Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 131
Le mercredi 1er avril 2015
L'honorable Leo Housakos, Président intérimaire
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Hommages
- La Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme
- Le Mois de sensibilisation à la maladie de Parkinson
- AFFAIRES COURANTES
- Le Budget principal des dépenses de 2015-2016
- Projet de loi sur la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice
- Visiteurs à la tribune
- L'ajournement
- L'Association parlementaire Canada-Europe
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 1er avril 2015
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président intérimaire étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, j'ai reçu un avis du leader de l'opposition qui demande, conformément à l'article 4-3(1) du Règlement, que la période consacrée aux déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd'hui pour rendre hommage au regretté sénateur Aurélien Gill, qui est décédé le 17 janvier 2015.
Je rappelle aux sénateurs que, conformément à notre Règlement, les interventions des sénateurs ne peuvent dépasser trois minutes et qu'aucun sénateur ne peut parler plus d'une fois. Toutefois, il est entendu que nous pouvons continuer de rendre hommage à nos anciens collègues pendant la période des déclarations de sénateurs. Nous disposerons donc d'un maximum de 30 minutes pour lui rendre hommage. S'il reste du temps après les hommages, il sera utilisé pour d'autres déclarations. D'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Visiteurs de marque à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de nos anciens collègues, l'honorable Lucie Pépin et l'honorable Raymond Setlakwe.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres de la famille de notre ancien collègue, feu l'honorable Aurélien Gill : son épouse, Aline Castonguay, ses filles, Marie-Claude, Carole et Guylaine Gill, accompagnées de leur époux respectif, de 12 petits-enfants, ainsi que d'autres membres de la famille et d'amis.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Hommages
Le décès de l'honorable Aurélien Gill
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Chers collègues, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à notre regretté ami et collègue, le sénateur Aurélien Gill.
Le sénateur Gill a pris sa retraite du Sénat en 2008, après une longue vie consacrée au service public. Je suis ravi qu'autant de membres de sa famille soient présents aujourd'hui aux tribunes surplombant cet endroit qu'il a si bien servi. Bienvenue.
Le sénateur Gill a marqué profondément tous ceux qui ont eu le privilège de le connaître et de travailler avec lui. Avant d'être nommé au Sénat, en 1998, il a été enseignant et fonctionnaire, et il a aussi été un homme d'affaires prospère au Québec. Dans l'exercice de toutes ces fonctions, et tout au long de sa vie, d'ailleurs, il a été un leader.
Il est né au Québec, plus précisément à Mashteuiatsh, une réserve qu'on appelle aussi Pointe-Bleue. Après avoir étudié à l'Université Laval, il a poursuivi sa formation au Collège de la défense nationale, à Kingston, auprès de certains des plus grands stratèges de notre pays. C'est pendant cette période qu'il a voyagé un peu partout dans le monde et qu'il a pu constater par lui-même les conditions de vie des autres peuples autochtones, plus particulièrement les mesures positives prises par d'autres pays, que le Canada aurait pu adopter lui aussi.
Chers collègues, il arrive parfois que l'on vive une expérience qui marque un tournant dans notre vie et qui nous engage sur une voie donnée. C'est ce qui est arrivé au sénateur Gill. Il a décidé de consacrer sa vie à nos peuples autochtones, et il a tenu sa promesse. Nous avons tous profité de son dévouement.
Pour préparer mon intervention d'aujourd'hui, j'ai relu les hommages qui ont été rendus au sénateur Gill lorsqu'il a quitté le Sénat. Ses collègues ont dit qu'il était « un homme d'une droiture irréprochable et [dévoué] », qui avait une « très grande générosité » et qui a « fait preuve d'un talent, d'une énergie et d'une éloquence hors du commun ». On a dit de lui qu'il était un « leader intelligent, engagé, confiant, passionné et brave », un « homme spontané qui, dans le quotidien, [était] d'une grande générosité », un homme « au caractère sincère [et] franc » et « doté d'un grand talent pour mettre de la vie dans les rencontres sociales ».
Chers collègues, même s'il était reconnu pour son charme et sa sociabilité, ce qu'on remarquait surtout, c'était sa détermination à améliorer la vie des premiers habitants de notre pays. C'est dans ce domaine que le sénateur Gill a véritablement fait sa marque et qu'il s'est distingué par sa vision.
De 1974 à 1985, Aurélien Gill a été à la tête des Montagnais de sa région, le Lac-Saint-Jean. Il a ensuite fait partie de plusieurs organismes — soit à titre de membre, soit en tant que fondateur — ayant pour but de créer un monde dont les valeurs cardinales seraient le respect, l'égalité et la dignité et où les Autochtones pourraient s'occuper de leurs propres affaires. Il a poursuivi ses efforts durant les 10 ans qu'il aura passés au Sénat, travaillant sans relâche pour faire progresser la cause des peuples autochtones.
Les sénateurs qui l'ont côtoyé ont vite pu constater qu'il était profondément et fidèlement attaché à ses racines montagnaises et autochtones en général.
J'ai eu ce privilège durant trois ans et demi, et j'ai vu la passion, l'éloquence et la vigueur avec lesquelles il défendait l'indépendance des Premières Nations. Il a gagné le respect et l'admiration de ses nombreux collègues, notamment grâce à ses discours enflammés, et nous lui devons tous aujourd'hui de mieux comprendre les énormes défis que doivent relever les Premières Nations.
La dernière fois qu'il s'est adressé à notre assemblée, le sénateur Gill a tenu les propos suivants :
Certains sujets sont difficiles, les questions des premiers peuples doivent trouver une réponse, une voie, une issue. Ce jour est proche car le monde change. Il changera pour le mieux. Il y aura un jour une assemblée représentative des Premières nations [...] Nous, les premiers peuples, non seulement nous avons survécu, mais nous avons contribué, nous avons travaillé à l'élaboration d'un monde meilleur pour tous les Canadiens sans exception, sans exclusion.
Il avait alors affirmé avoir « une grande confiance en l'avenir », et avoir « toujours eu le désir profond de vivre dans une société juste, harmonieuse et noble ». Grâce à lui, nous sommes tous un peu plus proches du but.
À sa famille et à ses amis, je dis merci de l'avoir partagé avec notre pays et avec nous, sénateurs. Il nous manque terriblement.
[Français]
L'honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui en l'honneur d'un ex-collègue, le sénateur Aurélien Gill, décédé le 17 janvier 2015 à l'âge de 81 ans au terme d'une carrière remarquable et inspirante.
Le sénateur Gill était un fervent défenseur des intérêts des peuples autochtones au Québec et dans l'ensemble du Canada. Il a été enseignant et est devenu un modèle de dévouement pour sa communauté au cours de son mandat de sénateur et dans le cadre des rôles clés qu'il a joués comme président et fondateur du Conseil des Atikamekw et des Montagnais et à titre de chef de la communauté innue de Mashteuiatsh, de 1975 à 1982 et de 1987 à 1989.
[Traduction]
Le sénateur Gill a aussi consacré beaucoup d'énergie à la mise sur pied de l'Institut culturel et éducatif montagnais, du Conseil de la police amérindienne, de la Confédération des Indiens du Québec, de l'Assemblée des Premières Nations et du Conseil consultatif provincial et national autochtones.
[Français]
Avant d'être nommé au Sénat, le sénateur Gill était cofondateur et président de la société Les Gestions Gamac P.N., une société de portefeuille propriétaire d'Air Roberval, d'Aviation Québec-Labrador et d'Air BGM. Le sénateur Gill a aussi occupé plusieurs postes dans le secteur public, notamment celui de directeur général pour le Québec au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. En outre, en 1991, il a été fait chevalier de l'Ordre national du Québec.
(1340)
En 1998, le très honorable Jean Chrétien a nommé Aurélien Gill au Sénat du Canada, où il a servi pendant 10 ans jusqu'à sa retraite en 2008. Le sénateur Gill a pu faire profiter le Sénat de son expérience et de son expertise en siégeant à divers comités, notamment au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. L'an dernier, le sénateur Gill a reçu l'Ordre du Canada pour son engagement dans la promotion et la défense des intérêts des Premières Nations, particulièrement du peuple innu.
[Traduction]
On se souviendra du sénateur Gill pour ses grandes réalisations et sa volonté de servir les Canadiens, qui ne s'est jamais démentie tout au long de sa vie.
[Français]
Merci à tous de votre attention.
[Traduction]
L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables collègues, je prends aussi la parole aujourd'hui pour rendre hommage à un ancien et très cher collègue, l'honorable Aurélien Gill, qui s'est éteint le 17 janvier 2015, à l'âge de 81 ans.
Aurélien était enseignant de profession, mais il était aussi un pilier de la collectivité et un activiste, comme en témoigne la vigueur avec laquelle il a défendu, tout au long de sa vie, les intérêts des peuples autochtones du Canada. Il a été chef de la communauté innue de Mashteuiatsh de 1975 à 1982, vice-président de l'Association des Indiens du Québec de 1973 à 1975 et président du conseil de la Première Nation des Atikamekw et des Montagnais de 1975 à 1976. Le sénateur Gill a aussi été un acteur important de la fondation de la Fraternité nationale des Indiens, ancêtre de l'Assemblée des Premières Nations. Il conseillait généreusement les peuples autochtones d'autres pays.
Nommé au Sénat par le très honorable Jean Chrétien le 17 septembre 1998, le sénateur Gill a continué de promouvoir la cause des peuples autochtones au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il a travaillé, entre autres, à faire reconnaître que la relation entre les peuples autochtones et les Couronnes d'Angleterre et de France n'a été rien de moins que honteuse. Pourtant, en dépit de l'érosion de la société autochtone au fil des ans et de sa sujétion à la politique gouvernementale, le sénateur Gill a prédit que les peuples autochtones pourraient un jour contrôler leur propre destinée.
Voilà ce qu'imaginait Aurélien Gill lorsqu'il a déposé, le 30 avril 2008, le projet de loi S-234, Loi constituant une assemblée des peuples autochtones du Canada et un conseil exécutif, qui visait à créer une troisième Chambre du Parlement. Le sénateur Gill était conscient de la nécessité de libérer le Canada des entraves qu'imposent le ministère des Affaires autochtones et la Loi sur les Indiens, une loi archaïque et paternaliste, et le projet de loi encourageait les Autochtones à participer plus activement aux dossiers qui les touchent directement, mais aussi à toutes les affaires canadiennes. L'assemblée des peuples autochtones devait être le porte-voix des peuples dont l'existence est reconnue dans la Loi constitutionnelle de 1982.
On dit de la personne qui est la première à concevoir un produit ou un dispositif qu'elle a eu un trait de génie. Aurélien Gill a eu un tel trait de génie lorsqu'il a conçu son excellent système d'autodétermination des peuples autochtones du Canada. Ce projet de loi était mûrement réfléchi, et j'invite mes collègues sénateurs à le lire. On y trouve plus que de simples éléments de réflexion; on y expose en fait le modèle de gouvernement autochtone qu'il faudrait instaurer au Canada. Le sénateur Gill a lui-même déclaré ceci :
Ce pays ne sera jamais achevé tant et aussi longtemps que les Autochtones n'auront pas leur place dans l'architecture politique.
Il a aussi dit ceci :
Comment ne pas s'engager avec passion, quand il s'agit de l'avenir de nos enfants qui sont si nombreux, quand il s'agit de leur éducation, de leur santé, de leur milieu de vie, de leur fierté, de leur culture et de leur identité?
Après son départ du Sénat en 2008, Aurélien et moi avons continué de nous donner de nos nouvelles. Je continue de défendre son projet de loi; j'en remets un exemplaire à de nombreux chefs et j'en parle lorsque j'en ai l'occasion. Je vous remercie, honorable sénateur Aurélien, de vos réalisations et de votre vision des choses. Meegwetch.
Le sénateur Gill laisse dans le deuil son épouse, Aline, ses 3 filles, Guylaine, Carole et Marie-Claude, ainsi que ses 12 petits-enfants et ses 2 arrière-petits-enfants. J'aimerais qu'Aline et vous tous sachiez que ce fut un honneur de siéger aux côtés d'Aurélien. Il m'en a appris beaucoup sur la vie des Autochtones. Nous étions bons amis. Il enrichissait nos vies. Je vous remercie de l'avoir partagé avec nous.
[Français]
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à la mémoire de l'honorable sénateur Aurélien Gill, que nous célébrons pour avoir consacré sa longue carrière, avec dévouement, à la défense des intérêts des peuples autochtones.
[Traduction]
Né le 26 août 1933, le sénateur Gill a grandi dans la réserve de Pointe-Bleue, dans la région du Lac-Saint-Jean, au Québec. Il était titulaire d'un baccalauréat en pédagogie de l'Université Laval. Il a occupé des postes d'importance au sein de la fonction publique, notamment à titre de directeur général du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, ainsi que dans le secteur privé, comme cofondateur et président de la société de portefeuille Les Gestions Gamac P.N.
Le sénateur Gill était aussi un visionnaire. À l'âge de 42 ans, il est devenu président-fondateur du Conseil des Atikamekw et des Montagnais et chef de la communauté montagnaise de Mashteuiatsh au milieu des années 1970, puis de nouveau à la fin des années 1980. Il était dévoué à sa collectivité et, en 1991, il a été nommé chevalier de l'Ordre national du Québec en reconnaissance de ses réalisations.
En 1998, Aurélien Gill a été nommé au Sénat sur la recommandation du premier ministre Jean Chrétien. Du début de son mandat de sénateur jusqu'à sa retraite, il a joué un rôle de premier plan au sein du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Il a également siégé à plusieurs autres comités, comme ceux de la régie interne, des budgets et de l'administration, des affaires juridiques et constitutionnelles, de l'agriculture et des forêts, des pêches et des océans et à bien d'autres. Le sénateur Gill a servi avec distinction durant son mandat au Sénat, grâce à ses idées, à sa contribution aux débats, au travail qu'il a fait au sein des comités, à ses activités et à ses initiatives. Il a été nommé membre de l'Ordre du Canada par le gouverneur général, un honneur bien mérité, en reconnaissance de tout ce qu'il avait accompli, ainsi que des services qu'il avait rendus à sa collectivité et au Canada.
