur la création de la fédération, y compris le droit civil, les usages et la langue française uniques au Québec, par le choix de ses juges. Notez bien l'emploi du mot « choisis » à l'article 98. Intitulé « Choix des juges dans Québec », cet article dit ce qui suit :

Les juges des cours de Québec seront choisis parmi les membres du barreau de cette province.

Chers collègues, cela correspond à la 35e résolution de Québec, que je vous lis :

Les juges des cours du Bas-Canada seront choisis parmi les membres du barreau du Bas-Canada.

De même, l'article 97, intitulé « Choix des juges dans Ontario, etc. », dit notamment ce qui suit :

[...] les juges des cours de ces provinces qui seront nommés par le gouverneur-général devront être choisis parmi les membres des barreaux respectifs de ces provinces.

C'est donc un concept universel en ce qui a trait au choix des juges.

(1200)

Honorables sénateurs, les Pères de la Confédération ont créé et défini deux pouvoirs distincts : le pouvoir de nomination et le pouvoir de sélection. Si vous prêtez attention, vous remarquerez que ces termes sont expliqués et reviennent constamment dans les textes de loi et dans le système. Leur intention était que les juges, à titre personnel et comme civilistes, incarnent la fédération dans l'exercice de leurs fonctions.

Chers collègues, les Pères de la Confédération ont réalisé notre union fédérale et ont conçu sa loi fondatrice, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, à un moment où un échec constitutionnel, une guerre civile destructrice et la menace d'une annexion aux États-Unis nous menaçaient. C'est là tout le génie de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et de ses auteurs. J'aimerais en parler davantage. Leur œuvre constitutionnelle est la plus fantastique qui ait jamais existé.

Leur plan constitutionnel était que le Québec et ses habitants — comme mon cher ami, le sénateur Nolin —, ses habitants donc, sa langue et le droit civil soient à jamais consacrés dans nos institutions fédérales. Ils ont fait la même chose pour les sénateurs.

L'article 14 des résolutions de Québec dit ceci :

Les premiers conseillers législatifs fédéraux seront pris dans les conseils législatifs actuels des diverses provinces, [...]

L'idée d'une sélection se retrouve aussi dans la Loi constitutionnelle de 1982, à l'alinéa 42.(1)b), qui définit la façon de modifier :

b) les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des sénateurs

Honorables sénateurs, la Constitution du Canada est un cadre conceptuel unique et cohérent depuis 1759, ce qui se constate à l'unité de ses articles qui prescrivent comment sélectionner les personnes pour des nominations à vie, principalement les juges et les sénateurs, qui servent à vie, sous réserve de révocation motivée.

La résolution 11 de la Conférence de Québec prévoit ce qui suit :

Les conseillers législatifs seront nommés à vie [...]

Chers collègues, les Pères de la Confédération choisissaient avec soin les personnes à qui ils accordaient le droit à vie d'occuper certaines fonctions, une indépendance unique accordée en vertu de la Constitution par lettres patentes par la reine, maintenant jusqu'à l'âge de 75 ans. Cette forme de nomination était réservée aux titulaires d'une charge dans l'administration de la justice, qui, par leur rôle unique, ne pouvaient déléguer leur travail.

Les juges ne peuvent donner à d'autres la tâche de rendre des jugements, tout comme les sénateurs ne peuvent déléguer à d'autres celle de voter. En vertu du droit à vie réservé à certaines fonctions, ou du mandat à vie, la fonction est considérée comme une parcelle de terre franche. Ce droit tire son origine de la common law féodale, en vertu de laquelle la tenure et la tenance associées à la terre et aux fonctions sont détenues pendant un certain temps, comme la terre, mais ne sont pas la terre à proprement parler.

Le jugement rendu en 1573 par la division du Banc du Roi dans l'affaire Walsingham est clair. On peut lire ce qui suit à la page 9 :

[...] la terre à proprement parler est une chose, et le domaine sur cette terre en est une autre, parce que le domaine sur la terre correspond à un moment sur la terre, ou à la possession d'une terre pendant un moment. Les domaines sont très divers, et ne correspondent à rien de plus qu'à la diversité du temps [...].

