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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 68

Le mardi 1er novembre 2016
L'honorable George J. Furey, Président

 

LE SÉNAT

Le mardi 1er novembre 2016

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Hommage aux anciens combattants

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, en novembre, nous rendons hommage aux courageux hommes et femmes qui ont servi dans l'armée canadienne et qui se sont sacrifiés pour défendre nos valeurs, nos droits et nos libertés, et nous nous souvenons d'eux.

Depuis cinq ans, je suis l'hôte d'une cérémonie visant à rendre hommage aux anciens combattants canadiens, en particulier ceux d'origine africaine, et à souligner leur contribution tout au long de notre histoire. Cette année, je suis emballé à l'idée de lancer une nouvelle initiative destinée à encourager les Canadiens à redonner aux anciens combattants d'une manière concrète.

La campagne nationale « Find a Vet. Thank a Vet. Lest We Forget » invite tous les Canadiens à tendre la main aux anciens combattants dans leur collectivité et à passer à l'action de manière à améliorer concrètement leur sort.

Nous souhaitons que les Canadiens se mobilisent avec leurs amis et les membres de leur famille afin de se rendre dans les légions, de se sensibiliser à l'histoire militaire de leur pays et de la faire connaître, de parler avec un ancien combattant, de le remercier en personne et de lui rendre service, comme tondre la pelouse, ratisser les feuilles, lui couper les cheveux, aller faire ses courses ou l'emmener au restaurant. Tout geste de bonté envers un ancien combattant compte pour une participation.

Il existe de nombreuses façons de témoigner de la reconnaissance aux anciens combattants, de leur tendre la main et de leur faire savoir à quel point nous nous soucions de leur bien-être. En tant que fier sénateur canadien de race noire, je suis heureux de constater que nous allons souligner le 100e anniversaire du 2e Bataillon de construction du Corps expéditionnaire canadien, la seule unité canadienne composée exclusivement de Noirs, qui a servi de 1916 à 1920.

Tout au long du mois, je vous ferai part de faits et de renseignements sur ce groupe composé d'hommes et de femmes héroïques, qui se sont sacrifiés et qui ont défendu le Canada avec honneur et fierté à une époque où ils faisaient l'objet de discrimination.

Ce mois-ci, j'invite tous les sénateurs à se joindre à nous pour faire de la campagne nationale « Find a Vet. Thank a Vet. Lest We Forget » un moyen véritablement national et efficace de redonner à nos anciens combattants.

Veuillez faire part de votre expérience sur les médias sociaux en utilisant les mots-clics #ourvetsmatter et #blackvetsmatter.

Je suis impatient de voir la gentillesse qu'exprimera la Chambre à l'endroit de nos héros.

Trouvez un ancien combattant. Remerciez-le. N'oublions jamais.

La réserve écologique de Mistaken Point

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, le 17 juillet, le Comité du patrimoine mondial de l'UNESCO a désigné la réserve écologique de Mistaken Point, à Terre-Neuve-et-Labrador, site du patrimoine mondial.

Située à l'extrémité sud-est de la péninsule d'Avalon, à Terre-Neuve-et-Labrador, Mistaken Point est une bande étroite de 17 kilomètres de long formée de falaises côtières accidentées originaires des fonds marins. La réserve est importante parce qu'elle protège une série de rochers sédimentaires contenant la plus ancienne accumulation connue de grands fossiles au monde, lesquels illustrent l'apparition d'organismes de grande taille, biologiquement complexes, il y a de cela de 620 millions à 543 millions d'années.

Les citoyens de Terre-Neuve-et-Labrador connaissent depuis longtemps les fleurs imprégnées sur les rochers pointus de Mistaken Point. Toutefois, ce n'est qu'en 1967 que la valeur scientifique du site a été reconnue, lorsqu'un étudiant du deuxième cycle de l'Université Memorial a découvert de nombreux fossiles inhabituels sur des surfaces rocheuses exposées le long de la côte sud de la péninsule d'Avalon, à Terre-Neuve.

En 1984, la réserve écologique de Mistaken Point a été créée en tant que réserve transitoire et, en 1987, elle a été désignée de façon permanente par le gouvernement provincial afin de protéger les principaux emplacements de fossiles du secteur.

En 2004, la réserve a officiellement été ajoutée à la liste tentative du Canada de sites du patrimoine mondial et, en 2006, il était largement reconnu que Mistaken Point révèle ce qui s'est produit lorsque les océans de la Terre regorgeaient de nombreuses créatures particulières.

Honorables sénateurs, Mistaken Point est un lieu semblable à beaucoup d'autres lieux de Terre-Neuve-et-Labrador. Il y a souvent du brouillard qui perdure à cet endroit et on y trouve des cours d'eau qui coulent vers le sud ainsi que plusieurs colonies d'oiseaux marins. Si Mistaken Point a été appelé ainsi, c'est parce que, il y a longtemps, dans le brouillard, des marins ont cru que la pointe qu'ils apercevaient était celle du cap Race. Ils se sont donc dirigés vers le nord et s'attendaient à se retrouver dans le port du cap Race, mais au lieu de cela, ils ont heurté des roches. C'est une erreur qui aurait pu être désastreuse, car de nombreux navires ont sombré dans cette région.

Les fossiles de Mistaken Point sont uniques, car ils sont formés d'organismes différents de tout animal vivant connu. Ces fossiles, qui datent d'environ 565 millions d'années, ont été protégés parce qu'ils étaient couverts de plusieurs couches de cendres volcaniques. Ces organismes vivaient au fond d'un océan très profond, beaucoup plus en fait que la hauteur des vagues ou la profondeur à laquelle la lumière se rend. Mistaken Point est le vestige d'une époque où la Terre a subi des changements très importants, qui ont donné naissance au monde plus familier dans lequel nous vivons aujourd'hui.

Mistaken Point est maintenant devenu un site du patrimoine mondial, ce qui nous fait prendre davantage conscience de l'importance de la conservation. Il existe plus de 1 000 sites du patrimoine mondial aux quatre coins du globe, et on en compte maintenant 18 au Canada. Mistaken Point est le quatrième site du patrimoine mondial de Terre-Neuve-et-Labrador, les trois autres étant le parc national Gros Morne, le lieu historique national de l'Anse aux Meadows et la Station baleinière basque de Red Bay. Les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador étaient très heureux d'apprendre que Mistaken Point a été désigné site du patrimoine mondial.

Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi pour souligner le fait que l'UNESCO a désigné la réserve écologique de Mistaken Point comme étant le quatrième site du patrimoine mondial de ma province.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Josie Richard et de Louis-Marie Richard, qui viennent de Bouctouche, au Nouveau-Brunswick.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L'Île-du-Prince-Édouard

Le référendum sur le mode de scrutin

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a décidé d'organiser un référendum sur le mode de scrutin de la province. D'une durée totale de 10 jours, cette consultation populaire bat actuellement son plein. Tous les habitants de l'île ont reçu un code d'identification personnel leur permettant de voter en ligne ou par téléphone. Il va sans dire qu'ils peuvent aussi préférer la bonne vieille méthode traditionnelle et se rendre à un bureau de scrutin. Le gouvernement a également décidé d'autoriser les jeunes de 16 et de 17 ans à voter, puisque le résultat aura des conséquences sur eux aussi.

Les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard doivent classer, en ordre de préférence, les cinq options qui leur sont offertes. La première option est le scrutin majoritaire uninominal à un tour classique, que nous connaissons déjà.

Vient ensuite le scrutin majoritaire uninominal à un tour, mais auquel s'ajouteraient les chefs de tous les partis politiques ayant obtenu au moins 10 p. 100 des votes dans l'ensemble de l'île. Leur présence donnerait une perspective différente aux travaux de l'assemblée, en plus de laisser une modeste place à la notion de proportionnalité. Les habitants de la province ne voteraient pas directement pour les chefs en question, et ces derniers ne se présenteraient dans aucune circonscription. Le nombre de sièges changerait donc d'une législature à l'autre selon le nombre de chefs ayant franchi le seuil de 10 p. 10 du suffrage populaire.

La représentation proportionnelle binominale constitue la troisième option. Dans chaque circonscription, les électeurs feraient un seul X vis-à-vis le parti de leur choix, et les partis pourraient inscrire le nom d'un ou de deux candidats par bulletin de vote, dans l'ordre de leur choix. Le parti ayant obtenu le plus de votes remporterait le premier siège, comme pour le régime uninominal à un tour. Le second siège serait quant à lui assigné de telle sorte que la composition de l'assemblée reflèterait la répartition du vote à l'échelle de la province. La répartition de ces deuxièmes sièges serait proportionnelle au nombre de sièges libres, et ces derniers seraient assignés au candidat du parti qui a obtenu les meilleurs résultats. Si ce mode de scrutin était adopté, les électeurs de l'Île-du-Prince-Édouard seraient la plupart du temps représentés par deux députés de partis différents. Ce procédé a été élaboré exclusivement pour la province et n'existe nulle part ailleurs.

La quatrième option est la représentation proportionnelle mixte, c'est-à-dire qu'un député est élu dans chaque circonscription et qu'une série d'autres sont choisis pour l'ensemble de la province. Le bulletin de vote est alors divisé en deux. Sur la première partie du bulletin, comme dans le système uninominal majoritaire à un tour, l'électeur indique qui est son candidat préféré par une croix. Les deux tiers des députés provinciaux seraient élus de cette façon et représenteraient une circonscription. Sur la seconde partie, l'électeur indique quel est son parti préféré en votant par une croix pour un candidat dans une liste de partis. Un tiers des députés provinciaux seraient élus de cette façon. C'est le résultat de la seconde partie du bulletin qui détermine le pourcentage du vote populaire pour chaque parti.

(1410)

La dernière option, le scrutin préférentiel, est un système dans lequel les candidats sont classés par ordre de préférence et doivent recueillir plus de la moitié des suffrages pour être élus. Dans le mode de scrutin préférentiel, les électeurs classent les candidats par ordre de préférence sur leur bulletin de vote. Ils inscrivent le chiffre un vis-à-vis du premier, le chiffre deux à côté du deuxième et ainsi de suite.

Comme je l'ai dit, le scrutin a commencé et, hier soir, 7 p. 100 des habitants de l'île avaient voté en ligne ou par téléphone. Le scrutin tenu selon le mode traditionnel se déroulera en fin de semaine et il sera intéressant de connaître le taux de participation.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Frank Hiscock, anciennement de Grand Falls, à Terre-Neuve-et-Labrador, qui habite actuellement Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Il est accompagné de sa fille, Mme Faye Hiscock. Ils sont les invités de l'honorable sénateur MacDonald.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canda.

Des voix : Bravo!

[Français]

Patrick Lagacé

La surveillance policière

L'honorable André Pratte : Honorables sénateurs, hier, nous apprenions avec stupéfaction que le chroniqueur vedette du journal La Presse, Patrick Lagacé, a fait l'objet de 24 mandats de surveillance par le Service de police de la Ville de Montréal. Pendant plusieurs mois, les appels et les messages textes entrants et sortants du téléphone cellulaire du journaliste ont été scrutés. Un mandat de localisation de la puce GPS du téléphone de M. Lagacé a également été obtenu, de sorte qu'il était possible de savoir exactement où il se trouvait. Selon la police, M. Lagacé n'était pas visé directement par l'enquête policière, n'étant soupçonné d'aucun crime.

Honorables sénateurs, une telle intrusion dans la vie privée et professionnelle d'un journaliste est sans précédent récent au Canada. Il s'agit, pour reprendre les propos d'Éric Trottier, éditeur adjoint du journal La Presse, d'une « attaque en règle contre le droit du public à l'information ».

[Traduction]

Dans une démocratie comme la nôtre, la liberté de presse est absolument essentielle. Elle comprend notamment la liberté de recueillir de l'information de sources qui ont droit à la confidentialité, condition sans laquelle leur gagne-pain pourrait être menacé. Or, cette liberté est sérieusement compromise si la police a accès aux communications et aux allées et venues des journalistes.

Qui plus est, ce type de surveillance ouvre la porte à l'intimidation envers les journalistes. En fait, M. Lagacé lui-même a été victime de telles pratiques il y a deux ans.

Au cours des dernières années, les cas d'ingérence de la police dans le travail des journalistes ont augmenté au Canada. Honorables sénateurs, il est fort préoccupant de constater que, partout au pays, la police bafoue la liberté de presse et pourchasse les journalistes et leurs sources d'information. Il est encore plus troublant de constater que des magistrats accordent des mandats, en dépit des principes clairs que la Cour suprême a confirmés en ce qui concerne la protection des sources journalistiques.

[Français]

Je me réjouis du fait que, à la suite des révélations sur la surveillance policière dont Patrick Lagacé a été victime, de nombreuses personnalités politiques ont condamné cette manœuvre du Service de police de la Ville de Montréal. Cela démontre l'importance que tous attachent aux droits d'une presse libre dans notre démocratie.

Malheureusement, le directeur du Service de police de la Ville de Montréal continue de défendre la décision de son corps de police, ce qui m'apparaît inquiétant pour l'avenir.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je sais que les politiciens — dont je suis maintenant — critiquent souvent les journalistes. Mais interrogeons-nous un moment sur ce que serait notre société, notre démocratie et notre système politique si ce n'était de la liberté de presse. Imaginons ce que serait notre démocratie sans ces femmes et ces hommes animés de la détermination et du courage nécessaires pour faire enquête sur certains cas pendant des mois, en dépit des difficultés et de l'intimidation, pour découvrir une vérité qui se cache parfois sous la façade d'entreprises privées ou d'institutions publiques.

Lorsque des journalistes dénoncent des actes commis contre l'un des leurs par la police, ils ne font pas preuve de paranoïa ou d'égoïsme. Ils défendent l'intérêt public, nos intérêts. À titre de parlementaires, nous avons le devoir de les défendre.

Honorables sénateurs, je vous invite à en apprendre davantage au sujet de l'affaire Patrick Lagacé, à vous demander si les lois visant à protéger les sources journalistiques sont adéquates et, enfin, si c'est possible, à utiliser les plateformes à votre disposition pour vous élever contre la surveillance policière dont il a été la cible. Si la levée de boucliers est assez importante, nous pourrons peut-être mettre un terme à de tels gestes. Merci.

Le conflit au Darfour

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour vous parler du conflit qui perdure au Darfour, une région du Soudan. Il s'agit d'un conflit aux origines ethniques et tribales.

Le Canada est fier d'avoir toujours fait la promotion de la paix au Darfour. Pour le prouver, j'aimerais partager une anecdote personnelle que j'y ai vécue en 2003.

Le premier ministre Martin m'avait alors demandé de me rendre à Al-Fashir, au Darfour. Pendant mon séjour là-bas, j'ai visité un camp tenu par une officière des Forces canadiennes où se trouvaient surtout des femmes et des enfants ayant fui la violence. Ils y étaient démunis et affamés. Toutefois, grâce au financement du Canada, l'UNICEF a pu y construire des écoles.

Lorsque je suis arrivée à Al-Fashir dans l'avion des Nations Unies, les mères du camp m'ont entourée pour remercier notre premier ministre et les Canadiens d'assurer l'éducation de leurs enfants. On m'a dit que, même si les enfants étaient affamés et qu'ils vivaient dans des conditions difficiles, l'éducation offerte par les Canadiens leur donnait espoir en l'avenir.

Je peux dire avec fierté que, grâce à de tels gestes, le Canada a laissé une marque durable au Darfour. La paix n'y règne toujours pas, car la violence se poursuit encore à ce jour. Je l'ai constaté récemment en assistant à une conférence à Washington, D.C., organisée par le Darfur Women Action Group sous la direction de Niemat Ahmadi, qui a travaillé très fort avec des Canadiens pour faire venir 17 femmes du Darfour aux négociations sur le processus de paix en 2005.

Durant cette conférence, j'ai été abordée par des femmes du Darfour qui voulaient me parler des réalisations du Canada dans leur région, par exemple le déploiement de policières canadiennes afin d'enseigner aux agents de police locaux comment enquêter sur des viols. Elles ont parlé avec nostalgie de la façon dont le Canada avait été le partenaire des femmes du Darfour, et elles ont précisé que, désormais, elles devaient affronter la violence seules.

Ces femmes voulaient que je demande aux Canadiens de ne pas les abandonner maintenant. Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour vous demander de vous joindre à moi afin de réclamer que le Canada recommence à aider le Darfour, au Soudan. Nous lui avons apporté une aide indispensable par le passé, et nous pouvons l'aider de nouveau à un moment où il en a grandement besoin.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Dépôt du Rapport annuel sur l'immigration de 2016

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le Rapport annuel au Parlement sur l'immigration de 2016, conformément au paragraphe 94(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[Traduction]

L'étude sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie

Quatrième rapport du Comité des pêches et des océans—Dépôt de la réponse du gouvernement

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement au quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé Rapport sur l'aquaculture, déposé au Sénat le 21 juin 2016 durant la première session de la quarante-deuxième législature.

Pêches et océans

Budget—L'étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes—Présentation du cinquième rapport du comité

L'honorable Elizabeth Hubley, vice-présidente du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, présente le rapport suivant :

Le mardi 1er novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité a été autorisé par le Sénat le jeudi 14 avril 2016 à étudier, afin d'en faire rapport, les activités de recherche et de sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent.

Le budget présenté par le comité au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a été imprimé dans les Journaux du Sénat le 20 juin 2016. Le 21 juin 2016, le Sénat a approuvé un déblocage partiel de fonds de 107 588 $ au comité. Le rapport du Comité permanent de la régie interne recommandant un déblocage additionnel de fonds est annexé au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La vice-présidente,

ELIZABETH HUBLEY

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui, p. 915.)

(Sur la motion de la sénatrice Hubley, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du huitième rapport du comité

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le huitième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui porte sur les états financiers du Sénat du Canada pour l'exercice s'étant terminé le 31 mars 2016.

(1420)

[Traduction]

Dépôt du neuvième rapport du comité

L'honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le neuvième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, qui traite du Rapport annuel des associations parlementaires sur leurs activités et dépenses pour 2015-2016.

Projet de loi de 2016 pour la mise en œuvre d'une convention et d'un arrangement relatifs à la fiscalité

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) dépose le projet de loi S-4, Loi mettant en œuvre une convention et un arrangement en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et modifiant une loi relative à un accord semblable.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

L'Association parlementaire du Commonwealth

La visite bilatérale, du 7 au 14 février 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la visite bilatérale qui a eu lieu aux îles de Providentiales et de Grand Turk, aux îles Turques-et-Caïques, et à Georgetown, en Guyane, du 7 au 14 février 2016.

La Conférence parlementaire internationale sur la durabilité, l'énergie et le développement, tenue du 14 au 17 mars 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth concernant sa participation à la Conférence parlementaire internationale sur la durabilité, l'énergie et le développement, tenue à Londres, Royaume-Uni, du 14 au 17 mars 2016.

L'augmentation de la violence dans les centres urbains du Canada

Préavis d'interpellation

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, je donne avis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur l'augmentation de la violence dans les centres urbains du Canada, sur les causes de cette augmentation et sur de possibles stratégies pour s'attaquer à ce grave problème.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada

Préavis d'interpellation

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, je donne avis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada, y compris sur les conditions de vie et de travail des travailleurs et leur accès aux soins de santé.

[Français]

La sécurité des oléoducs

Préavis d'interpellation

L'honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la question de la sécurité des oléoducs au Canada et sur le projet d'édification nationale que représente la proposition Énergie Est ainsi que ses retombées pour l'économie canadienne.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 27 octobre 2016, la période des questions aura lieu à 15 h 30.

Réponses différées à des questions orales

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes : la question posée le 14 avril par la sénatrice Martin sur le corridor Broadway; la question posée le 19 avril par le sénateur Meredith sur la crise dans les réserves; la question posée le 21 avril par la sénatrice Poirier sur les prestations d'assurance-emploi; la question posée le 3 mai par le sénateur Day sur le financement de l'enquête sur les Panama Papers; la question posée le 4 mai par le sénateur Downe sur le soutien financier à la lutte contre l'évasion fiscale; la question posée le 11 mai par la sénatrice Martin sur le taux d'imposition des petites entreprises; la question posée le 3 juin par le sénateur Munson sur les relations sino-canadiennes et une demande d'excuses; la question posée le 8 juin par le sénateur Lang sur la double citoyenneté et les terroristes radicalisés; la question posée le 9 juin par la sénatrice Omidvar sur les demandes de parrainage de réfugiés; et, enfin, la question posée le 20 juin par la sénatrice Jaffer sur les réfugiés syriens.