[Français]
Au nom du caucus conservateur, nous offrons nos plus sincères condoléances à l'épouse et aux trois filles du sénateur Gill, ainsi qu'à la collectivité de Mashteuiatsh, à l'occasion de la perte d'un époux, d'un père, d'un leader et d'un sénateur canadien exemplaire. Je vous remercie.
Des voix : Bravo!
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'ai eu le grand privilège d'entrer au Sénat le même jour qu'Aurélien Gill. À l'époque, je savais que c'était un privilège. Ce n'est qu'au fil du temps que j'ai appris à quel point c'était un grand privilège d'avoir été, si vous voulez, jumelée avec cet homme extraordinaire.
L'une des ironies de la vie politique est qu'Aurélien Gill représentait une division sénatoriale au Québec qui s'appelle Wellington. Wellington était l'un des plus grands guerriers de l'histoire de l'Angleterre, l'homme qui a vaincu Napoléon, et un homme connu, paraît-il, pour son caractère hautain et difficile, snob, même.
C'est le contraire de ce qu'était Aurélien Gill. Aurélien était un homme doté d'un sourire enchanteur. Vous n'avez qu'à regarder les nombreuses photos qu'on a de lui; il est toujours en train de sourire. Même en voyant ces photos aujourd'hui, je sens que je souris en réponse à son sourire.
Je pense que l'une des meilleures descriptions d'Aurélien que j'ai eu l'occasion de lire est parue dans l'avis de décès qui a été publié à sa mort. Entre autres, on y disait ce qui suit, et je cite :
[...] rassembleur, M. Gill s'est toujours impliqué activement dans sa communauté, sa région, son pays, travaillant à favoriser le respect, l'entraide et le partenariat. Il aura été pour toute sa famille et ses amis un modèle d'intégrité, de justice et de persévérance.
Tous ces mots sont vrais, et je tiens surtout à signaler le tout premier des mots que j'ai cités, celui de « rassembleur ». C'était un homme rassembleur. On ne pouvait pas ne pas aimer Aurélien Gill ni ne pas répondre à ses appels.
Le chef actuel de Mashteuiatsh — comme la sénatrice Martin, j'ai du mal à prononcer le nom de son coin préféré du monde, même s'il a essayé pendant 10 ans de me l'apprendre —, M. Gilbert Dominique, a dit ceci :
Je pense qu'il va certainement nous inspirer par le fait de ne jamais baisser la tête, de toujours aller de l'avant, parce qu'il a été profondément convaincu que nous avions des droits, que nous...
— il parlait des peuples autochtones —
... avions des droits et qu'à partir de ces droits, on pourrait assurément construire notre futur sur ces perspectives.
(1350)
Comme l'a signalé le sénateur Moore lors de son hommage plus tôt, Aurélien Gill n'a jamais, jamais arrêté de lutter pour son peuple et pour son pays, mais surtout pour son peuple. Il nous a tous appris ce qu'il fallait aux peuples autochtones, et nous l'en remercions. À toute sa famille, j'offre nos condoléances.
[Traduction]
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler que vous devez limiter vos interventions à trois minutes.
[Français]
L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je désire tout d'abord offrir mes condoléances à toute la famille avec laquelle j'ai eu l'occasion de faire connaissance il y a quelques minutes.
Je n'aurais peut-être pas connu Pointe-Bleue s'il n'y avait pas eu Aurélien Gill; son nom seul évoque des paysages incroyables, une région fantastique et, surtout, un environnement dans lequel tout le monde s'entraide et où l'accueil est extraordinaire. Pour mes collègues qui ne sont pas encore allés dans cette région, je vous invite à visiter Pointe-Bleue et, peut-être, à prendre un café avec ses filles en passant.
J'ai toujours trouvé qu'Aurélien était fier de ses origines. Certains s'effacent devant leurs antécédents, mais ce n'était pas son cas; il a œuvré toute sa vie de façon très positive à faire avancer la cause des Autochtones, et ce, de façon généreuse. Je ne pense pas que nous, qui sommes arrivés sur ce territoire bien après les communautés autochtones, ayons montré autant de générosité, et je crois que le modèle de partage qu'il a mis au point devrait être examiné sérieusement.
J'aimerais également vous faire part d'un petit secret : si Aurélien était parmi nous aujourd'hui, je vous dirais qu'il aurait très bien pu participer à une émission bien connue intitulée Dancing with the Stars, et je peux vous dire que les talents de danseur d'Aurélien auraient peut-être fait rougir certains participants. On se souvient de quelques caucus à l'occasion desquels on s'est peut-être couché un peu tard, mais avec beaucoup de plaisir, car sa joie de vivre transcendait son travail au Sénat, où il a su se faire des amis.
Lorsque je pense à tout ce qu'il a fait pour sa communauté, je ne puis m'empêcher de dire à sa famille qu'il était une personne fière, et qu'elle doit être fière de lui. C'était un citoyen canadien qui nous a beaucoup apporté, et j'ai toujours été fière, moi aussi, de siéger avec lui. Nous en gardons un souvenir formidable. Je ne lui dis pas adieu, mais au revoir. Un jour ou l'autre, on se rencontrera certainement pour faire des mauvais coups et, peut-être, danser un peu.
[Traduction]
L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à notre ancien collègue, le sénateur Gill.
Bien avant d'être nommé au Sénat, j'ai travaillé de très près avec le sénateur Gill. Pendant plusieurs années, il a touché un aspect de ma vie comme bien peu d'autres personnes auraient pu le faire. Voilà à quel point le sénateur Gill et moi entretenions des liens étroits.
Le sénateur Gill a été directeur général de la région du Québec au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Auparavant, soit de 1973 à 1975, il avait occupé le poste de vice-président de l'Association des Indiens du Québec. En 1975 et 1976, il a aussi été président du Conseil des Atikamekw et des Montagnais. Ainsi, pendant de nombreuses années, nous avons travaillé ensemble sur différents dossiers dont nous étions tous les deux saisis. En fait, je connaissais le sénateur Gill depuis plus de 40 ans.
Comme certains d'entre vous le savent fort bien, au cours de ses dernières années en tant que sénateur, il a présenté le projet de loi S-234, un projet de loi d'initiative parlementaire qui visait à créer une assemblée des peuples autochtones du Canada, qui serait dotée d'un conseil exécutif. Nous avons partagé sa vision concernant l'établissement d'une troisième Chambre au Parlement — la Chambre des Autochtones —, une idée qui recueillait des appuis partout au Canada.
La semaine dernière, j'ai animé une table ronde avec des dirigeants des Premières Nations, et je peux vous assurer que la vision du sénateur Gill est toujours bien vivante aujourd'hui dans l'esprit et le cœur de nos dirigeants communautaires.
Les Autochtones sont sous-représentés au Sénat, et le sénateur Gill manque beaucoup aux sénateurs autochtones qui restent. Nous portons un fardeau disproportionné parce que la population autochtone croît rapidement, tandis que le nombre de parlementaires autochtones continue de diminuer.
J'ai eu l'occasion de rencontrer sa famille aujourd'hui. Malheureusement, son épouse n'a pas eu la force de venir. Le reste de sa famille est présent, y compris ses petits-enfants et ses arrière-petits-enfants. J'ai rencontré ses filles, Guylaine, Carole et Marie-Claude. Nous étions heureux de les recevoir à Ottawa.
Le sénateur Gill était fort efficace et concentrait toute son attention sur les dossiers dont il s'occupait. J'ai eu la chance d'acquérir de nombreuses années d'expérience avec le sénateur Gill, un ardent défenseur des Autochtones, et j'ai eu l'honneur de pouvoir le compter parmi mes bons amis.
Merci, honorables sénateurs.
L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs et chers membres de la famille Gill, j'ai une autre déclaration à faire, mais je dois profiter de l'occasion pour dire quelques mots.
En 2003, je venais de faire mon entrée au Sénat, et le sénateur Gill y était déjà. Il m'a pris à part et m'a montré quelques trucs. Je n'ai pas le droit de dire de quoi il s'agissait, mais c'étaient de bons trucs. Tous, sans exception. Il a été un mentor pour moi dans ma vie en général également. Il m'a aidé à comprendre davantage la question des droits des Autochtones et l'utilité de parler d'une seule voix.
La Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme
L'honorable Jim Munson : Je prends la parole aujourd'hui pour parler de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, qui aura lieu demain. Il y a quelques instants, j'étais dans les marches devant le Parlement, et il s'y déroulait un rassemblement au sujet de l'autisme. Nous étions 200, et ce fut un moment réconfortant. C'est la troisième fois que la Journée de l'autisme est célébrée sur la Colline du Parlement, sous la direction de ma chère amie Suzanne Jacobson, de QuickStart et de KickStart, à Ottawa. Elle se trouve quelque part sur la Colline, et je tiens à la remercier infiniment, car c'est vraiment une championne. Suzanne a réussi, à l'occasion de ce jour de sensibilisation, à lancer la belle tradition de la bannière faite de photos de Canadiens souffrant d'autisme. Vous auriez dû voir aujourd'hui la bannière créée pour l'édition de cette année. Elle avait fière allure.
Les photos et les noms de 165 personnes — des enfants, des adultes, des frères et sœurs — figurent sur la bannière des multiples visages de l'autisme. Certaines photos sont drôles et originales, d'autres sont officielles, comme des photos de graduation. Ces images sont une prise de position puissante, et je remercie Suzanne d'aider les Canadiens à mieux comprendre ce qui compte le plus parmi les efforts soutenus déployés pour aborder les questions sociales et morales, et surtout celles touchant les droits de la personne, qui sont liées à l'autisme.
Il y a une dizaine d'années, nous n'étions que sept ou huit personnes, alors que, au cours des deux derniers jours, le tout premier sommet sur l'autisme a réuni 150 personnes de tout le pays faisant partie de l'Alliance canadienne des troubles du spectre autistique, ou ACTSA. Le programme était rempli d'exposés et de rassemblements qui ont été une source d'inspiration. Ce fut vraiment un beau moment.
Les choses progressent, à la lumière des résultats d'une enquête nationale effectuée l'an dernier pour évaluer les besoins des Canadiens en matière de services liés à l'autisme. Hier, l'ACTSA a annoncé, par exemple, que le gouvernement fédéral lui a demandé de soumettre une proposition pour établir un partenariat canadien avec le gouvernement actuel. Je crois que c'est une bonne chose. Si cela fonctionne — et je croise les doigts —, beaucoup d'argent y sera consacré dans le prochain budget. Nous nous rapprochons de plus en plus de l'établissement d'une stratégie nationale de sensibilisation à l'autisme.
Honorables sénateurs et distingués invités, nous soulignons demain la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme. Profitons de cette journée pour souligner l'apport des personnes atteintes d'autisme et réfléchir aux meilleurs moyens pour eux et pour les Canadiens de veiller au respect de leurs droits fondamentaux dans ce pays qu'est le nôtre. Il s'agit d'inclusion, et tout parti judicieux devrait ajouter cet enjeu à son programme électoral. Si tous les partis le font, je les appuierai tous dans ce dossier; cette proposition vaut pour tout le monde.
J'estime que la conjoncture actuelle est particulièrement propice à la création d'une stratégie nationale sur les troubles du spectre autistique; le besoin en la matière n'a jamais été aussi grand, et nous n'avons jamais été mieux placés pour y répondre.
(1400)
Le Mois de sensibilisation à la maladie de Parkinson
L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, le 1er avril marque le début du Mois de sensibilisation à la maladie de Parkinson; en effet, tout le mois d'avril est consacré aux personnes atteintes de la maladie de Parkinson. Des représentants de la Société Parkinson Canada sont à Ottawa cette semaine pour s'entretenir avec les décideurs et les législateurs au sujet des moyens de renforcer les modèles de soutien et de soins actuels destinés aux Canadiens atteints de la maladie de Parkinson et à leur famille.
Cette année, la Société Parkinson Canada célèbre son 50e anniversaire de dévouement à la cause. Les gens touchés par la maladie se félicitent de l'annonce selon laquelle Santé Canada et l'Agence de la santé publique du Canada comptent ajouter la maladie de Parkinson au Système national de surveillance des maladies chroniques. Cette décision permettra aux chercheurs, aux médecins praticiens et aux décideurs d'accéder à toute une gamme de données utiles qui contribueront à la prise de décisions fondées sur des données probantes en réponse aux besoins.
La maladie de Parkinson est causée par un manque de dopamine dans le cerveau qui cause plusieurs troubles moteurs et autres symptômes : tremblements, lenteur des mouvements, troubles de l'équilibre, difficulté à marcher, dépression, troubles du sommeil et changements cognitifs. Vous ne vous étonnerez certainement pas d'apprendre que les personnes atteintes du Parkinson ont des besoins considérables que les législateurs, les créateurs de programmes de santé et les planificateurs de soins communautaires doivent prendre sérieusement en considération.
Selon une récente publication des Organismes caritatifs neurologiques du Canada et de l'Agence de la santé publique du Canada intitulée Établir les connexions : Mieux comprendre les affections neurologiques au Canada, le nombre de Canadiens atteints de la maladie de Parkinson doublera d'ici 2031. Si l'on s'en tient à cette prévision, il faut de toute urgence commencer à répondre à leurs besoins. La Société Parkinson Canada continuera, comme elle le fait depuis 1965, d'offrir des services juridiques, de soutien et de sensibilisation afin de créer une vie meilleure pour les personnes actuellement atteintes par la maladie de Parkinson et de miser sur la recherche afin de l'éradiquer complètement.
Honorables sénateurs, les Canadiens comptent sur notre leadership pour prendre des décisions solides et fondées sur les faits en matière de politique, afin d'aider les personnes atteintes de troubles neurologiques graves à avoir la meilleure qualité de vie possible.
AFFAIRES COURANTES
Le Budget principal des dépenses de 2015-2016
Le Budget principal des dépenses—Dépôt des rapports sur les plans et priorités
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports sur les plans et priorités du Budget principal des dépenses de 2015-2016.
