Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 18
Le jeudi 25 février 2016
L'honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le jeudi 25 février 2016
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Barb Stegemann, fondatrice de l'entreprise sociale The 7 Virtues, établie à Halifax, en Nouvelle-Écosse. Mme Patrizia Quas l'accompagne. Elles sont les invitées de l'honorable sénatrice Martin.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Angelique EagleWoman
Félicitations à l'occasion de sa nomination au poste de doyenne de la faculté de droit de l'Université Lakehead
L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de féliciter Angelique EagleWoman de sa nomination au poste de doyenne de la faculté de droit Bora Laskin, à l'Université Lakehead, à Thunber Bay, en Ontario. Angelique est la première femme autochtone à occuper un poste de doyenne d'une faculté de droit dans une université canadienne. Elle entrera officiellement en fonction en mai.
À l'heure actuelle, Angelique est professeure et juriste à l'Université de l'Idaho. Elle a enseigné dans les domaines de l'économie et du droit des nations tribales, et du droit des ressources naturelles des Américains autochtones. Elle a également publié des articles sur l'économie tribale et la qualité de vie chez les Autochtones.
Précédemment, elle a siégé à titre de juge dans quatre systèmes judiciaires tribaux et à titre d'avocate générale pour sa propre tribu, les Sisseton Wahpeton Oyate, dans le Dakota du Nord et du Sud.
Lors de sa nomination, elle a déclaré ce qui suit :
J'espère que le fait de me voir à la barre de l'école de droit à ses débuts encouragera d'autres jeunes Autochtones ainsi que des gens plus âgés qui songeraient à réorienter leur carrière à envisager le droit. Le droit touche tous les aspects de nos vies. Il est important de faire entendre nos voix, afin d'influer sur le développement du droit, l'adaptation du droit et le façonnement du droit.
Angelique suit les enseignements traditionnels et exécute des danses de la robe à franges. Elle affirme ceci :
Voilà ce qui m'a permis de grandir, d'être un modèle et de fonctionner dans deux mondes.
Elle se réjouit à l'idée de participer à des activités des communautés autochtones de Thunder Bay et souligne qu'elle a déjà reçu une invitation de la part de la Première Nation de Fort William. Félicitations, Angelique.
Barb Stegemann
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler d'une femme entrepreneure et chef de file exceptionnelle, Barb Stegemann, créatrice de l'entreprise de produits de beauté The 7 Virtues. Elle est également l'auteure du livre The 7 Virtues of a Philosopher Queen et incarne les principes de son livre, puisqu'elle est à la fois épouse, mère et présidente- directrice générale d'une entreprise internationale à vocation sociale prospère qui vise à changer le monde, un parfum à la fois.
Pour sa gamme de produits cosmétiques, Barb s'est d'abord inspirée de son meilleur ami, le capitaine Trevor Greene, qui, alors qu'il servait en Afghanistan en 2006, a été brutalement attaqué par un guerrier taliban. Elle a choisi de renoncer à ses sentiments de colère et de vengeance, pour plutôt pardonner et changer les choses, en hommage à son ami, qui a servi pendant de nombreuses années dans l'armée canadienne.
Pour elle, aimer son ami signifiait aimer le peuple pour lequel il était disposé à mourir. Elle a compris qu'appuyer l'économie de l'Afghanistan était essentiel afin d'assurer la stabilité pour la population du pays. Elle a lancé son premier parfum, « Orange Blossoms of Afghanistan », qui est fabriqué à partir de néroli, afin d'offrir aux agriculteurs une solution de rechange à la culture illégale du pavot pour les talibans. Elle a par la suite créé d'autres parfums, appelés « Noble Rose of Afghanistan », « Vetiver of Haiti » et « Middle East Peace ». Ces magnifiques parfums sont disponibles partout au Canada, dans les magasins La Baie.
En achetant des huiles essentielles naturelles à leur juste valeur marchande auprès de pays en reconstruction après une guerre ou des conflits, Barb cherche à favoriser le changement et à renverser les effets de la guerre et de la pauvreté. Je ne suis pas la seule à croire que The 7 Virtues est
une entreprise remarquable. Non seulement Barb Stegemann est la première femme du Canada atlantique à décrocher un contrat de capital-risque dans la série télévisée Dragon's Den de la CBC, mais elle a aussi été nommée la plus grande initiatrice de changement dans l'histoire de l'émission.
Afin de souligner la vision et les réalisations remarquables de Barb, elle a été choisie pour faire partie des 100 femmes les plus influentes du Canada et s'est vu décerner le prix Ernst and Young de l'entrepreneur de l'année, dans la catégorie des « entrepreneurs en émergence » de la région de l'Atlantique. Elle a été classée par le Profit Guide Magazine parmi les 30 entrepreneurs canadiens « les plus sympathiques et extraordinaires ».
Honorables sénateurs, ce n'est pas tout. Elle a gagné le prix Beauty 100 de la revue Chatelaine pour sa collection de parfums. Elle a reçu le prix de l'innovation pour les femmes décerné par le département d'État des États-Unis lors du sommet des femmes et de l'économie de l'APEC. Dans sa longue liste de réussites, Barb est particulièrement fière du jour où elle a été la première femme à recevoir le titre de colonel honoraire de toute l'histoire de la 14e Escadre Greenwood de l'Aviation royale canadienne.
J'ai rencontré Barb en 2003. Nous nous sommes liées d'amitié alors que nous œuvrions comme bâtisseuses locales et organisatrices de festival dans la municipalité de Coquitlam. J'ai été parmi les premières personnes à lire The 7 Virtues of the Philosopher Queen et à y trouver une source d'inspiration, alors que le livre n'était pas encore en version définitive, et j'ai été témoin de l'ascension de Barb, depuis les jours où sa notoriété ne dépassait pas sa région jusqu'au moment où elle a accédé au rang de vedette nationale, puis internationale. Elle a élevé deux magnifiques enfants, Victor et Ella, et a trouvé son âme sœur.
Elle continue d'être une chef de file visionnaire qui m'inspire et qui sait inspirer tous ceux qui ont la détermination de réaliser leur rêve.
Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour rendre hommage à une fière Néo-Écossaise et une incroyable Canadienne, Barb Stegemann.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'un groupe de participants du Programme d'études des hauts fonctionnaires parlementaires. Il s'agit de Mme Jane Lubowa Kibirige, greffière du Parlement de l'Ouganda; Mme Kushani Anusha Rohanadeera, secrétaire générale adjointe du Parlement du Sri Lanka; M. Mengtyth Ly, haut fonctionnaire de l'Assemblée nationale du Royaume du Cambodge; M. Matthew Hamlyn, greffier des projets de loi à la Chambre des communes du Royaume-Uni; et, enfin, M. Ryan Reddin, agent de recherche et greffier de comité à l'Assemblée législative de l'Île-du-Prince- Édouard.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le décès de Graham Leo Downey
L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de participer au Mois de l'histoire des Noirs en rendant hommage à feu Graham Leo Downey père, d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, qui nous a quittés le 15 septembre dernier. J'ai rencontré Graham pour la première fois dans les années 1950, alors que je jouais au hockey dans une ligue mineure. Adolescent, il était directeur et entraîneur d'une équipe de jeunes joueurs, et il savait déjà, à ce jeune âge, faire profiter les autres de sa générosité et de ses qualités de meneur. C'était un meneur né. Nous étions bons amis à cette époque. Sa plus grande réussite dans le domaine du sport est sans doute l'équipe de baseball multiraciale qu'il avait créée, les Vaughan Furriers, dont il était aussi directeur entraîneur. L'équipe se faisait appeler « Boys of 62' » et elle a fini par se hisser en première place du championnat junior des Maritimes.
Graham était aussi un leader dans la communauté. Élu conseiller municipal du quartier 3 en octobre 1974, il devient le premier Afro- Néo-Écossais à occuper un poste au conseil municipal d'Halifax. Graham exerce aussi la fonction d'adjoint au maire, de 1978 à 1979. J'ai siégé avec lui à la mairie, de 1974 à 1980 et je puis vous assurer qu'il était un conseiller municipal accompli, et qu'il était toujours à la disposition de ses électeurs, toutes races confondues. Il a occupé ces fonctions jusqu'en 2000. C'est un record sur le plan des années de service, mais aussi sur les plans du respect et des réalisations.
(1340)
Graham était un bâtisseur. L'éditorial d'un journal d'Halifax parle de lui comme d'un bâtisseur remarquable. Par-delà son service en tant qu'élu, Graham était un bâtisseur qui a aidé notre ville à prendre de la maturité. Je crois que cela a commencé lorsque feu son frère Billy et lui ont ouvert le club Arrows, dans la rue Agricola. De la manière tranquille et inébranlable qui les distinguait, ils ont su faire disparaître les divisions raciales et désamorcer des situations très délicates dans l'agitation des années 1960.
Graham Downey avait des valeurs personnelles solides. Il croyait que le bon travail amenait de bonnes choses. C'était un motivateur. Son épouse, Ardith, et lui ont inculqué ces valeurs à leur famille, à leurs neveux et nièces, à leurs petits-enfants et aux enfants du voisinage, les encourageant tous à faire des études et à s'impliquer dans leur communauté.
Sa nièce Terry Downey n'aurait su mieux dire lorsqu'elle a décrit ainsi son service communautaire :
Je me suis rendu compte de son énorme présence politique dans notre collectivité en observant les piétons l'aborder dans la rue et les automobilistes le klaxonner au passage. Ses contributions inspiraient un grand respect et une grande reconnaissance au sein de la population d'Halifax.
En reconnaissance du superbe héritage de service, de générosité et d'espoir de Graham, l'Université Saint Mary's a établi, sous la direction de son épouse, Ardith, la bourse d'études Alderman Graham Downey, qui fournit une aide financière annuelle de 1 000 $ à un étudiant néo-écossais d'origine africaine du comté d'Halifax. Une aide, en son nom, à l'éducation d'un jeune étudiant de sa race témoigne de manière pertinente et durable de l'œuvre de vie de Graham.
Graham Downey a reçu de nombreux honneurs, notamment de l'intronisation au temple de la renommée Dr. W. P. Oliver, de la Médaille du jubilé d'or de la reine Elizabeth II en 2002 et de la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II en 2012.
Il laisse dans le deuil Ardith ainsi que ses 6 enfants, Carmella Graham Jr., Pricilla, Gordon, Christopher et Stacy —, 13 petits- enfants et de nombreux neveux et nièces. Nous leur offrons nos plus sincères condoléances au nom du Sénat du Canada.
Un grand homme nous a quittés, honorables sénateurs. Halifax, la Nouvelle-Écosse, le Canada au complet — tous auraient avantage à compter un Graham Downey parmi leurs habitants.
Des voix : Bravo!
Le Plan 2014
L'honorable Bob Runciman : Honorables sénateurs, j'aimerais parler aujourd'hui d'un plan, fruit d'une étude qui a duré 15 ans et coûté 20 millions de dollars, qui contribuerait considérablement à l'environnement ainsi qu'à l'économie de l'Est de l'Ontario et de l'Ouest du Québec. Il est en attente de l'approbation des gouvernements fédéraux du Canada et des États-Unis depuis près de deux ans.
Je parle du Plan 2014, nouvelle approche à la réglementation des niveaux d'eau du lac Ontario et du haut Saint-Laurent. Il est approuvé et préconisé par la Commission mixte internationale, mais il doit être approuvé par les deux pays avant d'être mis en œuvre.
L'actuel plan de gestion des niveaux d'eau, qui prévoit la manipulation des niveaux à partir du barrage hydroélectrique Moses-Saunders, près de Cornwall, en Ontario, est en place depuis près de 60 ans. On lui impute la destruction de milliers d'acres de terres humides. Il réduit considérablement les niveaux d'eau à l'automne, écourtant la saison de navigation de plaisance dans la région des Mille-Îles.
Bien qu'il prévoie quand même une certaine réglementation, il respecterait bien plus le débit naturel de la rivière.
