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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 115

Le mercredi 4 février 2015
L'honorable Pierre Claude Nolin, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 4 février 2015

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommage

L'honorable Jean-Claude Rivest

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, je ne puis passer sous silence le départ de notre ancien collègue et ami, Jean-Claude Rivest. Le sénateur Rivest et moi avons suivi ensemble un long parcours politique de plus de 35 ans. Il était mon invité lors de mon premier congrès en 1981. Jean-Claude était avant tout un ardent fédéraliste, un homme passionné par le Québec et un fervent admirateur du Canada et de sa diversité.

Il a été l'un des tout premiers conseillers du premier ministre Bourassa de 1970 à 1976. C'était quelqu'un qui cherchait la conciliation plutôt que la révolte à une époque où le Québec vivait en ébullition constante. Jean-Claude était un conseiller extraordinaire. En 1978, il a fait le saut en politique à la demande expresse du chef de parti et est élu député de Jean-Talon. Il n'était pas un député comme les autres!

Lorsque je suis arrivé, quelques mois plus tard, à l'Assemblée nationale, il était mon voisin de bureau. Jean-Claude était reconnu au sein du Parti libéral du Québec comme le gardien du message. Quel était son message? Jean-Claude véhiculait un message de conciliation. Il n'aimait pas la confrontation. C'était, à l'époque, une période extrêmement difficile pour les fédéralistes. Se faire élire aux élections partielles pour un parti fédéraliste n'était pas évident. Nous l'avons fait tous les deux.

Il a beaucoup donné au Québec grâce à sa sagesse. En 1985, il quitte la politique active en tant que député pour devenir le conseiller principal de M. Bourassa. Il est l'un des pères de l'Accord du lac Meech. Il a bâti au Québec, avec le premier ministre Bourassa et d'autres conseillers, cet accord qui, s'il avait été accepté, aurait permis de prévenir les problèmes que l'on connaît aujourd'hui. Malheureusement, le temps arrive mal à réparer les blessures.

Jean-Claude espérait toujours que, dans un autre avenir, le Québec adhérerait finalement à la Constitution canadienne par la grande porte. C'était non seulement son souhait, mais celui de plus de 60 p. 100 des Québécois. Aujourd'hui, Jean-Claude se retire de la politique, mais il ne part pas à la retraite, puisqu'il restera certainement l'un des analystes politiques les mieux informés, au Québec en particulier, là où il en manque. Je suis convaincu que les médias et les universités rechercheront la sagesse de Jean-Claude au cours des prochains mois. Il est impératif qu'un homme de sa qualité puisse demeurer un bon conseiller pour la nation québécoise. Merci, Jean-Claude!

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Le Centre de ressources pour les familles des militaires

La région de la capitale nationale

L'honorable Marjory LeBreton : Honorables sénateurs, le samedi 31 janvier, en soirée, j'ai eu l'honneur d'assister au Bal de la victoire, au bénéfice du Centre de ressources pour les familles des militaires de la région de la capitale nationale.

Ce centre offre ses services à l'ensemble de la communauté militaire, qui, des côtés québécois et ontarien de la région de la capitale nationale, compte 11 000 membres de la Force régulière et de la Réserve, 8 000 conjoints et conjointes et 9 000 personnes à charge. Il offre des programmes et des services spécialisés de soutien aux familles qui doivent déménager souvent, dont l'un des membres est envoyé en mission ou qui doivent interrompre d'une quelconque façon leur vie familiale, une expérience que la plupart des familles canadiennes ne connaîtront jamais.

Depuis un an, le centre a bonifié son service d'hébergement d'urgence, adapté ses programmes de garderie, doublé le nombre de travailleurs sociaux à son emploi et lancé diverses initiatives d'emploi pour les conjoints. De son côté, l'opération Médecin de famille a permis de jumeler plus de 2 000 proches de militaires aux 175 médecins de la région participants.

Grâce au soutien continu — et, espérons-le, croissant — de la population, le Centre de ressources pour les familles des militaires pourra multiplier les ateliers sur la prévention et la sensibilisation, ainsi que les initiatives d'urgence et les services de travail social pour bonifier l'aide en santé mentale qu'il fournit directement aux familles de la région de la capitale nationale — familles, j'insiste sur ce point, auprès desquelles nos excellents soldats, marins et aviateurs vont puiser leur force et trouver du soutien.

