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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 106

Le mercredi 10 décembre 2014
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 10 décembre 2014

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les hôpitaux canadiens

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, j'aimerais profiter de cette période qui précède les Fêtes pour souligner le travail de personnes qui œuvrent dans l'ombre. Je parle de ceux et celles qui, dans nos grands hôpitaux canadiens, jour et nuit, contribuent à sauver la vie des Canadiens et des Canadiennes. Je parle de ceux et celles qui, souvent au mépris de leur vie personnelle, ont fait de très longues études et sacrifié une partie de leur jeunesse pour sauver des vies humaines.

J'ai quelques exemples que j'aimerais citer et qui touchent ma propre famille. Mes trois enfants, chacun leur tour, au cours de leur vie, se sont trouvés en danger de mort. Mon fils Frédéric a eu un diagnostic de cancer du rein. Grâce au Dr Frédéric Blackburn, au Dr Jean-François Audet et au Dr Olivier Ferland, mon fils est redevenu ingénieur. Il pratique aujourd'hui sa profession et continue d'élever ses deux enfants.

Ma dernière fille, diabétique à la naissance, a perdu ses deux reins. Sa sœur Isabelle, avec grande générosité, lui a fait don d'un rein. C'est le Dr Comartin et la Dre Isabelle Houde, de L'Hôtel-Dieu de Québec, qui les ont opérées. Ces personnes ont fait ce travail non seulement pour mes propres enfants, elles le font quotidiennement à travers le Canada. Jour et nuit, elles se consacrent à sauver des vies.

Aujourd'hui, j'aimerais que vos applaudissements, à la fin de ma déclaration, se fassent entendre au-delà des murs de cette enceinte. Que la presse et notre télévision d'État, plutôt que de nous intéresser, comme elles le faisaient hier soir pendant trois minutes, aux stationnements qui font défaut à Sherbrooke, rendent hommage à ces personnes. Aujourd'hui, j'aimerais que, tout au moins au Canada, on remercie sincèrement, avant la période des Fêtes, ces gens et leur équipe, qui sont si soucieux du service qu'ils rendent à la population.

Je vous invite, honorables sénateurs, à vous lever et à applaudir ces gens de l'ombre dont on ne peut se passer.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Feu Wilfred « Wilf » Arthur Charles Carter

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables collègues, je prends la parole pour rendre hommage à Wilf Carter, un légendaire chanteur de country et de western. C'est le 18 décembre 2014 que l'on soulignera le 110e anniversaire de naissance de Wilfred Arthur Charles Carter à Port Hilford, comté de Guysborough, en Nouvelle-Écosse.

Son père, un ministre baptiste, a installé la famille à Canning, dans le comté de Kings en Nouvelle-Écosse, alors que Wilf était encore enfant. C'est là-bas que celui-ci a commencé à chanter et à iodler. Il a quitté le domicile familial à l'âge de 15 ans et a travaillé comme bûcheron, mais il chantait également avec des clochards dans des wagons couverts. En 1923, il a déménagé à Calgary. Il y a travaillé comme cowboy, mais gagnait de l'argent supplémentaire en chantant et en jouant de la guitare lors de bals et d'activités à divers endroits dans les Rocheuses canadiennes. Wilf a commencé sa carrière à la radio en 1930 sur la station CFCN à Calgary. Peu de temps après, on a pu l'entendre sur d'autres stations locales, puis sur des stations nationales. Sa popularité a augmenté et, en 1933, alors qu'il était à Montréal, il a commencé à enregistrer avec la maison Bluebird Records, de RCA Victor. Il a enregistré deux chansons qu'il venait d'écrire, My Swiss Moonlight Lullaby et The Capture of Albert Johnson, dans lesquelles on l'entend iodler. Ces chansons ont connu beaucoup de succès.

En 1935, Wilf Carter a déménagé à New York, où il a chanté à la radio et dans des concerts jusqu'en 1937, puis il est retourné vivre en Alberta, et il y a acheté un ranch. Alors qu'il était aux États-Unis, il a adopté « Montana Slim » comme nom de scène pour mousser sa popularité auprès du public américain.

De retour au Canada, il a continué de chanter dans des émissions de radio américaines et canadiennes et dans des concerts, jusqu'à ce qu'il subisse de graves blessures au dos lors d'un accident de voiture au Montana en 1940. Jusqu'en 1949, il ne pouvait plus se produire à la radio ou en public, mais il n'a pas perdu de sa popularité pour autant puisqu'il a sorti de nouveaux albums régulièrement. En 1949, il avait vendu 2,5 millions d'albums. Cette année-là, il a de nouveau déménagé aux États-Unis. Il a continué d'attirer les foules dans le cadre d'activités en direct; il y présentait un spectacle qu'il avait monté avec sa famille. En 1964, il était invité pour la première fois à monter sur scène au Stampede de Calgary. Il était alors devenu l'un des invités les plus populaires à l'émission The Tommy Hunter Show, à la télévision de CBC.

Au fil des ans, Wilf Carter a enregistré plus de 40 albums de chansons originales avec RCA Victor, le dernier datant de 1988. En 1991, à l'âge de 86 ans, il a réalisé sa dernière tournée. Il a pris sa retraite l'année suivante. Il est décédé en 1996, à Scottsdale, en Arizona. Il avait 91 ans. Wilf Carter a été intronisé à quatre temples de la renommée, y compris au Nashville Songwriters Hall of Fame, qui rend hommage aux plus grands auteurs-compositeurs du milieu. Ses chansons simples et sincères et ses talents d'iodleur continuent d'attirer les amateurs de toutes les générations. Ses reprises de Blue Canadian Rockies et de You Are My Sunshine figurent parmi ses titres les plus populaires. Véritable père de la musique country et western canadienne, Wilf a pavé la voie aux nombreux artistes qui l'ont suivi, ici comme aux États-Unis.

Le décès de William « Bill » George Brewster

L'honorable Daniel Lang : Honorables sénateurs, je souhaite aujourd'hui rendre hommage à un grand Canadien et à un grand Yukonnais, Bill Brewster. Bill nous a quittés le 13 novembre à l'âge de 90 ans. Son adorable épouse, Ricky, s'était éteinte avant lui.

Né en Alberta le 24 octobre 1924, Bill s'est rendu au Yukon alors qu'il était gardien de troupeaux de chevaux pour la Commission géologique du Canada. Il avait 14 ans. Quand la Seconde Guerre mondiale a éclaté, Bill, comme plusieurs autres Canadiens, a répondu à l'appel de la patrie et s'est enrôlé dans les Royal Winnipeg Rifles. Il a pris part à la libération de l'Europe, débarquant en Normandie trois jours après le jour J et faisant tranquillement son chemin à travers la France, la Belgique, la Hollande et l'Allemagne. Après la guerre, il est rentré au Canada, et c'est dans les années 1950 qu'il s'est installé au Yukon, qui est devenu son chez-soi, son milieu de travail et son milieu de vie.

Comme beaucoup de Yukonnais, Bill était un chef terre à terre, à cheval sur ses principes, qui avait son franc-parler et qui pouvait parfois sembler tranchant; par contre, comme bien des vieux de la vieille, il avait énormément d'empathie pour son prochain. J'ai eu le plaisir de siéger avec Bill à l'Assemblée législative du Yukon. Élu pour la première fois en 1982 sous la bannière conservatrice, il est resté député de Kluane durant 14 ans, c'est-à-dire jusqu'en 1996.

Pendant cette période, il a été vice-président de l'assemblée, ministre des Services aux collectivités et des Transports, ministre des Ressources renouvelables, ministre responsable de la Société des alcools, leader adjoint du gouvernement et vice-premier ministre. En la personne de Bill Brewster, nous avions un commissaire à la protection de la vie privée et un commissaire à l'intégrité avant l'heure. De tout son passage à l'assemblée législative, il n'a jamais accepté qu'on lui dise non. Il était d'une honnêteté sans faille, et il ne perdait jamais de vue que l'argent que dépense le gouvernement provient des poches des travailleurs du Yukon. Il a défendu les causes de ses concitoyens, recueilli de l'argent pour la construction de l'aréna local et présenté des pétitions à l'assemblée législative pour protéger l'industrie du piégeage au nom des Premières Nations. De plus, il a travaillé pour que ne disparaisse pas le tamis du chercheur d'or qui apparaît sur les plaques d'immatriculation du Yukon, aidé à souligner le 15e anniversaire de la route de l'Alaska et joué un rôle clé dans l'attribution des Jeux d'hiver du Canada au Yukon.

(1340)

Bill et son épouse, Ricky, ont participé à la construction, à partir de zéro, de leur localité, Haines Junction. Comme c'est le cas dans bien d'autres petites collectivités canadiennes en milieu rural, ils ont travaillé avec tous les autres parents pour aménager la salle communautaire et la patinoire intérieure locales. En tant qu'entraîneur au hockey, il a accueilli des filles dans son équipe bien avant que cela devienne la norme.

Il a été président de l'association de hockey amateur du Yukon et de l'association de hockey mineur de Haines Junction, et, en 1980, il a été intronisé au Temple de la renommée des sports du Yukon, un honneur fort mérité.

Quand Bill n'était pas dehors en train de jouer au hockey ou d'entraîner une équipe, Ricky et lui étaient occupés à gérer leurs pourvoiries, soit la Brewsters Lodge et le Brewsters Yukon Pack Train, dans la région de Hart River. Ils ont vraiment laissé leur marque sur la municipalité de Haines Junction et le territoire du Yukon.

Précédé dans la mort par Ricky, Bill laisse dans le deuil sa fille, Sharon, ainsi que ses parents et amis du Yukon.

Je vous prie de vous joindre à moi pour rendre hommage à un grand Canadien et à un Yukonnais exceptionnel, Bill Brewster.

Les banques alimentaires

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, il y a 11 ans aujourd'hui, j'étais nommé à cet endroit très spécial, le Sénat du Canada — 11 ans, c'est incroyable. C'était en 2003. Ma vie était alors sur le point de changer pour le mieux, et ce, à bien des égards. Toutefois, pour des milliers de Canadiens, la vie et ses perspectives étaient extrêmement différentes des miennes. En mars 2003, les banques alimentaires un peu partout au Canada ont servi 776 783 personnes — j'ai bien dit 776 783 personnes. Plus de 40 p. 100 d'entre elles étaient âgées de moins de 18 ans.

J'aimerais bien que le Canada ait pu faire en sorte, depuis ce temps, que les gens dépendent moins des banques alimentaires, mais ce n'est pas le cas. En fait, la situation s'est aggravée. Chaque mois, près de 850 000 Canadiens ont recours aux banques alimentaires. Voilà qui illustre clairement l'étendue de la pauvreté.

Les gens qui n'arrivent pas à subvenir à leurs besoins de base vivent souvent une situation difficile : maladie, éclatement de la famille, perte d'emploi, et cetera. Les bénéficiaires de l'aide sociale, les personnes handicapées et les personnes âgées ayant un revenu fixe ont souvent recours aux banques alimentaires. Ces services aident aussi les chômeurs et les travailleurs dont le salaire est insuffisant.

Parmi les personnes qui ont recours aux banques alimentaires, 37 p. 100 sont des enfants. La malnutrition nuit à leur développement, à leur croissance et même à leurs facultés de concentration et d'apprentissage. Les risques de séquelles permanentes de la malnutrition sont bien réels et nous font crier à l'injustice, tout comme la faim elle-même. Les enfants ont tout autant le droit d'être nourris que d'être protégés, logés et soignés.

Il est difficile de se sortir de la pauvreté. Les banques alimentaires aident les gens à surmonter leurs problèmes. Elles nous offrent aussi quelque chose d'important : l'occasion d'en savoir davantage sur le problème de la faim au Canada et sur les moyens de le régler.