Tout le monde n'est pas gagnant aux termes de ce plan, et il faudra financer des mesures d'atténuation, principalement destinées aux propriétaires qui ont bâti leur maison sur des terres inondables, sur la côte sud du lac Ontario, près de Rochester, dans l'État de New York.
Cependant, les gagnants seraient bien plus nombreux que les perdants. Le Plan 2014 convient à la navigation commerciale. Il constitue un grand avantage pour la production hydroélectrique et il prolongera la saison de navigation de plaisance dans une région qui en est tributaire.
Toutefois, ce plan bénéficiera surtout à l'environnement.
Lana Pollack, présidente pour les États-Unis de la Commission mixte internationale, a déclaré que le Plan 2014 pourrait contribuer à rétablir 64 000 acres de terres humides, lesquelles ont été détruites en raison de la politique en vigueur. Il permettra d'améliorer la biodiversité des plantes et des animaux et de créer plus de frayères.
Le Plan 2014 serait, en raison de son importance, le deuxième projet de restauration des milieux humides de l'histoire de l'Amérique du Nord, tout juste derrière le projet de remise en état des Everglades, en Floride, et il pourrait être mis en œuvre pratiquement sans frais : il suffirait de modifier le mode de fonctionnement des vannes du barrage hydroélectrique Moses- Saunders, près de Cornwall.
Pourtant, ce plan, qui a fait l'objet d'un soutien généralisé pendant les vastes consultations publiques tenues durant de nombreuses années, est toujours bloqué par Affaires mondiales Canada. Selon des sources, le nouveau gouvernement du Canada souhaite modifier le plan afin de réduire considérablement ses avantages pour l'environnement.
Quelle honte.
Le premier ministre Trudeau et le prétendu gouvernement « vert » qu'il dirige devraient arrêter de bloquer ce plan. Lors de sa visite à Washington le mois prochain, le premier ministre Trudeau devrait se joindre au président Obama pour annoncer l'adoption du Plan 2014.
Le Plan 2014 entraînera d'énormes avantages, et ce, à peu de frais. Il est temps d'agir maintenant. Je vous remercie.
La formule de financement des territoires
L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, j'aimerais attirer votre attention sur la décision du ministre des Finances et du premier ministre de réviser la formule de financement des territoires — une entente conclue entre le gouvernement du Canada et les territoires afin de fournir aux collectivités du Nord un financement stable à long terme. Cette entente est à la base des paiements de péréquation versés par le Canada aux territoires, un peu comme les paiements de transfert provinciaux.
En vertu de la nouvelle interprétation de la formule de financement des territoires, on prévoit que, l'an prochain, puis tous les ans par la suite, le Yukon perdra 23 millions de dollars, les Territoires du Nord-Ouest, 32 millions de dollars, et le Nunavut, 34 millions de dollars.
Selon le ministère des Finances, la formule de financement des territoires aide les gouvernements territoriaux à financer les services publics essentiels dans le Nord, comme les hôpitaux, les écoles, l'infrastructure et les services sociaux, et elle tient compte du coût élevé des services publics dans le Nord, ainsi que des défis auxquels les gouvernements territoriaux font face pour offrir ces services à un grand nombre de petites collectivités isolées.
Compte tenu de la définition de ce programme, et puisque celui-ci avait été négocié entre les trois territoires et le Canada, les habitants du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon ont été troublés quand, en décembre dernier, le gouvernement fédéral nouvellement élu a informé les administrations locales de son intention de réduire les budgets des territoires du Nord canadien de plus de 445 millions de dollars au cours des cinq prochaines années.
Ces compressions surviennent au moment où le gouvernement fédéral augmente ses dépenses liées à l'aide à l'étranger, à l'immigration et au réchauffement climatique. Cela nous amène à nous demander pourquoi le Nord est lésé afin que le gouvernement fédéral puisse consacrer de l'argent à d'autres priorités. Cela survient également au moment où le gouvernement prévoit enregistrer des milliards de dollars de déficit pour stimuler la croissance économique.
Cher collègues, le sénateur Patterson, le sénateur Sibbeston et moi avons travaillé avec nos gouvernements territoriaux depuis l'annonce de ces compressions. J'ai écrit au ministre des Finances, et les premiers ministres du Nord ont exercé des pressions sur Ottawa pour que le gouvernement annule les compressions.
Pas plus tard que la semaine dernière, le gouvernement fédéral a accepté de réduire les compressions proposées. Le ministre des Finances et le premier ministre proposent maintenant des compressions annuelles de 6 millions de dollars pour le Yukon, 10 millions de dollars pour les Territoires du Nord-Ouest et 8 millions de dollars pour le Nunavut. Cela représente des compressions fédérales bien supérieures à 100 millions de dollars pour les cinq prochaines années.
Chers collègues, la réduction des transferts fédéraux dans le Nord canadien aura d'importantes répercussions sur notre économie déjà fragile et des effets néfastes sur le développement économique, l'éducation, les services sociaux et les soins de santé. Cela nuira aux groupes à risque, principalement les Premières Nations et les Inuits, ainsi que les personnes âgées et les familles monoparentales.
Chers collègues, le Sénat est un ardent défenseur du Nord canadien, des collectivités des groupes minoritaires ainsi que de nos Premières Nations et du peuple inuit. Or, je vous signale que le ministre des Finances et le premier ministre ont pris des mesures pour annuler la nouvelle interprétation des données entrant dans la formule de calcul des transferts fédéraux aux provinces. Ils s'assurent ainsi que les provinces ne subiront pas de compressions, contrairement aux territoires.
Compte tenu du traitement accordé aux provinces, nous sommes d'avis que les compressions imposées au Nord sont absolument injustes et tout à fait néfastes pour le développement économique et social de la région. Pour les gens du Nord, cette façon de faire est contraire à la lettre et à l'esprit de l'entente sur la formule de financement des territoires.
Chers collègues, je vous demande de vous joindre à moi pour demander au premier ministre et au ministre des Finances de respecter leurs obligations envers nos territoires du Nord et de réinjecter la totalité des 100 millions de dollars et plus qu'ils prévoient retrancher au cours des cinq prochaines années.
(1350)
AFFAIRES COURANTES
Régie interne, budgets et administration
Présentation du troisième rapport du comité
L'honorable Leo Housakos, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :
Le jeudi 25 février 2016
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son
TROISIÈME RAPPORT
Votre Comité a approuvé le budget principal des dépenses du Sénat pour l'exercice financier 2016-2017 et en recommande l'adoption. (Annexes A et B)
Votre Comité fait remarquer que le budget proposé se chiffre à 90 115 308 $.
Respectueusement soumis,
Président,
LEO HOUSAKOS
(Le texte des annexes « A » et « B » figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, annexes « A » et « B », p. 215 et p. 219.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
Le sénateur Housakos : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5f) du Règlement, je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : Oui.
Une voix : Non.
Son Honneur le Président : Le consentement n'est pas accordé.
Le sénateur Housakos : Honorables sénateurs, je propose que l'étude du rapport soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(Sur la motion du sénateur Housakos, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Aide médicale à mourir
Dépôt du premier rapport du comité mixte spécial auprès du greffier
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté le mercredi 17 février 2016, je vous informe que, plus tôt aujourd'hui, j'ai eu l'honneur de déposer auprès du greffier du Sénat le premier et unique rapport du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir intitulé L'aide médicale à mourir : une approche centrée sur le patient.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Ogilvie, le rapport est inscrit à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)
[Français]
Le Sénat
Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 9 mars 2016
L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mercredi 9 mars 2016, la période des questions ait lieu à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions;
Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Le discours du Trône
Motion d'adoption de l'Adresse en réponse—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l'honorable sénatrice Cordy,
Que l'Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence le gouverneur général du Canada :
À Son Excellence le très honorable David Johnston, Chancelier et Compagnon principal de l'Ordre du Canada, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite militaire, Chancelier et Commandeur de l'Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneur général et Commandant en chef du Canada.
QU'IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d'agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu'elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour présenter ma réponse au discours du Trône. Le 4 décembre 2015, le gouverneur général a invité tous les parlementaires à travailler ensemble dans un nouvel esprit d'innovation, d'ouverture et de collaboration. J'espère que le gouvernement du Canada accueillera aujourd'hui mes observations dans ce même esprit.
Honorables sénateurs, je me suis réjoui d'entendre le gouvernement déclarer que :
[...] l'investissement public est essentiel pour stimuler et soutenir la croissance économique, la création d'emplois et la prospérité économique [...]
Le gouverneur général a ensuite ajouté ceci :
[...] le gouvernement fera de nouveaux investissements majeurs dans le transport en commun, les infrastructures vertes et les infrastructures sociales.
C'est une bonne nouvelle pour le Nunavut, puisqu'il y a plusieurs projets en cours qui seraient admissibles à ce genre de financement. Par exemple, à Cape Dorset, on s'apprête à construire un centre culturel et atelier d'imprimerie afin de remplacer l'établissement vieillissant et vulnérable aux incendies qui est actuellement utilisé. Cette collectivité de l'ouest de l'île de Baffin produit des gravures, des œuvres graphiques, des sculptures et d'autres formes d'art inuit traditionnel de renommée mondiale. C'est là qu'habitait l'artiste de renom Kenojuak Ashevak. On dit que le nombre d'artistes par habitant est plus élevé à Cape Dorset que dans n'importe quelle autre région du Canada. Avec l'appui considérable de la collectivité, l'équipe de collecte de fonds, dirigée par Paul Desmarais III, un collectionneur d'art inuit réputé, a recueilli 2,1 millions de dollars sur l'objectif de 3 millions de dollars qu'elle s'était fixé pour le financement privé. Elle attend maintenant que Patrimoine canadien réponde à la demande qu'elle lui a présentée afin d'obtenir un financement supplémentaire de 2 millions de dollars. David Joanasie, député de Cape Dorset, a décrit le projet comme étant « un excellent projet qui revêt une importance nationale » lors d'une déclaration qu'il a faite le 29 octobre 2014, à l'Assemblée législative du Nunavut.
Par ailleurs, il y a deux projets importants dans ma ville, Iqaluit, capitale du Nunavut. Ses 7 000 habitants, dont la majorité sont inuits, n'ont pas d'endroit où les enfants peuvent apprendre à nager, même si l'océan sert à la fois de voie de transport et de garde- manger pour les Inuits. La ville a donc reçu l'appui des contribuables pour faire un emprunt destiné à la construction d'un nouveau centre aquatique multifonctions de 3 500 mètres carrés qui comprendra également des installations de conditionnement physique.
La construction a repris après avoir été interrompue l'automne dernier en prévision de l'hiver. Le centre, qui a bénéficié d'une aide au titre du Fonds municipal vert de la Fédération canadienne des municipalités, devrait ouvrir ses portes à la fin de 2016. Le centre aquatique sera conçu selon des procédés de pointe en matière d'efficacité énergétique et de construction écologique. Tout est cher dans l'Arctique. En raison des coûts de construction élevés, les contribuables propriétaires de maison devront assumer un fardeau fiscal supplémentaire. J'ose espérer qu'Infrastructure Canada donnera une suite favorable à la demande de financement de 4 millions de dollars que la municipalité d'Iqaluit lui a présentée.
La mise à niveau de l'usine de traitement des eaux usées constitue le second projet. Ce projet est nécessaire afin que l'usine puisse desservir une population sans cesse croissante, qu'elle n'endommage pas l'environnement et qu'elle puisse offrir un rendement supérieur. Environnement Canada et Affaires autochtones et du Nord Canada ont accordé à l'usine jusqu'à la fin de 2018 pour que soient satisfaites les exigences associées au permis d'utilisation des eaux. Pour ce faire, la Ville d'Iqaluit a demandé à Infrastructure Canada d'injecter 26 millions de dollars dans ce projet, qui est prêt à être mis en branle et qui a obtenu l'aval et le soutien financier du gouvernement du Nunavut. Cet argent est nécessaire pour mettre à niveau l'équipement servant au processus de traitement primaire des eaux usées, pour installer le réacteur à biofilm à lit mobile requis pour le traitement secondaire et pour répondre aux besoins de l'agglomération pendant encore 20 ans.