Projet de loi sur la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice
Présentation du dix-neuvième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur le projet de loi S-208, Loi constituant la Commission canadienne de la santé mentale et de la justice.
(Le texte du rapport figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 1723.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion de la sénatrice Frum, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'un groupe d'étudiants de l'Université d'Ottawa et de l'Université Queen's qui participent au caucus ouvert sur l'engagement des jeunes, organisé par les sénateurs libéraux. Ils sont les invités du caucus libéral du Sénat.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l'honorable Darin Chow, juge de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan. Il est l'invité de la sénatrice Batters.
Au nom de tous les honorables sénateurs, bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L'ajournement
Préavis de motion
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 21 avril 2015, à 14 heures.
[Français]
L'Association parlementaire Canada-Europe
La première partie de la session ordinaire de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue du 26 au 30 janvier 2015—Dépôt du rapport
L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant sa participation à la première partie de la session ordinaire de 2015 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue à Strasbourg, en France, du 26 au 30 janvier 2015.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
La réforme démocratique
La participation des jeunes au processus démocratique
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Merci, monsieur le Président. Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle s'inscrit dans la série de questions que nous avons reçues après avoir invité les Canadiens à nous en soumettre pour que nous les posions en leur nom.
La question d'aujourd'hui provient d'étudiants qui, comme nous le savons, sont à la tribune. Ils ont assisté ce matin au caucus ouvert sur la participation des jeunes au processus démocratique. En effet, vous n'êtes pas sans savoir que, depuis mars 2014, nous ouvrons nos portes aux Canadiens à des fins d'apprentissage, d'échange et de débat. Des journalistes, des députés et de simples citoyens assistent à ces activités. Aujourd'hui, malgré l'approche de la période des examens, nous avons eu la chance d'accueillir à cette occasion des étudiants de l'Université d'Ottawa et de l'Université Carleton, mais certains n'ont pas hésité à venir d'aussi loin que de Kingston pour prendre part à nos discussions. Voici la question :
Ce matin, les sénateurs libéraux ont tenu un caucus ouvert consacré à l'apathie des jeunes face au processus démocratique. L'activité a donné lieu à des débats riches, sains et passionnants sur les moyens de renverser la vapeur, mais il ne faut pas s'en tenir là. Comment le gouvernement compte-t-il s'attaquer à ce problème de manière concrète? Comme il s'agit d'une question importante qui touche l'ensemble des citoyens canadiens, quelles mesures le gouvernement a-t-il prises pour amener les jeunes à participer au processus politique de manière concrète?
(1410)
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Mon adjointe responsable de la préparation de la période des questions commençait à avoir peur de perdre son emploi. Je lui ai dit de ne pas s'inquiéter, que des citoyens allaient certainement vous faire parvenir leurs questions. J'ai constaté que votre caucus était ouvert au public et aux journalistes, étant donné que certains journalistes y étaient présents, aujourd'hui tout particulièrement.
Quant à votre question, sénateur, nous travaillons fermement à encourager les jeunes à s'impliquer dans le domaine de la politique et à participer au processus démocratique. L'une des façons de le faire, c'est de veiller à ce que les gens fassent confiance au système électoral, aux résultats et au processus démocratique. C'est pourquoi nous avons adopté la Loi sur l'intégrité des élections, qui apporte à nos lois électorales des modifications fondées sur le bon sens.
La Loi sur l'intégrité des élections oblige les électeurs à présenter une pièce d'identité afin de recevoir un bulletin de vote. Cette loi accroît l'indépendance du commissaire aux élections fédérales, qui fait diffuser les publicités du Bureau du directeur général des élections sur les renseignements essentiels liés à l'exercice du droit de vote, à savoir quand et où voter, et quelle pièce d'identité présenter.
Le projet de loi, fondé sur le principe de l'équité et du suffrage universel, a recueilli un vaste appui populaire. Les sondages révèlent que 87 p. 100 des Canadiens croient que les électeurs devraient montrer une pièce d'identité pour avoir le droit de voter. Cette réforme électorale, qui s'intitule Loi sur l'intégrité des élections, encourage la participation des Canadiens, et plus particulièrement celle des jeunes, par l'intermédiaire de mesures législatives positives et de publicités où sont diffusés des renseignements liés au vote.
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Je crois, comme le leader, qu'il est important pour les citoyens canadiens d'avoir confiance en leur système électoral. Je pense que vous conviendrez avec moi et avec la plupart des observateurs que le processus électoral du Canada est parmi les plus justes et les plus transparents du monde. Il était autrefois considéré comme un modèle de réforme électorale, un modèle montrant comment tenir des élections et encourager les gens à y participer.
Vous dites vous soucier de ce problème et de la façon d'encourager les gens — en particulier les jeunes — à voter. Pourtant, la Loi sur l'intégrité des élections, dont vous avez parlé, allait exactement à l'encontre de cet objectif. Lorsque vous avez resserré les exigences concernant les pièces d'identité dans le cadre de cette loi, vous avez rendu le vote plus difficile pour les électeurs les plus mobiles, comme les étudiants, les jeunes électeurs. Je crois que tous les observateurs qui se sont penchés sur la Loi sur l'intégrité des élections, comme vous l'avez appelée, ont également fait valoir que ces supposées réformes avaient pour effet de rendre le vote plus difficile pour les personnes les plus mobiles comme les jeunes, les plus démunis et les Autochtones. Les supposées réformes que vous avez instituées ont exactement l'effet inverse de celui que vous désiriez engendrer.
Auparavant, le directeur général des élections pouvait prendre des mesures concrètes pour encourager les Canadiens à voter, y compris les jeunes. Cependant, la Loi sur l'intégrité des élections y a mis un terme. Ce matin, nous avons eu la chance d'entendre l'ancien directeur général des élections, Jean-Pierre Kingsley, lors de notre réunion de caucus ouverte. Voici ce qu'il a dit :
Le directeur général des élections s'est fait dire d'arrêter de parler aux citoyens de l'importance d'exercer leur droit de vote, et la juge en chef de la Cour suprême a aussi été invitée à se taire. Il s'agit d'attaques inacceptables contre des institutions de notre pays.
Pourquoi le gouvernement conservateur est-il déterminé à affaiblir Élections Canada? Pourquoi restreint-il les initiatives qui visent à sensibiliser la population et à promouvoir la démocratie? Pourquoi fait-il en sorte que les jeunes et d'autres groupes, qui ont déjà du mal à exercer leurs droits démocratiques, aient encore plus de difficulté à voter?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur, je ne sais pas où vous prenez l'information selon laquelle des gens sont bâillonnés, ici, au Canada, surtout dans le contexte de liberté d'expression, de droits fondamentaux et de protection que les tribunaux accordent aux individus. Il faut faire preuve de prudence et mesurer l'impact de ce qui peut se dire ou s'écrire.
La Loi sur l'intégrité des élections offre un juste équilibre entre le besoin d'assurer la confiance des Canadiens envers l'intégrité du système et le besoin de pouvoir prouver son identité lorsqu'on exerce le droit constitutionnel de voter. Vous savez qu'une multitude de pièces peuvent être utilisées. Ainsi, je crois que nous avons trouvé un juste équilibre entre le besoin de s'identifier pour voter et celui de maintenir la confiance des Canadiens envers le système électoral et les résultats.
Il s'agit d'un aspect important, et je pense que les étudiants ici présents, tout comme l'ensemble des Canadiens, savent que, s'il persistait un doute quant au résultat électoral, cela découragerait les gens d'aller voter, car cela les rendrait cyniques face au système et aux institutions. C'est la raison pour laquelle nous devons nous assurer que les gens font confiance au système, et je crois que la Loi sur l'intégrité des élections crée un parfait équilibre.
[Traduction]
Le sénateur Cowan : Je suis d'accord avec vous, monsieur le leader. Il est important que le système électoral inspire confiance aux Canadiens. Je crois que les Canadiens font confiance à ce système qui fonctionne, dans l'ensemble, sans anicroche. Comme je l'ai déjà dit, notre système électoral sert de modèle. Bien qu'aucun système ne soit parfait ou totalement à l'abri des abus, quand on voit comment les élections se déroulent dans d'autres pays, on constate que les élections canadiennes sont remarquablement libres d'irrégularités.
Ce n'est toutefois pas le sujet de ma question. J'aimerais plutôt savoir quels gestes concrets pose le gouvernement afin d'encourager les jeunes à voter et à participer au processus électoral. Vous savez comme moi que la participation des jeunes aux élections de tous les paliers de gouvernement va en diminuant. Voilà ma question, et la leur, à propos des gestes que pose le gouvernement.
Comme je vous l'ai déjà mentionné, avant que votre Loi sur l'intégrité des élections propose des changements, le directeur général des élections avait pour tâche principale d'encourager les citoyens de tout âge à participer au processus. Votre gouvernement choisit délibérément de lui retirer le pouvoir d'agir en ce sens. Le résultat, c'est qu'il ne peut plus encourager les jeunes à voter. Ce changement est tout à fait néfaste, selon moi. Vous conviendrez sûrement qu'il va vraiment à l'encontre des objectifs qui nous semblent importants à vous comme à moi.
C'est sur ce sujet que portait la question de nos invités d'aujourd'hui.
[Français]
Le sénateur Carignan : Nous avons discuté de ce point pendant la période des questions des séances tenues avant l'adoption de la Loi sur l'intégrité des élections. À ce moment-là, il avait été convenu que le plus important, c'était que les citoyens aient en main les renseignements essentiels pour aller voter.
(1420)
Plusieurs études menées par des comités ont fait les manchettes en ce qui concerne le pourcentage élevé de personnes qui ne savent pas où aller voter. Le directeur général des élections devra publier les renseignements qui sont essentiels à l'exercice du droit de vote et en faire la promotion, à savoir, particulièrement, où, quand et avec quelles pièces d'identité on peut le faire.
Je me souviens que, quand j'étais étudiant, même s'il était plus facile à ce moment-là de voter aux élections fédérales, on se demandait chaque fois où il fallait se rendre, car les endroits changeaient tout le temps. Aux élections scolaires, c'est un endroit, aux municipales, un autre, aux élections provinciales, encore un autre endroit, et aux élections fédérales, un autre emplacement également. Parfois, les gens se sentent un peu perdus dans tout cela et ne prennent pas la peine d'aller voter.
J'ai vu souvent, pour avoir participé à des élections et en avoir organisé, des gens se présenter au mauvais bureau de scrutin, parce qu'ils se rendaient à celui où ils avaient voté aux dernières élections provinciales ou municipales. C'est le genre de chose qui décourage les électeurs. Il faut donc prévoir des systèmes pour veiller à ce que les gens sachent où aller voter. Ce sera le rôle du directeur général des élections de déterminer le lieu et la date du vote.
Ensuite, à titre de partis politiques, c'est à nous de mettre en place des programmes électoraux emballants qui réussissent à convaincre les gens de l'importance de voter. C'est à nous, les partis politiques, de faire le nécessaire pour inciter les électeurs à participer.
Je sais que vous vous trouverez peut-être dans une zone grise lors des prochaines élections lorsqu'il s'agira d'inviter les électeurs à aller voter, mais je peux vous dire que, de notre côté, nous allons participer à l'appel au vote et au développement de politiques emballantes.
[Traduction]
L'honorable Jane Cordy : J'ai écouté vos réponses, et je peux dire que vous vous êtes éloigné de la question, qui portait plutôt sur la façon dont on peut faire participer les jeunes et les amener à aller voter.
La sénatrice Fraser : Cela n'a rien d'inhabituel.
La sénatrice Cordy : Ce matin, au cours de nos audiences sur la participation des jeunes, pendant plus de deux heures, personne n'a mentionné le fait que les gens devraient savoir où voter et personne n'a parlé de l'identification des électeurs, bien que ces enjeux aient été soulevés pendant le débat relatif à la prétendue Loi sur l'intégrité des élections.
Vous avez dit que les jeunes Canadiens ne devraient pas être découragés ou désabusés. Pourtant, on nous a dit ce matin que les jeunes Canadiens sont découragés par le processus politique et qu'ils sont désabusés. Moins de 40 p. 100 des jeunes votent aux élections fédérales. Je ne parle même pas des élections municipales et provinciales, où le taux de participation est encore plus faible.
La question du sénateur Cowan portait sur la façon dont on peut faire participer les jeunes au processus politique et les encourager à voter. Le sénateur voulait savoir ce que fait le gouvernement à cet égard. J'ai l'impression que le gouvernement fait tout le contraire de ce que disait le sénateur. Le gouvernement dissuade les jeunes de voter ou de participer aux élections.
Comme le disait le sénateur Cowan, la fameuse Loi sur l'intégrité des élections interdit expressément au directeur général des élections de participer au programme Vote étudiant.
Comme les statistiques montrent que moins de 40 p. 100 des jeunes exercent leur droit de vote, j'ai plutôt l'impression que l'on devrait tout faire pour que le directeur général des élections encourage les jeunes à prendre part au processus politique et à voter.
Pour en revenir à la question initiale du sénateur Cowan, que fait le gouvernement? Il décourage les jeunes d'aller voter en restreignant le champ d'intervention du directeur général des élections. Le sénateur Cowan demande ce que le gouvernement fait pour encourager les jeunes à participer pleinement au processus politique.
[Français]
Le sénateur Carignan : Merci de votre question, sénatrice, mais j'ai l'impression, en vous écoutant, que vous voulez revenir au statu quo et retourner dans le passé, et vous critiquez ces résultats antérieurs en disant qu'il n'y a que 40 p. 100 des jeunes qui ont voté. Vous voulez revenir au système antérieur, mais vous dites qu'il ne fonctionnait pas, parce qu'il n'y avait que 40 p. 100 des jeunes qui votaient.
C'est notamment la raison pour laquelle nous avons adopté la Loi sur l'intégrité des élections et pris des mesures qui sont pratiques et complètes pour restaurer la confiance des Canadiens à l'endroit du système électoral canadien. De plus, il s'agissait de permettre au directeur général des élections de mettre l'accent, dans ses publicités, sur les renseignements essentiels nécessaires à l'exercice du droit de vote, c'est-à-dire quand et où aller voter, et avec quelles pièces d'identité. Quant à nous, il incombera aux partis politiques et aux candidats de mobiliser les électeurs et de les inciter à voter, et de concevoir des plateformes politiques qui les atteindront et leur donneront le goût d'aller voter.