L'organisme national Banques alimentaires Canada cherche à créer un consensus autour des enjeux et des stratégies qui permettraient d'améliorer la situation. La Banque alimentaire d'Ottawa et les centaines d'autres banques alimentaires du Canada luttent concrètement contre la faim. Elles donnent à manger à ceux qui en ont besoin. Elles nous permettent de faire facilement des dons et de donner un peu de notre temps. Grâce à leur pouvoir d'achat et à de solides partenariats dans le secteur de l'alimentation, elles réussissent à offrir l'équivalent de 5 $ de nourriture pour chaque dollar reçu en dons.

Dans un monde idéal, la faim et la pauvreté n'existeraient pas, mais la réalité est actuellement tout autre. C'est pourquoi nous avons besoin de Banques alimentaires Canada et des banques alimentaires qui œuvrent dans toutes les collectivités. Je leur suis reconnaissant de leur excellent travail.

Honorables sénateurs, je vous en prie, pendant la période des Fêtes, donnez ce que vous pouvez et à qui vous le pouvez. Les clients des banques alimentaires sont véritablement nos voisins.

Merci.


AFFAIRES COURANTES

Les affaires autochtones et le développement du Nord

L'Accord définitif Nisga'a—Dépôt du rapport annuel de 2011-2012

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel pour l'année 2011-2012 de l'Accord définitif Nisga'a.

Le Comité de mise en Œuvre de la Convention définitive des Inuvialuit—Dépôt du rapport annuel de 2010-2012

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel 2010-2012 du Comité de mise en œuvre de la Convention définitive des Inuvialuit.

La mise en Œuvre de l'Accord d'autonomie gouvernementale de la Première Nation de Westbank—Dépôt du rapport annuel de 2011-2012

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2011-2012 sur la mise en œuvre de l'Accord d'autonomie gouvernementale de la Première Nation de Westbank.

Le rapport sur la mise en Œuvre de l'Accord définitif des Premières Nations Maa-Nulthes—Dépôt du rapport de 2012-2013

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de 2012-2013 sur la mise en œuvre de l'Accord définitif des Premières Nations Maa-Nulthes.

[Français]

L'Association parlementaire Canada-Europe

La session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 28 juin au 2 juillet 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant sa participation à la 23e Session annuelle de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 28 juin au 2 juillet 2014, à Bakou, en Azerbaïdjan.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

La diversification de l'économie

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Depuis 2009, les plans d'action économique du gouvernement ont fait la part belle au secteur des ressources naturelles. En 2009, ce secteur bénéficiait de 13 p. 100 des fonds consacrés à la croissance économique, loin derrière le secteur des services, qui représente pourtant 75 p. 100 de la production économique au Canada. Or, depuis trois mois, comme nous le savons tous, le prix du pétrole ne cesse de plonger, et il a perdu jusqu'à maintenant 40 p. 100 de sa valeur. De plus, les experts croient que cette situation va malheureusement s'aggraver.

Monsieur le leader, sous l'administration de votre gouvernement, le Canada semble être devenu un État pétrolier. Pouvez-vous nous dire pourquoi le premier ministre a tout misé sur une économie dépendante du pétrole, au risque de compromettre sa croissance dans tous les autres secteurs?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, comme vous avez pu le constater lors de l'adoption de tous nos plans d'action économique, notre objectif a toujours été de développer l'économie canadienne, de créer des emplois et de nous assurer que les familles canadiennes ont plus d'argent dans leurs poches et que les jeunes familles bénéficient d'une aide fiscale appropriée.

Cela a toujours été le but ultime de nos différents plans d'action économique, contre lesquels vous avez toujours voté, si je me souviens bien.

La sénatrice Hervieux-Payette : Monsieur le leader, ma question portait sur la manière dont le gouvernement conservateur prévoit le traitement de ses finances.

Selon les économistes de la Caisse populaire Desjardins, la diversification économique est de loin préférable à une économie mono-industrielle. L'histoire économique récente montre que les grands projets mono-industriels n'ont plus la même portée qu'il y a 20 ans, à cause de la mondialisation. Je vais d'ailleurs vous lire un extrait du rapport des économistes de la Caisse populaire Desjardins, et je cite :

Depuis les années 90, nous avons réalisé que ce qui est mono-industrie n'est pas viable à long terme. L'économie change aux 5 ans, donc c'est important d'avoir des secteurs sur lesquels rebondir; souvent, dans le mono-industriel, ce sont des prix qui sont décidés à l'international. Le problème, c'est que quand ça baisse, l'économie régionale n'a pas d'autres points d'appui pour se maintenir, pour se relever.

(1350)

Au lieu d'une reprise robuste et diversifiée, au lieu de bâtir une économie du XXIe siècle avec ses plans d'action, le gouvernement a opté, dès 2009, pour une reprise rapide et pas chère sur la base d'un boom dans le secteur énergétique, comme on le faisait au siècle dernier. Or, tout ce qui monte, malheureusement, finit par redescendre, et c'est précisément ce qui se produit aujourd'hui avec le prix du pétrole. J'étais à l'autre endroit il y a 25 ans, et je peux vous dire qu'on a vu d'autres prix que ceux de 60 $ et de 100 $.

Monsieur le leader, comment votre gouvernement prévoit-il diversifier l'économie canadienne afin de la rendre moins dépendante du pétrole et, surtout, comment prévoit-il investir dans les secteurs de pointe qui nous rendront concurrentiels sur la scène mondiale?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, j'espère que vous ne vous fiez pas aux cotes de la Bourse pour déterminer la vigueur de l'économie. Depuis notre entrée en fonction, notre gouvernement affiche la plus forte performance du G7 en ce qui concerne la création d'emplois.

Depuis le creux de la récession mondiale, il s'est créé 1,2 million de nouveaux emplois nets, dont 82 p. 100 sont à temps plein, et 84 p. 100 sont des emplois dans le secteur privé. Si vous voulez parler de diversification et de différents secteurs, vous en avez un bon exemple.

Au troisième trimestre, la croissance de plus de 2,8 p. 100 au Canada est un autre signe positif du fait que notre gouvernement conservateur est sur la bonne voie.

L'OCDE a encore une fois reconnu que, sous notre gouvernement, l'économie canadienne demeure forte et continue de croître. Je vous cite un extrait du rapport de l'OCDE sur les perspectives économiques, publié le 25 novembre :

Portée par une croissance vigoureuse récente, la progression du PIB réel devrait s'accélérer tout au long de l'année 2015.

Le 26 novembre, sénatrice, la mission du Fonds monétaire international au Canada a félicité notre gouvernement pour le progrès qu'il a réalisé en ce qui concerne l'élimination des déficits et pour les mesures qu'il a prises récemment afin de baisser les impôts des familles et des travailleurs canadiens.

Ce rapport du FMI apporte une nouvelle preuve que notre plan d'action économique fonctionne. De plus, comme l'a dit récemment Bloomberg, le Canada est le deuxième pays du monde pour faire des affaires. Toutefois, le Canada n'est pas à l'abri des difficultés économiques qui existent à l'extérieur de ses frontières, et c'est pourquoi nous avons présenté le projet de loi C-43, une autre phase de notre plan d'action qui crée des emplois et des débouchés pour le Canada grâce au nouveau crédit pour l'emploi visant les petites entreprises.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Hervieux-Payette : Lorsque nous ferons la prochaine révision de l'état de l'économie du Canada, nous serons en mesure de constater l'ampleur de la situation qui est ressortie de la rencontre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et de la baisse dramatique du prix du pétrole, qui suscite plusieurs craintes. Y aura-t-il un impact significatif sur les versements que votre gouvernement fera aux provinces dans le cadre de la péréquation? La baisse des revenus du gouvernement fédéral va-t-elle entraîner la diminution du partage des revenus en vertu de la péréquation?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vous avez sûrement écouté et entendu notre ministre des Finances dire que les prévisions ou la mise à jour économique tenaient compte des prix du pétrole et de leur variation. Nous allons donc continuer à travailler dans le cadre de notre plan d'action économique. Évidemment tout cela n'a rien à voir avec la question des transferts consentis aux provinces.

D'ailleurs, nous ne ferons pas ce que les libéraux ont fait, c'est-à-dire financer ou réduire le déficit sur le dos des provinces, qui l'ont ensuite transféré aux municipalités, qui en ont payé le prix.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Hervieux-Payette : En tout cas, on verra où en sera votre déficit au cours de l'année 2015.

J'aimerais vous rappeler que les prévisions de votre ministre des Finances étaient basées sur un prix du pétrole établi à 75 $. Nous en sommes, aujourd'hui, à environ 60 $ ou 63 $. Les prévisions nous indiquent que le prix peut encore baisser.

Vous assurerez-vous que les paiements aux provinces en 2015 resteront au même niveau qu'ils ne l'étaient en 2014?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, je préfère les chiffres du ministre des Finances aux vôtres. Mais parlons de faits.

Le Manitoba recevra près de 3,4 milliards de dollars sous la forme de transferts fédéraux cette année, soit une hausse de 24 p. 100 par rapport à la somme accordée par l'ancien gouvernement libéral, y compris plus de 1,7 milliard de dollars par le truchement de la péréquation.

L'aide fédérale à l'Ontario a augmenté de 76 p. 100 depuis que nous avons formé le gouvernement en 2006. L'Ontario recevra un soutien fédéral de 19,1 milliards de dollars en 2014-2015, soit une hausse de 8,3 milliards de dollars par rapport à l'enveloppe consentie par l'ancien gouvernement libéral, y compris presque 2 milliards de dollars grâce à la péréquation.

Le soutien fédéral au Québec n'a jamais été aussi important. Cette année, le Québec recevra plus de 19,6 milliards de dollars en transferts fédéraux, ce qui inclut près de 9,3 milliards de dollars par le truchement de la péréquation, pour une augmentation de 94 p. 100 depuis 2006.

De même, l'aide fédérale à l'Île-du-Prince-Édouard n'a jamais été aussi grande. Cette année, l'Île-du-Prince-Édouard recevra 542 millions de dollars dans le cadre des transferts fédéraux, soit une hausse de 33 p. 100 par rapport à la somme accordée par l'ancien gouvernement libéral, y compris 360 millions de dollars par le truchement de la péréquation, qui est en hausse de 83 millions par rapport à 2006.

Le Nouveau-Brunswick recevra plus de 2,6 milliards de dollars en transferts fédéraux cette année, y compris près de 1,7 milliard de dollars grâce à la péréquation, ce qui correspond à une augmentation de 318 millions de dollars depuis que les libéraux ont formé le gouvernement.

Je peux continuer ainsi, sénatrice. Je peux vous dire que les provinces se trouvent beaucoup mieux entre des mains conservatrices que libérales, et ce, dans une large mesure.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous avez fait un peu d'histoire. Vous m'avez rappelé le bon vieux temps où nous étions au pouvoir. J'aimerais vous rappeler que, à ce moment-là, l'Ontario ne recevait pas de péréquation, parce qu'elle bouclait ses budgets. De plus, l'Ontario reçoit de l'argent, car moins les gens sont riches, plus son déficit est grand.

Se vanter de verser des sommes d'argent à chaque province est contradictoire par rapport à votre plan d'action, qui vise à développer l'économie. C'est justement parce que l'économie dans ces provinces s'est affaissée que nous avons des problèmes.

Ma question est directement liée aux collectes de fonds qui sont faites dans les provinces et qui fonctionnent mieux, permettant une redistribution dans d'autres provinces. À l'heure actuelle, il ne s'agit pas de redistribuer toujours plus d'argent aux provinces pauvres, mais tout simplement d'aider les provinces à créer plus de richesse afin qu'elles n'aient pas à demander de l'argent au gouvernement fédéral.

J'aimerais vous rappeler que la péréquation constitue le partage de la richesse nationale, et que les provinces qui reçoivent des transferts doivent combler un déficit lié à une économie qui n'est pas à niveau, comme le Québec, et je n'en suis pas fière.

Êtes-vous d'accord avec ces prémisses?

