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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 85

Le mercredi 8 octobre 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 8 octobre 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à la tribune de Mme Cécile Martin Masse, veuve de feu l'honorable Marcel Masse, et de M. Jean-Martin Masse, fils de feu l'honorable Marcel Masse.

Au nom des honorables sénateurs et sénatrices, j'aimerais leur souhaiter la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de l'honorable Marcel Masse, C.P., O.Q.

L'honorable Pierre Claude Nolin : Honorables sénateurs, le 25 août dernier, le Canada, et surtout le Québec, perdaient un de leurs fils. Ce jour-là, à Sainte-Agathe-des-Monts, l'honorable Marcel Masse mourait, entouré des siens.

C'est en 1936, à Saint-Jean-de-Matha, dans la région de Lanaudière, qu'il voit le jour. D'abord destiné à l'enseignement, il obtient un diplôme en pédagogie et, ensuite, il poursuit ses études supérieures en histoire, tant à Montréal qu'en Europe.

De 1962, d'ailleurs, à 1964, il enseigne l'histoire à Joliette. Le Québec est alors confronté à l'une des périodes les plus perturbantes de son histoire : c'est la Révolution tranquille.

La petite vie tranquille de notre nouvel enseignant en sera par conséquent bousculée et transformée à tout jamais formidablement, et ce, pour le plus grand bénéfice de ses concitoyens.

Dès 1966, il aborde sa vie publique au niveau provincial. Il ne peut résister à l'appel du devoir et décide de briguer les suffrages à l'occasion des élections générales provinciales, sous la bannière de l'Union nationale. Il sera élu député de Montcalm et son parti formera le gouvernement.

Son passage en politique provinciale aura marqué ce fougueux et ambitieux politicien. Son expérience aux affaires intergouvernementales du Québec nourrit alors son intérêt pour la scène fédérale. Tout en poursuivant une carrière dans le secteur privé, il se porte candidat, mais sans succès, aux élections fédérales de 1974 et de 1980, dans la circonscription de Labelle. Il ne perd pas espoir d'y parvenir et, en 1984, sous la gouverne du très honorable Brian Mulroney, le Parti progressiste-conservateur remporte 208 sièges; Marcel Masse réussit enfin son pari fédéral dans le comté de Frontenac. Il sera successivement ministre des Communications, ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources et ministre de la Défense nationale. De 1986 à 1990, il agira à titre de lieutenant du premier ministre pour la province de Québec.

Durant les négociations sur l'Accord de libre-échange canado-américain, il se positionne contre toutes les manœuvres qui n'affirment pas clairement la souveraineté culturelle du Canada. Nous lui devrons alors l'exception culturelle canadienne.

En 1993, il décide de ne pas briguer les suffrages pour sa réélection. C'est l'époque de l'Accord du lac Meech, qui a échoué en 1990, et le Québec s'apprête à revivre un autre psychodrame constitutionnel.

L'honorable Marcel Masse est citoyen d'honneur de la ville de Royan, en France, commandeur de l'Ordre de la Pléiade, officier de l'Ordre national du Québec, officier de la Légion d'honneur de la France et, enfin, commandeur de l'Ordre des Palmes académiques.

En écrivant cet hommage à un ami, je n'ai pu repousser le souvenir d'une biographie télévisée de Theodore Roosevelt mise en ondes récemment par la chaîne PBS. Celui qui allait devenir l'un des présidents américains les plus réputés a réussi à satisfaire ses ambitions à force de détermination et de courage. Enfant malingre et de faible constitution, les médecins lui prédisaient alors une courte vie, pourvu qu'elle soit tranquille et feutrée. Vous comprenez maintenant le rapprochement que j'y ai vu.

Marcel Masse, avec détermination et courage, a su confronter ceux qui ne voyaient en lui qu'un traître. Son passage à la Défense nationale fut fort révélateur à ce chapitre.

Marcel Masse, et nous devons certainement cela à sa formation d'historien, avait compris ce qui animait sir George-Étienne Cartier durant les négociations de l'union fédérale canadienne.

Sous-jacent à cette structure de gouvernance se profilait non pas un État statique et immuable, comme plusieurs en rêvent encore aujourd'hui, mais un État moderne et évolutif, un État qui n'aurait pas peur de ses divergences, mais, au contraire, saurait construire sur ces différences. C'est ce que Marcel Masse a compris, et il a décidé de participer à cette évolution, une évolution qui laisserait aux Canadiens français, et surtout aux Québécois, l'espace vital nécessaire à leur épanouissement.

Comme vient de le faire le Président, je tiens à saluer son épouse, Cécile, ainsi que les membres de la famille de l'honorable Marcel Masse, et tout particulièrement son fils, Jean-Martin.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

(1340)

La Semaine de la prévention des incendies

L'honorable Fernand Robichaud : Honorables sénateurs, à travers le pays, nous soulignons, du 5 au 11 octobre, la Semaine de la prévention des incendies. C'est un moment privilégié pour sensibiliser les gens aux risques liés aux incendies et aux mesures à prendre pour les prévenir, et pour leur faire prendre conscience de la nécessité de savoir comment réagir en cas d'incendie.

Chaque année, près de 3 000 personnes périssent dans des incendies qui surgissent surtout en milieu résidentiel. Or, la grande majorité de ces incendies pourraient être évités, ne serait-ce que par l'installation de détecteurs de fumée et par la vérification régulière de leur bon fonctionnement.

Plusieurs postes de pompiers de nos municipalités et de nos villages profitent de la Semaine de la prévention des incendies pour informer les populations des diverses mesures de prévention.

Ces activités se déroulent dans des endroits publics ou sur des lieux de travail. Près des écoles, on intéresse les enfants en leur faisant visiter les camions de pompiers et en faisant des démonstrations d'équipements. Les citoyens se font rappeler de faire ramoner leur cheminée avant le temps froid de l'hiver, de vérifier le bon état des détecteurs de fumée et d'installer un détecteur de monoxyde de carbone s'ils utilisent un appareil de chauffage à combustion ou au gaz naturel. On n'insistera jamais assez sur la prudence dont il faut faire preuve dans les cuisines.

Les pompiers formulent également des consignes relatives à l'allumage des feux à l'extérieur. Surtout en milieu rural, les pompiers répondent souvent à des appels liés à des feux de broussailles. Ils offrent également des conseils de sécurité quant à l'utilisation de chandelles lors de pannes électriques.

En milieu institutionnel, les services de pompiers planifient et examinent des plans d'évacuation et font même des exercices dans les écoles et les hôpitaux pour préparer le personnel de ces institutions à diriger les évacuations, assurant ainsi la sécurité des patients et des enfants.

Cette Semaine de la prévention des incendies est peut-être aussi l'occasion de souligner l'importance, pour nos petites communautés rurales, de pouvoir compter sur les nombreux bénévoles qui forment nos services de pompiers et de prévention des incendies.

C'est l'engagement communautaire de ces hommes et de ces femmes qui nous permet de mener une vie plus sécuritaire, sachant que, en cas d'incendie, nous pouvons compter sur leur courage et leur dévouement.

Le Collège Saint-Joseph de Memramcook

Le cent cinquantième anniversaire

L'honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour partager avec vous l'importance que revêt le Collège Saint-Joseph de Memramcook pour l'Acadie à l'occasion de son 150e anniversaire.

Lorsque l'on parle de l'éducation postsecondaire en Acadie, que ce soit le collège ou l'Université de Moncton, le point de départ est toujours le Collège Saint-Joseph de Memramcook. Bâti sur les fondations du séminaire de Saint-Thomas, à Memramcook, le Collège Saint-Joseph accueille ses premiers étudiants en octobre 1864.

Fondé par le père Camille Lefebvre, de la Congrégation de Sainte-Croix, le collège a reçu le titre d'université en 1888 et a été reconnu officiellement par l'Université d'Oxford en 1906. À partir de 1963, désormais reconnue comme étant l'Université de Saint-Joseph, l'institution reprend son titre de collège et s'affilie à l'Université de Moncton.

Le collège a donc été la base de l'Université de Moncton, qui a été au centre du mouvement canadien et qui continue de l'être aujourd'hui. En cette année du Congrès mondial acadien, il est important de mentionner que la première Convention nationale des Acadiens a eu lieu au Collège Saint-Joseph en 1881. Cinq mille Acadiens y ont participé et, le 15 août, la date de la fête de Notre-Dame-de-l'Assomption a été adoptée comme fête nationale des Acadiens.

Le Collège Saint-Joseph est le symbole d'un nouveau début pour l'Acadie, qui tient à prendre en main sa destinée. La mission du collège était de faire de nous des leaders, des chefs de file qui allaient pouvoir aider le peuple acadien à sortir du bois, à prendre des responsabilités, à défendre les droits des Acadiens et à travailler en collaboration avec d'autres cultures pour bâtir un monde meilleur pour tous.

En réussissant une telle mission, le collège a su étendre les horizons de l'Acadie et faire en sorte que, aujourd'hui, nous puissions encore avoir notre juste place dans la société canadienne. Qu'il s'agisse des chefs d'entreprises, des professionnels de la santé, des artistes, des intellectuels, des ingénieurs, et j'en passe, l'Acadie d'aujourd'hui est l'accomplissement de la mission du collège. Cependant, il y a encore du travail à faire pour maintenir cet acquis et l'élargir davantage.

Avec une bonne base comme celle qu'a donnée le collège et avec la détermination de l'Acadie, je suis convaincue que nous allons continuer notre petit bout de chemin dans ce monde. C'est ainsi, honorables sénateurs, que la première institution d'enseignement postsecondaire a vu le jour en Acadie sur la « bute à Pétard », à Memramcook.

Depuis ce temps, le collège est devenu le Monument-Lefebvre et il a été désigné lieu historique par l'agence Parcs Canada, qui reconnaît ce site comme un symbole de la renaissance acadienne. Joignez-vous à moi, honorables sénateurs, pour souhaiter une bonne célébration aux Acadiennes et aux Acadiens dans le cadre du 150e anniversaire du Collège Saint-Joseph.


[Traduction]

AFFAIRES COURANTES

La Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon
La Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut

Projet de loi modificatif—Présentation du sixième rapport du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

L'honorable Richard Neufeld, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le mercredi 8 octobre 2014

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

SIXIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-6, Loi modifiant la Loi sur l'évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon et la Loi sur les eaux du Nunavut et le Tribunal des droits de surface du Nunavut, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 17 juin 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.

Le président,
RICHARD NEUFELD

(Le texte des observations figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1241.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Neufeld, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 21 octobre 2014, à 14 heures.

[Français]

L'Assemblée parlementaire Canada-Europe

La réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique, tenue les 10 et 11 juin 2014— Dépôt du rapport

L'honorable Michel Rivard : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Assemblée parlementaire Canada-Europe concernant sa participation à la réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique, tenue à Copenhague, au Danemark, les 10 et 11 juin 2014.


(1350)

PÉRIODE DES QUESTIONS

La citoyenneté et l'immigration

L'immigration francophone

L'honorable Maria Chaput : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne le rapport annuel du commissaire aux langues officielles.

Monsieur le leader, je vous ai parlé, le 23 septembre dernier, de la décision du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration d'abolir le programme Avantage significatif francophone. Ces coupes budgétaires s'ajoutent au fait que les francophones en situation minoritaire n'obtiendront plus de financement pour participer au forum emploi Destination Canada 2014, en France et en Belgique, pour recruter des immigrants francophones.

Vous avez sûrement remarqué que le commissaire aux langues officielles exprime, dans le rapport qu'il vient de déposer, son inquiétude au sujet du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Selon lui, le ministère, et je cite :

[...] n'avait pas consulté les communautés francophones et n'avait pas tenu compte de leurs réalités particulières lorsqu'il a pris cette décision en vue de réduire ses dépenses de fonctionnement.

Selon le commissaire, cette décision, et je cite :

[...] a eu pour effet que les représentants de certaines communautés n'ont pas pu participer à Destination Canada en 2012. Leur présence aurait été importante puisque les représentants des communautés sont très bien placés pour attirer des immigrants francophones.

Le commissaire aux langues officielles a recommandé au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration d'instaurer des mécanismes pour évaluer les répercussions de ses décisions sur nos communautés de langue officielle, et aussi de consulter les communautés francophones qui participent à Destination Canada en vue de déterminer si la nouvelle formule, qui a été mise en place, pouvait avoir une incidence négative sur leur développement.