Honorables sénateurs, j'ai écouté attentivement la conjointe d'un militaire, Shauna Gale, nous parler du fond du cœur de l'importance que revêt le centre, du soutien qu'elle et ses enfants y trouvent, des difficultés que représentent les nombreuses et longues absences de son conjoint militaire, et des conséquences bien réelles qu'elle doit subir parce que celui-ci a raté une étape importante ou une occasion intéressante. Elle nous a expliqué de manière émouvante, mais réaliste, les conséquences que les nombreux déménagements ont eues sur sa famille, y compris les ruptures répétées avec les camarades de classe et les amis. Selon elle, les familles de militaires acceptent leur sort avec philosophie, puisqu'elles considèrent que cela fait partie de leur devoir. Je peux seulement imaginer à quoi peut ressembler une vie comme celle-là : laisser derrière soi son domicile, ses racines et ses petites et grandes réalisations, comme le jardin dont on pensait prendre soin durant des années. Hélas, pour ce genre de choses, les familles de militaires n'ont pas le choix. En résumé, honorables sénateurs, il s'agit d'une situation que très peu d'entre nous seront

un jour appelés à vivre, mais Shauna Gale, comme tous ceux au nom de qui elle a pris la parole samedi, l'accepte courageusement et s'efforce de relever tous les défis qui se présentent à elle.

En terminant, j'aimerais remercier et féliciter le Centre de ressources pour les familles des militaires de la région de la capitale nationale pour son service dévoué envers la collectivité, les militaires et les civils. Sa contribution au mieux-être des personnes à qui il vient en aide est incommensurable. Cet organisme mérite notre appui soutenu et sans réserve.

Merci, honorables sénateurs.


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 17 février 2015, à 14 heures.

(1340)

Projet de loi sur la réduction de la paperasse

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-21, Loi visant à limiter le fardeau administratif que la réglementation impose aux entreprises, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les Finances

Les taux d'intérêt

L'honorable Pierrette Ringuette : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Comme vous le savez, de ce côté-ci de la Chambre, nous nous sommes engagés auprès des Canadiens à leur permettre de participer activement au processus démocratique en vous transmettant les questions qu'ils nous suggèrent.

Voici donc une excellente question transmise par M. Michel C. Duval, de Val-d'Or, au Québec, et je cite :

Monsieur le leader du gouvernement, pouvons-nous savoir quand deviendront illégaux les taux d'intérêt abusifs au Canada, tels que le taux de 43,87 p. 100 appliqué par Bell Canada, qui vole littéralement les Canadiens? Le taux directeur est présentement de 0,75 p. 100, et rien ne justifie un tel écart.

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie, sénatrice, de nous transmettre la question de ce citoyen. Comme vous le savez, nous avons pris plusieurs mesures afin d'améliorer la situation des consommateurs. Une multitude de dispositions ont déjà été adoptées dans le cadre du plan d'action économique, et nous allons continuer à prendre des mesures qui favoriseront les consommateurs au cours des prochains mois.

J'ose espérer que vous appuierez les mesures de cette nature qui seront énoncées dans le prochain plan d'action économique.

La sénatrice Ringuette : Monsieur le leader, j'ai toujours fait davantage que les appuyer, et je vous rappelle le projet de loi S-210, que je vous ai soumis il y a belle lurette et qui, en mai dernier, a finalement été renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce afin d'être étudié. Malheureusement, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce semble s'être consacré à plusieurs études, sauf à ce projet de loi, qui se penche sur les craintes exprimées par M. Duval.

L'unique loi qui régit les taux d'intérêt au Canada se trouve dans le Code criminel, et elle fixe ce taux à 60 p. 100 et plus, ce qui est absolument inacceptable puisque, depuis 2008, le taux directeur de la Banque du Canada oscille entre 0,5 p. 100 et 1 p. 100; or, il est présentement à 0,75 p. 100.

