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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 81

Le mardi 30 septembre 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 30 septembre 2014

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de commencer, je vous signale la présence à la tribune de membres de la famille de John Pasqua, agent du Sénat décédé récemment. Ce sont son épouse, Rosamaria Pasqua, ses filles, Melissa et Cristina Pasqua, et Hans Paredes, qui, selon nos informations, est appelé à devenir le gendre de Mme Pasqua. Ils ont été invités par le sénateur Munson.

Au nom de tous les sénateurs, non seulement je vous souhaite la bienvenue au Sénat, mais je vous offre mes plus sincères condoléances en raison du grand deuil que vous vivez.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Musée canadien des droits de la personne

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, c'est avec un immense plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour féliciter tous ceux qui ont contribué à l'inauguration du Musée canadien des droits de la personne dans ma ville natale, Winnipeg, au Manitoba.

Le 19 septembre, des centaines d'invités sont arrivés au magnifique immeuble dessiné par Antoine Predock, au centre-ville de Winnipeg, pour célébrer un projet national qui a mis sept ans à voir le jour.

Au printemps 2007, le premier ministre Stephen Harper a annoncé la création du cinquième musée fédéral du Canada consacré aux droits de la personne. Le Musée canadien des droits de la personne est le premier musée fédéral établi en dehors de la région de la capitale nationale. Il est situé au Manitoba, au cœur du Canada.

Depuis l'an 2000, année où le regretté Israel « Izzy » Asper a mis en branle sa vision d'un établissement national consacré à la reconnaissance, à l'étude et à la promotion des droits de la personne dans notre pays, et même dans le monde, nous avons parcouru beaucoup de chemin pour concrétiser cette nouvelle institution nationale.

N'eût été des efforts de sa fille, Gail Asper, de sa famille, des gens de Winnipeg et de leur campagne incessante pour rallier les intervenants et les philanthropes à leur cause, nous n'aurions pas eu l'insigne honneur d'ouvrir les portes de ce musée au monde.

Je tiens également à saluer le leadership dont a fait preuve le premier ministre Harper au début de son premier mandat pour veiller à ce que cette nouvelle institution fédérale soit établie alors que l'idée n'était qu'à l'état embryonnaire. Il a reconnu que le temps était venu pour le Canada de consacrer des ressources à la création d'une institution de prestige et, ainsi, de sensibiliser les gens à la question fondamentale des droits de la personne.

J'aimerais également remercier les anciens ministres du Patrimoine, Josée Verner et James Moore, ainsi que l'actuelle ministre du Patrimoine, Shelly Glover, d'avoir piloté ce projet national, du début à la fin. La ministre Glover a fait un travail remarquable dans ce dossier.

Jusqu'à maintenant, le gouvernement fédéral a accordé au musée plus de 100 millions de dollars pour ses coûts d'immobilisations ainsi que 21,7 millions de dollars pour son budget annuel d'exploitation. À cela s'ajoutent 147,5 millions de dollars supplémentaires par l'entremise de la campagne de sollicitation des Amis du MCDP, qui a attiré plus de 8 000 donateurs du secteur privé. Cette fusion d'aide financière en provenance du gouvernement et du secteur privé a permis de concrétiser aujourd'hui cet impressionnant projet.

L'éducation est l'objectif premier du Musée canadien des droits de la personne. Comme l'a dit Stuart Murray, président-directeur général du musée :

Les histoires que nous racontons éclaireront des coins sombres. Ce sont des histoires de résistance et de survie, qui, à leur tour, inspirent d'autres histoires. [...] Contrairement aux grands musées des droits de la personne partout au monde, le MCDP n'est pas un lieu de commémoration ou d'immortalisation.

Il s'agit plutôt d'un endroit où on montre comment des individus et des groupes ont réalisé de grandes choses pour l'humanité, et quelles sont les conséquences de l'indifférence ou de l'inaction. On y examine la compassion et la résilience.

Honorables sénateurs, au lieu d'exposer des objets, le musée utilise la puissance des technologies numériques pour communiquer son message. Sa collection est entièrement composée d'installations passives, interactives ou immersives.

Honorables sénateurs, je vous invite à venir faire un tour à Winnipeg pour visiter ce nouveau musée, une extraordinaire institution fédérale consacrée à nos valeurs les plus chères : la protection et la promotion des droits de la personne partout dans le monde.

Le Sénat

Le décès de l'agent John Pasqua

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, notre confrère, l'agent de sécurité John Pasqua, est décédé à la fin du mois d'août. Je tiens aujourd'hui à lui rendre hommage en votre nom.

John a travaillé pendant 27 ans au Sénat, où il a contribué à améliorer les choses sans que bien des sénateurs s'en rendent même compte, et il l'a fait d'autant de façons que nous, sinon plus.

La personne qui a préparé la notice nécrologique de John le connaissait bien. Cette notice est simple et, en très peu de mots, elle réussit à exprimer sa personnalité et sa force de caractère. Sa vie professionnelle était empreinte de fierté et du sens de l'honneur. Son respect du Parlement et de ceux pour qui il travaillait était manifeste dans sa façon d'agir et dans sa constance. Quand j'arrivais au Sénat, je voyais souvent John de l'autre côté de ces portes. Quand nous le pouvions, nous bavardions ensemble de la vie et de nos familles.

Les valeurs et les convictions de John transparaissaient non seulement dans ses paroles, mais aussi dans ses actes. Sa participation à la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada en est un exemple éloquent. Pour lui, cette campagne annuelle était bien plus qu'une série d'activités de collecte de fonds. Qu'est-ce qui peut expliquer qu'il ait entrepris de créer la campagne de la récolte des pièces de monnaie et de la mettre en œuvre année après année, sinon sa compassion et son sens du devoir envers les gens qui éprouvent des difficultés dans notre collectivité?

(1410)

En juin, alors que le cancer ravageait agressivement son corps, les membres du personnel du Sénat lui ont exprimé leur gratitude en s'assurant qu'il recevrait un honneur spécial lors de la remise des prix de reconnaissance des employés. Ce geste a sans aucun doute renforcé l'espoir qu'il a gardé, me dit-on, même pendant les jours les plus éprouvants.

Je n'oublierai jamais la fierté que j'ai ressentie le matin des obsèques de John lorsque nos agents ont rendu hommage à leur collègue en formant une garde d'honneur qui a accompagné son cercueil en route vers le service célébré à l'église Saint-Antoine-de-Padoue et à la fin du service. C'était un hommage fort émouvant offert à un homme d'une grande humilité.

Au cours du service, les filles de John ont honoré leur père en parlant de lui d'une manière personnelle et réconfortante. Leurs paroles ont montré qu'il avait été un père aimant, qu'il avait travaillé fort chaque jour, mais que, malgré le fait que son emploi ait été fort important pour lui, il avait toujours fait passer sa famille avant tout.

John était âgé de 54 ans seulement lorsqu'il s'est éteint. C'est bien trop jeune pour quitter ses enfants, sa femme, ses frères et sœurs, et ses parents, et sa famille a perdu un père, un mari, un frère et un fils beaucoup trop tôt.

Comme le Président l'a mentionné aujourd'hui, nous avons la chance d'accueillir l'épouse de John, Rosamaria Pasqua, ses deux filles, Melissa et Cristina, ainsi que le fiancé de Cristina, Hans Paredes.

Donc, aujourd'hui, au nom de nous tous au Sénat — parce que, Votre Honneur, les agents, les sténographes, les pages et les autres, et nous formons tous une famille et nous travaillons tous ensemble —, j'offre à chacun de vous et à votre famille élargie mes plus sincères condoléances. Nous ressentons l'absence de John ici aussi.

J'ajouterai, à titre personnel, que je n'oublierai jamais sa courtoisie et, surtout, son sourire.

Des voix : Bravo!

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je me joins à mes collègues pour exprimer notre plus profonde reconnaissance à notre formidable agent de sécurité, John Pasqua. John nous a servis si bien et si fidèlement. J'ai pensé qu'il était de mon devoir de lui rendre hommage.

Je dois dire à mes collègues que trois sénateurs ont assisté aux funérailles de John, ce qui a fait énormément plaisir aux membres de sa famille qui sont présents à la tribune aujourd'hui. Je tiens de nouveau à rendre hommage à John aujourd'hui en disant qu'il était un excellent agent de sécurité du Sénat, un être humain formidable, un merveilleux père et un époux extraordinaire. Son décès est une grande perte.

Je veux offrir mon amour et mon affection aux membres de sa famille qui sont avec nous aujourd'hui et leur lire une petite prière qui pourrait leur servir à l'avenir.

Cependant, j'aimerais d'abord signaler que tous les sénateurs ici présents auraient été honorés, inspirés et émerveillés par ce que les agents de sécurité du Sénat ont fait lors des funérailles de John. Ils ont formé une garde d'honneur au moment de la sortie du cercueil. C'était formidable à voir, et je tiens à remercier tous les agents qui étaient présents aux funérailles.

Honorables sénateurs, j'aimerais lire un passage qui se trouve dans les versets 14 à 19 du chapitre 3 des Éphésiens, plus particulièrement pour les membres de la famille de John :

[...] je fléchis les genoux en présence du Père, [...] Qu'IL daigne, selon la richesse de sa gloire, vous armer de puissance par son Esprit pour que se fortifie en vous l'homme intérieur, que le Christ habite en vos cœurs par la foi, et que vous soyez enracinés, fondés dans l'amour. Ainsi, vous recevrez la force de comprendre, avec tous les saints, ce qu'est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, vous connaîtrez l'amour du Christ qui surpasse toute connaissance, et vous entrerez par votre plénitude dans toute la Plénitude de Dieu.

En pensant aux membres de la famille de John, je prie pour que Dieu le garde dans le creux de sa main.

Les gardiens de phare

L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, j'ai fait deux voyages avec un comité. Il fait bon d'être de retour au Sénat.

Aujourd'hui, je suis heureuse de pouvoir vous parler d'un accident qui s'est produit il y a un peu plus d'un mois, sur l'île de Vancouver.

Au début de l'après-midi du 25 août, les gardiens de phare Toni Adams et Rena Patrick, qui étaient à leur poste de Cape Beale, près de Nanaimo, ont aperçu un bateau qui avait chaviré sur une mer agitée et ont appelé à l'aide. Les gardiens du phare de l'île Entrance, Glenn Borgens et Jake Etzkorn, ont immédiatement sauté à bord de leur bateau et se sont précipités sur la scène, où ils ont sorti neuf personnes de l'eau. Deux d'entre elles ont été amenées à l'hôpital parce qu'elles souffraient d'hypothermie. Toutes ont survécu.

L'ancien gardien de phare Jim Abram, qui a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans lorsque nous avons étudié la possibilité d'abolir les postes de gardien de phare il y a quelques années, a félicité le gouvernement fédéral d'avoir pris la décision de conserver ces postes. Voici ce qu'il a déclaré :

Neuf personnes sont vivantes aujourd'hui parce que des gardiens de phare étaient à leur poste. Il est très, très important que des personnes en chair et en os soient là-bas pour voir ce qui se passe et pour pouvoir intervenir physiquement lorsque des gens doivent être sortis de l'eau, comme dans ce cas-ci.

En 2010, alors que nous étudiions la possibilité d'abolir les postes de gardien de phare, mes collègues sénateurs et moi avons visité des phares sur la côte Ouest et à Terre-Neuve. On nous a raconté en détail les nombreux sauvetages effectués au fil des ans par les gardiens de phare à chaque endroit où nous nous sommes rendus. Tous les gens auxquels nous avons parlé constataient une augmentation du nombre de bateaux, en particulier du nombre de petites embarcations de plaisance, parmi lesquelles se trouvent les kayaks de mer.

Nous n'avons eu aucune peine à conclure que la suppression des postes de gardien de phare entraînerait des pertes de vie et nous avons recommandé à la Garde côtière d'abandonner son idée d'éliminer les postes de gardien dans les phares qui restaient. Nous lui avons demandé de procéder à une analyse exhaustive des coûts et des avantages pour chaque phare et de tenir compte des services fournis par les gardiens aux nombreuses personnes concernées.

