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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 73

Le mardi 17 juin 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 17 juin 2014

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommages

L'honorable Andrée Champagne, C.P.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, en vertu de l'article 4-3(1) du Règlement, le leader du gouvernement a demandé que la période des déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd'hui afin de rendre hommage à l'honorable sénatrice Andrée Champagne, qui prendra sa retraite le 17 juillet 2014.

Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, chaque intervention ne peut dépasser trois minutes, qu'aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois et que la période des déclarations de sénateurs est prolongée d'au plus 15 minutes. Ces 15 minutes n'incluent pas, toutefois, le temps de parole alloué pour la réponse du sénateur qui reçoit des hommages.

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme vous le savez, le 17 juillet prochain, notre collègue et amie, la sénatrice Andrée Champagne, prendra sa retraite du Sénat. Je suis honoré de prendre la parole aujourd'hui afin de lui rendre hommage, car la sénatrice Champagne est une grande dame du Québec, chaudement appréciée et aimée par la population de notre province et du pays entier.

Avant d'entreprendre sa carrière politique en 1984 à titre de députée et de ministre à la Chambre des communes, la sénatrice Champagne avait déjà une très longue feuille de route au Québec comme comédienne et pianiste. Elle a incarné plusieurs rôles à la télévision et au théâtre. Son souci de justice et de défense des droits l'a également amenée à œuvrer au sein de l'Union des artistes à titre de vice-présidente et de secrétaire générale.

Comme je le mentionnais précédemment, en 1984, elle s'est fait élire une première fois dans son comté de Saint-Hyacinthe—Bagot, comté qu'elle affectionnait tout particulièrement. Dès lors, le premier ministre Mulroney l'a nommée ministre d'État à la Jeunesse. Elle a d'ailleurs occupé ce poste durant l'Année internationale de la jeunesse et elle a été une fidèle ambassadrice du gouvernement conservateur de l'époque. Ses enfants qu'elle adore tant, Patrick, qui avait 22 ans à l'époque, et Liliane, qui en avait 21, ont donc eu la chance d'avoir une maman extraordinaire, comédienne hors pair et ministre d'État à la Jeunesse pour laquelle ils devenaient les principaux conseillers.

En 1990, la sénatrice Champagne était choisie par ses pairs de l'autre endroit pour occuper le poste d'orateur adjoint, devenant ainsi la première femme à occuper ce poste au Canada.

En 2005, le premier ministre libéral de l'époque, le très honorable Paul Martin, la nomme au Sénat et elle décide de siéger comme sénatrice conservatrice. On ne détourne pas si facilement la sénatrice Champagne de ses convictions!

Comme je la côtoie depuis maintenant cinq ans au Sénat, j'ai appris à connaître la femme derrière la comédienne et la politicienne. La sénatrice Champagne est une passionnée de la culture en général, et plus particulièrement de la promotion et de la défense de la langue française. Sans relâche, elle a su être aux premières lignes dans la défense de cette belle langue qu'est le français.

Déterminée, rigoureuse, passionnée, sensible, efficace et travaillante, la sénatrice Champagne aura été un modèle d'authenticité et de persévérance. D'ailleurs, atteinte d'une grave maladie, au printemps 2007, qui lui a fait frôler la mort, elle s'est accrochée à l'espoir et était de retour au Sénat l'automne suivant. On comprend mieux ainsi la grande attention qu'elle a accordée, et qu'elle accorde toujours, à son conjoint, André-Sébastien Savoie, particulièrement quand ce dernier a éprouvé des ennuis de santé l'année dernière. La sénatrice Champagne a une grande sensibilité qui peut parfois lui donner un air de fragilité pour qui ne la connaît pas, mais nous savons tous, chers collègues, qu'elle est tout sauf fragile. La sénatrice Champagne est une battante qui fait preuve d'une détermination à tout rompre.

Dans son autobiographie intitulée Je reviens de loin, la sénatrice Champagne nous dit qu'elle a gagné à la loterie de la vie. De notre côté, la vie nous a fait le cadeau de côtoyer, de mieux connaître et d'apprécier la grande Andrée Champagne.

Merci pour tout, sénatrice Champagne. Bonne retraite, et que la vie continue de vous gâter!

En terminant, j'ai une question pour vous, sénatrice Champagne : comme le disait, en 1962, la grande chanteuse qu'était Barbara, « Dis, quand reviendras-tu? »

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de joindre ma voix à celle de mon collègue pour rendre hommage à l'honorable Andrée Champagne aujourd'hui.

Sénatrice Champagne, avant que vous ne vous retiriez de la vie publique, je tiens à vous remercier de votre contribution au débat public et à nos institutions parlementaires.

Élue à deux reprises — en 1984 et en 1988 —, vous avez servi votre pays comme députée fédérale de Saint-Hyacinthe—Bagot et comme sénatrice depuis votre nomination au Sénat par le premier ministre Paul Martin, en 2005.

(1410)

Vous avez été à la tête de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF) pendant plus de sept ans, et présidente de l'APF depuis 2013. Vous y avez fait un travail marquant en vous acquittant de vos responsabilités pour promouvoir la démocratie, l'État de droit et les droits de la personne au sein de la grande communauté francophone, qui compte 49 membres. Je vous félicite, sénatrice Champagne, de votre contribution, et d'avoir si bien représenté le Canada.

À tous les instants durant votre carrière parlementaire, vous avez été une avocate intransigeante de la langue française et de la diversité culturelle. Votre engagement déterminé afin que la Francophonie prenne toute sa place dans le monde d'aujourd'hui a fait de vous une récipiendaire de l'Ordre de la pléiade et une porte-parole dont le Canada peut être fier.

Depuis près de huit ans, j'ai eu le privilège de collaborer avec vous au Comité sénatorial permanent des langues officielles, où j'ai constaté votre engagement et votre attachement à l'égard du fait français au Canada. À titre de vice-présidente de ce comité depuis 2006, vous avez bien exercé votre rôle, qui était de faire évoluer la dualité linguistique de notre pays. En tant que francophone de l'Alberta, je suis touchée par l'intérêt que vous manifestez envers divers enjeux et par votre grande écoute à l'égard des communautés francophones en situation minoritaire.

En raison de vos expériences et de vos connaissances non négligeables dans le domaine culturel, vous avez manifesté beaucoup d'attention à l'égard de l'appui aux arts et à la culture, qui devrait faire partie d'une stratégie cohérente et efficace en faveur de toutes nos communautés à la grandeur du pays.

Permettez-moi de vous souhaiter, honorable sénatrice, la santé et beaucoup de bonheur auprès des membres de votre famille, à l'aube de cette nouvelle étape de votre vie que vous êtes sur le point d'entreprendre. Au revoir, sénatrice.

[Traduction]

L'honorable David Tkachuk : La première chose qu'on remarque à propos de la sénatrice Champagne, c'est son immense charme et la manière dont elle sait en user. Il me vient un exemple en tête qui illustre parfaitement ce que je veux dire. Tout le monde sait que je suis coprésident du Conseil interparlementaire mixte, qui réunit le Sénat et la Chambre des communes, et que la sénatrice Champagne est à la tête de sa très chère Assemblée parlementaire de la Francophonie. Eh bien, chaque fois que nous devions nous réunir pour discuter de la manière dont nous allions aborder telle ou telle question budgétaire, la seule personne que nous craignions vraiment était la sénatrice Champagne, parce que nous savions qu'avec son charme, elle réussirait à nous convaincre de lui octroyer le budget qu'elle demandait. Elle obtenait toujours ce qu'elle voulait, et nous devions faire appel à toute la volonté que nous avions pour ne pas succomber à sa détermination, à son charme et aux magnifiques expressions dont elles ponctuait son discours, en français comme en anglais.

Son passage au Sénat n'aura été que le plus récent chapitre d'une vie que je qualifierais de romanesque. En fait, nous souhaiterions tous avoir la vie qu'elle a eue : elle a siégé au Sénat, évidemment, mais auparavant, elle a été députée, rôle dans lequel elle avait l'appui tant de ses amis que de ses collègues de la Chambre des communes; elle a été ministre dans le Cabinet du premier ministre Mulroney, avant d'être nommée sénatrice par un premier ministre appartenant à un autre parti, Paul Martin pour ne pas le nommer. Quelle vie romanesque et merveilleuse vous avez vécue!

Sa grande sagesse aura marqué autant le Sénat que l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, qu'elle a dirigée avec brio. Son travail a été reconnu par l'Organisation internationale de la Francophonie, qui l'a faite commandeur de l'Ordre de la Pléiade. Elle a aussi écrit deux livres, deux autobiographies, mais en ce qui me concerne, c'est surtout son courage que j'admire. Quand elle a contracté l'horrible maladie que l'on sait, en Martinique en 2007, notre équipe ne comptait qu'une vingtaine de sénateurs. Elle est restée dans le coma pendant un certain temps. Nous avons tous prié pour elle, et elle nous est revenue. Elle a dû lutter ardemment, et elle continue de lutter chaque jour depuis son rétablissement. Nous avons tous constaté à quel point c'était difficile pour elle, mais elle était toujours au poste, prête à travailler et à nous soutenir. Nous ne l'avons jamais entendue se plaindre — pas une seule fois. Aujourd'hui, c'est elle qui prend soin de son mari, André.

C'est assez cocasse. Est-ce courant au Québec? Je sais que vos noms de famille sont différents, mais votre prénom est Andrée et celui de votre mari est André. C'est sympathique. Vos noms ont dû être faciles à apprendre pour vos enfants.

Le sénateur Mercer : Papa et maman!

Le sénateur Tkachuk : Oui, papa et maman. Depuis quelque temps, la sénatrice Champagne soigne son mari, André-Sébastien, qui souffre d'un cancer. Elle le soigne depuis deux ans. L'amour inconditionnel qu'elle lui porte et l'énergie qui lui reste pour assumer ses fonctions de sénatrice témoignent de sa force de caractère. Elle a été notre collègue et notre amie. Je peux certainement dire qu'elle est mon amie.

Andrée, profitez de votre retraite en compagnie de votre famille, dont vous êtes si fière. C'est dommage de vous voir partir.

[Français]

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, j'ajoute mes souhaits de santé et de succès continu à notre collègue, la sénatrice Andrée Champagne. Honorables sénateurs, sachez que, pendant plus de 20 ans à la haute direction de la Société Radio-Canada, notre Andrée était déjà une championne. Premièrement, pour le développement culturel partout au pays; deuxièmement, pour l'importance de la recherche de l'excellence; troisièmement, pour l'unique responsabilité du radiodiffuseur public quant à la réalisation et à la diffusion d'émissions culturelles.

Les nombreux commentaires élogieux à son sujet me sont revenus lorsque je siégeais au Comité sénatorial permanent des langues officielles avec elle et lorsque j'ai entendu son intervention passionnée devant les témoins de la CBC/Radio-Canada concernant cette responsabilité, telle qu'elle est stipulée dans la Loi sur la radiodiffusion.

Honorables sénateurs, l'une des grandes forces du Sénat, à cause du processus de nomination des parlementaires qui y siègent, c'est sa capacité de représenter diverses industries. Vous, sénatrice Andrée Champagne, comme vos prédécesseurs, l'honorable Jean Lapointe, l'honorable Viola Léger, l'honorable Tommy Banks, l'honorable Laurier LaPierre, avez représenté ici l'industrie culturelle avec enthousiasme, connaissance et dignité, et je vous en remercie sincèrement.

L'honorable Jacques Demers : J'avais préparé un discours, mais mon éminent patron, le sénateur Carignan, a déjà mentionné dans son discours quelques-unes des dates. Pour l'instant, j'aimerais parler d'un autre sujet. Je vais donc mettre ce discours de côté et parler avec mon cœur.

Premièrement, quand j'ai demandé de prendre la parole, c'était pour parler de Donalda. Ceux qui ont mon âge se souviendront du personnage. À mon arrivée au Sénat, je me suis dit : « J'ai rencontré Mme Andrée Champagne; j'ai rencontré Donalda! »

Hier, nous avons rendu hommage à un grand homme, l'honorable sénateur Dallaire, un Québécois, un francophone assurément, connu à travers le Canada. Aujourd'hui, nous honorons une dame, une Québécoise francophone, qui a marqué le monde artistique, le monde de la télévision et du spectacle.

Andrée Champagne et moi avions quelque chose en commun. Elle est une très grande partisane de hockey. À une certaine époque, elle était mariée à Walter Clune, un joueur professionnel qui s'est retrouvé dans l'équipe du Canadien de Montréal. Walter Clune était un joueur extrêmement physique, un joueur honnête. On se parlait souvent du Canadien et, chaque fois qu'il perdait, selon Mme Champagne, c'est qu'il jouait mal.

Ce que j'aime de la sénatrice Champagne et que beaucoup de gens n'apprécient peut-être pas, c'est son caractère et sa franchise. Certaines personnes disent toujours les choses qu'on veut entendre, mais Andrée Champagne, elle dit des choses, pas nécessairement qu'on ne veut pas entendre, mais qui, parfois, font plus mal que d'autres.

(1420)

Sénatrice Champagne, vous avez vécu, ces dernières années, avec votre mari, des moments extrêmement difficiles du point de vue de la santé. On s'en est parlé régulièrement.

Vous travaillez depuis plus de 60 ans et avez accompli beaucoup de choses. Votre mari est pianiste et enseignant. Quel beau couple vous formez!

Vous nous quittez aujourd'hui. Pendant les prochains jours, allez en paix et reposez-vous. Toutefois, aux yeux des Québécois baby-boomers, qui ont un certain âge, vous serez toujours reconnue comme la grande Donalda.

Merci, sénatrice Champagne. Allez en paix.

L'honorable Suzanne Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, c'est avec un léger pincement au cœur que je prends la parole aujourd'hui afin de souligner le départ à la retraite d'une collègue et amie, la sénatrice Champagne.

Chère Andrée, que de chemin nous avons parcouru ensemble au cours des années. Depuis notre élection à l'autre endroit, en 1984, et nos nominations respectives au Sénat du Canada, nous avons partagé une longue carrière parlementaire dont le rideau sera tiré incessamment.

Tu quittes la scène publique de la même manière que tu l'as jointe : avec grâce et dignité. Ton apport est sans commune mesure. J'aimerais avoir le verbe aussi facile que le tien afin de souligner ton remarquable travail, tant à la vice-présidence de l'autre endroit qu'à la présidence de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. L'univers canadien des arts et de la culture a bénéficié de ton dévouement. Il a bénéficié aussi d'une alliée qui a toujours su parler en son nom et lui offrir un appui incroyable pour l'essor de la relève.

Ce fut un immense privilège de te côtoyer au Comité sénatorial permanent des langues officielles. J'ai eu la chance de constater ton amour pour notre langue française et les efforts que tu consens à sa défense, certes, mais aussi à sa promotion à travers notre grand pays.

Ma chère Andrée, le temps est maintenant venu de te retirer dans tes terres et de prendre une retraite bien méritée. Après avoir donné tant d'années au service des Canadiens, c'est au tour de tes proches de profiter de ta présence. Ton époux aimant et attentionné, Sébastien, tes enfants, Patrick et Liliane, et ta petite-fille, Laurence, pourront dorénavant apprécier ta présence sans avoir à la partager avec des milliers de Canadiens qui saluent aujourd'hui ton départ.

Ma très chère amie, profite bien de ta retraite.

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, une question se posait chez nous lorsqu'on grandissait : qui est Mme Champagne? Elle est une dame spéciale, respectée, une personne exemplaire, une mère de famille, une maman de principes, l'épouse d'un Acadien, M. Savoie, une grand-maman et un mentor aussi pour plusieurs d'entre nous.

J'aimerais partager avec vous une petite histoire et peut-être même répéter certaines choses qui ont été dites. C'est avec une grande émotion et un grand chagrin que nous disons aujourd'hui au revoir à une de nos collègues, et aussi à une alliée des communautés francophones et acadienne, la sénatrice de Grandville, l'honorable Andrée Champagne. Je dois avouer que, chez nous, en grandissant, nous regardions la série Les Belles Histoires des pays d'en haut pour apprendre le français à la maison.

N'oublions pas la grande contribution d'Andrée Champagne aux travaux de la Chambre basse, pour lesquels nous lui rendons hommage également. Non pas qu'elle n'a pas connu une grande carrière d'artiste et de pianiste, mais nous lui rendons aussi hommage aujourd'hui pour sa grande contribution aux institutions parlementaires canadiennes : une carrière enviable, dit l'Acadie; une carrière extraordinaire, madame Champagne.

Permettez-moi de vous relater une partie de sa grande feuille de route, comme on le dit au Comité des langues officielles. Avant d'être nommée au Sénat, en 2005, Mme Champagne a été élue deux fois à la Chambre des communes pour représenter la grande circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot. En 1984, le premier ministre la nommait ministre d'État à la Jeunesse. Deux ans plus tard, elle était élue vice-présidente adjointe de la Chambre des communes, où elle a présidé la plupart des travaux pléniers. Elle a ensuite été nommée vice-présidente de la Chambre, en 1990, devenant la première femme à occuper un tel poste.

Son leadership a été remarquable dans nos deux communautés, anglophone et francophone. Madame la sénatrice Champagne a servi les Canadiens à titre de vice-présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles avec épaulettes. C'est surtout à ce titre que j'ai beaucoup apprécié sa sagesse, chers amis, sénateurs et sénatrices, ses conseils et son grand doigté lorsqu'on l'entendait prendre la parole.

Alliée de la Francophonie, alliée de l'Acadie, au nom des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick, je lui dis merci.

Lorsqu'on parle de l'Acadie, on ne peut passer sous silence son conjoint, M. Savoie, et la famille Savoie. M. Savoie lui rappelle souvent d'où viennent les racines de l'Acadie, étant lui-même, avec ses ancêtres, originaire de Lamèque.

[Traduction]

Les sénateurs se souviendront peut-être que Mme Champagne a eu une carrière bien remplie d'actrice, de chanteuse et de pianiste avant d'être élue à la Chambre des communes. Mais saviez-vous qu'elle a présidé les cérémonies d'ouverture et de clôture des Jeux olympiques de 1976? Comme vous pouvez le constater, nous perdons aujourd'hui une sénatrice très talentueuse que j'avais l'honneur de pouvoir considérer comme une amie et qui le restera.

[Français]

Si c'est avec chagrin que nous la voyons aujourd'hui passer à autre chose, nous lui souhaitons une retraite bien méritée et une feuille de route enviable.

Si le cœur vous en dit, madame la sénatrice, et à votre famille, venez nous voir en Acadie, cet été, lors du Congrès mondial acadien. Ce sera un plaisir et un honneur de vous recevoir. Comme on dit en Acadie : chapeau levé, vous avez gagné vos épaulettes. Merci!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, permettez-moi de signaler la présence à la tribune du gouverneur général de M. André-Sébastien Savoie, qui est, comme l'a souligné notre collègue, le sénateur Mockler, un grand Acadien de souche. Il est accompagné de la famille de la sénatrice Champagne, d'amis et de notre distingué collègue, membre du Conseil privé du Canada, l'honorable Pierre De Bané.

Au nom de tous les sénateurs, bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1430)

L'honorable Andrée Champagne, C.P.

Remerciements à l'occasion de sa retraite

L'honorable Andrée Champagne : Monsieur le Président, monsieur le leader du gouvernement, monsieur le leader de l'opposition, chers collègues, parents et amis, qui me font l'honneur et le plaisir d'être présents aujourd'hui.

Je veux tout d'abord offrir mes remerciements les plus sincères pour tous les mots gentils que certains et certaines ont eus à mon égard aujourd'hui. Je n'en méritais pas autant, c'est bien certain.

Sénateur Carignan, vous disiez : « Quand reviendras-tu? » La phrase qui suit est : « Au moins, le sais-tu? » C'est la phrase suivante de la chanson de Barbara. Non, je ne le sais pas.

Sénateur Tkachuk, vous disiez que j'ai toujours obtenu ce que je voulais mais, pour avoir finalement pu obtenir ce qu'il faut pour tenir, durant la première semaine de juillet, la grosse assemblée générale de l'APF, c'est à plusieurs fois que je m'y suis prise, effectivement, pour avoir les sommes nécessaires.

Alors que je m'apprête à tourner une autre page dans l'histoire de ma vie, alors qu'une autre porte se referme, je me mettrai à la recherche de cette fenêtre qui, comme ma mère me l'a répété si souvent, n'attend que moi pour s'ouvrir et devenir une issue remplie d'espoir pour l'avenir.

Aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de revivre ces moments de juillet 2005 quand, alors que c'était totalement imprévu et inattendu, j'ai reçu un appel du bureau du premier ministre Paul Martin. Cela m'a permis de commencer à m'imaginer ce que pourrait être ma vie au Sénat du Canada.

Après plusieurs tentatives infructueuses, j'ai finalement joint au téléphone celui qui était alors chef de l'opposition pour lui faire part de la nouvelle et lui demander de bien vouloir m'accepter dans son caucus.

Sa réponse? « Mais Andrée, vous savez fort bien que je veux que mes sénateurs soient élus. » J'ai repris mon souffle après une seconde d'attente, et j'ai dit : « Monsieur Harper, ma loyauté m'incite à rejoindre le caucus dont j'ai fait partie pendant mes neuf ans à la Chambre des communes. Si je n'y suis plus la bienvenue, je siégerai au Sénat comme indépendante. Voilà. Merci d'avoir retourné mon appel. »

Évidemment, la conversation ne s'est pas terminée exactement comme cela, pas si brutalement. Finalement, il m'a assuré qu'on m'accueillerait à bras ouverts avec les autres sénateurs non élus auxquels il a finalement ajouté plusieurs autres collègues. Ma mère disait toujours qu'il n'y a que les fous qui ne changent pas d'idée.

Après, j'ai eu la chance de voir James Lévêque, celui qui avait été mon conseiller et mon ami pendant presque toutes les années que j'ai passées à la Chambre verte à l'autre bout du couloir. James a accepté de revenir travailler à mes côtés, et il est toujours là. Merci, James, et merci à ta Louise, qui n'a jamais compté les heures que tu m'as consacrées.

Quand je quitterai définitivement le Sénat, dans exactement un mois, nous célébrerons 29 ans d'amitié et de collaboration. La seule personne qui m'ait appuyée pendant une période encore plus prolongée, c'est mon amie, Caroline Carel, ma presque sœur qui est restée présente pendant mes travaux de toutes sortes depuis les années 1960, ma compagne des bons et mauvais jours.

En 2005, c'est avec James que, ensemble, nous avons finalement déniché le lopin de terre exigé dans le secteur de Grandville. C'est bien loin de chez nous, dans le Bas-du-Fleuve, presque à la frontière des États-Unis. Nous avons finalement trouvé. Si un sénateur est nommé pour Grandville, il y a un beau terrain à vendre.

Lors de mon assermentation, avec la présence de mon père et de ma petite-fille, nous étions quatre générations à vibrer d'émotion. Une première, m'a-t-on dit, à l'époque. Puis, j'ai pris mon siège.

[Traduction]

À ma toute première séance, la sénatrice LeBreton a demandé l'ajournement de l'interpellation à mon nom. Je ne savais pas du tout de quoi il s'agissait.

La sénatrice LeBreton : Moi non plus.

La sénatrice Champagne : Il n'y avait pas ce système à la Chambre des communes. Je ne savais donc pas du tout ce que j'étais censée faire ni de combien de temps je disposais.

[Français]

Depuis, je crois avoir rempli ma charge de travail au cours de ces neuf années avec, à tour de rôle, Jeffrey Sisk, Kelly Fletcher et, finalement, au cours des dernières années, Natasha Entwistle, la petite Russe et rousse que tout le monde connaît et estime.

Oui, comme certains l'ont mentionné à deux reprises, je me suis absentée du Sénat pour des périodes assez prolongées. En 2007, je suis rentrée de mission avec une méningite suivie de complications de septicémie. Il semble que, dans deux hôpitaux différents, j'aie passé 42 jours dans un profond coma. Puis on m'a gardée à l'hôpital pendant presque deux mois supplémentaires. Après, je me suis mise au travail pour traverser une période de convalescence qui, me semblait-il, n'en finissait plus de finir.

Finalement, avec un déambulateur, j'ai réappris à marcher, à tenir un crayon, à tartiner mon pain et, le pire, à réactiver ma mémoire. J'avais même oublié mon numéro de téléphone.

La semaine dernière, quand l'Assemblée nationale du Québec, ma province, a adopté une nouvelle loi sur les soins de fin de vie — que l'on dise euthanasie, suicide assisté ou mourir dans la dignité —, j'ai frémi en pensant à ce qui aurait pu m'arriver. Après mes 40 jours d'inconscience, pendant lesquels j'avais même subi un infarctus, la question que tout un chacun se posait était : dans quel état sera-t-elle si un jour elle vient à renaître?

Les spécialistes voulaient tout simplement cesser de me soigner. On ne voulait pas provoquer ma mort, mais plutôt cesser de me tenir en vie. Dieu merci, mon homme, mes enfants et ma sœur se sont opposés à leur suggestion. Il fallait qu'ils me gardent en vie jusqu'au jour où je me réveillerais et où je reprendrais ma vie en main.

