Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 142
Le jeudi 14 mai 2015
L'honorable Leo Housakos, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Fort McMurray, en Alberta
- Le regretté G. Raymond Chang, O.C.
- Le déjeuner pour les jeunes Canadiens de l'organisme Era 21 Networking
- Visiteur à la tribune
- L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard
- AFFAIRES COURANTES
- La commissaire à l'information
- Le Tribunal canadien des droits de la personne
- Le Budget des dépenses de 2015-2016
- La Loi de l'impôt sur le revenu
- Banques et commerce
- Le Budget des dépenses de 2015-2016
- Le paiement rapide des travaux de construction du gouvernement fédéral
- Le Bureau du vérificateur général
- La vérification des comptes du Sénat par le vérificateur général
- La vérification des crédits parlementaires par le vérificateur général
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015
- Projet de loi sur la sûreté des pipelines
- Projet de loi antiterroriste de 2015
- Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Fixation de délai—Adoption de la motion
- Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
- Renvoi au comité
- Sécurité nationale et défense
- L'ajournement
- La Loi sur le divorce
- Projet de loi de 2014 instituant des réformes
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le jeudi 14 mai 2015
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Fort McMurray, en Alberta
La communauté musulmane
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à la communauté musulmane de Fort McMurray. La communauté musulmane de Fort McMurray est parmi celles qui connaissent la croissance la plus rapide au Canada. Elle compte une assemblée de fidèles fluctuante, mais croissante, de 8 000 à 10 000 membres.
Honorables sénateurs, la mosquée de Fort McMurray est un lieu accueillant où les Canadiens, les nouveaux immigrants et les travailleurs étrangers temporaires se rassemblent pour vivre ensemble une expérience spirituelle. Comme les Canadiens de tout le pays, les musulmans de Fort McMurray viennent de divers pays. Parmi ceux qui se réunissent au centre Markaz-Ul-Islam, il y a des Canadiens d'origine pakistanaise, arabe, indienne, somalienne et bengalaise et bien d'autres.
La mosquée accueille autant les chiites que les sunnites, qui prient ensemble tous les vendredis. C'est une chose qu'on voit rarement dans les autres pays, mais qui reflète le caractère inclusif que nous nous efforçons de donner au Canada depuis des décennies.
Lorsqu'interrogé sur la diversité encouragée dans la mosquée, M. Abdo, président de la mosquée, a dit ce qui suit :
Vous ressentez encore plus de fierté. Au Liban, vous ne voyez que les Libanais. Ici, vous vous dites « C'est cela, l'islam. »
Honorables sénateurs, ce lieu de culte donne à un grand nombre de musulmans qui viennent dans le Nord du Canada pour travailler dans les champs pétrolifères et d'autres secteurs spécialisés la possibilité de tisser des liens avec leur groupe confessionnel. Dans une région qui peut parfois sembler isolée, avec des travailleurs qui y viennent deux semaines à la fois, sans leur famille, ce lieu de culte donne aux membres de cette assemblée la possibilité de se sentir chez eux. Plusieurs d'entre nous ici savent à quel point il peut être difficile d'être loin de sa famille pendant de longues périodes.
À Fort McMurray, la communauté donne de la force à ceux qui occupent des emplois difficiles et dangereux pour subvenir aux besoins de leur famille. Cela leur permet de jouer un rôle actif au sein de leur collectivité, notamment en participant à la banque alimentaire ou au programme local d'intervention d'urgence. C'est aussi un lieu de rassemblement et de socialisation pour les membres des minorités visibles qui partagent une même identité collective.
Honorables sénateurs, Markaz-Ul-Islam est un exemple de l'impact positif que peuvent avoir les groupes confessionnels au Canada — un lieu qui permet aux Canadiens de se rassembler et de contribuer à leur collectivité dans son ensemble, tout en fournissant réconfort et appui aux nombreux nouveaux immigrants afin de les aider à s'intégrer facilement à la société canadienne diversifiée.
Je félicite les leaders de cette communauté pour tout ce qu'ils ont bâti. C'est un modèle dont le Canada et le monde entier peuvent s'inspirer et qui mérite d'être imité.
Le regretté G. Raymond Chang, O.C.
L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage au regretté G. Raymond Chang, O.C., qui a reçu vendredi dernier, à titre posthume, l'Ordre du Canada de la part du très honorable David Johnston, gouverneur général du Canada. L'Ordre du Canada reconnaît les réalisations exceptionnelles et le dévouement remarquable d'une personne envers la communauté. L'insigne a été présenté à l'épouse et au fils de M. Chang.
En tant que sénateur canadien d'origine jamaïcaine, je continue d'être inspiré par la contribution de M. Chang. Il a quitté la magnifique île de la Jamaïque pour venir s'établir au Canada en 1967 afin de poursuivre ses études postsecondaires. Après avoir obtenu son diplôme d'ingénieur, il a reçu le titre de comptable agréé et d'analyste financier. M. Chang a trouvé sa voie dans le monde de la finance, et il a établi CI Financial, une société de fonds communs de placement de plusieurs milliards de dollars.
Honorables sénateurs, M. Chang n'était pas seulement un homme d'affaires prospère. Il était aussi un ardent défenseur de l'éducation et de l'apprentissage permanent.
En 2006, il a été nommé recteur de l'Université Ryerson, où il était véritablement au service des étudiants. Après son décès, le président de l'Université Ryerson, Sheldon Levy, a déclaré ceci :
Les étudiants pouvaient toujours compter sur Ray lorsqu'ils avaient besoin d'aide. Ils étaient au cœur de tout ce qu'il faisait. Il aimait être entouré d'eux et il était souvent avec eux, que ce soit dans les cours ou lors des activités soulignant leurs réalisations.
M. Chang était un homme simple et calme. Il était un progressiste et un philanthrope qui donnait de son temps et de son énergie pour soutenir l'éducation. Il a donné 5 millions de dollars à l'Université Ryerson pour fonder la faculté de formation continue G. Raymond Chang.
Il a aussi fait des dons à la University of the West Indies et il a créé un programme de bourses à l'intention des médecins antillais au sein du University Health Network, un organisme de recherche médicale de Toronto.
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter le regretté G. Raymond Chang, membre de l'Ordre du Canada. Nous souhaitons à sa famille d'avoir la force de poursuivre son travail et nous la remercions d'incarner aussi bien la devise de l'Ordre du Canada : « Ils aspirent à une patrie meilleure. »
Le déjeuner pour les jeunes Canadiens de l'organisme Era 21 Networking
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, le mercredi 6 mai au restaurant parlementaire, j'ai présidé le 11e déjeuner annuel pour les jeunes Canadiens de l'organisme Era 21 Networking. Cette fête de la diversité, qui s'inscrit à la fois dans le Mois du patrimoine asiatique et dans le Mois de l'histoire des Noirs, a pu avoir lieu grâce à la participation de l'Ottawa Asian Heritage Month Society, du Centre d'éducation J'Nikira Dinqinesh, du Conseil scolaire du district d'Ottawa-Carleton et de notre commanditaire, la Banque royale du Canada. Cent élèves de 11e et de 12e années du secondaire ont participé au déjeuner.
Cette année, nous avons eu l'honneur d'entendre des allocutions de trois jeunes Canadiens remarquables : Justin Holness, Gabrielle Fayant et Angelique Francis.
Justin Holness est le fondateur du festival d'arts, de musique et de mode Indigenius d'Ottawa, où les arts servent à mettre en valeur la culture autochtone. Il travaille aussi comme coordonnateur de la déjudiciarisation des jeunes Autochtones au centre Wabano pour la santé autochtone, ce qui l'amène à côtoyer directement des jeunes traversant des périodes difficiles de leur vie.
Les origines autochtones et jamaïcaines de Justin ont toutes les deux eu une grande influence sur son identité. Au déjeuner, il nous a expliqué avec passion comment la poursuite de ses objectifs était déterminante dans ce qu'il entreprenait.
Issu d'un milieu difficile de Winnipeg, c'est une fois installé à Ottawa que Justin s'est rendu compte que son but dans la vie était d'aider les autres. Le rap et la poésie parlée lui auront permis d'illustrer d'une manière éminemment efficace aux yeux des étudiants les luttes que mènent les Autochtones du Canada depuis la création de notre pays. Son message est axé sur la paix et la mobilisation.
Gabrielle Fayant est cofondatrice de l'organisme Assembly of Seven Generations, qui s'adresse aux jeunes et est dirigé par des jeunes. Gabrielle a œuvré au sein de nombreux organismes, comme l'Association nationale des centres d'amitié, l'Association des femmes autochtones du Canada, la Fondation autochtone de guérison, le Groupe consultatif jeunesse de la Commission canadienne pour l'UNESCO et la section ottavienne de la campagne Marchons avec nos sœurs. D'origine métisse, elle a reçu un prix Indspire en 2015.
Au déjeuner, Gabrielle nous a fait part de sa passion pour sa langue maternelle, qu'elle adore découvrir. Pour clore la rencontre, Gabrielle a invité tous les participants à se placer en cercle. Pendant que nous battions le rythme, la main sur le cœur, Gabrielle nous a fait l'honneur de chanter une magnifique chanson autochtone. Quelle belle façon de se dire au revoir.
Angelique Francis est une auteure-compositrice interprète aux multiples talents qui sait jouer d'à peu près tous les instruments. Elle avait 7 ans la première fois qu'elle est montée sur scène et, depuis ce temps, elle ne cesse d'émerveiller le public nord-américain par sa prestance, ses performances musicales, ses paroles inspirantes et surtout sa voix chaude et généreuse. Elle s'est notamment produite au festival de l'Allée des célébrités du Canada, au Bluesfest d'Ottawa, au festival du Jour de la jeunesse de Toronto, au festival UNITY de Toronto, au Musée canadien de la guerre et à Bibliothèque et Archives Canada. Lors du déjeuner, Angelique a chanté une chanson originale intitulée Maybe I. Son message éloquent et puissant a profondément touché les élèves.
(1340)
Je tiens à remercier Justin, Gabrielle et Angelique d'avoir partagé leur histoire et leur expérience avec nous tous. Ils ont vraiment amené les élèves du secondaire à croire en eux-mêmes et en leur rêve d'un Canada qui favorise le multiculturalisme et en reconnaît la valeur.
[Français]
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Jacques Daoust, administrateur au conseil d'administration du Panthéon des sports et membre du Comité d'implantation et d'exploitation du Musée des sports du Québec. Il est l'invité de l'honorable sénateur Demers.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
L'Université de l'Île-du-Prince-Édouard
Les récipiendaires d'un doctorat honorifique en droit
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'aimerais saluer les quatre remarquables Prince-Édouardiens qui ont reçu cette fin de semaine un doctorat honorifique en droit de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Ces diplômes sont remis aux personnes qui se sont le plus distinguées dans les domaines des services publics et communautaires.
Au cours de sa vie, le père Charlie Cheverie a été pasteur, professeur et aumônier, en plus d'être un violoneux passionné. Il a enseigné à l'Université St. Dunstan, puis à l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, dont il est devenu l'aumônier après sa retraite. De plus, il a exercé à la fois les fonctions d'officier commissionné et d'aumônier militaire au sein des Forces armées canadiennes. Le père Charlie fait, avec enthousiasme, la promotion de la musique traditionnelle partout dans la province et est un membre dévoué des Queens County Fiddlers.
Lennie Gallant, quant à lui, est chanteur, auteur-compositeur, musicien et producteur. Il a lancé son premier album en 1988, et il en a enregistré neuf autres depuis, dont deux en français. Il a fait des tournées en Amérique du Nord et en Europe, et il a gagné plus d'une dizaine de prix de l'Association de la musique de la côte Est. Il a été décoré de l'Ordre du Canada, et il met régulièrement son temps et ses talents au service d'organismes de bienfaisance comme l'UNESCO et Vision mondiale.
Notre ancienne collègue, l'honorable Catherine Callbeck, est aussi parmi les récipiendaires distingués de cette année. Comme nous le savons tous, elle a été députée à la Chambre des communes et sénatrice. Elle a été aussi première ministre provinciale, ministre provinciale et députée provinciale. Elle a très bien réussi en affaires également. En plus de recevoir son diplôme honorifique, elle s'est adressée aux diplômés pendant la cérémonie de remise du matin.
Enfin, Patricia Mella est professeure à la retraite et ancienne ministre provinciale. Elle a servi les gens de son milieu de plusieurs façons, notamment au sein de l'assemblée législative, de la fédération des enseignants de l'Île-du-Prince-Édouard et de sa commission locale des loisirs. Elle a été chef de l'opposition officielle — et seule députée de l'opposition — au cours du mandat du gouvernement Callbeck. Mme Mella s'est adressée aux diplômés pendant la cérémonie de remise de l'après-midi.
Les quatre récipiendaires méritent l'honneur qui leur a été fait. Ils ont façonné leur collectivité et ont amélioré le sort des gens de l'île. Veuillez vous joindre à moi pour leur offrir nos félicitations et leur faire nos meilleurs vœux pour l'avenir.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
La commissaire à l'information
Enquête sur une demande d'accès à l'information concernant le registre des armes d'épaule—Dépôt du rapport spécial
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l'article 39 de la Loi sur l'accès à l'information, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport spécial de la commissaire à l'information du Canada, intitulé Enquête sur une demande d'accès à l'information concernant le registre des armes d'épaule.
[Traduction]
Le Tribunal canadien des droits de la personne
Dépôt du rapport annuel de 2014
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2014 du Tribunal canadien des droits de la personne, conformément au paragraphe 61(4) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Le Budget des dépenses de 2015-2016
Dépôt du Budget supplémentaire des dépenses (A)
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Budget supplémentaire des dépenses (A) de 2015-2016 pour l'exercice se terminant le 31 mars 2016.
La Loi de l'impôt sur le revenu
Projet de loi modificatif—Présentation du vingt-septième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L'honorable Bob Runciman, président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :
Le jeudi 14 mai 2015
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son
VINGT-SEPTIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 25 novembre 2014, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapports sans amendement.
Respectueusement soumis,
Le président,
BOB RUNCIMAN
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
La sénatrice Ringuette : Jamais!
(Sur la motion du sénateur Dagenais, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance, avec dissidence.)
Banques et commerce
Budget—L'étude sur l'utilisation de la monnaie numérique—Présentation du dixième rapport du comité
L'honorable Irving Gerstein, président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, présente le rapport suivant :
Le jeudi 14 mai 2015
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a l'honneur de présenter son
DIXIÈME RAPPORT
Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le mardi 25 mars 2014 à examiner, pour en faire rapport, l'utilisation de la monnaie numérique, demande respectueusement des fonds pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2016.
Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis.
Le président,
IRVING GERSTEIN
(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p 1853.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Gerstein, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Le Budget des dépenses de 2015-2016
Autorisation au Comité des finances nationales d'étudier le Budget supplémentaire des dépenses (A)
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2016.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Le paiement rapide des travaux de construction du gouvernement fédéral
Préavis d'interpellation
L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat sur la nécessité de prendre des mesures pour assurer le paiement rapide des travaux de construction du gouvernement fédéral.
(1350)
Le Bureau du vérificateur général
Préavis d'interpellation
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux articles 5-1 et 5-6(2) du Règlement, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat sur :
les termes, les conditions et le mandat du vérificateur général du Canada, conformément aux articles 3(1) et 3(1.1) de la Loi sur le vérificateur général, qui se lisent comme suit :
3. (1) Le gouverneur en conseil nomme un vérificateur général du Canada par commission sous le grand sceau, après consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat et à la Chambre des communes et approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes.
(1.1) Le vérificateur général occupe sa charge à titre inamovible pour un mandat de dix ans, sauf révocation motivée par le gouverneur en conseil sur adresse du Sénat et de la Chambre des communes.
sur son mandat et l'indépendance unique qui lui est accordée à titre de « vérificateur des comptes du Canada », afin de lui permettre de vérifier et d'attester que les dépenses du gouvernement sont conformes aux lois de crédit dictées et adoptées par la Chambre des communes; sur son devoir constitutionnel d'appuyer le Comité des comptes publics et la Chambre des communes à l'égard de leur prééminence dans les finances nationales et de leur pouvoir de contrôler les deniers publics.
La vérification des comptes du Sénat par le vérificateur général
Préavis d'interpellation
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux articles 5-1 et 5-6(2) du Règlement, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat sur :
a) sur le vérificateur général, comme titulaire de charge créée par une loi, pour exprimer que le Parlement n'a pas et n'a jamais eu l'intention de lui donner le pouvoir de procéder à la vérification de ses Chambres, soit le Sénat et la Chambre des communes; que, précédemment et jusqu'en 1878, le poste de vérificateur général faisait partie du bureau du sous ministre des Finances; qu'en 1878, l'Acte pour pourvoir à la meilleure audition des comptes publics a été adopté pour séparer les deux bureaux et les deux postes et pour dissocier le vérificateur général du ministère des Finances et du gouvernement de façon à le retirer indéfiniment de toutes les affaires gouvernementales, dans le but de dégager le poste de vérificateur général de toute influence, de tout contrôle et de toute pression politique de la part du gouvernement en poste;
b) sur le constat — triste et malheureux — que le gouvernement ne semble pas faire, que l'indépendance singulière dont jouit le vérificateur général du Canada — à titre de vérificateur des comptes publics — lui interdit formellement d'obéir aux souhaits et désirs du gouvernement, en particulier aux motions de ce dernier, des motions qui — une fois adoptées — deviennent des ordres de la Chambre soumettant le vérificateur au pouvoir de sanction pour outrage par les Chambres; que l'audit du vérificateur général dont l'objet est le Sénat — la Chambre haute — compromet gravement son indépendance, puisque cette vérification — bien trop publicisée — n'a pas été amorcée à la demande des sénateurs mêmes, mais plutôt à la suite d'une proposition du leader du gouvernement au Sénat, à la suite d'une mesure de ce dernier, rapidement adoptée en juin, déposée par le ministre du gouvernement, sans trop de débats, grâce à un vote dicté par le parti; que les sénateurs ont appris les intentions du gouvernement ainsi que l'accord du vérificateur général de procéder à une vérification par les communiqués de la journée; qu'il est terrible que les sénateurs aient été les derniers à être mis au courant de cette décision unilatérale.