Comme le montre ce dernier incident survenu le 25 août, une tragédie peut se produire à tout moment. Les services des gardiens de phare sont essentiels et peuvent sauver des vies. Dieu merci, le gouvernement a accepté les recommandations du comité sénatorial. Rien ne peut remplacer la surveillance et l'intervention d'une personne sur les lieux, prête à sauver ceux qui sont en danger.

Je rappelle aux honorables sénateurs que non seulement la ministre de l'époque, l'honorable Gail Shea, appuyait nos recommandations, mais que le ministre qui lui a succédé, l'honorable Keith Ashfield, a également dit à la Garde côtière de ne plus proposer de suppression de postes.

Honorables sénateurs, il est agréable de savoir que le travail que nous effectuons produit des résultats positifs. Il semble toutefois regrettable que la Garde côtière n'ait pas rendu hommage publiquement à ces quatre gardiens de phare remarquables pour leur héroïsme.

L'Université de Sudbury

Le centième anniversaire

L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à mon alma mater, l'Université de Sudbury. Ce soir, notre Président, l'honorable Noël Kinsella, sera l'hôte d'une célébration soulignant le 100e anniversaire de cette université qui dessert les habitants du Nord de l'Ontario. Nous serons accompagnés de Mme Josée Forest-Niesing, présidente du conseil d'administration, de M. Pierre Zundel, président et vice-chancelier, de la mairesse de Sudbury, Mme Marianne Matichuck, et de nombreux autres distingués invités.

Cet établissement exceptionnel a été fondé par les pères jésuites en 1913. Il s'appelait alors le Collège du Sacré-Cœur, et il fut le premier établissement d'enseignement supérieur dans le Nord de l'Ontario. En 1957, on l'a renommé Université de Sudbury, et cette institution est devenue en 1960 l'un des membres fondateurs de la fédération des collèges, qui a créé l'Université Laurentienne.

[Français]

Les célébrations du 100e anniversaire de l'Université de Sudbury ont été la manifestation d'un fait marquant dans l'histoire de Sudbury et de tout l'Ontario. À titre de diplômée, j'en suis très fière. Permettez-moi de réaffirmer toute l'affection que je porte à cette grande institution, fondée par les pères jésuites, depuis le temps où mes parents, Alphonse et Lucille Charette, se sont impliqués pour favoriser son avancement, en passant par les belles années où mes frères, Raymond et Gilles, et moi y avons vécu comme étudiants.

(1420)

Honorables sénateurs, l'hommage que l'on rend aux fondateurs et aux leaders de l'université, aujourd'hui, est égal à celui que l'on doit adresser à tous les pionniers du Collège du Sacré-Cœur qui nous ont éveillés au patrimoine français. Les mêmes caractéristiques se révèlent, tant chez les fondateurs pères jésuites que chez les régents, dirigeants et professeurs d'aujourd'hui : celles de l'amour du Canada, de la foi sans limites dans les capacités de l'humain, de la fierté de contribuer à l'avancement du savoir pour l'épanouissement d'une collectivité que l'on aime tant, Sudbury et le Nord de l'Ontario.

Honorables sénateurs, j'offre mes félicitations à toutes celles et à tous ceux qui, hier comme aujourd'hui, ont fait du Collège du Sacré-Cœur et de l'Université de Sudbury les milieux de vie qu'il sont, qui nous ont éveillés aux pièces de Molière, aux philosophes français comme Gabriel Marcel, aux belles voix des Compagnons du Sacré-Cœur, aux débats politiques de l'heure et, surtout, à d'innombrables possibilités de carrière.

L'Université de Sudbury aura nourri notre curiosité intellectuelle, développé notre capacité de penser et fait naître notre désir de contribuer à un monde meilleur. L'Université de Sudbury, c'est le reflet d'un Canada bilingue, biculturel, fier de ses Premières Nations et multiethnique.

[Traduction]

Honorables sénateurs, au moment où l'Université de Sudbury commence sa 101e année d'excellence universitaire, j'espère que vous vous joindrez tous à moi pour lui offrir nos meilleurs vœux et lui souhaiter 100 autres années de succès.

L'expédition de sir John Franklin

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, au nom de nos collègues de ce côté-ci du Sénat, je tiens à offrir nos plus sincères condoléances à la famille de John Pasqua.

Honorables sénateurs, il y a des moments dans l'histoire où des découvertes remarquables captent l'attention du monde et donnent beaucoup de crédit aux visionnaires qui ont tracé la voie. L'une de ces découvertes remarquables est celle de l'épave, vieille de 169 ans, de l'un des navires du célèbre explorateur britannique John Franklin dans les eaux de l'Arctique, le 7 septembre dernier, une expédition dirigée par Parcs Canada, en collaboration avec le gouvernement du Nunavut, la Garde côtière canadienne, le Service hydrographique du Canada, le Service canadien des glaces, l'Agence spatiale canadienne, la Marine royale du Canada, Recherche et développement pour la défense Canada, l'Arctic Research Foundation, la Société géographique royale du Canada, la Fondation W. Garfield Weston, One Ocean Expeditions et Shell Canada.

Cette découverte est extraordinaire. Comme l'a dit le grand ponte canadien Rex Murphy, la découverte a été merveilleuse et magique. Cette expédition représentait l'héroïsme, la témérité, la désolation et le courage, alimentés par un pouvoir mythique. Ce fut surtout, comme l'a dit M. Murphy, l'un des plus récits historiques du Canada, et c'est un moment extraordinaire pour les fervents du patrimoine canadien.

Oui, c'est l'histoire du Canada, parce qu'il s'agit de l'histoire de l'Arctique canadien et de l'exercice de la souveraineté du Canada dans l'Arctique.

Soulignons la contribution du premier ministre Stephen Harper, avec sa passion et son dévouement uniques à l'égard de l'Arctique, et de l'actuelle ministre responsable de Parcs Canada, premier membre inuit du Cabinet, Leona Aglukkaq. N'oublions pas non plus les spécialistes de l'histoire orale inuite, en particulier Louie Kamookak, de Gjoa Haven, qui a interrogé 10 aînés de Gjoa Haven — la collectivité la plus proche du navire perdu —, recueilli leurs histoires et dit aux responsables où chercher. Ils savaient, d'après les histoires recueillies depuis 150 ans, où les navires pouvaient se trouver lorsqu'ils ont sombré dans les glaces, et ils ont persisté, même si on n'a pas toujours cru en eux.

Après la découverte, Louie Kamookak a accordé une entrevue au journal Nunatsiaq News. Je le cite :

Je suis très heureux. Après tant de tentatives infructueuses, ils ont décidé de reprendre les recherches, en s'appuyant sur la théorie des Inuits. Cela prouve que la tradition orale des Inuits est bien vivante et fait connaître les Inuits dans le monde entier.

Le capitaine de traversier David Woodman, de la Colombie-Britannique, est un autre protagoniste de cette histoire incroyable. Il a répertorié les témoignages d'Inuits depuis 1850 et les a publiés dans son livre intitulé Unravelling the Franklin Mystery : Inuit Testimony. M. Woodman a également lancé neuf recherches financées par des intérêts privés.

Dans l'entrevue qu'il a accordée au journal Nunatsiaq News, M. Woodman a déclaré qu'il aurait été « impossible » de découvrir l'épave sans les témoignages des Inuits :

Nous n'aurions pas su où chercher et nous n'aurions jamais trouvé l'épave. Personne n'aurait pris la peine de chercher, parce que la zone de recherche est si vaste.

Certes, c'est une découverte aussi importante que celle du Titanic. Et cette histoire n'est pas encore terminée. S'agit-il du Erebus ou du Terror? La coque semble être en très bon état et il semblerait que la cargaison soit fort bien préservée. Est-ce que des recherches plus poussées permettront de découvrir les journaux de bord du navire, scellés dans des tubes en cuivre, conformément à la pratique en vigueur dans la Marine royale à l'époque?

Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour féliciter tous ceux que j'ai nommés qui ont participé aux recherches et plus particulièrement les Inuits, dont la tradition orale a contribué à clore ce chapitre de l'histoire de notre pays.


AFFAIRES COURANTES

L'étude sur la situation économique et politique en Turquie

Réponse du gouvernement au deuxième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Dépôt du sixième rapport du comité

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le sixième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, concernant la réponse du gouvernement au deuxième rapport du comité intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel.

Son Honneur le Président : Quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-479, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (équité à l'égard des victimes), accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le Sénat

L'indépendance des sénateurs

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. C'est une question parmi toutes celles que nous avons reçues à la suite de l'invitation que nous avions lancée aux Canadiens pour qu'ils proposent des questions que nous pourrions poser en leur nom.

La question d'aujourd'hui nous vient de M. Piper Jackson, de Vancouver. Sa question se lit comme suit :

Même s'ils sont nommés par le premier ministre, les sénateurs sont au service de la population canadienne, et non du premier ministre ou d'un parti politique. Que peut-on faire pour assurer l'indépendance des sénateurs canadiens? L'existence même du Sénat repose sur la capacité des sénateurs de prendre des décisions en faisant preuve de sagesse et de jugement, plutôt qu'en laissant l'ingérence politique extérieure leur dicter leur ligne de conduite.

(1430)

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Le Sénat est une institution indépendante de la Chambre des communes, qui a sa propre constitution et ses propres règles de fonctionnement. Elle a un budget indépendant. Elle est autonome et gère de façon autonome les éléments essentiels au soutien de son fonctionnement, que ce soit la recherche, les éléments de soutien administratif et les systèmes légistes et de recherche. Nous avons également un droit constitutionnel, ce qu'on appelle une immunité parlementaire, qui est un privilège constitutionnel nous permettant d'effectuer notre travail en toute indépendance.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Sénateur Carignan, je suis convaincu que M. Jackson serait d'accord avec tout ce que vous avez dit, mais je pense que sa question avait pour but de savoir comment les sénateurs peuvent montrer aux Canadiens qu'ils sont véritablement indépendants et qu'ils ne suivent pas les instructions de l'autre endroit ou des partis politiques, auxquels sont liés la grande majorité des sénateurs — ce qui est, je suis sûr que nous en conviendrons, tout à fait approprié.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne dis pas que la question n'est pas appropriée. Ce que j'explique, en répondant à la question, c'est la façon dont le Sénat exerce son rôle en toute indépendance dans le cadre de ses activités quotidiennes, tant dans la gestion de son budget que dans l'exercice de ses droits constitutionnels qui lui permettent d'agir de façon indépendante. Il arrive, de temps à autre, qu'il y ait des prises de position. Curieusement, même si vous l'avez déjà noté, vous êtes supposément des sénateurs libéraux indépendants, et je cherche toujours le projet de loi émanant du gouvernement que vous allez appuyer. Ce n'est pas parce qu'on vote pour ou contre un projet de loi qu'on n'agit pas de façon indépendante par rapport à l'autre Chambre.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Je pense que l'appui que nous accordons aux projets de loi d'initiative ministérielle dépend de la qualité de ces projets de loi, et pas de notre indépendance. Je peux vous assurer que nous sommes indépendants à tous points de vue et vous devriez l'essayer, comme le dit le sénateur Mitchell.

Le commerce international

Les normes en matière d'exploitation minière responsable

L'honorable Grant Mitchell : Je vous remercie, Votre Honneur. Je pose une question au nom de Connor Crickmore, d'Ottawa, en Ontario. Le refus actuel du gouvernement de remplacer Marketa Evans, l'ancienne surveillante de nos activités minières hautement controversées à l'échelle internationale, se traduit par une absence de reddition de comptes depuis 11 mois, et ce n'est pas fini.

Selon de graves allégations, des entreprises minières canadiennes feraient fi des droits de la personne et des normes environnementales, avec l'aval du gouvernement du Canada. Comme l'a souligné le Toronto Star en mai 2014, les sociétés minières canadiennes sont des chefs de file mondiaux du secteur minier, mais personne n'aspire à être un leader mondial en matière de violations des droits de la personne dans le secteur minier.

