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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 134

Le mercredi 22 avril 2015
L'honorable Leo Housakos, Président intérimaire

LE SÉNAT

Le mercredi 22 avril 2015

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président intérimaire étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La deuxième bataille d'Ypres

Le centième anniversaire

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, quand on interroge les Canadiens sur la contribution de leur pays et le sacrifice qu'il a consenti lors de la Première Guerre mondiale, ils parlent surtout de la bataille de la crête de Vimy, survenue en avril 1917. C'est à ce moment-là que l'ensemble de l'armée canadienne a combattu pour la première fois sous commandement canadien. Cet événement est considéré, à juste titre, comme un moment charnière de notre évolution en tant que pays.

Toutefois, la bravoure des soldats canadiens sur les champs de bataille européens s'est manifestée dès le début de la Grande Guerre et s'est poursuivie tout au long du conflit. Le 22 avril 1915, soit il y a très exactement 100 ans aujourd'hui, marque le début d'une série d'engagements militaires s'échelonnant sur cinq semaines et connue dans l'histoire comme étant la deuxième bataille d'Ypres. Cette bataille est commémorée sur le mur est du Sénat. Le troisième tableau à partir de la gauche du fauteuil du Président illustre la ville d'Ypres détruite par des tirs d'artillerie. On la reconnaît aux vestiges des Halles, qui étaient l'un des grands bâtiments médiévaux d'Europe. Dernière grande ville belge contrôlée par les Alliés en 1915, Ypres fournit la position défensive nécessaire pour protéger les voies de ravitaillement vers les ports français de la Manche. Il faut donc la conserver.

À l'automne de 1914, les premiers membres du Corps expéditionnaire canadien partent pour la Grande-Bretagne. Recrutés aux quatre coins du pays, ces hommes forment un groupe éclectique de militaires de carrière et de patriotes — agriculteurs, marins, bûcherons, diplômés universitaires, caissiers de banque et commerçants. Certains de ces hommes possèdent un peu d'expérience au sein de la milice, alors que bon nombre d'entre eux n'en ont aucune. Au printemps de 1915, après quelques mois de formation, la 1re Division canadienne, qui compte près de 18 000 soldats, est envoyée dans la zone de guerre et les tranchées. La région d'Ypres est relativement tranquille depuis des mois, mais cette situation est sur le point de changer.

Ypres a été l'une des grandes zones de combats pendant toute la guerre, mais la deuxième bataille d'Ypres se distingue à plusieurs égards. Militairement, cette ville a été le théâtre de la seule offensive allemande sur le front ouest en 1915. Pour les Canadiens, elle fut un grand baptême du feu. De plus, c'est là que l'horreur des armes chimiques s'est révélée pour la première fois au monde. Les soldats alliés étaient pris pour cible au saillant d'Ypres, une grande élévation dans les lignes ennemies entourant Ypres et la dernière ligne de défense de la ville. Sur cette ligne, le 13e Bataillon de la 3e Brigade, les Royal Highlanders du Canada, de Montréal, qui venait d'arriver au front, s'est vu confier la tâche de protéger le flanc français, à sa gauche.

À 17 heures le 22 avril, un nuage de plus de 160 tonnes anglaises de chlore gazeux se dirige vers les lignes alliées. Le gros du gaz touche les Français, dont de nombreux soldats coloniaux venant d'Afrique du Nord. Les effets sont dévastateurs. Des milliers de corps jonchent le sol, et nombre de survivants suffocants, qui fuient pour éviter la mort, succomberont par la suite. Un énorme trou de quatre milles s'ouvre dans les défenses alliées. Pendant les heures qui suivent, l'ennemi s'avance jusqu'à une plantation de chênes appelée bois des Cuisiniers pour se préparer à prendre d'assaut Ypres.

Les 10e et 16e Bataillons canadiens reçoivent alors l'ordre de contre-attaquer l'ennemi et de le chasser hors du bois. À minuit moins le quart, ces jeunes Canadiens plongent parmi les ténèbres, les vapeurs subsistantes et les tirs incessants de mitraillettes. À moins de 200 verges de l'ennemi, ils installent leurs baïonnettes, se lancent à l'attaque et s'engagent dans une inconcevable lutte corps à corps.

Une fois la poussière retombée, les Canadiens avaient remporté la bataille et forcé l'ennemi à abandonner la forêt de Kitchener. Ils contribuèrent ensuite à colmater la brèche de quatre milles qui a été ouverte au front. Deux jours plus tard, la deuxième attaque au gaz, qui cette fois cible les Canadiens, est lancée. Ceux-ci, ayant pour seule protection des mouchoirs imbibés d'urine, tiennent encore bon et empêchent l'ennemi d'avancer. Finalement, le 25 avril, les renforts français et britanniques arrivent et relaient les Canadiens qui avaient subi une rude épreuve.

À la suite de la deuxième bataille d'Ypres, dix Croix de Victoria sont remises à des combattants, dont quatre à des Canadiens, sans oublier que c'est au cours de cette bataille, pendant un arrêt des combats, qu'un médecin de Guelph, en Ontario, le lieutenant-colonel John McCrae, écrit son poème mémorable, intitulé Au champ d'honneur.

Après la guerre, le maréchal Ferdinand Foch, grand général français qui a été commandant suprême des Forces alliées, fait remarquer que l'assaut de la forêt de Kitchener par les 10e et 16e Bataillons canadiens avait été la plus importante bataille de la guerre. C'est un bel éloge.

Honorables sénateurs, ce soir, quand nous irons nous coucher, prenons un moment pour réfléchir au sacrifice de ces hommes qui a eu lieu, il y a cent ans aujourd'hui.

Son Honneur le Président intérimaire : Je rappelle aux honorables sénateurs que la présidence essaie d'être généreuse pour ce qui est des déclarations de sénateurs, mais nous devons tenter de respecter la période de trois minutes qui est allouée.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jinah Kim, sœur de la sénatrice Martin, de Nancy Falcone, venue de la Colombie-Britannique, et de Lana Sam, qui est venue de Calgary. Elles sont les invitées de la sénatrice Martin.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de deux représentants de la Fondation de la GRC : William M. Duron, président, et Hope Deveau-Henderson, présidente et directrice générale.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le budget de 2015

Dépôt de document

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le budget de 2015, intitulé Un leadership fort, Un budget équilibré et un plan axé sur des impôts bas pour favoriser l'emploi, la croissance et la sécurité.

[Traduction]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser la photographie et l'enregistrement vidéo de la cérémonie de la sanction royale

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5 j) du Règlement, je propose :

Que des photographes et caméramans soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier et enregistrer sur vidéo la prochaine cérémonie de la sanction royale, d'une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur le Président intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1340)

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 28 avril 2015 à 14 heures.

Le budget de 2015

Préavis d'interpellation

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le budget intitulé Un leadership fort, Un budget équilibré et un plan axé sur des impôts bas pour favoriser l'emploi, la croissance et la sécurité, déposé à la Chambre des communes le 21 avril 2015 par le ministre des Finances, l'honorable Joe Oliver, C.P., député, et au Sénat le 22 avril 2015.

Des voix : Bravo!

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

Les rencontres au Congrès américain, tenues du 24 au 26 février 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation aux rencontres tenues au Congrès américain, à Washington, D.C., aux États-Unis, du 24 au 26 février 2014.

La conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue du 4 au 6 mai 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue à Ottawa, en Ontario, au Canada, du 4 au 6 mai 2014.

La rencontre annuelle d'été de la National Governors Association, tenue du 10 au 13 juillet 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis sur sa participation à la rencontre annuelle d'été de 2014 de la National Governors Association, tenue à Nashville, au Tennessee, aux États-Unis, du 10 au 13 juillet 2014.

La réunion annuelle de la Conférence législative du Midwest du Council of State Governments, tenue du 12 au 16 juillet 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 69e Réunion annuelle de la Conférence législative du Midwest du Council of State Governments, tenue à Omaha, au Nebraska, aux États-Unis, du 12 au 16 juillet 2014.

L'Association parlementaire Canada-Afrique

La Mission bilatérale au Royaume du Lesotho et à la République du Malawi, du 19 au 22 janvier 2015—Dépôt du rapport

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Afrique concernant sa Mission bilatérale au Royaume du Lesotho et à la République du Malawi, tenue à Maseru, au Lesotho, et à Lilongwe, au Malawi, du 19 au 22 janvier 2015.

La Mission bilatérale au Royaume hachémite de Jordanie et à la République du Djibouti, du 13 au 17 octobre 2014—Dépôt du rapport

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Afrique concernant sa Mission bilatérale au Royaume hachémite de Jordanie et à la République du Djibouti, tenue à Amman, en Jordanie, et à Djibouti, au Djibouti, du 13 au 17 octobre 2014.

[Français]

L'Association parlementaire Canada-Europe

La réunion d'automne de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 3 au 5 octobre 2014—Dépôt du rapport

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant sa participation à la réunion d'automne de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue à Genève, en Suisse, du 3 au 5 octobre 2014.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

Le budget de 2015

L'honorable Wilfred P. Moore : Aujourd'hui, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il sera sans doute étonné d'apprendre qu'elle porte sur le budget.

Monsieur le leader, pour justifier le report du budget, il y a deux mois, le premier ministre et le ministre des Finances ont invoqué l'incertitude liée au cours du pétrole et affirmé devoir présenter un tout nouveau budget, fondé sur de nouveaux calculs. Or, le budget d'hier repose sur un changement dans la manière dont le ministère des Finances prédit à combien s'établira le cours du pétrole. Nous savons en effet que le gouvernement prédit que le cours du pétrole va augmenter chaque année pour les cinq prochaines années, alors qu'auparavant, on avait pris l'habitude de chercher à déterminer combien coûterait le baril de pétrole au cours des cinq années subséquentes.

Pourriez-vous expliquer aux Canadiens comment le ministère des Finances a pu arriver à ces nouveaux chiffres, surtout qu'il n'avait pas la moindre idée de la direction que prendrait le cours du pétrole il y a deux mois?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénateur, comme vous le savez, un budget ne s'équilibre pas de lui-même. Hier, le ministre a présenté le Plan d'action économique de 2015, qui est un budget équilibré, comme nous l'avions promis. Nous sommes extrêmement fiers que le gouvernement réussisse à alléger le fardeau fiscal des Canadiens, de la classe moyenne et des petites entreprises, à créer de la croissance, à équilibrer le budget, et tout cela en diminuant les impôts. Cet exercice est un travail très important, voire phénoménal de la part du ministre des Finances, qui a dû prendre les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs. Donc, nous devons en être fiers et le féliciter. Nous allons continuer à travailler dans ce sens pour l'ensemble des Canadiens.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Rien dans votre réponse, monsieur le leader, ne nous explique comment le ministère des Finances s'y est pris pour arriver à ces nouveaux chiffres alors que le cours du baril de pétrole est loin d'être sorti de la tourmente.

Chaque fois que le prix du baril de pétrole augmente de 1 $, les recettes fiscales du gouvernement fédéral augmentent de leur côté de 150 millions de dollars. Chaque diminution devrait logiquement avoir l'effet inverse et réduire les recettes fiscales d'autant.

Force est donc de conclure que le budget de 2015 n'est rien d'autre qu'un coup de dés sur le cours du baril de pétrole. Pourriez-vous, dans ce cas-là, expliquer aux Canadiens en quoi ce pari constitue une saine gestion des finances de la part du gouvernement?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme vous le dites, sénateur Moore, un budget ne s'équilibre pas de lui-même ni par hasard. Le Plan d'action économique de 2015 stimulera la création d'emplois et favorisera la croissance et la prospérité à long terme.

Comme nous l'avions promis, ce budget est équilibré et réduit les impôts des particuliers et des familles qui travaillent fort. En fait, le gouvernement rétablit l'équilibre budgétaire tout en maintenant le fardeau fiscal fédéral imposé aux Canadiens à son plus bas niveau depuis plus d'un demi-siècle.

Ainsi, une famille canadienne de quatre personnes à deux revenus bénéficiera d'allègements fiscaux et de prestations bonifiées pouvant atteindre 6 600 $ en 2015 grâce aux mesures prises par le gouvernement.

Le budget stimule la création d'emplois et la croissance en rendant le Canada plus compétitif, en permettant aux entreprises créatrices d'emplois de prospérer et en effectuant de nouveaux investissements novateurs qui s'appuient sur le bilan du gouvernement en matière de soutien à l'infrastructure et à la formation d'une main-d'œuvre hautement qualifiée qui répond également à l'évolution du marché de l'emploi pour les employeurs. C'est de cette façon que l'on équilibre un budget, sénateur; ce n'est pas en restant assis.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Je crois que personne, de ce côté-ci, n'a de leçon à recevoir de votre gouvernement en ce qui concerne la manière dont on équilibre un budget.

Le sénateur Plett : Je crois au contraire que si.

(1350)

Le sénateur Moore : Lisez le compte rendu, sénateur.

Le ministre a dit qu'il ne sait pas exactement comment le prix du pétrole serait estimé, mais ses chiffres sont fondés sur une remontée du prix.