(1400)
Parmi les autres initiatives vertes du Nunavut qui en sont encore à l'étude de préfaisabilité, il y en a une qui prévoit la construction d'une centrale hydroélectrique à Iqaluit.
Honorables sénateurs, la totalité des localités du Nunavut fonctionnent avec des génératrices au diesel. Ces appareils consomment 45 000 litres de diesel et produisent 110 000 tonnes de carbone par année. En construisant un barrage hydroélectrique à Iqaluit, où le potentiel pour ce type d'énergie est immense, nous réduirons les émissions de dioxyde de carbone du Nunavut provenant des centrales au diesel d'environ 37 000 tonnes par année. Les industries de transformation pourront en outre se développer aussi facilement que chez notre voisin de l'Est, Nuuk, au Groenland, où environ 70 p. 100 du pays fonctionne à l'énergie hydroélectrique.
La construction possible d'une ligne de transmission hydroélectrique permettant d'acheminer l'électricité de Churchill, au Manitoba, jusqu'à la région centrale du territoire, le Kivalliq, ses sept localités et sa mine d'or, figure aussi parmi les projets qui m'enthousiasment le plus.
Le gouvernement du Nunavut a chiffré ses besoins en matière d'infrastructures sociales et énergétiques clés : 525 millions de dollars pour bâtir un millier de maisons et mettre fin à la grave crise du logement que connaît le Nunavut; et 250 autres millions pour remplacer et mettre à niveau les centrales et les autres infrastructures énergétiques nunavutoises de base qui commencent à se faire vieilles et sur lesquelles comptent l'ensemble des habitants du territoire.
Le gouvernement du Nunavut a également désigné comme prioritaire un projet dans la région occidentale du territoire, le Kitikmeot, car il permettrait de bâtir le premier lien d'Amérique du Nord jusqu'à la côte arctique du Nunavut. Je parle bien sûr de la route et du port de la baie Grays, qui relieront pour la première fois les réseaux routier et ferroviaire du Canada aux côtes du Nunavut.
Pour réaliser ce projet, il faut construire une route de 227 kilomètres à travers la ceinture de roches vertes de la province géologique de Slave, une région riche en possibilités d'exploitation minière, dont la viabilité serait assurée grâce à la présence d'une route menant à un port.
La construction de cette route aurait de nombreuses retombées durables pour la région et pour le Canada. Les gisements miniers à Izok et à High Lake fourniraient des emplois et des débouchés commerciaux aux habitants du Nord pendant au moins 18 ans. La mine créerait plus de 600 emplois pour les Canadiens. La route et le port, de concert avec la mine, permettraient d'augmenter le produit intérieur brut du Nunavut de 5,1 milliards de dollars, au total.
Par ailleurs, on s'attend à ce que le Nunavut et le Canada touchent environ 390 millions de dollars en impôts sur le revenu des sociétés et en redevances sur les ressources pendant la durée de ces projets. Par ailleurs, un montant total de 100 millions de dollars serait versé sous forme de redevances et de paiements dans le cadre d'ententes sur les répercussions et les avantages à l'intention des bénéficiaires de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.
La route et le port de la baie Grays serviraient également d'autre voie d'accès aux mines et aux sites importants des Territoires du Nord-Ouest. Chers collègues, il est tout à fait possible que le réchauffement de la planète menace la route d'hiver de Yellowknife, qui dessert actuellement deux — et bientôt trois — mines de diamant. Grâce à la route praticable en toutes saisons le long de la côte arctique vers le Sud, il sera possible d'accéder à ces trois mines, et aux autres qui sont prévues, par mer à partir du nord, plutôt que par voie routière ou ferroviaire à partir du Sud du Canada.
Le projet s'inscrit dans le cadre des priorités énoncées par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, pour améliorer l'accès à la province géologique de Slave qui jouxte cette région du Nunavut. C'est pourquoi le premier ministre Bob McLeod a publiquement déclaré son appui au premier ministre du Nunavut, Peter Taptuna, et à ce projet. On trouve le même constat dans le rapport de l'examen de la Loi sur les transports au Canada, que le ministre Garneau a déposé aujourd'hui. Le rapport recommande qu'on appuie immédiatement trois projets dans le Nord, notamment « [l]e corridor Coronation Yellowknife, qui relie les sites d'exploitation des ressources de la province géologique de Slave à la côte arctique au Nord et à Yellowknife au Sud; l'intention est de favoriser l'établissement d'un corridor de transport central dans l'Arctique à la fois pour Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest en commençant par financer le projet de la route et du port de la baie Grays. »
Ce projet qui contribuerait à l'édification du pays est presque prêt à démarrer, et le gouvernement du Canada devra y consacrer 34 millions de dollars au total au cours des quatre prochaines années pour mener à bien le processus de délivrance de permis et d'ingénierie.
Il est également proposé que la Nunavut Resources Corporation, qui appartient à des intérêts inuits, en partenariat avec le gouvernement du Nunavut, construise la route et le port, qui lui appartiendraient. Le port pourrait aussi devenir un endroit de ravitaillement pour la Marine royale canadienne, de même qu'un lieu d'accostage sûr, qui permettrait de répondre aux besoins d'entreposage et d'approvisionnement dans la région. Parallèlement, la Nunavut Resources Corporation pourrait percevoir les paiements de location découlant du bail à long terme conclu avec la société minière.
Chers collègues, les sociétés d'exploitation minière se heurtent à des obstacles très importants du point de vue du transport, du climat et de la logistique. L'Association minière du Canada estime que les mines du Nord coûtent beaucoup plus cher que celles du Sud, de 170 p. 100 à 280 p. 100 de plus, selon leur éloignement, en raison du climat et de l'insuffisance des infrastructures. Nous aurions dû construire cette infrastructure lorsque nous avons bâti le Canada, mais les projets dans l'Arctique n'ont pas abouti en raison du faible nombre de nos habitants et représentants politiques, ou du moins c'est ce que je pense. Nous pouvons maintenant faire ces investissements, comme nous faisons les investissements nécessaires dans les centres urbains.
Dans le cadre de nos efforts visant à édifier notre nation, nous devons éviter d'exclure une fois de plus le Nord du Canada. N'oublions pas que le Nunavut, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon représentent 40 p. 100 du territoire du Canada.
Certains projets, comme la route et le port de Grays Bay, instaureraient un climat de stabilité et de certitude dans la région, où les coûts d'exploitation élevés et l'absence d'infrastructures constituent en ce moment des obstacles aux investissements et aux projets de développement du secteur privé.
Le Canada pourrait également manifester son appui au secteur minier, qui n'investit presque plus dans l'exploration, en renouvelant le crédit d'impôt pour l'exploration minière pour une période de trois ans et en le faisant passer de 15 p. 100 à 30 p. 100. Une telle mesure pourrait relancer ce secteur qui a beaucoup de difficulté à attirer des investisseurs dans le contexte économique actuel, à un coût très faible pour l'État.
On peut aussi favoriser l'exploitation des ressources minières du Canada en modernisant et en mettant à jour les lignes directrices sur les frais d'exploration au Canada. La réglementation sévère fait que les sociétés doivent dépenser des millions de dollars par année pour consulter les Autochtones et mener des consultations environnementales. Ces dépenses ne sont toutefois pas comprises dans les fameux frais d'exploration au Canada.
Honorables sénateurs, le gouverneur général a promis de se concentrer sur les « mesures qui favorisent la croissance économique, créent des emplois, renforcent la classe moyenne et aident ceux et celles qui travaillent fort pour en faire partie ». Le gouvernement doit aussi continuer de soutenir le programme des pêches du Nunavut.
Bien trop souvent, les programmes qui sont destinés aux Premières Nations n'englobent pas les Inuits, ou ceux-ci n'y ont pas accès. Les pêcheurs autochtones gagnent évidemment leur vie sur la côte Est ou la côte Ouest du Canada, mais la pêche aux crevettes, au flétan noir et à l'omble chevalier prend de l'ampleur sur la côte arctique, la plus longue du Canada, où ce secteur maritime fait vivre les Inuits depuis des millénaires.
Une étude révèle que le soutien fédéral des pêches autochtones au cours des 21 dernières années totalise un peu moins de 1,68 milliard de dollars. Or, le Nunavut et les Inuits n'ont reçu que 0,2 p. 100 de ces fonds.
Malgré ce soutien insuffisant, les associations de pêcheurs du Nunavut font avancer les choses en matière de financement territorial et privé. Les Inuits possèdent actuellement sept chalutiers-usines réfrigérés, qui valent au total plus de 75 millions de dollars. Le coût de remplacement de ces chalutiers s'élève à plus de 175 millions de dollars.
Actuellement, plus d'une centaine d'Inuits travaillent dans l'industrie de la pêche hauturière; ils ont tous été formés par le Fisheries and Marine Training Consortium du Nunavut. Il ne fait aucun doute qu'il faudrait aussi tenir compte de cette industrie florissante, et que celle-ci devrait recevoir sa juste part des fonds servant à soutenir les pêches autochtones du Canada. Nul besoin d'investir de l'argent frais; il suffit d'affecter plus équitablement les ressources des programmes actuels et de supprimer les obstacles stratégiques qui nuisent aux pêcheurs inuits.
Dans son discours du Trône, le gouverneur général a aussi déclaré que « le gouvernement estime que tous les Canadiens et Canadiennes devraient avoir des chances réelles et égales de réussite ». J'aimerais insister sur l'importance de l'équité pour tous les Canadiens, même ceux qui vivent dans le Grand Nord, dans cette réponse au discours du Trône.
Honorables sénateurs, le Canada impose actuellement des droits de service à la navigation marine et des droits de service de déglaçage à tous les navires commerciaux afin de récupérer une partie du coût des aides à la navigation et aux services de trafic maritime financés par l'État. Cependant, les fournisseurs du Sud qui apportent des marchandises au Nunavut et dans d'autres régions septentrionales où il n'y a pratiquement aucune infrastructure de transport maritime comme des ports et des quais, et où les cartes, les aides à la navigation, les prédictions météorologiques et les analyses de la glace exactes sont limitées, se voient imposer des droits quatre ou cinq fois plus élevés que ceux des exploitants d'autres parties du Canada — 200 p. 100 plus élevés que ceux que doivent payer les exploitants internationaux. Les exploitants du Sud qui approvisionnent le Nord doivent payer des droits pouvant aller jusqu'à 100 000 $, ce qui peut leur causer une très désagréable surprise à la fin de la saison de navigation. Les expéditeurs me disent qu'ils ignorent totalement comment ces droits sont calculés.
(1410)
Je dis qu'il s'agit d'une très désagréable surprise, car certaines saisons sont comme la dernière : les navires de transport maritime rapide n'ont pas pu naviguer pendant deux semaines à la fin de juillet à cause de la glace, ce qui a entraîné des droits de stationnement de 80 000 $ par jour par bateau, à Iqaluit. Pendant ce temps, des marchandises importantes comme l'acier pour le centre aquatique sont restées coincées dans les navires, retardant ainsi les projets de construction pendant la précieuse saison de construction estivale, avant que l'hiver s'installe.
En raison d'un vent méridional persistant, de la glace s'est accumulée dans le port d'Iqaluit et des morceaux d'iceberg de la taille de maisons ont été coincés sur la plage pendant des semaines à marée basse. Trois ours polaires se sont servis de la glace pour se promener en ville comme s'ils étaient les maîtres des lieux. Personne ne pouvait quitter la ville sur sa petite embarcation pour aller à la pêche ou à la chasse au phoque tant la glace était épaisse et impénétrable. C'était à la fin du mois de juillet.
Les droits perçus pour les services de navigation maritime et de brise-glace représentent un fardeau financier supplémentaire qui pèse sur les épaules de ceux qui paient déjà très cher pour faire des affaires et vivre dans l'Arctique de l'Est, et ils ne peuvent être directement liés aux services que ceux-ci paient. Notre député, l'honorable Hunter Tootoo, est au courant de ce problème, et j'espère que, à titre de ministre des Pêches et des Océans, il sera en mesure de le régler.
