Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 130
Le mardi 31 mars 2015
L'honorable Leo Housakos, Président intérimaire
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- La Barbade
- La Journée internationale de la visibilité des transgenres
- L'industrie cinématographique canadienne
- Le décès d'A.E. (Bud) Ings, O.I.P.E
- AFFAIRES COURANTES
- La commissaire à l'information
- Les transports
- Le Budget des dépenses de 2014-2015
- ParlAmericas
- Affaires étrangères et commerce international
- Le rôle des sénateurs
- Visiteur à la tribune
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi de crédits no 5 pour 2014-2015
- Projet de loi de crédits no 1 pour 2015-2016
- Projet de loi sur le parc urbain national de la Rouge
- La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité
- L'ajournement
- Projet de loi sur la non-discrimination génétique
- La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel - Projet de loi concernant le Règlement sur les mammifères marins
- Régie interne, budgets et administration
- Le Sénat
- Les travaux du Sénat
- Droits de la personne
- Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude des obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne
- Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'examen des mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières
- Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé
- La sanction royale
LE SÉNAT
Le mardi 31 mars 2015
La séance est ouverte à 14 heures, le Président intérimaire étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Barbade
L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j'aimerais commenter certaines opinions que j'ai entendues au sujet de la transparence et de l'imputabilité qui, à mon avis, ne reflètent pas la réalité.
[Traduction]
Je prends la parole aujourd'hui pour attirer votre attention sur la relation commerciale entre le Canada et la Barbade qui est si importante pour le développement économique du Canada et les Canadiens.
J'ai récemment visité cette île incroyable pour la première fois. Cette terre enchanteresse, avec ses plages vierges et ses citoyens instruits, est un modèle de transparence et d'efficience.
J'ai lu une déclaration faite ici en février par notre estimée collègue, la sénatrice Hervieux-Payette, dans laquelle elle a parlé de paradis fiscaux et de juridictions de complaisance bancaire où il n'existe aucune transparence, comme la Barbade ou les îles Turques et Caïques. Je ne sais pas pour les îles Turques et Caïques, mais je n'ai pas trouvé que la Barbade manquait de transparence. Voici donc quelques faits.
Bien au contraire, la Barbade est le troisième choix du Canada pour les investissements directs étrangers, après les États-Unis et l'Europe. Pendant mon séjour, j'ai aussi découvert que, tous les ans, des milliards de dollars venant de Canadiens transitent par la Barbade pour permettre à nos sociétés manufacturières, minières, financières et autres de faire du commerce partout dans le monde. Oui, honorables sénateurs, la Barbade est une figure emblématique parmi les centres financiers internationaux dans le monde.
Autres faits, selon le Rapport global sur la compétitivité de 2013-2014, produit par le Forum économique mondial, le système bancaire de la Barbade arrive troisième dans l'hémisphère occidental pour sa stabilité. De plus, le secteur financier de la Barbade a passé avec succès trois évaluations de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Par-dessus tout, la Barbade a également garanti sa conformité à la FATCA, la Foreign Account Tax Compliance Act. La charte internationale des clients commerciaux décrit les engagements des organismes de réglementation à fournir des services rapides, efficients et professionnels au secteur international des affaires.
Honorables sénateurs, j'ai également eu le plaisir de m'entretenir avec des gens qui ont accès à des services de soins de santé et d'éducation de grande qualité. De plus, la Barbade s'est classée au 59e rang mondial selon l'Indice de développement humain des Nations Unies, publié en juillet 2014.
Pour conclure, permettez-moi de vous lire un extrait d'un récent article économique sur la Barbade. Un des attraits du milieu des affaires de la Barbade tient à :
[...] son climat favorable. En effet, la Barbade offre un environnement bien réglementé, transparent et propice aux affaires. La concurrence est renforcée grâce à des politiques transparentes et à des lois efficaces.
Chers collègues, la Barbade est une excellente amie du Canada et un pays magnifique à visiter. Oui, je crois que nous devons continuer — que le Canada doit continuer — d'encourager des accords de libre-échange et de faire connaître à nos partenaires internationaux nos meilleures compétences en matière de gestion professionnelle pour accroître la transparence et l'efficacité des politiques dans le monde.
La Journée internationale de la visibilité des transgenres
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, le 31 mars, nous soulignons la Journée internationale de la visibilité des transgenres. Cet événement a été lancé en 2009 par Rachel Crandall, une activiste transgenre.
La Journée internationale de la visibilité des transgenres est l'occasion de démontrer notre appui à la communauté transgenre. Elle vise à attirer l'attention sur les réalisations des personnes transgenres partout dans le monde et à lutter contre le sexisme et la transphobie en aidant le public à mieux connaître la communauté transgenre.
Pourquoi cette journée est-elle importante pour la communauté transgenre et pour nous? Une visibilité accrue signifie une meilleure compréhension de la réalité transgenre. Permettez-moi de vous faire part de quelques statistiques produites par l'organisation Trans Student Educational Resources : 80 p. 100 des étudiants transgenres se sont sentis en danger à l'école en raison de leur expression sexuelle, 40 p. 100 des transgenres ont essayé de se suicider, et 58,7 p. 100 des étudiants non conformistes sexuels ont été victimes de harcèlement verbal en raison de leur expression sexuelle, par comparaison avec 29 p. 100 de leurs pairs.
Aujourd'hui, j'aimerais vous parler de l'histoire de certains transgenres qui vivent avec cette réalité. Je cite Naomi, qui dit ce qui suit :
La décision de changer de sexe ne se prend pas à la légère. Les gens qui veulent être « vraiment eux-mêmes » et qui changent de sexe y ont beaucoup réfléchi; ce sont les femmes et les hommes les plus courageux que je connaisse.
J'ai soutenu le moral de mon enfant pendant le processus de transition. Je l'aime de tout mon cœur et je sais bien que le taux de suicide chez les transgenres est de 54 p. 100. Mais je préfère que mon fils soit transgenre plutôt que mort!
Même s'il n'a pas la même apparence qu'auparavant, c'est toujours la même personne gentille, attentionnée, aimante, réfléchie et intelligente. Seul son aspect est différent.
Il a fait des études universitaires, il travaille et il paie ses impôts. Il devrait jouir des mêmes droits que les autres Canadiens. Il se dit déjà assez d'énormités dans le monde à propos des transgenres. Je trouve donc révoltant qu'ils ne soient pas protégés par la loi canadienne.
Les droits de la personne, qui s'appliquent à tout le monde, devraient aussi s'appliquer à tous les genres. Sinon, notre hymne national est vide de sens. Comment pouvons-nous protéger nos foyers et nos droits si notre pays ne le fait pas?
Signé : une mère fière de son fils de presque 30 ans.
Honorables sénateurs, j'aimerais vous parler de Julie. Cette lettre nous fait comprendre les sentiments de son fils.
Il est toujours en processus de transition pour devenir un homme et je crains chaque jour pour sa sécurité, que ce soit à cause de menaces extérieures, comme les personnes hostiles qui refusent de le considérer comme une personne, ou intérieures, comme la volonté d'autodestruction qui peut sévir quand on ne cadre pas avec les rôles sexuels traditionnels.
Ne suis-je pas en droit de m'attendre, comme les autres citoyens, à ce que le gouvernement protège les membres de ma famille et qu'il défende leur dignité, leur valeur et leur appartenance à la société canadienne?
Je ne veux pas que mon fils craigne d'être attaqué à cause de qui il est. Je veux pouvoir être fière de l'engagement du Canada à l'égard des droits de la personne, et fière d'être Canadienne.
En cette journée, honorables sénateurs, je voulais vous faire part de ces témoignages personnels afin de montrer les difficultés auxquelles se heurtent quotidiennement les transgenres. Merci.
L'industrie cinématographique canadienne
L'honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour souligner la contribution des Canadiens à l'industrie cinématographique et à notre économie créative.
À la cérémonie des Oscars de cette année, deux Canadiens ont été primés : le réalisateur Chris Williams a remporté l'Oscar du meilleur film d'animation pour le film Big Hero 6, et Craig Mann a, quant à lui, remporté l'Oscar du meilleur mixage de son pour Whiplash. En tout, trois films réalisés par des diplômés du Collège Sheridan à Oakville, en Ontario, étaient en nomination pour le meilleur film d'animation. Cela porte à cinq le nombre d'Oscars remportés par des diplômés de cet établissement. Je félicite le collège Sheridan, que le gouverneur général a qualifié de « Harvard des écoles d'animation du Nord », de cette grande réalisation. Ce collège joue un rôle important dans le développement de notre industrie cinématographique.
(1410)
Comme nous le savons, l'industrie du cinéma exerce ses activités dans un environnement très dynamique. Par exemple, on a utilisé la technologie complexe de composition d'images dans des films comme L'histoire de Pi, Avatar et La Reine des neiges, notamment le logiciel Mudbox, conçu par les étudiants du Collège Sheridan. Je me réjouis du talent créatif des Canadiens et du travail que nous faisons pour soutenir l'apport du Canada à l'industrie du cinéma. Selon les statistiques, l'industrie cinématographique et télévisuelle est à l'avant-garde du secteur. En 2013-2014, elle a contribué directement au maintien de 125 400 emplois à temps plein et à une hausse de 5,86 milliards de notre PIB. L'investissement dans les films et les émissions de télévision, grâce à des programmes fédéraux et provinciaux et à des crédits d'impôt, rapporte à nos entreprises et fait du Canada, qu'on qualifie de « Hollywood du Nord », un endroit privilégié pour la production de films.
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter les Canadiens de leurs réalisations dans l'industrie du cinéma.
Le décès d'A.E. (Bud) Ings, O.I.P.E
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'aimerais rendre hommage au regretté Dr A.E. (Bud) Ings, décédé le 20 mars dernier à l'âge de 89 ans. Né à Mount Herbert, à l'Île-du-Prince-Édouard, Bud Ings a grandi dans la ferme familiale. Il a fréquenté le Collège Prince of Wales de Charlottetown, puis a poursuivi son rêve de devenir vétérinaire au Collège de médecine vétérinaire de l'Ontario, à Guelph, où il a obtenu son diplôme en 1952. Il a commencé à pratiquer à Fortune, puis est déménagé à Montague en 1954. Je dois souligner qu'il était le seul vétérinaire praticien du canton à l'époque.
Au cours de sa carrière, le Dr Ings a mis sur pied deux cliniques vétérinaires : la clinique vétérinaire de Montague et l'hôpital vétérinaire de Brudenell. Après sa retraite, au début des années 1990, il a écrit deux livres racontant sa vie de vétérinaire de campagne, intitulés Mud, Sweat and Tears et Vet Behind the Years.
Bud n'était pas seulement un vétérinaire qui avait bien réussi. Il a aussi apporté une contribution importante à sa collectivité et à sa province. En 1970, il a été élu député provincial de la circonscription de 3rd Kings. Il faisait partie du gouvernement d'Alex Campbell. Il a été réélu en 1974, en 1978 et en 1979. Durant la décennie qu'il a passée à l'assemblée législative, il a aussi occupé les fonctions de ministre de l'Agriculture et de ministre de la Santé et des Services sociaux. Plus tard, durant les années 1980, il est devenu président du Parti libéral de l'Île-du-Prince-Édouard. Il a joué un rôle clé dans la création de l'hôpital Queen Elizabeth et du Collège vétérinaire de l'Atlantique, et il s'est vu décerner le Eugene Whelan Green Hat Award.
Il a été membre du conseil municipal de Montague et membre fondateur du musée Garden of the Gulf. Il a fait partie du club Rotary de Montague, au sein duquel il a été nommé membre de la société Paul Harris et s'est vu décerner le prix du mentor. La musique a joué un rôle important dans sa vie. Il a été membre à vie des Queens County Fiddlers et il a chanté dans la chorale de l'Église unie de Hillcrest, ainsi que dans le chœur de huit hommes de Montague.
Ses contributions ont été nombreuses et son impact a été reconnu de diverses façons. Il s'est notamment mérité le prix d'excellence de l'Atlantique en médecine vétérinaire, et il a été intronisé au temple de la renommée de l'agriculture de l'Atlantique. Ceux qui l'ont connu ne seront pas surpris d'apprendre qu'il était particulièrement fier de s'être vu remettre l'Ordre de l'Île-du-Prince-Édouard.
Il ne fait aucun doute que Bud Ings a amélioré la qualité de vie des humains et des animaux de l'Est de l'Île-du-Prince-Édouard. J'ai eu la chance de le connaître et il va nous manquer. J'offre mes plus sincères condoléances à ses filles, Jeanne, Joanne et Jayne, à leurs familles, ainsi qu'à tous les autres membres de la famille de Bud et à ses amis.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
La commissaire à l'information
Dépôt du rapport spécial
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, conformément au paragraphe 39 de la Loi sur l'accès à l'information, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport spécial de la commissaire à l'information du Canada, intitulé Viser juste pour la transparence.