Monsieur le leader, ma question est la suivante : pouvons-nous nous attendre à voir un changement de culture au sein de Citoyenneté et Immigration Canada? Votre gouvernement s'engage-t-il à consulter réellement avant de prendre des décisions? Enfin, prendra-t-il en considération les recommandations du commissaire aux langues officielles?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Comme je l'ai dit hier, nous remercions le commissaire aux langues officielles de son rapport. Comme vous le savez, les changements que le gouvernement a apportés récemment au Programme des travailleurs étrangers temporaires francophones visent à ce que les emplois disponibles soient d'abord proposés aux Canadiens et, dans le cadre de ces changements, il fallait avant tout garantir la cohérence des programmes. C'est pourquoi la dispense exceptionnelle, qui était en vigueur pour le programme Avantage significatif francophone, sera éliminée ou a été éliminée à compter du 30 septembre. En 2013, le nombre de francophones qui sont venus au Canada en se prévalant de ce programme correspondait à moins de 1 p. 100 du nombre total de travailleurs étrangers au Canada. Ainsi, le gouvernement continuera, évidemment, à promouvoir l'immigration francophone au moyen de ce programme et de ses programmes d'immigration permanents. Certaines demandes d'immigration seront traitées en six mois ou moins dans le cadre du système d'Entrée Express.

Comme vous le savez également, dans le cadre de la Feuille de route pour les langues officielles du Canada 2013-2018, laquelle vise les domaines de l'éducation et de l'immigration et les communautés, Citoyenneté et Immigration Canada a investi 29,4 millions de dollars pour appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le gouvernement du Canada finance 13 réseaux en immigration francophone aux quatre coins du pays, sauf au Québec et au Nunavut. Ces réseaux mobilisent des intervenants clés afin de favoriser la collaboration dans le but d'accroître l'immigration francophone dans les communautés visées. Récemment, le ministre Alexander s'est engagé à tenir des consultations pour trouver des moyens d'attirer les francophones les plus talentueux et les plus brillants qui nous aideront à répondre à nos besoins en matière de main-d'œuvre.

La sénatrice Chaput : J'ai une question complémentaire. Puisque le ministre s'est engagé à consulter, monsieur le leader, est-ce que vous pourriez nous obtenir les renseignements pour que nous sachions quand auront lieu ces consultations et qui sera consulté dans les communautés à travers le Canada? Est-ce que vous pourriez me revenir, s'il vous plaît, avec la réponse?

Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, le ministre est en consultation constante avec les gens des domaines de la citoyenneté et de l'immigration, y compris les gens qui œuvrent dans le domaine de l'immigration francophone, et il continuera d'être en contact avec eux. En ce qui concerne l'existence de méthodes ou d'éléments de processus plus particuliers que ceux que je viens d'évoquer, je vais vérifier et vous revenir avec une réponse.

La sénatrice Chaput : Monsieur le leader, si, en effet, le ministre est en consultation constante avec les communautés et avec les groupes qui s'occupent de l'immigration, est-ce que cette consultation constante inclut des discussions sur la façon dont les programmes du ministère et ses décisions peuvent être prises sans tenir compte des réalités particulières des communautés de langue officielle en milieu minoritaire?

Je ne comprends pas, s'il y a consultation constante et s'il y a des discussions, comment il se fait que certains programmes soient annulés, alors que ces programmes contribuaient aux réalités particulières des communautés. Or, en les annulant, on ne contribue plus aux besoins particuliers et on ne respecte pas la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Pouvez-vous m'expliquer comment on peut être en consultation constante et, en même temps, ne pas recevoir le message de ces communautés qui disent qu'elles ont besoin de ces programmes pour continuer à se développer et à trouver des immigrants francophones?

Le sénateur Carignan : En 2013, le nombre de francophones sont venus au Canada grâce à ce programme correspondait à moins de 1 p. 100 du nombre total de travailleurs étrangers au Canada. Le gouvernement continue, et va continuer, à promouvoir l'immigration au moyen de ses programmes d'immigration permanents en ce qui concerne la situation des immigrants francophones. Il va continuer de le faire, entre autres, dans le cadre du système Entrée Express qui, je pense, est un moyen approprié pour promouvoir l'immigration francophone.

La sénatrice Chaput : Si le nombre d'immigrants francophones a diminué en 2013, est-ce que l'une des raisons ne serait pas que, justement, le programme Destination Canada a été annulé et que, en 2012, les communautés francophones n'ont pas pu y participer pour aider le gouvernement à faire du recrutement dans les pays francophones?

Le sénateur Carignan : Je n'ai pas dit que l'immigration francophone avait diminué. J'ai dit que le programme auquel vous avez fait référence correspondait à moins de 1 p. 100 du nombre total de travailleurs étrangers au Canada et que nous allions continuer, grâce à la feuille de route, d'investir pour appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire, notamment en investissant un montant de 29,4 millions de dollars provenant de Citoyenneté et Immigration Canada.

La sénatrice Chaput : Nous reconnaissons, monsieur le leader, les sommes liées à la feuille de route et les sommes dépensées par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Notre préoccupation est que ces sommes doivent être très bien dépensées en fonction des besoins particuliers pour qu'elles aient l'impact que vous voulez obtenir et que nous voulons aussi obtenir. C'est la raison pour laquelle je vous ai posé ces questions aujourd'hui, et j'espère que vous pourrez vous informer et me présenter les réponses à ces questions.

Le sénateur Carignan : Je crois, sénatrice, que nous partageons les mêmes objectifs selon lesquels nous voulons nous assurer qu'il y ait une immigration francophone.

(1400)

D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle le gouvernement finance 13 réseaux en immigration francophone aux quatre coins du pays et c'est pourquoi le ministre Alexander s'est engagé à tenir des consultations afin de trouver des moyens pour attirer des francophones talentueux et brillants qui répondront à nos besoins en matière de main-d'œuvre.

La sénatrice Chaput : Nous partageons sûrement le même objectif. Cependant, lorsque vous dites que le ministre est en communication constante avec les intervenants et qu'il fait de la consultation de manière précise, pouvez-vous m'assurer que les 13 réseaux qui s'occupent d'immigration francophone à travers le pays sont consultés en bonne et due forme et qu'on entend le message qu'ils véhiculent?

Le sénateur Carignan : Je n'entends pas recommencer à préciser l'ensemble des personnes qui sont consultées ni le nombre de fois ou la base sur laquelle elles sont consultées. Je vous dis que le gouvernement est à l'écoute des Canadiens, à l'écoute de leurs besoins, à tel point qu'il a investi, notamment dans le cadre de la feuille de route, parmi les sommes les plus importantes jamais investies dans l'histoire du pays en matière d'immigration francophone et de développement des communautés francophones en situation minoritaire, et qu'il va continuer de le faire.

L'honorable Jean-Claude Rivest : J'aimerais ajouter une remarque relativement à cette question. Le gouvernement canadien ne pourrait-il pas s'inspirer du programme particulier dont bénéficie le gouvernement du Québec? Sa performance en ce qui a trait à l'attraction d'immigrants francophones est vitale pour la société québécoise, très dynamique et productive. Pourquoi l'ensemble des programmes qu'évoque le leader du gouvernement au Sénat en ce qui a trait à la francophonie canadienne ne pourrait-il pas être inspiré de ce modèle en ce qui concerne la prospection, la qualification, le mérite et l'accueil des immigrants francophones? Le ministre et le gouvernement devraient l'affirmer haut et fort — et ce sont les préoccupations de notre collègue et de nous tous, en cette Chambre —, l'immigration francophone est vitale pour la survie de la francophonie canadienne, comme c'est le cas également au Québec. Il me semble que l'on devrait injecter plus de dynamisme et de créativité plutôt que de continuer, bon an mal an, avec les programmes actuels. Nous avons besoin d'un virage, et la situation appelle un sérieux coup de barre. Le leader du gouvernement au Sénat en est certainement conscient, et j'aimerais lui demander de sensibiliser les autorités gouvernementales aux préoccupations évoquées par les représentants de la francophonie canadienne à cet égard.

Le sénateur Carignan : Je peux toujours les sensibiliser, mais je suis déjà en mesure de vous assurer qu'ils sont sensibilisés par l'état de l'immigration francophone, particulièrement pour les communautés en situation minoritaire. C'est la raison pour laquelle des sommes importantes sont investies pour appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le gouvernement finance 13 réseaux en immigration francophone aux quatre coins du pays pour favoriser la vitalité de l'immigration francophone.

L'industrie

La vente des journaux anglophones de Sun Media à Postmedia

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Nous apprenions récemment que la compagnie Québecor a vendu ses médias anglophones regroupés sous l'appellation Sun Media à Postmedia Network Canada. Le Globe and Mail — ce mal-aimé de l'autre côté de la Chambre — confirmait que cette vente a été financée en majorité par des investisseurs américains, notamment un fonds baptisé Golden Tree, basé à New York, qui dispose de 21 milliards d'actifs.

Ma question a deux volets. Comment le gouvernement entend-il s'assurer, d'une part, que la concentration de la propriété des médias anglophones ne nuise pas à l'intérêt public et, d'autre part, que ces mêmes médias — on parle de plus de 150 médias — ne tombent pas sous l'influence d'intérêts étrangers, ce qui ne serait certainement pas dans l'intérêt des Canadiens?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie de votre question. Habituellement, nous ne faisons pas de commentaires en ce qui a trait aux décisions des entreprises privées, mais nous croyons comprendre que le Bureau de la concurrence examinera cette transaction, et nous attendrons de connaître le résultat de ce processus indépendant. En ce qui a trait à un examen en vertu de la loi sur l'investissement étranger, les compagnies ont 30 jours pour déposer une demande. On déterminera, à ce moment-là, si la transaction proposée est assujettie à la loi, après que la transaction aura fait l'objet d'un examen en bonne et due forme.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne suis pas très rassurée par votre réponse, car je connais très peu de pays où la propriété d'une grande majorité des médias appartient à un autre pays. Nous devrions être fort préoccupés non seulement en ce qui concerne la concentration des médias, mais aussi par le fait qu'il s'agisse d'un deuxième achat d'actions ou d'un investissement de la part de ce groupe de New York.

De plus, il y a un pendant à cette transaction, car nous savons que le principal actionnaire de Québecor est le nouveau député séparatiste Pierre Karl Péladeau, qui fait l'objet d'une motion devant l'Assemblée nationale qui réclame qu'il se départisse de son contrôle majoritaire de Québecor, ce qu'il ne veut pas faire. Pour mes collègues qui ne sont pas du Québec, pendant la campagne électorale provinciale, Pierre Karl Péladeau a affirmé que son adhésion au Parti québécois traduisait ses valeurs les plus profondes et les plus intimes, c'est-à-dire de faire du Québec un pays. Or, si on en croit les analystes, le premier ministre Stephen Harper serait sur le point de vendre du spectre sans fil à Québecor. Imaginez une compagnie de télécommunications dans tout le Canada anglais détenue et contrôlée par quelqu'un dont l'objectif est la séparation du Canada et qui vise la direction du Parti québécois!

Étant donné que les Américains pourraient exercer une influence significative sur la presse écrite canadienne, pensez-vous que le premier ministre peut continuer sur cette lancée — de même que le CRTC — et permettre qu'un homme dont l'objectif est de diviser le Canada devienne l'un des concurrents de grandes compagnies canadiennes comme Bell, Telus et Rogers?

Le sénateur Mockler : Il y avait l'Association du Bloc québécois aussi.

Le sénateur Carignan : J'ai de la difficulté à vous suivre. J'ai cru que votre question touchait le gouvernement du Québec, ce qui aurait plutôt impliqué l'Assemblée nationale, et maintenant, vous affirmez qu'un séparatiste ne peut posséder une entreprise au Canada. Je ne sais pas si vous mesurez l'ampleur de votre déclaration, mais, ceci dit, en ce qui a trait à l'application de la Loi sur Investissement Canada, si cette loi s'applique, on déterminera si la transaction proposée y est assujettie en bonne et due forme et elle fera l'objet d'un examen.

La sénatrice Hervieux-Payette : Je crois qu'on ne s'est pas bien compris. Vous savez, comme moi, qu'il y a des audiences qui se tiennent, il y a des directives qui se donnent. Récemment, le premier ministre est intervenu dans des dossiers avant même que le CRTC ait complété ses audiences. Il y a une discrétion lorsqu'il s'agit des médias. Je vous demande si vous croyez que le gouvernement devrait autoriser une entreprise, dont le dirigeant a pour but la séparation du Canada, à acquérir tout un réseau de télécommunications pancanadien. Il ne s'agit pas d'investissements étrangers. J'espère que vous me comprenez bien. Il s'agit de donner le contrôle de tout un réseau canadien à des gens qui veulent la séparation du Canada.

Le sénateur Carignan : Écoutez, il a déjà le contrôle. J'ai de la difficulté à vous suivre. Il ne faudrait pas que ce soit un Américain, il ne faudrait pas que ce soit un séparatiste, et cetera.