Cette déclaration, qui date de plusieurs centaines d'années, est des plus brillantes.

Honorables sénateurs, sir William Blackstone a consigné le jugement dans ses Commentaires sur les lois anglaises, en quatre volumes. Dans le deuxième volume, qui date de 1766, il traite à la page 20 du droit à vie réservé à certaines fonctions et du mandat à vie. Blackstone se penche sur les héritages, du latin hereditas, qui sont des types de propriété dont on peut hériter.

Il existe deux types d'héritage : corporel et incorporel. L'héritage corporel est la terre à proprement parler. L'héritage incorporel, quant à lui, repose sur les droits, immatériels, issus de la terre et annexés à celle-ci, mais qui ne sont pas la terre elle-même. Il comprend les fonctions et les dignités.

À la page 328, Blackstone dit ceci :

Les héritages incorporels sont de dix sortes[...] : les patronages, les dîmes, les droits de communaux, ceux de passage, les offices, les dignités, les franchises ou privilèges, les corodies ou pensions, les annuités, et les autres espèces de rentes.

Honorables sénateurs, détenir une charge, ou un office, est le cinquième type d'héritage incorporel et les dignités sont le sixième. À la page 357, Blackstone écrit ce qui suit :

Les offices, qui donnent le droit d'exercer un emploi public ou particulier [...] sont aussi des héritages incorporels, soit publics, comme les offices des magistrats, soit privés, comme ceux des baillis, des régisseurs ou intendants, des receveurs, etc. Car un homme peut avoir un office en propriété, soit à lui et à ses héritiers, soit à vie, ou pour un nombre d'années, ou seulement à volonté; avec cette exception cependant que les offices de confiance publique, spécialement s'ils concernent l'administration de la justice, ne peuvent être concédés pour un nombre fixe d'années...

J'aimerais avoir quelques minutes de plus.

Des voix : D'accord.

La sénatrice Cools : Merci, honorables sénateurs. Je poursuis :

... ne peuvent être concédés pour un nombre fixe d'années; parce qu'alors il serait possible qu'ils retombassent à des exécuteurs testamentaires ou à des administrateurs [...] mais il n'en est pas ainsi des offices ministériels ou consistant dans l'exécution, parce qu'ils peuvent être remplis par un suppléant, un député.

On découvre ici que les termes anglais « hold office » et « officeholder » étaient anciennement liés au concept de propriété. Quant au mandat à vie des juges, l'article 99 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, intitulé « Durée des fonctions des juges », indique que :

[...] les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite [...]

De la même façon, l'article 29, intitulé « Sénateurs nommés à vie », dit :

[...] un sénateur occupe sa place au Sénat sa vie durant [...]

Honorables sénateurs, « durant bonne conduite » signifie à vie, bien que la limite se situe maintenant à 75 ans pour des raisons liées à la santé mentale. Cette expression vient de l'Acte d'établissement de 1701 qui, de concert avec la Déclaration des droits de 1689, ont fondé la Constitution britannique moderne. Il est important de comprendre que l'expression « durant bonne conduite » fait référence à la décision rendue par la Cour du Banc du Roi britannique en 1692 dans l'affaire Harcourt c. Fox. Cette décision confirme que durant bonne conduite correspond sans contredit à un mandat à vie sous réserve de déchéance en cas d'inconduite.

Le juge en chef Holt souligne l'importance de l'indépendance judiciaire, à la page 734 :

[...] je connaissais l'état d'esprit et la volonté des représentants du Parlement au moment où cette loi avait été adoptée; ce qu'ils cherchaient à établir, c'est que les hommes devraient avoir non pas un rôle précaire ou dépendant du bon vouloir d'autrui, mais plutôt une position stable, leur permettant de prendre des décisions sans craindre d'être révoqués; nous le savons tous et nos fonctions de juges sont tellement inamovibles que seule la mauvaise conduite peut nous en destituer [...]