[Traduction]
Les transports
Dépôt de l'arrêté d'urgence visant les occupants du poste de pilotage
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, l'arrêté d'urgence visant les occupants du poste de pilotage, en date du 27 mars 2015, conformément à la Loi sur l'aéronautique.
[Français]
Le Budget des dépenses de 2014-2015
Le Budget principal des dépenses—Dépôt du dix-huitième rapport du Comité des finances nationales
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-huitième rapport (final) du Comité sénatorial permanent des finances nationales, portant sur les dépenses prévues dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2015.
(Sur la motion du sénateur Day, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
[Traduction]
ParlAmericas
La visite bilatérale, du 6 au 13 février 2015—Dépôt du rapport
L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation de la Section canadienne de ParlAmericas concernant sa visite bilatérale à Cartagena, Medellín et Bogotá, en Colombie, du 6 au 13 février 2015.
Affaires étrangères et commerce international
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à siéger à 15 heures le mardi 21 avril 2015, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
[Français]
Le rôle des sénateurs
Préavis d'interpellation
L'honorable Marie-P. Charette-Poulin : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :
J'attirerai l'attention du Sénat sur mes réflexions sur le rôle d'un sénateur.
[Traduction]
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'un bon ami à moi, qui est aujourd'hui l'invité de l'honorable sénatrice Merchant, Son Excellence l'ambassadeur de la République hellénique, M. George Marcantonatos.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
(1420)
ORDRE DU JOUR
Projet de loi de crédits no 5 pour 2014-2015
Troisième lecture
L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-54, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015, soit lu pour la troisième fois.
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai pris la parole au sujet de ce projet de loi hier soir et je voudrais clarifier un point.
J'ai parlé des reports dans les budgets de divers ministères et j'ai dit qu'il est possible de reporter 5 p. 100 du budget de fonctionnement et 5 p. 100 du budget d'immobilisations. Ceux présents hier soir se le rappelleront.
On m'a informé que les règles du Conseil du Trésor ont changé récemment et qu'il est maintenant possible de reporter jusqu'à 20 p. 100 du budget d'immobilisations et non 5 p. 100. Comme je l'avais dit, il est possible de reporter 5 p. 100 du budget de fonctionnement, mais 20 p. 100 du budget d'immobilisations. Je voulais clarifier ce point, honorables sénateurs.
Dans le projet de loi C-54, le gouvernement présente un Budget supplémentaire des dépenses totalisant 1,8 milliard de dollars pour terminer l'exercice se terminant aujourd'hui. On vous demande maintenant de voter, à l'étape de la troisième lecture, un budget de 1,8 milliard de dollars.
Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)
Projet de loi de crédits no 1 pour 2015-2016
Troisième lecture
L'honorable Larry W. Smith propose que le projet de loi C-55, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2016, soit lu pour la troisième fois.
— Je veux juste épater mes collègues en leur communiquant trois petits éléments d'information au sujet du Budget principal des dépenses de 2015-2016. Il importe de comprendre que le montant de 241 milliards de dollars prévu pour 2015-2016 englobe trois éléments : premièrement, les paiements de transfert, qui se chiffrent à 148,8 milliards de dollars et qui représentent 61 p. 100 du budget; deuxièmement, les dépenses de fonctionnement et d'équipement, qui s'élèvent à 67,16 milliards de dollars ou 27,8 p. 100 du budget; et, troisièmement, le service de la dette publique, qui correspond à 25,62 milliards de dollars ou 10,6 p. 100 des 248 milliards de dollars. J'ai pensé que ces chiffres seraient utiles pour mettre les choses en perspective.
Les principaux paiements de transfert sont évidemment un volet important du budget. Le transfert le plus élevé, soit les prestations aux aînés, s'élèvera à 46,7 milliards de dollars en 2015-2016. Il y a ensuite le Transfert canadien en matière de santé, qui se chiffre à 34,3 milliards de dollars. Ces montants illustrent la portée et l'ampleur de cet exercice, et ils font ressortir l'importance non seulement de la ventilation mais aussi des paiements de transfert. Merci, monsieur le Président.
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je félicite mon collègue de vous avoir rappelé ces chiffres, qui figurent dans notre premier rapport intérimaire, c'est-à-dire le dix-septième rapport de notre comité. Il est très important de comprendre que, relativement aux 241 milliards de dollars arrondis à 242 milliards que le gouvernement fédéral prévoit dépenser à ce stade-ci, nous n'avons vu aucun Budget supplémentaire des dépenses. En fait, nous n'avons pas entendu parler du budget ni d'aucune nouvelle initiative. Toutefois, selon le Budget des dépenses établi en novembre, décembre, janvier et février, soit 241 milliards de dollars, la portion représentée par les dépenses de fonctionnement et d'immobilisations — c'est-à-dire les dépenses de programmes discrétionnaires — s'élève à 67 milliards de dollars. Je répète, 67 milliards sur 241 milliards. C'est là que les compressions doivent se faire. Si vous voulez équilibrer le budget, c'est là qu'il faut regarder, parce que les paiements de transfert et le service de la dette publique sont bloqués. Mon collègue vous a signalé des chiffres très importants, soit 67 milliards sur 241 milliards.
Honorables sénateurs, nous sommes rendus au stade où l'on nous demande d'approuver 25 milliards de dollars pour les trois premiers mois de l'exercice qui commence demain. Sur le montant de 241 milliards, environ 10 p. 100, soit 25 milliards de dollars, est demandé pour les trois premiers mois de l'année. Il s'agit du financement provisoire dont le gouvernement a besoin pour poursuivre ses activités.
Nous, au Comité sénatorial des finances nationales, allons continuer d'étudier le Budget principal des dépenses que nous avons reçu et concernant lequel nous avons présenté nos études préliminaires. Nous allons continuer d'étudier les chiffres d'autres ministères et à voir où ils en sont, quelles sont leurs prévisions et s'ils prévoient avoir des budgets supplémentaires.
Honorables sénateurs, ce matin même nous avons appris que l'économie canadienne avait reculé de 0,1 p. 100 en janvier. Nous allons dans la mauvaise direction et ce budget des dépenses a été établi en se fondant sur une économie en expansion plutôt qu'en régression. Nous sommes dans une mauvaise situation. Nous allons peut-être constater qu'un bon nombre des hypothèses sur lesquelles le budget se fonde ne se concrétiseront pas et ne nous aideront pas.
Comment allons-nous tenter de réaliser les projections? Où allons-nous intervenir? Au chapitre des paiements de transfert qui sont déjà engagés et sur lesquels comptent les provinces? Au chapitre des paiements de transfert aux aînés? Au chapitre du service de la dette? Espérons que cela ne se produise pas, mais si les taux d'intérêt devaient grimper, vous pouvez imaginer l'impact que cela aurait sur la dette publique.
Je vais aborder ce point dans mes remarques, mais la faiblesse du dollar canadien, qui vaut 79 cents américains, ne donne aucun signe d'amélioration dans un avenir prévisible. Il devient évident que les faibles taux d'intérêt n'aident pas le secteur manufacturier. La faiblesse du dollar canadien n'aide pas les choses. Nous espérions voir le secteur manufacturier engranger des revenus qui auraient compensé la diminution des prix du pétrole et la faible activité en Alberta, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Or, cela ne semble pas être le cas. La chute des prix du pétrole est préoccupante pour notre situation financière, particulièrement dans les provinces très dépendantes des recettes pétrolières, comme l'Alberta, qui anticipe un déficit énorme cette année en raison du manque de revenus tirés de l'extraction du pétrole.
Le gouvernement n'a pas encore déposé de budget fédéral, et nous ne savons pas si ou quand nous allons recevoir un tel document. Cette situation n'est pas de nature à susciter la confiance face à ce qui se passe actuellement au sein de l'économie canadienne. La dette publique n'a jamais été aussi élevée dans l'histoire de notre pays, soit depuis près de 150 ans. Lors du dernier exercice, elle s'élevait à 611 milliards de dollars. Nous ne savons pas encore exactement quelle sera l'ampleur du déficit cette année, mais on peut penser qu'il variera entre quelques milliards et 10 milliards de dollars.
(1430)
La dette accumulée s'est alourdie de près de 150 milliards de dollars depuis que les conservateurs sont à la tête du pays. Depuis 2006, 150 milliards — je le répète — 150 milliards de dollars ont été ajoutés à la dette. Les conservateurs ont hérité d'une dette considérable des gouvernements précédents, conservateurs comme libéraux. Nous devons maintenant rembourser une dette accumulée de quelque 625 milliards de dollars en plus des frais associés à celle-ci. Nous avons mis de côté 25 milliards de dollars pour la rembourser à un taux d'intérêt qui n'a jamais été aussi bas.
Voilà où nous en sommes, honorables sénateurs. Nous sommes en train d'essayer de sortir d'un gouffre très profond.
Rien ne nous laisse penser que le gouvernement est prêt à commencer à rembourser cette dette, et je pense que, même si les taux d'intérêt n'augmentent que d'un point de pourcentage, cet élément de passif prendra d'énormes proportions. Les taux d'intérêt vont inévitablement grimper, car ils sont à un creux historique à l'heure actuelle. Lorsqu'ils vont augmenter, nous allons devoir payer les intérêts de la dette. Les taux d'intérêt vont monter; ils ne vont pas rester au niveau où ils sont actuellement et qui s'applique à notre dette de 625 milliards de dollars. Les taux d'intérêt vont augmenter sur tout. C'est un problème imminent, qu'il ne faut pas perdre de vue.
Honorables sénateurs, nous avons entendu le ministre des Finances se demander ce qu'il fera de l'excédent, une fois qu'il aura équilibré le budget. Il parle de fractionnement du revenu et de petits programmes pour les jeunes.
Ce sont toutes de belles initiatives, mais nous n'avons pas les moyens de nous les payer. Honorables sénateurs, nous ne devrions pas nous demander ce que nous ferions d'un excédent, si jamais nous en avions un. Tout excédent doit servir à rembourser la dette. Nous ne pouvons pas, en toute conscience, laisser à nos enfants et à nos petits-enfants un déficit accumulé de plus de 600 milliards de dollars qui continue d'augmenter.
Au lieu de jouer franc-jeu avec les Canadiens au sujet des défis économiques auxquels nous sommes confrontés, le gouvernement nous dit de ne pas nous inquiéter. Honorables sénateurs, la politique semble avoir préséance sur la bonne gestion financière, et ce n'est pas acceptable de la part du gouvernement.
Ce n'est pas acceptable non plus de vouloir équilibrer le budget à tout prix. Un bon nombre d'économistes font valoir que la différence entre un petit déficit et un petit excédent est négligeable, par comparaison avec les préjudices causés à l'économie et aux Canadiens. Il faut réfléchir aux préjudices que vous êtes prêts à causer. Vous êtes prêts à produire un déficit accru de 150 ou 160 milliards de dollars pour les sept ou huit dernières années.
Honorables sénateurs, les provinces sont en difficulté. La Saskatchewan, le Nouveau-Brunswick, l'Alberta et le Québec ont toutes annoncé qu'elles allaient augmenter les taxes et les droits qu'elles perçoivent auprès de leurs citoyens, pour tenter de remettre de l'ordre dans leurs finances publiques et réduire leur déficit.
Hier, l'économiste de la Banque de Montréal a dit que, selon son estimation, les trois quarts de ce que le gouvernement fédéral dit vouloir offrir aux familles seront récupérés par les budgets d'austérité des provinces en raison de leur situation financière fort précaire.
Cela nous aide à mieux comprendre où s'en va l'économie. Je mentionne ce point dans le contexte des projets de loi de crédits, parce que ces mesures législatives ont été fondées sur les perspectives économiques beaucoup plus prometteuses qui prévalaient il y a quelques mois. Nous savons maintenant ce qu'il en est réellement.
Je m'inquiète de voir qu'on discute tant des projets de loi C-44 et C-51 ainsi que de la lutte antiterroriste. Ce sont des questions importantes, mais nous ne devons pas oublier l'économie et les arguments économiques à faire valoir pour comprendre ce qui se passe dans notre pays actuellement. L'économie a généré moins de recettes pour l'État en janvier de cette année que durant le même mois l'année dernière.
Merci, honorables sénateurs.
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je voudrais remercier le sénateur Day, comme toujours, de cet excellent exposé rigoureux concernant ces projets de loi de crédits.
Auriez-vous en tête, par hasard, la somme d'argent accordée au vérificateur général pour la prochaine année financière, 2015-2016, alors que se poursuivra la vérification du Sénat?