Des solutions existent pour aider non seulement M. Duval, mais l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens qui se voient imposer des taux d'intérêt irréalistes par différentes entités, sans compter la gamme de cartes de crédit qu'on retrouve sur le marché.

Je tiens à vous rappeler qu'il y a un projet de loi qui examine cette question, et qu'il est plus que temps que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce l'étudie. Pouvons-nous compter sur votre gouvernement pour faire en sorte que cela se produise?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vous l'avez dit, votre projet de loi est à l'étude, en ce moment, au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. À l'heure actuelle, son comité de direction doit déterminer quel ordre de priorité lui accorder.

Par ailleurs, vous avez fait référence aux cartes de crédit. Je vous rappelle que nous avons accueilli favorablement les récentes propositions présentées par les réseaux de cartes de crédit, qui s'engagent à réduire de façon significative les coûts d'utilisation pour les commerçants, ce qui devrait se traduire par une réduction des prix pour les consommateurs.

Notre gouvernement a également agi pour protéger les Canadiens qui utilisent des cartes de crédit, notamment en interdisant la distribution de chèques non sollicités sur les cartes de crédit, en exigeant que la hausse des taux d'intérêt et des frais soit communiquée préalablement, et en éliminant les dates d'expiration des cartes de crédit prépayées. De plus, nous avons créé des règles sur la divulgation claire des modalités des contrats de carte de crédit.

Je crois que ces renseignements répondent aux préoccupations dont vous nous avez fait part en ce qui concerne les taux d'intérêt des cartes de crédit.

La sénatrice Ringuette : Monsieur le leader, je crois plutôt que le gouvernement n'a rien fait pour se pencher sur la situation abusive des taux d'intérêt, et je vous répète que la situation est tout à fait inacceptable pour les consommateurs canadiens.

Votre gouvernement est-il prêt à appuyer mon projet de loi S-210, qui se pencherait principalement sur le problème soulevé par M. Duval et qui ferait en sorte que l'ensemble des consommateurs canadiens puissent aussi profiter du taux directeur actuel de la Banque du Canada, qui est fixé à 0,75 p. 100?

Des compagnies comme Bell Canada profitent sans gêne de cette disposition du Code criminel qui établit à 60 p. 100 le taux d'intérêt. Cette loi date des années 1980, moment où le taux directeur de la Banque du Canada se maintenait de 18 à 24 p. 100.

(1350)

Le projet de loi dont le Comité des banques est saisi n'est pas une politique économique selon moi, mais un dossier qui a trait à une responsabilité financière et sociale envers l'ensemble des consommateurs. Si ce n'est que le fait que ce soit mon nom, en tant que sénatrice libérale, qui est lié au dossier et qui retarde les choses, je n'ai aucun problème à le voir substituer par celui de n'importe quel sénateur conservateur, si cela peut faire avancer le dossier pour le bien-être de l'ensemble des Canadiens.

Monsieur le leader, s'il vous plaît, pour tous ces gens qui ont besoin d'un taux d'intérêt raisonnable et responsable, ne pourriez-vous pas endosser les mesures que j'ai proposées?

Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme vous le savez, comme dans le cas de tout projet de loi qui est examiné ici, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une question de nature partisane. Les projets de loi sont étudiés en comité et ils progressent en comité. Lorsque le comité a complété son étude, il en fait rapport et présente une recommandation, et le projet de loi est débattu en Chambre à l'étape de la troisième lecture. On laissera les gens déterminer le bien-fondé du projet de loi, comme c'est le cas pour tous les projets de loi.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : J'ai une question complémentaire.

[Traduction]

Monsieur le leader, vous avez laissé entendre que le comité directeur du Comité des banques est, au fond, le seul maître de son emploi du temps, et c'est tout à fait vrai. Toutefois, je me demandais s'il vous serait possible, en tant que leader du gouvernement au Sénat et, en quelque sorte, en tant que gardien des règles dans cette enceinte, de rappeler à la présidence du Comité des banques que les projets de loi que le Sénat a approuvés en principe avant de les renvoyer au comité doivent avoir préséance sur les autres études. Cette règle s'applique à tous les comités et elle s'applique aussi au Sénat : en effet, ici même, les projets de loi ont préséance sur toutes les autres questions.