Le sénateur Carignan : Vous êtes en contradiction. C'est tellement amusant. Dans votre série de questions, vous avez commencé par critiquer les ressources naturelles, et c'est justement ce qui nous permet d'avoir un développement économique, de pouvoir recevoir de la péréquation et de pouvoir redistribuer cette richesse.

La critique que vous nous avez adressée tout à l'heure au sujet des ressources naturelles, vous la faites à contresens, maintenant, en ce qui concerne les paiements de péréquation, car c'est ce qui nous permet de redistribuer de la richesse. Vous êtes incroyable, sénatrice.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Hervieux-Payette : Nous allons continuer notre dialogue, histoire de faire un petit examen de conscience de fin d'année.

Je regarde la balance commerciale du Canada, dont nous ne pouvons certainement pas nous réjouir. Les États-Unis sont l'un des rares pays qui affichent un surplus. La plupart des autres pays sont en déficit.

Si votre plan d'action économique avait fonctionné, d'autres secteurs évolueraient aussi bien que le secteur pétrolier. Nous avons mis tous nos œufs dans le même panier. Aujourd'hui, si le secteur énergétique diminue — celui qui générait le revenu le plus important —, aucun autre secteur ne pourra compenser cette perte.

Quand investirez-vous dans les secteurs créateurs d'emplois, les secteurs de l'innovation qui feront de nous un pays exportateur doté d'un surplus budgétaire? Nous sommes actuellement en régression à ce chapitre.

(1400)

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vous pouvez continuer à vous rappeler le bon vieux temps où vous pouviez équilibrer les budgets sur le dos des provinces en coupant dans les transferts. Pour notre part, nous allons continuer notre travail avec nos plans d'action, pendant que vous posez des questions sur les autres secteurs.

D'ailleurs, cette semaine, le gouvernement a annoncé que Pratt & Whitney Canada recevra 300 millions de dollars pour faire de la recherche et du développement sur les moteurs d'avion. Le projet soutiendra 1 500 emplois au cours des cinq prochaines années et d'innombrables emplois dans la chaîne logistique. Grâce au soutien offert par notre gouvernement, cette entreprise sera en mesure de produire la prochaine génération de moteurs d'avion qui équiperont des avions plus légers et moins polluants partout dans le monde. C'est avec des exemples comme celui-là que nous allons continuer d'investir dans l'économie et de créer des emplois. Pendant ce temps, continuez à vous rappeler le bon vieux temps.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Hervieux-Payette : Puisque Noël approche, je tiens à féliciter le gouvernement de cet investissement. Il est très bien fait.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'aimerais revenir sur quelques affirmations du leader du gouvernement pour voir s'il est prêt à admettre officiellement les faits suivants.

Premièrement, le Parti libéral a gagné cinq des six dernières élections provinciales, y compris dans les trois plus grandes provinces du Canada, ce qui porte à croire que les électeurs de ces provinces ne se sentent pas nécessairement entre meilleures mains avec les conservateurs. Est-il au courant de ce premier fait?

Deuxièmement, pratiquement tous les économistes du pays s'entendent pour dire que l'actuel gouvernement a été accablé par des déficits parce que les conservateurs ont réduit dès leur arrivée la TPS qu'avait instaurée le gouvernement Mulroney. Cette décision nous coûte, si je ne m'abuse, quelque 14 milliards de dollars annuellement — cette année, l'an prochain, l'année d'ensuite et pour l'éternité.

Le leader accepte-t-il de reconnaître ces deux faits?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, de ce que je me souviens des dernières élections, il me semble que les libéraux avaient terminé deuxièmes et avaient battu le NPD. Cependant, en ce qui a trait à l'aide apportée aux familles, les familles canadiennes toucheront des avantages qui s'établissent à plus de 1 000 $ en moyenne grâce à nos plans fiscaux. Grâce à l'ensemble des mesures qui sont prises, qui comprennent la diminution de la TPS, avant même la question de la prestation fiscale, ce sont plus de 3 400 $ que chaque famille canadienne recevra, et ce, sans compter les nouvelles mesures qui se sont ajoutées en ce qui concerne notamment la Prestation universelle pour la garde d'enfants.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : Voilà une intervention d'un illogisme parfait. Je vous en remercie, monsieur le leader. C'est un véritable modèle du genre.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vous rappelle que les gens ont fait campagne contre la TPS.

[Traduction]

Les affaires étrangères

Les installations de détention à l'étranger

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, ma question s'adresse elle aussi au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les rapports en provenance des États-Unis au sujet des méthodes de détention et de traitement inacceptables que la CIA a infligées aux prisonniers de ces installations.

Il y a environ cinq ans, Jane Mayer, journaliste d'enquête et auteure américaine, a publié un excellent livre intitulé The Dark Side. Dans ce livre, elle raconte la façon dont le vice-président Dick Cheney, alors qu'il donnait des directives à la CIA, s'est heurté au fait que les États-Unis étaient signataires des Conventions de Genève, de leur propre Constitution et de la Charte internationale des droits de l'homme des Nations Unies. Quand la CIA lui a demandé comment il comptait mettre à exécution ce qu'il proposait, le vice-président aurait rétorqué qu'il allait falloir travailler dans l'ombre. Autrement dit, il voulait déroger à toutes les ententes signées par le pays, y compris à la Charte internationale des droits de l'homme et à la Constitution des États-Unis.

Il semblerait que le Canada fasse partie des pays qui ont collaboré avec les États-Unis et qui les ont aidés à établir ces prisons et à commettre les actes qui s'y sont produits.

Voici ce que j'aimerais savoir : savez-vous quel rôle le Canada a joué dans toute cette affaire? Si tel est le cas, pourriez-vous nous dire...

Une voix : Oh, oh!

Le sénateur Moore : Puis-je vous demander de rappeler les sénateurs à l'ordre, monsieur le Président? Si vous avez une question à poser, madame, vous pourrez prendre la parole quand j'aurai terminé.

Monsieur le leader, savez-vous quel rôle a joué le Canada dans toute cette affaire?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur Moore, le Canada n'approuve pas le recours à la torture et n'a certainement pas recours à cette activité. Le rapport auquel vous faites référence concerne des activités menées par des agents du renseignement des États-Unis sur des bases américaines, et, à ce que nous sachions, il n'y a aucun lien canadien avec ces activités.

La principale responsabilité des organisations canadiennes chargées de la sécurité est de protéger la vie et la propriété des Canadiens. Si une information provenant d'une source quelconque nous indique que la vie de Canadiens est en danger, nous allons agir pour protéger leur vie. Nous allons continuer à nous assurer que le renseignement est examiné et évalué par des experts canadiens du renseignement avant d'agir.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Il y a eu le dossier Maher Arar, dans le cadre duquel on a transmis, sans les vérifier, de faux renseignements. Les conséquences ont été graves : la réputation de notre pays a été entachée, Maher Arar a personnellement souffert de ces erreurs, et j'en passe.

Y a-t-il eu d'autres situations où des renseignements qui n'avaient pas été vérifiés par les autorités canadiennes compétentes ont été transmis à d'autres pays? Cela a-t-il mené à des arrestations ou au transfert de certains individus vers les prisons auxquelles j'ai fait référence?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, sénateur, notre gouvernement n'approuve pas la torture et n'a certainement pas recours à cette activité, et la responsabilité des organisations canadiennes chargées de la sécurité est de protéger la vie et la propriété des Canadiens.

[Traduction]

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger pendant une séance du Sénat

Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion :

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à siéger à 17 heures le lundi 15 décembre 2014, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi de crédits no 4 pour 2014-2015

Troisième lecture

L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-45, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, j'aimerais remercier la sénatrice Nicole Eaton d'avoir fourni un résumé du projet de loi de crédits hier, et je cède volontiers la parole au président du Comité des finances nationales, l'honorable Joseph Day, pour un compte rendu de la situation.

(1410)

L'honorable Joseph A. Day : Je remercie mon collègue de cette présentation.

Honorables sénateurs, il est question aujourd'hui de crédits et du Budget supplémentaire des dépenses (B). Les honorables sénateurs doivent voter sur l'octroi d'une somme de 2,9 milliards de dollars. Les honorables sénateurs se souviendront que cette question a fait l'objet d'un débat approfondi hier, dans cette enceinte, et que la sénatrice Eaton nous a présenté un bon résumé des principaux postes de dépenses dont il est question dans cette mesure législative.

La seule chose qui reste à faire, dont je m'occupe généralement et que je prends aujourd'hui en charge, c'est de vérifier le projet de loi C-45, un projet de loi de crédits, le quatrième projet de loi de ce type présenté cette année, et d'en vérifier les annexes. Comme les honorables sénateurs le savent, nous avons déjà étudié le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui comporte toutes ces annexes, et maintenant, nous devons veiller à voter sur les mêmes aspects que nous avons étudiés. J'ai confirmé que les annexes 1 et 2 qui sont jointes à ce projet de loi sont semblables à celles que nous avons étudiées et qui ont été prises en compte dans le rapport que nous avons présenté et qui a été adopté plus tôt en lien avec cette mesure.

Il ne faut pas oublier, honorables sénateurs, que l'annexe 1 porte sur des pouvoirs que vous accordez pour une période d'un an, pas plus. Dans l'annexe 2, il est question de certains organismes qui, en raison de leur nature, se voient confier certains pouvoirs pour une période de deux ans. Il s'agit notamment de l'Agence des services frontaliers du Canada, de l'Agence du revenu du Canada et de Parcs Canada. Lorsque vous votez sur les sommes d'argent que ces organismes demandent à l'annexe 2, vous les autorisez à dépenser cet argent sur une période de deux ans. Tous les fonds alloués sur une période d'un an qui ne sont pas dépensés par les autres organisations, comme Anciens Combattants Canada, dont nous avons parlé hier, deviennent périmés et sont rendus au Trésor. Il est question d'un total de 2,9 milliards de dollars, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plait-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi no 2 sur le plan d'action économique de 2014

Adoption du quatorzième rapport du Comité des finances nationales sur la teneur du projet de loi

Le Sénat passe à l'étude du quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (teneur des parties 1, 2, 3 et des sections 1, 8, 13, 14, 19, 23, 25, 30 et 31 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures), déposé au Sénat le 4 décembre 2014.

L'honorable Joseph A. Day propose que le rapport soit adopté.

— Si je puis, Votre Honneur, j'aimerais dire quelques mots pour situer le contexte de ce rapport. Ce dernier porte sur l'étude que le Comité des finances a faite du projet de loi d'exécution du budget, qui n'a pas encore été présenté au Sénat. Nous en avons fait une étude préalable. Comme les honorables sénateurs le savent, six autres comités du Sénat ont étudié des parties de ce projet de loi d'exécution du budget dont la Chambre des communes est toujours saisie.

Nous avons complété notre travail préliminaire sur ce projet de loi. Les études préalables, ce n'est pas notre tasse de thé, car elles détournent notre attention de notre rôle traditionnel de second examen objectif de la législation. Nous ne savons pas quelles modifications sont apportées. Nous ne savons pas quels amendements sont proposés ou acceptés à la Chambre des communes. Nous ne savons rien de tout cela jusqu'à ce que nous recevions le projet de loi.

Cependant, afin de respecter les délais que nous impose la Chambre des communes, qu'on parle du moment où nous recevons le projet de loi ou du moment où elle veut le récupérer, nous avons modifié quelque peu nos pratiques, même si cela veut dire modifier fondamentalement notre façon de faire, et ce, pour pouvoir nous acquitter du travail qui nous sera confié. Lorsque nous recevrons ce projet de loi de la Chambre des communes, aujourd'hui ou demain, la personne qui prendra la parole au nom du gouvernement dira : « Veuillez adopter sans tarder ce projet de loi, car il est important qu'il soit adopté » pour toutes sortes de raisons dont nous serons informés à ce moment-là.