Sénateur Day, je sais que vous ne pouvez probablement pas me donner cette information de mémoire, mais je suis curieuse parce que personne ne semble discuter du coût de la vérification du Sénat. Plusieurs sénateurs s'inquiètent beaucoup du coût de cette vérification. Je comprendrai si vous n'avez pas la réponse à ma question sous la main, mais il semble que vous l'ayez.
Le sénateur Day : Merci d'avoir parlé assez longtemps pour me permettre de retrouver l'information dans le Budget principal des dépenses. Je vous en suis reconnaissant. Je vous remercie, madame la sénatrice, de votre question.
Le vérificateur général a plus de 500 employés et de nombreux employés à temps partiel. Nous ne savons pas combien, car le nombre fluctue.
À ce que je sache, la vérification qui porte sur le Sénat du Canada et que le vérificateur général effectue à notre invitation a nécessité l'embauche de plusieurs vérificateurs à temps partiel, mais ceux-ci ont cessé d'être employés par le vérificateur général, tandis que la vérification se poursuit.
Le montant total indiqué dans le Budget principal des dépenses est de 78 795 000 $ pour le présent exercice financier, mais j'ignore ce qui pourra figurer dans le Budget supplémentaire des dépenses.
La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, le sénateur Day peut-il nous dire, de mémoire, s'il y a une différence entre le budget du vérificateur général et les montants qui lui sont alloués et ceux de ce que je décrirais comme les grands organismes et ministères du gouvernement. Leurs coûts et leurs dépenses sont-ils équivalents?
Le sénateur Day : Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice. Je ne suis pas en mesure d'y répondre sans faire une recherche et une réflexion approfondies, mais je vous sais gré de votre question.
L'honorable Wilfred P. Moore : Sénateur Day, acceptez-vous de répondre à une autre question?
Le sénateur Day : Oui.
Le sénateur Moore : Vous avez dit que les dépenses totales prévues dans le projet de loi C-55 s'élèvent à 242 milliards de dollars et qu'une somme de 67 milliards de dollars est allouée à des dépenses discrétionnaires. Savez-vous quel était le montant des dépenses discrétionnaires l'an dernier à la même époque quand nous examinions ces états financiers? J'aimerais savoir si le montant a augmenté ou diminué.
Le sénateur Day : J'ai des données comparatives entre le dernier exercice financier et le présent exercice, honorable sénateur. Pour le présent exercice, le budget total s'élève à 241 milliards de dollars, tandis que l'an dernier, il s'élevait à 235 milliards de dollars.
(1440)
Les dépenses discrétionnaires, qui sont celles auxquelles vous vous intéressez, sont les dépenses de fonctionnement et d'immobilisations qui se chiffraient à 65,87 milliards de dollars en 2014-2015 et s'élèveront à 67 milliards de dollars au cours du prochain exercice.
Le sénateur Moore : À quel type de projets ou de comptes consacre-t-on ces dépenses discrétionnaires? Sont-elles affectées à un certain nombre de ministères ou sont-elles gérées par un ministère responsable?
Le sénateur Day : Merci, honorable sénateur. Il s'agit du montant total pour l'ensemble des ministères du gouvernement du Canada, et le montant octroyé à chacun de ces ministères est plutôt affecté à des dépenses de programme qu'à des paiements de transfert.
Le sénateur Moore : J'ai une dernière question. Je me préoccupe beaucoup des remarques que vous avez formulées concernant la dette publique, son remboursement et la probabilité que les taux d'intérêt augmentent, si l'on se fie au fait que, durant la dernière réunion de la Réserve fédérale américaine, il a été dit qu'on avait fait preuve de patience pour garder les taux d'intérêt bas, mais qu'on est maintenant à bout de patience.
A-t-on songé à ce que l'on ferait en cas d'augmentation des taux d'intérêt et aux conséquences que cette augmentation pourrait avoir sur les intérêts que le Canada devra payer sur la dette publique?
Le sénateur Day : Merci encore, honorable sénateur, de votre question. Je suis ravi que vous vous intéressiez au service de la dette publique, car je pense que c'est un des problèmes imminents que nous ne devons pas ignorer.
L'ennui est que, dans le Budget principal des dépenses, nous prévoyons un montant de 25 milliards de dollars pour rembourser notre énorme dette. Ce montant correspond aux intérêts que nous devons payer; il ne réduira en rien le capital de la dette que nous avons accumulée.
Ce montant a été réduit de près d'un milliard de dollars par rapport à l'année dernière à cause de la baisse des taux d'intérêt. Si les taux remontaient, nous ne pouvons nous attendre qu'à une augmentation des dépenses totales du gouvernement, qui figurerait dans les budgets supplémentaires pour permettre au gouvernement d'assumer le fardeau additionnel, parce qu'il n'y a rien d'autre à faire.
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, je voudrais aborder quelques points. Je dois dire que j'ai été vraiment surpris par les propos du sénateur Smith. Il a mentionné la part du budget qui sert à couvrir le service de la dette, part qui s'élève, je crois, à 25 milliards de dollars.
Je voudrais souligner, pour la gouverne des honorables sénateurs, que, au cours des 10 dernières années, le présent gouvernement de droite, qui dit qu'il est capable de gérer l'économie — j'ignore comment quelqu'un peut le penser compte tenu de toutes les preuves du contraire qui existent — a réussi, grâce à sa détermination, à augmenter la dette de plus de 35 p. 100, peut-être même 36 ou 37 p. 100.
Après près de 10 ans au pouvoir — le gouvernement est maintenant dans sa 10e année — et en dépit de la baisse des taux d'intérêt, un tiers de ces 25 milliards sont attribuables à l'augmentation de la dette due à la mauvaise gestion du gouvernement. Nous parlons donc d'environ 8 ou 9 milliards de dollars par an que nous consacrons à la dette et que nous n'aurions pas dû dépenser si le gouvernement avait adéquatement géré le budget au départ.
Il est vraiment curieux de constater que le gouvernement, qui a toujours prétendu que les conservateurs savent gérer l'économie et les budgets, n'en a pas été capable. Il n'a pas réussi à bien gérer. Ce faisant, il a enregistré des déficits sans précédent. En fait, il a atteint un maximum de 56 milliards de dollars après avoir hérité d'un excédent de 12 milliards du gouvernement précédent. Cela signifie que ses dépenses ont dépassé ses revenus de 65 milliards de dollars.
Je parle maintenant dans le cadre du débat.
Le sénateur MacDonald : Cela remonte à loin.
Le sénateur Mitchell : Je parle dans le cadre du débat. Je sais que vous n'aimez pas ce que je dis, mais c'est vrai. Je ne vous pose pas de questions. C'est pour le principe, parce que je connais la réponse d'avance. Il y a une autre chose que j'aimerais bien savoir. Le gouvernement a-t-il tenu compte dans ses projections de revenus de l'année prochaine les recettes qui pourraient provenir d'un nouvel oléduc? Nous sommes dans la dixième année du gouvernement conservateur, mais nous n'avons toujours pas de nouvel oléoduc pouvant nous permettre d'élargir et de diversifier nos marchés au-delà de notre unique marché. Je sais que vous n'aimez pas entendre cela, et je m'en félicite parce que c'est une source de motivation pour moi.
Vous avez en fait augmenté la dette. Après 10 ans, vous n'avez pas réussi à construire un oléoduc dans ce pays que le premier ministre qualifie constamment de « superpuissance de l'énergie ». Voilà une superpuissance de l'énergie où le gouvernement est incapable de construire un oléoduc afin de diversifier ses marchés, ce qui nous limite à un seul et unique marché d'exportation, les États-Unis. Ce marché va très probablement parvenir à l'autarcie. La preuve de son succès à cet égard réside dans le bas prix actuel du pétrole.
Je demande donc, pour la forme, si le gouvernement a tenu compte dans ses projections de la possibilité que nous ayons d'autres marchés d'exportation pour notre pétrole et notre gaz grâce à la construction d'un autre oléoduc, bien que cela aille au-delà de ses capacités de gestion.
Le fait est que nous aurions pu réaliser ces projets si le gouvernement avait compris qu'il ne fallait pas s'attaquer à l'environnement, qu'il n'était pas avantageux de démanteler les processus environnementaux et qu'il est préférable de gagner l'appui, le respect et la compréhension des gens. C'est le rôle du gouvernement, à titre de tierce partie, de protéger l'environnement et de transmettre ce message. Si nous avions réalisé ces projets, si nous avions continué d'encourager nos entreprises à utiliser cette richesse, si nos sociétés d'énergie étaient devenues de vraies sociétés d'énergie et pas simplement des sociétés de pétrole et de gaz, nous aurions pu exploiter cette richesse pour développer un avenir énergétique très différent. Malheureusement, ce n'est pas le cas. En fait, cet avenir est maintenant compromis de différentes façons parce que le gouvernement n'a pas été en mesure de protéger son secteur pétrolier et gazier comme il aurait dû le faire.
Je veux également dire qu'il est faux de penser que le budget de cet exercice présentera d'une manière quelconque un excédent réel. Le gouvernement prétendra que c'est le cas parce qu'il doit le faire pour des raisons politiques et parce que nous aurons bientôt des élections au cours desquelles il voudra pouvoir affirmer qu'il a finalement réussi à équilibrer le budget. Bien entendu, ce n'est pas vrai.
S'il a vraiment équilibré le budget — et je ne pense pas que cela ait été fait d'une manière légitime —, il n'aura réussi à le faire qu'en reportant de nombreux coûts.
Nous avons vu les conséquences de ces manipulations. C'est ce qui s'est produit en Alberta. Le récent budget déposé est attribuable dans une large mesure à des charges reportées. Au cours des 10 dernières années, le gouvernement n'a pas acheté un seul chasseur. Il a reporté cet achat. Il n'a pas acquis un seul avion de reconnaissance, pas un seul appareil de recherche et de sauvetage. Tout cela a été reporté. Il n'a pas commencé à construire un seul navire. Il a reporté toutes sortes d'investissements dans l'infrastructure. Il a vendu des biens immobiliers dont il ajoutait le prix à ses revenus pour arriver à équilibrer le budget.
Cessons donc de nous faire des illusions au sujet du prétendu équilibre budgétaire de cet exercice. Cessons de croire que le gouvernement réussira à l'avenir à boucler le budget avec du pétrole à 50 $ ou moins le baril. Ce ne sera pas le cas.
Les gouvernements conservateurs ne semblent pas avoir la capacité d'équilibrer vraiment un budget. Le présent gouvernement l'a fait les deux premières années, mais c'est parce qu'il avait un excédent de 12 milliards qui provenait du gouvernement précédent. Nous l'avons entendu bien des fois, mais cela fait peut-être une centaine d'années que les conservateurs n'ont pas équilibré un budget déficitaire. Je vois le sénateur MacDonald sourire de l'autre côté. Je suis sûr qu'il n'en est pas fier. C'est mieux que 110 ans.
Le sénateur MacDonald : C'est vrai.
Le sénateur Mitchell : C'est mieux que 120 ans. Mais avouons que cela fait probablement plus de 100 ans qu'ils n'ont pas équilibré un budget déficitaire.
L'affaiblissement de la qualité des emplois est, lui aussi, inquiétant. Une bonne partie des recettes du gouvernement dépend de la nature de l'emploi. Les recettes du gouvernement sont proportionnelles à la qualité des emplois. Le présent gouvernement a présidé à la transformation de l'économie canadienne, qui produisait jadis un certain nombre d'emplois de bonne qualité à un bon rythme. C'est pourquoi il est intéressant d'entendre les conservateurs affirmer avoir créé environ 1 million d'emplois depuis 2009.
(1450)
Le sénateur Tkachuk : C'est 1,2 million d'emplois.
Le sénateur Mitchell : Ils ont été élus en 2006. Qu'est-il donc advenu des trois années sombres durant lesquelles ils ont perdu 500 000 emplois? Ils ont probablement créé 500 000 emplois, emplois généralement reconnus comme étant à temps partiel, pas particulièrement axés sur la carrière, à faible revenu et sans avantages sociaux.
Le sénateur Tkachuk : Ce sont tous des emplois à temps plein.
Le sénateur Mitchell : De par leur nature même, non seulement ces emplois ralentissent l'économie future et entravent la réalisation de l'objectif le plus important du gouvernement, soit la prospérité de tous les Canadiens, mais en plus, ils minent la capacité du gouvernement de rétablir l'équilibre budgétaire.
J'exprime ces préoccupations afin d'illustrer les véritables enjeux de la politique budgétaire du gouvernement. Merci.
L'honorable Richard Neufeld : Merci, monsieur le Président. Je ne comptais pas intervenir dans le débat jusqu'à ce que j'entende certains des discours politiques provenant de l'autre côté.
Il y a une chose que tous les sénateurs devraient garder à l'esprit, et c'est que les libéraux ont été au pouvoir bien plus longtemps que les conservateurs, qui ont seulement gouverné pendant 23 ans. Seul un libéral pourrait croire que les conservateurs ont pu accumuler toute cette dette en seulement 23 ans.