Les transports

La Colombie-Britannique—Le corridor Broadway

(Réponse à la question posée le 14 avril 2016 par l'honorable Yonah Martin)

Dans le cadre de la Phase 1 du plan d'infrastructure de 10 ans, le ministre de l'Infrastructure et des Collectivités a approuvé un total de $49.5M de financement fédéral au titre du Nouveau Fonds pour les infrastructures de transport en commun (FITC) pour la planification et les travaux préliminaires relatifs au corridor de transport en commun Broadway y compris $11.5M pour la planification et la conception du projet Millennium Line Broadway (le projet). À ce jour, aucun plan d'affaires officiel n'a été soumis à INFC pour les projets de la première phase du prolongement du projet telle que décrite dans le site Web de Translink.

Ce projet pourrait être présenté par la province pour un examen aux fins d'un financement dans le cadre de la Phase 2 du plan d'infrastructure du gouvernement du Canada.

À l'heure actuelle, la Colombie-Britannique (C.-B.) reçoit du financement au titre de plusieurs programmes. Dans le cadre du sous-volet Projets nationaux et régionaux du volet Infrastructures provinciales-territoriales (PNR-VIPT), la C.-B. recevra $1,193,207,692. Dans le cadre du Fonds de la taxe sur l'essence, la C.-B. reçoit annuellement $265,940,736, et la majeure partie de l'allocation du district régional du Grand Vancouver au titre du Fonds de la taxe sur l'essence est destinée à TransLink. Dans le cadre du FITC, $370M des $460.49M de financement sont réservés pour des infrastructures situées dans le district régional du Grand Vancouver. Dans le cadre du PNR-VIPT, le gouvernement du Canada a annoncé $212.3M de financement pour l'usine de traitement des eaux usées Lions Gate, dans le district régional du Grand Vancouver.

Les affaires autochtones et le développement du Nord

La crise dans les réserves

(Réponse à la question posée le 19 avril 2016 par l'honorable Don Meredith)

Notre gouvernement est entièrement d'accord avec le fait que les problèmes de santé et de santé mentale touchant les communautés des Premières Nations à l'échelle du pays, y compris la communauté d'Attawapiskat, sont graves et inacceptables.

Lorsque notre gouvernement a été informé des événements tragiques qui sont survenus à Attawapiskat, il a réagi immédiatement, et a travaillé de concert avec les dirigeants des Premières Nations et les responsables de la province. Nous avons d'abord renforcé la capacité sur le terrain afin d'aider la communauté d'Attawapiskat pendant cette période difficile. À cette fin, deux conseillers en santé mentale de l'unité d'intervention d'urgence de la Nation Nishnawbe Aski ont été dépêchés sur les lieux pour appuyer les deux conseillers permanents auprès des jeunes qui sont déjà sur place. De plus, nous nous sommes engagés à verser des fonds pour l'embauche de deux travailleurs de la santé mentale additionnels permanents pour les jeunes, et d'un gestionnaire de cas.

Notre gouvernement fait le point chaque semaine avec les responsables de la province de l'Ontario pour s'assurer d'offrir les mesures de soutien nécessaires pour collaborer avec les dirigeants des Premières Nations ainsi que les partenaires fédéraux et provinciaux de manière à répondre aux besoins à moyen et à long terme. À cette fin, un cadre supérieur de Santé Canada se rend régulièrement dans la communauté pour discuter avec les dirigeants des Premières Nations et les responsables de la province afin de déterminer la meilleure façon de répondre aux besoins à moyen terme et aux besoins continus.

Pour apporter un changement réel et durable dans les communautés des Premières Nations à l'échelle du pays, il faut établir une nouvelle relation financière avec les Premières Nations en vue de garantir aux communautés autochtones un financement suffisant et soutenu. C'est pourquoi notre gouvernement a exposé des investissements historiques dans son Budget de 2016, qui prévoit notamment 8,4 milliards de dollars pour de meilleures écoles et de meilleurs logements, de l'eau plus propre, des installations culturelles et récréatives et des améliorations des postes de soins infirmiers.

En plus de ces investissements, le 13 juin 2016, et après avoir rencontré des jeunes de la Nation Nishnawbe-aski, le premier ministre, le très honorable Justin Trudeau, a annoncé un nouveau financement d'environ 69 millions de dollars, qui seront versés sur trois ans, pour appuyer la mise en œuvre de mesures immédiates qui permettront de fournir une aide et un soutien requis d'urgence alors que le gouvernement du Canada travaille avec les dirigeants autochtones, dans le contexte de l'Accord sur la santé, à élaborer un plan à long terme pour relever ces importants défis. Ces nouveaux fonds appuieront diverses mesures, notamment :

  • Quatre équipes d'intervention en cas de crise pour augmenter la capacité de réponse en cas de besoin d'intervention rapide et pour assurer la coordination en temps de crise dans des régions de l'Ontario, du Manitoba et du Nunavut où les besoins sont reconnus comme étant les plus élevés;
  • Une augmentation du nombre d'équipes de bien-être mental de 11 à 43 pour les communautés les plus à risque afin de renforcer le soutien communautaire existant;
  • Une formation destinée aux travailleurs communautaires existants pour veiller à ce que les services de soins soient fournis de façon compétente et adaptée à la culture; et,
  • L'établissement d'une ligne d'intervention en cas de crise qui est respectueuse des valeurs culturelles et ouverte 24 heures par jour.

De nouvelles mesures exigeront également un travail en étroite collaboration avec des partenaires inuits afin d'élaborer une approche communautaire en matière de prévention du suicide.

L'emploi et le développement social

Les prestations d'assurance-emploi

(Réponse à la question posée le 21 avril 2016 par l'honorable Rose-May Poirier)

Notre gouvernement a annoncé des améliorations au régime d'assurance-emploi afin de mieux l'harmoniser aux réalités actuelles du marché du travail et de l'adapter aux besoins des travailleurs et des employeurs canadiens.

Dans le cadre du budget de 2016, le gouvernement a annoncé que le délai de carence de l'assurance-emploi de deux semaines serait réduit d'une semaine dès le 1er janvier 2017.

Les prestataires de l'assurance-emploi auront droit au même nombre maximal de semaines de prestations. Puisque les prestations seront payables une semaine plus tôt, elles prendront également fin une semaine plus tôt.

Dans le cadre du budget de 2016, douze régions économiques de l'assurance-emploi ont été présentées comme étant admissibles à des prestations prolongées en raison du ralentissement au sein du secteur des produits de base. Le gouvernement du Canada s'était engagé à surveiller la situation économique à la suite du budget. Il a respecté cet engagement en annonçant l'ajout de trois régions économiques.

La prolongation permettra aux prestataires admissibles de ces 15 régions de recevoir jusqu'à cinq semaines supplémentaires de prestations s'ils sont des demandeurs de prestations régulières, et jusqu'à 20 semaines de plus s'ils sont des travailleurs de longue date. Ces prestations seront offertes pendant un an, à compter du 3 juillet 2016. Elles s'appliqueront de façon rétroactive à toute personne toujours au chômage ayant présenté une demande le 4 janvier 2015 ou après cette date.

Les finances

Le financement de l'enquête sur les Panama Papers

(Réponse à la question posée le 3 mai 2016 par l'honorable Joseph A. Day)

L'examen du programme auquel renvoie le commissaire est une évaluation générale effectuée en 2016. Le problème de financement actuel de la GRC, soulevé au cours de la dernière année, a été un facteur déterminant dans la décision du gouvernement de créer un fonds temporaire pour l'intégrité des programmes, lequel était annoncé dans le budget de 2016.

Les premiers résultats sont attendus à l'automne et le rapport final devrait être présenté au ministre à la mi-décembre 2016.

En ce qui a trait aux Panama Papers, notre gouvernement est engagé à lutter contre l'évasion fiscale et l'évitement fiscal, et à s'assurer que tous les Canadiens paient leur juste part d'impôts.

Le soutien financier à la lutte contre l'évasion fiscale

(Réponse à la question posée le 4 mai 2016 par l'honorable Percy E. Downe)

En appui au mandat du gouvernement, la ministre du Revenu national a présenté un certain nombre de propositions devant être examinées dans le cadre du budget fédéral de 2016. Ces propositions portaient sur plusieurs aspects des activités de l'Agence du revenu du Canada, notamment la prestation des services et l'observation des règles fiscales.

Pour que tous les contribuables s'acquittent de leur juste part des impôts, le financement annoncé dans le budget fédéral de 2016 en vue de sanctionner l'évasion fiscale et de lutter contre l'évitement fiscal se rapporte aux propositions qui s'harmonisent aux objectifs du gouvernement de prévenir l'évasion fiscale, d'améliorer l'observation des règles fiscales et d'optimiser les ressources des contribuables. Comme il est énoncé dans le budget fédéral, ce financement sera consacré à certaines activités telles que l'embauche de vérificateurs supplémentaires et le développement d'une infrastructure solide de renseignement d'affaires.

Le taux d'imposition des petites entreprises

(Réponse à la question posée le 11 mai 2016 par l'honorable Yonah Martin)

Le succès des petites entreprises dépend d'une économie et de consommateurs forts. Le budget de 2016 propose un plan de long terme qui aidera les petites entreprises en revitalisant l'économie canadienne et restaurant l'espoir de la classe moyenne du pays.

Afin d'assurer une croissance plus forte et plus inclusive au profit d'un plus grand nombre de Canadiens, le budget de 2016 réalise des investissements historiques en infrastructure et en innovation. Selon les estimations du budget de 2016, les mesures prévues se traduiront par la création ou le maintien de 100 000 emplois ainsi qu'en une augmentation du PIB réel d'environ 1 point de pourcentage au cours de la deuxième année.

Entre temps, près de 9 millions de Canadiens bénéficient maintenant de la baisse d'impôt pour la classe moyenne. En outre, neuf familles sur dix recevront des prestations pour enfants plus élevées. Ces mesures augmenteront le revenu disponible des familles de la classe moyenne, qui sont des clients des petites entreprises.

En plus, les petites entreprises bénéficient de conditions fiscales favorables qui leur permettent de conserver une plus grande partie de leurs gains, qui peuvent alors être réinvestis pour soutenir la croissance et la création d'emplois. Dans le futur, le gouvernement s'assurera que le traitement fiscal des petites entreprises et de leurs propriétaires continue de supporter un secteur des petites entreprises fort et vibrant.

Les affaires étrangères

Les relations sino-canadiennes—Demande d'excuses

(Réponse à la question posée le 3 juin 2016 par l'honorable Jim Munson)

La promotion et la protection des droits de la personne font partie intégrante de la politique étrangère du Canada et constituent une priorité dans le cadre de la relation bilatérale entre le Canada et la Chine.

Le Canada soulève depuis longtemps ses préoccupations à l'égard des droits de la personne et du traitement des dissidents en Chine, et il continuera de le faire.

Le premier ministre a fait part de ses préoccupations en matière de droits de la personne au premier ministre Li Keqiang lors de la visite récente de ce dernier au Canada. Il a également exprimé ses préoccupations auprès des hauts dirigeants de la Chine, y compris le président Xi Jinping, le premier ministre Li et le président Zhang Dejiang, lors de sa propre visite en Chine. Le ministre des Affaires étrangères a tenu des discussions franches semblables avec son homologue chinois. Le gouvernement du Canada a adopté une approche honnête et directe en ce qui concerne les droits de la personne.

Des enjeux délicats, tels que les droits de la personne, les cas consulaires et la primauté du droit, feront l'objet de discussions dans le cadre du nouveau Dialogue annuel des dirigeants et du Dialogue sur la sécurité nationale et la primauté du droit.

Le Canada continuera de demander à la Chine de respecter, de protéger et de promouvoir les droits de ses citoyens et de plaider en faveur de la libération des citoyens chinois détenus ou emprisonnés pour avoir exercé leurs droits fondamentaux.

La sécurité publique

La double citoyenneté—Les terroristes radicalisés

(Réponse à la question posée le 8 juin 2016 par l'honorable Daniel Lang)

Pour des raisons de renseignement et de sécurité, il n'est pas possible de formuler des commentaires sur une question opérationnelle précise. Cependant, le gouvernement du Canada considère la radicalisation menant à la violence comme une préoccupation importante. Les voyageurs extrémistes canadiens ne constituent qu'une partie, quoique notoire, d'une problématique internationale beaucoup plus vaste. À la fin de l'année 2015, le gouvernement a signalé qu'environ 180 personnes ayant des liens avec le Canada se trouvaient à l'étranger et étaient soupçonnées de prendre part à des activités liées au terrorisme.

Le budget de 2016 prévoit 35 millions de dollars sur cinq ans et 10 millions de dollars en financement permanent pour mettre sur pied un bureau qui dirigera l'intervention du Canada pour contrer la radicalisation menant à la violence, coordonnera l'expertise, mobilisera les collectivités et contribuera à les sensibiliser, et renforcera la recherche à ce sujet.

Les organismes de renseignement et d'exécution de la loi jouent un rôle de premier plan dans notre réponse aux menaces découlant de la radicalisation. Des outils stratégiques solides sont également en place pour empêcher les extrémistes violents de voyager et d'intégrer des groupes terroristes à l'étranger. Ces outils comprennent par exemple les pouvoirs d'annuler ou de révoquer un passeport, ou encore de refuser une demande de passeport, pour des motifs de sécurité nationale, ainsi que le pouvoir de transmettre un avis afin d'empêcher les personnes dont le nom figure sur la liste prévue par la Loi sur la sûreté des déplacements aériens de voyager par voie aérienne pour commettre certaines infractions liées au terrorisme ou qui pourraient menacer la sûreté des transports.

L'immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les demandes de parrainage de réfugiés

(Réponse à la question posée le 9 juin 2016 par l'honorable Ratna Omidvar)

IRCC a fait preuve de soutien et de flexibilité pour améliorer son rendement à l'égard de sa clientèle mondiale. Toutefois, le Ministère doit également maintenir l'intégrité de ses programmes.

En 2014, le Ministère a mis à l'essai une modification selon laquelle les signatures numérisées des signataires d'une entente de parrainage (SEP) étaient acceptées. Cette modification s'appliquait seulement aux SEP, car ils représentaient un groupe à faible risque avec lequel le Ministère avait déjà établi des liens. Cette modification est entrée en vigueur de façon permanente en mai 2015.

Cette option n'a pas été offerte aux groupes de cinq (G5) ou aux répondants communautaires (RC), en raison du plus grand facteur de risque et une plus grande incidence de retour de demandes incomplètes aux G5s.

En novembre 2015, dans le cadre de l'engagement visant à accueillir 25 000 réfugiés syriens, le Ministère a commencé à accepter les demandes électroniques des SEP et des G5 afin d'accélérer le traitement des demandes des réfugiés syriens. Les demandes numérisées (y compris les signatures des répondants et des réfugiés) étaient acceptées.

Afin de réaliser des gains d'efficience, d'améliorer le service à la clientèle, et de renforcer l'intégrité des programmes, IRCC accepte maintenant les demandes de parrainage comportant des signatures numérisées des SEP, des G5 et des RC concernant toutes les groupes de réfugiés, y compris les Syriens.

Les réfugiés syriens

(Réponse à la question posée le 20 juin 2016 par l'honorable Mobina S. B. Jaffer)

Entre novembre 2015 et février 2016, le gouvernement a réinstallé plus de 25 000 réfugiés syriens dans des collectivités situées partout au Canada, y compris des réfugiés parrainés par le secteur privé (8,950 personnes). Depuis, nous continuons d'aider les réfugiés syriens à venir au Canada, et nous avons pris deux nouveaux engagements pour 2016/début 2017.

Le premier engagement est d'admettre 25,000 réfugiés pris en charge par le gouvernement (RPG) et réfugiés désignés par un bureau des visas (RDBV) au Canada d'ici la fin de 2016, un engagement qui est sur la bonne voie d'être rempli. Au 18 septembre 2016, 19,502 RPG et RDBV de la Syrie (78% de notre objectif) étaient arrivés au Canada.

Le second engagement est de traiter d'ici la fin de 2016 ou le début de 2017 toutes les demandes concernant les réfugiés syriens parrainés par le secteur privé (RPSP) qui ont été présentées avant le 31 mars 2016 (environ 12,200 demandes). Cet engagement est également sur la bonne voie d'être rempli, 9,487 entrevues ayant été menées au 18 septembre 2016. Des 9,487 réfugiés qui ont été reçus en entrevue, 2,327 sont arrivés au Canada; pour 1,737 autres, le processus de réservation de leur voyage pour le Canada est en cours.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-4, suivie de tous les autres points dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-4, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l'impôt sur le revenu, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour proposer l'adoption du projet de loi intitulé Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l'impôt sur le revenu.

Ce projet de loi vise essentiellement à abroger deux projets de loi d'initiative parlementaire présentés lors de la 41e législature. Je suis très heureuse d'être la marraine de ce projet de loi, et c'est d'ailleurs le premier projet de loi que je présente en cette auguste Chambre.

Voyons d'abord ce que propose le projet de loi C-4. Ce projet de loi a été déposé à l'autre endroit le 28 janvier 2016 par la ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'œuvre et du Travail, l'honorable MaryAnn Mihychuk. Le titre reprend les quatre lois modifiées par ce projet de loi. Il contient également des articles concernant les dispositions transitoires et l'entrée en vigueur des modifications proposées. Au total, ce projet de loi est composé de 17 articles.

Essentiellement, il s’agit des articles 1 à 11 qui modifient le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique en ce qui concerne les modalités d'accréditation et de révocation de l'agent négociateur représentant les employés d'une unité de négociation sous juridiction fédérale. En d'autres mots, ces articles visent à abroger le projet de loi C-525 qui a été adopté en décembre 2014. Le projet de loi C-525 modifiait les mécanismes d'accréditation et de révocation des syndicats des entreprises sous juridiction fédérale en remplaçant le système d'accréditation fondé sur la signature des cartes par un système fondé sur le vote secret obligatoire. Cette loi est entrée en vigueur le 16 juin 2015.

Les articles 1 à 11 visent essentiellement à rétablir les conditions d'accréditation et de révocation d'un syndicat qui étaient en vigueur avant l'adoption du projet de loi C-525.

Les articles 12 et 13 abrogent l'article 149.01 de la Loi de l'impôt sur le revenu et le paragraphe 239(2.31) de cette même loi. En fait, ces articles abrogent complètement le projet de loi C-377, adopté le 30 juin 2015. Le projet de loi C-377 modifie la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'obliger toutes les organisations ouvrières, peu importe leur taille, ainsi que les fiducies de syndicats à fournir tous les ans à l'Agence du revenu du Canada un ensemble de renseignements nominatifs, et ce, sous peine d'amende. Il s'agit notamment du nom des employés et du montant de leur salaire lorsqu'il est supérieur à 100 000 $, ainsi que de la proportion de leur travail liée à toute autre activité qui n'est pas du ressort des relations de travail, de toutes les dépenses de plus de 5 000 $ effectuées par un syndicat et du nom des bénéficiaires, des montants reçus et de la nature des services rendus. Ils devront également fournir à l'Agence du revenu la valeur des contrats avec les tiers.

(1430)

Le projet de loi C-377 prévoit aussi la publication du pourcentage du temps qui est consacré par certaines personnes à la conduite d'activités politiques, d'activités de lobbying et d'autres activités non liées aux relations de travail. La loi prévoit que ces renseignements seront publiés sur le site de Revenu Canada.

Normalement, les gouvernements ne devraient pas avoir à abroger les lois adoptées au cours des législations précédentes. S'il fallait que ce soit une pratique courante, cela pourrait avoir pour effet de discréditer les gouvernements dans l'opinion publique et de cultiver le cynisme au sein de la population, ou encore de diminuer la confiance des citoyens envers leur gouvernement. En effet, pourquoi un gouvernement devrait-il abroger les lois prises par le gouvernement précédent si celui-ci a gouverné, en principe, dans l'intérêt de l’ensemble de la population, et non pour sa base électorale?