Je précise, honorables sénateurs, que nos services de navigation et autres services connexes sont très rudimentaires dans l'Arctique. Il n'y a de quai commercial dans aucune des 26 localités côtières du Nunavut. J'ai déjà contesté l'imposition de ce coût aux propriétaires de navires commerciaux qui travaillent dans l'Arctique, qui augmente le coût de la vie à un endroit où tout, notamment la nourriture, coûte extrêmement cher.
Son Honneur le Président : Le sénateur demande-t-il cinq minutes de plus?
Le sénateur Patterson : S'il vous plaît.
Son Honneur le Président : Elles vous sont accordées.
Le sénateur Patterson : Merci.
N'oubliez pas qu'il est impossible de livrer des denrées non périssables où que ce soit au Nunavut par camion ou par train. Tout doit être transporté par voie maritime l'été — trois ou quatre navires viennent à Iqaluit chaque année — ou par voie aérienne, ce qui coûte actuellement 4,84 $ le kilo pour le transport d'Ottawa jusqu'à une localité relativement proche au Nunavut, somme à laquelle il faut ajouter un supplément de 23 cents pour le carburant et de 6,5 p. 100 pour NAV CANADA. Le prix le plus élevé demandé par un transporteur, First Air, est de 16,74 $ le kilo pour le transport d'Ottawa à Ulukhaktok, auquel il faut ajouter les suppléments pour le carburant et NAV CANADA.
Cela rend la nourriture outrageusement chère. J'ai vu récemment à Sanikiluaq un sac de raisins à 28 $. Le groupe Facebook Feeding My Family, lancé par une résidante du Nunavut, Leesee Papatsie, vise à sensibiliser les gens au coût élevé de la nourriture dans le Nord. Mme Papatsie espère que cette sensibilisation pourrait inciter à aider les Inuits à apprendre à chasser et à pêcher. Le groupe compte actuellement 24 467 membres.
C'est en raison du coût élevé de la vie et du commerce dans le Nord que la promesse faite par les libéraux, dans leur programme électoral, d'augmenter la déduction pour les habitants de régions éloignées a été bien accueillie. C'est une mesure qui toucherait tous les résidants du territoire qui produisent une déclaration d'impôt.
La déduction fiscale pour les habitants de régions éloignées n'a pas été rajustée en fonction de l'inflation depuis 2008. Le gouvernement a promis d'augmenter le montant de la déduction à 33 p. 100, jusqu'à concurrence de 22 $ par jour. J'espère que cette mesure équitable et grandement attendue sera mise en œuvre à temps pour la prochaine période de production des déclarations de revenus. Je m'attends à ce qu'elle soit abordée dans le budget du mois prochain. Cette mesure avantagera tous les gens vivant au nord du 60e parallèle, où le coût de la vie est le plus élevé au Canada.
Honorables sénateurs, le discours du Trône aborde de nombreux enjeux importants pour les habitants du Nord, et j'espère que cela reflète l'engagement continu du gouvernement du Canada à améliorer la vie de ces gens.
Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Régie interne, budgets et administration
Adoption du deuxième rapport du comité
Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (Budget de comité—législation), présenté au Sénat le 18 février 2016.
L'honorable Leo Housakos propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, le rapport recommande que des crédits budgétaires de 2 300 $ soient attribués au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour l'achat d'exemplaires du Code criminel annoté, un achat courant fait par le comité au besoin.
J'exhorte tous les sénateurs à appuyer l'adoption du rapport.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(1420)
Le Sénat
Motion tendant à encourager le gouvernement à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base—Ajournement du débat
L'honorable Art Eggleton, conformément au préavis donné le 16 février 2016, propose :
Que le Sénat encourage le gouvernement fédéral à parrainer, à l'issue de consultations adéquates et de concert avec un ou plusieurs gouvernements provinciaux ou territoriaux, un projet-pilote et toute étude complémentaire visant à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base fondé sur un impôt négatif sur le revenu afin d'aider les Canadiens à sortir de la pauvreté.
— Honorables sénateurs, la présente motion concerne un projet pilote visant un régime de revenu de base. Par le passé, nous parlions d'un revenu annuel garanti. J'aimerais lire la motion pour que le contexte dans lequel je fais mes commentaires aujourd'hui soit parfaitement compris :
Que le Sénat encourage le gouvernement fédéral à parrainer, à l'issue de consultations adéquates et de concert avec un ou plusieurs gouvernements provinciaux ou territoriaux, un projet-pilote et toute étude complémentaire visant à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base fondé sur un impôt négatif sur le revenu afin d'aider les Canadiens à sortir de la pauvreté.
Comme nous le savons, honorables sénateurs, j'ai mentionné à certaines reprises dans cette enceinte que notre pays est aux prises avec d'immenses défis en ce qui a trait à la pauvreté. Nous avons des familles qui ont de la difficulté à payer leur loyer. Nous avons des enfants qui n'ont pas les moyens de s'offrir des fournitures scolaires ou de faire des sorties scolaires. Nous avons aussi de nombreux Canadiens qui n'ont pas les moyens de se payer de bons aliments et qui doivent dépendre des dons faits aux banques alimentaires pour simplement nourrir leur famille.
Selon Statistique Canada, un Canadien sur sept vit dans la pauvreté, soit plus de 5 millions de Canadiens, dont plus de 1 million d'enfants. C'est une statistique bouleversante. C'est une statistique honteuse pour un pays aussi prospère que le nôtre.
Selon la Société canadienne d'hypothèques et de logement, plus de 4 millions de personnes ont besoin d'un logement convenable et abordable, et selon l'Alliance canadienne pour mettre fin à l'itinérance, le nombre de sans-abri s'établirait entre 150 000 et 300 000.
D'après les données de Banques alimentaires Canada, en 2015, près de 900 000 Canadiens ont eu recours aux banques alimentaires chaque mois, et plus du tiers d'entre eux étaient des enfants. Malgré tout, un enfant sur sept se rend à l'école chaque matin le ventre creux aux dires du Club des petits déjeuners du Canada. Voilà, je le répète, des données stupéfiantes pour un pays riche comme le nôtre.
Pour ce qui est de la santé, l'Association médicale canadienne a déclaré : « La pauvreté nous rend malades. » Dans son rapport de 2013, elle révèle que 50 p. 100 des résultats sur la santé peuvent être attribuables aux déterminants sociaux de la santé, notamment le logement, la pauvreté et l'itinérance.
Par ailleurs, l'inégalité croissante des revenus et de la richesse change la nature même de notre société et menace notre tissu social. Le Conference Board du Canada nous attribue la note « C » pour ce qui est de l'inégalité, ce qui nous classe au 12e rang parmi les 17 pays étudiés.
Entre 1980 et 2005, le revenu des gens qui se trouvent dans la tranche de revenu la plus élevée a augmenté de plus de 16 p. 100. On ne peut pas en dire autant de ceux qui se situent au bas de l'échelle. Ils ont plutôt vu leur revenu chuter de 20 p. 100. Pour ceux de la classe moyenne, le revenu est demeuré essentiellement le même.
À l'heure actuelle, 70 p. 100 de la richesse totale du pays se trouve entre les mains des 20 p. 100 des Canadiens les mieux nantis. C'est ahurissant.
Pour beaucoup de nos concitoyens, chaque jour est une bataille. Les rêves s'envolent; les espoirs se brisent. Je me rappelle les paroles du militant social Michael Creek, qui a connu la pauvreté après avoir été atteint d'une maladie — un cancer — qui l'a exclu du monde des affaires. Devenu pauvre, il a prononcé ces paroles d'une grande profondeur :
La pauvreté vole votre âme et ne vous laisse pratiquement aucun espoir. Elle vous dérobe tout ce qui peut être agréable dans la vie. Elle vous laisse isolé, seul et affamé [...] Chaque jour est un combat.
Honorables sénateurs, il ne faut pas s'y méprendre; la pauvreté continue de faire des ravages dans nos collectivités. Elle continue de prendre à la gorge de nombreuses familles canadiennes. À l'heure actuelle, les plus durement touchés, surtout depuis la récession de 2008, sont les hommes célibataires, souvent des immigrants arrivés depuis peu, les Autochtones, les membres des minorités visibles, les mères monoparentales et les personnes handicapées.
Je rappelle aux sénateurs un rapport qui a été préparé par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales et qui s'intitule Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l'exclusion. Ce rapport a été adopté à l'unanimité par le Sénat en 2010. Le comité a constaté que des décennies de politiques sociales, élaborées par tous les ordres de gouvernement, si bien intentionnées soient-elles, ont eu deux conséquences également catastrophiques. Premièrement, même lorsque tous les programmes fonctionnent comme il se devrait, le revenu qu'ils assurent est souvent à peine suffisant pour maintenir les pauvres dans la pauvreté. Deuxièmement, dans le pire des scénarios, les politiques et programmes existants piègent les pauvres dans la pauvreté, en ayant des effets non recherchés mais pervers qui rendent presque impossible leur affranchissement par rapport aux programmes de sécurité du revenu et aux refuges pour sans-abri. Si ces gens gagnent un peu d'argent, on leur enlève toute prestation, et ils n'arrivent plus à s'en sortir. Nous avons tous entendu des histoires de ce genre.
Voilà pourquoi j'estime qu'une nouvelle approche s'impose. Dans le rapport intitulé Pauvreté, logement, itinérance, le comité recommandait la réalisation d'une étude sur le revenu de base ou le revenu annuel garanti, une autre désignation de la même réalité, mais le gouvernement n'a pas donné suite à cette recommandation. J'ose espérer que ce sera différent avec l'actuel gouvernement.
Si la motion dont nous sommes saisis est adoptée, nous pourrions encourager le nouveau gouvernement à mettre à l'essai un revenu de base fondé sur l'impôt négatif sur le revenu. Il s'agirait d'un crédit d'impôt administré dans le système fiscal. En pratique, tout contribuable dont le revenu est en deçà du seuil de pauvreté recevrait automatiquement un supplément pour porter son revenu juste au-delà de ce seuil.
Or, ce ne serait pas suffisant pour faire la belle vie, honorables sénateurs, mais cette initiative garantirait que tous les Canadiens auraient de quoi payer les choses essentielles de la vie : la nourriture, les vêtements et un logement convenable. Cela assurerait un minimum, une base dont les personnes à faible revenu pourraient se servir comme point de départ pour améliorer leur vie.
Beaucoup de Canadiens appuient cette initiative. Un sondage réalisé en 2013 par l'institut Environics a révélé que 52 p. 100 des Canadiens sont favorables à un revenu de base. Cet appui échappe à tout esprit de parti et à toute philosophie politique. Des gens de toutes les allégeances politiques y sont favorables.
L'économiste conservateur Milton Friedman était un partisan du revenu de base. Il a déclaré que les mesures gouvernementales visant à réduire la pauvreté sont justifiées pour établir un plancher quant au niveau de vie de toutes les personnes de la collectivité.
Notre ancien collègue, le sénateur conservateur Hugh Segal, la chef du Parti vert, Elizabeth May, le ministre néo-démocrate des Finances de l'Alberta, Joe Segal, et le ministre libéral de l'Emploi et de la Solidarité sociale du Québec, François Blais, comptent parmi les nombreuses personnes de toutes les allégeances politiques qui ont exprimé leur appui à cette idée.
Nous constatons également que des collectivités de partout au pays y sont favorables. De nombreux maires ont manifesté leur appui, notamment Mike Savage, maire d'Halifax, Naheed Nenshi, maire de Calgary, et Don Iveson, maire d'Edmonton. La Ville de Kingston vient d'adopter une résolution pour demander la tenue d'une discussion nationale et encourager tous les ordres de gouvernement à collaborer afin d'examiner, d'étudier et de mettre en place un revenu de base garanti pour tous les Canadiens.