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Neufeld : J'ai gardé le silence lorsque vous aviez la parole; c'est mon tour maintenant.
Lorsque j'entends les mots « Paul Martin » qui viennent de ce côté-là, je repense à l'époque où il a considérablement réduit les transferts aux provinces; j'étais au gouvernement de la Colombie-Britannique à l'époque.
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur MacDonald : C'était de 40 p. 100.
Le sénateur Neufeld : D'accord. Eh bien, si vous en êtes fiers et que le gouvernement actuel posait un tel geste, est-ce que vous l'appuieriez? Vous n'avez pas encore appuyé un seul budget depuis que je suis ici. Pas un seul. Vous vous êtes tous opposés à tous les budgets. Donc, j'ai un peu de difficulté à accepter que vous preniez la parole pour dire que c'est un problème conservateur.
Le sénateur Plett : Bravo!
Le sénateur Neufeld : Il m'en faut beaucoup pour commencer à me mettre en colère.
Sous la gouverne du premier ministre Harper, nous avons surmonté l'une des pires récessions que le monde — et non le Canada — ait jamais connues, et nous affichons toujours le meilleur bilan en matière de création d'emplois dans le monde.
Je ne sais pas comment le sénateur Mitchell veut le faire, mais je l'entends de temps à autre, ou plutôt très souvent, prendre la parole au sujet des gaz à effet de serre. Il nous dit que nous devons trouver une autre source d'énergie — ce sont en fait des propos qu'il a récemment tenus — et cela signifie nous affranchir du pétrole. Bref, le sénateur de l'Alberta dit souhaiter se débarrasser du pétrole et se plaint ensuite qu'aucun oléoduc n'a été construit.
Vous avez tort. Des milliers de milles d'oléoducs ont été construits dans l'Ouest canadien pour transporter les produits de pétrole brut. Vous faites allusion au projet de Keystone XL, et cette décision revient aux États-Unis d'Amérique, et non au premier ministre du Canada. S'il n'en avait été que du premier ministre Harper, cet oléoduc aurait déjà été construit.
C'est passablement difficile pour moi de vous écouter parler longuement de ce genre de choses.
Mettez de côté un instant votre partisanerie et pensez à ce qui se passe. Il devrait peut-être y avoir une certaine coopération entre nos deux camps dans l'intérêt des Canadiens. Nous avons un grand pays, et nous devrions commencer à penser ensemble aux manières de nous attaquer à ces problèmes, au lieu de vous écouter vous plaindre de ce qui est fait de notre côté.
Je vous ai assez entendu au sujet des gaz à effet de serre et des oléoducs, sénateur Mitchell. Votre argument est ridicule. Si l'oléoduc avait été construit, il y aurait encore plus de gaz à effet de serre. Décidez-vous à prendre position. C'est très inconfortable d'être à cheval sur une clôture; vos gonades souffriront si vous continuez ainsi.
Je prends rarement la parole, mais je voulais simplement vous rappeler que le Canada a été gouverné par des libéraux pendant la plus grande partie de son existence. Chaque fois, c'est aux libéraux que nous devons le plus clair de notre dette.
Des voix : Bravo!
Une voix : C'est faux.
Le sénateur Neufeld : Je termine mon intervention là-dessus.
Le sénateur Moore : J'avais l'intention de m'en tenir à une question à l'intention du sénateur Day, mais il faut que j'intervienne, sénateur Neufeld. Vous savez, en ce qui concerne Keystone, le premier ministre n'a pas aidé notre cause en se présentant à New York pour déclarer dans un discours qu'il n'accepterait pas de se faire dire non.
Une voix : Bravo!
Le sénateur Moore : C'était là une façon grossière d'aborder l'homme le plus puissant du monde et le plus en mesure de nous aider.
Selon moi, ce geste n'a pas aidé les choses et les a même fait reculer. Je connais des gens au gouvernement américain, et je sais qu'ils se souviennent de ce moment. Ce n'est pas ainsi qu'il faut s'y prendre.
Vous parlez chiffres. Eh bien, je me souviens que, en 1993, les libéraux ont hérité d'un déficit de 43 milliards de dollars à leur arrivée au pouvoir. La Banque mondiale et bien d'autres voyaient le Canada comme une cause désespérée sur le plan économique. Il a fallu imposer des compressions, y compris dans ma province. Je n'ai pas aimé cela. Je trouvais la situation insupportable, mais il devait en être ainsi. Il fallait que nous portions tous une partie du fardeau.
Il ne faut pas oublier non plus que, en ce qui concerne le ralentissement économique observé pendant la grande récession, comme on l'a appelée, au moment où votre parti a pris le pouvoir, il y avait un excédent de 13 milliards de dollars. Cet excédent, combiné à la force de notre système bancaire, nous a permis de traverser cette période difficile. Il était là pour le plus grand bien de tous. Il n'était pas là pour le Parti libéral; il était là pour le plus grand bien de notre pays.
Donc, je comprends votre frustration. Il arrive parfois que le sénateur Mitchell s'emballe, mais je crois qu'il a le cœur à la bonne place. Je voulais simplement faire ces quelques observations.
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté avec dissidence.)
Projet de loi sur le parc urbain national de la Rouge
Troisième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Eaton, appuyée par l'honorable sénateur Gerstein, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-40, Loi concernant le parc urbain national de la Rouge.
L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, j'ai l'intention de prendre la parole au sujet de ce projet de loi jeudi. Jeudi dernier, la sénatrice Eaton a abordé cette question, et je suis en train de rédiger mes notes.
Si je prends maintenant la parole pour annoncer cela, c'est parce que je crois savoir que les dirigeants d'en face ont hâte que le projet de loi progresse. Cela dit, je prendrai la parole à ce sujet jeudi, et donc, je propose l'ajournement du débat.
(Sur la motion du sénateur Eggleton, le débat est ajourné.)
La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénateur Dagenais, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et d'autres lois.
L'honorable George Baker : Merci, monsieur le Président. J'ai décidé de dire quelques mots au sujet de ce projet de loi et de féliciter le comité sénatorial qui a étudié la mesure législative, de même que le gouvernement, qui a proposé certaines mesures dans ce projet de loi.
Je veux d'abord faire quelques observations. Je consulte souvent la jurisprudence, ce qui m'a permis de constater qu'il arrive qu'un sénateur soit reconnu pour avoir contribué à l'interprétation de la loi. Ainsi, une décision récente renvoie à trois sénateurs conservateurs et une autre, à deux sénateurs libéraux. Puisqu'ils sont actuellement dans cette enceinte, je tiens à le mentionner.
(1500)
Il y a environ un mois, le 23 février 2015, dans la décision R. c. Vladescu, dont la référence est 2015, Carswell Ontario, 2631, la juge Watson, de la Cour de justice de l'Ontario, a cherché comment interpréter un projet de loi récent qu'avait adopté le Sénat. Elle avait effectué toutes sortes de recherches pour comprendre la signification, sur le plan législatif, de certains mots que contenait le projet de loi. Elle a fini par mettre la main sur le discours qu'avait prononcé un sénateur dans cette enceinte. C'était il y a un mois. Je cite le paragraphe 30 de la décision :
Bien que le résumé législatif...
Comme nous le savons tous, les résumés législatifs expliquent systématiquement la teneur d'un projet de loi, alors les tribunaux les consultent pour déterminer quel est l'objet des mesures législatives. Cependant, ils se réfèrent également aux débats de la Chambre des communes et du Sénat, surtout ceux du Sénat, pour cerner concrètement l'objectif d'un projet de loi. C'est ce qui s'est passé en l'occurrence.
Bref, voici ce qu'écrit la juge au paragraphe 30 :
Bien que le résumé législatif n'aborde pas directement la question et que j'aie été incapable de trouver...
À vrai dire, la juge cherchait à déterminer la signification des mots « purport to relate to » — ce qui signifie « visent à se rapporter à » —, une notion capitale dans cette affaire. Elle écrit avoir été incapable de trouver quoi que ce soit de concret à ce sujet, ni dans les mémoires ni dans les débats du Parlement.
[...] j'ai fini par trouver une mention directe à la question dans les Débats du Sénat (hansard), 2e session, 40e législature, volume 146, no 25, en date du 2 avril 2009, dans un discours de l'honorable John D. Wallace...
— qui est parmi nous aujourd'hui —
Je vais citer un passage des observations faites par l'honorable John D. Wallace.
Je ne vais pas lire tous les propos du sénateur Wallace qui sont cités, mais ils se terminent par la phrase suivante : « ou même présentant des identités fictives ». La juge précise ensuite que c'est elle qui a souligné ce passage en gras.
À la lumière des propos du sénateur Wallace, la juge conclut ce qui suit, au paragraphe 31 :
Il est évident qu'il était dans l'intention du législateur de faire en sorte que l'article 56.1 du Code criminel s'applique à la fois aux documents qui présentent des identités réelles et à ceux qui présentent des identités fictives. Par conséquent, je considère qu'il n'est pas nécessaire de prouver que la personne nommée dans la pièce d'identité est une personne réelle pour conclure qu'il y a infraction [...] Dans le cas présent, la Couronne a fourni les éléments de preuve essentiels qui permettent de conclure hors de tout doute raisonnable qu'il y a eu infraction, et le défendeur sera déclaré coupable des trois chefs d'accusation.
Ce que je veux dire, c'est que, grâce au discours que le sénateur Wallace a donné au Sénat, nos tribunaux pourront continuer de citer son interprétation de cette expression.
J'aimerais citer un autre exemple, puisque je constate que la sénatrice Frum est ici. Le sénateur Carignan vient de partir, mais j'aimerais parler d'un témoignage présenté devant un comité qui a été cité par les tribunaux, comme c'est souvent le cas. Il s'agit d'une décision rendue en 2013 par la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta — la décision ABQB 761 — à propos d'une très grave affaire de meurtres multiples. Dans cette décision, le juge interprète pour la première fois l'objectif d'un projet de loi que nous avions adopté et qui portait sur les meurtres multiples. Au paragraphe 32, le juge cite les propos du ministre de la Justice, M. Nicholson. Je le cite :
Que des meurtres multiples soient commis en même temps ou non, la disposition va s'appliquer.
La sénatrice Frum : D'accord, parce que si le prononcé de la peine se faisait à un seul moment, l'expression « a été déclaré coupable » s'appliquerait à la peine reçue cinq minutes plus tôt pour un premier meurtre, puis...
M. Nicholson l'interrompt pour dire ceci :
Pour le deuxième meurtre, même si c'est cinq minutes après, la disposition du projet de loi s'appliquerait en ce qui concerne l'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Les deux déclarations de culpabilité seraient entièrement distinctes, même si, sur le plan temporel, elles ont lieu à cinq minutes d'intervalle, pour reprendre votre exemple.
Le sénateur Carignan prend ensuite la parole pour une longue période, mais je ne le citerai pas, puis M. Nicholson lui répond. Le président, le sénateur Joyal, pose une question complémentaire, puis fait quelques observations.
Ces échanges ont été déterminants dans ce dossier; autrement dit, ils ont été déterminants dans la peine qui a été prononcée. Le juge a déclaré ceci :
D'après mon interprétation, ces dispositions s'appliqueraient lorsque plusieurs meurtres sont perpétrés dans un court laps de temps comme celui-là.
Dans ce cas-ci, cinq personnes ont été assassinées à quelques minutes d'intervalle. Encore une fois, la discussion portait sur l'intention du législateur, et la magistrature a examiné des discours du Sénat et du comité sénatorial pour établir ce que la loi signifiait.
Il y a aussi un renvoi qui concerne le sénateur Day. Comme vous le savez, les paroles du sénateur Day peuvent parfois être utilisées pour appuyer les deux côtés d'un argument.
Le sénateur Day : En même temps!
Le sénateur Baker : En même temps. Et c'est ce qui s'est passé dans une affaire dont le gouvernement fédéral était saisi, qui est maintenant un précédent. C'était une affaire sur les brevets. Le titre de l'affaire était, et je cite, « 309 F.T.R. 135 ENG ». Elle mettait en cause le demandeur et le commissaire aux brevets. Comme nous le savons tous, le sénateur Day est un expert de la législation sur les brevets.
Le titre indique que l'inventeur avait présenté une demande de brevet à titre de grande entité, conformément à la définition prévue, ce qui signifie qu'il devait verser une taxe périodique plus élevée que celle qui est applicable aux petites entités. L'inventeur est ensuite passé au statut de petite entité avant le paiement de la taxe périodique suivante. Il a aussi utilisé le statut de petite entité quand il a présenté une deuxième demande de brevet pour une amélioration apportée à l'invention. L'inventeur n'a toutefois pas payé certaines des taxes périodiques exigibles pour chacune de ses demandes. Le résultat fut le suivant : on a considéré qu'il les avait légalement abandonnées. Par la suite, il n'a pas demandé leur remise en vigueur avant la fin du délai permis par la loi.
