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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 67

Le jeudi 27 octobre 2016
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 27 octobre 2016

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La société Indigenous Engineering Inclusion Inc.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'aimerais souligner le travail réalisé par Indigenous Engineering Inclusion Inc. Cette société a été fondée et lancée récemment par deux femmes autochtones, Deanna Burgart et Pamela Beaudin. Deanna est membre de la nation denesuline de Fond du Lac, tandis que Pamela, une Métisse, est originaire de l'Île-à-la-Crosse — deux localités situées en Saskatchewan.

Leur travail est important, car elles utilisent leurs connaissances techniques en génie pour régler des problèmes dans ce domaine en adoptant l'approche autochtone qui consiste à respecter notre relation sacrée avec l'environnement. Elles se décrivent comme des ingénieures animées par des valeurs autochtones.

Mme Burgart a déclaré ce qui suit :

Nous souhaitions créer un milieu où nous pourrions être entièrement nous-mêmes en tout temps. Un milieu où nous pourrions être des Autochtones, des femmes et des ingénieures et où nous pourrions mettre tout cela à profit dans notre travail et combler les écarts. Notre approche autochtone en matière de respect envers la Terre mère, de culture et d'équilibre fait partie de notre identité. Nous souhaitons contribuer à cette harmonie.

L'entreprise de ces deux femmes vise à aider l'industrie à tisser des liens avec les communautés autochtones sur les territoires visés par des projets d'aménagement. Leur firme d'experts-conseils tentera de collaborer avec toutes les parties intéressées pour trouver des solutions qui seront respectueuses de l'environnement et responsables, qui produiront le moins de déchets possible et qui susciteront l'adhésion tant des communautés autochtones que de l'industrie.

Mmes Burgart et Beaudin espèrent changer la façon dont l'industrie réalise des projets dans les communautés autochtones. Mme Burgart a déclaré que l'industrie doit cesser de croire qu'elle peut simplement aller réaliser des projets dans les communautés en contrepartie d'information. L'industrie doit plutôt échanger de l'information avec les communautés et être disposée à ce que celles-ci l'aident à comprendre leurs propres territoires.

La nouvelle entreprise espère également amener les jeunes autochtones à s'intéresser au génie et à en faire leur choix de carrière. Elle espère qu'une diversification accrue du milieu de travail, grâce à un nombre plus important de jeunes Autochtones mettant à profit les enseignements autochtones traditionnels au sujet de l'environnement, favorisera l'innovation.

Honorables sénateurs, je félicite Mmes Burgart et Beaudin du lancement d'Indigenous Engineering Inclusion Inc. et de leurs efforts en vue de bâtir des relations entre les communautés autochtones et les entreprises intéressées à réaliser des projets d'aménagement dans les territoires autochtones.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de membres de la First Nations Major Projects Coalition : le chef Joseph Bevan, président, de la nation Kitselas; la chef Corrina Leween, membre, de la nation des Carrier de Cheslatta; la conseillère Angel Ransom, membre, de la nation Nak'azdli Whut'en; Niilo Edwards, conseiller; Del Nattrass, conseiller financier et économique; et enfin, Harold Calla, président exécutif, Conseil de gestion financière des Premières Nations.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale des villes

L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, c'est le 31 octobre que se tient la Journée mondiale des villes. Désignée par les Nations Unies, cette journée vise à promouvoir l'intérêt de la communauté internationale à saisir les possibilités et à relever les défis de l'urbanisation, ainsi qu'à contribuer à un développement urbain durable dans le monde.

Cette année, le thème est le suivant : « Villes inclusives, développement partagé », et je ne peux concevoir de meilleure occasion pour prendre quelques instants pour souligner les grandes réalisations de ma ville, Montréal.

Au départ une petite colonie missionnaire d'à peine 50 colons, Montréal est depuis devenue une ville importante de l'Amérique du Nord, une métropole de plus de 4 millions d'habitants.

Les événements historiques ont façonné la ville en une figure phare de la modernité synonyme de liberté intellectuelle et d'ambitieuse réforme sociopolitique d'envergure. Bien vite, Montréal est devenue l'un des centres urbains, multiculturels, politiques et artistiques les plus importants au Canada.

Ma ville continue de se distinguer et à faire figure de précurseure sur la scène mondiale, notamment grâce à la mise en œuvre de politiques novatrices qui visent à enrichir la vie des citoyens. Je songe entra autres au récent Plan de développement durable de la collectivité montréalaise. Mis en œuvre plus tôt cette année, en collaboration avec plus de 180 organisations de toutes les couches de la société montréalaise, ce plan vise principalement à réduire les émissions de gaz à effet de serre, à accroître la biodiversité et à assurer la durabilité et la santé des quartiers.

Ces objectifs favoriseront la santé et la responsabilité de la ville. Par conséquent, il ne faut pas s'étonner que plus tôt cette année, le magazine The Economist ait classé Montréal au deuxième rang de l'index des villes sûres au Canada où la qualité de vie est la meilleure.

Sur la scène internationale, Montréal a réussi à se démarquer comme l'une des villes les plus intelligentes. Conçu pour améliorer l'expérience des citoyens, promouvoir le tourisme et accélérer le développement économique de la ville, le plan d'action Montréal, ville intelligente et numérique vise à installer un réseau technologique pour rendre les services et les systèmes municipaux plus efficients tout en créant un écosystème collaboratif pour les entreprises, les institutions et les citoyens.

Pour célébrer cette initiative, Montréal a remporté, en juin dernier, le titre de ville intelligente de l'année, décerné par l'Intelligent Community Forum de New York. Cet organisme sans but lucratif qui se consacre à la recherche sur le développement des villes du XXIe siècle salue les réalisations de Montréal, qui a réussi à créer une prospérité inclusive fondée sur la technologie de l'information et des communications.

Honorable sénateurs, Montréal continue d'évoluer comme une métropole à la fine pointe des arts et des sciences.

Merci.

Michelle Stilwell

L'honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je rends aujourd'hui hommage à une Britanno-Colombienne remarquable, en l'occurrence Michelle Stilwell. Elle siège à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique depuis 2013 à titre de représentante de la circonscription de Parksville—Qualicum. Elle a été nommée ministre du Développement social et de l'Innovation au sein du Cabinet de la première ministre Clark. Elle est maman, épouse et, par surcroît, conférencière spécialiste de la motivation et défenseure des intérêts communautaires. De plus, comme si ce n'était pas assez, elle a décroché une septième médaille lors des Jeux paralympiques.

Michelle Stilwell faisait partie des 162 athlètes qui ont représenté notre pays cet été, aux Jeux paralympiques de 2016 à Rio. Mme Stilwell a remporté deux médailles d'or, au 100 mètres et au 400 mètres en fauteuil roulant. Elle détient actuellement des records du monde, y compris au 100 mètres et au 400 mètres, dans la catégorie T52.

Elle a également remporté l'or aux Jeux Parapan Am de Toronto, en 2015, l'or et l'argent aux Jeux paralympiques de Londres en 2012, deux autres médailles d'or à Pékin en 2008 ainsi qu'une médaille d'or à Sydney en 2000. Ce palmarès est d'autant plus impressionnant que Mme Stilwell a remporté sa médaille à Sydney dans la discipline du basketball en fauteuil roulant. C'est l'une des rares athlètes à avoir remporté des médailles d'or dans deux disciplines différentes.

Honorables sénateurs, l'histoire de Michelle est un exemple de courage, de force et de détermination.

(1340)

Quelques semaines avant de terminer ses études secondaires, en 12e année, elle a fait une chute au sol alors qu'elle se trouvait sur le dos d'un ami. Elle a subi une blessure au cou qui l'a rendue quadriplégique. Elle avait 17 ans.

Plus tard, elle a obtenu un baccalauréat en sciences de l'Université de Calgary. Puis, elle a entrepris une carrière dans la défense de diverses causes. Par exemple, elle a été ambassadrice d'ActNow BC, un programme pangouvernemental de promotion de la santé des Britanno-Colombiens, et elle a joué un rôle semblable pour la Fondation Rick Hansen. Depuis des dizaines d'années, elle s'emploie sans relâche à hausser le taux d'emploi parmi les personnes handicapées.

Son dévouement à l'endroit du service du public et de l'intérêt général l'a amenée à poser sa candidature pour se faire élire députée à l'assemblée législative de sa province, et elle est présentement ministre au sein du gouvernement provincial.

Honorables sénateurs, à l'instar de notre collègue la sénatrice Petitclerc, Michelle Stilwell est un modèle à suivre et une source d'inspiration pour tous les Canadiens, qu'ils soient handicapés ou non. Elle incarne la détermination, le courage et la recherche de l'autonomie.

J'espère que vous vous joindrez à moi pour féliciter Michelle, les autres athlètes et le personnel d'encadrement sportif qui ont participé aux jeux cet été. Ils nous ont tous rendus fiers d'eux.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Roy Button, de Lewisporte, à Terre-Neuve-et-Labrador. Il est l'invité du sénateur Housakos.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Énergie, environnement et ressources naturelles

Budget—L'étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone—Présentation du troisième rapport du comité

L'honorable Richard Neufeld, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 27 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

TROISIÈME RAPPORT

Votre comité a été autorisé par le Sénat le jeudi 10 mars 2016 à étudier, afin d'en faire rapport, les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone qu'il faut effectuer pour atteindre les objectifs du gouvernement du Canada en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le budget présenté par le comité au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a été imprimé dans les Journaux du Sénat le 16 juin 2016. Le 20 juin 2016, le Sénat a approuvé un déblocage partiel de fonds de 119 143 $ au comité. Le rapport du Comité permanent de la régie interne recommandant un déblocage additionnel de fonds est annexé au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

RICHARD NEUFELD

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 903.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Neufeld, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le commerce international

L'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne

L'honorable Yonah Martin (leader suppléante de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne l'AECG, notre accord de libre-échange avec l'Union européenne.

Monsieur le leader, je suis certaine que nous avons tous poussé un soupir de soulagement en entendant ce matin que les Belges étaient parvenus à un accord. Toutefois, l'affaire n'est pas encore conclue. Le libre-échange entre le Canada et l'Union européenne apporterait d'énormes avantages à nos entreprises et à nos travailleurs et à leur famille. Nous ne devons donc pas relâcher nos efforts tant que cet accord ne sera pas ratifié et mis en œuvre.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous dire si le sommet Canada-Union européenne a été reporté et quand l'AECG sera signé?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je tiens d'abord à remercier l'honorable sénatrice de sa question, de l'intérêt soutenu qu'elle porte à ce sujet et, plus particulièrement, du soutien qu'elle a démontré au cours des 24 dernières heures. Si nous nous fions au ton et à la nature des questions d'hier, il est évident que nous sommes tout près d'une entente, mais qu'il reste du chemin à faire. Il y a des mesures qui doivent être prises au sein de l'Union européenne, qui sont actuellement en cours. Nous espérons certainement qu'elles seront achevées, comme nous le prévoyons maintenant. À ce stade-là, nous devrons attendre les décisions des gouvernements au sujet du moment où l'accord sera signé.

Je ne peux que supposer que c'est ce que désirent les deux parties afin de montrer à leurs populations respectives l'importance de cet accord, à laquelle fait allusion la question de l'honorable sénatrice, et de signifier au reste du monde que deux grandes zones internationales d'échanges commerciaux — l'Union européenne et le Canada — peuvent conclure un accord commercial moderne, digne du XXIe siècle, qui deviendra la référence ultime des accords et qui bénéficie de l'appui de la population.

La sénatrice Martin : Je vous remercie, monsieur le leader. Je pense que nous sommes tous réellement soulagés, mais notre changement de ton ne signifie pas que nous ne sommes plus mécontents de la ministre et de la façon dont elle a géré la situation.

Toutefois, si, comme nous l'espérons tous, le premier ministre Trudeau et les dirigeants européens sont en mesure de signer cet accord au cours des prochains jours, l'AECG devra être examiné et ratifié par le Parlement européen. Or, nous savons que certains députés du Parlement européen s'opposent à l'accord.

Que fait le gouvernement pour assurer que l'accord commercial avec l'Europe n'accuse pas d'autres retards durant la nouvelle étape vers la ratification?

Le sénateur Harder : Lorsque l'accord sera scellé, j'espère que nous aurons l'occasion de féliciter les joueurs de tous les côtés qui ont vécu les hauts et les bas des négociations, tant durant les premières rondes de négociations, au début du processus, qu'aux dernières procédures qui auront mené à la conclusion de l'entente.

Il serait utile au Parlement canadien de faire connaître son point de vue par rapport à l'accord aux assemblées législatives de l'Europe et au Parlement de l'Union européenne. Je suis persuadé que le gouvernement du Canada exercera une vigilance continue afin de défendre activement ses intérêts et ceux des Canadiens durant nos processus de ratification respectifs.

Selon moi, les parlementaires peuvent contribuer considérablement à l'avancement des intérêts du Canada, étant donné les relations qu'ils ont tous à l'étranger et, en particulier, avec un certain nombre de pays européens.

L'Accord de partenariat économique global Canada-Inde

L'honorable Victor Oh : Ma question porte sur le commerce et s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Dans la lettre de mandat de la ministre du Commerce international, il est question d'accroître les échanges commerciaux avec les grands marchés en croissance rapide, notamment la Chine et l'Inde. Si le gouvernement a réalisé des progrès à cet égard auprès de la Chine, il n'en est pas de même avec l'Inde.

L'an dernier, le Canada a accueilli le premier ministre de l'Inde, Narendra Modi. Il s'agissait de la première visite officielle d'un premier ministre indien en plus de 40 ans. Il semble que l'élan qu'elle aurait pu donner à la création d'un accord de libre-échange entre les deux pays soit retombé. Les plus récentes rondes de négociations ont eu lieu en mars 2015, sous le gouvernement conservateur précédent.

Voici la question à laquelle j'aimerais que réponde le leader du gouvernement : où en sont les négociations de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Inde?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et de son intérêt pour la région asiatique et pour l'accroissement des échanges commerciaux du Canada. Vous avez parlé de la Chine et de l'Inde et, comme vous le savez sans doute déjà, de nombreuses initiatives ont vu le jour récemment dans le but de renforcer les liens économiques entre le Canada et la Chine.

Pour ce qui est de l'Inde, le premier ministre a eu l'occasion, dans les nombreuses rencontres auxquelles il a assisté depuis qu'il est entré en fonction, il y moins d'un an, de rencontrer le premier ministre de l'Inde et de faire valoir les intérêts du Canada. Je peux assurer au sénateur que le gouvernement est vivement intéressé à renforcer les liens commerciaux entre nos deux pays et qu'il suit attentivement ce dossier.

Quant à savoir où en sont précisément les négociations bilatérales dont parle le sénateur, je devrai me renseigner. Je peux toutefois lui assurer qu'elles se poursuivent assidûment.

(1350)

Le sénateur Oh : En 2014, la valeur des échanges commerciaux bilatéraux entre le Canada et l'Inde était d'environ 6,3 milliards de dollars. En 2015, elle atteignait presque 8,3 milliards, une augmentation de 29 p. 100.

Même s'il s'agit d'une croissance substantielle, les perspectives s'offrant à nos entreprises pourraient être encore meilleures si le gouvernement libéral décidait d'accorder la priorité aux négociations de libre-échange avec ce pays.

Le gouvernement fédéral va-t-il chercher à organiser une autre ronde de négociations avec l'Inde plus tard cette année ou au début de l'année prochaine?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et, comme je le disais à l'instant, de l'intérêt qu'il continue de porter à ces négociations.

Hélas, seuls les négociateurs savent exactement quand aura lieu la prochaine phase de négociations, et je suis moi-même incapable de le dire. Je sais qu'elles suivent activement leur cours, que le gouvernement considère cet accord comme une priorité, comme tous les autres accords commerciaux internationaux, en fait, et je crois que nous pouvons nous attendre à une annonce dans les mois à venir.

L'innovation, les sciences et le développement économique

La diversité et la représentation féminine au sein des conseils d'administration canadiens

L'honorable Ratna Omidvar : Sénateur Harder, j'ai lu avec intérêt aujourd'hui que le gouvernement du Canada pourrait bien imposer des quotas de présence féminine au sein des conseils d'administration des sociétés si ces derniers ne comptent pas bientôt plus de femmes. Il va sans dire qu'il s'agirait à mes yeux d'une excellente nouvelle, car je crois sincèrement que toutes les institutions du Canada, y compris la nôtre, devront un jour devenir paritaires. Je crois malgré tout que nous nous rapprochons aujourd'hui du but.

J'aimerais toutefois que le gouvernement prenne conscience que la diversité n'est pas qu'une affaire de femmes. Elle touche aussi les personnes handicapées, les membres de la communauté LGBTQ, les minorités visibles et les Autochtones du Canada.

Dans son rapport de 2015, le Conseil canadien pour la diversité administrative a révélé que la représentation des femmes au sein des conseils d'administration augmente, atteignant 19,5 p. 100 des sièges des conseils des sociétés du FP500.

C'est évidemment bien loin du poids démographique des femmes, et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour faire avancer les choses. Cependant, par comparaison, pour les autres groupes, les progrès sont incroyablement lents et faibles : le pourcentage d'administrateurs issus des minorités visibles est de 7,5 p. 100, d'administrateurs autochtones, de 1,3 p. 100, et d'administrateurs ayant un handicap, de 1,3 p. 100.

Le gouvernement reconnaîtra-t-il la place de ces personnes au sein des conseils d'administration et des organismes publics et prendra-t-il des mesures semblables?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question et de l'intérêt constant qu'elle porte à la question de la diversité et de l'équité dans tous les organismes.

Les observations formulées par le ministre responsable rendent compte de la priorité accordée à cette question par le gouvernement, qui espère que le secteur privé emboîtera le pas, car c'est dans l'intérêt des entreprises que la composition de leur conseil d'administration reflète celle de leur clientèle, de leurs investisseurs et de la société canadienne en général. Je laisse au ministre le soin de juger de la pertinence d'agir et du moment qui convient pour le faire.

C'est le travail d'institutions comme le Parlement et le Sénat du Canada sur ces questions au fil des années qui a favorisé la publication de rapports sur la diversité au sein des conseils d'administration et qui a incité les entreprises privées à agir. Je renvoie les sénateurs au travail réalisé ces dernières années à ce chapitre dans les projets de loi d'intérêt public du Sénat.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Je félicite le ministre Bains de parler d'accroître la représentation des femmes au sein des conseils d'administration. J'aimerais cependant savoir, monsieur le leader, où se situe la fonction publique fédérale à cet égard. Combien d'Autochtones, de personnes de couleur et de femmes travaillent à la fonction publique fédérale, et surtout, combien de membres de ces trois groupes sont des sous-ministres?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. C'est un sujet auquel je me suis intéressé à titre d'ancien secrétaire du Conseil du Trésor, à l'époque où nous avons publié pour la première fois des données annuelles. Ces données découlant de déclarations faites de façon volontaire, on ne peut pas s'y fier totalement, mais elles donnent tout de même un très bon indice de la diversité. Je n'ai pas ces chiffres sous la main, mais, comme ils sont publiés, je me ferai un plaisir de les retrouver afin de répondre à la question de l'honorable sénatrice.

La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup. Je sais que vous avez beaucoup travaillé sur ces questions, monsieur le ministre, mais nous sommes en 2016. Il me semble qu'à ce jour il n'y a pas encore eu de sous-ministre de couleur. Le Comité des droits de la personne étudie cette question depuis des années et nous demandons sans cesse à la fonction publique fédérale ce qui est fait pour promouvoir ces gens dans la fonction publique.

Plus de 50 p. 100 des employés de la fonction publique fédérale sont des femmes, mais celles-ci occupent des emplois subalternes. Elles n'occupent pas de postes de haut niveau. Ce serait important de le savoir : certes, il y a des femmes, mais à quel niveau?

Le sénateur Harder : Je donnerai évidemment suite à votre question. Je dois reconnaître qu'il y a eu une augmentation significative au fil du temps, mais pas au niveau souhaité, je l'avoue. Toutefois, le plus grand changement que l'on a pu constater dans la fonction publique fédérale a été la représentation des femmes à des niveaux supérieurs. Pour être honnête, cette institution est, à cet égard, en avance sur le secteur privé, grâce à l'application de stratégies mûrement réfléchies.

Je serais heureux de recevoir cette information. Je sais par ailleurs que les sénateurs ont déjà eu des réponses à ces questions au sein des comités permanents où ont témoigné des collaborateurs du greffier du Conseil privé ou lors de l'examen des divers ministères. Je les invite toutefois à interroger les premiers responsables de l'exécution de ces programmes et à rapporter leurs réponses. Je crois que ce serait encourageant pour eux.

[Français]

Les ressources naturelles

Les négociations de l'entente sur le bois d'œuvre

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j'aimerais à nouveau soulever la question de l'entente sur le bois d'œuvre. Je sais que le sénateur Harder a fait un suivi à ce sujet. Toutefois, les gens de l'industrie forestière sont très inquiets. Ils sont préoccupés et vivent dans l'incertitude face à l'entente sur le bois d'œuvre avec les États-Unis.