Cela témoigne du fait que le programme économique du gouvernement conservateur l'emporte sur la reconnaissance de ces violations déplorables, à plus forte raison sur le redressement de la situation. Autrement dit, ce manque de considération à l'égard de la responsabilité sociale des entreprises est une honte. En effet, le caucus conservateur s'est opposé au projet de loi C-300, qui visait à régler les problèmes liés à la responsabilité sociale des entreprises en donnant au gouvernement le pouvoir d'enquêter sur des plaintes contre des sociétés extractives qui mènent leurs activités à l'extérieur des frontières canadiennes.

Que faudra-t-il pour que ces enjeux humanitaires et environnementaux essentiels l'emportent sur les simples intérêts économiques?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Il est important pour ce gouvernement que les droits de la personne soient respectés. Les valeurs canadiennes que sont les droits et libertés, la liberté de parole, de religion et de démocratie doivent être respectées. D'ailleurs, un bon nombre de nos décisions sont prises en fonction du maintien de nos valeurs canadiennes. C'est ce que nous continuerons à faire.

En ce qui a trait au respect des droits et libertés de la personne à l'intérieur du Canada, nous avons, pour l'action gouvernementale, une Charte canadienne des droits et libertés qui fait en sorte que chacun soit traité de façon égale et équitable, et sans discrimination, que ce soit par rapport à sa religion, à sa race, à son statut ou à sa condition sociale. La plupart des provinces ont aussi des chartes provinciales des droits et libertés qui permettent également que les personnes soient traitées de façon équitable et non discriminatoire, à l'aide d'articles à peu près semblables d'une province à l'autre.

Quant aux investissements étrangers, les compagnies canadiennes continuent d'observer un comportement exemplaire à l'étranger, et nous souhaitons qu'elles continuent à le faire tout en essayant de développer leur entreprise de façon responsable, comme elles le font ici, au Canada.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Le leader exagère : il affirme que, de façon générale, les sociétés minières canadiennes respectent à la lettre le principe de responsabilité sociale des entreprises partout dans le monde. Pourtant, les conservateurs n'ont pas encore remplacé la surveillante, Marketa Evans, qui n'est plus en poste depuis 11 mois.

Ma deuxième question va très certainement porter sur la façon dont la liberté, la démocratie et ces autres valeurs dont le leader a fait l'éloge sont mises en évidence. En réalité, les façons de travailler de notre industrie minière devraient refléter ces valeurs partout dans le monde.

Comme le Canada représente actuellement près de 75 p. 100 de l'industrie minière mondiale, ne devrait-il pas s'efforcer d'agir comme un chef de file et inciter les entreprises, et plus particulièrement l'industrie minière mondiale, à agir de façon éthique?

[Français]

Le sénateur Carignan : Les entreprises minières canadiennes sont des leaders mondiaux en ce qui concerne les pratiques minières responsables. Notre gouvernement croit fermement que les Canadiens doivent faire des affaires à travers le monde d'une manière qui reflète les valeurs canadiennes et qui crée des occasions pour améliorer la qualité de vie, particulièrement dans le cas des pays les plus pauvres de la planète.

Nous avons créé la stratégie canadienne de responsabilité sociale des entreprises. Vous pouvez donc, honorables sénateurs, être assurés que nous continuerons de promouvoir les plus hauts niveaux de responsabilité d'entreprise et sociale, tout en appuyant nos entreprises canadiennes afin qu'elles puissent faire des affaires et investir à travers le monde.

L'Accord économique et commercial global Canada-Union européenne

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, le gouvernement conservateur aurait signé un nouveau traité de libre-échange avec l'Europe. Il s'agit d'un traité d'une portée extrêmement large, comme il n'en a jamais existé, si on le compare aux autres traités auxquels nous sommes partenaires.

Ce traité va toucher les pouvoirs des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux.

(1440)

Chaque ordre de gouvernement qui voudra légiférer ou établir des règlements devra s'assurer qu'il ne contrevient pas à ces très larges ententes. S'il y contrevenait, l'ordre de gouvernement responsable devrait dédommager la compagnie en question. On a pu constater, dans les médias, que certains parlementaires européens ont abordé cette question. Votre gouvernement s'est-il posé des questions en ce qui concerne l'élaboration des règlements? Je pense plus particulièrement aux règlements sur les organismes génétiquement modifiés. On sait fort bien qu'il y a des différences importantes entre l'Europe et le Canada sur cette question et que le Canada connaît du succès dans le domaine de certaines céréales. L'accord indique que l'on doit consulter les Européens. Allons-nous donner raison aux Européens sur la question des organismes génétiquement modifiés?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie de votre question. Je m'attendais à des remerciements de votre part pour avoir rendu public le texte intégral de l'accord commercial. Vous l'avez réclamé à plusieurs reprises ici, mais, comme il devait être traduit en plusieurs langues, il y a eu des retards. Je tiens donc pour acquis que vous en avez déjà pris connaissance et que vous êtes satisfaite de l'avoir obtenu.

Comme vous le savez, l'accord commercial entre le Canada et l'Union européenne a été rendu public lors du sommet Canada-Union européenne. Il s'agit d'un accord historique qui donnera aux compagnies canadiennes un accès préférentiel à un marché de 500 millions de personnes et qui se traduit par une activité économique annuelle de 17 000 milliards de dollars, ce qui permettra de créer des emplois et des débouchés économiques pour les Canadiens. C'est pourquoi l'accord a été appuyé si vigoureusement par tous les intervenants, ainsi que par les provinces et les territoires.

Sur un total de plus de 9 000 lignes tarifaires de l'Union européenne, environ 98 p. 100 seront éliminées pour les marchandises canadiennes lorsque l'accord commercial entrera en vigueur.

De plus, le Canada sera désormais un des seuls pays développés à jouir d'un accès préférentiel à plus de 800 millions de consommateurs dans les deux plus grandes économies du monde, soit l'Union européenne et les États-Unis.

En ce qui a trait aux éléments techniques, comme vous le savez, notamment au chapitre de la continuité de la mise en place des règlements, les Canadiens peuvent compter sur un leadership solide de la part de notre gouvernement pour veiller à la défense des intérêts des Canadiens.

La sénatrice Hervieux-Payette : En fait, je vous aurais félicité chaleureusement si nous avions eu le texte avant qu'il ne soit signé et, surtout, si la population canadienne avait été consultée, d'autant plus que vous avez été élus avec 38 p. 100 des suffrages.

Ma question concerne la souveraineté nationale d'un pays et son droit de légiférer et de réglementer.

[Traduction]

Le secrétaire parlementaire du ministère allemand de l'Économie et de l'Énergie a dit ce qui suit :

Selon nous, les gouvernements nationaux doivent pouvoir agir et adopter des lois à l'avenir sans que ce pouvoir ne soit affaibli par l'accord.

[Français]

À l'heure actuelle, le Parlement allemand est saisi de cette question. Ces gens sont au courant de l'expérience que le Canada a vécue en médiation dans le cadre de l'ALENA. En effet, le Canada a dû payer des compensations aux entreprises privées à 16 reprises. Nous sommes au service de toute la population, et pas seulement des entreprises privées nationales ou internationales. Quelles garanties aurons-nous? Le gouvernement fédéral va-t-il rembourser les provinces et les municipalités si ces dernières adoptent des règlements qui seront contestés et pour lesquels des montants de millions de dollars devront être versés?

Le sénateur Carignan : Je vous remercie de votre question, sénatrice Hervieux-Payette. Votre argument concernant notre élection avec 38 p. 100 des suffrages m'étonne. Remettez-vous en question le système démocratique au Canada, selon lequel le parti qui a la pluralité des votes est choisi pour former le gouvernement? Il faudrait vérifier, mais le premier ministre qui vous a nommée au Sénat a probablement été élu avec moins de 50 p. 100 des voix; cela remet-il en cause la validité de votre nomination? Je ne crois pas.

En ce qui concerne le règlement des différends opposant les investisseurs et les États, la protection des investissements est depuis longtemps un élément fondamental de la politique commerciale au Canada et en Europe. Cela va favoriser les investissements créateurs d'emplois et de croissance économique des deux côtés de l'Atlantique. C'est pourquoi les États membres de l'Union européenne, y compris l'Allemagne, ont confié à leurs négociateurs le mandat de veiller à incorporer des dispositions sur le règlement des différends entre les investisseurs et les États dans le cadre de l'accord.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aurais une dernière question. Cette entente ne sera probablement pas en vigueur très bientôt, puisqu'elle n'a pas encore été traduite dans toutes les langues de l'Union européenne. Selon vous, quand cette entente entrera-t-elle en vigueur et à quel moment les fabuleux résultats dont vous avez parlé pourront-ils être offerts aux entreprises canadiennes?

Le sénateur Carignan : Elle entrera en vigueur lorsqu'elle sera ratifiée par l'ensemble des parties.

[Traduction]

Les affaires étrangères

Hong Kong—Les élections démocratiques

L'honorable Jim Munson : Je n'ai que quelques questions à poser, honorables sénateurs. Je comptais en aviser le leader du gouvernement au Sénat au préalable. Je voudrais connaître la position du gouvernement à l'égard des événements tragiques qui ont lieu à Hong Kong.

Certaines personnes qui ont travaillé pour le ministre ont fait quelques observations au sujet de la situation. Le Canada a beaucoup d'intérêts à Hong Kong, et beaucoup de Canadiens y habitent.

La Chine célébrera demain sa fête nationale. On s'attend à ce qu'il y ait 100 000 personnes dans les rues. La situation ressemble étrangement à Pékin en 1989. J'espère qu'elle se déroulera différemment, mais il demeure qu'une entente est une entente. Aux termes du transfert des pouvoirs en 1997, on devait adopter le modèle d'un pays, deux systèmes, pendant 50 ans; la Chine se concentrerait sur les affaires étrangères et la défense, mais Hong Kong aurait le droit d'élire le président ainsi que les autres membres de son conseil législatif.

La Chine a déclaré fermement que les règles ont changé. J'aimerais beaucoup entendre vos observations — qui, je l'espère, seront énergiques — au sujet de la situation politique à Pékin et à Hong Kong.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie de votre question, sénateur Munson. Nous sommes préoccupés par la situation qui règne à Hong Kong à l'heure actuelle, et nous allons continuer à suivre de près son évolution.

La position du Canada est très claire; nous soutenons l'évolution démocratique de Hong Kong et nous sommes convaincus que l'adhésion continue à la politique « Un pays, deux systèmes » reste essentielle à la stabilité et à la prospérité de Hong Kong et y contribue. Le Canada réitère son appui à la mise en œuvre du suffrage universel pour l'élection du chef exécutif en 2017 et de tous les membres du conseil législatif en 2020, conformément à la loi fondamentale et aux aspirations démocratiques de la population de Hong Kong. J'espère que ma réponse est assez claire pour vous en ce qui concerne l'appui apporté par le Canada.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Merci beaucoup, monsieur le leader. J'apprécie votre franchise. À titre de membre de l'Association législative Canada-Chine, j'ai eu l'occasion de me rendre sur place en compagnie du sénateur Plett, qui était alors coprésident de l'association. Nous avons alors rencontré Martin Lee — je l'avais déjà rencontré à plusieurs reprises avant — qui est un ancien membre du conseil législatif de Hong Kong et un ardent activiste prodémocratique qui n'a pas la langue dans sa poche.

(1450)

Il a dit ceci aujourd'hui :

Par contre, je crois que bon nombre de gens à Hong Kong n'auraient pas peur. Je n'aurais certainement pas peur. Je l'ai déjà dit souvent, et je le répète : si je voyais un char d'assaut chinois à Hong Kong, j'enfourcherais une bicyclette et je me dresserais devant lui.

Ce n'est pas un jeune homme, et il est prêt à livrer bataille. Je suis ravi d'entendre que le Canada prendrait position aux côtés des habitants de Hong Kong.