Quoi qu'il en soit, au paragraphe 26 de la décision, le juge mentionne expressément les propos de l'honorable sénateur Joseph A. Day, tels que consignés dans les Débats du Sénat. Ces propos avaient servi d'argument au demandeur, c'est-à-dire à l'homme qui avait perdu les droits sur son brevet.
La décision prend ensuite une autre direction. Le juge rappelle que le demandeur a cité le sénateur Day, puis il ajoute ceci, au paragraphe 36 :
L'extrait du Hansard dans lequel se trouvent les propos du sénateur Day est également révélateur. Après avoir situé l'affaire Dutch Industries dans son contexte...
Vous vous en souvenez, sénateur Day?
... le sénateur Day déclare ce qui suit : Autrement dit...
(1510)
Puis, il reprend de plus belle et affirme que « les demandeurs et titulaires de brevet visés par la décision de Dutch Industries pourront de plein droit acquitter les paiements rectificatifs et préserver ainsi leurs droits ».
C'est en fonction de cette décision que la juge déclare ce qui suit au paragraphe 40 :
Pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée [...], tout comme les demandes de contrôle judiciaire introduites dans [d'autres] dossiers.
Dans ce cas, le demandeur se servait des mots du sénateur Day pour présenter son argument, et la juge s'est servie exactement des mêmes mots pour réfuter l'argument et annuler la cause.
Bref, je voulais seulement mentionner ces trois exemples. Il y a des dizaines de cas comme ceux-là où un sénateur s'exprime sans se douter que ses mots pourront être utilisés ultérieurement dans une cour de justice.
Je voulais dire une chose au sujet du projet de loi C-44. La raison pour laquelle nous faisons ceci est la suivante : certains témoins qui ont comparu devant la Chambre des communes et le comité du Sénat ont critiqué sévèrement le juge Mosley, de la Cour fédérale. Un témoin qui comparaissait devant le comité du Sénat a dit que le juge était allé trop loin.
Maintenant, nous devons mettre ce projet de loi dans son contexte. Il y a plusieurs années, lorsque nous avons adopté les mesures législatives sur le terrorisme, nous avions deux lois distinctes : la Loi sur la défense nationale et la Loi sur le SCRS. Aux termes de ces deux lois, nous avons permis le recours à des mandats pour intercepter les communications privées. L'article 273.4 de la Loi sur la défense nationale autorisait le Centre de la sécurité des télécommunications à demander un mandat pour intercepter des communications en sol étranger, mais pas le SCRS.
Le mandat du SCRS ne visait que les citoyens canadiens se trouvant au Canada. Les organisations de défense pouvaient obtenir des mandats valides à l'étranger, mais on ne pouvait obtenir des mandats semblables pour les Canadiens. C'est ainsi que le régime fonctionnait.
Le sénateur White a soulevé un point très important en disant qu'il fallait féliciter le gouvernement — et je suis du même avis — pour avoir présenté un projet de loi qui propose d'étendre les pouvoirs du SCRS et de lui permettre de mener des opérations à l'étranger, ce qu'il ne peut pas faire. D'ailleurs, selon le sénateur White, une demande à cet égard devait être présentée à un juge de la Cour fédérale.
Certains pays étrangers, comme l'a dit le sénateur White, ont un système qui permet de présenter une demande de mandat à un ministre du Cabinet, c'est-à-dire au ministre de la Justice. Le milieu canadien de la sécurité dispose d'une option semblable. En effet, il peut présenter au ministre de la Justice, le procureur général, une demande de mandat lié à l'autorisation d'intercepter des communications privées dans des pays étrangers. Le SCRS doit présenter ses demandes d'interception des communications au Canada à un juge de la Cour fédérale. C'est ainsi que le système fonctionne.
En 2007, le SCRS a demandé un mandat pour intercepter des communications entre des Canadiens qui se trouvaient dans un pays étranger. L'organisation a présenté sa demande à un juge de la Cour fédérale. Le juge de la Cour fédérale a rendu sa décision — le juge en question était Edmond Blanchard, du Nouveau-Brunswick, qui a malheureusement perdu la vie récemment. Il était encore jeune et il était un excellent juge. Il a d'ailleurs été juge en chef de la Cour pour les questions relatives aux forces armées.
L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : Sénateur Baker, vous faut-il quelques minutes de plus?
Le sénateur Baker : Si c'est possible.
Des voix : Cinq minutes.
Le sénateur Baker : Permettez-moi de terminer ce que je disais. Il me faut beaucoup de temps aujourd'hui pour organiser mes idées.
Je vais aller droit au but et vous parler de ce qui a vraiment piqué mon intérêt et celui de plusieurs personnes.
Le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité a produit un rapport en 2013. Dans des articles de revues traitant de droit, il a signalé que le SCRS avait un nouveau pouvoir octroyé par mandat, celui d'intercepter des communications en pays étrangers, pouvoir qui lui a été donné en 2009. Ceux d'entre nous qui étaient au courant de ces dispositions sur le mandat ont demandé : « D'où ce pouvoir lui vient-il? » Comme il fallait s'y attendre, lorsque le CSARS, l'organisme de surveillance — on entend beaucoup parler de surveillance — a publié son rapport en 2013, il y avait une section spéciale intitulée « Examen du nouveau pouvoir octroyé au moyen de mandat en vertu de l'article 21 ». On y explique en gros que le comité a examiné 34 mandats sur les 673 octroyés en trois ans.
Le comité a ajouté que ce pouvoir a été, à l'origine, autorisé par la Cour fédérale en 2009. Ceux d'entre nous qui suivent la jurisprudence savent que c'est inexact. Il n'a pas été autorisé. Le juge Mosley, qui avait été désigné par le juge en chef de la Cour fédérale pour se pencher sur les mandats du SCRS, a réuni les parties concernées, y compris le commissaire du Centre de la sécurité, l'organisme de surveillance. Il les a réunis pour leur demander ce qui se passait.
Dans son jugement, le juge Mosley déclare ce qui suit au paragraphe 115 :
Vu ces extraits, le CSARS fonctionne en pensant à tort que les 30-08 décernés par la Cour autorisent la collecte, par des agences étrangères, d'interceptions concernant des Canadiens.
Ce n'était pas le cas. L'organisme d'examen croyait que le CRSC avait reçu ce nouveau pouvoir d'une cour fédérale alors que ce n'était pas du tout le cas. Après, il y a eu une série d'audiences et, finalement, la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale ont jugé que le SCRS n'avait pas le pouvoir de se voir octroyer les 673 mandats.
Le gouvernement du Canada a demandé à la Cour suprême du Canada de se prononcer là-dessus. Il lui incombe de le faire et il doit le faire, parce que les éléments de preuve obtenus en vertu de mandats délivrés illégalement ne peuvent pas être utilisés pour obtenir les mandats légitimes dont la GRC se sert au Canada pour intenter des poursuites en vertu des dispositions du Code criminel sur le terrorisme.
C'est pourquoi il est très important pour le gouvernement du Canada de présenter la mesure législative qu'il a déposée. Toutefois, il n'existe aucune justification selon les témoins entendus, à savoir des professeurs qui ont dit au comité que le juge Mosley était allé trop loin dans ses décisions.
Je voulais souligner ce point et je veux aussi formuler une dernière remarque. Le français me donne du fil à retordre depuis 40 ans sur la Colline du Parlement. Lorsque j'ai examiné le projet de loi, j'ai compris combien il est important de donner à l'interprète une copie de notre discours. C'est parfois difficile dans mon cas, parce que je n'écris pas de discours. Toutefois, c'est très important et je vais vous dire pourquoi. Le terme « corporation » apparaît dans la loi, la Loi sur le SCRS, que le projet de loi modifie. En français, la Canada Corporations Act est la Loi sur les corporations canadiennes. Par ailleurs, la Canada Business Corporations Act, que je connais plutôt bien, s'appelle en français la « Loi canadienne sur les sociétés par actions ». Or, dans la Loi sur le SCRS, on parle plutôt de « personnes morales ».
Le mot « corporation » est donc traduit de différentes façons selon le contexte. C'est pourquoi il importe de remettre à l'avance votre discours aux interprètes, afin qu'ils sachent quel mot employer. Je pense que l'expression « personnes morales » serait un oxymoron pour les néo-démocrates. Je crois que c'est une bonne description, et je suis heureux que ce soit l'équivalent retenu dans la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Je présume que ces gens connaissent mieux le français que moi, mais j'imagine qu'il est question d'une société pouvant faire l'objet de poursuites parce qu'elle est une « personne morale ».
(1520)
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
(Sur la motion du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)
L'ajournement
Retrait de la motion
À l'appel de l'article no 95 par l'honorable Yonah Martin, sous la rubrique Affaires du gouvernement, Motions :
Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 31 mars 2015, à 14 heures.
(La motion est retirée.)
Projet de loi sur la non-discrimination génétique
Onzième rapport du Comité des droits de la personne—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du onzième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (projet de loi S-201, Loi sur la non-discrimination génétique, avec amendements), déposé au Sénat le 19 février 2015.
L'honorable Linda Frum propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, avant de me prononcer sur le contenu du projet de loi S-201, ainsi que sur les raisons pour lesquelles le Comité des droits de la personne a décidé d'y apporter des amendements, je tiens à dire que le sénateur Cowan a rendu un grand service au Parlement et au Canada en soulevant la question de la discrimination génétique. Je l'en remercie.
Dans le projet de loi S-201, le sénateur Cowan aborde une question importante : la possibilité que les résultats d'un test génétique entraînent de la discrimination. Puisque nous avons achevé la cartographie du génome humain en 2003, nous avons tout ce qu'il nous faut pour construire un être humain de A à Z. Grâce à ces renseignements, il y a maintenant plus de 26 000 tests effectués pour dépister quelque 5 400 troubles de santé reconnus par les instituts nationaux de la santé des États-Unis, et ce nombre continue d'augmenter.
Les connaissances dont nous disposons maintenant sur les maladies et les maladies potentielles sont stupéfiantes. Elles ouvrent des horizons nouveaux et pleins d'espoir en médecine, mais elles soulèvent aussi une foule de questions morales, éthiques et juridiques sur l'utilisation de toutes ces nouvelles informations.
Le projet de loi du sénateur Cowan tente de répondre à ces questions. Cependant, le projet de loi S-201 est problématique à au moins deux égards. C'est pour cela que le comité l'a modifié en y supprimant plusieurs dispositions.
Premièrement, si le projet de loi avait été adopté dans sa forme initiale, il aurait visé à réglementer de manière inconstitutionnelle les ententes contractuelles entre les compagnies d'assurance et leurs clients. En effet, la réglementation en matière d'assurances relève de la compétence des provinces.
Deuxièmement, le projet de loi propose d'ajouter l'expression « caractéristiques génétiques », qui est trop générale, à la liste des motifs de distinction illicites contenus dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Lors de son témoignage devant le Comité des droits de la personne, le sénateur Cowan a dit que ce projet de loi ne portait pas « [...] essentiellement sur la question de l'assurance, qui n'est mentionnée qu'à un seul endroit, à savoir l'article 6 ».
Or, le témoignage entendu par le Comité des droits de la personne a clairement indiqué que le projet de loi porte presque exclusivement sur la question de l'assurance.
Par exemple, les articles 3 et 4 proposés auraient interdit à quiconque d'obliger une personne à subir un test génétique ou à en communiquer les résultats comme condition requise pour lui fournir des biens ou des services, pour conclure ou maintenir un contrat ou une entente avec elle ou pour offrir ou maintenir des modalités particulières d'un contrat ou d'une entente avec elle. Puisque les sociétés sont considérées comme des personnes aux termes de la loi, cette disposition les aurait clairement visées — notamment les compagnies d'assurance —, de même que les personnes qui travaillent pour elles.
En septembre dernier, lorsqu'il a témoigné devant le comité, le sénateur Cowan a très clairement établi l'objet de cette mesure législative quand il a dit ceci :
En ce moment, rien n'empêche une compagnie d'assurance, un employeur ou un employeur potentiel d'exiger les résultats des tests génétiques auxquels une personne s'est soumise, puis d'utiliser ces résultats à son détriment.
Il a ensuite fait état de préoccupations relatives aux compagnies d'assurance et aux polices d'assurance, et ce, à plusieurs reprises tout au long de son exposé en tant qu'auteur du projet de loi.
Il n'y a aucun doute : ce projet de loi vise le secteur des assurances.
Honorables sénateurs, je comprends l'inquiétude du sénateur Cowan, et à juste titre — c'est une préoccupation légitime.