(1410)

J'ai de la difficulté à vous suivre. Que voulez-vous faire avec la compagnie? De toute façon, cette question déborde des affaires du gouvernement. Comme je l'ai dit, en ce qui a trait à l'application stricte de la Loi sur Investissement Canada, nous examinerons la transaction comme il se doit.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, les autorités en matière de concurrence se pencheront, je présume, sur la transaction Sun Media-Postmedia, mais il y a un énorme problème. Elles ne s'intéressent qu'aux répercussions que peuvent avoir les fusions entre médias sur les marchés de la publicité. Elles ne tiennent pas compte des conséquences de ces fusions sur les nouvelles. Or, si les médias d'information sont importants, ce n'est pas à cause de leurs ventes de publicité, mais parce qu'ils sont le principal véhicule de la diversité des voix et des opinions, principe sur lequel repose la démocratie.

Le sénateur Tkachuk : Il faudrait peut-être alors vendre le Globe and Mail.

La sénatrice Fraser : Je suis contente que les gens s'intéressent à ce sujet. Le gouvernement s'engagera-t-il à modifier la loi et, dans l'intervalle, à ordonner aux autorités compétentes de tenir compte, au moment de juger ces transactions, de l'intérêt public et du principe démocratique de la diversité des voix?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, on déterminera si la transaction est assujettie à la Loi sur Investissement Canada, auquel cas elle fera l'objet d'un examen aux termes de cette loi.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Je considère donc que la réponse est non. C'est très inquiétant.

Encore aujourd'hui, les journaux sont la principale source de nouvelles dans notre démocratie, et ce, même si plusieurs d'entre eux sont en situation précaire. Même après les milliers de mises à pied, c'est encore pour les journaux que la plupart des journalistes travaillent. La presse écrite est encore un élément vital de notre société.

Les gens disent qu'Internet remplace les journaux. En fait, Internet s'est très efficacement emparé d'une bonne part du marché publicitaire, mais il ne réussit pas aussi efficacement à produire des nouvelles. Prenons l'exemple des agrégateurs de nouvelles. Ils tirent habituellement leur matériel des journaux.

Je pose de nouveau ma question : que fera le gouvernement? S'il n'est pas disposé à revoir la Loi sur la concurrence, examinera-t-il à tout le moins la Loi sur la radiodiffusion, agira-t-il comme il l'a fait dans d'autres dossiers, comme ma collègue l'a signalé, et interviendra-t-il avant que le CRTC ne définisse des principes directeurs? Malheureusement, l'influence du CRTC sur les médias imprimés est minime et je vous demande de nouveau, malgré votre réponse évasive à ma dernière question, si vous accepterez de revoir la Loi sur la concurrence.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous ne faisons pas de commentaires sur les transactions entre les entreprises privées. En ce qui a trait au Bureau de la concurrence, celui-ci examinera cette transaction. Nous attendrons de connaître le résultat de ce processus, qui est un processus indépendant, comme vous le savez. En vertu de la Loi sur Investissement Canada, en ce qui concerne l'achat d'un fonds spéculatif américain, les compagnies ont 30 jours pour déposer une demande. Si elles pensent que la Loi sur Investissement Canada s'applique, on déterminera si la transaction proposée est assujettie à la loi, et ce, après que la transaction aura fait l'objet d'un examen.

[Traduction]

Les pêches et les océans

Les travaux du comité

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, ma question concerne le travail très important réalisé par nos comités au Sénat. Elle s'adresse bien sûr au président d'un comité. En fait, je voudrais poser deux questions aujourd'hui, l'une au président du Comité des pêches, et l'autre au président du Comité de l'énergie. Je ne pense pas que nous aurons le temps de répondre aux deux questions, alors je vais au moins en poser une au président du Comité des pêches.

Je commencerai par dire que j'ai assisté hier à une réunion très intéressante de ce comité, présidée de façon fort compétente par la sénatrice Stewart Olsen. La sénatrice Nancy Ruth, qui représente la région de la baie Georgienne, où la pollution est un grave problème, assistait elle aussi à la réunion.

Les audiences concernaient une enquête que le Comité sénatorial des pêches mène depuis longtemps sur l'aquaculture. Les membres du comité ont parcouru tout le pays et sont allés ailleurs dans le monde, dans le cadre de cette enquête.

Je veux poser au président du Comité des pêches une question sur les activités du comité, dans le cadre de cette entreprise fort importante. Peut-il dire au Sénat où en est ce travail très important?

Des voix : Bravo!

L'honorable Fabian Manning : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. En guise d'introduction, j'aimerais dire combien cette expérience m'apparaît surréaliste. À l'automne 1974, je regardais avec grand intérêt le sénateur d'en face débattre à la Chambre des communes. À l'époque, CBC était la seule chaîne de télévision chez nous, à St. Bride's, un petit village de pêcheurs de Terre-Neuve. J'avais alors 10 ans. Je m'intéressais déjà à la politique et voilà qu'aujourd'hui, 40 ans plus tard, il me pose une question au Sénat du Canada. Beaucoup d'eau a passé sous les ponts, mais mon souhait s'est enfin réalisé.

J'aimerais reprendre un dicton terre-neuvien. Depuis 40 ans, le sénateur Baker s'est bâti une réputation de non-conformiste à Terre-Neuve et est devenu un véritable doyen du Parlement, ici, à Ottawa. Si vous le laissez faire, il tentera de vous convaincre qu'il a chassé lui-même, tout seul, les chalutiers-usines congélateurs des Grands Bancs de Terre-Neuve. Honorables sénateurs, nous connaissons tous le fameux dicton terre-neuvien selon lequel chacun peut être une légende dans sa tête. Ça marche à merveille. Toutefois, il a certainement contribué à attirer l'attention sur ce sérieux problème.

Pour en revenir à la question, le Comité des pêches a entrepris une étude très rigoureuse de l'aquaculture au Canada, une industrie qui, selon nous, renferme beaucoup de potentiel, mais qui est sous-exploitée à bien des endroits. C'est le cas dans toutes les provinces canadiennes. Notre étude est entamée et nous avons entendu les premiers témoins en février. Le comité a reçu des témoins de partout au pays. En mars, nous avons eu l'occasion d'aller en Colombie-Britannique pour visiter des exploitations d'aquaculture sur la côte Ouest du Canada. En mai, nous nous sommes rendus à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse pour y observer les activités de l'industrie et constater le potentiel qu'elle renferme dans cette région du pays.

Il y a quelques semaines à peine, au début de septembre, les membres du comité sont allés en Norvège et en Écosse, et nous savons tous ce qui est arrivé là-bas à la sénatrice Hubley. Je lui ai parlé hier, et je voulais, au nom de tous les membres du comité, lui souhaiter un prompt rétablissement. Nous avons hâte qu'elle soit de retour parmi nous, au Sénat. Elle apporte beaucoup à notre comité sénatorial. Nous sommes actuellement en train d'organiser un voyage à l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et au Québec pour le mois de novembre.

Comme je l'ai dit, nous croyons que l'aquaculture renferme un grand potentiel pour le Canada. Nous avons reçu des mémoires de presque tous les gouvernements provinciaux du pays, ainsi que d'intervenants de l'industrie de l'aquaculture. Nous avons eu l'occasion de visiter un grand nombre des sites aquacoles, de constater leur potentiel et d'observer personnellement les activités qui s'y déroulent. Je parle constamment de « potentiel », parce que je crois que nous explorons à peine les possibilités de l'aquaculture au Canada. Le comité espère formuler des recommandations qui permettront de renforcer cette industrie dans notre pays.

Par exemple, malgré la grande importance de l'aquaculture au Canada, il n'y a pas de loi consacrée à ce secteur d'activité, ce qu'un grand nombre de membres de l'industrie nous font remarquer lors de nos discussions avec eux. Actuellement, avec les règles provinciales, territoriales et fédérales, si vous voulez vous lancer en affaires dans l'industrie de l'aquaculture au Canada, vous devrez vous conformer à plus de 70 règles et règlements. C'est excessivement déroutant. Nous croyons que ce fardeau réglementaire est un frein à la prospérité future de l'industrie de l'aquaculture.

Comme je l'ai dit, beaucoup d'organismes, partout au pays, nous ont envoyé des mémoires et nous continuerons d'en recevoir. Si tout va bien — et on ne sait jamais — nous espérons pouvoir présenter le rapport au Sénat d'ici le 30 juin de l'année prochaine.

J'aimerais profiter de cette occasion pour remercier tous les membres du Comité des pêches de leur temps et de leurs efforts, parce que les membres siègent à plusieurs comités. Nous espérons formuler des recommandations qui amélioreront les emplois dans l'industrie de l'aquaculture au Canada et y multiplieront les occasions d'emploi.

Merci beaucoup.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Cowan : Ça, c'était une réponse! Il suffit d'essayer.


(1420)

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d'amendement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénateur Dagenais, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-10, Loi modifiant le Code criminel (contrebande de tabac);

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Cordy, appuyée par l'honorable sénateur Campbell, que le projet de loi C-10 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à la page 2 :

a) par substitution, à la ligne 37, de ce qui suit :

« 4. (1) La présente loi entre en vigueur à la »;

b) par adjonction, après la ligne 38, de ce qui suit :

« (2) Le décret prévu au paragraphe (1) ne peut être pris que si le gouvernement du Canada a consulté des représentants des peuples autochtones du Canada et qu'il a tenu compte de leurs positions à l'égard du commerce du tabac et de la mise en œuvre de la présente loi. ».

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

(La motion d'amendement est rejetée avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Le vote porte sur la motion principale.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)

[Français]

La Loi sur l'indemnisation de l'industrie aérienne

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Housakos, appuyé par l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-3, Loi édictant la Loi sur l'indemnisation de l'industrie aérienne et modifiant la Loi sur l'aéronautique, la Loi maritime du Canada, la Loi sur la responsabilité en matière maritime, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, c'est un honneur de prendre la parole sur ce projet de loi, dont le titre abrégé est « Loi visant la protection des mers et ciel canadiens ».

Ce projet de loi comporte plusieurs aspects positifs. Toutefois, je dois dire qu'il comporte également plusieurs aspects négatifs. Je ne parlerai pas en détail du projet de loi. Notre collègue, le sénateur Housakos, l'a bien expliqué, de même que ses détails. Il a décrit chaque point important. Il n'a toutefois pas expliqué ses aspects négatifs.

Le projet de loi comporte plusieurs aspects positifs, et je commencerai avec ceux-ci.

[Traduction]

Le projet de loi contient de bonnes dispositions et de moins bonnes. Il soulève certaines questions. Son principal problème, c'est que sa portée n'est pas très vaste.

[Français]

Il n'a pas une vaste portée et n'aura pas un impact très grand.

[Traduction]

Il est exagéré d'appeler cela un projet de loi visant la protection des mers et ciel canadiens. Le projet de loi ne mérite pas une appellation aussi ambitieuse, et il ne propose pas grand-chose pour atteindre cet objectif. Cependant, il est utile dans la mesure où il remédie à certains problèmes de sécurité maritime et aérienne.

Je vais donc dire ce qu'il y a d'utile dans ce projet de loi.

Il permet de clarifier et de mettre en œuvre des dispositions sur le financement qui ont été mises en place aux termes de certaines conventions internationales afin de composer avec les dommages que peuvent causer les déversements de pétrole et de produits toxiques et nocifs qui sont transportés par voie maritime. Il établit les modalités qui seront suivies par les entreprises et le gouvernement pour cotiser à un fonds international. Il vise aussi à créer un fonds national qui servira de complément au fonds international. C'est une bonne chose.

Le projet de loi précise et élargit la portée des pouvoirs accordés aux forces militaires pour enquêter sur les accidents impliquant un aéronef ou une installation utilisée à des fins aéronautiques et mettant en cause non seulement l'armée, mais un civil. C'est une question qui a pris de plus en plus d'importance, car les militaires concluent de plus en plus de marchés avec des organisations civiles pour les aider à faire leur travail. Cela posait certaines difficultés lorsqu'une autorité militaire devait enquêter sur un accident impliquant des civils. Il est donc bon que cet aspect soit clarifié.

De plus, le projet de loi établit officiellement un processus qui était déjà mis en œuvre de manière non officielle, c'est-à-dire l'indemnisation des transporteurs aériens par le gouvernement pour ce qu'on appelle les « risques de guerre », ce que les assureurs ne couvraient pas. Depuis les attentats du 11 septembre, on peut s'imaginer à quel point cela pouvait devenir un problème pour les assureurs. C'est donc une bonne chose.

Je signale que cette disposition découle d'une recommandation formulée dans le rapport intitulé Transporter l'énergie en toute sécurité du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles — ce qui n'a rien d'inhabituel, bien entendu. Comme nous le savons tous ici — et si notre débat était télévisé, les gens de tout le pays le sauraient —, le gouvernement accepte bel et bien nos recommandations.