Heureusement, les miens ont eu gain de cause, car, finalement, quelques jours plus tard, j'ai commencé à donner des signes de vie, et j'ai pu passer toutes ces années supplémentaires à partager la vie des miens et celle du Sénat canadien.

En 2012, j'ai dû aussi établir de nouvelles priorités quand mon conjoint, mon Sébastien chéri, s'est trouvé à combattre un cancer. Voilà que je suis tombée dans une profonde dépression. On me disait bonjour, et je me mettais à pleurer.

Il est important que je remercie aujourd'hui tous ceux et celles qui, à tour de rôle, m'ont remplacée aux réunions de comités et lors de mes jours de devoir en Chambre pour me permettre de rester auprès de mon homme, le même qui m'avait épaulée et soutenue pendant mes moments les plus pénibles, pendant tous ces longs mois dont j'ai eu besoin avant de pouvoir reprendre mes activités.

Finalement, tout est bien qui finit bien : tous les deux, Sébastien et moi, nous aurons fait mentir les pronostics peu encourageants de tous les experts. C'est encore la main dans la main que nous aborderons la nouvelle vie qui nous attend, le matin du 18 juillet prochain.

(1440)

Depuis mes tout débuts au Sénat, j'ai participé au Comité sénatorial permanent des langues officielles, longtemps présidé par l'honorable sénatrice Chaput. Une grande partie de notre travail a été dirigé vers les groupes linguistiques en situation minoritaire, surtout les francophones. Heureusement, nous avons eu le temps et l'occasion enfin d'écouter aussi les récriminations des anglophones du Québec. Je me souviens du sénateur Dawson, qui a fait une partie de cette tournée avec nous, ainsi que de la sénatrice Fraser. Aujourd'hui, nous voyons les anglophones du Québec qui se promènent avec notre rapport sénatorial tel un bréviaire. Vous comprenez que leur reconnaissance nous fait chaud au cœur.

Sénatrice Chaput, Sébastien et moi tenons à vous remercier aussi de nous avoir permis de donner un spectacle à Saint-Boniface au profit du premier théâtre francophone d'Amérique, le vôtre, qui était en train de se refaire une beauté.

Dès mon arrivée au Sénat, j'avais vite repris mes activités au sein de la Francophonie internationale. L'alternance installée depuis très longtemps au sein de l'APF a fait de moi sa présidente internationale lors de l'assemblée générale de 2013, tenue en Côte d'Ivoire. Vous me voyez ravie du fait que, pour la première fois depuis 1999, notre section canadienne se soit vu décerner la responsabilité d'être l'hôte de la 40e réunion, grâce aux sous que le sénateur Tkachuk a bien voulu nous donner.

À la fin de nos travaux, au mois de juillet, je devrai céder ma place, après une seule année à la présidence, puisque je n'aurai plus la seule qualité essentielle au poste : je ne serai plus parlementaire. Notre collègue, le sénateur Paul McIntyre, a bien voulu accepter de me remplacer avec l'appui de notre Sous-comité du programme et de la procédure. Celui qui vient de courir son 50e marathon trouvera bien l'énergie nécessaire pour me remplacer. Je l'en remercie très sincèrement et lui souhaite une année remplie de succès. Je vous invite tous et toutes, qui êtes membres de l'APF, à participer aux séances plénières des 7 et 8 juillet. Avec la collaboration de notre secrétaire administratif, François Michaud, et celle de Manon Champagne, du protocole, nous vous préparons une soirée de gala hors de l'ordinaire.

Comme le disait encore récemment le secrétaire général de l'OIF, Son Excellence M. Abdou Diouf, c'est sous la baguette du premier ministre Mulroney que le Canada a été l'un des maîtres d'œuvre du regroupement de la Francophonie internationale.

C'est avec une grande fierté que j'ai essayé de marcher dans le sillon qu'avait tracé mon premier premier ministre. Plusieurs anciens collègues m'ont apporté un soutien indéfectible au cours des ans; je pense en particulier à l'honorable Rose-Marie Losier-Cool et à l'honorable Pierre De Bané, qui à l'APF, qui au Comité des langues officielles. Lorsqu'on parlait, sénatrice Charette-Poulin, de Radio-Canada, j'avais un bon maître avec le sénateur De Bané; je suis allée à bonne école.

Mon travail au sein de l'APF en est un qui me manquera beaucoup après cette retraite imposée par nos règlements. Je quitte convaincue d'avoir été un bon soldat en temps de paix comme dans les moments les plus difficiles, mais je quitte aussi le cœur très gros.

J'ai été active dans la vie publique depuis 1956. Ma probité n'avait jamais été mise en doute, mais les événements tragiques des derniers mois, causés par quelques individus, nous ont toutes et tous peints d'une drôle de couleur : certains disent couleur « escroc ». Je vous avoue avoir eu les larmes aux yeux quand ma petite-fille, ma seule et unique, m'a admis qu'elle avait dû débattre du sujet à l'université où elle étudie en communication.

Comme chaque année en fin de session, beaucoup de travail nous attend, et j'ai dû faire de grandes coupures dans le texte que j'aurais voulu vous présenter. Je m'en tiendrai donc à vous remercier, une fois de plus, en souhaitant que, au cours des prochains mois, les médias trouvent des choses positives à dire quand ils parleront du Sénat du Canada. Il est grand temps que tout le travail qui s'accomplit dans cette enceinte et au sein des comités du Sénat fasse, enfin, la manchette. Qu'on cesse d'associer irrémédiablement les mots « Sénat » et « scandales »; soyez assurés que je m'en réjouirai avec vous quand ce jour viendra.

Abolir la Chambre haute? Pensons à une énorme compagnie, établie depuis un siècle et demi, pour laquelle, soudainement, quelques personnes présenteraient des allocations de dépenses douteuses, voire inappropriées. Est-ce que, pour autant, on penserait à mettre la clé dans la porte?

Alors que plusieurs d'entre nous s'apprêtent à quitter le Sénat, je me rappelle mes études de latin et de cette phrase qui risquerait de s'appliquer ici. On disait :

Et le combat cessa faute de combattants.

N'est-ce pas, sénateur Joyal?

Je souhaite ardemment que d'autres personnes hautement qualifiées viennent se joindre à vous tous et toutes qui travaillez très fort pour notre pays.

Honorables sénateurs, continuez le merveilleux travail qui s'accomplit ici. Je suis née et j'habite toujours le Québec, mais la Canadienne française que j'ai toujours été n'aura que de bons mots à dire de notre pays, de notre Sénat et de la majorité de ceux qui y travaillent. Merci de votre amitié et de votre appui.

[Plus tard]

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Gino Farnetti-Bragaglia, venu de l'Italie. À l'âge de cinq ans, M. Farnetti-Bragaglia a été sauvé par quatre soldats canadiens qui participaient à la campagne d'Italie pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est aujourd'hui accompagné de sa femme, Rita Trigiani, du colonel Tony Battista, ancien attaché militaire à l'ambassade du Canada à Rome, ainsi que d'un groupe de chercheurs qui l'ont aidé à retrouver la trace de ses bienfaiteurs. Ils sont les invités du sénateur Plett.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

M. Gino Farnetti-Bragaglia

Survivant de la campagne d'Italie pendant la Seconde Guerre mondiale

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, nous recevons aujourd'hui un invité très spécial.

Comme la plupart d'entre vous s'en souviennent, j'ai présenté la motion suivante il y a quelques semaines :

Que, à l'occasion de la visite de Gino Farnetti-Bragaglia au Canada, le Sénat du Canada exprime sa gratitude aux quatre soldats canadiens qui lui ont sauvé la vie et qui ont pris soin de lui il y a soixante-dix ans, qu'il rende hommage aux familles de ces quatre soldats et qu'il salue la bravoure et le sacrifice de tous les soldats canadiens qui ont participé à la campagne d'Italie pendant la Deuxième Guerre mondiale.

J'ai expliqué l'importance de la campagne d'Italie, ou Opération Husky, puisqu'environ 90 p. 100 des Canadiens n'en auraient même jamais entendu parler. J'ai également fait mention de l'organisme Peace Through Valour, dirigé par notre ancien collègue le sénateur Con Di Nino, et souligné l'importance de groupes comme celui-là, qui se donnent comme mission de raconter les histoires et les sacrifices de ceux qui se sont battus au nom de la liberté afin qu'ils ne tombent jamais dans l'oubli.

J'avais terminé mon allocution en racontant la touchante histoire d'un petit garçon nommé Gino. En 1944, quatre soldats canadiens ont trouvé un orphelin de cinq ans sans abri et mal nourri près des ruines de Torrice, en Italie. Ils l'ont ramené au camp, ont soigné ses blessures, l'ont nourri et lui ont enseigné l'anglais et la Bible. Ils sont devenus ses tuteurs, ses mentors et ses meilleurs amis.

Lorsqu'ils ont dû quitter l'Italie, les soldats ont cherché à l'adopter pour le ramener avec eux, mais ils n'ont pas pu. Gino a été adopté par une famille italienne, mais il est demeuré en contact avec ses mentors — ses anges gardiens, comme il les appelait — tout au long de sa vie. Les quatre soldats sont malheureusement tous décédés.

Je suis heureux d'accueillir Gino, qui est maintenant âgé de 75 ans, au Sénat aujourd'hui, 70 ans plus tard, au début d'une semaine d'activités visant à souligner la participation du Canada à la campagne d'Italie et à faire connaître l'histoire des quatre soldats qui lui ont sauvé la vie. Comme le Président l'a indiqué, il est accompagné de son épouse, Rita, du colonel Tony Battista et de nombreux chercheurs et amis qui l'ont aidé à faire la lumière sur son histoire.

Au cours de son voyage en sol canadien, Gino a pu passer du temps avec des proches à Montréal. Cette semaine, il prendra part à une série d'activités organisées en l'honneur de l'Opération Husky. Hier soir, à Montréal, il a raconté son histoire lors d'une activité éducative et d'un souper qui ont eu lieu à la Casa d'Italia. Ce soir, il participera à une activité spéciale privée au Centre historique italo-canadien. Mercredi, on lui rendra hommage au Musée canadien de la guerre, ici, à Ottawa, à l'occasion d'une activité intitulée « Opération Husky : Alors et maintenant, et l'histoire de Gino Farnetti-Bragaglia », à laquelle j'aurai l'honneur d'assister.

Gino assistera jeudi à Toronto à la présentation du film Operation Remembrance dans le cadre du Festival du film italien contemporain. Ensuite, toujours à Toronto, il retrouvera vendredi les familles des quatre soldats qui lui ont sauvé la vie il y a tant d'années à l'occasion d'une soirée pour célébrer l'incroyable histoire de Gino Farnetti-Bragaglia et la bravoure et la bienveillance des soldats canadiens.

J'espère avoir l'occasion de présenter la motion, qui a été adoptée, à Gino et aux familles des quatre soldats à l'occasion de la soirée organisée vendredi.

Chers collègues, je vous prie de vous joindre à moi pour accueillir chaleureusement au Canada Gino Farnetti-Bragaglia.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le commissaire aux langues officielles

La Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels—Dépôt des rapports annuels de 2013-2014

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports annuels de 2013-2014 du commissaire aux langues officielles, conformément à l'article 72 de la Loi sur l'accès à l'information et à l'article 72 de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2014

Présentation du douzième rapport du Comité des finances nationales

L'honorable Joseph A. Day, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant :

Le mardi 17 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

DOUZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 16 juin 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Votre comité a aussi fait certaines observations qui sont annexées au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
JOSEPH A. DAY

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1085.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur L. Smith, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

(1450)

[Traduction]

Projet de loi concernant la Première Nation micmaque Qalipu

Présentation du sixième rapport du Comité des peuples autochtones

L'honorable Dennis Glen Patterson, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le mardi 17 juin 2014

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-25, Loi concernant le Décret constituant la bande appelée Première Nation Qalipu Mi'kmaq, a, conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 28 mai 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
DENNIS GLEN PATTERSON

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de l'honorable sénateur Wallace, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi constitutionnelle de 1867
La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Terry M. Mercer dépose le projet de loi S-223, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 et la Loi sur le Parlement du Canada (présidence du Sénat).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Mercer, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous accueillons un autre visiteur de marque à la tribune, le nouvel ambassadeur de la Mongolie au Canada, Son Excellence Radnaabazar.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada, Votre Excellence.

Des voix : Bravo!

(1500)

L'Association législative Canada-Chine
Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

L'assemblée générale de l'Assemblée interparlementaire de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est, tenue du 17 au 23 septembre 2013—Dépôt du rapport

L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association législative Canada-Chine et du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant sa participation à la 34e assemblée générale de l'Assemblée interparlementaire de l'ANASE (AIPA), tenue à Bandar Seri Begawan, au Brunéi Darussalam, du 17 au 23 septembre 2013.

Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

La visite annuelle des coprésidents au Japon, du 7 au 12 avril 2013—Dépôt du rapport

L'honorable JoAnne L. Buth : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant la visite annuelle des coprésidents au Japon, tenue à Tokyo, au Japon, du 7 au 12 avril 2013.

Sécurité nationale et défense

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les questions de sécurité nationale et de défense dans les relations avec la région Indo-Asie-Pacifique

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les questions de sécurité nationale et de défense dans les relations avec la région Indo-Asie-Pacifique et leurs répercussions sur les politiques, pratiques, situation et capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense;

Que le comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les menaces à la sécurité

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les menaces à la sécurité nationale, notamment :

a) le cyberespionnage;

b) les menaces aux infrastructures essentielles;

c) le recrutement de terroristes et le financement d'actes terroristes;

d) les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes;

Que le Comité fasse rapport au Sénat au plus tard le 31 décembre 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 90 jours après le dépôt de son rapport final.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à se réunir et à déposer auprès du greffier du Sénat, pendant la période d'ajournement, son rapport relatif à son étude sur les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Qu'en conformité avec l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à se réunir pendant 2 jours entre le vendredi 27 juin 2014 et le vendredi 12 septembre 2014 inclusivement afin d'examiner un projet de rapport relatif à son étude sur les politiques, pratiques et efforts de collaboration de l'Agence des services frontaliers du Canada en vue de déterminer l'admissibilité au Canada et le renvoi de personnes inadmissibles, même si le Sénat est ajourné à ce moment pour une période de plus d'une semaine; et

Que, nonobstant les pratiques habituelles, le Comité soit autorisé à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

[Français]

Les phares à titre de symboles irremplaçables du patrimoine maritime

Préavis d'interpellation

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur les phares, qui sont un symbole unique du patrimoine maritime du Canada et des monuments qui enrichissent les collectivités et le paysage national.

[Traduction]

Le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne au Canada

Projet de loi d'intérêt privé visant à modifier la loi constitutive—Présentation d'une pétition

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une pétition du Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne au Canada, de la ville de Kitchener, dans la province de l'Ontario; qui sollicite l'adoption d'une loi modifiant la Loi sur le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne au Canada, afin qu'il puisse continuer à tenir des assemblées ordinaires et extraordinaires sous le régime de cette loi malgré certaines dispositions de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif.


PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

La santé mentale—La prévention du suicide

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, la question que j'aimerais poser aujourd'hui nous vient de Victoria McFarlane, qui habite à Halifax, en Nouvelle-Écosse. La voici :

La Presse Canadienne a récemment obtenu des documents en vertu de la Loi sur l'accès à l'information qui révèlent que le ministère de la Défense nationale n'a pas tenu compte des stratégies recommandées visant à réduire l'arriéré dans les enquêtes sur les suicides de militaires.

En 2012, le directeur des enquêtes spéciales du ministère a recommandé de changer d'agence responsable des enquêtes. Malgré l'arriéré de 75 cas à l'époque (printemps 2012), dont certains remontaient à 2008, les fonctionnaires du ministère ont décidé de ne pas donner suite à la recommandation.

Ces enquêtes spéciales permettent aux familles de tourner la page; personne ne devrait avoir à attendre à cause d'un arriéré bureaucratique ou de procédures d'étouffement. Quelles sont donc les priorités du gouvernement? Comme l'a dit Murray Brewster dans un article paru récemment : « Le peu d'empressement avec lequel on cherche à réduire l'arriéré dans les enquêtes nous rappelle la procrastination de la bureaucratie à l'égard de la promesse de longue date de grossir l'effectif de spécialistes en santé mentale au ministère. »

Combien des 75 cas non réglés au printemps 2012 sont toujours en instance? Étant donné l'importance capitale de ces enquêtes pour les familles dont un être cher s'est enlevé la vie, pouvez-vous décrire le protocole qui a été adopté afin d'accélérer le processus?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie de me transmettre la question de cette citoyenne, sénateur Mercer.

Avant toute chose, je tiens à mentionner que nos pensées et nos prières accompagnent évidemment les familles canadiennes touchées par la perte d'un être cher.

L'an dernier, le ministre nous informait qu'il demanderait des explications aux autorités militaires concernant les retards dans le traitement de certains dossiers qui empêchaient certaines familles de faire leur deuil. Conséquemment, le chef d'état-major a mis sur pied une équipe spéciale ayant pour seul objectif de régler rapidement les dossiers de toutes les commissions d'enquête.

Je suis donc fier de vous dire qu'aujourd'hui, le temps nécessaire à la tenue d'une commission d'enquête a diminué de plus de la moitié. Les délais sont aujourd'hui de sept à neuf mois, alors que, l'an dernier, ils étaient de deux ans. Le nombre de commissions d'enquête en attente a chuté de plus de 80 p. 100, soit de 54 en 2013 à moins de 10 à l'heure actuelle.

En outre, ces dernières années, les Forces armées canadiennes ont déployé des efforts considérables pour soutenir les militaires souffrant de troubles mentaux, tels que le stress post-traumatique.

Les Forces armées canadiennes emploient plus de 400 professionnels spécialisés dans le domaine de la santé mentale à temps plein aujourd'hui et elles s'efforcent d'en embaucher encore davantage.

Si l'on compare avec nos alliés de l'OTAN, les Forces armées canadiennes sont parmi les forces militaires qui comptent le plus grand nombre de spécialistes de la santé mentale en proportion avec le nombre de leurs membres.

De plus, le Programme d'aide aux membres des Forces armées canadiennes offre un service téléphonique confidentiel de conseils et d'aiguillage à ses membres et à leur famille, et ce, 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Ce programme comprend également un service de consultation externe confidentiel à court terme. Je vous donne dès maintenant le numéro de téléphone permettant de bénéficier de ce programme : 1-800-268-7708.

Finalement, nous fournissons des soins de santé mentale dans 29 cliniques réparties dans tout le Canada, d'Esquimalt à Halifax, ainsi qu'un soutien pendant toute la carrière et le cycle de déploiement des membres des Forces armées canadiennes.

J'espère que la citoyenne qui vous a demandé de poser cette question sera satisfaite de notre réponse.

(1510)

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Je remercie le leader de sa réponse.

Vous affirmez que certains dossiers ont été traités, mais, selon de récents articles parus dans le magazine Maclean's, un certain nombre de sources ministérielles ont rapporté à la Presse Canadienne au début de l'année que les nombreux efforts déployés pour combler les postes vacants, au nombre de plus de 50, ont échoué en raison d'une procédure étouffante et des répercussions du gel de l'embauche au fédéral.

Cette question devrait être une priorité pour le gouvernement, honorables sénateurs. Les familles méritent de pouvoir tourner la page. Vous avez parlé de progrès, monsieur le leader, mais même un seul nom sur la liste est un nom de trop.

Que pouvons-nous faire pour accélérer les choses?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, je pense que j'ai répondu de façon complète en ce qui concerne les efforts et les ressources mises à la disposition des membres des Forces armées canadiennes. J'ai donné des détails sur la question de la réduction du temps d'attente, qui est quand même importante, sur la question de l'augmentation et de l'embauche du nombre de professionnels spécialisés, et surtout, évidemment, sur les commissions d'enquête qui ont diminué de 80 p. 100. Il reste moins de dix cas, à l'heure actuelle, en ce qui concerne les commissions d'enquête. On comprend que ce sont des situations difficiles à vivre pour les familles endeuillées, et tous les efforts sont déployés pour veiller à ce que les membres des familles endeuillées soient affectés le moins que possible par le délai des commissions d'enquête.

La justice

La Cour suprême—La nomination des juges

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Ma question s'adresse au leader du gouvernement. En dépit de tous les revers que le premier ministre s'est vu récemment infliger par la Cour suprême parce qu'il s'évertue à ne pas respecter la Loi constitutionnelle du Canada, le voilà qui récidive avec la nomination du juge Mainville à la Cour d'appel du Québec. Cela nous affecte beaucoup, parce que cela occasionne chaque fois un délai et que nous avons besoin d'un autre juge en droit civil à la Cour suprême.

Le juge Mainville a été nommé à la Cour fédérale en 2009 par le premier ministre. Or, sa nomination à la Cour d'appel du Québec viole l'article 98 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui stipule ce qui suit, et je cite :

Les juges des cours de Québec seront choisis parmi les membres du barreau de cette province.

Or, il n'est pas membre du Barreau du Québec.

L'avocat Rocco Galati, qui a contesté avec succès la nomination du juge Nadon, parle, dans sa présente contestation, « [...] d'une insistance inconstitutionnelle obstinée [...] ». Cela illustre assez bien la situation.

Monsieur le leader, quand le premier ministre arrêtera-t-il de se comporter en délinquant et acceptera-t-il de respecter la première loi du Canada?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous demanderais d'être prudente dans les termes que vous utilisez; ils doivent quand même demeurer parlementaires.

En ce qui a trait à la nomination du juge Mainville à la Cour d'appel du Québec, celui-ci a été membre du Barreau du Québec pendant 33 ans. Il a été juge à la Cour fédérale et à la Cour d'appel fédérale durant les cinq dernières années. Il est manifestement un Québécois qui se qualifie pour une nomination à la Cour d'appel du Québec et, compte tenu de ses grandes compétences, je pense qu'il sera accueilli à bras ouverts à la Cour d'appel du Québec.

La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur le leader, dans la liste des comportements délinquants — je sais que vous n'aimez pas le terme, mais cela exprime bien l'idée que notre premier ministre attend toujours que la Cour suprême le rappelle à l'ordre —, je rappelle le revers dans la tentative inconstitutionnelle de modifier le Sénat sans l'accord des provinces; le revers dans la nomination inconstitutionnelle du juge Nadon; le revers dans la tentative d'augmenter, de manière rétrospective, le temps d'épreuve pour être admissible à la libération conditionnelle; le revers dans la tentative de créer, sans l'accord des provinces, une commission nationale des valeurs mobilières; et, enfin, le revers dans le dossier d'Omar Khadr, lorsque la Cour suprême a confirmé que les droits de ce Canadien avaient été violés.

Ajoutez à cela la tentative d'intimidation, inédite au pays, du premier ministre envers la juge en chef du Canada, la très honorable Beverley McLachlin. Et nous ajouterons bientôt à cette liste le revers concernant la nomination du juge Mainville.

Il est à peu près temps que celui qui se veut le champion de la loi et de l'ordre — et qui se place systématiquement au-dessus des lois et crée le désordre — obéisse à la première loi du pays.

Quand pourrons-nous être assurés que le premier ministre respecte la Loi constitutionnelle du Canada?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, je ne qualifierai pas tous vos sous-entendus qui, de temps à autre, déforment certains faits.

Le juge Mainville, comme vous le savez probablement — si vous ne le savez pas, je vais vous le dire —, a une expertise dans le domaine des négociations collectives dans le secteur public. C'est un expert en droit administratif, en droit constitutionnel, en droit de l'énergie, en droit de l'environnement. Il a enseigné à l'Université McGill et est l'auteur de nombreux ouvrages universitaires portant sur le droit autochtone. Il a été membre du barreau pendant 33 ans et, comme je l'ai dit, durant les cinq dernières années, il a été juge à la Cour fédérale et à la Cour d'appel fédérale. Il est clairement admissible à une nomination à la Cour d'appel du Québec, et je suis convaincu qu'il sera accueilli à bras ouverts par ses collègues de la Cour d'appel du Québec.

La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur le leader, il n'aura échappé à personne au Québec que le nom du juge Mainville figurait à côté de celui du juge Nadon sur la courte liste des juges proposés pour la Cour suprême. Il ne faudrait pas nous prendre pour des innocents.

Je pense que, puisque la nomination du juge Nadon a été rejetée, le premier ministre a imaginé une autre façon de nommer quelqu'un qui n'est pas admissible à la Cour suprême en le faisant passer temporairement à la Cour d'appel du Québec, alors qu'il n'est pas admissible à la Cour d'appel.

Cela s'appelle faire indirectement ce que la loi vous interdit de faire directement et, bien entendu, c'est illégal. Autrement, pourquoi M. Galati irait-il encore devant les tribunaux afin de s'assurer que le premier ministre respecte la Constitution?

Pouvez-vous nous assurer que cette nomination illégale à la Cour d'appel ne vise pas ultérieurement la nomination du juge Mainville à la Cour suprême?

Le sénateur Carignan : Je vois que vous élaborez la même théorie de complot que le chef de l'autre côté, votre cousin du NPD. Évidemment, nous ne ferons aucune spéculation relativement à des rumeurs au sujet d'éventuelles nominations à la Cour suprême.