La vérification des crédits parlementaires par le vérificateur général
Préavis d'interpellation
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, conformément aux articles 5-1 et 5-6(2) du Règlement, je donne préavis que, après-demain :
J'attirerai l'attention du Sénat sur :
le vérificateur général du Canada et son rôle public de « vérificateur des comptes du Canada »; la mesure prise par le Parlement qu'on appelle la vérification des crédits, laquelle vérification était la raison même de la création d'un poste de vérificateur général indépendant en vertu d'une loi canadienne de 1878 selon l'usage britannique de 1866; la vérification des crédits parlementaires; la vérification des dépenses publiques du gouvernement dans la fonction publique et l'administration fédérale pour vérifier et attester que les deniers publics ont bel et bien été dépensés conformément aux lois de crédits adoptées par la Chambre des communes; le fait que la vérification des crédits a été instaurée dans le but de contribuer au contrôle, par la Chambre des communes, des finances nationales, des recettes publiques et des dépenses publiques; que la Chambre des communes a prééminence dans le contrôle des deniers publics; que la création de la vérification des crédits et son application ultérieure à tous les ministères, sans exception, furent l'une des plus grandes réalisations de la Chambre des communes et du Parlement; que tous les pouvoirs et responsabilités du vérificateur général s'inscrivent dans son mandat de vérificateur des comptes du Canada, et le Sénat n'en fait pas partie puisqu'il ne fait pas partie de la fonction publique ni de l'administration fédérale.
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
La sécurité publique
La mutilation des organes génitaux féminins
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Monsieur le leader, je sais que vous ne serez pas en mesure de nous donner une réponse à ma question aujourd'hui, mais je vous demande d'effectuer une enquête sur la mutilation des organes génitaux féminins et de revenir en cette Chambre avec une réponse le plus tôt possible.
Comme vous le savez, je travaille sur la problématique de la mutilation des organes génitaux féminins. J'aimerais savoir si le ministère de la Justice a pris des mesures afin de poursuivre les présumés contrevenants ou s'il envisage d'en adopter.
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Sénatrice, je peux prendre votre question en note. Je tiens à vous rappeler que le gouvernement du Canada condamne ces pratiques barbares. Lorsque des immigrants arrivent au pays et qu'ils sont assermentés en tant que nouveaux Canadiens, les principes contenus dans le guide sur la citoyenneté sont très clairs : favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes et le respect de l'intégrité physique des personnes, particulièrement des femmes.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, j'ai une question complémentaire. Nous considérons toutes les mutilations sexuelles féminines comme de la maltraitance envers les enfants, et ce, depuis 1997. Pourtant, il n'y a eu aucune poursuite.
Le sénateur Carignan : Je ne sais pas si c'est une question que vous avez posée ou s'il s'agit d'une réponse à votre première question. Bref, je ne sais pas où vous voulez en venir, sénatrice. Notre société condamne la violence faite aux femmes et aux jeunes filles. Elle n'est pas tolérée. Le gouvernement du Canada est résolu à prévenir toute forme de violence et à soutenir les victimes. Les Canadiens peuvent s'en remettre à notre gouvernement pour qu'il sévisse contre les crimes violents, notamment les crimes à l'endroit des femmes et des enfants.
Dès notre arrivée au pouvoir, nous avons resserré les peines, notamment en ce qui concerne les agressions sexuelles et les enlèvements. Nous avons imposé des peines d'emprisonnement obligatoires pour les crimes les plus graves. Nous avons bonifié l'appui aux victimes d'actes criminels et nous avons investi dans divers projets communautaires. Le financement lié à ces projets a plus que doublé.
Depuis 2007, par l'entremise de Condition féminine Canada, nous avons assuré le financement de plus de 300 projets visant à éliminer la violence contre les femmes et les jeunes filles. Depuis 2006, nous avons adopté 30 mesures en matière de justice et de sécurité publique. Nous avons pris des mesures décisives pour veiller à la sécurité des femmes et des jeunes filles. Nous avons mis fin à l'arrestation à domicile dans les cas d'agressions sexuelles qui impliquent des blessures graves, nous avons durci les peines pour l'exploitation sexuelle des enfants et nous avons renforcé les sanctions pour ceux qui importent, fabriquent ou vendent les drogues du viol. Nous poursuivrons nos efforts en vue d'assurer la protection des femmes et des jeunes filles contre l'exploitation et la maltraitance.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Merci de votre réponse, monsieur le leader. Je vais répéter ma question. Je n'ai peut-être pas été assez claire.
Je parle de la mutilation des organes génitaux féminins. La loi est entrée en vigueur en 1997. Depuis 1997, aucune poursuite n'a été intentée. Je vous demande de vous informer auprès du ministère de la Justice pour savoir pourquoi personne n'a été poursuivi en justice.
(1400)
En Angleterre, où la population est deux fois plus élevée qu'ici, plusieurs poursuites ont été intentées. Là-bas, ils ont créé une unité distincte pour s'occuper de ce dossier, alors qu'ici nous ne semblons prendre aucune mesure face au problème de la mutilation des organes génitaux féminins.
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, je vous trouve sévère lorsque vous dites que nous ne faisons rien, compte tenu des mesures que je vous ai décrites. Notre gouvernement est le champion de la santé des mères et des enfants, comme l'illustre l'Initiative Muskoka. Notre gouvernement joue un rôle de leader pour relever les défis en matière de santé auxquels sont confrontés les femmes, les nouveau-nés et les enfants dans les pays les plus pauvres du monde.
Nous avons récemment promis un octroi supplémentaire de 3,5 milliards de dollars sur cinq ans dans le cadre de cette initiative, qui vise à améliorer la santé des mères, des nouveau-nés et des enfants. De plus, lors du dernier Sommet de la Francophonie, le premier ministre a annoncé une contribution qui permettra d'immuniser 300 millions d'enfants de plus et de sauver jusqu'à 6 millions de vies. Ces fonds nous permettent d'appuyer nos politiques et de redoubler d'efforts dans les domaines critiques que sont l'immunisation, la nutrition, l'enregistrement des naissances et des décès et, naturellement, la santé des enfants et des femmes.
Je trouve vos accusations particulièrement grossières, compte tenu du leadership exercé par notre premier ministre et par notre gouvernement en faveur de la santé des femmes et de la santé maternelle.
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Monsieur le leader, je vous remercie de votre réponse. Ma question ne portait pas sur la santé maternelle, mais plutôt sur la mutilation des organes génitaux. Auriez-vous l'obligeance de demander au ministère de la Justice ce qu'il fait relativement à ce dossier?
[Français]
Le sénateur Carignan : Il est clair que vous aimez moins les réponses qui font état du bilan du gouvernement en matière de santé maternelle. J'avais compris que vous reveniez à votre première question, car vous sembliez avoir la réponse à votre deuxième commentaire. Je vais donc m'en remettre au ministère de la Justice pour vous fournir une réponse écrite à cette question précise.
[Traduction]
Les données du registre des armes d'épaule—Les demandes d'accès à l'information
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a deux mois, la commissaire à l'information, Suzanne Legault, a dit au gouvernement que des accusations devraient être portées contre la GRC relativement à la non-communication des données du registre des armes d'épaule, et à leur destruction avant l'abolition du registre. Or, le gouvernement n'a pas jugé bon de renvoyer ce dossier à la GRC elle-même, ou de porter des accusations contre ce corps policier. Il a plutôt inclus dans le projet de loi omnibus d'exécution du budget une petite disposition ayant pour effet de récrire la loi rétroactivement. Comment le gouvernement peut-il justifier la réécriture rétroactive de la loi relativement à un dossier dans lequel il veut de toute évidence éviter des désagréments à la GRC?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Le projet de loi parle de lui-même. Nous aurons l'occasion de l'étudier en comité grâce à la motion d'étude préalable dont nous serons saisis. Vous aurez l'occasion, à ce moment-là, de poser des questions aux témoins et d'examiner l'aspect technique de cette disposition de la Loi sur l'accès à l'information.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : Nous n'avons pas encore été saisis du projet de loi, mais nous avons reçu le rapport de la commissaire à l'information. Par conséquent, je demande encore une fois des explications relativement à une attitude qui me semble injustifiable de la part du gouvernement dans ce dossier.
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, je crois que vous connaissez bien la politique de notre gouvernement lorsqu'il s'agit de tenir parole. Nous avons mis fin, une fois pour toutes, au registre des armes d'épaule, qui était une source de gaspillage et d'inefficience.
Toutefois, il est encore possible d'avoir accès à des copies périmées du registre par l'entremise de la Loi sur l'accès à l'information. Le Parlement a clairement exprimé sa volonté à cet égard. Toutes les copies du registre devront être détruites, et cette modification législative fera en sorte que cela se produise.
Sénatrice, vous aurez l'occasion d'étudier le projet de loi et d'examiner les aspects techniques de cette disposition. Cependant, l'intention de ce Parlement et de ce gouvernement a été clairement exprimée en ce qui a trait à l'élimination, une fois pour toutes, du registre des armes à feu.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : Sauf erreur, les demandes d'accès à l'information n'auraient été d'aucune utilité pour qui que ce soit, sauf des chercheurs universitaires, parce que les noms et d'autres renseignements personnels devaient être supprimés des données demandées.
Dans le projet de loi budgétaire, le gouvernement propose de modifier rétroactivement la loi afin de rendre illégales les demandes d'accès à l'information sur ces données — des demandes qui étaient légales lorsqu'elles ont été présentées —, non seulement depuis le jour où la loi abolissant le registre des armes à feu est entrée en vigueur, mais depuis le jour où cette mesure législative a été déposée au Parlement, donc avant même qu'elle ait fait l'objet d'un vote. Comment pouvez-vous justifier une telle mesure? Ne pouvez-vous pas au moins reconnaître que c'est là un grave outrage au Parlement?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, je m'excuse, mais je crois que l'inverse serait un outrage. Le Parlement a clairement exprimé sa volonté de faire détruire le registre des armes à feu, et c'est le cas.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : J'ai participé à l'étude du projet de loi. Je ne me souviens d'aucune application rétroactive en matière d'accès à l'information. Voilà que maintenant, des années plus tard, une telle application rétroactive est soudainement proposée. Essayez-vous de me faire croire que c'est une coïncidence si cela se produit après que la commissaire à l'information ait recommandé de porter des accusations?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénatrice, vous ne vous souvenez peut-être pas de l'étude de cette disposition, mais vous vous rappellerez sûrement que le gouvernement a clairement dit qu'il voulait détruire le registre des armes à feu; c'est ce que le Parlement a décidé, et c'est ce qui a été fait.
[Traduction]
L'honorable Grant Mitchell : J'ai une question complémentaire. Je trouve toujours curieux que le gouvernement dise qu'il sévit contre la criminalité, sauf quand c'est dérangeant de le faire. Suzanne Legault a révélé que c'était la quatrième fois qu'elle disait au procureur général du Canada qu'il existait des motifs permettant de porter des accusations criminelles en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Devinez quoi? Aucune accusation n'a jamais été portée, en dépit de constats d'ingérence politique flagrante et illégale dans un système conçu pour permettre aux Canadiens d'avoir accès à l'information. Comment se fait-il que ce gouvernement qui prétend sévir contre la criminalité ne le fait pas lorsqu'il s'agit de la communication de renseignements qui, je présume, sont peut-être embarrassants pour lui?
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur, lorsque le Parlement prend la parole et exprime clairement sa volonté de détruire toutes les copies du registre des armes à feu, et que ces copies sont détruites, il s'agit de respecter la volonté du Parlement. Il s'agit de respecter la disposition technique qui est prévue au projet de loi et qui a pour objectif de réaliser cette volonté que le gouvernement et le Parlement ont clairement exprimée, et ce, depuis longtemps.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : C'est précisément ce que je fais valoir. Le Parlement n'avait pas encore exprimé sa volonté. C'est exactement ce que je dis. Cette mesure a été prise avant que le Parlement prenne une décision. Il n'appartient pas à la GRC d'anticiper ce que le Parlement peut décider. La GRC n'a pas le droit d'agir en fonction d'une mesure législative qui n'a pas encore été adoptée par le Parlement.
Ne comprenez-vous pas la différence entre la loi qui est proposée et celle qui est adoptée? Ne voyez-vous pas que le Parlement ne s'était pas encore prononcé, que la GRC agissait avant que le Parlement se soit prononcé et, par conséquent, en dehors de la loi?
(1410)
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur, comme vous le savez, notre gouvernement a tenu parole et a mis fin, une fois pour toutes, au registre des armes à feu, qui était une source de gaspillage et d'inefficacité. Il était possible d'obtenir des copies périmées du registre par l'entremise de la Loi sur l'accès à l'information. Or, le Parlement a clairement exprimé sa volonté de faire détruire toutes les copies du registre.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : En ce qui concerne le projet de loi C-51 — qui, selon les craintes de bien des gens, est un véritable affront aux droits et aux libertés civiles protégés par la Charte —, quel message envoie-t-on à la GRC et aux autres organismes d'application de la loi et services nationaux de renseignement? On leur dit qu'ils peuvent carrément enfreindre la loi, sachant qu'ils seront sauvés par un gouvernement qui modifiera tout simplement la loi rétroactivement si la situation devient problématique.
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur, je pense avoir répondu à votre question. Le Parlement a clairement exprimé sa volonté de faire détruire le registre des armes à feu, et cette volonté a été respectée.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : C'est une culture de non-respect des lois qu'on crée, pas une culture de répression de la criminalité.
Quelle assurance les Canadiens peuvent-ils avoir qu'un gouvernement qui modifie la loi rétroactivement pour éviter de se trouver dans l'embarras ou pour aider ses amis de la GRC, par exemple, n'irait pas jusqu'à modifier la loi rétroactivement pour prendre au piège quelqu'un qu'il n'aime pas beaucoup?
[Français]
Le sénateur Carignan : Je pense que les Canadiens savent que notre gouvernement tient parole. Lorsque le gouvernement prend l'engagement de procéder à l'abolition du registre des armes à feu, il tient parole, comme lorsqu'il prend l'engagement de réduire les impôts et d'équilibrer le budget. L'opinion que les Canadiens doivent avoir du gouvernement est qu'il s'agit d'un gouvernement auquel ils peuvent faire confiance, qui est compétent et qui tient parole.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la motion no 105, suivie par la deuxième lecture du projet de loi C-46, suivie par la motion no 108, suivie par la deuxième lecture du projet de loi C-51, suivie par tous les autres articles dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.
Projet de loi no 1 sur le plan d'action économique de 2015
Motion tendant à autoriser certains comités à en étudier la teneur—Adoption de la motion modifiée
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall,
Que, conformément à l'article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à examiner la teneur complète du projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 21 avril 2015 et mettant en œuvre d'autres mesures, déposé à la Chambre des communes le 7 mai 2015, avant que ce projet de loi soit présenté au Sénat;
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à siéger pour les fins de son examen de la teneur du projet de loi C-59 même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;
Que, de plus, et nonobstant toute pratique habituelle :
1. Les comités suivants soient individuellement autorisés à examiner la teneur des éléments suivants du projet de loi C-59 avant qu'il soit présenté au Sénat :
a) le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones : les éléments de la section 16 de la partie 3;
b) le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce : les éléments des sections 3, 14, 19 de la partie 3;
c) le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie : les éléments de la section 15 de la partie 3;
d) le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense : les éléments des sections 2 et 17 de la partie 3;
e) le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration : les éléments de la section 10 de la partie 3;
2. Chacun des différents comités indiqués au point numéro un, qui sont autorisés à examiner la teneur de certains éléments du projet de loi C-59, soit autorisé à siéger pour les fins de son étude, même si le Sénat siège à ce moment-là, l'application de l'article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard;
3. Chacun des différents comités indiqués au point numéro un, qui sont autorisés à examiner la teneur de certains éléments du projet de loi C-59, soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 4 juin 2015;
4. Au fur et à mesure que les rapports des comités autorisés à examiner la teneur de certains éléments du projet de loi C-59 seront déposés au Sénat, l'étude de ces rapports soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance;
5. Le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit simultanément autorisé à prendre en considération les rapports déposés conformément au point numéro quatre au cours de son examen de la teneur complète du projet de loi C-59.
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose :
Que la motion soit modifiée par suppression, au paragraphe b) du point 1, de la référence à la section 3 de la partie 3 du projet de loi.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Projet de loi sur la sûreté des pipelines
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'honorable Michael L. MacDonald propose que le projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur l'Office national de l'énergie et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, c'est un honneur de parrainer ce projet de loi au Sénat, et je suis heureux d'avoir l'occasion de lancer le débat.
La Loi sur la sûreté des pipelines concerne directement les priorités du gouvernement : la sécurité énergétique, la croissance économique et la protection environnementale. Elle reconnaît l'importance des pipelines pour le transport de l'énergie dont nous avons besoin et que nous consommons tous les jours, que ce soit pour alimenter nos véhicules, pour faire tourner nos entreprises et usines, ou encore pour chauffer nos demeures. Elle appuie le rôle important que joue le secteur pétrolier et gazier dans l'économie nationale.