J'ai donc pensé parler brièvement d'un seul élément de ce rapport, car il traite d'un sujet dont nous avons discuté ces derniers jours, et c'est la partie du rapport sur la propriété intellectuelle.

La partie 4, section 1, honorables sénateurs, comporte des dispositions sur la propriété intellectuelle visant à modifier la Loi sur les brevets et la Loi sur les dessins industriels. Les sénateurs se rappellent sans doute que nous avons examiné la question de la réforme des droits d'auteur dans un projet de loi distinct, le projet de loi C-11, il y a deux ans. Puis, le printemps dernier, lors de l'étude du projet de loi C-31, Loi no 1 portant exécution de certaines dispositions du budget, nous nous sommes penchés sur certaines réformes visant les marques de commerce, puis, encore une fois en étudiant le projet de loi C-8, qui prévoit des mesures contre la contrefaçon et que le Sénat vient tout juste d'adopter. Hier, nous avons eu un débat sur le projet de loi C-18, lancé par le sénateur Plett. La sénatrice Tardif a alors parlé des droits des obtenteurs de variétés végétales. Toutes ces mesures, honorables sénateurs, concernent la propriété intellectuelle, qui est un droit éphémère. Il ne porte pas sur un objet, mais il est conféré en vertu de la créativité d'une personne. Tous ces aspects de la propriété intellectuelle ont été étudiés.

Je suis un peu inquiet de constater qu'on semble procéder à l'aveuglette, à la va-comme-je-te-pousse. On propose de petites mesures au moyen de projets de loi; on en dissimule d'autres ailleurs. C'est le deuxième projet de loi d'exécution du budget qui modifie des éléments du droit de la propriété intellectuelle. Cela me préoccupe.

Je m'arrête à un élément précis, la partie 4. Le projet de loi d'exécution du budget se divise en quatre parties. Je parle de la section 1 de la partie 4. Il y a toute une série de sections, une trentaine en fait, et celle-ci n'en est qu'une parmi tant d'autres. Voilà qui met les choses en perspective. Je m'intéresse à une toute petite partie de l'ensemble du projet de loi, qui s'étend sur 350 pages. C'est de cela que je veux parler aujourd'hui, honorables sénateurs, car c'est tout à fait dans le ton de ce dont nous traitions déjà.

Nous avons entendu les témoignages des fonctionnaires et des représentants de l'Institut canadien de la propriété intellectuelle. Il y a encore une fois lieu de s'inquiéter que les experts du domaine n'aient peut-être pas été suffisamment consultés et que beaucoup de changements ne soient décrits qu'en des termes très généraux qui seront explicités dans le règlement d'application, que le ministre a le pouvoir de modifier sans demander l'aval du Parlement. Nous sommes toujours inquiets de voir que la consultation n'est pas aussi approfondie que nous l'aurions souhaité et que beaucoup de dispositions soient précisées dans la réglementation, qui relève de l'exécutif, et non du Parlement.

(1420)

Les propositions ne se sont pas heurtées à beaucoup d'objections. Certains changements ont été suggérés, et je suis heureux de constater qu'ils sont indiqués dans le rapport, où se trouve le résultat des travaux du comité. C'est un document officiel du Sénat qui pourrait être très utile à certaines personnes plus tard. Comme le sénateur Baker le souligne régulièrement, les juges examinent les comptes rendus de nos délibérations et les rapports que nous produisons. Ils font de même pour la documentation produite par les autres personnes qui participent à l'élaboration des politiques. Honorables sénateurs, vous pouvez maintenant prendre connaissance du rapport.

Je voudrais également souligner que notre rapport n'est que l'un des sept rapports sur ce projet de loi d'exécution du budget. Chaque comité concerné a investi beaucoup de temps et d'efforts dans l'étude des dispositions du projet de loi dont il était chargé par ordre du Sénat.

Si vous jetez un coup d'œil au Feuilleton, vous y verrez les autres rapports. Honorables sénateurs, il nous serait très utile qu'un représentant de chacun des comités concernés propose l'adoption de ces rapports, de sorte qu'ils deviennent des documents officiels du Sénat en faisant l'objet d'un débat et d'un vote. Ces rapports ont été produits parce que nous avons décidé de diviser les énormes projets de loi omnibus pour pouvoir les étudier. Mais nous ne tenons même pas de débat dans cette enceinte sur le travail effectué par ces comités. Je pense que c'est une sérieuse omission et que nous devrions y remédier au nom de la postérité.

Lorsque le Sénat est saisi du projet de loi et que ce dernier est renvoyé au Comité des finances, on s'attend à ce que le comité l'examine dans son entièreté, qu'il fasse l'étude article par article et qu'il vote sur l'ensemble du projet de loi. Tout débat qui aiderait les membres du Comité des finances à étudier cette mesure législative serait le bienvenu.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-43 est très volumineux. Je pense avoir dit plus tôt qu'il compte 500 pages, mais le gouvernement s'est plutôt arrêté à 460 pages. Le projet de loi contient 401 articles qui sont divisés en 4 parties. La quatrième partie compte 31 sections, et l'une de ces sections porte sur la propriété intellectuelle, ce dont je viens tout juste de parler. Ce seul projet de loi modifie, édicte ou abroge 40 lois, honorables sénateurs. Nous avons estimé que, pour étudier pareille mesure législative, nous n'avions d'autre choix que de la diviser en 7 parties. Je suis heureux que nous l'ayons fait, mais je ne sais pas si le processus est vraiment au point, comme je viens tout juste de le dire.

Le projet de loi d'exécution du budget renferme deux mesures législatives distinctes — vous pourrez le constater lorsque nous le recevrons — qui auraient très bien pu être présentées séparément, ce qui aurait probablement été préférable d'ailleurs. L'une des mesures prévoit l'édiction de la Loi sur la Station canadienne de recherche dans l'Extrême-Arctique, qui créerait une station dans le Nord. L'autre porte sur des mesures de transparence; s'il est vraiment question de communication de renseignements, un projet de loi distinct aurait dû être présenté. Cette mesure législative n'a rien à voir avec le budget, il s'agit d'un projet de loi en soi, et il aurait donc fallu qu'il soit présenté séparément.

Honorables sénateurs, vous savez que nous nous sommes déjà plaints de cette pratique en comité et dans cette enceinte. Nous avons répété à plusieurs reprises qu'il n'est pas judicieux de regrouper tant de mesures différentes dans un projet de loi omnibus, car il est alors presque impossible d'étudier ces mesures comme il se doit.

Je puis vous donner, honorables sénateurs, une brève mise en contexte. Je ne sais pas ce que le comité pourrait joindre ou pas à ce projet de loi lorsqu'il sera renvoyé au comité, s'il y ajoute quoi que ce soit, mais, au moins, nous savons ce qui a été dit auparavant aux comités. Je crois que ces observations reflètent une tendance qui se poursuit.

Il convient de se rappeler plusieurs observations que nombre de sénateurs ont faites auparavant. Notons, par exemple, ce que le sénateur Lowell Murray a dit pour exprimer son mécontentement au sujet du projet de loi C-10. L'honorable sénateur Lowell Murray a déclaré ceci :

Je le répète, honorables sénateurs, les modifications de la Loi sur la protection des eaux navigables, de la Loi sur la concurrence et de la Loi sur Investissement Canada, pas plus que la nouvelle Loi sur l'équité dans la rémunération du secteur public, n'ont pas leur place dans un projet de loi qui met en œuvre un budget. C'est d'autant plus flagrant que le projet de loi d'exécution du budget est axé, comme il doit l'être, sur la stimulation immédiate et la reprise de l'économie.

C'était en 2009, alors que tous les efforts étaient centrés sur la stimulation et la reprise de l'économie, ce que nous appuyions. Or, il y avait beaucoup d'autres mesures que les sénateurs ne tenaient pas nécessairement à appuyer, mais on ne peut pas voter pour la moitié d'un projet de loi, et contre l'autre moitié. Cela explique en partie le problème que soulève le regroupement de différentes mesures en un seul projet de loi. En fait, c'est un problème pour ceux qui veulent faire une étude approfondie, mais pour d'autres, c'est une façon habile et plus ou moins déguisée de faire adopter de nombreuses mesures législatives le plus rapidement et le plus facilement possible.

Le sénateur Lowell Murray a ajouté ceci :

Dans l'intérêt d'une saine politique d'intérêt public et même dans l'intérêt des valeurs démocratiques que nous chérissons, nous avons le devoir de les entendre.

Nous ne pouvons pas faire la sourde oreille. Il y a des personnes qui auraient voulu témoigner et qui n'ont pas pu le faire :

Il ne faut pas, par des moyens détournés, écarter leurs préoccupations au sujet de dispositions législatives préjudiciables, ce qui arrive lorsqu'on impose de force, dans un projet de loi d'exécution de budget, des mesures qui n'y ont pas leur place.

Le sénateur Yoine Goldstein a fait le même constat, dans d'autres mots. Il a dit ce qui suit :

Il ne s'agit pas de savoir si le budget ou si un projet de loi de relance économique sera adopté. Il le sera bel et bien. Mais, ce faisant, nous allons encourager le gouvernement à piétiner le droit démocratique absolu des Canadiens de voir les projets de loi étudiés et corrigés dans le cadre d'une saine réflexion. Les Canadiens ont le droit d'exiger ce travail de notre part.

Honorables sénateurs, j'ai presque terminé. Puis-je avoir cinq minutes de plus pour conclure mes observations?

(1430)

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs accordent-ils cinq minutes de plus au sénateur Day?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Day : Je vous remercie, honorables sénateurs. Vous voyez pourquoi j'ai choisi d'aborder aujourd'hui une seule des treize sections de l'une des quatre parties du projet de loi. Cette situation illustre bien les défis que posent ces mesures omnibus. Nous pouvons soit choisir de baisser les bras et de les approuver automatiquement, soit faire notre possible, malgré les contraintes, pour traiter quelques éléments, notamment les plus graves.

Voilà quelques-uns des commentaires prononcés par différents sénateurs à propos d'autres projets de loi d'exécution du budget. Leurs observations et déclarations pourraient tout aussi bien s'appliquer à ce dernier projet de loi d'exécution du budget, si nous le recevons un jour.

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous discuter de chaque article, je vous prie?

Le sénateur Day : Je pourrais le faire. Je n'aurais toutefois pas le temps d'examiner tous les articles.

Quand j'ai fait quelques recherches à ce sujet, j'ai découvert que c'est seulement depuis les années 1990 qu'on a des projets de loi omnibus d'exécution du budget. Il ne s'agit donc pas d'une longue tradition. Il convient d'établir une distinction entre un projet de loi omnibus, une façon tout à fait légitime d'apporter des modifications à diverses lois reliées par un thème commun, et un projet de loi omnibus d'exécution du budget, qui insère dans une mesure financière des éléments qui n'ont rien à voir avec le budget, dans le seul but de les faire adopter. C'est cette pratique, de plus en plus utilisée depuis quelques années, que je conteste.

J'ai une histoire intéressante à raconter à ce sujet. Durant les années 1980, l'opposition libérale s'est objectée à cette pratique, affirmant qu'elle violait la tradition parlementaire exigeant qu'un vote sur le principe du projet de loi ait lieu à l'étape de la deuxième lecture. Étant donné le nombre de mesures différentes, et donc de principes différents, dans le projet de loi à l'étude, il nous est impossible de voter sur son principe conformément aux règles; comment peut-on donc prétendre qu'il est légitime? C'est une très bonne raison de faire valoir que de tels projets de loi ne devraient pas être acceptés au Sénat.

Les comités font tous appel à des experts différents. Voilà un autre problème justifiant que l'on s'oppose à ce qu'un seul comité procède à l'étude article par article du projet de loi.

Certains pensent que le but est de déconcerter les partis de l'opposition en glissant des mesures très controversées dans un document d'une complexité monstre; ainsi, les parlementaires sont obligés de voter pour toutes les mesures même s'il y en a certaines auxquelles ils s'opposent.