Honorables sénateurs, mon intention aujourd'hui n'était pas de porter des accusations ou d'adresser des reproches, mais plutôt de faire connaître les devoirs des Chambres du Parlement — et du Sénat en particulier — à l'égard des juges, ce dont je vais continuer à parler dans mon prochain discours.

En vertu de notre Constitution, nous devons poursuivre jusqu'à la destruction un juge corrompu, et la haute cour du Parlement doit lui réserver le sort qu'il mérite. Notre devoir premier consiste cependant à protéger les juges du mécontentement et des abus du pouvoir exécutif. L'éminente juge en chef McLachlin a bien agi, conformément aux exigences de sa fonction. Cela ne fait aucun doute pour les praticiens du droit, les juristes, les journalistes, nous, sénateurs, et le grand public. Nous devons la respecter et respecter ses fonctions de juge en chef et de représentante vice-royale de la reine. Le Sénat doit demeurer vigilant au sujet de tout ce qui a trait à la justice et à l'injustice en territoire canadien. Le problème, c'est que trop de sénateurs ne connaissent plus les devoirs qu'ils ont à l'égard des juges. La façon dont nous traitons ceux-ci est la pierre angulaire de notre système de gouvernement; l'intérêt public, la paix, l'ordre et la bonne gouvernance en dépendent également.

Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, au nom de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

(1210)

Le processus de nomination des juges

Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 3 juin 2014 :

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur :

a) le code constitutionnel et les pratiques d'indépendance judiciaire, les concepts juridiques et politiques inscrits dans la Constitution, en particulier dans les articles 96 à 101 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 qui prévoient le statut constitutionnel des juges des cours supérieures du Canada ainsi que le devoir des chambres du Parlement de les protéger et de superviser l'indépendance judiciaire et la justice proprement dite;

b) sur les reportages dérangeants des médias concernant l'échec du processus de nomination à la Cour suprême du Canada d'un juge de la Cour fédérale, l'honorable juge Marc Nadon;

c) sur le processus de sélection raté dont le juge Nadon a fait les frais, processus à l'issue duquel il avait été choisi pour siéger à la Cour suprême, conformément aux dispositions de l'ancien article 6 de la Loi sur la Cour suprême du Canada, article jalousement gardé par la province de Québec et ses habitants qui prévoit que les trois juges de la Cour suprême venant du Québec doivent maîtriser le droit civil et être choisis parmi les juges en poste des cours supérieures du Québec ou parmi les membres et praticiens du Barreau du Québec, ce qui n'est pas le cas du juge Nadon;

d) sur l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême, qui est très clair et qui prévoit que :

Au moins trois des juges sont choisis parmi les juges de la Cour d'appel ou de la Cour supérieure de la province de Québec ou parmi les avocats de celle-ci;

e) sur la constance, en matière constitutionnelle, des dispositions de l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême du Canada, dont le libellé et le fond sont demeurés inchangés depuis leur adoption initiale en 1875 à l'article 4 de l'Acte pour établir une Cour suprême et une Cour d'Échiquier pour le Canada, qui établissait les conditions d'admissibilité des juges à la Cour suprême, à savoir être membre du Barreau du Québec, une disposition que bon nombre connaissaient bien, ce qui a entraîné des conséquences injustes et tragiques pour le juge Nadon sur les plans professionnel et personnel.

— Honorables sénateurs, je viens de parler de la juge en chef McLachlin. Je vous parlerai maintenant du cas du juge de la Cour fédérale Marc Nadon, dont la nomination a dû être annulée. Je veux attirer votre attention sur la conduite et les excès qui lui ont été grandement préjudiciables et qui sont tout à fait incompatibles avec l'article 6 de la Loi sur la Cour suprême ainsi qu'avec le principe de l'indépendance judiciaire que doivent appliquer les deux Chambres du Parlement à l'égard d'un juge d'un tribunal supérieur.