Cela a été dit et redit à plusieurs reprises au Sénat, avec raison : le secteur de l'énergie, fort de nos abondantes ressources pétrolières et gazières, représentait directement près de 10 p. 100 de l'économie canadienne en 2013. En moyenne, de 2008 à 2012, il a généré 25 milliards de dollars par année en recettes fédérales et provinciales.
Enfin, la Loi sur la sûreté des pipelines reflète l'importance que nous attribuons à la sécurisation des pipelines. Sous la direction du gouvernement, la sécurité énergétique et la croissance économique ne se réaliseront jamais au détriment de la sûreté environnementale. C'est pourquoi le plan exhaustif pour le développement responsable des ressources fait clairement état du fait qu'aucun projet d'exploitation de ressources ne sera autorisé à moins d'être considéré comme étant sans danger, autant pour les Canadiens que pour l'environnement.
La Loi sur la sûreté des pipelines est un élément clé de ce plan d'exploitation responsable des ressources naturelles.
Chers collègues, le projet de loi C-46 repose sur trois grands piliers, à savoir la prévention des accidents, la préparation et l'intervention, ainsi que la responsabilité et le dédommagement. De l'avis général, le projet de loi vise juste à ces trois égards. Des experts de tous les horizons ont témoigné au Comité permanent des ressources naturelles de l'autre endroit et ils convenaient que cette mesure législative est nécessaire et positive. J'ai hâte que le projet de loi fasse l'objet d'une étude approfondie ici en comité.
Cette mesure donne suite à l'engagement pris par le gouvernement d'intégrer à la législation le principe du « pollueur-payeur ». Si une entreprise est la source de la pollution, elle va devoir payer pour dépolluer. En outre, toute perte ou tout dommage subi devra aussi être assumé par la compagnie responsable.
L'idée n'est pas nouvelle. Nous avons déjà intégré le principe du « pollueur-payeur » à plusieurs autres projets de loi adoptés par le Parlement. Nous l'avons fait dans le cas de l'industrie extracôtière, avec le projet de loi C-22, ainsi que dans le secteur nucléaire. Nous l'avons aussi fait dans la Loi sur les pêches et dans plusieurs autres mesures législatives.
Les choses sont claires : ce sont les pollueurs qui doivent être tenus responsables du préjudice qu'ils causent, et non les contribuables canadiens.
Le gouvernement a tenu compte de nombreux facteurs avant d'inclure dans la mesure législative une limite de responsabilité absolue de 1 milliard de dollars pour les sociétés qui exploitent de grands pipelines. Il s'est notamment fondé sur une analyse portant sur tout ce qui entre en ligne de compte, allant des incidents impliquant des pipelines jusqu'à la taille des projets de pipeline actuels et éventuels.
Les autorités gouvernementales ont étudié le volume et la nature des produits acheminés par pipeline au Canada et elles ont tenu compte des mesures et des approches adoptées par d'autres gouvernements comme ceux des États-Unis et du Royaume-Uni. Nous savons que ces administrations n'ont pas inclus la notion de responsabilité absolue dans leurs lois sur les pipelines. Cela dit, nous sommes très confiants et très à l'aise quant au contenu de notre Loi sur la sûreté des pipelines, non seulement en ce qui a trait au principe du pollueur-payeur, mais aussi pour ce qui est de faire en sorte que les exploitants de pipelines aient les ressources financières nécessaires pour satisfaire aux dispositions du projet de loi sur la préparation et l'intervention, ainsi que sur la responsabilité et le dédommagement.
En ce qui a trait à la préparation et à l'intervention, nous modifions la Loi sur l'Office national de l'énergie de façon à obliger les compagnies qui exploitent de grands oléoducs à avoir des ressources financières minimales d'un milliard de dollars, dont une partie doit être immédiatement disponible pour réagir rapidement en cas d'incident. Si une compagnie est incapable d'intervenir ou si elle refuse de le faire, l'Office national de l'énergie peut, dans des circonstances exceptionnelles, se voir confier le pouvoir d'assumer les opérations d'intervention et d'ensuite recouvrer le coût de ces opérations auprès de l'industrie.
(1420)
Autrement dit, le gouvernement du Canada donnera à l'Office national de l'énergie le pouvoir et les ressources, sous forme de filet de sécurité financière, pour intervenir et procéder au nettoyage. Ainsi, advenant un incident mettant en cause un pipeline, l'intervention sera immédiate et rigoureuse et la facture ne sera pas assumée par les contribuables.
La Loi sur la sûreté des pipelines renforce également de bien d'autres manières notre régime de responsabilité et d'indemnisation.
Il est vrai que la responsabilité absolue est établie à 1 milliard de dollars pour les exploitants des principaux pipelines en ce qui concerne les coûts et les dommages, indépendamment de ce qui s'est passé ou de la personne qui a causé l'accident. Cependant, la Loi sur la sûreté des pipelines renforce le principe du pollueur-payeur en affirmant très clairement que les exploitants de pipelines ont une responsabilité absolue lorsqu'ils font preuve de négligence ou qu'ils sont en faute.
Je répète. Si vous êtes en faute, votre responsabilité est illimitée. Point final. C'est on ne peut plus clair, monsieur le Président. De plus, comme j'y ai fait allusion plus tôt, le projet de loi permettra aussi au gouvernement de poursuivre les exploitants de pipelines pour les dommages causés à l'environnement. Par ailleurs, cette nouvelle loi donne à l'Office national de l'énergie le pouvoir d'ordonner le remboursement des coûts engagés pour le nettoyage par des gouvernements ou toute autre personne. Enfin, l'Office national de l'énergie pourra récupérer les coûts qu'il a engagés pour assurer la coordination de l'intervention.
Ces vastes modifications sont une indication claire de l'ampleur de l'engagement du gouvernement en vue de s'assurer que le Canada peut transporter en toute sécurité l'énergie que nous utilisons tous quotidiennement.
J'ai commencé mon discours en mentionnant que la Loi sur la sûreté des pipelines vise trois principaux objectifs : la croissance économique, la sécurité énergétique et la protection de l'environnement. Après avoir examiné soigneusement certaines des dispositions importantes du projet de loi, j'espère que les Canadiens auront une bien meilleure idée de la manière dont le projet de loi C-46 contribue à l'atteinte de ces trois objectifs.
En encourageant l'indépendance énergétique du pays, nous créons et protégeons des emplois et des débouchés pour les Canadiens d'un océan à l'autre. Nous y arrivons en maintenant et en renforçant notre régime de sûreté des pipelines, qui compte parmi les plus rigoureux et les plus efficaces du monde. C'est pourquoi je presse tous les sénateurs d'appuyer ce projet de loi de calibre mondial qui, je le souligne, a été appuyé à l'unanimité par tous les partis de la Chambre des communes.
Je vous remercie de votre attention.
[Français]
L'honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de prendre la parole aujourd'hui en tant que parrain du projet de loi C-46, Loi modifiant la Loi sur l'Office national de l'énergie et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, et dont le titre abrégé est Loi sur la sûreté des pipelines.
Nous cherchons à établir, par cette législation, un régime de responsabilité à l'égard des pipelines qui relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, c'est-à-dire qui traversent les frontières provinciales. Le projet de loi C-46 fait suite à une série de projets de loi présentés récemment par le gouvernement dont le but commun est la responsabilisation en cas de dommages à l'environnement et le renforcement des dispositifs canadiens de prévention et de sécurité.
Parmi les antécédents, il y a le projet de loi C-22, Loi sur la sûreté et la sécurité en matière énergétique, qui a reçu la sanction royale le 22 février 2015 et qui fait en sorte de responsabiliser les secteurs de l'exploitation pétrolière extracôtière et de l'énergie nucléaire, ainsi que le projet de loi C-3, Loi visant la protection des mers et ciel canadiens, qui a reçu la sanction royale le 9 décembre 2014 et qui a permis de mettre en œuvre un cadre de responsabilisation et d'indemnisation des dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses.
Nous constatons donc des initiatives proposées par le gouvernement fédéral, dans le cadre du projet de loi C-46, qui visent les pipelines de régie fédérale afin d'améliorer les mécanismes de prévention, de recours, de protection, de remboursement et de responsabilisation en cas d'incidents ayant des effets néfastes sur l'environnement.
Des 825 000 kilomètres de pipelines qui traversent le pays, 73 000 kilomètres sont assujettis à la réglementation fédérale. Ces pipelines sont la source de 7 milliards de dollars de revenus annuels et donnent 6 000 emplois aux Canadiens. Ils transportent annuellement environ 1,3 milliard de barils de pétrole à travers le Canada et vers d'autres pays. En fait, 99,999 p. 100 du pétrole transporté dans ces pipelines est acheminé en toute sécurité, sans incident, ce qui est une indication de normes de sécurité continues et impressionnantes. Ces pipelines font partie intégrante de notre économie et montrent clairement qu'ils sont un moyen sûr de transporter le pétrole et d'autres sources de carburant nécessaires à notre fonctionnement.
[Traduction]
J'approuve l'orientation générale du projet de loi C-46 parce que l'application du principe du pollueur-payeur garantit que les responsabilités civile et financière reviennent à l'exploitant du pipeline. Qu'il y ait ou non preuve de faute ou de négligence, la notion de responsabilité absolue garantit que tous les gros exploitants disposent d'une somme minimale de 1 milliard de dollars pour couvrir les pertes ou les préjudices imprévus subis par une personne, un gouvernement ou une ressource publique. Signalons qu'un exploitant pourrait devoir payer un montant dépassant sa limite de responsabilité s'il y a preuve de faute ou de négligence. Il est important de souligner qu'aucun autre pays ne possède un tel régime de responsabilité absolue pour son réseau de pipelines.
Par ailleurs, le projet de loi précise que les exploitants de pipelines demeurent responsables des pipelines qui ne sont plus exploités jusqu'à ce que ceux-ci soient retirés du sol, ce qui répond aux préoccupations exprimées par les provinces et les propriétaires fonciers.
Enfin, le projet de loi C-46 donne à l'Office national de l'énergie un plus grand pouvoir d'action, en le dotant de mécanismes en matière d'application et d'indemnisation pour assurer le respect des règlements, tels que des vérifications et des inspections plus fréquentes, ainsi que l'accès à un tribunal d'indemnisation.
Honorables collègues, pour ces raisons, j'appuie en principe les objectifs du projet de loi C-46, et je recommande qu'il fasse l'objet d'une étude plus approfondie au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Celui-ci pourra alors l'analyser en détail, entendre le témoignage d'experts de même que cerner les éventuelles lacunes ainsi que les améliorations qui pourraient être apportées, mais surtout, il pourra veiller à ce que ce projet de loi offre les meilleures mesures de sécurité qui soient aux Canadiens en ce qui concerne les pipelines.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur MacDonald, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.)
Projet de loi antiterroriste de 2015
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Fixation de délai—Adoption de la motion
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 13 mai 2015, propose :
Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-51, Loi édictant la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, modifiant le Code criminel, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui au sujet de la motion no 108, qui propose :
Que, conformément à l'article 7-2 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations additionnelles soient attribuées à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-51, Loi édictant la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, modifiant le Code criminel, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
L'adoption de la motion permettra d'accélérer efficacement le débat sur le projet de loi C-51 à l'étape de la deuxième lecture. Le projet de loi C-51 autorisera les institutions fédérales à communiquer de l'information à d'autres institutions fédérales qui sont compétentes ou qui ont des attributions à l'égard d'activités portant atteinte à la sécurité du Canada; constituera un cadre législatif en vue de l'identification des personnes qui pourraient participer à un acte qui menacerait la sûreté des transports ou qui pourraient se déplacer en aéronef dans le but de commettre une infraction de terrorisme et en vue de l'intervention à leur égard; criminalisera des activités terroristes; et permettra de prendre des mesures pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada.
Même si certains honorables sénateurs risquent d'avoir des réserves à l'idée de restreindre le débat à cette étape, nous pouvons tous avoir l'assurance que le projet de loi C-51 a fait l'objet d'un examen en bonne et due forme puisque, lorsque l'autre endroit en était saisi, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a procédé à son étude préliminaire.
(1430)
À cette occasion, le comité a entendu 38 témoignages. Lorsque le projet de loi C-51 sera renvoyé au comité, à la conclusion de l'étape de la deuxième lecture, je suis convaincue que ses membres feront de l'excellent travail.
Honorables sénateurs, la fin de la séance et de la session parlementaire arrivent à grands pas, et le projet de loi C-51 est prioritaire pour le gouvernement. Je sais que le président et le vice-président ont participé à des discussions sur la nécessité de conclure la deuxième lecture pour renvoyer le projet de loi au comité dès aujourd'hui. La motion fait en sorte d'accélérer le débat sur le projet de loi C-51 de manière à respecter l'échéancier prévu.
Dans le cadre des discussions sur le plumitif, ce matin, nous n'avons pas réussi à en arriver à une entente relativement à l'attribution de temps pour le débat sur le projet de loi C-51. Je demande donc à tous les honorables sénateurs d'adopter maintenant cette importante motion.
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Plusieurs raisons expliquent que nous n'ayons pas été en mesure d'en arriver à une entente, notamment le fait que, fondamentalement, seule une nécessité impérieuse devrait justifier qu'on invoque l'attribution de temps. Or, cette motion n'est pas nécessaire.
Les membres du parti ministériel savent que, de ce côté-ci, quelques sénateurs désirent intervenir à propos du projet de loi. Tous prévoient le faire aujourd'hui, après quoi la motion à l'étape de la deuxième lecture pourra être mise aux voix. Même si quelqu'un tentait d'ajourner le débat sur le projet de loi, les membres du parti ministériel sont manifestement assez nombreux pour s'y opposer, donc rien ne justifie de sortir les gros canons en invoquant l'attribution de temps.
L'attribution de temps semble tourner à l'habitude dans cette enceinte, sauf que c'est une mauvaise habitude dont il faut se débarrasser.
La sénatrice Cordy : Deux fois dans la même journée.
La sénatrice Fraser : Deux fois dans la même journée.
La sénatrice Martin : Seulement une.
La sénatrice Fraser : Qui sait? Deux fois le même jour, c'est peut-être un record; il faudra vérifier cela. Quoi qu'il en soit, cette motion est inutile, inappropriée et, par conséquent, non parlementaire. J'exhorte mes collègues à voter contre.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Avec dissidence.
Son Honneur le Président : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence.)
[Français]
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Runciman, appuyée par l'honorable sénatrice Beyak, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-51, Loi édictant la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, modifiant le Code criminel, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir pour exprimer mon opposition au projet de loi C-51. Comme plusieurs d'entre vous, j'étais à l'édifice du Centre du Parlement le 22 octobre dernier, lorsque ce symbole de la démocratie de notre pays a été attaqué. Les événements tragiques du 22 octobre et l'attaque mortelle contre un soldat qui s'est produite à Saint-Jean-sur-Richelieu nous ont tous profondément secoués. Toutefois, je ne crois pas que ces attentats justifient la nécessité urgente de brimer les droits et libertés des Canadiens, comme le propose le projet de loi C-51.
Le gouvernement a choisi de légiférer sans nous offrir de preuves concrètes indiquant que des restrictions permanentes aux libertés individuelles contribueraient à rendre le Canada plus sécuritaire. Nous avons le devoir de prendre tout le temps nécessaire pour bien analyser cette question de la plus haute importance et qui pourrait avoir des conséquences néfastes, à défaut d'avoir un juste équilibre entre les pouvoirs accordés aux institutions fédérales et la protection des droits individuels reconnus par la Charte canadienne des droits et libertés.
[Traduction]
Tout en reconnaissant que certains éléments de ce projet de loi peuvent être nécessaires, je crains que nous échangions de précieux droits et libertés contre un faux sentiment de sécurité.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Tardif : Comme plusieurs d'entre vous, j'ai reçu de nombreuses lettres de Canadiens qui me faisaient part de leurs préoccupations à l'égard du projet de loi C-51. Il y a eu quelques lettres types, mais c'était souvent des lettres rédigées par le signataire. Honorables collègues, j'aimerais vous lire quelques extraits de certaines d'entre elles qui m'ont été envoyées par des Albertains, comme moi.
Un résidant de l'Alberta m'a écrit ceci, au sujet du projet de loi C-51 :
Il me fait avoir peur, non pas des extrémistes ni des groupes radicaux, mais des pouvoirs qui nous surveillent et nous gouvernent. Il est absolument terrifiant de voir nos libertés fondamentales nous être peu à peu retirées.
Un résidant de Calgary dit ceci :
Ce projet de loi est présenté comme une mesure antiterroriste. Or, comme on réussit déjà à contrer des attaques terroristes coordonnées, il semble qu'il s'agit là d'un projet de loi inutile fondé uniquement sur la paranoïa.
Une femme d'Edmonton écrit ceci :
L'adoption de ce projet de loi NE FAIT RIEN pour que je me sente mieux protégée contre les menaces étrangères [...] Je suis plutôt découragée que le gouvernement préfère s'en prendre à mes droits au lieu de trouver d'autres façons d'aider les citoyens.
Un autre résidant de Calgary écrit ceci :
Depuis trop longtemps, on force les Canadiens à échanger leurs droits garantis par la Charte contre un hypothétique renforcement des mesures de sécurité. Nous n'avons pas besoin du projet de loi C-51. S'il est adopté, les tribunaux devront se pencher pendant des décennies sur une mesure législative qui aura d'énormes conséquences négatives pour l'ensemble de nos droits.