Je suis convaincu, sans divulguer de secrets sur notre futur programme électoral, que nous élaborerons des politiques qui toucheront l'ensemble des Canadiens, et plus particulièrement les jeunes.
[Traduction]
La sénatrice Cordy : Je ne suggère certainement pas de revenir aux anciennes façons de faire. Ce que je dis, c'est que le directeur général des élections devrait pouvoir participer au programme Vote étudiant. Se contenter de lui permettre de placer des annonces dans le journal pour dire où et quand les gens devraient voter est assez limitatif.
À l'heure actuelle, le directeur général des élections peut s'adresser à des personnes trop jeunes pour voter, mais il ne peut pas s'adresser aux personnes de plus de 18 ans, qui sont en droit d'aller voter, pour leur faire valoir l'importance d'exercer ce droit. Cette possibilité a été éliminée par la soi-disant Loi sur l'intégrité des élections.
Je demande ce que le gouvernement fait pour donner au directeur général des élections et à son bureau la possibilité d'encourager les jeunes à voter, eux qui sont de moins en moins nombreux à le faire. Ils ne participent pas. Qu'allons-nous faire pour donner au directeur général des élections la capacité d'inciter les jeunes à voter de façon à ce que la majorité des jeunes Canadiens prennent part au processus démocratique?
C'est tout le pays qui y gagne quand plus de gens participent au processus politique. Plutôt que de décourager les gens d'aller voter, nous devrions les encourager à le faire.
[Français]
Le sénateur Carignan : C'est l'objectif de la Loi sur l'intégrité des élections d'encourager les gens à voter. C'est pour cela que le directeur général des élections devra axer ses publicités sur les renseignements essentiels pour aller voter, afin d'éviter l'envoi de cartes truffées d'erreurs avec des noms et des adresses erronés. Les gens devront présenter l'une des nombreuses pièces d'identité qui peuvent leur servir de preuve d'identité.
Vous avez également oublié que la Loi sur l'intégrité des élections prévoit une journée supplémentaire pour le vote par anticipation, ce qui prolonge la période des heures disponibles pour aller voter. Il ne faut surtout pas faire ce que vous insinuez, c'est-à-dire revenir au statu quo et aux résultats qui sont loin d'être encourageants au chapitre de la participation.
(1430)
Je crois donc qu'il faut avoir confiance en la nouvelle loi. Après le 19 octobre 2015, on pourra constater, je le souhaite, une augmentation de la participation des jeunes aux élections. Quant à nous, je peux vous assurer que nous allons tout mettre en œuvre afin d'élaborer des politiques qui toucheront les jeunes et qui les inciteront à aller voter.
[Traduction]
Les affaires étrangères
La Syrie—La prolongation de la mission de combat
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Monsieur le leader, j'aimerais que vous me précisiez une chose. Maintenant que la mission de lutte contre l'EIIS a été prolongée, allons-nous nous battre contre ce groupe au nom de notre sécurité, de celle des habitants de cette partie du globe, ou des deux?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, comme le premier ministre l'a dit, nous ne pouvons pas protéger les Canadiens ni nos communautés en choisissant simplement de fermer les yeux sur cette menace. Notre intention est de continuer d'affaiblir et de neutraliser l'État islamique et de fournir un soutien humanitaire et stabilisateur aux populations civiles afin d'atténuer les souffrances qui leur sont infligées. Il est évidemment dans l'intérêt national du Canada de participer à la lutte mondiale contre le terrorisme djihadiste.
Justin Trudeau et Thomas Mulcair, on l'a vu, ne prennent pas au sérieux cette menace terroriste. Je pense qu'ils sont un peu déphasés par rapport à la communauté internationale.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : J'ai une question complémentaire. Avec tout le respect que je vous dois, je vous rappelle que je ne parle pas au nom de ces deux personnes. Tout le monde prend cette menace au sérieux, mais il y a plus d'un moyen d'en venir à bout.
Monsieur le leader, vous avez fait allusion à la gravité de la crise dans cette partie du globe. Soir après soir, on nous montre la souffrance des gens qui y vivent. Que fait le Canada? En quoi consiste l'aide humanitaire qu'il fournit? Quelle ampleur prend son effort humanitaire?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, comme vous le savez, le gouvernement est persuadé que nous devons faire face à cette crise. Il ne s'agit pas de choisir entre une solution ou une autre. Nous soutenons la mission militaire contre l'État islamique tout autant que la mission humanitaire.
En Irak, nous avons réussi à nourrir près de 2 millions de personnes. Nous avons fourni des abris et de l'approvisionnement de secours à plus d'un million de personnes. Un demi-million d'enfants ont pu continuer leurs études grâce à nous.
En Syrie, 16 millions de personnes ont accès à de l'eau potable, plus de 4 millions de Syriens ont accès à de la nourriture, et une aide d'urgence est offerte à près de 3 millions de réfugiés dans des pays voisins, comme la Jordanie.
Comme vous le savez, en janvier 2014, le premier ministre Harper a vu de ses propres yeux à quel point l'aide humanitaire canadienne aide les gens touchés par ce conflit, lorsqu'il a visité un camp de réfugiés.
Nous allons donc continuer de travailler sur les deux fronts, dans le cadre du prolongement de la mission militaire de frappes aériennes et du soutien à l'aide humanitaire.
[Traduction]
La citoyenneté et l'immigration
Les réfugiés syriens
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Monsieur le leader, on compte aujourd'hui 2 millions de réfugiés en Turquie. Vous dites que nous avons réussi à nourrir 2 millions de réfugiés, mais vous ne dites pas pendant combien de temps. La Turquie dépense 30 millions de dollars par mois pour nourrir les réfugiés qui se trouvent sur son territoire et voir à leurs besoins.
Nous voyons aux besoins de combien de réfugiés au Canada?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, la Turquie se trouve dans une position géographique et géopolitique particulière et très spéciale. Cela dit, le 10 mars 2015, nous nous sommes engagés à organiser la réinstallation de 1 300 réfugiés syriens, et cette cible a été atteinte. Ils sont tous devenus des résidents permanents au Canada. En outre, nous avons bonifié cet engagement à hauteur de 10 000 réinstallations supplémentaires au cours des trois prochaines années. Cela porte l'engagement du Canada envers la communauté syrienne à 11 300 réinstallations.
Autrement dit, le Canada verra à la réinstallation de 10 p. 100 des 100 000 réfugiés syriens pour lesquels le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a demandé la réinstallation auprès de la communauté internationale. J'ajouterais également que le Canada a bonifié son engagement en organisant la réinstallation de 3 000 réfugiés irakiens supplémentaires, ce qui porte notre engagement à 23 000 réfugiés réinstallés.
Je pense donc que le Canada est un leader en matière de réinstallation de réfugiés, tant sur son territoire qu'en ce qui concerne l'aide humanitaire offerte dans les camps de réfugiés. Le Canada joue un rôle primordial extrêmement apprécié par la communauté internationale.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Merci de votre réponse, monsieur le leader.
Si j'ai bien compris, vous avez parlé d'« engagement ». Je vous ai déjà posé la question, mais je vous la repose : combien de réfugiés exactement sont déjà ici, au Canada?
[Français]
Le sénateur Carignan : Comme je vous l'ai expliqué, l'engagement que nous avons pris le 10 mars 2015 a été atteint; les 1 300 réfugiés sont maintenant des résidents permanents du Canada. De plus, 23 000 réfugiés irakiens ont été réinstallés au Canada.
ORDRE DU JOUR
La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité
Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur White, appuyée par l'honorable sénateur Dagenais, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-44, Loi modifiant la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et d'autres lois.
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, c'est un défi de prendre la parole sur ce projet de loi, mais c'est très important. Ce projet de loi présente un enjeu très important pour les Canadiens et, dans une certaine mesure, pour les gens du monde entier.
[Traduction]
J'interviens à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-44, l'un des deux projets de loi antiterroristes. J'allais dire que je suis content, mais ce n'est évidemment pas de gaieté de cœur que je le fais, parce qu'il est fort regrettable qu'il faille discuter d'une telle question. C'est pourtant nécessaire, et nous en avons tous le devoir. Au plus profond de nous, nous savons que nous sommes là pour protéger les Canadiens.
De la même façon, nous savons aussi que nous sommes là pour protéger les libertés civiles des Canadiens. Voilà le cœur du problème que posent le projet de loi C-51 et les autres mesures visant à lutter contre la radicalisation. Il faut trouver l'équilibre, et c'est ce que cherche à faire le Comité sénatorial de la défense. Je suis évidemment membre de ce comité, mais je tiens tout de même à dire que nous devons être profondément reconnaissants envers tous ses membres pour le travail qu'ils font.
(1440)
Nous avons fait un beau voyage à Toronto la semaine dernière. Là-bas, nous avons eu plusieurs rencontres avec des policiers, des représentants de services de renseignement et de police, ainsi que des membres de la collectivité.
Nous avons beaucoup travaillé sur ce dossier au comité. Nous avons commencé notre étude sur la radicalisation et le terrorisme le jour où la tragédie s'est produite au Québec. Nous avons fait comparaître le commissaire de la GRC, M. Paulson, et le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, M. Coulombe, le lundi suivant la fusillade sur la Colline. Nous avons fait beaucoup de travail, et j'aimerais vous en parler un peu aujourd'hui.
Je veux faire quelques remarques d'ordre général. Je tiens tout d'abord à féliciter et à remercier le sénateur White de ses deux interventions aux étapes de la deuxième et de la troisième lecture. J'ai deux observations à faire à ce sujet. La première est que le sénateur White a réussi à me convaincre que certaines des inquiétudes que j'avais n'étaient peut-être pas aussi graves que je le croyais. Cela devrait vous réjouir tous parce que cela va réduire quelque peu la durée de mon intervention.
Le sénateur Day : Bravo!
Le sénateur Mitchell : Voilà au moins quelque chose dont il peut être fier.
J'aimerais aussi dire — et c'est très important — que le sénateur White a pesé très soigneusement les mots qu'il a utilisés pour décrire le problème. Il n'a d'aucune façon ciblé spécifiquement un groupe ou une religion. Il a agi ainsi de façon similaire aux gens de son ancienne profession auxquels nous avons parlé. Nous avons parlé à des chefs de police, à de hauts responsables du SCRS, à des agents de la GRC, de même qu'à un simple citoyen, et ils ont tous pesé très soigneusement les mots qu'ils ont employés, car ils comprennent à quel point ils sont puissants.
Dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture, j'ai parlé des propos très réfléchis tenus par le premier ministre Prentice à l'époque des menaces contre le centre commercial West Edmonton Mall. Je voudrais encore une fois attirer l'attention des gens sur ces propos. Il a dit que nous ne devions pas nous laisser gagner par la peur que les terroristes essaient justement de nous insuffler.
L'une des personnes que nous avons rencontrées à Toronto a fait valoir un argument très solide. Elle a dit que la peur était le plus grand danger qui menaçait la sécurité publique. On pourrait soutenir aussi que la peur est l'un des plus grands dangers qui menacent nos libertés civiles, et il est extrêmement important que nous ne réagissions pas de manière excessive, du moins pas dans les mots que nous employons pour décrire le problème. Je félicite le sénateur White sur ce point. J'apprécie beaucoup sa modération.
Par définition peut-être et en raison du stade où le projet de loi apparaît dans l'évolution des mesures visant à lutter contre le terrorisme au pays et le terrorisme auquel nous sommes mêlés, puisque des Canadiens se rendent à l'étranger pour se battre aux côtés des terroristes, le projet de loi représente l'approche adoptée comme solution au problème, c'est-à-dire une approche qui met l'accent sur l'adoption de mesures législatives.
Quelqu'un a dit que nous ne pouvions pas résoudre notre problème à grand renfort d'arrestations. Permettez-moi de rappeler encore les mots du sénateur White lorsqu'il a remis en question les déclarations faites par les hauts gradés de la police et du renseignement. Il a dit que les arrestations ne régleraient pas ce problème.
Les gens disent à peu près tous la même chose lorsqu'ils parlent des meilleurs résultats dans la lutte contre le terrorisme et contre les gangs. Par exemple, la lutte contre la radicalisation, tel qu'on la définit présentement, ressemble à la lutte contre le phénomène du recrutement par les gangs. Or, dans le monde de la police et du renseignement, j'ai toujours entendu les gens dire que les meilleurs résultats obtenus ne viennent pas des poursuites pénales, mais bien de la prévention.
En ce qui concerne la prévention, j'aimerais citer le témoignage de Craig Forcese, professeur agrégé à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Il a dit que nous devons appuyer le nouveau programme de lutte contre l'extrémisme violent à la GRC.
C'est se berner que de présenter cela comme un problème à résoudre à l'aide de poursuites et de pénitenciers. La loi est une stratégie partielle et imparfaite et les études empiriques des efforts passés de déradicalisation laissent penser que des lois trop coercitives peuvent entraîner exactement les conséquences qu'elles sont censées prévenir.
Il est très important de ne pas se limiter aux poursuites et aux lois morales pour remédier au problème du terrorisme. Ce problème requiert beaucoup d'autres mesures.
Je mets l'accent sur les discours et les programmes axés sur la prévention. Ces programmes comprennent plusieurs mesures, plus particulièrement des programmes de police et d'intervention communautaire. Chaque service de police du pays, dans les grandes villes ou ailleurs, en a probablement un — tous ceux à qui j'ai parlé en ont un — et pas seulement pour lutter contre le terrorisme. En fait, ils les ont mis en œuvre pour d'autres raisons. Ils veulent apprendre à connaître les jeunes dans leur collectivité, là où ils habitent, afin qu'ils puissent les intégrer à la société et leur montrer que l'autorité de la police n'est pas une menace, mais un havre dont ils tirent profit. C'est à cela que servent les programmes d'intervention communautaire.