Le Sénat avait l'obligation de protéger M. Nadon pour qu'il n'ait pas à subir publiquement les séquelles du fiasco de l'exécutif. Il est incroyable que l'on ait pu aussi mal interpréter et mal employer l'article 6, qui impose pourtant une condition bien précise et connue de tous, lorsque l'on a voulu procéder à la nomination de M. Nadon à l'un des trois postes de juge du Québec de la Cour suprême. Il est incroyable que certains aient pu s'imaginer qu'ils allaient parvenir à faire fi de l'article 6, qui était l'article 4 dans la version originale de la loi, adoptée en 1875 et intitulée l'Acte pour établir une Cour suprême et une Cour d'Échiquier. L'article 4 réitérait les dispositions concernant le choix des juges des provinces énoncées dans l'accord fédérateur conclu à la Conférence de Québec, en 1864, les 72 résolutions de Québec. Dans le texte de ces résolutions apparaît le mot-clé « choisir », plutôt que « nommer ». L'article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867 était en fait la résolution no 35 adoptée à Québec, dont le libellé était le suivant :

Les juges des cours du Bas-Canada seront choisis parmi les membres du barreau du Bas-Canada.

Cette règle a été énoncée de nouveau dans la loi de 1875 créant la Cour suprême et la Cour d'Échiquier, que l'on appelle aujourd'hui la Cour fédérale.

Honorables sénateurs, depuis longtemps, toute personne choisie pour occuper l'un des trois postes de juge réservé au Québec, conformément à l'article 6, anciennement l'article 4 de la loi de 1875, doit forcément pratiquer au Québec le droit civil français et être membre du Barreau du Québec. Ces deux articles protègent les intérêts des avocats, de la population et du gouvernement du Québec, dans la sélection des personnes devant être nommées pour occuper l'un des trois postes de juge réservés au Québec à la Cour suprême, où doivent être entendues les causes jugées en vertu du droit civil du Québec et portées en appel. Il s'agit d'aspirations légitimes. Les débats de 1875 à la Chambre des communes illustrent les inquiétudes justifiées des députés du Québec à propos du bijuridisme et de l'administration de la justice selon le droit civil français propre au Québec. À cause de ces inquiétudes, des amendements ont été apportés au projet de loi de 1875, de manière à ce que l'article 4 précise ceci au sujet des six juges :

[...] deux au moins seront pris parmi les juges de la Cour Supérieure ou de la Cour du Banc de la Reine, ou parmi les procureurs ou avocats de la province de Québec.

Actuellement, c'est trois sur neuf. Le critère concernant la pratique et la connaissance du droit civil ne change pas. Ce même principe de sélection pour le Québec se retrouve dans l'actuelle Loi sur la Cour canadienne de l'impôt et à l'article 5.4 de l'actuelle Loi sur les Cours fédérales. Les Pères de la Confédération ont enchâssé dans le processus de sélection des juges du Québec le biculturalisme, le bilinguisme et le bijuridisme qui caractérisent cette province. Le même principe s'appliquait à la sélection des sénateurs.

Honorables sénateurs, le 12 décembre dernier, afin de valider la nomination du juge Nadon, le Sénat a adopté une modification rétrospective à la Loi sur la Cour suprême, y a joutant de nouvelles dispositions sur l'admissibilité, les articles 5.1 et 6.1. Cette tentative-là aussi a échoué, éveillant de nouveaux doutes. Cette modification se trouvait à la toute fin d'un projet de loi budgétaire volumineux et sans rapport à la question, le projet de loi C-4, Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2013. De nombreux sénateurs s'y sont opposés, mais leurs voix, comme celle de la juge en chef McLachlin, n'ont pas été entendues. Le gouvernement, même si sa tentative était vouée à l'échec, était encore déterminé à se soustraire à l'application de l'article 6. Il voulait changer la composition de la Cour suprême, mais l'alinéa 41d) de la Loi constitutionnelle de 1982, qui porte sur la modification, est très clair. Il dit que le consentement unanime des provinces est requis avant de procéder à toute modification portant sur :

d) la composition de la Cour suprême du Canada

Honorables sénateurs, nous avons été saisis de nombreux projets de loi ministériels visant à valider des nominations à la magistrature, mais rien d'aussi grave. Anciennement, des fonctionnaires judiciaires de cours inférieures, comme les juges de cours provinciales ou de tribunaux de la famille, ne pouvaient pas être choisis pour siéger à la Cour suprême ou aux cours fédérales.