Avez-vous des plans pour aider les dizaines de milliers de Canadiens qui vivent à Hong Kong, ou est-ce trop tôt pour ce genre de plans?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme vous l'avez dit, je pense qu'il est tôt. Nous sommes préoccupés par la situation qui règne à Hong Kong et nous continuons à suivre de près son évolution. Comme vous le savez, et c'est le cas dans n'importe quelle situation dans le monde, nous demeurons toujours en contact avec nos représentants qui sont sur place.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi no 1 sur le Plan d'action économique de 2014

Le quatrième rapport du Comité des banques et du commerce; le cinquième rapport du Comité des transports et des communications; le neuvième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie; le dixième rapport du Comité des finances nationales; le septième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense; et le huitième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles sur la teneur du projet de loi—Retrait des articles

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce (teneur du projet de loi C-31 (parties 2, 3 et 4 et les sections 2, 3, 4, 8, 13, 14, 19, 22, 24 et 25 de la partie 6)), déposé au Sénat le 29 mai 2014.

À l'appel de l'article no 2, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Rapports de comités, Autres :

Étude du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (teneur du projet de loi C-31 (sections 15, 16 et 28 de la partie 6)), déposé au Sénat le 4 juin 2014.

À l'appel de l'article no 3, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Rapports de comités, Autres :

Étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie (teneur du projet de loi C-31 (sections 11, 17, 20, 27 et 30 de la partie 6)), déposé au Sénat le 29 mai 2014.

À l'appel de l'article no 4, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Rapports de comités, Autres :

Étude du dixième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (teneur du projet de loi C-31, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures), déposé au Sénat le 29 mai 2014.

À l'appel de l'article no 5, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Rapports de comités, Autres :

Étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (teneur du projet de loi C-31 (sections 1 et 7 de la partie 6)), déposé au Sénat le 13 mai 2014.

À l'appel de l'article no 6, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Rapports de comités, Autres :

Étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (teneur du projet de loi C-31 (section 5 de la partie 6)), déposé au Sénat le 13 mai 2014.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour retirer les articles nos 1 à 6 sous la rubrique « Affaires du gouvernement, Rapports de comités, Autres », puisque ces rapports sont directement rattachés au projet de loi C-31, qui a reçu la sanction royale le 19 juin 2014.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Les articles sont retirés.)

L'étude de la proposition relative aux frais d'utilisation

L'Agence canadienne d'inspection des aliments—Le quatrième rapport du Comité de l'agriculture et des forêts—Retrait de l'article

À l'appel de l'article no 7, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Rapports de comités, Autres :

Étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts (proposition relative aux frais d'utilisation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments concernant les frais des heures supplémentaires, sans amendement), déposé au Sénat le 30 avril 2014.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour retirer l'article no 7, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Rapports de comités, Autres, qui traite d'une proposition relative aux frais d'utilisation.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(L'article est retiré.)

Projet de loi sur le cadre relatif à la maladie de Lyme

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Johnson, appuyée par l'honorable sénatrice Andreychuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-442, Loi concernant le cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme.

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui en tant que porte-parole pour le projet de loi C-442, Loi sur le cadre fédéral relatif à la maladie de Lyme. Comme c'est souvent le cas, je n'ai aucune critique à formuler au sujet de ce projet de loi. Les sénateurs de ce côté-ci appuient ce qui a été dit.

La maladie de Lyme, comme chacun le sait, se transmet par contact avec des tiques qui se déplacent sur les animaux, comme les chevreuils ou les oiseaux. Les tiques sont particulièrement abondantes là où les hivers sont doux. Je peux vous affirmer que c'est le cas en Colombie-Britannique, où la maladie se fait gravement sentir.

La maladie de Lyme pose un problème aux médecins parce que ses symptômes sont communs à d'autres maladies, comme la sclérose en plaques, la polyarthrite rhumatoïde, la fibromyalgie, le syndrome de la fatigue chronique, le lupus, la maladie de Crohn, le VIH et d'autres maladies auto-immunes ou neurodégénératives. Bon nombre de personnes ont reçu des traitements agressifs conçus pour d'autres maladies à la suite d'un mauvais diagnostic. Les symptômes et les signes peuvent être non spécifiques et communs à d'autres maladies. Il est crucial de dépister et traiter la maladie à un stade précoce.

La maladie de Lyme est une maladie à déclaration obligatoire au Canada depuis 2009. En 2013, les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis ont révisé à la hausse leur estimation du nombre de personnes atteintes de la maladie de Lyme aux États-Unis. Ce nombre est passé de 30 000 à 300 000. Il est fort probable que ces chiffres soient sous-estimés. La maladie de Lyme peut être traitée rapidement et efficacement au moyen d'antibiotiques administrés dès les premiers signes de la maladie.

Sur le plan financier, élément dont nous devons également nous préoccuper en plus des avantages pour la santé, un diagnostic précoce plutôt que tardif nous permettra de réduire les coûts. Les coûts occasionnés seraient de 8 millions de dollars si la maladie est traitée rapidement, mais ils passent à 338 millions de dollars si elle est traitée tardivement. Manifestement, il nous faut une stratégie nationale pour lutter contre cette maladie.

Le projet de loi a reçu l'appui de tous les partis à l'autre endroit, et j'espère sincèrement que nous serons également en mesure de l'adopter rapidement.

[Français]

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-442, Loi concernant le cadre national relatif à la maladie de Lyme. Je le fais pour plusieurs raisons.

D'abord, parce que cette maladie est présente au Nouveau-Brunswick, et aussi parce que les pronostics sont tels que la maladie de Lyme sera de plus en plus présente au fur et à mesure que s'intensifieront les changements climatiques. Enfin, j'ai été surpris d'apprendre qu'il est difficile de diagnostiquer la maladie et d'obtenir les traitements appropriés dans la province du Nouveau-Brunswick.

La tique porteuse de la maladie de Lyme est en progression au Sud du Canada, et il est important de sensibiliser les médecins pour protéger la population contre cette maladie dont les conséquences peuvent être potentiellement désastreuses pour ceux et celles qui en sont infectés et qui ne sont pas traités.

Les tiques aux pattes noires, responsables de cette maladie, sont trouvées le plus souvent en forêt et dans des lieux où la végétation est plus dense. Ces tiques peuvent être transportées ailleurs par des oiseaux migrateurs, par des animaux sauvages et, en particulier dans notre région, par les chevreuils qui habitent et parcourent nos forêts.

Les chasseurs, les enfants et les parents qui font des excursions familiales en forêt, ainsi que les randonneurs, courent plus de risques de contracter cette maladie. Selon Santé Canada, les gens qui travaillent à l'extérieur ou qui prennent part à des activités de plein air telles que le golf, le camping, la chasse, la pêche ou les randonnées s'exposent à des risques accrus. On ne suggère tout de même pas de cesser ces activités, mais bien d'être conscient des risques encourus.

Comme mesure de prévention, il est fortement recommandé de bien se couvrir les bras, de porter des pantalons longs et de bonnes chaussures pour s'aventurer en forêt. Honorables sénateurs, vous conviendrez que, l'été, il se peut que ce soit un peu plus difficile pour les enfants de s'habiller ainsi avant de partir en excursion. Les parents doivent surveiller leurs enfants lorsqu'ils reviennent de ces excursions.

Lorsqu'un individu est piqué par une tique infectée, les bactéries s'activent et il se développe, au cours des semaines suivantes, une rougeur autour du site de la piqûre. C'est pourquoi il est recommandé, à la suite d'une randonnée en forêt, de faire l'examen attentif de son corps pour déceler des morsures de tiques, et ce, même quelques jours et quelques semaines après l'excursion.

(1500)

D'autres symptômes peuvent surgir, comme la fièvre et la fatigue, et des douleurs musculaires et arthritiques. Si la maladie n'est pas traitée rapidement, des signes et des symptômes à divers degrés de gravité peuvent apparaître. La maladie de Lyme peut affecter les articulations musculaires et articulaires, et un rythme cardiaque irrégulier peut se développer. Il peut aussi surgir des signes de faiblesse et d'engourdissement, et même des difficultés liées au système nerveux, comme un dysfonctionnement cognitif et des étourdissements.

Au Nouveau-Brunswick, la maladie de Lyme est présente et a déjà infecté des personnes dans le sud de la province. Selon l'Agence de la santé publique du Canada, on prévoit quelque 2 000 nouveaux cas d'ici l'an 2020. Voilà une raison de plus pour se doter d'une stratégie fédérale, qui inclut les divers ordres de gouvernement et les groupes de sensibilisation à la maladie de Lyme, pour encadrer cette maladie.

Le véritable problème lié à la maladie de Lyme est qu'il est difficile d'en obtenir un diagnostic, selon les quelques articles qui ont paru dans les journaux du Nouveau-Brunswick au cours de l'été. Les citoyens du Nouveau-Brunswick qui sont aux prises avec cette maladie ont dû se rendre à l'extérieur, comme à Calgary et en Californie, pour subir des tests qui ont confirmé le diagnostic de la maladie de Lyme et obtenir des traitements.

Des résultats préliminaires de recherches menées à l'Université de Mount Allison, à Sackville, au Nouveau-Brunswick, indiquent que l'habitat des tiques infectées de la bactérie causant la maladie de Lyme s'étend vers le nord de la province, en raison de l'adoucissement du climat. Les chercheurs soulignent également à quel point la situation difficile au Nouveau-Brunswick. Les médecins ne sont pas au courant de cette maladie autant qu'ils devraient l'être, ni de la menace que constitue la maladie de Lyme pour la santé des citoyens.

Vous conviendrez avec moi que, si on ignore l'existence d'une maladie, il est encore plus difficile de la diagnostiquer et de la traiter adéquatement. Ce qui est encourageant, c'est que l'Association médicale canadienne reconnaît les difficultés liées au diagnostic de la maladie et l'importance de l'identifier le plus tôt possible. À cet égard, l'Association médicale canadienne voit d'un bon œil l'éducation constante des professionnels de la santé en ce qui concerne cette maladie, ainsi que l'établissement d'une norme nationale pour la soigner.

L'Association médicale canadienne est favorable à la mise en œuvre d'une stratégie nationale qui réunit tous les intervenants du milieu médical et des divers ordres de gouvernement, comme le propose ce projet de loi.

Le projet de loi C-442 sera important pour les gens du Nouveau-Brunswick, comme pour les populations ailleurs au pays, où la tique porteuse de la bactérie infecte les gens de la maladie de Lyme. La stratégie nationale permettra de surveiller le rythme auquel se répand cette maladie et de remédier, espérons-le, aux diverses préoccupations, comme la recherche, l'éducation des professionnels de la santé, la sensibilisation de la population à cette maladie, ainsi que les tests et le diagnostic, le traitement et la gestion de la maladie de Lyme, et ce, pour le pays tout entier.

Le temps est venu d'agir. C'est pourquoi j'encourage toutes les sénatrices et tous les sénateurs à appuyer ce projet de loi.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Johnson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

La Loi sur le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne du Canada

Projet de loi modificatif d'intérêt privé—Deuxième lecture

L'honorable Janis G. Johnson propose que le projet de loi S-1001, Loi modifiant la Loi sur le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne du Canada, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c'est un honneur pour moi de parrainer le projet de loi S-1001, Loi modifiant la Loi sur le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne du Canada.

Essentiellement, ce projet de loi d'initiative parlementaire vise à accorder une exception au Synode de l'Est de l'Église, qui s'étend vers l'est, de la frontière du Manitoba jusqu'à la Nouvelle-Écosse inclusivement. Cette exception est liée à l'une des dispositions de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif de 2009, qui prévoit la tenue d'assemblées générales annuelles. L'exception permettra au synode de poursuivre ses activités comme il l'a fait au cours des trois dernières décennies et de tenir des réunions bisannuelles. Étant donné qu'il est très coûteux pour le synode d'organiser de telles assemblées et pour les délégués d'y assister, les réunions bisannuelles constituent la meilleure façon de procéder pour cette institution.