La planète entière sait que, dans la foulée de l'accord sur le programme nucléaire conclu entre l'Iran et les États-Unis, les 20 millions de barils de pétrole qui gisent en Iran seront mis sur le marché. En outre, les Saoudiens ont dit qu'ils n'ont pas l'intention de réduire leur production ou de renoncer à leur part du marché mondial du pétrole.

Ce que je veux que le gouvernement me dise, c'est quelles mesures seront prises pour initier cette remontée du prix indispensable pour pouvoir financer les mesures dont vous parlez.

La sénatrice Fraser : Exactement.

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme vous le savez, le ministre des Finances a établi des cibles et des paramètres à la suite d'études extrêmement sérieuses et d'une analyse approfondie. Il en résulte un plan d'action qui stimulera la création d'emplois et qui a été chaudement applaudi par l'ensemble des acteurs de la société canadienne. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a notamment déclaré ceci, et je cite :

La FCEI accorde un « A » au budget fédéral 2015-2016 : réduction d'impôt importante pour les PME. Les propriétaires de petites entreprises seront plus qu'heureux de constater les mesures favorables dans ce budget 2015-2016, en particulier la réduction de 18 p. 100 de leur taux d'imposition au cours des quatre prochaines années. Cela s'ajoute à l'allègement des cotisations à l'assurance-emploi, de nouvelles mesures pour aider les frais de carte de crédit et des mesures législatives sur l'équilibre budgétaire.

De plus, la Fédération canadienne des municipalités a salué le budget, particulièrement en ce qui concerne l'investissement en faveur des transports en commun. Elle a dit ce qui suit, et je cite :

[Traduction]

L'investissement dans le transport collectif contenu dans le budget a de quoi réjouir les Canadiens, car il représente un progrès important à l'égard d'un problème qu'ils doivent affronter jour après jour [...] Ce niveau soutenu de financement, sur une base permanente, pourrait transformer le transport collectif dans l'ensemble du pays.

[Français]

Le maire de Toronto — je sais que vous l'appréciez beaucoup — s'est exprimé ainsi :

[Traduction]

[...] c'est un grand pas en avant pour Toronto et le Canada.

C'est une bonne nouvelle pour Toronto et toutes les villes canadiennes.

[...] le gouvernement fédéral s'est engagé à créer un fonds dédié à l'investissement dans le transport en commun.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Carignan : La Fédération canadienne des contribuables applaudit le budget fédéral de 2015-2016. Elle dit qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César et que le gouvernement Harper a su être suffisamment discipliné pour rétablir l'équilibre budgétaire.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne voudrais pas vous citer l'ensemble des propos qui font l'éloge de ce budget, mais j'espère que vous pourrez en prendre connaissance et que vous déciderez avec enthousiasme d'appuyer le budget de 2015-2016. J'essaie de retenir tout élément de partisanerie, mais je vois mal comment vous pourriez voter contre ce budget.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Honorables sénateurs, dans tous ces propos, je n'ai entendu aucune réponse à ma question. Au cours de ses travaux, le gouvernement a utilisé les expressions « période d'incertitude économique » et « économie mondiale qui demeure fragile depuis près d'une décennie » pour parler de la conjoncture économique actuelle. Or, dans ce budget, il a décidé de réduire le fonds de prévoyance de 3 milliards de dollars, qui sert à faire face à des conditions économiques très difficiles. Ainsi, il le réduira de 2 milliards de dollars au cours de la prochaine année, et de 1 milliard de dollars de plus l'année suivante, ce qui signifie que ce fonds disparaîtra.

Le leader du gouvernement peut-il expliquer aux Canadiens pourquoi nous devons faire preuve de prudence sur le plan financier en raison de la situation économique, alors que parallèlement, le gouvernement réduit considérablement le fonds de prévoyance d'une manière qui va à l'encontre de la prudence financière qu'il préconise lui-même?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, le budget du fonds de prévoyance demeure en place pour parer aux situations imprévues. Le Plan d'action économique de 2015 est un budget équilibré, comme nous l'avions promis. C'est un budget qui stimule la création d'emplois et la croissance, qui rendra le Canada plus compétitif en permettant à des entreprises créatrices d'emplois de prospérer, et ce, en effectuant de nouveaux investissements en faveur d'emplois hautement qualifiés qui répondront aux besoins des employeurs.

Sénateur, l'adoption et la création d'un budget représentent un travail d'équipe. C'est un travail qui ne se fait pas seul. Un budget, sénateur, ne s'équilibre pas seul.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Je ne cesse d'entendre des non-réponses, Votre Honneur.

Parlons du budget équilibré et des capacités de gestion financière du gouvernement. Sous la direction de M. Harper, la dette fédérale a augmenté de 150 milliards de dollars, alors que sous les gouvernements de M. Chrétien et de M. Martin, elle avait diminué de 90 milliards de dollars. Le ministre des Finances veut tellement faire valoir la bonne foi du gouvernement en ce qui concerne les questions budgétaires qu'il prétend que, sous le règne des conservateurs, la dette fédérale a diminué de 37 milliards de dollars avant la récession mondiale.

Par contre, lorsqu'il a dévoilé ce chiffre, il n'a pas dit à la population qu'il a inclus dans son calcul la réduction de la dette annoncée dans le budget de 2005-2006 du gouvernement libéral précédent.

Donc, vous parlez d'un tour de passe-passe...

Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

La sénatrice Fraser : C'est une bonne expression.

Le sénateur Tkachuk : Nous n'avons pas dépensé cet argent.

Le sénateur Moore : Alors, monsieur le leader, ce n'est pas vrai...

Le sénateur Tkachuk : Si, c'est vrai.

Le sénateur Moore : ... et le prétendu excédent actuel marqué d'un astérisque équivaut à moins de 1 p. 100 de la dette que le premier ministre a accumulée depuis qu'il est arrivé au pouvoir. Je souligne que l'endettement s'est fait sans le consentement du peuple canadien. Rappelez-vous que le gouvernement a retiré cette disposition des lois du Canada.

Pour arriver à un supposé excédent, le gouvernement a vendu ses actions de GM à perte. Il a vendu le spectre à large bande. Il a vendu des propriétés de l'État. Il a même bradé l'argenterie du Parlement.

Le leader peut-il expliquer aux Canadiens en quoi cette politique de vente des actifs — parfois à perte — constitue une saine gestion financière?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, le budget de 2015-2016 est un budget équilibré qui tient compte de l'ensemble des opérations, évidemment, et qui prévoit aussi des investissements importants. Je veux simplement vous rappeler que, dans le cadre du plan d'action qui y est lié en matière d'infrastructures pour les collectivités, nous continuerons de consacrer une moyenne de 5,35 milliards de dollars par année aux infrastructures provinciales, territoriales et municipales. À cela s'ajoute un montant de 750 millions de dollars sur deux ans, et, à compter de 2017-2018, un milliard de dollars par année sera octroyé pour la mise sur pied d'un fonds consacré aux transports en commun, qui est nouveau et innovateur, et qui permettra de favoriser les investissements dans les infrastructures de transport en commun d'une manière qui soit abordable pour les contribuables et efficiente pour les utilisateurs. Le plan d'action prévoit également la création d'un nouveau fonds d'infrastructure réservé à la rénovation, à l'expansion et à l'amélioration d'infrastructures existantes dans les collectivités de toutes les régions du pays en vue de la célébration du 150e anniversaire du Canada. En outre, il renforcera la sécurité des collectivités en établissant un nouveau financement permettant d'accroître la sécurité au sein des tribunaux fédéraux, des édifices de services administratifs, et des tribunaux judiciaires partout au Canada.

(1400)

Nous allons également continuer à construire et à renouveler l'infrastructure fédérale, entre autres les écoles situées dans les réserves, notamment par l'entremise d'investissements totalisant 5,8 milliards de dollars sur six ans. Le budget prévoit également l'octroi de 210 millions de dollars sur quatre ans, à compter de 2015-2016, aux activités liées au 150e anniversaire de la Confédération.

Honorables sénateurs, le budget est un tout. Il prévoit d'autres mesures, notamment, pour aider les Canadiens handicapés, pour aider les personnes âgées à bénéficier de leurs REER pour aider les familles canadiennes par l'intermédiaire des dispositions qui ont déjà été annoncées concernant le fractionnement du revenu. Le budget est donc un ensemble. C'est un travail important, et non quelque chose qui s'équilibre tout seul. Nous devons être très fiers de notre ministre des Finances.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Effectivement, c'est une série de mesures et un travail d'équipe, mais je ne pense pas que le ministre des Finances puisse manipuler les chiffres et dire que la dette a été réduite de 37 milliards de dollars avant la récession mondiale grâce à lui. Cette réduction s'est faite avant que votre parti arrive au pouvoir, alors qu'en est-il de l'intégrité? Qu'en est-il de la reddition de comptes?

Quand je vous entends parler de ces programmes... Premièrement, vous parlez d'atteindre l'équilibre budgétaire avec de l'argent que vous n'aviez pas. Vous ne l'avez pas atteint, en fait. Deuxièmement, vous dépensez de l'argent que vous n'avez pas. Vous espérez l'avoir, mais vous ne l'avez pas.

Alors vous réduisez les actifs, et le budget n'est pas équilibré. Vous construisez un état financier avec de l'inconnu, c'est-à-dire avec l'évolution future des cours mondiaux du pétrole. Je pense que n'importe quel Canadien sage et raisonnable a de bonnes raisons de craindre que les marchés financiers ne se fassent pas une très bonne opinion de la gestion financière de l'État fédéral.

Et que nous faudra-t-il payer? Combien nous faudra-t-il payer pour emprunter l'argent dont vous aurez besoin? Qu'est-ce que les Canadiens vont devoir payer? Quels seront les taux d'intérêt? Vous ne le savez pas parce que vos chiffres relèvent de la supercherie.

Expliquez aux Canadiens et au Sénat la nature de la responsabilité financière que vous voulez que le pays assume aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, j'espère que vous appuierez avec enthousiasme la loi sur l'équilibre budgétaire, qui a ramené le déficit de 55,6 milliards, au plus fort de la grande récession, à un excédent prévu de 1,4 milliard pour 2015-2016.

Nous avons remboursé 37 milliards de dollars de la dette avant la grande récession. C'est l'une des principales raisons pour lesquelles le fardeau d'endettement net du Canada est le plus bas parmi les pays du G7 et du G20. Les gens de l'extérieur diront que nous sommes des champions, que nous sommes des gens qui performent, que nous sommes l'exemple à suivre. Ils tiendront les mêmes propos que le Fonds monétaire international, la Banque du Canada et l'Organisation de coopération et de développement économiques, qui prévoit que le Canada affichera la croissance économique la plus importante parmi les pays du G7 au cours des années à venir. Ils diront que le Canada est l'un des seuls pays du G7 à avoir une solide cote de crédit AAA dotée de prévisions stables accordée par les principales agences de notation, Moody's, Fitch et Standard & Poor's.

Ce que les gens diront à l'extérieur du Canada, c'est que nous sommes le meilleur pays au monde. Or, ils voudront sûrement venir ici en grand nombre.

Des voix : Bravo!

L'honorable Céline Hervieux-Payette : J'aimerais revenir à des éléments qui touchent le budget, mais qui ne traitent pas directement de la question de l'équilibre budgétaire.

[Traduction]

Depuis plusieurs années, monsieur le leader, les Canadiens essaient de se remettre de la récession de 2009. L'un des premiers efforts du gouvernement en vue d'aider les Canadiens, sous la pression de l'opposition, a consisté à mettre en œuvre un gros programme visant à stimuler l'économie dans plusieurs domaines clés. On l'a nommé le « plan d'action ». Vous en avez probablement déjà entendu parler.

Dans l'un de ces rapports, le gouvernement conservateur a fourni un index multiplicateur, une liste de chiffres sur l'incidence des dépenses engagées par le gouvernement, c'est-à-dire le rendement de l'argent dépensé. Dans le document publié par le gouvernement en 2010 — que je vous exhorte à consulter — le gouvernement Harper a constaté que les mesures liées à l'impôt des particuliers et à l'impôt des sociétés étaient les moins efficaces pour stimuler l'économie. Il s'agit d'un document publié par le gouvernement. Cela signifie que les réductions d'impôt étaient l'option la moins efficace pour stimuler l'économie canadienne et favoriser sa croissance. Or, hier, le gouvernement Harper a présenté un budget axé principalement sur des réductions d'impôt.

Pouvez-vous expliquer pourquoi le gouvernement, après avoir publié ce que j'appellerais sa « bible » ou son principe directeur, se sert maintenant de réductions d'impôt pour favoriser la croissance de l'économie alors qu'il sait pertinemment — il a même publié un document à ce sujet — que ces réductions seront moins efficaces que toutes les autres options en matière de dépenses?

[Français]

Le sénateur Carignan : La raison est simple. Nous le faisons parce cela fonctionne. Nous avons préféré laisser l'argent dans les poches des contribuables afin qu'ils puissent la dépenser comme bon leur semble au lieu d'adopter la méthode d'un gouvernement libéral, qui taxe davantage les contribuables et consacre plus d'argent à la bureaucratie. Nous laissons l'argent dans les poches des Canadiens. C'est ce que les Canadiens veulent, et cette façon de faire fonctionne, sénatrice.