Comme nous l'avons toujours dit et répété depuis la décision de la Cour suprême, nous respecterons l'esprit et la lettre de la décision relative au renvoi de la Cour suprême, quoi que vous puissiez en dire, en penser, ou que vos cousins de la fesse gauche du NPD puissent en penser.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne sais pas depuis quand j'ai des relations de famille avec le NPD; il me semble que vous vous trompez de chef.

Le premier ministre prétend tout le temps qu'il est un grand gestionnaire des deniers publics, qu'il fait tous les efforts nécessaires, avec son ministre des Finances, pour réduire les dépenses.

J'aimerais savoir combien de millions le premier ministre a dépensés à ce jour pour aller devant les tribunaux, pour des causes dont on connaît à l'avance l'invalidité et l'inconstitutionnalité. Combien de millions, et si vous n'avez pas la réponse sur le montant, j'attendrai une réponse différée.

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme vous le savez, il y a beaucoup de dossiers devant les tribunaux pour lesquels les gens peuvent avoir des prétentions sur la revendication des droits ou la contestation de la constitutionnalité d'autres lois ou d'autres décisions du gouvernement.

(1520)

Cela fait partie des aléas d'avoir un gouvernement, d'avoir une législation et d'être dans un pays démocratique où les gens ont recours aux tribunaux pour s'assurer que les lois sont adoptées en fonction de la Constitution. Ce sont les coûts qu'on doit absorber pour faire partie d'un pays où prévaut la règle de droit.

La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur le leader, vous n'avez pas répondu à ma question. Vous avez fait allusion à une théorie du complot. Je ne vois pas de complot. Je vois ce qu'on pourrait appeler en anglais un « scheme » pour nous passer une autre nomination invalide.

Je vous pose donc la question. Il y aura à la cour un poste vacant pour un juge du Québec. Pouvez-vous nous assurer que la nomination d'un juge du Québec se fera dans un délai très raisonnable, et que vous n'attendrez pas un an ou six mois pour remplacer le juge qui prendra sa retraite?

Avec trois juges à la Cour suprême, le Québec a le droit d'être représenté dans quelque dossier que ce soit. Je ne voudrais pas que la nomination de M. Mainville devienne un prétexte pour soumettre éventuellement sa candidature et, finalement, retarder encore le processus de nomination d'un juge du Québec à la Cour suprême.

Le sénateur Carignan : Comme je le disais, je vois à nouveau l'élaboration de la théorie du complot de vos cousins de l'autre côté. Je vous donnerai la même réponse. Nous ne ferons aucune spéculation relativement à des rumeurs au sujet d'éventuelles nominations à la Cour suprême. À ma connaissance, les trois juges qui représentent le Québec y sont actuellement. Nous avons dit que nous respecterions l'esprit et la lettre de la décision relative au renvoi à la Cour suprême dans le cadre du dossier concernant le juge Nadon.

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, j'aimerais apporter une précision. M. Mainville est nommé à la Cour d'appel. Le leader peut-il nous assurer qu'il siégera à la Cour d'appel, normalement, pendant les trois, quatre ou cinq prochaines années?

Le sénateur Carignan : Je crois qu'il est assez difficile de prétendre ou de donner l'assurance qu'une personne occupera des fonctions pendant un certain nombre d'années. La sénatrice Buth a été nommée au Sénat. Je m'attendais à ce qu'elle reste notre collègue jusqu'à l'âge de 75 ans. Toutefois, un nouveau défi s'est présenté qu'elle n'a pu s'empêcher de relever. Elle a décidé de nous quitter après moins d'un an au poste prestigieux de sénateur, bien qu'elle soit admissible à prendre sa retraite à l'âge de 75 ans. Il est donc impossible de spéculer sur la durée de la période pendant laquelle une personne pourra ou voudra occuper un poste de cette nature.

J'aimerais tout de même répondre à l'insinuation que j'ai sentie dans votre question. On ne spéculera pas sur des rumeurs au sujet d'éventuelles nominations à la Cour suprême.

Le sénateur Rivest : J'aimerais ajouter une remarque sous forme de question. La réponse du leader du gouvernement alimente une rumeur. Dans la mesure où il ne confirme pas que le juge Mainville siégera à la Cour d'appel, il crée lui-même la rumeur qu'il reproche à d'autres de créer, à savoir que le gouvernement envisage la nomination du juge Mainville à la Cour suprême.

Le sénateur Carignan : Sénateur Rivest, vous me demandez de prendre l'engagement selon lequel le juge Mainville siégera à la Cour suprême. Pourriez-vous prendre l'engagement que je siégerai ici pendant 15 ans encore? Je vous invite à ne pas le faire, s'il vous plaît.

Le Sénat

Hommages aux pages à l'occasion de leur départ

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je tiens à souligner le départ de deux des pages du Sénat.

[Traduction]

Mahalia Golnosh Tahririha est notre page en chef. Elle vient d'obtenir son diplôme, avec très grande distinction, en Arts spécialisés avec double majeure en théâtre et en psychologie. Mahalia veut voyager cet été et rendre visite à sa famille avant de commencer une maîtrise ès arts en théâtre à l'Université d'Ottawa. Plus tard, elle souhaite faire un doctorat en théâtre à New York et faire une carrière conjuguant enseignement et arts.

Des voix : Bravo!

[Français]

Son Honneur le Président intérimaire : Vanessa Anstead attend avec impatience de se consacrer à sa troupe de théâtre Lolita Productions dès la fin du programme des pages. En outre, elle termine un programme de baccalauréat en commerce international à l'École de gestion Telfer. En janvier 2015, elle se rendra à Madrid, en Espagne, pour parfaire son espagnol et étudier dans le cadre du programme de maîtrise en gestion de l'ESCP Europe. Bravo et bonne chance!


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-24, suivie par tous les autres points dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton, exception faite de la seconde lecture du projet de loi S-6, à laquelle nous procéderons en dernier lieu aujourd'hui sous la rubrique « Affaires du gouvernement ».

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'honorable Nicole Eaton propose que le projet de loi C-24, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un privilège de prendre la parole à l'étape de la deuxième lecture de cette très importante mesure législative, le projet de loi C-24, Loi renforçant la citoyenneté canadienne.

La citoyenneté canadienne est un privilège, et non un droit. Il s'agit d'un cadeau que l'on reçoit à la naissance ou qu'on s'offre, et il incite à l'action. Chers collègues, on entend par « citoyenneté » le fait d'appartenir à une communauté parce qu'on y vit ainsi que les devoirs et responsabilités qui en découlent. Mais ce n'est pas tout. L'ancien premier ministre de l'Inde, Jawaharlal Nehru, a déjà dit : « La citoyenneté, c'est servir son pays. »

Pour les centaines de milliers de gens qui en ont fait la demande, la citoyenneté représente deux choses : un choix personnel et l'adoption des valeurs de la société dont ils souhaitent faire partie intégrante.

Au Canada, nous le savons probablement mieux que toute autre nation au monde, car nous sommes un jeune pays pratiquement entièrement composé d'immigrants. De plus, nous avons les taux de naturalisation les plus élevés de l'Occident.

Depuis la Confédération, l'immigration est le carburant qui forge notre grand pays et l'ingrédient clé qui fait du Canada un pays de choix pour ceux qui recherchent une vie meilleure, la possibilité d'avoir une incidence positive sur leur société et un lieu où la prospérité et la sécurité sont à la portée de tous.

Le Canada d'aujourd'hui est plus riche grâce à ceux qui choisissent de devenir ses citoyens. D'ailleurs, comme l'a déjà déclaré l'ancien président des États-Unis, Lyndon Johnson, au sujet de l'incidence de l'immigration :

Le pays a pris son essor grâce aux nombreuses sources dont il s'est abreuvé. Il a été nourri par un grand nombre de cultures, de traditions et de peuples.

(1530)

Les bons résultats de nos programmes d'immigration ne sont pas passés inaperçus dans le monde. Un autre ancien président des États-Unis, Bill Clinton, a déjà dit ceci :

Dans un monde assombri par les conflits ethniques qui déchirent littéralement certains pays, le Canada constitue pour nous tous un pays modèle, où des gens de cultures diverses vivent et travaillent ensemble dans la paix, la prospérité et la compréhension.

Comme je viens de l'indiquer, le Canada a l'un des plus hauts taux de naturalisation au monde. Plus de 85 p. 100 des résidents permanents obtiennent la citoyenneté, un taux supérieur à ceux de l'Australie, des États-Unis et du Royaume-Uni. L'année dernière, Citoyenneté et Immigration Canada a reçu 333 860 demandes de citoyenneté, ce qui constitue un record, comme je l'ai mentionné.

Cependant, si nous voulons rester dans le peloton de tête mondial pour l'immigration et la naturalisation, il nous incombe de voir à ce que nos programmes de citoyenneté demeurent robustes, viables et efficaces. C'est pourquoi le gouvernement a entrepris d'apporter à la Loi sur la citoyenneté les changements les plus importants depuis une génération.

Ne nous y méprenons pas, cette refonte est nécessaire. Nous devons réduire les temps d'attente inacceptables qu'ont à subir les demandeurs de citoyenneté. Nous devons prendre des mesures vigoureuses pour combattre la fraude en matière de citoyenneté. Nous devons nous occuper du problème des gens qui cherchent à obtenir une « citoyenneté de complaisance » et qui veulent s'en servir pour atteindre des objectifs n'ayant rien à voir avec les principes sur lesquels repose l'octroi de l'identité canadienne.

Les améliorations que contient ce projet de loi s'inscrivent dans la tradition historique d'amélioration graduelle de notre programme de citoyenneté depuis ses débuts, en 1910, année d'adoption de la Loi sur l'immigration. Il y eut par la suite la Loi sur la naturalisation de 1914 et la Loi sur la citoyenneté de 1947. Cette législation a fait l'objet d'améliorations exhaustives en 1977.

Dans le discours du Trône de 2013, nous avions déclaré notre intention de rafraîchir la Loi sur la citoyenneté. Nous nous étions engagés à valoriser et à protéger la citoyenneté canadienne.

Le projet de loi C-24 donne suite à cet engagement. Il contient des modifications en profondeur de la Loi sur la citoyenneté. Nous croyons que l'adoption du projet de loi C-24 nous permettra de mettre en œuvre des mesures importantes. La loi accroîtra l'efficacité du traitement pour que les demandeurs puissent obtenir plus rapidement leur citoyenneté. Elle renforcera les exigences pour l'obtention de la citoyenneté. Elle combattra la fraude et améliorera grandement l'intégrité du programme. Elle nous permettra d'honorer ceux qui servent le Canada, qui veulent en devenir citoyens et qui méritent que notre pays leur témoigne sa gratitude en leur accordant la citoyenneté.

Honorables sénateurs, la citoyenneté canadienne a une grande valeur. Elle contribue de façon importante à l'édification du pays et à notre vitalité économique. Les Canadiens en tirent une immense fierté qui n'a pas d'égal. La citoyenneté canadienne reflète l'équilibre entre, d'une part, jouir des avantages qu'elle procure et, d'autre part, assumer les obligations et les droits qu'elle confère.

Je me souviens des premières paroles que j'ai prononcées dans cette auguste Chambre, il y a cinq ans. J'avais dit que le Canada est l'un des rares pays au monde qui a réalisé son potentiel grâce au travail ardu de ses immigrants. En effet, les immigrants sont la chair, les muscles et les tendons sur l'ossature canadienne. Comme Richard Gwyn l'a si sagement souligné, si le Canada n'avait pas de longue date favorisé l'immigration, il serait un pays bien différent aujourd'hui : plus petit, plus pauvre, plus étroit d'esprit, moins puissant et moins optimiste.

Aujourd'hui, je continue de croire en la valeur du service communautaire. Tous les hommes et toutes les femmes au pays doivent reconnaître que les avantages liés au fait d'être Canadien découlent directement de la volonté de nous engager à fond dans ce pays. La citoyenneté canadienne n'a jamais été et ne doit jamais devenir un pavillon de complaisance pour le soi-disant citoyen du monde. Notre pays est peut-être devenu une majorité de minorités, mais il ne doit jamais être défini uniquement en fonction de ses différentes composantes.

Je rappelle à tous les sénateurs que nous avons aussi des responsabilités envers ceux qui choisissent de vivre l'expérience canadienne. Comme je l'ai dit, nous devons travailler fort afin d'intégrer pleinement les nouveaux arrivants et de les encourager à endosser les responsabilités de la citoyenneté que tous les Canadiens doivent assumer pour profiter de ses avantages. La citoyenneté est un double engagement qui consiste à respecter le cadeau donné tout en redonnant quelque chose au pays qui l'a accordé. La citoyenneté c'est plus que de simplement détenir un passeport ou de voter aux élections. Même si ces deux privilèges sont des expressions fondamentales de la citoyenneté, celle-ci représente bien plus que cela. Elle suppose la pleine participation à la vie civique.

Permettez-moi de citer les propos passionnés qu'a tenus le ministre Alexander à l'autre endroit, lorsqu'il a décrit comment la citoyenneté trouve sa pleine expression :

La citoyenneté est synonyme d'une véritable participation : il faut apporter son aide à son voisin, aider les organismes bénévoles, être partie prenante de l'économie et faire sa part dans la vigoureuse économie que le Canada a réussi à implanter. Voilà les avantages de la liberté; or, c'est la citoyenneté qui, au fil des siècles, que dis-je, des millénaires, nous a permis d'atteindre un degré de liberté sans pareil dans l'histoire de l'humanité.

Le ministre Alexander a également mentionné les combats qu'exige un véritable attachement à la citoyenneté :

Nous nous sommes battus non seulement pour le droit d'avoir des assemblées et des gouvernements honnêtes, mais aussi pour que le gouvernement soit responsable. Ce sont les citoyens des villes, des villages et des régions rurales qui ont préparé la voie à la Confédération. C'est sur eux que repose cette politique nationale. Ils nous ont permis d'entrer dans le XXe siècle fort et libre; grâce à eux, le Canada a vraiment pris son envol, et le tout a culminé en 1947 avec l'adoption de la Loi sur la citoyenneté.

Chers collègues, les observations du ministre Alexander mettent en évidence la nécessité de préserver et de renforcer l'intégrité de la citoyenneté canadienne. Le Canada est un pays de prédilection pour des gens de partout dans le monde qui souhaiteraient en devenir résidents permanents. Nous devons donc demeurer vigilants et combattre sans relâche la fraude à l'immigration. Bien que ces cas soient, fort heureusement, peu nombreux, nous devons néanmoins agir afin de décourager les fraudeurs éventuels et de prévenir les fraudes.

La réalité, c'est que nous vivons dans un monde bien différent de celui dans lequel la Loi sur la citoyenneté a été adoptée, en 1977. C'est pour cette raison que nous répondons aux besoins en faisant une mise à jour de cette loi de façon à mieux relever les défis actuels et à répondre plus efficacement aux besoins de ceux qui décident de devenir des citoyens canadiens.

Honorables sénateurs, ceux qui critiquent le projet de loi font valoir que ses dispositions rendent la tâche plus difficile pour les immigrants qui veulent obtenir la citoyenneté canadienne. Je tiens à rassurer cette Chambre en disant que rien n'est plus faux. En fait, comme l'a souligné le ministre Alexander lorsqu'il est venu témoigner devant le comité, nous facilitons la tâche de ceux qui veulent devenir des citoyens du Canada en accélérant le traitement des demandes, en clarifiant les règles et processus connexes, et en faisant respecter les conditions exigées pour l'obtention de la citoyenneté.

Pour ce qui est d'améliorer l'efficacité du processus, permettez-moi de vous faire part du nouveau modèle de prise de décisions relativement aux demandes de citoyenneté. C'est un fait que, à l'heure actuelle les délais de traitement pour les candidats qualifiés sont trop longs. L'arriéré actuel dépasse les 350 000 demandes, ce qui est un niveau vraiment inacceptable auquel nous allons nous attaquer durant le reste de l'année.

À l'heure actuelle, l'obtention de la citoyenneté est un processus en trois étapes qui comporte des chevauchements. Les agents de la citoyenneté étudient les dossiers et les préparent aux fins d'examen par un juge de la citoyenneté. Le juge approuve ou rejette la demande, qu'il renvoie ensuite à l'agent. Celui-ci accorde alors la citoyenneté au nom du ministre, ou recommande l'interjection d'un appel de la décision du juge.

En vertu des dispositions du projet de loi C-24, les agents de la citoyenneté pourraient rendre des décisions relativement aux demandes, ce qui permettrait aux juges de se concentrer sur leurs importantes responsabilités, qui consistent à faire la promotion de la citoyenneté canadienne et à faire prêter le serment de citoyenneté, lequel constitue la dernière étape d'un processus grandement accéléré qui coûte moins cher aux contribuables canadiens.

(1540)

Les exigences en matière de résidence auxquelles il faut satisfaire pour obtenir la citoyenneté sont l'un des éléments clés des modifications proposées. Fort simplement, il s'agit de la durée de résidence au Canada que l'aspirant doit accumuler avant de présenter sa demande de citoyenneté.

Nous proposons que l'exigence en matière de résidence passe de trois ans sur quatre à quatre ans sur six. Qui plus est, le projet de loi précise que la résidence signifie la présence physique au Canada. Nous demandons explicitement dès le départ que ceux qui veulent devenir citoyens soient physiquement présents au Canada pendant quatre ans sur une période de six ans. Imposer cette exigence aux nouveaux arrivants permet une meilleure intégration à la société canadienne, car la compréhension directe des normes sociales et culturelles de notre pays, de ses coutumes, de ses paysages, de ses collectivités et des institutions qui aident à les constituer est une expérience irremplaçable.

Je tiens à être très claire au sujet de la notion d'intention de résider. Il s'agit simplement de l'obligation de résider au Canada pendant quatre ans sur une période de six ans pour satisfaire aux exigences prescrites pour obtenir la citoyenneté. On ne crée pas une deuxième catégorie de citoyens. Une fois la citoyenneté obtenue, la mobilité n'est pas entravée.

La citoyenneté canadienne donne la liberté de circulation, et nous demandons aux aspirants de témoigner de leur intention sincère de résider au Canada pendant les quatre années prescrites sur une période de six ans et de faire cette déclaration au début du processus.

Les choix sont clairs : si un demandeur change d'idée à n'importe quel stade pendant cette période, c'est-à-dire les quatre ans sur six, il ne deviendra pas citoyen. Le ministre Alexander s'est exprimé succinctement à ce sujet. Une fois citoyens, nous avons tous les mêmes droits, y compris la liberté de circulation.

Ces nouvelles règles doivent s'appliquer après l'adoption du projet de loi et son entrée en vigueur. Pour ceux qui ont une demande en instance ou qui feront une demande avant l'adoption du projet de loi, ce sont les règles actuelles qui s'appliquent. Qu'on ne s'y trompe pas : nous ne modifions aucunement les règles pour les demandes déjà en instance.

Un autre élément des dispositions du projet de loi a suscité un important débat. Pourtant, il est essentiel à la protection et au renforcement de la citoyenneté canadienne. Il s'agit de la mesure qui permet de révoquer la citoyenneté canadienne à des personnes qui ont une double citoyenneté — je le répète, qui ont une double citoyenneté — et qui ont été membres de forces armées ou d'un groupe armé organisé dans un conflit armé avec le Canada, et qui permettrait de refuser la citoyenneté aux résidents permanents qui ont eu ce genre d'activité.

L'idée est simple : ceux qui ont choisi de trahir notre pays ou de prendre les armes contre nos militaires renoncent au droit d'être citoyen canadien. La citoyenneté se base sur l'allégeance. Ceux qui obtiennent la citoyenneté prêtent allégeance à notre monarque, la reine du Canada, et à notre régime de gouvernement et à ses lois. Renier son allégeance a un prix.

Pourtant, malgré les mesures qui visent manifestement à décourager ce genre d'action, nous demeurons justes. Nous ne révoquerons la citoyenneté d'aucune personne qui a uniquement la citoyenneté canadienne. Nous ne voulons susciter ni causer des situations où une personne deviendrait apatride.

Il n'y a que deux modèles de révocation. Dans le modèle administratif, le ministre prend la décision au motif que la citoyenneté a été obtenue par la fraude relativement à la résidence, à l'identité ou aux antécédents criminels; et pour un nouveau motif fondé sur des condamnations pour terrorisme, haute trahison, trahison ou espionnage.

On peut en appeler de la décision en demandant un contrôle judiciaire si la Cour fédérale accorde la permission. La personne a 30 jours pour demander la permission après avoir été avisée ou après avoir appris autrement la révocation de sa citoyenneté. Il est possible de se pourvoir en appel auprès de la Cour d'appel fédérale si le juge certifie qu'il se pose une question grave d'une importance générale.

La décision de la Cour d'appel peut faire l'objet d'un appel, avec permission, auprès de la Cour suprême du Canada. Dans le modèle judiciaire, la Cour fédérale est le décideur dans les cas où la fraude s'est faite par la dissimulation de causes graves d'inadmissibilité aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, comme le crime organisé, des raisons de sécurité, des atteintes aux droits humains ou internationaux, avec ajout d'un nouveau motif, soit l'appartenance à des forces armées ou à un groupe armé organisé engagés dans un conflit avec le Canada.

Le ministre entame une poursuite à la Cour fédérale, dont la décision peut faire l'objet d'un appel auprès de la Cour d'appel fédérale si le juge certifie que l'affaire soulève une question grave de portée générale. La décision de la Cour d'appel peut aussi faire l'objet d'un appel, avec permission, auprès de la Cour suprême du Canada.

Honorables sénateurs, ce sont les seuls cas où la citoyenneté peut-être révoquée, et seulement lorsque la personne a une double citoyenneté.

Plus loin, chers collègues, un autre élément des nouvelles règles veut que les auteurs d'une demande ne puissent plus utiliser la période passée au Canada comme résidents permanents pour satisfaire aux exigences en matière de résidence. Nous leur demandons de témoigner de leur engagement à l'égard du Canada en devenant citoyens permanents.

Aux termes de la nouvelle loi, les droits de citoyenneté, qui n'ont pas augmenté depuis 20 ans, seraient majorés pour qu'il y ait un meilleur équilibre entre les coûts de la prestation des services et les droits payés par ceux qui font une demande. L'actuelle structure des droits correspond à seulement 20 p. 100 des coûts de l'examen. Le nouveau régime portera cette proportion à 50 p. 100 des coûts. Et il importe de signaler que les droits pour les mineurs demeurent inchangés. Si on veut faire une comparaison, disons que les droits, qui passent de 100 $ à 300 $, restent bien inférieurs aux 680 $ exigés de ceux qui demandent la citoyenneté américaine.

Les nouvelles dispositions du projet de loi prévoient un pouvoir accru pour définir ce qui constitue une demande complète et les éléments de preuve à produire à l'appui des demandes. En s'assurant dès le début du processus que toutes les exigences sont satisfaites, on évite de gaspiller du temps à étudier des demandes incomplètes et à les retourner.

On renforcera aussi l'efficacité du programme en modifiant les modalités de l'attribution discrétionnaire de la citoyenneté. Aux termes de la loi actuelle, le gouverneur en conseil peut ordonner au ministre d'accorder la citoyenneté pour atténuer des difficultés particulières et inhabituelles ou pour récompenser un service d'une valeur exceptionnelle pour le Canada.

Grâce aux modifications proposées dans le projet de loi, le pouvoir de décision passerait au ministre, ce qui éliminerait une autre étape et rapprocherait notre processus de celui qui est appliqué par des pays semblables au nôtre comme le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l'Australie.

Nous proposons aussi de modifier les paramètres du contrôle judiciaire et du processus d'appel qui donneraient accès aux tribunaux supérieurs pour tous les demandeurs. Actuellement, l'appel d'une décision d'un juge de la citoyenneté peut être entendu par la Cour fédérale, mais pas à un niveau supérieur. Les décisions des agents de citoyenneté, qui ont le pouvoir de prendre certaines décisions aux termes de la loi, peuvent faire l'objet d'un contrôle judiciaire et être contestées devant un tribunal de niveau plus élevé.

Pour éliminer cette anomalie, les modifications proposent un système uniforme pour toutes les décisions prises aux termes de la Loi sur la citoyenneté. Le contrôle judiciaire ne se ferait qu'avec la permission de la Cour fédérale, dont la décision pourrait faire l'objet d'un appel auprès de la Cour d'appel fédérale, qui peut certifier que l'affaire soulève une question grave de portée générale, prévenant ainsi des litiges inutiles et fallacieux. D'autres appels seraient possibles auprès de la Cour suprême du Canada.

L'adoption du projet de loi C-24 apporterait un autre gain d'efficacité en permettant divers moyens de vérifier la citoyenneté, comme des moyens électroniques, alors qu'on exige aujourd'hui la délivrance d'un certificat de citoyenneté, qui doit être remis à chaque personne dont la demande est acceptée et à quiconque demande une preuve de citoyenneté.

Rendre l'étude plus efficace et la moderniser, cela veut dire aussi prendre des mesures sur des points sur lesquels la loi a été silencieuse jusqu'à maintenant, par exemple, l'absence de pouvoir explicite de déclarer une demande abandonnée. Une demande est déclarée abandonnée lorsque l'auteur ne se présente pas à un examen pour la citoyenneté ou à un rendez-vous avec un agent.