Il accepte cette recommandation — du moins il y donne suite — en ce sens qu'il accorde l'immunité aux organismes d'intervention, c'est-à-dire aux organisations équipées pour intervenir en cas de déversement de pétrole. Il est intéressant de constater qu'à l'heure actuelle les sociétés canadiennes et les organismes d'intervention canadiens bénéficient de l'immunité, ou sont indemnisés, s'ils interviennent lors d'un déversement de pétrole d'un navire. C'est tout à fait sensé : ils interviennent, prennent des risques et les choses pourraient mal tourner. Par contre, en leur absence, ce serait bien pire. Cette mesure existe donc depuis longtemps.

Cependant, les intervenants étrangers qui pourraient entrer dans nos eaux pour prêter main-forte à la suite d'un déversement ne seraient pas indemnisés et ne l'ont jamais été. Le Comité de l'énergie et de l'environnement a déterminé que cette situation est problématique, surtout plus au nord, vers l'Alaska, et plus au sud, vers les États-Unis, où il y a une grande intégration des deux pays et de leurs organismes d'intervention en cas de déversement de pétrole.

(1430)

Le projet de loi garantirait l'immunité aux organismes d'intervention étrangers.

Il y avait une autre lacune dans la loi, soit le fait que les organismes d'intervention, canadiens comme étrangers, n'avaient aucune immunité en cas de déversement dans une installation de chargement d'hydrocarbures. Le projet de loi garantit maintenant l'immunité aux organismes d'intervention canadiens et étrangers dans de telles circonstances. C'est une excellente modification que je trouve particulièrement éloquente et intéressante, car elle est proposée en réponse à une recommandation formulée par un de nos comités, le formidable Comité de l'énergie et de l'environnement du Sénat.

Le projet de loi renforce les sanctions pouvant être imposées aux sociétés qui ne respectent pas les règles régissant le transport de marchandises dangereuses de toutes sortes ou leurs obligations en matière de déclaration. Elles peuvent se voir imposer une amende de 1 million de dollars. Les peines de prison sont passées à 18 mois, alors qu'elles étaient auparavant d'un maximum d'un an. Les amendes imposées en cas d'infraction mineure sont passées à 100 000 $. Toutes ces dispositions sont utiles et elles renforceront l'autorité des inspecteurs en leur permettant d'imposer des sanctions ayant un impact.

Ces cinq ou six dispositions du projet de loi sont donc fort positives et préconisées.

Toutes les dispositions du projet de loi ne sont pas judicieuses, cependant, et certaines questions demeurent sans réponse.

Nous ne savons notamment pas si les processus d'inspection et de nettoyage seront financés adéquatement, et quand on sait à quel point le gouvernement aime sabrer dans ce genre de chose, la réponse est loin d'être évidente. Va-t-il y avoir assez d'inspecteurs, et vont-ils disposer des ressources nécessaires pour faire appliquer convenablement et adéquatement les dispositions qui sont censées assurer la protection des mers et ciel canadiens?

Le projet de loi ne prévoit aucune vérification de la culture de sécurité de ces industries. La vérification portant sur les navires eux-mêmes n'a pas la même importance, puisque les navires sont déjà inspectés de façon rigoureuse avant de pouvoir naviguer sur nos eaux et que cet aspect fait déjà l'objet d'un consensus et de mesures concertées sur la scène internationale. Par contre, dès qu'il est question de transport par train, ou par camion, l'expression « vérification de sécurité » est absente du processus gouvernemental, tout comme la vérification sur la culture de sécurité. Or, ce serait possible de faire ces vérifications dès maintenant : la technologie est là, et les connaissances aussi.

Même si cette étude donne suite à l'une de nos cinq recommandations sur la sûreté des pétroliers, elle ne dit rien sur les quatre autres, et je crois que c'est son plus gros défaut. Parmi les recommandations ignorées, il y a celle dont je viens de parler, sur la culture de la sécurité. Il n'est pas question non plus de bonifier et de moderniser la base de données afin qu'on y trouve des renseignements détaillés sur les déversements causés par des navires. C'était pourtant une des recommandations du Comité de l'énergie et de l'environnement.

Le projet de loi ne parle pas non plus — et c'est un aspect très important — de la capacité des équipes d'intervention en cas de déversement. À l'heure actuelle, au Canada, les organismes d'intervention en cas de déversement doivent pouvoir récupérer 10 000 tonnes de liquide déversé en 72 heures. Aux États-Unis, c'est 26 000 tonnes, et ce serait bien plus logique si le Canada adoptait la même norme. En fait, il serait plus que temps que nous abordions cette question, si nous voulons faire accepter à la population que des oléoducs puissent acheminer des produits jusqu'à la côte Ouest afin qu'ils soient expédiés vers de nouveaux marchés. S'il en était ainsi, ces projets seraient plus facilement justifiables aux yeux du public. Si la limite n'était pas de 10 000, mais bien de 26 000 tonnes, ce qui est d'ailleurs la nouvelle norme sur la scène internationale, ou en tout cas aux États-Unis, ce serait plus facile de rassurer les Canadiens — et les Américains par le fait même — et leur faire accepter l'oléoduc XL.

Le mandat de la Garde côtière canadienne suscite certaines réserves en ce qui concerne l'état de préparation et les capacités d'intervention en cas de déversement. La Garde côtière devrait périodiquement obtenir l'homologation de Transports Canada ou d'un autre organisme indépendant. Loin de moi l'idée de dénigrer la Garde côtière canadienne, qui offre d'excellents services aux Canadiens et même aux étrangers qui naviguent dans nos eaux, mais il n'en reste pas moins que nous n'avons pas l'assurance que son état de préparation fait l'objet d'un suivi adéquat et fréquent ni que l'organisme est tenu de renouveler régulièrement son homologation. Il s'agit là d'une autre de nos recommandations.

C'est une question controversée, ce qui explique peut-être que le gouvernement ne l'ait pas intégrée au projet de loi, mais elle n'en reste pas moins importante. Les répondants rapportent être souvent confrontés au même dilemme : incapables de contenir intégralement un déversement, ils voient la nappe dériver jusqu'à un endroit où elle peut causer de gros dommages — un rivage, un lieu de pêche, l'habitat d'une espèce d'oiseau quelconque, et cetera —, mais ils n'ont pas le droit d'utiliser d'agents dispersants, c'est-à-dire des solutions chimiques qui provoquent le fractionnement du pétrole pour accélérer son évaporation ou sa dispersion, ni de brûler la nappe. Nous avons recommandé d'étudier ce problème. Je ne m'attendrais pas nécessairement à ce qu'il en soit question dans le projet de loi, mais j'ose espérer que le gouvernement étudie la question.

Une telle intervention se répercute bien entendu sur l'environnement. Il s'agit après tout de brûler un hydrocarbure, ce qui génère des émissions. Cependant, dans l'ensemble, on peut raisonnablement considérer qu'il est justifié de recourir aux agents dispersants ou même de mettre le feu à une nappe de pétrole à la dérive et impossible à contenir qui risque incessamment de causer de graves dommages. Après tout, les intervenants et les répondants ne prennent pas une telle décision à la légère. Lorsqu'ils ont soulevé ce point au comité, ils étaient très, très sérieux. Ils comprennent les conséquences d'un tel geste et tout le reste. Ils savent qu'il s'agirait d'une mesure de dernier ressort.

L'autre grosse lacune du rapport est l'omission de la question du transport et de la sécurité ferroviaires. Il est question du transport maritime et du transport aérien, dans une certaine mesure, mais la question du transport terrestre n'est pas abordée.

Hier, un autre déraillement majeur accompagné d'un incendie a eu lieu en Saskatchewan. Souvenons-nous de la terrible tragédie de Lac-Mégantic. Il y a un besoin pressant. Il faut s'occuper de ce domaine plus rapidement qu'on ne le fait actuellement, je crois, et il aurait été rassurant que le projet de loi contienne au moins quelques dispositions à cet égard.

Dans le rapport de notre comité, nous avons formulé quelques recommandations concernant le transport ferroviaire. L'une d'entre elles concerne l'évaluation de la culture de la sécurité et les vérifications devant être faites à cet égard par l'Office des transports du Canada ou un autre organisme chargé des inspections garantissant la sécurité du transport ferroviaire.

Il est intéressant de constater que l'Office national de l'énergie nous a indiqué avoir commencé à envisager des vérifications de la culture de la sécurité. Il songe à appliquer de telles vérifications aux sociétés qui exploitent des oléoducs. Il serait très important, selon moi, que les sociétés ferroviaires adoptent la même approche. Je ne dis pas que les grandes sociétés ferroviaires ou même l'ensemble des sociétés ferroviaires ainsi que les exploitants d'oléoduc ne s'occupent pas sérieusement de la sécurité et qu'ils ne s'en soucient pas. Au contraire, ils parlent souvent de sécurité, mais notre étude nous a appris que la culture de la sécurité est très subtile. Il ne s'agit pas simplement de compter les accidents qui ont failli se produire et ceux qui se sont produits réellement, comme l'a dit un excellent témoin, qui est professeur à l'Université St. Mary's, en Nouvelle-Écosse. C'est beaucoup plus subtil. Il est beaucoup plus difficile d'enraciner solidement une culture de la sécurité dans les mœurs d'une entreprise. Or, s'il y a des entreprises qui en auraient besoin, ce sont bien les sociétés d'oléoduc et les sociétés ferroviaires.

C'est un problème qui exige notre attention, et il aurait été opportun d'inclure des mesures à cet égard dans le projet de loi.

(1440)

Nous aimerions aussi que le gouvernement fédéral prenne l'initiative de mener une révision majeure et indépendante du régime de sécurité, des normes et des pratiques du secteur ferroviaire canadien afin d'améliorer sensiblement la sécurité du transport ferroviaire de matières dangereuses au Canada. Je répète ainsi mon argument, tout simplement.

Nous aimerions que des mesures concrètes, précises et très énergiques soient prises pour moderniser les wagons. Je sais qu'une annonce a été faite, mais j'estime qu'il faut en faire plus pour interdire l'utilisation des anciens wagons qui ne respectent tout simplement pas les normes de sécurité modernes.

En outre, il semble qu'une série de recommandations du rapport de la commissaire à l'environnement et au développement durable portant sur le transport ferroviaire de marchandises dangereuses n'a pas été mise en œuvre. On se serait attendu à ce que ce soit déjà fait parce que ces recommandations ont été formulées il y a déjà plusieurs années, et elles auraient pu être ajoutées à la mesure législative dont nous sommes saisis.

Nous aimerions que des limites minimales de responsabilité soient instaurées pour les compagnies de transport. Je crois d'ailleurs que des gens se penchent actuellement sur la question.

Quoi qu'il en soit, il s'agissait là des réserves que je tenais à vous exposer. Le problème n'est pas ce que le projet de loi prévoit, mais plutôt ce qui ne s'y trouve pas.

Je tiens à souligner un détail qui n'en est peut-être pas un. Le projet de loi modifie aussi des dispositions d'autres lois; il regroupera certaines dispositions sur les agents chargés de la prévention de la pollution et les agents d'intervention environnementale. En gros, le terme « agents chargés de la prévention de la pollution » sera éliminé, et il ne restera que le terme « agents d'intervention environnementale ».

Peut-être s'agit-il d'un changement mineur, qui permettra d'accroître l'efficience. Je crains toutefois qu'il ait des conséquences plus importantes, étant donné le peu de cas que le gouvernement actuel fait de la protection de l'environnement. Je crains que l'élimination du terme « agent chargé de la prévention de la pollution » soit le signe d'une certaine orientation, selon laquelle la prévention de la pollution se voit accorder moins d'importance qu'elle en mériterait dans le contexte du transport des matières dangereuses.

Tout bien considéré, je serais prêt à appuyer le principe de ce projet de loi dans sa forme actuelle. Je déplore toutefois qu'il n'ait pas davantage de substance, une portée plus vaste et des retombées plus importantes. Merci.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Plett, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des transports et des communications.)

La Loi sur le droit d'auteur
La Loi sur les marques de commerce

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable David Tkachuk propose que le projet de loi C-8, Loi modifiant la Loi sur le droit d'auteur, la Loi sur les marques de commerce et d'autres lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-8, Loi visant à combattre la contrefaçon de produits.

Je tiens tout d'abord à remercier les députés de l'autre endroit qui ont examiné cette mesure. Bien que des amendements importants aient été apportés à l'étape de l'examen en comité, le projet de loi demeure bien équilibré, une qualité qui lui a valu le soutien de tous les partis à l'étape du rapport.

Avant d'examiner le détail du projet de loi C-8, il convient de rappeler les mesures importantes que le gouvernement a déjà prises pour protéger les consommateurs canadiens en modernisant les lois canadiennes qui régissent la propriété intellectuelle. En 2007, le gouvernement a adopté une loi contre le piratage au moyen d'un caméscope, laquelle a modifié le Code criminel afin d'interdire l'enregistrement d'une œuvre cinématographique dans un cinéma sans le consentement du propriétaire. Grâce à cette loi, l'industrie du film a constaté une nette réduction de l'enregistrement de films dans les cinémas canadiens.