Avant de poser ma question, je m'en voudrais de ne pas reconnaître le leadership dont a fait preuve le sénateur Maltais en lançant son interpellation à ce sujet.

Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur l'échec du gouvernement actuel à négocier un nouvel accord sur le bois d'œuvre résineux avec les États-Unis. C'est incroyable! La U.S. Lumber Coalition affirmait récemment, dans un communiqué de presse, et je cite :

[Traduction]

Comme les négociations sont au point mort et qu'aucune entente n'a été conclue, la coalition n'a d'autre choix que d'entamer, dans les meilleurs délais, des poursuites commerciales à l'égard des pratiques inéquitables en matière d'importation de produits canadiens.

[Français]

Le leader du gouvernement peut-il nous dire si le gouvernement a tenté d'obtenir l'assurance du gouvernement américain que toute mesure commerciale proposée par la Lumber Coalition sera suspendue pendant que les négociations suivent leur cours?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de son intérêt soutenu et de ses questions à l'égard de ce dossier important. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises dans cette enceinte, la question du bois d'œuvre est d'une importance capitale pour le gouvernement du Canada. Il est très important pour notre industrie de bénéficier d'un accès prévisible et stable au marché des États-Unis.

C'est pour cette raison que le gouvernement participe activement à ces négociations. Les plus hautes autorités politiques des deux pays ont manifesté leur volonté de négocier une entente. L'honorable sénateur sait d'expérience et d'après les circonstances actuelles que c'est un processus ardu, mais le gouvernement y participe activement. La ministre continue de s'entretenir personnellement avec ses homologues.

Soulignons que les États-Unis sont en pleine campagne électorale. J'oserais même dire qu'il y a des politiciens aux États-Unis qui exploitent cette question à leur avantage auprès des intervenants locaux de l'industrie du bois d'œuvre.

(1400)

Il faut dire que les négociations se déroulent dans un climat difficile, mais le gouvernement canadien est déterminé à collaborer avec le gouvernement américain pour parvenir à un règlement négocié et à protéger et à faire avancer les intérêts des producteurs canadiens pour qu'ils continuent de bénéficier d'un accès stable et assuré au marché américain.

Le sénateur Mockler : Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire. Le leader m'a piqué au vif.

Le premier ministre Trudeau a fait grand cas de sa relation avec le président Obama. Si spéciale soit-elle, elle n'a pas mené au règlement de cette affaire, loin de là. Je vais vous dire ceci : c'est le gouvernement conservateur de Stephen Harper qui a négocié l'accord précédent, en avril 2006, trois mois après avoir formé le gouvernement.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Mockler : Le précédent gouvernement conservateur a aussi négocié la prolongation de l'accord en 2012. En revanche, le bois d'œuvre n'était même pas inclus dans la lettre de mandat de la ministre Freeland ni mentionné dans le discours du Trône.

Les libéraux ont promis un accord dans un délai de 100 jours après le voyage du premier ministre à Washington en février dernier. Les 100 jours sont écoulés. Le gouvernement libéral va-t-il s'imposer une autre date butoir pour terminer le travail? Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat peut veiller à ce que l'exemption pour le Canada atlantique soit maintenue?

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de poser cette question. Je regrette de l'avoir piqué au vif. Je m'en excuse.

Il est très clair que cet enjeu, comme le montre la question, refait surface périodiquement dans l'expérience canadienne depuis de nombreuses années et qu'elle l'a fait sous plusieurs gouvernements. Il attise plus ou moins les passions selon la vigueur du secteur, le niveau des exportations et le climat politique de part et d'autre de la frontière.

Le gouvernement du Canada continue, comme je l'ai dit plus tôt, d'aborder ce point aux échelons supérieurs, notamment dans le cadre de récentes visites. La ministre poursuit ses efforts en ce sens auprès de ses homologues. Les objectifs demeurent les mêmes, et nous devrons laisser les négociations poursuivre leur cours. Il faut être deux pour danser le tango.

En attendant, le gouvernement du Canada examine toutes les solutions possibles pour protéger et promouvoir les intérêts des Canadiens, que ce soit de la région de l'Atlantique ou ailleurs au Canada.

L'honorable Nancy Greene Raine : J'ai une question complémentaire à poser au leader du gouvernement. Je veux m'assurer qu'il est conscient du fait que les choses ont changé depuis la dernière fois qu'un accord sur le bois d'œuvre a été négocié. En Colombie-Britannique, nombre des principales usines ont maintenant une portée internationale et exercent leurs activités aux États-Unis, ainsi qu'au Canada. Ces usines n'exercent peut-être pas de pressions sur le gouvernement pour régler la question.

Cependant, il y a de nombreuses petites et moyennes entreprises dans l'industrie forestière en Colombie-Britannique qui éprouvent des difficultés à l'heure actuelle. Si cet accord sur le bois d'œuvre n'est pas renouvelé, plusieurs milliers d'emplois seront perdus. Cela aura un effet dévastateur sur de nombreuses collectivités, tout particulièrement à l'intérieur de la Colombie-Britannique.

Le leader peut-il garantir que la ministre du Commerce international comprend qu'il faut tenir compte de l'opinion des petites et moyennes entreprises productrices de bois d'œuvre en Colombie-Britannique?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Harder : Je peux en effet garantir à l'honorable sénatrice que la ministre a à cœur les intérêts des petites et moyennes entreprises et de tous les producteurs de bois d'œuvre au Canada. Comme je l'ai souligné plus tôt, la sécurité, la stabilité et la prévisibilité sont des éléments clés.

La sénatrice s'est informée au sujet de ma propre expérience. J'ai eu le privilège de siéger au conseil de la plus grande entreprise propriétaire de terres forestières du secteur privé en Colombie-Britannique, sur l'île de Vancouver, et je suis un peu au courant de la façon dont les marchés ont changé. La dynamique des négociations a changé, car, comme on l'a précisé, les intérêts commerciaux des producteurs ont également changé.

[Français]

Les affaires étrangères

La détention de ressortissants canadiens—Les droits de la personne au Vietnam

L'honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Selon les groupes de défense des droits de la personne, on compte actuellement plus de 100 prisonniers politiques connus au Vietnam. Deux de ceux-ci, M. Nguyen Van Dai et Mme Nguyen Quynh, ont été emprisonnés pour avoir fait la promotion de la démocratie et des droits universels de la personne au Vietnam.

M. Nguyen Van Dai est un avocat de renom. Il a été arrêté en décembre 2015 pour avoir tenu un atelier sur la promotion des droits de la personne au Vietnam. Mme Nguyen Quynh, quant à elle, est une blogueuse reconnue sur la scène internationale pour avoir fait la promotion de la défense des droits civils face à une catastrophe environnementale. Elle a été arrêtée au début du mois d'octobre dernier. Les deux activistes ont été accusés en vertu de l'article 88 du Code criminel vietnamien pour avoir mené de la propagande contre l'État, simplement parce qu'ils se sont publiquement et pacifiquement exprimés contre la politique du jour.

Lundi dernier, en réponse à ces événements, plus de 73 députés de 14 pays différents, y compris le Cambodge, le Tchad, les États-Unis, l'Indonésie, la Lituanie, les Pays-Bas, le Népal et le Portugal, ont signé une lettre adressée au premier ministre du Vietnam, lui demandant la libération immédiate et inconditionnelle de M. Nguyen Van Dai et de Mme Nguyen Quynh.

Quelles mesures le gouvernement canadien prendra-t-il devant ces abus accrus des droits de la personne au Vietnam?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question et de l'intérêt qu'il continue de porter aux droits de la personne, en particulier en Asie.

Comme il l'a indiqué, il y a des situations graves dans de nombreux pays. Le gouvernement est bien conscient des problèmes au Vietnam dont le sénateur a parlé. Il est saisi de ces enjeux, et il les soulève dans le cadre de ses relations bilatérales avec le pays, ainsi que sur des tribunes multilatérales comme la Commission des droits de l'homme.

J'attirerai l'attention du ministre et des fonctionnaires compétents sur les deux cas que vous avez mentionnés. Votre question est elle aussi importante, car elle porte sur le travail crucial effectué par les parlementaires dans le dossier des droits de la personne. En effet, les parlementaires font la promotion des droits de la personne sur des tribunes bilatérales et multilatérales auxquels ils participent.

[Français]

Le sénateur Ngo : J'ai une question complémentaire. À la suite de son voyage au Cambodge et au Vietnam en septembre dernier, le ministre Stéphane Dion a indiqué que le Canada a pris un engagement à long terme en Asie du Sud-Est. Depuis ce voyage, des groupes ou des individus œuvrant à la promotion de la démocratie au Vietnam ont été libellés comme étant des terroristes par le Parti communiste vietnamien.

Quelle est la réaction du gouvernement du Canada face à ces changements en matière de droits de la personne au Vietnam depuis la visite du ministre Dion?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Encore une fois, je devrai me renseigner sur les détails de la situation décrite par l'honorable sénateur, mais je profite de l'occasion pour réitérer l'intérêt que continue de porter le gouvernement du Canada à l'égard de la promotion des droits de la personne sur la scène internationale et dans le cadre d'engagements bilatéraux. Chercher activement à établir de bonnes relations avec un pays dans de nombreux domaines ne diminue en rien notre capacité de soulever des questions relatives aux droits de la personne. Ces questions font partie de notre engagement, mais elles doivent s'inscrire dans le cadre d'efforts continus, actifs et soutenus.

(1410)

La sécurité publique et la protection civile

Les citoyens impliqués dans des activités terroristes à l'étranger

L'honorable Daniel Lang : Chers collègues, si vous le voulez bien, j'aimerais aborder un sujet différent. Il s'agit de la situation au Moyen-Orient et, plus particulièrement, des événements qui sont en quelque sorte sur le point de connaître leur dénouement en Syrie et en Irak, compte tenu des bombardements incessants qui s'y déroulent et du fait que Mossoul est prise d'assaut par les troupes gouvernementales, de concert avec leurs alliés.

Je souhaite vous faire part d'une question qui préoccupe notre pays, à savoir le fait qu'il existe de plus en plus de raisons de croire que des individus — des Canadiens — reviendront au pays après avoir été radicalisés et impliqués dans des activités terroristes à l'étranger. Des pays d'Europe, l'Australie et d'autres pays entretiennent les mêmes craintes à l'égard de certains de leurs citoyens.

Aujourd'hui même, un article publié dans le National Post faisait état d'un grand nombre de combattants étrangers qui se disperseront un peu partout dans le monde et qui retourneront dans leur pays d'origine, y compris le Canada.

Les autorités ont identifié plus de 200 Canadiens qui ont été impliqués d'une manière ou d'une autre dans des activités terroristes à l'étranger.

Ma question — et je pense que la plupart des Canadiens se la posent aussi — est la suivante : comment les autorités vont-elles composer avec ces individus qui reviendront au pays et qui vont compromettre la sécurité publique? Sénateur Harder, ma question s'adresse à vous et au gouvernement : quelles mesures les autorités prendront-elles à l'égard de ces individus, compte tenu du fait qu'il est illégal de participer à des activités terroristes?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je répondrai en disant que les autorités compétentes au Canada sont très conscientes de la situation, comme on pouvait s'y attendre, et préparent activement leurs organisations à affronter, le cas échéant, les problèmes que vous soulevez.

Si j'estime imprudent de parler en long et en large de ce qui pourrait se produire, je tiens néanmoins à assurer aux sénateurs et, par l'intermédiaire du Sénat, à tous les Canadiens que les autorités compétentes s'occupent de ce dossier, de sorte que la sécurité et le bien-être des Canadiens continuent à être protégés avec vigilance peu importe l'évolution des circonstances.

Le sénateur Lang : Chers collègues, selon moi, la plupart des Canadiens s'attendent à ce qu'on envisage sérieusement de porter des chefs d'accusation contre ceux qui reviennent au pays après avoir renié le Canada et commis des actes terroristes. J'aimerais entendre les observations du sénateur à cet égard. Je veux aussi lui poser la question suivante : les autorités disposent-elles de ressources suffisantes pour exercer sur les personnes concernées la surveillance nécessaire, compte tenu du fait qu'il faudra surveiller la plupart d'entre eux 24 heures par jour, 7 jours par semaine? Les autorités ont-elles les ressources qu'il leur faut?

Le sénateur Harder : Pour ce qui est des ressources, je souligne qu'une augmentation a été accordée aux organismes concernés. Je suis certain que ces organismes continueront d'évaluer constamment leurs niveaux de ressources afin de déterminer si elles sont utilisées à bon escient et s'il est nécessaire d'en obtenir davantage. La préparation du budget prévoit un tel examen et je présume qu'il est en cours.

J'aimerais également souligner que le gouvernement du Canada continue de veiller à ce que des poursuites soient lancées au moment voulu et dans l'intérêt des Canadiens.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence.

L'honorable André Pratte : Merci, Votre Honneur.

J'interviens aujourd'hui pour exprimer mon appui au projet de loi C-6. Je l'appuie parce qu'il permettra au Canada de lutter plus efficacement contre le terrorisme. Oui, il nous aidera à mieux combattre le terrorisme.

J'appuie également le projet de loi C-6, car il rétablit certaines pratiques qui s'inscrivent dans une longue tradition d'accueil des immigrants, tradition qui a fait du Canada le pays qu'il est aujourd'hui. C'est cette tradition d'accueil qui assure la réussite du Canada.

Il y a deux ans, le projet de loi C-24 a rendu possible la révocation de la citoyenneté des Canadiens ayant une double citoyenneté et reconnus coupables de terrorisme, de trahison ou d'espionnage. Le gouvernement qui a adopté cette loi avait jugé qu'il s'agissait d'une punition juste correspondant à la gravité du crime. Il y voyait également un moyen d'assurer la sécurité des Canadiens et de combattre la menace djihadiste. À mon avis, ces arguments ne tiennent pas la route.

Finalement, la révocation de la citoyenneté des terroristes aboutit à leur renvoi dans un autre pays. À moins qu'ils ne se rendent dans un pays qui est un allié proche, nous n'avons alors plus aucun moyen de suivre leur trace. Vont-ils se joindre à une cellule terroriste? Vont-ils comploter contre les intérêts du Canada à l'étranger? Vont-ils attaquer l'une de nos ambassades ou l'un de nos consulats? Vont-ils attaquer des ressortissants ou des touristes canadiens? Nous ne le savons pas. Toujours est-il qu'ils auront une raison de plus de mépriser le Canada et nous aurons moins de moyens de nous protéger d'eux.

Nous négligerons aussi notre responsabilité envers la communauté internationale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, parce que nous mettrons des terroristes en liberté au lieu de les surveiller de très près. La lutte contre le terrorisme ne se limite pas à protéger notre pays, puisque le terrorisme menace le monde entier. Nous avons tous la responsabilité de nous joindre à cette lutte, et chaque nation doit y faire sa part. En envoyant les terroristes à l'étranger, nous nous dérobons à cette responsabilité.

Ceux qui soutiennent que le débat sur le projet de loi C-6 vise la sécurité des Canadiens ne présentent pas un argument très solide.

Le débat porte également sur un autre aspect de cette question, le statut égal de tous les citoyens. Pour quelles raisons les citoyens canadiens qui ont une double nationalité seraient-ils pénalisés plus sévèrement en perdant leur citoyenneté canadienne que ceux qui n'ont que la nationalité canadienne? Certaines personnes soutiennent que, lorsque ces citoyens commettent un acte de terrorisme, de trahison ou d'espionnage, ils enfreignent les clauses du contrat qu'ils ont conclu avec leur pays d'adoption. C'est possible, mais qu'en est-il des Canadiens nés au Canada? Ces crimes seraient-ils moins graves? Non. Alors pourquoi les punirait-on moins sévèrement? Uniquement parce que la loi internationale ne permet pas que l'on retire la citoyenneté d'une personne, qui deviendrait alors apatride. Par conséquent, la seule raison pour laquelle on peut retirer la citoyenneté canadienne à des contrevenants à double nationalité trouvés coupables de ces crimes est le fait que la loi internationale le permet, alors qu'elle interdit qu'on le fasse à d'autres Canadiens. Le fait que la loi internationale permette que l'on retire leur citoyenneté à certaines personnes et non à d'autres ne rend pas cette mesure équitable et canadienne.

[Français]

Le projet de loi C-24 a ajouté l'obligation pour les futurs citoyens canadiens de déclarer leur intention de continuer à résider au Canada s'ils obtiennent la citoyenneté. On ne sait pas quel effet pratique a cette obligation. Si un nouveau citoyen déménage pour des raisons d'emploi à l'étranger, peut-il être déchu de sa citoyenneté pour déclaration frauduleuse? Les réponses du précédent gouvernement à ce sujet ont été extrêmement confuses. Il n'est pas étonnant que cette nouvelle exigence ait aussi entraîné beaucoup de confusion parmi les futurs citoyens, qui ont eu l'impression qu'ils perdaient leur droit à la liberté de circulation, un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. Ils ont eu l'impression d'être traités comme des citoyens de deuxième ordre.

(1420)

[Traduction]

Certains ont dit que l'intention de continuer à résider n'est qu'une déclaration symbolique. Un instant, s'il vous plaît. Vous êtes résident permanent au Canada, vous remplissez une demande de citoyenneté, et votre pays d'adoption vous demande d'indiquer officiellement si vous avez, ou non, l'intention de continuer à résider dans votre nouveau pays quand on vous en aura accordé la citoyenneté. Rien n'indique dans ce formulaire que cette déclaration n'est que symbolique. Ce formulaire est officiel. Il est évident que les personnes honnêtes hésiteront une seconde avant de répondre oui, parce qu'elles savent que les circonstances de leur vie pourraient très bien changer et les envoyer étudier ou travailler dans un autre pays pendant assez longtemps.

Si cela leur arrivait vraiment, les accuserait-on d'avoir fait une déclaration frauduleuse? Pour se défendre, pourraient-ils prétendre que cette déclaration n'était que symbolique?

[Français]

On dit qu'il s'agit d'empêcher les gens d'obtenir la citoyenneté et de s'empresser ensuite de quitter le pays, qu'il s'agit de décourager la « citoyenneté de complaisance ». Il s'agit de personnes qui obtiennent leur citoyenneté canadienne sans vouloir rester au pays. J'aimerais savoir ceci : quelles personnes agissent ainsi? Combien sont-ils, ces faux citoyens?

Selon les statistiques les plus récentes du gouvernement, 132 personnes ont vu leur citoyenneté révoquée en 2015, tous motifs confondus. Est-ce sage de priver des milliers de nouveaux Canadiens de leur liberté de mouvement, ou, du moins, de le leur faire craindre, sous prétexte que quelques dizaines de personnes auraient fraudé le système afin d'obtenir une citoyenneté de complaisance?

À mon avis, il existe d'autres moyens d'empêcher la fraude que de priver les nouveaux citoyens de leurs droits fondamentaux. Ces moyens, l'État canadien les a déjà pris ou est en voie de les prendre. En effet, le projet de loi C-24 comprenait plusieurs mesures en ce sens, et le projet de loi C-6 traite de ces moyens. Il y a, par exemple, la réglementation des consultants en matière de citoyenneté, la nouvelle définition du critère de résidence et l'augmentation des peines dans les cas de fraude.

[Traduction]

Certains prétendent que la citoyenneté canadienne est un privilège. Ce n'est pas le cas pour moi. Je suis né au Canada. C'est un droit. On ne peut pas me retirer ma citoyenneté, et je jouis pleinement de tous les droits qui l'accompagnent.

Dans ce même ordre d'idées, la citoyenneté ne serait un privilège que pour les gens qui ont une double nationalité ou qui obtiennent la citoyenneté canadienne. On constaterait donc clairement deux classes de Canadiens; les gens nés à l'étranger qui acquièrent la citoyenneté canadienne seraient des Canadiens de deuxième classe. La citoyenneté serait pour eux non pas un droit, mais une faveur, puisqu'ils ne jouiraient pas des mêmes droits de mobilité que les autres. Je suis scandalisé d'entendre des gens suggérer une chose pareille, même dans un esprit de symbolisme.

Le projet de loi C-6 rétablit l'ancienne obligation de résidence pour les personnes qui demandent la citoyenneté. Il raccourcit la période, la faisant passer de quatre ans sur les six dernières années à trois ans sur les cinq dernières années. Pourquoi rétablir l'ancienne exigence? Il n'y avait aucune raison de modifier ce qui allait déjà bien. Pensez-vous que la période de trois ans obligatoire a empêché le Canada d'accueillir des millions d'immigrants qui sont devenus des citoyens modèles et dont les contributions extraordinaires ont fait du Canada le pays qu'il est aujourd'hui?

Nous avons passé à la loupe les débats de la dernière législature. Le gouvernement d'alors n'a présenté aucune raison logique et aucune étude justifiant la prolongation de l'obligation de résidence de trois à quatre ans. Cette décision était parfaitement arbitraire. La réussite de la politique d'immigration de toute l'histoire de notre pays nous inciterait à ramener cette période à trois années.