(1550)

Dans de tels cas, une modification proposée accordera clairement le pouvoir de déclarer qu'une demande a été abandonnée, à n'importe quelle étape du processus, si le requérant a omis de se conformer à une demande de renseignements ou de se présenter à une entrevue. Ce processus est cependant loin d'être arbitraire. En fait, il est conçu pour s'adapter aux besoins et à la situation des demandeurs. Ceux qui omettent de se présenter à une entrevue recevront un avis écrit leur accordant 30 jours pour éviter que leur demande ne soit jugée abandonnée.

Grâce à ces modifications, nous voulons nous assurer que les demandeurs peuvent parler l'une de nos deux langues officielles au moment où ils présentent leur demande et ont une connaissance suffisante du pays. Nous voulons qu'un nouvel immigrant au Canada, indépendamment de son âge, soit en mesure de s'intégrer, dans la mesure du possible, dans la collectivité qui l'entoure. Qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme au travail, d'un conjoint qui reste à la maison ou d'un enfant qui va jouer au parc, il est nécessaire et utile de disposer de moyens, comme la langue d'usage pour faciliter l'intégration à des contextes aussi fondamentaux de la vie communautaire. Cela s'applique particulièrement aux femmes qui, à titre d'immigrantes, sont souvent seules et vulnérables dans une nouvelle société différente.

C'est pour cette raison qu'en vertu des nouvelles mesures proposées, les demandeurs âgés de 14 à 64 ans devront satisfaire à des exigences linguistiques et réussir un test de connaissances en français ou en anglais. Le test de langue servant à mesurer la capacité d'écoute et l'expression orale sera très élémentaire. Les exigences actuelles relatives à l'âge vont de 18 à 54 ans. Il y a lieu de noter que les exigences ayant trait à la langue et aux connaissances qui ont été mises en place jusqu'ici ont bien réussi et ont été bien accueillies.

À part l'accélération et la rationalisation du processus, il était nécessaire de renforcer aussi bien la valeur de la citoyenneté que l'intégrité du système.

Soyons clairs. Le gouvernement ne veut ni des citoyens de complaisance ni ceux qui cherchent à devenir citoyens par des moyens frauduleux, quelles que soient leurs raisons. Des consultants véreux en citoyenneté ont aidé des centaines de personnes à le faire. Nous avons donc pris des mesures dans ce projet de loi pour mettre fin à ces agissements. Ces mesures comprennent un nouveau pouvoir de prendre des règlements afin de désigner un organisme de réglementation dont les membres seraient autorisés à agir comme consultants et qui surveilleraient les consultants en citoyenneté et recueilleraient des renseignements à leur sujet. Cette mesure est semblable à celle qui a été mise en place dans le cas des consultants en immigration.

Les nouveaux règlements exigeront que les noms des représentants ou des consultants figurent sur les demandes de citoyenneté. L'omission de ces noms peut entraîner le rejet de la demande.

Pour ce qui est de dissuader la fraude, il faut noter que, comme les droits exigés, les sanctions prévues pour les infractions liées à la citoyenneté, comme les fausses déclarations, n'ont pas changé depuis 1977. À l'heure actuelle, une personne qui se rend coupable de fraude à la citoyenneté est passible d'une amende maximale de 1 000 $ ou d'une peine d'emprisonnement d'un an. En vertu des nouvelles dispositions proposées dans le projet de loi C-24, une infraction assimilable à un acte criminel peut entraîner une amende maximale de 100 000 $ ou une peine d'emprisonnement de cinq ans, ou les deux. Une infraction punissable par procédure sommaire peut valoir à l'accusé une amende d'au plus 50 000 $ ou deux ans de prison, ou les deux.

Des mesures sont également prises pour refuser la citoyenneté à ceux qui font de fausses déclarations ou qui s'abstiennent de mentionner des faits importants liés, par exemple, à leur admissibilité. Les demandeurs rejetés en vertu de ces dispositions ne pourront pas présenter une nouvelle demande pendant cinq ans. De plus, les modifications proposées érigent en infraction le fait d'aider, d'inciter ou d'encourager une personne, directement ou indirectement, à faire des déclarations erronées ou à omettre de révéler des faits importants. Les personnes coupables d'une telle infraction sont passibles d'une amende de 100 000 $ ou de cinq ans de prison, ou des deux, ou, en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende maximale de 50 000 $ ou de deux ans de prison.

Une autre mesure destinée à renforcer notre régime vise les résidents permanents qui ne satisfont pas aux conditions rattachées à leur statut. En vertu des modifications proposées, ces personnes ne seraient pas admissibles à la citoyenneté. Chers collègues, dans certains cas, le statut de résident permanent est assorti de conditions auxquelles il faut satisfaire pour que le statut soit maintenu. À défaut, la personne en cause peut faire l'objet d'un renvoi. À l'heure actuelle, la loi ne prévoit rien qui empêche un résident permanent de demander et d'obtenir la citoyenneté en dépit des conditions rattachées à son statut. Les modifications corrigeront cette situation.

Une autre lacune comblée porte sur l'échange de renseignements entre Citoyenneté et Immigration Canada et ses partenaires. Contrairement à la Loi sur l'immigration et le statut de réfugié, la Loi sur la citoyenneté ne comprend pas un pouvoir législatif explicite permettant de prendre des règlements appuyant la collecte de renseignements et leur communication à des partenaires tels que l'Agence des services frontaliers du Canada.

Ces renseignements aideront les décideurs à déterminer si les demandeurs satisfont aux exigences. Ils permettront également au ministère de mener des enquêtes sur les cas de fraude et de fausses déclarations.

Il est très important, afin de renforcer l'intégrité de notre processus de citoyenneté, de prendre des mesures contre les personnes qui trempent dans des activités criminelles et qui cherchent à vivre au Canada. En vertu des règles actuelles, les personnes accusées d'avoir commis un acte criminel au Canada, ou condamnées pour un tel acte, ne peuvent pas présenter une demande de citoyenneté. Cela s'applique aussi à quiconque purge une peine au Canada. Le projet de loi C-24 étendrait ces dispositions aux demandeurs accusés ou condamnés à l'étranger. En même temps, nous sommes conscients du fait que les condamnations prononcées dans certains pays peuvent n'avoir aucune valeur. C'est pour cette raison que nous avons prévu des dispositions permettant à des personnes qui ont été faussement accusées ou condamnées à l'étranger par des régimes répressifs ou autocratiques de chercher à obtenir la citoyenneté canadienne sur la base d'un examen administratif ou, si nécessaire, judiciaire qui serait mené au Canada.

Honorables sénateurs, assumer pleinement sa citoyenneté signifie qu'il faut aussi servir son pays. C'est donc une bonne chose que d'autres dispositions du projet de loi C-24 permettent de rendre hommage à ceux qui servent notre grand pays. La citoyenneté serait accordée aux enfants de personnes nées ou adoptées à l'étranger, dont les parents sont membres des Forces armées canadiennes ou qui travaillent à l'étranger pour le gouvernement canadien. Une autre disposition permettrait aux autorités d'accorder la citoyenneté plus rapidement dans le cas des résidents permanents qui servent au sein de nos forces armées.

Chers collègues, nous manquerions à notre devoir si nous ne profitions pas des réformes prévues dans le projet de loi C-24 pour rendre justice à un groupe en particulier. Il s'agit des Canadiens dépossédés de leur citoyenneté, c'est-à-dire ceux qui sont nés avant le 1er janvier 1947, date d'entrée en vigueur de la première Loi sur la citoyenneté, ou, dans le cas de Terre-Neuve, avant 1949.

Une voix : Bravo!

La sénatrice Eaton : Jusqu'ici, ces personnes n'avaient pas droit aux avantages, aux privilèges et aux responsabilités conférés aux citoyens canadiens, comme les enfants appartenant à la première génération née à l'étranger d'épouses de guerre et de militaires. Nous sommes en voie de prendre les mesures finales pour faire en sorte que ces Canadiens dépossédés de leur citoyenneté, les enfants de militaires qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale, ceux qui avaient le plus à cœur de servir et de défendre leur pays, puissent jouir de tous les avantages liés à la citoyenneté canadienne. Il s'agit non seulement des enfants de la première génération, mais aussi de ceux des générations suivantes.

En terminant, j'aimerais citer Emily Carr, artiste et écrivaine canadienne de renommée mondiale. Voici ce qu'elle a dit :

Il est merveilleux de sentir la grandeur du Canada à l'état brut, non pas parce que c'est le Canada, mais parce que c'est un lieu sublime où l'on est né, une grande puissance sauvage dont on fait partie.

Il n'est pas nécessaire d'être né ici pour pouvoir se targuer d'avoir contribué à la grandeur du Canada. Les immigrants, ceux qui continuent de s'installer dans notre pays, comme d'autres l'ont fait avant eux depuis des siècles, contribuent à la grande puissance sauvage du Canada et en font un lieu encore plus sublime. Ces améliorations aux dispositions législatives sur la citoyenneté témoignent de la grande valeur qui accompagne l'expression « être Canadien ».

Honorables sénateurs, le gouvernement souhaite réformer la Loi sur la citoyenneté au moyen du projet de loi C-24 tout en ayant la ferme conviction que la citoyenneté canadienne est particulièrement précieuse dans le monde entier, que son acquisition s'accompagne de certaines obligations et responsabilités et que sa grande valeur doit toujours être protégée et renforcée.

Je vous demande donc d'appuyer ce projet de loi. Merci.

(1600)

L'honorable Art Eggleton : Je suis d'accord avec la sénatrice Eaton sur un point fondamental qu'elle a fait ressortir : c'est un grand privilège d'être un citoyen canadien.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Eggleton : Les Canadiens jouissent de libertés et de possibilités d'épanouissement qui font l'envie du monde entier. Certains Canadiens ont la chance d'obtenir la citoyenneté par la naissance alors que d'autres doivent montrer au gouvernement qu'ils méritent de l'avoir avant de pouvoir se dire Canadiens.

Renforcer et protéger la valeur de la citoyenneté, ce qui est le but visé dans le projet de loi, est un objectif digne de louange. Comme nous le savons tous, la citoyenneté ne se résume pas à des droits. Elle comporte aussi des responsabilités.

La notion de citoyen canadien telle que nous la connaissons a été adoptée pour la première fois dans une loi de 1947. Il s'agissait de la Loi sur la citoyenneté canadienne. Cette loi non seulement reconnaissait la citoyenneté des personnes nées au Canada, mais établissait également six critères que devaient respecter ceux qui souhaitaient être naturalisés canadiens : avoir au moins 21 ans; avoir accumulé au moins cinq ans de résidence; avoir une bonne moralité; avoir une connaissance suffisante de l'anglais ou du français ou avoir résidé au Canada sans interruption pendant 20 ans; avoir une connaissance suffisante des responsabilités et des privilèges de la citoyenneté canadienne et avoir l'intention de résider de façon permanente au Canada ou entrer ou rester dans la fonction publique du Canada ou d'une province. La loi établissait aussi les circonstances dans lesquelles la citoyenneté pouvait être révoquée. De façon générale, il y avait la déloyauté, les fausses déclarations ou le fait de ne pas résider au Canada et de ne pas maintenir avec lui un lien important.

Tout est resté inchangé jusqu'à l'adoption de la Loi sur la citoyenneté de 1977, qui a apporté des modifications notables aux critères régissant l'octroi et la révocation de la citoyenneté. Elle a apporté des assouplissements importants. Par exemple, la résidence minimum au Canada a été ramenée de cinq à trois ans, la période passée au Canada avant la résidence permanente donnant lieu à un crédit partiel pour satisfaire à l'exigence de trois ans. Elle a aussi retiré tous les motifs de révocation, à l'exception de la fraude pendant le processus de demande.

Le projet de loi C-24 apporte maintenant les plus importantes modifications depuis la loi de 1977, il y a près de 40 ans. Il y a de bonnes dispositions dans le projet de loi : les efforts en vue d'amener plus de Canadiens dépossédés de leur citoyenneté à devenir citoyens; la réduction des délais d'attente et d'étude; les efforts pour régler le problème des consultants en citoyenneté, qui est depuis longtemps un sujet de controverse. Par contre, je crains qu'un grand nombre de ces bons points ne soient relégués dans l'ombre par des critiques considérables.

Pendant le débat aux Communes, pendant l'étude préalable au Comité des affaires sociales et chez des Canadiens de toutes les sphères, beaucoup de préoccupations se sont exprimées. Un témoin qui a comparu au comité des Communes a dit que la conception du projet de loi était entachée d'une imperfection systémique qui risquait d'avoir des conséquences non voulues. Le représentant de l'Association du Barreau canadien a même avancé que le titre de la loi devrait être modifié pour devenir Loi décourageant la citoyenneté canadienne.

La sénatrice Eaton a peut-être raison. Peut-être sera-t-il plus facile de devenir sénateur que d'obtenir la citoyenneté.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a comparu au comité sénatorial et a déclaré que lui et ses collègues ne voyaient aucune lacune dans leur projet de loi. Honorables sénateurs, pourquoi en irait-il autrement? Sa déclaration révèle une des plus grandes lacunes du gouvernement actuel : il ne tient pas compte des conseils de spécialistes qui devraient être pris au sérieux.

Les lacunes qui ont été signalées dans le projet de loi ne sont peut-être pas évidentes pour le ministre Alexander ou le gouvernement, mais elles n'en sont pas moins réelles, et elles rendront la citoyenneté canadienne et le système qui la régit moins prévisibles. Comment peut-on renforcer le système en suscitant de l'incertitude?

Les témoins se sont succédé au comité de la Chambre et au comité sénatorial pour expliquer comment le projet de loi, notamment dans ses dispositions qui élargissent considérablement l'éventail des circonstances où la citoyenneté peut être révoquée, risque d'aller à l'encontre de la Charte des droits et libertés et de la Constitution du Canada.

Le sénateur Mercer : Oh, non!

Le sénateur Eggleton : Inutile de le dire, l'adoption de la Charte a créé un point de référence pour évaluer toutes les lois qui allaient suivre. Le projet de loi à l'étude ne fait pas exception.

L'avocat spécialisé en droits de la personne, Rocco Galati, a déjà dit que, si le gouvernement ne demandait pas l'opinion de la Cour suprême sur la constitutionnalité du projet de loi C-24, il contesterait lui-même cette mesure. Compte tenu des résultats que le gouvernement obtient devant les tribunaux, ne serait-il pas préférable de corriger le projet de loi plutôt que de passer des années en contestation et d'engager des frais juridiques incalculables pour aboutir au même point?

Honorables sénateurs, permettez-moi d'énumérer certains des aspects les plus troublants du projet de loi. Le premier est une disposition qui concerne l'endroit où une personne compte habiter après avoir obtenu la citoyenneté. Pour commencer, il faut résider au Canada pendant quatre ans sur une période de six ans. Il faut se trouver au Canada pendant au moins la moitié de chacune de ces quatre années, soit 183 jours, mais il faut indiquer l'intention de continuer à résider au Canada.

À première vue, cela peut sembler raisonnable. Nous voulons que les nouveaux citoyens vivent au Canada au lieu de le considérer comme un port d'attache commode. Toutefois, à l'ère de la mondialisation, il y a des carrières qui sont menées dans le monde entier — les gens vont ici, là et ailleurs, avec les débouchés qui existent dans le type d'économie que nous avons créée. Que se passera-t-il si vous devez quitter le Canada peu après avoir obtenu votre citoyenneté, soit pour travailler, soit pour étudier? Bien des étudiants fréquentent des universités dans le monde entier et des gens doivent aller à l'étranger s'occuper d'un membre de la famille qui est malade dans leur pays d'origine.

Comme l'avocat Lorne Waldman l'a dit devant le Comité des affaires sociales : « […] selon le libellé actuel du projet de loi, si vous quittez le pays par la suite, vous courez le risque qu'un responsable prenne des mesures contre vous. »

Un fonctionnaire pourrait prétendre que le nouveau Canadien a menti sur son intention de résider au Canada et recommander la révocation de sa citoyenneté. Révoquer la citoyenneté pour cette raison? C'est fort grave et très troublant.

Quel recours le nouveau citoyen aurait-il s'il se faisait révoquer sa citoyenneté? À l'heure actuelle, honorables sénateurs, tout citoyen dont la citoyenneté est révoquée a un droit d'appel auprès de la Cour fédérale. Le projet de loi retire ce droit. Je répète, le projet de loi retire ce droit d'appel.

Le projet de loi dit que le citoyen a 30 jours pour rédiger une réfutation. Il reçoit la décision du ministre ou du personnel par écrit, et il a 30 jours pour préparer une réfutation par écrit. Il n'y a pas d'audience, aucune audience verbale. Si un agent de la citoyenneté conclut que la personne a menti sur ses intentions, elle perd sa citoyenneté.

Le sénateur Moore : Incroyable.

Le sénateur Eggleton : Et le droit d'appel auprès de la Cour fédérale? Aux termes de ces dispositions, celle-ci ne peut intervenir que de façon très limitée. Comme M. Waldman l'a dit, la Cour fédérale n'intervient que s'il y a erreur en droit ou une grave erreur d'interprétation des faits. Il n'y a pas de véritable appel au sujet du processus. Le contrôle judiciaire est très limité. L'Association du Barreau canadien a ajouté que, avant que l'affaire ne soit entendue par un juge, le demandeur doit obtenir la permission de présenter une demande de contrôle judiciaire, qui n'est accordée que dans 15 à 20 p. 100 des cas. La décision sur la permission est prise sans comparution directe, de façon sommaire, sans que les motifs soient donnés.

Le type de contrôle que le projet de loi propose ne prévoit que la vérification légaliste en fonction d'une erreur en droit. Le demandeur doit d'abord solliciter la permission de la cour et, comme je l'ai dit il y a un instant; la permission n'est accordée que dans 15 ou 20 p. 100 des cas. La demande de permission est étudiée au moyen d'une procédure sur papier, sans aucune comparution, et les refus ne sont pas motivés; le demandeur ne peut pas présenter de nouveaux éléments de preuve au moment d'un contrôle judiciaire; il ne peut pas présenter d'arguments fondés sur la compassion ou des raisons humanitaires non plus; et le juge ne peut pas substituer sa décision à la décision antérieure, mais seulement renvoyer l'affaire à un autre décideur.

Ce n'est pas le genre de processus d'appel que les Canadiens attendent lorsqu'il s'agit d'une décision prise par le ministre. C'est là un problème très grave du projet de loi.

Au comité de la Chambre, un témoin a dit qu'on avait plus de chances d'avoir droit à l'application régulière de la loi pour la contestation d'une contravention pour stationnement que pour une révocation de citoyenneté aux termes du projet de loi.

(1610)

Selon David Matas, de B'nai Brith Canada, le simple fait que ce projet de loi accorde des pouvoirs au ministre ne garantit pas qu'il en abusera, mais c'est toujours une possibilité.

La révocation de la citoyenneté est une mesure très grave, mais les citoyens visés auront désormais des recours limités. Je crois fermement que c'est contraire aux valeurs canadiennes. Cela va à l'encontre de nos valeurs et de nos traditions. Cette mesure limite le droit des nouveaux citoyens de bénéficier de l'application régulière de la loi.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-24 prévoit également de pouvoir révoquer la citoyenneté de ceux qui ont une double nationalité s'ils sont déclarés coupables de certains actes criminels tels que la trahison, le terrorisme et l'espionnage. Par exemple, on pourrait révoquer la citoyenneté si la personne a purgé à l'étranger une peine d'emprisonnement de cinq ans pour un acte de terrorisme, ou si elle a servi en tant que membre d'une force armée d'un pays ou d'un groupe armé organisé ayant été engagé dans un conflit armé avec le Canada. Ces nouvelles dispositions sont très générales et imprécises.

Pour ce qui est des personnes qui ont servi en tant que membres d'une force armée d'un pays ou d'un groupe armé organisé ayant été engagé dans un conflit armé avec le Canada, si on avait appliqué de telles mesures après la Seconde Guerre mondiale, bon nombre de citoyens des pays européens ravagés par la guerre qui ont combattu pour l'autre camp — y compris plusieurs Allemands et Italiens — n'auraient pas pu venir au Canada.

Une voix : Des Autrichiens aussi.

Le sénateur Eggleton : Les Autrichiens, bien sûr.

Puisque la citoyenneté pourrait également être révoquée si la personne a été condamnée à purger une peine d'emprisonnement de cinq ans à l'étranger pour un acte de terrorisme, je devrais souligner le fait que, dans certains pays, la définition du terrorisme varie souvent selon le contexte politique. Nous ne sommes pas sans savoir que, dans bon nombre de pays, les allégations de terrorisme sont utilisées pour punir les opposants politiques, et il y a un seuil de tolérance plus élevé pour les condamnations, les procès injustes et les peines sévères.

Une infraction commise dans un certain pays peut, pour des motifs politiques, entraîner une peine d'emprisonnement de cinq ans, alors qu'elle donnerait lieu à une peine bien différente au Canada. Bien entendu, le ministre assure que nous allons examiner cela et que tout sera pris en considération. Cependant, quand on sait que cela finira par un appel, c'est faire énormément confiance non seulement au ministre, mais aussi aux fonctionnaires qui ont à administrer tout cela.

Voyons un cas en particulier. Il y en a un qui est bien concret à l'heure actuelle. Le journaliste canado-égyptien Mohamed Fahmy — vous en avez sûrement entendu parler; il y avait encore quelque chose sur lui dans le journal de ce matin — a été arrêté en Égypte l'année dernière et fait face à des accusations de terrorisme. Je pense que la plupart d'entre nous examinent cette affaire en se demandant comment cela peut bien être possible, mais il reste que, s'il est reconnu coupable et condamné à une peine d'emprisonnement de cinq ans ou plus, Mohamed Fahmy risque de perdre sa citoyenneté canadienne.

Je le répète, le ministre a affirmé qu'il procéderait à d'abondantes consultations afin de s'assurer que le processus judiciaire de l'autre pays est juste avant de révoquer une double citoyenneté. Ce processus n'est cependant pas expliqué dans le projet de loi, et il existe toujours un risque de cafouillage.

Qui plus est, le terrorisme et d'autres infractions criminelles font déjà l'objet de peines en vertu du Code criminel du Canada. Nous punissons ceux qui contreviennent à la loi dans le cadre du système de justice pénale. Nous ajoutons maintenant le bannissement comme châtiment secondaire.

Comme Barbara Jackman l'a rappelé à notre comité :

L'Angleterre s'est débarrassée du bannissement en 1868. Le bannissement va à l'encontre de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du pacte international relatif aux droits civils et politiques. C'est une mesure contraire à notre Charte, et cela crée de nombreux problèmes.

Il ne devrait pas revenir au ministre de l'Immigration et à ses fonctionnaires de punir ceux qui violent la loi. On ne parle pas seulement de cas de trahison, d'espionnage et de terrorisme. Le National Post d'hier a donné un exemple de ce qui peut se produire.

Un homme né au Canada se bat maintenant pour ne pas être expulsé dans un autre pays, c'est-à-dire en Inde. Il semble que ses parents soient venus ici en tant que membres du personnel domestique du haut-commissaire de l'Inde à Ottawa. Plus tard, les parents ont quitté leur emploi, puis ont eu un enfant au Canada. Les parents ont ensuite obtenu la citoyenneté canadienne, mais pas leur fils, qui a ensuite eu des démêlés avec la justice. Il a purgé une peine de trois ans d'emprisonnement pour introduction par effraction, transfert illégal d'un fusil de chasse et intention de s'adonner au trafic de cocaïne. Cet individu a donc purgé une peine de trois ans, et il n'a pas la citoyenneté canadienne.

Le gouvernement fait valoir qu'il peut aller en Inde, même s'il est né au Canada. L'Inde dit qu'elle ne veut pas de cet individu. Le gouvernement continue d'insister mais, le problème, c'est que l'individu risque de devenir un apatride. Quelles sont ses options? Il est en train d'interjeter appel à la cour, mais cela ne sera plus possible en vertu de la nouvelle loi. Cela dit, les dispositions en vigueur à l'heure actuelle continuent de s'appliquer, de sorte que l'individu a pu interjeter appel de la décision au tribunal. Il a découvert que le gouvernement avait fait une erreur au sujet de sa date de naissance. Le gouvernement faisait valoir que cette personne était née alors que ses parents faisaient toujours partie du corps diplomatique, ce qui n'est absolument pas le cas selon l'intéressé. Or, le ministère ne l'avait pas informé de ce point. Il en a seulement été avisé lorsqu'il a interjeté appel devant la cour. Si cet individu n'avait pas eu le droit d'interjeter appel devant les tribunaux, il serait probablement dans une situation très difficile.

En outre, que dire de la disparité entre deux citoyens qui sont nés au Canada mais dont l'un a, par exemple, un père égyptien? Si ces deux personnes commettent le même crime, les peines qui peuvent leur être imposées sont très différentes, puisque dans un cas la personne risque d'être expulsée dans un pays où elle n'a jamais mis les pieds. Certains pays vont considérer qu'une personne est un ressortissant et que, par conséquent, elle est un citoyen du pays, même si la personne n'a jamais dit qu'elle voulait obtenir la citoyenneté de ce pays. Il y a une inversion du fardeau de la preuve dans le projet de loi. Celui-ci dit que, si vous êtes soupçonné d'avoir une double citoyenneté, il vous incombe de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que ce n'est pas le cas.