Honorables collègues, comme ces Albertains et des milliers d'autres Canadiens, je suis également très préoccupée par plusieurs dispositions de ce projet de loi, dont il sera question dans mes observations d'aujourd'hui.
[Français]
Premièrement, les définitions proposées dans le projet de loi sont beaucoup trop floues. Ces définitions ne nous disent pas quels actes spécifiques seront considérés comme du « terrorisme en général ». En fait, l'Association du Barreau canadien a fait une mise en garde quant à cette large définition d'un « acte terroriste ». Permettez-moi de citer un passage du mémoire de l'Association :
Interprétée de façon restrictive par les tribunaux, cette proposition n'ajouterait rien aux dispositions constitutives d'infractions actuelles [...] Interprétée largement, elle ferait l'objet de contestations importantes, à grands frais pour les contribuables, et pourrait viser des activités de nature plus politique que dangereuse.
L'ajout d'une définition de ce qui constitue une « activité portant atteinte à la sécurité du Canada » est aussi un sujet de débat. Entre autres, entraver le fonctionnement d'infrastructures essentielles est considéré comme une menace pour la sécurité de notre pays. Plusieurs se demandent ce que comprennent les mots « infrastructures essentielles » et si cette catégorie comprend des ponts ou des routes. Bien que je reconnaisse que le gouvernement a modifié cet article du projet de loi pour supprimer le mot « licite » de la clause d'interprétation, le langage reste vague et il y a encore beaucoup d'ambiguïtés.
[Traduction]
La création de la nouvelle Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada est une grande source de préoccupation. Même s'il n'a pas été invité à témoigner à l'autre endroit, Daniel Therrien, récemment nommé commissaire à la protection de la vie privée, a soumis un mémoire très détaillé sur cette partie du projet de loi C-51, et il a comparu devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense lors de son étude préalable du projet de loi. Il a fait plusieurs recommandations pour améliorer le projet de loi C-51 et établir les protections nécessaires pour protéger le droit à la vie privée.
Malheureusement, aucune de ces recommandations n'a été retenue à l'autre endroit. Dans son mémoire, M. Therrien a dit ceci :
[...] l'ampleur de la communication d'information proposée est sans précédent, la portée des nouveaux pouvoirs conférés par la Loi est excessive, d'autant plus que ces pouvoirs touchent les Canadiens ordinaires, et les garanties juridiques propres à assurer le respect de la vie privée laissent grandement à désirer. Certes, la possibilité de connaître pratiquement tout sur tout le monde pourrait permettre de détecter de nouvelles menaces, mais la perte au chapitre de la vie privée est manifestement démesurée.
(1440)
Dans sa déclaration écrite, le commissaire à la protection de la vie privée a indiqué qu'à son avis, « le projet de loi C-51 établit un seuil beaucoup trop bas pour la communication des renseignements personnels des Canadiens et élargit beaucoup trop la portée de la communication d'information », et que « le projet de loi C-51 est beaucoup trop permissif en ce qui a trait à la façon dont l'information communiquée sera traitée »
En effet, la communication d'information entre les 17 agences gouvernementales nommées ne se limiterait pas à de présumés terroristes connus. Elle pourrait aussi englober des Canadiens respectueux des lois, pour autant, comme le souligne le commissaire à la protection de la vie privée, qu'elle soit « pertinente pour la détection de menaces »; remarquez qu'on ne dit pas « nécessaire », mais bien « pertinente ». De plus, le projet de loi ne prévoit aucune limite quant à la période de conservation de l'information; les 17 agences gouvernementales nommées pourraient donc la conserver indéfiniment.
Honorables sénateurs, je trouve aussi préoccupantes les nouvelles dispositions prévues à la partie 2 du projet de loi, dans la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, à propos de ce qu'on appelle communément la liste d'interdiction de vol. À l'heure actuelle, une personne se voit ajoutée à cette liste si le ministre peut raisonnablement soupçonner qu'elle représente un risque pour la sécurité aérienne. En vertu du projet de loi, on ajoutera à la liste toute personne que le ministre peut raisonnablement soupçonner de vouloir voyager à des fins terroristes.
Je crains que cette liste ne soit pas gérée adéquatement et enfreigne les droits de citoyens ordinaires. Le ministre ne sera pas tenu de justifier l'ajout d'une personne à la liste, ni d'expliquer pourquoi son nom n'en est pas retiré.
Il existe un processus d'appel pour toutes les décisions rendues par le ministre. Toutefois, ceux qui portent une décision en appel ne pourront peut-être pas voir tous les éléments de preuve utilisés contre eux, ni savoir comment ils ont été recueillis. Le juge est tenu de donner à l'appelant et au ministre la possibilité de se faire entendre, mais comme l'appelant peut-il se défendre s'il ne sait pratiquement rien des éléments de preuve présentés au juge?
De plus, toute information, même celle qui est recueillie illégalement, sans un mandat, et qui serait irrecevable devant un tribunal, telle que l'information obtenue au moyen de la torture ou de l'écoute électronique illégale, sera admissible devant un juge pourvu qu'il estime qu'elle est fiable et pertinente.
Les similitudes entre les dispositions du projet de loi C-51 et celles concernant les certificats de sécurité sont évidentes. Dans les deux cas, les dispositions autorisent le procureur général à présenter des preuves au juge, mais elles empêchent l'accusé d'en prendre connaissance. Or, le projet de loi C-51 contredit directement une décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Harkat et l'arrêt Charkaoui au sujet des certificats de sécurité. La cour a statué que les certificats de sécurité sont constitutionnels dans la mesure où une tierce partie, l'avocat spécial, a accès à toute l'information du gouvernement.
Le projet de loi C-51 ne prévoit pas d'avocat spécial, même si l'histoire a clairement prouvé qu'une tierce partie est grandement nécessaire pour qu'une affaire soit examinée de manière équitable.
Il ne fait aucun doute que les mesures que contient le projet de loi se traduiront par l'ajout des noms de Canadiens innocents à la liste d'interdiction de vol, sans qu'ils ne sachent pourquoi. Il s'agit d'une grave lacune dans le projet de loi.
[Français]
Le projet de loi C-51 modifie le Code criminel du Canada pour traiter de la question de la propagande terroriste. On ajoute ainsi une infraction, soit un acte criminel, à l'article 16 en édictant l'article 83.221 au Code criminel du Canada. Ainsi, quiconque préconise la perpétration d'infractions terroristes en général pourra être déclaré coupable d'un acte criminel, peu importe si cette perpétration mène à une attaque ou non. De plus, toute publication, soit écrite ou enregistrée, dont la distribution constitue de la propagande terroriste peut être saisie au moyen d'un mandat autorisé par un juge. La saisie d'une publication peut être effectuée si le tribunal est convaincu qu'elle constitue, « selon la prépondérance des probabilités », de la « propagande terroriste ». Le concept selon lequel il faut avoir un motif raisonnable de croire qu'il y a infraction, qui est utilisé par les juges de paix conformément à l'article 487 du Code criminel et qui permet d'accorder un mandat de perquisition, n'est aucunement respecté. À mon avis, si ce projet de loi est adopté, il sera essentiel de mettre en place un mécanisme de surveillance pour éviter des abus possibles.
[Traduction]
En outre, le projet de loi C-51 fait en sorte qu'il est plus facile d'établir la preuve nécessaire pour imposer un engagement assorti de conditions et procéder à des arrestations préventives. En vertu de la loi actuelle, avant même qu'il puisse demander un engagement assorti de conditions, le procureur général doit avoir des motifs raisonnables de croire qu'un acte terroriste sera commis et qu'un tel engagement est nécessaire pour éviter que l'acte soit entrepris.
Aux termes du projet de loi C-51, le procureur général devra avoir des motifs raisonnables de croire à la possibilité qu'une activité terroriste soit entreprise — nous sommes passés de « croire qu'une activité terroriste sera entreprise » à « croire à la possibilité qu'une activité terroriste soit entreprise » — et de soupçonner que l'imposition d'un engagement assorti de conditions aura vraisemblablement pour effet d'empêcher — nous sommes passés de « est nécessaire pour éviter » à « aura vraisemblablement pour effet d'empêcher » — que l'activité terroriste soit entreprise. Le fait de remplacer les mots « croire qu'une activité terroriste sera entreprise » par les mots « croire à la possibilité qu'une activité terroriste soit entreprise » et les mots « est nécessaire pour éviter » par les mots « aura vraisemblablement pour effet d'empêcher » signifie donc que l'on abaisse le seuil de la preuve requise pour imposer un engagement assorti de conditions à une personne.
Le même type de modification peut être observé pour les arrestations préventives sans mandat. Aux termes du projet de loi C-51, toujours sous réserve de motifs raisonnables, un agent de la paix n'a qu'à soupçonner que la mise sous garde de la personne aura vraisemblablement pour effet de l'empêcher de se livrer à une activité terroriste plutôt que de soupçonner que la mise sous garde de la personne est nécessaire afin de l'empêcher de se livrer à une activité terroriste.
Ces modifications du libellé auront de lourdes conséquences sur la façon d'interpréter la loi. Il est tout à fait probable que le nombre de détentions préventives et d'impositions d'engagements assortis de conditions augmente.
[Français]
Le projet de loi C-51 permet aux juges d'exiger une caution lorsqu'ils ordonnent un engagement assorti de conditions. De plus, les juges poseront une exigence en demandant que la personne sous engagement cède son passeport ou qu'elle demeure dans une région désignée pour la durée de l'engagement. Si le juge n'ordonne pas ce type de condition, il devra expliquer les motifs de sa décision. Évidemment, en demandant aux juges de s'expliquer s'ils n'imposent pas ce type de condition, le gouvernement vise à ce que l'ordonnance de ces deux conditions devienne pratique courante, et non pas un recours exceptionnel.
[Traduction]
L'un des aspects les plus singuliers de ce projet de loi, ce sont les modifications apportées à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. Ce projet de loi donnera des pouvoirs accrus au SCRS, mais sans prévoir quelque surveillance que ce soit pour veiller à ce que ces pouvoirs accrus soient utilisés de façon appropriée.
À l'heure actuelle, le rôle du SCRS est avant tout de recueillir des renseignements. Le projet de loi C-51 permettra au SCRS d'intervenir concrètement pour contrer les complots terroristes, tant au pays qu'à l'étranger. C'est une modification fondamentale énorme du mandat de l'organisme. Le projet de loi C-51 prévoit tout de même certaines limites à ce que peut faire le service de renseignement, mais il lui suffira d'un mandat pour outrepasser ces limites, aussi bien au Canada qu'à l'étranger.
Honorables sénateurs, aucun autre pays démocratique ne permettrait à un juge d'accorder à un organisme de sécurité, dans le cadre d'une audience secrète, un mandat lui donnant l'autorisation de violer la Constitution.
Le gouvernement s'efforce de rassurer les Canadiens en leur disant que ces nouveaux pouvoirs feront l'objet d'une supervision de la part du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui devra présenter des rapports annuels indiquant le nombre de mandats ayant été délivrés.
Honorables sénateurs, m'accorderez-vous cinq minutes de plus?
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils d'accord pour accorder cinq minutes de plus?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : La sénatrice dispose de cinq minutes de plus.
La sénatrice Tardif : Le gouvernement s'efforce de rassurer les Canadiens en leur disant que ces nouveaux pouvoirs feront l'objet d'une supervision de la part du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité. Celui-ci devra présenter des rapports annuels indiquant combien de mandats autorisant le SCRS à outrepasser les limites imposées par la Constitution ont été délivrés. Ce rapport indiquera également combien de mandats ont été refusés. Toutefois, le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité ne possède pas les outils adéquats pour prendre part au processus de surveillance démocratique des activités du SCRS.
Honorables sénateurs, le SCRS doit faire l'objet d'une surveillance parlementaire.
L'absence de surveillance parlementaire a été dénoncée par de nombreuses personnes, y compris quatre anciens premiers ministres et plusieurs juges de la Cour suprême à la retraite.
Dans une déclaration publiée dans le Globe and Mail et dans La Presse, les quatre anciens premiers ministres ont dit ceci :
Les objectifs de protection des droits de la personne et de maintien de la sécurité publique sont complémentaires, mais il a été démontré que d'importantes violations de droits de la personne peuvent être commises au nom de la sécurité nationale. Compte tenu du secret qui entoure les activités de sécurité nationale, des violations de droit peuvent ne pas être relevées et demeurer sans recours.
(1450)
La pratique courante à l'étranger, honorables sénateurs, est de soumettre ce type d'organismes à une forme ou une autre de surveillance qui est exercée par le Parlement ou le Congrès pour s'assurer que les droits fondamentaux des citoyens sont protégés. D'ailleurs, le Comité sur la torture des Nations Unies a demandé au Canada d'exercer une plus grande surveillance sur ses organismes de sécurité nationale. Si le projet de loi C-51 est adopté dans sa forme actuelle, le Canada sera le seul pays du Groupe des cinq — qui comprend aussi les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et la Grande-Bretagne — dont le corps législatif n'exercera pas de surveillance sur les responsables du renseignement, à qui on aura donné de plus grands pouvoirs pour contrer les menaces terroristes.
La France débat actuellement de mesures semblables à celles proposées dans le projet de loi C-51, mais ces mesures comprendraient une commission nationale indépendante — la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement — qui exercerait une surveillance directe sur son agence du renseignement. Des députés de l'Assemblée nationale et des membres de son Sénat siégeraient à cette commission.
Pourquoi le gouvernement refuse-t-il d'envisager qu'une surveillance parlementaire soit exercée sur le SCRS?
[Français]
Chers collègues, il y a certainement de bonnes intentions qui motivent ce projet de loi. Je comprends très bien le monde dans lequel nous vivons. Cependant, il y a aussi un grand risque que nous y perdions des droits et libertés. Une fois qu'ils seront perdus, il sera très difficile de changer d'orientation et de récupérer ces droits et libertés.
Honorables sénateurs, il faut trouver un juste équilibre entre le droit à la sécurité et le droit à la préservation des libertés fondamentales, notamment les libertés individuelles, et ce, pour l'ensemble des citoyens. Selon de nombreux experts de ce domaine, ce projet de loi n'atteint pas ce juste équilibre. C'est la raison pour laquelle je ne puis appuyer le projet de loi C-51.
[Traduction]
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends aussi la parole, à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-51.
Pour commencer, j'aimerais remercier le sénateur Mitchell d'avoir accepté d'être le porte-parole pour ce projet de loi ainsi que le sénateur Runciman de l'avoir parrainé et le sénateur Lang pour tout le travail qu'il a fait durant l'étude préalable du projet de loi.
Je siège au Sénat depuis 14 ans. Ces années ont été les plus gratifiantes de ma vie, mais, durant ces années, je n'ai jamais été aussi inquiète de l'orientation que prend le Canada. Je n'ai jamais été aussi inquiète pour les Canadiens.
Honorables sénateurs, la liste des problèmes liés au projet de loi C-51 est très longue. Il y a des problèmes concernant le partage accru de l'information entre 17 instances différentes; des problèmes relativement aux mandats qui violeraient la Charte; une nouvelle disposition sur les poursuites civiles qui exclurait la notion de responsabilité; de nouvelles dispositions sur la propagande terroriste qui réprimeraient la liberté d'expression; de nouvelles dispositions liées à l'interdiction de vol sans que l'efficacité d'une telle liste ait été prouvée; des critères moins exigeants en matière de détention préventive qui violeraient les droits des Canadiens; de nouveaux pouvoirs de perturbation sans précédent accordés au SCRS et un manque flagrant de surveillance de ces activités.
D'autres problèmes découlent de chacune de ces dispositions générales qui soulèvent toutes plus de questions que de réponses. Il est à espérer que le comité chargé d'étudier le projet de loi trouvera la réponse à certaines de ces questions.
Malheureusement, cette mesure législative soulève bien d'autres problèmes que je n'ai pas le temps d'aborder. Par conséquent, je vais traiter uniquement de quatre d'entre eux : premièrement, la communication de l'information, deuxièmement, l'indemnisation, troisièmement, les mandats et quatrièmement, la propagande terroriste. Je vais aussi parler de la radicalisation et du sentiment de confiance de l'ensemble des Canadiens.
En ce qui a trait au partage de l'information, je veux commencer en vous racontant l'histoire d'un jeune homme qui est arrivé au Canada en 1987, en provenance de la Syrie. Cet homme a étudié au Canada, il a obtenu la citoyenneté canadienne et il a travaillé comme ingénieur en télécommunications, ici même à Ottawa. En 2002, il a fait un voyage en Tunisie avec sa famille. Au retour, son vol a fait escale à New York, où les autorités américaines l'ont détenu puis envoyé en Syrie, où il a été torturé. Or, les autorités américaines utilisaient des renseignements fournis par la GRC.
Nous connaissons tous l'histoire de Maher Arar, mais celle-ci mérite d'être répétée parce qu'elle nous éclaire sur ce qu'il en coûte véritablement de sacrifier la sécurité pour des droits. Elle nous montre que s'il n'y a pas un équilibre entre notre sécurité et nos droits, nous n'avons plus ni sécurité ni droits.
Honorables sénateurs, encore aujourd'hui, chaque fois que je vois ou que je rencontre M. Arar, son épouse et ses enfants, je sens qu'ils souffrent quotidiennement. Je sens qu'ils paient encore pour l'erreur que nous avons commise.
Honorables sénateurs, Dieu merci nous avons pu rapatrier Maher Arar au Canada, où on lui a rendu justice jusqu'à un certain point, en raison du rôle joué par le Canada dans son extradition. Une enquête a été ouverte afin de savoir ce qui s'était produit, et pour quelle raison. Au terme de cette enquête, des recommandations ont été faites sur la façon d'améliorer le fonctionnement du réseau de sécurité au Canada. Pourtant, le projet de loi C-51 ne respecte pas certaines recommandations très importantes sur le partage de l'information et la surveillance. En fait, cette mesure législative va augmenter la probabilité qu'une injustice comme celle qu'a vécue Maher Arar se répète.