Ici même, le 19 juin 1996, nous avons adopté un projet de loi rétrospectif visant à corriger les erreurs qui ont mené à la disqualification de deux juges, tous deux des hommes remarquables. Le premier était un juge de tribunal de la famille et l'autre un juge d'une cour provinciale. Il s'agissait du projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi sur la Cour fédérale, la Loi sur les juges et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt. Il venait modifier les dispositions de ces lois portant sur l'admissibilité afin de pouvoir valider la sélection des juges en question rétroactivement, mais on ne leur a pas nui comme on a nui au juge Nadon. Les modifications aux dispositions législatives concernant la nomination de personnes à la magistrature ne sont pas de simples considérations secondaires; selon les principes de bonne gouvernance, elles devraient faire l'objet d'un débat ouvert.

La représentation des provinces à la Cour suprême et la composition de celle-ci jouent un rôle vital dans l'administration fédérale de la justice. Il aurait été préférable que le gouvernement accepte simplement notre Constitution. Sa responsabilité première est de faire respecter la Constitution et de respecter la Loi sur la Cour suprême.

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur l'excellent article de Sean Fine publié le 23 mai dernier dans le Globe and Mail, intitulé « La courte liste secrète à l'origine de la dissension entre la juge en chef et le cabinet du premier ministre ». Cet article explique le controversé processus de sélection du gouvernement visant à attribuer le siège vacant du Québec au juge Nadon. J'ajoute — et c'est important, honorables collègues — que le comité ad hoc de députés devant lequel le juge Nadon a comparu le 2 octobre dernier est une fiction. Il ne s'agit pas d'un comité de la Chambre des communes. Il n'est pas un mandataire de la Chambre des communes. Il n'est pas autorisé par les privilèges, l'immunité et les pouvoirs de la Chambre. Ce comité est hors-la-loi, ou n'est pas assujetti à la loi. Poser des questions à un juge de la Cour supérieure ou lui faire passer un examen dans de telles circonstances est injuste et l'expose à de graves dangers, puisqu'il n'est pas protégé par des privilèges.

Honorables sénateurs, les deux Chambres ont été créées par les articles 17 et 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867. Cette loi, proclamée par la reine Victoria le 22 mai 1867, comprenait les noms des premiers sénateurs. Les deux Chambres ont le devoir constitutionnel, eu égard à l'indépendance de la magistrature, de protéger les juges contre les excès de l'exécutif. Ils ont reçu les pleins pouvoirs de la lex et consuetudo parliamenti de l'ancienne Haute Cour du Parlement britannique, avec tous les pouvoirs judiciaires, pour créer les cours et les magistratures.

Le Sénat a également reçu les pouvoirs suprêmes à l'égard du « contrôle des deniers publics », lesquels sont limités seulement par les « initiatives financières de la Couronne » voulant que les projets de loi de crédits et les projets de loi fiscaux doivent être déposés à la Chambre des communes. Le « contrôle des deniers publics » commande qu'aucune magistrature ne peut être créée et aucun juge ne peut être nommé sans l'accord de la Chambre et sans son accord pour le paiement de leurs salaires. Voici ce qu'a écrit Alpheus Todd, dans le volume II de la deuxième édition de son livre de 1889, intitulé On Parliamentary Government in England, à la page 856 :

[...] les commissions des juges demeureront en vigueur, à titre inamovible, nonobstant la transmission de la Couronne [...]

Honorables sénateurs, vous pouvez voir que la Constitution a évolué au fil des ans en faveur de la protection des juges. La Constitution exige du Parlement qu'il détermine le traitement des juges et qu'il le leur verse, qu'il crée des tribunaux, qu'il nomme les juges et qu'il prenne les mesures nécessaires pour les démettre de leurs fonctions en cas d'inconduite, ce qu'on appelle la révocation. L'indépendance des juges est mise en œuvre par les pouvoirs judiciaires du Sénat et de la Chambre des communes. Les juges ne disposent d'aucun moyen pour se protéger eux-mêmes, sauf celui de déclarer qu'il y a outrage au tribunal. Les considérables pouvoirs judiciaires du Sénat ne sont restreints que par la Chambre des communes du Royaume-Uni.