[Traduction]

La sénatrice Hervieux-Payette : Permettez-moi de revenir au document publié par le gouvernement Harper. Dans la même liste, les dépenses d'infrastructure étaient présentées comme la façon la plus efficace de favoriser la croissance de l'économie. Hier, le gouvernement a effectivement annoncé certaines dépenses dans les infrastructures — et nous nous en réjouissons —, mais nous avons au Canada un déficit de 123 milliards de dollars en matière d'infrastructure, et ce déficit augmente de 2 milliards de dollars par année. Compte tenu de l'ampleur du problème, le montant d'un milliard prévu dans le budget d'hier semble dérisoire, puisque le déficit en matière d'infrastructure va encore augmenter d'un milliard de dollars cette année.

Par conséquent, pourquoi le gouvernement n'investit-il pas davantage dans les infrastructures — ce qui créerait des emplois —, puisque c'est la façon la plus efficace de favoriser la croissance de l'économie canadienne, au lieu de distribuer des cadeaux de Noël en se servant de l'argent pris dans les poches des contribuables?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénatrice, vos questions sont très amusantes. Vous posez cette question au représentant d'un gouvernement qui a adopté le plus important plan d'investissement en matière d'infrastructures de l'histoire du pays.

Les sommes prévues au Plan d'action économique de 2015 s'ajoutent aux investissements. Le milliard de dollars par année qui est prévu, par exemple, pour les transports en commun s'ajoute aux milliards de dollars qui sont déjà prévus dans le Fonds Chantiers Canada. Je vous rappelle que le Fonds Chantiers Canada représente l'engagement le plus long et le plus important en faveur de l'infrastructure fédérale de toute l'histoire du pays. Il met 53 milliards de dollars à la disposition de projets provinciaux, territoriaux et municipaux en matière d'infrastructure. Ce sont des sommes supplémentaires.

Ainsi, votre question, qui sous-entend que le gouvernement n'investit pas dans les infrastructures, est quasi honteuse.

La sénatrice Hervieux-Payette : J'aimerais passer à un autre élément qui traite de la même question.

[Traduction]

Il y a un mois, le gouverneur de la Banque du Canada a qualifié d'« atroce » la performance économique du pays pour le début de l'année. En effet, l'effondrement du cours du pétrole a fait perdre au gouvernement fédéral environ 6 milliards de dollars en recettes fiscales.

(1410)

La Banque du Canada a une fois de plus réduit le taux d'intérêt dans l'espoir de stimuler notre économie languissante. Pourtant, le budget d'hier est moins imposant que d'habitude, car l'objectif se limitait à rétablir l'équilibre.

Le gouvernement de Stephen Harper considère-t-il plus important d'équilibrer le budget que de stimuler l'économie au moment même où la Banque du Canada émet des doutes relativement à la croissance?

[Français]

Le sénateur Carignan : La beauté, sénatrice, c'est que ce plan d'action économique, qui est un budget qui ne se fait pas seul et qui demande donc un exercice important de la part de toute une équipe, est applaudi par de nombreuses organisations.

Lorsque vous parlez de stimuler l'économie, reconnaissez-vous que la Chambre de commerce du Canada a à cœur l'intérêt économique des Canadiens et des petites entreprises? Cette dernière a écrit ce qui suit, et je cite :

[Traduction]

Les mesures visant à appuyer le secteur manufacturier du Canada tombent à point [...] Ce secteur évolue rapidement et il s'apprête à saisir de nouvelles possibilités. Le budget aura une incidence positive sur un secteur qui est prêt à prendre un nouvel essor.

De plus, nous sommes heureux que le gouvernement ait pris en compte les besoins particuliers des petites entreprises [...]

Pour sa part, le Conseil canadien du commerce de détail a dit ceci :

[...] accueille favorablement le budget fédéral qui a été déposé hier et qui continue de réduire le fardeau fiscal des commerçants canadiens. « La mesure qui prévoit l'augmentation de la déduction accordée aux petites entreprises favorisera la compétitivité des détaillants indépendants face à l'implacable concurrence mondiale [...] Les efforts de ce budget viennent s'ajouter aux nombreuses mesures du gouvernement ayant permis de faire passer le taux d'imposition des sociétés de 22 % à 15 %. »

Voici maintenant ce qu'avait à dire l'Association canadienne des producteurs d'acier :

Le budget de 2015 comporte des engagements que notre industrie juge absolument essentiels au renforcement de nos marchés et de nos perspectives d'investissement [...] Le document s'inscrit sous le thème du retour imminent à l'équilibre budgétaire, qui viendra consolider les fondements concurrentiels de l'industrie canadienne de la fabrication. De plus, il prévoit diverses mesures ciblées particulièrement pertinentes pour l'industrie sidérurgique canadienne.

[Français]

Sénatrice, je pourrais continuer ainsi. J'ai rarement vu, depuis que je suis ici, autant d'organisations adresser des félicitations au gouvernement sur la présentation d'un budget. Et cela arrive tous azimuts! Ces félicitations proviennent des familles, des représentants des infrastructures, des représentants des personnes âgées et des représentants des associations de commerce. Elles viennent même des associations de représentants pour les droits d'auteur et la propriété intellectuelle.

Ainsi, sénatrice, si vous ne votez pas en faveur du Plan d'action économique de 2015, je ne sais pas ce qui pourrait vous satisfaire.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Hervieux-Payette : Je dois tout de même vous répéter les mots exacts prononcés par le gouvernement en 2010 :

[Traduction]

Les mesures liées à l'impôt sur le revenu des particuliers et les mesures liées à l'impôt sur le revenu des sociétés ont été désignées comme les moyens les moins efficaces de stimuler l'économie.

Je sais que les gens sont certainement très gentils avec ceux qui leur font des cadeaux.

[Français]

On doit s'assurer de stimuler l'économie canadienne et de créer des emplois pour les jeunes. Un éminent économiste, M. Stiglitz — vous pourrez lire son dernier livre —, croit que les États-Unis sont sortis de leur récession et ont une économie beaucoup plus dynamique que la nôtre, parce qu'ils ont investi dans leur économie au lieu de remettre des cadeaux à leurs citoyens. C'est la même chose pour le Parlement européen, qui a récemment changé sa position et qui était, depuis un bon moment — surtout sous la direction de Mme Merkel —, réfractaire à aller plus loin pour investir dans l'économie. Aujourd'hui, le Parlement européen va pourtant dans cette direction.

Alors ma question est la suivante...

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Malheureusement, honorables sénateurs, le temps prévu pour la période des questions est écoulé.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-2, suivie de la motion no 98, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-32, suivie de tous les autres articles dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Dagenais, appuyée par l'honorable sénateur Maltais, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole au sujet du projet de loi C-2, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Je cite le sommaire de ce projet de loi :

Le texte modifie la Loi réglementant certaines drogues et autres substances en vue, notamment, de :

a) créer un régime d'exemption distinct pour les activités comportant l'utilisation d'une substance désignée [...] [obtenue] d'une manière non autorisée sous le régime de cette loi;

b) préciser les raisons pour lesquelles une exemption peut être accordée [...];

c) prévoir ce que doit recevoir le ministre de la Santé avant qu'il n'examine une demande d'exemption à l'égard d'un site de consommation supervisée.

Honorables sénateurs, je veux d'abord remercier le sénateur Campbell de son exposé d'hier, fort éloquent et passionné. Notre collègue est bien au courant de ce dossier et il s'est exprimé en se fondant sur son expérience personnelle.

Ma propre expérience est liée aux utilisateurs, et je voudrais vous en faire part.

Nous vivons dans un pays très riche. Je viens d'une ville très prospère, Vancouver, qui est probablement l'une des plus belles villes du monde. J'ai évidemment un parti pris. Cela dit, je suis très gênée aujourd'hui de dire que je viens aussi d'une ville où le nombre de sans-abri est en croissance. Aucun Vancouvérois ne saurait se réjouir de cette situation. En fait, j'en suis très gênée.

Parfois, lorsqu'il fait très froid la nuit, je me promène avec des travailleurs de rue afin de trouver des refuges ou d'aider les sans-abri à en trouver. Je vois alors des personnes qui dorment presque directement sur le pavé, dans des rues sales, et qui ont très peu d'effets personnels. Plusieurs de ces sans-abri ont des problèmes de dépendance. Parfois, lorsque ces personnes veulent se donner une injection, les travailleurs de rue tentent de les convaincre de se rendre à un centre d'injection propre afin d'au moins éviter d'être infectées par l'injection.

Honorables sénateurs, nous vivons dans l'un des plus riches pays du monde. Si nous ne pouvons pas nous occuper des plus démunis au sein de nos collectivités, nous aurons beaucoup de comptes à rendre.

Je collabore étroitement avec l'organisme Pivot, dont la devise est « l'égalité aide tout le monde ». Pivot, qui est très proche des sans-abri et qui est très respecté à Vancouver, a décrit ce qu'est un centre d'injection supervisée. Selon cet organisme, les centres d'injection supervisée sont des établissements de soins de santé spécialisés où les personnes qui s'injectent des drogues peuvent avoir accès à des services de réduction des méfaits, être acheminées vers d'autres services de santé, y compris des services de désintoxication, et bénéficier du soutien d'infirmières ayant reçu une formation leur permettant de reconnaître et de traiter les symptômes de surdose.

(1420)

Il existe plus de 70 établissements de soins de santé du genre dans le monde, mais un seul au Canada. Au centre Insite de Vancouver, il y a eu 1 418 cas de surdose entre 2004 et 2010, sans qu'un seul décès ne soit enregistré. Beaucoup de ces cas auraient pu être fatals s'ils étaient survenus ailleurs qu'au centre.

Le centre Insite a été créé pour répondre à une urgence de santé publique. Les recherches menées sur une période d'une décennie et les nombreuses preuves fournies par des établissements semblables dans le monde confirment que les services d'injection supervisée sont efficaces et nécessaires.

Le centre Insite est un établissement de santé situé dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver. Les personnes qui consomment des drogues par injection intraveineuse peuvent y accéder à des services de réduction des méfaits, être acheminées vers d'autres services de santé, y compris des services de désintoxication, et profiter du soutien d'infirmières ayant reçu une formation leur permettant de reconnaître et de traiter les symptômes de surdose.

Comme je l'ai déjà mentionné, il y a eu 1 418 cas de surdose au centre Insite entre 2004 et 2010.

Honorables sénateurs, Insite est un endroit où des personnes ont une chance de vivre. Le centre a pour but de soustraire les clients, appelés « participants », et le personnel, pendant qu'ils sont à l'intérieur de ses murs, à l'application de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, parce qu'autrement ces personnes seraient passibles de sanctions pénales pour la possession de drogues illicites, ou pour leur possession en vue d'en faire le trafic. L'interdiction criminelle visant les drogues continue de s'appliquer normalement à l'extérieur du centre, comme partout ailleurs au Canada.

Cet article du projet de loi et le pouvoir discrétionnaire du ministre d'accorder des exemptions en vertu de cette disposition ont fait l'objet de la cause Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, entendue par la Cour suprême du Canada en 2011. Dans la cause Insite, la cour a jugé que le pouvoir discrétionnaire du ministre était restreint par l'article 7 de la Charte des droits et libertés, qui porte sur la vie, la liberté et la sécurité des personnes, en l'occurrence les consommateurs de drogues injectables, et que des exemptions doivent toujours être accordées, sauf dans des circonstances exceptionnelles. La cour a aussi précisé certains facteurs dont le ministre devrait tenir compte à l'avenir.

Honorables sénateurs, je ne vais pas formuler de remarques sur l'objet du projet de loi parce que nous allons l'étudier. Il serait préférable de formuler des observations après avoir entendu les témoins. Cela dit, je vais vous dire ce que le centre Insite fait. Il sauve des vies.

Insite a ouvert ses portes en 2003. L'évaluation scientifique de ce centre a été faite par des chercheurs du Centre d'excellence sur le VIH-sida de la Colombie-Britannique et de la faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique. Les résultats de l'évaluation ont été présentés dans plus de 30 articles examinés par des pairs dans des revues scientifiques et médicales de renommée internationale.

Le centre Insite réduit les activités liées à la transmission du VIH ainsi que les risques de surdose. Il facilite l'accès au traitement de la toxicomanie, il contribue à la sécurité publique, il accroît les soins médicaux dans le cas d'infections liées aux injections, il améliore la sécurité des femmes qui consomment des drogues, il n'entraîne pas d'augmentation de l'usage de drogues ou de crimes connexes, il permet d'économiser les deniers publics et il sauve des vies.

Honorables sénateurs, si vous étiez originaires de ma ville, vous apprécieriez tous le travail accompli par Insite.

J'ai bien réfléchi à ce que je pourrais dire au sujet de ce centre. Je ne suis pas issue du milieu médical. Par conséquent, je m'en remets à des personnes qui ont des connaissances médicales et qui ont parlé de ce que fait Insite.