Ce n'est pas le cas du projet de loi C-4. Ce projet de loi ne vise pas à abroger une loi prise par le gouvernement précédent. Ce projet de loi vise plutôt à abroger deux lois d'initiative parlementaire présentées par deux députés conservateurs, le député Russ Hiebert pour le projet de loi C-377 et le député Blaine Calkins pour le projet de loi C-525.

[Traduction]

Je le répète : le projet de loi C-4 n'abroge pas un projet de loi d'initiative ministérielle de la législature précédente. Il abroge plutôt deux projets de loi d'initiative parlementaire présentés par des députés.

[Français]

Ces deux lois ont été adoptées, sans amendement, par les députés et les sénateurs du parti au pouvoir qui détenait la majorité des votes dans les deux Chambres, et ce, malgré les nombreuses objections soulevées lors de l'étude de ces projets de loi. Ces deux projets de loi ont réussi à contourner les processus rigoureux de révision qui s'appliquent quand il s'agit des projets des lois du gouvernement, et à contourner les processus de consultation établis pour les projets de loi touchant les relations de travail dans les entreprises sous juridiction fédérale. C'est pourquoi il est nécessaire aujourd'hui de poser un second regard plus objectif et plus indépendant sur ces deux lois et de les abroger.

Cependant, avant d'aller plus loin, vous vous demandez peut-être pourquoi ces deux projets de loi sont réunis en un seul projet de loi, soit le projet de loi C-4. N'aurait-il pas été préférable de les étudier séparément? En réalité, ces projets de loi ont de nombreux points en commun. Les étudier ensemble facilite la compréhension de leur portée dans le milieu de travail ainsi que leurs conséquences négatives sur le climat de travail. Ces deux projets de loi ont aussi un impact sur le processus de création et de répartition de la richesse.

D'abord, je le répète, ces deux projets de loi, qui ont été présentés par des députés et non par le gouvernement, sont des projets de loi d'initiative parlementaire. Peut-être avaient-ils reçu l'appui officieux du gouvernement précédent, mais là n'est pas la question. Étant donné l'ampleur des enjeux qu'ils soulèvent, ces projets de loi auraient dû suivre les processus de révision préalables avant d'être présentés à l'autre endroit. En effet, puisqu'il s'agit de projets de loi d'initiative parlementaire, ils n'ont pas eu à suivre le cheminement habituel et plus rigoureux d'un projet de loi du gouvernement.

Quand un ministre prépare un projet de loi, il doit suivre un processus de consultation interne et externe. Le ministère de la Justice est habituellement mis à contribution et doit se prononcer sur un ensemble d'éléments, comme le respect des compétences provinciales et sa cohérence avec la Charte canadienne des droits et libertés. Plusieurs projets de loi du gouvernement font également l'objet de consultations auprès des différents groupes concernés afin qu'ils répondent adéquatement aux problématiques soulevées dans leurs secteurs.

Les gouvernements ont intérêt à faire ces consultations externes et internes s'ils veulent gagner les élections et proposer des solutions adéquates à des problèmes réels. C'est particulièrement vrai pour les projets de loi touchant les relations de travail et le Code canadien du travail. Sur ce point, l'association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale a été on ne peut plus claire dans sa dénonciation du processus suivi dans le contexte de l'adoption du projet de loi C-525. Elle l'a indiqué dans le mémoire qu'elle a présenté au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 10 décembre 2014, et a réitéré ce message récemment à l'autre endroit. À ce titre, je cite le rapport de 2014, qui dit ce qui suit :

[Traduction]

Malgré notre appui au projet de loi C-525, nous émettons de sérieuses réserves au sujet du recours aux projets de loi d'initiative parlementaire pour modifier le Code.

L'ETCOF a ajouté qu'il était important d'avoir :

[...] des consultations pré-législatives efficaces lorsque des modifications au Code et à ses règlements étaient envisagées. Ces consultations font en sorte que les décisions prises à cet égard sont avisées et fondées sur des faits. Selon nous, les employeurs et syndicats assujettis à la loi fédérale ainsi que le gouvernement fédéral font avancer, par le truchement du modèle de consultation, les intérêts de leurs électeurs et contribuent à la stabilité des relations entre les employés et le patronat, de ressort fédéral, ainsi qu'à la santé de l'économie canadienne.

[Français]

Rappelons que le Code canadien du travail, qui contient également des dispositions concernant la reddition de comptes des syndicats, a fait l'objet d'une révision complète pendant les années 1996 à 1998. Les syndicats, les employeurs, les agences gouvernementales impliquées et des experts ont travaillé ensemble pour établir des consensus entre le patronat et les syndicats afin de trouver un équilibre dans les relations de travail qui garantira une certaine stabilité ainsi que la paix industrielle.

À cet effet, M. Andrew Simms, qui a présidé le groupe de travail sur la révision du Code canadien du travail, a déclaré ce qui suit au comité de l'autre endroit :

Une partie s'opposait à certaines choses, l'autre à d'autres, notamment le système de cartes, mais les deux ont affirmé très clairement et finalement avec enthousiasme qu'il s'agissait d'une offre globale acceptable et d'un cadre utile pour l'administration des relations de travail. Je pense que le projet de loi qui en est sorti a permis une refonte utile du Code canadien.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-525 et le projet de loi C-377 viennent briser cet équilibre.

Ces projets de loi ont un deuxième point en commun : ils émanent des mêmes groupes d'intérêt extrêmes.

[Traduction]

Pour tout dire, ils ont reçu l'appui d'organismes connus pour leur opposition aux syndicats, dont InfoTravail, Merit Canada et d'autres groupes.

Fondé en 2000, InfoTravail a pour mandat de fournir aux employés de l'information sur la façon d'annuler une carte d'adhésion syndicale pendant une campagne d'accréditation, la façon de désaccréditer un syndicat et la façon de déposer une plainte pour pratique déloyale de travail contre un syndicat. InfoTravail donne aussi de l'information aux employeurs sur la façon d'éviter les ennuis juridiques lorsqu'ils sont confrontés à une campagne d'accréditation syndicale.

[Français]

De son côté, Merit Canada a été créé en novembre 2008 pour agir à titre de porte-parole national de huit associations provinciales de la construction à atelier ouvert. Merit Canada succédait à la Canadian Coalition of Open Shop Construction Associations, fondée en 1999 pour contester la constitutionnalité de l'adhésion syndicale obligatoire des travailleurs de l'industrie de la construction au Québec.

Ces organisations souhaitent implanter au Canada le modèle américain et les mêmes règles en matière de relations de travail. Aux États-Unis, comme vous le savez, les organisations syndicales ainsi que les entreprises remplissent un questionnaire afin de divulguer leurs dépenses en matière de relations de travail. De plus, le vote secret y est obligatoire.

[Traduction]

Ces groupes prétendent vouloir harmoniser les règles au Canada et aux États-Unis dans un souci d'équité. Or, comme vous le savez, le Canada et les États-Unis ont des approches différentes en matière de relations de travail. Je pense qu'il est juste de dire que les employeurs aux États-Unis ont parfois une opinion plus négative sur les syndicats.

(1440)

Finalement, ces deux projets de loi ciblent essentiellement le même groupe : les syndicats. Ils ne contiennent aucune disposition réciproque pour les employeurs.

[Français]

Le projet de loi C-377 ne contient aucune disposition concernant la transparence pour les entreprises et les associations patronales dans le domaine des relations de travail. Cependant, la loi américaine qui a servi d'inspiration au projet de loi C-377 ainsi que les autres lois que l'on retrouve dans certains pays comme la France et l'Australie qui traitent de la transparence prévoient toutes des dispositions pour les entreprises et les associations patronales. Elles sont aussi administrées par le ministère du Travail. Au nom de la démocratie syndicale, le projet de loi C-525 impose le scrutin secret obligatoire lors de campagnes d'accréditation et facilite la révocation de l'accréditation. Il n'impose toutefois aucune obligation aux employeurs afin qu'ils donnent aux syndicats un meilleur accès aux employés de sorte qu'ils puissent exercer leur vote secret de manière plus éclairée. En réalité, le projet de loi C-525 a pour effet d'aider les entreprises à combattre les campagnes d'accréditation et de simplifier la révocation de l'accréditation.

Or, quand les employés ne peuvent s'organiser et discuter de leur problématique collective en milieu de travail, c'est la décision souvent autoritaire de l'employeur qui s'impose. Ainsi, au nom de principes nobles comme la transparence et la démocratie, sur lesquels tout le monde est d'accord, ces lois ont pour effet, en pratique, de rompre l'équilibre des rapports de force entre les syndicats et les employeurs. Elles ont aussi pour effet de semer la zizanie en milieu de travail et elles vont à l'encontre d'un autre principe démocratique, soit celui de la démocratie en milieu de travail, et j'y reviendrai plus tard.

Bref, ces deux lois ont en commun de s'attaquer à l'intégrité du mouvement syndical et à sa vitalité. Elles ont une immense portée. Le projet de loi C-377 engendrerait des coûts faramineux pour les petites organisations syndicales, ce qui découragerait l'organisation de petites unités. De plus, il divulguerait des informations stratégiques à l'employeur, ce qui réduirait le pouvoir de négociation des organisations syndicales. En outre, le projet de loi C-525 aura également pour effet de réduire le taux de syndicalisation, et j'y reviendrai aussi plus tard.

Ces deux lois constituent une attaque frontale contre les syndicats canadiens, elles affectent l'équilibre délicat des rapports de force entre les employés et les employeurs, et elles sont susceptibles de créer de l'instabilité dans les relations de travail et d'endommager les efforts entrepris pour générer la prospérité économique. Adopter le projet de loi C-4, c'est rétablir l'équilibre des rapports de force tels qu'ils sont négociés généralement dans les codes du travail, et c'est revenir à l'équilibre des forces établi en 1998 dans le cadre d'une vaste révision du Code canadien du travail fondée sur des discussions entre les syndicats, le patronat et le gouvernement.

D'autre part, cela ne veut pas dire que la situation telle qu'elle était avant l'adoption du projet de loi C-377 et du projet de loi C-525 était parfaite. Cela signifie seulement qu'elle était meilleure que celle qui prévaut depuis l'adoption des projets de loi C-377 et C-525.

Je suis fière d'être la marraine de ce projet de loi, étant donné que je n'ai pas voté en faveur des lois que le projet de loi C-4 vise à abroger.

[Traduction]

Je le répète, ces deux lois constituent une attaque frontale contre les syndicats canadiens. Elles déséquilibrent le rapport de force fragile entre les employés et les employeurs. De plus, elles sont susceptibles de créer de l'instabilité dans les relations de travail et de nuire aux efforts déployés pour favoriser la prospérité économique.

Je suis fière de parrainer le projet de loi C-4 parce que je n'ai pas voté en faveur des deux lois que le projet de loi C-4 cherche à abroger.

[Français]

Je vais maintenant parler plus longuement du projet de loi C-525, puisque cette loi est en application. Le projet de loi C-525 a remplacé le système d'accréditation fondé sur les signatures de cartes par un système basé sur le vote secret obligatoire pour les employés sous juridiction fédérale. Les relations de travail entre employeurs et employés sous juridiction fédérale sont régies par trois lois. Le Code canadien du travail régit les relations de travail entre les entreprises du secteur privé, les sociétés d'État et leurs employés. C'est le Conseil canadien des relations industrielles, que j'appellerai le conseil, qui est chargé de gérer le système d'accréditation et de révocation des agents négociateurs pour le secteur privé.

Le secteur public est, quant à lui, régi par deux lois, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi sur les relations de travail au Parlement. C'est la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique, que j'appellerai la commission, qui doit gérer le système d'accréditation et de révocation des agents négociateurs dans le secteur public.

Au Canada, jusqu'en 1977, le système d'accréditation syndicale a toujours été fondé sur le système de cartes. Ce système était enchâssé dans tous les codes du travail des provinces et du gouvernement fédéral. C'est à partir de 1977 que certaines provinces ont modifié leur code du travail afin d'exiger la tenue d'un vote secret lors d'une demande d'accréditation.

Le système de cartes s'appliquait aux entreprises sous juridiction fédérale jusqu'au 16 juin 2015. Le conseil pouvait, jusqu'à ce moment-là, accorder une accréditation syndicale à un agent négociateur lorsque 50 p. 100 et plus des employés d'une entreprise du secteur privé avaient signé une carte d'adhésion. Lorsqu'il était saisi d'une demande, le conseil vérifiait si les cartes avaient bel et bien été signées sans pression de la part d'un syndicat et si leur nombre représentait vraiment plus de 50 p. 100 des employés. En cas de doute, le conseil pouvait ordonner la tenue d'un scrutin secret, et il l'a fait plusieurs fois. Le conseil détenait donc un pouvoir discrétionnaire, et il l'a utilisé à plusieurs occasions. Lorsque le nombre de cartes signées représentait de 35 à 50 p. 100 des employés, le conseil devait ordonner la tenue d'un vote secret. C'était un scrutin secret obligatoire. Donc, il est faux de prétendre que le système de cartes va à l'encontre du vote secret.

Dans le cas des employés du secteur public, la commission suit une procédure identique pour le dépôt d'une demande d'accréditation lorsque le nombre de cartes est supérieur à 50 p. 100 du nombre d'employés. Toutefois, elle n'accepte pas de demandes d'accréditation lorsque le nombre de cartes représente 50 p. 100 ou moins du nombre d'employés.

Le projet de loi C-525 a modifié le processus d'accréditation en obligeant la tenue d'un vote secret pour toutes les demandes d'accréditation. Le seuil à partir duquel un vote secret est tenu, pour toutes les entreprises, est maintenant de 40 p. 100. Ainsi, dans le secteur privé, un vote secret est tenu pour toute demande d'accréditation lorsque le nombre de cartes signées représente 40 p. 100 du nombre d'employés. L'accréditation est accordée lorsque le vote secret indique que plus de 50 p. 100 des votants souhaitent adhérer au syndicat.

Bien qu'en apparence ce système puisse paraître plus démocratique, il ne l'est pas nécessairement. D'abord, le système actuel accorde l'accréditation lorsque 50 p. 100 des votants veulent adhérer au syndicat. Le système de cartes antérieur exigeait que plus de 50 p. 100 des employés signent les cartes d'adhésion, que les employés doivent payer, en général, même s'il s'agit d'une valeur symbolique. Par ailleurs, et c'est l'argument central, il est erroné de prétendre que le vote secret en milieu de travail est similaire au vote secret tenu dans le cadre d'une élection générale, provinciale ou fédérale. Les employés qui votent pour adhérer ou non à un syndicat en milieu de travail sont plus susceptibles de subir des pressions de la part de leur employeur que s'ils s'expriment dans le contexte d'un système de cartes d'adhésion. Cette réalité est d'autant plus importante que l'employeur refuse généralement toute coopération avec le syndicat pour lui transmettre de l'information concernant les employés et pour permettre à ces derniers de s'informer sur les tenants et aboutissants d'adhérer ou non au syndicat.

En d'autres mots, dans un monde idéal où aucune pression n'est exercée sur les employés, le vote secret est probablement la façon la plus démocratique pour un individu d'exprimer ses choix. Toutefois, la réalité du monde du travail est loin d'être idéale pour la tenue d'un vote concernant l'accréditation et la révocation d'un syndicat.

[Traduction]

Je le répète, dans un monde idéal où aucune pression n'est exercée sur les employés, la tenue d'un scrutin secret est probablement la façon la plus démocratique pour un particulier d'exprimer ses choix. Malheureusement, dans le monde réel, où les employés font l'objet de telles pressions, c'est une autre histoire.

[Français]

Il est clair que le système d'accréditation et de révocation prévu au projet de loi C-525 constitue un frein à la syndicalisation, parce que, très souvent, la tenue d'un vote donne lieu à une cabale de la part de l'employeur, qui peut brandir la menace de la délocalisation ou de la fermeture de l'usine. Les employés expriment alors leur consentement ou leur refus d'adhérer au syndicat dans un climat de peur.

(1450)

La probabilité d'intimidation est plus faible dans le contexte de la signature de cartes, car les pénalités pour les syndicats, s'il est démontré qu'il y a eu intimidation, sont très élevées. Les syndicats perdent automatiquement leur droit à l'accréditation. Cette réalité est bien documentée dans la littérature académique, et je cite la professeure Sara Slinn, qui a produit une analyse détaillée des procédures de négociation d'accréditation pour le compte du gouvernement ontarien en 2015 :

[Traduction]

De nombreux ouvrages soulignent qu'il est indispensable que les employés puissent s'organiser dans leur lieu de travail, et ils reconnaissent le désavantage considérable des syndicats par rapport aux employeurs à cet égard. Ce déséquilibre existe, car, contrairement à un syndicat, un employeur peut exercer ses droits en matière de propriété et de gestion afin de restreindre l'accès du syndicat aux employés, il a constamment accès aux employés en milieu de travail et exerce sur eux un contrôle permanent, il dispose de renseignements pour entrer en communication avec les employés à l'extérieur du travail et il contrôle le bien-être économique des employés. Cette situation donne aux employeurs une possibilité relativement plus grande d'exercer une influence sur les employés, ce qui cause une asymétrie de l'information qui prive les employés de renseignements sur les options qui s'offrent à eux et sur les conséquences de la syndicalisation, plaçant ainsi les syndicats en position de faiblesse. Ce déséquilibre entre les employeurs et les syndicats sur le plan de l'accès soulève deux enjeux qui sont abordés dans des ouvrages universitaires, c'est-à-dire la possibilité pour les organisateurs d'avoir accès aux milieux de travail et la possibilité pour les syndicats d'avoir accès aux listes d'employés et aux renseignements à leur sujet.

[Français]

Les nouvelles règles imposées par le projet de loi C-525 concernant l'accréditation et la révocation sont également défavorables à la syndicalisation. Depuis l'adoption de ce projet de loi, il suffit que 45 p. 100 des employés signifient qu'ils souhaitent révoquer leur adhésion à un syndicat pour qu'un vote secret soit tenu, alors que le système précédent prévoyait que la volonté des employés soit signifiée par plus de 50 p. 100 des employés pour qu'un vote secret sur la révocation soit organisé.

En fait, les données démontrent que les plaintes d'intimidation à l'attention du conseil, dans le contexte du système de cartes en vigueur jusqu'au 16 juin 2015, étaient peu nombreuses. Les statistiques révèlent que, de 2004 à 2014, le conseil a traité 23 cas d'allégations d'intimidation ou de coercition pendant une campagne de syndicalisation, et que 6 cas d'allégations avaient été retenus. Il s'agit de 6 cas sur une période de 10 ans. De ces six cas, quatre concernaient des gestes d'intimidation de la part de l'employeur. Les deux autres portaient sur des plaintes entre syndicats lors d'une campagne de maraudage.

Par contre, l'expérience des provinces qui ont adopté le système du vote secret a montré que les pratiques d'intimidation de la part de l'employeur sont plus nombreuses lorsque l'accréditation est accordée dans le contexte du vote secret obligatoire plutôt que par un système de signature de cartes.

L'étude effectuée par la professeure Sara Slinn pour le compte du ministère du Travail de l'Ontario nous apprend ce qui suit, et je cite :

[Traduction]

La recherche laisse entendre que...

— les pratiques de travail déloyales de l'employeur —

... au cours du processus d'accréditation sont non seulement courantes, mais aussi délibérées. Un sondage mené auprès de gestionnaires canadiens œuvrant dans des milieux de travail au sein de diverses administrations et ayant récemment fait l'expérience d'une campagne de syndicalisation a révélé que « l'opposition manifeste à l'accréditation syndicale est la norme » et que 80 p. 100 des employeurs de l'échantillon ont admis avoir pris des mesures que l'auteur qualifie d'opposition ouverte à l'accréditation syndicale [...]

[Français]

À la lumière de ces faits, peut-on affirmer que le vote secret est plus démocratique que le système de cartes? Que dirait-on si les électeurs qui vont aux urnes devaient exercer leur devoir de citoyen sous la pression de perdre leur emploi? Les Canadiens ont adopté des lois et des règlements pour qu'il n'en soit pas ainsi. Le projet de loi C-525 ne prévoit aucune balise pour limiter les agissements de l'employeur lors d'une campagne d'accréditation.