Les résolutions de Québec de 1864 prévoyaient que les pouvoirs du Sénat soient limités par les pouvoirs de la Chambre des lords. La Conférence de Londres, en 1866, a changé les choses pour qu'il soit clair que le comité judiciaire du Conseil privé, de la Chambre des lords, l'instance d'appel au pied du trône, soit le tribunal de dernière instance des dominions et des colonies. On ne voulait pas d'erreurs. Le Canada a choisi de ne pas instaurer de cour d'appel sénatoriale permanente dirigée par le Président en vertu de son pouvoir judiciaire. Il a plutôt créé sa propre Cour suprême. Toujours soucieux de ne pas heurter les sensibilités américaines, le Canada a décidé de renoncer au comité judiciaire sénatorial du Conseil privé, de la même façon que nous avons choisi le nom « Dominion du Canada » au lieu de « Royaume du Canada ». Tous ces changements ont été faits à Londres.

(1220)

Le gouvernement a invoqué le pouvoir judiciaire des Chambres pour justifier la nomination non réglementaire du juge Nadon. Le véritable problème tient du fait que la Constitution interdit aux ministres de critiquer ou de dénigrer publiquement les juges, ou de les exposer à la controverse ou à la honte. L'indépendance et la déférence constitutionnelles s'appliquent aux relations entre ceux qui servent l'État, les ministres qui le gouvernent et les juges qui sont chargés d'administrer la justice en son nom, et de rendre des décisions dans des causes civiles et criminelles en considérant les infractions comme perpétrées contre pacem domini regis, c'est-à-dire « la paix du roi » — ou de la reine, en l'occurrence. L'indépendance et la déférence dictent les échanges entre les ministres et les juges. Porter atteinte à l'indépendance judiciaire constitue une faute susceptible de causer une crise constitutionnelle irréparable.

Honorables sénateurs, la notion d'indépendance judiciaire est entrée dans la constitution britannique avec l'adoption de l'Act of Settlement en 1701, une loi visant à circonscrire les pouvoirs de la Couronne et mieux garantir les droits et libertés des sujets. Entrée en vigueur en 1714, la loi est venue établir l'inamovibilité des juges et garantir leur salaire. À cette époque, l'une des plus importantes de l'histoire de l'humanité et de ses libertés, on considérait comme fondamentale l'indépendance judiciaire. Dans les résolutions de Québec, on retrouve les notions définies dans les articles 99 et 100, partie VII, « Judicature », de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. L'article 100 stipule ceci :

Les salaires, allocations et pensions des juges des cours supérieures [...] seront fixés et payés par le parlement du Canada.

Honorables sénateurs, c'est grâce à nos pouvoirs entourant « le contrôle des deniers publics » que nous remplissons ce rôle, en tirant le salaire des juges directement d'un fonds consolidé de revenu, dont a parlé le sénateur Day un peu plus tôt. C'est Adam Smith qui a eu l'idée de créer ce fonds unique, instauré en Grande-Bretagne en 1787 et plus tard au Canada.

Le fait d'imputer cette dépense directement au Trésor public soustrait le salaire des juges au processus annuel d'affectation des crédits. En l'inscrivant dans le cadre d'une gestion gouvernementale responsable, cette imputation directe devenait un moyen d'éviter, d'une part, la répétition annuelle des débats et des votes sur les émoluments des juges dans le cadre du processus d'affectation des crédits et ses écueils politiques majeurs et, d'autre part, le risque que la délicate question du salaire des juges entraîne un vote de confiance qui se conclurait par une défaite ministérielle et la chute du gouvernement.