En 2012, les dispositions législatives canadiennes sur le droit d'auteur, lesquelles existaient de longue date, ont été mises à jour et, grâce à la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, la nouvelle Loi sur le droit d'auteur permet maintenant de protéger les actes légitimes et courants posés par les consommateurs canadiens. Les Canadiens n'ont plus à s'inquiéter de la légalité de gestes comme l'enregistrement d'émissions de télévision pour écoute différée sur leur enregistreur personnel de vidéo, le transfert de musique à partir de leur collection de CD sur leur lecteur MP3, ou le remixage de musique ou de vidéos à des fins non commerciales et en vue de leur partage sur les médias sociaux.

En adoptant la Loi sur la modernisation du droit d'auteur, le gouvernement a tenu compte des préoccupations des consommateurs canadiens et leur a proposé des mesures de protection légitime à l'égard des actes qu'ils posent, tout en étendant les mesures de protection aux artistes créateurs qui travaillent à l'ère numérique. Le Canada dispose désormais d'un régime moderne relatif au droit d'auteur, qui jouera un rôle essentiel au chapitre de la protection et de la création d'emplois dans l'économie numérique de notre pays.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-8, Loi visant à combattre la contrefaçon de produits, est la prochaine étape du plan du gouvernement en vue de moderniser les lois régissant la propriété intellectuelle, et il contribuera à adapter le système canadien d'enregistrement des marques de commerce aux réalités du XXIe siècle, ce qui se fait attendre depuis trop longtemps.

Ne sous-estimons pas l'importance de sévir contre les activités de contrefaçon. La GRC a mené sa propre étude sur les crimes liés à la propriété intellectuelle et en a publié le rapport l'an dernier. Plus de 200 cas de produits contrefaits dangereux ont fait l'objet d'une enquête en 2012, notamment des jouets, des produits pharmaceutiques, des parfums, des circuits intégrés, du maquillage, des écouteurs, des roulements de roue, des téléphones cellulaires et des piles, pour n'en nommer que quelques-uns.

De tous les produits contrefaits relevés, ceux qui sont dangereux ont augmenté de façon significative, passant de 11,5 p. 100 en 2005 à 30,4 p. 100 en 2012. Il est également intéressant de noter que la valeur totale au détail des produits contrefaits ou piratés saisis a augmenté, passant de plus de 24 millions de dollars en 2010 à 38 millions de dollars en 2012.

Comme on le voit, il s'agit d'une somme d'argent considérable, et beaucoup de Canadiens sont ainsi privés d'emploi. Les produits illicites nuisent également à la réputation d'entreprises qui se targuent de fabriquer des produits d'une qualité bien supérieure aux produits contrefaits.

Il s'agit là d'une question importante. On ne peut bâtir une entreprise prospère qu'en déployant de grands efforts et en étant disposé à prendre des risques. Il n'y a aucune garantie. Lorsqu'une entreprise connaît du succès, dans la mesure où elle devient une marque connue à l'échelle nationale, voire à l'échelle internationale, celle-ci mérite d'être protégée. Des criminels sans scrupules qui cherchent à tirer profit du dur labeur d'autrui en fabriquant et livrant des produits inférieurs aux consommateurs réduisent à néant le dur labeur des entreprises légitimes. Ils mettent en péril non seulement le gagne-pain de ceux qui ont travaillé d'arrache-pied pour faire prospérer leur entreprise, mais aussi leur réputation en offrant à l'insu des consommateurs des produits inférieurs.

Le problème des produits contrefaits et piratés est un problème mondial. Les partenaires commerciaux du Canada l'ont confirmé. L'agence américaine des douanes et de la protection des frontières signale, par exemple, qu'elle a effectué près de 23 000 saisies de produits contrefaits et piratés en 2012. Cela représentait une valeur au détail de 1,2 milliard de dollars, soit une valeur moyenne de 10 450 $ par saisie, et a donné lieu à 691 arrestations, 423 mises en accusation et 334 poursuites.

L'Union européenne a indiqué que, en 2013, les autorités frontalières ont retenu plus de 86 000 chargements contenant près de 36 millions d'articles. Cela représente une valeur au détail de 770 millions d'euros. Nous devons également tenir compte des constatations du groupe chargé de la lutte contre les crimes en matière de propriété intellectuelle au Royaume-Uni. Son rapport annuel comprenait une étude menée par l'institut des affaires économiques, selon lequel l'alcool contrefait à lui seul coûtait au Trésor public du Royaume-Uni environ 1,2 milliard de dollars par année.

Le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie du Japon a constaté que, en 2012, 23,4 p 100 des entreprises ont subi des pertes découlant de la contrefaçon. Il s'agit d'une augmentation de 1,5 p. 100 par rapport à l'année précédente.

Honorables sénateurs, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Des mesures doivent être prises pour contrer le commerce mondial de produits contrefaits et piratés. Le projet de loi C-8 est la réponse du gouvernement à cette menace mondiale.

(1450)

Le projet de loi C-8 prévoit des mesures coercitives dans trois grands domaines : des mesures frontalières, civiles et pénales. Permettez-moi de décrire brièvement ces nouvelles mesures.

Le but principal de ce projet de loi est de mettre en place un nouveau régime frontalier qui permettra au Canada de mieux jouer son rôle dans la lutte mondiale contre la contrefaçon et la piraterie. Nous savons qu'il y a des produits contrefaits dans les circuits commerciaux internationaux. Il est donc essentiel de les intercepter à la frontière lorsqu'ils sont importés au Canada ou exportés du Canada si nous voulons protéger les familles et les consommateurs de ces produits potentiellement dangereux.

Grâce à ce projet de loi, les agents des services frontaliers auront maintenant le pouvoir de retenir des cargaisons commerciales soupçonnées de contenir des produits contrefaits. En outre, les titulaires de droits pourront faire une demande d'aide à l'Agence des services frontaliers du Canada pour que les cargaisons commerciales contenant des produits contrefaits puissent être retenues et que les propriétaires de la marque de commerce puissent exercer un recours civil.

Les demandes d'aide pourraient s'appliquer tant à des produits qui entrent au Canada qu'à des produits qui sont sur le point d'en sortir pour être livrés sur un marché étranger. Cela tient compte non seulement du fait que nous devons empêcher des produits d'entrer sur notre marché, mais aussi du fait que le Canada ne doit pas être considéré comme un lieu d'approvisionnement en produits contrefaits.

Chers collègues, ce projet de loi contient de nombreuses mesures importantes pour combattre la contrefaçon. En fait, les principaux intéressés font pression depuis un bon moment pour que ces mesures soient prises. Canada Goose, fabricant bien connu de vêtements d'hiver, a déclaré ceci :

Les Canadiens sont depuis longtemps victimes du commerce de produits contrefaits et les nouvelles mesures [...] devraient être avantageuses pour les consommateurs, les entreprises et les détaillants [...] Les mesures visant à renforcer les frontières joueront un rôle capital en ce qu'elles protégeront des emplois chez les manufacturiers canadiens ainsi que les consommateurs peu méfiants [...] de personnes mal intentionnées.

Le Réseau anti-contrefaçon canadien s'est dit :

[...] ravi que ce projet de loi soit actuellement à l'étude. [...] La contrefaçon est devenue une activité criminelle qui en favorise d'autres, du crime organisé au terrorisme. [...] Avec ce nouveau projet de loi, [cela] va changer peu à peu.

Pour sa part, l'Association canadienne du logiciel de divertissement a déclaré ceci :

Fournir aux agents des services frontaliers les outils nécessaires pour saisir les produits de contrefaçon et d'autres marchandises illégales comme les dispositifs de contournement va contribuer à régler ce problème persistant. Il est essentiel pour l'économie canadienne de protéger la propriété intellectuelle [...]

Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis prévoit d'importantes exceptions qui permettront de trouver le juste équilibre entre les droits des propriétaires de marques de commerce et des titulaires de droits d'auteur, et la nécessité de maintenir des échanges commerciaux transfrontaliers efficaces.

Je parlerai d'abord des marchandises en transit ou des marchandises qui passent par le Canada avant d'être envoyées dans un autre pays. Ces produits n'entrent jamais dans le marché canadien, mais passent par les ports et les postes frontaliers canadiens. Les règles prévues dans le projet de loi C-8 ne s'y appliquent pas. Honorables sénateurs, cela ne veut pas dire que ces marchandises, qui pourraient être dangereuses pour la santé ou pour la sécurité, traverseront la frontière canadienne sans être inspectées. En fait, nous disposons déjà de textes législatifs, comme la Loi sur les douanes, la Loi sur les aliments et drogues, la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation et la Loi sur le transport des marchandises dangereuses, en vertu desquels les garde-frontières, la GRC, Santé Canada et Transports Canada peuvent intervenir. Le Canada continuera d'inspecter à la frontière les marchandises qui pourraient présenter un danger pour la santé ou la sécurité, peu importe leur destination.

L'exception portant sur les marchandises en transit fera en sorte que nous ne chercherons pas, parmi les marchandises en transit destinées à d'autres pays, celles qui portent atteinte aux droits de propriété intellectuelle, comme les fausses chaussures Nike ou les faux bâtons de golf Callaway. Par contre, nous continuerons de collaborer avec d'autres pays, dont les États-Unis, et d'échanger avec eux des renseignements sur les cargaisons suspectes et les produits contrefaits dangereux.

Ensuite, le projet de loi comporte une importante exception pour les particuliers qui traversent la frontière avec des produits contrefaits. Puisque les envois commerciaux sont la véritable cible du gouvernement, les produits contrefaits destinés à un usage personnel qui seront trouvés dans les bagages d'un voyageur ne seront pas assujettis aux règles prévues dans le projet de loi C-8.

Le système frontalier proposé dans le projet de loi est assorti de nouvelles dispositions civiles qui ciblent les pratiques de contrefaçon nouvelles et actuelles. Par exemple, on ajoutera à la Loi sur les marques de commerce des causes d'action qui permettront, notamment, de s'attaquer aux personnes expédiant les étiquettes dans des colis distincts des produits pour éviter la détection de la contrefaçon. Le fait de fabriquer, d'avoir en sa possession, d'importer, d'exporter ou de tenter d'exporter des produits contrefaits à des fins commerciales constituera aussi une infraction au civil, que les produits soient identiques à ceux enregistrés sous la marque de commerce ou non.

Ce projet de loi n'est pas seulement important d'un point de vue économique. D'importants groupes criminels organisés sont bien trop souvent à l'origine de la fabrication et de la vente, à des fins commerciales, de produits contrefaits, et ils mettent ces produits sur le marché sans se soucier des normes de santé et de sécurité. Cela est particulièrement inquiétant pour les familles et les consommateurs canadiens qui peuvent ne pas savoir que les produits qu'ils utilisent posent un risque important pour leur bien-être.

Le moyen le plus efficace de réduire ces activités, et de protéger ainsi les Canadiens, est de cibler les personnes qui tirent profit de la contrefaçon et du piratage en exploitant les marques et la réputation des entreprises canadiennes légitimes, les dépouillant ainsi du fruit de leur dur labeur. Le projet de loi C-8 permettra de bloquer à la source la contrefaçon des produits. Il vaut la peine de souligner à nouveau que la mesure législative ne ciblera pas les personnes qui traversent la frontière avec des produits contrefaits.

L'efficacité de ces nouveaux outils et mécanismes d'application peut seulement être maximisée s'ils reposent sur un cadre juridique fort et global qui permet d'assurer la validité de la marque de commerce déposée par le propriétaire légitime. Le projet de loi C-8 donne aux détenteurs de droits les outils dont ils ont besoin pour traduire en justice ceux qui tentent d'exploiter illégalement leur réputation et leur créativité. Cela permettra au Canada de créer un environnement qui favorise l'innovation et la croissance économique, tout en assurant la sécurité des familles et des consommateurs.

Je crois que ce projet de loi permettra d'atteindre l'équilibre que le gouvernement s'est fixé comme priorité en réformant les dispositions législatives canadiennes sur la propriété intellectuelle. Les entreprises et les créateurs disposeront de nouveaux outils pour faire respecter leurs droits. Toutefois, les exceptions concernant l'usage personnel feront en sorte que ces mesures continueront d'être favorables aux consommateurs. Qui plus est, le projet de loi reconnaît que les titulaires de marques de commerce et le gouvernement ont des rôles clés à jouer pour empêcher les produits non sécuritaires de pénétrer le marché canadien.

Après l'entrée en vigueur du projet de loi, le Canada disposera d'un régime d'application de la loi moderne et de calibre mondial en matière de droits de propriété intellectuelle. Ce régime permettra aux Canadiens de lutter efficacement contre les produits contrefaits, assurera une plus grande sécurité aux familles et aux consommateurs canadiens et favorisera la croissance économique grâce à l'innovation dans les entreprises.