De plus, contrairement à la majorité des lois provinciales, le projet de loi C-525 ne prévoit aucun délai précis entre le dépôt de la demande d'accréditation et la tenue du vote secret. Or, comme l'affirme la professeure Slinn :

[Traduction]

Le retard dans la tenue du scrutin réduit considérablement les chances d'accréditation lorsqu'il n'y a pas de délai prescrit pour la tenue du vote ou que ce délai n'est pas bien respecté.

[Français]

Le cas de la campagne de syndicalisation des pilotes de WestJet tend à confirmer ce fait, puisque le vote secret a eu lieu un mois après le dépôt de la demande d'accréditation et s'est échelonné sur une période de deux semaines. Il n'est pas surprenant que la campagne ait échoué. La syndicalisation étant forte parmi les pilotes canadiens, on peut supposer que la longueur des délais explique l'échec de cette campagne.

Plusieurs études effectuées au Canada indiquent que l'introduction du vote secret obligatoire dans le Code du travail des provinces est en partie responsable de la baisse du taux de syndicalisation. Les études américaines vont dans le même sens.

La dernière étude sur le sujet a été menée en 2013 par le ministère des Ressources humaines et du Développement social avant l'adoption du projet de loi C-525. Elle démontre sans équivoque que le mode par vote secret adopté par certaines provinces est responsable en grande partie de la baisse de la syndicalisation au Canada.

Je cite les conclusions de cette étude :

[Traduction]

De 1993 à 1997, la proportion des employés du secteur privé canadien assujettis à un système de vote obligatoire est passée de 23 p. 100 à 53 p. 100. En 2001, cette proportion s'est élevée à 61 p. 100, pour ensuite atteindre un sommet de 63 p. 100 en 2008.

Durant cette période, c'est-à-dire depuis le début des années 1990, le taux de syndicalisation dans le secteur privé a enregistré une baisse constante. De 1997 à 2012, soit la période visée par la présente étude, le taux de syndicalisation est passé de 23 p. 100 à 19 p. 100.

Rappelons qu'il s'agit du secteur privé.

La présente étude examine le lien entre l'adoption d'un système de vote obligatoire et la baisse du taux de syndicalisation dans le secteur privé. Nous avons constaté que le système de vote obligatoire contribue de manière importante au déclin du taux de syndicalisation dans le secteur privé au Canada. On estime que si tous les gouvernements canadiens n'avaient pas eu recours depuis 1997 au système de vote obligatoire pour l'accréditation syndicale, le taux de syndicalisation au sein du secteur privé aurait été considérablement plus élevé en 2012. Des simulations montrent que le taux de syndicalisation aurait augmenté d'environ un demi-point de pourcentage depuis 1997 au lieu de connaître une baisse de quatre points de pourcentage.

[Français]

Cette étude, effectuée par le ministère en 2013 et tenue secrète jusqu'à tout récemment, indique que si le pourcentage des salariés au Canada couvert par l'obligation d'un vote secret était resté au niveau de 1997, soit à 53 p. 100, le taux de couverture syndicale aurait été alors de 23,5 p. 100 au lieu de 19 p. 100. Ces résultats corroborent les résultats des études précédentes effectuées sur ce sujet. En effet, les institutions de recherche indépendantes comme l'OCDE et des instituts de recherche universitaires sont unanimes pour dire que la stagnation des revenus d'emploi est en partie attribuable à l'affaiblissement des forces syndicales.

Un autre impact de l'affaiblissement des syndicats dans la répartition de la richesse se situe au niveau de la croissance des inégalités de revenu. Le coefficient de Gini est une mesure utilisée pour évaluer la croissance ou la réduction des inégalités de revenu et pour comparer celles-ci entre les pays. Cet indicateur montre que les inégalités de revenu ont augmenté significativement au Canada au cours de la période de 1980 à 1990, et jusqu'au début des années 2000. L'indicateur est demeuré stable ensuite. Cela correspond à la période où le vote secret obligatoire est devenu populaire et où un pourcentage croissant de la main-d'œuvre au Canada a été assujetti à cette forme d'accréditation. En effet, comme je le disais plus tôt, le pourcentage de la main-d'œuvre canadienne assujettie au système de vote secret pour la syndicalisation a augmenté de 174 p. 100 de 1982 à 2014. Pendant cette période, la couverture syndicale a baissé de 28 p. 100 au Canada et le coefficient de Gini a augmenté de 10 p. 100. La méthode d'accréditation n'explique pas tout. D'autres facteurs, comme la structure de l'économie, doivent également être considérés pour expliquer cette détérioration dans la répartition des revenus, mais la méthode d'accréditation constitue un facteur aggravant.

(1500)

J'aimerais aussi vous faire remarquer, honorables sénateurs, que, alors qu'il devient plus difficile pour les travailleurs de se syndiquer, on constate qu'une proportion de plus en plus importante de personnes employées, soit plus de 10 p. 100 des personnes occupées au Québec, appartiennent à des ordres et à des corporations professionnels auxquels l'adhésion est presque obligatoire. Selon une étude effectuée pour le compte de la Fédération des Chambres de commerce du Québec, le nombre et la proportion d'individus sur le marché du travail qui appartiennent à un ordre professionnel sont en croissance, en nombre et en pourcentage. À l'heure actuelle, près de 9,4 p. 100 des personnes employées au Québec appartiennent à un ordre professionnel. Ces associations professionnelles ont un pouvoir de négociation de plus en plus important et réussissent à imposer par toutes sortes de moyens des rémunérations substantielles. Est-ce un autre facteur qui explique la croissance des inégalités de revenus gagnés? Le Sénat devrait se pencher sur cette nouvelle réalité du marché du travail et sur les conséquences qu'elle engendre sur la répartition de la richesse.

Bref, il est erroné de prétendre que le vote secret obligatoire assure une plus grande démocratie au travail, parce que le projet de loi C-525 rend l'accréditation plus difficile et la révocation plus facile. En effet, si on définit la démocratie au travail comme la possibilité pour le personnel de cerner les problématiques collectives qui affectent leur productivité, leur qualité de vie au travail et leur participation aux décisions de gestion de l'entreprise, ce que permet souvent la syndicalisation, le projet de loi C-525 encourage plutôt le modèle de gestion autocratique.

Je le répète, il n'y a pas de système parfait d'accréditation syndicale. Le système que l'on a connu avant l'adoption du projet de loi C-525 n'était pas parfait, mais il était préférable au vote secret obligatoire, parce qu'il permettait aux employés de s'exprimer sans avoir à subir de pressions de la part de l'employeur.

Par ailleurs, l'abrogation du projet de loi C-525 permettra de corriger une erreur typographique contenue dans le libellé du projet de loi, qui a pour effet d'abolir certains pouvoirs de la commission. Le gouvernement avait promis de corriger cette coquille, mais il ne l'a pas fait. Le Sénat a donc adopté, en décembre 2014, un mauvais projet de loi, non seulement du point de vue de son contenu, mais également au niveau de la structure de son libellé. On peut se demander où était passée l'indépendance des sénateurs.

Comme vous le savez, chers collègues, le projet de loi C-377 a été adopté juste avant que le Parlement ne soit prorogé, soit au moment où la majorité gouvernementale au Sénat a réussi à mettre un terme à l'obstruction systématique menée par les sénateurs libéraux.

Analysé sous l'angle de critères objectifs, le projet de loi C-377 n'aurait jamais dû être adopté. La probabilité qu'il soit déclaré inconstitutionnel est très forte, parce qu'il empiète sur les compétences des provinces. D'ailleurs, sept provinces ont exprimé leur mécontentement face à ce projet de loi. Il porte atteinte également au respect de la vie privée et à son droit. Plusieurs sénateurs libéraux et indépendants se sont exprimés éloquemment contre l'adoption de ce projet de loi. Je les invite à reprendre leurs arguments devant vous. Je ne les nommerai pas tous, car j'ai peur d'en oublier. Par ailleurs, il importe de mentionner que le projet de loi C-377 n'a pas été appliqué en 2016, et que sa mise en œuvre est coûteuse pour l'administration publique et pour les syndicats.

Je rappellerai que la première mouture du projet de loi C-377, soit le projet de loi C-317, avait été présentée à l'autre endroit en 2011 et que son Président avait jugé ce projet de loi irrecevable, puisqu'il exigeait, selon lui, une motion de voies et moyens. En d'autres mots, il devait être déposé par une ou un ministre de la Couronne. Le projet de loi C-317 avait donc été rayé du Feuilleton. Le député conservateur avait retravaillé son projet de loi pour ensuite présenter et déposer le projet de loi C-377 en 2012. Celui-ci a été adopté à l'autre endroit en décembre 2012. Une fois arrivé au Sénat, ce projet de loi a été chaudement débattu et a été amendé, notamment par le sénateur Segal. Il a ensuite été renvoyé à l'autre endroit en juin 2013. Toutefois, lorsque la session a été prorogée à l'été 2013, les amendements apportés par le sénateur Segal sont tombés et le projet de loi C-377 est revenu intact au Sénat. Son adoption à l'étape de la troisième lecture a eu lieu pendant les derniers jours de juin 2015, sans amendement.

Permettez-moi de vous rappeler que le domaine des relations de travail est une compétence provinciale pour les entreprises qui en relèvent et que les syndicats sont assujettis à des dispositions de transparence et de reddition de comptes en vertu du Code du travail fédéral et de celui de huit provinces, exception faite de l'Alberta et de l'Île-du-Prince-Édouard. Le Code canadien du travail prévoit également des dispositions de divulgation pour les organisations patronales. La quasi-totalité des experts et juristes a affirmé que le projet de loi C-377 empiète sur le pouvoir des provinces de gérer leurs relations de travail et qu'il porte atteinte au droit à la vie privée. Il génère aussi de nombreux problèmes financiers pour les organisations ouvrières et les fiducies des syndicats.

Toutefois, j'aimerais rappeler — parce que je n'entrerai pas dans les détails de ce projet de loi; je conseille plutôt à mes pairs de le faire — les observations contenues dans le rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui a été présenté au Sénat le 13 juin 2013 :

[Traduction]

Bien que le Comité adopte le projet de loi C-377 sans amendement, il tient à noter qu'à la suite de trois semaines d'étude — après avoir entendu le témoignage de 44 témoins et reçu de nombreux mémoires de la part de gouvernements, d'organisations syndicales, d'universitaires et d'associations professionnelles, entre autres — on a soulevé dans la grande majorité des témoignages et mémoires d'importantes préoccupations au sujet de cette mesure législative.

L'une de ces principales inquiétudes concerne la validité constitutionnelle du projet de loi en ce qui a trait à la répartition des pouvoirs et la Charte. On a également soulevé d'autres points portant sur la protection des renseignements personnels, le coût et l'importance d'une plus grande transparence et le manque de précision quant aux entités visées par le projet de loi.

Le Comité partage ces préoccupations.

Le Comité n'a proposé aucun amendement car il est préférable que ces questions importantes soient débattues par l'ensemble du Sénat.

[Français]

Chers collègues, si le comité n'a pas présenté d'amendement, c'est que le projet de loi C-377 n'était pas amendable. Il n'y a qu'une chose à faire : abroger cette loi que l'on peut considérer comme indigne.

Précisons que l'abrogation du projet de loi C-377 évitera un recours devant les tribunaux, que les protagonistes risquent fort probablement de remporter. En effet, l'Alberta Union of Provincial Employees a lancé une contestation constitutionnelle du projet de loi C-377 en juillet 2015. Elle a accepté de suspendre les procédures jusqu'à l'adoption du projet de loi C-4, si jamais il est adopté. L'Association du Barreau canadien et le Commissariat à la protection de la vie privée, qui ont exprimé de vives inquiétudes à l'idée que le projet de loi C-377 risque d'enfreindre le droit à la vie privée des personnes, ont indiqué que le projet de loi pourrait faire l'objet d'une contestation sur ces motifs.

Avant de terminer, j'aimerais dire quelques mots sur les mesures transitoires prévues dans le projet de loi C-4. Elles concernent le projet de loi C-525 et prévoient que les demandes d'accréditation faites pendant la période où le vote secret est obligatoire seront étudiées en vertu du régime prévu à cet effet.

En somme, l'adoption du projet de loi C-4 permettra de rétablir un équilibre dans les relations de travail. En ces temps où il est nécessaire de favoriser la stabilité dans les relations de travail et le dialogue social, et où l'adaptation aux changements est inévitable, tous les Canadiens espèrent une prospérité renouvelée, alors que la population vieillit. Sur ce point, j'aimerais souligner le fait que plusieurs études démontrent que lors des campagnes de révocation d'accréditation et lorsqu'il y a de la turbulence dans les relations de travail, les indices boursiers baissent. Cela envoie un message à ceux et celles qui gèrent les activités en milieu de travail : la paix industrielle et la stabilité dans les relations de travail ont une valeur. Il vaut mieux s'entendre avec ses employés sur des façons de faire mutuellement avantageuses que de gouverner avec une conception étroite des droits de gérance.

Les syndicats ont joué un rôle majeur dans l'édification de nos programmes sociaux et dans la mise en place de mécanismes de répartition de la richesse. Ils sont encore appelés à jouer un rôle important dans nos sociétés démocratiques. Il est illusoire de chercher à les abolir. Au lieu de voir les syndicats comme des organisations qui représentent des problèmes, il faut plutôt comprendre qu'ils font partie de la solution.

[Traduction]

En conclusion, nous devons adopter le projet de loi C-4 et abroger les projets de loi C-377 et C-525. En effet, nous pouvons affirmer de façon objective que ces lois comportent des lacunes, non seulement en raison des processus qui ont été employés pour les faire adopter, mais aussi à cause de leur contenu.

Merci beaucoup.

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Madame la sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Bellemare : Certainement.

(1510)

Le sénateur Carignan : Vous dites que vous n'avez pas voté en faveur du projet de loi C-525, et que vous vous êtes abstenue de voter, parce que vous étiez en désaccord pour une question technique. Lors de votre présentation, vous avez dit que le vote secret n'est pas une panacée, mais qu'il peut accroître la crédibilité et la légitimité des syndicats. Le système d'accréditation par cartes, toutefois, existe depuis le début de la syndicalisation. Il s'est avéré utile par le passé, mais on peut penser qu'il est légitime de le revoir au XXIe siècle. Que s'est-il passé pour que vous fassiez un virage à 180 degrés?

La sénatrice Bellemare : Ce qu'il faut comprendre, c'est que j'avais proposé des amendements en comité. Malheureusement, les honorables sénateurs ici présents qui ne siégeaient pas au comité n'ont pas pu le savoir, parce que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles n'a pas rapporté les amendements que j'avais proposés.

J'ai proposé deux types d'amendement. Le premier type visait à raccourcir les délais. Si on doit tenir un vote secret, je suis convaincue qu'il faut absolument mettre en place des balises pour que ce vote secret puisse s'exprimer. Le projet de loi C-525 ne donne aucune balise à cet effet. Il ne prévoit aucun délai, et il ne prévoit pas non plus de baliser et de permettre l'accès aux syndicats.

C'est donc dans ce contexte que j'ai proposé des amendements au comité. J'ai proposé également de corriger l'erreur typographique. Cependant, à l'époque, comme vous le savez, je faisais partie d'un caucus et, compte tenu de ce fait, je me suis abstenue de voter. Par contre, le projet de loi C-377 m'apparaissait un projet de loi complètement indigne en raison de nos principes, auxquels il ne souscrivait pas.

Dans le contexte du projet de loi C-525, je le répète, le vote secret est une expression de la démocratie, mais, pour qu'il fonctionne, il doit s'exprimer dans un contexte bien balisé. D'ailleurs, comme je le rappelle, le président du comité tripartite qui a présidé à la révision du Code canadien du travail en 1998 a bien dit qu'il y avait des divergences de points de vue. Les employeurs voulaient le vote secret et les employés voulaient continuer d'utiliser le système de cartes. Ils sont arrivés avec un système. Laissons-les négocier, et ils en arriveront peut-être un jour à un système où le vote secret sera la panacée et sera effectué de manière plus générale. On ne le sait pas. Nous sommes à une ère technologique très différente. Pour l'instant, la plupart des votes concernant l'accréditation s'exercent en milieu de travail, et les données dont nous disposons démontrent qu'il y a des problèmes en milieu de travail lorsqu'on a...

Son Honneur le Président : Excusez-moi, madame la sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Bellemare : S'il y a d'autres questions, c'est avec plaisir que j'y répondrai. Merci, monsieur le Président.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

[Français]

Le sénateur Carignan : Si votre préoccupation est l'intimidation en milieu de travail, que pensez-vous du fait de tenir plutôt le vote à distance, comme dans certains États américains, donc par la poste ou par voie téléphonique ou électronique? Cela garantirait le vote secret et éviterait l'intimidation en milieu de travail, comme vous le craignez.

La sénatrice Bellemare : J'aimerais vous rappeler deux choses. Je ne suis pas d'accord avec le processus et le contenu du projet de loi C-525. Je ne pense pas que nous devrions débattre de ce que devrait contenir le projet de loi C-525, si le vote devrait se faire par voie électronique. Ce n'est pas à nous d'en décider. En matière de relations de travail, il y a des employeurs, des syndicats, des agences gouvernementales. Cela nous a bien servis par le passé et cela peut encore nous servir. C'est à eux de décider comment gérer les relations de travail.

Pour l'instant, ce que je peux répondre, c'est que le projet de loi C-525 est un mauvais projet de loi, parce qu'il n'a pas suivi les processus habituels et que, dans sa substance, il ne permet pas l'expression d'un vote secret neutre.

[Traduction]

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : J'ai une question à poser à la sénatrice Bellemare.

Vous avez dit que vous vous inquiétez du fait que l'intimidation est très courante dans les syndicats. Ainsi, l'abrogation des deux projets de loi d'initiative parlementaire fait partie de ce projet de loi.

Je me pose des questions parce que l'élimination du scrutin secret, qui est un principe fondamental en démocratie, et le rétablissement du système de cartes permettent de craindre l'intimidation et la fraude si des pressions sont exercées sur les employés pour qu'ils donnent leur appui à un syndicat ou s'ils sont faussement informés que leur signature sur la carte indique simplement qu'ils veulent obtenir plus de renseignements.

Je sais que des sondages ont été effectués avant l'adoption du projet de loi C-525. Le sondage Léger réalisé au Québec en 2013 et le sondage Nanos de 2011 avaient révélé que l'appui au scrutin secret atteignait 84 à 86 p. 100. Je suis curieuse de savoir si vous disposez de statistiques recueillies après l'adoption du projet de loi C-525, qui montreraient une baisse radicale de ces chiffres indiquant un manque d'appui à l'égard du projet de loi.

Pour ce qui est de l'abrogation du projet de loi C-525, je me demande quelle en est la justification et quels sondages ou consultations ont eu lieu auprès des membres du mouvement syndical, parce que l'appui était manifestement très élevé.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je remercie la sénatrice Martin pour sa question. Je ne connais pas les chiffres récents sur cette question. Ce que l'on sait, c'est que le Conseil canadien des relations industrielles, en l'espace de 10 ans, a reçu très peu de plaintes d'intimidation de la part des syndicats dans le cadre du système par cartes. Par contre, récemment, de juin 2015 à février 2016, on a reçu 10 plaintes validées. En fait, on en a reçu 24 sur les 64 demandes d'accréditation, dont 10 ou 11 ont été validées. C'est beaucoup plus que dans le cadre du système précédent.

Si on demandait aux gens s'ils étaient vraiment au courant de la façon dont s'exprime le vote secret, je ne sais pas ce qu'ils répondraient. Si on leur demandait s'ils seraient prêts à aller voter aux élections sous la menace de perdre leur emploi, je ne sais pas comment ils s'exprimeraient. Je pense qu'ils souhaiteraient avoir un vote secret exprimé dans la neutralité.