Des organisations comme l'Association médicale canadienne, l'Association canadienne de santé publique et l'Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, notamment, demandent que l'on agisse en ce sens.
Nous constatons qu'un nombre croissant de Canadiens se rendent compte que nous avons échoué dans nos efforts pour enrayer le fléau de la pauvreté. Il nous faut une nouvelle méthode. Ils se rendent compte que cette méthode peut comporter beaucoup d'avantages. Le revenu de base est une approche administrative plus simple et plus transparente pour lutter contre la pauvreté actuelle; il offrirait des avantages aux personnes qui n'ont pas accès aux programmes d'aide sociale, comme les travailleurs pauvres.
L'établissement d'un revenu de base pourrait également constituer une initiative de relance, car cela permettrait d'injecter immédiatement des fonds dans l'économie. Les personnes à faible revenu dépensent leur argent à mesure qu'elles le reçoivent. Elles en ont besoin pour survivre. L'argent est donc remis dans l'économie nationale.
De plus, selon Glen Hodgson, du Conference Board du Canada, un revenu de base pourrait améliorer les possibilités d'engagement de la main-d'œuvre et de mobilité sociale, surtout pour les jeunes et les groupes défavorisés qui vivent dans la pauvreté.
Cela dit, chers collègues, sachez que, durant les années 1970, un programme de revenu de base avait été mis à l'essai au Manitoba, surtout dans la ville de Dauphin. C'était connu sous le nom de Mincome. Une recherche effectuée par Mme Evelyn Forget, de l'Université du Manitoba, a révélé que le nombre de visites à l'hôpital avait diminué de 8,5 p. 100. Le nombre de personnes qui se sont présentées à l'hôpital avec des blessures liées au travail avait diminué, tout autant que le nombre de visites à l'urgence en raison d'accidents de voiture et de violence conjugale. Le nombre de visites pour des raisons de santé mentale avait aussi beaucoup diminué.
(1430)
C'est ce que Mme Forget a conclu en se fondant sur les statistiques tirées de l'étude.
Qu'en est-il de l'emploi? Les travaux de recherche ont montré que, en règle générale, les nouvelles mamans et les adolescents étaient ceux qui travaillaient le moins. Les mères restaient à la maison plus longtemps avec leurs bébés. Les jeunes travaillaient moins, mais passaient plus de temps à l'école et étaient plus nombreux à décrocher un diplôme. Dans l'ensemble, la participation au marché du travail était restée forte.
Aux États-Unis, les projets pilotes relatifs au revenu de base ont commencé vers la fin des années 1960 et ont été mis en œuvre, notamment, en Caroline du Nord, en Iowa et en Indiana. Les travaux de recherche ont révélé des résultats semblables à ceux de Dauphin. Le nombre de visites à l'hôpital a diminué, et on a observé l'effet marginal d'une réduction du nombre d'heures de travail des deuxièmes et troisièmes titulaires de revenus — encore une fois les femmes et les jeunes. Les femmes avaient des congés de maternité plus longs, et les jeunes restaient à l'école plus longtemps et obtenaient de meilleurs résultats scolaires. Ils avaient la base nécessaire.
Plus récemment, le Brésil a créé un revenu de base en 2003 appelé Bolsa Familia. Revenu de base à la grandeur du pays, il concernait 46 millions de personnes. Il a contribué à une baisse de 20 p. 100 des inégalités et a amélioré les résultats scolaires ainsi que les résultats en matière de santé.
Honorables sénateurs, en regardant ces résultats, nous pouvons voir non seulement une nette amélioration des conditions de vie des personnes les plus vulnérables, mais aussi une réduction des coûts. Oui, j'ai bien parlé d'une réduction des coûts. Comme nous le savons, la pauvreté coûte cher à chacun d'entre nous. Elle hausse nos factures d'impôt, elle ralentit l'économie, elle hausse les factures des soins de santé et elle favorise l'aliénation et la criminalité.
Une étude de 2008 dirigée par les économistes et les spécialistes des politiques Don Drummond, Judith Maxwell et James Milway a révélé que la pauvreté coûtait au Canada quelque 7,5 milliards de dollars par année en soins de santé seulement. Les Canadiens à faible revenu font beaucoup plus appel au système de soins de santé que les personnes à revenu élevé. Selon l'étude, la perte de productivité se situait entre 8 et 13 milliards de dollars. Au total, les auteurs ont fixé la facture de la pauvreté à 30 milliards de dollars annuellement, et c'était en 2008. Cela exclut les coûts de la bureaucratie entourant le bien-être social ou de son administration par les provinces.
Par ailleurs, selon le défunt Conseil national du bien-être social, l'écart de pauvreté était de 12 milliards de dollars en 2011. Cela signifie qu'il faudrait 12 milliards de dollars de plus que le niveau de soutien offert à l'heure actuelle pour amener tout le monde au- dessus du seuil de la pauvreté. Honorable sénateurs, 12 milliards de dollars, comparativement à 30 milliards de dollars. Lequel est le plus censé?
Mais ne nous emballons pas. Prenons les choses étapes par étape. Nous devons lancer un projet pilote qui puisse fournir de nouvelles données canadiennes dans les circonstances actuelles et déterminer comment fonctionnerait un tel système de nos jours et quels seraient les coûts et les avantages.
Les coûts estimés d'un projet pilote varient selon la conception du programme et le niveau de soutien offert. L'expérience du Manitoba dans les années 1970 avait coûté 17 millions de dollars.
En conclusion, à l'avenir, nous devons adopter un principe simple et plein de bon sens : les programmes sociaux doivent sortir les gens de la pauvreté et non les y confiner. Ils doivent leur donner un coup de pouce pour qu'ils puissent améliorer leur qualité de vie. La pauvreté n'a rien d'anodin. Elle touche chacun de nous et entraîne des coûts pour chacun de nous. Nous dépensons beaucoup d'argent et n'obtenons pas les résultats escomptés. Nous devons trouver une nouvelle stratégie.
Un revenu de base est une nouvelle approche, une nouvelle voie qui montre un excellent potentiel. Allons chercher les données probantes. Étudions cette approche. Si elle se révèle valable, non seulement nous mettrons fin à la pauvreté, mais nous dépenserons de manière plus intelligente et plus efficace.
Merci.
L'honorable Diane Bellemare : Est-ce que le sénateur Eggleton accepterait de répondre à quelques questions?
Selon vous, quel programme assorti d'un impôt minimal sur le revenu serait remplacé? Par exemple, est-ce qu'il remplacerait la Sécurité de la vieillesse ou le Supplément de revenu garanti offert aux aînés?
Le sénateur Eggleton : Je crois qu'il faudra régler cette question au moment de concevoir le projet pilote. Je suis heureux que vous ayez mentionné le Supplément de revenu garanti et le programme de la Sécurité de la vieillesse, parce que ce sont des exemples de régimes de revenu annuel garanti. La notion de revenu annuel garanti n'est pas nouvelle au Canada. La Prestation nationale pour enfants est un programme semblable.
Essentiellement, il remplacerait les programmes d'aide sociale dans les provinces. C'est ce que le projet au Manitoba a fait dans les années 1970. Il ne remplacerait pas des programmes comme l'assurance-emploi ou le Régime de pensions du Canada. Ceux-ci sont des programmes financés par les citoyens, alors le revenu de base ne les remplacerait pas. Il pourrait remplacer ou élargir la Prestation fiscale pour le revenu de travail, afin d'aider les travailleurs pauvres.
Il faut examiner ces programmes et ces divers éléments aux fins de la conception du projet pilote. L'objectif global est de faire en sorte que les gens atteignent et dépassent le seuil de pauvreté.
Son Honneur le Président : Sénateur Eggleton, demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre à d'autres questions?
Le sénateur Eggleton : Oui, s'il vous plaît.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
La sénatrice Bellemare : J'ai une autre question. C'est au sujet du fait que le programme serait administré au moyen des impôts. Comme nous le savons, nous produisons chaque année notre déclaration de revenus. Lorsqu'on devient pauvre, on ne sait pas si cela correspond au moment où on doit produire notre déclaration de revenus et s'il est possible de demander de l'aide. Selon vous, quel serait le rôle des fonctionnaires dans un tel programme? Fonctionnerait-il seulement par l'intermédiaire du régime d'impôt sur le revenu?
Le sénateur Eggleton : Le régime d'impôt sur le revenu est administré par des fonctionnaires, et il y a un système d'administration. C'est l'Agence du revenu du Canada qui le gère. Ils ont déjà recours à des programmes de remboursement fondés sur le régime d'impôt sur le revenu qui peuvent aussi aider les citoyens. Ils ont les connaissances et les compétences nécessaires.
Par ailleurs, en ce qui concerne les personnes dont la situation change au cours d'une année — car les Canadiens ne font leur déclaration de revenus qu'une seule fois par année —, il serait possible d'en tenir compte, comme dans le cas de la TPS ou la TVH à l'heure actuelle. Les gens qui ont droit au remboursement de la taxe reçoivent de l'argent tous les trois mois.
L'Agence du revenu du Canada a déjà mis en place des mécanismes de ce type. À mon avis, elle ne devrait pas avoir trop de difficulté à les adapter. Encore une fois, pour l'instant, je ne demande pas qu'on établisse un revenu de base ou un revenu annuel garanti. Je demande qu'on mette en œuvre un projet pilote et qu'on effectue des études pour obtenir des données probantes.
La sénatrice Bellemare : Puis-je proposer que le débat soit ajourné à mon nom?
Son Honneur le Président : Avant cela, je pense que le sénateur Patterson aimerait poser une question.
L'honorable Dennis Glen Patterson : Sénateur, vous avez parlé d'un ancien projet pilote. Pourquoi recommandez-vous maintenant la réalisation d'un autre projet pilote?
Ensuite, vous avez mentionné que les Autochtones sont vulnérables. À quel endroit mènerait-on un ou des projets pilotes de ce type?
Le sénateur Eggleton : Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. Dans la motion, j'indique que le gouvernement fédéral doit discuter avec les provinces et les territoires. Il pourrait y avoir plus d'un projet pilote. Le projet pilote des années 1970 a uniquement été mené au Manitoba, surtout dans la ville de Dauphin, même si une certaine partie du projet s'est aussi déroulée à Winnipeg. Des projets pilotes peuvent être menés à plusieurs endroits. Compte tenu des difficultés auxquelles se heurtent les Autochtones partout au pays en ce qui concerne les revenus, il serait approprié de déterminer comment nous pourrions intégrer cet aspect à l'étude.
Pourquoi refaire une étude s'il en existe déjà une sur le sujet? Parce que cette étude a été menée il y a près de 40 ans. Cela fait très longtemps. Certaines choses ont changé. Par exemple, j'ai mentionné que beaucoup de femmes ont quitté le marché du travail pour s'occuper de leurs enfants, juste après leur naissance. Maintenant, nous avons, bien entendu, des congés de maternité, qui n'existaient pas à l'époque. Bien des choses ont changé, mais ce projet n'a pas été mené à bien. C'était en grande partie l'idée personnelle du premier ministre du Manitoba de l'époque et du premier ministre du Canada, Pierre Trudeau. Ils ont tous deux quitté leurs fonctions avant que le projet soit complété et leurs successeurs n'ont pas repris le flambeau.
(1440)
Il n'y a pas eu d'analyse approfondie à ce moment-là. Mme Forget, professeure à l'Université du Manitoba, n'a que récemment commencé à déterrer quantité de dossiers et d'information, tous sur papier. Il faut une étude à jour, qui tienne compte des réalités modernes.
(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)
Le Budget des dépenses de 2016-2017
Autorisation au Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement d'étudier le crédit 1 du Budget principal des dépenses
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat), conformément au préavis donné le 23 février 2016, propose :
Que le Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues au crédit 1 de la Bibliothèque du Parlement dans le Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2017, lorsque ce comité aura tenu sa séance d'organisation, s'il y a lieu;
Qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.