Les émoluments des juges faisaient initialement l'objet de projets de loi distincts. Cependant, en 1906, le Canada a adopté la Loi des juges, qui comportait une clause d'habilitation ordonnant leur versement. Dans l'ouvrage Parliamentary Government in England, volume II, publié en 1869, Alpheus Todd écrit à la page 726 que :

[...] les émoluments des juges sont maintenant payables sur le fonds consolidé, ce qui les soustrait encore plus efficacement à l'incertitude qui résulterait du vote annuel au comité des subsides.

Honorables sénateurs, venons-en au rôle des deux Chambres relativement à la destitution des juges et aux mesures de protection des juges. Le paragraphe 99(1) de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, précise que :

[...] les juges des cours supérieures resteront en fonction durant bonne conduite, mais ils pourront être révoqués par le gouverneur général sur une adresse du Sénat et de la Chambre des Communes.

Cet article édicte l'obligation pour le Sénat de protéger les juges du mécontentement de l'exécutif et d'encadrer la justice elle-même. Il nous confère donc le noble devoir de les préserver des préjudices que pourrait leur causer le fait de plaire ou de déplaire à l'exécutif, qui dispose du vaste pouvoir de les destituer au moyen d'un bref royal émis par le gouverneur général. On parle alors de scire facias.

L'article 99 confère aux deux Chambres le pouvoir judiciaire de trancher lorsqu'un député ou un ministre porte des accusations envers un juge. Toute accusation de ce type doit être prouvée dans chaque Chambre. L'article 99 en appelle aux deux Chambres au nom du juge visé par les accusations et contre les ministres ou la Couronne elle-même. Il vise à empêcher qu'un simple ordre de l'exécutif suffise à destituer un juge en soumettant l'examen des accusations au jugement indépendant des deux Chambres. Chaque Chambre procède à sa propre enquête judiciaire, laissant au juge l'entière possibilité de répondre aux accusations à son endroit et de présenter une défense en bonne et due forme, avec un avocat, que ce soit à la barre ou à un comité.

Dans la quatrième édition de son ouvrage The Law and Custom of the Constitution, Volume II, publiée en 1935, sir William Anson parle de la révocation de titulaires de charges nommés à vie. À la page 234, il écrit ceci :

La nomination des juges [...] est inamovible, « mais ils peuvent être révoqués sur adresse des deux Chambres du Parlement » [...] Si, en raison d'erreurs de comportement dans le cadre de leurs fonctions, ou pour tout autre cause, un représentant de l'État nommé à titre inamovible a perdu la confiance des deux Chambres, il pourrait être révoqué même si la Couronne n'aurait autrement pas été disposée ou habilitée à prendre une telle mesure. Ces titulaires de charges sont nommés à titre inamovible par la Couronne et le Parlement, bien que les deux Chambres puissent prolonger leur mandat afin de les protéger contre toute forme d'inconduite qui leur ferait perdre la confiance du public.

Honorables sénateurs, le rôle du gouverneur général dans les adresses des Chambres visant à révoquer les juges est absolu, définitif et révélateur.

Puis-je avoir quelques minutes de plus?

Son Honneur le Président : D'accord.

La sénatrice Cools : Dans la sixième édition de son ouvrage Chalmers and Hood Phillips' Constitutional Laws of Great Britain, The British Empire and Commonwealth, publiée en 1946, Owen Hood Phillips a écrit ce qui suit, à la page 392 :

Le roi serait tenu par la convention de donner suite à une telle adresse.

Si cela figure dans une loi, le roi est déjà prédisposé à le faire.

Les deux Chambres pourraient se servir d'un projet de loi, d'une résolution ou d'une procédure de destitution pour révoquer les juges titulaires nommés à titre inamovible. La révocation par les deux Chambres est très rare pour la bonne raison que cette décision engage la confiance dans le gouvernement. Si un ministre ne réussit pas à obtenir le consentement d'une ou des Chambres, cela sera synonyme de défaite pour le gouvernement, qui devrait démissionner. Ce manque de confiance est inévitable lorsqu'ils n'exercent pas adéquatement la prérogative royale relative aux nominations judiciaires et à l'administration de la justice. C'est pourquoi les gouvernements exercent parfois des pressions indues et injustes sur certains juges pour les pousser à démissionner.