Le Dr Perry Kendall est médecin-conseil provincial de la Colombie-Britannique. La Dre Patty Daly est médecin hygiéniste en chef et le Dr John Carsley est médecin hygiéniste, tous deux pour l'unité de services de santé Vancouver Coastal. Voici ce qu'ils avaient à dire au sujet du projet de loi C-2 dans un article intitulé « De la supervision et non du mépris » :

Si ce projet de loi devient loi, il pourrait entraîner la fermeture du centre Insite à Vancouver et empêcher d'autres centres d'ouvrir. Nous craignons le pire pour les toxicomanes et nos villes...

Honorables sénateurs, voici maintenant ce qu'ils ont dit le 31 mars 2015 :

Le 23 mars, le projet de loi fédéral C-2 — la Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances — a été adopté à la Chambre des communes. Une prolongation d'un an a récemment été accordée au centre de consommation supervisée Insite à Vancouver en vertu de la loi en vigueur, mais, si le projet de loi C-2 devenait loi, il se pourrait que le centre Insite ferme et qu'il devienne presque impossible d'ouvrir de nouveaux centres dans d'autres villes. Le gouvernement conservateur a intitulé cette mesure législative « Loi sur le respect des collectivités », mais « Loi sur le mépris de la santé des collectivités » serait plus juste comme titre.

La mesure législative énonce les conditions à remplir pour faire une demande d'exemption au ministre fédéral de la Santé afin de pouvoir ouvrir un centre de consommation supervisée, comme Insite ou la salle d'injection au centre Dr Peter, tous deux à Vancouver. Ce texte législatif est court. Une fois enlevées les définitions et les notes explicatives, il reste plus de 25 articles énumérant les renseignements qu'un demandeur doit fournir.

Selon notre expérience clinique, qui s'étend sur plus de dix ans, et les résultats de nombreuses études sur Insite évaluées par des pairs et publiées dans de prestigieuses revues médicales, nous pouvons affirmer que presque toutes ces exigences sont inutiles et extrêmement coûteuses. Les exigences de la loi visent à justifier le refus des exemptions demandées plutôt que leur approbation.

Par exemple, s'il y a besoin manifeste de ce genre de service de santé publique, on ne sait pas exactement si l'opposition d'un seul groupe pourrait empêcher qu'une exemption soit accordée, ou encore si des données scientifiques démontrant l'avantage net d'un tel service et le potentiel nul de préjudice sociétal pèseraient davantage dans la balance qu'une telle opposition.

Pour vous donner un autre exemple, tout candidat voulant se joindre à l'effectif d'un centre doit présenter un document délivré par un corps policier indiquant que le candidat n'a pas été condamné pour une infraction liée aux drogues, de conspiration, de blanchiment d'argent ou de terrorisme dans les 10 dernières années. Bien que l'effectif soit principalement composé d'infirmières autorisées ayant déjà fait l'objet de vérifications policières afin de pouvoir exercer leur profession, il se peut qu'il compte également des anciens toxicomanes qui ont suivi avec succès un traitement. Les ouvrages scientifiques disent que ces gens sont parmi les meilleurs pairs intervenants. Le projet de loi cherche-t-il à les rendre inadmissibles à ce genre de travail?

La loi est également incompatible avec la décision que la Cour suprême du Canada a rendue en 2011, selon laquelle le refus du ministre d'accorder à Insite l'exemption prévue à l'article 56 ne respectait pas les principes de justice fondamentale et contrevenait à l'article 7 de la Charte des droits et libertés. La cour a également statué que lorsqu'il examinera les demandes d'exemption futures, le ministre devra exercer sa discrétion conformément aux limites imposées par la Charte et tenter « d'établir un juste équilibre entre les objectifs de santé et de sécurité publiques. »

Plus loin, ils disent ce qui suit :

De surcroît, le ministre devrait généralement accorder une exemption lorsque « les éléments de preuve démontrent qu'un centre d'injection supervisée réduira les risques de mort ou de maladie ou encore lorsque rien ne porte à croire que sa présence compromettra la sécurité publique. »

D'après ce que nous avons constaté à Vancouver, ces centres ne contribuent aucunement à la criminalité, ne facilitent pas le détournement de drogue et ne menacent en rien la sécurité communautaire. Ce sont des services de santé. Ils préviennent les décès par surdose, ouvrent la voie à la désintoxication, freinent la propagation du VIH et de l'hépatite, évitent que des seringues usagées ne se retrouvent dans la rue, traitent les blessures et les infections, et réduisent le recours aux services de police, aux ambulances et aux services médicaux d'urgence.

Cette loi n'est qu'une tentative à peine voilée d'interdire les centres d'injection supervisée. Un point c'est tout.

S'il faut absolument légiférer, tâchons de ne pas compliquer les choses : exigeons que l'on obtienne l'autorisation des autorités publiques locales et provinciales, de la municipalité, du service de police local et des ministres provinciaux de la Santé et de la Justice. Si ces autorisations ont été obtenues, le ministre fédéral devrait accorder l'exemption. C'est aussi simple que cela.

Un certain nombre de municipalités canadiennes envisagent d'obtenir une exemption pour un centre d'injection supervisée. L'adoption du projet de loi C-2 aurait pour effet de limiter ces services nécessaires. Voilà qui laisse présager le pire pour la santé de nos villes.

En octobre dernier, le nombre de surdoses fatales causées par l'injection de drogues a connu un essor soudain, mais de courte durée, à Vancouver, lorsque le fentanyl, puissant stupéfiant vendu sur ordonnance, se vendait comme héroïne. Il s'est produit des décès dans la collectivité, mais toutes les personnes qui ont été victimes d'une surdose au centre Insite ont été soignées convenablement et ont survécu. On peut seulement imaginer le nombre de citoyens parmi les plus vulnérables de notre société qui pourraient perdre la vie si le centre Insite fermait ses portes. Souhaitons-nous vraiment que les ruelles et les chambres d'hôtel se remplissent à nouveau de cadavres?

(1430)

Honorables sénateurs, ce n'est pas moi qui le dis; ce sont là les paroles de gens qui travaillent auprès des toxicomanes.

Honorables sénateurs, le sénateur Campbell a parlé du sort des travailleurs du sexe. Si vous le permettez, j'aimerais vous faire part d'une expérience que j'ai vécue. Le vendredi, il m'arrive souvent d'accompagner des intervenants qui travaillent auprès des travailleurs du sexe. J'ai appris énormément de choses au sujet de ma ville en marchant avec ces personnes. J'ai vu des travailleuses du sexe sans abri aller se réfugier dans des guichets automatiques. Elles sont sales et très peu maquillées, et on n'arrive tout simplement pas à comprendre comment des gens peuvent vivre ainsi à Vancouver. J'ai vu que, dans un espace extrêmement restreint, elles parviennent à se laver — je ne sais pas comment elles s'y prennent, car il n'y a pas d'eau à cet endroit —, à se maquiller, à s'habiller et à se préparer en vue d'exercer leur métier. J'ai vu des intervenants aller à la rencontre de ces personnes et les convaincre de se rendre au centre Insite pour s'injecter de la drogue en toute sécurité avant d'aller au travail.

Ce projet de loi va empêcher les résidants les plus vulnérables de ma ville d'obtenir l'aide dont ils ont besoin pour lutter contre leur dépendance.

Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour accorder cinq minutes de plus à la sénatrice Jaffer?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Jaffer : Honorables sénateurs, je tiens à vous rappeler encore une fois que nous avons bien de la chance. Nous vivons en effet dans l'un des pays les plus riches du monde, qui regorge de ressources. Nous avons le pouvoir d'assurer la sécurité des plus vulnérables de la société. N'oublions pas ceux qui ont besoin de notre aide.

Merci beaucoup.

(Sur la motion de la sénatrice Hubley, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la Charte des droits des victimes

Fixation de délai—Adoption de la motion

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 21 avril 2015, propose :

Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.

— Honorables sénateurs, je souhaite aujourd'hui parler de la motion de fixation de délai no 98, grâce à laquelle le débat à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-32 sera efficace et ne s'étirera pas indûment. Cette mesure législative d'initiative ministérielle d'une grande importance, le projet de loi C-32, remet les victimes au cœur de l'appareil judiciaire en faisant le nécessaire pour qu'elles soient traitées équitablement et avec le respect qu'elles méritent. Nous ne pourrions pas choisir de meilleur moment, en cette Semaine nationale de sensibilisation aux victimes d'actes criminels, pour reconnaître les efforts et le labeur des victimes et de ceux qui en défendent les intérêts, car ils se battent depuis bien des années pour que les choses changent au Canada.

À la Chambre des communes, la première lecture du projet de loi C-32 a eu lieu le 3 avril 2014. Le projet de loi a été présenté par le ministre de la Justice et procureur général du Canada, l'honorable Peter MacKay. Après l'étape de la deuxième lecture, qui s'est conclue le 20 juin 2014, le projet de loi a été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Le rapport du comité a été présenté le 3 décembre 2014, et le projet de loi a été agréé à l'étape du rapport le 4 février 2015, pour être finalement adopté à l'étape de la troisième lecture le 23 février.

La première lecture du projet de loi C-32 au Sénat a eu lieu le 24 février 2015 et la deuxième lecture a débuté le 26 février, soit deux jours plus tard. Le projet de loi a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, où il a été étudié en profondeur durant quatre réunions.

Ce matin, lors des discussions au sujet du plumitif, nous n'avons pu en arriver à une entente sur l'attribution de temps dans le cas du projet de loi C-32. Par conséquent, cette motion destinée à attribuer un maximum de six heures au débat sur le projet de loi C-32 à l'étape de la troisième lecture est une mesure importante que nous prenons afin d'éviter d'autres retards, tout en prévoyant un maximum de six heures de débat à cette étape. J'exhorte donc tous les honorables sénateurs à adopter la motion.

Merci.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Frank Sinatra a enregistré une chanson qui s'intitulait « Here We Go Again ».

Si j'ai bien compté — et qui sait, j'en ai peut-être oublié —, c'est la quatorzième fois au cours de la présente session du Parlement que le gouvernement juge bon de donner préavis d'une motion de fixation de délai. Or, dans la majorité des cas, cette mesure était inutile et malavisée.

Je n'ai rien entendu pour me convaincre de la nécessité de recourir maintenant à la fixation de délai relativement à ce projet de loi.

Il est vrai que nous soulignons cette semaine la Semaine des droits des victimes, mais il s'agit d'une semaine, d'une date dans le calendrier. Je ne dis pas que cette semaine n'est pas importante pour ce qui est de reconnaître les droits des victimes. Toutefois, si nous voulons que les mesures législatives fassent davantage qu'accorder une reconnaissance symbolique à certains groupes, c'est une toute autre affaire et, à mon avis, il ne faut pas précipiter les choses.

Sénatrice Martin, vous avez dit que la fixation de délai a été imposée relativement au projet de loi deux jours après que nous l'ayons reçu, avant même que le porte-parole ait eu la chance d'intervenir au sujet de cette mesure. Le comité a effectivement examiné ce projet de loi et j'ai assisté à ses réunions. Le comité aurait pu faire bien davantage, mais on ne lui en a pas donné l'occasion.

Pourquoi le faisons-nous cette semaine? À mon avis, nous le faisons principalement à des fins de relations publiques du gouvernement et je ne pense pas que ce soit une bonne raison pour faire fi des pratiques et des responsabilités fondamentales du Sénat.

Nous savons que cette motion sera adoptée, car nous savons compter. Dans ce cas-ci toutefois, je pense que l'attribution de temps est une mesure irréfléchie, inutile et, en fait, embarrassante.

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénatrice Martin, avec l'appui de l'honorable sénatrice Marshall, propose que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois.

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : Les oui l'emportent.

La sénatrice Fraser : Avec dissidence.

Son Honneur le Président intérimaire : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

Troisième lecture—Motion d'amendement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boisvenu, appuyée par l'honorable sénateur Runciman, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-32, Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois;

Et sur la motion d'amendement du sénateur Joyal, C.P., appuyée par la sénatrice Ringuette, que le projet de loi C-32 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié

a) à l'article 2, à la page 8 :

(i) par adjonction, après la ligne 8, de ce qui suit :

« (2.1) L'autorité visée au paragraphe (2) a le pouvoir :

a) d'exiger du ministère, de l'agence ou de l'organisme fédéral qu'il produise les renseignements et documents pertinents relativement à la plainte;

b) de recommander et d'ordonner la prise de mesures visant à corriger les violations ou négociations — ponctuelles ou systémique — d'un droit prévu par la présente loi. »,

(ii) par suppression des lignes 32 à 39;

b) à l'article 24 :

(i) à la page 22, par suppression des lignes 42 et 43,

(ii) à la page 23, par suppression des lignes 1 à 6.

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, je suis désolée. Je me suis préparée pour plus d'une intervention. Voilà pourquoi je voulais utiliser notre temps à bon escient.