Il va de soi que cette disposition crée deux classes de citoyens. Vous n'êtes pas traité de la même façon, selon que vous êtes né au Canada ou que vous avez une double citoyenneté.

Dans le cas Fahmy, dont j'ai fait mention, si cette personne est reconnue coupable, elle risque l'expulsion. Toutefois, si un autre journaliste portant le nom de John Smith et n'ayant aucun lien avec un autre pays se retrouve dans la même situation — d'autres journalistes ont aussi été arrêtés —, il serait tout à fait libre. De toute évidence, une distinction est faite entre une personne née au Canada et une autre ayant la double citoyenneté.

Pour revenir à l'intention de résider, les Canadiens de naissance peuvent aller n'importe où dans le monde, pour travailler ou pour étudier, sans le moindre problème. Par contre, une personne ayant la double citoyenneté peut faire l'objet d'un processus de révocation au motif qu'on la soupçonne de n'avoir pas réellement voulu résider au Canada.

C'est encore une fois une citoyenneté à deux vitesses qui ne correspond pas à l'égalité et à la citoyenneté auxquelles nous sommes habitués au Canada. Cette citoyenneté à deux vitesses ne correspond pas à l'égalité à laquelle tous ont droit, selon nos propos. À l'heure actuelle, notre citoyenneté n'est pas à deux vitesses, mais elle le deviendra avec l'adoption de ce projet de loi.

La sénatrice Tardif : Bravo!

Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, le projet de loi prévoit aussi des exigences restrictives qui auraient des répercussions disproportionnées sur les femmes, les enfants, les aînés et les cols bleus dans le processus d'obtention de la citoyenneté canadienne. En effet, les exigences linguistiques plus étendues prévoient que les demandeurs âgés de 14 à 65 ans devront réussir un test linguistique appelé niveau de compétence linguistique canadien, au niveau 4.

Selon l'Association du Barreau canadien, les demandeurs n'ont pas nécessairement les connaissances précises pour réussir un test écrit ou oral en anglais ou en français, mais ils peuvent quand même avoir les connaissances linguistiques nécessaires pour apporter leur contribution à la société canadienne sur une longue période. Le projet de loi ne tient pas compte du fait qu'avec l'âge il devient beaucoup plus difficile d'apprendre une deuxième langue.

Un grand nombre de personnes qui arrivent ici — et je songe surtout aux personnes plus âgées comme les parents ou les grands-parents — ne sont pas nécessairement à la recherche d'un emploi. Ces personnes arrivent au Canada à un stade plus avancé de leur vie. J'ai pu le constater à plusieurs occasions. Lorsque j'étais à l'hôtel de ville, et ensuite à la Chambre des communes, j'ai représenté beaucoup de communautés ethniques — par exemple la communauté italienne — et beaucoup de personnes âgées. Ces gens sont fiers d'être des citoyens canadiens et ils sont fiers de la contribution qu'ils apportent au Canada.

(1620)

Nous connaissons tous des gens comme eux, des gens dont les compétences en langues officielles sont douteuses et qui ne pourraient pas réussir un examen écrit et oral, comme le propose le projet de loi. Ils ne seront pas à l'aise de le faire. Plusieurs d'entre eux ont d'ailleurs des problèmes d'illettrisme et seront donc désavantagés dès le départ.

Dans son témoignage au comité, une femme a donné un exemple de conséquence négative qu'entraînerait ce changement pour les personnes âgées. Je la cite :

[...] beaucoup de femmes se remettent d'une situation où elles étaient vulnérables. Elles arrivent peut-être d'un camp de réfugiés. Elles ont peut-être été torturées. Quoi qu'il en soit, le Canada leur a offert sa protection. Or, on ne peut pas s'attendre à ce que ces personnes qui ne savent peut-être même pas comment lire et écrire dans leur langue maternelle apprennent une langue officielle et réussissent un examen écrit. Selon nous, c'est aussi inutile qu'injuste.

C'est la pure vérité. Je crois que nous convenons tous qu'une telle situation peut bel et bien se produire.

Par ailleurs, le projet de loi ne permettra plus aux travailleurs étrangers temporaires, aux étudiants étrangers et aux aides familiales de faire comptabiliser le temps qu'ils ont ainsi passé au Canada au moment de présenter une demande de résidence permanente. Le ministre, lui, dit que c'est bien dommage pour eux, mais que tout le monde part ainsi sur un pied d'égalité.

Il y a pourtant parmi eux des gens que nous voulons convaincre de venir chez nous. Nous voulons faire venir beaucoup d'étudiants au Canada. Nous voulons attirer les talents les plus prometteurs. Des milliers d'aides familiaux habitent pendant des années avec de nos concitoyens et, ce faisant, en apprennent beaucoup sur notre pays. Or, au lieu de leur faciliter la vie lorsqu'ils cherchent à se faire naturaliser, nous leur mettrons des bâtons dans les roues.

Un Torontois m'a écrit pour me faire part de ses préoccupations au sujet de ce changement. Il s'inquiète du fait que cette disposition pourrait avoir des répercussions disproportionnées sur un groupe bien précis d'immigrants dont il fait partie, en l'occurrence la catégorie de l'expérience canadienne. Les étudiants internationaux arrivent au Canada à un très jeune âge. Ils grandissent au Canada, bâtissent leur carrière au Canada, rencontrent leur conjoint au Canada, paient des impôts au Canada et travaillent au Canada. Pourquoi devrait-on maintenant faire fi de leur appartenance à notre pays? Ce sont pourtant eux que nous devrions encourager à devenir des citoyens. Cela va à l'encontre de la logique.

Voici ce qu'a déclaré l'ancien ministre de l'Immigration, Jason Kenney :

C'est ce genre de jeunes brillants que nous tentons de recruter [...].

[Des] données probantes [...] indiquent que les immigrants plus jeunes, les personnes qui possèdent un niveau supérieur de compétences linguistiques et les titulaires de grades et de diplômes canadiens ont tendance à obtenir de meilleurs résultats au cours de leur vie au Canada.

Nous leur tournons maintenant le dos.

Parallèlement, on doublera les frais liés à l'obtention de la citoyenneté. La sénatrice Eaton a parlé de ces frais, qui ont été établis plus tôt cette année, par règlement. Ceux qui font une demande de citoyenneté doivent maintenant payer des frais de 300 $. À cela s'ajoutent ce qu'on appelle les frais relatifs au droit à la citoyenneté, d'un montant de 100 $. Ces frais totalisent donc 400 $, soit le double de ce qu'ils étaient auparavant.

Les demandes de citoyenneté des enfants coûteront maintenant 100 $, en plus des frais relatifs au droit de citoyenneté de 100 $, ce qui représente une somme totale de 200 $. Si vous faites partie d'une famille de cinq personnes composée de deux adultes et de trois enfants, vous devrez payer 1 400 $ uniquement pour qu'on traite vos demandes de citoyenneté. Si vos demandes sont rejetées, vous perdez cet argent.

Par conséquent, ces frais élevés décourageront certaines personnes de faire une demande de citoyenneté au Canada. Parmi ces personnes, on compte les réfugiés et les familles nombreuses à faible revenu. Ces frais ne comprennent pas non plus la formation linguistique, qui est coûteuse. Il est fort probable que ces gens devront maintenant suivre une formation linguistique pour pouvoir réussir les examens oraux et écrits. En général, cela peut coûter plus de 200 $.

Le ministre a dit que, par comparaison à d'autres pays, les frais liés à l'obtention de la citoyenneté au Canada sont peu élevés. La sénatrice Eaton a souligné ce point. C'est peut-être vrai, mais dans certains pays, comme par exemple les États-Unis, ces frais ne sont pas exigés dans le cas des personnes à faible revenu. Ce n'est pas le cas au Canada.

Honorables sénateurs, je veux mentionner un point au sujet du cheminement du projet de loi au Parlement. Pourquoi est-il maintenant si urgent d'adopter un projet de loi qui est resté trois longs mois à la Chambre des communes, entre l'étape de la première lecture et celle de la deuxième lecture?

La sénatrice Cordy : Quelle honte!

Le sénateur Mercer : Sont-ils encore en train de se traîner les pieds à l'autre endroit? Ils ne sont pas capables de s'organiser.

Le sénateur Eggleton : La volonté de compléter le plus de tâches possible avant l'ajournement d'été est compréhensible, mais cela n'explique pas pourquoi nous n'avons pas été saisis du projet de loi il y a plusieurs semaines.

On nous a ensuite demandé de faire une étude préalable, ici au Sénat. À quoi rime cette combinaison de retard et d'urgence? Cette façon de faire ne favorise certainement pas un second examen objectif du projet de loi.

Le sénateur Munson : Absolument aucun respect.

Le sénateur Eggleton : Des représentants de l'Association du Barreau canadien ont dit qu'adopter ce projet de loi serait poser un geste très important sans avoir tenu de véritable discussion ou débat national afin de savoir si les Canadiens veulent les changements proposés.

En 1977, les changements proposés avaient fait l'objet d'un livre blanc et de forums organisés un peu partout au pays. Par contraste, on nous demande, dans ce cas-ci, d'adopter le projet de loi en quelques jours, sans avoir tenu d'audiences publiques.

Les mois qui se sont écoulés depuis le dépôt du projet de loi ne nous portent certainement pas à croire que le gouvernement juge que cette mesure est urgente. Une personne qui est venue témoigner devant le Comité de la citoyenneté de la Chambre des communes a dit qu'étant donné que la dernière grande refonte des lois sur la citoyenneté canadienne datait de presque 40 ans, il pourrait fort bien s'écouler encore une quarantaine d'années avant que l'on répète l'exercice.

Le sénateur Mercer : J'espère bien que ce ne sera pas le cas.

Le sénateur Eggleton : Le témoin a dit qu'il était important de ne pas se tromper, de bien faire les choses dès le début.

Honorables sénateurs, en dépit des lacunes du processus, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie va maintenant faire une étude officielle du projet de loi. Je vais présenter des amendements aux fins d'examen afin de donner suite à certaines des préoccupations et des questions dont j'ai parlé au cours de ce débat à l'étape de la deuxième lecture.

Le sénateur Mercer : Parfait. Nous avons besoin de votre aide.

Son Honneur le Président intérimaire : Nous poursuivons le débat. Le sénateur Joyal a la parole.

L'honorable Serge Joyal : Merci, monsieur le Président.

J'aimerais remercier la sénatrice Eaton de sa présentation sur le projet de loi et le sénateur Eggleton de l'analyse qu'il a faite de cette mesure législative.

Je n'ai pas participé à l'étude préalable du projet de loi. Toutefois, j'ai écouté attentivement les deux interventions. J'ai une appréhension conceptuelle de la façon dont le droit de révoquer la citoyenneté est encadré dans le projet de loi.

La Charte des droits et libertés définit deux ensembles de droits. Je vais attirer l'attention du sénateur Baker sur ce point. Il s'agit des droits qui appartiennent à tous, à chaque personne.

Par exemple, la Charte dit que chacun a les libertés fondamentales suivantes : liberté de conscience et de religion; liberté de pensée et liberté d'association. La Charte renferme aussi d'autres droits tels que le droit à la vie et à la sécurité de la personne. Chacun a droit à la vie et à la protection.

L'article 11 porte sur tout inculpé. Ce sont là les groupes de droits qui s'appliquent à chaque personne.

Par ailleurs, la Charte renferme un autre groupe de droits, notamment à l'article 3, qui s'applique expressément aux citoyens. Autrement dit, il faut être un citoyen canadien pour jouir de ces droits.

L'article 3 dit que tout citoyen canadien a le droit de vote aux élections fédérales. L'article 6 porte sur la liberté de circulation et d'établissement. Il dit que tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir. Ces deux ensembles de droits sont étroitement liés dans nos lois.

Le Canada est un signataire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont l'article 15 stipule clairement que tout individu a droit à une nationalité. Autrement dit, une fois que vous êtes né dans un territoire, vous jouissez immédiatement de la protection de cet État. C'est un concept très ancien qui date de l'époque des Romains.

(1630)

Quiconque a étudié l'histoire gréco-romaine se souviendra qu'on pouvait être citoyen de Sparte, d'Athènes ou de Rome, mais que ceux qui ne vivaient pas à l'intérieur des murs de ces villes ne pouvaient pas jouir des droits conférés à leurs citoyens.

De temps immémorial, il y a toujours eu deux classes de citoyens. D'une certaine façon, la Charte reconnaît l'existence de deux ensembles de droits. Toutefois, ce projet de loi me laisse perplexe. Je suis né au Canada. Mes ancêtres sont arrivés au Canada en 1659, presque en même temps que ceux de la sénatrice Eaton. Je pourrais être privé de ma citoyenneté si je prenais les armes contre le Canada ou si j'étais — comme on le dit dans le projet de loi — membre d'une force armée d'un pays engagé dans un conflit armé avec le Canada, ou encore si j'étais espion ou si j'étais condamné pour trahison.

À mon humble avis, si ma citoyenneté peut être révoquée, elle devrait l'être dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique, comme le prévoit l'article 1er. Si nous touchons à l'article 6 de la Charte — selon lequel « tout citoyen canadien a le droit de demeurer au Canada, d'y entrer ou d'en sortir » —, le Parlement peut légiférer, mais seulement dans les limites prévues à l'article 1er, c'est-à-dire « dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ».

Par conséquent, si ces limites existent dans le contexte de la citoyenneté, elles seront évaluées par un tribunal en fonction de l'article 15 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie, dont le Canada est signataire.

Autrement dit, cette approche ne me convainc pas. Je n'ai pas fait une étude approfondie du projet de loi, et je m'en excuse, honorables sénateurs. Toutefois, si cette approche est bonne, elle signifie que je peux perdre mes droits en vertu de la Charte, qui sont garantis par la Constitution du Canada, et ce, sans bénéficier de la pleine protection de l'application régulière de la loi. J'attire l'attention de mon collègue, le sénateur Baker, sur l'article 12 de la Charte, selon lequel : « Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. »

Il n'y a pas de doute que la révocation de ma citoyenneté peut être considérée comme une peine cruelle et inusitée. Si j'y suis soumis, je profite de la pleine protection de toutes les autres dispositions de la Charte touchant l'application régulière de la loi. Par conséquent, s'il s'agit d'application régulière de la loi, ce qui n'est certainement pas ce que l'honorable sénateur Eggleton nous a décrit en parlant de justice naturelle et de ce que peut attendre, en vertu de la Constitution, quelqu'un qui, comme moi, à titre de citoyen canadien, commettrait un acte illégal tel que prendre les armes contre le Canada. Si je le faisais, je m'attendrais à ce que ma punition, qui pourrait en définitive consister en la révocation de ma citoyenneté, soit prononcée en conformité avec l'esprit et la lettre de la Charte.

Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur cet aspect parce que j'ai essayé de comprendre le cadre conceptuel du projet de loi et la façon dont nous pourrions concilier la substance de cette mesure législative avec les principes fondamentaux inscrits dans la Charte, dans la Constitution et dans les traités internationaux dont le Canada est signataire.

J'ai pris des notes en écoutant attentivement la sénatrice Eaton et le sénateur Eggleton, mais j'espère que le comité aura l'occasion de mieux examiner ces questions parce qu'il est évident que quelqu'un, quelque part, les soulèvera et s'adressera aux tribunaux. Je crois que, en cette Chambre de second examen objectif, nous devrions étudier ces questions et leur trouver une interprétation adéquate pour que le projet de loi puisse résister à des contestations judiciaires fondées sur les principes inscrits dans notre Constitution.

L'honorable Jane Cordy : Sénateur Joyal, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Joyal : Oui, s'il me reste assez de temps.

Son Honneur le Président intérimaire : Oui.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup. Il est toujours tellement utile d'avoir un constitutionnaliste parmi nous parce qu'il n'y a pas de doute que vous avez réussi à mettre le doigt sur le problème. Vous dites que vous ne connaissez pas très bien le projet de loi, mais vous avez certainement pu reconnaître rapidement les grandes préoccupations et difficultés qu'il peut susciter. Il y a la question de l'intention de résider au Canada, la révocation de la citoyenneté — dont vous avez parlé abondamment et de manière très compétente —, ainsi que les droits de citoyenneté et le fait qu'il ne devrait pas y avoir deux classes de citoyens.

Premièrement, je ne crois pas qu'on devrait pouvoir révoquer la citoyenneté canadienne et je ne pense pas que nous devrions avoir deux classes de citoyens. C'est pourtant ce que ce projet de loi nous donnera : deux classes de citoyens.

Vous avez parlé de la définition d'un terroriste et de la possibilité d'être accusé. Je fais confiance au système de justice canadien, mais je m'inquiète beaucoup du système de justice de certains autres pays du monde. Nous connaissons l'affaire Nelson Mandela. Beaucoup d'entre nous le voient comme un combattant pour la liberté, mais, dans son pays, il était considéré comme un terroriste et avait été jeté en prison. Nous avions accordé à Nelson Mandela la citoyenneté honoraire du Canada, de sorte qu'il avait, je suppose, une double citoyenneté. Quelqu'un comme Nelson Mandela, qui avait été jugé coupable dans son pays, même si nous avions l'impression qu'il était un combattant pour la liberté, aurait pu se voir priver de sa citoyenneté.

Je me demande si vous trouvez difficile de croire que ces décisions peuvent être prises en fonction de choses qui se sont produites dans un autre pays. Tout d'abord, je pense que si vous êtes citoyen canadien, vous l'êtes pour la vie et que, si vous violez les lois du Canada, vous devriez en subir les conséquences comme tout citoyen canadien en allant en prison ou en subissant toute autre peine au Canada. Toutefois, je suis inquiète de voir que nous porterons un jugement sur des gens sur la base de ce qui s'est passé dans d'autres pays.

Le sénateur Joyal : Je vais répondre très rapidement, Votre Honneur. Je crois que la sénatrice a mis en évidence les éléments fondamentaux concernant le système de justice pénale. Comme citoyen canadien, si je prenais les armes ou si j'espionnais mon pays, je devrais être soumis à la pleine rigueur de la loi parce que je me serais rendu coupable d'un acte criminel sanctionné par le Code criminel. Je ne conteste absolument pas le fait que je doive me soumettre au système de justice pénale et être puni si j'ai commis un tel acte. Si je suis puni, cependant, je veux l'être conformément au Code criminel et avec la protection de la Charte des droits et libertés. Je veux avoir droit à une pleine défense et, en vertu de l'article 12, être protégé contre une peine cruelle et inusitée. Voilà ce que j'attends comme individu et comme citoyen. Voilà pourquoi je crois si fort à la Constitution du Canada, car cette Constitution est la gardienne de mes droits, quoi que je fasse de légal ou d'illégal. C'est la nature de notre système. C'est pour cela que je crois à la primauté du droit. C'est ainsi que nous sommes protégés.

Quand je vois qu'une punition aussi sévère que la révocation de la citoyenneté peut être infligée dans le cadre d'un processus qui est géré non dans les limites de la Constitution du Canada, mais dans le cadre d'un processus administratif relevant du ministre, je trouve qu'il y a là quelque chose qui va à l'encontre des principes du système que nous avons établi dans la Constitution à l'égard de la justice pénale.

(1640)

À mon avis, si on veut révoquer la citoyenneté d'une personne coupable d'espionnage, de trahison ou d'avoir — toujours ce libellé — servi en tant que membre d'une force armée dans un conflit avec le Canada, ces crimes, s'ils sont reconnus comme tels, doivent être sanctionnés. Pourtant, ce n'est pas un ministre qui peut, compte tenu de ses besoins administratifs, en venir à une telle conclusion et décider d'imposer une sanction à un citoyen canadien. Il y a quelque chose qui cloche ici. Il y a quelque chose qui heurte les principes du système.

Comme je l'ai dit, c'est ce qui me fait dire que je n'ai pas bien compris la nature du projet de loi. J'espère que le comité va étudier attentivement cette mesure lorsqu'il recevra le mandat de le faire. Ces principes sont tellement fondamentaux qu'avant de nous lancer dans un tel exercice, nous devrions vraiment être convaincus que le projet de loi respecte la Constitution.

La sénatrice Eaton : Sénateur Joyal, je ne suis pas une constitutionnaliste comme vous. En lisant le projet de loi, j'ai compris que si j'ai la double citoyenneté — supposons que je suis Canadienne et Américaine — et que je me fais prendre en train d'espionner contre le Canada, ou d'utiliser des armes contre l'armée canadienne, je vais subir un procès devant un tribunal canadien, être éventuellement reconnue coupable et me voir imposer une peine. C'est uniquement à ce moment-là que le ministre peut envisager la révocation de ma citoyenneté canadienne. Je deviendrais alors une citoyenne américaine. Cela est évident si j'espionne contre le Canada ou si je prends les armes contre mon pays et que j'ai la double citoyenneté. Si la personne subit son procès devant un tribunal canadien, cela vous pose-t-il quand même un problème?

[Français]

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Joyal, avant que vous répondiez à la question, demandez-vous cinq minutes de plus?

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Oui. Au contraire, je pense que tout le processus devrait se dérouler devant un tribunal. Si le ministre veut aller en cour et faire valoir que la sanction ultime devrait être la révocation de la citoyenneté, la cour doit entendre les motifs invoqués. C'est le juge qui doit rendre une décision. Comme le sénateur Baker le dirait, c'est le juge qui doit être saisi de la demande ou de l'intervention du ministre de l'Immigration et imposer la révocation de la citoyenneté à titre de punition parce qu'un verdict de culpabilité a été rendu et que la personne a la double citoyenneté. J'ai écouté attentivement et ce processus s'applique uniquement dans le contexte de la double citoyenneté, mais on pourrait discuter longuement de la validité de la double citoyenneté. Toutefois, je vais fermer la parenthèse ici.

C'est uniquement dans ces situations que, selon moi, la révocation de la citoyenneté peut se faire. Elle ne doit pas se faire dans le cadre d'un processus administratif. Comme vous l'avez dit à juste titre, le système judiciaire canadien dispose des outils nécessaires pour imposer des peines et établir des verdicts de culpabilité relativement aux crimes auxquels vous avez fait allusion dans votre exposé.

C'est à cet égard que, selon moi, le projet de loi est peut-être déficient, parce que, lorsque le juge en viendra à la conclusion que je devrais perdre ma citoyenneté, je vais me défendre en vertu de l'article 12 de la Charte. Ensuite, la cour décidera si cette peine est un châtiment cruel et inusité dans le contexte de l'affaire.

Je ne suis pas contre la révocation de la citoyenneté comme principe. Je suis conscient que cette mesure peut être prise dans un cas extrême. Toutefois, un grand nombre de paramètres doivent être examinés par le tribunal avant d'en arriver là. Comme je l'ai dit, le Canada a des obligations internationales. La Cour suprême du Canada intervient dans ces cas et je pourrais citer au moins trois causes où, avant d'ordonner l'extradition d'une personne, elle a examiné les obligations du Canada relativement au pays tiers. Vous connaissez peut-être des détails de ces causes.

C'est pour cela que je pense qu'il est beaucoup plus approprié d'être soumis à un système judiciaire plutôt qu'à un système administratif quand il s'agit de l'imposition, comme je l'ai dit, de la sanction ultime, qui est en fait l'équivalent de l'exil à l'époque médiévale. En réalité, nous condamnerions quelqu'un à l'exil. Comme je l'ai mentionné, c'est une peine qui a disparu il y a très longtemps.

Cela me préoccupe, et vous avez raison de dire que le système judiciaire est la meilleure protection qui soit contre le pouvoir discrétionnaire de l'administration lorsqu'on impose la sanction la plus sévère qui soit à quelqu'un, à savoir — comme je le dis — l'équivalent de l'exil.

[Français]

Son Honneur le Président intérimaire : Je voulais savoir si vous aviez une autre question.

La sénatrice Eaton : Merci, c'est terminé.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les oui l'emportent.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Eaton, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Denise Batters propose que le projet de loi C-37, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales ainsi qu'à modifier la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-37, Loi de 2014 sur les changements de nom de circonscriptions. Ce projet de loi changerait le nom de certaines circonscriptions créées par les commissions de délimitation des circonscriptions électorales au terme du dernier recensement décennal. Plus particulièrement, le projet de loi modifierait le décret de représentation de 2013 pour changer le nom de 30 circonscriptions. Il modifierait également la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales pour changer le nom de la circonscription des Territoires du Nord-Ouest.

Les sénateurs ont débattu du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture le 12 juin. Il a ensuite été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. J'aimerais remercier mes collègues de ce comité d'avoir examiné ce projet de loi aussi rapidement.

Le comité a entendu le leader du gouvernement à la Chambre des communes et le directeur général des élections avant de passer à l'étude article par article du projet de loi.

Le ministre Peter Van Loan a souligné que le projet de loi reflète les commentaires formulés par tous les députés à l'autre endroit, y compris 14 changements demandés par le Nouveau Parti démocratique, 12 changements demandés par le Parti conservateur, 3 changements demandés par le Parti libéral et 2 changements demandés par un député indépendant. C'est en fait un projet de loi multipartite plutôt qu'un projet de loi ministériel.

Voici ce qu'a déclaré le directeur général des élections :

Les dispositions du projet de loi C-37 ne posent aucun problème pour mon bureau; nous serons en mesure d'en assurer la mise en œuvre dans le cadre de notre préparation pour la prochaine élection générale.