Le projet de loi permet à 17 agences différentes, dont la plupart n'ont reçu aucune formation en sécurité, de communiquer de l'information au réseau de sécurité du Canada. Des organismes de sécurité tels que l'Agence des services frontaliers — qui, nous l'avons appris lors de notre étude préalable, ne fait l'objet d'aucune surveillance réelle — pourraient communiquer cette information à des gouvernements étrangers. Cette situation entraînerait exactement les conséquences que l'enquête sur l'affaire Maher Arar devait prévenir à l'avenir.
Lors de notre étude préalable du projet de loi, j'ai posé une question à ce sujet au commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Il a expliqué qu'il n'y avait pas de protocole d'entente entre ces 17 agences et notre réseau de sécurité.
Honorables sénateurs, pouvez-vous croire qu'il n'existe pas de protocole d'entente sur la façon dont l'information sera communiquée et protégée? Comment allons-nous protéger les citoyens canadiens?
Il faut se poser les questions suivantes : quelle information devrait être communiquée? À qui? Où cette information va-t-elle se retrouver? Ce sont toutes des questions auxquelles il faut répondre. Pourtant, le projet de loi ne renferme rien qui puisse nous éclairer à cet égard. Une telle situation peut facilement entraîner une mauvaise utilisation de l'information.
Ceci m'amène au deuxième point, à savoir l'indemnisation en cas de préjudice subi par suite du partage de l'information. Si une instance gouvernementale partage à tort de l'information avec notre réseau de sécurité, cette instance sera protégée contre toute poursuite civile. En effet, l'article 9 du projet de loi protège les personnes contre les poursuites civiles pour la communication d'information faite de bonne foi.
Le gouvernement vante constamment son approche axée sur les victimes en matière de criminalité. Pourtant, lorsque des Canadiens innocents sont victimes de lois injustes, il les prive de leur droit à un dédommagement. S'il y avait un autre cas comme celui de Maher Arar, la victime ne serait pas indemnisée, indépendamment du rôle joué par le Canada dans son extradition. Elle n'aurait aucune sécurité, aucun droit et elle ne bénéficierait plus d'aucune justice.
Mon troisième point porte sur les mandats. Le projet de loi C-51 permet au SCRS d'utiliser des mandats pour violer de façon sans précédent la Charte des droits et libertés. Il y a beaucoup de confusion au sujet de cette disposition. J'aimerais expliquer clairement le pouvoir que nous accorderons au SCRS si le projet de loi est adopté.
À l'heure actuelle, la Charte des droits et libertés protège les Canadiens contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives, ainsi que la détention arbitraire. Les qualificatifs « abusives » et « arbitraire » protègent les droits de tous les Canadiens. Or, le projet de loi C-51 permettrait au SCRS de faire complètement abstraction de ces dispositions.
(1500)
Michael Spratt, de la Criminal Lawyers' Association, l'a très bien dit pendant notre étude préalable du projet de loi C-51 :
[...] demande aux juges de donner d'emblée leur aval à une violation de la Charte des droits lors d'une audience secrète qui ne peut pas faire l'objet d'un appel et où seul le gouvernement est représenté. Ce processus est différent du Code criminel, car il n'y a pas de préavis, pas de dispositions en matière de déclaration et peu de chances de mettre à jour une violation ou des problèmes qui surviendraient lors d'un procès.
Les mandats qui sont invalidés devant les tribunaux ne sont que la pointe de l'iceberg. Des centaines de mandats passent inaperçus parce qu'aucune accusation n'a été portée.
Les Canadiens n'ont aucune façon de savoir si les activités du SCRS dépassent la portée des mandats demandés. Le projet de loi C-51 permettrait au SCRS d'aller à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés sans être obligé de faire rapport au juge de l'utilisation qu'il ferait de ses nouveaux pouvoirs.
Quatrièmement, les dispositions vagues du projet de loi C-51 sur la propagande terroriste portent carrément atteinte à la liberté d'expression. Il faut nous demander si ces dispositions permettent vraiment de mieux protéger les Canadiens.
Le projet de loi C-51 crée une nouvelle infraction qui criminaliserait la possession ou la diffusion de « propagande terroriste », expression que le projet de loi définit pour la première fois. Cette mesure est très vaste et va beaucoup trop loin.
Honorables sénateurs, voici un exemple illustrant à quel point cette mesure est vaste. En mars dernier, le Parti conservateur a diffusé une publicité visant à promouvoir le projet de loi. Cette publicité comprenait une vidéo dans laquelle le groupe terroriste Al-Chabaab menaçait de faire sauter le West Edmonton Mall.
Pourtant, cet acte contreviendrait au projet de loi C-51. S'il est si facile pour les conservateurs d'enfreindre une loi qu'ils proposent, je me demande combien de citoyens canadiens ordinaires seraient frappés inutilement par cette loi.
Ajoutons à cela la définition élargie du mot « terrorisme » que le projet de loi instaurera — définition qui comprendra, entre autres, l'acte de nuire aux intérêts économiques du Canada —, ce qui amène forcément à la question suivante : comment le projet de loi touchera-t-il les organisations environnementales du Canada qui s'opposent au projet d'oléoduc d'Enbridge dans ma province, la Colombie-Britannique?
J'ai personnellement entendu dire que les organisations environnementales du Canada sont préoccupées par les effets de ce projet de loi, surtout après que le ministre des Ressources naturelles les a qualifiées de « radicales » et que le cabinet du premier ministre les a appelées des « ennemies de l'État » parce qu'elles s'étaient opposées au projet d'oléoduc d'Enbridge.
Depuis quand est-il acceptable de museler les critiques politiques en adoptant des mesures législatives qui constituent des menaces d'arrestation? Ce n'est pas ainsi que fonctionne une démocratie. Ce n'est pas la façon de faire au Canada.
Aujourd'hui, le gouvernement se sert du projet de loi pour diviser les Canadiens, au lieu de les rassembler. À plusieurs reprises, nous avons vu le gouvernement diviser les Canadiens en deux camps : d'une part, les partisans, les amis, ceux qui représentent le bien et, d'autre part, les détracteurs, les ennemis, ceux qui représentent le mal.
Catégoriser les Canadiens de façon si tranchée n'est tout simplement pas la manière canadienne de faire les choses. Devant une approche si peu nuancée, il y a lieu de craindre que le projet de loi C-51 permette au gouvernement de persécuter plus facilement ceux qui ne suivent pas son programme politique.
J'ai exposé quatre problèmes précis liés au projet de loi C-51, mais avant de conclure, j'aimerais faire valoir deux autres points. Le premier concerne l'importance de la confiance pour assurer l'efficacité des mesures de sécurité et le second, la nécessité de comprendre la radicalisation.
Honorables sénateurs, trouver le juste milieu entre la sécurité et la protection de nos droits n'est pas une tâche facile, mais il est très important de le faire. En l'absence d'un juste équilibre, soit nous laisserons le Canada vulnérable, soit nous sacrifierons ce que nous tentons précisément de protéger. Par-dessus tout, nous risquons de perdre la confiance des citoyens canadiens, le fondement même sur lequel repose notre démocratie.
Maher Arar arrivera-t-il un jour à reprendre confiance envers le gouvernement canadien et à croire que celui-ci se battra pour ses droits? Et qu'en est-il d'Abdoullah Almalki, d'Ahmad El Maati, de Muayyed Nureddin, d'Abousfian Abdelrazik et de Benamar Benatta? Retrouveront-ils cette confiance? Et leurs proches, leurs amis, y parviendront-ils?
Tous ces gens ont été traités injustement par nos services de sécurité. Dans certains cas, c'était simplement parce qu'ils étaient musulmans ou de telle ou telle origine ethnique. Et c'est à ces mêmes services de sécurité que le projet de loi va accorder de nouveaux pouvoirs illimités.
MM. Roach et Forcese ont parlé des répercussions que cela pourra avoir, notamment sur la communauté musulmane :
Il est aussi difficile de nier le fait que depuis le 9/11, le fardeau lié aux infractions relatives à la liberté d'expression reposera de manière disproportionnée sur les communautés musulmanes. Le climat social et politique déjà tendu deviendra encore plus difficile, et risque de nuire [...] considérablement aux programmes prometteurs qui visent à contrer l'extrémisme que met actuellement en œuvre la GRC. La recherche suggère que ces programmes peuvent justement être la solution ultime au problème de l'extrémisme violent.
Honorables sénateurs, ce projet de loi va nuire aux efforts de sensibilisation de la GRC et des autres organismes de renseignement en minant le lien de confiance qui les unit aux minorités visibles. Au lieu de se sentir plus en sécurité, celles-ci se sentiront au contraire en danger. Elles savent que les lois canadiennes peuvent servir à les cibler et à les persécuter sans commune mesure.
Il y a déjà une loi qui empêche les femmes portant un niqab de prêter le serment de citoyenneté. Nous savons aussi que les mauvais traitements se poursuivent. Encore dernièrement, Benamar Benatta a réglé la poursuite qu'il avait intentée contre le gouvernement fédéral à cause des traitements illégaux dont il a été l'objet immédiatement après les attentats du 11 septembre.
Pour que la GRC et le SCRS puissent recueillir des renseignements vraiment utiles, ils ont besoin de la collaboration des communautés culturelles. Nous savons tous, honorables sénateurs, que si nous voulons demeurer en sécurité, il faut que les services de renseignement aillent puiser dans toutes les couches de la société. Nous savons aussi que, si les cas qui ont retenu notre attention dernièrement ont été portés à notre attention, c'est justement parce que les communautés culturelles ont collaboré avec la GRC. Si nous menaçons les communautés culturelles, nous perdrons leur confiance, et nous en sortirons tous perdants.
Lorsque la GRC est en mesure de porter des accusations, dans bien des cas, c'est grâce au lien de confiance qu'elle a réussi à créer avec les communautés et aux renseignements qu'elle a pu obtenir en travaillant avec l'ensemble d'entre elles. Cependant, quand des personnes innocentes sont arrêtées, quand des communautés ne se sentent pas acceptées et quand on adopte une loi qui permet d'espionner plus facilement les membres de certaines communautés, cette confiance peut s'effriter rapidement, alors qu'elle est indispensable à l'obtention de renseignements de qualité.
Cela m'amène au dernier point que je veux soulever. L'arrestation de Canadiens n'empêchera pas le processus de radicalisation. Comme le sénateur Mitchell l'a affirmé, nous n'allons pas régler notre problème de terrorisme en procédant à des arrestations.
Durant l'étude préalable du projet de loi, nous avons entendu ce qu'avaient à dire le conseiller à la sécurité nationale du Canada, ainsi qu'un expert de la fondation Quilliam. Les deux croient que le projet de loi n'empêcherait pas les gens de se radicaliser.
En fait, rappelez-vous, j'ai demandé hier au sénateur Runciman, le parrain du projet de loi...
Son Honneur le Président : Honorable sénatrice, votre temps de parole est écoulé.
La sénatrice Jaffer : Puis-je avoir cinq minutes de plus?
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils d'accord pour accorder cinq minutes de plus à la sénatrice Jaffer?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Cinq minutes.
La sénatrice Jaffer : Merci.
En fait, j'ai demandé au sénateur Runciman, le parrain du projet de loi, si le projet de loi contenait quoi que ce soit qui permettrait de prévenir la radicalisation. Si ma mémoire est bonne, il a affirmé qu'il ne voyait rien dans le projet de loi qui permettrait de le faire.
Honorables sénateurs, si nous voulons vraiment empêcher les gens de se radicaliser, nous devons faire un effort concerté pour comprendre les causes profondes de la radicalisation et nous y attaquer sérieusement.
Pour ce faire, nous pourrions faire appel à la Table ronde transculturelle sur la sécurité. Il y a plusieurs années, j'ai mis énormément de pression sur le premier ministre Chrétien, puis sur le premier ministre Martin, pour qu'ils organisent des tables rondes où le gouvernement pourrait parler directement aux dirigeants communautaires.
En 2013, j'ai demandé au gouvernement ce qu'il était advenu de la Table ronde transculturelle sur la sécurité. Quand prévoyait-elle se réunir au cours de l'année à venir?
Malheureusement, le gouvernement actuel n'a pas répondu à ma question. Or, comme j'ai entendu le ministre de la Justice affirmer qu'une réunion de la Table ronde transculturelle sur la sécurité avait eu lieu récemment, j'ai vérifié auprès de la Bibliothèque du Parlement, qui m'a indiqué que le dernier compte rendu d'une réunion sur la sécurité était daté du 3 novembre 2013.
J'ai aussi demandé au ministre de la Justice et au ministre de la Sécurité publique, lors de l'étude préalable, quand avait eu lieu la dernière réunion de la Table ronde transculturelle sur la sécurité à laquelle ils avaient participé. Les deux ministres ont décidé de ne pas répondre à ma question.
(1510)
Honorables sénateurs, si nous voulons gagner la confiance des communautés, nous devons collaborer avec elles. Nous ne pouvons plus ignorer certains Canadiens. Tous les Canadiens sont égaux.
Honorables sénateurs, nous tous qui siégeons dans cette enceinte sommes conscients de l'importance des lois pour que les Canadiens se sentent davantage en sécurité. Mais nous sommes tous conscients également de ce qui fait du Canada le pays incroyable qu'il est. C'est notre culture de l'égalité, de la liberté d'expression et de l'acceptation. Ce sont les droits dont tous les Canadiens doivent pouvoir jouir.
Honorables sénateurs, nous pouvons vivre en sécurité tout en ayant des droits. Les deux propositions ne sont pas mutuellement exclusives. Elles se complètent l'une l'autre. J'espère qu'une partie des questions que j'ai soulevées pourront être étudiées attentivement au cours des séances du comité sur ce projet de loi.
Honorables sénateurs, je tiens à le dire dans cette enceinte : j'espère que nous pourrons étudier ce projet de loi en profondeur au cours des audiences — à vrai dire, je prie pour cela. C'est un projet de loi très important. Il touche les gens dans mon milieu de vie. Il touche les gens que je croise sur mon chemin et ceux avec lesquels je travaille. J'espère que nous ne procéderons pas à une étude expéditive. J'espère que l'étude se fera en profondeur, car le projet de loi aura une incidence sur les gens que j'aime.
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, j'ai quelques mots à dire au sujet de ce projet de loi. Je n'ai préparé aucun texte à ce sujet. Dans les deux camps, certains sénateurs sont en faveur du projet de loi et d'autres sont contre.
En écoutant les délibérations du comité — et j'ai assisté à quelques réunions —, j'ai entendu beaucoup de témoignages contradictoires. Beaucoup de généralités ont été lancées. Il faut réfléchir à certains des arguments qui ont été soulevés avant de tirer une conclusion au sujet de cette mesure législative.
Permettez-moi de dire tout d'abord que le gouvernement devait faire quelque chose à propos de ce projet de loi, car il y a une crise. En ce qui concerne le SCRS, il a intercepté des communications dans des pays étrangers pendant quatre ans, car il croyait avoir l'autorisation judiciaire de le faire. Tout à coup, nos tribunaux ont déclaré que l'organisme n'avait pas cette autorisation judiciaire, et l'affaire se trouve maintenant devant la Cour suprême du Canada. Il y a trois ou quatre semaines, la Cour suprême a autorisé l'appel.
Pendant environ quatre ans, des mandats ont été exécutés dans des pays étrangers, mandats qui sont jugés par nos tribunaux comme étant illégaux. Il fallait faire quelque chose. Le gouvernement a dû dire : « Écoutez, nous devons corriger nos lois pour nous assurer que nous agissons en toute légitimité et pouvoir utiliser les renseignements obtenus plus tard devant un tribunal, au besoin. »
Je veux soulever un ou deux autres points. Je vois que le sénateur Mitchell est ici, le sénateur Kenny est ici, je pense, le sénateur Dagenais est ici, et les sénateurs Ngo et Runciman sont également ici. Ils siègent tous au comité qui sera saisi de ce dossier. Il y a peut-être quelques questions qu'ils pourraient poser. Je ne suis pas membre du comité, mais j'aimerais entendre les réponses à des questions particulières. À première vue, je trouve que le projet de loi va trop loin à certains égards et pas assez loin à d'autres égards.
Je pourrais peut-être rapidement soulever quelques questions que le sénateur Runciman ou un autre sénateur pourrait poser aux fonctionnaires, afin d'obtenir des précisions.
Comme l'a souligné le sénateur Runciman dans son discours, tous les mandats sont émis ex parte. Le juge les émet après discussion avec un agent ou la Couronne. Tous les mandats sont émis de cette façon. Tous les mandats émis confèrent à la police le pouvoir de prendre des mesures qui, s'ils n'avaient pas de mandat, iraient à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Voilà la première chose.
Voici quelques éléments dignes de mention. J'ai examiné le projet de loi et j'ai constaté que, à la page 21 — et je serai précis dans mes propos —, on peut lire, à l'article 25, sous « Prescription » :
Les poursuites visant une infraction à la présente loi ou à ses règlements punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire se prescrivent par douze mois à compter de la perpétration de l'infraction.
Honorables sénateurs, c'est très étrange d'inclure une telle disposition dans un projet de loi de nos jours. La Loi fédérale sur la responsabilité est la première loi importante que l'actuel gouvernement a présentée. Elle a instauré de bonnes mesures. L'une de ses dispositions visait à instaurer une période de prescription de dix ans pour la Loi électorale du Canada; la prescription est de cinq ans à partir du moment où le directeur général des élections prend connaissance d'une infraction punissable par procédure sommaire.