Je sollicite l'appui des sénateurs et les exhorte à adopter rapidement ce projet de loi visant à combattre la contrefaçon de produits.

L'honorable Art Eggleton : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question? Depuis deux ans, le Comité des affaires sociales, dont je suis membre, étudie la question des produits pharmaceutiques. Dans notre plus récent rapport, qui sera bientôt déposé au Sénat, nous parlons des médicaments contrefaits qui sont vendus sur Internet. Certains services en ligne offrent des substances illégales, des médicaments contrefaits.

Malgré les efforts déployés par l'Agence des services frontaliers du Canada, la GRC et, dans une certaine mesure, Santé Canada, aucune des compagnies qui s'adonnent à ce commerce au Canada n'a encore été traduite en justice. Pourtant, aux États-Unis, la Food and Drug Administration a intenté des poursuites contre des Canadiens qui se sont livrés à ces activités illégales. Toutefois, au Canada, nous n'avons pas encore réussi à faire cela.

En quoi la situation sera-t-elle maintenant différente? Il semble qu'il existe déjà des dispositions destinées à empêcher la vente de médicaments contrefaits sur Internet, mais, de toute évidence, elles ne sont pas efficaces. Qu'est-ce qui, dans le projet de loi C-8, permettra de renverser la situation?

Le sénateur Tkachuk : Je ne peux pas dire pourquoi aucune poursuite n'a encore été intentée. Tout ce que je puis dire, c'est que si des biens jugés dangereux arrivent à la frontière canadienne, ils peuvent être saisis par les agents des services frontaliers. Espérons que les produits qui vont dans l'autre sens pourront aussi être saisis.

L'honorable Joseph A. Day : J'aurais également une question à poser au sénateur, s'il est disposé à l'entendre.

Le sénateur Tkachuk : Cela dépend de la question, sénateur Day. Allez-y.

Le sénateur Day : J'ai simplement demandé si vous étiez disposé à entendre ma question, pas à me donner une réponse.

(1500)

Ma première question concerne notre accord commercial global avec l'Europe. Le sénateur peut-il nous dire si cette mesure législative répond aux obligations auxquelles nous devons nous conformer aux termes de cet accord global? A-t-elle été rédigée et présentée dans ce but?

Le sénateur Tkachuk : Je suis désolé, mais je n'ai pas lu la loi sur l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Europe. Je ne peux donc pas dire si ce projet de loi en respecte les dispositions. Vous pourriez poser cette question au ministre lorsqu'il comparaîtra devant le comité.

Le sénateur Day : Merci, c'est ce que je ferai probablement.

Ma question complémentaire concerne les nombreux accords de libre-échange que le Canada négocie ou a négociés avec d'autres pays, y compris avec un grand pays d'Asie. Le sénateur sait-il si des dispositions de cette mesure législative visent à faire en sorte que le Canada respecte ses obligations aux termes de ces négociations ou accords?

Le sénateur Tkachuk : Sénateur Day, je ne sais pas exactement ce que contiennent ces accords de libre-échange. Tout ce que je puis dire, c'est que je ne crois pas que les lois sur le libre-échange contiennent des exceptions autorisant l'importation de produits contrefaits au Canada. Je ne sais donc pas comment cela s'applique.

Tous les produits importés qui risquent d'être contrefaits, dangereux ou néfastes pour les consommateurs sont visés. Ce projet de loi contient plusieurs dispositions d'application. Je ne peux pas concevoir que ce projet de loi serve de base à l'ajout d'exceptions dans les différents projets de loi sur le libre-échange.

Le sénateur Day : Merci. Ce projet de loi, comme l'a dit le sénateur, a été amendé à la Chambre des communes. Le sénateur peut-il nous dire si ces amendements ont été élaborés par l'ensemble des membres du comité ou si c'est le gouvernement qui les a élaborés, puis présentés au comité?

Le sénateur Tkachuk : Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'ils ont été apportés à la Chambre. Je ne peux pas vous dire s'ils ont été proposés par le gouvernement ou par l'opposition.

Le sénateur Day : Il serait utile d'étudier ces amendements au comité pour que nous puissions les comprendre. Je déduis de vos observations que plus d'un amendement a été apporté à cette mesure législative. D'après les renseignements dont je dispose, ce projet de loi a été adopté à l'étape de la première lecture, puis est passé à l'étape de la troisième lecture à la Chambre des communes en trois jours.

Le sénateur est-il en mesure de me dire s'il y a eu de longs débats à la Chambre, où si l'on s'attend à ce que nous poussions les discussions ici?

Le sénateur Tkachuk : Il n'y a que le sénateur Baker pour transformer une audience de comité en roman, moi je ne le peux pas. Je ne sais donc pas de quoi il a été question pendant ces trois jours. En fait, la seule chose qui m'intéresse, c'est que ce projet de loi a été adopté avec des amendements, que nous en sommes maintenant saisis et que nous l'étudierons à notre manière.

Le sénateur Day : C'est un projet de loi assez long, qui compte environ 50 pages. Il serait utile d'en savoir le plus possible sur l'ampleur de l'étude qui en a été faite à l'autre endroit. Si le sénateur avait eu quelque renseignement à me transmettre, j'aurais probablement pu traiter la question plus rapidement, mais, dans les circonstances actuelles, je demande que le débat soit ajourné à mon nom pour que j'aie le temps de faire des recherches et de répondre à ces questions.

[Français]

Son Honneur le Président intérimaire : La sénatrice Ringuette a une question à poser. Avant que le sénateur Day propose sa motion d'ajournement, nous allons entendre la question de la sénatrice Ringuette.

[Traduction]

L'honorable Pierrette Ringuette : Sénateur Tkachuk, vous avez indiqué dans votre déclaration que la GRC avait déjà saisi des produits contrefaits. Vous avez déclaré qu'un certain nombre de saisies avaient eu lieu pendant une certaine période de temps. Est-ce exact?

Le sénateur Tkachuk : La seule chose que j'ai dite à propos de la GRC, c'est qu'elle a fait une étude sur les infractions liées à la propriété intellectuelle et publié un rapport l'année dernière. Je peux répéter si vous le voulez. L'étude a révélé que plus de 200 cas de produits contrefaits dangereux ont fait l'objet d'une enquête en 2012, dont des jouets, des produits pharmaceutiques, des parfums, des circuits intégrés, des casques d'écoute, des coussinets de roue, des téléphones cellulaires et des piles.

La sénatrice Ringuette : Le rapport de la GRC précise-t-il d'où viennent ces produits contrefaits et où ils ont été fabriqués?

Le sénateur Tkachuk : Je ne peux pas vous dire d'où viennent ces produits ni où ils ont été fabriqués, mais nous savons que les produits contrefaits arrivent au Canada du monde entier. Peut-être qu'ils sont venus d'Asie ou du Moyen-Orient, mais ils auraient pu venir d'ailleurs. J'ignore d'où ils viennent et où ils vont. Il y en a tellement. Si vous le voulez, je pourrais tenter de me renseigner; vous pourriez également poser la question au comité.

La sénatrice Ringuette : Je vous serais reconnaissante de bien vouloir vous renseigner. Je ne siège pas à ce comité, mais la question m'intéresse. Merci, sénateur.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Segal, appuyée par l'honorable sénateur Greene, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-220, Loi constituant le Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité.

L'honorable Grant Mitchell : J'aimerais intervenir dans le débat sur ce projet de loi, monsieur le Président. Je ne suis pas encore prêt à le faire; j'aimerais donc ajourner le débat à mon nom pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Cinquième rapport du comité—Motions d'amendement et de sous-amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénatrice Frum, tendant à l'adoption du cinquième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat), présenté au Sénat le 11 juin 2014;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, que le rapport ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié :

1. par substitution, à l'alinéa 1. j), de ce qui suit :

« Que le débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes ne soit plus ajourné; »;

2. par substitution, au titre principal précédant le nouvel article 6-13, de ce qui suit :

« Fin du débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes »;

3. par substitution, à l'intertitre précédant le nouvel article 6-13, de ce qui suit :

« Préavis de motion proposant que le débat sur une affaire autre qu'une affaire du gouvernement qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes ne soit plus ajourné »;

4. au paragraphe 2.6-13 (1), par adjonction, après les mots « affaire autre qu'une affaire du gouvernement », des mots « qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes »;

5. au paragraphe 2.6-13 (3), par adjonction, après les mots « affaire autre qu'une affaire du gouvernement », des mots « qui n'est pas un projet de loi d'intérêt public des Communes »;

6. au paragraphe 2.6-13 (5) de la version anglaise, par adjonction, après les mots « Other business », des mots « that is not a Commons Public Bill »;

7. à l'alinéa 2.6-13 (7) c) de la version anglaise, par adjonction, après les mots « Other business », des mots « that is not a Commons Public Bill »;

8. Et à la dernière ligne du paragraphe 2.6-13 (7) de la version anglaise, de ce qui suit :

« This process shall continue until the conclusion of debate on the item of Other Business that is not a Commons Public Bill »;

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Mitchell, appuyé par l'honorable sénateur Day, que l'amendement ne soit pas adopté maintenant, mais qu'il soit modifié par l'ajout, immédiatement après le paragraphe 8, de ce qui suit :

9. Et que les modifications du Règlement proposées dans ce rapport entrent en vigueur à la date où le Sénat commencera à offrir sur une base régulière la télédiffusion audiovisuelle en direct de ses délibérations quotidiennes.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer les mesures énoncées dans le cinquième rapport du Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.

Comme nous le savons tous, ces mesures, qui s'appliqueraient à la façon dont nous étudions les projets de loi d'initiative parlementaire, font l'objet d'une certaine controverse, car le rapport qui les recommande a été adopté au comité par une majorité de sénateurs, mais sans consensus.

Il est vrai que cette façon de faire s'écarte des usages habituels du comité. Cela dit, puisque j'ai proposé l'adoption du rapport afin qu'il soit renvoyé au Sénat et que tous les sénateurs puissent en débattre en profondeur, j'aimerais mieux expliquer pourquoi, à mon avis, il importe que nous adoptions la réforme du Règlement du Sénat qui est décrite dans le cinquième rapport.

(1510)

Le changement proposé peut se résumer ainsi : le parrain ou le porte-parole d'un projet de loi pourrait demander sa mise aux voix dès lors que le document aurait été débattu à au moins 15 reprises, pour un total d'au moins trois heures. Une fois ces deux critères respectés, le sénateur pourrait donner préavis d'une motion portant que le projet de loi ne soit plus ajourné. Cette motion serait débattue pendant un maximum de deux heures et demie avant d'être mise aux voix. L'adoption de cette motion ferait en sorte que, dès le prochain appel de la rubrique « Autres affaires », le projet de loi privé fasse l'objet d'un débat ininterrompu jusqu'à sa mise aux voix.

Un tel changement présente des avantages, notamment sur le plan de la responsabilisation. En effet, le Sénat se veut un lieu d'examen. Lorsque la Chambre des communes nous renvoie un projet de loi qu'elle a adopté, elle s'attend donc à ce que nous l'étudiions. C'est notre rôle. Le changement proposé nous obligerait à nous acquitter de notre devoir au lieu de simplement ignorer les projets de loi qui nous rebutent ou de reporter sans cesse le débat à leur sujet.

Ce changement stimulera le débat et permettra au parrain ou au porte-parole d'un projet de loi de voir la démarche sénatoriale aboutir. Contrairement à ce qu'affirment certains, il ne coupera pas court au débat, pas plus qu'il ne l'accélérera. Au contraire, il élargira le débat, car le parrain ou le porte-parole qui veut faire mettre aux voix un projet de loi aura intérêt à convaincre un maximum de sénateurs d'intervenir de manière à atteindre le seuil des trois heures de débat. Autre point important, ce changement conférerait davantage d'autonomie aux sénateurs, un concept qui tient à cœur aux sénateurs d'en face, s'il faut en croire ce qu'ils se plaisent à répéter.

À l'heure actuelle, la décision de soumettre un projet de loi au vote ou de ne pas l'y soumettre est prise au terme de négociations entre les deux leaders adjoints : celui du gouvernement et celui de l'opposition. Mais, si nous apportons au Règlement la modification qui nous est proposée, les sénateurs auront en fait individuellement un pouvoir accru, en particulier ceux de l'opposition et ceux qui siègent comme indépendants. Autrement dit, plutôt que de réduire les droits de la minorité, comme certains le prétendent sur un ton accusateur, cette modification aura l'effet inverse. Les sénateurs de l'opposition et les sénateurs indépendants auront plus de pouvoir. Évidemment, il reste que, si le parrain ou le porte-parole d'un projet de loi est un sénateur de l'opposition ou un sénateur indépendant et qu'il nous propose de ne plus ajourner le débat, il se peut que sa motion ou son projet de loi soit rejeté. La règle de la majorité continuera de s'appliquer comme auparavant au Sénat.