Il a ajouté ceci :

Je suis donc heureux de constater que les changements du projet de loi C-37 sont effectués dans le cadre d'un seul projet de loi, et pendant la session actuelle du Parlement.

De cette façon, la mise en œuvre des changements coûte moins cher et entraîne moins d'interruptions. Ce n'est pas le premier projet de loi de cette nature. En effet, le Parlement a changé le nom des circonscriptions à plusieurs reprises dans le passé, sans la participation des commissions.

Le projet de loi C-37 adopte une approche similaire à celle du projet de loi qui avait été adopté par le gouvernement précédent après l'adoption du décret de représentation de 2003. En adoptant rapidement ce projet de loi, nous voulons donner aux députés l'assurance que les noms de leur circonscription seront changés selon leurs vœux, comme représentants démocratiquement élus de leur collectivité, avant les prochaines élections.

(1650)

Cela se fait avec l'accord de tous les partis représentés à la Chambre des communes. Je voudrais insister sur le fait que le projet de loi a été élaboré au consensus et a été approuvé à l'unanimité par la Chambre des communes. Je demande à tous les sénateurs d'appuyer le projet de loi.

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons-nous le débat?

Une voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon
La Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lang, appuyée par l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut.

Je suis d'accord avec les commentaires qu'a faits le sénateur Lang dans le cadre de l'étude de ce projet de loi. Je dois dire que, en général, je suis d'accord avec ses explications et avec son analyse du principe du projet de loi.

Toutefois, je dois avouer que ce que j'affirme actuellement me fait un peu peur, étant donné que, chaque fois que je suis d'accord avec le gouvernement, il me semble que je pourrais avoir des problèmes.

[Traduction]

Je prends un risque, mais, dans l'ensemble, je suis en faveur — du moins en principe — du projet de loi S-6. J'ai été persuadé par notre collègue, le sénateur Lang, qui parle avec passion du Nord et qui compte parmi les plus grands défenseurs de sa région parmi nous. Vous ne pourriez pas aller au Yukon ou à Whitehorse, par exemple, sans que le sénateur Lang vienne vous montrer tout ce qui a été nouvellement bâti ou toutes les réalisations spéciales de telle ou telle organisation. S'il n'est pas là-bas pour vous montrer quelque chose, il sera ici en train d'en parler. Il a fait un excellent travail en saisissant et en décrivant le principe du projet de loi et en en exposant les détails.

Je ne répéterai pas tout ce qu'il a dit. Je veux juste mettre en évidence le fait que le projet de loi réalise deux choses. Il modifie la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, qui régit les cadres d'évaluation environnementale du territoire, ainsi que la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut. Cette dernière loi sert à la gestion et à la régulation des eaux au Nunavut.

L'aspect intéressant du projet de loi, c'est notamment le fait qu'il représente le même genre d'initiative que ce qui a été fait dans le projet de loi C-15 concernant le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest. Il est également semblable à une mesure précédente, le projet de loi C-47, que nous avons adopté il y a quelque temps.

Cette mesure permettra essentiellement de transférer certains pouvoirs au Yukon et au Nunavut. Ces pouvoirs sont transférés dans le cadre de ce qu'on peut appeler à juste titre un processus d'édification d'une nation. Nous sommes probablement aux étapes intermédiaires d'un processus qui mènera à la création de trois nouvelles provinces canadiennes. Avec le temps, j'espère que nous verrons le jour où ces trois territoires seront devenus des provinces qui contribueront au renforcement du Canada.

Quelqu'un m'a rappelé que, entre le moment où l'Alberta est devenue une province du Canada et celui où elle a assumé le plein contrôle de ses ressources, il s'est écoulé au moins 15 à 20 ans. Nous avons donc déjà vu dans notre histoire ce processus, qui est en train de se répéter. C'est en fait un moment historique.

Lorsque le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest est venu nous voir lors de l'étude du projet de loi C-15, j'assumais la présidence du comité parce que notre collègue et excellent président, le sénateur Neufeld, avait un empêchement. J'avais alors pu réunir tout le monde pour prendre une photo avec le premier ministre territorial, afin de capter ce moment d'édification d'une nation. C'est en effet ce qu'avait réalisé le projet de loi C-15 et que réalise aussi le projet de loi dont nous sommes saisis.

Ce projet de loi est conçu spécialement pour améliorer les processus réglementaires, les rendre moins complexes et réduire les chevauchements sur le plan de la réglementation, ce qui permettra d'atténuer l'incertitude qui entoure le processus de développement économique dans ces territoires.

Il est conçu de cette façon en grande partie pour favoriser le développement économique dans le Nord, et nous sommes bien entendu tous en faveur de cet objectif. Le Nord est certainement une région qui est riche en ressources naturelles et humaines. Certains secteurs de cette région se débrouillent bien, et d'autres pas autant. Il faudrait des bonnes politiques de développement économique afin d'assurer un excellent avenir économique et social pour ces endroits.

Je crois que les consultations qui ont été menées sont tout à fait adéquates. La situation dans ces territoires est compliquée. Il existe des intérêts fédéraux, territoriaux et autochtones. Certains intérêts sont mieux définis que d'autres parce que, dans bien des cas, ils sont définis par des traités territoriaux ou des règlements de revendications territoriales. Cependant, ce n'est pas toujours le cas. La situation est donc très complexe. Le projet de loi vise essentiellement à remédier à cette situation et à améliorer les processus dans le Nord.

Je pense que, après avoir étudié le projet de loi au comité et en avoir fait la synthèse à l'étape de la troisième lecture, nous constaterons qu'il a de bonnes chances d'atteindre les objectifs qui ont été fixés.

J'aimerais parler un peu de ce que ce projet de loi tente d'accomplir et du développement économique dans le Nord, pas pour minimiser l'importance de cette partie du projet de loi, mais parce que je crois que certaines remarques pertinentes doivent être faites.

Premièrement, nous devrions tenir compte des répercussions négatives des changements climatiques chaque fois que nous prenons des mesures pour promouvoir le développement économique dans le Nord. Je crois pouvoir dire sans me tromper que les changements climatiques commencent à avoir des répercussions profondes sur la situation économique dans cette région. Plus particulièrement, c'est l'infrastructure dans le Nord et les efforts considérables qu'il faudra déployer pour construire cette infrastructure dans l'avenir qui permettront de la maintenir en place dans les régions où le pergélisol est en train de fondre.

(1700)

La semaine dernière, j'ai assisté à une conférence donnée par un scientifique qui a fait beaucoup de travaux de recherche sur le pergélisol dans le Nord. Il a souligné les coûts additionnels associés à la construction d'une route dans une région où le pergélisol est maintenant en train de fondre. Ces coûts peuvent être substantiels.

D'un côté, alors que nous sommes en train de favoriser le développement économique en simplifiant le processus d'évaluation environnementale dans le Nord, je pense que nous devons être très conscients du fait que nous pourrions faire un pas en avant et deux pas en arrière. À certains égards, les changements climatiques sont peut-être en train de nous couper l'herbe sous le pied — si vous me permettez d'utiliser cette analogie — pour ce qui est d'assurer le développement économique dans le Nord. Nous ne discutons pas assez de cet enjeu et, à ce stade-ci, tenir des discussions vives et intenses est aussi un exercice d'édification du pays auquel nous devons nous livrer.

Cela m'amène à la simplification des processus d'évaluation environnementale. Comme je l'ai dit, dans le Nord — au Yukon, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest —, c'est compliqué. Il y a beaucoup de chevauchements et d'incertitude en raison des différents intérêts qui se recoupent dans ces régions.

À mon avis, les processus environnementaux ne sont pas lourds seulement à cause des chevauchements, de l'omission de préciser les délais ou de la complexité. Je ne suis pas sûr que ce soit le cas dans le Nord, parce que je ne connais pas très bien la situation là-bas, mais je sais que, dans le Sud, il y a, dans une certaine mesure, un retard dans les processus d'évaluation environnementale des projets parce que les gens sont attirés par eux. En effet, les personnes qui se soucient de l'environnement s'intéressent à ces processus parce que c'est peut-être la seule occasion officielle où les citoyens peuvent intervenir de manière structurée relativement aux politiques concernant les changements climatiques et d'autres questions environnementales.

Les Canadiens qui s'intéressent à ces questions constatent que, de nos jours, elles ne sont pas largement discutées dans leurs assemblées législatives, au Sénat ou au Parlement. Il est très difficile d'avoir un débat productif sur ces questions dans nos assemblées législatives en raison des circonstances politiques qui les entourent.

Il n'y a aucun endroit où l'on peut voir ces questions faire l'objet de plus vastes discussions en public. Il n'y a aucun endroit où l'on peut participer à ces discussions. Je pense que c'est pour cela que les gens sont attirés par les processus d'évaluation environnementale des projets, ce qui a provoqué leur enlisement.

Ce n'est pas parce que nous avons simplifié ces processus que nous avons complètement réglé le problème des retards dans les évaluations environnementales.

Au cours de son histoire, le Canada a parfois été aux prises avec d'énormes problèmes. Pour cette raison, les dirigeants politiques et d'autres ont structuré les débats publics conformément à notre processus parlementaire et à notre gouvernement. Je parle des commissions royales. Quelqu'un m'a fait penser à ces commissions il y a quelque temps en affirmant que la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, même si elle avait été très controversée à l'époque, avait sans doute sauvé le pays parce qu'elle nous avait permis de régler le problème avant qu'il devienne insurmontable. Oui, la commission royale d'enquête a engendré beaucoup de tensions, de compromis, de débats, d'angoisse et j'en passe. Cela ne fait aucun doute. Je remarque que le Président hoche la tête et semble être au moins un peu d'accord avec moi. Il a vécu cette enquête au Québec, où les habitants ont peut-être été soumis aux plus grandes tensions. La Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme nous a permis de tenir une audience publique et de débattre d'une question qui revêtait une grande importance pour notre pays.

Maintenant, je vais simplement prendre un peu de recul et conclure en disant que nous devons envisager ce genre de processus afin de pouvoir discuter des changements climatiques, ce qui, selon moi, aura bien sûr des répercussions sur le Nord. Je prends la parole pour parler en faveur du projet de loi S-6 et pour déclarer que je l'appuie en principe, un appui qui aura des conséquences.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)

[Français]

Le Code criminel
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Jean-Guy Dagenais propose que le projet de loi C-489, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (conditions imposées aux délinquants), soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j'ai le plaisir de m'exprimer en faveur du projet de loi C-489, un texte législatif important qui propose des modifications au Code criminel et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, afin de mieux protéger les victimes, et ce, en renforçant les conditions imposées par le tribunal qui empêchent les délinquants d'avoir des contacts avec elles. Ces modifications respectent l'engagement pris par le gouvernement de s'assurer que les droits des victimes soient pleinement reconnus par le système de justice.

Le projet de loi C-489, dès son entrée en vigueur, nous permettra de veiller à ce que les conditions destinées à empêcher les délinquants d'avoir des contacts avec les victimes, les témoins et d'autres personnes soient examinées et imposées de façon plus régulière par les tribunaux et la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Ces modifications sont nécessaires pour que les victimes d'actes criminels puissent vivre leur vie sans crainte d'être suivies, surveillées et harcelées par ceux qui ont commis des crimes contre elles.

En particulier, le présent projet de loi propose de modifier un certain nombre des dispositions actuelles qui permettent d'imposer des conditions aux délinquants lorsqu'ils font l'objet d'ordonnances de probation, d'ordonnances de sursis, d'ordonnances d'interdiction dans le cas des agresseurs sexuels d'enfants, d'engagements de ne pas troubler l'ordre public en cas d'infraction sexuelle contre un enfant et d'ordonnances de mise en liberté sous condition rendus en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Le projet de loi propose de modifier l'article 161 du Code criminel, qui traite des interdictions imposées à l'égard des agresseurs sexuels d'enfants. L'article 161 exige actuellement que le tribunal qui détermine la peine envisage d'imposer, outre toute autre peine pour l'infraction, des conditions aux délinquants déclarés coupables des infractions sexuelles contre un enfant qui y sont énumérées. Ces conditions peuvent être imposées à vie au délinquant.

La liste actuelle des conditions que le tribunal doit examiner comprend, par exemple, le fait d'interdire au délinquant de se trouver dans un lieu public, comme un parc, un terrain de jeu ou un centre communautaire, et de lui interdire d'occuper un travail qui le placerait en relation de confiance ou d'autorité vis-à-vis un enfant.

Le projet de loi C-489 propose de modifier l'article 161 en exigeant également que le tribunal envisage d'imposer une condition interdisant au délinquant de se trouver à moins de deux kilomètres de la résidence de la victime ou de toute autre distance ou de tout autre lieu mentionné dans l'ordonnance, selon ce que le tribunal juge indiqué. Cette nouvelle restriction géographique fera en sorte que, dans les cas appropriés, l'enfant victime soit pleinement protégé de tout contact.

Le projet de loi C-489 propose également d'ajouter aux ordonnances de probation de nouvelles conditions obligatoires selon lesquelles le délinquant doit s'abstenir d'avoir des contacts.

(1710)

Honorables sénateurs, les ordonnances de probation sont les peines les plus souvent imposées pour une déclaration de condamnation au Canada. Selon les Statistiques annuelles sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes au Canada de 2011-2012, environ 45 p. 100 de toutes les condamnations entraînent une ordonnance de probation, soit environ 111 000 ordonnances de probation par année. Ces informations proviennent de Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique, Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle, 2011-2012.

Aux termes de la disposition actuelle, l'imposition d'une ordonnance de probation peut faire partie d'une peine dans le cas où un délinquant est condamné à une peine d'emprisonnement de moins de deux ans. L'ordonnance de probation peut être en vigueur jusqu'à trois ans après la mise en liberté du délinquant, et un manquement à toute condition de l'ordonnance constitue une infraction criminelle passible d'une peine d'emprisonnement maximale de deux ans.

À l'heure actuelle, on trouve deux types de conditions de probation : obligatoire et discrétionnaire. Il y a trois conditions obligatoires qu'un tribunal doit imposer en vertu de la loi actuelle :

a) ne pas troubler l'ordre public et observer une bonne conduite;

b) répondre aux convocations du tribunal; et

c) prévenir de tout changement d'adresse ou d'emploi.

Le tribunal peut également imposer l'une ou plusieurs des neuf conditions facultatives énumérées au paragraphe 732.1(3) du Code criminel. De plus, le tribunal dispose d'un pouvoir discrétionnaire résiduel d'imposer toute autre condition « raisonnable » qu'il considère souhaitable.

Je souligne que, actuellement, on ne trouve aucune disposition, ni dans la liste de conditions obligatoires ni dans celle des conditions facultatives, interdisant au délinquant d'avoir des contacts avec une victime, bien qu'un tribunal puisse recourir à son pouvoir discrétionnaire résiduel pour imposer une telle condition. Selon une étude de Statistique Canada relativement récente, conformément aux dispositions actuelles, environ 35 p. 100 des ordonnances de probation incluaient une condition de s'abstenir d'avoir des contacts en vertu du pouvoir résiduel. Ces renseignements nous proviennent de l'article « Résultats des peines de probation et des condamnations avec sursis », Juristat, 2006.

Le projet de loi C-489 change ces résultats en modifiant la liste de conditions obligatoires prévues au paragraphe (2), en obligeant le tribunal qui détermine la peine à imposer une condition interdisant toute communication avec la victime, le témoin ou toute autre personne désignée par le tribunal.

Le projet de loi C-489 offre également une certaine souplesse et permet à la victime ou à une autre personne de renoncer à la condition d'interdiction de communiquer, mais seulement si elle fournit son consentement par écrit au tribunal. De plus, le tribunal peut également refuser d'imposer cette condition s'il conclut qu'il existe des « circonstances exceptionnelles ». Selon moi, ces deux exceptions à la condition obligatoire d'interdiction de communiquer sont raisonnables et elles apportent un équilibre ainsi qu'une équité à la modification.

Enfin, chaque fois que la nouvelle condition n'est pas imposée, le juge qui prononce la peine doit fournir des motifs à l'appui de sa décision. Je suis d'avis que le fait d'exiger de consigner les motifs au dossier dans de tels cas aidera la victime, puisque cela permettra de veiller à ce que les victimes comprennent exactement quelles circonstances ont été perçues par le tribunal comme répondant aux critères.

Le projet de loi C-489 propose également une modification semblable aux dispositions relatives à l'emprisonnement avec sursis du Code criminel, à l'article 742.3, également connu sous le nom d'assignation à résidence. Cela est logique, puisque les délinquants assujettis à des peines avec sursis peuvent souvent continuer d'occuper leur emploi et poursuivre leurs études au sein de la collectivité, compte tenu de conditions précises. Ainsi, il semble tout à fait approprié que la même nouvelle condition obligatoire s'applique à ces délinquants, avec les mêmes exceptions, soit le consentement de la victime ou une décision du tribunal concluant à l'existence de circonstances exceptionnelles.

Le projet de loi C-489 propose également de modifier les engagements de ne pas troubler l'ordre public, à l'article 810.1 du Code criminel. Selon ma compréhension, ces engagements de ne pas troubler l'ordre public sont utilisés contre des individus dont la peine n'est pas en cours, mais qui sont considérés comme étant à risque élevé de perpétrer une infraction d'ordre sexuel contre un enfant âgé de moins de 16 ans. Le tribunal peut imposer toutes les conditions que le juge estime souhaitables pour assurer la sécurité publique, et les conditions peuvent être en vigueur pour une période maximum renouvelable de deux ans. Le projet de loi C-489 propose de modifier cette disposition en ajoutant une condition d'interdiction de communiquer à la liste de conditions existantes qu'un juge pourrait envisager. Je suis d'avis que cela entraînera plus souvent l'imposition de conditions d'interdiction de communiquer lors de l'émission de telles ordonnances.

Enfin, le projet de loi C-489 vise à modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin d'exiger que l'autorité compétente — soit la Commission des libérations conditionnelles du Canada ou le responsable de l'institution — impose des conditions raisonnables et nécessaires aux délinquants, y compris l'interdiction de communiquer ou des restrictions géographiques, si une victime ou une autre personne a déposé une déclaration de la victime. Je crois qu'il s'agit d'une modification appropriée, puisqu'elle vise tout à fait l'ensemble des délinquants déclarés coupables d'au moins deux ans d'emprisonnement et qui sont ainsi assujettis aux dispositions sur la libération conditionnelle en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cette modification permettra que ce groupe de délinquants soit visé par les conditions d'interdiction de communiquer beaucoup plus régulièrement.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'appuie entièrement le projet de loi. Il empêchera les contrevenants reconnus coupables et libérés dans la collectivité d'entrer en communication avec leurs victimes ainsi qu'avec les témoins et d'autres personnes. Cela répond directement aux préoccupations exprimées par de nombreuses victimes partout au Canada qui ont continué de souffrir aux mains de leur assaillant, même si la peine imposée à ce dernier pour son crime était toujours active.

[Français]

Cette mesure législative est conforme à de nombreuses autres initiatives prises par notre gouvernement ces dernières années, qui donnent une voix à toutes les victimes avant, pendant et après que le système de justice se charge du délinquant.

J'espère que tous les sénateurs appuieront ce projet de loi.

(Sur la motion de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Greene, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).

L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), un projet de loi simple que les sénateurs connaissent bien.

Je dis qu'il est simple parce qu'il ne comporte que deux articles. Le premier abroge l'alinéa 207(4)b) du Code criminel, et le deuxième indique que la loi entre en vigueur à la date fixée par décret. Cette modification aurait pour effet de supprimer l'interdiction de parier sur une épreuve sportive, et ferait en sorte que ce genre de paris soit régi par les provinces.

Les sénateurs connaissent bien ce projet de loi car, à l'hiver 2012, lors de la dernière session parlementaire, après avoir été approuvé à l'unanimité à l'autre endroit, il a soulevé un intérêt et un débat considérables au Sénat, et je dirais même une grande controverse.

(1720)

Je ne vais pas parler longtemps et je ne vais pas répéter ce que j'ai déjà dit à ce sujet. Toutefois, je veux quand même dire quelques mots sur la façon dont le jeu est réglementé dans le système fédéral. Le jeu est principalement une responsabilité provinciale. Contrairement à ce que certains croient, le projet de loi C-290 ne légaliserait pas les paris sur une seule épreuve sportive. Toutefois, il ouvrirait la porte afin que les provinces puissent adopter des mesures législatives en ce sens.

Neuf provinces sur dix — la seule exception étant Terre-Neuve-et-Labrador — ont écrit au gouvernement fédéral pour exprimer leur appui au projet de loi, ou se sont prononcées publiquement en faveur de cette mesure législative. Les provinces n'ont pas toutes décidé si elles vont autoriser les paris sur une seule épreuve sportive, mais elles veulent avoir le droit de le faire. Elles se demandent pourquoi le Sénat — qui est la Chambre des provinces — leur refuse cette possibilité. Elles ne sont pas les seules. En septembre 2013, la Chambre de commerce du Canada a adopté une résolution exhortant le Sénat à approuver le projet de loi C-290 afin de permettre aux provinces de « décider si les paris sur une seule épreuve sportive seront autorisés, et dans quelles conditions ».

Il importe de noter que les paris sportifs sont déjà légaux et très répandus au Canada. Aucune distinction morale n'est faite entre ce qui est déjà permis et ce qui est susceptible de se produire si le projet de loi C-290 est adopté. À l'heure actuelle, les provinces autorisent les paris sur les sports professionnels, mais elles sont limitées aux paris par reports ou aux paris sur plus d'une partie dans une seule mise. Les Canadiens parient environ 450 millions de dollars par année dans le système réglementé et légal de paris sportifs mis en place par les provinces.

Toutefois, il est difficile de prédire correctement l'issue de matchs multiples. Autrement dit, les probabilités de gagner un pari par reports sont faibles, et c'est pour cette raison que la majorité des Canadiens qui font des paris sportifs optent pour le système clandestin de paris sur une seule épreuve sportive. Personne ne sait exactement combien d'argent les Canadiens parient sur une seule épreuve sportive, mais on pense que le montant total pourrait se chiffrer à 10 milliards de dollars. Cette industrie clandestine florissante crée toutes sortes de problèmes. Entre autres, elle rend plus difficile l'identification et le traitement des joueurs compulsifs.

L'Ontario consacre 50 millions de dollars par année à l'éducation et à la recherche sur le problème du jeu, ainsi qu'au traitement de ce problème, par le truchement du ministère de la Santé de l'Ontario et de la Société des loteries et des jeux de l'Ontario. Certains disent que ce montant est une petite goutte dans un seau, mais c'est 50 millions de dollars de plus que le montant dépensé par le crime organisé ou par les exploitants étrangers de sites web de paris pour régler ce problème. Lorsque des personnes qui font des paris illégaux éprouvent des problèmes, elles se préoccupent davantage d'éviter les blessures que de se faire traiter pour leur dépendance. Cette situation crée un gros obstacle à la guérison, comme on le mentionne dans une étude publiée en 2009 par le Centre de toxicomanie et de santé mentale. Les auteurs de cette étude ont aussi constaté que les paris illégaux sont une source importante de revenu pour le crime organisé. Ainsi, au lieu de servir à construire des écoles et des hôpitaux, ces revenus servent les intérêts d'entreprises criminelles. Lorsque des intérêts criminels ou étrangers contrôlent le marché des paris sportifs, cela augmente sensiblement les risques que des matchs soient truqués.

Loin de poser une menace à l'intégrité du sport, les paris sportifs réglementés et surveillés sont la meilleure façon de prévenir les abus, puisqu'ils permettent de les déceler. Je ne dis pas que les paris sportifs organisés par les provinces vont éliminer le marché illégal et étranger, mais je crois qu'ils auraient un impact important. S'ils ont le choix, la majorité des gens vont dépenser leur argent dans un système réglementé et honnête.

Certains opposants au projet de loi nous ont dit que l'argent va rester entre les mains des exploitants illégaux et étrangers parce que ceux-ci vont offrir de meilleures chances de gagner. Toutefois, tout ce que j'ai entendu de la part des experts laisse croire que cette théorie est erronée. Ces preneurs de paris et ces exploitants étrangers ne sont pas des œuvres de bienfaisance. Ils veulent faire de l'argent. Les preneurs de paris illégaux et clandestins se servent des probabilités établies à Las Vegas. Agir autrement et offrir des probabilités plus attrayantes afin d'attirer la clientèle — au lieu de s'assurer d'avoir un montant égal de part et d'autre — entraînerait des pertes importantes.