Le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne du Canada — le Synode de l'Est, comme on l'appelle — est une entité qui a été constituée en personne morale sous la dénomination « synode » par une loi du Parlement du Canada, soit le chapitre 32 des Statuts du Canada de 1885. Une modification doit donc être apportée.

Certaines dispositions de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif de 2009 s'appliquent aux organisations constituées par une loi spéciale, comme c'est le cas du Synode de l'Est.

Le Synode de l'Est demande que la Loi sur le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne au Canada soit modifiée afin que le synode bénéficie des mêmes conditions que l'Église évangélique luthérienne du Canada et puisse continuer de convoquer des assemblées ordinaires et extraordinaires du Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne au Canada, et ce, malgré certaines dispositions de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. Il est donc proposé de remplacer l'article 12 de la Loi sur le Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne au Canada par ce qui suit :

Malgré l'article 294 de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif, les paragraphes 160(1) et 168(1) de cette loi ne s'appliquent pas à la Corporation.

Honorables collègues, je vous remercie de l'attention que vous portez à ce projet de loi d'initiative parlementaire et de nature administrative. J'espère que nous l'adopterons sans tarder, afin de répondre aux besoins des membres du Synode de l'Est de l'Église évangélique luthérienne au Canada.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Johnson de ses précisions. Parmi toutes les mesures que j'ai vues à ce jour, c'est l'un des meilleurs exemples de projet de loi qui bénéficiera d'un examen en comité, où il sera possible de mieux comprendre ce qu'il signifie.

Nous devrions donc accepter que ce projet de loi soit renvoyé au comité.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L'honorable Janis G. Johnson : Je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Votre Honneur, j'aimerais vérifier un détail. Je crois me souvenir que les projets de loi d'intérêt privé sont renvoyés automatiquement au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Pourrait-on éclaircir ce point avant de passer au vote?

Son Honneur le Président intérimaire : Ce renvoi n'a rien d'automatique, à ma connaissance. Je crois que le parrain du projet de loi peut demander au Sénat de choisir à quel comité la mesure sera renvoyée. D'après la proposition que nous avons entendue, il serait renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

(Sur la motion de la sénatrice Johnson, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

(1510)

Le Sénat

Motion tendant à reconnaître la deuxième semaine de mai comme la Semaine internationale de la santé maternelle et infantile—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Seth, appuyée par l'honorable sénateur Plett,

Que le Sénat reconnaisse la deuxième semaine de mai comme étant la « Semaine internationale de la santé maternelle et infantile » pour sensibiliser les Canadiens aux problèmes de santé qui touchent les mères et les enfants au Canada et dans le monde entier, pour réduire la mortalité maternelle et infantile, pour améliorer la santé des femmes et des enfants dans les pays les plus pauvres du monde, pour promouvoir l'accès égal aux soins pour les femmes et les enfants qui vivent dans des ménages de classes socioéconomiques inférieures, qui sont moins scolarisés, qui vivent sous le seuil de faible revenu, qui sont de nouveaux arrivants ou qui vivent dans des régions éloignées ou peu densément peuplées du Canada, et pour prévenir que des centaines de milliers de femmes et d'enfants meurent inutilement en raison de maladies évitables ou du manque de soins de santé adéquats pendant la grossesse, à la naissance ou pendant la petite enfance.

L'honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, je suis heureux d'appuyer la motion de la distinguée sénatrice Seth, qui vise à faire officiellement de la deuxième semaine de mai la « Semaine internationale de la santé maternelle et infantile », une date on ne peut plus opportune puisque la fête des Mères, l'une des plus populaires du calendrier social canadien, est célébrée le deuxième dimanche de mai.

Je précise que la motion fait suite aux efforts que le gouvernement déploie sur la scène internationale dans ce dossier, comme on a pu le voir au sommet spécial du G-8 tenu à Muskoka, en 2010. Voici ce qu'a dit le premier ministre Stephen Harper à propos de l'importance de la santé maternelle et infantile :

Sauver la vie des mères et des enfants est non seulement un impératif moral, c'est aussi la base sur laquelle se construisent des communautés prospères pour la génération d'aujourd'hui et pour la suivante.

Je m'empresse d'ajouter que notre collègue, la Dre Seth, n'est pas seulement la marraine de la motion : elle a pratiqué l'obstétrique et la gynécologie pendant 38 ans, elle est donc plus que qualifiée pour participer au débat. Je cite notre collègue : « Si nous instaurons une semaine internationale de la santé maternelle et infantile, les intervenants pourront synchroniser les ressources et avoir un impact plus conséquent. »

Il faut féliciter notre collègue de mettre au service de la politique publique, par l'intermédiaire du Sénat, ses grandes connaissances en médecine et sa détermination à améliorer la vie des autres.

Les législateurs sont, bien entendu, souvent ensevelis sous les statistiques sur toutes sortes de sujets. En tant que père — et je suis maintenant grand-père —, j'ai toutefois été stupéfié lorsque j'ai pris connaissance de certaines statistiques sur la santé des mères et des nouveau-nés.

Selon les Nations Unies, une femme meurt toutes les deux minutes de complications liées à la grossesse, alors que la majorité de ces décès aurait pu être évitée grâce à des interventions peu coûteuses et dont l'efficacité est reconnue. Ce constat dresse un portrait bien triste des progrès qu'il nous reste à accomplir, nous, Occidentaux, dans ce très important dossier.

Voici qui est encore plus révoltant : encore aujourd'hui, 12 enfants âgés de moins de 5 ans meurent toutes les cinq minutes de causes évitables, pour la plupart. En 2012, 6,6 millions d'enfants partout dans le monde sont décédés avant leur cinquième anniversaire. Au total, 120 enfants mourront donc pendant mon intervention de 10 minutes. Dans notre pays et dans la plupart des pays démocratiques, il est impossible de comprendre ce que ces gens vivent.

Quelqu'un m'a dit récemment que, avant la Confédération, la situation était similaire à Terre-Neuve-et-Labrador. Bien que la Confédération ait été difficile à faire accepter en raison de certains intérêts politiques et économiques, la pilule a été beaucoup plus facile à avaler pour plusieurs collectivités côtières isolées et défavorisées du Labrador.

Comme les enfants dont il était question dans les statistiques que j'ai citées il y a une minute, de nombreux enfants qui vivaient à cette époque dans les régions rurales de Terre-Neuve et du Labrador souffraient de malnutrition et de maladies infantiles évitables comme le rachitisme et le béribéri. Vous savez peut-être que, au début du XXe siècle, le célèbre missionnaire médical britannique Wilfred Grenfell fut envoyé là-bas pour les aider. Se déplaçant par bateau et en traîneau à chiens, il fut le premier à offrir des services de santé dans le Nord de Terre-Neuve et sur le littoral du Labrador.

Pendant l'été, M. Grenfell offrait également ses services à la flotte de pêche du Labrador, à mille lieues des ports où vivaient les familles des pêcheurs. Ses efforts étaient financés non pas par le gouvernement de Terre-Neuve, mais par les riches bienfaiteurs de la Grande-Bretagne et des États-Unis qui assistaient à ses conférences sur sa mission au Labrador.

Je raconte cela parce que je tiens à indiquer que, lorsqu'elle s'est jointe au Canada, en 1949, Terre-Neuve-et-Labrador côtoyait une Amérique du Nord devenue prospère à la suite de la Seconde Guerre mondiale, tandis que la majorité des populations rurales réparties dans l'ensemble de la province vivaient encore dans des conditions que nous comparerions aujourd'hui à celles du tiers monde, ce qui n'est pas sans rappeler les populations des pays du tiers monde qui souffrent aux côtés des mieux nantis.

Pour vraiment mettre les choses en perspective, et afin de démontrer ce qu'une simple pilule ou une simple injection de pénicilline peuvent faire, j'aimerais raconter ce qui est arrivé à un collègue qui était membre de l'assemblée législative de ma province. Il est né au début de février 1952, dans son domicile situé sur une île isolée au milieu des eaux gelées de la baie Notre Dame. Il avait contracté une petite infection postnatale qui commençait à s'aggraver parce qu'il n'y avait aucun moyen de la traiter. Il n'y avait aucun professionnel de la santé ni pharmacie dans les environs. À l'âge de deux semaines, il était sur le point de mourir.

Ses parents ont alors décidé de tenter de l'amener à l'hôpital de Grand Falls. Aujourd'hui le trajet prend un peu plus d'une heure en auto. Or, en 1952, sur la côte nord-est de Terre-Neuve, les routes se faisaient rares et aucune d'elles n'était ouverte en hiver. Par des températures inférieures à zéro, ils ont effectué la première étape du trajet d'une journée en traîneau à chiens, la deuxième, en motoneige et la troisième, en automobile. Tout ce dont ce bébé avait besoin était une injection de pénicilline et cela lui a permis de vivre. Je dis cela parce que chacun de nous peut, s'il essaie, comprendre ce que vivent les mères et les nouveau-nés dans les pays du tiers monde.

Pour beaucoup de mères et beaucoup de nouveau-nés dans le monde, des conditions aussi épouvantables font encore partie de la réalité. Une fois de plus, la fédération canadienne donne l'exemple en améliorant la vie de ces personnes.

J'ai mentionné plus tôt que le premier ministre a présidé un sommet du G8 sur la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants à Muskoka, en 2010. Le gouvernement du Canada a contribué un financement de 2,8 milliards de dollars à ce projet et réussi à mobiliser nos partenaires internationaux à hauteur de 7,3 milliards de dollars, pour un total de 10 milliards de dollars.

(1520)

Grâce à cet effort commun, le taux de mortalité maternelle dans le monde est passé de 543 000 décès en 1990 à 287 000 décès en 2013. Pendant la même période, le nombre d'enfants qui meurent avant d'atteindre l'âge de 5 ans est passé de plus de 12 millions en 1990 au chiffre de 6,6 millions qu'on a mentionné plus tôt. Nous pouvons être très fiers de ce que nous faisons.

Toutefois, en dépit de ces améliorations continues, plus d'un quart de million de mères et plusieurs millions d'enfants meurent encore chaque année, alors que ces décès pourraient être évités. C'est déplorable. Il est désolant de relater ces faits, mais il est important de ne pas les oublier. En effet, comme le premier ministre l'a dit, nous avons l'obligation morale de ne pas les oublier. Pourquoi? Parce que, dans un monde où tout se passe à un rythme accéléré et qui est si souvent bouleversé par des tremblements de terre, des inondations, des guerres, des conflits civils, des épidémies et des famines, il est beaucoup trop facile de perdre de vue ce problème très grave.

On me dit qu'il n'est pas compliqué d'améliorer la santé des femmes et des enfants à l'échelle mondiale, mais cela exige des efforts soutenus qui ne doivent pas être relégués au second plan à la suite d'autres événements mondiaux. Il faut que ce soit en tête de la liste de priorités.

En résumé, la motion prévoit la désignation d'une semaine pour inviter les Canadiens à réfléchir aux dures réalités que subissent littéralement des milliards de mères et d'enfants de la planète, et elle nous donne un moyen d'attirer annuellement l'attention du public sur certains besoins très réels et sur la façon dont nous pouvons continuer d'y répondre. Chers collègues, le mot clé est « continuer ».

La motion de la sénatrice Seth est une façon de maintenir le cap par rapport à un problème qui exige l'attention soutenue des Canadiens et de la communauté internationale. En désignant la deuxième semaine de mai comme la Semaine internationale de la santé maternelle et infantile, le Sénat peut contribuer à soutenir le mouvement issu du sommet de Muskoka.

Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que j'appuie la motion de ma collègue et je vous demanderais d'en faire autant.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Hervieux-Payette, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Motion tendant à autoriser le comité à examiner des changements au Règlement et aux pratiques du Sénat pour faire en sorte que les délibérations du Sénat concernant les mesures disciplinaires à l'endroit des sénateurs et d'autres personnes respectent l'application régulière de la loi—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice McCoy, appuyée par l'honorable sénateur Rivest,

Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, des changements au Règlement et aux pratiques du Sénat qui, tout en reconnaissant l'indépendance des organes parlementaires, feront en sorte que les délibérations du Sénat concernant les mesures disciplinaires à l'endroit des sénateurs et d'autres personnes respectent l'application régulière de la loi et tiennent compte, de façon générale, des autres droits, notamment ceux garantis par la Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 novembre 2014.

L'honorable Wilfred P. Moore : Votre Honneur, je réfléchis à cette motion et je me dis qu'elle est très importante. Elle porte directement sur la garantie d'une justice naturelle pour les personnes qui pourraient devoir comparaître devant nos comités et je propose l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

Son Honneur le Président intérimaire : Acceptez-vous que le sénateur Rivest prenne la parole avant que vous proposiez l'ajournement?

Le sénateur Moore : Oui.

[Français]

L'honorable Jean-Claude Rivest : Honorables sénateurs, j'aimerais manifester mon appui à l'initiative de la sénatrice McCoy. Nous avons tous en mémoire les événements extrêmement difficiles que l'institution du Sénat a vécus au cours des derniers mois en raison de certains actes ou d'allégations portées à l'encontre de trois ou quatre de nos collègues. L'impact dans l'opinion publique canadienne a été considérable, et il est de notre devoir à tous, individuellement, mais aussi en tant qu'institution, de travailler et de mettre en œuvre un processus de restauration de la crédibilité de cette institution qui est si importante pour les Canadiens. C'est en ce sens que l'initiative de la sénatrice McCoy mérite d'être appuyée, malgré la bonne foi de tous ceux et celles qui, au Sénat, ont tenté de gérer cette crise. Il nous faut demeurer réalistes; il reste que, dans l'opinion publique, il y a eu de l'improvisation dans la manière dont cette question a été traitée, encore une fois, malgré la bonne foi incontestable de tous ceux qui ont été appelés à gérer la crise que nous avons vécue.

C'est pourquoi, honorables sénateurs, il me semble extrêmement important que cette institution se donne un processus clair, cohérent et déterminé pour gérer ce genre de situation, de manière à restaurer l'autorité du Sénat.

Honorables sénateurs, il est très important — et j'espère que la motion de l'honorable sénatrice sera adoptée —, que l'on s'attache à deux ou trois éléments qu'il est bon de rappeler. Nous devons revoir nos mécanismes administratifs pour prévenir de telles situations. Nous savons que, dans le cadre des allégations formulées à l'encontre de nos collègues, il est question de montants astronomiques, mais ceux-ci s'étalent sur une période de temps considérable. Comment est-il possible que des signaux d'alarme ne se soient allumés nulle part au plan de l'administration?

Premièrement, il faut se pencher sur les mécanismes afin de prévenir ce genre de situation, qui n'est pas propre à notre institution, d'ailleurs, mais qui peut arriver dans n'importe quelle institution parlementaire. J'ai travaillé à l'Assemblée nationale durant de nombreuses années et j'ai vu des cas semblables. Il faudrait donc prévenir cela par des mesures administratives. Deuxièmement, il faut déterminer clairement comment gérer ce type de problème. Quelles institutions et quelles personnes doivent être impliquées? Cela doit être prédéterminé de façon à éviter cette espèce de passe d'armes ou cette politisation qui peut se produire et qui est forcément arrivée sur cette question qui, au-delà de la politique et des personnes, touche l'institution même du Sénat. Tout le monde doit être très conscient de cela.

Troisièmement, compte tenu de la nature de chacun des cas, qui varie forcément, des allégations qui sont portées, de situations qui sont survenues et surviendront sans doute à l'avenir, il doit être très clair que le régime de sanctions n'est pas quelque chose qui sort d'un chapeau en raison de pressions médiatiques, mais qu'un régime de sanctions soit préétabli.

Honorables sénateurs, les travaux que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement devra faire, à l'initiative de notre collègue, la sénatrice McCoy, permettraient de prévenir ces cas, dans un premier temps. Dans un deuxième temps, nous devrons déterminer et clarifier le processus, à savoir comment on gère ces cas, et, dans un troisième temps, il faudra prévoir un mécanisme de sanctions compte tenu de la nature des allégations ou des infractions.

Il me semble que, dans le cadre de ce que nous avons vécu, malgré la bonne foi de tout le monde, cela a manqué. Ce n'était pas clair, on ne savait pas ce qui se passait. En tant qu'institution et, individuellement, en tant que sénateurs, nous avons eu à vivre des moments extrêmement difficiles pour essayer d'expliquer ce qui était souvent inexplicable.

Honorables sénateurs, il y a un autre élément qui me reste en mémoire, et ce sont les relations entre un sénateur, ou un membre de la Chambre des communes — car c'est un peu la même chose —, et les partis politiques. Ce n'est pas clair en ce qui concerne les actions qu'un sénateur ou un parlementaire doit poser au plan purement politique. Je considère que ce n'est pas un crime pour un sénateur ou un membre de la Chambre des communes d'expliquer aux militants une politique parlementaire. Est-ce que cela fait partie du métier de parlementaire? Et, si cela en fait partie, ne devrait-il pas y avoir des dispositions en ce sens?

C'est la même chose pour les activités civiles. Prenons l'exemple du président de Téléfilm Canada qui assiste à la remise des prix Juno à Toronto. Il a le droit de se faire payer pour ses frais de représentation. Mais un sénateur ou un député qui est président d'une commission des affaires culturelles a-t-il le droit de se faire payer des frais de représentation? Il y a toutes sortes de choses qui ne sont pas claires.

(1530)

Lorsque je suis arrivé au Sénat, il y a une vingtaine d'années, nous recevions une allocation pour frais de représentation qui couvrait ce genre de choses. Par la suite, ces frais de représentation ont été intégrés à notre rémunération globale; il n'y avait plus de frais de représentation.

Sur le plan politique, mais aussi par rapport à la loi civile, quand un sénateur participe au congrès d'une centrale syndicale, est-ce que cela fait partie de son métier, de ses fonctions? Il y a toutes sortes d'ambiguïtés. C'est dans ce sens-là que ces questions devraient faire l'objet d'une réflexion au comité.

L'autre élément, honorables sénateurs, c'est que j'observe que le Sénat a vécu un certain nombre de problèmes, et la Chambre des communes aussi. Je faisais référence aux politiques; on sait que le chef du Parti québécois a eu un problème avec son employé permanent qui était payé, d'une certaine façon; le NPD vit également une situation de ce type en ce moment, donc, on connaît des difficultés. Dans l'élaboration de nos règles futures à cet égard, compte tenu de l'expérience malheureuse que nous avons vécue, j'espère que nous tiendrons compte de la Chambre des communes également.

Il me semble que ce n'est pas un problème du Sénat ni un problème de la Chambre des communes, mais un problème du Parlement. Tout en affirmant, bien sûr — et j'y tiens, comme tous mes collègues —, l'indépendance absolue d'une institution comme le Sénat qui doit gérer ses propres affaires à sa manière et selon la nature de cette institution, je pense que nous devons aussi prendre conscience que, face à l'opinion publique, qu'il s'agisse d'un sénateur ou d'un député, les problèmes d'éthique et de comportement reviennent au même type de problèmes. J'aimerais bien que le Parlement du Canada puisse se doter d'un régime clair qui soit compatible, qui tienne compte de la nature des institutions, mais qui soit comparable, de façon à ce que ce genre de problèmes soit réglé d'une façon correcte et semblable dans l'une ou l'autre des institutions.

De la même manière, honorables sénateurs — et je terminerai sur cette question —, on a parlé d'allégations relativement à des dépenses, mais il peut y en avoir d'autres qui portent atteinte à l'intégrité et à la crédibilité de l'institution. Honorables sénateurs, il y a beaucoup d'autres personnes. L'administration publique a élaboré des codes d'éthique et de comportement, et elle engage des fonds publics à cette fin. Il y a les services policiers, l'armée, bref, un nombre considérable de personnes. J'espère donc que, dans l'étude qui sera faite, on tiendra compte également des règlements et des pratiques. Je pense qu'il y a là une somme d'expériences qui pourrait nous aider à bâtir un régime, pour l'institution du Sénat comme pour celle de la Chambre des communes, qui soit dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, bien sûr, cet élément est extrêmement important et je pense que vous serez tous d'accord pour le reconnaître. Il est important que nous prenions nous-mêmes, de façon indépendante, l'initiative de le faire. Et, bien sûr, je pense que cette question devrait être mise en branle selon la proposition de notre collègue, mais qu'elle devra aussi s'intégrer dans le cadre plus large de la réforme de notre institution sénatoriale, dans le sens des propositions que le sénateur Nolin a faites et qui sont débattues dans une autre motion. Je pense qu'il s'agit d'un élément essentiel de la reconstruction de la crédibilité d'une institution qui, à tous égards, comme le rappelait la sénatrice McCoy dans son intervention, est absolument essentielle pour le Canada.

Je n'ai pas à vous convaincre de la nécessité d'une institution comme le Sénat, compte tenu de la réalité de la diversité politique du Canada, de la question des minorités, des droits des Autochtones, et de cette dynamique canadienne qui fait que, avec quatre ou cinq dynamiques politiques liées à la taille de notre pays, le Sénat est une institution extrêmement importante qui rétablit l'équilibre et assure une permanence et une cohérence au-delà des aléas électoraux.

Je n'ai donc pas à vous convaincre, honorables sénateurs, de l'importance de mettre cette initiative immédiatement en œuvre — plusieurs collègues ont d'ailleurs déjà présenté et élaboré un certain nombre d'initiatives. Il faut passer à l'action pour restaurer une institution extrêmement importante pour l'ensemble des Canadiens.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Rivest, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Rivest : Oui.

L'honorable Pierrette Ringuette : Merci, sénateur Rivest, de votre intervention que j'apprécie beaucoup, d'ailleurs, ainsi que vos commentaires concernant les mécanismes administratifs et la gestion, qui faisaient l'objet de votre deuxième point, le troisième point étant celui où vous avez abordé la façon de faire face à toutes ces allégations — et, à cet égard, il semble qu'on soit presque coupable par association.

Ma question est la suivante : est-il préférable de confier uniquement au Comité de la régie interne le soin d'examiner tous les règlements administratifs, les mécanismes, et cetera, ou est-ce que ce ne serait pas le moment opportun de tenir des séances extraordinaires réunissant tous les sénateurs, pour examiner cet ensemble de règles? Je considère que nous jouons tous des rôles différents à l'extérieur de l'enceinte du Parlement, et que, peut-être, l'ensemble des règlements ne réussit pas à refléter tous les mandats que nous recevons de nos administrés.

L'approche proposée par la sénatrice McCoy est-elle meilleure, où la question sera laissée à la réflexion et au travail du Comité de la régie interne, ou ne serait-ce pas le moment, pour l'ensemble des sénateurs, de se réunir dans la cadre d'un forum extraordinaire, que ce soit pendant deux semaines, trois semaines ou plus, soit le temps nécessaire pour revoir tous ces mécanismes?

Le sénateur Rivest : Je trouve la suggestion de la sénatrice intéressante, mais je pense qu'il serait très utile, auparavant, que, comme le propose la sénatrice McCoy, un groupe plus restreint fasse au moins l'inventaire de la situation, établisse les paramètres, recueille les données et propose certaines orientations. Effectivement, à un moment ou à un autre, dans un cadre qui peut être formel ou informel — ce serait d'ailleurs très intéressant qu'il soit informel —, tous les sénateurs pourraient se réunir pour déterminer, comme institution et comme membres, ce qu'ils acceptent, à l'aide de l'expertise qui aura été fournie par le comité. Je trouve que c'est une démarche très intéressante.