[Français]

Enfin, je veux parler des exigences ayant trait aux connaissances de base sur le Canada et les langues officielles. Le projet de loi C-24 a imposé ces exigences aux personnes âgées de 14 à 64 ans. Le projet de loi C-6 ramène ce groupe d'âge aux personnes de 18 à 54 ans. En ce qui a trait aux jeunes, je partage tout à fait cette décision. En effet, la plupart des jeunes vont à l'école, où ils ont l'occasion d'approfondir leurs connaissances sur le Canada. De plus, l'anglais et le français leur sont enseignés. Donc, l'ajout d'examens sur la citoyenneté pour ces personnes m'apparaît superflu.

Mes hésitations concernent le groupe d'âge des 55 à 64 ans. Ces gens ne sont pas ce qu'on pourrait appeler des personnes âgées, ils sont plutôt dans la force de l'âge. Cependant, il faut tenir compte des difficultés liées à l'apprentissage d'une langue à l'âge adulte. Quiconque en cette Chambre a tenté d'apprendre l'anglais ou le français à 50 ans sait combien c'est difficile.

Alors, pouvez-vous imaginer arriver dans un nouveau pays à 57 ou 58 ans, sans le sou, avec des enfants et devoir travailler d'arrache-pied pour gagner votre vie, et ce, sans parler un mot d'anglais ou de français? Il faut tout faire, bien entendu, pour que ces personnes puissent se débrouiller dans l'une des deux langues officielles. Par contre, les aide-t-on réellement en leur bloquant la voie vers la citoyenneté?

[Traduction]

D'ailleurs, cela ne touche qu'un petit nombre de personnes. En effet, les personnes âgées de 55 à 60 ans qui font une demande de citoyenneté ne représentent que 8 p. 100 de tous les demandeurs. Que gagnerait le Canada en privant ces personnes âgées de la citoyenneté? En quoi cela les aiderait-elles à s'intégrer dans notre société?

Certains sénateurs conservateurs se sont opposés à l'abrogation d'une loi que l'on vient d'adopter en soutenant que cela causerait des dépenses inutiles. Les sénateurs libéraux leur ont répondu en citant leur victoire électorale. Je n'essaie pas de rallumer la querelle entre les deux partis. Cependant, laquelle de ces politiques est la meilleure? Laquelle aide le mieux les immigrants à s'intégrer? Quelle politique permet au Canada de lutter le plus efficacement contre le terrorisme non seulement dans notre pays, mais dans le monde entier?

Certaines modifications apportées à la Loi sur la citoyenneté par le projet de loi C-24 n'étaient aucunement justifiées. Le projet de loi C-6 corrige ces modifications malavisées, et c'est pourquoi nous devons l'adopter. Cela dit, ce projet de loi présente un grand défaut; le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté l'a reconnu, mais il n'a pas réussi à le corriger à l'autre endroit.

À l'heure actuelle, les gens dont on révoque la citoyenneté n'ont aucun recours. Ils peuvent seulement écrire au fonctionnaire qui a pris cette décision pour lui décrire leur situation. Ils n'ont pas le droit de se faire entendre et de consulter les preuves retenues contre eux. Tout cela est illogique, surtout dans des cas aussi graves que la perte de la citoyenneté. Je ne suis pas avocat, mais je suis prêt à parier que cela enfreint les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés; par conséquent, nous nous devons de corriger cette faille. Le fait de ne pas avoir droit à une audience est d'autant plus scandaleux que les résidents permanents qui perdent ce statut ont le droit d'interjeter appel. J'espère que la Chambre trouvera une solution à ce problème.

À part cela, honorables sénateurs, je crois que le projet de loi C-6 respecte la tradition que les deux partis politiques représentés ici et tous les honorables sénateurs soutiennent, celle d'accueillir les nouveaux immigrants. Grâce à cette tradition, le Canada est devenu le pays adoptif le plus généreux et prospère de la planète. C'est pourquoi j'appuie le projet de loi C-6, et je vous invite à l'appuyer aussi.

Des voix : Bravo!

L'honorable Linda Frum (leader adjointe suppléante de l'opposition) : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Pratte : Bien sûr.

La sénatrice Frum : Dans le cas de la citoyenneté de convenance, vous avez demandé à combien de personnes cela s'appliquerait. La réponse a été « quelques dizaines ». Vous souvenez-vous, pendant la guerre du Liban, en 2006, combien de Canadiens ont demandé que le gouvernement canadien vienne à leur secours? Il y en avait 15 000, qui nous ont coûté 100 millions de dollars. En repensant à ces circonstances, trouvez-vous encore ce problème insignifiant?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Pratte : Cela ne s'est produit qu'une fois, n'est-ce pas? Une seule fois.

La sénatrice Frum : Il s'agit de 15 000 cas.

Le sénateur Pratte : Je sais, mais il ne s'agit que d'un incident. Il y a eu bien des changements depuis.

Le sénateur Runciman : La loi a changé.

Le sénateur Pratte : Il s'agissait de Canadiens qui avaient vécu au Canada pendant une période imprécise. Nous ne savons pas depuis combien de temps ils étaient au Liban ni combien de temps ils avaient vécu au Canada. Ils avaient peut-être vécu au Canada pendant des années et des années et n'étaient retournés au Liban que depuis un ou deux ans. Nous ne savons rien de ces gens. Nous ne savons pas s'ils sont des citoyens de complaisance ou non. Nous savons qu'ils vivaient au Liban à ce moment-là. Peut-être qu'ils avaient vécu au Canada pendant 10 ans avant cela.

Depuis lors, nous avons pris de nombreuses mesures pour éviter que cela ne se reproduise. Bon nombre des mesures que renfermait le projet de loi C-24 étaient bonnes, et le projet de loi C-6 ne les annule pas. J'approuve ces mesures. Le projet de loi C-6 ne les modifie pas.

(1430)

Je ne suis pas en désaccord avec tout le contenu du projet de loi C-24, mais il y a des parties avec lesquelles je ne suis pas d'accord, des parties sans fondement qui ont été corrigées dans le projet de loi C-6.

L'honorable Donald Neil Plett : Sénateur, j'ai une question à vous poser.

Le sénateur Pratte : Bien sûr.

Le sénateur Plett : Tout d'abord, sénateur Pratte, sachez que je suis tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que ce projet de loi présente une anomalie majeure. Nous nous entendons parfaitement sur ce point. J'irais même jusqu'à dire qu'il y a d'autres lacunes importantes dans ce texte.

Les questions de double citoyenneté et de révocation de la citoyenneté y apparaissent à cause du terrorisme. Il n'est pas question de crimes bénins, mais d'actes terroristes dirigés contre notre pays.

Vous et le ministre avez dit qu'il valait mieux enfermer ces gens-là dans des prisons canadiennes que de les libérer, mais qui suggère qu'on les libère? Nous parlons de retirer la double citoyenneté. Pourquoi ne pourrions-nous pas le faire dans le cas de personnes ayant commis un acte terroriste contre notre pays? Nous pourrions les emprisonner de toute façon.

Pourquoi mettre ces deux aspects en opposition en disant que, si on leur retire la citoyenneté, on doit les renvoyer dans leur pays. Tel n'est pas le cas si elles ont commis un crime contre notre pays. Nous pouvons leur retirer la citoyenneté et les maintenir en prison. N'est-ce pas exact?

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Pratte. Votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous bénéficier de cinq autres minutes?

Le sénateur Pratte : J'aimerais répondre à cette question. Oui, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : D'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Pratte : Honorables sénateurs, à ce moment-là, je ne comprends pas le but visé. Certes, l'idée est de les maintenir en prison et de les renvoyer chez eux au terme de leur peine d'emprisonnement. C'est pour cette raison que vous leur retireriez la citoyenneté, n'est-ce pas?

Le sénateur Plett : Oui.

Le sénateur Pratte : Parfait. Je veux dire qu'une fois ces personnes renvoyées dans leur pays d'origine, vous avez moins de contrôle sur elles que si vous les aviez gardées au Canada. Prenez le cas d'un ressortissant iranien...

Le sénateur Tkachuk : Allons donc!

Le sénateur Pratte : Parfait. Disons que le terroriste ait les deux nationalités, canadienne et iranienne. Vous le gardez en prison pendant 10 ans et, quand il a terminé sa peine, vous le renvoyez en Iran. Serez-vous davantage en mesure de le contrôler quand il sera en Iran que s'il était resté au Canada? Saurez-vous davantage ce que cette personne fait en Iran, que si elle était restée au Canada?

Le sénateur Runciman : Elle est hors du pays.

Le sénateur Pratte : Elle est hors du pays. Et c'est ainsi que vous assumez votre part de responsabilité face au terrorisme international? Cette personne est hors du pays; vous vous en êtes débarrassé. C'est ainsi que vous assumez votre part de responsabilité internationale? Ce n'est pas ainsi que je vois les choses.

Le sénateur Plett : Voilà que vous me posez une question maintenant.

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Plett. Le sénateur Pratte a demandé du temps supplémentaire pour répondre à cette question.

Sénateur Pratte, voulez-vous disposer de plus de temps pour répondre à d'autres questions?

Le sénateur Pratte : Je suis prêt. C'est aux sénateurs de décider.

La sénatrice Martin : Vous devez nous poser la question.

Le sénateur Plett : Il dit qu'il est prêt.

Son Honneur le Président : Sénateur Pratte, avez-vous dit « non »?

Le sénateur Pratte : Oui.

Son Honneur le Président : Est-on d'accord, honorables sénateurs, pour accorder cinq minutes de plus?

Des voix : D'accord!

Une voix : Non.

Le sénateur MacDonald : La liberté d'expression!

Son Honneur le Président : Non? Nous avons besoin du consentement unanime.

Une voix : Posez la question.

Le sénateur Plett : Vous venez d'établir un précédent.

Son Honneur le Président : La sénatrice Ringuette se lève pour demander l'ajournement du débat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Douglas Black propose que le projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les produits dangereux, la Loi sur les dispositifs émettant des radiations, la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), la Loi sur les produits antiparasitaires et la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation et apportant des modifications connexes à une autre loi, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole au sujet du projet de loi C-13. Permettez-moi de vous en faire un résumé. J'ai un exposé sous les yeux, mais, comme vous avez pu le constater, c'est le titre abrégé que je viens de vous lire. Je pense que ce serait utile que je vous fasse un résumé du projet de loi pour que les gens comprennent de quelle question il s'agit exactement.

Dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, dont le Canada est membre, un accord a été négocié au cours des 10 dernières années qui s'appelle l'Accord sur la facilitation des échanges et qui permet à cette organisation de faire le travail qui lui incombe.

Le Canada souhaite ratifier l'Accord sur la facilitation des échanges. L'Organisation mondiale du commerce comprend 164 membres. Pour que cet accord entre en vigueur, 110 pays doivent le ratifier. Nous en sommes présentement à 94, alors nous avons presque atteint le nombre requis.

Le Canada n'a pas encore ratifié cet accord, mais vous devez savoir que tous nos principaux alliés, y compris le Royaume-Uni, les États-Unis, la Chine et le Japon, l'ont ratifié. Le Canada est d'avis qu'il est temps pour lui de les imiter.

Bien que le discours traite en détail de certaines modifications législatives prévues dans le projet de loi, je voudrais vous donner simplement deux grands titres pour vous aider à circonscrire le sujet dont nous traiterons au cours des prochains jours.

En principe, le Canada est à 90 p. 100 en harmonie avec les dispositions de l'Accord sur la facilitation des échanges, comme on pouvait s'y attendre de la part d'un grand pays industrialisé. Il y a deux domaines dans lesquels le Canada n'est pas aligné sur ces dispositions. Ce sont ces domaines qui font l'objet du projet de loi.

Premièrement, l'Agence des services frontaliers du Canada sera autorisée, au nom de Santé Canada, à disposer des marchandises rejetées qui ne sont pas conformes à certaines exigences techniques et de santé, afin qu'il ne soit pas nécessaire de permettre aux importateurs de renvoyer les marchandises à l'exportateur. Un bien arrive au Canada. On se rend compte qu'il ne devrait pas y être et, plutôt que d'ordonner à l'importateur de le renvoyer et de perdre le contrôle de ce qui arrive, l'Agence des services frontaliers du Canada aura le pouvoir de détruire ce bien.

Deuxièmement, Santé Canada et Environnement et Changement climatique Canada exempteront certaines marchandises en transit de l'exigence de conformité aux règlements techniques canadiens, pourvu que certaines conditions soient respectées si nécessaire. Bref, nous devrons permettre l'entrée de marchandises en transit entre — par exemple — Halifax et Vancouver, en route pour la Chine, à condition que soient respectés nos règlements sur la santé, la sécurité et l'environnement. Voilà de quoi il s'agit.

Vous devez également savoir, en guise d'introduction, que le projet de loi — à part un amendement mineur traitant de l'étiquetage électronique avec lequel je pourrais vous ennuyer à mort, ce que je m'abstiendrai de faire — a été adopté à l'unanimité à la Chambre des communes. Nous en sommes maintenant saisis pour étude et renvoi au comité.

Sénateurs, voilà de quoi nous parlons ici. Il s'agit de deux modifications mineures de nature très technique dont l'adoption permettra au Canada de ratifier l'Accord sur la facilitation des échanges.

Nous savons tous, surtout grâce aux excellentes questions du leader adjoint, que l'AECG est sur le point d'être approuvé, du moins nous l'espérons. Le Canada est fondé sur le commerce. Tout ce qui peut faciliter les échanges a été et continuera d'être bon pour l'économie canadienne.

Comme nous le savons — je le sais personnellement parce que je suis à la fois sénateur et avocat —, un commerce ouvert et prévisible constitue une force économique de transformation. Un système de commerce international équilibré, ouvert et fondé sur des règles crée de nouvelles perspectives d'exportation et favorise la productivité en baissant les coûts.

D'après l'OCDE et l'Organisation mondiale du commerce, une fois que tous les pays auront ratifié l'accord, les échanges augmenteront de 1 billion de dollars par an tandis que leurs coûts, pour les grands pays comme le Canada, diminueront de 14 p. 100.

Chez nous, le commerce profite aux producteurs, aux fabricants, aux exportateurs, aux investisseurs et aux consommateurs du Canada. La facilitation des échanges consiste en une simplification, une harmonisation et une normalisation des contrôles douaniers régissant le mouvement des marchandises à travers les frontières nationales.

On m'a dit — et j'en suis persuadé — que l'accord profitera particulièrement aux petites et moyennes entreprises du Canada. Tandis que nous rationalisons nos importations et facilitons les échanges dans le cadre des ententes commerciales du Canada, nous ne devons pas perdre de vue que 110 autres pays du monde font la même chose. Cela créera d'extraordinaires occasions, principalement pour nos PME.

(1440)

Comme je l'ai dit, l'OMC estime que l'Accord sur la facilitation des échanges réduira les coûts du commerce d'une moyenne de 14 p. 100 dans le monde, nombre qui passera à plus de 17 p. 100 dans le cas des pays les moins développés. Les coûts à assumer pour se conformer à des procédures douanières complexes ont plus d'incidences sur les PME que sur les grandes sociétés parce qu'elles n'ont pas nécessairement les ressources nécessaires pour surmonter les obstacles, par exemple en retenant les services de courtiers en douane.

De même, des procédures douanières complexes et imprévisibles freinent le commerce entre les pays en développement. Leur simplification fera baisser les coûts du commerce, favorisera la prévisibilité et réduira les délais de livraison des biens intermédiaires. Cela aidera les PME et les commerçants des pays en développement à participer davantage au commerce international et aux chaînes de valeurs mondiales.

L'AFE devrait en outre contribuer à la diminution de la corruption. Je vais m'expliquer.

Les occasions de se livrer à des pratiques frauduleuses aux frontières internationales augmentent avec les délais et les procédures non automatisées. Ceux qui ont eu des activités dans des pays extérieurs à l'OCDE ont sûrement eu connaissance de ces pratiques, qui font que des marchandises sont retenues dans des ports pendant de longues périodes en attendant certaines concessions.

En simplifiant les procédures commerciales, en automatisant les opérations douanières et en réduisant les délais de dédouanement, l'AFE réduira, nous l'espérons, les cas de corruption liés au commerce.

De plus, des procédures douanières plus efficaces permettront aux pays en développement de mieux percevoir les droits de douane qui, pour certains, constituent une importante source de recettes gouvernementales et un élément clé de la mobilisation des ressources nationales dans le cadre des objectifs de développement durable.

Je voudrais maintenant parler brièvement de l'Organisation mondiale du commerce, dont les efforts ont permis de conclure l'AFE. Je vais bien sûr beaucoup simplifier. L'OMC est une organisation multilatérale basée à Genève dont le rôle est de créer et de faciliter les mécanismes favorisant le commerce international. Je crois que les honorables sénateurs connaissent cela, d'une façon générale. Je ne passerai donc pas beaucoup de temps à l'expliquer.

J'ai également indiqué que 110 membres doivent ratifier l'accord. Nous en sommes à 94. Le gouvernement du Canada s'est engagé ratifier l'entente d'ici la fin de 2016, si possible.

C'est la raison pour laquelle nous voulons avancer maintenant. Je suis à votre disposition pour répondre à des questions. J'espère que le résumé que je vous ai présenté a simplifié la tâche dont nous devons nous acquitter.

Je peux vous donner l'assurance que toutes les organisations du Canada — par exemple les organisations de semences, les cadres de gestion, les commissions du blé et tous les organismes qui s'occupent de commerce au Canada — appuient le projet de loi.

Je vous assure aussi que j'ai moi-même reçu l'assurance que rien, dans le projet de loi, ne risque de compromettre la santé, la sécurité et l'environnement au Canada. Toutes les lois et les règlements correspondants restent intacts. Le Canada est déterminé à rendre le monde plus prospère et à aider les plus pauvres et les plus vulnérables à profiter du commerce international pour réduire la pauvreté.

Le Canada peut faire sa part en ratifiant l'AFE le plus rapidement possible. J'exhorte donc tous les sénateurs à appuyer les modifications législatives dont ils ont été saisis aujourd'hui dans le projet de loi C-13, qui permet au Canada de ratifier l'AFE pour se joindre aux autres pays qui l'ont déjà fait.

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Si le sénateur peut accepter de répondre à une question, j'aurais un point intéressant à signaler.

Le sénateur Black : Bien sûr.

Le sénateur Day : J'ai écouté la liste des différentes lois que cette mesure législative propose de modifier. J'ai remarqué, dans le titre abrégé, que, après les six ou sept lois mentionnées, on peut lire « et apportant des modifications connexes à une autre loi ».

Vous avez parlé des six ou sept lois, mais pourquoi n'avez-vous pas mentionné cette autre?

Le sénateur Black : Je vous remercie beaucoup de votre question, sénateur. Je voulais éviter de vous faire perdre du temps...

Le sénateur Tkachuk : C'est très bien, sénateur Black, vous n'avez pas à le faire.

Le sénateur Black : ... mais je peux certainement vous donner ce renseignement...

Le sénateur Tkachuk : D'accord.

Le sénateur Plett : Cela nous suffit. Merci pour cette réponse.

Le sénateur Black : Êtes-vous sûr?

Je peux peut-être vous faire parvenir la réponse, ainsi qu'aux autres sénateurs.

Le sénateur Day : J'en serais très heureux.

L'honorable Yonah Martin (leader suppléante de l'opposition) : La question du sénateur Day m'encourage à en poser une autre. Chaque fois que beaucoup de lois sont énumérées et que nous en modifions une, nous vous interrogeons sur les effets que cela aura sur les autres et nous nous demandons si tout cela est bien coordonné. Pouvez-vous nous donner l'assurance que tous les renvois ont été soigneusement vérifiés et contrevérifiés, et qu'il n'y aura ni conséquences imprévues ni lacunes découlant de modifications qui influent sur d'autres lois?

Le sénateur Black : Je remercie la sénatrice de sa question. Je peux vous donner cette assurance. J'ai moi-même posé la question parce que je n'aime pas et n'ai jamais aimé le concept des projets de loi omnibus. Lorsque j'ai pu poser des questions aux fonctionnaires, je leur ai demandé de me donner l'assurance que les solutions qu'ils proposaient réglaient les problèmes qui se posaient et rien d'autre.

Je peux vous assurer, sénatrice, que j'ai demandé des assurances et que je les ai obtenues. J'ai lu le projet de loi — comme le fait un avocat, et non un sénateur — et il m'a semblé que toutes les dispositions ciblaient très précisément ce qu'il y avait à faire. C'est ce que j'ai demandé et ce qu'on m'a dit.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Accepteriez-vous de répondre à une autre question?

Le sénateur Black : Bien sûr.

La sénatrice Dyck : J'ai remarqué que vous avez mentionné l'Agence des services frontaliers du Canada dans votre discours. Je me suis alors demandé quels types de produits seraient détruits ou éliminés au Canada au lieu d'être renvoyés dans le pays d'origine. Je me suis demandé si cela comprendrait, par exemple, des drogues illégales ou des aliments.

Le sénateur Black : Non seulement vous avez posé une excellente question, mais vous y avez répondu. Il s'agit principalement de produits pharmaceutiques, de drogues illégales et de pesticides, selon ce que j'ai appris.

L'honorable Wilfred P. Moore : Accepteriez-vous de répondre à une autre question, honorable sénateur?

Le sénateur Black : Bien sûr.