Cependant, je suis d'accord avec vous pour dire que l'expression d'un vote secret est quelque chose de très important et que c'est une expression de la démocratie. Or, le système par cartes, dans le milieu de travail, en pratique, est un système où la démocratie s'exerce aussi. Par ailleurs, dans le système par cartes, il y a aussi le vote secret. Dès que le conseil a la moindre intuition que les cartes ne sont pas signées par plus de 50 p. 100 de la population, il peut exiger un vote secret. Il l'a fait, et il est obligatoire dans d'autres circonstances.

Il n'y a donc pas de système parfait, mais, dans le domaine des relations de travail, le système par cartes paraît plus efficace que le système par vote secret.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Le temps de parole de la sénatrice Bellemare est encore une fois écoulé. Il lui appartient de décider si elle souhaite ou non demander plus de temps pour répondre à des questions.

Demandez-vous plus de temps, sénatrice Bellemare?

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je demande encore cinq minutes, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : Oui.

[Traduction]

L'honorable Stephen Greene : Je m'intéresse à votre position sur le vote secret. Nous avons eu ce débat au Comité sur la modernisation. Je suis sûr que vous vous en souvenez. Au comité, vous étiez en faveur du vote secret. Je m'interroge sur la différence entre votre position à ce sujet et votre position concernant le projet de loi.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Je suis d'accord, comme tout le monde, pour dire que le vote secret est une expression de la démocratie. C'est un symbole important, mais, en pratique, dans le milieu de travail, le vote secret ne s'exerce pas avec toute la neutralité, avec toutes les conditions externes nécessaires pour que la personne puisse exprimer vraiment son opinion.

(1520)

Les études montrent que le vote secret donne lieu à des mesures d'intimidation de la part de nombreuses d'entreprises. C'est d'ailleurs pour cette raison que certaines études proposent la tenue d'un vote secret et la mise en place de balises pour que les syndicats puissent entrer dans l'entreprise afin de prononcer leur discours et de rencontrer les syndiqués. Dans de telles conditions, les employeurs et les employés pourraient s'entendre.

Pour l'instant, les syndicats n'ont pas la possibilité d'entrer en contact avec les employés. En ce qui concerne les employeurs, il peut être très facile d'intimider et de congédier. Cela se fait; le conseil a des exemples précis, et on pourra en débattre plus longuement si vous le souhaitez.

Le sénateur Carignan : J'ai beaucoup de difficulté à vous suivre, sénatrice Bellemare.

Si je comprends bien, vous dites que le vote secret est moins bon que l'utilisation des cartes pour s'assurer de la légitimité du caractère libre et volontaire de l'adhésion au syndicat. Dans ce cas, pourquoi un commissaire ou un tribunal du travail ordonne-t-il un vote secret lorsqu'il existe un doute par rapport au caractère libre et volontaire de la signature des cartes?

Dans plusieurs législations provinciales, lorsqu'il y a présence d'un doute par rapport à la signature des cartes, on ordonne un vote secret pour préserver le caractère libre et volontaire. Ne trouvez-vous pas qu'il y a dichotomie et que cela est contraire à vos propos?

La sénatrice Bellemare : Non, pas du tout. Je ne vois aucune contradiction quant à ces deux positions.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suspension du débat

L'honorable Frances Lankin propose que le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription), soit lu pour la deuxième fois.

— Je vous remercie, Votre Honneur. Honorables sénateurs, j'espère avoir la possibilité de commencer avant de m'interrompre pour la période des questions.

Le projet de loi S-3 est une mesure d'initiative ministérielle déposée au Sénat. C'est la première fois que je vois un cas de ce genre depuis que je siège ici, soit depuis avant la relâche estivale. J'ai fait quelques recherches pour déterminer si cela se produit souvent et à quelles occasions. J'ai été surprise d'apprendre que cette procédure est utilisée régulièrement pour gérer les affaires du gouvernement qui passent par le Sénat.

Dans ce cas, il y a une raison particulière, que je crois importante. J'y reviendrai à quelque reprises. Les modifications proposées dans le projet de loi font suite à une décision de la Cour supérieure du Québec dans l'affaire Descheneaux. La cour a ordonné que certaines dispositions de la Loi sur les Indiens concernant l'inscription du statut soient corrigées, à défaut de quoi elles seront déclarées nulles le 3 février 2017. Cela aurait des répercussions considérables sur la gestion du processus d'inscription du statut. Si cela se produisait, le gouvernement serait incapable d'inscrire plus de 90 p. 100 des gens qui demanderaient l'inscription.

Nous avons la responsabilité et la possibilité de veiller à ce que cela n'arrive pas. Dans mon exposé d'aujourd'hui, je donnerai un peu de contexte sur les dispositions en cause et leur objet, puis je parlerai des antécédents historiques qui ont mené le Canada et son gouvernement à cette situation dans leurs relations avec nos partenaires des Premières Nations. J'aborderai également les nombreuses autres questions que le projet de loi ne règle pas ainsi que ce que le gouvernement a l'intention de faire à ce sujet.

J'espère que nous avancerons rapidement à l'étape de la deuxième lecture. Je me suis entretenue avec le porte-parole de l'opposition qui, je l'espère, sera en mesure de répondre en temps opportun. Dans une situation idéale, nous serions en mesure de renvoyer le projet de loi au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones d'ici la fin de cette semaine. Il est très important que le comité reçoive le projet de loi. En effet, c'est là que se trouvent les experts du Sénat qui peuvent s'occuper de questions autochtones complexes.

Je regarde encore l'heure pour essayer de ne pas aller trop loin avant le commencement de la période des questions.

Dans le titre du projet de loi, nous parlons de l'élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription. Trois aspects de l'inscription comportent encore de graves iniquités fondées sur le sexe. Elles découlent de questions laissées en suspens lorsque des révisions et des modifications avaient été apportées à la Loi sur les Indiens en 1985, pour mettre fin à la discrimination contre les femmes qui se mariaient à des non-Autochtones.

Je dois dire que je trouve très étrange d'utiliser le mot « Indien ». J'ai grandi à un moment où on m'a appris à parler des « peuples autochtones ». Le mot « Indien » est pour moi un anachronisme à connotation négative qui rappelle le temps de la colonisation et les premières lois adoptées à cet égard qui, disait-on à l'époque, avait pour objet de « civiliser les Indiens ». C'est donc un terme qui a de profondes racines racistes. Toutefois, je me sers encore du mot parce qu'on le trouve partout dans ce qu'on appelle encore la Loi sur les Indiens et dans les textes traitant de l'inscription des Indiens que nous aurons à examiner dans le cadre de l'étude du projet de loi.

Votre Honneur, combien de temps reste-t-il? Deux minutes? Je vous remercie.

Il y a trois grands sujets à traiter. Tout d'abord la question des cousins, des membres de la même famille, de la fratrie d'une même famille dont les droits sont différents en fonction du sexe de leur grand-parent. Il y a donc une filiation patrilinéaire et une filiation matrilinéaire. Nous avons mis fin à la discrimination dont ont fait l'objet les femmes qui ont perdu le statut d'Indienne avant 1985. Or, nous n'avons pas pensé aux mesures législatives qu'il fallait prendre pour faire en sorte que les enfants et les petits-enfants ne soient pas victimes de discrimination dans la structure actuelle.

Son Honneur le Président : Pardonnez-moi, sénatrice Lankin, je dois interrompre les délibérations. Il est 15 h 30. Après la période des questions, nous reviendrons à cet article de l'ordre du jour. Nous reprendrons le débat à l'endroit où on l'avait interrompu et vous aurez de nouveau la parole.

(Le débat est suspendu.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l'honorable Dominic LeBlanc, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Le ministère des Pêches et des Océans et la Garde côtière canadienne

La législation sur l'aquaculture

L'honorable Elizabeth Hubley : Merci, monsieur le ministre, d'être présent. Je suis ravie que le gouvernement ait présenté sa réponse au rapport du Comité des pêches sur l'aquaculture. Nous avons consacré beaucoup de temps à cette étude et proposé des recommandations qui, à notre avis, sont importantes et essentielles pour l'avenir de l'industrie.

L'une de ces recommandations porte sur la création d'une loi distincte sur l'aquaculture. Au cours de nos délibérations, nous avons entendu des Canadiens qui travaillent dans ce secteur. Ils nous ont répété qu'une loi est absolument nécessaire pour aplanir les difficultés liées aux sphères de compétence. Je me félicite de ce que votre gouvernement soit prêt à envisager l'élaboration d'une telle loi.

Quel échéancier a-t-on prévu pour l'examen et la mise en œuvre de la nouvelle loi?

(1530)

L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Honorables sénateurs, je voudrais tout d'abord vous remercier du privilège qui m'est accordé de prendre la parole au Sénat.

Comme vous pouvez l'imaginer, c'est une chose importante pour moi pour plusieurs raisons très personnelles. J'y pensais pendant que je longeais le corridor à l'arrière et que je regardais le portrait de mon père, monsieur le Président, qui occupait alors vos fonctions. J'aimerais rappeler aux honorables sénateurs des propos qu'il a souvent tenus. Lorsque le premier ministre Chrétien lui avait demandé d'accepter les fonctions de gouverneur général, il lui avait répondu : « Pourquoi voulez-vous m'enlever le meilleur poste que j'aie jamais occupé? »

Monsieur le Président, il occupait votre fauteuil à l'époque, mais ne craignez rien. Je suis très heureux dans le poste que j'occupe actuellement.

Merci, honorables sénateurs, du privilège qui m'est accordé d'être ici. C'est vraiment un honneur. J'ai eu le privilège, avec le sénateur Carignan et le sénateur Cowan, avant l'arrivée du sénateur Harder, d'essayer d'innover en proposant que des ministres viennent répondre à des questions au Sénat. Je voudrais vous dire, honorables sénateurs, que tous mes collègues, sans exception, ont énormément apprécié l'occasion de s'adresser à vous. Quant à moi, j'ai été très heureux quand cela a été mon tour.

Pour répondre à la question de la sénatrice Hubley, je dirai que mon ministère et mon gouvernement croient que le comité sénatorial permanent a fait un travail impeccable au sujet de l'aquaculture. À la réunion du Cabinet, ce matin, nous nous sommes hâtés d'approuver la réponse du gouvernement afin que je puisse au moins la déposer aujourd'hui auprès du greffier et de votre Président. J'ai donné instruction à mon ministère de commencer à travailler avec les partenaires provinciaux, le Conseil canadien des ministres des Pêches et de l'Aquaculture, mais aussi avec l'industrie et la communauté scientifique en vue d'élaborer une loi fédérale sur l'aquaculture.

J'ai entendu plusieurs de ceux qui ont comparu devant votre comité. Les ministres provinciaux m'ont dit qu'il serait avantageux d'assurer une certitude sur le plan réglementaire. Nous croyons que cette industrie peut créer des milliers et des milliers d'emplois bien rémunérés de la classe moyenne dans des régions du pays où les emplois sont rares. En même temps, nous devons reconnaître que de nombreux Canadiens s'inquiètent beaucoup de la santé du saumon sauvage et des stocks de poissons sauvages et qu'ils ont des préoccupations faciles à comprendre au sujet de la nécessité d'agir en toute sécurité dans l'environnement aquatique. Nous croyons donc qu'un apport accru de ressources scientifiques allié à un cadre réglementaire plus transparent serait avantageux.

[Français]

Les aires marines protégées—L'indemnisation des travailleurs de l'industrie de la pêche

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au ministre. Monsieur le ministre, le 3 février dernier, j'ai posé une question à votre prédécesseur au sujet du plan du gouvernement de multiplier par quatre la superficie des zones de protection marine d'ici l'an prochain, soit en 2017. Plus précisément, je lui ai demandé si les collectivités affectées par cette décision seraient indemnisées. Je n'ai pas eu de réponse claire, sinon que le gouvernement comptait mener des consultations.

Ma question est simple, monsieur le ministre : votre gouvernement compte-t-il indemniser pleinement les pêcheurs et les travailleurs des collectivités qui seront touchées par votre décision de créer de nouvelles zones de protection marine et, plus spécifiquement, avez-vous chiffré ces compensations? Avez-vous consulté le ministre des Finances pour vous assurer que les sommes nécessaires seront prévues dans le prochain budget?

L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je vous remercie, monsieur le Président. Sénateur Carignan, comme vous l'avez indiqué, notre gouvernement a pris l'engagement ambitieux d'augmenter de façon substantielle les aires marines protégées, que ce soit par l'intermédiaire de la Loi sur les océans ou par d'autres mesures qui définissent une aire marine protégée. Vous avez raison, il y a certains endroits où ce sera plus difficile que d'autres, surtout en ce qui concerne la pêche commerciale. Plusieurs intervenants qui représentent le secteur de la pêche commerciale m'en ont parlé.

Nous sommes en voie de déterminer plus précisément quelles seront ces zones protégées pour atteindre nos objectifs de 5 p. 100 l'an prochain et de 10 p. 100 d'ici 2020. Ce faisant, comme vous l'avez dit, nous devons répondre aux diverses préoccupations. Lors de mes discussions avec les intervenants de l'industrie de la pêche et des représentants des gouvernements principaux, qui m'ont fait part exactement des mêmes préoccupations que les vôtres, je me suis engagé à travailler avec eux afin de les indemniser adéquatement. Je demeure prudent, parce que, effectivement, je n'ai pas eu de discussion avec le ministre des Finances à ce sujet et qu'il y a plusieurs façons de les indemniser. Peut-être qu'il y a d'autres espèces, d'autres zones, d'autres stocks qui pourront offrir à ces industries d'autres solutions.

L'idée de la compensation n'est pas nécessairement une chose à laquelle nous nous opposons. Cependant, nous travaillerons avec les provinces et l'industrie entière pour comprendre exactement la meilleure façon de nous assurer que ces travailleurs, qui gagnent leur vie grâce à nos ressources marines, auront toujours la possibilité de contribuer à l'économie du pays. Néanmoins, je peux vous affirmer que nous atteindrons nos objectifs, tels qu'ils ont été définis dans la lettre de mandat que le premier ministre m'a confiée.

Le saumon de l'Atlantique

L'honorable Paul E. McIntyre : Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre présence à la période des questions.

Ma question porte sur le saumon de l'Atlantique. J'ai remarqué, tout récemment, que le gouvernement fédéral a injecté plus d'un demi-million de dollars dans un projet de recherche sur le saumon de l'Atlantique axé tout particulièrement sur le comportement de cette espèce. Ce projet de recherche concerté réunit cinq organismes de recherche, y compris l'Université de Moncton, l'Université du Nouveau-Brunswick et la Fédération du saumon atlantique. Cela dit, je comprends qu'il s'agit du premier forum de collaboration du Canada visant à rassembler les communautés de scientifiques et les organismes de conservation.

Ma question est la suivante : prévoyez-vous la création d'autres forums de collaboration et d'investissement dans le but de sauvegarder le saumon de l'Atlantique?

L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Sénateur McIntyre, je vous remercie pour votre question. Je suis conscient de l'importance économique et culturelle du saumon de l'Atlantique dans votre région du Nouveau-Brunswick. On y trouve parmi les meilleures rivières au monde pour la pêche du saumon de l'Atlantique, notamment dans la région de la rivière Restigouche, d'où vous venez, et je constate que le sénateur Mockler est d'accord avec moi.

En réponse à votre question, sénateur McIntyre, nous sommes pleinement engagés à trouver des façons d'investir davantage dans la recherche scientifique pour assurer la protection accrue de cette espèce. Nous collaborerons avec des partenaires, notamment le Groenland, où l'on pratique la pêche commerciale du saumon de l'Atlantique. Une grande proportion de cette espèce de saumon est destinée aux rivières canadiennes. Il s'agit de collaborer de façon appropriée avec nos partenaires internationaux. Nous accordons une grande importance à la conservation de cette espèce.

En ce qui concerne la recherche, vous avez affirmé que certains partenaires sont intéressés. Je compte demander à ma sous-ministre de communiquer directement avec vous pour une raison bien simple : l'un des partenaires, que vous connaissez peut-être, est une personne du milieu des affaires du Nouveau-Brunswick avec qui j'ai un lien d'amitié qui remonte à plusieurs années. En fait, mon père et le sien étaient des amis de longue date. C'est pour cette raison que j'ai confié officiellement à la sous-ministre, Mme Blewett, la responsabilité de représenter mon ministère dans ce projet. Elle dispose de tous les détails pour le cas particulier auquel vous avez fait allusion. Je n'ai pas les détails concernant les interventions de mon ministère dans ce dossier. Néanmoins, je serai ravi de demander à la sous-ministre de vous préciser notre engagement. Nous vous invitons à nous faire part de vos suggestions quant aux mesures à adopter pour appuyer cette industrie. Je sais que cette industrie est très importante pour vous, pour les Néo-Brunswickois et pour tous les Canadiens.

[Traduction]

La mer des Sargasses

L'honorable Wilfred P. Moore : Je vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. Je vous remercie d'assister aujourd'hui à la période des questions du Sénat.

Tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter pour votre nomination au portefeuille des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne. Je crois que vous avez un certain attachement à ce ministère. Je sais que votre père a occupé ce portefeuille plus longtemps que n'importe quel autre ministre des Pêches et que de nombreuses réalisations lui sont attribuables, notamment l'établissement de la limite de 200 milles. Je vous souhaite beaucoup de succès.

Monsieur le ministre, je sais que votre gouvernement s'est engagé à promouvoir le bien public en basant ses décisions stratégiques sur des données, des faits et des preuves scientifiques. C'est dans cet esprit que je vous demande votre avis sur la participation du Canada à la Déclaration d'Hamilton. Pour la gouverne des sénateurs qui ne sont pas au courant de cette initiative, il s'agit d'une collaboration internationale visant à préserver l'écosystème de la mer des Sargasses, lieu de naissance de toutes les anguilles américaines et européennes et habitat de nombreuses autres espèces. Les Canadiens, en général, et les Canadiens de l'Atlantique, en particulier, ont tout intérêt à protéger cet habitat. Si le Canada décidait de signer la déclaration, ce serait un grand encouragement pour ceux qui s'occupent de cette initiative.

(1540)

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelle est votre position sur cette question?

L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je vous remercie, sénateur Moore, de votre question. Sénateur, c'est peut-être la dernière fois que j'ai le privilège de vous saluer en public, devant vos collègues, pour les services extraordinaires que vous avez rendus au Canada et pour le temps que vous avez passé au Sénat.

Des voix : Bravo!

M. LeBlanc : Sénateur, j'ai eu le privilège de vous considérer comme un ami pendant 20 ans, période pendant laquelle j'ai trouvé extraordinaire votre contribution au Sénat et à la politique publique canadienne. Je tenais à le dire.

En ce qui concerne votre question précise, vous avez été un chef de file dans ce dossier. Vous avez déployé de grands efforts au Canada pour amener le gouvernement à signer la Déclaration d'Hamilton. De toute évidence, notre gouvernement appuie pleinement le travail axé sur la science qui est effectué dans le monde pour identifier les zones importantes du point de vue écologique et reconnaît l'importance de l'action collective nécessaire pour préserver les régions les plus délicates, telles que la mer des Sargasses. Sénateur Moore, j'ai donné instruction aux fonctionnaires du ministère d'entreprendre le processus destiné à comprendre la procédure à suivre pour que le Canada signe la déclaration.

[Français]

Le Kathryn Spirit

L'honorable André Pratte : Monsieur le ministre, depuis cinq ans, le cargo Kathryn Spirit est amarré aux abords de Beauharnois, au sud-ouest de Montréal. Le vieux navire menace de chavirer ou de s'effondrer, et de libérer ainsi une quantité inconnue d'huile usée et de produits toxiques dans le fleuve Saint-Laurent. Un groupe d'experts a recommandé de construire un remblai autour du navire et de le démanteler en cale sèche, sur place.

Pouvez-vous nous dire quand le remblai sera mis en place et quand le démantèlement sera entrepris?

L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Merci, sénateur Pratte, pour votre question. J'ai eu le privilège, l'été dernier, de vous parler de la situation très malheureuse du Kathryn Spirit. Je sais que cette situation vous inquiète, comme les gens de la région de Beauharnois et tous les Canadiens. J'ai vu les images, qui sont extrêmement inquiétantes.