Je voudrais ajouter un élément très important dans le processus, et je parlais plus tôt de prévention et de sanctions; ce serait de permettre aux personnes visées par des allégations d'avoir le droit et la liberté de s'expliquer clairement avant que les sanctions soient imposées, avant même qu'on parle de sanctions, dans un forum quelconque, et que cette expression des personnes visées par les allégations soit publique — c'est très important aussi.

Pour revenir à la suggestion de la sénatrice Ringuette, effectivement, si les sénateurs étaient capables — et je pense que nous le sommes, que nous croyons assez à l'institution et aux services que nous pouvons rendre à l'ensemble de la collectivité canadienne — de mener une initiative comme celle que la sénatrice McCoy propose, et en prenant en compte tous les éléments extrêmement importants qui ressortiront de la motion de notre collègue, le sénateur Nolin, et de l'intervention de tous les sénateurs, nous pourrions avoir, à un moment donné, une espèce d'états généraux du Sénat qui nous permettraient de dire : « Nous, sénateurs, voici ce que nous voulons faire de cette institution; nous voulons la moderniser et l'adapter aux réalités et aux besoins de l'ensemble des Canadiens. »

Ce serait un geste spectaculaire en vue d'assurer l'indépendance de cette institution. Pour ma part, j'ai aussi des propositions à faire, auxquelles je faisais référence dans le cadre de l'autre motion, pour assurer l'indépendance, l'efficacité et la crédibilité de cette institution.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Cools, vous voulez poser une question?

L'honorable Anne C. Cools : Non, je veux proposer l'ajournement.

[Français]

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Demers, avez-vous une question?

L'honorable Jacques Demers : Oui, merci beaucoup.

C'est la première fois que je me lève, ici, en cinq ans et demi, et j'adore ce qui se dit. Lorsque je suis arrivé au Sénat, il y avait cette fierté d'être sénateur. Mais le Sénat n'est pas perdu...

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Demers, je dois vous interrompre.

Sénateur Rivest, demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Rivest : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Demers : Il y avait alors cette fierté d'être sénateur. Dans le cadre de mes activités passées, si deux ou trois personnes sortaient de la ligne, on pouvait rectifier cela, mais tout le monde devait travailler ensemble pour le faire. Il faut revenir à ce que l'on était auparavant.

(1540)

Quand j'ai été nommé au Sénat, je peux dire que, au début, j'étais tranquille et j'écoutais attentivement. J'ai vu des deux côtés des gens très respectueux, des gens qui sont en mesure de faire quelque chose de bien pour le Canada. Nous pouvons le faire si, tous ensemble, nous sommes sincères dans notre approche. Plusieurs ont dit que c'était faisable.

Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi, mais on a besoin de tout le monde, pas seulement de la moitié. Il semble que le Sénat soit divisé. Il faut revenir à la fierté de cette prestigieuse institution qu'est le Sénat. Depuis ses débuts, il est un fait que pas plus de 1 000 personnes ont été nommées sénateur ou sénatrice. Voilà quelque chose de particulier et de très positif.

Le sénateur Rivest : Tout à fait. Je pense que c'est la grande conclusion de l'expérience que nous avons tous vécue. Nous sommes conscients de l'importance de cette institution, comme le sénateur Demers l'a rappelé, mais c'est la responsabilité de tous et de chacun, individuellement, de restaurer cette crédibilité et d'améliorer l'efficacité de cette institution pour les services qu'elle peut rendre, tout comme d'autres types d'institutions qui éprouvent des problèmes analogues. Tout le monde se regroupe et fait abstraction des personnalités ou des considérations plus particulières. L'intérêt général de tous les sénateurs devrait être de protéger cette institution et de servir l'ensemble de la communauté canadienne.

(Sur la motion de la sénatrice Cools, le débat est ajourné.)

La réforme du Sénat

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mercer, attirant l'attention du Sénat sur la réforme du Sénat et la façon dont le Sénat et ses sénateurs peuvent réaliser des réformes et améliorer la raison d'être du Sénat par l'examen du rôle des sénateurs dans leurs régions.

L'honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice Fraser de me permettre de prendre la parole au sujet de la réforme du Sénat. Je dois préciser qu'elle reprendra l'ajournement du débat pour le reste de son temps de parole.

[Traduction]

Je tiens également à remercier le sénateur Mercer d'avoir lancé cette interpellation.

[Français]

Honorables sénateurs, comme je l'ai prétendu lors de mon discours précédent, l'abolition du Sénat n'est pas une option. D'une part, il est très difficile de réunir les conditions constitutionnelles qui y sont nécessaires. D'autre part, le Sénat joue un rôle complémentaire important à celui de la Chambre des communes dans le contexte d'une démocratie représentative.

Moderniser le Sénat devient alors impératif afin de renforcer sa légitimité et celle des institutions parlementaires. Deux grandes avenues sont possibles pour moderniser le Sénat. La première, plus exigeante, permet de changer la nature du Sénat, d'introduire l'élection des sénateurs et de raccourcir la durée de leur mandat.

[Traduction]

C'est la voie constitutionnelle.

[Français]

La deuxième voie vise à transformer les pratiques du Sénat et l'exercice de son rôle. Cette voie n'exige pas de faire des amendements à la Constitution. Toutefois, dans le but d'en arriver à des amendements constitutionnels, notre Président, l'honorable sénateur Kinsella, a proposé l'établissement de discussions entre les sénateurs et des représentants des assemblées législatives de leurs provinces respectives.

Cette démarche originale, qui n'a jamais été tentée, est prometteuse. Fondée sur le dialogue, elle a des chances de rendre possible une modernisation fondamentale du Sénat fondée sur des amendements constitutionnels qui font l'unanimité. Il est important de souligner que cette démarche a aussi le mérite de prévoir des discussions avec les provinces sur les questions liées au Sénat plutôt que de déborder sur des négociations périphériques entre les provinces et le gouvernement fédéral qui, par le passé, ont fait échouer tout processus de changement constitutionnel.

Cette démarche ne nous empêche pas de réfléchir à des actions réalisables à court terme visant à modifier nos pratiques. Comme je le disais, et dans la foulée de ce que vient de dire le sénateur Rivest, c'est de cette démarche dont je vous parlerai.

Je parlerai plus spécifiquement du processus de sélection des sénateurs et de l'exercice du pouvoir de veto. Ce sont des mesures à prendre pour s'éloigner de l'esprit partisan, comme le souhaite le sénateur Mercer et comme nous le souhaitons tous. Les propositions que j'avance s'inspirent notamment des pratiques d'autres sénats dans le monde. Elles s'inspirent aussi des témoignages d'experts résumés dans l'ouvrage intitulé Protéger la démocratie canadienne, publié sous la direction de l'honorable sénateur Joyal, notamment ceux de Ronald Watts, Paul Thomas et David Smith.

[Traduction]

À mon avis, la première question à traiter dans le dossier de la réforme du Sénat, c'est la procédure de sélection des sénateurs.

[Français]

Dans le contexte canadien actuel, l'instauration d'un Sénat élu est bloquée à court terme. Elle pourrait toutefois voir le jour à la suite de discussions tenues avec les provinces, comme le propose le sénateur Kinsella.

Entre-temps, on peut se demander comment il serait possible d'améliorer le processus de nomination afin d'accroître la légitimité du Sénat au sein de la population. En effet, comme le soutient John Stewart Mill, dont je vous ai parlé la dernière fois, le choix des sénateurs doit avoir la faveur populaire, car l'efficacité du Sénat dans l'exercice de son rôle législatif dépend du soutien social qu'il peut obtenir dans la population. Je cite Mill, qui s'est exprimé ainsi :

Une assemblée qui ne repose pas sur quelques grands pouvoirs dans le pays est impuissante face à celle qui peut s'en prévaloir.

La Constitution ne précise pas les modalités pour établir une liste des personnes parmi lesquelles le premier ministre choisira celles qu'il jugera les plus convenables. La Cour suprême, toutefois, a affirmé que les sénateurs ne devraient pas être élus sans changements constitutionnels.

C'est d'ailleurs ce processus d'établissement de la liste des personnes qualifiées et relativement reconnues dans leur province respective qui, à mon avis, doit faire l'objet d'une modernisation, être davantage formalisé et être plus transparent, ce qui baserait la légitimité du Sénat sur une plus grande faveur du public.

Cette liste de candidats potentiels pourrait être établie par une commission indépendante qui aurait pour mandat d'étudier les qualifications des candidats. Les candidatures pourraient être soumises par les assemblées législatives provinciales et fédérales ou par la commission elle-même.

À cet égard, deux exemples me viennent à l'esprit : le processus d'établissement de la courte liste pour la nomination des juges à la Cour suprême et la commission britannique indépendante de nomination des lords, créée en 2000. Cette dernière a été mise en place à titre de mesure transitoire afin d'améliorer la légitimité de la Chambre des lords avant d'en arriver à une entente sur une réforme plus complète de celle-ci qui vise l'élection des lords.

[Traduction]

Sans entrer dans les détails, voici un peu à quoi pourrait ressembler une commission indépendante de nomination des sénateurs au Canada. Ces points devront être approfondis, bien entendu.

[Français]

Commençons par définir le mandat de cette commission transitoire, qui serait d'abord d'étudier les qualifications des candidats proposés afin d'établir une liste des candidats admissibles. Elle pourrait également proposer des candidatures comme le fait la commission britannique, dont le site web est très accessible et très intéressant.

Quelle devrait être la composition de cette commission? Au Royaume-Uni, cette commission est composée de sept personnes. Le président est un professeur d'université.

(1550)

Trois autres membres sont des personnalités non partisanes, et les trois autres sont des lords nommés par chacun des trois partis politiques officiels.

Comme au Royaume-Uni, une commission canadienne pourrait être présidée par une personne indépendante et composée principalement de personnalités qui n'ont pas d'allégeance courante à un parti politique. Sans être une copie conforme de la commission britannique, la commission pourrait également faire une place importante aux commissaires indépendants.

Qui devrait nommer les commissaires? Bonne question. Ces personnes, à court terme, pourraient être nommées par décret du premier ministre à la suite d'une consultation auprès de la Chambre des communes et de la Chambre haute.

D'où proviendraient les candidatures soumises à la commission? Les candidatures pourraient être proposées par les assemblées législatives fédérale et provinciales, ainsi que par le public — comme cela se fait au Royaume-Uni. En d'autres mots, outre les candidats suggérés par des assemblées d'élus, un individu pourrait soumettre sa candidature ou proposer le nom de quelqu'un d'autre.

Dans le cas de l'Alberta, on sait qu'une liste des candidats est actuellement produite.

Quels sont les critères que la commission devrait utiliser pour étudier les candidatures? Elle devrait, en premier lieu, s'assurer que tous les candidats respectent les qualifications, telles qu'elles sont énoncées dans la Constitution. Elle pourrait également évaluer les candidatures à l'aune d'autres critères, comme cela se fait au Royaume-Uni pour les lords indépendants.

[Traduction]

La commission britannique s'est fixée sept critères sur lesquels elle s'appuie au moment de prendre une décision sur la nomination de candidats indépendants : premièrement, un dossier d'importantes réalisations; deuxièmement, la capacité de faire une contribution efficace; troisièmement, le temps dont dispose le candidat pour s'assurer qu'il peut faire une contribution; quatrièmement, une certaine connaissance du cadre constitutionnel; cinquièmement, l'intégrité; sixièmement, un engagement correspondant aux normes les plus élevées de la fonction publique; et septièmement, l'indépendance à l'égard de tout parti politique.

[Français]

Comment la commission établirait-elle la liste soumise au premier ministre? Elle pourrait établir une liste en fonction d'une convention préétablie avec le premier ministre.

Quels pourraient être les termes d'une telle convention qui moderniserait le Sénat?

À mon avis, par exemple, cette convention pourrait viser une composition idéale du Sénat qui soit représentative de la réalité politique et démographique canadienne sans changer, évidemment, le nombre de sièges par région ou par province. Elle pourrait prévoir un pourcentage de sièges attribués à des sénateurs indépendants provenant du public, comme c'est le cas dans plusieurs sénats du monde. Au Royaume-Uni, en pratique, on vise à ce que 20 p. 100 des sièges soient occupés par des indépendants. La convention pourrait également prévoir que les autres sièges soient répartis entre les partis officiels selon la proportion des votes obtenus au dernier scrutin. Ce serait une façon de rendre la représentation proportionnelle.