Honorables sénateurs, je sais que ce projet de loi suscite de vives réactions, mais il faut se rappeler quelques vérités essentielles : cette mesure législative ne porte pas sur la légitimité du jeu; elle n'en fait pas la promotion; elle ne le réglemente pas. Pendant que je fais mon allocution, des dizaines de Canadiens parieront de l'argent sur un match de la Coupe du monde ou sur une partie de baseball des ligues majeures. Ils feront affaire avec un bookmaker ou un membre du crime organisé au fond d'un bar, ou ils feront leur pari en ligne sur un serveur situé à l'étranger ou ici même, au Canada. Ne faisons pas comme si le débat portait sur les dangers du jeu ou, même, sur les paris ayant trait à une seule manifestation sportive, car les paris sportifs sont une réalité, une réalité en plein essor

Honorables sénateurs, le présent débat porte sur la question de savoir si le Sénat devrait s'opposer à la volonté d'une forte majorité de députés et s'il devrait aller à l'encontre de la volonté des provinces, que nous sommes ici pour représenter. Le débat porte sur la question de savoir si nous préférons que les partis sportifs se fassent dans un milieu réglementé et surveillé, et que les recettes profitent aux gouvernements provinciaux, ou qu'ils se fassent, comme à présent, dans le monde interlope.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Michael L. MacDonald propose que le projet de loi C-483, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (sortie avec escorte), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis très content aujourd'hui d'appuyer le projet de loi C-483. Cette mesure législative a été amendée à l'autre endroit de façon à ce que les dispositions sur la sortie avec escorte puissent être efficacement mises en œuvre, mais l'esprit initial du projet de loi d'initiative parlementaire a été respecté. Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-483 permettrait de gérer beaucoup mieux, et de façon cohérente, le cas des prisonniers ayant écopé d'une peine d'emprisonnement à perpétuité comme peine minimale. En fait, il est question d'individus ayant été reconnus coupables de meurtre au premier ou au deuxième degré, ou de haute trahison.

Il y a deux types de sorties avec escorte. Permettez-moi de prendre quelques instants pour expliquer la différence entre les deux. D'abord, il y a les sorties avec escorte non liées à la réhabilitation. Ces sorties sont accordées à un délinquant par nécessité, par exemple lorsqu'il doit assister aux procédures judiciaires ou recevoir un traitement médical qui n'est pas disponible dans un pénitencier. Étant donné que ces types de sorties sont obligatoires, elles ne signifient pas que le délinquant participe à son plan correctionnel; elles constituent tout simplement un mécanisme pour autoriser une sortie temporaire du pénitencier, avec escorte, pour des motifs juridiques ou médicaux.

Il y a ensuite les sorties avec escorte à des fins de réhabilitation. Ces sorties peuvent être accordées aux délinquants engagés dans la réalisation d'un plan correctionnel. Ces sorties aident à la réhabilitation des délinquants et à leur réintégration graduelle dans la société. Les sorties avec escorte à des fins de réhabilitation sont accordées pour plusieurs raisons, notamment le service communautaire, les programmes de réhabilitation communautaire, les rapports familiaux et les responsabilités parentales. Là encore, ces sorties sont de nature temporaire et elles peuvent durer entre quelques heures et quelques jours, selon les circonstances, mais toujours sous surveillance.

Dans le cas de ces deux types de sortie avec escorte, les critères pour accorder la permission sont énoncés dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ces critères mettent l'accent sur le risque que présente le détenu et exigent, dans chaque cas, un plan structuré de la sortie. Dans le cadre du système actuel, le directeur d'un pénitencier de Service correctionnel Canada peut accorder, en tout temps, des permissions de sortie avec escorte non liées à la réhabilitation, c'est-à-dire pour des raisons médicales, juridiques ou pour les enquêtes du coroner, selon la nature de la sortie.

(1730)

Cependant, pour ce qui est des permissions de sortie avec escorte dans le cadre d'un processus de réhabilitation, c'est actuellement la Commission nationale des libérations conditionnelles qui prend les décisions à partir du début de la peine d'incarcération jusqu'à l'admissibilité à la semi-liberté. Par exemple, un détenu admissible à la libération conditionnelle au bout de 25 ans est admissible à la semi-liberté à partir de la 22e année de sa peine. Durant les 22 premières années, il revient à la Commission des libérations conditionnelles d'approuver ou non les sorties avec escorte liées à la réhabilitation.

Lorsque le détenu a purgé la première partie de la peine, par exemple 22 ans, il revient au Service correctionnel du Canada d'accorder des sorties avec escorte à des fins de réhabilitation.

Cette approche s'explique par le fait que, lorsqu'un détenu approche du délai d'admissibilité à la libération conditionnelle, les efforts visant la gestion de son cas devraient être redoublés en vue de le préparer à son admission éventuelle à la libération conditionnelle totale. Des antécédents de sorties avec escorte réussies prouveraient à la Commission des libérations conditionnelles que l'individu est digne de confiance et qu'il est probablement un bon candidat à la réinsertion sociale.

Aux termes de la mesure législative dont nous sommes saisis, le régime de sorties avec escorte qui s'applique à cette catégorie de contrevenants changerait. La décision d'accorder des sorties avec escorte dans le cadre d'un processus de réhabilitation pourrait continuer à relever de la Commission des libérations conditionnelles pour toute la durée de la peine du contrevenant. En faisant en sorte que le pouvoir de prendre les décisions ne soit plus transféré automatiquement de la Commission des libérations conditionnelles au Service correctionnel du Canada lorsque le contrevenant est admissible à la semi-liberté, nous permettrions à la Commission des libérations conditionnelles d'autoriser les sorties avec escorte après l'admissibilité à la semi-liberté.

Voici la nuance : lorsqu'un contrevenant devient admissible à la semi-liberté, que la Commission des libérations conditionnelles lui accorde une sortie avec escorte en vue de sa réhabilitation et qu'il effectue cette sortie avec succès, la décision d'accorder des sorties ultérieures sera transférée au Service correctionnel du Canada. Cependant, si la sortie avec escorte subséquente ne se déroule pas avec succès, par exemple si le contrevenant viole une condition de la mise en liberté, il reviendra de nouveau à la Commission des libérations conditionnelles de prendre la décision.

Les sénateurs se demanderont peut-être en quoi c'est important. Après tout, le système actuel fonctionne bien, non? Nous savons que, dans 99 p. 100 des cas, les sorties avec escorte se passent bien, et nous savons aussi qu'elles constituent un outil essentiel pour le système de justice criminelle. Elles permettent notamment d'avoir une bonne idée de la manière dont les délinquants peuvent se comporter et du progrès qu'ils ont accompli, en plus d'aider le Service correctionnel du Canada à déterminer s'il y a lieu — ou non — de leur accorder une libération conditionnelle.

Pourquoi, dans ce cas-là, les victimes réclament-elles qu'on change le système? Pourquoi veulent-elles que ce pouvoir demeure entre les mains de la Commission des libérations conditionnelles tant et aussi longtemps que les délinquants sont derrière les barreaux? En fait, elles veulent se faire entendre, et elles veulent être tenues au courant lorsque des sorties avec escorte sont accordées dans le cadre du processus de réhabilitation.

Les victimes d'actes criminels et les groupes qui les défendent demandent depuis longtemps au gouvernement de prendre des mesures pour qu'ils puissent jouer un rôle concret lorsque les autorités permettent à un délinquant donné de quitter l'établissement fédéral où il est incarcéré, que ce soit pour une brève absence, une journée complète ou une libération conditionnelle en bonne et due forme. Ils veulent être tenus au courant, et ils veulent avoir voix au chapitre.

Revenons à l'exemple que je donnais tout à l'heure — dans lequel je prenais pour appui les règles actuellement en vigueur — à propos du délinquant purgeant une peine d'emprisonnement à vie avec possibilité de libération conditionnelle après 25 ans. Durant les 22 premières années de sa peine, la décision de lui accorder, ou non, le droit de sortir avec escorte dans le cadre d'un processus de réhabilitation revient à la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Tout ce temps, dès que la commission étudie une telle demande, elle est tenue d'en informer les victimes concernées. Si elle tient une audience, les victimes ont alors le droit d'y assister.

C'est ce qui se passe durant les 22 premières années de la peine. Après, c'est au Service correctionnel du Canada qu'il revient d'accorder les sorties avec escorte. À partir du moment où ce pouvoir lui est transféré, les décisions sont prises par les directeurs d'établissement, en consultation avec leurs agents de libération conditionnelle — c'est-à-dire ceux qui sont chargés d'aider les délinquants à se réadapter et à réintégrer la société — et les agents des services aux victimes du Service correctionnel du Canada.

Cependant, il n'y a pas d'audience officielle lorsque les directeurs d'établissements fédéraux prennent des décisions relatives aux permissions de sortir avec escorte. Les victimes veulent participer à la prise de décisions sur ces permissions après qu'un détenu devient admissible à la semi-liberté, et le projet de loi leur en donnerait la possibilité.

Les modifications proposées dans le projet de loi cadrent avec les efforts déployés par le gouvernement pour tenir les victimes informées et les faire participer davantage. Comme le savent les sénateurs, le gouvernement a effectué plusieurs changements ces dernières années pour renforcer le rôle des victimes dans le système de libération conditionnelle.

En 2012, la Loi sur la sécurité des rues et des communautés a apporté des modifications importantes permettant aux victimes de participer aux audiences de libération conditionnelle et d'être mieux informées à propos du comportement et de la gestion des délinquants.

De plus, le gouvernement a récemment présenté la Loi sur la Charte des droits des victimes et appuyé des projets de loi d'initiative parlementaire prolongeant les périodes d'examen obligatoire et donnant aux victimes de plus amples détails concernant la mise en liberté des délinquants. Ces projets de loi ont tous pour objectif de veiller à ce que les victimes aient une voix dans le système de justice pénale; ils viennent compléter le projet de loi à l'étude.

L'accroissement du pouvoir de la Commission des libérations conditionnelles à l'égard des permissions de sortir avec escorte donnerait aux victimes un rôle plus important. J'estime que le projet de loi est important; il accomplit de bonnes choses, et je demande à tous les sénateurs de se joindre à moi pour en faciliter l'adoption. Merci.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'ai l'impression qu'il y a une sénatrice qui voudrait poser une question, Votre Honneur.

L'honorable Anne C. Cools : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur MacDonald : Bien sûr.

La sénatrice Cools : Vous avez consacré la majeure partie de votre discours à la question des victimes et de leurs droits en ce qui a trait au transfert de pouvoirs entre la Commission nationale des libérations conditionnelle et le Service correctionnel du Canada. Tout détenu qui purge une peine dans un pénitencier ou un établissement correctionnel a été reconnu coupable. Par conséquent, il n'est plus question de déterminer son innocence ou sa culpabilité. Le détenu purge sa peine. Cependant, la question de la libération conditionnelle ou de la réduction de la peine n'a rien à voir avec la détermination de la culpabilité ou de l'innocence d'une personne. Le juge a déjà tranché la question, et la peine a été imposée.

Honorables sénateurs, la réduction de peine, la libération conditionnelle et tous ces privilèges sont accordés en vertu de pouvoirs souverains que nous appelons « clémence » et « miséricorde ». Autrefois, on parlait de « liberté sur parole ». Le détenu donnait sa parole qu'il ne commettrait plus de méfaits. « Pénitencier » vient de « pénitence ». Les détenus étaient mis en pénitence et, avec un peu de chance, ils étaient réhabilités ou se réformaient.

En donnant le pouvoir d'être clément et de réduire les peines, y compris d'accorder des libérations conditionnelles, a-t-on pensé aux droits des victimes? Tient-on compte des droits des victimes en exerçant ces pouvoirs de clémence et de miséricorde?

Le sénateur MacDonald : Sénatrice Cools, je ne suis pas sûr de suivre la logique de votre question, mais il me semble que ce que le projet de loi propose s'applique aux trois dernières années d'admissibilité à la liberté conditionnelle. Il semble que le projet de loi vise à répondre aux préoccupations des victimes et de leur famille et à déterminer si les trois dernières années où le détenu peut demander une libération conditionnelle resteront du ressort de la Commission des libérations conditionnelles ou seront dorénavant du ressort du Service correctionnel du Canada.

Je crois que c'est une façon de garantir aux victimes qu'à la fin de la période d'admissibilité à la liberté conditionnelle d'une personne condamnée pour un crime ignoble, les victimes et leur famille n'auront pas été oubliées et qu'elles auront pu donner leur point de vue durant la période de trois ans.

Je pense que c'est un projet de loi très simple. Je trouve qu'il n'est pas trop compliqué et qu'il n'est pas difficile de l'appuyer ou d'en parler, car il trouve un écho chez la plupart des gens. On s'entend généralement pour dire qu'au fil des années, les victimes se sont senties isolées dans le processus décisionnel et oubliées par le système, et ce n'est qu'une petite contribution pour veiller à ce que les victimes et leur famille puissent se faire entendre et comprendre le processus décisionnel final.

(1740)

La sénatrice Cools : Je n'ai peut-être pas été claire. La date d'admissibilité à la libération conditionnelle est décidée d'avance en fonction de la peine. Il s'agit de la date à laquelle le détenu peut présenter une demande de libération conditionnelle en vertu de la loi, et non pas de la date à laquelle il est admissible à la libération conditionnelle. C'est un processus assez lourd et difficile. La date d'admissibilité à la libération conditionnelle n'est rien de plus qu'une date. Chaque détenu, lorsqu'il est condamné, se voit donner une date d'admissibilité à la libération conditionnelle, et la plupart d'entre eux misent beaucoup sur cette date.

Je crois que la question que je posais à l'honorable sénateur était d'ordre constitutionnel et avait trait aux pouvoirs des monarques et souverains qui contrôlent et accordent la clémence pour encourager et aider les détenus à faire mieux et à faire le bien. Le temps où l'on mettait une personne en prison pour ensuite jeter la clé est révolu.

Je voulais connaître le fondement constitutionnel de ces changements. Il est clair que les victimes veulent obtenir de l'information, et devraient en obtenir, mais vous n'avez pas su me démontrer que les victimes avaient un rôle à jouer pour accorder la clémence. Il s'agit d'une prérogative du souverain du pays. C'est pourquoi nous avons une commission des libérations conditionnelles, parce qu'il y a longtemps, les sages et les grands penseurs ont décidé que le processus de libération conditionnelle devait être rapproché de l'administration de la justice. Nous avons donc établi un processus et créé une commission formée de personnes nommées qui sont tenues d'étudier les circonstances et d'examiner tous les dossiers.

Ce qui m'intéresse, ce sont davantage les bases constitutionnelles sur lesquelles s'appuie le présent projet de loi.

Le sénateur MacDonald : Honorables sénateurs, je ne prétends pas être constitutionnaliste. Pour ce qui est des bases constitutionnelles sur lesquelles s'appuie le projet de loi, j'imagine qu'on ne peut pas réellement les déterminer à moins que ce soit contesté devant la Cour suprême.

J'ai l'impression que les dispositions respecteraient la Constitution, et l'existence de la Commission des libérations conditionnelles ou de Service correctionnel du Canada n'est pas remise en cause. Ils existent toujours. Cela semble tout simplement être un mécanisme en vue de permettre aux victimes dans ce processus d'avoir un peu plus leur mot à dire lorsque vient le temps de prolonger ou d'accorder des libérations conditionnelles.

Ai-je une réponse à vous donner? J'imagine que non. Je présume évidemment que cela respecterait la Constitution, et j'imagine que nous n'avons qu'à attendre pour voir si ce sera contesté devant les tribunaux et en avoir le cœur net.

La sénatrice Cools : J'aimerais prendre la parole au sujet du présent projet de loi à un moment donné. J'aimerais savoir ce dont les deux côtés ont convenu.

La sénatrice Fraser : Sénatrice Cools, je me demande si je peux proposer l'ajournement du débat, et nous pourrons en discuter.

La sénatrice Cools : Je tiens à prendre la parole à ce sujet à un moment donné.

La sénatrice Fraser : Je comprends cela.

La sénatrice Cools : C'est d'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu propose que le projet de loi C-479, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (équité à l'égard des victimes), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est avec fierté que je prends la parole aujourd'hui relativement à neuf importantes modifications que le projet de loi C-479 prévoit apporter à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Avec mes deux prédécesseurs qui ont présenté, à l'étape de la deuxième lecture, d'autres projets de loi, nous sommes au cœur de la réforme de la Commission des libérations conditionnelles dans le but de vraiment rééquilibrer les droits des criminels et les droits des victimes.

[Traduction]

Premièrement, j'aimerais souligner l'importante contribution du parrain du projet de loi à l'autre endroit, le député David Sweet.

[Français]

De plus, le leadership continu dont ont fait preuve le ministre de la Sécurité publique, M. Blaney, et le ministre de la Justice, M. MacKay, dans l'avancement des droits des victimes fut remarquable tout au long de la dernière année. L'été dernier, comme vous le savez, les ministres ont mené des consultations publiques sur le projet de charte des droits des victimes dans chacune des provinces du Canada. Même si ces consultations avaient pour objectif de discuter de l'intention du gouvernement de présenter un projet de charte des droits des victimes, les commentaires et suggestions recueillis dans le cadre de cette consultation continuent d'être examinés, encore aujourd'hui.

[Traduction]

Je confirme avoir bel et bien pris part à ces consultations. Les victimes d'actes criminels ont dit haut et fort qu'elles veulent être intégrées dans le processus du système de justice pénale. Ce ne sont plus des spectateurs; à ce titre, on ne les laissera plus jamais pour compte. Les victimes d'actes criminels veulent participer pleinement et concrètement au processus.

[Français]

Grâce à la volonté et à la détermination de ces victimes, l'objectif du projet de loi C-479 prend tout son sens. Je suis fier aussi de dire que ce projet de loi permet de poursuivre l'excellent travail accompli par les deux ministres que je viens de nommer.

Le projet de loi C-479 sur l'équité à l'égard des victimes de crimes violents se définit sur deux axes importants. Le premier vise à renforcer la voix des victimes d'actes criminels et à leur offrir un soutien supplémentaire dans le cadre du processus de libération conditionnelle.

Le deuxième vise à modifier la date d'examen des demandes de libération conditionnelle et des motifs de détention, donnant ainsi à la Commission des libérations conditionnelles la possibilité de prolonger la période entre les audiences des délinquants dangereux. Ces deux axes du projet de loi permettront d'apporter les changements que les victimes, leur famille et certains intervenants, dont l'ombudsman des victimes d'actes criminels, réclament depuis des années. Le moment est donc venu d'agir et de concrétiser ces changements.

Honorables sénateurs, je tiens à rappeler que ce projet de loi s'appliquera principalement aux délinquants ayant commis des crimes violents. Comme je l'ai souvent déclaré par le passé, je resterai à jamais convaincu qu'aucune définition exacte ne permettra de décrire l'ampleur de ces crimes et les impacts traumatisants causés par ceux-ci sur les victimes. Ces crimes sont odieux, souvent prémédités et toujours insensés.

Je tiens une fois de plus à citer deux statistiques tirées du rapport Sampson, publié en 2007, qui fait état de tendances alarmantes en ce qui concerne les crimes violents. Je vous rappelle que ce rapport est l'assise même de la réforme actuelle du système carcéral canadien, qui vise principalement à responsabiliser les criminels dans leur processus de réhabilitation.

Le rapport, qui porte le nom de son auteur, l'ancien ministre des Services correctionnels de l'Ontario, Rob Sampson, souligne que le profil des délinquants change. Ainsi, près de 60 p. 100 des criminels purgent maintenant une peine de moins de trois ans, et la grande majorité d'entre eux ont des antécédents criminels violents. Un criminel sur six est maintenant un membre connu d'un gang de rue ou d'une organisation criminelle. Au Québec, un criminel sur quatre est affilié à des organisations illégales et, par le fait même, cette province détient le triste record national du taux de criminalité le plus élevé commis par de tels groupes criminalisés.

(1750)

Aujourd'hui, je participe au débat sur ce projet de loi au nom des victimes d'actes criminels à qui je donne une voix depuis plus de 12 ans. Je le fais aussi, malheureusement, au nom de milliers de familles canadiennes, à la mémoire de leurs êtres chers assassinés.

Je suis sûr que bon nombre de mes collègues n'ont jamais assisté à une audience de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Permettez-moi alors de vous parler de l'histoire de quelques familles qui ont vécu cette difficile expérience.

J'essaie toujours de me mettre à la place des victimes, ou des proches de ces victimes, qui vivent et revivent cette expérience traumatisante chaque fois que le délinquant présente une nouvelle demande de libération conditionnelle, comme le lui permet le processus actuel. La victime et les proches des victimes se soumettent à ce processus, non pas parce que la loi les y oblige, mais par amour et pour que justice soit rendue.

La famille Carretta, dont la fille, Cathia, a été assassinée par son ex-conjoint, Jean-Claude Gerbet; la famille Jarry, dont le fils, Simon, a été assassiné à 18 ans, en 1999; la famille Dion, dont le fils, Stéphane, a été assassiné à 14 ans en 1992. Toutes ces familles, et bien d'autres, ont un point en commun : elles considèrent toutes l'expérience qu'elles ont vécue avec la Commission des libérations conditionnelles comme décevante et, surtout, elles estiment que les droits des criminels ont outrageusement dépassé les leurs.

Prenez le cas du meurtrier multirécidiviste Clifford Olson, qui a tué 11 jeunes innocentes victimes. Durant plus d'une décennie, il a déposé des demandes d'audience à répétition devant la commission. Dans la majorité des cas, il ne s'y présentait jamais ou, lorsqu'il y témoignait, il le faisait pour victimiser à nouveau les familles. Pour lui, agir ainsi était comme un jeu qui lui procurait possiblement la même sensation qu'au moment où il assassinait ses victimes.

[Traduction]

Des dizaines de familles doivent subir, chaque fois, énormément de stress, étant donné qu'elles doivent présenter une demande pour assister à l'audience et ensuite apprendre à la dernière minute que tout est remis à plus tard ou simplement annulé.

[Français]

Cependant, de retour chez elles, ces familles devaient attendre que le criminel présente une autre demande de libération conditionnelle. Cette situation de harcèlement s'est prolongée pendant des années, et les proches des victimes devaient de nouveau présenter des déclarations et passer par toute la gamme d'émotions qui s'ensuivait. Pourquoi cela se passait-il ainsi? Parce qu'actuellement, la loi reconnaît tous les droits aux criminels lors de la tenue de telles audiences.

Je pourrais vous parler de ce professeur de Montréal, Valery Fabrikant, qui a assassiné quatre de ses collègues. Pendant des années, il a continué à harceler les proches des victimes, en abusant des règles du jeu de la Commission des libérations conditionnelles qui favorisent toujours les criminels.

Ces exemples montrent bien l'intention de ce projet de loi quant aux déclarations des victimes et des proches des victimes, et quant à la modification du processus d'examen en vue de la libération conditionnelle.

Le projet de loi prolongera la période d'examen obligatoire pour une libération conditionnelle. Autrement dit, si un délinquant condamné pour une infraction grave, commise avec violence, se voyait refuser la libération conditionnelle pour les motifs que j'ai mentionnés plus tôt, la Commission des libérations conditionnelles devrait examiner son dossier dans un délai maximum de cinq ans, plutôt que de deux ans, comme c'est le cas actuellement.

[Traduction]

La Commission des libérations conditionnelles du Canada devrait être plus au fait des besoins des victimes d'actes criminels et des membres de leurs familles, lorsqu'ils veulent assister aux audiences et être témoins de la procédure.

[Français]

Elle devrait aussi tenir compte plus sérieusement de toute déclaration faite par les victimes et leurs proches.

La commission serait par ailleurs tenue, sur demande, de communiquer aux victimes des renseignements sur la libération conditionnelle, la libération d'office ou les libérations de sorties du délinquant, de même que sur le plan correctionnel du délinquant, y compris sur les progrès qu'il fait dans l'atteinte des objectifs liés à son processus de réhabilitation.

Honorables sénateurs, apportons les changements proposés dans le projet de loi C-479. Ils ont été réclamés par des familles de victimes, parce que des histoires tragiques comme celles que j'ai relatées aujourd'hui se comptent par milliers. Des délinquants violents ont commis des crimes inqualifiables. Des familles ont subi des pertes irremplaçables. Ces victimes, leur famille et nos collectivités doivent avoir la certitude que les délinquants sont bien engagés dans la voie de la réhabilitation, sans quoi la Commission des libérations conditionnelles du Canada disposera des outils nécessaires pour retarder leur remise en liberté.

[Traduction]

En mettant en œuvre les modifications que je propose d'apporter au projet de loi C-479, nous montrerions notre respect envers les victimes et leurs familles. On a adopté ce genre d'amendements ailleurs dans le monde, comme en Californie, en Nouvelle-Zélande et au Royaume-Uni.

[Français]

Pour conclure, je me permets de citer encore une fois un paragraphe tiré d'un éditorial paru le 2 mars 2012 dans le journal de ma ville, le Hamilton Spectator :

La Commission des libérations conditionnelles a une responsabilité envers les victimes d'actes criminels. Pour ces victimes, la commission est pratiquement la seule source de renseignements sur la situation de la personne qui a commis un crime contre elles. [...] certaines victimes de la région [...] considèrent qu'elles sont mal servies par la commission. Il faut que ça change.

Des citations semblables, j'en ai lu des dizaines dans les journaux du Québec et, chaque fois, je me demandais pourquoi, devant la Commission des libérations conditionnelles, les droits des criminels et des victimes, et de leur famille, n'étaient pas égaux.

Honorables sénateurs, c'est pour toutes ces raisons que je n'ai pas hésité à parrainer le projet de loi C-479, Loi sur l'équité à l'égard des victimes de délinquants violents. Cette mesure donnera à la Commission des libérations conditionnelles du Canada les outils nécessaires et essentiels qu'il lui faut pour mieux servir dorénavant les victimes, leur famille et tous les citoyens du Canada.