Il y a les programmes d'intervention communautaire, mais, dans ce contexte, il faut également des programmes de sensibilisation communautaire. Par le passé, beaucoup de gens ont croisé quelqu'un, comme le tireur de la Colline du Parlement à Ottawa, qu'ils ont expulsé de leur mosquée, par exemple, sans même comprendre que cette personne commettrait l'acte qu'elle a commis. Je pense que les gens commencent à être plus conscients du fait qu'ils doivent prendre des mesures en présence de certains comportements, ou si le comportement d'une personne les inquiète, mais, pour cela, il faut sensibiliser la collectivité et mettre en place des programmes, des ressources et du soutien.
Il est aussi vrai que, pour la police, la prévention, l'intervention communautaire et la prévention du terrorisme ont changé à certains égards. Elles revêtent pour le moins une nouvelle intensité si elles sont pratiquées dans le cadre d'enquêtes sur le terrorisme ou dans le but de lutter contre la radicalisation.
Encore une fois, cette réalité exige des programmes de formation au sein des services de police ainsi que des ressources, ce qui m'amène justement à parler du problème des ressources. Le projet de loi ne dit rien non plus à ce sujet.
Le gouvernement a déclaré que la police avait besoin de plus d'outils. Je crois que tous s'entendent généralement pour dire que, dans une certaine mesure, la police a bel et bien besoin de certains outils juridiques. Mais, comme je l'ai dit en comité, à quoi bon avoir des outils si on n'a pas les effectifs nécessaires pour les utiliser?
La GRC nous a appris qu'on avait réaffecté à d'autres tâches 600 agents qui étaient responsables des autres formes d'enquêtes — littéralement des centaines de dossiers d'enquête sur le crime organisé, la drogue et les crimes financiers. Il est intéressant de noter que les crimes liés à la drogue et les crimes financiers peuvent servir à soutenir directement des activités terroristes. Nous savons maintenant que des centaines de dossiers ont été abandonnés parce que les effectifs qui en étaient responsables ont été réaffectés à des dossiers liés au terrorisme. Qui s'occupe maintenant du travail que faisaient ces agents? Personne.
Le gouvernement prétend qu'il a augmenté du tiers le financement destiné à la sécurité nationale, alors que, en fait, il a commencé à le diminuer dès son arrivée au pouvoir. Il a commencé à réduire ce financement en 2012. Si ce niveau de financement, qui était supérieur du tiers, était suffisant en 2012, alors que la menace terroriste n'était pas aussi intense, comment ce financement peut-il être encore suffisant aujourd'hui, puisqu'il a été réduit de 15 ou 20 p. 100 depuis? Poser la question, c'est y répondre. Il n'en demeure pas moins que la GRC a transféré aux enquêtes liées au terrorisme 600 personnes qui s'occupaient d'autres enquêtes, ce qui signifie qu'elle ne dispose pas des ressources nécessaires.
(1450)
Il faut des ressources pour assurer la formation qui sera nécessaire, compte tenu de la complexité de l'échange de renseignements qui découlera du présent projet de loi, dans une certaine mesure, mais plus généralement du projet de loi C-51 — une formation qui devra être donnée dans l'ensemble du gouvernement, des services de police municipaux et ainsi de suite. On ne peut pas régler ce problème simplement en procédant à des arrestations. On peut toutefois y parvenir dans une certaine mesure grâce à la prévention. Une fois les arrestations effectuées, il faut des ressources. Il faut des ressources à l'étape de l'enquête, qui mène à des arrestations, ainsi qu'à ce qu'on appelle l'étape « précriminelle », où les gens peuvent être détournés de la radicalisation. Les ressources destinées aux programmes communautaires figureraient en tête de liste dans ce domaine.
Le projet de loi aborde plus particulièrement la question de la protection des sources humaines de renseignement utilisées par le SCRS. Cette modification prévue dans projet de loi est nécessaire parce que des affaires judiciaires ont fait ressortir que le SCRS ne dispose pas des mêmes pouvoirs qu'un corps policier pour protéger l'anonymat et la confidentialité d'un témoin ou d'une source de renseignement. Dans une certaine mesure, c'est une bonne chose qu'on accorde au SCRS le pouvoir d'offrir cette protection.
Dans certaines communautés, il est extrêmement important que les gens demeurent anonymes parce qu'ils craignent les répercussions de leur contribution à l'enquête, ce qui est tout à fait compréhensible.
Le problème — et c'est là qu'il est difficile d'en arriver à un équilibre —, c'est que, en accordant l'anonymat ou une protection à une source trop tôt dans une enquête, ou à quelque moment que ce soit, cette source peut finir par ne pas être admissible ou disponible au moment d'intenter des poursuites, si on en arrive là.
Justement, il semblerait que les procureurs aient dû renoncer à une condamnation dans l'affaire Air India parce qu'une garantie de confidentialité et d'anonymat avait été donnée. Je n'affirme pas pour autant qu'elle a été donnée à tort, seulement qu'il faut faire très attention aux circonstances dans lesquelles elle est accordée.
Des experts ont dit au comité — tant en personne que dans les mémoires soumis — que certaines sources humaines pourraient croire que la loi accorde une protection automatique à quiconque devient une source. Au moins un, voire probablement deux, des juristes qui ont comparu devant le comité a dit qu'il faudrait étoffer la disposition. Je ferai une proposition formelle d'amendement à la fin de mon intervention soulignant la nécessité pour le SCRS de faire une promesse explicite, et non implicite ou sous-entendue, lorsqu'il a l'intention de protéger la confidentialité et l'identité d'une source.
J'aimerais citer le professeur Kent Roach, titulaire de la chaire Pritchard-Wilson de droit et de politique publique de la faculté de droit de l'Université de Toronto, qui a comparu devant notre comité. Il a dit ceci à propos des sources humaines et du pouvoir de leur accorder ce genre de protection :
Ce qui m'inquiète cependant, c'est qu'avec ces nouveaux projets de loi, nous risquons sans le vouloir de rendre plus difficile l'application de ces infractions.
Autrement dit, si nous ne prenons pas garde à la façon dont ce pouvoir est invoqué, si nous ne précisons pas explicitement dans quelles circonstances il peut être invoqué, nous pourrions nous trouver incapables d'obtenir une condamnation au terme de certaines affaires. L'amendement que je vais proposer porte là-dessus.
Le projet de loi reconnaît également en droit que, de par sa nature même, le SCRS a l'autorisation, comme il l'a déjà actuellement, de mener des activités officielles à l'étranger, ce qui soulève certaines préoccupations. Cela soulève certaines questions car il y a également une disposition lui permettant d'obtenir un mandat afin de pouvoir enfreindre des lois à l'étranger.
En gros, d'après ce que je comprends — je ne suis pas avocat —, au Canada, un mandat est une autorisation d'enfreindre la loi, selon des paramètres précis et de manière contrôlée. Certains doutent qu'il soit possible d'exercer un contrôle aussi efficace à l'étranger. Soulignons également qu'une telle disposition n'existe pas dans la loi en vigueur au Royaume-Uni et aux États-Unis, qui, pourtant, mènent assurément des activités de renseignement dans d'autres pays.
Peut-être le génie est-il sorti de la lampe en raison de l'affaire Mosley, comme me le disait le sénateur Kenny, et qu'il est maintenant impossible de l'y faire rentrer. C'est malheureux, car, d'une certaine façon, nous autorisons publiquement le service du renseignement canadien à enfreindre la loi à l'étranger. Nous nous mettons dans une position où les juges seront appelés à autoriser une telle chose. Non seulement les risques courus par les agents augmenteront, s'ils se font prendre dans un autre pays, mais la question de la réciprocité pourrait aussi être inquiétante. Comment les autres pays réagiront-ils? Nos relations avec les États concernés pourraient en souffrir. Je le répète, je ne soulève la question que pour exprimer une mise en garde à l'intention de notre assemblée. Peut-être avons-nous dépassé le point de non-retour, étant donné la façon dont les choses ont évolué en cour.
La surveillance est un autre aspect extrêmement important du projet de loi. Je cite rarement des reportages et encore moins des éditoriaux ou des chroniques, mais je tiens néanmoins à mentionner un texte percutant de John Ivison, du National Post, intitulé « Le comportement des conservateurs durant les audiences sur le projet de loi antiterroriste est quasi antidémocratique. » Le journaliste signale que « le mécanisme de surveillance parlementaire, qui aurait pu tempérer certains excès du projet de loi, n'a jamais été envisagé ». Il écrit : « Il est instructif de se pencher sur les motifs de ce choix. »
Il mentionne que nous avons de bonnes raisons de croire qu'il existe une très grande méfiance entre le gouvernement et l'opposition. L'argument que le gouvernement a invoqué, du moins officieusement, pour expliquer qu'il s'oppose à un groupe de surveillance parlementaire, c'est qu'il ne peut pas vraiment faire confiance aux autres partis. Comment pourrait-il faire confiance au Bloc, par exemple? Comment pourrait-il faire confiance aux néo-démocrates? Probablement qu'il se demande aussi comment il pourrait faire confiance aux libéraux. Dans l'article, on ne mentionne en fait que le Bloc et le NPD, qui représentent une source d'inquiétude pour le gouvernement. Voici ce que M. Ivison a écrit :
Je trouve que cela va bien au-delà de l'arrogance partisane et qu'on s'engage ici dans une voie qui est presque antidémocratique.
Est-ce qu'un député du Bloc violerait son serment de confidentialité et mettrait en péril la sécurité nationale simplement à des fins partisanes? Est-ce que le chef du NPD, Tom Mulcair, a violé son serment de membre du Conseil privé voulant qu'il ne révèle pas certaines choses qui lui ont été confiées à ce titre?
À mon avis, c'est une observation percutante. Nous pouvons dire ce que nous voulons et ne pas être d'accord — d'ailleurs, c'est souvent ce que nous faisons —, la réalité, c'est que les gens qui siègent dans cette enceinte et à l'autre endroit ont généralement, je crois, de grands principes, et ils ont certes toujours à cœur la sécurité des habitants de notre pays, même si, dans le cas du Bloc, ce n'est peut-être pas nécessairement les habitants de leur pays, mais plutôt les habitants du Canada.
(1500)
Dans ce texte, il cite par ailleurs Churchill :
Comme Churchill l'a déclaré à la Chambre des communes britannique, en 1947 : « Nous acceptons, au sens le plus large, la volonté établie et constante du peuple. L'idée qu'un groupe de surhommes et de planificateurs de génie manipule la population pour lui faire faire ce qu'ils estiment être bon pour elle, sans vérification ni rectification, constitue une atteinte à la démocratie. »
M. Forcese a, pour sa part, fait valoir le point suivant :
[...] si vous continuez d'insister pour accorder plus de pouvoirs aux services de police et de renseignement et que vous continuez d'ignorer le fait que notre système de surveillance est en panne, vous vous préparez à une autre crise de légitimité. La Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité est restée quasiment inchangée pendant 30 ans parce qu'elle a été adoptée après délibérations et établissement d'un équilibre entre le pouvoir et la reddition de comptes. Par comparaison, les mesures post-11 septembre naviguent entre les écueils de la controverse et de la contestation. Les hommes politiques et les décideurs doivent lire d'un bout à l'autre le rapport de la commission Arar et le prendre au sérieux.
J'insiste sur sa dernière phrase :
La loi sur la lutte contre le terrorisme ne peut aller dans tous les sens sans point d'ancrage.
Quels sont les problèmes associés à la surveillance? Il y a entre autres les ressources. Je pense qu'il est raisonnablement évident que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, ou CSARS, ne dispose pas de ressources suffisantes. Le comité a un budget qui oscille entre 2,7 et 2,8 millions de dollars. Il dispose d'un conseil d'administration à temps partiel composé de cinq membres, sauf qu'un des sièges est actuellement vacant. Avec 11 personnes seulement, il doit examiner— a posteriori, et non au préalable ou en cours de route — les activités d'un organisme qui peut compter sur un budget de 500 millions de dollars et 2 000 employés.
Maintenant, ces examens visent notamment à déterminer si les comptes rendus au ministre sur les activités du SCRS sont faits de façon appropriée. Auparavant, c'était l'inspecteur général qui s'en chargeait, mais son poste a été aboli, tout comme son budget. Ainsi, non seulement le CSARS a plus de travail à faire à cause de cela, mais il n'a pas plus d'argent pour le faire.
À cause de ce projet de loi, le CSARS aura plus de travail à faire parce qu'il aura à composer avec un ensemble de mandats qui seront accordés aux termes de ce projet de loi et qui n'étaient pas accordés auparavant — encore une fois, sans avoir de ressources supplémentaires pour le faire.
Au moins, le CSARS existe. Dans le cas de l'ASFC, il n'y a aucune surveillance. Dans le cas du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement, il n'y a aucune surveillance. Il n'y a pas plus de surveillance dans le cas du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il n'y a actuellement aucune surveillance globale qui s'effectue pour coordonner les activités des nombreux organismes — probablement 14 ou 15, selon la façon dont on les compte — qui participent à la collecte de renseignements et qui, aux termes du projet de loi C-51, participeront encore davantage à la communication d'information.
Dans des documents déposés récemment, le CSARS a dit ce qui suit :
À l'heure actuelle, les examens du CSARS ne lui permettent toujours pas de suivre le fil d'une enquête du SCRS si un autre ministère ou organisme gouvernemental est concerné.
Cela vient de son propre rapport qu'il a déposé au Parlement mardi.
Pour que le CSARS soit efficace, il faut que le SCRS fournisse des renseignements en temps opportun. Dans les cas où l'information tarde à venir, le CSARS risque de ne pas pouvoir effectuer ses examens et ses enquêtes en temps opportun.
Ainsi, le CSARS admet lui-même qu'il a des problèmes, et on ne peut pas dire que le CSARS est composé d'anciens membres d'un parti de l'opposition. Deborah Grey y siège, et je crois qu'elle pourrait faire partie des auteurs de ce rapport. Il y a donc une certaine objectivité dans son évaluation du problème.