Vous avez raison, la Garde côtière a entamé des procédures l'été dernier pour stabiliser le navire. Il y avait danger que les amarres liant le navire au quai ne cèdent. De façon beaucoup plus importante, les gens veulent que nous trouvions le moyen de sortir le navire de l'eau.

La Garde côtière m'a confirmé, il y a quelques jours, qu'on entreprendra la construction d'une structure appropriée autour du navire avant que la glace ou l'hiver arrivent. Pendans les mois d'hiver, nous allons démanteler et enlever le navire de manière sécuritaire pour l'environnement et pour les gens qui y travailleront.

Je souhaite que, une fois le printemps arrivé et les eaux navigables à nouveau ouvertes, les gens de cette région n'aient pas à subir les désagréments de voir le Kathryn Spirit attaché de façon instable à leur quai.

Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à ce dossier.

Le saumon de l'Atlantique

L'honorable Percy Mockler : J'aimerais aussi me permettre un commentaire personnel sur la famille LeBlanc, une grande famille du Nouveau-Brunswick. Monsieur le ministre, nous sommes conscients que vous chaussez de grandes pointures à titre de ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, et plus particulièrement en suivant les traces d'une personne éminente, le regretté Roméo LeBlanc. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que vous vous y consacrerez au meilleur de vous-même.

Ma question, monsieur le ministre, est la suivante.

[Traduction]

En 2012, le rapport Gardner Pinfold avait abouti à la conclusion que le saumon atlantique engendre 255 millions de dollars de recettes au Canada. La même étude estimait que l'équivalent de 4 000 ETP était directement créé dans cette industrie. Pour situer cela dans un autre contexte, je dirais que 4 000 emplois représentent l'équivalent de 10 entreprises de fabrication employant chacune 400 travailleurs.

L'exploitation du saumon atlantique constitue une très importante activité économique pour nos gens, surtout dans le Canada atlantique. Je sais que vous le savez.

Monsieur le ministre, le MPO a-t-il déjà fixé le niveau de référence limite pour les stocks de saumon atlantique, l'exploitation par les Premières Nations et par les pêches récréatives ne devant être autorisée qu'au-delà de ce niveau? Y a-t-il des développements dont vous pouvez nous faire part sur la mise en œuvre d'une chasse au phoque gris dans le golfe du Saint-Laurent afin de réduire la prédation du saumon atlantique?

Enfin, quels efforts ont été déployés pour réduire la pêche au saumon dans l'Ouest du Groenland et à Saint-Pierre-et-Miquelon afin de protéger notre saumon et nos populations?

L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Merci, sénateur Mockler. Vous avez posé trois questions allant du Groenland au niveau de référence en passant par l'impact économique du saumon atlantique sur notre province et tout le pays.

Je vous remercie tout d'abord, sénateur Mockler, pour les aimables paroles que vous avez eues à l'égard de mon père, qui était très fier de son amitié avec vous. Il aurait été très fier de votre présence lorsque l'aéroport de Moncton a été rebaptisé à son nom. Ma famille et moi avions été très touchés lorsque vous avez fait le voyage de Saint-Léonard à Moncton ce jour-là. Je sais quelle valeur mon père attribuait à son amitié avec vous. Vous entendre dire ces paroles ici même, au Sénat, m'a profondément touché, comme vous pouvez l'imaginer. Merci.

Sénateur Mockler, notre gouvernement et moi personnellement — venant de la même province que vous et ayant peut-être visité avec vous un camp de pêche de la rivière Restigouche — comprenons l'importance de cette industrie et des emplois qu'elle engendre.

Votre analyse de l'impact économique de ce secteur, non seulement pour notre province, mais aussi pour les autres provinces de l'Atlantique et le Québec, met en évidence la fragilité de beaucoup d'emplois dans des collectivités qui n'ont souvent que peu ou pas d'autres activités économiques. Les collectivités que nous avons visitées ensemble, vous et moi, ainsi que les gens qui travaillent pour ces industries ont des emplois du secteur privé que beaucoup d'entre eux occupent depuis des décennies. Ces gens ne peuvent pas trouver facilement d'autres emplois.

Sénateur Mockler, cela répond à vos trois questions. C'est la raison pour laquelle il est extrêmement important que les partenaires internationaux, comme le Groenland et d'autres — vous avez mentionné Saint-Pierre-et-Miquelon — comprennent l'importance que nous accordons à la préservation du saumon atlantique sauvage.

Toutefois, pour avoir une certaine crédibilité auprès de ces pays lorsque nous les exhorterons à faire davantage et à limiter autant que possible la récolte commerciale, nous devons régler nos problèmes internes avant de nous adresser à eux. Nous reconnaissons l'importance qu'il y a à dire au monde que nous faisons d'importants investissements dans la recherche scientifique, et que nous incluons les collectivités autochtones ayant des connaissances traditionnelles, qui doivent faire partie d'une analyse scientifique adéquate. Nous voulons renforcer notre action sur le plan de l'analyse scientifique et de la compréhension des effets de phénomènes tels que le changement climatique.

Il n'y a pas de doute, sénateur, que la population de phoque gris dans le golfe constitue un autre risque important. Nous croyons qu'une récolte durable de phoque gris fait certainement partie de la solution visant à préserver les stocks de saumon atlantique sauvage. Comme vous le savez très bien, les collectivités autochtones ont une longue tradition de récolte responsable du phoque gris dans leur propre culture et leur conception du bien-être économique. Nous respectons et apprécions cela et nous devons agir à l'échelon international pour que nos partenaires le comprennent également.

(1550)

Pour ce qui est du point de référence, sénateur, je vous répondrai par l'affirmative, parce que je me souviens d'avoir assisté à une séance d'information où la question a été abordée, mais, pour être honnête, sénateur, je ne veux pas vous induire en erreur et je ne veux certainement pas induire le Sénat en erreur. En vous écoutant, je me demandais si, lors de cette séance d'information, il n'a pas été question d'un certain nombre d'options ou d'un cadre général à partir duquel notre gouvernement aurait pris une décision au sujet du point de référence. Je vous communiquerai donc cette information particulière plus tard. La dernière chose que je voudrais faire, sénateur, est de vous induire en erreur, vous ou vos collègues.

Le saumon quinnat

L'honorable Nancy Greene Raine : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de vous être déplacé. Comme vous le savez, je viens de Colombie-Britannique et j'espère que vous avez apprécié votre visite là-bas, la semaine dernière.

Comme vous le savez, le saumon quinnat est en déclin dans cette province depuis des années. La situation est particulièrement alarmante sur l'île de Vancouver. Le saumon quinnat est une espèce emblématique, aussi connue sous le nom de saumon tyee, qui était très recherché par les pêcheurs sportifs avant son déclin marqué. À présent, dans la région de Port Alberni, on s'inquiète au sujet du Programme de mise en valeur des salmonidés qui a été mis en place il y a plus de 30 ans par le ministère des Pêches et des Océans. Je dois préciser ici que, en date de vendredi dernier, on avait recensé 248 quinnats adultes ayant remonté le fleuve Nahmint. En 1982, quand le programme de mise en valeur a été lancé, on en avait recensé 252. Après 30 ans de mise en valeur, nous nous retrouvons avec 10 poissons de moins.

Il semble y avoir un conflit entre la direction du Programme de mise en valeur des salmonidés de Pêches et Océans et une écloserie privée locale qui affirme être en mesure de parvenir à des taux de survie nettement supérieurs que ceux des écloseries piscicoles du MPO. Vous vous rappellerez sûrement le déclin des pêches à la morue sur la côte Est. Ce fut une véritable tragédie. Je crains que, si nous ne prenons pas des mesures immédiates, nous nous retrouvions dans une situation semblable et que le nombre de saumons quinnats ne décline au point où il ne sera plus possible de reconstituer les stocks.

Monsieur le ministre, pourriez-vous demander à un scientifique indépendant d'effectuer une évaluation de toutes les données disponibles, celles du MPO et celles de l'écloserie privée, afin de déterminer si Omega Pacific a raison d'affirmer que ses taux de survie sont de 20 fois supérieurs à ceux du MPO?

L'honorable Dominic LeBlanc, CP, député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Merci, sénatrice Raine, pour votre question. Je vous remercie de vous porter à la défense de l'industrie du saumon de votre province. Vous avez tout à fait raison, ce saumon est une espèce emblématique de votre province. Je la connais depuis que, tout petit, j'allais en Colombie-Britannique et je ne cesse d'en apprendre tous les jours depuis que je suis ministre des Pêches et des Océans, notamment quand je me suis retrouvé samedi soir à Campbell River et dimanche à Bella Bella, avec ma collègue, la ministre Wilson-Raybould.

Vous avez tout à fait raison : le déclin de la population de saumon quinnat préoccupe énormément mon ministère. J'étais en Colombie-Britannique cet été et j'ai eu l'occasion de rencontrer différents groupes de l'industrie — des pêcheurs sportifs, des pêcheurs commerciaux et des scientifiques — pour essayer de comprendre ce problème réel qui ne cesse de s'aggraver. Quand je l'ai rencontré cet été, mon homologue, le ministre Letnik, a exprimé exactement les mêmes préoccupations que vous.

Pour ce qui est des comparaisons entre écloseries, vous avez également raison. Je me souviens, étant enfant, quand j'allais en Colombie-Britannique avec mon père, alors qu'il occupait les fonctions que j'occupe maintenant, et que nous visitions ces mêmes écloseries. J'ai pris conscience de l'attachement de tous ces gens à l'idée que nous pouvons, moyennant des efforts, parvenir à restaurer, de façon responsable et scientifique, les stocks d'une espèce aussi emblématique que le saumon tyee ou quinnat.

En principe, l'idée de diligenter une étude indépendante en cas de revendications scientifiques contraires m'apparaît raisonnable. Je veux cependant m'assurer que, si nous allons dans ce sens, nous ne risquerons pas de retarder les décisions que le ministère pourrait prendre, de façon raisonnable, en partenariat avec d'autres acteurs en Colombie-Britannique.

Je veux aussi m'assurer que tous les rapports scientifiques et toutes les données scientifiques que notre ministère pourrait avoir en sa possession soient mis à la disposition du public sous une forme compréhensible et accessible pour ceux d'entre nous qui ne sont pas des scientifiques. Il faut, parfois, présenter ce genre de rapport et d'information au public d'une façon qui lui soit accessible. Je veux donc, peu importe les données scientifiques que nous ayons en main, que la transparence à cet égard soit absolue.

Je demanderai également au ministère de veiller à ce que les constats scientifiques que j'ai vu énoncés dans les médias en d'autres circonstances soient de nouveau testés par rapport aux avis scientifiques les plus rigoureux et d'une façon telle que la population puisse avoir la certitude que les réponses ou les conclusions que nous tirerons reposent sur des preuves et sur la science plutôt que, comme vous l'avez, je crois, mentionné tout à l'heure, sur des intérêts particuliers liés à tel ou tel programme. Ce genre d'intérêt ne saurait prendre le pas sur la bonne utilisation des fonds publics afin de faire tout ce que nous pouvons pour préserver cette espèce emblématique et favoriser l'augmentation de sa population.

Les pêches de l'Atlantique

L'honorable Michael L. MacDonald : Merci, monsieur le ministre, de vous être déplacé.

Monsieur le ministre, parlons un peu de l'abandon de la politique dite du dernier entré, premier sorti dans l'industrie de la crevette, dans le Canada atlantique. Cette industrie a été établie à la fin des années 1970, quand votre père était alors ministre des Pêches. Les Néo-Écossais ont investi des dizaines de millions de dollars dans cette industrie. Dans les années 1990, des entreprises de Terre-Neuve et du Nunavut ont voulu se lancer dans ce genre de pêche. Elle l'ont fait, mais on avait admis ces nouveaux acteurs à la seule condition que, en cas de baisse de la biomasse, ils seraient les premiers à sortir du marché. Les gouvernements Chrétien, Martin, puis Harper ont adopté la même position.

Après l'interruption des travaux parlementaires à l'été, votre gouvernement a annoncé un changement de politique, soit qu'on abandonnerait ce principe du dernier entré, premier sorti. Je vous concède qu'un gouvernement a le droit de changer de politique et vous êtes le gouvernement du pays. Cependant, si vous songez à la façon dont l'évaluation de la situation a été faite et à la manière dont le ministère s'y est pris, vous savez que tout cela vient d'un comité de cinq hommes, dont quatre de Terre-Neuve et aucun de la Nouvelle-Écosse. Ils ont fait le tour de cinq municipalités à Terre-Neuve et n'ont visité aucune collectivité de pêcheurs en Nouvelle-Écosse. Comment peut-on, nous les Néo-Écossais, considérer que ce processus est honnête et légitime avec ce comité injustement constitué et cette procédure non équilibrée? Comment les Néo-Écossais peuvent-ils croire qu'ils sont bien traités dans ce processus?

L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Sénateur MacDonald, merci beaucoup pour votre question. Vous venez de mettre le doigt sur une des questions les plus importantes auxquelles j'ai été confronté quand j'ai assumé mes fonctions de ministre des Pêches et des Océans, à la fin mai. Vous avez tout à fait raison, mon prédécesseur avait mis sur pied un groupe indépendant, comme notre parti s'y était engagé pendant la campagne électorale, parce que c'était une promesse très claire dans notre plateforme.

Je comprends les préoccupations de certaines personnes au sujet de la composition de ce groupe. Je sais qu'un éminent Néo-Écossais avait accepté d'assumer une fonction très élevée au sein du groupe, mais que, pour des raisons personnelles, il n'a pas pu le faire, à la dernière minute. Force est maintenant de constater que ce fut probablement regrettable parce que sa présence nous aurait permis de calmer les préoccupations compréhensibles exprimées par beaucoup dans l'industrie de votre province, et même au sein du gouvernement provincial, le premier ministre McNeil s'étant lui-même manifesté, comme d'autres. J'en suis donc conscient.

Cependant, honorable sénateur, je ne veux pas non plus me réfugier derrière ce processus parce que, en fin de compte, j'estime que la décision prise a été la bonne. J'aurais personnellement pris la même décision et j'aurais cherché à adopter un régime de partage proportionnel même en l'absence d'une recommandation en ce sens faite par un groupe indépendant.

Nous serons peut-être en partie d'accord sur la question du groupe et sur les perceptions le concernant, mais, à ce que je sache, rien n'indique que son travail n'a pas été digne de confiance et n'a pas reposé sur des faits. J'en suis intimement convaincu. Cela étant, je comprends vos préoccupations et je vous entends bien.

Toutefois, comme je l'ai dit — et je l'ai dit publiquement —, en ma qualité de ministre des Pêches et des Océans, j'aurais moi-même conclu que, face à une telle diminution du... Comme vous le savez, j'ai accepté que le total autorisé des captures de crevettes nordiques dans la zone 6, par exemple, soit réduit de 42 p. 100 après avoir accepté l'avis des scientifiques. Des communautés autochtones dans le Nord et au Labrador ainsi que d'autres localités du Nord voulaient participer à ce genre de pêche. J'aurais donc conclu qu'il n'aurait pas été acceptable que le gouvernement, pour des raisons économiques, exclue, et de façon radicale, un si grand nombre de pêcheurs côtiers qui, depuis des décennies, soyons justes, avaient activement participé à ce genre de pêche, employant du même coup des milliers de personnes le long des côtes et dans certaines localités côtières de Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai donc dû prendre la délicate décision de favoriser le partage d'une ressource en train de s'effondrer afin de maximiser les retombées économiques pour tous les Canadiens.

(1600)

Ayant lu le rapport du comité consultatif et ayant discuté avec beaucoup d'autres personnes qui n'ont peut-être pas comparu devant le comité, j'ai conclu que le principe le plus équitable et le plus approprié à appliquer est le partage proportionnel. C'est pour cette raison que j'ai mis fin au principe du dernier arrivé, premier sorti, principe que — vous avez absolument raison — beaucoup de mes prédécesseurs des deux partis politiques ont établi comme base de répartition de cette pêche. J'ai fait un choix différent, que je maintiens.

Le sénateur MacDonald : Merci, monsieur le ministre. Je comprends votre position. Il y a là un principe lié à la proportionnalité. Je soutiens cependant que si le comité a visité cinq collectivités de Terre-Neuve, mais pas une seule de la Nouvelle-Écosse, le processus était déficient.

J'ai une autre question. Puisque nous avons accepté le principe du partage de la richesse — je crois que c'est ce que vous préconisez ici —, je voudrais aborder la question de la mactre de l'Atlantique en Nouvelle-Écosse.

Pour la gouverne de ceux qui ne connaissent pas ce mollusque, l'industrie de la mactre est essentiellement concentrée dans un seul banc, le banc Banquereau du Cap-Breton, qui se trouve au sud-est de Louisbourg. C'est tout près de ma ville natale. Nous avons toujours considéré que c'était le « banc du Cap-Breton », en quelque sorte.

Au cours des années 1990, le gouvernement libéral avait délivré quatre permis de pêche, qui avaient tous étés achetés par une seule société. Nous avons maintenant un monopole. Il y a donc un monopole sur le banc Banquereau : une seule société paie moins de 250 000 $ par an et réalise des recettes brutes de 50 à 60 millions de dollars grâce à la mactre de l'Atlantique.

Des efforts ont été déployés au cours des dernières décennies. Cette société contrôle toutes les données scientifiques. Des efforts ont été faits pour encourager le gouvernement à lancer un appel d'offres pour la délivrance d'un plus grand nombre de permis afin d'assurer une plus grande participation à l'industrie de la mactre de l'Atlantique.

Au printemps 2015, le gouvernement précédent avait décidé, sans l'annoncer officiellement, de lancer un appel d'offres pour de nouveaux permis d'exploitation de la mactre de l'Atlantique. Pourtant, jusqu'ici, rien ne s'est passé.

Si vous croyez au principe de la proportionnalité, pourquoi appuyons-nous un accès élargi à l'industrie de la crevette tout en maintenant un monopole dans l'industrie de la mactre de l'Atlantique?

M. LeBlanc : Je vous remercie, sénateur MacDonald, de votre question.

Vous avez parlé du processus du dernier arrivé, premier sorti. Comme vous le savez, une réunion a eu lieu à Halifax le 10 juin, au cours de laquelle le comité consultatif ministériel a entendu un certain nombre d'intervenants de la Nouvelle-Écosse. Je tenais à le mentionner officiellement parce que je ne voulais pas qu'il soit dit que le comité n'a pas tenu de réunion en Nouvelle-Écosse. Il en a eu une à Halifax.

Je reconnais que ce n'était peut-être pas aussi exhaustif que dans les autres provinces, mais nous avons reçu des mémoires écrits d'un certain nombre de personnes, et le comité a tenu une assez longue réunion dans la capitale de votre province le 10 juin.

Passons maintenant à la mactre de l'Atlantique. Sénateur, je comprends et j'apprécie le lien que vous faites. Le partage et la maximisation des avantages de la crevette nordique pour les Canadiens ont constitué l'une des principales raisons — je dirais même la principale raison — de ma décision de mettre fin à la politique du dernier arrivé, premier sorti. Nous devons penser aux autres espèces et aux autres pêches qui pourraient aussi offrir des perspectives économiques à d'autres collectivités et à d'autres partenaires comme cela n'a pas toujours été le cas auparavant.

Je sais que le gouvernement précédent avait lancé une sorte de processus de demande de propositions. Vous savez, je suppose, que notre gouvernement n'a pas ouvert les soumissions reçues. Nous n'avons pas décidé de les prendre en considération sur la base du processus suivi par le gouvernement précédent.

Toutefois, je ne me désintéresse pas des avis scientifiques concernant l'exploitation de la mactre de l'Atlantique. Je crois que le groupe consultatif qui a reçu les avis scientifiques a tenu une réunion fin septembre.

J'ai demandé au ministère de travailler avec le groupe consultatif et les scientifiques pour qu'il me soit possible de déterminer d'une façon très concrète s'il est effectivement possible pour d'autres personnes de participer à l'exploitation de cette pêche d'une manière durable qui ne compromette pas cette industrie très lucrative qui a offert aux Canadiens et aux entreprises canadiennes un avantage mondial.

Je comprends l'importance économique de cette ressource. Je ne suis cependant pas en mesure de prendre une décision parce que je n'ai pas encore reçu du ministère un avis scientifique sur les options possibles si nous décidions de permettre une participation différente ou élargie. Je ne dispose pas encore de cet avis.