Lorsque des sénateurs comme le sénateur Cowan disent que « la proposition actuelle a pour seul objectif de conférer encore davantage de pouvoirs à la majorité sénatoriale au détriment de la minorité », ils ont tout faux. En fait, c'est exactement le contraire. Prenez, par exemple, le projet de loi C-279, sur les transgenres. Le sénateur Mitchell, qui parraine ce projet de loi, a indiqué clairement qu'il voudrait que le vote ait lieu avant les prochaines élections. Cependant, dans l'état actuel du Règlement, un sénateur de l'opposition n'a aucun moyen de contraindre le Sénat à se prononcer sur son projet de loi. À l'inverse, si le sénateur accepte les modifications du Règlement proposées dans le cinquième rapport, plutôt que d'essayer de torpiller ces propositions en présentant des amendements, l'utilité de la nouvelle disposition ne tardera pas à lui paraître évidente.

Comme le sénateur Mitchell le sait, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles étudie actuellement le projet de loi C-279. Lorsqu'il aura terminé, il nous renverra le projet de loi pour procéder à la troisième lecture. À partir de là, le pouvoir d'empêcher tout nouvel ajournement et d'exiger la tenue d'un vote sur le projet de loi C-279, une fois qu'il aura été mis 15 fois à l'ordre du jour et débattu pendant trois heures, sera entre les mains du sénateur Mitchell. Actuellement, le sénateur n'a pas ce pouvoir. S'il vote contre l'adoption du cinquième rapport, il se privera de ce pouvoir. J'avoue que je trouve déconcertant de l'entendre dire qu'il souhaite limiter ses pouvoirs en tant que sénateur et en tant que membre de l'opposition.

Ceci m'amène à l'absence de consensus au sein du comité, une question bien délicate. Je sais que le sénateur David Smith — pour qui j'ai beaucoup de respect et d'affection, tout comme pour le sénateur Mitchell, bien sûr — est très déçu que ce rapport ait été présenté au Sénat sans avoir fait l'objet d'un consensus parmi les membres du comité, dont il fait partie. Pour être honnête, je suis déçue moi aussi, car, quand il est question de modifier le Règlement du Sénat, le consensus est crucial pour la crédibilité de l'institution, qui est le but ultime de l'exercice. Je suis persuadée que ce changement au Règlement ne peut qu'augmenter la crédibilité du Sénat.

Voilà plus de cinq ans que je siège au Sénat. On a beaucoup parlé de la nécessité d'une réforme et les choses n'ont guère changé. Nous avons entre les mains une proposition de réforme modeste, mais positive, que nous avons les moyens d'instaurer. Elle vise à augmenter la responsabilité au Sénat et le nombre de débats qui s'y tiennent. Elle prévoit un mécanisme par lequel la minorité peut proposer qu'un projet de loi soit mis aux voix. Elle augmente la responsabilité du Sénat envers les députés élus de la Chambre de communes. Elle effacera l'image d'un Sénat enclin aux tergiversations et amènera celui-ci à mieux concentrer ses efforts.

Cette proposition mérite certainement notre attention, d'autant plus qu'elle est issue du travail d'un sous-comité bipartite composé de trois sénateurs comptant parmi les plus chevronnés et réfléchis : les sénateurs Nolin, Joyal et White. La proposition n'a été soumise au Comité du Règlement qu'après avoir fait l'objet d'un consensus au sein du sous-comité.

Que faut-il faire lorsque nous sommes saisis d'une proposition raisonnable et sensée qui instaurerait une réforme bénéfique pour le Sénat? Que faut-il faire lorsqu'un petit groupe de sénateurs refusent purement et simplement d'examiner cette réforme, puis crient au scandale parce qu'il n'y a pas consensus? C'est exactement ce qui s'est passé. Le Comité du Règlement a tenu quatre réunions sur cette proposition, et les membres de l'opposition et les sénateurs indépendants qui y siègent n'ont proposé ni amélioration ni amendement. Ils ont tout simplement dit non. Il n'est pas surprenant qu'il n'y ait pas eu de consensus puisqu'aucun effort n'a été fait pour trouver une solution. Voilà pourquoi, honorables sénateurs, j'ai proposé au comité que le Sénat soit saisi du rapport pour que nous puissions le peaufiner ici, et ce, en toute bonne foi, je l'espère.

Si nous voulons ce qu'il y a de mieux pour le Sénat — pas pour les ministériels, les membres de l'opposition ou les indépendants, mais pour l'institution même — nous devrions nous réjouir de toute réforme que nous pourrions instaurer pour rendre le Sénat plus responsable et démocratique. Voilà pourquoi j'incite les sénateurs minoritaires d'en face à cesser de s'opposer à cette proposition et à accepter la version actuelle, sans amendement, du cinquième rapport du Comité du Règlement. Je le répète. Il s'agit d'une petite modification, mais ce serait pour le mieux. Si nous craignons d'instaurer une réforme aussi simple que celle qui est proposée, j'ai bien peur que le Sénat ne soit jamais réformé.

L'honorable Grant Mitchell : La sénatrice Frum accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Frum : Oui.

Le sénateur Mitchell : Je remercie la sénatrice Frum de ses observations. Je crains que la sénatrice ne fasse parfois peu de cas de la démocratie. Elle fait la même erreur que j'ai faite lorsque j'ai lu le texte la première fois; nous avons cela en commun. J'ai d'abord cru que cette modification au Règlement me permettrait d'obtenir la mise aux voix du projet de loi C-279, mais on m'a fait comprendre que j'avais tort. J'espère que je serai capable de vous l'expliquer, et vous pourrez me dire si j'ai réussi par la suite.

En réalité, je n'aurai toujours pas ce pouvoir si la motion est adoptée. Le seul pouvoir que j'aurai sera celui de prendre la parole pour demander que le projet de loi soit mis aux voix et, comme la majorité l'emporte toujours, le gouvernement pourra accepter ou refuser qu'il soit mis aux voix. Si cette motion a pour effet de vous donner le pouvoir d'accepter ou non la tenue d'un vote sur un projet de loi, vous détenez déjà ce pouvoir. La motion ne m'apporte rien. Si elle est adoptée, je ne serai pas mieux placé pour accélérer le vote sur le projet de loi C-279 que je ne le suis actuellement. Le contrôle est toujours entre vos mains. Si vous souhaitez qu'un vote ait lieu, le sénateur Plett peut s'adresser à son leader parlementaire et lui dire : « J'aimerais qu'on vote. Le sénateur Mitchell m'a demandé de tenir un vote, donc j'aimerais qu'on vote. » Ou encore, comme j'ai pu le voir souvent quand j'ai présenté d'autres mesures, ils peuvent simplement décider que non, ils ne tiendront pas de vote, pour la simple et bonne raison qu'ils préfèrent laisser la mesure mourir au Feuilleton.

Bref, au bout du compte, vous obtenez, grâce à cette motion, un pouvoir que vous n'avez pas actuellement quant à la tenue d'un vote. Cependant, à titre de sénateur de l'opposition, cela ne m'apporte rien. Si vous vous retrouvez du côté de l'opposition un jour, peut-être comprendrez-vous mieux la situation, n'est-ce pas? J'ose espérer que cela se produira bientôt.

La sénatrice Frum : Sénateur Mitchell, je répondrai à votre question malgré votre remarque déplacée à propos de mon attachement à la démocratie, un commentaire vraiment saugrenu.

Il faut examiner ce qui motive le changement proposé. Il est vrai que le fonctionnement du Sénat repose sur des conventions. Lorsqu'on modifie une règle, il n'existe pas, au départ, de convention à son sujet. Je crois que la modification proposée vise à ce que les projets de loi d'initiative parlementaire puissent être mis aux voix. Voilà l'esprit des modifications au Règlement, et si nous les adoptions, je crois que nous créerions une convention. Après trois heures de débat et une fois les 15 jours écoulés, si le parrain ou le porte-parole veut mettre l'affaire aux voix, il serait alors contre l'esprit de ces modifications au Règlement de rejeter cette motion.

(1520)

Nous devrions en faire l'essai. Je suis d'avis que, pour apporter du changement, nous devons faire preuve d'ouverture et être prêts à essayer autre chose, ce qui est difficile à faire au Sénat et dans notre institution, au point d'en être frustrant. Voilà ce qui motive les modifications au Règlement, et je crois qu'elles deviendraient la norme.

Le sénateur Mitchell : J'ai une autre question.

L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : Sénatrice Frum, acceptez-vous de répondre à autre question?

La sénatrice Frum : S'il ne m'insulte pas.

Le sénateur Mitchell : Je ne conteste pas votre argument selon lequel cette proposition est faite de bonne foi, ou plutôt, je le conteste, mais je vous accorde le bénéfice du doute. Le second examen objectif que nous effectuons implique certainement de nous pencher sur les conséquences non prévues. Or, je suis absolument convaincu que, dans le cas qui nous occupe, les modifications auront pour conséquence imprévue d'accorder un pouvoir non réciproque au gouvernement.

Si vous vouliez vraiment précipiter le changement, pourquoi ne pas avoir proposé des mesures qui favoriseraient de manière considérable le genre de changement qui répond au souhait d'avoir un Sénat élu, puisqu'on parle de motivations, et que l'une d'elles était de donner plus d'indépendance aux sénateurs. Si vous voulez que les sénateurs soient plus indépendants, ce que voulait apparemment le gouvernement, et vous étiez d'accord, pourquoi n'avez-vous pas tout simplement cessé de rencontrer votre caucus? C'est ce que nous avons fait, et nous avons plus d'indépendance. Ne croyez-vous pas que cela vous procurerait un énorme soulagement?

La sénatrice Frum : Nous nous éloignons considérablement de la question à l'étude. Néanmoins, en ce qui concerne le consensus, je ferai remarquer que les réformes qui ont été instaurées au sein de votre parti ne se sont pas toutes faites à l'unanimité. Elles vous ont été imposées par M. Trudeau et ce n'est qu'après coup que vous avez convenu qu'elles semblent merveilleuses. Or, je suis convaincue qu'elles ne sont pas le fruit d'un consensus.

Pour revenir à l'esprit du Règlement, si l'opposition avait voulu, elle aurait pu apporter un amendement pour que la nouvelle règle soit réexaminée dans un an, dans six mois, voire dans cinq ans. Ainsi, nous aurions pu en faire l'essai, constater si elle entraîne des conséquences imprévues, puis la réexaminer. Or, cette suggestion n'a même pas été faite au comité, car aucun effort n'a été fait pour travailler dans l'esprit de la présente démarche. C'est vraiment dommage.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : La sénatrice Frum accepterait-elle de répondre à une question précédée d'une brève observation?

J'ai versé une larme de regret lorsque vous avez laissé entendre que les leaders adjoints contrôlent le débit des travaux du Sénat. Ma collègue est tout aussi amusée que moi. Nous faisons de notre mieux, croyez-moi. Au Sénat, contrairement à l'autre endroit, nous pouvons encourager et demander, mais non contrôler. Cela est en partie attribuable à la merveilleuse flexibilité que nous accorde le Règlement, qui prévoit que chacun des points qui figurent au Feuilleton sont appelés chaque jour et que tout sénateur est libre de prendre ou non la parole au sujet d'un point donné. J'aime vraiment cet aspect, mais cela signifie que le contrôle est plutôt subjectif et n'appartient pas vraiment à ceux d'entre nous qui le détiennent prétendument.

Je compte bien parler de cette motion, mais je ne vais pas le faire tout de suite. Ma question ne vise qu'à préciser un point.

Vous avez dit à plusieurs reprises que, selon cette proposition, le parrain ou le porte-parole d'un projet de loi pourrait accélérer le processus. Pouvez-vous confirmer pour nous, s'il vous plaît, que ce pouvoir s'étendrait aussi à une personne qui présente une motion de fond, un amendement à un projet de loi?

La sénatrice Frum : Je ne crois pas, mais je peux vérifier. Connaissez-vous la réponse à votre question?

La sénatrice Fraser : Je veux qu'elle figure dans le compte rendu.

La sénatrice Frum : Si vous voulez la donner, car, bien entendu, nous siégeons toutes deux au Comité du Règlement, et, en qualité de leader adjointe de l'opposition, vous considérez peut-être que vous n'avez pas tout le pouvoir. Je sais que vous connaissez bien le Règlement. Si c'est le cas et que j'ai tort, vous avez raison et c'est la vérité, et c'est tant mieux. C'est une bonne chose. Cela élargira la discussion. Je ne vois pas en quoi cela poserait problème.

Le sénateur Cowan : Le temps de parole de la sénatrice Frum est écoulé. Demande-t-elle plus de temps?

La sénatrice Frum : Cinq minutes.