Si j'enfreins la loi en allant pêcher une morue au large de Terre-Neuve alors que je n'y suis pas autorisé, l'agent des pêches a deux ans pour porter une accusation contre moi sinon l'infraction est prescrite. Si je déverse une substance nocive dans une rivière en Saskatchewan et porte atteinte à l'environnement, le ministère a deux ans pour porter des accusations. La prescription est de dix ans pour la Loi électorale, deux ans pour la Loi sur les pêches et deux ans pour une infraction environnementale, mais ce projet de loi prévoit une prescription d'un an pour une infraction punissable par procédure sommaire aux termes des dispositions sur le transport de la Loi sur la sûreté des déplacements aériens proposée.
Je pense qu'il faudrait poser la question suivante aux responsables : pourquoi n'allouer qu'un an aux autorités? En raison de ce délai de prescription, les autorités ne pourront pas intenter de poursuites contre une personne qui a commis une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire si ladite infraction s'est produite un an et un jour après l'entrée en vigueur du projet de loi.
Plusieurs témoins qui ont comparu devant le comité ont dit qu'aucune disposition ne prévoit qu'on doive faire rapport à un juge. Vous vous en souvenez? On a répété sans cesse qu'il n'était pas nécessaire de faire rapport à un juge. On obtient un mandat, mais rien ne dit dans le projet de loi qu'il faut faire rapport à un juge. Eh bien, ce n'est pas vrai. À la page 22 du projet de loi, le paragraphe 28(3), intitulé « Mandats », dit ceci :
Les articles 487 à 492 du Code criminel s'appliquent aux infractions — prétendues ou commises — à la présente loi.
Le libellé « les articles 487 à 492 du Code criminel » fait allusion aux dispositions en matière de rapport. L'article 489 du Code criminel prévoit que quiconque exécute un mandat doit faire rapport à un juge dans les trois mois. Les dispositions relatives au crime organisé remplacent ce délai de trois mois par une période maximale d'un an. Je parle ici des dispositions du Code criminel du Canada. L'obligation de faire rapport à un juge existe donc.
Malheureusement, beaucoup de personnes ne s'en sont pas rendu compte. Lorsque M. Major, un ancien juge de la Cour suprême, a témoigné devant le comité, j'ai participé aux travaux, puisqu'il avait dit qu'il n'existait pas de dispositions en matière de rapport. Je lui ai fait remarquer cela. Il m'a répondu avec beaucoup de justesse que ces dispositions ne s'appliquaient qu'à la moitié de la loi. Il a déclaré que la solution était la suivante : pourquoi ne pas faire en sorte que ces dispositions s'appliquent à l'ensemble de la loi? Autrement dit, les dispositions en matière de rapport s'appliqueraient à tous les mandats autorisés en vertu de la loi.
Je ferais mieux de me dépêcher parce qu'il ne me reste presque plus de temps.
(1520)
Simplement en parcourant le projet de loi, l'autre chose qui attiré mon attention est inusitée. Cela se trouve à la page 49. Lors de l'étude en comité, il faudrait demander aux fonctionnaires ce que signifie cet article. Il s'agit de l'article 12.2 proposé, qui définit les interdictions faites au SCRS lors de l'exécution d'un mandat ou dans l'exercice de ses fonctions. Je vais le lire pour le consigner au compte rendu. Je ne le lirai pas en entier, mais il est très simple. Je cite :
(1) Dans le cadre des mesures qu'il prend pour réduire une menace envers la sécurité du Canada, le Service ne peut :
a) causer, volontairement ou par négligence criminelle, [...] la mort [...];
Autrement dit, on ne peut pas tuer quelqu'un. On dit encore ceci :
b) porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'un individu.
On ne peut donc pas agresser sexuellement quelqu'un, ou porter atteinte à son intégrité sexuelle, ce qui correspond à une moindre mesure, mais c'est ce qui est là.
On dit ensuite qu'on ne peut causer « des lésions corporelles à un individu », tel que défini à l'article 2 du Code criminel.
Le Code criminel définit les lésions corporelles comme une blessure qui n'est pas de nature passagère. Si vous consultez l'article 2, — je le ferais bien, mais je n'en ai pas le temps —, vous constaterez qu'il est indiqué que les lésions corporelles sont une blessure qui n'est pas de nature passagère. Autrement dit, l'intégrité corporelle serait une mesure moins grave que les lésions corporelles.
La raison pour laquelle il faut demander aux fonctionnaires d'expliquer cet article, c'est qu'il faut savoir ce qu'ils veulent dire par là. Quel pouvoir accordent-ils aux agents du SCRS?
La raison pour laquelle cela a retenu mon attention, c'est que, au Canada, les policiers sont soumis à des restrictions très différentes en ce qui concerne l'exécution des mandats, comme le savent les sénateurs White et Dagenais. Je vais lire aux honorables sénateurs une partie de l'article 487.01 du Code criminel du Canada dans le contexte de l'article 2. Ce type de mandat est appelé mandat général et on dit qu'il peut être décerné à un policier, sous réserve de l'article en question, pour l'autoriser à utiliser un dispositif ou une technique ou une méthode d'enquête, ou à accomplir tout acte mentionné dans le mandat, qui constituerait sans cette autorisation une fouille abusive, c'est-à-dire une violation de la Charte.
D'accord, donc le libellé de l'article dans lequel il est question du mandat est pratiquement identique à celui du projet de loi concernant le mandat du SCRS dont tout le monde se plaint. Il s'agit presque du même avertissement. Le mandat est délivré dans le cas d'activités secrètes, mais quelle était la limite imposée au sénateur White et au sénateur Dagenais lorsqu'ils étaient policiers? Leur limite était la suivante : le paragraphe (1) n'a pas pour effet de permettre de porter atteinte à l'intégrité physique d'une personne.
Qu'entend-on par intégrité physique? Les tribunaux sont actuellement saisis d'une affaire dans laquelle la grenade de surpression utilisée par le service lorsqu'il exécute des mandats dans des établissements où se trouvent des trafiquants de drogue émet 1 million de candelas d'intensité lumineuse et un son de 120 décibels pour détourner l'attention des gens qui se trouvent dans le bâtiment lors d'une descente policière.
Alors, la question qui se pose est la suivante : cela porte-t-il atteinte à l'intégrité physique de qui que ce soit? La réponse est oui. Selon les scientifiques, un son de 125 décibels causerait des lésions physiques. Vous pourriez blesser quelqu'un.
Voilà où je veux en venir : au Canada, des limites sont imposées aux policiers en ce sens que, dans l'exécution de leurs fonctions — de leurs mandats dans le cadre d'opérations secrètes —, ils ne sont pas autorisés à porter atteinte à l'intégrité physique d'une personne. Pourquoi ne pas avoir la même disposition dans le projet de loi à l'étude au lieu de dire qu'il est interdit de tuer quelqu'un, de l'agresser sexuellement et de lui causer des lésions corporelles au sens de l'article 2 du Code criminel, dans lequel il est question de lésions qui ne sont pas de nature passagère.
C'est tout le temps dont je dispose pour parler de ces articles, mais j'ai une chose à ajouter, monsieur le Président, puisque j'ai parlé du sénateur White et du sénateur Dagenais. Imaginons qu'ici, en Ontario et dans sept provinces au Canada, la police entend parler d'une activité potentiellement illicite. Elle mène une enquête et elle porte des accusations.
Qu'arrive-t-il si une violation est commise dans le contexte de cette loi? Qui enquêtera sur les agissements des policiers? Le SCRS. Les fonctionnaires du SCRS ne sont pas autorisés à porter des accusations. Ils transmettent leurs informations aux policiers. Les policiers ne sont pas autorisés à porter des accusations. Ils font enquête, ils mettent des téléphones sur écoute et prennent d'autres mesures, et ils transmettent ensuite ces informations au directeur des poursuites pénales, car ils ne sont pas autorisés à porter des accusations.
En outre, selon ce projet de loi, le ministre doit aussi être consulté à un certain moment au cours du processus. C'est une façon plutôt laborieuse de porter des accusations. Certains membres du comité chargé de l'étude préalable ont exprimé des réserves à ce sujet, trouvant le processus trop long. Comment peut-on imposer un délai de prescription d'un an lorsque trois organisations distinctes doivent intervenir dans la décision?
Le sous-commissaire de la GRC et le chef de police de Vancouver ont comparu devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles il y a moins de six mois; ils ont affirmé que cette restriction qui les empêche de porter des accusations retarde les choses...
Son Honneur le Président : Sénateur Baker, de toute évidence, 15 minutes ne suffisent pas. Accordons-nous cinq minutes de plus au sénateur Baker?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Baker : Honorables sénateurs, ils ont affirmé au comité que c'était plus sûr. Cela ne fait aucun doute. La Loi sur le SCRS contient de nombreuses mesures de protection. Elle établit un processus assez laborieux. La GRC et le service de police de Vancouver pensent qu'en conséquence, peu d'accusation sont portées.
Je pense qu'il faudrait poser cette question au ministre, cela va sans dire. Ne serait-il pas préférable de pouvoir leur faciliter la tâche? Pourquoi ne pas permettre à la police, qui a une certaine expérience en la matière, de porter une accusation aux termes de la loi sur le terrorisme? Si on me soupçonne d'avoir commis un meurtre, c'est la police qui porte une accusation contre moi; elle fait enquête, puis elle accuse. Je serais donc accusé de meurtre. En vertu des dispositions sur le terrorisme, cependant, le processus est tout autre; la jurisprudence récente semble montrer que cela présente toutes sortes de difficultés pour le système de justice.
J'aimerais poser une question à propos de ces quatre aspects, et plus précisément des trois premiers : pourquoi y a-t-il un délai de prescription? Pourquoi y a-t-il des exigences différentes en ce qui concerne les restrictions imposées? Pourquoi y a-t-il des exigences différentes pour les personnes qui exécutent les mandats? Et pourquoi les obligations de faire rapport, dont il est question dans la moitié du projet de loi, ne visent-elles pas le projet de loi dans son ensemble, comme le juge Major l'a dit?
Merci.
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Chers collègues, je suis convaincue que, s'il y a une chose sur laquelle nous sommes tous d'accord, c'est sur le fait que nous avons le devoir essentiel de prendre les mesures nécessaires pour protéger la sécurité du Canada et des Canadiens. Je suis aussi convaincue que nous reconnaissons tous que les menaces à la sécurité du Canada et des Canadiens ont énormément évolué au cours des dernières années, au point où nos parents ne les reconnaîtraient même pas.
(1530)
Il est de notre devoir de prendre toutes les mesures nécessaires et légitimes pour protéger la sécurité du Canada et des Canadiens. Par contre, nous ne devons pas perdre de vue qu'il ne faut pas détruire le village afin de le sauver.
J'ai siégé au premier Comité sur l'antiterrorisme, et je me souviens des débats interminables que nous avons alors tenus pour trouver la meilleure façon d'établir un équilibre entre la protection de la sécurité des Canadiens et la protection de leurs droits. Nous avons pris cette responsabilité très au sérieux, et je suis convaincue que tous les sénateurs la prennent encore au sérieux. Cela dit, il nous arrivera encore de diverger d'opinion au sujet de cet équilibre et de la meilleure façon de l'atteindre.
Pour ce qui est du projet de loi dont nous sommes saisis, j'ai l'impression qu'une bonne partie de celui-ci comporte probablement ou certainement des lacunes, mais qu'elles peuvent être corrigées. Mes collègues ont mentionné nombre d'aspects troublants de ce projet de loi : l'absence de surveillance, l'incapacité pour la défense d'obtenir des renseignements complets, les préoccupations entourant la communication des renseignements, les difficultés de longue date qu'éprouvent ceux qui veulent faire retirer leur nom d'une liste établie par le gouvernement et les autorités, même s'il s'y retrouve par inadvertance. De très nombreux aspects de ce projet de loi sont inquiétants. J'ai l'impression que la plupart des problèmes pourront être réglés par le comité, si celui-ci est déterminé à faire son devoir.
Cela dit, il y a un article du projet de loi que je ne peux pas appuyer, même en principe, et à cet égard, je ne suis pas vraiment d'accord avec mon collègue, le sénateur Baker. Je le dis avec une certaine appréhension, car il connaît très bien le droit, beaucoup mieux que moi, d'ailleurs.
J'ai lu à plusieurs reprises la partie 4 du projet de loi, et je trouve cela extrêmement inquiétant. Il s'agit de la partie du projet de loi qui accorde au Service canadien du renseignement de sécurité le pouvoir de prendre des mesures au Canada et à l'étranger pour réduire une menace envers la sécurité du Canada. Ce qui me dérange, c'est que le libellé de cette partie est souvent tellement vague que cela semble ouvrir la porte à presque n'importe quoi, à l'exception du meurtre, de la torture ou du viol, comme le sénateur Baker vient de nous le rappeler. Il reste tout de même une vaste gamme de mesures que le SCRS pourrait apparemment prendre.
Prendre des mesures. Je vais parler des mesures dans quelques minutes, mais la prise de mesures est un concept assez vague, n'est-ce pas? Prendre des mesures pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada — et non pour les éliminer ou les entraver, mais simplement pour les réduire — et ce, au Canada ou à l'étranger. À quel point la réduction des menaces doit-elle être minime pour qu'elle ne soit pas assujettie à cette loi? Je ne le sais pas. Couper une ligne téléphonique? Il serait possible de faire énormément de choses et d'ensuite affirmer que cela a permis de réduire une menace envers la sécurité du Canada.
Je me souviens de la grange que la GRC a incendiée au Québec, parce qu'on avait jugé que cela réduisait une menace envers la sécurité du Canada. Le vol de la liste des membres d'un parti visait aussi à réduire une menace envers la sécurité du Canada. Ces mesures et d'autres ont été vertement critiquées par une commission d'enquête qui a fini par être mise sur pied, et j'espère que nous n'ouvrons pas la porte de nouveau à la possibilité de prendre de telles mesures.
Écoutez ce que le projet de loi propose de donner au SCRS. Le SCRS peut présenter une demande devant les tribunaux pour obtenir un mandat pour prendre des mesures pour réduire une menace envers la sécurité du Canada, même si ces mesures porteront atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte canadienne des droits et libertés ou seront contraires à d'autres règles du droit canadien.
Certains ont dit : « Après tout, quelle est la différence avec les mandats d'arrestation ou de perquisition ordinaires? » Selon moi, la différence réside dans la portée énorme de ces nouveaux mandats.
Ces mandats peuvent viser des personnes ou des catégories de personnes. Je ne sais pas exactement ce que « catégories de personnes » signifie, mais je commence à ressentir les mêmes préoccupations que celles de la sénatrice Jaffer, qui signale que certaines communautés risquent d'être ciblées. « Catégories de personnes » : je trouve l'expression inquiétante.
Un juge peut délivrer un mandat pour autoriser de la part du SCRS l'accès à un lieu ou un objet ou l'ouverture d'un objet; la recherche, l'enlèvement ou la remise en place de tout document ou objet, leur examen, le prélèvement des informations qui s'y trouvent, ainsi que leur enregistrement et l'établissement de copies ou d'extraits par tout procédé; l'installation, l'entretien et l'enlèvement d'objets — jusqu'ici, il semble ne s'agir que d'activités policières courantes, comme entrer quelque part pour y copier des documents ou mettre l'endroit sur écoute, ou que sais-je encore. Mais écoutez le paragraphe qui suit. En plus de servir à tout ce que je viens d'énumérer, un mandat peut autoriser de la part du SCRS les autres actes nécessaires dans les circonstances à la prise des mesures — des mesures visant à réduire la menace qui pèse sur le Canada. On dit bien « les autres actes nécessaires dans les circonstances ». On pourrait penser que le fait de préciser « nécessaires dans les circonstances » offre un salut, mais je ne suis pas certaine que les arguments du SCRS à cet égard correspondront à ce que la plupart des Canadiens considéreraient comme nécessaire dans les circonstances. D'après le juge Mosley, les requêtes du SCRS devant les tribunaux ne reflètent pas toujours la vérité de la manière la plus transparente ou complète.
Dans l'ensemble, cette disposition ratisse tellement large qu'elle ne répond pas aux critères à respecter pour l'émission d'un mandat portant atteinte à la Charte — c'est-à-dire qu'il faut définir précisément et clairement les limites de la violation qui est autorisée par une loi ou un mandat. Grâce à ce « Sésame, ouvre-toi », le SCRS pourrait faire tout ce qu'il souhaite, sans égard à la loi, que ce soit ici ou à l'étranger. Un juge canadien peut délivrer un mandat pour faire n'importe quoi, n'importe où dans le monde. Si l'on songe aux endroits où les conditions sont plus précaires, comme en Afghanistan ou en Irak, cela pourrait sembler raisonnable. Il me semble que nous entendons parler tous les jours — toutes les semaines, certainement — de pays occidentaux civilisés et alliés qui s'espionnent entre eux. Je ne sais pas comment les Américains réagiraient si le SCRS exerçait un tel mandat à Washington ou à Baltimore, en ayant pour seul argument : « Eh bien, un juge canadien a dit que je pouvais faire cela sans me préoccuper des lois américaines. » Ce pourrait être les Américains, les Australiens, les Britanniques ou les Français. Je trouve tout cela quelque peu alarmant.
(1540)
Je sais qu'il existe des précédents pour chaque élément proposé, mais, comme je l'ai dit, c'est le fait de rassembler le tout dans une seule mesure législative qui me trouble.