Une fois que je l'aurai reçu, si, comme vous semblez l'indiquer ou le croire — et je n'ai pas de raisons de penser que ce sera positif ou négatif parce que je n'ai même pas une ébauche de l'avis —, il est possible d'envisager d'autres mesures, je voudrais évidemment réfléchir à un moyen équitable et approprié de procéder.

Je ne suis pas sûr de vouloir nécessairement suivre le processus du gouvernement précédent. Cela dit, je n'ai pas vraiment pensé à un meilleur processus. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au ministère de ne pas ouvrir les soumissions reçues parce que je veux avoir la possibilité de réfléchir moi-même et d'entendre l'avis de partenaires de l'industrie, de membres du Sénat et de collègues de la Chambre des communes et certainement de représentants de votre province, qui pourraient avoir des suggestions sur la façon de procéder si nous décidons finalement de faire quelque chose.

Cela fait beaucoup de « si », mais je réponds à une question hypothétique. Vous vous souvenez sans doute qu'à l'école de droit, nous ne faisions jamais cela. Je voulais cependant vous donner une réponse aussi complète que possible, compte tenu de l'information dont je dispose.

L'industrie de l'aquaculture

L'honorable Don Meredith : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au Sénat.

En qualité d'ancien membre du Comité des pêches, je sais que nous avons tenu de nombreuses réunions un peu partout au pays dans le cadre d'une mission d'information au cours de laquelle nous avons examiné l'industrie de l'aquaculture, sa croissance exponentielle et les problèmes qu'elle a évidemment posés pour le MPO.

Monsieur le ministre, quelle est votre position au sujet de la réglementation qui relève actuellement de votre ministère et du fait que cette industrie particulière demande à être régie par une loi distincte?

Deuxièmement, quelle est votre position en ce qui concerne l'aide à cette industrie et la création d'emplois sur la côte Est? Je ne veux pas me mêler de la politique des pêches de la côte Est — qui est un peu trop épineuse pour moi —, mais il s'agit de créer des perspectives économiques durables, surtout pour les jeunes de la région qui essaient de trouver des emplois sérieux leur permettant de subvenir à leurs propres besoins. Je vous remercie.

L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne : Je vous remercie de votre question, sénateur Meredith.

Vous avez parfaitement raison. Le gouvernement actuel reconnaît, comme le comité sénatorial permanent l'a fait dans un rapport aussi complet que perspicace, l'importance de l'industrie de l'aquaculture pour l'économie canadienne.

On me dit que, à l'heure actuelle, plus de 50 p. 100 du poisson et des fruits de mer consommés dans le monde sont des produits d'élevage. Je viens du Nouveau-Brunswick, où l'industrie de l'aquaculture est importante et bien établie dans la baie de Fundy et ailleurs. Depuis le chalet de mon beau-père, nous pouvons voir les éleveurs d'huîtres de la baie de Bouctouche.

Je comprends fort bien l'importance de cette industrie pour les petites collectivités côtières. Je comprends aussi que les Canadiens doivent avoir la certitude que l'aquaculture n'est pas néfaste à la santé des poissons sauvages; les gens doivent être rassurés sur le fait que tout cela ne pose aucun risque pour les écosystèmes marins, pas plus, évidemment, que pour la navigation. Mon collègue, le ministre Garneau, et moi travaillons sur certains aspects de cette question.

Comme je l'ai indiqué à mes homologues provinciaux et à vos collègues au Sénat, sénateur Meredith, je suis prêt à me laisser convaincre qu'une loi sur l'aquaculture peut contribuer à créer une certitude réglementaire. Les investisseurs n'aiment pas l'incertitude entourant les règles et les règlements. Cependant, les Canadiens n'aiment pas avoir l'impression que les règles ne sont pas aussi strictes qu'elles pourraient ou devraient l'être et que les exploitations aquacoles ne sont pas tenues à suffisamment de transparence et de reddition de comptes.

Une façon de s'y prendre — et, très honnêtement, je vous avoue que c'est votre comité qui m'en a convaincu — consisterait à adopter une loi fédérale. Le Sénat pourrait être une excellente source de conseils sur la façon de procéder. Évidemment, il nous faudrait négocier avec nos partenaires provinciaux qui, dans différents secteurs et dans différentes régions du pays, ont à jouer des rôles différents dans le domaine de l'agriculture, et avec l'industrie elle-même. J'ai demandé au ministère d'entamer des pourparlers avec les provinces, l'industrie, la communauté scientifique et toutes les personnes qui ont des préoccupations bien compréhensibles au sujet des pêches sauvages afin de déterminer la bonne façon de procéder.

(1610)

J'espère pouvoir compter en permanence sur les conseils du Sénat et du Comité sénatorial des pêches, si je peux convaincre mes collègues du Cabinet que c'est quelque chose que nous pouvons entreprendre.

[Français]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps alloué pour la période des questions est maintenant écoulé.

[Traduction]

Je suis certain que tous les honorables sénateurs se joindront à moi pour remercier le ministre LeBlanc de sa présence parmi nous aujourd'hui. Merci, monsieur le ministre. Au plaisir de vous revoir.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Lankin, appuyée par l'honorable sénatrice Petitclerc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (élimination des iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription), soit lu pour la deuxième fois.

L'honorable Frances Lankin : Je reprends avec enthousiasme, même si le sénateur Plett m'a signalé qu'il ne me restait que 41 minutes, et non 45. Cela me rassure grandement, parce que c'est la pensée qu'il ne me restait que 3 minutes qui m'inquiétait. Je ne sais pas comment gérer mon temps de parole quand le délai est aussi court.

Je rappellerai que le projet de loi S-3 est un projet de loi d'initiative ministérielle présenté au Sénat. Il vise à modifier la Loi sur les Indiens. Les modifications législatives proposées élimineront ce qu'on appelle la discrimination ou les inégalités résiduelles fondées sur le sexe présentes dans la Loi sur les Indiens. On dit que ces inégalités sont résiduelles parce qu'elles découlent des dispositions discriminatoires originales, antérieures à 1985, aux termes desquelles la femme « indienne », selon la définition de la Loi sur les Indiens, qui épouse un non-Indien perd son statut, son droit à la propriété et son droit de vivre dans une réserve et fait perdre leurs droits à ses enfants et aux générations suivantes.

En 1985, le problème concernant les femmes des Premières Nations et leurs descendants directs a été corrigé, ce qui était formidable pour la suite des choses. Cependant, le droit d'obtenir et de transmettre le statut d'Indien inscrit au titre de la Loi sur les Indiens n'a pas été accordé de la même façon selon le sexe de la personne concernée. Ce projet de loi propose des modifications pour mettre fin à ces inégalités persistantes.

Encore une fois, je vais m'appuyer sur les deux cas abordés dans une décision de la Cour supérieure du Québec : la décision Descheneaux. Dans cette affaire, M. Descheneaux et deux autres plaignants ont fait part de leurs préoccupations concernant leur situation familiale, mais également celle de milliers de personnes au Canada qui se voient refuser la possibilité d'obtenir le statut d'Indien inscrit et de jouir ainsi des droits et des privilèges qui s'y rattachent.

Le premier des deux cas porte sur la question des cousins, soit la situation des cousins de même famille qui sont traités différemment lorsqu'il s'agit d'obtenir le statut d'Indien inscrit — c'est-à-dire d'être reconnu en tant qu'Indien — selon le sexe de leur grand-parent. Il est question du droit d'acquisition et de transmission du statut d'Indien inscrit déterminé en fonction de la lignée maternelle et de la lignée paternelle. Si le grand-parent était un homme, les droits sont accordés. Avant 1985, les droits n'étaient pas accordés de la même façon si le petit-enfant d'un grand-parent était de sexe féminin. La modification proposée corrigera cette situation.

Le deuxième cas concerne la question des frères et sœurs. Il est question de la façon différente de traiter la transmission du statut d'Indien selon que des enfants de même famille sont de sexe masculin ou féminin dans le cas des enfants nés hors mariage.

Supposons qu'un homme au statut d'Indien a des enfants avec une femme non indienne et qu'ils ne sont pas mariés. S'ils ont un fils, ce fils aura le statut d'Indien et pourra, selon certains critères, transmettre ce statut à ses descendants. Je fournirai plus de précisions au sujet des restrictions qui existent toujours à cet égard. Toutefois, pour ce qui est de la discrimination fondée sur le sexe, la lignée conserve des droits clairs.

Supposons maintenant que ce père indien et sa conjointe non indienne, à laquelle il n'est pas marié, ont eu une fille avant 1985 : cette enfant a le statut d'Indienne en vertu d'une disposition secondaire de l'article 6 de la Loi sur les Indiens. Elle ne peut toutefois pas transmettre à ses enfants, donc aux petits-enfants du couple dont nous parlons, les mêmes droits qu'à un petit-fils.

Si la famille en question a un fils et une fille, ces deux enfants n'ont pas les mêmes droits quand il s'agit de transférer le statut d'Indien à leurs propres enfants. Le projet de loi à l'étude règle ce problème et élimine cette inégalité résiduelle.

La troisième et dernière inégalité résiduelle fondée sur le sexe n'a pas été traitée directement dans la décision Descheneaux, si je ne m'abuse. Elle comporte toutefois les mêmes éléments et découle de la réponse aux directives formulées dans la décision Descheneaux. Le problème touche le retrait des enfants mineurs.

La situation problématique se produit lorsque deux personnes qui ont le statut d'Indien se marient et que, par la suite, le mariage prend fin. Avant 1985, si la mère se remariait avec un non-Indien, la mère et l'enfant perdaient le statut d'Indien. La disposition de transfert a été corrigée en 1985, et d'autres corrections ont été apportées par la suite. Tout enfant et tout petit-enfant de cette femme né avant 1985 n'a pas le statut d'Indien.

J'espère que je présente tout cela comme il faut. C'est complexe, mais j'essaie de couvrir tout le sujet.

Dans cette situation, la discrimination est de nouveau rattachée au transfert de l'inscription. Les mineurs en sont victimes, parce que si, après dissolution du mariage, la femme qui est Indienne inscrite se remarie avec un non-Indien et que les enfants de son premier lit sont adultes, ceux-ci conservent leur statut et le droit de transmettre leur inscription. Ce n'est pas le cas s'ils sont mineurs.

Toutes ces situations datent et elles n'ont pas été réglées. Elles s'appliquent à un groupe de personnes qui, dans le cadre de mariages ou d'unions, ont donné naissance à des enfants, ou à des personnes qui se trouvent dans cette situation parce que leurs petits-enfants sont nés avant 1985. Ces situations ont échappé aux modifications majeures apportées à la Loi sur les Indiens en 1985 afin d'éliminer la discrimination entre hommes et femmes. On a déjà tenté de corriger cela petit à petit — en 2010, on a proposé des amendements à la Loi sur les Indiens pour assurer l'égalité des sexes, mais ces modifications n'ont pas réglé ces problèmes particuliers; elles en ont réglé d'autres. Nous devons maintenant corriger ceux-ci, et Descheneaux affirme que cette situation n'est pas conforme à la Charte. Il faut corriger cela. La question est revenu devant le Parlement.

Soulignons que le gouvernement reconnaît tout à fait qu'il reste d'autres injustices. Les injustices sexistes sont un aspect du problème qui demeure dans le cas de l'inscription en vertu de la Loi sur les Indiens. Il reste une multitude de problèmes qu'il sera important de régler, mais ceux-ci sont directement reliés à la discrimination sexiste, ils ont échappé aux modifications de 1985 et ils sont directement liés à la décision de la Cour supérieure du Québec qui établit que ces dispositions ne sont pas conformes à la Charte. Il faut donc les modifier, sinon la cour annulera les dispositions de la Loi sur les Indiens qui régissent l'inscription.

Je ne veux pas trop entrer dans les détails, mais il reste d'autres problèmes à régler — deux ou trois problèmes très importants que je traiterais carrément d'injustices. On y trouve une disposition créée en même temps que les modifications de 1985 et qui s'appelle l'inadmissibilité de la deuxième génération. Je ne suis pas expert de ces questions historiques, mais j'ai appris — pour autant que je comprenne bien — que, en 1985, lorsqu'on a reconnu que les droits de la Charte s'appliquaient aussi aux femmes autochtones qui avaient perdu leur statut pour s'être mariées à un non-Indien, on a déposé un projet de loi pour modifier la situation. On a cherché à modifier ces dispositions pour qu'elles respectent la Charte. Bien des gens s'en sont préoccupés, des Indiens inscrits, des chefs autochtones, des communautés autochtones et des personnes non autochtones.

(1620)

Les autres cultures autochtones, comme les Métis, en ont beaucoup discuté. On a entendu une multitude d'opinions à ce propos. Certaines de ces opinions ont déclenché des interrogations légitimes. On s'est inquiété, par exemple, de trouver, à la suite des amendements de 1985, une vague de nouveaux noms à ajouter à la liste des personnes à consigner au registre des Indiens inscrits. Si tous ces gens s'installaient dans des réserves, qu'arriverait-il au financement des programmes offerts dans les réserves, et quelles garanties recevrait-on du gouvernement?

Ces amendements ont aussi causé tout un éventail de répercussions sur les programmes gouvernementaux, comme les services de santé que l'assurance ne couvre pas.

Les gens se sont aussi inquiétés des répercussions sur les communautés de Premières Nations, sur l'union de leurs membres et sur leurs tentatives de rétablir un attachement culturel. Quelles répercussions aurait le retour de personnes qui avaient vécu loin de ces communautés — et j'utilise ce terme en regardant les personnes ici qui viennent de la côte Est —, qui n'avaient pas grandi dans cette communauté ethnoculturelle cohésive et n'avaient peut-être pas tout l'intérêt ou la compréhension envers la communauté qu'aurait tout autre membre? Certains s'en préoccupaient.

D'autres se demandaient où s'arrêter. D'ailleurs, encore aujourd'hui, certaines communautés autochtones — une minorité, soulignons-le — ont pris en main la gestion de leurs listes d'Indiens inscrits et discutent beaucoup du degré de sang indien requis. En vertu de la loi, de la Loi sur les Indiens, dans quelle mesure doit-on être Indien pour être consigné dans le registre?

Certains comprennent mal ces débats et ces discussions, mais d'autres les ont très, très à cœur. Ce n'est pas une excuse pour ne rien faire, mais nous avons de bonnes raisons d'avancer avec prudence et d'inviter la participation des chefs et des membres des Premières Nations à participer à cette conversation importante.

Je peux vous dire que, même l'année dernière, certains membres de la communauté trouvaient que nous avancions trop rapidement. Ils se disaient que nous ne devrions pas déposer le projet de loi S-3 et aborder ces trois cas résiduels d'inégalité des sexes sans entamer une discussion sérieuse.

Cependant, comme une décision de la Cour supérieure déclare cet article de la Loi sur les Indiens non conforme à la Charte, le Canada est responsable de réagir. Au cours des discussions que le gouvernement a tenues pendant l'été avec plusieurs communautés sur les articles en question, les communautés comprenaient, mais elles désiraient profondément qu'on aborde aussi tous les autres problèmes.

Le gouvernement a donc annoncé en juillet, je crois, qu'il suivrait un processus en deux phases. Pendant la première phase, nous nous occuperons de la décision Descheneaux et des inégalités sexistes qui n'avaient pas été résolues. Au cours de la deuxième phase, nous lancerons une consultation plus vaste avec les chefs et avec des communautés autochtones et des Premières Nations afin de discuter des questions que j'ai mentionnées, comme l'inadmissibilité de la deuxième génération, afin de déterminer le degré de sang indien requis et jusqu'où il faut remonter. Cette question a été soulevée, et il y a d'autres enjeux tout aussi importants.

Nous nous heurtons aussi à de vastes problèmes systémiques. Je voudrais poser la question suivante, et je sais que de nombreux membres de communautés autochtones l'ont aussi posée : pourquoi, en 2016, le Canada s'arroge-t-il encore le droit et le pouvoir absolu de déterminer qui est Indien et qui peut être inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens et ainsi profiter du statut et des droits qui l'accompagnent? Il n'est pas facile de discuter de ces choses. Les débats seront complexes. Les opinions découlent de l'expérience personnelle de chaque participant ainsi que du vécu de sa communauté et de sa nation, et toutes ces expériences sont différentes. Le vécu d'une communauté située dans une région éloignée du Nord qui perd des membres de sa bande et qui s'efforce de maintenir une base de population durable est bien différent de celui d'un Autochtone de Kahnawake. Ces problèmes sont très différents, et nous nous devons d'écouter et de comprendre. C'est pourquoi il faut suivre un processus en deux phases.

Je vais parler brièvement de l'engagement et de la consultation. Le gouvernement s'est engagé, selon ce que j'ai entendu, à donner un souffle vital aux relations de nation à nation — et j'appuie le gouvernement totalement à cet égard. Ce n'est pas possible de le faire si on est déterminé à imposer sa volonté et à prendre des décisions unilatérales sur certaines questions importantes et complexes qui ne font pas l'unanimité.

Certaines des questions à traiter sont de nature discriminatoire et injuste, et il faudra y donner suite promptement à mesure que nous avançons. Le gouvernement devra tenir compte des conseils et de la sagesse des personnes habitant dans les communautés pour déterminer la meilleure voie à suivre.

J'ai parlé un peu de la mesure législative de 1985, mais je ne peux le faire sans chercher au plus profond de moi et rendre hommage aux personnes qui ont mené courageusement le combat afin que des modifications soient apportées en 1985 et que les droits des femmes soient rétablis. De nombreuses personnes ont contribué aux efforts. J'ai eu l'occasion à cette époque de travailler aux côtés de femmes et d'activistes autochtones afin que l'égalité des sexes soit enchâssée dans la Charte. Ces personnes ont fait preuve de beaucoup de courage en soulevant ces questions, parfois même alors qu'elles se heurtaient à l'opposition de leurs communautés.

Je tiens à mentionner une femme en particulier, Mary Two-Axe Early. C'est une femme mohawk de la réserve de Kahnawake qui avait perdu son statut et le droit d'être propriétaire de sa propre maison. Elle a pu retourner vivre dans sa maison, mais seulement parce que sa fille, qui avait épousé un homme ayant le statut d'Indien inscrit, a pu garder la maison. Mary a donc pu vivre chez sa fille. Autrement, elle aurait été bannie de sa communauté. Bien qu'elle ait pu rester dans sa maison, elle a déclaré qu'elle s'y sentait comme si elle était en visite.

C'était une femme courageuse et une oratrice hors pair. Elle a notamment pris la parole devant un grand nombre d'assemblées et de groupes communautaires afin de nous aider à comprendre tandis que nous luttions pour l'égalité des sexes et que nous étions persuadées que les Canadiennes avaient beaucoup à gagner de l'inclusion de ces droits dans la Charte. Je dois dire qu'elle nous a conscientisées et aidées à comprendre qu'il y avait bien plus en jeu pour les femmes autochtones.

Je suis fière de pouvoir parrainer ce projet de loi en sa mémoire aujourd'hui. Elle était une héroïne à mes yeux et à ceux de bien des gens qui ont participé au Comité canadien d'action sur le statut de la femme et à la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme, qui ont mené à la recommandation concernant les modifications de 1985 grâce au travail de personnes telles que Mary Two-Axe Early et d'autres femmes autochtones luttant pour l'égalité des droits des femmes. À leurs côtés se trouvaient de nombreuses femmes non autochtones, qui ont embrassé cette cause, qui y ont cru et qui l'ont appuyée.

Puis, il y a eu les modifications de 1985, et vous m'avez entendue parler de ce qu'elles ont accompli. Presque immédiatement après leur entrée en vigueur, les tribunaux furent saisis de l'affaire McIvor, qui se rendit jusqu'à la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, je crois, à la suite d'un jugement. L'affaire McIvor a permis de faire progresser quelque peu certains enjeux. Cela se passait en 2010. Les premières modifications ont donc été apportées en 1985, et l'égalité entre les sexes a été inscrite dans la Loi sur les Indiens aux environs de 2010. Il a fallu toutes ces années pour en arriver à cette décision et présenter cette mesure législative.