— Chers collègues, cette motion ne requiert aucune dépense. Elle mentionne simplement la partie du budget des dépenses renvoyée au Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement. Si vous adoptez cette motion, on demandera au comité — une fois qu'il sera organisé, ce qui n'est pas encore fait — d'étudier la partie en question.
Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
La sénatrice Martin : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Le Sénat
Motion tendant à modifier le Règlement du Sénat et le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs afin de prévoir l'élection d'un représentant des sénateurs indépendants et non partisans au Comité sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs—Ajournement du débat
L'honorable John D. Wallace, conformément au préavis donné le 23 février 2016, propose :
Que, afin de prévoir l'élection d'un représentant des sénateurs indépendants, non-partisans, au Comité permanent sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs;
1. Le Règlement du Sénat soit modifié par substitution de l'article 12-27(1) par ce qui suit :
« Nomination du comité
12-27. (1) Dès que les circonstances le permettent au début de chaque session, le leader du parti reconnu comptant le plus grand nombre de sénateurs présente une motion, appuyée par le leader du parti reconnu comptant le deuxième plus grand nombre de sénateurs, portant nomination des membres du Comité permanent sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs; la procédure de nomination reste la même pour modifier la composition du comité au cours d'une session. Toute motion de nomination est adoptée d'office. »;
2. Le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs soit modifié par substitution des paragraphes 35(4) à (6) par ce qui suit :
« Élection des membres
(4) Au début de la session, deux membres du Comité sont élus par scrutin secret par le caucus du parti reconnu comptant le plus grand nombre de sénateurs et deux membres sont élus par scrutin secret par le caucus du parti reconnu comptant le deuxième plus grand nombre de sénateurs; le cinquième membre est élu par scrutin secret, lors d'une séance à huis clos convoquée par le greffier du Sénat au début de la session, à la majorité des sénateurs qui ont l'autorisation d'assister aux séances du Sénat et qui n'appartiennent à ni l'un ni l'autre de ces partis.
Présentation et adoption de la motion
(5) Le Leader du parti reconnu comptant le plus grand nombre de sénateurs, avec l'accord du leader du parti reconnu comptant le deuxième plus grand nombre de sénateurs, présente au Sénat une motion concernant la composition du Comité, laquelle motion est réputée adoptée sans débat ni vote.
Président
(6) Le president du Comité est élu par les cinq membres de celui-ci. ».
— Merci, Votre Honneur. Honorables sénateurs, j'interviens au sujet de la motion dont nous sommes saisis qui vise à s'attaquer de façon équitable et raisonnable à deux problèmes de taille concernant la composition du Comité permanent sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs. D'entrée de jeu, je déclare, pour les raisons que j'exposerai plus avant, que je suis fermement convaincu que nous devons nous pencher immédiatement sur ces deux problèmes pour les régler dans les meilleurs délais.
Voici les problèmes en question. Premièrement, à l'heure actuelle, aucune disposition du Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts ne prévoit la représentation directe de sénateurs indépendants, non affiliés à un parti, à titre de membre de ce comité. Sont considérés comme indépendants les sénateurs qui ne sont affiliés ni au Parti conservateur ni au Parti libéral ou qui ne sont pas désignés comme membres du caucus conservateur ou du caucus libéral. Deuxièmement, le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts confère certains pouvoirs et certaines responsabilités au leader du gouvernement au Sénat et au caucus des sénateurs ministériels. Or, si l'on en croit les déclarations du premier ministre et, plus récemment, celles du ministre LeBlanc, il n'y aura pas de caucus ministériel au Sénat.
Par surcroît, le sénateur nommé soit leader soit représentant du gouvernement au Sénat sera chargé de gérer le programme législatif du gouvernement à la Chambre haute. Le gouvernement a clairement dit qu'il n'avait ni l'intention ni le désir de se mêler des questions de procédure et de l'administration des affaires internes du Sénat. Je dirais donc que cela comprend le processus de sélection des membres du Comité permanent sur l'éthique et les conflits d'intérêts.
Avant de me pencher sur les modifications proposées au Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs et au Règlement du Sénat qui sont décrites dans cette motion, je veux d'abord faire quelques observations sur une autre motion, un peu du même ordre, qui a été présentée par la sénatrice Fraser le 4 février 2016. Si cette motion est adoptée, le mandat de tous les membres actuels du Comité sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs serait renouvelé sans la tenue d'une élection par scrutin secret.
Je soulève cette question maintenant parce que, à mon avis, la motion de la sénatrice Fraser aborde et souligne — directement et indirectement — certaines des mêmes questions et préoccupations clés que la motion que j'ai présentée aujourd'hui.
Cela dit, malgré tout le respect et toute l'estime que j'ai pour la sénatrice Fraser et chacun des membres actuels du comité, je considère que la motion de la sénatrice Fraser est inappropriée compte tenu des circonstances et, surtout, du fait qu'elle ne répond pas aux préoccupations légitimes, aux attentes raisonnables et aux droits de tous les sénateurs, plus particulièrement ceux qui sont indépendants et non partisans.
Honorables sénateurs, comme vous le savez, l'article 35(1) du Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs exige que, au début de chaque session, un comité du Sénat soit constitué ou désigné pour l'application du présent code.
Les rôles, les responsabilités et les pouvoirs des membres du comité sont évidemment d'une importance cruciale pour tous les sénateurs puisque les membres du comité pourraient être appelés à examiner des accusations portées contre des sénateurs aux termes des dispositions de ce code et à en juger le bien-fondé.
L'article 35(2) du code prévoit que le comité sera composé de cinq membres. Quant à l'article 35(4), il précise ce qui suit :
Au début de la session, deux membres du Comité sont élus par scrutin secret par les sénateurs du caucus du gouvernement et deux membres sont élus par scrutin secret par les sénateurs du caucus de l'opposition; le cinquième membre est élu par une majorité des quatre autres membres après l'élection du dernier de ceux-ci.
Voici ce que prévoit l'article 35(5) :
Le leader du gouvernement au Sénat, avec l'accord du leader de l'opposition au Sénat, présente au Sénat une motion concernant la composition du Comité, laquelle motion est réputée adoptée sans débat ni vote.
La présente motion qui porte sur la composition complète du comité est essentiellement identique à une motion qui est également requise en vertu de l'article 12-27(1) du Règlement du Sénat. Comme il a été mentionné, les dispositions de l'article 35(4) du code exigent expressément que les membres du comité soient élus par scrutin secret par les sénateurs.
Cette exigence particulière concernant la participation des sénateurs à des scrutins secrets est extrêmement rare et tient compte du fait que, aux fins du Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts, les sénateurs se gouvernent eux-mêmes et que les questions concernant des sénateurs qui sont renvoyées devant ce comité risquent très certainement de susciter de grandes préoccupations, d'être de nature délicate et d'entraîner des conséquences importantes. Le processus de scrutin secret utilisé actuellement pour déterminer les membres de ce comité permet à certains sénateurs — pas tous — de participer au choix de leurs collègues qui, pensent-ils, sont les plus compétents et les plus habilités pour porter un jugement sur chacun d'entre nous.
Honorables sénateurs, l'esprit et l'intention de ces dispositions du code sont évidents. En remplissant ses obligations en vertu du code, le comité doit être exempt non seulement de partialité et de partisanerie, mais aussi de toute apparence ou perception d'une telle partialité ou partisanerie.
Je vous renvoie à cet égard aux commentaires qu'a formulés la sénatrice indépendante McCoy le 4 février 2016 dans cette enceinte. Elle a dit ceci :
Il s'agit toutefois d'un comité très sérieux puisque nous nous gouvernons nous-mêmes. Nous sommes administrés par nos pairs. Comme l'a signalé la sénatrice Fraser, le comité a été établi de façon à nous permettre de choisir au scrutin secret ceux de nos pairs qui doivent nous juger. [...]
C'est le seul comité du Sénat à adopter une telle pratique, pratique qui, selon moi, se justifie. Elle nous permet de choisir qui sera notre juge, et ce, par scrutin secret. Si je ne m'abuse, c'est le seul scrutin secret autorisé par notre institution; en effet, les travaux du Sénat et de ses autres comités sont assujettis à une règle exigeant la tenue de scrutins publics. Il n'y a aucun autre scrutin secret.
La motion proposée par la sénatrice Fraser le 4 février 2016 comporte une clause dérogatoire. Elle prévoit que nonobstant les exigences de l'article 12-27(1) du Règlement du Sénat et les exigences relatives à l'élection par scrutin secret prévues au paragraphe 35(4) du code, les cinq membres existants du comité soient proposés pour être nommés de nouveau jusqu'à ce qu'une motion présentée conformément à l'article 12-27(1) du Règlement soit adoptée par le Sénat. Comme on l'a déjà mentionné, cet article exige que la personne désignée comme le leader du gouvernement au Sénat présente une motion sur la composition du comité au début de chaque session; je parlerai plus en détail de ce point dans un moment.
(1450)
Pour des raisons évidentes, le recours à une clause de dérogation dans une motion ou un projet de loi est très rare et une telle clause ne doit être utilisée, le cas échéant, que dans des circonstances exceptionnelles. Nous n'avons qu'à nous souvenir de la répugnance des législateurs fédéraux à utiliser la clause de dérogation qui se trouve dans la Constitution de notre pays.
Sous ce rapport, cela me rappelle aussi les propos suivants, tenus par le sénateur Cowan pendant la suspension des débats du Sénat qui a eu lieu le 29 octobre 2013 :
Je suis préoccupé chaque fois que je vois : « Nonobstant toute pratique ou règle établie, voici ce qui doit arriver ».
Nous devons donc être extrêmement prudents lorsque la majorité vient nous dire : « Nonobstant le Règlement, les pratiques et les précédents historiques, voilà ce que nous voulons faire. » C'est un précédent très dangereux.
En fin de compte, honorables sénateurs, je dois vous rappeler que la sénatrice Fraser, ou qui que ce soit d'autre, n'a énoncé aucune raison permettant de justifier le recours à la clause de dérogation proposée pour éliminer le principe fondamental de l'élection des membres du comité au moyen d'un vote secret, mis à part les observations qu'elle a formulées ici le 4 février 2016 :
Chers collègues, cette motion est très simple et elle vise à reconduire dans leurs fonctions les sénateurs qui faisaient partie du Comité sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs lors de la session précédente du Parlement.
Puis :
Après consultation, les deux côtés et les membres du comité ont convenu que c'était le moyen le plus simple de procéder [...]
Malgré tout le respect que j'éprouve envers la sénatrice, il s'agit certainement d'un moyen très simple d'atteindre un résultat manifestement prédéterminé. Cependant, compte tenu de l'importance et des implications potentielles du travail de ce comité précis, ainsi que de ses conclusions et décisions possibles, il n'y a absolument aucun doute pour moi que les membres de ce comité doivent toujours être élus par tous les sénateurs en suivant le principe fondamental du scrutin secret.
À l'avenir, je crois que nous devrons toujours être prêts à faire le nécessaire pour préserver et protéger ces assises cruciales de notre Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts.
Étant donné la composition du comité proposée dans la motion de la sénatrice Fraser, trois sénateurs conservateurs et deux sénateurs libéraux en seraient nommés membres de nouveau. Comme on l'a dit précédemment, ce comité a été créé pour que nos pairs qui en feront partie soient chargés de trancher les questions qui leur seront soumises et qui, pour chacun d'entre nous personnellement, risquent de susciter de grandes inquiétudes, de toucher des cordes très sensibles et d'avoir des conséquences importantes. Évidemment, ce comité devra prendre ses décisions en toute impartialité et sans partisanerie, quel que soit le sénateur qui comparaîtra devant lui. Il lui faudra aussi éliminer toute apparence ou toute perception de partialité ou de partisanerie.
Les sénateurs conservateurs ou libéraux qui devront comparaître devant le comité pour répondre à des allégations seront bien sûr rassurés de savoir que des membres de leur caucus font partie du comité. Toutefois, ce ne sera pas le cas des 11 sénateurs vraiment indépendants et des 27 nouveaux sénateurs indépendants qui seront nommés en 2016.