Elle pourrait également prévoir qu'un pourcentage de sièges donné soit attribué à des candidatures soumises par les provinces. Cette façon de procéder créerait des liens plus formels entre les sénateurs et leur région, ce qui est souhaitable pour mieux assumer notre rôle régional.

Si, à première vue, cette convention semble compliquée, elle ne l'est pas vraiment, puisque, dans plusieurs sénats du monde, on vise justement une composition représentative de la population en général et des régions dans la Chambre haute.

Une telle réforme m'apparaît nécessaire pour le bien de la démocratie au Canada. Elle pourrait être entreprise rapidement comme expérience pilote dans le cadre des prochaines nominations.

Sans vouloir faire preuve de présomption, si nous en avons la permission, un comité spécial mixte, composé de membres du Sénat et de la Chambre des communes, pourrait rapidement être mis à l'œuvre pour travailler sur la conception d'une telle commission.

Le deuxième enjeu sur lequel nous devons nous pencher concerne le pouvoir de veto de la Chambre haute. En effet, de nombreuses critiques pleuvent sur le Sénat quand une majorité de sénateurs décident de s'objecter à un projet de loi émanant du gouvernement ou d'un membre de l'autre Chambre — ce qui n'arrive pas très souvent.

Chers collègues, examinons de plus près cette question.

[Traduction]

Il est vrai que le Sénat a un droit de veto absolu sur les projets de loi émanant de la Chambre basse, tout comme celle-ci peut opposer son veto aux projets de loi émanant du Sénat. Par ailleurs, au Canada, il n'existe pas de procédure de résolution de conflits. Ce n'est pas le cas pour la plupart des sénats dans le monde.

[Français]

Au Canada comme aux États-Unis, un projet de loi peut se promener indéfiniment entre les deux Chambres. Cela peut constituer un problème difficile à trancher, comme on a l'a vu aux États-Unis dans le contexte de débats sur le budget, et au Canada, au tournant des années 1990, dans le cadre du traité de libre-échange et de l'adoption de la TPS.

Au Canada, le pouvoir du Sénat est inscrit dans la Constitution et est délibérément voulu par les Pères de la Confédération. Il est donc impossible de le modifier.

Par ailleurs, au Canada, il n'existe pas de procédure de résolution de conflits — ce qui n'est pas le cas dans la plupart des sénats du monde, où les sénats exercent plutôt un veto suspensif et où ce sont les Chambres basses qui ont le plus souvent le dernier mot.

Chers collègues, saviez-vous que les pouvoirs de la Chambre des lords, qui étaient, jusqu'en 1911, semblables à ceux du Sénat canadien, ont été amputés à deux occasions? C'est en effet en 1911 que la Chambre des lords a vu son pouvoir de veto réduit à celui d'un veto suspensif. Ceci a été accompli par voie législative. En 1945, le veto suspensif a été porté à un an et la Chambre des lords ne peut plus rejeter les propositions fondées sur des promesses électorales — ce qui est aussi le cas dans d'autres sénats du monde.

Au Canada, les pouvoirs fort importants du Sénat sont inscrits dans la Constitution. Ils ne peuvent donc être modifiés sans l'accord des provinces. Par contre, nous pouvons, chers collègues, par convention, entreprendre une procédure qui enchâsserait nos pouvoirs dans une démarche claire et non partisane, car avec de grands pouvoirs viennent de lourdes responsabilités.

Une convention établie par le Sénat pourrait prévoir les questions que les comités du Sénat doivent absolument étudier et sur lesquelles les comités doivent rendre compte dans leur rapport aux membres du Sénat en cette Chambre. Voici une liste de questions non exhaustive auxquelles les comités pourraient être tenus de répondre dans le cadre de l'analyse des projets de loi.

Premièrement, le projet de loi passe-t-il le test de la Constitution?

Est-il conforme à la répartition des pouvoirs constitutionnels entre les provinces et le fédéral?

Respecte-t-il les dispositions de la Charte des droits et des libertés?

Le projet de loi va-t-il à l'encontre des traités et des conventions signées au niveau international?

Va-t-il à l'encontre des intérêts d'une province ou d'un territoire en particulier?

Porte-t-il atteinte aux droits d'une minorité?

Brime-t-il indûment un groupe économique donné, comme les gens d'affaires, les travailleurs, les agriculteurs, les artistes, les professionnels? Peut-on tenir compte de leurs objections dans le projet de loi?

La procédure suivie à la Chambre basse a-t-elle été démocratique et a-t-elle permis de faire les consultations nécessaires?

Le projet de loi soulève-t-il un tollé particulier auprès de la population en général? Celui-ci est-il justifié? Des accommodements sont-ils possibles?

Le projet de loi est-il bien écrit? Y a-t-il des fautes au chapitre de la langue?

Après avoir scruté les pièces législatives sous ces angles, il serait difficile de voter pour ou contre un projet de loi pour la simple raison qu'il ne nous plaît pas ou parce que notre parti d'allégeance tente de nous y obliger.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice Bellemare, je dois vous interrompre. Demandez-vous plus de temps pour terminer vos remarques?

La sénatrice Bellemare : Il me reste encore quelques propos à faire entendre.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Est-on disposé à accorder cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Et si un projet de loi présente d'importantes carences à l'un ou l'autre test, nous aurions les justifications nécessaires pour proposer des amendements ou nous y opposer.

En réalité, notre convention devrait être telle qu'elle rende très difficile le vote partisan, comme c'est le cas actuellement. En effet, il est difficile de comprendre la logique selon laquelle la totalité ou presque des projets de loi dont nous sommes saisis sont adoptés avec dissidence et selon la ligne du parti.

Ce n'est pas le cas à la Cour suprême où, très souvent, les décisions sont prises à l'unanimité.

(1600)

Cette façon de procéder répondrait, à mon avis, à la critique formulée en 2007 par l'ex-ministre de la Réforme des institutions démocratiques selon laquelle les membres du Sénat devraient, et je cite : « rendre compte des décisions qu'ils prennent ». Cette façon de faire nous permettrait de rendre compte de nos décisions par le truchement des rapports de comité qui nous sont soumis et, au Sénat tout entier, par nos discussions.

En terminant, honorables sénateurs, je suis persuadée que, si nous faisions la promotion de la création d'une commission chargée des nominations des sénateurs et si nous adoptions une convention établissant des critères pour l'étude des projets de loi en comité, le Sénat deviendrait ce que la population attend de lui : une institution parlementaire complémentaire à la Chambre des communes et indépendante du gouvernement qui exerce son rôle de premier bouclier à la défense de la démocratie et des régions. Le Sénat serait ainsi composé de sénateurs authentiquement indépendants, même s'ils ont une allégeance politique. Les sénateurs seraient protégés de la petite politique partisane qui mine actuellement notre crédibilité en tant qu'institution redevable aux Canadiens et aux populations provinciales dont nous devons défendre les intérêts plutôt que ceux du parti qui nous a nommés.

[Traduction]

Je vous remercie, honorables sénateurs, et je vous invite à formuler des observations sur ces questions.

L'honorable Wilfred P. Moore : La sénatrice Bellemare accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Bellemare : Absolument.

Le sénateur Moore : Je vous remercie de vos commentaires, madame la sénatrice. J'ai trouvé intéressants vos commentaires sur ce que vous avez désigné comme le critère à appliquer, lorsque nous étudions un projet de loi, pour savoir s'il respecte les normes et les autres lois. Vous n'avez pas mentionné les traités ni les autres accords conclus avec les Premières Nations et les peuples autochtones. Y avez-vous pensé? Quel serait l'un des critères que vous aimeriez voir appliqués pour vérifier la validité d'un projet de loi?

[Français]

La sénatrice Bellemare : Cher sénateur, je ne voudrais pas m'avancer. J'ai pensé aux traités internationaux, aux traités de convention internationale. Il est possible que cela puisse être inclus, mais comme je le dis, ce sont là des suggestions qui mériteraient d'être débattues par nous tous afin que nous décidions des critères qui devraient être inclus. Il est évident qu'il y en a plusieurs. Peut-être que, lors du débat, nous nous rendrons compte que nous avons oublié certains critères qui auraient dû être inclus, alors que, dans d'autres cas, il nous serait plus difficile de nous prononcer. En effet, cela ferait partie d'une liste de critères dont il faut débattre. C'est un oubli de ma part.

L'honorable Serge Joyal : Vos propos soulèvent une question qui, à mon avis, est fondamentale dans la réflexion que nous devons faire, et qui est la suivante : notre système parlementaire, le modèle de Westminster, comme nous l'appelons, fonctionne sur la base du principe des adversarial debates. Dans cette Chambre-ci, il y a les bleus, les rouges, les pour et les contre, ou les autres couleurs qu'on veut bien identifier.

Comme le principe fonctionne traditionnellement dans un débat où les opinions s'affrontent, on l'a fait sous le principe du parti au pouvoir — j'allais dire contre le parti de l'opposition, ou vice versa, le parti de l'opposition contre le parti au pouvoir.

Dans votre réflexion, avez-vous pu considérer comment on pourrait maintenir le adversarial principle, c'est-à-dire le fait qu'on a des pour et des contre, mais qui ne s'exprimeraient pas dans le cadre obligatoire des partis politiques, c'est-à-dire la ligne de parti qui s'impose toujours d'un côté ou de l'autre ou qui s'est traditionnellement imposée de cette façon depuis l'existence du modèle de Westminster?

Est-ce que ma question est suffisamment claire pour souligner la difficulté qu'on éprouve à l'heure actuelle, à laquelle on fait face, qui est de déterminer tout de même la nature du type de Chambre à laquelle on aspire?

La sénatrice Bellemare : Merci pour votre question, sénateur Joyal. Évidemment, c'est une question à laquelle je ne pourrais pas répondre aussi clairement que je le souhaiterais. Cependant, ce que je peux dire, c'est que les pratiques, même au Royaume-Uni, ont évolué; il y a trois partis et il y a aussi des indépendants. Je crois qu'il est possible d'avoir des débats avec des pour et des contre, mais de tenir des débats dans un contexte plus moderne qu'il ne l'a été par le passé, étant donné la diversité et le nombre de partis politiques qui existent maintenant au Canada et ailleurs dans le monde.

Je pense qu'une convention pourrait permettre d'établir des critères sur la représentation qu'on veut avoir au Sénat sans changer les lois. Si le premier ministre décide d'en débattre, c'est son choix.

En Australie, par exemple, une multitude de partis politiques sont représentés et il y a des sénateurs indépendants. Les débats sont intéressants, parce que les sénateurs ont une allégeance politique; ils ne sont pas automatiquement en majorité ou en minorité. La diversité des vues qui en découle est, à mon avis, intéressante, parce qu'elle est permise, elle est présente dans la Chambre.

Bref, ce sont là des questions dont il faut débattre. Jusqu'où peut-on aller dans ce changement? Je ne vois pas pourquoi il y aurait des obstacles à surmonter si on le fait à l'aide d'une convention et si les gens sont d'accord pour le faire.

L'honorable Jean-Claude Rivest : Pour répondre à la question du sénateur Joyal, au Conseil de l'Europe, la délégation canadienne choisit son groupe parlementaire pour qu'il y ait confrontation. Selon le mode évoqué par la sénatrice, les sénateurs pourraient s'inscrire comme conservateur, comme libéral, comme centriste, comme socialiste. On le fait au Conseil de l'Europe, on s'inscrit à gauche, à droite, au centre; cela permet la confrontation.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je pense que la sénatrice Bellemare a dit, au début de son discours, qu'il était entendu que cet article restait à mon nom, mais, étant donné qu'elle a fourni des points très intéressants, je voudrais profiter de cette offre.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 1er octobre 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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