Honorables sénateurs, le 4 mai 1933, à la Chambre des communes, le premier ministre Richard Bedford Bennett a parlé de l'incapacité du gouvernement et de ses conséquences dans le contexte du renvoi de hauts fonctionnaires et du pouvoir accordé par la disposition d'une loi. Comme on peut le voir à la page 4556 des Débats de la Chambre des communes, il a déclaré ceci :

La question doit être soumise à la haute cour du Parlement et le Gouvernement de l'époque ayant soumis sa cause, non pas seulement à cette Chambre, mais aussi à l'autre Chambre qui peut bien ne pas appuyer le Gouvernement, ce qui arrive fréquemment, doit se retirer s'il n'a pas l'approbation de l'autre Chambre aussi bien que celle de la Chambre des communes.

On peut ensuite lire ce qui suit à la page 4557 :

Quand une adresse doit être votée par les deux Chambres et que l'une d'elles refuse son approbation, il n'y a plus d'adresse du tout et le Gouvernement qui a pris cette initiative doit en accepter la responsabilité. C'est la différence qu'il y a entre ce cas et celui d'un bill. Le Sénat peut rejeter une loi proposée par le Gouvernement et l'affaire en reste là. Mais non pas dans ce cas-ci. Le Gouvernement a mis son existence au jeu pour révoquer un fonctionnaire. Il risque son existence pour obtenir cette destitution, qui est subordonnée à l'approbation des deux Chambres [...]

Voilà pourquoi on a rarement recours à cette solution. Le cas le plus récent, survenu au Royaume-Uni, concernait une malversation de sir Jonah Barrington. Un gouvernement met son existence en jeu s'il tente de faire perdre son siège à un juge. Le premier ministre Bennett a été très clair dans le cadre de son échange avec William Daum Euler, l'ancien ministre du Revenu national. Voici ce qu'on peut lire à la page 4557 :

L'hon. M. Euler : Je ne puis subordonner pour aucune raison l'existence d'un gouvernement à une décision du Sénat. Mes paroles font rire le premier ministre, comme cela est arrivé bien des fois.

Le très hon. M. Bennett : Le Sénat a bien renversé le ministère Macdonald.

Cet échange est à la fois extraordinaire et très instructif.

Quoi qu'il en soit, chers collègues, je voulais tout simplement vous communiquer un pan de la riche histoire constitutionnelle de notre pays en ce qui concerne ces grandes questions qui semblent non seulement méconnues, mais aussi ignorées. Lorsque j'ai lu les innombrables articles portant sur ces deux incidents, je me suis dit que c'était bien triste pour le juge Nadon.

(1230)

Et surtout, trop peu de gens semblent bien comprendre que les deux Chambres ont un rôle à jouer dans ce dossier.

J'invite mes collègues à examiner plus attentivement ces affaires très préjudiciables et leurs conséquences pour les personnes concernées et pour le gouvernement du Canada. C'était très embarrassant pour le gouvernement. Ce sont des affaires qui relèvent du Sénat. Les gens ne le comprennent peut-être pas toujours, mais le Sénat est bel et bien un tribunal supérieur. Je vous remercie de votre attention. J'ai beaucoup parlé, et mon intervention a exigé beaucoup de travail.

Honorables sénateurs, j'adore le système dans lequel nous vivons. Je m'incline devant sir John A. Macdonald et les autres grands penseurs qui ont façonné un texte fondateur en ayant à l'esprit la nécessaire unité dont ils devaient faire preuve pour lutter contre l'expansionnisme des États-Unis. Ils ont su transcender leurs divergences d'opinions et conclure un accord.

La Constitution du Canada existe depuis 150 ans, ce qui est inhabituel. Espérons que les futures modifications constitutionnelles seront adoptées avec le désir qu'elles restent en vigueur pendant 150 ans, elles aussi. Je vous remercie, chers collègues.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, au nom de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5g) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au lundi 16 juin 2014, à 18 heures, et que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au lundi 16 juin 2014, à 18 heures.)

© Sénat du Canada

Haut de page