Au cours de son exposé dans cette enceinte le 4 février 2016, la sénatrice Fraser a dit ceci :
Après consultation, les deux côtés et les membres du comité ont convenu que c'était le moyen le plus simple de procéder jusqu'à ce que, comme le dit la motion, le comité soit reconstitué conformément au Règlement du Sénat. Je pense que c'est la voie à suivre.
Lorsque j'entends cela, je ne peux pas m'empêcher de poser la question suivante : quels sont les deux côtés dont parle la sénatrice? Les sénateurs libéraux ne font pas partie du caucus du gouvernement. Le premier ministre Trudeau l'a indiqué très clairement. Les sénateurs libéraux ne feront pas partie non plus du caucus de l'opposition, puisque c'est bien entendu le rôle des sénateurs conservateurs. Les sénateurs libéraux ne représentent aucun des 11 sénateurs indépendants actuels et ne représenteront aucun des 27 nouveaux sénateurs indépendants qui commenceront à siéger au Sénat d'ici la fin de l'année.
Je vous dis encore une fois avec la plus grande fermeté que, à l'avenir, nous ne devrions pas nous fonder sur la manière la plus simple de procéder pour ce qui est de nos décisions et du traitement de questions extrêmement importantes et de questions potentiellement personnelles de nature délicate qui ont trait directement au fonctionnement de notre Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts et qui intéressent et préoccupent évidemment grandement tous les sénateurs.
Dans ses commentaires du 4 février, la sénatrice Fraser a aussi affirmé ceci :
Le premier point que je voudrais faire valoir, à propos de la motion que j'ai présentée, est qu'il s'agit d'une mesure provisoire, temporaire.
Honorables sénateurs, comme en témoignent clairement les modifications proposées dans ma motion, dont nous sommes saisis aujourd'hui, je suis d'avis qu'une telle mesure provisoire et temporaire devrait au moins respecter les droits de tous les sénateurs, y compris évidemment tous les sénateurs indépendants et non partisans, indépendamment de l'étiquette politique qu'ils se donnent, de leur affiliation ou non-affiliation à un parti politique, et en particulier le droit de tous les sénateurs d'être représentés au Comité sur l'éthique et les conflits d'intérêts. Par ailleurs, cette représentation devrait toujours être déterminée par des scrutins secrets.
Même si la motion de la sénatrice Fraser a été qualifiée de « mesure provisoire et temporaire », je ne crois pas que ce soit un fait acquis.
Comme nous l'avons précédemment entendu, sa motion prévoit en partie que, nonobstant les exigences prévues à l'article 12-27(1) du Règlement, les membres actuels du comité y soient nommés, et ce, jusqu'à ce qu'une motion soit adoptée par le Sénat conformément à cet article. Or, cet article exige clairement qu'au début de chaque session la personne désignée comme le leader du gouvernement présente une motion portant nomination des membres du comité.
Encore une fois, comme nous l'avons précédemment entendu, il est clair que le gouvernement n'a pas l'intention ou la volonté d'intervenir dans les procédures et l'administration des affaires internes du Sénat.
Par conséquent, la motion dont la présentation est exigée par l'article 12-27(1) du Règlement pour qu'on puisse éliminer et remplacer la « mesure provisoire, temporaire » proposée par la sénatrice Fraser ne peut être présentée, compte tenu du mandat limité qu'on propose de confier au leader du gouvernement au Sénat.
De plus, en l'absence de représentation collective adéquate devant le comité, cette « mesure provisoire, temporaire » dans sa forme actuelle pourrait bien avoir des répercussions sur les droits de tous les sénateurs indépendants et non partisans pour au moins les trois années et demi suivantes, et il pourrait y avoir un total de 38 sénateurs indépendants et non partisans d'ici la fin de 2016, et de 45 d'ici la fin de 2017. Ils dépasseraient donc en nombre les membres du caucus conservateur et du caucus libéral du Sénat.
Je dois dire que j'ai également trouvé intéressantes et...
Son Honneur le Président : Sénateur Wallace, demandez-vous cinq minutes de plus?
Le sénateur Wallace : Oui.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Wallace : Merci. Je dois dire que j'ai également trouvé intéressantes et très pertinentes par rapport à la motion que j'ai présentée et dont nous sommes saisis les observations qu'a faites le 4 février 2016 la sénatrice Fraser au sujet de l'arrivée prévue des nouveaux sénateurs indépendants. Elle a dit ceci :
[...] pour nous adapter à la présence de tous ces nouveaux sénateurs indépendants, nous devons leur donner une voix. Nous ne pouvons pas simplement leur dire : « Voici ce que va être votre nouveau monde. » Nous devons leur donner une voix, mais ils ne siègent pas encore. Bien sûr, nous avons déjà des sénateurs indépendants, et j'ai pour eux le plus grand respect, mais ils seront très bientôt largement débordés par les nouveaux venus.
J'ai une observation à faire à ce sujet, honorables sénateurs, et, ce faisant, j'attire encore une fois votre attention sur l'existence, à l'heure actuelle, de 11 sénateurs réellement indépendants et non partisans, sans aucune affiliation ou auto-proclamation qui les associerait soit au caucus conservateur du Sénat, soit au caucus libéral du Sénat.
Je le répète, le premier ministre Trudeau a dit très clairement que les nouvelles personnes qu'il nommera au Sénat seront également des sénateurs véritablement indépendants et non partisans. À cet égard, et je le dis en toute déférence, le nombre de sénateurs indépendants et non partisans dépassera sous peu non pas le nombre de sénateurs indépendants actuels, mais plutôt le caucus libéral actuel, suivi bientôt du caucus conservateur.
Malgré tout le respect que je dois à la sénatrice Fraser, je suis fermement convaincu que la motion de la sénatrice en vue d'une « mesure provisoire, temporaire » aurait dû inclure les mêmes principes fondamentaux qui font partie intégrante des modifications que je propose dans la motion dont vous êtes saisis aujourd'hui, c'est-à-dire : premièrement, que le Comité sur l'éthique et les conflits d'intérêts compte parmi ses membres une représentation des sénateurs du caucus conservateur, des sénateurs du caucus libéral et des sénateurs indépendants et non partisans; et, deuxièmement, que les membres de ce comité devraient être choisis appliquant le principe du scrutin secret parmi les sénateurs du caucus conservateur, les sénateurs du caucus libéral et les sénateurs indépendants et non partisans de cette enceinte.
(1500)
De plus, la motion que je présente viendrait résoudre le dilemme procédural auquel nous sommes actuellement confrontés et qui vient du fait que le Sénat ne compte pas de sénateurs du caucus du gouvernement ni de leader du gouvernement au Sénat au sens traditionnel du terme, dont le mandat l'amènerait à participer aux procédures et à l'administration des affaires internes du Sénat.
La motion propose des modifications au Règlement du Sénat et au Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs qui nous sortiraient de ce dilemme en remplaçant les références au leader du gouvernement et aux sénateurs du caucus du gouvernement par l'expression « parti reconnu » — ce qui, conformément au Règlement, fait référence à un groupe d'au moins cinq sénateurs qui sont membres d'un même parti politique.
En conclusion, honorables sénateurs, je soutiens respectueusement que les modifications proposées par la motion à l'étude favoriseraient l'équité et un sentiment accru d'égalité entre tous les sénateurs, tout en tenant compte de leurs droits, de leurs préoccupations légitimes et de leurs attentes raisonnables, et en demeurant conformes à l'esprit véritable et à l'objet du Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs.
L'honorable Jacques Demers : Je souhaite ajourner la motion à mon nom.
L'honorable George Baker : Je désire prendre la parole sur la motion.
Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat.
Le sénateur Baker : Honorables sénateurs, étant donné la réunion du Comité du Règlement hier soir, je crois que la situation est encore plus grave que ce que décrit le sénateur Wallace. Durant la réunion, le gouvernement a annoncé que le représentant du gouvernement au Sénat dont il est question sera également le leader du gouvernement au Sénat. Or, le Règlement accorde de très grands pouvoirs au leader du gouvernement au Sénat. Pensons aux motions d'attribution de temps, lorsqu'il y a un désaccord, et à tous les pouvoirs du leader du gouvernement au Sénat. Il y a des dizaines d'exemples.
Le point soulevé par le sénateur Wallace devient maintenant encore plus urgent parce que la motion dont nous parlons, la motion no 43 de la sénatrice Fraser acceptée par l'opposition officielle, nomme des sénateurs, que nous respectons tous. C'est un magnifique groupe de sénateurs qui devraient siéger au comité et ils doivent être nommés rapidement. Or, dans quelle partie de la motion parle-t-on de « garder », en quelque sorte, les sénateurs? La motion dit que les sénateurs resteront jusqu'à ce que le leader du gouvernement au Sénat soit nommé.
Elle dit ceci :
[...] jusqu'à ce qu'une motion soit adoptée par le Sénat conformément à l'article 12-27(1) du Règlement.
Pareille motion ne peut faire l'objet d'un débat, Votre Honneur. Elle ne peut faire l'objet d'un vote. Il s'agit d'une motion présentée par le leader du gouvernement au Sénat, après consultation avec le leader de l'opposition au Sénat. Je suis heureux que la sénatrice Martin soit ici parce qu'elle appuie la motion présentée par la sénatrice Fraser, mais les renseignements que nous avons obtenus hier soir du gouvernement, voulant que la personne qui sera nommée comme représentant du gouvernement au Sénat agisse à titre de leader du gouvernement, commandent que nous examinions à nouveau ces motions et notre position.
Je vais aller un peu plus loin. Le sénateur Wallace a fait référence au terme « nonobstant » dans la motion. Nonobstant signifie « en dépit de ». C'est la définition juridique. Cela veut dire que la motion s'appliquera jusqu'à ce que les règles habituelles entrent en jeu, et la règle habituelle ici est : « jusqu'à ce qu'une motion soit adoptée par le Sénat conformément à l'article 12-27(1) du Règlement. »
L'article 12-27(1) dit ceci :
[.. .] le leader du gouvernement présente une motion, appuyée par le leader de l'opposition, portant nomination des membres du Comité permanent sur l'éthique et les conflits d'intérêts des sénateurs; la procédure de nomination reste la même pour modifier la composition du comité au cours d'une session. Toute motion de nomination est adoptée d'office.
Pas de débat, pas de vote, seulement une consultation. Or, cela devient encore pire, à cause de la dérogation à l'article 12-27 du Règlement. Il était logique de présenter cette motion — j'en conviens — pour permettre à ce comité d'entreprendre ses travaux, car nous en avons besoin. Certaines questions doivent être examinées par lui, mais quelles sont les autres dérogations? Ce sont des dérogations aux paragraphes 35(1), (4), (5) et (8) du code. Que disent-elles? Que le leader du gouvernement au Sénat obtiendra les noms qu'il proposera au moyen d'un scrutin secret de son caucus.
Qu'est-ce qu'un caucus? Si on consulte le dictionnaire, je suis certain qu'on trouvera qu'il s'agit d'un groupe. Et quelle est la définition de « groupe »? Deux personnes peuvent former un groupe. Deux personnes. Dès qu'il y a plus d'une personne, on peut parler de groupe.
Nous avons un Règlement et un code qui donnent un pouvoir extraordinaire à la personne nommée maintenant, connue non pas comme un représentant du gouvernement, mais comme le leader du gouvernement au Sénat, ce qui lui confère une grande autorité, énormément de pouvoir et beaucoup de responsabilités.
Or, qui fait l'objet de discrimination ici? Je suis d'avis, sénateur Wallace, que vous vous trompez sur un point. Vous dites que ce sont les membres indépendants. Ce ne sont pas seulement eux, ce sont aussi les membres libéraux, n'est-ce pas? Car les décisions du leader du gouvernement au Sénat viendront du leader du gouvernement au Sénat et de son groupe. Voilà la sénatrice Martin qui sourit, évidemment, car on s'occupe de son groupe, puisqu'il faudra le consulter pour les deux autres membres du comité. Moi aussi, j'aurais le sourire aux lèvres.