Il y a plusieurs mois que le Comité des banques mène une étude sur le bitcoin. Je ne doute pas que cela soit important et fascinant, mais les projets de loi devraient avoir la priorité.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vous le savez, vous avez été membre du comité de direction de comités assez longtemps pour savoir que ce sont les comités de direction des différents comités qui gèrent leur emploi du temps. Il y a une étude importante, vous l'avez signalé, qui est en cours à l'heure actuelle au sein de ce comité, en ce qui concerne le bitcoin. D'ailleurs, la sénatrice Ringuette y siège, si j'ai bonne mémoire. Elle est donc très au fait de l'emploi du temps de ce comité. Je vais laisser le comité de direction prendre les décisions qui lui sont propres. Comme vous le savez, je ne suis pas le gardien des règles; ici, c'est le Président du Sénat qui joue ce rôle.

[Traduction]

La sénatrice Fraser : J'aimerais vous rappeler ce que dit l'article 12-20(4) du Règlement :

[Français]

Un comité du Sénat ne peut suivre aucune procédure incompatible avec les dispositions du Règlement ou les pratiques du Sénat.

Comme vous le savez, le Règlement du Sénat dit très clairement que ce sont les projets de loi qui ont préséance ou priorité sur les autres affaires.

Le sénateur Carignan : Je ne sais pas si la sénatrice a commencé à utiliser la période des questions pour soulever des questions liées au Règlement. Quoi qu'il en soit, je crois que le président du Comité des banques sera ici demain. Or, vous avez, conformément au Règlement, le pouvoir et le droit de lui adresser des questions, et je vous invite à le faire. Vous connaissez le président de ce comité; compte tenu de son éloquence, je suis convaincu qu'il vous répondra de façon complète. Je ne sais pas si vous serez satisfaite de sa réponse, mais il vous répondra.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

La contribution des militaires et des civils canadiens en Afghanistan

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Segal, attirant l'attention du Sénat sur la contribution des militaires et des civils canadiens à la mission en Afghanistan, d'une durée de 12 ans, qui avait pour but de lutter contre le terrorisme et de venir en aide au peuple afghan.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, la feuille de route de notre ancien et estimé collègue, le sénateur Segal, était exceptionnelle. Comme il a pris sa retraite en juin, j'ai l'honneur de prendre la parole aujourd'hui au sujet de cette interpellation qu'il a présentée peu avant son départ.

Le sénateur Segal a attiré l'attention du Sénat sur la contribution des militaires et des civils canadiens à la mission en Afghanistan, d'une durée de 12 ans, qui avait pour but de lutter contre le terrorisme et de venir en aide au peuple afghan. Il s'agit d'une contribution importante, voire héroïque. Peu importe ce que l'avenir réserve à l'Afghanistan, les gestes posés par ces milliers de Canadiens ont eu un effet indéniable.

Les Canadiens ont contribué à chasser les talibans du pouvoir. À Kaboul, à la demande du président Karzaï, ils ont fourni soutien et conseils au nouveau gouvernement de l'Afghanistan pour l'aider à s'établir. Les Canadiens ont aussi lutté avec courage et distinction contre une insurrection féroce dans la province de Kandahar, siège spirituel des talibans, l'une des missions les plus ardues confiées aux forces de l'OTAN en Afghanistan.

De plus, nos compatriotes ont agi comme formateurs et mentors auprès de milliers de policiers et de militaires afghans, notamment en situation de combat, pendant de dangereuses missions menées à l'extérieur du périmètre de sécurité.

Les Canadiens ont fait un travail remarquable dans la province de Kandahar : ils ont participé à la construction et à la rénovation d'écoles, fait la promotion de l'éducation des garçons comme des filles et réparé des infrastructures essentielles aux agriculteurs, le barrage Dahla et le système d'irrigation qui en dépend.