Honorables sénateurs, la vraie question, au-delà de la commodité de la pratique pour le gouvernement ou de son effet, est de savoir si le recours à de tels projets de loi omnibus d'exécution du budget sert l'intérêt public. Prenons l'exemple d'une étude article par article en comité. Lorsqu'un projet de loi contient des mesures sur des sujets aussi variés que les pêches, l'assurance-chômage et l'environnement, il est peu probable qu'il fasse l'objet d'un examen adéquat s'il est seulement renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales. C'est tellement vrai. Le Comité des finances a beau travailler fort, les autres comités ont acquis une expertise certaine dans leur domaine, expertise dont nous devrions nous prévaloir.

On sait que les Présidents de la Chambre ont constamment refusé d'agir en tant qu'arbitres pour trancher de telles questions, tout en laissant parfois entendre que la Chambre pourrait prévoir une procédure particulière à cet égard. J'ai demandé par le passé qu'une procédure particulière soit instaurée, honorables sénateurs, mais rien n'a été fait jusqu'à présent.

Lucien Lamoureux, qui a été Président à l'autre endroit, a trouvé ce qui serait probablement la meilleure question à poser : existe-t-il une limite à ce qui est en train de se produire? Un gouvernement pourrait-il regrouper la moitié de son programme législatif dans une seule mesure visant à améliorer la vie des Canadiens ou à assurer la prospérité pour tous en déclarant simplement : « Nous présenterons toutes les questions dans un seul projet de loi par année, et c'est notre travail »?

On entend souvent dire que le recours aux projets de loi omnibus est comme le recours à la clôture et à l'attribution de temps. Tous les gouvernements le font, ce qui est vrai. Je ne suis pas en train de dire que d'autres gouvernements sont différents du gouvernement actuel, mais, honorables sénateurs, nous disposons de preuves concrètes que le recours aux projets de loi omnibus augmente de façon considérable. L'analyse dont je dispose — et je ne peux pas en discuter maintenant — révèle que le nombre de pages contenues dans des projets de loi omnibus d'exécution du budget a septuplé au cours des 20 dernières années. Il est sept fois plus important, honorables sénateurs. Et maintenant, nous avons deux projets de loi omnibus par année, alors que nous n'en avions qu'un seul auparavant. L'augmentation est donc encore plus effarante.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire à ce sujet, honorables sénateurs, mais, alors que nous attendons que le projet de loi soit présenté, je tenais à ce que nous réfléchissions tous aux répercussions de ce qui se produit à l'heure actuelle sur l'étude du projet de loi. Malgré tout cela, les comités font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'on leur donne, mais j'espère que des pressions seront exercées afin que la situation change dans un avenir rapproché.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1440)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Nancy Ruth, appuyée par l'honorable sénateur Patterson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-225, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).

L'honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de ce projet de loi. Je crois que personne n'ignore que j'ai passé la majeure partie de ma vie adulte à enquêter sur la mort en tant que coroner de la Colombie-Britannique, puis en tant que coroner en chef pendant les quatre dernières années de ma carrière. Je pense donc que je comprends assez bien, d'une part, le processus de la mort et, d'autre part, le caractère sacré de la vie. Je voudrais aborder trois points en ce qui concerne ce projet de loi.

Le premier point que je veux soulever, c'est que la mort est parfois dans l'intérêt du patient. La valeur de la vie est grande, mais elle n'est pas infinie. Lorsque certains patients, ou leurs proches, sont confrontés à un pronostic terrible, ils trouvent parfois du courage dans le vieux proverbe qui dit : « Là où il y a de la vie, il y a de l'espoir ». Toutefois, ce proverbe est plutôt une prière pour que la situation s'améliore et non une assertion qui préconise le maintien en vie par tous les moyens de quiconque présente des signes vitaux.

Nombre de dirigeants religieux souscrivent au principe vitaliste de la valeur de toute vie. Ces mêmes dirigeants estiment aussi qu'il est inacceptable de prolonger indéfiniment une vie de façon artificielle, et ils acceptent les limites des traitements de prolongation de vie. La plupart d'entre eux acceptent le principe du double effet, à savoir qu'un patient peut recevoir des médicaments qui, bien qu'ils le soulagent, peuvent écourter sa vie, pourvu que ce dernier effet ne soit pas celui recherché. Les gens qui acceptent qu'il n'est pas nécessaire de prolonger la vie indéfiniment ou qu'on peut mettre une vie en danger pour soulager quelqu'un acceptent implicitement que la valeur de la vie n'est pas infinie. Ils reconnaissent qu'on peut parfois exprimer de la compassion en posant des gestes qui peuvent compromettre la durée de la vie.

La mort n'est pas une expérience facultative. Au Canada, la mort est habituellement un événement prévisible, qui fait suite à une maladie incurable chronique. Lorsqu'on leur donne le choix, beaucoup de gens vont tenter de retarder la mort, certains ayant recours à des moyens agressifs pour prolonger la vie, et ce, même si leur situation est sans espoir. D'autres patients disposent d'options limitées qui leur permettraient de prolonger la vie, et même si leurs facultés cognitives demeurent intactes, leur qualité de vie et leur état physique en viennent à se détériorer à un point qu'ils jugent inacceptable. Ces patients décident habituellement de recevoir des soins de confort et se satisfont d'attendre que la mort vienne naturellement.

Cependant, certains patients préfèrent ne pas attendre l'apparition de nouvelles complications pour mettre un terme à leurs souffrances. Plusieurs cas récents et notoires de Canadiens atteints de cancer du cerveau, de la maladie d'Alzheimer ou de sclérose latérale amyotrophique constituent des exemples de cette situation. Le patient est à l'aise avec l'idée d'écourter sa vie de manière à privilégier le confort. Il ne cherche pas à éviter la mort, et il peut même arriver qu'il la souhaite; tout le monde pousse un soupir de soulagement lorsqu'elle arrive.

Il existe peut-être une différence conceptuelle entre l'aide active à la mort et l'aide passive à la mort par l'arrêt ou la suspension des thérapies, mais la même prémisse peut justifier les deux approches : la mort est dans l'intérêt supérieur du patient. Que la mort soit le résultat d'une aide active ou d'une aide passive, c'est l'intérêt du patient qui prime dans les deux cas.

Deuxièmement, lorsqu'ils sont conscients, les patients sont les personnes les mieux placées pour décider si la mort est dans leur intérêt supérieur. Beaucoup de Canadiens meurent dans une unité de soins intensifs, souvent à la suite d'une décision visant à mettre fin aux traitements essentiels à la survie ou à les suspendre. Idéalement, cette décision est prise par le patient lui-même, ce qui indique que c'est bel et bien ce qu'il veut.

En réalité, on ne peut habituellement pas faire intervenir le patient directement dans la prise de décision. Il faut alors avoir recours aux services d'un mandataire spécial, qui est censé prendre la décision que le patient aurait souhaitée, en tenant compte de ses directives préalables ou de son intérêt supérieur.

La prise de décision par un mandataire est une façon de procéder qui n'est pas sans défaut. Les mandataires sont mal placés pour savoir ce que le patient veut. Il est plutôt rare que le patient ait donné des directives à l'avance et, lorsque c'est le cas, elles sont trop vagues ou trop précises pour être utiles au médecin qui doit prendre une décision. Le mandataire peut en outre souvent être en conflit d'intérêts, par exemple, parce qu'il fait partie des personnes qui hériteront de la fortune du patient, lorsqu'il mourra, ou parce qu'après le décès, il n'aura plus à supporter le fardeau psychologique et physique des soins à prodiguer.

Malgré ces problèmes, nous continuons de nous en remettre à des mandataires pour décider du moment où il convient de laisser mourir les patients. Si cette façon de faire ne nous gêne pas, pourquoi devrions-nous nous opposer à ce que le personnel médical puisse exécuter les désirs qui lui sont communiqués directement par le patient, sans risque d'ambiguïté, de fausse interprétation ou de conflit d'intérêts?

Nous sommes tout à fait disposés à respecter le désir d'un patient lucide en phase terminale qui souhaite recevoir des soins palliatifs et renoncer à une thérapie susceptible de prolonger son espérance de vie. Nous n'insistons pas pour qu'il continue sa chimiothérapie jusqu'à ce qu'il meure d'une mort naturelle. Nous n'essayons pas de le convaincre qu'un respirateur l'aidera à donner un sens à sa vie. Nous respectons son aptitude à déterminer quand il en a assez de lutter. Si un patient a le droit de décider quand il est dans son intérêt de se laisser mourir, pourquoi n'aurait-il pas le droit de décider quand il est dans son intérêt qu'on l'aide à mourir?

Troisièmement, il n'est dans l'intérêt de personne de refuser à un patient le droit à une aide médicale pour mourir. Il faut avoir une solide justification pour empêcher une personne lucide de décider de ce qui est dans son intérêt.

L'argument le plus courant contre la légalisation de l'aide médicale à mourir consiste à invoquer les effets d'une telle mesure sur les personnes vulnérables, sur la disponibilité des soins palliatifs et sur la communauté médicale. Or, les données n'étayent aucunement ces craintes.

Les statistiques recueillies aux États-Unis montrent que 95 p. 100 des patients qui reçoivent de l'aide médicale à mourir sont de race blanche, que 93 p. 100 d'entre eux ont complété leurs études secondaires et que 97 p. 100 sont couverts par un régime d'assurance-maladie. En Suisse, les statistiques indiquent que les personnes riches qui ont un haut niveau de scolarité sont deux fois plus susceptibles de recevoir de l'aide médicale à mourir que celles qui ne sont pas riches et qui ont un bas niveau de scolarité, tandis que les personnes hospitalisées sont moins susceptibles de pouvoir bénéficier de l'aide à mourir que celles qui vivent à domicile. Ce ne sont pas les personnes vulnérables qui bénéficient de l'aide à mourir; ce sont, en fait, les privilégiés de la société.

Les services de soins palliatifs semblent bien se porter là où la loi permet de recourir à une aide médicale à mourir. La légalisation de cette démarche s'accompagne souvent d'une stratégie globale de financement dans le but d'améliorer les services de soins en fin de vie. C'est ce qu'on rapporte à propos des Pays-Bas et du Territoire du Nord de l'Australie. Aux États-Unis, les trois États qui ont légalisé l'aide médicale à mourir — le Vermont, l'Oregon et Washington — arrivent respectivement au premier, au sixième et au huitième rang dans ce pays au chapitre de l'accessibilité des soins palliatifs en milieu hospitalier.

En 2010, le magazine The Economist a dressé un palmarès du milieu des soins de fin de vie de base dans 40 pays. Les pays où l'aide médicale à mourir est légale — la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg et les États-Unis — s'y sont classés premier, quatrième, cinquième, septième et neuvième respectivement. Le Canada est au 20e rang.

Certains médecins soutiennent que la légalisation de l'aide médicale à mourir compromettrait la relation entre le médecin et le patient. Or, on peut difficilement défendre cet argument dans un pays dont 80 p. 100 de la population est favorable à cette démarche. Les données provenant de l'Oregon révèlent qu'un patient risque davantage d'être contrarié par un médecin qui s'oppose à l'aide médicale à mourir que par un médecin qui y est favorable.

De surcroît, l'Association médicale canadienne a essentiellement rejeté cet argument au cours de sa dernière assemblée générale annuelle, où 90 p. 100 des membres ont voté en faveur du droit de tous les médecins, dans les limites des lois actuelles, de suivre leur conscience au moment de décider s'il faut ou non aider un patient à mourir.

D'aucuns redoutent que l'aide médicale à mourir contrevienne au serment d'Hippocrate et proposent plutôt de créer une profession d'euthanasiste. Or, rappelons-nous que le serment d'Hippocrate a beaucoup changé au fil du temps de manière à refléter l'évolution des lois et des sensibilités. Par exemple, l'interdiction de pratiquer l'avortement et la restriction des professions médicales aux seuls hommes ont été supprimées de la version originale.