(1440)

[Français]

En fait, je n'ai pas apporté les documents fournis par le ministère de la Justice, qui représentaient plus de 600 pages et qui expliquaient le projet de loi, parce que j'aurais dû faire plus de poids et altères. Je dois vous dire qu'aucun budget fédéral n'a été étudié à l'aide d'une littérature de cette envergure. Je trouve assez aberrant que l'on essaie de vendre une politique qui est, en fin de compte, comme le disait ma collègue auparavant, un exercice de relations publiques. J'aurai l'occasion de revenir plus en profondeur sur des éléments spécifiques.

Même si j'avais passé toutes mes nuits à lire les 600 ou 700 pages, je ne crois pas que j'en serais venue à une conclusion différente, puisque le projet de loi en soi n'est pas d'une envergure extraordinaire en termes d'articles, sauf qu'il contient tout de même des mesures qui empiètent, en bonne partie, sur les compétences provinciales.

Je rappelle à mes collègues qui connaissent un peu le système juridique du Canada que l'administration de la justice est d'abord et avant tout du ressort des provinces. Donc, actuellement, si le gouvernement fédéral met une somme que je qualifierais de modeste à la disposition des provinces, ces dernières sont celles qui contribuent le plus à amoindrir les difficultés que les victimes peuvent encourir.

J'ai été en contact avec certaines provinces, et j'ai examiné aussi ce qui se passait dans d'autres pays. J'aurais souhaité que ce projet de loi représente un grand pas en avant, puisque je partage les objectifs de mon collègue, le sénateur Boisvenu, en adoptant le fondement du principe d'une aide aux victimes plus généreuse qui permettrait de contrer les effets négatifs d'incidents qui frappent des gens de tout âge et de tous les milieux. Ce projet de loi, et encore moins le gouvernement, ne tient pas compte de ces objectifs. Je n'ai pas vu dans le budget qui nous a été présenté hier des enveloppes importantes destinées à des compensations.

En ce qui concerne l'indemnisation, généralement, les criminels n'ont pas d'argent. Les plus riches œuvrent dans le domaine financier, domaine que je connais assez bien. Il arrive que l'on retrouve un peu d'argent détourné, comme on l'a vu dans certains cas exemplaires au Québec. Cependant, dans la plupart des cas, ce sont plutôt des agressions sur des personnes, et les victimes sont souvent incapables de travailler. On parle donc d'une indemnisation liée au travail, à tous les chambardements dans la vie de ces personnes, qui peuvent durer des années.

Si je compare notre système de droit à celui des États-Unis, je peux vous dire que nous faisons figure d'enfant pauvre au chapitre des compensations pour la perte de jouissance de la vie à la suite d'agressions ou d'actes criminels au Canada. On ne peut pas dire que la vie a le même prix au Canada qu'aux États-Unis.

Mes collègues et moi étions disposés à étudier ce projet de loi de façon sérieuse. Des organisations extrêmement prestigieuses, y compris le Barreau canadien, dont le seul but est d'assurer la qualité de notre droit et la qualité de nos lois, y ont trouvé plusieurs lacunes, et ils ne sont pas allés dans les détails en ce qui a trait à l'indemnisation.

Honorables sénateurs, il est incroyable que l'on soit forcé de limiter le débat sur ce projet de loi, alors qu'il s'agit d'un projet de loi fondamental pour les victimes. Les victimes seront déçues si le projet de loi est adopté tel quel. J'appuie les amendements proposés par le sénateur Joyal qui, en toute urgence, a daigné au moins parer au plus pressé en disant que, dans certains cas, il faut que les choses soient faites de façon légale. C'est d'ailleurs en partie ce que le Barreau canadien affirme également. On ne veut pas que ce projet de loi devienne un autre objet de contestation.

Le projet de loi C-32 est un projet de loi émanant du gouvernement. Je trouve donc étrange que la question constitutionnelle ne soit pas soulevée de façon plus sérieuse. Les témoins nous ont beaucoup parlé des victimes. Nous n'avons pas beaucoup discuté de cet aspect, mais, je crois que le fait d'établir une comparaison entre la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits des victimes, c'est ignorer les fondements mêmes de notre droit et, surtout, c'est donner une fausse information à des victimes qui sont déjà blessées à la fois moralement et physiquement dans plusieurs cas.

J'aurais préféré étudier ce projet de loi plus en profondeur avec mes collègues. Le projet de loi a peut-être été adopté à toute vitesse à la Chambre des communes. J'ai vu les propos de mes collègues libéraux. Il ne faut pas croire que nous ne partageons pas la même philosophie qu'eux parce que nous ne participons pas aux travaux du caucus.

Bref, dans le cas présent, il faudrait au minimum adopter les amendements proposés avant de renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes, parce que, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne convient pas du tout et qu'il décevra de manière incroyable les victimes, qui attendent le redressement auquel elles ont droit.

Chers collègues, je vais certainement m'opposer à cette motion de fixation de délai de six heures. C'est indécent. Même si des élections auront lieu dans six mois, cela ne justifie pas l'adoption d'un projet de loi qui est l'équivalent du miroir aux alouettes.

[Traduction]

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de l'amendement à la Charte canadienne des droits des victimes. Tout comme hier, je tiens à féliciter notre collègue pour le travail qu'il a accompli dans ce dossier. Il travaille à cette charte depuis de nombreuses années. Je ne veux absolument rien enlever à la valeur du travail qu'il a accompli. Je félicite le sénateur Boisvenu de ce qu'il a fait pour défendre les droits des victimes.

La première fois que j'ai entendu parler de la Charte des droits des victimes, j'étais très enthousiaste, car, selon moi, il était temps qu'on se penche sur les difficultés que rencontrent les victimes dans le système pénal.

Après avoir étudié le projet de loi, je peux dire que je suis très déçue, car il crée de faux espoirs chez les victimes d'actes criminels, des Canadiens vulnérables qui s'attendent maintenant à ce qu'on tienne compte de leurs souffrances et qu'il y ait une certaine forme de réparation au terme du procès.

Après avoir étudié le projet de loi et y avoir beaucoup réfléchi, j'en viens à la conclusion que nous suscitons encore une fois des attentes sans disposer des ressources nécessaires.

J'aimerais aborder quelques aspects, soit le fait que cette mesure législative allongera les procès et la question de l'indemnisation.

(1450)

La charte traite des droits et elle les définit bien. Elle traite du droit d'obtenir des renseignements sur le système de justice pénale, du droit d'obtenir des renseignements sur l'état d'avancement d'une enquête, du droit à ce que la sécurité et la vie privée soient prises en considération, du droit d'être protégé contre l'intimidation et les représailles, du droit de demander des mesures visant à faciliter le témoignage, du droit de donner son point de vue en ce qui concerne les décisions, du droit qu'a la victime de présenter une déclaration, du droit à ce que le tribunal envisage systématiquement la possibilité de rendre une ordonnance de dédommagement, et ainsi de suite.

La charte prévoit tous ces droits, mais qu'en est-il des obligations? En effet, nous savons que le gouvernement fédéral fait adopter des lois, mais que ce sont les gouvernements provinciaux qui sont responsables du fonctionnement du système judiciaire. On crée tous ces droits, mais on n'accorde aucune ressource aux gouvernements provinciaux pour veiller à les faire respecter.

Je ne peux pas parler pour les autres provinces, mais je peux vous dire que, dans ma province, les tribunaux sont complètement bloqués à cause de toutes les lois qui arrivent d'Ottawa. Les juges en chef ne savent vraiment plus quoi faire pour faire fonctionner les tribunaux avec les ressources dont ils disposent.

Et maintenant, tous ces droits ont été créés, ce qui signifie que cela prendra plus de temps avant que les causes soient entendues.

Plusieurs personnes ont témoigné, et je vais citer les propos de Michael Spratt, qui comparaît souvent devant le Comité des affaires juridiques. C'est un criminaliste membre de la Criminal Lawyers' Association. Voici ce qu'il a dit à ce sujet :

Je suis ici au nom de la Criminal Lawyers' Association, ou CLA, un organisme sans but lucratif qui regroupe plus d'un millier d'avocats spécialisés en droit criminel. La CLA a été appelée à participer à bon nombre de procédures d'appel et d'autres procédures judiciaires importantes. Divers comités parlementaires, y compris celui-ci, la consultent régulièrement [...]

La CLA appuie les projets de loi qui sont nécessaires, de portée modeste, équitables, constitutionnels et fondés sur des données probantes. J'aimerais seulement dire d'emblée que les victimes n'ont rien d'abstrait pour les criminalistes. Nous savons que les victimes existent, et nous sommes directement témoins des difficultés auxquelles elles doivent faire face dans le cadre de notre système de justice pénale. C'est pour cette raison que la CLA ne remet pas en question bon nombre des aspects de ce projet de loi. En effet, ce projet de loi ne fait que codifier des droits qui sont déjà en grande partie pris en considération par nos tribunaux, et il ne fait aucun doute que c'est une bonne chose. Cela dit, il y a des aspects de ce projet de loi qui nous préoccupent vivement, et c'est pour cela que la CLA n'est pas en mesure d'appuyer ce qui aurait pu être — et ce qui pourrait probablement être — un projet de loi très utile.

Selon ce qui ressort des témoignages précédents ainsi que de mes échanges avec les victimes, il est clair que l'extrême lenteur du système de justice pénale est l'un des principaux problèmes auxquels les victimes doivent faire face. Parmi les éléments les plus remarquables de ce projet de loi, soulignons qu'il permettrait aux témoins et aux plaignants de participer davantage au processus en présentant en personne diverses demandes dans le cadre des procédures pénales. À l'heure actuelle, ces demandes sont généralement présentées par la Couronne, dans la mesure de ce qui est raisonnable.

Ce qui me préoccupe dans le fait d'ajouter des procédures à un système de justice que nous savons déjà surchargé, c'est que cela va tout simplement retarder les procédures, y compris les procès et les plaidoyers, de plusieurs jours, semaines ou mois. Les retards constituent déjà un véritable problème. Pas plus tard qu'hier, une juge de la Cour supérieure à Brampton a vivement critiqué les retards insensés auxquels ce tribunal doit faire face. Nous savons que les procès peuvent durer des années, et qu'ils sont extrêmement éprouvants pour les témoins, les victimes, les plaignants, et même pour les accusés qui vivent sous le coup des procédures pénales.

Ce n'est pas parce que les accusés ont trop de droits ni parce que les procès sont en quelque sorte trop équitables. Les tribunaux et les plaideurs s'évertuent à composer du mieux qu'ils peuvent avec les contraintes actuellement imposées au système de justice. Nous recommandons non pas plus de lois, mais plus de financement pour les tribunaux, les plaideurs et les victimes. Je crois que tout le monde en profiterait, et personne n'a intérêt à ce que l'on se décharge des coûts liés à l'application des lois.

Le deuxième aspect dont j'aimerais parler et qui me semble le plus important, c'est l'article 17 du projet de loi. Je n'ai aucun doute que tous ici présents veulent que les procès soient équitables. Or, ces dispositions les rendront inéquitables. Cet article vise évidemment à ajouter de nouvelles dispositions au Code criminel qui non seulement permettent aux témoins de témoigner de façon anonyme, mais qui permettent également de ne pas divulguer tout renseignement qui permettrait d'établir l'identité du témoin. Cela fait également partie des demandes qui peuvent être présentées par un témoin. Cette demande peut être présentée à tout moment au cours des procédures [...]

La façon dont le gouvernement a décrit ces dispositions est quelque peu trompeuse.

Honorables sénateurs, M. Spratt poursuit en disant que les procès subiront des retards si tous ces droits sont accordés sans être assortis d'un financement.

Nana Yanful, une représentante du Conseil canadien des avocats de la défense, a déclaré ceci :

En guise de préambule, je dirai que le conseil reconnaît qu'un système de justice pénale efficace exige que l'on réfléchisse sérieusement aux intérêts des plaignants et des accusés. Il faut financer davantage les programmes d'aide aux victimes au pays, non seulement pour les services de première ligne, mais aussi pour les services de counseling, d'éducation, de soutien et de consultation.

Nous comprenons que le système de justice pénale puisse être un milieu difficile et intimidant pour les plaignants, les témoins et les victimes. Selon nous, il serait utile pour la défense — et pour nous — de bien informer les victimes.

Le sénateur Baker, vice-président de notre comité, a posé la question suivante :

Je saisis les arguments que vous trois nous présentez, ce qui vous préoccupe, [...] le ralentissement de la procédure judiciaire [...] en raison du prolongement du délai dont disposeraient les témoins pour soumettre une demande aux tribunaux.