(1400)

Notre personnel a contribué à éradiquer la poliomyélite dans le cadre d'un programme national de vaccination. Il a fourni des services de sécurité essentiels, d'abord dans la capitale, Kaboul, puis dans la province de Kandahar, contribuant ainsi à atténuer les dangers qui menaçaient la population et le gouvernement afghans afin que tous puissent reprendre leur vie et rebâtir le pays. Par ailleurs, dans le cadre de leurs activités de sécurité, les Forces canadiennes ont peaufiné leurs méthodes anti-insurrectionnelles, dont les commandants de l'OTAN ont vanté l'efficacité, à tel point qu'elles sont devenues un modèle pour les forces anti-insurrectionnelles.

Honorables sénateurs, nous ne devons pas oublier que ces réalisations ont coûté la vie à de nombreux Canadiens. De 2002 à 2011, 158 membres des Forces armées canadiennes ont été tués, et presque tous sont tombés au combat. Le conflit a également coûté la vie à des civils canadiens, y compris un diplomate, une journaliste, ainsi que deux entrepreneurs décédés l'année dernière.

Au cours de leur service, plusieurs autres Canadiens ont subi des blessures physiques et morales dont ils devront porter les séquelles pour le reste de leurs jours. Nous devons à jamais conserver et honorer le souvenir de leurs sacrifices.

Pourquoi le Canada s'est-il engagé dans une mission de combat et d'appui à l'autre bout du monde, au prix de lourdes pertes? Nous n'avons qu'à nous rappeler les événements du 11 septembre 2001.

Les États-Unis ont été la cible d'une attaque cruelle menée par des terroristes d'Al-Qaïda. Les termes du traité fondateur de l'OTAN étaient on ne peut plus clairs sur ce qu'il fallait faire. Les pays membres de l'OTAN avaient la responsabilité individuelle et collective de rétablir et maintenir la sécurité au sein des territoires alliés.

Quelques semaines plus tard, six navires de guerre canadiens patrouillaient les eaux au large du Pakistan. Bien avant cela, des troupes des forces spéciales canadiennes étaient en Afghanistan pour prendre part à l'opération Enduring Freedom, menée par les États-Unis en collaboration avec la Force internationale d'assistance à la sécurité de l'OTAN, ou FIAS.

De plus, au début de 2002, nous avons commencé à participer à une mission humanitaire lancée sous les auspices des Nations Unies afin d'amorcer la relance et la reconstruction en Afghanistan. Je parle de la Mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan, ou MANUA, qui est toujours en cours.

Honorables sénateurs, que ce soit au combat ou lorsqu'ils assuraient la sécurité du gouvernement afghan et de la population, ou encore lorsqu'ils aidaient à reconstruire ce pays en ruine, les militaires et le personnel civil canadiens se sont acquittés de leur rôle de façon exemplaire, quoique la courbe d'apprentissage fut très marquée.

Il serait trop long de nommer tous les Canadiens qui ont participé à la mission. Selon les estimations, 40 000 militaires ont servi en Afghanistan au cours de ces 12 années. Plusieurs d'entre eux y sont allés à de multiples reprises, et certains ont participé à pas moins de cinq missions de combat d'une durée de six mois ou plus. Quelques-uns ont assumé d'importants rôles de leader notamment au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité.

Cependant, bien d'autres fonctionnaires de divers ministères et organismes gouvernementaux ont contribué à la mission. Songeons notamment à Affaires étrangères, Commerce et Développement Canada, à l'Agence canadienne de développement international, à la Gendarmerie royale du Canada et à d'autres forces de police ainsi qu'à Service correctionnel Canada. La contribution du Canada fut pangouvernementale.

Chris Alexander, qui a longtemps été agent du service extérieur et qui est aujourd'hui ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, fut le premier ambassadeur résident du Canada à Kaboul en 2003. Puis, de 2005 à 2009, il a été représentant spécial adjoint de la mission d'assistance des Nations Unies en Afghanistan. Sa contribution a été remarquée.

Gail Latouche, mère de sept enfants, a dirigé l'équipe de Service correctionnel Canada qui a conseillé les gardiens de prison afghans.

Ben Rowswell, un diplomate qui est aujourd'hui ambassadeur du Canada au Venezuela, a accompli un travail remarquable. À titre de représentant du Canada à Kandahar, il était chargé de l'aspect civil de la stratégie du gouvernement.