Le sénateur Moore : Le projet de loi porte notamment sur la Loi sur les aliments et drogues. Je ne me souviens plus s'il en était question plus tôt dans la semaine; est-ce que cela comprend l'indication de la quantité de sel et de sucre dans nos produits? Est-ce que cela se trouve dans ce projet de loi?

Le sénateur Black : Pas que je sache, honorable sénateur, mais je vais vérifier.

(Sur la motion de la sénatrice Frum, au nom de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Pierrette Ringuette : À moins que je ne me trompe, il y a un problème qui est survenu trop souvent aujourd'hui. Je parle du fait de permettre à un sénateur de poser des questions ou d'ajourner le débat sur une motion à son nom lorsqu'il n'est pas à son fauteuil. Je pense, Votre Honneur, que vous devriez, sinon clarifier la situation, du moins nous donner certaines directives sur les circonstances qui, conformément à nos procédures, nous permettent de recourir à cette pratique.

Son Honneur le Président : Je vous remercie, sénatrice Ringuette. Nous avons ici affaire à un projet de loi d'initiative ministérielle. La sénatrice Frum a demandé que le débat soit ajourné au nom de la sénatrice Andreychuk, mais il ne sera ajourné au nom de personne, puisqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative ministérielle. Je retiens toutefois les arguments que vous avez soulevés concernant les autres points, et nous y reviendrons. Merci.

L'honorable Linda Frum (leader adjointe suppléante de l'opposition) : Vous avez reçu aujourd'hui une lettre indiquant que je suis leader adjointe suppléante de l'opposition. Elle vous a été envoyée ce matin. Je siège donc à la place de la leader adjointe de l'opposition, que je remplace.

(1450)

Son Honneur le Président : Je comprends cela, sénatrice Frum. D'habitude, s'il ne s'agit pas d'un projet de loi d'initiative ministérielle, le débat est ajourné au nom de quelqu'un, mais comme il s'agit d'un projet de loi d'initiative ministérielle, ce n'est pas le cas.

La sénatrice Frum : Merci.

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 1er novembre 2016

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 26 octobre 2016, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 1er novembre 2016, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

— Je veux simplement vous signaler que, pour la prochaine période des questions, nous recevrons le ministre des Pêches et des Océans, l'honorable Dominic LeBlanc.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 26 octobre 2016, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 1er novembre 2016, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi canadienne sur le paiement sans délai

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Plett, appuyée par l'honorable sénatrice Martin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-224, Loi sur les paiements effectués dans le cadre de contrats de construction.

L'honorable Wilfred P. Moore : Honorables sénateurs, hier, j'ai demandé l'ajournement du débat sur ce projet de loi. J'approuve le principe du projet de loi, mais je n'ai pas eu la chance d'assembler mes observations. Je prononcerai un discours à cet égard la semaine prochaine. Je demande l'ajournement pour le temps de parole qu'il me reste.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Moore, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Enverga, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-221, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété).

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, ceux d'entre vous qui étaient présents hier savent que j'avais commencé mon discours au sujet de ce projet de loi, mais que l'horloge m'a interrompue. J'ai dû m'arrêter à 16 heures, comme il se doit le mercredi.

Le projet de loi S-221 constitue la moitié d'un tout. L'autre moitié, c'est la motion no 73, qui est présentée également par le sénateur Patterson. Je le remercie encore pour la grande patience dont il a fait preuve à mon endroit en attendant pendant six mois que je prenne la parole sur ces deux projets de loi.

[Traduction]

Comme je l'ai dit hier, il y a des modifications constitutionnelles qui, prises ensemble, élimineraient la qualification foncière pour les sénateurs. Il est important de mentionner, et on ne saurait trop insister sur ce fait, que ces projets de loi n'ont rien à voir avec l'exigence générale relative à la résidence des sénateurs.

Si ces mesures étaient adoptées, nous aurions encore à être résidents de la province que nous représentons. Ces mesures sont liées à la qualification en matière de propriété, c'est-à-dire à la règle constitutionnelle voulant que nous possédions des biens immobiliers d'une valeur de 4 000 $, qui doivent se trouver, pour la plupart d'entre nous, dans la province ou le territoire que nous représentons.

Je dois ajouter que l'initiative du sénateur Patterson a l'avantage supplémentaire de clarifier la déclaration de qualification que nous sommes tous tenus de faire lorsque nous arrivons au Sénat. C'est le long texte qui dit ce qui suit :

Il devra posséder, pour son propre usage et bénéfice, comme propriétaire en droit ou en équité, des terres ou tenements tenus en franc et commun socage...

Je ne sais même pas comment prononcer ces mots.

... — ou être en bonne saisine ou possession, pour son propre usage et bénéfice, de terres ou tenements tenus en franc-alleu ou en roture...

Et ainsi de suite.

Je décerne le premier prix à quiconque connaît le sens de ces mots. Le sénateur Patterson propose de remplacer cette déclaration incompréhensible par un énoncé simple disant : Je, [nom du sénateur], déclare et atteste que j'ai les qualifications exigées par la loi pour être nommé membre du Sénat du Canada.

N'est-ce pas admirable? C'est une raison de plus que j'ai de féliciter le sénateur Patterson pour avoir pris le taureau par les cornes afin de réaliser des progrès.

Nous parlons de modifications constitutionnelles. La première question évidente qui se pose quand on examine une modification constitutionnelle, c'est si Parlement a le pouvoir d'apporter les changements proposés.

La réponse, chers collègues, c'est à la fois oui et non. D'après la Cour suprême du Canada, le Parlement agissant seul en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 peut faire ce changement particulier consistant à éliminer la qualification en matière de propriété pour toutes les provinces et territoires à l'exception du Québec.

Ce n'est pas une exception mineure. Nous parlons d'une province occupant près d'un quart du pays et qui a des besoins et des exigences historiques et culturelles uniques.

Pour le Québec, la Constitution dit que les sénateurs sont nommés pour représenter des divisions précises. Nous, sénateurs du Québec, sommes les seuls qui devons représenter une division précise en vertu de la loi. Les autres sénateurs peuvent choisir — et certains le font — de dire qu'ils représentent, par exemple Kingston et les îles ou n'importe quoi d'autre qui, pour eux, représente l'expression personnelle de leur identité.

Dans notre cas, la Constitution dit explicitement que nous représentons des divisions territoriales particulières.

Ces divisions sont, pour le moins, extrêmement désuètes. Si j'ai bonne mémoire, elles se rapportent à des districts électoraux qui existaient dans le Bas-Canada aux alentours de 1864. Vous pouvez imaginer les mouvements de population qui se sont produits depuis, sans parler de l'extension des frontières du Québec. Aucune des divisions ne comprend le territoire ajouté depuis 1867. Pourtant, elles sont là pour un motif très réel, à savoir que le Québec constitue la principale patrie de la plus importante minorité du Canada, les citoyens francophones.

Au sein de cette minorité, il y a une autre minorité : les anglophones du Québec. Lors de la Confédération, ces deux groupes avaient des préoccupations légitimes. Ils craignaient d'être submergés dans le nouveau régime établi, même si le Sénat avait, dans l'esprit des Pères de la Confédération, pour but et fonction non seulement d'assurer un second examen objectif, mais aussi de représenter les intérêts régionaux.

Ces divisions représentaient la solution. Elles avaient leur importance. Elles constituaient un élément essentiel de l'accord pour ma province, le Québec.

(1500)

C'est la raison pour laquelle la Cour suprême du Canada, dans sa décision historique d'il y a deux ans, avait dit que la qualification en matière de propriété ne pouvait pas être abolie dans le cas du Québec à moins d'une résolution parallèle adoptée par l'Assemblée nationale.

Il y a là un petit problème. Si nous ne faisons qu'abolir la qualification en matière de propriété, la Constitution dit aussi — encore une fois, cela est propres au Québec — que nous devons soit posséder un bien immobilier de 4 000 $ dans la division que nous représentons, soit vivre dans la division.

Si on supprime la qualification en matière de propriété sans corriger le reste, nous aurions à faire face à de lourdes dépenses de déménagement parce que beaucoup de sénateurs du Québec ne résident pas et ne résidaient pas auparavant dans les divisions qu'ils représentaient, pas plus que les députés ne résident toujours dans les circonscriptions dans lesquelles ils ont été élus. Mais voilà où nous en sommes. Nous sommes pris dans ce piège.

La motion du sénateur Patterson ferait disparaître ces deux exigences dans le cas du Québec. Ainsi, les sénateurs de cette province n'auraient à respecter que l'exigence qui s'applique à tous les sénateurs, à savoir qu'ils doivent résider dans la province qu'ils représentent plutôt que d'être liés à une division particulière.

Quiconque m'a entendue parler de cette question une année après l'autre sait que j'appuie sans réserve ce qui est proposé ici. Comme la plupart d'entre nous, je crois que la qualification en matière de propriété est un embarras et un archaïsme. Nous devrions nous en débarrasser, mais il y a un problème. Toute initiative de ce genre concernant le Québec doit, comme je l'ai dit, faire l'objet de résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'Assemblée nationale du Québec.

Cette partie bilatérale de la formule de modification de la Constitution du Canada n'a pas souvent été utilisée depuis qu'elle est entrée en vigueur en 1982, mais il y a quelques précédents. Elle a été utilisée, par exemple, pour modifier les dispositions de la Constitution relatives aux écoles confessionnelles de Terre-Neuve et du Québec. Elle a aussi été utilisée lorsque Terre-Neuve est devenue Terre-Neuve-et-Labrador. Nous savons donc qu'on peut y recourir.

Je pense cependant qu'il y a un point essentiel à ne pas perdre de vue. Je crois savoir que, avant que des résolutions ne soient présentées au Sénat, à la Chambre des communes et à l'assemblée législative provinciale compétente, les parties s'étaient entendues au préalable pour aller de l'avant. Pour le moment, rien ne prouve que le gouvernement du Québec acceptera ce changement. À mon avis, nous devrions obtenir son accord avant d'agir.

Mes collègues se souviendront que les questions constitutionnelles sont peut-être plus délicates au Québec qu'elles ne le sont ailleurs au pays. Je n'ai aucune raison de croire que le gouvernement du Québec verrait un inconvénient à ces changements, mais on ne sait jamais. Il serait donc important, à mon avis, que nous déterminions officiellement, par écrit, si le gouvernement du Québec croit que cette façon d'agir est appropriée.

Le sénateur Patterson pourrait demander lui-même cette assurance. Notre Président pourrait également le faire, mais je crois qu'il serait très important pour nous d'avoir cette entente avant d'aller de l'avant, parce qu'il s'agit d'une disposition constitutionnelle qui touche le Québec. Nous ne pouvons donc pas essayer de la faire avaler aux Québécois avant d'essayer au moins d'obtenir leur accord au préalable.

En même temps, ma position soulève une autre question qu'a évoquée l'autre jour un de ceux que je respecte le plus parmi mes collègues : pourquoi empêcher le reste du pays de profiter d'un tel changement souhaitable s'il n'y a qu'une seule province qui ait besoin de cette consultation spéciale essentielle? Ma réponse est simple. C'est parce que nous sommes un pays et que, dans notre rôle, peut-être plus au Sénat que n'importe où ailleurs, nous devons nous traiter mutuellement et traiter toutes les autres régions du pays avec respect, équité et considération.

Si nous adoptons le projet de loi pour les neuf provinces et les trois territoires, mais pas la motion — il s'agit d'une résolution — comme le sénateur Patterson l'a si bien exprimé, cela reviendrait à éliminer une forme véritablement archaïque de discrimination qui existe dans neuf provinces et trois territoires. Cependant, je dirais que nous nous trouverions également à créer une autre discrimination entre ma province et le reste du pays. Sans la participation du gouvernement de l'Assemblée nationale du Québec, soudainement, nous serions les seuls sénateurs au pays à devoir nous plier aux critères de qualification en matière de propriété. Tous les autres auraient fait un bond dans le XXIe siècle, mais nous, nous serions restés accrochés dans le XIXe siècle. Je ne pense pas que ce soit juste ni respectueux. C'est une chose pour nous que de vivre avec une relique archaïque, mais c'en est une autre que d'établir une nouvelle forme de discrimination qui ne touchera qu'une seule province.

Si nous attendons — pas très longtemps, avec un peu de chance — pour obtenir l'accord du Québec afin de donner suite à cette mesure, allons-nous occasionner un dommage quelconque à cause de ce délai? Je ne le pense pas. Même si j'ai indiqué hier que 4 000 $ représentait énormément d'argent en 1867, de nos jours, ce n'est pas beaucoup.

Le sénateur Patterson a fort éloquemment expliqué les difficultés auxquelles se heurtent beaucoup de gens au Canada pour posséder une maison, mais il n'est pas nécessaire de posséder un domicile dans votre province ou dans votre division sénatoriale pour être admissible au Sénat, puisqu'il vous suffit de détenir une propriété foncière de 4 000 $. Vous pourriez faire comme moi et avoir un marécage d'environ un quart d'acre quelque part. Pour les sénateurs du Québec représentant une division sénatoriale urbaine, il pourrait être plus difficile de trouver une propriété pour 4 000 $ seulement, mais c'est tout de même possible.

En outre, je ne veux pas laisser entendre que c'est facile pour les gens qui ont des moyens très limités, certainement pas, mais comme nous l'avons appris de notre histoire au Sénat, quand on veut, on peut et il n'y a qu'à se souvenir de l'exemple classique de notre ancienne collègue, la sœur Peggy Butts, de la congrégation de Notre-Dame. Elle avait fait vœu de pauvreté et ne pouvait donc pas être propriétaire, mais elle était tout de même une imminente figure, un personnage illustre de notre pays. Une solution a été trouvée. Son ordre lui a légué une propriété dans laquelle elle a résidé et, le jour où elle a quitté le Sénat, elle a remis cette propriété à son ordre. Elle a été un joyau pour notre Chambre.

Le sénateur Patterson a dit qu'il était difficile de savoir si les condominiums peuvent satisfaire aux critères de propriété. J'ai effectué quelques recherches rapides pour le vérifier et un avocat respectable m'a dit qu'il ne fait aucun doute que les condominiums sont admissibles pour la qualification en matière de propriété, en vertu de la Constitution. Un autre m'a dit : « Je ne suis pas sûr qu'ils soient admissibles selon toutes les législations provinciales, mais je suis passablement sûr que c'est le cas au moins en Ontario et en Colombie-Britannique. »

(1510)

Cependant, je répète qu'il n'est pas nécessaire de posséder une maison ou un condominium. Vous devez résider dans votre province et vous devez, en plus, posséder une propriété foncière quelconque d'une valeur de 4 000 $.

La sénatrice Dyck me corrigera si je me trompe, mais je crois que, même dans le cas des Autochtones vivant dans une réserve, question qui a été soulevée par le sénateur Patterson, la difficulté n'est pas insurmontable parce que, selon moi, les certificats de possession répondraient à la nécessité de posséder une propriété foncière pour être admis au Sénat.

Voilà tout un détour pour finir par dire que, comme tout le monde au Sénat, je vise le même objectif que le sénateur Patterson. Cependant, il est très important d'agir comme il se doit, ce qui, selon moi, veut dire que nous ne devons adopter ni l'un ni l'autre de ces deux textes, le projet de loi et la motion, avant d'avoir vérifié la position du gouvernement et de l'Assemblée nationale du Québec. Je vous remercie, chers collègues.

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorable sénatrice, répondriez-vous à une question?

La sénatrice Fraser : Oui.

La sénatrice Ringuette : Vous avez parlé de liens, des 24 divisions sénatoriales, dans le cas du Québec. Le fait de renoncer à cette exigence de 4 000 $ — moyennant, évidemment, l'accord du gouvernement du Québec — pourrait créer une autre obligation pour les sénateurs de cette province, celle de résider dans leur division sénatoriale. Ai-je bien compris? Si oui, cela pourrait engendrer toute une série d'autres problèmes.

La sénatrice Fraser : C'est non seulement une possibilité, mais une certitude. Si nous nous limitions à retirer la qualification foncière de 4 000 $, l'autre élément de cet article demeurerait, article qui dit ceci :

En ce qui concerne la province de Québec, il...

— nous avions tous pour pronom « il », à cette époque —

... devra être domicilié ou posséder sa qualification foncière dans le collège électoral dont la représentation lui est assignée.

En toute justice, en toute logique, nous devons donc nous débarrasser des deux, raison pour laquelle le sénateur Patterson a dû traiter de la question du Québec dans une motion distincte. Cela répond-il à la question?

La sénatrice Ringuette : Oui. Je propose que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur le Président : Avant cela, le sénateur Maltais veut poser une question.

[Français]

L'honorable Ghislain Maltais : Madame la sénatrice Fraser, j'ai écouté attentivement votre discours. Le projet de loi dont il est question en ce moment viendrait régler le cas d'un sénateur, le sénateur Patterson, avec qui je suis tout à fait d'accord. Cependant, il ne faut pas faire dire à l'histoire ce que l'histoire n'a pas dit. C'est très important.

Vous savez pourquoi nous avions 24 seigneuries au Québec, vous savez pourquoi nous avons 24 districts sénatoriaux au Québec, vous savez pourquoi deux amendements ont été enchâssés dans la Constitution — l'un pour Terre-Neuve-et-Labrador, l'autre pour laïciser le système d'éducation. Puisque nous sommes maintenant un Sénat indépendant, libre de toute attache, ne pourrait-on pas régler cette question entre Québécois? Ne pourrait-on pas regrouper les sénateurs du Québec afin d'élaborer une proposition pour l'Assemblée nationale, revenir ici pour modeler un projet de loi qui conviendrait aux Québécois et, ensuite, modifier la Constitution à cet effet? Nous pourrions ainsi obtenir une certaine unanimité. De la façon dont le projet de loi est présenté, si l'unanimité du Sénat est requise, il sera difficile d'y arriver. Vous n'aurez jamais mon vote de cette manière.

Je propose donc que le sénateur Patterson scinde son projet de loi, afin que nous puissions voter immédiatement en sa faveur dans le but de résoudre sa situation particulière. Je vois mal un sénateur des Territoires du Nord-Ouest venir régler la question constitutionnelle du Québec. Ce serait fort mal vu, madame la sénatrice. Vous connaissez les francophones et les anglophones du Québec autant que moi. Je vous suggère donc cette alternative, étant donné que les sénateurs sont indépendants et dotés d'une ouverture d'esprit extraordinaire.

La sénatrice Fraser : Nous sommes plutôt du même avis, sénateur Maltais. Je pense que c'est pour cette raison que le sénateur Patterson a présenté sa proposition en deux parties : le projet de loi qui s'adresserait au reste du pays et la motion qui toucherait le Québec. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée que cette proposition soit bilatérale, non seulement dans sa forme, mais également sur le fond, et que nous consultions nos collègues de l'Assemblée nationale au Québec. Sinon, qui sommes-nous pour venir imposer un changement à quelque chose qui, à l'époque, était d'une importance primordiale pour le Québec? Nous devons agir avec un minimum de respect entre nous.

L'honorable Serge Joyal : L'honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Fraser : Avec plaisir, oui.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Sénatrice Fraser, je vous ai écoutée avec attention et j'ai cru vous entendre dire que le Sénat ne pouvait rien faire à moins d'obtenir le consentement de l'Assemblée législative du Québec à propos des changements bilatéraux devant être apportés à la Constitution. Premièrement, ce n'est pas exactement ce que dit la Constitution.

Deuxièmement, j'étais ici en 1999 quand nous avons adopté une modification bilatérale avec la province du Québec et avec la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Quand la province du Québec a voulu que les deux Chambres du Parlement donnent leur consentement à des modifications visant à retirer la structure administrative religieuse du système scolaire au Québec, prévue dans la Constitution en 1993, c'est l'Assemblée législative du Québec qui a été la première à agir en adoptant une résolution. Elle a ensuite fait parvenir cette résolution au gouvernement fédéral. C'est comme cela que les choses se passent et c'est pour cela qu'au paragraphe 46.(1) de la Constitution, on peut lire ceci :

L'initiative des procédures de modification visées aux articles 38, 41, 42 et 43...

— puisque c'est ce dont il est question —

... appartient au Sénat, à la Chambre des communes ou à une assemblée législative.

Dans le cas dont je parlais à l'instant — sur lequel certains d'entre nous ont été appelés à se prononcer, dont moi —, l'initiative a été prise par l'assemblée législative du Québec. Il n'y a donc rien, à mon humble avis, qui nous empêche d'adopter la résolution proposée par le sénateur Patterson et de demander à l'assemblée législative du Québec, qui porte le nom d'Assemblée nationale, de donner son assentiment à cette modification, sur laquelle, vous vous en souviendrez, s'est penchée la Cour suprême en 2014. Cette dernière avait alors conclu que cette disposition n'offrait plus la protection qu'elle était censée offrir quand elle a été inscrite dans la Constitution.

(1520)

Si l'on relit la décision rendue par la Cour suprême en avril 2014, il est assez clair que, selon la cour, le Parlement du Canada dispose du pouvoir constitutionnel de supprimer cet article de la Constitution — en ce qui concerne le Québec, il faut, bien sûr, obtenir l'assentiment de la province. La cour a toutefois indiqué clairement que ces articles qui avaient été inclus au départ dans la Constitution n'offrent pas une plus grande protection que ce qui est prévu dans la Charte ou dans d'autres articles de la Constitution.