Le sénateur Cowan a parlé au comité d'un homme qui souffrait d'une grave maladie — une cardiopathie hypertrophique —, et dont la famille a subi des tests génétiques. Certains membres de sa famille étaient porteurs du gène responsable de la maladie, alors que d'autres ne l'étaient pas. Certains de ses proches plus âgés qui étaient porteurs du gène n'avaient jamais éprouvé de problèmes cardiaques. Toutefois, sa fille, âgée de 19 ans, qui était également porteuse du gène, s'est retrouvée non assurable, même s'il est possible qu'elle ne souffre jamais de la maladie. Comme elle n'est pas assurable, elle ne pourrait jamais lancer sa propre entreprise, car, pour ce faire, il faut détenir une assurance-vie.
Des récits de ce genre sont très inquiétants. Toutefois, notre Constitution précise les champs de compétence du fédéral et ceux des provinces. C'est aux articles 91 et 92 de la partie VI, intitulée « Distribution des pouvoirs législatifs ».
En pratique, comme on peut le lire sur le site web du Bureau du surintendant des institutions financières :
En général, le BSIF soumet à des examens prudentiels les assureurs fédéraux afin d'en évaluer la solidité financière, tandis que les provinces réglementent l'octroi de licences aux assureurs en activité sur leur territoire de même que la commercialisation des produits d'assurance.
La question que le sénateur Cowan aborde aux articles 3 à 7 du projet de loi, dans la mesure où ces dispositions englobent les compagnies d'assurance, relève manifestement de la compétence provinciale — et non fédérale.
Dans ce cas, pourquoi adopter un projet de loi dont certaines des dispositions seraient très probablement déclarées inconstitutionnelles? Je crois que nous ne devrions pas le faire. C'est pour cette raison que notre comité a supprimé les articles 3 à 7, ainsi que les articles 9 à 11.
Le sénateur Cowan, je le sais, croit qu'il est très important que le Parlement examine la constitutionnalité des mesures législatives proposées. Il considère toujours que le Sénat constitue la Chambre de second examen objectif. C'est pour cette raison que son argument selon lequel les provinces attendent que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en matière de discrimination génétique, laissant entendre que son projet de loi assure ce leadership, semble faible face aux problèmes constitutionnels qu'il soulève.
Enfin, considérons l'intention initiale du projet de loi S-201 qui propose, à l'article 8, d'ajouter la nouvelle catégorie des « caractéristiques génétiques » à la liste des motifs interdits de discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Le projet de loi ne donne aucune définition des « caractéristiques génétiques », laissant la porte ouverte à l'interprétation de ce que ces caractéristiques peuvent comprendre. Cette situation est problématique, notamment dans un cas.
À l'heure actuelle, les compagnies d'assurances se servent couramment des antécédents médicaux de la famille, que les patients communiquent à leur médecin, pour déterminer le risque que leurs clients présentent à des fins d'assurance. Les antécédents médicaux de la famille peuvent comprendre la mention d'une maladie ou d'une condition pouvant avoir une cause ou une base génétique.
Ces aspects des antécédents médicaux pourraient-ils être considérés comme des « caractéristiques génétiques »? Faudrait-il dans ce cas exclure les antécédents médicaux de la famille de l'analyse faite par les compagnies d'assurances? Cela s'écarterait radicalement de la façon dont ces compagnies évaluent actuellement le risque. Par conséquent, une telle proposition ne pourrait pas être envisagée à la légère, si un jour les provinces décidaient de s'occuper de cette question.
C'est la raison pour laquelle la majorité des membres du comité ont voté en faveur de la suppression des articles 3 à 7 et 9 à 11. Cela ne laisse qu'une seule disposition de fond, l'article 8, qui ajoute les termes « tests génétiques » au Code canadien du travail.
Le comité a convenu que cet ajout est utile et qu'aucune raison ne peut justifier la discrimination génétique dans un milieu de travail sous réglementation fédérale.
Comme je l'ai dit au départ, malgré les importantes modifications apportées au projet de loi, le sénateur Cowan mérite des félicitations et des remerciements pour avoir porté l'importante question de la discrimination génétique à l'attention du Sénat et du pays.
C'est un domaine dans lequel les sciences et la technologie sont en avance sur la législation. Par souci de justice sociale, il faut analyser les lois canadiennes et nous assurer qu'elles soient justes et judicieuses. J'espère donc ardemment, honorables sénateurs, que le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie choisira d'étudier un jour cette question pour déterminer si le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans ce dossier et, si oui, lequel.
(Sur la motion du sénateur Cowan, le débat est ajourné.)
(1530)
La Loi canadienne sur les droits de la personne
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Vingt-quatrième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles—Motion d'amendement—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Runciman appuyée par l'honorable sénatrice Batters, tendant à l'adoption du vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles (projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre), avec amendements), présenté au Sénat le 26 février 2015;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Mitchell, appuyée par l'honorable sénatrice Dyck, que le vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié par suppression de l'amendement no 3.
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Le débat sur la motion d'amendement du projet de loi C-279 était ajourné au nom du sénateur Plett. J'aimerais que l'ajournement reste à son nom après mon intervention.
[Français]
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape du rapport au sujet du projet de loi C-279, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre).
J'aimerais d'abord remercier mes collègues ainsi que tous les témoins pour leur dévouement et leur travail. J'aimerais également profiter de ce discours pour discuter d'un amendement en particulier qui a été adopté au comité et qui se lit comme suit :
Que le projet de loi C-279 soit modifié à la page 2 par adjonction, après la ligne 14, de ce qui suit :
« 2.1 Le paragraphe 15(1) de la même loi est modifié par adjonction, après l'alinéa f), de ce qui suit :
f.1) dans les circonstances décrites aux articles 5 ou 6, le fait que des services, installations, moyens d'hébergement ou locaux soient réservés à un sexe seulement — notamment dans un établissement correctionnel, un centre d'aide aux victimes, un refuge pour victimes de violence, des installations sanitaires, des installations de douche ou un vestiaire — la restriction d'accès a pour but de protéger des personnes en situation de vulnérabilité; ».
À la suite des arguments présentés par les différents témoins qui ont comparu devant notre comité, je trouve cet amendement très discriminatoire, de telle sorte qu'il rend le caractère véritable du projet de loi très problématique.
Cet amendement me rend, en fait, très mal à l'aise. J'y vois qu'on perçoit le transgenre comme étant une menace à la sécurité publique, ce qui n'est pas le cas. Nous affirmons, d'un côté, maintenir l'identité de genre, mais, de l'autre côté, nous affirmons que les transgenres ne pourront pas utiliser certains établissements, parce que nous les percevons comme des agresseurs étant donné que d'autres personnes se trouvent en situation de vulnérabilité.
Il y a donc une présomption de délinquance qui est attribuée à ces personnes et qui s'ajoute aux multiples difficultés auxquelles elles doivent faire face.
Afin de bien illustrer mes propos, j'évoque un poète de Vancouver, Ivan E. Coyote, qui a écrit un poème intitulé The Facilities, inspiré d'une conversation qu'il a eue avec une jeune fille à propos de la difficulté d'accès aux toilettes publiques que vit une personne transgenre, et je cite :
[Traduction]
Je peux me retenir pendant des heures. Presque toute la journée, en fait. C'est une aptitude que j'ai développée par nécessité, après avoir longtemps fréquenté les toilettes publiques. Je me retiens le plus que je peux, jusqu'à ce que j'arrive à la salle de spectacle, aux loges, à ma chambre d'hôtel ou à la maison. Je n'utilise les toilettes publiques qu'en tout dernier recours. Quand c'est possible, j'essaie d'utiliser les toilettes unisexes réservées aux personnes en fauteuil roulant, mais seulement après avoir bien vérifié que je n'empêche pas une autre personne en fauteuil roulant ou avec des problèmes de mobilité de l'utiliser. Je retiens toujours mon souffle en sortant, par contre, dans la crainte de me faire accueillir par un étranger en colère qui marche avec des béquilles. Il m'arrive parfois, pendant que je me dépêche à faire pipi et à me laver les mains, de me préparer une réplique dans ma tête, au cas où. Je m'imagine en train de dire ceci à mon interlocuteur : « Excusez-moi de vous avoir causé des désagréments en accaparant les toilettes pour handicapés, mais nous vivons dans un monde où les transgenres ne peuvent pas faire pipi en sécurité, et après des années de mauvaises expériences dans les toilettes des femmes, j'ai décidé d'utiliser les seules toilettes accessibles à tout le monde, quel que soit leur genre ».
[Français]
Je ne vous ai présenté qu'une infime partie du poème. Cependant, je vous encourage fortement à prendre le temps de le lire.
En poursuivant dans ce sens, j'aimerais vous lire un courriel que j'ai reçu d'une mère qui explique la situation difficile de sa fille, qui est transgenre. Je cite :
[Traduction]
À cause de l'amendement au projet de loi C-279 concernant l'usage des toilettes, les parents d'enfants trans sont complètement terrifiés que leurs enfants ne deviennent les victimes dans tout cela, car ils devront utiliser les toilettes réservées aux personnes d'un autre genre que le leur.
Le genre et le sexe ne sont pas la même chose. Ça semble évident, mais la majorité des gens à qui je parle l'ignorent encore. La société est tellement endoctrinée qu'elle considère comme vraie une idée toute simple, mais pourtant fausse, à savoir qu'il n'y a que deux sexes dans ce monde : le sexe masculin et le sexe féminin.
Alors qu'est-ce qui a bien pu motiver cet amendement? La peur : celle de l'inconnu, du changement, de la différence.
À mesure que les transgenres deviennent plus visibles dans le monde, des craintes peuvent se manifester. Ce projet de loi vise prétendument à protéger les femmes, c'est-à-dire les sœurs, les filles, les mères, les épouses. Mais les protéger contre quoi? Je ne crois pas qu'un seul cas ait fait l'objet d'une procédure judiciaire.
Voici ce que ma fille a vécu. Après avoir choisi de s'accepter comme elle est, elle a dû endurer la puberté d'une personne de sexe masculin, alors le changement est lent.
Elle était terrifiée à l'idée de se présenter en public comme une femme, en particulier si elle devait uriner. Elle se trouvait à la station de métro Kennedy, à Toronto, lorsqu'elle a dû vivre l'un des pires moments de sa vie. Elle avait besoin d'uriner; elle n'avait pas le choix. Elle s'est fait dire rudement, par un préposé au nettoyage, d'aller aux toilettes des hommes.
Imaginez sa frayeur d'être obligée, dans une station de métro, d'entrer dans les toilettes du sexe qui n'était pas le sien.
J'avoue que les choses vont beaucoup mieux maintenant. L'Université de Toronto s'est employée à aménager des salles de toilettes unisexes.
J'espère sincèrement que ce projet de loi ne sera pas adopté et que les femmes et les hommes transgenres pourront toujours être en sécurité dans les salles de toilettes du Canada.
Honorables sénateurs, cette lettre m'inquiète beaucoup. En tant que mère de famille et grand-mère, j'ai peine à imaginer la souffrance et les sentiments qu'éprouvent les transgenres et les membres de leur famille.
Permettez-moi de vous lire la lettre de Nina :
Madame la sénatrice Jaffer, je vous écris pour vous raconter mon histoire de membre des Forces canadiennes pendant 35 ans.
Lorsque j'étais encore à l'école secondaire, j'ai joint la Réserve aérienne des Forces canadiennes. J'ai été technicien d'aéronefs dans l'armée pendant plus de 30 ans.
La nuit où Saddam Hussein a lancé le missile Scud qui a atterri à quelques milles au nord de l'aéroport de Doha, j'étais en train de changer un dispositif de régulation du carburant sur un CF-18 dans l'obscurité avec une lampe de poche, parce qu'il y avait une fuite de carburant à partir de l'aile.
Durant les 35 années où j'ai servi le Canada, j'ai vécu bien des expériences, bonnes et mauvaises.
J'ai servi mon pays loyalement. Je ne me suis jamais désisté lorsque les FC avaient besoin de moi et j'étais toujours le premier à me porter volontaire. Je continuais de porter des vêtements de femmes dès que j'en avais la chance.
Il était très difficile de vivre dans les baraques, à essayer de cacher mes vêtements.
En 2009, à l'âge de 47 ans, je me suis senti à l'aise de dévoiler à ma famille et aux FC que j'étais transgenre. Je vis pleinement depuis août 2009. Les FC m'ont soutenu et m'ont aidé à faire la transition dans le lieu de travail.
Puisque je n'ai plus besoin de me cacher, je peux enfin être ce que j'ai toujours été. Je suis beaucoup plus heureux.
Malheureusement, cet amendement laisse entendre que j'ai divulgué mon secret seulement pour pouvoir utiliser les toilettes des femmes et agresser des enfants.