Il en fut de même pour Elissa Golberg, qui, à l'instar de M. Rowswell, a servi à Kandahar en qualité de première diplomate du Canada. Mme Golberg est maintenant ambassadrice et représentante permanente du Canada auprès des Nations Unies à Genève et de la Conférence du désarmement.

D'autres diplomates, comme James Christoff, qui est aujourd'hui conseiller politique au Haut-Commissariat du Canada au Kenya, ont également servi avec distinction lors de leur déploiement avancé à Kandahar.

L'inspecteur adjoint Graham Muir, de la GRC, et plusieurs autres hauts gradés de la GRC ont supervisé l'important travail de centaines de policiers canadiens qui ont souvent servi dans des endroits dangereux lorsqu'ils agissaient comme mentors pour la police afghane.

Le général Rick Hillier, qui était alors chef d'état-major de la Défense du Canada, a été le cinquième commandant de la Force internationale d'assistance à la sécurité en 2004. Il dirigeait alors l'ensemble des forces de la mission militaire de l'OTAN. Lorsque le président Karzaï a personnellement demandé au général Hillier d'offrir une aide permanente, ce dernier a créé l'Équipe consultative stratégique qui, pendant trois ans, a aidé le gouvernement de l'Afghanistan à renforcer ses capacités.

Bien entendu, il ne faut pas oublier le lieutenant-général Jon Vance, qui est maintenant responsable du Commandement des opérations interarmées du Canada. À titre de brigadier-général, il a été à deux reprises commandant de la Force opérationnelle à Kandahar — le soldat le plus haut gradé du Canada en Afghanistan.

Le général Vance a amélioré la stratégie contre-insurrectionnelle de façon inédite. Le général Stanley McChrystal, des États-Unis, a déclaré que les techniques qu'il a proposées constituent un nouveau paradigme pour la sécurité et le développement. Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, a quant à lui affirmé que c'est exactement l'approche qui sera adoptée au cours des prochaines années.

Il y a beaucoup d'autres héros.

Le premier général canadien qui a servi à Kandahar était Dave Fraser. Six généraux canadiens ont occupé des postes clés là-bas. Certains ont dirigé la formation des forces de sécurité afghanes — notamment Stu Beare, qui est par la suite devenu commandant de toutes les Forces canadiennes à l'étranger, de même que Dean Milner, qui a aussi été commandant du dernier groupe opérationnel de combat à Kandahar. Ces hommes ont incarné mieux que quiconque le leadership canadien. En outre, ils jouissaient de la confiance des hauts dirigeants politiques et militaires de l'OTAN pour réaliser l'une des tâches les plus importantes en Afghanistan.

Pas plus tard que le mois dernier, lorsqu'il a quitté l'Afghanistan, le brigadier-général Simon Hetherington dirigeait la mission de l'OTAN consacrée à la formation des forces de sécurité afghanes, tout en occupant le poste de commandant général adjoint des opérations du 18e corps aéroporté des États-Unis. Il s'agissait du troisième poste élevé qu'occupait M. Hetherington en Afghanistan. Il a aussi dirigé l'Équipe provinciale de reconstruction de Kandahar et, par la suite, il a été commandant adjoint de la Force opérationnelle interarmées — Kandahar.

N'oublions pas non plus le rôle crucial joué par d'autres groupes militaires, comme le Service de santé royal canadien, qui a sauvé bien des vies, l'Aviation royale canadienne, qui a offert un soutien logistique en matière de transport aérien, ainsi que la Marine royale canadienne, qui a fourni des navires et du personnel.

Enfin, honorables sénateurs, j'aimerais également mentionner la contribution du Groupe d'experts indépendant sur le rôle futur du Canada en Afghanistan. Chargé par le premier ministre Harper de parvenir à un consensus sur le rôle futur de notre pays en Afghanistan, le groupe a formulé des recommandations utiles auxquelles le gouvernement a donné suite.