On parle, en fait, de deux types de surveillance. Il y aurait une surveillance parlementaire qui, comme son nom l'indique, serait assurée par des parlementaires. Je proposerai un amendement visant à ajouter cette possibilité au projet de loi.
Une autre surveillance est exercée par les fonctionnaires, plus précisément par le CSARS dans ce cas-ci. Cet organisme examine également les activités de la GRC après les faits. C'est le but de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC.
Des groupes de fonctionnaires exercent donc une certaine surveillance, mais ils disposent de pouvoirs et de ressources très restreints et, comme je l'ai dit, leur portée est limitée. Il est certain que nous avons besoin de capacités de ce genre pour l'Agence des services frontaliers.
Le juge O'Connor a souligné qu'il faudrait un « super CSARS », c'est-à-dire un organisme qui examinerait plusieurs agences de renseignement en plus du SCRS, par exemple Citoyenneté et Immigration Canada, Transports Canada, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
Pour ce qui est de l'Agence des services frontaliers, il a ajouté qu'on devrait former un nouveau groupe, qu'il appelle la « Commission indépendante d'examen des plaintes et des activités en matière de sécurité nationale ». Ce serait une version modernisée de la Commission des plaintes contre la GRC, laquelle a déjà connu plusieurs moutures et s'appelle actuellement la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC.
Une surveillance parlementaire serait nécessaire pour plusieurs raisons. Tout d'abord, pour orienter les politiques. Je crois que les services de renseignement et d'enquête contre le terrorisme apprécieraient cette présence, cette caisse de résonance. Nous avons aussi besoin d'une surveillance parlementaire pour créer un lien plus étroit entre ces services et la volonté de la population quant aux activités qu'ils devraient mener et aux méthodes qu'ils devraient employer. Ce groupe pourrait aussi agir comme tiers et offrir du soutien lors de discussions budgétaires, un élément que les chefs de police considèrent avantageux dans le contexte des commissions de police.
J'ajouterais aussi que, dans ce contexte, la GRC devrait elle aussi disposer d'une véritable commission publique de surveillance qui pourrait l'aider directement. Tous les grands services de police du pays, ou presque, ont une commission semblable.
Je vais proposer plusieurs amendements relatifs à la surveillance. Le premier consiste à conférer au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité deux pouvoirs additionnels. Je ne le propose pas tout de suite, je le ferai dans quelques minutes. Je proposerai un autre amendement visant à créer un modèle de surveillance parlementaire, et le troisième amendement est court et précis — il s'agit d'une disposition de caducité — et fera en sorte que ce projet de loi et les nouveaux pouvoirs qu'il prévoit fassent l'objet d'un examen parlementaire après une période de temps définie.
Je travaille actuellement à la rédaction d'un projet de loi relatif à la création d'un comité de supervision de la commission publique de surveillance de la GRC — je n'ai pas encore terminé, mais je le présenterai au cours de la session en cours, du moins je l'espère. J'aimerais aussi que l'on renforce la surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada, mais je ne présenterai pas d'amendement à cet égard.
Je terminerai mes observations en mentionnant un autre élément soulevé par le professeur Roach, que j'ai cité un peu plus tôt, dans son témoignage devant le comité : le poste de procureur spécialiste des questions de terrorisme. Il existe des preuves qui démontrent qu'environ 20 procureurs se sont concentrés sur le dossier des 18 de Toronto. Selon le professeur Roach, l'existence de ce poste devrait être officialisée, puisqu'il y a désormais des techniques spéciales, des fardeaux précis et des lois propres au terrorisme qui ne sont pas nécessairement utilisés lors d'affaires criminelles. En outre, bien que les procureurs travaillent en étroite collaboration avec la GRC pendant l'enquête, le professeur Roach estime que cette collaboration n'est pas aussi forte lorsqu'il s'agit du SCRS. Peut-être que la création d'une fonction de procureur spécial permettrait de faciliter la communication avec le SCRS.
Voilà, c'est ce que j'avais à dire. Je suis maintenant rendu aux amendements. Je vous en fais la lecture. J'en ai pour l'équivalent de deux pages et demie, alors ça risque de me prendre un peu de temps.
Je les propose tous en même temps. Il n'y aura donc qu'un seul vote pour l'ensemble des amendements. Le premier porte sur la manière dont sont protégés l'identité, la confidentialité et l'anonymat et précise que tout doit être fait de manière explicite. Trois autres visent à accroître la surveillance dont font l'objet nos services de sécurité et d'enquête sur le terrorisme. Mes amendements accordent quelques nouveaux pouvoirs au Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. Le deuxième décrit en quoi consisterait un éventuel modèle de surveillance parlementaire ainsi que la marche à suivre pour le concrétiser. Le troisième, enfin, inscrit une disposition de caducité dans la loi.
(1510)
Motion d'amendement
L'honorable Grant Mitchell : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :
Que le projet de loi C-44 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :
a) à l'article 2, à la page 1, par substitution, à la ligne 11, de ce qui suit :
« reçu une promesse expresse d'anonymat et qui, par la »;
b) à la page 4, par adjonction, après la ligne 39, de ce qui suit :
« 8.1 (1) L'alinéa 38(1)a) de la même loi est modifié par adjonction, après le sous-alinéa (iii), de ce qui suit :
(iii.1) examiner les pratiques quant aux promesses d'anonymat des sources humaines,
(2) L'alinéa 38(1)a) de la même loi est modifié par adjonction, après le sous-alinéa (v), de ce qui suit :
(v.1) surveiller les mandats décernés en vertu du paragraphe 21(3) autorisant l'exercice d'activités à l'extérieur du Canada au titre du paragraphe 21(3.1), »;
c) à la page 5, par adjonction, après la ligne 4, de ce qui suit :
« 9.2 La même loi est modifiée par adjonction, après l'article 55, de ce qui suit :
PARTIE III.1
COMITÉ PARLEMENTAIRE SUR LE CONTRÔLE DE LA SÉCURITÉ
55.1 (1) Est constitué le Comité parlementaire sur le renseignement et contrôle de la sécurité, composé de huit membres des deux Chambres du Parlement, à l'exception des ministres et des secrétaires parlementaires, dont quatre sénateurs et quatre députés.
(2) Les membres du Comité sont nommés par le gouverneur en conseil et exercent leur charge à titre amovible jusqu'à la dissolution du Parlement suivant leur nomination.
(3) Un membre provenant du Sénat ou de la Chambre des communes appartenant à un parti de l'opposition reconnu dans cette Chambre ne peut être nommé au Comité qu'après consultation du chef de ce parti.
(4) Un membre provenant du Sénat ou de la Chambre des communes ne peut être nommé au Comité qu'après approbation par résolution de cette Chambre.
(5) Les membres du Comité cessent d'occuper leur poste s'ils sont nommés ministre ou secrétaire parlementaire ou s'ils cessent d'être sénateur ou député.
(6) Les membres du Comité et les personnes qu'il engage sont tenus, avant d'entrer en fonctions, de prêter le serment de secret et de s'y conformer à la fois lors de leur mandat et à la fin de celui-ci.
(7) Pour l'application de la Loi sur la protection de l'information, chaque membre du Comité et chaque personne qu'il engage est une personne astreinte au secret à perpétuité.
(8) Malgré toute autre loi fédérale, les membres du Comité ne peuvent invoquer l'immunité fondée sur le privilège parlementaire en cas d'utilisation ou de communication de renseignements qu'ils ont en leur possession — ou dont ils prennent connaissance — en leur qualité de membre du Comité.
(9) Les réunions du Comité sont tenues à huis clos lorsque la majorité des membres du Comité présents l'estiment nécessaire.
(10) Le Comité a pour mandat d'examiner les activités du Service ainsi que les cadres législatif, réglementaire, stratégique et administratif de celui-ci et d'en faire rapport annuellement à chaque Chambre du Parlement.
(11) Le Comité a le pouvoir d'assigner devant lui des témoins et de leur enjoindre :
a) de déposer oralement ou par écrit sous la foi du serment ou d'une affirmation solennelle si ceux-ci en ont le droit en matière civile;
b) de produire les documents et pièces qu'il juge nécessaires à l'exercice de ses fonctions.
(12) Malgré toute autre loi fédérale ou toute immunité reconnue par le droit de la preuve, mais sous réserve du paragraphe (13), le Comité est autorisé à avoir accès aux renseignements qui se rattachent à l'exercice de ses fonctions et qui relèvent d'un ministère ou d'un organisme fédéral et à recevoir des employés les informations, rapports et explications dont il juge avoir besoin dans cet exercice.
(13) À l'exception des renseignements confidentiels du Conseil privé de la Reine pour le Canada visés par le paragraphe 39(1) de la Loi sur la preuve au Canada, aucune des informations visées au paragraphe (12) ne peut, pour quelque motif que ce soit, être refusée au Comité.
(14) Le rapport annuel visé au paragraphe (10) est présenté au président de chaque Chambre du Parlement, qui le dépose devant la Chambre qu'il préside dans les quinze premiers jours de séance de celle-ci suivant la réception du rapport.
(15) Dans le présent article, « Comité » s'entend du Comité parlementaire sur le contrôle de la sécurité constitué au titre du paragraphe (1). »;
d) à la page 7, par adjonction, après la ligne 34, de ce qui suit :
« EXAMEN PARLEMENTAIRE
12.1 Dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur de la présente loi, un comité du Sénat, de la Chambre des communes ou mixte désigné ou établi à cette fin procède à un examen du caractère adéquat des mécanismes de contrôle prévus par la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. ».
Je remercie en terminant le conseiller législatif et le personnel des bureaux des greffiers pour l'excellent travail qu'ils ont fait aux fins de la rédaction de ces amendements.
Des voix : Bravo!
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, avec votre permission, je voudrais remercier les sénateurs White, Baker et Mitchell pour avoir mis en évidence certains problèmes relatifs au projet de loi C-44. Je compte, moi aussi, souligner ces problèmes, mais je voudrais également décrire quelque peu les accrocs qui sont survenus lors de l'étude du projet de loi, qui me paraissent inquiétants et dont les sénateurs devraient, selon moi, être au courant. Je tiens à en parler pour qu'ils soient dûment consignés dans le compte rendu de nos débats. C'est donc dans cette optique que je compte utiliser le temps qui m'est accordé aujourd'hui, honorables sénateurs, et j'espère faire ainsi œuvre utile.
Je tiens à porter à votre attention l'excellent travail accompli par le Sénat et par divers comités. J'ai fait partie de deux comités spéciaux chargés d'étudier les projets de loi antiterroristes après le 11 septembre 2001. Ces deux comités ont accompli leur travail. À la vue des observations et des recommandations formulées à l'intention du gouvernement dans les rapports de ces comités, on constate que le gouvernement et les tribunaux leur ont accordé une grande crédibilité, comme le sénateur Baker le dit souvent.
L'une des études réalisées par ces comités a eu lieu en 2007. Le rapport du Comité sénatorial spécial sur la Loi antiterroriste s'intitule Justice fondamentale dans des temps exceptionnels. J'en recommande fortement la lecture. L'autre étude a eu lieu en mars 2011. Le rapport s'intitule Liberté, sécurité et la menace complexe du terrorisme : des défis pour l'avenir. Je recommande la lecture de ces deux rapports aux sénateurs, pour bien se renseigner sur ces questions.
Nous étudions maintenant le projet de loi C-44, soit la version courte des mesures envisagées, telle qu'elle avait été conçue avant les événements désagréables qui ont eu lieu sur la Colline du Parlement le 22 octobre 2014. Le projet de loi C-44 a été déposé peu de temps après, mais était déjà en cours de préparation auparavant. Le projet de loi C-51, lui, est une réaction supplémentaire qui a été qualifiée d'excessive, après les événements du 22 octobre sur la Colline du Parlement et le décès regrettable d'un jeune réserviste au Monument commémoratif de guerre.
(1520)
[Français]
Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense avait la tâche d'étudier le projet de loi C-44. Les membres du comité ont ainsi reçu le mandat, et ce, de manière impartiale, d'examiner le projet de loi dans le but de l'améliorer, de même que la législation.
[Traduction]
Notre comité a d'abord entendu le témoignage du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, l'honorable Steven Blaney, de Sécurité publique Canada, le 9 mars. Le 23 mars, nous avons entendu des témoins ne faisant pas partie de l'administration publique fédérale. Nous avons entendu les témoignages de Christian Leuprecht, qui est professeur au Collège militaire royal du Canada, et de Garth Davies, qui est professeur à l'Université Simon Fraser. C'était le premier groupe de témoins.
Le deuxième groupe cette journée-là était formé de Paul Copeland, qui est avocat pour les droits de la personne; et de Craig Forcese, qui est professeur agrégé à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa. Honorables sénateurs, j'aimerais parler d'une situation qui s'est produite le 23 mars. MM. Copeland et Forcese nous ont informés qu'ils avaient soumis des documents au comité dans lesquels ils nous faisaient part de leurs réflexions approfondies sur le projet de loi et présentaient des arguments très sérieux et importants à l'appui des amendements qu'ils y proposaient. Malheureusement, le comité n'a pas reçu ces documents avant ou durant ses audiences, ou même après celles-ci.
Nous pourrions échafauder des théories sur les raisons pour lesquelles le comité n'a pas reçu ces documents. S'ils étaient rédigés dans une seule langue, il aurait été nécessaire de les traduire avant de les fournir au comité. Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi nous n'avons pas reçu ces documents — et l'explication que j'ai donnée est la plus probable —, mais leur témoignage était basé sur ces documents.
Dans certaines circonstances, même si le fait de ne pas recevoir de tels documents lors de la réunion est dérangeant, un comité peut les étudier avant la prochaine réunion et certainement avant qu'il doive procéder à l'étude article par article du projet de loi. Toutefois, le 23 mars, le comité a voté et a décidé, avec dissidence, de procéder à l'étude article par article immédiatement après la comparution de ces deux groupes d'excellents témoins.
Sans même recevoir la documentation, le comité a décidé, avec dissidence, d'aller de l'avant. Par conséquent, les membres du comité n'ont pas eu le temps d'examiner en profondeur les documents fournis par les témoins — en fait, ils ne les ont même pas vus — ou d'examiner des amendements ou des observations fondés sur les témoignages que nous ont livrés ces quatre témoins très bien informés.