Si la question revêt autant d'importance, c'est en raison de l'augmentation actuelle, dans toutes les provinces, du nombre de demandes reposant sur l'arrêt Askov, l'application du paragraphe 11(b) de la Charte, qui concerne le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. Des individus sont accusés d'avoir commis les pires crimes. La GRC emploie tout son temps — le chef Vernon White vous le confirmerait — à enquêter sur les actes criminels en vue de la comparution, comme Mme Walker l'a indiqué dès le début, mais le procès traîne deux ou trois ans, alors toutes les accusations sont simplement rejetées. L'accusé est alors libéré — acquitté purement et simplement — parce que le procès a mis trop de temps. Le droit canadien prévoit — et je me demande, monsieur Spratt, si vous pourriez le confirmer — que, de la mise en accusation à la première comparution, au début du procès, il ne faut pas dépasser certains délais définis par la Cour suprême du Canada. Si on les dépasse trop — à cause des demandes et non à cause de l'accusé — bref, à défaut de respecter les délais impartis, l'accusé peut se retrouver acquitté, purement et simplement. Est-ce exact? Il existe des normes définies, et le projet de loi entraînera des délais supplémentaires. Est-ce exact?

M. Spratt a répondu ce qui suit :

C'est exact. Le problème, ce n'est pas que les accusations puissent finir par être suspendues, mais que la mémoire des faits des témoins risque de s'estomper au fil du temps. Pendant ce temps, les plaignants ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Par ailleurs, l'accusé déclaré non coupable peut avoir été soumis à des restrictions aux termes de sa liberté sous caution. Le prolongement des délais n'apporte rien à personne, et aucune partie ne tient à les prolonger, mais c'est la réalité.

Honorables sénateurs, nous sommes en train d'adopter un projet de loi qui ne fera que créer davantage de problèmes aux victimes.

J'aimerais que nous nous penchions aussi sur la notion de dédommagement. Le sénateur Baker a posé de nombreuses questions sur le dédommagement. Je pourrais continuer longtemps à vous lire les déclarations de témoins. Ce que j'ai compris, c'est qu'il y aura dédommagement uniquement si un préjudice financier a été causé, par exemple, comme la sénatrice Batters l'a mentionné hier, si une vitre est brisée ou s'il y a un problème lié au transport.

(1500)

Le juge ne pourra pas vérifier si la personne est en mesure de payer. Par conséquent, à la fin du procès de la personne reconnue coupable, le juge pourra rendre une ordonnance de dédommagement. Cela ne signifie pas que la victime recevra immédiatement de l'argent. Elle devra faire enregistrer la demande de dédommagement auprès d'un tribunal civil. Ceux d'entre nous qui ont l'expérience de telles causes savent que cela ne vaut pas le coup de tenter d'obtenir un dédommagement de quelques milliers de dollars dans une cause civile, parce que vous devez non seulement faire enregistrer la demande mais aussi embaucher un agent de recouvrement, avec le résultat qu'au bout du compte il risque de ne plus rester d'argent. La victime perd ainsi de l'argent.

Honorables sénateurs, en cette Semaine des droits des victimes, nous parlons de protéger les droits des victimes et de prévoir un dédommagement sans disposer des fonds appropriés ou sans songer sérieusement à la façon dont les victimes vont recouvrer cet argent. Ne leur donnez pas de faux espoirs. Ce n'est pas notre rôle.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je n'avais pas l'intention de prendre la parole relativement à ce projet de loi, mais j'ai écouté attentivement la personne qui a pris la parole avant moi et elle a soulevé un point qui est lié au projet de loi et que nous devrions souligner afin que les groupes de défense des droits des victimes qui traiteront de ce dossier à l'avenir soient au courant d'un problème particulier.

Je félicite l'auteur de la motion qui a fait de l'excellent travail au nom du gouvernement. Il a défini l'objet du projet de loi et il s'est acquitté de ses responsabilités conformément aux volontés du gouvernement et aux dispositions de la loi. Toutefois, après avoir écouté le sénateur Joyal et la sénatrice Jaffer s'exprimer relativement au projet de loi, il convient de répéter non pas que le projet de loi doit être rejeté, mais que certains avertissements doivent être formulés clairement, comme ce qui vient d'être souligné concernant le dédommagement.

Tous les témoins se sont réjouis que la rubrique s'intitule « Droit au dédommagement ». Certains témoins ont dit qu'ils étaient très heureux d'apprendre qu'après avoir subi tous ces dommages, ils verraient enfin inscrit dans la loi le droit à un dédommagement. Le mot « dommages » a été remplacé par le mot « dédommagement ». Voici ce qu'on peut lire aux articles 16 et 17 du projet de loi :

16. Toute victime a le droit à ce que la prise d'une ordonnance de dédommagement contre le délinquant soit envisagée par le tribunal.

17. Toute victime en faveur de laquelle une ordonnance de dédommagement est rendue a le droit de la faire enregistrer au tribunal civil à titre de jugement exécutoire contre le délinquant en cas de défaut de paiement.

Ce qui pose problème dans ce cas, c'est ceci : si une personne fait enregistrer une ordonnance au tribunal civil à titre de jugement exécutoire pour des dommages, à quoi doit-elle s'attendre? Ceux qui s'y connaissent bien en poursuites civiles en dommages-intérêts savent que, en cas de lésions corporelles, il existe quatre types de dommages.

Premièrement, il y a les dommages non pécuniaires ou généraux, qui comprennent la douleur, les souffrances et la perte de la jouissance de la vie. Cela signifie que la personne n'est pas en mesure de faire les choses qu'elle faisait avant d'être blessée. Ces dommages comprennent également les dommages psychologiques. Pour ce type de dommages, qu'on appelle habituellement les dommages généraux ou non pécuniaires, une somme pouvant atteindre environ 380 000 $ peut être accordée. Il y a 40 ans, cette somme était de 180 000 $. Je m'en souviens très bien, car j'ai consulté certains jugements. Maintenant, le montant maximal peut atteindre 380 000 $. En général, les règlements relatifs aux dommages généraux ou non pécuniaires se situent entre 40 000 $ et 50 000 $, sans qu'il soit nécessaire de tenir de procès.

Deuxièmement, il y a les dommages pécuniaires, qui incluent la perte de revenus à partir du moment où l'incident s'est produit jusqu'au procès. Ensuite, on essaie de prévoir quelle sera la perte de revenus à l'avenir. Sur quels critères s'appuie-t-on? On ne s'appuie pas sur le critère de la prépondérance des probabilités, mais plutôt sur une simple probabilité. Une évaluation est parfois effectuée, et elle donne lieu à des chiffres globaux, comme on les appelle. Ainsi, on détermine, par exemple, que les dommages subis par la personne auront une incidence sur son revenu et la priveront d'environ 10 p. 100 du revenu qu'elle aurait pu s'attendre à gagner jusqu'à ce qu'elle ait 62 ou 65 ans. En additionnant tout cela, on arrive à la moyenne que vous voyez, sans tenir de procès. Si la personne est un professionnel qui gagne un revenu élevé, il arrive parfois que le montant atteigne 1 million de dollars.

Le troisième type de dommages concerne le coût des soins de santé futurs, comme les soins chiropratiques, la massothérapie, les médicaments sans ordonnance et toutes les autres choses du genre dont la victime pourrait un jour ou l'autre avoir besoin.

Le quatrième type, ce sont les intérêts antérieurs au jugement qui s'accumulent jusqu'au paiement du dédommagement.

Voilà les quatre types de dommages. Malheureusement, certains témoins croyaient qu'ils toucheraient un dédommagement au titre de la rubrique « Droit au dédommagement » du projet de loi, qui constitue un de ses éléments majeurs. Eh bien, comme vous le savez, honorables sénateurs, on ne peut toucher de dédommagement sans soit un accord entre les parties, soit un procès où chaque catégorie de dommages sera examinée attentivement.

Pensons en particulier à l'entretien de la maison, comme sortir les poubelles ou pelleter ou je ne sais quoi, dont la victime peut ne plus être en mesure de se charger comme auparavant. Dans l'ensemble, les dommages de cet ordre entraînent un dédommagement de 1 500 $ à 2 000 $ à l'issue d'une entente hors cour.

Or, si j'en parle, c'est parce que le droit au dédommagement dont il est question dans le projet de loi n'a rien à voir avec cela. Il s'agit là d'un dédommagement au titre, si je ne m'abuse, de l'article 738 du Code criminel, mais je peux me tromper. Cet article régit les dispositions du Code criminel relatives au dédommagement. Autrement dit, dans une affaire de fraude, il y a un procès, pendant lequel il faut absolument prouver que la fraude a entraîné une perte pour quelqu'un. La perte est déterminée, le jugement est rendu, puis une ordonnance de dédommagement est émise au montant des dommages qu'a causés le geste frauduleux. C'est le montant du dédommagement. Il faut utiliser la formule 14 du Code criminel, celle-là même que reprend le projet de loi. Elle ne comporte que quatre lignes, c'est tout. C'est simple en ce sens que le procès permet de déterminer à combien s'élèvent les dommages.

L'autre cas où le Code criminel prévoit un dédommagement, c'est lorsque quelqu'un entre dans une entreprise par effraction pour commettre un cambriolage et qu'il y cause des dommages. Le juge rendra une ordonnance de dédommagement de, disons, 14 $ ou 15 $ pour le remplacement d'une fenêtre. Le montant est facile à déterminer, car il est tiré du procès ou des reçus soumis relativement aux dommages causés. Il s'agit de quatre lignes sous la rubrique « Droit au dédommagement ».

La formule 14 se trouve, si je ne m'abuse, à l'article 738. C'est à ce genre de dédommagement que s'applique l'article.

On peut vous payer vos titres de transport en autobus pour vous rendre au procès. On peut vous payer des choses qu'on peut déjà se faire rembourser en produisant un reçu. Cependant, il y a un problème. Je vais me taire après. J'ai déjà trop parlé à ce sujet.

(1510)

Voici quel est le problème, honorables sénateurs. Si vous acceptez une ordonnance de dédommagement et la déposez auprès d'un tribunal civil, mais que la personne visée par cette ordonnance fait appel à un avocat et demande : « Que vais-je faire? Il y a une ordonnance de 10 000 $ contre moi. » l'avocat dira : « Trouvez les 10 000 $, ou les 2 000 $. Versons les 2 000 $. La cour l'ordonne. » Que se passe-t-il? Un chèque est remis et une ordonnance libératoire est signée. Que veut dire cette ordonnance? Elle signifie que la personne est libérée de tous les dommages-intérêts qui pourraient découler d'un procès au civil. C'est normal. Dès lors que vous remettez un chèque, il y a ordonnance libératoire, et c'est là qu'est le problème.

Les organismes qui défendent l'idée de l'ordonnance de dédommagement dans ce projet de loi doivent savoir que, s'ils décident d'aller dans cette direction, ils pourraient faire perdre une possibilité d'obtenir ultérieurement une somme qui refléterait véritablement le tort qui a été fait à la victime. Il pourrait s'agir d'un tort physique ou psychologique, mais, en acceptant l'ordonnance de dédommagement et en signant la libération, comme cela se fait normalement — et les avocats sont au courant pour l'ordonnance libératoire —, vous renoncez à votre droit d'intenter d'autres poursuites. Je pense que c'est important de le dire pour que les organismes qui défendent les droits des victimes, qui sont là pour les aider, sachent que, en empruntant cette voie, en signant une ordonnance libératoire, vous courez aussi le risque de ne pas pouvoir obtenir les dommages-intérêts auxquels toutes les victimes devraient avoir droit.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, à l'instar de la sénatrice Jaffer, je vais commencer par dire que j'ai énormément de respect pour le travail que le sénateur Boisvenu accomplit depuis de nombreuses années afin d'appuyer les victimes. On ne peut qu'être rempli d'humilité quand la douleur subie à la suite d'un drame personnel encourage une personne à travailler sans relâche pour défendre une bonne cause. D'autres sénateurs y sont parvenus, y compris la sénatrice LeBreton, la sénatrice Batters et le sénateur Dallaire, et il y en a sûrement d'autres. Dans tous les cas, il faut une force exceptionnelle et une détermination inébranlable pour faire ce qu'ils font, pour défendre ce qui est juste. Ils méritent et ils ont notre respect et notre gratitude.

Avant même son arrivée au Sénat, je sais que le sénateur Boisvenu s'est longtemps battu pour que l'on adopte une mesure comme ce projet de loi. Je ne puis qu'admirer la ténacité dont il a fait preuve à l'égard de cette cause.

Cependant, le sénateur Boisvenu a fait, hier, une déclaration que je désapprouve vivement. Il a dit ceci : « Honorables sénateurs, en adoptant le projet de loi C-32, vous honorerez les droits des victimes plutôt que ceux des criminels. »

En tant que législateurs, nous ne pouvons jamais honorer certains droits plutôt que d'autres. Selon notre principe le plus précieux, tous les Canadiens sont égaux devant la loi, et surtout, l'ensemble des dispositions de la Charte des droits s'appliquent également à tous les Canadiens. Pas un seul projet de loi adopté au Parlement ne peut changer cela. Nous éprouvons peut-être plus de sympathie pour les victimes, mais, en ce qui a trait à la loi, nous ne pouvons pas honorer certains droits plutôt que d'autres.

Par ailleurs, ce projet de loi est très étrange. À mon sens, son étrangeté se reflète dans la différence entre le titre anglais et le titre français du projet de loi. Le titre anglais se lit comme suit : An Act to enact the Canadian Victims Bill of Rights and to amend certain Acts. Le titre français est le suivant : Loi édictant la Charte canadienne des droits des victimes et modifiant certaines lois. Comme le sénateur Joyal l'a dit de manière si éloquente l'autre jour, une charte implique normalement des droits réels que l'on peut faire respecter.