Les lois, les politiques et les codes d'éthique changent avec le temps. De toute évidence, un grand nombre de médecins estiment actuellement qu'offrir une aide médicale à mourir s'inscrirait dans le prolongement de leur devoir de soigner lorsque les autres traitements et moyens d'alléger les souffrances en fin de vie ne sont plus efficaces. Les médecins peuvent offrir un vaste éventail de traitements au-delà de l'aide médicale à mourir, permettant ainsi d'atténuer autrement les souffrances, jusqu'au tout dernier moment.

Quelles possibilités les médecins qui pratiqueraient des euthanasies pourraient-ils offrir? Honorables sénateurs, il faut se pencher sur cette question. Il faut lancer un débat public et en discuter. Il faut aussi respecter le point de vue de tout le monde. D'un côté comme de l'autre, il ne faut pas condamner trop rapidement ses adversaires. Il faut étudier la question et décider de quelle manière nous pouvons aider les Canadiens. On ne peut pas faire fi des données scientifiques ni des bonnes pratiques médicales. La très grande majorité des Canadiens souhaitent que ce débat ait lieu. Je vous prie d'appuyer le projet de loi pour que nous puissions le renvoyer le plus rapidement possible au comité.

(Sur la motion de la sénatrice Verner, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rivard, appuyé par l'honorable sénateur Wallace, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-520, Loi visant à soutenir l'impartialité politique des bureaux des agents du Parlement.

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour dire quelques mots sur le projet de loi C-520. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, mais je presse tout le monde de le lire. Après en avoir fait moi-même la lecture, j'estime qu'il devrait s'intituler : « Êtes-vous membre d'un parti politique ou l'avez-vous déjà été? » Le projet de loi pose cette question aux agents du Parlement et à leurs employés — comme le vérificateur général, le directeur général des élections, le conseiller sénatorial en éthique, pour ne nommer que ceux-là, c'est-à-dire des personnes qui effectuent une tâche cruciale pour le Parlement et les Canadiens en général —, et ce projet de loi touche directement l'essence de leur travail.

(1450)

Brièvement, le projet de loi exige que les agents du Parlement, de même que les membres de leur personnel ou les personnes qui présentent leur candidature à un poste dans leur bureau, produisent une déclaration indiquant s'ils ont occupé un poste partisan au cours des 10 dernières années. Le texte exige aussi que ces membres du personnel ou candidats s'engagent par écrit « à se conduire d'une façon non partisane. » Comment peut-on s'opposer à une telle chose? Le hic, c'est que le projet de loi est une solution en quête d'un problème.

Dans son discours prononcé à l'autre endroit, le parrain du projet de loi a soutenu :

[...] qu'il est crucial que les agents et leur personnel travaillent en toute impartialité, sans partisanerie aucune, s'ils souhaitent conserver la confiance des parlementaires et des Canadiens.

Cependant, les agents et les membres de leur personnel le savent déjà. Ils ont toujours respecté cette règle. Ils se conduisent d'une façon non partisane et des mesures existent pour faire en sorte qu'il en soit toujours ainsi.

En majeure partie, les membres du personnel des agents du Parlement sont des fonctionnaires ordinaires. Ils sont donc assujettis à la partie 7 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, qui régit les activités partisanes des fonctionnaires, et au Code de valeurs et d'éthique du secteur public.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique interdit aux fonctionnaires de s'adonner à toute activité politique qui risque de nuire ou qui a l'apparence de nuire à leur impartialité. En outre, le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique interdit aux employés d'agir de manière partisane. D'ailleurs, le parrain du projet de loi a été incapable de fournir ne serait-ce qu'un seul exemple d'activité que son projet de loi vise à empêcher.

Ces agents à qui s'appliquerait le projet de loi ont également exprimé leur préoccupation à l'égard du fait que le projet de loi s'attaque à des problèmes inexistants. En outre, la commissaire aux conflits d'intérêts, devant le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes, a aussi dit du projet de loi qu'il « ne semble pas avoir été présenté pour répondre à un problème exigeant une solution » et qu'il risque de créer d'autres problèmes.

Par exemple, l'obligation des employés potentiels de déclarer tout travail partisan effectué par le passé pourrait poser des difficultés au regard de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Comme nous le savons, l'embauche dans la fonction publique doit se faire uniquement en fonction du mérite. Or, une personne qui voit sa candidature à un poste refusée après avoir déclaré ses activités partisanes passées pourrait conclure que sa déclaration a contribué au rejet de sa candidature. De même, l'obligation de déclaration pourrait dissuader des candidats qualifiés de poser leur candidature.

À la lecture du présent projet de loi, je ne peux m'empêcher de penser à la chasse aux sorcières perpétrée aux États-Unis au cours des années 1950 où l'on posait la question « Êtes-vous ou avez-vous été membre d'un parti communiste? » Est-ce vraiment ce que nous souhaitons au Canada? Voulons-nous demander aux gens : « Êtes-vous ou avez-vous été membre du Parti conservateur du Canada? »

Nous nous attendons à ce que les gens qui occupent un poste non partisan se comportent de manière non partisane, et c'est exactement ce qu'ils font. Prenons les juges, par exemple. Bien des gens nommés à la magistrature sont issus du milieu politique mais, dès qu'ils revêtent la robe, ils mettent de côté cette partialité et adoptent un comportement qui fait honneur à leur profession.

Je me rappelle, de l'époque où je travaillais pour le gouvernement fédéral, que les anciens membres du personnel politique du gouvernement du premier ministre Mulroney figuraient parmi les meilleurs fonctionnaires, pas en dépit, mais en raison de leur ancien dévouement partisan. Grâce à cette expérience, ils possédaient une sensibilité à l'égard des problèmes que leurs homologues, qui ont fait toute leur carrière au sein de la fonction publique, ne possédaient pas en règle générale.

Le fait d'avoir déjà occupé un poste partisan, pourvu que ce soit chose du passé, n'empêche pas une personne de s'acquitter de ses fonctions de manière non partisane par la suite. Prétendre le contraire, comme le fait ce projet de loi, ne profite à personne.

Voilà ce que le vérificateur général, Michael Ferguson, que plusieurs d'entre nous ont appris à extrêmement bien connaître au cours des dernières semaines, a déclaré devant le comité de la Chambre des communes :

[...] à mon avis, la façon dont le texte est rédigé présente certains irritants qui ne sont pas vraiment nécessaires et qui ne favorisent nullement notre indépendance. [...] J'imagine que cela ne peut qu'entraîner une certaine confusion.

J'espère que le gouvernement, ou le parrain du projet de loi, est ouvert aux changements. Honorables sénateurs, rejetons ce projet de loi, car il n'est pas nécessaire.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables collègues, j'aimerais dire quelques mots au sujet de ce projet de loi. Je le ferai demain et, par conséquent, je propose l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Sixième rapport du comité—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénatrice Andreychuk, tendant à l'adoption du sixième rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement (modifications au Règlement du Sénat), présenté au Sénat le 21 octobre 2014.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je propose d'ajourner le débat à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Banques et commerce

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ainsi que le respect des lois et des principes de tous les accords commerciaux—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l'honorable sénatrice Tardif :

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les échanges commerciaux entre les États-Unis et le Canada ainsi que le respect des lois et des principes de tous les accords commerciaux applicables, en accordant une attention particulière aux importations de volaille de réforme et de poulet, notamment :

a) l'application de droits et de quotas aux produits dont la classification comprend les mélanges, préparations et kits alimentaires ainsi que la possibilité que ces produits échappent aux lois et aux principes des accords commerciaux applicables, en particulier aux quotas d'importation;

b) la réglementation applicable aux droits et quotas d'importation établis par le ministère des Finances;

c) l'interprétation et l'application des règles et règlements de l'Agence des services frontaliers du Canada;

d) la surveillance des produits qui constituent des mélanges, des préparations et des kits alimentaires;

e) la réciprocité de la réglementation américaine en ce qui a trait aux importations canadiennes similaires;

Que le comité formule des recommandations sur la prise de mesures réglementaires et législatives afin d'assurer l'équité du système pour les Canadiens;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 27 juin 2014, et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant les 180 jours suivant le dépôt de son rapport final.

L'honorable Lynn Beyak : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Beyak, le débat est ajourné.)

Les disparités en matière d'éducation au sein des Premières Nations

Interpellation—Fin du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Dyck, attirant l'attention du Sénat sur les disparités en matière du niveau d'éducation des membres de Premières nations, le financement inéquitable des écoles situées dans les réserves et le financement insuffisant de l'éducation postsecondaire.

Son Honneur le Président : Avant que la sénatrice commence, j'informe le Sénat que, si la sénatrice Dyck parle, son intervention aura pour effet de clore le débat sur cette motion. Sénatrice Dyck, vous avez la parole.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Merci.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour donner suite au débat sur mon interpellation concernant l'éducation dans les Premières Nations et pour en parler une dernière fois. J'aimerais remercier tous les sénateurs qui ont participé au débat.

J'ai lancé cette interpellation en décembre 2013, il y a un an. À ce moment-là, l'éventuelle loi sur l'éducation des Premières Nations suscitait beaucoup d'attentes et les chefs en discutaient à la réunion de l'Assemblée des Premières Nations à Gatineau. Mais, au cours de l'année écoulée, les espoirs d'une réforme et d'une amélioration de l'éducation dans les réserves ont été anéantis. Que s'est-il passé?

(1500)

À la réunion de l'Assemblée des Premières Nations de décembre 2013, les chefs ont adopté une résolution établissant les cinq conditions que devait respecter une mesure législative portant sur l'éducation des Premières Nations pour qu'elle ait leur appui. Premièrement, le contrôle par les Premières Nations et le respect des droits inhérents issus des traités; deuxièmement, une augmentation du financement prévu par la loi; troisièmement, l'incorporation de la langue et de la culture en tant qu'éléments pédagogiques fondamentaux; quatrièmement, le respect de la compétence et des droits des Premières Nations au chapitre de la surveillance; et cinquièmement, un engagement permanent et sincère.

Des négociations ont eu lieu, et, en février 2014, M. Atleo, chef national, et le premier ministre Harper ont annoncé le projet de loi C-33, Loi sur le contrôle par les premières nations de leurs systèmes d'éducation. Le premier ministre a annoncé qu'un montant additionnel de 1,9 milliard de dollars serait prévu dans le budget de 2014 pour l'éducation des Premières Nations, assorti d'un facteur de progression de 4,5 p. 100 à partir de 2016-2017.

Le projet de loi créait un Comité mixte de professionnels de l'éducation chargé de conseiller le ministre sur l'élaboration des règlements afférents. Il établissait également les modalités relatives à la délivrance de brevets d'enseignement et à la reconnaissance des diplômes dans les réserves et à l'extérieur de celles-ci, et créait des conseils scolaires des Premières Nations. Il venait également modifier la Loi sur les Indiens afin d'y éliminer toute mention des pensionnats.

Peu après l'annonce du projet de loi C-33, plusieurs chefs l'ont rejeté. Ils faisaient valoir que les cinq conditions n'avaient pas été respectées; qu'ils n'avaient pas été suffisamment consultés; et que la structure du système d'éducation sur les réserves relevait de la compétence du ministre plutôt que des Premières Nations.

Quoi qu'il en soit, en avril, le gouvernement a présenté le projet de loi à la Chambre des communes, et le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones en a effectué une étude préalable. Les chefs des Premières Nations continuaient, pour leur part, de s'opposer au projet de loi C-33 alors que le gouvernement affirmait avoir conclu une entente avec le chef national Atleo. De nombreux chefs ont fait valoir que le chef national ne pouvait accepter d'appuyer un projet de loi sans leur consentement. Ils ont dit que M. Atleo n'avait pas obtenu leur consentement et que les cinq conditions n'avaient pas été respectées.