Honorables sénateurs, à quoi cela sert-il de faire comparaître des témoins aux comités si nous ne prenons pas le temps d'analyser correctement leurs propos et d'examiner les documents ou les propositions qu'ils présentent? C'est un manque de respect à l'égard des témoins et un manque de considération à l'égard de leur travail, lequel vise à nous aider à améliorer un projet de loi qui traite d'un sujet très technique, difficile et important. Pourquoi quiconque, surtout ces juristes et ces professeurs d'université très bien informés, prendrait-il le temps de comparaître devant nous si nous ne tenons pas compte des documents qui nous sont présentés?
Si nous ne pouvons pas attirer de bons témoins parce qu'ils savent que nous n'allons pas prêter attention à ce qu'ils ont à dire et que les meilleurs témoins ne comparaissent pas, alors notre travail au comité ne sera pas pris au sérieux et nous n'entendrons pas le sénateur Baker dire que les juges de la Cour suprême louent l'excellent travail des comités et du Sénat.
Honorables sénateurs, malheureusement, ce qui s'est passé durant l'étude du projet de loi C-44 nous a empêchés d'examiner correctement la documentation. À mon avis, l'absence d'une audience en bonne et due forme a brimé nos privilèges de sénateurs. Les Canadiens ne veulent pas que le Sénat du Canada verse dans la demi-mesure. Ils veulent que nous fassions ce qui s'impose et s'attendent à rien de moins.
Nous, sénateurs, sommes maintenant priés d'examiner à l'étape de la troisième lecture un projet de loi qui n'a pas été étudié convenablement en comité. Notre système est conçu de façon à ce que les honorables sénateurs puissent être informés par ceux qui ont siégé au comité et qui ont effectué une étude approfondie des enjeux. Comme nous ne pouvons pas examiner en profondeur toutes les questions dont nous sommes saisis, nous nous attendons à ce que les sénateurs qui siègent aux comités présentent dans cette enceinte une analyse et une synthèse des témoignages qu'ils ont entendus pour aider leurs collègues à bien comprendre le sujet. Cela n'a pas été possible dans ce cas parce qu'on souhaite faire adopter le projet de loi C-44 à toute vitesse au Sénat. Pour quelle raison?
Le sénateur White a présenté un discours, puis l'étude article par article a eu lieu il y a neuf jours. Nous avons entendu le sénateur Baker hier, et nous aurions pu facilement entendre les sénateurs White et Baker après lundi, lorsque le comité s'est réuni de nouveau, et nous n'avons pas eu tous les témoignages prévus au sujet du projet de loi suivant — pour quelle raison? On ne nous a jamais dit pourquoi il fallait procéder aussi rapidement à l'étude article par article à la suite des deux groupes et avant même que nous puissions prendre connaissance des documents auxquels les témoins avaient fait allusion.
Honorables sénateurs, je dois malheureusement dire que ce qui s'est produit dans le cas du projet de loi C-44 semble s'inscrire dans une tendance, et c'est ce qui m'inquiète dans ce qui se passe ici. Il semble que nous ayons perdu la confiance qui existe normalement entre les deux côtés et l'assurance que les promesses seront tenues quant au déroulement des travaux. On semble manquer de respect à l'endroit du système parlementaire, ce qui nous empêche de réaliser le meilleur travail possible.
Permettez-moi de vous donner quelques autres exemples de clôture. Dans le cas des projets de loi C-30 et C-9, la clôture a servi à couper court au débat avant même que n'ait débuté le débat à l'étape de la troisième lecture. C'est ce qui s'est passé récemment pour le projet de loi C-30, qui portait sur le transport du grain, le projet de loi C-14 et le projet de loi C-23. Le projet de loi C-32 est une autre mesure législative pour laquelle un avis de clôture a été donné.
Le projet de loi C-51 est un autre projet de loi pour lequel on nous demande de procéder à une étude préalable. Personne ne sait pourquoi. Nous avons entrepris cette étude d'un projet de loi que le gouvernement a l'intention d'amender et, par conséquent, nous l'étudions avant de savoir quels seront ces amendements.
Le sénateur Downe : C'est épouvantable.
Le sénateur Day : Cette situation ne permet pas au Sénat de jouer son rôle, c'est-à-dire de procéder à un second examen objectif, quand il connaît travail qui a été réalisé par la Chambre des communes et les aspects qu'elle a étudiés, afin d'étudier le projet de loi sous un angle différent.
Honorables sénateurs, voilà, dans l'ensemble, pourquoi je me sens mal à l'aise et suis très déçu en ce qui concerne l'étude du projet de loi C-44.
J'aborderai quelques points que je juge important de souligner à propos de ce projet de loi, sans toutefois vous donner de réponses puisque nous n'avons pas eu la chance de l'étudier de façon aussi approfondie que je l'aurais voulu.
Le projet de loi C-44 permettra au SCRS de mener ses activités d'enquête et de surveillance à l'extérieur du Canada. Cela figure maintenant dans le projet de loi. Toutefois, ce qui n'est pas clair, ce sont les circonstances dans lesquelles un mandat serait nécessaire pour mener une activité à l'extérieur des frontières canadiennes.
(1530)
Durant la séance, M. Forcese a affirmé ce qui suit :
Dans le cas des interceptions extraterritoriales, on ne sait cependant pas vraiment pas dans quelles circonstances un mandat sera jugé nécessaire, car les conditions qui exigent l'obtention d'un mandat n'ont pas été formulées pour l'international, alors qu'elles sont implicites au Canada. Il me semble que, pour le bien du service, le Parlement devrait préciser quelles seraient les circonstances où on pourrait avoir des motifs raisonnables de croire qu'un mandat est nécessaire.
Et, si je puis me permettre d'ajouter, où un agent serait tenu de s'adresser à un juge.
Le danger, c'est que ces circonstances demeureront floues jusqu'à ce qu'un tribunal soit saisi de la question. Entretemps, l'incertitude régnera. Par la suite, d'autres scandales pourraient éclater si la cour conclut que le service a agi de manière inappropriée jusque-là.
Ce qui, bien sûr, risque de compromettre tout le travail accompli par le SCRS jusqu'à la décision de la cour. Selon le témoin, il y a une solution. Par ailleurs, le SCRS ne sera pas tenu de respecter les lois internationales et étrangères durant ses enquêtes à l'extérieur du Canada.
M. Forcese a parlé du problème de réciprocité qu'entraînent les dispositions que je viens de mentionner. Le sénateur Baker en a parlé également hier. Comment le Canada réagirait-il si un service étranger menait des activités de renseignement sur son territoire tout en violant les lois canadiennes? Serions-nous d'accord?
La commission d'enquête sur l'affaire Air India, entre autres, s'inquiète du manque de collaboration entre le SCRS et le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement. Le projet de loi C-51 s'attaque à ce problème, en un sens, mais je tiens à dire...
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Day, votre temps de parole est écoulé.
Le sénateur Day : Il me reste deux pages, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président intérimaire : Malheureusement, sénateur, votre temps de parole est écoulé, à moins que vous ne demandiez cinq minutes de plus.
Le sénateur Day : Puis-je avoir cinq minutes de plus pour terminer mon intervention? J'estime qu'il me faudra moins de temps que cela.
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour accorder cinq minutes de plus au sénateur Day?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Day : Merci, honorables sénateurs. J'espère que cela vous aidera à cerner certains problèmes.
On peut se demander comment le gouvernement garantira que les enquêtes et les activités du SCRS à l'étranger ne compromettront pas la mission du MAECD. Si le SCRS exerce des activités à l'extérieur du Canada, quelles seront les répercussions sur les activités liées aux affaires étrangères qui sont menées à l'extérieur du pays? Quelles mesures a-t-on l'intention de prendre pour éviter une crise potentielle avec un pays étranger si les autorités de ce pays découvrent que des agents du SCRS y mènent des activités? Même si je comprends que le SCRS doit pouvoir mener des activités en secret pour s'acquitter de son mandat, je crois qu'il est important de veiller à ce que les ministères et les institutions du Canada ne se nuisent pas les uns les autres. Honorables sénateurs, voilà un autre enjeu qui a été porté à notre attention.
Je pense qu'on a déjà débattu en long et en large de la promesse de confidentialité. Dans l'affaire Hackett, la Cour suprême du Canada a reconnu qu'il faut établir un juste équilibre et prévoir des mesures incitatives. Du point de vue de la sécurité, nous devons reconnaître qu'il y a une différence entre les enquêtes criminelles, les activités des corps policiers et la collecte de renseignements. Pour pouvoir recueillir des renseignements de sécurité, il n'est pas nécessaire de s'adresser aux tribunaux. Il importe de comprendre la différence et d'établir un équilibre. La promesse de confidentialité découle de cet équilibre.
Il est essentiel que notre système judiciaire puisse poursuivre les terroristes, car au pays, les tribunaux jouent un rôle préventif et persuasif. Si nous compliquons la tâche des policiers et des agents de la GRC qui cherchent à recueillir suffisamment de preuves pour poursuivre un terroriste, il se pourrait que les tribunaux ne puissent plus jouer un rôle préventif et persuasif. Les actes criminels demeureraient donc impunis, et, en fait, leur nombre augmenterait.
La création d'un organisme de surveillance apporterait éventuellement une réponse à ces problèmes fondamentaux. Il en a beaucoup été question. Selon moi, compte tenu de la compartimentation des divers organismes de sécurité nationale du Canada, la surveillance devrait viser à la fois le SCRS, la GRC, les Affaires étrangères et la Défense nationale, ainsi que tout autre ministère qui joue un rôle en matière de sécurité nationale, de manière à concilier la sécurité nationale, la justice et les intérêts internationaux.
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai une brève question à poser au sénateur Day.
Je ne siège pas au comité concerné, mais vous avez affirmé que certains des meilleurs témoins n'avaient pas été convoqués. Je veux vous donner l'occasion de rectifier le tir à ce sujet. Vous n'avez certainement pas voulu dire que les personnes qui ont été citées à témoigner devant le Sénat étaient sans conséquence et qu'elles n'étaient pas qualifiées.
Le sénateur Day : Merci de cette question. Je ne me souviens pas d'avoir dit cela. J'ignore tout à fait lesquels des meilleurs témoins n'ont pas été convoqués. Je sais cependant que le comité n'a pas accordé le poids voulu au témoignage de certains témoins exceptionnels. C'est ce que je voulais dire.
La sénatrice Andreychuk : Je vous remercie.
L'honorable Donald Neil Plett : L'honorable sénateur répondrait-il à une autre question?
Le sénateur Day : J'en serais ravi, tout dépendant du temps qu'il me reste.
Le sénateur Plett : Je sais que votre temps de parole est presque écoulé, mais vous avez mentionné divers projets de loi que le gouvernement aurait fait adopter à toute vitesse depuis quelque temps. Vous avez entre autres parlé du projet de loi C-30, Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain. À l'époque, des milliers d'agriculteurs attendaient de pouvoir vendre leurs céréales sur le marché. Cependant, vous avez donné l'impression qu'il n'était pas urgent d'agir afin qu'ils puissent le faire.
J'aimerais que vous répondiez à la question suivante : avez-vous appuyé les céréaliculteurs de l'Ouest lorsqu'ils ne pouvaient acheminer leurs produits au marché?
Le sénateur Day : Merci beaucoup. Je peux vous assurer que j'ai toujours appuyé les agriculteurs canadiens, tant dans l'Est que dans l'Ouest. Pour ce qui est des agriculteurs de l'Ouest canadien, j'appuyais l'opposition en ce qui concerne la commission du blé et ses efforts visant à mettre des wagons réservés au blé à la disposition des céréaliculteurs.
Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur Lang a la parole.
L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, je n'avais pas l'intention d'intervenir dans le débat, mais comme je suis président du Comité sénatorial permanent de de la sécurité nationale et de la défense, j'en ressens l'obligation. Je pense avoir l'obligation de rectifier les faits après avoir vu le sénateur d'en face tenter d'épater la galerie.
Je dois m'avouer déçu d'entendre le sénateur faire valoir ce genre d'argument étant donné les efforts considérables déployés par les sénateurs, tant individuellement que collectivement, pour veiller à ce que les travaux du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soient irréprochables. J'estime que l'attaque dont le Sénat vient d'être le témoin est injustifiée et sans fondement. Le sénateur n'a pas raconté tout ce qui s'est passé dans le cadre de l'étude du projet de loi.
Au cours des audiences sur le projet de loi, tout le monde a eu toutes les chances de poser des questions aux témoins qui ont été invités à comparaître ou qui ont demandé de comparaître devant le comité dans le cadre de son étude du projet de loi. Le calendrier des témoins a été approuvé par les sénateurs de toutes affiliations politiques sous les auspices...
Des voix : Oh, oh!
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, le sénateur Lang participe au débat. Ce n'est pas une question.
Le sénateur Lang : ... du comité directeur. Tous les sénateurs ont eu amplement l'occasion de faire des recommandations au comité directeur et à la greffière au sujet des témoins qu'ils souhaitaient faire comparaître. À ce que je sache, tous ceux qui ont été appelés à comparaître aux fins de l'étude de ce projet de loi ont pu comparaître.
Maintenant, honorables sénateurs, j'aimerais parler du déroulement des audiences. Encore une fois, je tiens à rafraîchir la mémoire sélective du membre du comité.
(1540)
Le fait est que nous avions convenu d'un calendrier d'audition des témoins et d'une période pendant laquelle les audiences du Sénat seraient consacrées à ce projet de loi.
Les audiences ont eu lieu. Tous les témoins ont comparu, et nous avons eu la possibilité d'entendre des témoins jusqu'à la dernière journée d'audience. D'une certaine façon, on peut dire que le membre du comité a raison. Deux témoins ont comparu et l'un d'entre eux a parlé d'un rapport qui n'avait pas été remis au comité. Il semble y avoir eu une erreur en ce qui concerne la distribution de ce document.