C'est pourquoi je vous demande si votre approche est fondée sur la courtoisie plutôt que sur le précédent et la lecture de la Constitution.

La sénatrice Fraser : Il faut, je crois, faire une distinction entre le droit et la bonne chose à faire. En matière de droit, je reconnais que le sénateur Joyal a tout à fait raison. Je ne le conteste pas.

Je peux imaginer des circonstances dans lesquelles le Parlement pourrait choisir de proposer, sans consultation préalable, un amendement constitutionnel, notamment s'il y avait des questions urgentes à régler. Toutefois, pour faire adopter un amendement bilatéral — si vous voulez l'appeler ainsi —, celui-ci doit aussi être adopté par la province visée. Il me semble qu'il serait approprié de tenir une forme quelconque de consultation préalable. En droit, cela n'est pas nécessaire. J'estime, toutefois, que c'est une façon respectueuse de procéder, là où c'est possible de le faire. Je crois également que le respect, dans ce genre d'affaires, est quelque chose de souhaitable. Cependant, en droit, cela n'est pas nécessaire, et vous avez absolument raison. Je ne souhaite pas aborder pour le moment la question de savoir ce que je recommanderais si le Québec, pour quelque raison que ce soit, déclarait qu'il n'était pas d'accord. Je serais un peu étonnée, mais, si le Québec n'acceptait pas, il me faudrait peut-être revenir sur ma position au sujet du projet de loi du sénateur Patterson. Comme vous le savez, je propose que l'on attende un peu en ce qui concerne les deux éléments de cette proposition, et ce, jusqu'à ce que l'on ait la certitude que ma province appuie cet amendement constitutionnel, qui aura une incidence sur elle.

Le sénateur Joyal : La sénatrice a mentionné qu'elle ne voudrait évidemment pas faire du tort au Québec ou manquer de courtoisie envers la province. Bien sûr, vous êtes une sénatrice du Québec, tout autant que je le suis et que beaucoup d'autres sénateurs le sont. J'ai cependant lu le mémoire que le gouvernement du Québec avait déposé auprès de la Cour suprême en 2014. J'avais alors l'autorisation de la cour pour intervenir. J'ai soigneusement lu ce paragraphe du mémoire du gouvernement du Québec, qui mentionnait l'objectif initial envisagé en 1867. J'étais là et, encore une fois, je ne raconte pas l'histoire de quelqu'un d'autre. J'ai écouté attentivement ce qu'a dit l'avocat du Québec parce que la cour était saisie de cette question. L'avocat n'a jamais dit que ces dispositions devaient rester dans la Constitution dans l'intérêt de l'objectif initialement envisagé.

De plus, nous avons adopté au Sénat des modifications à la loi sur la succession au trône. Ce projet de loi que nous avons adopté à l'unanimité ici fait l'objet, comme vous le savez, d'une contestation judiciaire. En février dernier, la Cour supérieure du Québec a rendu une décision. L'affaire est maintenant devant la Cour d'appel du Québec. La date limite pour présenter des mémoires était le 7 octobre. Le gouvernement du Québec a décidé de contester le pouvoir du Parlement du Canada d'adopter ces modifications que nous, sénateurs du Québec, avions approuvées à l'unanimité. Vous vous rappelez sûrement que nous avions tenu un débat au Sénat.

Je peux donc comprendre que nous souhaitions envoyer une lettre au premier ministre du Québec pour l'informer de ce que nous envisageons de faire. Je ne crois pas cependant que cela devrait nous empêcher de parler de la question, d'exposer des arguments et de demander l'accord du gouvernement du Québec, tout comme — je le dis en toute bonne foi — le gouvernement du Québec nous avait demandé notre accord en 1999 lorsque le Sénat a voté à l'unanimité en faveur des modifications bilatérales demandées par le gouvernement du Québec et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador.

Je m'associe donc à votre position, sauf que je voudrais en même temps poursuivre le débat et l'étude de la motion du sénateur Patterson parce que je crois qu'il est utile, même pour le gouvernement du Québec, de prendre connaissance des arguments des honorables sénateurs. Cela pourrait aider même le gouvernement du Québec à prendre une décision au sujet de notre demande. C'est pour cette raison que ma position s'écarte légèrement de la vôtre puisque vous avez proposé de tout suspendre pour le moment. À mon avis, nous devrions poursuivre la discussion, le débat et l'étude de cette question afin d'aider le gouvernement du Québec à comprendre les incidences de ce que nous envisageons.

La sénatrice Fraser : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de préciser ce que j'essaie de faire ici, sénateur. Je suis très favorable au débat, à l'étude et à la communication. J'appuie absolument tout cela, et j'espère qu'un certain nombre de sénateurs participeront au débat parce que nous parlons de règles constitutionnelles qui touchent le Sénat.

Ce que j'espère reporter, au moins pour un temps, jusqu'à ce que nous ayons communiqué avec le gouvernement du Québec, comme je l'ai proposé, ce sont les votes. Je ne vois aucune raison de nous presser à cet égard.

Le sénateur Patterson est probablement en train de penser : « Eh bien, elle m'a fait attendre pendant six mois. Combien de temps encore me laissera-t-elle poirauter? »

Le sénateur Patterson : Comment l'avez-vous deviné?

La sénatrice Fraser : L'une des leçons que j'ai apprises ici après avoir travaillé pour un quotidien — cela donc été pour moi une grande leçon —, c'est qu'il arrive parfois que l'attente engendre la sagesse et le consensus. Je crois que cela pourrait être le cas pour cette question, mais je ne cherche absolument pas à empêcher le débat.

Au sujet de la succession au trône, puisque vous avez soulevé cette question, je note que je m'étais énergiquement opposée non au fond de ce projet de loi, mais au fait qu'on nous demandait d'adopter à l'aveuglette une mesure législative qui n'avait pas encore été adoptée par le Parlement de Westminster. On nous demandait donc d'acheter chat en poche. Nous savions tous qu'il fallait essayer d'actualiser les règles régissant la succession au trône. Nous étions tous d'accord pour le faire, mais j'avais fortement protesté parce qu'on me demandait d'appuyer à l'aveuglette la forme finale d'un projet de loi que devait adopter un autre Parlement.

Le sénateur Joyal : Je voudrais simplement inviter les honorables sénateurs à lire la décision du juge Bouchard, de la Cour supérieure, qui traite justement de cette question en citant le préambule de la loi de Westminster. Celui-ci invite Westminster à demander l'accord du dominion avant d'adopter les modifications à la Loi sur la succession au trône. Autrement dit, le juge de la Cour supérieure avait déjà répondu à votre préoccupation. Bien sûr, cela sera revu par la Cour d'appel, comme je l'ai mentionné. J'aurai le plaisir de développer le sujet l'année prochaine devant la cour. Quoi qu'il en soit, la question a été très bien réglée, de sorte qu'elle ne devrait pas influencer la décision de la sénatrice au sujet du débat sur ce projet de loi.

La sénatrice Fraser : J'avais en fait passé un certain temps à examiner la loi de Westminster à l'époque. J'estime que la politique consistant à demander l'accord, que ce soit en droit ou sous une autre forme, correspond exactement à ce que j'essaie de faire dans ce cas.

(1530)

Son Honneur le Président : Sénateur Patterson, si vous avez l'intention de prendre la parole, vous mettrez fin au débat à l'étape de la deuxième lecture. Voulez-vous poser une question, sénateur Patterson?

L'honorable Dennis Glen Patterson : Je voudrais remercier l'honorable sénatrice de m'avoir accordé un certain mérite pour ce projet de loi. Je devrais reconnaître la contribution du sénateur Banks, qui m'a incité à relancer le projet de loi après la décision rendue par la Cour suprême.

J'aimerais dire à l'honorable sénatrice, avec tout le respect que j'ai pour sa préoccupation relative à la consultation du Québec, que mon initiative comprend deux parties. Il y a un projet de loi, dont nous sommes saisis aujourd'hui, ainsi qu'une motion. La motion traite de la question du consentement du Québec. Nous n'en discutons pas directement cet après-midi.

Est-ce que la sénatrice veut bien nous dire si la meilleure façon de procéder ne consisterait pas à laisser un comité sénatorial réfléchir soigneusement à ce projet de loi et, comme l'a dit le sénateur Joyal, à présenter ainsi au gouvernement du Québec les nombreuses raisons pour lesquelles nous prenons cette mesure, puis à reporter le débat sur le consentement de l'Assemblée nationale du Québec au moment où le Sénat sera saisi de ma motion?

La sénatrice Fraser : La question se posera cet après-midi, parce que la motion en est au 15e jour.

Je peux recommencer tout mon discours si quiconque le souhaite.

Le sénateur Plett : Non.

La sénatrice Fraser : C'est ce que j'ai pensé.

Lorsque j'ai pris la parole pour participer officiellement au débat sur le projet de loi, j'essayais de traiter des deux parties de votre initiative. J'ai tenté d'expliquer que, du moins pour le moment, il serait courtois, respectueux et équitable de ne pas aller plus loin dans le débat sur le projet de loi qui touche le reste du pays à moins d'avoir l'assurance que nous pourrons aussi faire avancer la motion. J'ai parlé de l'assurance que je considère appropriée.

Si les sénateurs le veulent, je préférerais que la teneur du projet de loi soit renvoyée à un comité. Pour le moment, j'aimerais éviter de mettre le projet de loi aux voix même si l'étape de la deuxième lecture suppose une approbation de principe et que j'en approuve le principe. J'espère que vous comprendrez ma réticence à voter officiellement à ce stade-ci.

Le sénateur Patterson : Vous soulevez une question intéressante sur la façon dont nous devrions nous y prendre pour obtenir l'approbation de l'Assemblée nationale du Québec. J'ai fourni, par courtoisie, le projet de loi au ministre responsable des affaires intergouvernementales du Québec il y a quelque temps, lorsqu'il a été présenté au Sénat.

Est-ce à dire que, en qualité de parrain d'un projet de loi d'initiative parlementaire, j'ai le pouvoir de représenter le Sénat pour demander l'accord du gouvernement du Québec avant de passer à l'étape suivante? Dois-je passer par le Président? C'est une bonne question, si nous voulons avoir la courtoisie de consulter le gouvernement du Québec.

Je dirais, en tout respect, que c'est une question dont on devrait discuter dans un comité sénatorial. Je ne pense pas que la province de Québec se fasse souvent représenter devant un comité sénatorial, mais nous pourrions lancer l'invitation. Elle pourrait rompre avec la tradition et envoyer un représentant témoigner.

Cette question importante est une bonne idée. Plutôt que de la laisser en suspens, il serait utile d'en discuter au comité.

Son Honneur le Président : Sénatrice Fraser, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Fraser : Non, je voudrais simplement répondre au sénateur Patterson, si je le peux.

Son Honneur le Président : Sénatrice Fraser, vous avez la parole.

La sénatrice Fraser : Il y a un article dans le Règlement qui dit que, lorsqu'un comité étudie la teneur d'un projet de loi, il devrait communiquer avec toute province que celui-ci pourrait toucher pour solliciter sa réaction.

En fait, j'ai vu plusieurs fois des représentants du gouvernement du Québec comparaître devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ou parfois devant un comité spécial sur la réforme du Sénat. Ce ne serait pas la première fois.

Le gouvernement du Québec pourrait également envoyer une lettre dans laquelle il nous dit de faire ce que nous voulons et que cela n'a guère d'importance pour lui. Nous devrions alors déterminer si nous souhaitons demander des garanties qu'il présenterait une résolution parallèle à l'Assemblée nationale du Québec.

Ce serait une façon de procéder. Le président du comité ou le greffier du comité pourrait écrire au gouvernement du Québec ou, puisqu'il s'agit de questions constitutionnelles, le Président pourrait peut-être le faire. Je me soucie peu de la façon dont les consultations sont menées. Je crois seulement qu'il devrait y en avoir.

Quant à votre droit de communiquer avec le gouvernement du Québec à titre de simple sénateur, vous avez le droit de communiquer avec n'importe qui, y compris tous les gouvernements provinciaux. Il se pourrait qu'ils n'aient pas la courtoisie de vous répondre, mais je lutterais jusqu'à la mort pour défendre votre droit de communiquer avec eux.

Le sénateur Day : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné à mon nom.

La sénatrice Ringuette : J'ai déjà proposé l'ajournement.

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Ringuette, mais, avant le début de la période des questions, le sénateur Day a demandé de proposer l'ajournement. Je lui ai demandé de s'asseoir pour que les sénateurs puissent poser des questions. Il a fait sa demande avant vous. Le sénateur Day propose maintenant l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Projet de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Dawson, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).

L'honorable David M. Wells : J'aimerais avoir le consentement du Sénat pour que, après mon intervention d'aujourd'hui, cet article demeure ajourné au nom du sénateur Tannas.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Wells : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), qui a été présenté par mon collègue, le sénateur Moore.

Les sénateurs ont un rôle important à jouer sur le plan législatif. Notre responsabilité collective consiste à étudier les projets de loi afin que le produit final soit le plus efficace possible et serve au mieux les intérêts des Canadiens.

Ce projet de loi-ci attire notre attention sur un problème important qui mérite d'être débattu, et ce qu'on y propose devrait aussi revêtir une grande importance à nos yeux.

Selon moi, si nous interdisions la mise en captivité des baleines et des dauphins, nous nuirions aux importants travaux de recherche — actuels et futurs — sur les mammifères marins qui sont menés dans les jardins zoologiques, les aquariums et les centres d'observation de mammifères marins.

J'ai plus de 30 ans d'expérience dans le secteur de la pêche et il n'y pas plus ardent défenseur de la pêche durable que moi. Je sais pertinemment qu'il faut toujours comprendre tous les enjeux d'une question avant de prendre une décision, parce qu'il arrive souvent que ce soit l'avenir même d'une espèce qui est en jeu.

Par l'entremise de mon association et grâce à la connaissance que j'ai du secteur de la pêche au phoque, je sais aussi que, en nous fiant aux campagnes de désinformation, nous pourrons seulement nuire aux espèces concernées et finir par déséquilibrer nos écosystèmes. Au fond, ces campagnes servent seulement les intérêts de ceux qui les mènent.

C'est la raison pour laquelle la question qui nous est soumise a une si grande importance. Dans notre analyse des faits, nous, les sénateurs, devons tenir compte de toutes les données scientifiques, ce qui nous permettra de prendre une décision éclairée concernant l'avenir et le bien-être des baleines, des dauphins et de tous les autres mammifères marins. Nous ne nous rendons pas service lorsque nous nous laissons guider par les sentiments ou par les témoignages d'une poignée de personnes à la perspective étroite.

En tant que sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, je connais parfaitement la grande importance de la mer pour les populations côtières qui en dépendent. Ces populations subissent des pressions croissantes en raison de la pollution, de la surpêche, de la détérioration des habitats et d'autres facteurs. Par conséquent, lorsqu'on veut comprendre les dimensions peu connues de nos vastes océans, il faut les découvrir en recueillant de l'information et en enrichissant son savoir.

J'ai récemment visité le centre des sciences de la mer de l'aquarium de Vancouver dans le cadre de mes recherches. L'aquarium de Vancouver est un organisme sans but lucratif qui se consacre à la protection de la vie aquatique. Plus de 1 500 employés et bénévoles se dévouent à la tâche. Au cours de ma visite, j'ai pu constater de mes propres yeux le travail bénéfique qui se fait à l'aquarium et qui nous aide à comprendre nos écosystèmes marins.

L'institut de recherche océanographique sur les eaux côtières a été mis sur pied par l'aquarium de Vancouver. Il a pour mission de produire et de diffuser des connaissances et des données et de les interpréter dans le but de protéger la vie et les habitats océaniques le long des côtes ainsi que d'en assurer la vitalité future. Ces gens sont des chefs de file sur le plan des connaissances à l'échelle locale et internationale. À l'heure actuelle, ils se concentrent notamment sur les espèces vulnérables et leur habitat, dont les baleines.

(1540)

Les travaux de recherche réalisés dans des installations comme celles-ci peuvent nous aider à en apprendre davantage sur les espèces dans la nature. Les recherches effectuées sur les bélugas par Valeria Vergara constituent un exemple des importants travaux de recherche menés à l'aquarium de Vancouver. Comme vous le savez peut-être, les bélugas portent le surnom de « canaris des mers ». On en savait peu sur leurs vocalises qui ressemblent à des chansons. Au fil des années, Mme Vergara est parvenue à classer 28 appels distincts, comme celui qu'utilisent les mères et les baleineaux pour maintenir le contact entre eux. Mme Vegara a aussi découvert que les petits bélugas, tout comme les nourrissons humains, apprennent la langue de leur mère et finissent par imiter leurs appels.

Mme Vergara utilise les données qu'elle recueille pour mieux comprendre les appels de bélugas qu'elle a enregistrés dans l'Arctique. Ce travail est crucial, puisque le transport maritime et d'autres activités humaines se sont accentués dans l'Arctique. Grâce à ces travaux de recherche, nous pourrons veiller à ce que les scientifiques, les communautés de l'Arctique, les exploitants, les décideurs et les responsables de la réglementation disposent des données les plus exactes possible pour prendre des décisions éclairées sur les répercussions que peuvent avoir sur la faune les activités humaines dans le Nord.

Par ailleurs, j'ai reçu une lettre signée par 70 scientifiques du monde entier qui appuient les travaux de recherche menés dans les installations d'observation des mammifères marins. Dans leur lettre, les scientifiques réitèrent le rôle important que jouent la recherche et les installations marines. Ils écrivent ce qui suit :

Les progrès réalisés grâce aux recherches effectuées dans les installations d'observation des mammifères marins n'auraient pas pu découler d'études d'animaux dans la nature. Les études sur le terrain sont cruciales; toutefois, beaucoup de questions de recherche ne se prêtent pas à l'observation à distance. Les études sur la gestation, la mise bas et le développement des baleineaux à petite échelle nécessitent une observation étroite et constante qui n'est possible qu'en milieu zoologique.

La vérification d'hypothèses qu'il faut faire dans le domaine cognitif et les domaines touchant la perception et la physiologie suppose de pouvoir mettre les animaux en situation plus ou moins difficile en appliquant des facteurs de contrôle, de cohérence et de répétition, ce qu'il est impossible de faire en milieu naturel.

Au Canada, nous avons la chance d'avoir d'excellents avis sur le sujet des animaux utilisés en recherche. Le Conseil canadien de protection des animaux, le CCPA, est l'organisme national de révision par les pairs chargé d'élaborer et de mettre à jour les normes d'éthique sur le traitement et la protection des animaux, et d'en surveiller l'application.

Le CCPA est respecté et reconnu internationalement par des instances telles que l'Organisation de coopération et de développement économiques — l'OCDE — pour ses lignes directrices et l'accréditation des installations. Outre ses lignes directrices sur le soin et l'utilisation des animaux dans l'enseignement, le CCPA a publié le document intitulé Lignes directrices du CCPA sur : le soin et l'utilisation des mammifères marins.

La préface de ce document résume le principal défi que l'on doit relever par rapport à la garde des mammifères marins dans des établissements, à savoir :

Les préoccupations à l'égard du maintien en captivité des mammifères marins ont trait à la capacité des établissements d'assurer une qualité de vie acceptable des animaux sous leur responsabilité. La qualité de vie d'un animal a été décrite comme étant une interaction entre trois éléments, soit le fonctionnement biologique, l'état affectif et le mode de vie naturel [...] ces trois éléments devraient être pris en compte en ce qui a trait aux installations et aux procédures d'élevage afin de créer un environnement avantageux pour la qualité de vie des mammifères marins gardés dans des établissements.

En d'autres termes, chers collègues, c'est à la qualité de vie qu'il faut s'attacher.

La Dre Jennifer Keyte, vétérinaire et directrice du service des soins aux animaux à l'Université Memorial de St. John's, dans ma province natale, a plus de 15 ans en médecine des animaux de laboratoire, domaine qui s'intéresse aux soins et à l'utilisation des animaux à des fins de recherche et de test. La Dre Keyte fait valoir quatre grands facteurs en ce qui concerne la capture et la garde des cétacés :

Premièrement, peu importe l'angle adopté, l'utilisation des baleines et des dauphins pour l'éducation et la recherche soulève la controverse, même si les animaux en captivité sont souvent bien soignés, nourris et traités et vivent plus longtemps que s'ils étaient en liberté.

Deuxièmement, si on appuie l'utilisation des animaux, il faut accorder la prépondérance à leur bien-être.

Troisièmement, il faut également assurer la préservation des habitats naturels, les efforts de conservation et la recherche sur les animaux en liberté afin de compenser les coûts et les bénéfices que l'on retire de la captivité de gros animaux sauvages.

Quatrièmement, on ne doit pas oublier les avantages que représentent l'éducation et la participation du public.

Chers collègues, le point de vue préconisant l'interdiction de la mise en captivité des cétacés s'accompagne d'une charge émotive qu'il est essentiel de pondérer avec l'importance de la recherche, de l'éducation et de la formation.