Il a alors fallu se pencher sur la question du leadership au sein de l'Assemblée des Premières Nations, et certains ont envisagé de faire appel à la Confédération des nations, qui est l'une des instances de l'assemblée. Le 2 mai, le chef national Atleo a démissionné et déclaré ce qui suit : « Il s'agit d'un dossier trop important, et je ne veux être ni un obstacle ni une distraction; l'accent doit être mis sur les enfants et leur potentiel. »

Plus tard en mai, lors d'une réunion spéciale de l'Assemblée des Premières Nations tenue à Ottawa, les chefs ont rejeté à l'unanimité la loi sur le système d'éducation des Premières Nations. Le ministre Valcourt a dit qu'il ne ferait adopter aucun projet de loi sans l'appui de l'Assemblée des Premières Nations parce qu'Ottawa a dépensé temps et argent pour essayer de rebâtir ses relations avec l'assemblée et les Premières Nations. Le ministre a toutefois aussi refusé de rencontrer les chefs dissidents et il les a qualifiés de voyous. Il a dit aux députés qu'il fallait « [...] condamner vivement les menaces de ces chefs voyous, qui mettent en danger la sécurité des familles et des contribuables canadiens ».

En outre, le ministre Valcourt a refusé d'augmenter le financement alloué aux Premières Nations en matière d'éducation tant que la question ne serait pas réglée.

Honorables sénateurs, le ministre dit ni plus ni moins que c'est à prendre ou à laisser. Or, il s'agit d'une approche ridicule, surtout dans un dossier si important, l'éducation des Premières Nations. En refusant de financer adéquatement l'éducation des enfants autochtones tant et aussi longtemps que les chefs n'accepteront pas le projet de loi du gouvernement fédéral, le ministre et le gouvernement agissent de façon autocratique. Si l'on omet de bonifier le financement alloué pour l'éducation des Premières Nations pendant une autre année scolaire, on élargira ainsi l'écart de scolarisation qui existe entre les enfants qui vivent dans les réserves et les autres enfants. C'est tout simplement injuste et inacceptable.

Dans les Prairies, en particulier, l'éducation des enfants autochtones est essentielle pour briser le cycle de la pauvreté et du désespoir et pour assurer la croissance de l'économie des provinces. Vous étudiez, vous obtenez un emploi. Ce n'est pas sorcier.

À la mi-juin, j'ai écrit au premier ministre afin de lui demander d'intervenir pour dénouer l'impasse entre le ministre Valcourt et les chefs. Je lui ai demandé de convaincre le ministre Valcourt de rencontrer les chefs qui réclamaient des modifications supplémentaires au projet de loi C-33 afin de réaliser la vision et les objectifs louables que le premier ministre avait annoncés en février. J'ai reçu une réponse d'un responsable de la correspondance me remerciant d'avoir pris le temps d'écrire et disant que ma lettre allait être transmise au ministre Valcourt.

Voici ce que j'ai dit dans ma lettre :

Monsieur le premier ministre, en juillet 2011, en reconnaissance des excuses que vous avez présentées en 2008, vous avez été nommé membre honoraire de la chefferie des Kainai et avez reçu le nom de Chief Speaker, ou Ninayh'poaksin en pied-noir. En tant que chef honoraire et fier propriétaire d'une coiffure de chef, il est attendu de vous que vous soyez à la disposition des Premières Nations. Il m'a fait plaisir d'apprendre que vous avez promis que le gouvernement suivrait l'exemple du regretté sénateur Gladstone et travaillerait au nom de toutes les Premières Nations.

Premier ministre Harper, Chief Speaker, Ninayh'poaksin, au nom de tous les enfants et de tous les adolescents qui vivent dans les réserves indiennes du Canada, je vous implore d'intervenir sur-le-champ et de convaincre le ministre Valcourt de rencontrer les chefs de l'APN qui trouvent que le projet de loi C-33 doit être retravaillé davantage afin de réaliser la vision et les objectifs louables en matière d'éducation des Premières Nations que vous avez annoncés le 7 février.

En août, le chef national intérimaire, Ghislain Picard, a écrit au premier ministre pour l'exhorter à rencontrer l'APN afin de discuter de la question de l'éducation. Afin de dénouer l'impasse, le chef national intérimaire et le comité exécutif de l'APN ont tenté de s'entretenir avec le gouvernement dans le but de continuer à chercher un terrain d'entente. Cependant, le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord a réaffirmé qu'il n'irait pas de l'avant avec le projet de loi C-33 sans l'appui de l'APN, et que les promesses de financement seraient liées aux réformes structurelles proposées dans le projet de loi C-33. De plus, le ministère a affirmé qu'il attendrait qu'un nouveau chef national soit élu et qu'il clarifie la position sur le projet de loi.

Pendant des années, le gouvernement a prétendu que les élèves dans les réserves des Premières Nations bénéficiaient d'un financement comparable à celui des élèves hors des réserves. Le but de la présente interpellation était en partie d'illustrer l'écart de financement de l'éducation entre les élèves qui fréquentent les écoles situées dans une réserve et les élèves qui fréquentent les écoles situées hors réserve, et relevant donc de la compétence provinciale. Dans le discours que j'ai prononcé il y a un an, j'ai souligné à quel point l'écart de financement était grave et l'est toujours.

En février dernier, après avoir nié pendant des années le sous-financement de l'éducation des Premières Nations, le gouvernement a annoncé un nouveau financement de 1,9 milliard de dollars et promis un facteur de progression de 4,5 p. 100 pour 2016 si le projet de loi était adopté. Toutefois, honorables sénateurs, un document interne d'Affaires autochtones et Développement du Nord Canada datant de juin 2013 indique :

Pour que les programmes d'enseignement [de la maternelle à la 12e année] puissent rester comparables aux programmes provinciaux, SANS qu'on aille puiser dans les fonds réservés à d'autres programmes [...], de nouveaux investissements seront nécessaires, dont un facteur de progression de 4,5 p. 100 pour les fonds destinés aux programmes d'enseignement de la maternelle à la 12e année, à partir de 2014-2015.

(1510)

Permettez-moi de répéter : le ministère sait qu'il faut remplacer le plafond de 2 p. 100, mis en place il y a longtemps, par une indexation de 4,5 p. 100. Ce changement aurait dû entrer en vigueur cette année, en 2014-2015.

Il est absolument insensé que le ministre Valcourt refuse d'accroître le financement consacré à l'éducation des Premières Nations tant que le projet de loi C-33, une mesure controversée, n'aura pas été adopté. En effet, la note de service indique clairement qu'il faut augmenter le financement immédiatement, et non attendre deux ans, après l'adoption du projet de loi.

Cette idée de garder les chefs en otage en leur promettant un financement futur va à l'encontre des conclusions formulées par le ministère lui-même en juin 2013, selon lesquelles le nouveau financement est requis immédiatement, en 2014-2015, et non une fois le projet de loi adopté.

Honorables sénateurs, nous sommes presque en 2015. Il y a 10 ans, en 2005, des dirigeants fédéraux, provinciaux, territoriaux et autochtones ont conclu une entente. Cette entente, l'Accord de Kelowna, offrait la possibilité de transformer non seulement l'éducation dans les réserves, mais aussi la relation entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral. Les Premières Nations avaient été dûment consultées pendant les négociations. On avait prévu 1,8 milliard de dollars pour financer l'éducation. Il est regrettable que, 10 ans plus tard, 10 ans après l'abandon de l'Accord de Kelowna et l'arrivée d'un nouveau gouvernement au pays, rien n'ait remplacé les mesures que prévoyait l'accord.

Un seul autre projet de loi aborde l'éducation des Premières Nations, le projet de loi d'initiative parlementaire C-428, Loi sur la modification et le remplacement de la Loi sur les Indiens. Bien qu'il s'agisse d'une mesure d'initiative parlementaire, elle contient les mêmes dispositions que le projet de loi d'initiative ministérielle C-33, qui retire de la Loi sur les Indiens les articles qui mentionnent les pensionnats. C'est que le premier ministre Harper avait promis de faire en juin 2008, lorsqu'il avait présenté ses excuses au sujet des pensionnats indiens. Le ministre de l'époque, M. Strahl, avait réitéré cette promesse en 2010, lors de la première réunion nationale de la Commission de vérité et réconciliation. Il est scandaleux que le gouvernement fédéral ait essentiellement diminué l'importance de sa promesse en laissant un de ses députés inscrire ces dispositions dans un projet de loi d'initiative parlementaire qui n'est même pas axé sur l'éducation. Le gouvernement fédéral envoie un message clair : pour lui, il est plus important d'appuyer un de ses députés d'arrière-ban que de négocier avec les chefs au sujet de la loi sur l'éducation des Premières Nations.

L'impasse acrimonieuse dans laquelle se trouve le dossier de l'éducation des Premières Nations ne représente qu'un aspect de la détérioration des relations entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral. Les Premières Nations sont obligées de plus en plus souvent d'intenter des poursuites judiciaires contre le gouvernement fédéral pour faire reconnaître leurs droits. Par exemple, les conclusions finales viennent d'être présentées devant le Tribunal canadien des droits de la personne dans l'affaire qui porte sur une plainte déposée par Cindy Blackstock au sujet de la discrimination dans les niveaux de financement destinés aux programmes et aux services à l'enfance et à la famille dans les réserves des Premières Nations. En février dernier, l'APNQL a intenté une poursuite contre le gouvernement fédéral au sujet du projet de loi C-33. Il y a à peine deux semaines, la Première Nation d'Onion Lake a elle aussi intenté une poursuite contre le gouvernement, cette fois au sujet du projet de loi C-27, la Loi sur la transparence financière des Premières Nations.

Les relations entre les Premières Nations et le gouvernement fédéral se sont tellement détériorées que d'éminents Canadiens ont pris la parole récemment pour ramener les Autochtones et les non-Autochtones sur la voie du respect et de la compréhension mutuels. L'organisme Les Canadiens pour un nouveau partenariat a été créé par les anciens premiers ministres Paul Martin et Joe Clark, l'ancien chef national de l'APN, Ovide Mercredi, l'ancienne directrice de l'organisation Inuit Tapiriit Kanatami, Mary Simon, l'ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Stephen Kakfwi, l'ancienne vérificatrice générale du Canada, Sheila Fraser, et le juge Murray Sinclair, qui a présidé la Commission de vérité et réconciliation.

Les chefs des Premières Nations sont présentement rassemblés à Winnipeg, 10 mois après que le premier ministre ait annoncé la création de la Loi sur le contrôle par les premières nations de leurs systèmes d'éducation. Aujourd'hui, il y a un peu plus d'une heure, ils ont élu un nouveau chef national. Je tiens donc à féliciter Perry Bellegarde, le nouveau chef national de l'Assemblée des Premières Nations.

Un peu plus tôt aujourd'hui, les trois candidats avaient tous demandé que l'on reprenne le processus du début et que l'on consulte les Premières Nations. Dix mois se sont écoulés, et le ministre est toujours intraitable. Il devra revenir sur sa position puisque nous avons un nouveau chef national. À tout le moins, le ministre doit offrir d'augmenter de 4,5 p. 100 le financement de l'enseignement chez les Premières Nations. Cela démontrerait qu'il est prêt à négocier de bonne foi avec le nouveau chef national et respecterait ce que le ministère a annoncé et publié dans une note de service en juin 2013.

Honorables sénateurs, permettez-moi de conclure en citant un long passage d'un texte rédigé par Cindy Blackstock.

Dans cette lettre d'opinion, elle a écrit ce qui suit :

Le gouvernement fédéral a mis en veilleuse son projet de loi controversé sur l'éducation des Premières Nations en attendant que l'Assemblée des Premières Nations clarifie sa position à l'égard de celui-ci.