Malgré le fait que les soldats canadiens se sont enfin retirés de l'Afghanistan en 2013 au terme d'une dernière mission d'entraînement de deux ans, le Canada et les Canadiens continuent de contribuer aux efforts d'aide de l'ONU. Le Canada a engagé 227 millions de dollars de plus dans l'aide au développement et 330 millions de dollars dans l'appui aux forces de sécurité nationale afghanes jusqu'en 2017.

L'engagement du Canada en Afghanistan jusqu'en 2017 portera principalement sur l'amélioration de la situation des femmes et des jeunes filles afghanes; le renforcement de la sécurité, de la démocratie, de la primauté du droit et des droits de la personne; et, enfin, le développement de la capacité de gestion de l'aide humanitaire.

Honorables sénateurs, les Forces armées canadiennes et les civils canadiens œuvrant au sein du gouvernement ont énormément contribué, de concert avec nos alliés de l'OTAN et d'autres partenaires, tant à la guerre contre le terrorisme qu'aux efforts visant à aider le peuple afghan, et leur travail n'est pas terminé.

Je remercie le sénateur Segal de sa motion, qui m'a permis de parler officiellement des personnes qui ont contribué à ces efforts ainsi que de leurs réalisations. Notre pays leur sera éternellement reconnaissant de leur service.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

La prestation de soins aux personnes atteintes de démence

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Andreychuk, attirant l'attention du Sénat sur les défis auxquels doivent faire face un nombre important et grandissant de Canadiens qui fournissent des soins à des parents ou à des amis atteints de démence.

L'honorable Elizabeth Hubley : Merci beaucoup, sénatrice Cordy, de m'avoir donné l'occasion d'intervenir aujourd'hui.

Si c'est possible, j'aimerais que le débat demeure ajourné au nom de la sénatrice lorsque j'aurai terminé mon discours. Merci.

Honorables sénateurs, c'est un plaisir d'intervenir brièvement au sujet de l'interpellation de la sénatrice Andreychuk sur les Canadiens qui fournissent des soins à des êtres chers atteints de démence. Elle a tout à fait raison d'avoir lancé ce débat.

Il ne fait aucun doute que la démence et toutes ses conséquences constituent un problème de plus en plus important. En 2011, année dont datent les données les plus récentes, quelque 747 000 personnes au Canada étaient atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une démence apparentée. Ce nombre devrait augmenter considérablement au cours des prochaines années, car la démence est généralement associée au vieillissement, et les gens vivent plus longtemps.

(1410)

En fait, d'après la Société Alzheimer du Canada, le nombre de Canadiens atteints de la maladie d'Alzheimer ou d'une démence apparentée s'élèvera à plus de 1,4 million d'ici 2031.

Les chiffres cités cachent le coût humain, bien plus considérable, que doivent payer les personnes atteintes de démence. En effet, celles-ci doivent composer avec les préjugés, l'isolement et la perte d'autonomie, ce qui peut s'avérer à la fois frustrant et terrifiant. La démence représente aussi un lourd fardeau aux plans physique et psychologique pour les proches du malade. On en a fait état dans des discours précédents. Plusieurs d'entre nous pourraient sans doute faire le récit de leur propre expérience familiale.

La plus récente Enquête sociale générale de Statistique Canada fournit des statistiques au sujet des aidants en général. En 2012, plus de 8 millions de personnes en âge de travailler ont pris soin d'un parent ou d'un ami, pour toutes sortes de raisons : maladie mentale, vieillissement, blessure à la suite d'un accident ou démence. Devant de telles statistiques, on voit bien que de plus en plus de Canadiens doivent composer avec la réalité que représentent les soins prodigués à un être cher. Plus du tiers des Canadiens connaissent une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer et, dans un cas sur cinq, il s'agit d'un membre de la famille immédiate. Les aidants naturels consacrent 444 millions d'heures non rémunérées par année à prendre soin d'une personne ayant une déficience cognitive — comme la démence —, ce qui représente 11 milliards de dollars de revenus perdus.

Nous savons que la situation ne peut qu'empirer. D'après la Société Alzheimer, dans environ cinq ans, 50 p. 100 plus de Canadiens et leur famille seront touchés par la maladie d'Alzheimer ou une démence apparentée. D'ici 2040, les aidants familiaux leur consacreront 1,2 milliard d'heures non rémunérées par année, ce qui est effarant.