Je sais personnellement de quoi je parle. J'ai été adjoint au chef de la direction de l'Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, l'organisme fédéral de réglementation des activités d'exploration et d'exploitation pétrolière extracôtière.

L'office était souvent appelé à évaluer des demandes de travaux sismiques devant avoir lieu durant la phase de prospection de projets d'exploitation pétrolière menés en mer. Les essais sismiques consistent à déclencher des explosions sous-marines ciblées et à mesurer la rétroaction acoustique qu'elles provoquent. Sans l'ensemble des connaissances dont nous disposons sur les communications entre mammifères marins et leurs caractéristiques acoustiques, il aurait été impossible de tirer des conclusions éclairées par rapport aux lieux et au caractère saisonnier des essais sismiques. Je précise que nos efforts n'étaient pas axés sur l'exploitation pétrolière, mais sur la vie marine.

Honorables sénateurs, le projet de loi à l'étude vise à interdire la mise en captivité de cétacés, ce qui ne serait pas judicieux, selon moi, étant donné les importants travaux de recherche, l'enseignement et la formation qu'elle permet. Compte tenu des lois actuelles et de l'existence des lignes directrices sur le soin et l'utilisation des mammifères marins élaborées par le Conseil canadien de protection des animaux, j'estime que ce serait une erreur d'adopter le projet de loi S-203. Je n'appuierai donc pas le projet de loi S-203 et je presse tous les sénateurs de faire de même.

Des voix : Bravo!

L'honorable Wilfred P. Moore : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Wells : Je le ferai.

Le sénateur Moore : J'ai écouté votre allocution avec intérêt, sénateur. Je suis étonné qu'il ait fallu 15 ou 16 mois pour en arriver là, mais je suis heureux que vous soyez intervenu.

Je suis d'accord avec vos commentaires au sujet de campagnes de désinformation comme celles de Brigitte Bardot et des McCartney. Personne n'a appuyé ces campagnes.

Je ne crois pas que quiconque dans cette enceinte puisse être d'avis que mes interventions étaient teintées d'émotion. Elles étaient fondées sur des faits. Je suis heureux de vous entendre dire que tout dépend des connaissances scientifiques. Voilà la clé.

Dans mon intervention, je n'ai fait aucun commentaire voulant dire que l'établissement que vous avez mentionné n'est pas en mesure de mener des recherches scientifiques.

Je me demande comment vous expliquez votre affirmation selon laquelle mon projet de loi empêcherait d'appuyer la recherche. Je ne comprends pas.

Le sénateur Wells : Je vous remercie, sénateur Moore, de votre question.

Je ne parlais pas de votre projet de loi et je n'ai pas voulu dire que vous cherchiez à accentuer les émotions à cet égard. Beaucoup d'autres voix y arrivent très bien.

J'ai discuté à Vancouver avec l'un des chercheurs que j'ai mentionnés. J'ai également discuté avec la Dre Keyte, à Terre-Neuve-et-Labrador. Beaucoup de travaux de recherche avec les cétacés ne peuvent être effectués dans le milieu naturel. On n'y retrouve tout simplement pas les contrôles dont sont dotés les postes de travail ou les laboratoires nous permettant d'effectuer les tests et de contrôler les variables nécessaires pour les tests.

C'est de cela que je parlais, et c'est logique. C'est pourquoi il existe des installations dotées de ces contrôles, notamment les aquariums, qui permettent aux scientifiques de faire leur travail, un travail qui ne peut pas toujours être fait dans le milieu naturel.

Le sénateur Moore : En ce qui concerne les travaux de recherche sur les mammifères se trouvant déjà dans les installations et aussi les animaux rescapés qu'on y amène pour traitement et qui ne peuvent pas retourner dans leur milieu naturel, j'ai recommandé que l'on puisse garder ces animaux. Sommes-nous en désaccord sur ce point?

Le sénateur Wells : Nous le sommes, sénateur Moore. Votre affirmation présuppose, ou suppose, que toute la recherche effectuée jusqu'à maintenant est celle qui sera utile plus tard, de sorte que tout travail futur sera éliminé par le projet de loi.

(1550)

En outre, les baleines ou les dauphins amenés à un centre parce qu'ils sont blessés ne conviendraient pas nécessairement pour le genre d'analyses réalisées s'ils arrivent blessés. Je ne sais pas s'ils feraient de bons spécimens pour ce genre de recherche.

Le sénateur Moore : J'ai été rassuré de vous entendre dire que la qualité de vie doit primer. Je vous fais observer que la qualité de vie des cétacés est dans la nature, dans l'océan, où ils sont censés être, pas dans un bassin. N'en convenez-vous pas?

Le sénateur Wells : Merci, sénateur Moore. Normalement, je serais d'accord avec vous là-dessus. Cependant, nous sommes nombreux à avoir des animaux de compagnie. Faut-il croire que nos petits compagnons n'ont pas une belle vie dans nos maisons ou dans nos jardins et qu'ils devraient être laissés dans la nature? En outre, un grand nombre de cétacés vivant en captivité sont nés en captivité. Ils ne connaissent pas la nature qui, selon vous, devrait être leur place.

L'honorable Donald Neil Plett : Accepteriez-nous de répondre à une autre question?

Le sénateur Wells : Oui, je vais répondre à une autre question.

Le sénateur Plett : Je vais poser une question, mais je ne parlerai ni pour ni contre le projet de loi.

Je l'ai fait, sénateur Moore, et je le ferai encore à l'étape de la troisième lecture, mais je ne le ferai pas aujourd'hui.

Comme vous l'avez dit au début, vous parliez du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois. Je lis l'article qui porte sur la peine :

Quiconque commet une infraction visée aux paragraphes (2) ou (4) est coupable :

a) soit d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans;

b) soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et passible d'une amende maximale de 10 000 $ et d'un emprisonnement maximal de dix-huit mois, ou de l'une de ces peines.

On parle d'un « acte criminel ».

Comme vous le savez, et comme nous l'avons souligné, il s'agit de créer une nouvelle infraction au Code criminel. Des questions ont été soulevées quant à la constitutionnalité de ces dispositions. Compte tenu du risque de contestation constitutionnelle, je dirais que ces modifications au Code criminelles sont considérables. Le parrain du projet de loi a proposé que le projet de loi soit renvoyé au Comité des pêches ou au Comité des affaires sociales.

Compte tenu de ce que je viens de mentionner, ne croyez-vous pas que le seul comité qui devrait se pencher sur des dispositions du Code criminel qui pourraient être contestées sur le plan constitutionnel est le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles?

Le sénateur Moore : J'invoque le Règlement, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : Voulez-vous répondre à la question?

Le sénateur Wells : Oui, si j'ai le temps, je serais ravi de répondre à d'autres questions pendant les cinq minutes dont je dispose.

Son Honneur le Président : Le sénateur Moore invoque le Règlement.

Le sénateur Moore : Votre Honneur, l'honorable sénateur n'est pas sans savoir que j'ai décidé de retirer les dispositions concernant le Code criminel. Il en est conscient, tout comme son leader. Sa question n'est donc pas du tout pertinente.

Son Honneur le Président : Sénateur Plett, voulez-vous répondre?

Le sénateur Plett : Absolument. Lundi, le sénateur Moore m'a dit qu'il allait me montrer le texte sur lequel il travaille. Or, nous sommes jeudi, et je n'ai toujours pas le texte.

À ce que je sache, nous sommes en train de débattre du projet de loi dont nous sommes saisis actuellement, qui vise à modifier le Code criminel. Lorsque nous serons saisis d'un projet de loi qui ne vise pas à modifier le Code criminel, alors nos arguments, y compris celui que le sénateur Wells vient de présenter, ne seront plus pertinents.

Pour l'instant, nous étudions le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel.

Le sénateur Tkachuk : Il nous faut un nouveau projet de loi.

Son Honneur le Président : La question relève du débat, sénateur Moore. Ce n'est pas un recours au Règlement.

Sénateur Wells, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question du sénateur Plett?

Le sénateur Wells : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Le consentement n'est pas accordé. La question demeure ajournée au nom du sénateur Tannas.

(Sur la motion du sénateur Tannas, le débat est ajourné.)

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Nancy Ruth, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

L'honorable Claudette Tardif : Honorables sénateurs, je demande le consentement pour que, après que j'aurai pris la parole, l'ajournement demeure au nom de la sénatrice McCoy.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Français]

La sénatrice Tardif : Honorables sénateurs, je suis très heureuse de parler du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national.

J'aimerais d'abord exprimer la très grande estime que je porte envers la personne qui a parrainé ce projet de loi à l'autre endroit, feu l'honorable Mauril Bélanger, un homme courageux qui nous a tous inspirés au cours de la dernière année. Mauril croyait fermement à l'abandon de la distinction de genre dans la version anglaise de notre hymne national. J'admire sa passion et son engagement envers cette cause et à l'égard de tant d'autres dossiers auxquels il aura contribué pendant sa fructueuse et trop courte carrière.

[Traduction]

J'aimerais également reconnaître les efforts de notre collègue, la sénatrice Nancy Ruth, qui a travaillé inlassablement pendant des années pour modifier la version anglaise de notre hymne national afin de la rendre plus inclusive.

Ceux qui appuient le projet de loi C-210 soutiennent qu'il faut modifier deux mots de notre hymne national, « thy sons », car ils ne sont pas inclusifs. En effet, il y a une omission évidente : les femmes, qui représentent un peu plus de la moitié, 52 p. 100 pour être exact, de la population canadienne.

Honorables sénateurs, la version anglaise actuelle de l'hymne national a déjà été modifiée au moins une fois. En fait, la version originale était neutre quant au genre, tout comme la version française qui, elle, l'est toujours.

À l'origine, l'Ô Canada était un chant en français, tiré d'un poème en français. Il a été interprété pour la première fois à Québec, en 1880, à l'occasion de la Saint-Jean-Baptiste. Dès le départ, ses paroles incluaient les femmes, car elles ne comportaient pas de distinction de genre.

[Français]

Ô Canada! Terre de nos aïeux,
Ton front est ceint de fleurons glorieux!
Car ton bras sait porter l'épée,
Il sait porter la croix! [...].

[Traduction]

La version anglaise de 1908 se lisait ainsi à l'origine : « true patriot love, thou dost in us command ». C'est en 1913 que la version anglaise a été modifiée pour remplacer « thou dost in us command » par « in all thy sons command ».

La modification que propose le projet de loi C-210 n'en est pas vraiment une, car il s'agit plutôt d'un retour au sens original de ce passage de l'hymne. Il se trouve que la formulation proposée est non sexiste et représente le Canada du XXIe siècle, car elle reconnaît la diversité d'origine de la population canadienne. Elle rend également la version anglaise comparable à la version française.

[Français]

Aujourd'hui, en 2016, si nous devions écrire un hymne national, il est certain que nous éviterions la distinction de genre. À mon avis, la question de savoir s'il serait préférable d'écrire « all of us command » plutôt que « all thy sons command » ne se poserait pas.

Notre hymne national anglais a été écrit il y a plus d'une centaine d'années, puis a été modifié un peu plus tard, peut-être pour faire référence aux jeunes hommes envoyés au front lors de la Première Guerre mondiale. Je reconnais que notre hymne national raconte non seulement notre histoire collective, mais aussi son propre récit, alors que, pour les vétérans et leurs familles, c'est un poème qui les touche personnellement.

Cela étant dit, je crois que les mots ont un sens, et l'expression « thy sons » fait clairement une distinction de genre. Ce sont donc deux mots qui ne sont plus adéquats en 2016.

(1600)

Nous avons, depuis, modernisé notre façon de penser et d'écrire justement pour rendre notre langue plus inclusive. Les mœurs évoluent. Ici, au Parlement, notre façon de voir les choses change elle aussi avec le temps. Des changements législatifs que nous avons défaits ou même refusés de considérer il y a 50, 30 ou même 10 ans sont aujourd'hui des choses faites et acceptées. Nous n'avons qu'à nous rappeler le récent projet de loi sur l'aide médicale à mourir. Dans cette optique, je crois que le changement proposé par le projet de loi C-210 est tout à fait à propos.

[Traduction]

Je crois que la plupart des parlementaires et des Canadiens conviendraient que notre société devrait être le plus inclusive possible. C'est ce que j'entends non seulement à Ottawa, mais aussi en Alberta et ailleurs au Canada, et la plupart des gens, je pense, conviendraient que cela devrait se refléter dans notre hymne national. Chanter l'hymne national n'est pas qu'un geste patriotique. C'est une façon de parler de notre passé, de notre présent et de notre avenir. C'est l'expression de notre identité canadienne.

Le fait est que nous, Canadiens, n'en avons pas fait assez pour souligner la contribution des femmes à notre société jusqu'à un passé récent, y compris des femmes qui avaient beaucoup de talent et de leadership et dont la contribution au Canada est inestimable. Pour citer Mauril Bélanger :

À la veille de célébrer le 150e anniversaire de notre fédération, il est important que l'un de nos symboles nationaux les plus connus et appréciés de la population canadienne reflète les progrès réalisés sous notre union en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.

Notre hymne national, composé il y a un siècle, en est un exemple. Souligner la contribution à notre bien-être de la moitié des Canadiens seulement était peut-être accepté il y a 100 ans, mais nous sommes au XXIe siècle et notre hymne national devrait mieux refléter ce que nous sommes aujourd'hui et ce que nous aspirons à devenir comme Canadiens.

Honorables sénateurs, je ne pense pas que cette petite modification à notre hymne national enlève quoi que ce soit à notre histoire commune ou à la perception que nous avons de notre identité. Au contraire, j'estime que ce changement va les renforcer.

Honorables sénateurs, je suis donc tout à fait d'accord pour que notre hymne national soit modifié comme le propose le projet de loi C-210.

L'honorable Michael L. MacDonald : L'honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Tardif : Bien sûr.

Le sénateur MacDonald : La sénatrice a dit que le changement qu'on veut apporter à l'hymne national n'en changera pas la signification, mais évidemment, « all thy sons command » a une valeur possessive en anglais. Si on faisait le changement pour rendre ce passage neutre, le caractère possessif demeurerait. Le passage modifié ne devrait-il pas plutôt être « in all of our command », au lieu de ce qui est proposé?

La sénatrice Tardif : Je suis désolée, sénateur, mais pourriez-vous expliquer la différence?

Le sénateur MacDonald : En anglais, « in all thy sons command » a une valeur possessive. Si on modifie l'hymne pour le rendre neutre, devrait-on plutôt dire « in all of our command » au lieu du changement proposé?

La sénatrice Tardif : Je vous remercie de la question, sénateur. Je crois que l'essentiel est que l'hymne national soit neutre.

Le sénateur MacDonald : Peut-être, mais ce n'est pas grammaticalement correct. C'est ce que j'essaie de dire. Le pronom doit être possessif, mais vous voulez enlever ce caractère possessif. Ce n'est pas du bon anglais. « In all of us command » n'est pas une bonne structure anglaise.

La sénatrice Tardif : Sénateur, je crois que, si vous êtes d'accord avec l'esprit du changement, nous pourrons nous pencher sur l'aspect grammatical de la chose au comité.

Le sénateur MacDonald : J'ai une autre question. La version originale de l'hymne national, une version que j'adore, est truffée de références directes au christianisme typiques du XIXe siècle. Il est question du catholicisme, pas de doute possible. Je suis catholique. Les mots sont clairs. En quoi les références à la croix et toutes les autres références au christianisme présentes dans la version française sont-elles inclusives?

La sénatrice Tardif : Merci. Je ne suis pas certaine de comprendre la nuance à laquelle vous faites allusion. Je ne vois pas comment la version française ou la version anglaise modifiée en remplaçant « all thy sons command » par « in all of us command » porte atteinte à notre patriotisme ou à nos valeurs fondamentales, qu'elles soient chrétiennes ou autres.

Le sénateur MacDonald : Je répète, sénatrice, que mon intervention n'a rien à voir avec les valeurs. Je parle de grammaire anglaise. En anglais, il est incorrect de dire « in all of us command ». Il faudrait plutôt dire « all of our command ». N'êtes-vous pas d'accord?

La sénatrice Tardif : Je crois que ce sera au comité de trancher, sénateur.

L'honorable David M. Wells : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Tardif : Bien sûr.

Le sénateur Wells : Je comprends très certainement l'intention derrière le projet de loi. Je m'explique mal, toutefois, pourquoi il s'arrête à la première strophe. Le mot « sons » se trouve aussi plus loin. Il y est aussi question de « gentle maidens rising ». Pourquoi, selon vous, a-t-on préféré ne rien changer au reste de l'hymne national?

La sénatrice Tardif : Je ne vois « gentle maidens » nulle part dans le texte que j'ai ici.

Le sénateur Wells : Je ne vous le chanterai pas, mais je vous en ferai plutôt la lecture. Je peux aussi le chanter, si vous préférez.

O Canada! Beneath thy shining skies
May stalwart sons and gentle maidens rise.

La sénatrice Tardif : Eh bien, sénateur, si vous croyez vous aussi que nous devrions rendre l'hymne national plus inclusif, je crois que nous devrions demander au comité de se pencher aussi sur ce vers.

L'honorable Joan Fraser : J'aimerais revenir sur ce que disait le sénateur MacDonald, sénatrice Tardif. Certains de mes collègues à la mémoire particulièrement longue se souviendront sans doute que j'ai quelques réserves au sujet du changement proposé. Si l'objectif est de moderniser l'hymne national afin qu'il reflète mieux la société canadienne, comment peut-on trouver acceptable un hymne qui dit...

[Français]

Car ton bras sait porter l'épée,
Il sait porter la croix!
[...]
Et ta valeur, de foi trempée, [...]

[Traduction]

De très nombreux Canadiens ne sont pas chrétiens, encore moins catholiques. Ces vers devraient donc être aussi choquants à leurs oreilles qu'une expression aussi innocente que « thy sons ». Pourquoi nous attaquons-nous seulement à la version anglaise? Si nous devons changer régulièrement l'hymne national pour qu'il soit toujours à l'image de la société, nous devrions aller jusqu'au bout de la démarche, non?

La sénatrice Tardif : Je vous remercie, sénatrice, de vos commentaires et de votre question. Je respecte certainement votre avis. Je dirais que les Canadiens continuent de remettre en question leurs principes et leurs symboles. Je me rappelle, lorsque nous discutions de changements à apporter au drapeau du Canada, à quel point nous étions opposés à l'adoption du drapeau arborant une feuille d'érable. Aujourd'hui, nous aimons notre drapeau.

Je dis qu'il est naturel de remettre en question nos principes et nos symboles, mais, à ce moment-ci, je crois qu'il est important d'apporter ce changement mineur. Si nous souhaitons apporter d'autres changements, nous pourrons certainement y réfléchir, mais, pour le moment, il n'est question que de ce changement particulier, qui ferait en sorte que notre hymne soit plus inclusif, qu'il puisse inclure pas seulement certains d'entre nous, mais nous tous.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Sénatrice Tardif, accepteriez-vous de répondre à une autre question?

La sénatrice Tardif : Oui.

La sénatrice Dyck : J'aimerais revenir sur le point soulevé par le sénateur MacDonald. En gros, il a déclaré que la version anglaise dit « true patriot love in all thy sons command ». Puis, il a dit que « sons » était un pronom possessif.

(1610)

Êtes-vous d'accord pour affirmer que, en fait, si l'on change l'ordre des paroles, l'hymne national dit « true patriot love command in all thy sons »? Par conséquent, « sons » est en fait un nom, plutôt qu'un pronom possessif. Êtes-vous d'accord avec cela?

La sénatrice Tardif : Vous soulevez un point très intéressant, madame la sénatrice.

[Français]

L'honorable Pierrette Ringuette : La sénatrice Tardif accepterait-elle de répondre à une autre question?

La sénatrice Tardif : Bien sûr.

La sénatrice Ringuette : J'ai beaucoup apprécié vos commentaires, sénatrice Tardif. Toutefois, en tant que Chambre de seconde réflexion, n'est-il pas de mise, lorsqu'on étudie un projet de loi, de s'assurer que ce qui est écrit en français est reflété en anglais, et que ce qui est écrit en anglais est reflété en français? Dans la version française de l'hymne national, on ne parle pas de filles ni de garçons. L'un de nos rôles principaux ne serait-il pas de faire en sorte que notre hymne national reflète aussi une concordance quant aux langues?

[Traduction]

Son Honneur le Président : J'ai le regret d'informer l'honorable sénatrice que son temps de parole est écoulé. Demande-t-elle plus de temps pour répondre à cette question?

La sénatrice Tardif : Oui, pour répondre à cette question.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Français]

La sénatrice Tardif : Merci, sénatrice Ringuette. Vous savez très bien que, lorsqu'il s'agit de traduction, on ne fait pas du mot à mot, mais qu'il faut chercher la concordance du sens. La version française est neutre en ce qui concerne le genre, mais ce n'est pas le cas dans la version anglaise.

La sénatrice Ringuette : Merci.

(Sur la motion de la sénatrice McCoy, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Modernisation du Sénat

Cinquième rapport du comité spécial—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l'étude du cinquième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant (Caucus), présenté au Sénat le 4 octobre 2016.