En l'absence de modifications au Code criminel, la partie du projet de loi qui a le plus de résonance chez beaucoup de victimes, à ma connaissance, est celle qui prétend leur accorder une série de droits. Toutefois, elle me fait davantage penser à la Déclaration des droits de M. Diefenbaker qu'à une véritable charte des droits. Je ne nie pas le fait qu'à l'époque, cette déclaration constituait un important pas en avant. Cela dit, elle avait un très faible poids juridique, et son impact était moindre. Elle s'est avérée avoir un certain poids, quoique bien inférieur à ce qu'espéraient si ardemment ses partisans. Je crains que la charte à l'étude ne subisse le même sort, justement parce qu'elle n'est assortie d'aucun des nombreux éléments qui lui auraient donné le poids et la force qu'une charte, selon nous, devrait avoir. Le sénateur Joyal nous a expliqué avec grande éloquence l'impact de l'absence totale de recours juridique à l'égard des décisions prises aux termes du projet de loi, et j'encourage instamment tous les sénateurs à appuyer son amendement; sans lui, le projet de loi est pratiquement une coquille vide.

Vous savez, il y a d'autres choses que nous pouvons faire. Si le gouvernement souhaitait sérieusement aider les victimes, mettre à leur disposition des institutions qui défendent réellement leurs droits, il aurait pu envisager d'autres solutions. J'ai été particulièrement frappée par une séance du comité où nous avons accueilli plusieurs témoins, dont deux en particulier : le premier était Sue O'Sullivan, ombudsman fédérale des victimes d'actes criminels, défenseure infatigable des victimes dont le travail lui vaut beaucoup de respect, et le deuxième, Sharon Rosenfeldt, présidente de Victimes de Violence / Canadian Centre for Missing Children.

Je crois qu'aucun autre défenseur des droits des victimes n'est plus digne de confiance et respecté que Mme Rosenfeldt. Son fils figure parmi les victimes de Clifford Olson, et elle défend elle-même les intérêts des victimes depuis de nombreuses années. C'est une femme intelligente, déterminée et pleine de compassion.

Mme O'Sullivan a formulé plusieurs recommandations dans son mémoire. En voici une :

Je recommande que toute autorité fédérale ayant compétence pour examiner des plaintes...

— Mme O'Sullivan parle des droits des victimes établis dans le projet de loi —

... soit dotée des pouvoirs d'enquêtes nécessaires pour contraindre les ministères et organismes fédéraux à produire l'information et les documents en lien avec une plainte, et pour formuler des recommandations sur les recours dans le contexte de plaintes en particulier ou en lien avec des questions systémiques.

L'ombudsman ne détient pas ce pouvoir. Elle est bien l'« ombudsman », mais elle n'a pas le pouvoir de contraindre les ministères faisant l'objet d'une plainte à produire les documents relatifs à cette plainte.

Nul besoin d'être cynique ou un paranoïaque fini pour croire que c'est dans la nature même des organes bureaucratiques, notamment les ministères de l'appareil gouvernemental fédéral, de chercher d'abord à se protéger. S'ils ne sont pas tenus de produire des documents susceptibles de leur nuire, il est à tout le moins probable qu'ils ne le feront pas. Or, l'ombudsman n'a pas le pouvoir de les y contraindre. Mme O'Sullivan est très persuasive. Elle a dit que, au fond, elle réussit à obtenir la plupart des renseignements dont elle a besoin en discutant avec les ministères, mais elle n'a pas le pouvoir de les obliger à produire les renseignements. À mon avis, plus la plainte est grave, plus il est probable qu'un fonctionnaire du ministère trouve un moyen de conclure que les renseignements ne devraient pas être produits, même si Mme O'Sullivan ou son successeur souhaitent les obtenir.

(1520)

Elle est également d'avis que son bureau devrait avoir le pouvoir de recommander des mesures visant à remédier à des plaintes précises. N'est-ce pas incroyable? Elle n'a pas ce pouvoir. Un citoyen canadien, une victime, lui adresse une plainte légitime et grave, qu'elle juge justifiée, et elle ne peut pas recommander de mesures visant à y remédier. Elle peut recommander uniquement des mesures visant à corriger des violations systémiques de façon générale.

Lui accorder ce pouvoir ne coûterait pas cher au gouvernement. Lui accorder le pouvoir de recommander des mesures spécifiques ne lui coûterait rien. Lui accorder le pouvoir d'obliger les ministères à produire les documents ne coûterait pas cher. Je suis prête à parier qu'obliger les ministères à produire les documents coûterait beaucoup moins cher que la campagne de relations publiques du gouvernement visant à vanter les mérites de ce projet de loi.

Lorsque nous l'avons interrogée à ce sujet au comité, Mme O'Sullivan a dit ceci :

Dans d'autres pays, il existe un ombudsman parlementaire qui peut émettre des recommandations et présenter des données financières.

À mon avis, elle voulait parler des compensations financières. Sur la scène internationale, la capacité de remédier à la plainte déposée par la victime est toujours un enjeu. Ici, au Canada, Mme O'Sullivan, très diplomate, se contente de dire que les discussions se poursuivent à cet égard.

Nous ne devrions pas être encore en train de parler de cela. Les discussions auraient dû aboutir et les conclusions auraient dû être insérées dans le projet de loi. Nous allons adopter une prétendue Charte des droits des victimes et c'est le moment idéal pour incorporer ces pouvoirs dans la loi. À ce sujet, une chose étrange s'est produite. Mme Sullivan ne prenait vraiment pas fait et cause pour son poste et elle ne prêchait pas pour sa paroisse. Ces pouvoirs faisaient partie d'une série de recommandations, et c'est seulement quand on lui a posé des questions à ce sujet qu'elle en a parlé.

Mme Rosenfeldt a bondi sur l'occasion et a dit ceci :

[...] c'est ce que demande depuis longtemps notre organisme de défense des victimes d'actes criminels. Il faudrait renforcer les pouvoirs de l'ombudsman et faire en sorte qu'ils soient comparables à ceux de l'enquêteur correctionnel.

Il convient de souligner que l'enquêteur correctionnel est l'un des agents les plus efficaces du pays.

J'ai été particulièrement touchée quand Mme Rosenfeldt a dit ceci :

Espérons qu'elle se verra confier ces pouvoirs lorsque la loi sera mise en application.

Nous croisons les doigts.

Ces pouvoirs ne lui seront pas confiés si cela n'est pas prévu par la loi et, s'ils ne lui sont pas confiés maintenant, j'ignore quand on les lui confiera.

Ce projet de loi devrait servir une noble cause. Bien qu'il fasse avancer les choses, c'est un échec monumental dans l'ensemble. Il aurait été très facile de le corriger et, faute de le faire, il est presque gênant de l'appuyer. Comme la sénatrice Jaffer et le sénateur Baker l'ont dit, ce projet de loi crée des espoirs et des attentes qu'il ne satisfera pas dans sa forme actuelle. Nous nous préparons à décevoir cruellement des gens qui ne méritent pas d'être déçus davantage.

J'incite ardemment les sénateurs à appuyer l'amendement proposé par le sénateur Joyal.

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, certaines questions ont été soulevées hier par le sénateur Joyal, ainsi que par le sénateur Baker et la sénatrice Fraser. Je me demande si notre collègue, le sénateur Boisvenu, qui est le parrain de ce projet de loi, pourrait répondre à ces préoccupations et nous expliquer l'envers de la médaille, s'il y en a un. Avant que nous passions à la mise aux voix, il pourrait profiter de l'occasion pour nous faire part de son point de vue sur les questions qui ont été soulevées par mes collègues.

Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Boisvenu, souhaitez-vous exercer ce droit?

[Français]

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Avec plaisir, monsieur le Président.

Je pense que l'on n'a pas la même perspective du besoin des victimes, selon que l'on est assis ici ou de l'autre côté. Je comprends que ces gens peuvent s'opposer — c'est leur rôle — à l'adoption d'un projet de loi aussi important. Ils font bien leur travail.

Cependant, après avoir écouté les victimes dans le cadre des délibérations du comité, j'ai l'impression de ne pas avoir participé au même comité qu'eux. Les victimes sont d'accord avec la Charte des droits des victimes, mais elles disent qu'on pourrait l'améliorer. Dans le fond, nous avons le choix entre deux outils : une Cadillac, pour laquelle on n'aura pas assez d'argent pour la faire fonctionner, ou une bonne berline, avec laquelle on pourra faire beaucoup de chemin, parce qu'on aura les moyens de la conduire.

Les propositions de modifications que vous avez avancées, selon moi, représentent un monde idéal. Au cours des trois années pendant lesquelles nous avons bâti la charte — parce que ce n'est pas un projet de loi qui est sorti de notre poche il y a 24 heures —, nous nous sommes assis avec les fonctionnaires du ministère de la Justice et de Sécurité publique Canada, et nous nous sommes demandé comment nous pouvions intégrer, dans le système actuel, des droits avec lesquels tout le monde serait à l'aise. Comment pouvait-on se doter d'une charte des victimes qui ferait en sorte qu'on puisse l'intégrer au système de justice, où on sait qu'il y a beaucoup de résistance à intégrer les droits des victimes, à donner une place aux victimes et à leur donner la parole? Je le sais, parce qu'il y a 10 ans que je me bats pour redonner la parole aux victimes au sein du système de justice.

Donc, oui, nous aurions pu créer une loi qui aurait été magnifique, mais non recevable de la part des gens qui administrent le système de justice. Ces derniers nous auraient dit que nous en demandions trop, que nous les dérangions. Or, si cette charte que vous espériez venait déranger tout le monde dans le système, il nous aurait fallu 10 ans pour l'obtenir.

La stratégie que l'on a adoptée, c'est de se donner une charte qui serait évolutive dans le temps. On ne fera pas la même erreur que l'on a faite en 1982 en inscrivant la Charte canadienne des droits et libertés dans la Constitution canadienne. Essayez aujourd'hui de changer la Charte canadienne des droits et libertés. C'est presque impossible. Il faut obtenir un consensus dans l'ensemble du Canada, auprès de 50 p. 100 de la population. C'est complexe. Alors, on ne s'est pas donné ce choix, et on a choisi une autre méthode. On s'est dit que l'on se donnerait une charte qui évoluerait dans le temps, et qu'on partirait du point A pour arriver éventuellement au point Z. C'est le premier élément.

Le deuxième élément concerne le processus de plainte. D'abord, je vous informe que ce processus est inscrit dans la loi, mais qu'il n'est pas encore défini. Est-ce que ce sera le Bureau de l'ombudsman fédéral des victimes d'actes criminels qui aura ce pouvoir? Je le souhaite. Le bureau de l'ombudsman traite déjà des plaintes liées au système carcéral, au système des libérations conditionnelles, de même que des plaintes présentées au Bureau national des victimes. Ainsi, il nous faudra, demain, lorsque la loi sera adoptée, élaborer les règlements. Vous connaissez le processus, et j'ai moi-même travaillé pendant 34 ans au sein du gouvernement du Québec; on adopte d'abord la loi, le cadre juridique, et ensuite, on adopte les règlements.

J'espère que le processus de plainte sera très rigoureux, car on le confiera à une institution — j'espère que ce sera à l'ombudsman —, et parce que ces plaintes nous serviront dans le temps pour déterminer où sont les lacunes. Ces lacunes seront documentées. Comment peut-on, aujourd'hui, documenter les plaintes des victimes? Nulle part. Il n'y a pas d'endroit où on peut les documenter et faire en sorte que, dans un an ou deux, on puisse modifier la charte en y ajoutant un élément qui pourrait satisfaire les victimes. C'est le deuxième élément.

Le troisième élément, c'est que, dans le fond — et cela conclura ma réponse —, je disais d'entrée de jeu que les victimes adhèrent à cette charte.

(1530)

Les victimes, ce qu'elles veulent, c'est entrer dans le système de justice. Ce n'est pas d'être une troisième partie qui va être représentée au sein du processus de justice, où le criminel est représenté, et où il y a l'État. Elles ne veulent pas seulement être une partie intégrée, mais elles veulent pouvoir prendre la parole, participer, et dire leur mot au lieu dire d'être des acteurs passifs. Voilà ce que les victimes veulent.

Ce que la charte permet de faire, c'est de dire aux victimes que nous leur donnons un outil pour qu'elles puissent commencer à participer au système. C'est ce que veulent les victimes, et je pense que ce projet de loi répond à cet objectif.

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion d'amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président intérimaire : À mon avis, les non l'emportent. Je vois des sénateurs se lever.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président intérimaire : On s'est entendu pour que la sonnerie retentisse pendant 30 minutes. Le vote aura lieu à 16 heures.

Convoquez les sénateurs.