Qu'est-ce que cet amendement signifiera pour moi, qui suis membre des Forces armées canadiennes depuis 35 ans? Est-ce que cela signifie que je devrai encore utiliser les toilettes des hommes? Et qu'en est-il des douches dans les casernes?
(1540)
J'aimerais vous lire une dernière lettre que j'ai reçue. Elle dit ceci :
Le problème, c'est qu'à cause d'une seule modification controversée, le projet de loi C-279 n'a ni force, ni effet, ni utilité, car il accorde aux dirigeants de tous les organismes fédéraux un pouvoir discrétionnaire absolu pour déterminer quelles installations doivent être utilisées et par qui.
À mon avis, comparer une personne transgenre à un prédateur sexuel, c'est ignoble. En laissant entendre que les femmes doivent être protégées des prédateurs sexuels et en interdisant aux transgenres l'accès aux salles de toilettes et aux vestiaires, vous suggérez que les personnes qui présentent une variance sexuelle sont atteintes d'une pathologie. Il n'existe absolument aucune preuve qui le laisse croire. Les générations précédentes invoquaient le même argument pour justifier l'exclusion des gais et des lesbiennes.
Je vous écris aujourd'hui pour vous dire qu'il y a beaucoup de mères de personnes transgenres qui considèrent que c'est une question de diversité, et non de pathologie. Je m'empresse d'ajouter que même si je me soucie moi aussi de la sécurité des femmes, je sais qu'elles seront victimes de prédateurs sexuels un peu partout, tant que nous n'aurons pas modifié, en tant que société, notre façon d'éduquer nos garçons, de payer nos filles et de réagir à la maladie mentale.
[Français]
Honorables sénateurs, j'espère que ces lettres vous ont fait réfléchir quant à l'impact de cet amendement. Aujourd'hui, nous avons l'occasion et le devoir de remédier à cette situation.
[Traduction]
En Colombie-Britannique, nous avons adopté la Gender Identity and Expression Human Rights Recognition Act. J'aimerais vous en lire le sommaire, car il y est clairement précisé que le gouvernement a le devoir de protéger les droits des transgenres. Voici ce qu'on peut y lire :
Ce projet de loi appuie l'évolution continue du terme « sexe » dans les lois sur les droits de la personne en reconnaissant officiellement que le terme comprend la protection de l'identité et de l'expression sexuelles.
Ce projet de loi affirme les droits des transsexuels, des transgenres, des personnes intersexuées, des travestis et d'autres groupes qui sont souvent victimes de discrimination fondée sur l'expression de leur genre ou identité sexuelle.
Ce projet de loi réaffirme l'approche globale et inclusive du gouvernement de la Colombie-Britannique à l'égard de la protection des droits et de la dignité de toutes les personnes.
L'Ontario possède également une politique de prévention de la discrimination fondée sur l'identité et l'expression sexuelles, mise en œuvre par la Commission ontarienne des droits de la personne. Le Code des droits de la personne de l'Ontario s'applique aux domaines de l'emploi, du logement, des installations et services, des contrats, et de l'adhésion aux syndicats, aux associations commerciales ou aux associations professionnelles.
Comme l'explique la commissaire en chef de la CODP, Barbara Hall :
L'ajout explicite de ces droits au Code est le résultat d'un long combat. Les nouveaux motifs indiquent clairement que les personnes trans ont droit aux mêmes protections juridiques que les autres groupes visés par le Code. Maintenant, le défi consiste à communiquer clairement aux personnes et organisations de l'ensemble de l'Ontario que la loi interdit la discrimination et le harcèlement fondés sur l'identité sexuelle ou l'expression de l'identité sexuelle. Cette politique fournit les outils pour y parvenir.
Permettez-moi de répéter les propos de la commissaire en chef de la CODP :
Maintenant, le défi consiste à communiquer clairement aux personnes et organisations de l'ensemble de l'Ontario que la loi interdit la discrimination et le harcèlement fondés sur l'identité sexuelle ou l'expression de l'identité sexuelle.
Honorables sénateurs, malheureusement, cet amendement fait exactement le contraire. Il envoie un message disant que ce n'est pas grave de faire de la discrimination contre les personnes trans. Ce n'est pas grave si elles se font attaquer ou harceler dans un établissement public où elles se sentent à leur place.
Enfin, la position de la Saskatchewan est assez semblable à celle de la Colombie-Britannique et de l'Ontario. Dans un communiqué publié la Journée du souvenir trans, soit le 20 novembre 2014, le gouvernement de la Saskatchewan a déclaré ce qui suit :
La haine et la violence à l'endroit d'une personne, d'un groupe ou d'une organisation sont un affront direct à la démocratie au Canada. La violence envers les membres de la communauté transgenre doit être dénoncée sans équivoque.
Les Canadiens transgenres méritent tous les avantages, les égards et les accommodements que leur procure la citoyenneté. La Commission des droits de la personne de la Saskatchewan reconnaît que, beaucoup trop souvent, des actes de discrimination et de violence portent atteinte aux droits des personnes transgenres. En vertu de la loi, il incombe à la commission de réparer ces torts lorsqu'on le lui demande. Autrement dit, la commission accepte et traite jusqu'au bout les plaintes déposées par des personnes transgenres en faisant une interprétation vaste et exhaustive du Code des droits de la personne de la Saskatchewan.
[Français]
Ces provinces sont à l'avant-garde par rapport au gouvernement fédéral.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler une chose importante : le fait d'être transsexuel, transgenre ou non-conformiste sexuel est une question de diversité, et non une pathologie. Par conséquent, les transsexuels, les transgenres et les non-conformistes sexuels ne sont pas atteints de troubles intrinsèques. En terminant, j'aimerais rappeler à mes collègues que l'une de nos principales responsabilités en tant que sénateurs, c'est de protéger tous les Canadiens contre la discrimination et d'éviter de créer ou d'encourager toute forme de discrimination envers un groupe particulier de Canadiens.
Honorables sénateurs, je vous encourage donc à voter contre ce qu'on appelle « l'amendement concernant les toilettes ».
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, j'ai parlé de la motion initiale sur le rapport, mais je ne suis pas encore intervenu sur l'amendement que j'avais proposé à la fin de mes observations. Si vous le permettez, j'aimerais prendre quelques instants pour en parler maintenant.
L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question à la sénatrice Jaffer, si elle le veut bien.
Pourriez-vous expliquer au Sénat où il est écrit, dans l'amendement que je propose, qu'une personne transgenre n'a pas le droit d'entrer dans la salle de bains de son choix? Ce n'est pas du tout ce que dit l'amendement. Une loi n'a jamais prévu qu'une personne ne puisse pas entrer dans une salle de bains...
Son Honneur le Président intérimaire : La sénatrice Jaffer demande-t-elle plus de temps?
La sénatrice Jaffer : Honorables sénateurs, puis-je avoir cinq minutes de plus?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Plett : Comme je disais, il n'existe aucun droit inscrit dans la loi à cet égard et il n'y en a jamais eu. En quoi mon amendement empêche-t-il une personne d'entrer dans la salle de bains de son choix? Ce que mon amendement dit, en fait, c'est que, si je crois être transgenre et que je veux entrer dans votre salle de bains, je suis autorisé à le faire. Vous avez le droit de dire que cela vous met mal à l'aise et de dire à la personne responsable, et je crois que, dans ce cas, il s'agirait du greffier : « Je ne suis pas à l'aise que le sénateur Plett vienne dans ma salle de bains, alors pourriez-vous lui demander d'attendre que j'aie terminé? » C'est votre droit.
Si mon amendement n'est pas adopté, vous n'aurez pas ce droit. Si vous parliez au greffier et qu'il me demandait de quitter la salle de bains, je pourrais porter plainte contre lui auprès de la Commission des droits de la personne. Cependant, j'ai toujours le droit d'aller dans cette salle de bains. Cela n'a pas changé. Pourriez-vous me dire où vous avez lu dans mon amendement que j'interdis à quiconque d'entrer dans la salle de bains de son choix?
La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre question, sénateur Plett. Je suppose que, puisque je n'ai pas à utiliser votre salle de bains et que vous n'avez pas à utiliser la mienne, nous ne faisons que des suppositions. Je ne vais pas me demander si je suis prête à vous laisser utiliser ma salle de bains, car la situation ne se présentera pas étant donné que nous n'avons pas à composer avec les difficultés dont il est question dans ce projet de loi. La meilleure réponse que je puisse vous donner se trouve dans les récits que j'ai lus de personnes qui estiment que l'amendement que vous proposez risquerait de nuire à leur qualité de vie. Ceux que j'ai déjà lus affirment que votre amendement les met mal à l'aise; c'est la meilleure réponse que je puisse vous donner.
Le sénateur Plett : Cela ne répond aucunement à la question, puisque la situation serait la même s'il ne s'agissait ni de vous ni de moi. La situation serait la même dans le cas d'une personne transgenre, qui a elle aussi le droit d'entrer dans ces toilettes. Comme vous avez donné un exemple, permettez-moi d'en donner un autre.
J'aimerais lire un bref extrait du récit d'une femme de la Colombie-Britannique qui connaît son ex-mari depuis environ 25 ans. Elle a 45 ans et a deux enfants. Voici ce qu'elle écrit :
Mon ex s'est rendu dans la « clinique spécialisée en genres » de notre région pour y consulter une thérapeute. Après avoir suivi deux séances d'une heure en quelques semaines, il a reçu du thérapeute une lettre affirmant qu'il était transgenre. Cette lettre lui a permis de faire changer immédiatement le sexe indiqué sur son permis de conduire de la Colombie-Britannique. Il a pu faire inscrire « sexe féminin » sur son permis alors qu'il n'avait pas encore pris d'hormones, subi d'interventions chirurgicale ou commencé sa transition de quelque façon que ce soit.
(1550)
Elle poursuit ainsi :
Je le répète : il a suffi de DEUX HEURES avec un thérapeute pour qu'il puisse faire inscrire « sexe féminin » sur son permis de conduire. Cela l'autorisait à entrer légalement dans tout endroit réservé aux femmes. Mon ancien mari est plutôt menu, mais il a le teint très basané et est gâté par la nature...
— ce sont ses mots; je poursuis —
... pour le dire en termes délicats. Il a vraiment l'air d'un homme et a une voix très masculine. J'imagine que des femmes trouveraient très déconcertant de le voir dans une toilette pour femmes. En fait, quand il est entré dans la toilette des femmes au club de gymnastique de ma fille, les autres filles étaient très gênées de sa présence, comme on peut s'y attendre. Dans ce cas, les mères n'auraient pas le droit de lui demander de sortir, et c'est inacceptable.
L'amendement n'empêcherait pas cette personne d'entrer dans la toilette, mais il permettrait aux gens qu'une situation rend inconfortables... Dans mes discours, que vous avez probablement lus ou entendus en grande partie, ai-je jamais suggéré que les personnes transgenres représentaient une menace? Je ne l'ai jamais fait. J'ai dit que d'autres personnes pourraient profiter de la situation. Mais croyez-vous que cette personne gâtée par la nature devrait entrer dans la salle de bains qu'utilise la classe de gymnastique de sa fille?
Je passe maintenant à ma dernière question, que je vais combiner à une autre. Vous avez appelé ce projet de loi le projet de loi sur les toilettes. J'ai répété à plusieurs reprises que ce n'est pas le projet de loi sur les toilettes. Lorsque le sénateur Mitchell a présenté sa proposition d'amendement, il a parlé du projet de loi sur les toilettes. Vous l'avez appelé de la sorte. La communauté transgenre s'enflamme sur Twitter et dit que je l'appelle le projet de loi sur les toilettes. Je ne veux pas l'appeler le projet de loi sur les toilettes.
D'ailleurs, dans ma proposition d'amendement j'ai parlé d'établissement correctionnel, de centre d'aide aux victimes, de refuge pour victimes de violence, d'installations sanitaires et de douches...
Des voix : À l'ordre.
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Plett, le temps de parole de la sénatrice Jaffer est écoulé.
(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)
Projet de loi concernant le Règlement sur les mammifères marins
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Norman E. Doyle propose que le projet de loi C-555, Loi concernant le Règlement sur les mammifères marins (permis d'observation pour la pêche du phoque), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j'aimerais brièvement intervenir en faveur du projet de loi C-555, Loi concernant le Règlement sur les mammifères marins (permis d'observation pour la pêche du phoque). J'aimerais prendre quelques instants pour remercier le député de Nova-Ouest d'avoir présenté ce projet de loi important, qui contribuera à la protection de la sécurité de ceux qui pratiquent la chasse au phoque.
J'aimerais dire combien j'ai apprécié le fait que le projet de loi ait reçu l'appui de tous les partis à la Chambre des communes. Il est bon de savoir que les membres de tous les partis politiques sont déterminés à veiller au bien-être de nos chasseurs de phoque.