L'honorable Elaine McCoy propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j'aimerais parler des recommandations 7 et 8 du rapport du Comité sur la modernisation, qui visent à faire entrer le Sénat dans le XXIe siècle. Je vais commencer à la page 23 du rapport, où il est question d'un sondage pancanadien réalisé à ma demande par Nik Nanos en avril dernier. Dans ce sondage, il a demandé aux Canadiens s'ils souhaitaient ou non que les sénateurs se joignent au caucus d'un parti politique.

Une forte majorité, en fait trois sur quatre, pensent que les sénateurs devraient être moins partisans. Ils disent aussi que nous devrions être plus indépendants et voter sans nous aligner sur la position du caucus d'un parti.

Il s'agit d'une énorme majorité, et c'est la population qui parle. Nous avons joint un résumé du sondage en annexe au rapport. Nous croyons que la position adoptée par les Canadiens est révélatrice.

Or, comme vous le savez, nos règles actuelles, aussi bien nos règles de procédure, qu'on appelle le Règlement du Sénat, que nos règles administratives, qu'on appelle le Règlement administratif du Sénat, mettent essentiellement l'accent sur deux partis politiques. Elles sont organisées de telle sorte que tout se passe en fonction ce que j'appellerai une oligarchie, deux partis politiques, parce que ce sont ces partis que nous représentions au Sénat.

À bien des égards, cela fonctionnait très bien. Pendant des années, cela a bien fonctionné, mais, comme je l'ai dit dans une autre intervention, il y a un mois ou deux, ce système a donné lieu à une structure particulièrement propice à un usage abusif du pouvoir, parce qu'un parti est majoritaire et l'autre, minoritaire, et que le parti minoritaire s'attend à être majoritaire à un moment donné — à brève échéance, espère-t-il —, de sorte qu'il s'installe une dynamique fondée sur une entente : si vous faites ceci maintenant, j'en profiterai plus tard.

Nous sommes nombreux à nous être prononcés — certains en cette enceinte, notamment vous, sénatrice Bellemare — en faveur de la présence d'un troisième groupe, parce que nous estimions qu'un troisième groupe élargirait la discussion et entraînerait une augmentation des débats et des échanges entre nous, ce qui aurait un effet dissuasif bénéfique et pertinent eu égard à la tyrannie de la majorité.

Je dois dire — comme je l'ai déjà dit et comme je le dirai encore — que je n'ai rien personnellement contre les caucus politiques, mais je ne crois pas que, en ayant seulement deux caucus dans une assemblée de la taille du Sénat, nous sommes en mesure d'examiner les projets de loi et de tenir des débats avec autant d'acuité que nous pourrions le faire en ayant au moins trois groupes, peut-être quatre comme c'est le cas à l'heure actuelle. Nos perspectives seraient plus larges, et nous serions fidèles au destin historique que George Étienne Cartier nous a tracé. Le Sénat n'existerait pas si, au moment où l'Ontario, c'est-à-dire les anglophones, voulait annihiler les francophones au Québec, Cartier n'avait pas réagi en disant : « Attendez un instant. Nous voulons bien créer le Canada, mais il faudra que trois groupes y coexistent, qu'ils soient égaux et qu'ils soient représentés au Sénat. » Alors, le Sénat est le compromis qui a permis l'existence de la Confédération.

À bien des égards, nous sommes en train de retourner à nos racines. Nous adhérons à la sagesse qui veut qu'il y ait trois groupes, ce qui est une sorte de contrepartie à la tyrannie de la majorité.

Alors, à quoi servent les recommandations 7 et 8? Elles portent essentiellement sur les détails. Il s'agit des outils dont les sénateurs ont besoin pour s'acquitter de leurs obligations constitutionnelles de manière efficace, et il en est ainsi parce que beaucoup de règles renvoient aux concepts de « caucus », de « parti reconnu », de « leader d'un parti reconnu » ou de « leader d'un autre parti reconnu ». La liste est très longue.

Nous nous sommes dit en premier qu'il serait simple et direct, en fait de mesure, d'accorder à tous les sénateurs, qu'ils appartiennent ou non à un caucus politique, toute la place nécessaire pour maximiser leur participation aux travaux du Sénat et pour qu'ils s'acquittent pleinement des fonctions que leur confère la Constitution. Nous pourrions y arriver simplement en changeant la définition du mot « caucus » de manière à inclure non seulement les partis politiques, mais aussi les groupes de sénateurs souhaitant s'associer dans le cadre des travaux parlementaires. Comme vous pouvez le constater, nous avons défini le terme.

(1620)

Nous avons aussi songé à remplacer le terme « leader d'un parti reconnu » par le terme « leader ou coordonnateur d'un caucus », ce qui permettrait d'inclure un groupe parlementaire qui n'est pas un parti politique, un caucus ou un parti reconnu et d'accorder une certaine marge de manœuvre. Ensuite, nous avons déterminé que chaque groupe de cette nature devrait avoir un porte-parole afin de respecter nos procédures habituelles en ce qui concerne l'organisation et la structure des débats et d'assurer ainsi le bon déroulement des travaux du Sénat et des comités.

Je dois dire que, d'ici à ce que ces détails soient réglés, nous formons un groupe organisé. Nous formons un groupe de sénateurs indépendants, et nous sommes organisés. Bon nombre d'entre vous auront remarqué que nous tenons des réunions et que nous avons déjà un caucus, justement pour respecter la structure des débats et des travaux que nous menons dans cette enceinte.

Pour le moment, bien qu'il y ait eu une évolution et que nous soyons très heureux de faire partie de certains comités et d'être invités à participer aux travaux — nous vous en sommes très reconnaissants — et à prendre de plus en plus part aux discussions, nous avons quand même l'impression que nous essayons de nous qualifier pour le Tour de France. Nous faisons partie du Sénat, et vous avez l'amabilité de nous inclure progressivement dans vos activités, mais nous nous sentons comme si nos bicyclettes étaient encore retenues aux douanes alors que vous avez déjà enfourché les vôtres. Ces recommandations viseraient donc à nous rendre nos bicyclettes afin que nous puissions au moins commencer à pédaler.

Je dirai que cela ne répond pas à toutes les questions. Cela ne nous donne pas une égalité complète à tous les niveaux et dans chaque petit détail, mais nous ne pensons pas que vous puissiez tout faire d'un coup. Quand on s'est penché sur toute la gamme des choses à faire, nous avons pensé qu'il fallait commencer par celles qui sont les plus importantes. Permettez-moi de vous en signaler quelques-unes.

Par exemple, le choix des porte-parole et des parrains. Par définition, ces simples amendements permettront d'apporter 27 correctifs au Règlement du Sénat et au Règlement administratif du Sénat. L'un d'entre eux serait de s'entendre sur une motion pour l'attribution du temps consacré aux projets de loi du gouvernement. C'est de ces détails dont je veux parler. Voici un autre exemple : le fait de siéger d'office à des comités, comme d'autres groupes le font, pour assurer une représentation de tous les partis.

Cependant, je dirais que c'est dans la participation aux comités que notre responsabilité est la plus restreinte. En dépit des deux membres qui siègent maintenant à tous les comités permanents et spéciaux, le Règlement nous empêche expressément de remplacer un sénateur indépendant, alors qu'il permet au leader du gouvernement, au leader de l'opposition et au leader de n'importe quel autre parti reconnu de changer les membres de leur caucus. Pour tous les autres, il n'y a pas d'autre mécanisme que le Comité de sélection ou la présentation d'une motion au Sénat, ce qui est bien trop compliqué.

Depuis que les travaux ont repris après les élections, c'est-à-dire depuis environ six ou sept mois — nous sommes à la fin octobre —, il y a déjà eu 500 substitutions de membres dans les comités. Nous avons agi. Dans la mesure du possible, nous envoyons quelqu'un à notre place, mais comme ce n'est pas officiel, cette personne ne peut ni voter ni présenter des motions.

Il s'agit là d'une grave limitation de notre capacité de participer pleinement. Oubliez la proportionnalité. Compte tenu du nombre limité de places que nous avons au sein des comités, nous ne pouvons assumer le plein fardeau de notre responsabilité, notre devoir envers les Canadiens et nos fonctions constitutionnelles. C'est ce genre de détails que les recommandations 7 et 8 régleraient, ce qui nous rapprocherait de la pleine intégration des nouveaux sénateurs.

D'ailleurs, je dois reconnaître la nouvelle que nous avons apprise aujourd'hui, c'est-à-dire que neuf autres sénateurs ont été nommés. Bien entendu, nous les accueillons avec enthousiasme et les félicitons. Leurs biographies semblent extraordinaires. Nous bénéficierons donc tous de leur présence, qu'ils se joignent à un caucus politique ou au groupe de sénateurs indépendants ou qu'ils souhaitent siéger à titre strictement indépendant. Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, s'ils sont nommés à un comité, personne ne pourra les remplacer lorsqu'ils sont malades ou partis pour des raisons professionnelles dans leur circonscription. C'est vraiment pour ce genre de limitation que nous présentons une suggestion très pratique qui permettrait de discuter d'autres choses de manière plus exhaustive.

Cela relève tellement du détail, mais c'est notre capacité même de remplir nos fonctions qui est en jeu. Voilà pourquoi nous avons demandé le retour de cette mesure au plus tard le 30 novembre.

Bien que nous soyons 15 membres au sein du comité et que plusieurs autres aient participé et fréquemment assisté aux séances, nous nous sommes entendus tous les 15 sur ces recommandations et avons reconnu que quelqu'un d'autre doit les étudier avec toute la diligence requise. Bien sûr, l'étude des recommandations concernant le Règlement du Sénat sera faite par le Comité du Règlement et celle des recommandations modifiant le Règlement administratif du Sénat sera faite par le Comité de la régie interne. Ainsi, nous envoyons nos recommandations à ces deux comités et leurs demandons de prescrire les modifications peaufinées au plus tard le 30 novembre.

C'est aujourd'hui le 27 octobre. Je regarde la sénatrice Fraser, qui préside le Comité du Règlement, et le sénateur Housakos, qui était ici il y a une minute, et le sénateur Wells, qui siège au comité directeur du Comité de la régie interne, et je vous dis que je crois que nous avons fait un assez bon travail, de sorte que, si l'on transmet le dossier à votre personnel et au personnel des comités, puis que l'on tient une réunion à cet égard, nous pourrons revenir là-dessus et régler les détails rapidement avant de poursuivre le débat sur toutes les autres questions qui n'ont pas encore été réglées relativement à l'avenir à long terme du Sénat. C'est l'élément pratique qui nous permettra d'aller de l'avant.

Je tiens à préciser toutefois que je ne crois pas que ce que nous avons proposé dans le rapport sur les amendements soit tout à fait exact et je ne croyais pas que vous seriez d'accord. Je constate que la sénatrice Fraser secoue la tête. J'étais certaine que vous trouveriez au moins un point à peaufiner, parce que vous excellez dans ce domaine. Je crois cependant que si les employés chargés des analyses, votre comité, vous et le sénateur White examinez cela, nous arriverons à un dénouement rapide.

Puis-je avoir plus de temps?

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice McCoy : Donc, ce que nous demandons, c'est de procéder de façon pragmatique, ce qui, nous le croyons, nous permettra de faire un pas de plus et nous donnera de l'espace. Il y a d'autres questions plus importantes, sénatrice Frum. Je sais que nous avons eu ces discussions au Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. Il y a certaines questions importantes qui sont à plus long terme, et je crois que nous devons prendre le temps de bâtir un consensus là-dessus. Je crois que nous méritons aussi d'avoir du temps à y consacrer et que nous devons donner aux nouveaux sénateurs qui arrivent du temps pour participer aux discussions, et je suis tout à fait d'accord avec tout cela. Nous ne pouvons cependant pas rester là, sur le bas-côté, à nous demander si le train va partir sans nous.

(1630)

Nous voulons seulement trouver sans plus tarder une solution pratique à toute cette question. Merci.

Son Honneur le Président : Souhaitez-vous poser une question, sénateur Joyal?

L'honorable Serge Joyal : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice McCoy : Oui.

Le sénateur Joyal : Je vous remercie pour votre exposé, sénatrice McCoy. Je vous ai écoutée très attentivement, et l'objectif que vous poursuivez, à savoir permettre aux sénateurs non affiliés et indépendants non seulement de participer aux travaux des comités, mais aussi de se faire remplacer par un autre membre de leur groupe, me semble aussi rationnel que raisonnable.

Vous nous avez demandé d'être pragmatiques et de faire les ajustements nécessaires pour que notre institution reflète mieux sa composition.

Je suis d'accord avec l'approche pragmatique. Je vous renvoie, si vous le voulez bien, à la motion no 43 du Feuilleton, qui mise sur le pragmatisme pour régler le problème que pose la composition du Comité sur les conflits d'intérêts, qui ne s'est pas encore réuni depuis le début de la législature, même s'il constitue un moyen efficace de maintenir l'éthique dans nos rangs. C'est notamment par pragmatisme qu'on a essayé de faire un compromis et d'offrir un cinquième siège à un membre du groupe des indépendants, afin de régler le problème et de montrer que toutes les parties sont déterminées à faire avancer les choses de la manière dont le veut le Sénat.

La sénatrice McCoy : Je vous remercie de votre question. Comme le sait pertinemment le vice-président du Comité sur la modernisation du Sénat, nous n'avons toujours pas réglé la question du troisième pilier. Nous devons concilier trois règlements différents : les règles de procédure du Sénat, qui délimitent ce que nous pouvons dire et faire dans les comités; le Règlement administratif du Sénat, qui encadre le déroulement de nos travaux; et le Code régissant l'éthique et les conflits d'intérêts, qui vise lui aussi à aider les sénateurs à respecter les normes comportementales les plus élevées qui soient.

Il est bon que les trois concordent. Il y a pas mal de disparités, mais des examens intensifs sont actuellement en cours, surtout pour le Règlement administratif du Sénat, pour que les trois forment un tout.

Pour ce qui est de la question que vous soulevez, elle s'inscrit davantage dans la recommandation 21, qui concerne la proportionnalité, dont le sénateur Eggleton et d'autres ont parlé avec éloquence. Lorsque j'ai proposé l'amendement — était-ce en mars ou en février?

Puis-je finir de répondre?

Des voix : D'accord.

La sénatrice McCoy : La motion que vous avez présentée, sénatrice Fraser, avec l'appui du sénateur Joyal, en février ou mars, demandait que ce comité se compose de cinq personnes : trois conservateurs et deux libéraux. J'ai pris la parole à ce moment-là et j'ai dit, comme aujourd'hui, que cette représentation n'était pas proportionnelle et que, au sein de ce comité très important, qui devrait être formé sans tarder, nous devrions avoir quelqu'un pour représenter les indépendants.

J'ai présenté l'amendement qui disait que nous aurons deux conservateurs, deux libéraux et un indépendant, et cette représentation était alors assez proportionnelle.

Nous avons accueilli par la suite sept nouveaux sénateurs et d'autres ont quitté les caucus politiques. Dans le contexte actuel, la proportionnalité à ce comité de cinq membres, le Comité sur l'éthique et les conflits d'intérêts, ne correspondrait pas à deux conservateurs, deux libéraux et un indépendant, autant que je sache.

Il y a eu des discussions et nous attendons un compromis, plus particulièrement du caucus conservateur, pour aller de l'avant. Ce n'est pas encore réglé.

Il y a d'autres suggestions dont on parle, la motion no 60, par exemple, qui est une proposition à plus long terme, la motion no 43 portant essentiellement sur un ordre sessionnel.

Les discussions sont en cours. Elles sont courtoises, mais elles s'éternisent. Je suis certainement d'accord avec vous sur ce que vous avez laissé entendre, je pense, à savoir que nous devrions en arriver très bientôt à une entente.

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)

Règlement, procédure et droits du Parlement

Motion tendant à autoriser le comité à examiner, afin d'en faire rapport, la composition des comités—Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Wallace appuyée par l'honorable sénatrice McCoy,

Que le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, dès que le comité sera formé, le cas échéant, soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, les pratiques du Sénat et les dispositions du Règlement du Sénat relatives aux comités, notamment les pratiques et dispositions concernant les sénateurs qui sont membres des comités, afin d'évaluer si tous les sénateurs :

a) sont, dans les faits, traités également et de façon juste et équitable, peu importe qu'ils siègent à titre de membres du gouvernement, à titre de membres de l'opposition, à titre de membres de partis reconnus ou à titre de sénateurs indépendants;

b) ont les mêmes possibilités raisonnables de contribuer pleinement, par leur travail en comité et le fait d'être membres des comités, au rôle de cette Chambre en tant qu'assemblée législative complémentaire chargée de porter un second regard objectif et de participer à ce rôle, tous les sénateurs pouvant ainsi remplir adéquatement les rôles et responsabilités qui leur sont conférés par la Constitution;

Que, ce faisant, le Comité du Règlement porte une attention particulière aux éléments suivants :

a) le processus de sélection des membres du comité de sélection, afin que tous les sénateurs puissent être pris en considération aux fins de la composition de ce comité et afin que les intérêts de tous les sénateurs, peu importe qu'ils siègent à titre de membres du gouvernement, à titre de membres de l'opposition, à titre de membres de partis reconnus ou à titre de sénateurs indépendants, soient représentés au sein de ce comité;

b) le processus suivi par le Comité de sélection pour recommander les membres devant composer les autres comités;

Que le Comité du Règlement tienne aussi compte de l'augmentation prévue du nombre de sénateurs qui ne seront membres d'aucun parti reconnu et des répercussions de cette nouvelle réalité, y compris pendant la session en cours;

Que le Comité du Règlement, sur la base de son examen, recommande les modifications à apporter au Règlement et les rajustements à apporter aux pratiques du Sénat;

Que le Comité du Règlement présente son rapport final au Sénat au plus tard le 31 mars 2016.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Enverga,

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu'elle soit modifiée par remplacement du paragraphe :

« Que le Comité du Règlement tienne aussi compte de l'augmentation prévue du nombre de sénateurs qui ne seront membres d'aucun parti reconnu et des répercussions de cette nouvelle réalité, y compris pendant la session en cours; »

par ce qui suit :

« Que le Comité du Règlement tienne aussi compte de l'augmentation prévue du nombre de sénateurs qui ne seront membres d'aucun parti reconnu afin qu'ils puissent former un groupe de sénateurs indépendants bénéficiant des ressources et des droits prévus pour un parti reconnu en vertu du Règlement du Sénat; ».

L'honorable Yonah Martin (leader suppléante de l'opposition) : Honorables sénateurs, je vois que nous en sommes au 14e jour. Comme je ne suis pas encore prête à intervenir sur cette motion, je propose l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à autoriser une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété) par proclamation de Son Excellence le gouverneur général—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Patterson, appuyée par l'honorable sénateur Runciman,

Attendu :

que le Sénat défend les intérêts de groupes souvent sous-représentés au Parlement, tels les Autochtones, les minorités visibles et les femmes;

que le point 3 de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit qu'une personne doit, pour être nommée au Sénat et y conserver son siège, posséder des terres d'une valeur nette minimale de quatre mille dollars situées dans la province pour laquelle elle est nommée;

qu'il se peut que des circonstances personnelles ou le marché immobilier d'une région donnée empêchent une personne de posséder la propriété requise;

que chacun devrait être admissible à une nomination au Sénat, indépendamment de la valeur nette de ses biens immobiliers;

que la qualification en matière de propriété immobilière n'est pas conforme aux valeurs démocratiques de la société canadienne moderne et qu'elle ne constitue plus une garantie adéquate ou valable de l'aptitude d'une personne à siéger au Sénat;

que chacun des vingt-quatre sénateurs du Québec est nommé pour un collège électoral donné et doit remplir la qualification en matière de propriété immobilière dans ce collège électoral ou y résider;

que les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée;

que la Cour suprême du Canada a déclaré que l'abrogation complète du point 3 de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant la qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière requiert une résolution de l'Assemblée nationale du Québec conformément à l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982,

Le Sénat a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA

1. (1) Le point 3 de l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 est abrogé.

(2) L'article 23 de la même loi est modifié par remplacement du point-virgule à la fin du point 5 par un point et par abrogation du point 6.

2. La Déclaration des qualifications exigées figurant à la cinquième annexe de la même loi est remplacée par ce qui suit :

Je, A.B., déclare et atteste que j'ai les qualifications exigées par la loi pour être nommé membre du Sénat du Canada.

3. Titre de la présente modification : « Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière) ».

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, cette motion représente la deuxième moitié de l'ensemble des propositions dont j'ai longuement parlé plus tôt aujourd'hui. Je pourrais répéter tout ce que j'ai dit, mais je crois qu'il est déjà tard, et ceux qui désirent s'informer sur cette motion pourront relire le compte rendu des débats.

L'honorable Ghislain Maltais : Je voulais demander l'ajournement du débat à mon nom, car cette motion concerne la province de Québec. Malheureusement, je crois qu'il est déjà trop tard. Monsieur le Président, j'aurais aimé m'adresser à vous plus tôt, mais j'en ai été empêché, car plusieurs intervenants voulaient prendre la parole.