J'aimerais vous signaler, chers collègues, que nous avions établi un horaire pour la semaine suivante. Nous devions aller à Toronto afin de nous acquitter de nos responsabilités à titre de membres d'un comité du Sénat, et tous les sénateurs avaient approuvé ce déplacement. Nous avions aussi établi un horaire des témoins qui devaient comparaître le lundi suivant dans le cadre de nos audiences continues sur le terrorisme, qui ont d'ailleurs reçu l'approbation du comité directeur. Malheureusement, le greffier de notre comité est tombé malade et certaines tâches nécessaires aux audiences du lundi suivant n'ont pu être accomplies.
Entre-temps — le député a oublié de le mentionner parce qu'il était trop occupé à attaquer le comité et la présidence —, nous avions décidé d'entreprendre une étude préliminaire du projet de loi C-51, qui est étroitement lié au projet de loi C-44. En fait, nous étions tous d'accord — et, par nous, j'entends toutes les personnes qui ont assisté à cette audience — pour dire que le projet de loi C-44 était, pour la majeure partie, un projet de loi très technique. La plupart des témoins ont confirmé que les pratiques prévues dans le projet de loi étaient déjà mises en œuvre par les organismes visés.
J'aimerais rappeler une chose au sénateur d'en face : quand un comité, quel qu'il soit, a convenu d'un échéancier et dispose d'une période déterminée pour examiner un projet de loi, il n'est pas rare qu'il entende ses derniers témoins, prenne une pause de 30 minutes, puis passe à l'étude article par article de la mesure. Cette façon de faire n'est pas rare. Il est donc tout à fait faux de prétendre qu'on n'avait jamais vu une chose pareille. Le sénateur souhaitera peut-être réévaluer ce qu'il a dit plus tôt.
Il est facile pour le sénateur de rester assis, de sourire et de se congratuler mais, à titre de président, je ne me réjouis vraiment pas de voir un membre de mon comité prendre la parole au Sénat et faire tout un spectacle, quand il est conscient de notre travail acharné et de tous les efforts que nous avons consacrés à ce comité. Cette situation ne me réjouit vraiment pas, et elle ne réjouit sûrement pas le sénateur de votre côté qui fait aussi partie du comité directeur.
Il faut aussi souligner que, à la reprise des travaux après la pause de 30 minutes, les sénateurs d'en face, dirigés par le vice-président, le sénateur Mitchell, ont proposé une série d'amendements. Je le signale pour montrer que les membres ont eu le temps et l'occasion de proposer des amendements, qu'ils l'ont fait et que nous les avons traités.
Je peux affirmer au Sénat que la procédure suivie pour l'étude de ce projet de loi était appropriée, et que nous avons porté tout le soin et l'attention nécessaires aux délibérations concernant les témoignages. À mon avis, le processus utilisé a été efficace.
Pour ce qui est du projet de loi à proprement parler, chers collègues, je dirais qu'il est bon. Je signale qu'il a été préparé bien avant le 22 octobre. Il traite de questions très fondamentales sur lesquelles le Parlement devait se pencher pour que les organismes d'application de la loi et le milieu du renseignement puissent faire le travail que nous leur demandons.
Pour conclure, chers collègues, je veux simplement corriger ce qui a été dit. Le processus a été juste, réfléchi et tous les membres ont pu examiner le projet de loi au complet, tout comme nous le faisons en ce moment.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je me demande si le sénateur Lang accepterait de répondre à une question.
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Lang, accepteriez-vous de répondre à une question du sénateur Cowan?
Le sénateur Lang : Non.
Le sénateur Cowan : Cela dit tout.
[Français]
L'honorable Pierrette Ringuette : Est-ce que l'honorable sénateur Lang accepterait de répondre à quelques questions de ma part?
[Traduction]
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Lang, accepteriez-vous de répondre à une question de la sénatrice Ringuette?
Le sénateur Lang : Oui.
La sénatrice Ringuette : Je ne suis pas membre du comité très important qui a entendu les témoins et étudié le projet de loi C-44. J'allais poser mes questions au sénateur Day, mais le temps m'a manqué et je suis heureuse de pouvoir les poser au président du comité.
Durant les réunions et l'étude du projet de loi C-44, est-ce que des représentants du SCRS ont comparu? Est-ce qu'un juge de la Cour fédérale a comparu?
Le sénateur Lang : Honorables sénateurs, je n'ai pas la liste ici. Je sais qu'un avis technique nous a été donné et je crois que le SCRS a comparu. Nous avons déjà reçu le juge Major par le passé au sujet de la question générale du terrorisme. Pour que ce soit consigné dans le compte rendu, je devrais revenir et vous donner une liste complète, car je ne l'ai pas ici.
La sénatrice Ringuette : À l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-44, j'ai fait part de mon inquiétude concernant la question des pays étrangers. Je suis étonnée que le projet de loi donne au SCRS le pouvoir de demander à un juge de la Cour fédérale, dont la compétence se limite au Canada, d'accorder un mandat valable dans un pays étranger. Cela me laisse encore perplexe.
Y a-t-il eu des témoins qui ont éclairci cette question? Si c'est le cas, pourriez-vous me l'expliquer?
Le sénateur Lang : Honorables sénateurs, le comité s'est penché comme il se doit sur cette question et l'a étudiée en profondeur. Il a jugé, selon les décisions déjà rendues par les tribunaux, qu'il fallait accorder ce pouvoir.
La sénatrice Ringuette : Ce pouvoir concerne-t-il seulement le terrorisme et la sécurité? Honorables sénateurs, il y a à peine quelques mois, le gouvernement du Mexique a accusé le Canada de l'espionner, par l'entremise, je présume, d'un organisme gouvernemental.
Les mandats accordés au SCRS permettront-ils à cet organisme d'espionner — illégitimement, à mon avis — les gouvernements étrangers au nom du gouvernement?
Le sénateur Lang : Honorables sénateurs, toutes les dispositions du projet de loi portent évidemment sur la sécurité, qu'il soit question de terrorisme ou non. Il revient aux tribunaux de déterminer le bien-fondé des demandes de mandat, et des modalités et conditions seraient alors établies.
À la lumière des délibérations du comité, on a jugé qu'il était important que les organismes puissent faire le travail qu'on leur demande. Les décisions ont été prises en conséquence. C'est maintenant à nous d'en discuter.
(1550)
La sénatrice Ringuette : Je reviens à ma question de tout à l'heure. Au cours de l'étude du projet de loi C-44, avez-vous entendu des témoins donner leur avis concernant la possibilité qu'auraient les juges de la Cour fédérale de délivrer un mandat applicable sur le territoire d'un autre État? Avez-vous entendu des témoins à ce sujet? C'est une disposition clé du projet de loi C-44. Avez-vous entendu des témoins et que vous ont-ils dit sur cette question?
Le sénateur Lang : Chers collègues, nous avons entendu toute une gamme de témoins et ceux-ci ont traité d'une manière ou d'une autre de toutes les questions faisant partie du projet de loi, à partir de divers points de vue. Je peux donner l'assurance à la sénatrice d'en face que la question dont elle parle a été abordée comme toutes les autres et je lui enverrai le compte rendu des délibérations, si elle le souhaite. Les gens pensent qu'il est important que nos organismes aient cette responsabilité.
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, avant de vous faire mes observations sur une partie des amendements, je vous rappelle que la question de savoir si le SCRS peut se voir délivrer un mandat pour intercepter des communications sur un territoire étranger est actuellement soumise à la Cour suprême du Canada. Ne l'oublions pas. Ce projet de loi a pour but de tenter d'éviter qu'à l'avenir, on commette des erreurs que la Cour fédérale et la Cour fédérale d'appel ont qualifiées d'actes illégaux. La Cour suprême va se prononcer là-dessus. Les audiences du comité, auxquelles j'ai assisté et qui m'ont donné l'occasion d'entendre les impressionnants témoins qui s'y sont présentés, nous ont permis de comprendre, comme le sénateur White l'a souligné, que le SCRS a le pouvoir de demander des mandats applicables en territoire étranger et que ces mandats sont délivrés par le ministre. Toutefois, le SCRS n'a pas le pouvoir de demander des mandats pour effectuer des interceptions à l'étranger. Le projet de loi a pour but de corriger cette lacune, et la question a été renvoyée à la Cour suprême du Canada. Le 5 mars, celle-ci a accepté d'entendre l'appel relatif à la décision de la Cour fédérale d'appel, qui a jugé que le SCRS avait procédé à des actes illégaux pendant quatre ans.
J'ai une remarque très brève à faire au sujet de l'amendement visant à mettre en place un groupe de surveillance parlementaire. L'auteur de cet amendement propose que le groupe soit composé de quatre députés de la Chambre des communes et de quatre sénateurs. Je vais voter en faveur de cet amendement, même si j'aurais préféré qu'il y ait huit sénateurs dans le groupe.
Le sénateur Campbell : Pour veiller à ce qu'il reste honnête.
Le sénateur Baker : N'oublions pas que la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui est que la cour a jugé que le SCRS n'avait pas le droit de se voir octroyer ces 673 mandats, et que nous tentons de corriger ce problème qui est survenu parce que l'organisme de surveillance n'a pas fait son travail. À la fin de 2013, cet organisme a produit un rapport dans lequel il affirmait qu'il avait examiné des mandats décernés au SCRS pour les années 2009 à 2013. Il croyait qu'il était merveilleux que la Cour fédérale, au nom du juge Mosley, eût autorisé le SCRS à intercepter des communications en sol étranger. Certains d'entre nous se rappellent le jour où le juge Mosley, qui était alors sous-ministre de la Justice, est venu ici. Il a comparu devant le comité sénatorial présidé par le sénateur Day. Il a, bien entendu, convoqué tout le monde, et il a précisé qu'il n'avait jamais accordé ce pouvoir au SCRS et qu'il ne comprenait pas comment le CSARS était parvenu à cette conclusion. Il semble donc que le CSARS a examiné ces mandats pendant trois ans, mais qu'il n'a pas lu le mandat qui, selon lui, autorisait le SCRS à intercepter les communications.
Était-ce parce que le CSARS ne comportait pas d'amicus curiae, d'avocats, de juges à la retraite? Au Sénat, nous avons un ancien juge de la Cour suprême, qui est assis là-bas, dans la première rangée. Un coroner à la retraite, le sénateur Campbell, est assis à côté de moi. Nous avons les sénateurs White et Dagenais, deux des plus grands experts du monde policier au Canada. Nous avons plein d'avocats ici qui savent au moins comment lire un mandat.
Le SCRS s'est trompé dans son rapport de 2013 sur les 34 mandats étrangers sous examen, mandats dont l'autorité découlait d'un jugement du juge Mosley, de la Cour fédérale, qui n'avait jamais été rendu. À l'avenir, lorsque nous proposons des candidats au comité de surveillance, nous devrions à tout le moins avoir la garantie qu'ils comptent des gens qui ont de l'expérience avec les mandats et qui se sont au moins familiarisés avec les dispositions législatives pertinentes, ou bien nous pourrions nommer un intervenant désintéressé capable d'assumer ces fonctions, afin d'éviter qu'on ne commette d'erreur tragique comme celle de 2013 qui a mené à la situation actuelle.
Le gouvernement cherche maintenant à réparer les pots cassés. Le projet de loi est important. Le gouvernement a raison. Il faut adopter le projet de loi. Malheureusement, on ne peut mettre une loi en vigueur rétrospectivement. Je suis toujours contre la rétroactivité et la rétrospectivité, ce n'est pas la première fois que vous me l'entendez dire, mais peut-être qu'elles se justifieraient en l'occurrence. Beaucoup de mandats ont été émis. Quelle valeur auront-ils en cour? Il y en a 673.
Le sénateur Day : Il y en a encore plus aujourd'hui.
Le sénateur Baker : Et les discours s'éternisent. Nous sommes en situation de crise. Il y a un argument juridique appuyant la position prise par le SCRS. Le ministère de la Justice fait valoir qu'en vertu des articles 12 et 21 de la Loi sur le SCRS — le premier portant sur la sécurité nationale et le deuxième sur les mandats —, le service a le droit d'élargir la portée d'un mandat canadien pour couvrir des opérations à l'étranger si ces opérations visent des citoyens canadiens. C'est un bon argument juridique, mais les tribunaux l'ont jugé inadmissible. Il faudra attendre de voir ce qu'en pense la Cour suprême, mais, la prochaine fois, j'aimerais qu'on présente un amendement suggérant que huit sénateurs, plutôt que quatre sénateurs et quatre députés, soient chargés de la surveillance.
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?
Des voix : Non.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président intérimaire : Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président intérimaire : Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent clairement.
Et deux honorables sénateurs s'étant levés :
Son Honneur le Président intérimaire : Je constate que plus de deux sénateurs se sont levés. Y a-t-il entente sur la durée de la sonnerie?
Le sénateur Munson : Trente minutes.
La sénatrice Marshall : Trente minutes.
Son Honneur le Président intérimaire : Le vote aura lieu à 16 h 28. Que la sonnerie retentisse. Convoquez les sénateurs.
(1630)
La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.
POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS
Baker | Joyal |
Campbell | Lovelace Nicholas |
Chaput | Massicotte |
Cordy | Merchant |
Cowan | Mitchell |
Day | Moore |
Downe | Munson |
Eggleton | Ringuette |
Fraser | Sibbeston |
Hervieux-Payette | Smith (Cobourg) |
Hubley | Tardif |
Jaffer | Watt—24 |
CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS
Andreychuk | Meredith |
Batters | Mockler |
Bellemare | Nancy Ruth |
Beyak | Neufeld |
Black | Ngo |
Carignan | Ogilvie |
Dagenais | Oh |
Doyle | Patterson |
Enverga | Plett |
Fortin-Duplessis | Poirier |
Frum | Raine |
Gerstein | Rivard |
Greene | Runciman |
Johnson | Seidman |
Lang | Smith (Saurel) |
LeBreton | Stewart Olsen |
MacDonald | Tannas |
Maltais | Tkachuk |
Manning | Unger |
Marshall | Verner |
Martin | Wallace |
McInnis | Wells |
McIntyre | White—46 |
ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS
Kenny—1 |
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 2 avril 2015, à 13 h 30.)