Je vais passer les quelques minutes qui me sont accordées à parler des façons dont le projet de loi améliorera la sécurité des chasseurs de phoque et des raisons pour lesquelles il est nécessaire de l'adopter.
Il importe, lors de la discussion du projet de loi, de garder à l'esprit que la chasse au phoque constitue la principale source de revenu et d'avancement économique pour beaucoup de nos collectivités rurales et côtières. Nous ne tolérons pas les conditions de travail dangereuses dans les autres secteurs. Par conséquent, il est impératif que le Sénat fasse tout en son pouvoir pour assurer aux phoquiers les conditions de travail les plus sûres possibles.
Comme beaucoup de sénateurs le savent, le Règlement sur les mammifères marins contient des dispositions touchant spécifiquement la gestion de la chasse au phoque. Que propose le projet de loi? Il demande au gouverneur en conseil, c'est-à-dire au Cabinet, de modifier ce règlement de façon à accroître la distance qu'une personne doit maintenir par rapport à un phoquier en train de chasser le phoque, à moins de détenir un permis d'observation pour la pêche au phoque.
En particulier, les modifications proposées augmenteraient la distance à laquelle doit se tenir un observateur non titulaire d'un permis d'observation. Cette distance passerait d'un demi-mille à un mille marin. C'est là une modification vraiment très sensée. La raison est que la chasse au phoque se fait sur la glace. Je ne saurais trop insister sur l'importance qu'il y a de maintenir l'intégrité des glaces. La sécurité de nos phoquiers en dépend.
En assurant un environnement de chasse plus sûr et en réduisant les dangers possibles pour ceux qui se tiennent sur la glace, le projet de loi C-555 renforce la sécurité des Canadiens qui participent à la chasse traditionnelle.
Je dois également noter que ces modifications ne changent rien à la possibilité pour les parties intéressées d'observer la chasse au phoque. Les observateurs pourront encore assister à la chasse en obtenant un permis délivré par Pêches et Océans Canada.
Bien entendu, tous les observateurs titulaires d'un permis doivent respecter les conditions figurant sur celui-ci. Le gouvernement peut refuser de délivrer un permis à quiconque a l'intention de perturber la chasse ou d'intervenir autrement dans le travail des phoquiers.
En vertu du règlement, si une personne a été condamnée, au cours des cinq années précédentes, pour avoir violé les conditions de son permis d'observation ou pour toute infraction relevant de l'article 32, comme le fait de trop s'approcher sans permis d'un lieu de chasse, le ministre doit en tenir compte lorsqu'il décide s'il convient ou non de lui délivrer un permis.
Il y a évidemment des personnes qui ne souhaitent pas se plier au processus du permis pour observer la chasse. Par conséquent, le projet de loi est nécessaire pour faire face au problème des observateurs sans permis, qui peuvent compromettre la sécurité de ceux qui participent à la chasse.
À l'heure actuelle, tout observateur sans permis doit rester à l'écart du phoquier, la distance prévue étant d'environ 900 mètres ou 3 000 pieds. Je crois que tous les sénateurs conviendront que cette distance est insuffisante, étant donné que la chasse se déroule sur des glaces flottantes et que des activités irresponsables de protestation peuvent mettre en danger la vie des phoquiers. Si des observateurs sans permis s'approchent à moins d'un demi-mille marin, les responsables de la mise en vigueur des règlements n'ont pas beaucoup de temps, surtout si la mer est démontée, pour intervenir afin de protéger les phoquiers.
La modification proposant de doubler la distance de sécurité pour la porter à un mille marin aura des effets réels sur la sécurité des phoquiers. Comme l'expérience nous l'a appris, il est important de disposer de cette distance supplémentaire pour laisser aux responsables le temps d'intervenir si des personnes essaient de perturber la chasse.
J'aimerais donner un exemple aux honorables sénateurs. En 2008, les agents des pêches ont arrêté des militants de la Sea Shepherd Conservation Society et ils ont saisi leur navire, le Farley Mowat.
(1600)
Ces activistes radicaux mettaient en danger la vie des chasseurs de phoques et des employés de la Garde côtière en s'approchant dangereusement près de la zone de chasse.
À cause de sa proximité, le bateau fautif brisait les glaces flottantes sur lesquelles les pêcheurs tentaient de chasser le phoque. Ces derniers ont dit qu'ils avaient craint pour leur vie. C'était une situation extrêmement dangereuse qui a nécessité l'intervention de fonctionnaires et d'un navire de la Garde côtière. Le navire de la Sea Shepherd a aussi causé des dommages importants lorsqu'il a percuté un brise-glace de la Garde côtière canadienne.
Le projet de loi donnerait une plus grande tranquillité d'esprit aux chasseurs de phoque pour ce qui est de leur sécurité pendant qu'ils s'adonnent à la chasse. Il donnerait aussi aux responsables de l'application de la loi, qui travaillent également dans des conditions difficiles, plus de temps pour réagir si un autre acte criminel mettant en danger les chasseurs de phoque était commis.
Le gouvernement appuie sans réserve l'industrie canadienne de la chasse au phoque. Cette activité se fonde sur des pratiques de pêche durable et sans cruauté envers les animaux. Elle fait partie de notre patrimoine depuis 300 ans et c'est aussi une industrie cruciale pour les collectivités rurales et côtières.
Le Canada va continuer de défendre avec vigueur notre pêche au phoque traditionnelle, qui est humaine, durable et bien réglementée. Cette activité est exercée de façon ouverte et transparente, et il continuera d'en être ainsi pour ceux qui observent cette chasse bien réglementée, tout en veillant à ce que les chasseurs soient en sécurité.
Le projet de loi dont le Sénat est saisi aujourd'hui réduira les risques auxquels s'exposent les chasseurs lorsqu'ils s'adonnent à la chasse traditionnelle. Nous ne devons pas attendre qu'une tragédie se produise avant d'agir. Le projet de loi C-555 reflète notre appui continu aux collectivités rurales et côtières du Canada atlantique, du Québec et du Nord. Nous appuyons sans réserve le droit des chasseurs de phoque à une chasse sécuritaire, de la même façon que tous les autres Canadiens ont droit à un milieu de travail sécuritaire.
J'exhorte tous les sénateurs à se joindre à moi pour appuyer le projet de loi.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom de la sénatrice Hervieux-Payette, le débat est ajourné.)
Régie interne, budgets et administration
Douzième rapport du comité—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Furey, appuyée par l'honorable sénateur Eggleton, C.P., tendant à l'adoption du douzième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (prévisions budgétaires du Sénat 2015-2016), présenté au Sénat le 25 février 2015.
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je vais vous présenter une brève rétrospective du dossier. Lorsque le sénateur Furey a proposé pour la première fois l'adoption du rapport, je me disais que nous avions déjà eu le Budget principal des dépenses et que le Sénat se trouvait au beau milieu de l'étude du Budget principal des dépenses. Nous avons eu un autre document qui demandait, dans les faits, au Sénat d'adopter le Budget principal des dépenses en temps et lieu. Nous avons maintenant adopté le rapport sur le Budget principal des dépenses et les projets de loi C-54 et C-55.
Je ne dis pas qu'il y avait incohérence. Je tenais à m'assurer que ce n'était pas le cas, mais il y avait peut-être un dédoublement dans ces deux dossiers. Si le Sénat allait adopter le Budget principal des dépenses, je crois que cela aurait dû être fait beaucoup plus tôt pour que les renseignements soient pris en compte dans le Budget principal des dépenses, qui a été déposé en février, comme vous le savez.
J'ai demandé l'ajournement du débat pour essayer de comprendre le tout et comparer la motion concernant le Budget principal des dépenses qui a été accepté par le Conseil du Trésor et ce qui se trouve dans ce document-ci.
Honorables sénateurs, je constate que les deux sont identiques et qu'il n'y a aucune incohérence. Par conséquent, je suis heureux de dire que la motion qui a déjà été proposée peut maintenant être mise aux voix.
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Votre Honneur, si je puis me permettre, je suis un peu prise au dépourvu en ce qui concerne cet article. Par conséquent, je demande l'ajournement de cette motion à mon nom.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Motion tendant à constituer un comité spécial sur la modernisation du Sénat—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Nolin, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P.,
Qu'un comité spécial sur la modernisation du Sénat soit nommé pour examiner les façons de rendre le Sénat plus efficace, plus transparent et plus responsable, dans le cadre constitutionnel actuel, afin, entre autres de hausser la confiance de la population envers le Sénat;
Que le comité soit composé de neuf membres, désignés par le Comité de sélection, et que le quorum soit constitué de cinq membres;
Que le comité soit habilité à convoquer des personnes, à obtenir des documents et des dossiers, à interroger des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il peut ordonner l'impression;
Que le comité soit autorisé à retenir les services d'experts externes;
Que, nonobstant l'article 12-18(2)b)(i) du Règlement, le comité soit habilité à se réunir du lundi au vendredi, même si le Sénat est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine;
Que le comité soit habilité à faire rapport de temps à autre et à présenter son rapport final au plus tard le 31 décembre 2015.
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Je propose l'ajournement du débat au nom du sénateur Joyal.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, au nom du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)
Les travaux du Sénat
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 16-1(8) du Règlement, j'avise le Sénat qu'un message de la Couronne concernant la sanction royale est attendu plus tard aujourd'hui.
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, l'article 16-1(8) du Règlement prévoit que, dès qu'une annonce a été faite par le leader ou le leader adjoint du gouvernement :
[...] toute motion visant à lever la séance est irrecevable, et sont en outre suspendues les dispositions du Règlement régissant l'heure fixée pour la clôture ou la suspension de la séance ainsi que toute décision antérieure relative à la levée de la séance. Ces dispositions s'appliquent jusqu'à la réception du message ou jusqu'à ce que le leader ou le leader adjoint du gouvernement ait indiqué que le message prévu n'est plus attendu. Lorsque le Sénat termine ses travaux avant la réception du message, la séance est suspendue jusqu'à la convocation du Président, la sonnerie se faisant entendre pendant cinq minutes avant la reprise des travaux.
Ces dispositions régiront donc les travaux d'aujourd'hui.
Autorisation à des comités de siéger en même temps que le Sénat
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je propose :
Que les comités sénatoriaux devant se réunir aujourd'hui soient autorisés à le faire même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(1610)
Droits de la personne
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'étude des obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne
L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 10 mars 2015, propose :
Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mardi 19 novembre 2013, et le jeudi 12 juin 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son étude et à sa surveillance de l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et à l'examen, entre autres choses, des mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne soit reporté du 31 mars 2015 au 29 février 2016.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'examen des mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières
L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 10 mars 2015, propose :
Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le jeudi 27 février 2014, et le jeudi 11 décembre 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son examen des mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada pour favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la convention de La Haye sur l'enlèvement et renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants soit reporté du 31 mars 2015 au 29 février 2016.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur son étude des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé
L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 10 mars 2015, propose :
Que, nonobstant les ordres du Sénat adoptés le mardi 19 novembre 2013, et le jeudi 12 juin 2014, le dépôt du rapport final du Comité sénatorial permanent des droits de la personne relativement à son examen des questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la Fonction publique fédérale, en vue de déterminer la mesure dans laquelle les objectifs pour atteindre l'équité en matière d'emploi pour les groupes minoritaires sont réalisés et d'examiner l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé soit reporté du 31 mars 2015 au 29 février 2016.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Son Honneur le Président intérimaire : Le Sénat a terminé ses travaux de la journée. La séance est suspendue et, conformément à l'article 16-18a) du Règlement, la sonnerie se fera entendre pendant cinq minutes avant la reprise des travaux.
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1730)
[Français]
La sanction royale
Son Honneur le Président intérimaire informe le Sénat qu'il a reçu la communication suivante :
RIDEAU HALL
Le 31 mars 2015
Monsieur le Président,
J'ai l'honneur de vous aviser que le très honorable David Johnston, Gouverneur général du Canada, a octroyé la sanction royale par déclaration écrite aux projets de loi mentionnés à l'annexe de la présente lettre le 31 mars 2015, à 17 h 02.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.
La sous-secrétaire,
Patricia JatonL'honorable
Le Président du Sénat
OttawaProjets de loi ayant reçu la sanction royale le 31 mars 2015 :
Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (accès élargi à l'embauche pour certains militaires et anciens militaires des Forces canadiennes) (projet de loi C-27, chapitre 5, 2015)
Loi instituant la Journée nationale du violon traditionnel (projet de loi S-218, chapitre 6, 2015)
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2015 (projet de loi C-54, chapitre 7, 2015);
Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l'administration publique fédérale pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2016 (projet de loi C-55, chapitre 8, 2015)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 1er avril 2015, à 13 h 30.)