Une voix : J'en suis fort triste. Ça ne me fait pas sourire.
Le sénateur Baker : Je crois donc que cela va encore plus loin. Compte tenu de la réunion d'hier soir et du message qui nous a été envoyé, j'ai tendance à être d'accord avec le sénateur Wallace, mais je n'approuve pas la motion de la sénatrice McCoy.
Je suis désolé, sénatrice McCoy, mais la fin de votre motion disait la même chose : « jusqu'à ce qu'une motion présentée conformément à l'article 12-27(1) du Règlement soit adoptée par le Sénat. » Vous proposiez la même chose. Autrement dit, vous vouliez inclure les sénateurs indépendants jusqu'à la nomination du nouveau leader du gouvernement au Sénat afin qu'il puisse les traiter de façon discriminatoire. Je ne fais que dire les choses comme elles sont.
Je crois donc, honorables sénateurs, que le sénateur Wallace a soulevé une question très importante. Je peux comprendre ce que le Sénat a fait jusqu'à maintenant, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous avons tant procrastiné depuis la lettre au Président du Sénat datée du 29 janvier 2014. Cette lettre a été écrite par le chef du Parti libéral du Canada. La dernière phrase affirme que les sénateurs libéraux siègeront désormais comme « sénateurs indépendants ».
(1510)
Je crois que, à ce moment-là — il y a plus de deux ans de cela —, nous aurions dû penser à l'avenir. Nous aurions dû démarrer la machine pour modifier les choses. Nous voilà aujourd'hui avec la direction qu'a donnée le gouvernement, ce qui signifie que nous devons procéder encore plus rapidement afin d'éviter le problème mis en évidence par le sénateur Wallace au nom des sénateurs indépendants. Toutefois, à mon sens, c'est quelque chose qui concerne les sénateurs libéraux, car ils ne sont pas inclus.
Ce sont les observations que je voulais faire, mais je ne critique pas négativement la sénatrice Fraser ou la sénatrice Martin. Je souligne des choses, mais je ne le fais pas de façon négative. Je ne m'aventurerais jamais de ce côté-là. Elles font de l'excellent travail. Je ne critique pas le sénateur Wallace non plus — pas négativement.
C'est comme ce que je disais au représentant du gouvernement, hier soir : « La procrastination, c'est comme une carte de crédit : tout est formidable jusqu'à ce qu'on reçoive la facture. » Et cette facture, nous l'avons sous les yeux. Nous avons des problèmes qui doivent être réglés rapidement, et je suis convaincu que tous les sénateurs ici présents désirent que nous appliquions cette solution, car à la lumière des faits actuels, force est de constater que nous sommes presque dans une impasse pour ce qui est de nommer un leader du gouvernement au Sénat.
L'honorable Elaine McCoy : Puis-je poser une question?
Le sénateur Baker : Bien sûr.
La sénatrice McCoy : Je vous assure que je ne me sens pas visée personnellement par vos commentaires. Je vois la faille que vous avez fait remarquer dans ma motion. Je vous encourage donc à en parler et à modifier mon amendement. C'est une démarche que j'appuierais.
J'ai une question à vous poser, et je ne tiens pas particulièrement à embrouiller les choses, mais, en vous écoutant, j'ai eu l'impression que vous êtes favorable à ce qu'on modifie le Règlement et le code de conduite pour résoudre ce problème. Ai-je raison? Est-ce bien ce que je vous ai entendu dire?
Le sénateur Baker : Oui.
Sénatrice McCoy, j'aimerais seulement vous faire une suggestion qui s'adresse également au sénateur Wallace. Avec vos connaissances étendues du droit, si j'étais à votre place, je songerais à faire une contestation devant le Sénat, qui est, en quelque sorte, un tribunal habilité à se prononcer sur des questions relevant de la Charte. Ces questions ne peuvent être soumises que par des personnes qui sont visées par la contestation en vertu de la Charte, alors il m'est impossible de le faire, puisque je ne suis pas un sénateur indépendant. Toutefois, ce serait une excellente occasion de tenir ce genre de procédure au titre de l'article 118 du Code criminel.
Nous formons un corps judiciaire. Nous avons un Président reconnu pour avoir été autrefois un excellent plaideur qui a défendu des causes liées à la Charte devant les tribunaux. Nous sommes dans la situation idéale pour résoudre le problème que vous avez, je crois, essayé de résoudre pendant tout ce temps. Je pourrais vous offrir de l'aide à cet égard, mais je vous suggère de réfléchir à cela.
L'honorable Larry W. Campbell : Je voulais seulement faire une observation au sujet de la célèbre décision prise par le chef du Parti libéral en janvier 2014. À l'époque, le parti était en troisième position. Ma question est simple : qui était au courant?
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Sénateur Baker, je ne suis pas contre tout ce que vous dites, car je conviens que nous sommes à un stade où nous devons examiner attentivement les changements, et où le Sénat doit adopter des règles qui auront une incidence sur cette enceinte pendant une période indéterminée, et je sais à quel point c'est important.
Il y a des processus en place. Je fais partie du Comité du Règlement. Je sais que, après avoir étudié attentivement tout changement proposé, nous revenons tout de même sur la question au Sénat.
Nous avons créé le Comité de modernisation récemment, et je sais que ses membres se sont réunis.
Bien que nous souhaitions que les choses se produisent rapidement, croyez-vous qu'une motion visant à changer le Règlement devrait être adoptée ici et maintenant, ou alors pouvons-nous nous tourner vers le Comité de modernisation et attendre qu'il examine la question attentivement et nous fasse des recommandations concernant les changements à apporter au Règlement ou nous propose des changements? Nous pourrions aussi renvoyer la question au Comité du Règlement.
Nous devrions toutefois respecter les processus déjà établis. N'êtes-vous pas d'accord?
Le sénateur Baker : Oui, je suis d'accord avec vous, dans la mesure où le gouvernement envisage de nommer un représentant du gouvernement n'appartenant à aucun caucus, qui agirait à titre d'acteur non politique et non partisan.
Je crois toutefois que la situation a changé. Ce représentant sera leader du gouvernement au Sénat en vertu de la loi et de notre Règlement. Il y a 20 ou 30 dispositions du Règlement qui donnent au leader du gouvernement au Sénat, c'est-à-dire à cette seule personne, des pouvoirs que le reste d'entre nous n'ont pas.
Comme ce représentant occupera la fonction officielle prévue par le Règlement, je crois qu'il faut sans tarder prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que notre institution demeure démocratique et veiller à ce qu'une seule personne nommée par le gouvernement ne puisse pas avoir le contrôle total sur tous nos travaux.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Sénateur Baker, il y a quelques questions de plus, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez- vous cinq minutes de plus?
Le sénateur Baker : Oui, s'il vous plaît.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
L'honorable Wilfred P. Moore : Sénateur Baker, vous étiez présent hier soir. Un représentant du gouvernement a déclaré que celui-ci comptait nommer un leader du gouvernement au Sénat qui représenterait le gouvernement. Il a aussi dit qu'on nommerait aussi un leader adjoint. Il y aura donc deux personnes. Peut-on considérer qu'il s'agit d'un caucus et procéder comme le prévoit le Règlement?
La réponse m'apparaît évidente : étant donné tout ce qui se produira d'ici la fin mars, nous ne pouvons pas attendre que le Comité de modernisation dépose son rapport à la fin juin.
Qu'en pensez-vous, honorable collègue?
Le sénateur Baker : Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur Moore. Comme vous le savez, je n'ai eu aucun contact avec le gouvernement. J'ai toutefois été surpris d'apprendre qu'il y aurait un leader du gouvernement au Sénat et un leader adjoint.
Le sénateur Moore : Il sait qu'il lui faut deux personnes.
Le sénateur Baker : J'ai ensuite repensé à notre code, qui parle d'un caucus du gouvernement. Le terme « caucus » suppose évidemment un groupe, donc au moins deux personnes.
C'est donc dire que le nouveau leader du gouvernement au Sénat tiendra un vote secret pour déterminer qui, de lui ou du leader adjoint, siégera à ce comité.
Plus important encore, de quels articles du Règlement tiendra-t- on compte? Qu'adviendra-t-il de la fixation de délai? Qu'en sera-t-il des situations où le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint a un pouvoir de décision ultime? Le Règlement dit simplement « le leader ou le leader adjoint » à une dizaine d'endroits.
Je partage donc votre avis. Je pense que le message qu'on nous a transmis hier soir, c'est que nous devons modifier ces règles de toute urgence, le plus rapidement possible, afin que le Sénat puisse être aussi viable qu'il l'a toujours été. Comme je l'ai signalé à maintes reprises, nous avons été très fonctionnels. Les délibérations du Sénat sont citées trois plus souvent que celles de la Chambre des communes dans la jurisprudence canadienne. Nous faisons ce travail extraordinaire, mais voici qu'on nous apprend soudain que quelqu'un jouira de tout ce pouvoir incroyable. Nous devons empêcher une telle éventualité dès maintenant, d'une façon ou d'une autre.
(1520)
Les membres des comités devraient peut-être profiter de la semaine de relâche pour se demander comment nous pouvons accélérer ce processus, au cas où le nouveau leader du gouvernement au Sénat souhaiterait exercer des pouvoirs qu'il ne devrait pas exercer.
L'honorable David Tkachuk : Sénateur Baker, je serais très ouvert à l'idée de réexaminer certaines dispositions du Règlement, surtout celles qui portent sur la clôture et sur la fonction de leader du gouvernement au Sénat. S'il y a moyen d'accélérer ce processus, je crois que je serais d'accord avec vous. Chose certaine, cela réveillera les sénateurs d'en face.
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : J'ai récemment passé un certain temps à examiner le Règlement du Sénat dans ce contexte précis, sénateur Baker, tout comme vous l'avez sûrement fait vous aussi. Il me semble que presque chaque élément de pouvoir dont jouit le leader du gouvernement dans cet endroit dépend de sa capacité d'ordonner la majorité des voix au Sénat. La fixation de délai, par exemple, ne peut être imposée par une simple décision arbitraire du leader du gouvernement. Y a-t-il quelque chose qui m'a échappé?
Vous avez parlé longuement du Code régissant les conflits d'intérêts, mais je m'inscris en faux contre votre hypothèse selon laquelle un groupe de deux personnes suffirait pour former un parti ministériel reconnu au Sénat. D'après mon interprétation du Règlement, il en faudrait au moins cinq.
Pourriez-vous nous donner un exemple plus précis des gestes que ces deux personnes auraient, selon vous, le pouvoir de poser malgré le désaccord d'une majorité de sénateurs?
Le sénateur Baker : J'aimerais tout d'abord revenir sur le terme « reconnu », que vous avez employé. Selon moi, il n'est pas nécessaire que la personne nommée et les quatre autres personnes soient considérées comme un parti politique reconnu. Elles forment un groupe, tout simplement.
Vous m'avez demandé si je pourrais donner un exemple précis. Nous en avons un ici même, dans la motion. La décision revient au leader du gouvernement au Sénat, et elle ne peut faire l'objet ni d'un débat ni d'un vote. Voilà un exemple concret. Le leader peut rentrer chez lui le soir et décider qui siégera au comité. C'est que ce prévoit le Règlement et la façon de procéder est même décrite dans le code, comme je l'ai déjà dit. Il s'agit d'un vote secret auquel participent le leader du gouvernement au Sénat et le leader adjoint, ou bien seulement le leader. Les deux options existent. Bref, l'opposition officielle est reconnue, mais pas le Parti libéral ni les sénateurs indépendants.
(Sur la motion du sénateur Demers, le débat est ajourné.)
L'ajournement
Adoption de la motion
Consentement ayant été accordé de revenir aux préavis de motion du gouvernement :
L'honorable Joan Fraser (leader adjointe des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5g) du Règlement, je propose :
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 8 mars 2016, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 8 mars 2016, à 14 heures.)