J'aurais voulu avoir une directive de votre part. Il est ici question d'un amendement constitutionnel sérieux. La question que j'ai posée à la sénatrice Fraser est une question qui est très importante pour le Québec. Ne serait-il pas possible, à l'avenir, lorsqu'une province est concernée à ce point, que les sénateurs de ladite province soient mis au courant de ce qui a été fait?

Nous avons dû constater, subitement, qu'un projet de loi sénatorial s'est retrouvé à l'Assemblée nationale du Québec, alors que les sénateurs québécois n'étaient même pas au courant. C'est inacceptable. À l'avenir, j'aimerais recevoir une directive de votre part sur cette question, monsieur le Président. Je vous remercie.

(Sur la motion du sénateur Maltais, le débat est ajourné.)

(1640)

Banques et commerce

Motion tendant à autoriser le comité à étudier le rendement des exportations—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Day,

Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, dès que le comité sera formé, le cas échéant, soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, la performance des exportations du Canada par rapport aux meilleures pratiques internationales afin de formuler des recommandations pour améliorer la performance actuelle du Canada en matière d'exportations, qui selon l'OCDE, est la pire en 30 ans;

Que le comité fasse un rapport préliminaire au Sénat sur la situation actuelle des exportations canadiennes au plus tard le 14 avril 2016;

Que le comité fasse un rapport final au Sénat sur la mise en place d'une politique intégrée de tous les partenaires visant l'amélioration des exportations canadiennes avec tous les pays, particulièrement ceux avec qui le Canada a un accord de libre-échange, et ce, au plus tard le 16 décembre 2016.

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je voudrais vous parler aujourd'hui de la motion proposée par la sénatrice Hervieux-Payette, qui a pris sa retraite récemment.

Cette motion vise à demander au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce d'entreprendre une étude sur les exportations canadiennes. Je signale au passage que le Canada accuse en ce moment son pire bilan au chapitre de la reprise des exportations depuis la Grande Crise des années 1930.

Certains sénateurs font valoir qu'une telle étude ne relève pas du mandat du comité. Certes, on peut se cacher derrière un mandat, mais les mandats sont faits pour être respectés lorsqu'ils sont pertinents. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a réalisé quantité d'études qui dépassaient le cadre de son mandat lorsque les circonstances l'imposaient. Certaines de ces études ont porté sur la productivité et la retraite, mais aussi sur le commerce. Je vous invite à consulter le site web du comité pour en savoir plus. Cependant, il reste que ces études ont été faites lorsqu'on l'a jugé pertinent.

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce vient tout juste de compléter une étude sur le commerce intérieur, et il est tout à fait légitime que ce comité entreprenne une étude sur le commerce extérieur, c'est-à-dire sur la situation de nos exportations.

Aujourd'hui, la barrière entre notre économie nationale et les marchés mondiaux a disparu, mais nous maintenons au Sénat des barrières qui n'ont pas lieu d'être. L'année dernière, il y a eu deux études sur le commerce au Sénat, l'une réalisée par le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, et l'autre pour le compte du bureau de la sénatrice Hervieux-Payette par un économiste de l'Organisation mondiale du commerce.

Je vous encourage à lire les deux études et à vous demander laquelle traite le mieux de la capacité du Canada à faire face à la concurrence mondiale. L'étude faite par l'économiste est plus efficace que celle du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, parce qu'elle explique bien l'incapacité de l'économie canadienne à tirer son épingle du jeu sur les marchés mondiaux. Cette étude révèle que bien des pays qui réussissent mieux que le Canada ne font plus de séparation entre le commerce extérieur et le commerce intérieur.

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international n'étudiait-il pas la question pertinente de la lenteur de la croissance des exportations en se rendant en Argentine? L'Argentine a été en défaut de paiement de plusieurs milliards de dollars durant 15 ans sur les marchés mondiaux. Selon le magazine The Economist, le pays avait présenté à la communauté internationale des données faussées sur l'inflation. Il se trouve que 0,05 p. 100 des exportations du Canada sont destinées au marché argentin.

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international n'est pas le seul comité à s'intéresser au commerce, et il ne devrait pas l'être non plus. Les Canadiens ont besoin, maintenant, d'une étude sur les perspectives d'exportation. Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, comme son nom l'indique d'ailleurs, a pour mandat d'évaluer l'activité commerciale du Canada. Pourquoi devrait-il se restreindre à l'activité nationale?

Si vous appuyez cette étude, vous vous prononcez en faveur d'un Sénat pertinent, capable de relever au mieux les défis actuels. Au lieu de parler du mandat, parlons de la réalité à laquelle sont confrontés les Canadiens sur les marchés mondiaux.

Les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce ont pu entendre le gouverneur de la Banque du Canada, Stephen Poloz, au sujet du marasme des exportations. Deux raisons expliquent l'état actuel des choses. La première tient au fait qu'il y a eu, récemment, une flambée des prix des matières premières qui est maintenant terminée. Le baril de pétrole se vend toujours sous la barre des 50 $, selon l'indice West Texas, et le cours des autres produits de base, comme le fer et le cuir, a également chuté. Nous sommes à la fin d'un cycle. Il n'y en aura probablement pas d'autre avant un certain temps.

[Traduction]

Beaucoup d'économistes travaillant pour les banques sont d'avis que la baisse des cours des matières premières devrait entraîner un regain de vie du secteur secondaire. Or, depuis deux ans, la production du secteur secondaire au Canada est décevante.

Pourquoi? Eh bien, notre excédent commercial avec les États-Unis est en train de diminuer. Il est au même niveau qu'en 1993, il y a 23 ans. Notre balance commerciale a atteint un déficit record de 3 milliards de dollars. Cette situation se produit au moment où de nombreux experts prévoyaient une embellie. C'est qu'une augmentation de la valeur du dollar américain est normalement un coup de pouce pour les pays qui ont un accord de libre-échange avec les États-Unis. Au début des années 1990, seulement deux pays avaient un tel accord, soit le Canada et le Mexique. Aujourd'hui, la liste dépasse 20 pays, donc notre accès semi-exclusif au marché étatsunien a pris fin.

Honorables sénateurs, 95 p. 100 des exportations des provinces de l'Atlantique sont destinées aux États-Unis. Si ces provinces n'obtiennent pas un accès à d'autres marchés, la situation ne fera qu'empirer.

M. Poloz a informé le Comité des banques, cette semaine, que les exportations avaient légèrement diminué au cours des six derniers mois, tandis que les Mexicains ont augmenté leurs exportations aux États-Unis. Notre part du marché des États-Unis a rétréci, ce qui signifie que la tarte est plus grosse, mais que nous en avons une pointe plus petite.

Chers collègues, le problème est plus profond que beaucoup veulent bien le laisser entendre. Le nombre de PME qui exportent a diminué de 15 p. 100 au Canada, au cours des 10 dernières années. Le plus gros de cette diminution est attribuable au secteur secondaire, dont l'importance dans l'ensemble de l'économie a également diminué. Malgré la rhétorique populaire, le Canada a une économie de services, ce qui veut dire que les services constituent plus de 70 p. 100 de la production totale et des emplois du pays.

Le Comité des affaires étrangères a-t-il réalisé une étude sur les possibilités de tirer parti d'une économie de services pour être concurrentiel sur le marché mondial actuel? Non. Pourtant, il faudrait le faire. D'autres pays, comme le Royaume-Uni et l'Allemagne, ont dépensé énormément d'argent, de temps et d'énergie pour que leur économie et leurs citoyens puissent être concurrentiels dans l'économie mondiale.

Pour ma part, je crois que le moment est maintenant venu d'examiner sérieusement les réussites d'autres économies et de s'inspirer de leurs stratégies lorsqu'il est approprié de le faire. Le commerce se joue sur un échiquier mondial, c'est pourquoi nous ne devrions pas nous limiter exclusivement à une solution canadienne.

Dans l'ensemble, la stratégie actuelle du Canada n'a pas permis de fournir une recette du succès commune et fonctionnelle, surtout dans la région du Canada atlantique.

(1650)

Existe-t-il de meilleurs moyens de favoriser les exportations des PME? C'est ce que la Banque du développement du Canada et Exportation et développement Canada cherchent constamment à savoir.

Comparons leurs résultats, qui sont présentés dans leurs rapports annuels respectifs, à ceux d'Ebay. En 2013, Ebay a réalisé une étude sur les PME utilisant son site web et ses logiciels qui a révélé que 95 p. 100 des membres d'Ebay exportaient leurs produits et services partout dans le monde.

Cette étude a donné lieu à des enquêtes, à des recherches et à des discussions menées par les Nations Unies et l'Organisation mondiale du commerce, qui appellent pour leur part à la création d'un « réseau de responsabilisation mondiale », alors que notre pays n'a encore pris aucune mesure en la matière.

Chers collègues, le Canada n'est pas seul aux prises avec des difficultés liées au commerce mondial. Nous avons surtout besoin d'une étude pour évaluer si les structures et les stratégies sur lesquelles nous nous sommes appuyés par le passé sont à la hauteur de la situation. Si ce n'est pas le cas, nous devons être prêts à préconiser tous les changements d'orientation possibles, sans crainte des intérêts en jeu, que ces intérêts soient dans le secteur privé ou dans notre propre administration publique.

Nous ne voulons pas nous contenter de nous asseoir avec des économistes du secteur privé, de la fonction publique et des groupes de réflexion sur les politiques, puis de résumer les échanges. Non. Nous voulons nous attaquer de front à une question qui revêt une grande importance en nous mobilisant et en abordant les problèmes d'aujourd'hui et, surtout, en proposant de nouvelles idées.

Je vais parler maintenant de ces nouvelles idées, puisqu'il semble que notre pays ait choisi d'appliquer les solutions du XXe siècle pour résoudre les problèmes du XXIe siècle.

Nous devons contester le statu quo et nous tourner vers une nouvelle génération d'experts. Nous devons sortir de l'ornière dans laquelle nous nous trouvons pour créer de nouveaux scénarios, de nouveaux cadres et de nouveaux réseaux qui nous permettront d'aller véritablement de l'avant.

Je crois de plus en plus que, si notre économie commence à créer des emplois pour les jeunes Canadiens, ce sera fort probablement une économie dynamisée par les politiques élaborées par ces mêmes jeunes Canadiens.

Je ne veux pas d'une étude des affaires étrangères limitée uniquement aux témoignages de hauts fonctionnaires qui proposent de vieilles solutions inefficaces aujourd'hui. Je suis convaincue que, dans une certaine mesure, leurs idées, jamais mises en doute, sont la cause de l'échec de notre politique commerciale de la dernière décennie.

Je veux entendre de jeunes Canadiens et Canadiennes qui sont parvenus à tirer leur épingle du jeu dans des situations délicates, car je crois que nous serons surpris de ce qu'ils ont à nous dire. Je veux que le Sénat engage un dialogue avec des Canadiens de tous les âges sur une question qui définira notre économie pour les décennies à venir, cette question étant notre participation à l'économie mondiale.

Chers collègues, je récapitule les raisons pour lesquelles le Comité des banques et du commerce doit entreprendre cette étude.

La première raison, qui est aussi la plus simple, c'est qu'il s'agit d'une question pertinente, puisqu'elle se rapporte à la situation commerciale actuelle, et que le Sénat du Canada se doit d'être une institution pertinente, capable d'aborder des questions difficiles du mieux qu'il peut. Nous ne serons pas pertinents si nous maintenons une séparation non pertinente entre la responsabilité du comité, qui est chargé de se pencher sur les questions de commerce, et la question des échanges commerciaux internationaux. Il est peut-être temps de revoir le nom et le mandat de nos comités.

La deuxième raison, c'est qu'il faut examiner en profondeur la cause de la situation actuelle, soit notre piètre bilan au chapitre des exportations en raison de la concurrence étrangère et d'une nouvelle économie de services. Nous devons donner une idée de la façon dont le pays devrait avancer au cours du processus difficile par lequel d'autres pays sont passés.

Puis-je avoir cinq minutes? Ce sera plus que suffisant.

[Français]

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : Ce processus doit tenir compte des pratiques exemplaires à l'échelle internationale, comme l'a fait le bureau de la sénatrice Hervieux-Payette.

Enfin, j'aimerais entendre des personnes qui ont obtenu du succès depuis la récession de 2009. Les réussites de demain ne seront pas comme celles du passé. Il ne faudrait donc pas se limiter à entendre les témoignages des héros du passé. Si nous voulons avoir du succès, il faut écouter ceux qui en ont aujourd'hui.

[Français]

Honorables sénateurs, ne voyez pas cette étude comme une autre étude quelconque, mais comme un appel à l'action, un défi lancé par une sénatrice qui savait dans quelles circonstances agir et qui n'a jamais eu peur de relever un défi. En rejetant cette étude, nous ne ferions que nous camper sur nos positions et défendre les procédures bureaucratiques, les divisions inutiles et les solutions inefficaces. Par contre, en appuyant cette étude, nous pourrions montrer que cette Chambre est une institution capable d'entreprendre un travail rigoureux et nécessaire lorsque l'exige une situation à laquelle sont confrontés tous les Canadiens.

En conclusion, je demande que l'on pose sans plus tarder la question aux sénateurs pour qu'ils puissent exprimer leur soutien à l'endroit de cette étude.

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : L'honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : Oui.

L'honorable Elaine McCoy : J'aimerais que le débat soit ajourné au nom de la sénatrice Wallin, mais j'ai aussi une question.

[Français]

La sénatrice Bellemare : La sénatrice Ringuette pourrait-elle nous expliquer pourquoi elle ne propose pas un amendement à cette motion? La date inscrite à cette motion est le 14 avril 2016. Ne devrait-il pas y avoir un amendement à cette motion pour reporter le délai? Pour l'instant, cette date est périmée.

La sénatrice Ringuette : Je remercie la sénatrice Bellemare de sa suggestion. Cela ne fait que mettre en évidence le retard et la lenteur avec laquelle la Chambre répond aux questions d'importance nationale.

Depuis près d'un mois, on entend dire que, si les sénateurs décident d'administrer le Sénat en régions, on n'entendra parler que de questions régionales. On propose de mener une étude pan-nationale pour faire en sorte que nos entreprises, notre économie, notre population et, surtout, nos jeunes puissent avoir de l'espoir et de nouvelles stratégies pour assurer leur avenir. Or, cette Chambre n'ose même pas s'avancer en faveur d'une telle étude, qui est vraiment très nécessaire.

Oui, la date devrait être corrigée. Toutefois, dans ce cas, j'aimerais que la date soit le 1er novembre 2016, afin que l'on arrête de tourner en rond. Il faut que l'on devienne une Chambre efficace et qu'on aille de l'avant.

Je vous remercie, sénatrice Bellemare, d'avoir soulevé cette question, car vous avez renforcé mes sentiments.

[Traduction]

La sénatrice McCoy : Je l'avais également remarqué, mais j'avais aussi une autre question.

(1700)

Je dirai tout d'abord que c'est pour moi un sujet extrêmement important, compte tenu surtout de l'évolution des marchés mondiaux. Le Comité des banques vient de publier une étude sur les bitcoins et d'autres nouvelles formes de commerce. Je sais que l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, travaille fort pour faire de la Banque d'Angleterre un leader dans ce secteur, et je sais aussi que le gouverneur actuel de la Banque du Canada travaille lui aussi très dur dans l'espoir, je pense, de battre son homologue sur son propre terrain. Toute cette discussion découle de notre volonté de multiplier les modes d'exportation, car nous exportons non seulement nos marchandises, mais aussi notre expertise.

Avez-vous l'intention de traiter de cette question dans votre étude?

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette, demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Ringuette : Oui, si la Chambre y consent.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Ringuette : Absolument, car tout cela fait partie de l'enjeu global sur lequel devront se pencher toutes les PME, qu'elles produisent des marchandises ou qu'elles produisent des services, et elles devront le faire non pas en parcelles, mais de façon très générale.

Je suis profondément convaincue que cette étude doit être menée de façon approfondie et je pense que le Sénat est l'endroit idéal pour la mener et proposer des solutions aux administrations, aux niveaux provincial, municipal ou fédéral. Je pense que nous pouvons proposer une bonne stratégie pour l'avenir de la jeunesse.

Puis-je également mentionner que l'ancienne sénatrice Hervieux-Payette avait proposé un élément de cette étude au Comité des banques et que quelques membres l'avaient refusé? Je pense que c'était pour des raisons partisanes, ce qui est totalement inacceptable. Une bonne idée, de quelque sénateur qu'elle vienne, reste une bonne idée et devrait pouvoir être proposée.

(Sur la motion de la sénatrice McCoy, au nom de la sénatrice Wallin, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Programme de contestation judiciaire

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Chaput, attirant l'attention du Sénat sur le Programme d'appui aux droits linguistiques, l'importance d'assurer un financement public pour des recours en justice visant une société juste et équitable et l'urgence pour le gouvernement fédéral de rétablir le Programme de contestation judiciaire.

L'honorable Ghislain Maltais : Monsieur le Président, compte tenu de l'heure, ne parler que quelques secondes sur la motion de la sénatrice Chaput serait lui faire injure. Je demande donc l'ajournement à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Maltais, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Sénat

Motion invitant le gouvernement à marquer le 150e anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative représentant l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur—Ajournement du débat

L'honorable Serge Joyal, conformément au préavis donné le 10 mars 2016, propose :

Que le Sénat invite le gouvernement du Canada à marquer le 150e anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative qui en plus des symboles canadiens contiendra une représentation de l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur;

Que cette médaille soit distribuée entre autres aux personnes qui depuis les 50 dernières années ont contribué de façon significative à l'amélioration de la condition de vie de tous les Canadiennes et Canadiens.

— Honorables sénateurs, l'objet de la motion a trait à une recommandation tirée du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, la recommandation 68. La motion propose une initiative qui vise à souligner le 150e anniversaire de la Confédération et l'apport inestimable des peuples autochtones.

Honorables sénateurs, j'aimerais continuer de faire valoir mes arguments à l'appui de cette motion lorsque notre collègue, qui présidait la commission, sera présent. Par conséquent, je demande que le reste de mon intervention soit reporté à une date ultérieure, lorsque l'occasion se présentera.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Autorisation au comité de déposer auprès du greffier du Sénat le rapport sur la question de la démence dans notre société durant l'ajournement du Sénat

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie, conformément au préavis donné le 25 octobre 2016, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport sur la question de la démence dans notre société durant la période allant du 10 novembre au 17 novembre 2016, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

— Honorables sénateurs, la présente motion demande à ce que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à publier prochainement son rapport sur la démence, conformément au nouveau processus mis en place par la Direction générale des communications. Le processus serait exactement le même que celui qui a été suivi dans le cas de notre rapport sur l'obésité, qui a été très bien reçu.

L'honorable Pierrette Ringuette : Sénateur Ogilvie, accepteriez-vous de répondre à quelques questions?

Le sénateur Ogilvie : Oui.

La sénatrice Ringuette : Merci.

Demandez-vous également le consentement de fournir une copie de ces rapports sous embargo? J'ai vu une note de service de la Direction des communications du Sénat adressée aux présidents et vice-présidents des comités indiquant que des copies sous embargo des rapports doivent être remises aux médias avant que ces rapports ne soient mis à la disposition des sénateurs comme il se doit.

Le sénateur Ogilvie : Je crois comprendre que notre intention est de fournir une copie au Sénat au moment même où se tiendra la conférence de presse pour discuter avec les journalistes de la nature de notre rapport, et qu'aucune copie ne leur serait fournie avant la conférence de presse.

La sénatrice Ringuette : Le Sénat ne siège pas cette semaine-là, mais il reprendra ses travaux la semaine suivante, alors quelle est l'urgence? Pourquoi ne pas attendre jusqu'à ce que les sénateurs soient ici et en mesure d'accéder au rapport de la manière conventionnelle? Je suis désolée, mais même si je conviens que, par le passé, les compétences en communication du Sénat pouvaient laisser à désirer, il n'en demeure pas moins que la communication du travail que nous faisons ne doit pas porter atteinte au privilège parlementaire des sénateurs.

Par conséquent, je m'adresse à vous, sénateur Ogilvie, puisque vous présidez ce comité très important qui présentera ce rapport très important, et je vous demande de tenir compte de ce que je dis. Nous sommes en train de nous engager sur une pente savonneuse, et je trouve que c'est dangereux. Il semble que le nombre de rapports déposés dans la semaine augmente sans cesse. Ce serait normal s'il s'agissait d'un rapport déposé à la fin de juillet ou au début du mois d'août, après que le comité eût travaillé en juillet, pendant une longue pause dans les travaux du Sénat. Cependant, ce n'est pas le cas. Je vous demande de bien vouloir réfléchir à l'idée que nous ne devrions pas établir un précédent selon lequel les communications du Sénat se feraient aux dépens de nos privilèges de sénateur et sans égard à la somme considérable de travail accompli par votre comité. Merci.

Le sénateur Ogilvie : Merci, madame la sénatrice. C'est un point extrêmement important. J'espère que la date choisie sera le 15 novembre, un mardi où le Sénat siégera. Nous pourrions simplement faire l'annonce le matin pour obtenir la couverture médiatique espérée et présenter le rapport en même temps au Sénat.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 1er novembre 2016, à 14 heures.)

 
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