Je vous remercie.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Sécurité nationale et défense

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur les répercussions médicales, sociales et opérationnelles des problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces canadiennes et sur les services et les avantages offerts aux membres ainsi qu'à leur famille—Adoption du neuvième rapport du comité

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wells, appuyée par l'honorable sénateur Black, tendant à l'adoption du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (budget—étude sur les problèmes de santé mentale dont sont atteints des membres actifs et à la retraite des Forces armées canadiennes—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 5 juin 2014.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, nous avons eu une brève discussion sur cette motion hier. La sénatrice Cools est maintenant parmi nous, et le débat est ajourné à son nom. Je me suis entretenue avec elle, et elle a accepté de me céder la parole. Si tous les sénateurs, en présence de la sénatrice Cools, sont d'avis...

L'honorable Anne C. Cools : Je précise que c'est vrai, pour que tout le monde le sache.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur les relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense

Dixième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense et demande d'une réponse du gouvernement—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'examen du dixième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, intitulé Le Canada et la défense antimissiles balistiques : s'adapter à l'évolution du contexte de menace, déposé au Sénat le 16 juin 2014.

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je propose :

Que le rapport soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Défense étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

Son Honneur le Président : Débat. Le sénateur Lang a la parole.

Le sénateur Lang : Chers collègues, je suis ravi de prendre la parole au sujet du rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, lequel examine les relations internationales du Canada en matière de sécurité et de défense, notamment avec les États-Unis, l'OTAN et le NORAD.

Le rapport, qui s'intitule Le Canada et la défense antimissiles balistiques : s'adapter à l'évolution du contexte de menace, a été adopté à l'unanimité par le comité.

Je tiens à reconnaître la collaboration et la coopération des membres du comité qui ont travaillé à la production de ce rapport. Je tiens à remercier particulièrement le sénateur Roméo Dallaire, qui a proposé que le Sénat se penche sur cette question. Le comité a pu profiter grandement de son expertise dans ce domaine et de son professionnalisme.

(1800)

Avant de revenir aux détails du rapport, j'aimerais remercier personnellement les autres membres du comité directeur. Le sénateur Wells s'est joint à l'équipe en cours de route pour prendre la relève du sénateur Nolin, appelé à assumer le rôle de Président intérimaire, une responsabilité pressante. Je remercie aussi cet heureux guerrier, notre collègue maintenant retraité...

Son Honneur le Président : Honorables sénateur, comme il est 18 heures, êtes-vous d'accord pour ne pas tenir compte de l'heure?

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Il y a accord pour ne pas tenir compte de l'heure.

Le sénateur Lang : Je remercie aussi cet heureux guerrier, notre collègue maintenant retraité, le sénateur Hugh Segal, dont le leadership et les conseils nous ont aidés à produire ce rapport d'une grande importance pour le Canada.

Finalement, je tiens à souligner le travail du personnel politique des deux côtés de la Chambre, qui a fait preuve de dévouement, de passion et de détermination dans ce dossier, notamment lors de l'élaboration du rapport. Je tiens à remercier particulièrement Caitlin Gropp, Claudine Courtois et Naresh Raghubeer. Ils ont offert de précieux conseils tout au long du processus, tout comme les employés du comité et de la bibliothèque mentionnés dans le rapport, ainsi que Mme Francine Pressault, de la Direction des communications du Sénat.

Regardons maintenant le rapport de plus près.

Depuis décembre dernier, le comité a entendu tout un éventail de témoins experts qui connaissent très bien les capacités et l'importance du programme de défense antimissile balistique pour la défense du continent nord-américain. Nous avons aussi entendu des témoins qui s'opposent à ce programme.

Nous avons commencé notre étude en nous penchant sur les circonstances qui ont d'abord amené le Canada à proposer, en 2004, son adhésion au programme de défense antimissiles balistiques des États-Unis, puis sur la décision qu'il a prise, en février 2005, de se retirer pour des raisons liées aux politiques nationales.

À l'époque, un certain nombre de raisons ont été présentées à la population canadienne pour expliquer cette volte-face. Nous avons appris que les détracteurs de cette initiative mettaient en doute les raisons qui justifiaient la participation à ce programme. Selon les arguments avancés, le programme visait des menaces théoriques, il ouvrait la voie à une militarisation de l'espace, il nuisait aux efforts mondiaux de dissuasion nucléaire stratégique, et rien ne démontrait son efficacité. Ces détracteurs disaient que, si le programme fonctionnait, les Américains nous protégeraient, quelles que soient les circonstances, puisque c'était dans leur intérêt.

Dix ans plus tard, le comité a tenté de déterminer si les raisons invoquées pour ne pas participer au programme de défense antimissiles balistiques étaient toujours valides.

Dans le cadre de nos audiences, nous avons entendu deux éminents parlementaires, l'honorable Bill Graham et l'honorable David Pratt, qui avaient occupé le poste de ministre de la Défense à cette époque. Ces deux témoins ont dit que la décision de ne pas conclure un accord avec leurs homologues américains était une erreur, et que l'entière participation du Canada au programme de défense antimissile balistique est essentielle à la sécurité nationale.

M. Pratt a dit ce qui suit au comité :

[...] la défense antimissiles balistiques ne déstabilisera pas l'architecture de la sécurité internationale [...] les arguments avancés en 2004 n'ont pas résisté à l'épreuve du temps. [...] je pense que l'on trouve de nombreuses preuves convaincantes du contraire lorsque l'on examine ce que nos alliés de l'OTAN ont fait pour appuyer la défense antimissiles balistiques; 28 pays de l'OTAN ont affirmé souscrire à la nécessité de protéger leurs populations contre des missiles lancés par des États voyous. Le Canada, en revanche, dit tout ce qu'il convient de dire à l'OTAN, mais ne fait rien pour régler notre propre situation ici, en Amérique du Nord.

Je cite maintenant M. Graham, qui a dit ce qui suit au comité :

Il me semble que nous sommes en dehors d'un nouveau système d'armement d'une stupéfiante complexité qui aura des conséquences pour notre sécurité et sur l'élaboration duquel nous n'aurons aucune décision à prendre. C'est une situation bien dangereuse.

Pour sa part, M. Pratt a exprimé l'avis que la politique actuelle du Canada en ce qui concerne la défense antimissile balistique ne sert pas les intérêts nationaux. Je le cite :

[...] je n'arrive absolument pas à comprendre pourquoi nous délaisserions l'un des aspects de notre sécurité nationale en ne collaborant pas directement avec les Américains en vue de mettre en place un tel système, parce que c'est en fait ce que nous faisons. Nous aurions en effet certains renseignements concernant l'alerte. Cependant, au-delà de cela, qu'en est-il? Le Canada n'a pas vraiment de rôle pour l'instant. Je crois que c'est quelque chose que nous devons rectifier.

Le comité a appris que la défense antimissile balistique commence à être intégrée au système de défense de l'Europe de l'Est sous les auspices de l'OTAN et qu'elle s'étend en Corée du Sud, en Australie et au Japon.

Au cours de l'étude, le comité s'est rendu à Colorado Springs, où se trouvent les quartiers généraux du NORAD et du USNORTHCOM. Nous y avons été reçus par le général Jacoby, commandant, et le lieutenant-général Parent, commandant adjoint du NORAD, pour deux jours de séances d'information intensives.

Nous avons appris que le programme de défense antimissile balistique était en place et fonctionnel, mais qu'il n'était pas aussi précis et efficace qu'on le voudrait. Nous avons également appris que le programme faisait l'objet d'importantes modifications visant à le rendre plus efficace et plus précis. Le programme est instauré en Alaska et on envisage sérieusement de l'implanter quelque part dans l'est de la partie continentale des États-Unis.

Au cours de ses audiences, le comité a également appris que les menaces que font planer sur l'Amérique du Nord des pays corrompus comme la Corée du Nord et l'Iran sont bien réelles et ne cessent de s'intensifier.

En décembre 2012, il y a environ 18 mois, la Corée du Nord a montré au monde entier qu'elle avait la capacité de lancer des missiles balistiques qui pourraient atteindre l'Amérique du Nord. Après avoir défié plusieurs résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, la Corée du Nord est maintenant en position de menacer notre sécurité. Ces menaces nous inquiètent grandement, vu que le régime possède des ogives nucléaires capables d'atteindre l'Amérique du Nord.

Comme le général Jacoby l'a dit, la menace théorique est devenue bien concrète. Autrement dit, la Corée du Nord peut maintenant passer de la parole aux actes et attaquer l'Amérique du Nord.

Le comité a aussi appris qu'il n'y a aucune garantie que le programme de défense antimissile balistique des États-Unis, de la façon dont il a été conçu, protégera le Canada. En fait, un témoin nous a dit que la sécurité du Canada est compromise parce que nous n'avons pas participé à la planification et à la mise en œuvre du programme des États-Unis. À l'heure actuelle, les Canadiens sont vulnérables à une attaque de missiles balistiques parce que nous avons refusé d'y prendre part.

Le comité a appris que le Canada appuie activement le programme de défense antimissile balistique des États-Unis par l'intermédiaire de l'OTAN, où le Canada et les États-Unis assument une responsabilité conjointe : ils doivent le détecter le plus rapidement possible les menaces et les intrusions en Amérique du Nord et en alerter les intéressés.

Si le Canada lançait des discussions avec les États-Unis afin de faire partie intégrante du programme de défense antimissile balistique des États-Unis, la question des coûts serait inévitablement soulevée. Nous sommes d'avis que cette question devra, le cas échéant, être réglée par les deux gouvernements.

À l'heure actuelle, nous participons activement à la protection de l'Amérique du Nord, dans le cadre du NORAD, mais nous ne pourrions rien faire en cas d'attaque de missiles balistiques. Si une telle attaque visait l'Amérique du Nord, y compris le Canada, nos satellites la détecteraient rapidement et le Canada serait en mesure de faire des alertes, mais nos militaires devraient ensuite quitter la table.

Cette situation complique le partenariat de défense intégré qui unit le Canada et les États-Unis, un partenariat unique au monde puisque nous assurons conjointement la responsabilité de défendre nos deux territoires.

Dans une perspective d'avenir, le comité a demandé au lieutenant-général Parent, commandant adjoint au NORAD, en quoi son rôle évoluerait si le Canada décidait de participer au programme de défense antimissile balistique des États-Unis. Voici sa réponse :

[..] La décision que vous évoquez aurait essentiellement pour effet de supprimer cette restriction dans la défense aérospatiale en Amérique du Nord. Il y aurait ainsi intégration parfaite avec une seule chaîne de commandement et un seul et même objectif. Dans la pratique, on ne me demanderait plus nécessairement de quitter la pièce lorsque l'on veut discuter d'une intervention de défense antimissiles balistiques.

Il a ensuite dit ceci :

Pour ce qui est des activités de R-D, les scientifiques qui travaillent pour le NORAD au Canada pourraient sans doute aussi essayer de voir quelles avancées technologiques canadiennes pourraient permettre d'améliorer le système.

Enfin, cela faciliterait la tâche du général Jacoby lorsqu'un missile s'approche de la frontière. Il serait plus simple pour lui de décider s'il doit défendre le Canada ou non.

Je tiens également à citer de nouveau Bill Graham. Voici un extrait de son témoignage :

Notre participation à la défense antimissiles balistiques contribuerait à préserver NORAD et l'ensemble des relations entre le Canada et les États-Unis dans le domaine de la sécurité. En outre, notre participation au programme de défense antimissiles balistiques nous permettrait, selon moi, d'avoir notre mot à dire dans la création et l'utilisation du système DMB, ce qui renforcerait notre souveraineté, au lieu de l'affaiblir.

M. Pratt a par ailleurs déclaré qu'il considère la participation du Canada au système de défense antimissile balistique comme « une occasion de manifester de la bonne volonté par rapport à une entente critique en matière de défense ».

(1810)

Chers collègues, maintenant que le comité a entendu tous les points de vue à ce sujet et qu'il a aussi pris connaissance d'une évaluation portant sur la gravité des menaces qui pèsent en ce moment sur le Canada et les États-Unis, il est d'avis que le Canada doit participer à la défense antimissile balistique des États-Unis en tant que partenaire pour garantir la sécurité du Canada et protéger nos intérêts nationaux. Pour atteindre cet objectif, les membres du comité recommandent à l'unanimité de conclure un accord avec les États-Unis pour participer, comme partenaire, à la défense antimissile balistique.

L'honorable Joseph A. Day : Merci, Votre Honneur.

J'aimerais remercier le sénateur Lang de nous avoir présenté son rapport et d'avoir expliqué son contenu en détail. Lors des dernières réunions du comité, tous se sont entendus pour dire que c'est l'orientation que nous devons adopter. Cependant, je dois avouer que, compte tenu des autres pressions qui pèsent sur nous — et étant donné que le comité de la défense et de la sécurité s'est réuni en dehors des heures normales, ce que je déplore —, je n'ai pas eu l'occasion de participer à l'élaboration de la version définitive du rapport. C'est pour cette raison que j'écoutais avec attention les résultats de nos délibérations des derniers mois en ce qui concerne ce dossier. J'appuie sans réserve tout ce que vous avez dit.

Honorables sénateurs, je n'ai pas encore eu l'occasion de lire le rapport, mais il ne fait aucun doute que je le lirai. Je suppose qu'on peut confirmer ce que vous avez affirmé, soit que les membres du comité ont pris cette décision à l'unanimité, même si je n'ai pas encore lu le rapport. Je ne suis pas convaincu que notre collègue, le sénateur Dallaire, a eu la possibilité de participer autant qu'il l'aurait voulu aux activités du comité.

Félicitations et merci.

(Sur la motion du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande l'autorisation du Sénat pour que tous les articles qui n'ont pas été abordés restent au Feuilleton et que nous passions immédiatement au Feuilleton des préavis.

Des voix : D'accord.

[Français]

Affaires sociales, sciences et technologie

Motion tendant à autoriser le comité à étudier le Programme des travailleurs étrangers temporaires—Ajournement du débat

L'honorable Pierrette Ringuette, conformément au préavis donné le 10 juin 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à :

Examiner le programme des travailleurs étrangers temporaires et l'abus potentiel du système que représente l'embauche de travailleurs étrangers pour remplacer les travailleurs canadiens qualifiés et disponibles;

Examiner les critères et la procédure applicables à l'évaluation et à l'approbation des demandes d'emploi;

Examiner les critères et la procédure utilisés pour recueillir les opinions permettant de déterminer l'état du marché;

Examiner les critères et la procédure utilisés pour évaluer les qualifications des travailleurs étrangers;

Examiner les procédures et responsabilités interministérielles à l'égard des travailleurs étrangers au Canada;

Formuler des recommandations pour s'assurer que le programme ne puisse pas faire l'objet d'abus quelconques susceptibles de nuire aux travailleurs canadiens;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 mars 2015, et conserve tous les pouvoirs requis pour publier ses conclusions jusqu'à 180 jours après le dépôt du rapport final.

— Honorables sénateurs, en avril 2013, cette même motion vous avait été présentée afin d'analyser toutes les composantes interministérielles du Programme des travailleurs étrangers temporaires.

Comme la motion avait été retirée du Feuilleton lors de la prorogation de l'automne dernier et à la suite de plusieurs déclarations publiques du ministre Kenney selon lesquelles on réviserait au complet le programme, j'avais décidé d'attendre cette révision et de ne pas présenter de nouveau cette motion l'automne dernier.

Toutefois, vous en conviendrez, les choses vont de mal en pis concernant la mise en œuvre du programme. Depuis plusieurs mois, les nouvelles abondent d'exemples inacceptables.

Depuis l'an dernier, quand les employés de la Banque Royale devaient former des travailleurs étrangers pour ensuite perdre leur emploi, nous n'avons jamais su quelles actions correctives avaient été apportées par le ministre pour ces employés.

Il en est de même pour une compagnie minière en Colombie-Britannique, détenue et exploitée par des Chinois, qui avait amené 200 travailleurs chinois pour remplacer des mineurs canadiens. Nous ne connaissons pas les mesures correctives apportées à la situation et nous ne savons pas si de telles mesures ont été apportées.

La plus grande richesse de notre pays se trouve dans ses ressources humaines. Pourtant, même ici, au Sénat, nous n'avons pas de comité permanent consacré à cette importante richesse. Nous avons des comités concernant l'énergie, les transports, les communications, les banques, le commerce, les pêches, l'agriculture, la défense et ainsi de suite.

Honorables sénateurs, sans nos ressources humaines, tous ces secteurs d'activité ne seraient pas viables. Je crois qu'il est grand temps que nous ayons un comité permanent des ressources humaines pour procéder à des études en continu et faire des recommandations au gouvernement.

[Traduction]

Entre-temps, si ma motion avait été renvoyée au comité l'an dernier, nous serions au moins en mesure de faire des recommandations préliminaires au ministre, qui semble en avoir désespérément besoin.

Au cours de la dernière décennie, le Programme des travailleurs étrangers temporaires est passé de 101 000 à 338 000 travailleurs. Leur visa de travail est valide jusqu'à quatre ans. Un rapport signale que les ministères fédéraux suivants ont reçu des avis relatifs au marché du travail leur permettant d'embaucher des travailleurs étrangers temporaires : l'Agence de la santé publique du Canada, Santé Canada, le ministère de la Défense nationale et le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire.

Le programme a été conçu et mis sur pied en 1973 pour permettre l'embauche de travailleurs hautement spécialisés, comme des scientifiques ou des ingénieurs. Par la suite, le programme s'est étendu aux travailleurs saisonniers de l'industrie agricole. En 20 ans, soit de 1973 à 1993, le Programme des travailleurs temporaires étrangers a émis 50 000 avis relatifs au marché du travail. Étant donné l'ampleur qu'avait atteinte le programme, nous étions en droit de nous attendre à ce qu'un contrôle raisonnable soit exercé. Ce n'est absolument pas le cas à l'heure actuelle.

Le programme a été créé en 1973 pour aider les entreprises canadiennes à passer à l'ère de la haute technologie. Il est devenu un problème tant pour les chômeurs canadiens que pour les travailleurs étrangers bien intentionnés.

Le programme est conçu pour 25 000 à 50 000 travailleurs étrangers temporaires; il n'a pas du tout la capacité de traiter 338 000 dossiers. Cette situation est injuste à la fois pour les Canadiens et pour les travailleurs étrangers.

Au cours des dernières années, trop de compressions budgétaires ont contribué à créer ce fiasco. Le gouvernement est incapable d'instaurer un mécanisme de contrôle approprié en raison, notamment, des compressions imposées au programme de collecte des données de Statistique Canada, aux bureaux de Service Canada, aux bureaux du ministère des Affaires étrangères, au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et à l'Agence des services frontaliers du Canada.

Imaginez que nous embauchions des travailleurs étrangers pour travailler comme pilote, acteur, mineur ou chez McDonald, alors que nous savons tous que des Canadiens sont prêts à combler ces postes contre une rémunération décente.

En raison de la fermeture d'autant de bureaux de Service Canada, il est très difficile pour les Canadiens de savoir quels employeurs ont des postes à combler dans leur localité, leur région ou au Canada. La connectivité n'existe plus. Le mois dernier, 39 p. 100 des chômeurs étaient si découragés qu'ils ont apparemment arrêté de chercher du travail.

Il y a également un grand vide parce que Statistique Canada collecte moins de données sur le marché du travail. Les données régionales ne sont plus disponibles, ce qui empêche les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral d'adopter des politiques du marché du travail efficaces, de mettre en œuvre la formation dans les métiers et l'amélioration de la mobilité requises et de satisfaire aux besoins véritables en matière d'immigration.

(1820)

Honorables sénateurs, je recommande que vous lisiez le chapitre 8 du rapport du printemps 2014 du vérificateur général, Michael Ferguson, intitulé Répondre aux besoins en données statistiques clés — Statistique Canada. Pour pouvoir élaborer des politiques éclairées et appropriées, il faut suivre toutes les recommandations du vérificateur général.

Avant que Citoyenneté et Immigration Canada délivre un permis de travail temporaire à un employé, Emploi et Développement social Canada doit publier un avis relatif au marché du travail. Il y a dix ans, un employeur devait annoncer un poste vacant pendant au moins trois semaines avant qu'un avis relatif au marché du travail lui soit accordé. Aujourd'hui, le poste doit seulement être affiché sur un site web public pendant une semaine.

En ce qui a trait aux annonces, le journal Huffington Post a publié récemment un article concernant les consultants en immigration qui dit ce qui suit :

Un fait nouveau dont les Canadiens ne peuvent tirer parti. Seuls les travailleurs étrangers peuvent avoir accès aux emplois offerts par plus de 50 000 employeurs.

Des consultants en immigration, dont bon nombre sont établis dans l'Ouest canadien, semblent maintenant se spécialiser dans le jumelage d'employeurs et de travailleurs étrangers temporaires.

Une annonce en ligne affichée dans plusieurs provinces promet même d'aider les travailleurs étrangers temporaires à trouver des employeurs, au lieu de l'inverse.

« Êtes-vous à la recherche d'un employeur doté d'un AMT (avis relatif au marché du travail)? » demande une annonce affichée par l'entreprise Global Hire d'Edmonton sur Kijiji, le site web d'annonces classées en ligne.

« En ce moment, j'ai accès à 800 postes offerts au Canada dans le cadre d'un AMT. Je dispose aussi de la liste de toutes les entreprises canadiennes qui font l'objet d'un AMT, soit plus de 50 000 employeurs. Certains de vos amis ou des membres de votre famille souhaitent-ils venir travailler au Canada? Je peux leur venir en aide. »

Pour obtenir un avis relatif au marché du travail, l'employeur doit remplir certaines conditions : l'offre d'emploi doit être authentique; le salaire et les conditions de travail doivent être comparables à ceux offerts aux Canadiens; l'employeur doit avoir cherché à embaucher et à former des Canadiens pour ces postes et avoir établi la preuve d'une pénurie de main-d'œuvre ou la nécessité d'assurer le transfert de compétences; et enfin, il doit s'agir d'un emploi à court terme.

Honorables sénateurs, quatre ans, cela ne correspond pas à un poste à court terme. C'est mon avis, et je crois que c'est aussi celui de la plupart des Canadiens. Un visa de travail temporaire n'était autrefois valide que pour une période d'un an, tout au plus.

En avril dernier, l'Institut C.D. Howe a publié une étude fort révélatrice sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires, et la Fédération du travail de l'Alberta a également dévoilé des renseignements sur l'incidence qu'a le programme à l'échelle locale.

À l'automne 2009, l'ancienne vérificatrice générale, Sheila Fraser, a publié un rapport où l'on peut lire ce qui suit à la page 16 du chapitre 2 :

Ressources humaines et Développement des compétences Canada et Citoyenneté et Immigration Canada n'ont pas défini de façon précise leurs rôles et responsabilités quant à l'évaluation de l'authenticité des offres d'emploi et la manière de mener ces évaluations. Il pourrait donc arriver que des travailleurs étrangers temporaires reçoivent un permis de travail relativement à un employeur ou à un emploi qui n'existe pas. De plus, ni Ressources humaines et Développement des compétences Canada ni Citoyenneté et Immigration Canada ne fait de suivi systématique pour vérifier si les employeurs qui emploient des travailleurs étrangers temporaires respectent ou ont respecté les conditions [...] associées aux permis de travail. [...] De plus, les faiblesses relevées dans les pratiques entourant l'émission des avis sur le marché du travail mettent en doute la qualité et l'uniformité des décisions prises par les agents de Ressources humaines et Développement des compétences Canada.

Je tiens à vous rappeler que ce rapport a été publié en 2009 — il y a donc cinq ans — et qu'aucun de ces deux ministères n'a encore adopté de mesure correctrice.

Ce rapport aurait dû inciter les ministères en cause et le Parlement à demander un gel temporaire du programme pour mettre en place les protocoles nécessaires. Or, au contraire, le nombre d'avis relatifs au marché du travail a augmenté, et le nombre de travailleurs étrangers temporaires est passé de 204 000 en 2008 à 338 000 en 2012.

À ce jour, Emploi et Développement social Canada ne fait toujours aucun suivi, surtout relativement à la condition qui exige qu'un employeur forme un Canadien pour occuper le poste. C'est à cette condition que sont émis un avis relatif au marché du travail et un visa.

Il faudrait aussi s'inquiéter du fait que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration du Canada ne communique pas les renseignements dont il dispose sur les 338 000 travailleurs étrangers temporaires à l'Agence des services frontaliers du Canada. Ce simple fait devrait tous nous préoccuper.

Honorables sénateurs, nous devons aussi nous préoccuper des cas de menaces de mort et de mesures coercitives qui ont été signalés contre des travailleurs étrangers au Canada. C'est totalement inacceptable. Encore une fois, aucun mécanisme de contrôle ne permet d'effectuer quelque suivi que ce soit.

[Français]

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a, selon moi, une raison d'être. Il devrait être l'exception et non la règle en ce qui concerne les politiques et programmes visant à soutenir nos besoins en ressources humaines à court et à long termes.

Je vous demande d'accepter dès lors ma motion, afin que nous puissions étudier la situation et faire les recommandations nécessaires au bon fonctionnement du programme.

Je vous remercie de votre attention.

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 18 juin 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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