J'ai entendu dire bien souvent que si l'on n'a rien à se reprocher, il n'y a pas lieu de s'inquiéter de la tournure des événements ou de ce qui se passerait si le projet de loi était adopté. Cet argument m'apparaît très pernicieux. Les forces de l'ordre et les organismes de renseignement ne sont pas à l'abri des erreurs. Demandez à Maher Arar. Demandez à Robert Dziekanski, à qui les erreurs — pour ne pas dire pire — commises par des policiers ont coûté la vie.
Les lois et la Charte des droits sont là pour nous protéger tous, en particulier contre les erreurs, les excès et les abus de pouvoir de la part des policiers, des services du renseignement ou d'autres tentacules de l'appareil étatique. Ces lois sont d'autant plus nécessaires lorsque nous sommes menacés par des individus qui entendent détruire notre système et notre mode de vie. Elles sont encore plus nécessaires actuellement que lorsque tout est paisible et serein.
Pour cette raison, et parce que je suis profondément troublée de constater que cette section du projet de loi ratisse dangereusement large, je ne peux pas appuyer le projet de loi à l'étape de la deuxième lecture. Je sais pourtant qu'il franchira cette étape. J'exhorte le comité qui l'étudiera à le considérer dans sa totalité en consacrant une attention particulière à cette partie pour voir s'il n'y a pas moyen de la réparer, et à faire le nécessaire pour éviter ce qu'il ne faut jamais faire dans une loi : compromettre les droits de nos concitoyens.
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui à propos du projet de loi C-51, Loi antiterroriste de 2015, à l'étape de la deuxième lecture.
J'aimerais, pour commencer, m'arrêter à l'article 3, qui expose l'objet du projet de loi. Je vous le lis :
La présente loi a pour objet d'encourager les institutions fédérales à communiquer entre elles de l'information et de faciliter une telle communication, afin de protéger le Canada contre des activités portant atteinte à la sécurité du Canada.
Afin de protéger le Canada contre des « activités ».
Or, l'article 2 du projet de loi précise ce qui suit :
Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi :
« activité portant atteinte à la sécurité du Canada » s'entend d'une activité qui porte atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l'intégrité territoriale du Canada ou à la vie ou à la sécurité de la population du Canada [...]
Viennent ensuite neuf alinéas énonçant certaines activités de cet ordre. À l'alinéa d), il est question de « se livrer au terrorisme » et à l'alinéa f), d'« entraver le fonctionnement d'infrastructures essentielles ».
Quand j'ai lu ces deux dispositions fort simples, j'ai commencé à m'inquiéter, parce que si on parle de souveraineté et qu'on songe aux peuples autochtones, on voit immédiatement qu'il y a conflit. Nous savons tous que certaines terres appartiennent à l'État et nous connaissons tous les pourparlers sur les traités et les batailles juridiques au sujet du territoire traditionnel des Premières Nations. Il y donc, d'une part, la souveraineté des Premières Nations et, d'autre part, celle du Canada. Il y a donc un certain conflit qui continuera probablement d'exister.
Nous avons entendu dire que ce projet de loi veut assurer la sécurité de tous les Canadiens et les protéger des attaques et des menaces terroristes. Nous voulons tous être en sécurité, mais nous devons aussi, avons-nous entendu dire, tenir compte des droits que la Charte garantit à tous les Canadiens.
Nous n'avons cependant pas vraiment parlé du fait que, en vertu de l'article 35 de la Constitution, les peuples autochtones ont des droits ancestraux ou issus de traités qui sont reconnus. Les peuples autochtones du Canada craignent — à juste titre, selon moi — que ce projet de loi ne porte atteinte à leurs droits.
Dans leur discours, le sénateur Mitchell et la sénatrice Jaffer ont parlé des pipelines en Colombie-Britannique, qui peuvent être considérés comme des infrastructures essentielles. Or, quiconque regarde les nouvelles sait qu'un grand nombre de peuples autochtones participent à des manifestations contre la construction d'infrastructures comme l'oléoduc Northern Gateway.
Le chef national de l'Assemblée des Premières Nations a dit craindre que des activités menées par les Premières Nations soient injustement considérées comme des activités terroristes. Il a dit que l'on pourrait se servir du projet de loi C-51 pour réprimer encore davantage les activités visant à défendre les droits et les titres autochtones.
Ainsi, notre chef national a dit craindre que l'on porte atteinte aux droits issus des traités.
Le Conseil mohawk de Kahnawake a également envoyé une lettre au premier ministre pour lui faire part de ses préoccupations à l'égard des droits des Autochtones. Le grand chef Stewart Phillip, de l'union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, croit que le projet de loi C-51 porte directement atteinte à la capacité des peuples autochtones d'exercer, d'affirmer et de défendre les titres et les droits autochtones garantis par la Constitution et reconnus par les tribunaux concernant leurs territoires respectifs.
Il ne faut pas oublier que, en juin 2014, soit l'année dernière seulement, la Cour suprême a rendu une décision reconnaissant le territoire traditionnel de la Nation des Tsilhqot'in de la Colombie-Britannique. Il s'agit d'une décision historique.
Les peuples autochtones du Canada sont donc préoccupés par le projet de loi C-51. Or, mes prochaines observations montreront pourquoi leurs craintes sont fondées. Jusqu'à présent, nous avons déjà appris que la GRC et le SCRS surveillent régulièrement les militants et les manifestations autochtones; ces activités sont déjà surveillées par la GRC et le SCRS, ce qui est quelque peu inquiétant.
Pamela Palmater, de la chaire de gouvernance autochtone de l'Université Ryerson, à Toronto, a dit que le projet de loi omnibus sur la sécurité présenté par le gouvernement fédéral, le projet de loi C-51, accorderait aux extrémistes ce qu'ils veulent car il limiterait les libertés civiles et ferait de nous tous des suspects. En disant « nous tous », je crois qu'elle parle de tous les peuples autochtones.
Elle s'inquiète, et c'est une personne exceptionnelle, titulaire d'un doctorat spécialisé en droit. Elle rappelle que les nouveaux pouvoirs perturbateurs et les dispositions sur la communication d'information proposés dans le projet de loi ne s'appliqueront pas aux activités licites de défense d'une cause, de protestation ou de manifestation d'un désaccord. Elle souligne toutefois que, d'après certains critiques, ces éléments pourront être utilisés contre des activistes autochtones et des activistes environnementaux dont les protestations ne sont pas conformes à la lettre de la loi. Il est important de le souligner, puisque la lettre de loi peut prêter à interprétation.
Si vous êtes prédisposé à considérer que les manifestants autochtones sont violents, vous verrez de la violence là où il n'y en a pas vraiment. Quand elle a témoigné devant le comité de l'autre endroit, Mme Palmater a déclaré que des agences fédérales surveillaient régulièrement ses activités et prenaient note des causes autochtones qu'elle défend.
Comme je l'ai dit, ses arguments trouvent écho chez le grand chef Stewart Phillip, de l'union des chefs indiens de la Colombie-Britannique. Il a demandé l'abandon de ce projet de loi et a accusé le gouvernement Harper de remanier ses politiques afin de favoriser l'extraction des ressources naturelles.
J'aimerais parler un peu du grand chef Stewart Phillip, de la Colombie-Britannique. Le chef Phillip a pu consulter un rapport interne de la GRC publié en janvier 2014, il y a un peu plus d'un an. Le contenu de ce rapport l'a étonné. Intitulé Menaces criminelles planant sur l'industrie pétrolière canadienne, le rapport porte la mention « Protégé A // Réservé aux Canadiens ».
(1550)
Lorsqu'il l'a lu, il a été étonné de découvrir ce que ce rapport disait, à savoir :
En dehors du Nouveau-Brunswick, la plus grave menace d'activité criminelle violente du mouvement antipétrole plane sur le Nord de la Colombie-Britannique, où une coalition d'extrémistes violents aux vues similaires planifie des actes criminels visant à prévenir la construction du pipeline.
N'oubliez pas qu'il s'agit d'un rapport interne de la GRC réservé aux Canadiens. Le Réseau de télévision des peuples autochtones l'a toutefois obtenu au moyen d'une demande d'accès à l'information. Le rapport de janvier 2014 indiquait que les « extrémistes préconisent le recours aux incendies criminels, aux armes à feu et aux engins explosifs improvisés. » Tandis que certaines factions « [...] comptent parmi leurs alliés des extrémistes autochtones violents. » Voilà ce que dit le rapport.
Le chef Phillip, de l'union des chefs indiens de la Colombie-Britannique, était étonné de lire tout cela parce qu'il affirme n'avoir jamais rencontré quelqu'un qui était prêt à se livrer à des activités criminelles depuis qu'il s'est associé au mouvement écologique de la Colombie-Britannique au début des années 1970. Voici ce qu'il a dit :
Chaque jour, à la télévision, nous sommes témoins d'actes insensés commis par des gens perturbés. Mais de là à dire qu'un réseau très bien organisé semblable à ceux des djihadistes représente une menace pour la population canadienne, d'après mon expérience, c'est entièrement faux. Je répugne à le dire, mais nous sommes au Canada. Vous dites?
Le réseau de télévision des peuples autochtones a également examiné des rapports internes de la GRC au sujet de la surveillance du mouvement Idle No More. Comme vous le savez, quatre femmes de la Saskatchewan sont à l'origine du mouvement, et elles ont fait l'objet d'une surveillance par la GRC.
Le ministère fédéral des Affaires autochtones a transmis des renseignements à des espions canadiens et à d'autres organismes d'application de la loi pour faciliter la surveillance du mouvement Idle No More, et c'est ce que montrent ces documents internes du gouvernement. On peut y voir combien les autorités canadiennes présument rapidement qu'il risque d'y avoir de la violence quand il s'agit de surveiller des manifestants des Premières Nations. Ces manifestants sont donc perçus comme étant plus violents qu'ils ne le sont en réalité.
Les documents de Sécurité publique font suite aux activités de surveillance du mouvement Idle No More qui ont eu lieu en décembre 2012 et janvier 2013. Ces documents montrent qu'Affaires autochtones a communiqué de l'information au Service canadien du renseignement de sécurité sur ces manifestations et qu'il en a reçu de ce service, mais aussi que le ministère a fourni des détails au sujet d'une rencontre entre les représentants du gouvernement et les leaders des Premières Nations. Cette information a été relayée au Centre intégré d'évaluation du terrorisme, qui comprend le SCRS et des services de police d'un peu partout au pays.
Il est assez renversant de songer que ces documents de la GRC avaient déjà été communiqués à l'unité d'évaluation du terrorisme il y a deux ans.
Bien qu'il n'y ait eu aucune indication de possibilité de violence dans le cas de la manifestation à Ottawa — vous vous rappellerez peut-être qu'il y avait eu des activités de protestation, ici même, à Ottawa, il y a deux ans —, les responsables de la sécurité de Sécurité publique étaient convaincus que cette violence était possible parce que certains jeunes avaient parlé de la crise d'Oka de 1990 dans leurs échanges en ligne dans les médias sociaux. Selon Paul Champ, un avocat d'Ottawa spécialisé dans les droits de la personne, le pas qu'ont franchis les responsables de la sécurité en présumant de la possibilité qu'il y ait de la violence à cause d'une référence à la crise d'Oka montre leur compréhension dérisoire des membres des Premières Nations. M. Champ a dit ceci :
À l'évidence, les revendications d'Oka ont été un moment marquant pour les peuples des Premières Nations de tout le pays, pour l'affirmation de leurs droits vis-à-vis de l'État. Cela n'implique pas nécessairement la violence. On peut voir la signification qu'ils donnent aux revendications d'Oka et à quel point ils comprennent mal les Premières Nations.
M. Champ a dit que les documents montraient à quel point il est très facile pour le personnel de sécurité de présumer qu'il y a un risque de violence lorsque les manifestants sont des Autochtones. Je crois que cette inquiétude a déjà été soulevée. Comme le projet de loi ne présente pas de définition claire des notions de terrorisme et de manifestation, il est fort probable que des Autochtones soient vus comme des terroristes, surtout dans le cadre de manifestations qui visent à dénoncer des projets de pipelines, entre autres choses, parce que les pipelines pourraient être vus comme des infrastructures essentielles.
Fait intéressant, Cindy Blackstock, qui se bat pour faire respecter les droits des enfants et a intenté des poursuites contre le gouvernement fédéral, a fait l'objet d'une surveillance de la GRC. L'organisation a reçu l'ordre de cesser cette surveillance et de lui remettre tout ce qu'elle avait recueilli à son sujet.
Le chef de Kitchenuhmaykoosib Inninuwug, une communauté éloignée des Premières Nations située dans le Nord de l'Ontario — le Comité des peuples autochtones s'y est d'ailleurs rendu —, a aussi découvert qu'il avait fait l'objet d'une surveillance de la part de la GRC. Ce processus de surveillance a été lancé parce qu'il y a des activités d'exploitation minière dans sa communauté, mais que les membres étaient contre l'idée d'exploiter des mines sur le territoire traditionnel.
Tout cela est fort inquiétant. Dans le projet de loi, à la fin de l'article 2, on trouve la liste de toutes les activités. On peut y lire ceci :
Il est entendu que sont exclues les activités de défense d'une cause, de protestation, de manifestation d'un désaccord ou d'expression artistique.
Le projet de loi ne donne pas de définition du mot « manifestation ». Pourtant, tous les Canadiens et les peuples autochtones manifestent souvent pour défendre leurs droits et pour tenter de convaincre d'autres personnes que leurs droits doivent être reconnus. C'est une bonne chose que le projet de loi parle de manifestation, mais la notion n'est pas très bien définie.
Si, comme les peuples autochtones, vous avez peur que la mesure législative brime leurs droits protégés par la Constitution, il suffirait d'inclure dans le projet de loi une phrase comme celle-ci : « Il est entendu qu'aucun élément de cette loi ne pourra être interprété d'une façon qui pourrait porter atteinte aux droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones garantis à l'article 35 de la Constitution. » De cette façon, les Autochtones auraient davantage l'impression que le projet de loi protège leurs droits.
Ainsi, les Autochtones auraient peut-être le sentiment que leurs droits sont protégés et qu'ils ne sont pas visés par ce projet de loi.
Pourrais-je avoir cinq minutes de plus, s'il vous plaît?
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour accorder cinq minutes de plus?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Dyck : Merci.
Je suggère que le comité entende des témoins de la communauté autochtone — comme le chef national, Perry Bellegarde — qui ont des craintes à ce sujet et qu'il y ait une discussion pour déterminer si l'insertion d'une disposition protégeant les droits des Autochtones garantis par la Constitution n'apaiserait pas leur crainte de voir leurs droits également visés par ce projet de loi.
À moins qu'une telle disposition soit incluse, je n'appuierai pas le projet de loi. Il y a aussi tous les autres motifs de préoccupation invoqués par d'autres sénateurs. À ce stade-ci, je ne puis donc envisager de l'appuyer.
L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'aimerais me joindre au débat pendant quelques brèves minutes.
Je souhaite dire, comme je le fais toujours dans ces cas, que je trouve inquiétant que ce débat ait été écourté et indûment abrégé. Je vais répéter encore, comme toujours, que les motions d'attribution de temps ne peuvent être présentées que par des ministres, qui sont les seuls à pouvoir le faire ici. Je signale, encore une fois, qu'il n'y a pas de ministre au Sénat. C'est une des conditions à remplir pour présenter des motions d'attribution de temps. L'autre est que la mesure dont la Chambre est saisie soit requise d'urgence et ce, bien entendu, dans l'intérêt général.
Honorables sénateurs, j'exprime ces idées de temps en temps en espérant que cela finira par intéresser quelqu'un qui conviendra que les moyens existants pour écourter les débats sont censés être utilisés rarement et en des circonstances exceptionnelles.
(1600)
Chers collègues, je dois dire que j'ai parcouru le projet de loi C-51 et que, comme j'ai siégé à la Commission nationale des libérations conditionnelle, je possède une certaine expérience de travail avec les gens qui s'occupent de l'administration de la justice et des différentes étapes du système, notamment la clémence, la compassion et, bien entendu, les libérations conditionnelles.
Au cours de mes nombreuses années d'expérience, expérience que je qualifierais de considérable, je n'ai jamais rencontré de libellé comme celui qui est proposé à l'article 12.2, à la page 49 du projet de loi auquel le sénateur Baker a fait allusion. Fait intéressant, j'avais placé le texte sur mon bureau et je l'avais ouvert à cet endroit, dans l'intention de poser une question au sénateur Baker à ce sujet. Je voudrais que cela soit consigné au compte rendu.
Permettez-moi de lire l'article 42. Je parle de la partie du projet de loi qui porte sur la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, ce qui m'amènera à souligner la nécessité d'apporter des amendements à ce projet de loi. Comme nous le savons, le service du renseignement a été séparé de la GRC pour constituer une nouvelle entité, le SCRS. Je crois que cela s'est fait en 1980.
Maintenant, l'article 42 de ce document précise que la loi, à savoir la Loi sur le SCRS, est modifiée par adjonction, après l'article 12, de ce qui suit. Dans la marge, il y a une note qui dit : « Mesures pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada ». Le nouveau paragraphe 12.1(1) contient les mots « des motifs raisonnables de croire » — de croire. Essayons de comprendre en quoi « croire » est très différent de « savoir ». Voici ce qu'on peut lire :
S'il existe des motifs raisonnables de croire qu'une activité donnée constitue une menace envers la sécurité du Canada, le Service peut prendre des mesures, même à l'extérieur du Canada, pour réduire la menace.