Le maintien du statu quo n'est tout simplement pas possible compte tenu que les cas de démence représentent une crise imminente pour le pays. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons besoin d'une stratégie nationale en matière de démence. C'est difficile à croire, mais le Canada a actuellement le triste honneur d'être le seul pays du G8 à ne pas s'être doté d'une telle stratégie. Nous devons faire un effort de collaboration concerté. Nous devons rassembler tous les intervenants intéressés au dossier — les gouvernements, les chercheurs, les professionnels de la santé et d'autres — pour proposer une stratégie pancanadienne qui tienne compte des aidants naturels.

Par l'intermédiaire du Conseil de la fédération, les premiers ministres provinciaux ont déjà fait une priorité des difficultés entourant la démence. Le Groupe de travail sur l'innovation en matière de santé, coprésidé par les premiers ministres Ghiz, Wynne et Pasloski, a proposé des politiques et des programmes innovateurs qui appuient le vieillissement chez soi ainsi que le diagnostic et le traitement précoce de la démence.

L'été dernier, on a demandé au groupe de travail de continuer de travailler sur les soins aux aînés et sur les besoins changeants et croissants d'une population qui vieillit rapidement. C'est un début, mais la collaboration fédérale est nécessaire pour établir une stratégie nationale et, grâce à cette collaboration, les aidants naturels pourraient obtenir davantage d'aide et de soutien.

Fermer les yeux sur le problème sera lourd de conséquences. Les principaux dispensateurs de soins peuvent en arriver à souffrir de stress et présenter de graves symptômes, comme la colère envers la personne malade et les autres, la sensibilité émotive, le retrait social, l'épuisement, l'anxiété et la dépression.

Heureusement, dans ma province, la Société Alzheimer de l'Île-du-Prince-Édouard fait de son mieux pour atténuer les conséquences personnelles et sociales découlant de la maladie d'Alzheimer et d'autres démences auprès des quelque 2 500 habitants de l'île atteints de démence et de leurs aidants naturels.

Par exemple, en partenariat avec la Fondation MedicAlert, la société a instauré le programme MedicAlert Sécu-Retour, un service d'enregistrement pour les personnes atteintes de démence. Ces dernières portent un bracelet MedicAlert sur lequel sont gravés leurs renseignements personnels ainsi que le numéro de la ligne d'urgence. Ainsi, une personne peut être identifiée rapidement si elle se perd. Savoir qu'il existe un système permettant de ramener leur proche à la maison en toute sécurité donne une grande tranquillité d'esprit aux aidants naturels.

Depuis 2011, la Société Alzheimer offre le programme Premier lien, un programme d'aiguillage qui vient en aide aux personnes qui ont reçu un diagnostic d'Alzheimer ou d'une autre forme de démence, ainsi qu'à leur famille et aux soignants. Ce programme dirige les soignants vers les mécanismes de soutien et les services qu'ils peuvent obtenir par l'entremise de la Société Alzheimer ou au sein de leur propre collectivité. La Société Alzheimer offre également une série de séances éducatives, qui aident les familles et les soignants à apprendre comment s'occuper d'une personne atteinte de démence.

La Société Alzheimer de l'Île-du-Prince-Édouard appuie également cinq groupes d'aide aux familles et aux soignants dans l'ensemble de la province, ainsi que des services de counselling aux résidants de la province qui prennent soin d'une personne atteinte de démence. La Société Alzheimer possède également plusieurs ouvrages et DVD sur différents sujets, comme la prestation de soins, le stress et le deuil, que les soignants intéressés peuvent emprunter.

Des services de soutien comme ceux offerts dans ma province ne sont pas forcément disponibles ailleurs au pays. Une chose est sûre, nous pourrions en faire plus pour les soignants, peu importe où ils se trouvent. Nous devons reconnaître le rôle complexe que jouent les soignants, ainsi que leur contribution socioéconomique à la société dans son ensemble. Nous devons aussi faire de notre mieux pour les aider à assumer ce rôle important.

(Sur la motion de la sénatrice Cordy, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 5 février 2015, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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