Récemment, le ministre des Affaires autochtones, M. Valcourt, s'est dit « troublé que le NPD fasse de la petite politique sur le dos des enfants des Premières Nations ». C'est un peu fort comme déclaration, surtout de la part d'un gouvernement qui est au pouvoir depuis huit ans et qui compte attendre après la prochaine élection pour verser les fonds promis alors que le secteur de l'éducation a désespérément besoin de cet argent.

Qui plus est, cette déclaration va directement à l'encontre des agissements du gouvernement devant le Tribunal canadien des droits de la personne. En effet, le gouvernement défend énergiquement des mesures de financement inéquitables concernant la protection des enfants qui vivent dans des réserves et ce, même si des représentants du gouvernement ont confirmé que ces mesures sont trop faibles et qu'elles font en sorte que des enfants sont inutilement placés en famille d'accueil.

Tout ce gâchis soulève pour moi une question clé. Si les enfants constituent réellement une priorité pour le gouvernement fédéral, pourquoi celui-ci retient-il les fonds?

Cette citation est de Cindy Blackstock. Je vais poursuivre la citation :

Adam, un élève de troisième année de la Première Nation Kashechewan veut également savoir. Il a écrit : « J'aimerais être un policier quand je serai grand, parce que je pourrai mettre les méchants en prison. J'aime l'école parce que nous avons des cours d'art et parce qu'il y a la récréation. J'ai besoin de l'école parce que je dois apprendre. Vous avez promis aux Autochtones qu'ils pourraient aller à l'école. Ce n'est pas juste que les Autochtones manquent du temps d'école. Je dois aller au collège pour devenir policier. »

Cet enfant a tout à fait raison. Il lui faut une éducation pour être en mesure d'obtenir un emploi.

Voici ce qu'elle a dit ensuite :

Les Canadiens de toutes les allégeances politiques sont des gens justes qui aiment les enfants. Nous ne pouvons plus laisser le gouvernement fédéral se tirer d'affaire avec des excuses alors que les enfants souffrent. Les enfants méritent que l'on finance adéquatement, alors qu'ils sont encore dans leurs années d'enfance, les services d'éducation, de santé et de protection de l'enfance dans les réserves.

Des mesures doivent être prises maintenant en faveur de l'éducation des Premières Nations.

Si les enfants constituent une priorité pour le gouvernement fédéral, pourquoi celui-ci retient-il les fonds devant être consacrés à leur éducation?

Honorables sénateurs, je vous remercie de l'attention que vous portez à cette importante question. Une fois de plus, je tiens à féliciter le chef Perry Bellegarde, notre nouveau chef national. Ils discutent à l'heure actuelle de la Loi sur l'éducation des Première Nations à l'Assemblée des Premières Nations, à Winnipeg, et devraient être en mesure de reprendre les négociations. J'espère que le ministre Valcourt fera preuve d'ouverture.

(Le débat est terminé.)

(1520)

Les phares à titre de symboles irremplaçables du patrimoine maritime

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Munson, attirant l'attention du Sénat sur les phares, qui sont un symbole unique du patrimoine maritime du Canada et des monuments qui enrichissent les collectivités et le paysage national.

L'honorable Jane Cordy : Avant de commencer, je tiens à préciser que j'ai demandé à intervenir dans le débat, mais que cette question était inscrite au nom du sénateur Mercer. Après mon intervention, j'aimerais donc que le débat soit ajourné à son nom.

Honorables sénateurs, le Canada a une riche histoire maritime. C'est particulièrement flagrant dans ma province, la Nouvelle-Écosse. Lorsqu'on pense à cette province, on imagine des rives accidentées, des pêcheurs qui remontent leurs filets, le Bluenose fendant les eaux, toutes voiles dehors, et, bien entendu, le phare de Peggy's Cove.

Ce phare attire des gens du monde entier. Au fil des ans, il a été une bénédiction pour l'économie de la province. Comme la Nouvelle-Écosse est la province qui compte le plus de phares, la côte néo-écossaise a toujours été ponctuée de lumières. Les Néo-Écossais et tous les Canadiens voient une partie d'eux-mêmes dans ces bâtiments emblématiques.

Compte tenu des avancées technologiques, les phares ne sont plus aussi essentiels pour assurer la sécurité maritime, mais ils continuent de rappeler dignement une époque révolue qu'il faut préserver et célébrer. Les gens qui vivent le long des vastes côtes canadiennes savent que les phares sont bien plus que des bâtiments : ils nous lient avec le passé. Nous sommes très attachés à nos côtes et aux modes de vie associés à la mer. Les phares font partie intégrante de cette réalité.

Honorables sénateurs, cette importante partie du patrimoine canadien disparaît peu à peu. Depuis que le ministère des Pêches et des Océans a déclaré, en 2010, que près de 1 000 phares canadiens étaient excédentaires et qu'il a cessé de les entretenir, la plupart de ces phares ont commencé à se délabrer et à se désagréger dans la mer.

C'est le cas de l'un des phares les plus emblématiques du Canada, le phare de l'île Sambro, en Nouvelle-Écosse. Situé à l'entrée du port d'Halifax, ce phare a guidé pendant plus de 250 ans les pêcheurs, les marins et les navires de toutes sortes et leur a permis d'entrer dans le port en toute sécurité. C'est le plus vieux phare de l'Amérique du Nord et de l'Amérique du Sud qui soit toujours en service.

La création du phare de l'île de Sambro est le résultat de la toute première loi que l'Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse a adoptée le 2 octobre 1758. La construction du phare devait coïncider avec la fondation d'Halifax.

Sentinelle postée à l'entrée du port historique d'Halifax, le phare de Sambro a été pendant des siècles le point d'arrivée et de départ des grandes flottes navales, des convois maritimes et des navires de transport de troupes. La lumière du phare Sambro était la première chose que les soldats voyaient en revenant au Canada après leur service militaire.

Ce phare était aussi la première chose qui accueillait les milliers d'immigrants qui ont débarqué au Quai 21 à Halifax, ce qui lui a valu le nom de statue de la liberté du Canada pour un nombre croissant de Canadiens.

Le dernier gardien a quitté son poste en 1988, lorsqu'on a décidé d'automatiser le phare. Depuis son abandon, le phare et les structures de soutien sur l'île ne sont plus entretenus et ils se dégradent sous l'action des éléments du large et à cause du vandalisme. Malheureusement, beaucoup de phares de la Nouvelle-Écosse subissent le même sort.

J'aimerais citer les propos de Barry MacDonald, président de la Nova Scotia Lighthouse Preservation Society :

Historiquement parlant, le phare de l'île Sambro est considéré par plusieurs comme le plus important du Canada. Les efforts visant sa préservation ne doivent pas se limiter à un groupe de bénévoles du coin.

Le phare de l'île Sambro a été commémoré par la Monnaie royale canadienne ainsi que par Postes Canada. Il est maintenant temps que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership et apporte sa contribution pour ne pas que cet édifice maritime emblématique de notre pays sombre dans l'oubli. Ce serait dommage, honorables sénateurs, si on ne pouvait plus l'observer ailleurs que sur une pièce de monnaie ou un timbre.

Le gouvernement fédéral a passé l'été à faire la promotion de l'histoire nautique du Canada. Le premier ministre lui-même y est allé d'annonces concernant la découverte de l'épave du NSM Erebus, qui faisait partie de la tristement célèbre expédition Franklin. Les Canadiens se sont enthousiasmés pour cette découverte, et avec raison, car l'expédition Franklin a constitué un moment marquant dans l'histoire de notre pays. Eh bien, pour bien des Canadiens, surtout ceux qui vivent près des côtes, ce phare emblématique occupe une place aussi importante dans notre histoire maritime.

Depuis que la majorité des phares du Canada ont été déclarés excédentaires, ce sont les groupes de citoyens et les particuliers qui doivent prendre la responsabilité de sauver ces structures laissées à l'abandon. C'est loin d'être une mince tâche. En fait, dans bien des cas, c'est carrément impossible. Parcs Canada étudie actuellement quels bâtiments recevront la désignation de « phares patrimoniaux » aux termes de la Loi sur la protection des phares patrimoniaux. Au total, 92 phares de Nouvelle-Écosse ont été soumis aux responsables, qui doivent rendre leur décision le 29 mai 2015.

Hélas, la vaste majorité de ces phares ne recevront pas la protection souhaitée, et si l'on veut qu'ils survivent, ce sera aux groupes de citoyens et aux municipalités de prendre la relève. Faute de soutien populaire, ils seront laissés à la merci des éléments. Plusieurs organismes, comme la Nova Scotia Lighthouse Preservation Society, s'affairent à expliquer aux groupes de citoyens comment ils doivent s'y prendre pour entretenir ces bâtiments, en plus de faire pression sur les différents gouvernements pour qu'ils contribuent à préserver ces lieux d'une grande importance culturelle.

La Nova Scotia Lighthouse Preservation Society a été fondée en 1994 par des passionnés des phares qui visitaient l'île Sambro. Ces gens s'inquiétaient de l'état du phare et de la maison du gardien. Ils ont donc créé une société sans but lucratif pour l'ensemble des 150 phares de la Nouvelle-Écosse.

Cependant, des organismes comme la Nova Scotia Lighthouse Preservation Society ne peuvent pas tout faire. L'appui du gouvernement sera nécessaire. La cession de ces sites à des groupes communautaires pourrait prendre du temps et, pendant cette période, les structures continueront de se détériorer, car le gouvernement fédéral a cessé de les entretenir. Il faudra obtenir du soutien pour combler l'intervalle entre le moment où le gouvernement abandonne ces sites et celui où la propriété de ceux-ci est cédée à des groupes communautaires privés. Je crois savoir que la ministre des Pêches et des Océans vient tout juste de s'engager à ce que l'on effectue des réparations très sommaires sur le site de l'île Sambro pour éviter qu'il se dégrade de façon irrévocable.

Honorables sénateurs, le patrimoine maritime de notre pays est riche. Il est important de protéger les découvertes, comme le NSM Erebus, mais il est tout aussi important de protéger les phares historiques du Canada. Il ne sera pas facile pour les groupes communautaires de s'occuper de ces structures, dont ils seront maintenant propriétaires. L'appui du gouvernement fédéral sera nécessaire pour leur faciliter la tâche.

La société de préservation du phare de l'île Sambro élabore en ce moment un plan d'affaires pour l'entretien à long terme du site historique de l'île Sambro. Nous avons besoin de groupes communautaires de ce type pour protéger ces sites. Malheureusement, il est impossible de trouver assez de groupes communautaires pour sauver tous les phares du Canada, mais nous ne devons pas perdre espoir.

Comme l'a dit Barry MacDonald :

Il suffit d'un seul passionné dans une collectivité pour donner envie aux autres de se porter fièrement à la défense de leurs phares.

Nous ne le faisons pas seulement pour nous, mais aussi pour nos enfants et nos petits-enfants. Nos phares forment un patrimoine qui nous rattache au passé. Il nous incombe de le léguer à notre tour.

(1530)

Honorables sénateurs, j'espère que, grâce à la mobilisation de la population et à l'aide de tous les ordres de gouvernement, beaucoup de ces trésors du patrimoine historique pourront être sauvés et remis à neuf, de manière à permettre aux générations futures de les découvrir, de les visiter et de les apprécier.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, au nom du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, est-on d'accord pour suspendre la séance et la reprendre à l'appel de la présidence, une fois que la sonnerie aura retenti pendant 15 minutes, dans le but de recevoir des messages de la Chambre des communes?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Merci.

(La séance est suspendue.)


(Le Sénat reprend sa séance.)

(1620)

Projet de loi sur la Journée nationale de la santé et de la condition physique

Message des Communes

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-211, Loi visant à instituer une journée nationale de promotion de la santé et de la condition physique auprès de la population canadienne, accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté le projet de loi sans amendements.

[Français]

Projet de loi no 2 sur le plan d'action économique de 2014

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 11 décembre 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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