Son Honneur le Président suppléant : Êtes-vous d'accord, sénatrice Frum?

La sénatrice Frum : Oui

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Mon commentaire fait suite aux questions que le sénateur Mitchell vous a posées. Je vais faire un commentaire et je parlerai de ce rapport au cours des prochains jours.

J'ai l'impression que le nœud de la question ici est que nous recevons des projets de loi d'initiative parlementaire présentés par des membres du parti ministériel. Certains viennent de la Chambre des communes, d'autres sont présentés ici par des sénateurs conservateurs. De notre côté, nous en avons présenté quelques-uns. En fait, le projet de loi que le sénateur Mitchell appuyait ici a été présenté par un député de l'opposition, non pas un libéral, mais un néo-démocrate. Ces projets traînent au Feuilleton depuis fort longtemps.

Je vais parler d'un projet de loi qui vous est familier et que j'ai présenté en avril 2013. Personne n'en a parlé du côté du gouvernement. On a ajourné le débat chaque fois. Je l'ai présenté de nouveau à l'automne, lorsque nous sommes revenus après la prorogation. Il en a été question en juin, puis le projet de loi a été renvoyé à un comité, et maintenant les audiences sont terminées. Il a fallu autant de temps pour aller de l'avant parce qu'il n'y avait aucune volonté en ce sens de la part du gouvernement. Comme il n'y avait pas consensus, les projets de loi, c'est-à-dire le projet de loi parrainé par le sénateur Mitchell, le mien ainsi qu'un certain nombre de projets de loi d'initiative parlementaire présentés par des conservateurs, ont pu être examinés uniquement grâce aux bons offices des deux leaders adjoints. Ils ont négocié : « Vous voulez que ce projet de loi-ci passe à l'étape de la deuxième lecture; nous voulons que ce projet de loi-là passe à l'étape de la deuxième lecture. » Cela a très bien fonctionné en mai et juin 2014 — et je vous invite à communiquer vos observations à cet égard, et j'estime que nous pourrions adopter cette façon de faire pour de bon.

Autrement, comme le sénateur Mitchell l'a signalé, il peut bien dire que nous avons eu trois heures de débat, mais le projet de loi est demeuré inscrit au Feuilleton pendant 15 jours et je propose qu'il ne soit plus ajourné. Si la majorité veut qu'il soit de nouveau ajourné, alors la motion est rejetée. La décision ne relèvera plus d'un seul sénateur, puisque la majorité décide toujours, et elle décide quel projet de loi va de l'avant et quel projet de loi demeure simplement inscrit au Feuilleton.

Je propose — et j'aimerais obtenir des observations à cet égard — que la façon de procéder établie en collaboration en mai et juin 2014 soit adoptée. Ainsi, tous les sujets seront soumis à un vote, et il n'y aura plus de motions demandant la prise d'une décision. La majorité décide toujours et, si elle décide que le projet de loi C-279 ou mon projet de loi concernant la discrimination génétique ne justifient pas l'appui du Sénat, il pourra voter contre à l'étape de la deuxième ou de la troisième lecture. Nous avons établi un processus pour faire avancer les projets de loi, et je crois qu'il s'agit d'une bien meilleure façon de veiller à ce que les projets de loi reçoivent ici l'attention voulue.

J'aimerais aussi savoir ce que vous pensez du fait que ce rapport demande que nous traitions les projets de loi provenant de la Chambre des communes d'une certaine façon sans que les projets de loi venant du Sénat soient traités de la même façon à l'autre endroit. Qu'en pensez-vous? S'agit-il d'une façon de faire juste et adéquate?

La sénatrice Frum : Je vous remercie de votre question, sénateur Cowan. Je ne prétends absolument pas que cette petite modification au Règlement règlera tous les problèmes du Sénat ni qu'elle améliorera son fonctionnement même. Comme je l'ai déjà dit à quelques reprises tout à l'heure, il s'agit d'une proposition très modeste. Elle ne nuirait pas au processus dont vous venez de parler. Elle ne l'abrégerait pas. Il s'agit seulement d'un outil supplémentaire qui, à vrai dire, pourrait permettre aux sénateurs minoritaires de faire avancer les choses. C'est seulement un outil, une mesure modeste de réforme. C'est pourquoi je suis déçue qu'on n'essaie pas d'améliorer l'efficacité du Sénat en ajoutant des mécanismes qui permettraient de le faire.

(1530)

Le principe sous-jacent de la motion est que le Sénat est une Chambre d'examen. Quand des projets de loi sont présentés, nous devrions les débattre, puis les mettre aux voix. C'est le principe qui est en jeu, et c'est le seul objectif visé par cette modification au Règlement. On ne peut certainement pas parler d'une réforme complète du Sénat.

Quant à la deuxième partie de votre question, je ne suis pas en faveur de l'amendement que vous mentionnez parce que, à mon avis, ce n'est pas notre rôle ou notre devoir de dire à l'autre endroit comment formuler ses règles. Nous n'en avons pas le droit. C'est une décision qui lui revient. Nous tentons seulement de changer les choses qui relèvent du Sénat, et je pense que nous devons nous en tenir à cela.

(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)

Le Sénat

Motion tendant à constituer un comité spécial sur la transformation du Sénat—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Cordy,

Qu'un comité spécial sur la transformation du Sénat soit nommé pour examiner :

1. les façons de réduire le rôle des partis politiques au Sénat en établissant des caucus régionaux et des systèmes pour assurer la reddition de comptes aux citoyens;

2. les façons d'accroître la participation des sénateurs à la gestion des travaux du Sénat en créant un comité à cette fin et en assurant l'égalité régionale au sein dudit comité;

3. les façons de permettre aux sénateurs de participer au choix du Président du Sénat en proposant une recommandation au premier ministre;

4. les façons d'adapter la période des questions pour accroître son utilité en tant qu'exercice de reddition de comptes;

5. toute autre question que le Sénat pourrait lui renvoyer;

Que le comité soit composé de neuf membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de quatre membres;

Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;

Que, nonobstant l'article 12-18(2)(b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;

Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et à présenter son rapport final au plus tard le 30 juin 2015.

L'honorable Rose-May Poirier : J'ai parlé à la sénatrice Martin, qui avait ajourné cette motion à son nom, et elle m'a dit qu'elle ne voulait plus prendre la parole. Je propose que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Poirier, le débat est ajourné.)

Son rôle d'enquêteur—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle d'enquêteur.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, j'aimerais encore une fois remercier le sénateur Nolin d'avoir lancé cette interpellation. Comme la plupart d'entre nous, je discute, de temps à autre, du Sénat avec les gens et j'essaie de leur expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons. Selon mon expérience, les gens sont beaucoup plus intéressés qu'on ne le croirait par tout ce que je leur dis à propos de nous et de notre travail.

J'ai souvent constaté que ces petites discussions suscitent un maximum d'intérêt quand je parle des travaux de nos comités. Je ne parle pas de leur travail au sujet des projets de loi, même si ce travail peut être extrêmement important, comme nous le savons tous. Je parle des études spéciales que nous menons. Les gens ne savent généralement rien de ces travaux, à moins qu'ils n'éprouvent un intérêt personnel pour un sujet que le Sénat étudie.

Pour bien des gens, c'est une véritable révélation. Les jeunes n'en reviennent tout simplement pas lorsqu'on leur parle de l'étude sur les drogues que le sénateur Nolin a présidée de main de maître il y a quelques années. On ne s'attend guère à ce qu'un groupe de sénateurs guindés et dignes de l'époque victorienne se penchent sur des questions de ce genre, encore moins à ce qu'ils adoptent des positions avant-gardistes à l'égard de celles-ci.

Des personnes âgées sont parfois très intéressées d'apprendre que nous avons examiné le dossier des soins de fin de vie alors qu'il s'agissait toujours d'une question taboue — nous n'étions pas censés parler de ces choses-là. Le Sénat a aussi formulé des conclusions importantes, utiles et constructives à cet égard.

C'est ainsi depuis des décennies. Nous nous penchons sur des sujets qui, pour une raison ou une autre, sont négligés. Je ne veux pas dire par là que les comités de l'autre endroit ne font pas du bon travail. C'est tout le contraire, et certaines de leurs études sont excellentes. Toutefois, je dirais que, en règle générale, nos études sont plus approfondies et, à bien des égards, elles demandent plus de courage que celles qui sont réalisées à l'autre endroit.

C'est en partie à cause de la dynamique fondamentale qui caractérise le Sénat. Comme nous n'avons pas à nous faire élire, nous ne craignons pas de devoir faire face à la colère des électeurs dans — peut-être maintenant — un an, voire deux ou trois.

Le sénateur Munson : En mars.

La sénatrice Fraser : En mars, le mois prochain — qui sait. Il s'agit d'un énorme avantage pour nous, car nous pouvons réaliser un travail et des examens approfondis, puis parler aux gens qui sont au pouvoir ou à la population des conclusions qui, selon nous, constituent la vérité. Nous pouvons faire cela.

Je crois que la raison fondamentale qui justifie l'énorme sécurité d'emploi dont nous jouissons, c'est qu'elle nous permet de profiter aussi d'une indépendance qui nous autorise à dire la vérité.

Et c'est ce que nous faisons. Pensez, par exemple, à toutes les études réalisées par le Comité sénatorial de la défense, études qui ont rendu furieux — vraiment furieux — des gouvernements et des ministres de la Défense successifs. Ce comité a peut-être commis une ou deux erreurs, cette institution est humaine et nous commettons tous des erreurs, mais, globalement, les rapports qu'il a produits ont rendu de grands services au public, même s'ils ne faisaient pas le bonheur du gouvernement.

Pensez au travail réalisé sur un autre sujet tabou, à savoir l'étude du Comité des affaires sociales sur la santé mentale, qui a grandement contribué à changer la situation dans le pays. Soudainement, les politiciens pouvaient honorablement aborder ce problème qu'ils avaient passé sous silence pendant si longtemps, au prix de conséquences terribles pour des milliers de Canadiens. Je ne veux pas dire que ce rapport a chambardé l'univers, mais il a changé une partie importante de notre univers canadien. C'est le Sénat qui a fait cela.

Nous abordons parfois des sujets avant même qu'ils ne deviennent une priorité publique. Par exemple, j'ai été particulièrement frappée par le fait que le Comité des transports ait entrepris d'examiner la sécurité du transport des hydrocarbures des mois avant que ne survienne la catastrophe de Lac-Mégantic. C'est comme cela depuis des décennies. Remontez par exemple à l'étude novatrice que notre Comité de l'agriculture a menée sur les sols — la terre comme telle — et les graves risques de dégradation que nous courions. Bien que ce ne soit pas mon domaine de spécialité, j'entends dire que le rapport est encore consulté et cité à l'occasion.

(1540)

Songez à tout ce que nous avons accompli pour les anciens combattants.

Pensez à tout le travail que font les comités chaque année. Pensez au Comité des langues officielles qui, chaque année, s'attaque à des problèmes précis touchant diverses communautés. On ne s'en rend pas nécessairement compte quand on ne fait pas partie de ces communautés, mais ceux qui en font partie sont extrêmement reconnaissants au comité de tout son travail et de l'influence de ce travail sur le sort de leur communauté.

Il y a aussi le Comité des droits de la personne qui, lui aussi, d'année en année, se penche sur des questions très importantes qui passent inaperçues pour une majorité bien nantie de Canadiens, jusqu'à ce que les membres de cette majorité soient touchés par l'une de ces questions. J'ignore combien d'entre nous comprennent vraiment l'influence qu'a eue le rapport du comité sur la cyberintimidation. Il a été réimprimé à plusieurs reprises. Plusieurs écoles dans l'ensemble du pays en ont demandé une copie, car il s'agit de la seule étude publique sur la question au Canada. Des milliers de personnes sont reconnaissantes au Sénat de son travail.

Je sais que nous sommes tous exposés à certaines pressions. Comme nous célébrons maintenant notre indépendance, peut-être serons-nous exposés à moins de pressions, mais nous nous souvenons des pressions exercées par nos collègues au bout du couloir et par les personnes au pouvoir. Je sais aussi qu'ici, au Sénat, nous valorisons la capacité et le devoir que nous avons d'aller au fond des choses et de dire toute la vérité à ceux qui doivent l'entendre. Je sais que nous continuerons sur cette voie et, pour ma part, je crois que c'est un des aspects du Sénat dont nous devrions être le plus fiers.

(Sur la motion de la sénatrice Tardif, le débat est ajourné.)

Son rôle en matière de diplomatie parlementaire—Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Nolin, attirant l'attention du Sénat sur son rôle en matière de diplomatie parlementaire.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Eh bien, chers collègues, j'ai cru que vous aimeriez entendre une autre allocution de ma part aujourd'hui et puis, à bien y penser, je me suis ravisée. Je propose donc l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et Sénat s'ajourne au jeudi 9 octobre 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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