De plus, je le répète, le titre dans la marge dit : « Mesures pour réduire les menaces envers la sécurité du Canada ».
Honorables sénateurs, au bas de la page, nous arrivons au nouvel article 12.2, que le sénateur Baker a déjà lu. Cette section porte sur les « Interdictions ». C'est très intéressant, honorables sénateurs, car pourquoi, s'il y a des motifs raisonnables de croire que des gens se livrent à une certaine activité qui représente une menace constitutionnelle, voudrait-on parler, dans un projet de loi comme celui-ci, de la conduite des agents de sécurité?
C'est un très grand mystère. Moi qui ai beaucoup lu, je n'ai jamais vu une chose semblable. Je suis évidemment allée lire la définition de « conduite » dans le dictionnaire, car on sait que ce mot signifie habituellement « comportement ». En effet, il est question d'adopter un projet de loi qui porte sur le comportement qu'auront, ou que devraient avoir, les agents du SCRS. Dans le Petit Robert, le mot « conduite » est défini ainsi : « Manière d'agir, du point de vue de la morale ». On trouve aussi cette définition : « Action de diriger, de commander d'assurer la bonne marche (d'une entreprise, d'une affaire) ».
J'estime qu'il fallait aussi aller voir ce qu'on trouve dans le Petit Larousse. Voici la définition : « Manière d'agir, de se comporter ». Vous rappelez-vous lorsque, enfants, nous allions dans les meilleures écoles? Nous recevions des prix pour avoir eu un « bon comportement ». Cette disposition du projet de loi porte sur la manière dont les agents du SCRS se comportent.
Voici l'ensemble du paragraphe proposé :
12.2 (1) Dans le cadre des mesures qu'il prend pour réduire une menace envers la sécurité du Canada, le Service ne peut :
a) causer, volontairement ou par négligence criminelle, des lésions corporelles à un individu ou la mort de celui-ci;
b) tenter volontairement de quelque manière d'entraver, de détourner ou de contrecarrer le cours de la justice;
c) porter atteinte à l'intégrité sexuelle d'un individu.
Honorables collègues, y a-t-il des agents de sécurité travaillant pour le SCRS qui font des choses pareilles? Est-il nécessaire d'inclure une telle disposition dans une mesure législative? Qu'est-ce qui s'est passé ou qu'est-ce qui est sur le point de se passer pour qu'on juge qu'une telle disposition est nécessaire? Y a-t-il des agents du SCRS qui se comportent de cette manière? C'est ce que semble indiquer le projet de loi. Avons-nous besoin d'une loi, et, par l'affirmative, pourquoi? Pour empêcher un tel comportement? Pourtant, les lois ne permettent habituellement pas d'empêcher un comportement. Les interventions sont toujours rétrospectives. C'est là la nature du Code criminel. Il s'attaque à des méfaits commis par le passé. On fait appel au Code criminel après les infractions. Il est utilisé pour intenter des poursuites.
Honorables sénateurs, j'espère seulement que cela ne signifie pas ce que je crois, et que les membres du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles procéderont à un examen très approfondi de la question. L'inclusion d'une disposition dans un projet de loi ne se fait habituellement pas sans raison. Je crois que nous devrions tenter de déterminer pourquoi cette disposition a été incluse dans la mesure législative. Cela me semble très suspect. En plus, ce n'est pas le genre de disposition qu'on souhaite voir. Elle ne donne pas une bonne image des gens qui travaillent pour notre service du renseignement.
Honorables sénateurs, nous parlons maintenant de sécurité mais, quand j'étais jeune, nous utilisions les termes « espion » et « espionner ». Cependant, cette disposition jette le discrédit sur les gens qui font actuellement partie de notre service du renseignement, et elle est insultante à leur égard. J'aimerais donc qu'elle soit examinée au comité. Je n'avais encore jamais vu une disposition pareille dans une loi fédérale.
Honorables sénateurs, le projet de loi comporte de nombreux éléments qui me dérangent. Je suis d'accord avec les sénatrices Jaffer et Dyck : ce projet de loi aura des effets néfastes sur les minorités visibles. Dernièrement, il a beaucoup été question des musulmans et des Arabes, mais il n'y a pas si longtemps, c'étaient les Noirs qui étaient ainsi ciblés. Durant les années 1960, il n'était pas rare que les gens craignaient les Noirs.
Honorables sénateurs, je souhaite et j'espère que le comité sénatorial va faire de son mieux pour améliorer ce projet de loi, qui m'apparaît tenir davantage de l'exercice de relations publiques que d'une mesure destinée à assurer la santé, le bien-être et la sécurité des Canadiens. Chers collègues, je trouve ce projet de loi extrêmement troublant, et j'espère que les sénateurs seront du même avis que moi.
Je vous remercie, chers collègues. C'est tout ce que j'avais à dire sur le sujet. En fait, je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais je me suis dit que mes objections étaient trop grandes pour que je n'en parle pas. Personnellement, je trouve cet article particulièrement insultant. Si le SCRS compte dans ses rangs des Canadiens qui agissent ainsi, je crois que nous devrions le savoir. Je suis convaincue que les têtes dirigeantes de l'organisation aussi voudraient être mises au courant. Quelle est la raison d'être de cet article? Pourquoi a-t-on décidé d'intégrer une telle chose dans un texte législatif? Qui défend qui, et contre quoi? Voilà les vraies questions auxquelles il faut répondre.
Je vous remercie.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Des voix : Non.
La sénatrice Fraser : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
(1610)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.)
Sécurité nationale et défense
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion du gouvernement :
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5a) du Règlement, je propose :
Que, aux fins de son étude du projet de loi C-51, Loi édictant la Loi sur la communication d'information ayant trait à la sécurité du Canada et la Loi sur la sûreté des déplacements aériens, modifiant le Code criminel, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense soit autorisé à se réunir le mardi 26 mai 2015, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
L'ajournement
Adoption de la motion
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 13 mai 2015, propose :
Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 26 mai 2015, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
La Loi sur le divorce
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Cools, appuyée par l'honorable sénateur Segal, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-216, Loi modifiant la Loi sur le divorce (plans parentaux).
L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, je souhaite ajourner le débat à mon nom.
(Sur la motion de la sénatrice Marshall, le débat est ajourné.)
[Français]
Projet de loi de 2014 instituant des réformes
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénatrice Ataullahjan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-586, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada (réformes visant les candidatures et les groupes parlementaires).
L'honorable Diane Bellemare : Honorables sénateurs, je serai brève. Je prends la parole aujourd'hui pour vous expliquer pourquoi je voterai en faveur de la deuxième lecture du projet de loi C-586. Mon discours s'inscrit dans la foulée des débats entourant la nécessité de réformer nos institutions démocratiques, qui ont lieu au Parlement et dans l'opinion publique. J'ai été impressionnée par le discours de la sénatrice Fraser sur le sujet, ainsi que par celui du sénateur Tannas.
Aussi, honorables sénateurs, les nombreux courriels que j'ai reçus qui nous demandent d'appuyer ce projet de loi m'ont amenée à réfléchir davantage aux tenants et aboutissants de celui-ci. Les médias sont aussi intervenus dans ce débat. Par exemple, l'éditorial du Globe and Mail du jeudi 7 mai dernier invite le Sénat à ne pas éviter ce projet de loi et à l'adopter.
L'article dit ce qui suit, et je cite :
[Traduction]
S'il existe un projet de loi adopté par les Communes qui mérite d'être rapidement adopté par le Sénat, c'est bien celui-ci.
Mais le Sénat a plutôt choisi de procéder lentement à l'étude du projet de loi instituant des réformes. Voilà maintenant que ce projet de loi est sur la voie d'évitement. Pourquoi? Cette inaction nous donne à penser que la majorité conservatrice au Sénat a reçu la consigne de tuer le projet de loi dans l'œuf.
[Français]
Mardi, le journaliste et chroniqueur Andrew Coyne, du National Post, a écrit ce qui suit :
[Traduction]
Le projet de loi de Michael Chong représentait avant tout l'espoir que les députés puissent un jour échapper à la ligne de parti et que, même s'il n'est pas possible d'apporter tout de suite des changements au Parlement, on puisse finir par y arriver un jour ou l'autre. Pour ceux qui sont au pouvoir, il est dangereux de donner de l'espoir aux gens. Le système exige que le sentiment d'impuissance des députés soit entretenu. Ils doivent être incapables d'imaginer une vie meilleure. À quoi bon ruer dans les brancards s'il n'y a rien à en tirer?
Il serait passablement scandaleux que les sénateurs, dont un bon nombre pourraient être inculpés par la justice bientôt, rejettent un projet de loi adopté par une assemblée élue démocratiquement, peu importe que ce rejet se fasse ouvertement ou, comme dans le cas présent, de manière furtive. C'est particulièrement scandaleux dans le cas d'un projet de loi portant strictement sur les rouages internes des Communes, un sujet sur lequel, conformément à la tradition, le Sénat n'a pas à se prononcer.
[Français]
Chers collègues, Andrew Coyne parle au passé. On peut penser qu'il parlait du projet de loi initial. On peut aussi penser qu'il parle au futur, car il est sûr que le Sénat va rejeter ce projet de loi ou le laisser mourir au Feuilleton. Il est vrai que, afin d'éviter les débats, la gouvernance du Sénat peut décider de laisser mourir des projets de loi au Feuilleton.
Le projet de loi C-586, qui modifie la Loi électorale du Canada et la Loi sur le Parlement du Canada, a suscité de nombreux débats depuis déjà plus d'un an. Il a notamment fait l'objet d'une session à la Conférence Manning, tenue en 2014. Ce projet de loi a été modifié substantiellement depuis sa première mouture, et il a maintenant l'appui d'une très large majorité de députés membres des trois principaux partis politiques représentés à la Chambre des Communes, soit le Parti conservateur, le Parti libéral et le Nouveau Parti démocratique.
Je crois que laisser le projet de loi C-586 mourir au Feuilleton, c'est aussi laisser mourir le Sénat à petit feu, car c'est trahir notre raison d'être. Les Canadiens et les Canadiennes s'attendent à mieux de notre part. Ils s'attendent à ce que le Sénat fasse son travail et débatte du bien-fondé des projets de loi présentés à la Chambre des communes. Ils s'attendent à ce qu'on amende, si nécessaire, les projets de loi qui viennent de l'autre Chambre et qu'on s'oppose aux mauvais projets de loi. Les Canadiens ne sont pas dupes, et je suis persuadée qu'ils ne veulent pas d'un Sénat qui joue fessier ou qui fait l'autruche, pour reprendre des expressions populaires.
À première vue, le projet de loi du député Michael Chong peut paraître imparfait, malgré les nombreux amendements qui y ont été apportés. Ce projet de loi risque de créer de l'instabilité politique et de nuire ainsi à l'exercice de la démocratie au Canada, comme l'a fait remarquer la sénatrice Joan Fraser dans un discours prononcé le 7 mai dernier. Elle a rappelé l'expérience australienne quand, en 2010, les députés du parti au pouvoir pouvaient destituer leur premier ministre sans cause officielle. La magouille qui s'en est suivie a eu raison des magouilleurs. Depuis cette aventure, qui a sûrement eu des conséquences néfastes pour le pays, il n'est plus possible pour les députés du parti au pouvoir de démettre leur premier ministre aussi facilement et sans raison d'ordre public. Or, c'est bien de cela qu'il s'agit : la possibilité pour la majorité des députés du parti au pouvoir de destituer le premier ministre sans cause apparente avec une majorité de plus de 50 p. 100 des voix.
(1620)
Actuellement, quand le premier ministre n'a plus l'appui majoritaire de l'ensemble de la Chambre, le gouverneur général est appelé à intervenir. Soit il dissout la Chambre et des élections s'ensuivent, soit il procède à la nomination d'un gouvernement de coalition. Dans tous ces cas de figure, les partis politiques doivent normalement confirmer leur chef par un vote de confiance exprimé par l'ensemble des membres du parti. En revanche, si un premier ministre démissionne en cours de mandat, comme cela peut parfois se produire, les députés du parti au pouvoir peuvent se choisir un chef intérimaire qui sera confirmé dans ses fonctions plus tard par les membres du parti.
Le projet de loi du député Chong est audacieux en raison de la manière dont il cherche à donner du pouvoir aux députés. Audacieux, parce qu'il propose de donner des pouvoirs aux députés dans des domaines mis en échec par la tendance des pratiques et des faits. Je m'explique. Ce projet de loi part du principe que les députés sont élus par les citoyens de leur circonscription et que ce sont les députés élus qui donnent la légitimité à l'un d'entre eux d'exercer les pouvoirs d'un premier ministre.
Dans la réalité, le chef d'un parti qui aspire à devenir premier ministre est choisi en amont, généralement, bien avant la tenue des élections, par l'ensemble des membres d'un parti. Les faits montrent aussi que, de plus en plus, les partis politiques élargissent la base de ceux et celles qui ont le droit de vote. Par contre, les députés élus par les citoyens de leur circonscription le sont, le plus souvent, grâce à la popularité de leur chef. Il arrive que des citoyens élisent le candidat d'abord, mais cela n'est pas la règle générale.
Cela dit, le projet de loi C-586 contient d'autres dispositions qui sont sans doute les bienvenues. Pourquoi avons-nous un tel projet de loi devant nous? Comme bien d'autres, je crois que le projet de loi C-586 émane d'une profonde frustration des députés de la Chambre des communes par rapport à leur rôle de députés d'arrière-garde et à la concentration du pouvoir de décision autour du premier ministre. Cette frustration n'est pas nouvelle, et elle est palpable également à l'échelle provinciale, peu importe le parti au pouvoir.
[Traduction]
Peut-on dire avec certitude que le projet de loi C-586 renforcera l'autonomie des députés? Dissipera-t-il le mécontentement des nombreux députés impuissants? Je l'ignore, mais une chose m'apparaît clairement : nous, au Sénat, devons faire notre travail et soumettre ce projet de loi à un examen rigoureux. Nous devons déterminer ce qui l'a motivé et les circonstances dans lesquelles il a été rédigé. Nous devons en analyser toutes les dispositions et en déterminer les risques et les avantages. Est-il véritablement conforme à la notion de gouvernement responsable? Respecte-t-il les fondements de la démocratie parlementaire de type Westminster, comme on nous le ferait croire?
[Français]
Je n'en suis pas certaine.
Chers collègues, dans un discours que j'ai prononcé le 30 septembre dernier, j'ai défendu devant vous l'idée qu'il était nécessaire de revoir la façon dont les comités rapportaient à cette Chambre le fruit de leurs études et de leurs délibérations sur les projets de loi qui relèvent de leur responsabilité. Dans ce discours, je proposais une série de questions auxquelles les comités pourraient, voire devraient répondre dans leurs rapports à l'ensemble des sénateurs afin d'éclairer leur vote. Ces questions sont sans doute imparfaites et surtout incomplètes, mais l'essence de mon propos était d'exiger des comités qu'ils expliquent de façon rationnelle leurs propositions de vote à l'ensemble des sénateurs.
Les questions que j'ai soulevées, et qui pourraient devenir la charpente des rapports des comités, s'articulaient autour des thèmes suivants : la constitutionnalité d'un projet, le respect de la Charte des droits et libertés, le respect des conventions internationales, le processus démocratique suivi à la Chambre basse, le respect des minorités et la faveur populaire.
À première vue, le projet de loi C-586 se positionne favorablement dans le contexte de ces questions. Il a fait l'objet de nombreuses consultations, reçu la faveur des trois principaux partis politiques à l'autre endroit, obtenu également la faveur populaire, ne brime pas les minorités et s'inscrit dans les pouvoirs législatifs de la Chambre basse. Par contre, certaines dispositions de ce projet de loi peuvent créer de l'instabilité politique et sont peut-être incompatibles avec la notion de gouvernement responsable. Bref, le projet de loi C-586 mérite un examen rigoureux.
Je réitère la nécessité pour le comité qui étudiera ce projet de loi de nous expliquer pourquoi il propose ou non l'adoption du projet de loi, et pourquoi il en est venu à proposer tel ou tel amendement. Le Sénat doit étayer ses positions et, surtout, les expliquer à la population. Les Canadiens nous appuient pour que nous réalisions un examen rigoureux des projets de loi et pour que nous puissions les améliorer. Le Sénat doit des explications au peuple canadien. Je crois fermement que la tenue d'un tel exercice en comité permettra de cristalliser dans des mots et des paragraphes intelligibles la valeur ajoutée qu'apporte le Sénat grâce à son travail d'analyse de deuxième réflexion.
En terminant, chers collègues, nous ne sommes pas ici pour voter sur ce que nous aimons et pour rejeter ce que nous n'aimons pas. Notre rôle est de voter en faveur des lois qui respectent l'intérêt public et de les expliquer aux Canadiens.
[Traduction]
Notre rôle consiste à voter en faveur des bonnes politiques, et à voter contre les mauvaises, qu'elles nous plaisent ou non. Notre système parlementaire devrait pouvoir s'adapter au nouveau dialogue que le Sénat a la responsabilité d'établir avec les habitants du Canada et avec la Chambre des communes afin d'améliorer la qualité des lois que nous adoptons.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Fraser : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Tannas, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.)
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Avant l'ajournement, je rappelle aux honorables sénateurs de bien vouloir maintenir un certain décorum. Je rappelle aux sénateurs qu'il y a certaines règles de base auxquelles nous devons nous plier. À plusieurs occasions cet après-midi, lorsqu'un honorable sénateur avait la parole, d'autres ont traversé le parquet entre le sénateur et la présidence. Je demande aux honorables sénateurs de bien vouloir respecter le décorum au Sénat.
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 26 mai 2015, à 14 heures.)