(1600)

La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Baker Jaffer
Campbell Joyal
Chaput Kenny
Cools Lovelace Nicholas
Cordy Mitchell
Cowan Moore
Dawson Munson
Day Ringuette
Eggleton Sibbeston
Fraser Smith (Cobourg)
Hervieux-Payette Tardif
Hubley Watt—24

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Meredith
Bellemare Mockler
Beyak Nancy Ruth
Black Ngo
Boisvenu Ogilvie
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Demers Plett
Doyle Poirier
Eaton Raine
Enverga Runciman
Fortin-Duplessis Seidman
Frum Smith (Saurel)
Greene Stewart Olsen
Johnson Tannas
Lang Tkachuk
LeBreton Unger
MacDonald Verner
Maltais Wallace
Manning Wells
Marshall White—47
Martin

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Aucun.

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, nous reprenons maintenant le débat sur la motion principale. L'honorable sénatrice Hervieux-Payette a la parole.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette : Plus tôt, au cours de la discussion, je déplorais le fait que l'on s'était fait imposer le bâillon dans le cadre du débat sur ce projet de loi. Puisque nous tentons, à titre d'opposition officielle, de faire le travail qui nous est imparti en vertu de la Constitution canadienne, à savoir que, comme parlementaires, nous devons travailler dans le meilleur intérêt des Canadiens et nous assurer que...

[Traduction]

Son Honneur le Président intérimaire : À l'ordre, je vous en prie. Nous reprenons le débat sur la motion principale. Je demanderais aux sénateurs qui souhaitent sortir de la salle de s'exécuter en silence, par respect pour la sénatrice qui a la parole.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Donc, simplement dans le but de m'acquitter, à titre de membre de l'opposition officielle, du devoir qui m'est imparti, c'est-à-dire de travailler à améliorer les projets de loi du gouvernement, de travailler en collaboration avec mes collègues sur le principe d'améliorer le sort des victimes, je n'avais aucun problème avec le fond du projet de loi. Cependant, il y a des lacunes dans ce projet de loi qui risquent de ternir l'image du Parlement, à savoir que, lorsqu'on légifère, on doit le faire en tenant compte de tous les éléments. Or, l'élément que j'aimerais rappeler à mes collègues, d'abord, est lié au fait que nous sommes dans une double juridiction.

(1610)

Dans ce cas-ci — et je vais vous faire part tout à l'heure des mécanismes mis en place avec les provinces —, l'une des choses les plus évidentes lors de l'étude de ce projet de loi, c'est la confusion chez les victimes lorsqu'il s'agit de s'adresser aux bonnes personnes, au bon endroit et en temps opportun, et d'obtenir des renseignements. Nulle part et en aucun temps je n'ai vu un mécanisme unique qui permettrait à la victime de s'adresser à une seule personne qui serait responsable du cheminement du dossier dans un cas particulier.

J'aimerais vous lire un message que des Québécois m'ont envoyé, puisque j'appartiens à cette province. On m'a écrit ceci, et je cite :

Le Québec possède une compétence exclusive en matière d'administration de la justice et en matière de services aux victimes. De fait, il revient aux provinces et territoires de prendre les mesures appropriées en lien avec l'administration de la justice pour soutenir les victimes. Ainsi, toutes les provinces et tous les territoires, incluant le Québec, assument leurs responsabilités et disposent des lois prévoyant les droits des victimes. Le Québec est un ardent défenseur des droits des personnes victimes et il assume pleinement cette responsabilité.

Enfin, le Québec est préoccupé par les obligations et les coûts supplémentaires que la Charte canadienne des droits des victimes pourrait occasionner sur son système de justice ou sur son système correctionnel. Il entend rappeler au gouvernement fédéral...

— je m'en fais la porte-parole —

.. son engagement d'octroyer du financement pour la mise en œuvre du projet de loi C-32.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, je n'ai pas vu dans le discours du budget des sommes importantes qui seraient consacrées à la mise en œuvre de ce projet de loi. Donc, à mon avis, l'état du droit, tel qu'il est mentionné par la province de Québec, est celui qui devrait nous préoccuper dans l'atteinte des objectifs du projet de loi C-32.

Les gens du gouvernement de l'Ontario ont répondu à mes questions et à ma demande.

[Traduction]

Le gouvernement de l'Ontario appuie les efforts du gouvernement fédéral pour défendre les intérêts des victimes dans le système de justice pénale.

Depuis 1996, avec sa Charte des droits des victimes, la province de l'Ontario est devenue une figure de proue en la matière. Son approche repose sur un juste équilibre entre les besoins des victimes et l'exigence d'efficacité du système de justice.

Plusieurs des principes du projet de loi fédéral sont semblables à ceux en vigueur en Ontario. Depuis 2003 — je tiens à le préciser —, le gouvernement de l'Ontario a investi plus d'un milliard de dollars dans les services offerts aux personnes ayant subi un préjudice causé par un crime. L'Ontario offre une vaste de gamme de services et de mesures de soutien qui répondent aux besoins des victimes ou des personnes traumatisées par un crime.

Les changements proposés pourraient être mis en œuvre avec les ressources prévues pour les infractions graves, mais, comme le projet de loi s'applique à toutes les victimes d'un crime, y compris celles ayant subi des dommages matériels ou des pertes financières, on réclamera sans doute que l'éventail des services offerts soit élargi.

La révision des procédures a un effet cumulatif qui retardera peut-être bien des instances et, partant, un ralentissement général du système ainsi que des répercussions sur le plan des ressources.

[Français]

Monsieur le Président, je souligne que les principales provinces qui constituent presque les deux tiers de la population du Canada m'ont fait ces remarques en ce qui concerne le projet de loi. Compte tenu, comme le dit le gouvernement du Québec, du fait que les services aux victimes relèvent de la compétence exclusive de la province, je crois que nous devons en tenir compte et, surtout, nous assurer que les victimes comprennent bien qu'il ne peut y avoir qu'une porte pour accéder aux services et que l'on ne peut pas courir dans toutes les directions. À toutes les étapes, à savoir lors de l'enquête préliminaire, du procès, de la condamnation ou des libérations conditionnelles, les victimes nous ont affirmé qu'elles souhaitaient être informées. Cependant, il faut savoir d'où vient l'information, qui la détient et comment les victimes pourront l'obtenir.

Je ferai un petit tour d'horizon pour connaître l'état de la question dans les autres provinces. Au Yukon, certains services sont offerts par Internet, entre autres. Toutefois, en ce qui concerne l'indemnisation, c'est zéro. Quelques services sont offerts aux victimes dans les Territoires du Nord-Ouest, mais, pour l'indemnisation, c'est zéro. Au Nunavut, c'est la même situation. Il y a certains services de base, mais rien pour l'indemnisation. En Colombie-Britannique, les services sont plus étendus, mais il n'y a aucun plafonnement global d'indemnisation accordé à un demandeur, et certains types d'indemnisation peuvent être limités à un maximum donné selon les législations provinciales. Il y a une compensation, mais il n'y a pas de montants précis, à l'exception de certains types de réclamations.

En Alberta, on donne certains indices quant à l'indemnisation. Il y a une prestation de décès de 12 500 $, et le versement pour préjudice corporel varie entre 500 $ et 110 000 $. C'est, de loin, l'une des contributions les plus généreuses. En Saskatchewan, on prévoit un fonds d'aide, mais, tout compte fait, il provient de la collecte de certaines taxes, et il n'y a pas de plafond non plus. Il y a un certain montant, qui n'est pas inclus.

En ce qui concerne le Nouveau-Brunswick, les services aux victimes sont minimums. Il y a un ombudsman, et le total de l'indemnisation qui peut être accordée aux personnes est de 5 000 $. À l'Île-du-Prince-Édouard, quelques services sont offerts aux victimes. Par contre, la demande d'indemnité pour les victimes est jusqu'à concurrence de 15 000 $. La Nouvelle-Écosse n'offre pas d'argent, mais des services de consultation et des programmes. Cependant, il n'y a pas d'indemnisation pour couvrir d'autres dépenses. Enfin, à Terre-Neuve-et-Labrador — nous étions déjà au courant —, aucune indemnisation n'est offerte aux victimes.

Donc, en faisant le tour de la situation pancanadienne, il me semble que le gouvernement fédéral, qui, selon notre collègue, travaille depuis des années sur ce projet de loi, aurait dû tenir une conférence fédérale-provinciale. Comment se fait-il qu'on n'ait pas prévu de plan global pour harmoniser les mesures dans toutes les provinces? À mon avis, les victimes devraient avoir la même valeur d'une province à l'autre. Quand on parle de chartes des droits, elles doivent être identiques d'une province à l'autre. Si, dans certaines provinces, on accorde jusqu'à 110 000 $, alors que dans d'autres, on n'octroie rien, je crois que l'on se prépare à une administration assez rocailleuse de cette loi. C'en est l'une des principales failles. Les victimes veulent obtenir des renseignements. Aucun membre de notre comité ne s'opposait à ce que les victimes suivent le cheminement de leur dossier et à ce qu'on ajoute des mesures de participation au processus juridique, mais il reste que le cœur de cette loi est lié à la question de l'indemnisation des victimes. Comme l'a mentionné plus tôt aujourd'hui mon collègue de Terre-Neuve, il y a parfois des défaillances au niveau de l'application de la loi. Or, il faut savoir que, lorsqu'elles se retrouvent devant les tribunaux civils, les victimes doivent avoir les moyens d'aller chercher les sommes auxquelles elles ont droit.

À mon avis, voilà l'aspect le plus négatif, et je suis désolée pour mon collègue, le sénateur Boisvenu, qu'au bout du compte l'une des fins premières du projet de loi n'ait pas vraiment l'occasion d'être corrigée, en raison de la situation actuelle..

(1620)

Étant donné que mon collègue a soumis des questions spécifiques, j'aimerais aussi parler de la prise de position de l'Association du Barreau canadien. Le barreau n'a pas d'intérêt particulier vis-à-vis d'un projet de loi, sinon celui de prendre parmi ses membres des personnes qui œuvrent dans le milieu. Ce sont des comités bénévoles; il n'y a pas d'experts qui sont embauchés. Ce sont des gens qui font de la pratique et qui connaissent bien le système.

Si je regarde le mémoire du Barreau canadien, ce dernier a conclu qu'il appréciait l'invitation à donner son avis, mais qu'il recommandait des amendements qui rendraient le projet de loi, et je cite :

[...] plus résistant à un examen constitutionnel,...

— et je viens de vous référer à la Charte des droits, qui sera différente d'une province à l'autre —

... protégeraient l'indépendance du poursuivant et feraient en sorte que le système de justice criminelle soit véritablement en mesure de permettre l'exercice de droits additionnels promis aux victimes d'actes criminels.

Pour le Barreau canadien, qui a formulé neuf recommandations — il est tout de même important de le souligner, et son mémoire est déposé dans les archives du gouvernement —, on doit s'arrêter à certaines mesures. On parle du droit à l'information; or, le Barreau canadien affirme que l'article qui donne le droit à l'information est lui-même obscur, qu'il ne résiste pas à un examen critique et pourrait vouloir dire différentes choses. Cela devrait être clair est précis, et le barreau croit que cela ne l'est pas et que cela ne donne pas de façon expresse le droit à la victime d'avoir accès aux documents d'enquête. Il ne faut pas faire croire que certaines choses seront accessibles en adoptant un langage vague, parce que les gens devront aller devant les tribunaux pour contester l'interprétation de la loi.

On dit que les victimes étrangères n'ont à peu près aucun droit, et il est assez étrange qu'un Canadien puisse commettre un crime et que la victime étrangère, ici, en visite avec sa famille, soit blessée grièvement ou qu'un des visiteurs perde la vie. Dans un pays démocratique, il y a des droits qui sont reconnus même par la Charte des droits et libertés pour les gens qui se trouvent en territoire canadien. Il y a un écart important à ce niveau.

Je ne donnerai pas les modalités de toutes les autres conditions, mais, à la page 8 du mémoire, on parle d'une déclaration au nom d'une collectivité, comme si, en droit, tout le monde savait ce qu'est une collectivité. Il n'y a pas de définition. Le Barreau canadien avait raison de dire ce qui suit, et je cite :

[...] recommande qu'aux fins de l'introduction de « déclarations au nom d'une collectivité », le projet de loi renferme des définitions claires de ce qui constitue une « collectivité » et des critères rigoureux sur le choix du représentant de la collectivité et la teneur appropriée de telles déclarations.

Ils ont examiné le texte, ils nous ont confirmé qu'il y avait des défaillances. Nous étions ouverts à faire des recommandations, et nous avons limité à deux aspects importants les amendements, que la partie gouvernementale n'a pas acceptés. À partir de ce constat — et du fait que l'on peut tomber dans un marasme assez important —, ce projet de loi n'était pas prêt à être adopté. Il va donner l'illusion de droit, et les gens n'en auront pas pour leur argent. On va leur faire croire en la possibilité d'exercer des droits, mais ce projet de loi contient plusieurs lacunes. C'est pour cette raison que je vais m'abstenir de voter en faveur de ce projet de loi.

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer sur la motion principale?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président intérimaire : Il est proposé que ce projet de loi soit lu pour la troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 23 avril 2015, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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