Les choses progressent parfois lentement. Nous voici, six ans plus tard. C'est peu après cela que l'affaire Descheneaux a été portée devant les tribunaux. Nous voici maintenant avec une décision et quelques mesures.

La décision dans l'affaire Descheneaux a été rendue à l'été de l'an dernier, le 3 août je crois. À cette époque, vous vous en souvenez sûrement tous, il y avait une campagne électorale et le gouvernement n'était donc pas vraiment présent. Le ministère de la Justice a interjeté appel de cette décision, ce qui est la procédure normale pour permettre à un gouvernement, quel qu'il soit une fois élu, de prendre une décision relativement aux directives des tribunaux.

(1630)

Sachant que des élections avaient été déclenchées, plutôt que de donner 12 mois au gouvernement pour modifier et corriger la loi avant que soient supprimées les dispositions en cause, le tribunal lui a donné 18 mois, étant entendu qu'il lui faudrait du temps, selon les résultats des élections, pour assimiler le dossier et prendre une décision. C'est effectivement ce qui est arrivé. Il a fallu un certain temps. Il y a eu un changement de gouvernement. L'appel a été maintenu. Affaires autochtones et du Nord Canada et d'autres ministères auxiliaires ont informé la ministre du dossier et des décisions ont été prises.

Cela se passait au moment où la commission d'enquête et l'enquête sur les femmes autochtones portées disparues ou assassinées prenaient forme. Il y avait des discussions très sérieuses avec les communautés sur la façon de délimiter et de structurer les travaux pour s'assurer qu'ils ratissent large et qu'ils touchent à toutes les questions pertinentes.

Cette question a été présentée et une décision a été prise en mars ou mai. Je vais devoir consulter mes notes pour vérifier la date. Il a été décidé que l'appel serait abandonné et qu'une mesure législative serait élaborée conformément aux directives de la cour. La mesure législative a été élaborée et soumise au Cabinet. C'est le processus obligatoire.

Avec l'approbation du Cabinet, le ministère a entamé, au cours de l'été, des pourparlers avec les dirigeants et les communautés autochtones au sujet des dispositions que j'ai mentionnées, les trois dispositions qu'il fallait corriger.

Après ces pourparlers, un processus en deux étapes a été annoncé. Le gouvernement commence par donner suite à l'arrêt Descheneaux. Ensuite, il s'attaquera aux problèmes particuliers et aux problèmes généraux à la seconde étape.

À l'heure actuelle, des discussions préliminaires ont lieu avec les représentants des communautés et les dirigeants pour déterminer comment structurer les consultations de la deuxième étape. Il est important de se souvenir de l'historique de ce dossier. Après la décision McIvor et les modifications apportées à la Loi sur les Indiens en 2010, ces questions plus générales ont été soulevées. Ces questions sont connues. Elles ne sont pas apparues au cours de la dernière année. Elles sont connues depuis longtemps. Toutefois, à l'époque, le gouvernement avait décidé de lancer un processus exploratoire, qui n'était pas une consultation entre le Canada et les Premières Nations ou les communautés autochtones. C'était plutôt un processus visant à faire discuter les communautés autochtones entre elles, ainsi qu'à tenter de dégager un consensus sur les problèmes existants, même si aucun consensus n'a émergé sur la façon de les régler. Le processus a suivi son cours.

Lorsqu'un rapport a été publié en 2014 sur les enjeux soulevés dans le cadre du processus et les résultats de ce dernier, la fin du mandat du gouvernement approchait, et la période préélectorale était sur le point de commencer. Les enjeux étaient, et sont toujours, vastes et graves. Ils nécessitaient un engagement important et des consultations approfondies. Or, le gouvernement de l'époque estimait que ce n'était pas le moment approprié pour passer à l'action.

Voici où nous en sommes maintenant. Au cours de la deuxième étape, nous nous servirons de tous les renseignements tirés des affaires judiciaires et du processus exploratoire et, en collaboration et en consultation avec les Premières Nations, nous élaborerons un processus visant à déterminer les enjeux et à comprendre comment les aborder. Qu'est-ce qui peut être fait plus tôt? Qu'est-ce qui prend plus de temps? Nous croyons que nous pouvons parvenir à une solution en adoptant une véritable approche de nation à nation.

Le ministère nous informe que, selon les données démographiques, il y a entre 28 000 et 35 000 personnes qui se verront accorder de nouveaux droits à l'inscription au registre à la suite de l'adoption des modifications proposées. On imagine bien que cela soulève plus d'une question.

Le sénateur Plett surveille l'horloge pour moi et m'indiquera lorsque mon temps de parole sera près d'être écoulé.

La discussion a permis de soulever certains points. Tout d'abord, il y a la responsabilité qui incombe au Canada. Si les personnes visées par les nouveaux droits choisissent de s'en prévaloir — et il n'est pas certain que toutes le feront —, il faudra dégager des fonds suffisants pour couvrir les services de santé non assurés. Cette responsabilité incombe au gouvernement fédéral et elle est prévue dans le cadre financier. Il faut que cette garantie importante demeure.

Il y a aussi des répercussions sur le plan des études postsecondaires. Elles ont aussi été prévues dans le cadre financier. Selon nous, il est entendu que le Canada a le devoir de fournir des appuis à cet égard.

Il importe de comprendre certaines distinctions relatives aux communautés vivant dans les réserves. Environ le tiers de celles-ci ont signé avec le Canada une entente sur l'autonomie gouvernementale et ont déterminé leurs propres règles concernant l'appartenance à la communauté. Celle-ci n'est pas déterminée ipso facto. Une personne qui se voit accorder des droits en vertu des modifications proposées par le projet de loi et qui choisit de devenir Indien inscrit, avec les droits que cela comporte, devient automatiquement membre de sa communauté patrimoniale et de sa réserve, et cette appartenance sera régie par les règles de celle-ci.

Un autre tiers des communautés n'ont pas conclu et signé d'entente de gouvernement à gouvernement et fonctionnent conformément à l'article 10 de la loi, qui permet aux communautés en négociation avec le ministère d'éventuellement établir et appliquer leurs propres règles d'appartenance à leur bande. En fait, nous ignorons combien de personnes se prévaudront des nouveaux droits à l'inscription et, parmi celles-ci, nous ne savons pas combien iront vivre dans une réserve. Cela dépendra des règles d'appartenance établies par les communautés.

Le troisième tiers est constitué de personnes qui acquièrent le statut d'Indien inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens. Elles sont ajoutées sur la liste. Si une personne veut acquérir le statut d'Indien inscrit, devenir membre d'une bande et déménager dans une réserve, les règles lui permettront de le faire parce que le droit d'adhésion est transmissible.

Certains craignent les répercussions que pourront avoir ces dispositions sur les populations locales. C'est une question importante, mais l'expérience passée et les données sur les flux migratoires entrant et sortant dans les bandes et les réserves nous démontrent qu'il n'y a pas lieu d'appréhender l'arrivée d'un grand nombre de personnes, au point où les programmes offerts et l'argent disponible localement ne suffiraient plus pour offrir à tous l'aide et les services habituels.

Le ministère des Affaires autochtones et le ministère de la Santé se sont engagés à collaborer avec les dirigeants des Premières Nations et à demeurer vigilants en ce qui a trait aux répercussions locales, de manière à évaluer le financement additionnel qui serait éventuellement nécessaire pour maintenir les services. Ces répercussions varieront beaucoup d'une réserve à l'autre et d'une région à l'autre du Canada. Quoi qu'il en soit, les craintes qui ont été soulevées à cet égard sont tout à fait légitimes. Les ministères et le gouvernement ont pris les mesures nécessaires pour en tenir compte.

D'autres problèmes seront abordés dans la deuxième phase, qu'il s'agisse de la perte des droits à partir de la deuxième génération, de l'élimination de cette limite et des autres dispositions ayant trait au même genre de problème, qu'il s'agisse de l'appartenance aux bandes, des services sociaux ou des programmes de logement. Beaucoup de programmes arrivent à peine à répondre aux besoins actuellement. Les craintes à leur sujet sont absolument légitimes, mais elles démontrent la nécessité de traiter ces questions avec les mécanismes de la deuxième étape et d'en discuter en profondeur.

Je voudrais parler de deux autres questions relatives au projet de loi. L'article 8 précise qu'une personne ne peut réclamer une compensation à l'État ou au conseil de bande pour leurs actes ou leurs omissions dans l'exercice de leurs attributions, du seul fait que cette personne a désormais le droit d'être inscrite. Autrement dit, qu'une personne s'inscrive ne lui donne pas des droits rétroactifs et ne lui permet pas d'obtenir une compensation pour la période où elle n'était pas inscrite. Cette disposition n'est pas nouvelle. Elle est semblable à celles qui étaient contenues dans les modifications de 1985 et de 2010 de la loi. On la trouve encore dans le projet de loi actuel.

Les sénateurs aimeraient peut-être savoir s'il y aura des répercussions sur d'autres mesures législatives. En fait, il n'y aura aucune répercussion. C'est très intéressant. C'est inhabituel.

(1640)

Dans toute autre loi faisant référence aux « Indiens », c'est-à-dire aux Indiens inscrits conformément à la Loi sur les Indiens, la définition de ce terme correspond à ce qui est contenu dans la Loi sur les Indiens. Une fois que les dispositions prévues à l'article 6 seront modifiées en fonction des personnes admissibles au titre d'une catégorie quelconque, elles s'appliqueront de la même façon lorsque d'autres mesures législatives s'y rapporteront. Il n'y aura pas de lois modifiées en conséquence ou de répercussions sur d'autres mesures législatives dont il faudra tenir compte.

J'ai déjà parlé des délais serrés, mais j'aimerais en parler un peu plus. Le temps presse. Comme je l'ai souligné, la décision Descheneaux a été rendue en août 2015. Les dispositions ont été rédigées, des consultations ont eu lieu au cours de l'été et nous sommes maintenant tenus d'examiner ces dispositions. La cour a indiqué que la mesure devait être modifiée au plus tard le 3 février, à défaut de quoi les modifications seraient annulées. Compte tenu du calendrier parlementaire, nous devons tenter de terminer l'examen des dispositions d'ici la fin de décembre, de sorte que nous puissions respecter le délai fixé par la cour.

C'est l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement a présenté ce projet de loi au Sénat en premier lieu et qu'il a créé un processus à la Chambre des communes afin qu'un comité parlementaire effectue une étude préliminaire du projet de loi et que nous soyons chargés de la deuxième lecture et de l'étude en comité. C'est l'inverse de ce qui se produit habituellement. Il était essentiel pour le gouvernement de faire en sorte que la Chambre des communes ait également suffisamment de temps pour étudier les questions. L'étude préliminaire permettra donc d'informer les parlementaires afin qu'ils puissent déterminer leur position sur le projet de loi et la façon dont les choses se dérouleront quand celui-ci sera présenté à l'étape de la première lecture, de la deuxième lecture et de la troisième lecture.

Il faut toujours tenir compte, d'une part, de l'urgence d'agir compte tenu du délai fixé par les tribunaux et, d'autre part, de la nécessité d'avoir un peu de temps pour mobiliser les Premières Nations. C'est ce qui a été fait pendant l'été et c'est la raison pour laquelle nous examinons maintenant ce projet de loi. Si nous n'arrivons pas à faire adopter le projet de loi dans les deux Chambres d'ici la date butoir, la plupart des dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l'inscription deviendront inopérantes.

Je me demande ce qui pourrait nous empêcher de respecter l'échéancier. Une des raisons pourrait être parce que nous devons agir de manière très condensée. Lors du premier débat auquel j'ai assisté au Sénat et qui portait sur l'aide médicale à mourir, des intervenants ont dit qu'ils étaient préoccupés par le fait que devoir respecter un délai très serré et tenir compte de la décision de la Cour suprême, qui était comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête.

La différence cruciale concerne le degré de controverse et les opinions polarisées au sujet des dispositions. Comme nous le savons tous, il existe une gamme complexe d'enjeux concernant l'aide médicale à mourir, et les points de vue des Canadiens et des parlementaires des deux Chambres sur cette question sont très variés.

Les trois modifications proposées dans le projet de loi portent sur la discrimination et les iniquités fondées sur le sexe en matière d'inscription qui découlent des tentatives visant à rectifier la situation qui ont été faites en 1985 et, de nouveau, en 2010. Comme le Canada n'y est pas parvenu, les tribunaux ont statué encore une fois que la situation n'était pas conforme à la Charte et que nous devions agir en conséquence.

Lorsque j'ai accepté de parrainer le projet de loi, j'ai parlé à un certain nombre de personnes. Je ne suis pas Autochtone, mais j'interviens aujourd'hui pour parler de l'importance de ces mesures. Je dois avouer que des membres de ma famille sont Autochtones. Ma belle-fille est originaire de la nation de Nipissing. Je comprends ces enjeux dans la mesure où ils touchent des membres de ma famille et certains de mes amis.

Je voulais donc m'entretenir avec des gens qui ont beaucoup plus de connaissances à cet égard. Les sénateurs Sinclair, Dyck, Lovelace Nicholas et moi allons en discuter ensemble, car nous n'avons pas encore eu l'occasion de le faire. J'ai appelé le député Robert-Falcon Ouellette et j'ai pu discuter avec lui. J'ai aussi appelé le député Romeo Saganash, mais je n'ai pas encore eu la chance de lui parler. J'ai appelé des gens que je connais, qui travaillent dans les centres d'amitié autochtone de diverses régions de l'Ontario et au sein des communautés des Premières Nations dans d'autres régions du pays. Ce n'est pas un échantillon scientifique, et il y avait des exceptions, mais ce que la majorité de ces gens m'ont dit, c'est que tous ces autres problèmes sont extrêmement préoccupants. Cela dit, je suis d'accord pour qu'on aille de l'avant dans ce dossier et qu'on fasse bouger les choses.

J'aimerais que nous puissions faire plus à ce stade-ci, et je souhaiterais que nous puissions éviter de reporter l'étude de certains enjeux à la deuxième étape du processus, mais je suis tout de même d'accord pour que nous allions de l'avant, car c'est ce qu'il convient de faire. Chers collègues, à mon avis, puisque nous souhaitons éliminer les iniquités fondées sur le sexe qui persistent encore, c'est la bonne chose à faire et nous devons aller de l'avant.

Certains se demanderont peut-être pourquoi le gouvernement ne demande pas une prolongation au tribunal. C'est une possibilité. Sachant qu'il a rendu sa décision pendant une campagne électorale, le tribunal a déjà prévu le coup. Je l'ai mentionné plus tôt. Ainsi, au lieu de nous accorder 12 mois, comme c'est souvent le cas, il nous a plutôt accordé 18 mois.

Le tribunal nous a donc déjà accordé un délai qu'il juge raisonnable. Il savait fort bien que de nombreux autres enjeux devraient aussi être abordés, notamment les injustices et les iniquités, et qu'il est important que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour s'attaquer à ces enjeux, mais il n'en a pas tenu compte dans la décision qu'il a rendue en lien avec les plaintes dont il a été saisi. Ces plaintes étaient très précises, et donc, le tribunal a rendu une décision liée à celles-ci.

Il est impératif de traiter ces autres enjeux. J'ai fini par me convaincre que, même si j'avais souhaité autre chose, le processus à deux étapes est le meilleur moyen de procéder. J'aurais en fait souhaité un autre moyen, en pensant à toutes les révisions qui ont eu lieu en 1985 et à toutes ces années de lutte pour en arriver là. En 2010, on a lancé des poursuites, immédiatement après les affaires qui se sont déroulées après 1985, pour obtenir d'autres changements. Il y a eu l'affaire Descheneaux et d'autres qui ont suivi.

Ce rythme de tortue impose une autre injustice qui va au-delà des dispositions en vigueur et de leurs conséquences : je veux parler du temps qu'il faut pour régler toutes ces choses et rendre justice.

Cela me trouble, mais je suis convaincue que le gouvernement a pris la bonne décision en s'attachant aux trois points qui concernent les inégalités restantes fondées sur le sexe et la participation des Premières Nations au processus, la portée des mesures envisagées et, à l'avenir, le dialogue plus vaste sur les autres injustices systémiques qui persistent.

J'ai indiqué que le gouvernement a proposé dans le plan budgétaire des dispositions qui lui permettront d'assumer ses obligations concernant les services de santé non assurés et l'éducation postsecondaire. On a mis en place un processus pour poursuivre le dialogue avec les Premières Nations, y compris dans les réserves et dans les bandes, sur les exigences accrues qui s'imposent relativement aux programmes locaux. En ce qui a trait au processus de collaboration, on s'est engagé à œuvrer avec les gens pour trouver le financement destiné à appuyer la participation au processus.

Pendant nos délibérations sur le projet de loi S-3, le gouvernement a entamé des discussions préliminaires, parallèlement à l'examen que nous menons, sur la conception du processus et l'ampleur de la participation et de la consultation. Tous ces éléments sont vraiment importants.

Le gouvernement s'est engagé à faire ce travail à partir de maintenant jusqu'en février, puis à commencer à ce moment-là à travailler avec les Premières Nations sur le processus qui aura été conçu et dont la portée aura été déterminée. Il a prévu un délai d'une année pour le processus prévu à la deuxième étape. Dans le cadre de la discussion sur la portée et la conception, nous tenterons de déterminer comment résoudre les problèmes cernés ou de voir s'ils devraient être analysés d'une autre façon. C'est ce qu'il convient de faire si nous voulons un processus axé sur la collaboration et le respect.

Soit dit en passant, ce processus inclura d'autres groupes autochtones. J'ai appris récemment des choses fascinantes à propos de la Loi sur les Indiens et du fait que certains membres de la communauté métisse sont inscrits à titre d'Indiens en vertu de cette loi. Ni les dispositions de la loi ni le pouvoir conféré au registraire ne permettent d'annuler l'inscription de qui que ce soit. À l'époque où cela a été fait, la nation métisse n'existait pas. Il n'y avait pas de pourparlers entre une nation métisse et le gouvernement du Canada ni de discussion au sujet des dispositions et des mesures de soutien qui devraient être mises en place. Voilà donc maintenant des Métis inscrits comme Indiens qui veulent devenir membres de la nation métisse, mais ne le peuvent pas parce qu'il n'existe pas de disposition permettant d'annuler leur inscription. Ils participeront donc à la consultation, parce que cette mesure législative a une incidence sur eux, et ils présenteront leur point de vue sur ce qui devrait se passer.

(1650)

D'autres groupes connaissent des problèmes semblables. Je n'en ferai pas la liste, mais d'autres peuples autochtones participeront également à la consultation.

Je signalerai enfin qu'il s'agit là d'un pas de plus dans l'établissement d'une relation de nation à nation entre le Canada et les Premières Nations, les chefs et les communautés autochtones, et que le gouvernement doit faire les choses correctement. Il doit agir de manière à refléter le respect...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé depuis un bon moment.

La sénatrice Lankin : Je termine par ceci : ... refléter le respect que supposent les mots « de nation à nation » et en donner la preuve en le faisant dès le début. Je vous invite à nous appuyer en terminant l'étude du projet de loi à l'étape de la deuxième lecture afin qu'il puisse être renvoyé au comité à notre retour après la semaine prochaine et que les sénateurs qui s'y connaissent le plus en la matière puissent l'examiner attentivement et nous donner leur avis.

Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissante de toute votre attention.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Lankin, souhaitez-vous avoir plus de temps? Voudriez-vous avoir cinq minutes de plus pour répondre à des questions?

La sénatrice Lankin : S'il y a des questions, oui, pourquoi pas.

L'honorable George Baker : D'abord, je félicite la sénatrice qui a proposé la motion de l'exhaustivité avec laquelle elle a décrit le projet de loi. Pour ceux qui lisent la transcription des Débats, je précise qu'il ne s'agissait pas d'un discours rédigé. D'ailleurs, la sénatrice n'avait même pas de notes. Je la félicite donc des recherches approfondies qu'elle a faites et de l'excellent exposé qu'elle a présenté au Sénat.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Baker : J'ai une simple question. Je comprends maintenant ce qui s'est produit. Certains sénateurs étaient frustrés que le projet de loi n'ait pas été présenté plus tôt et qu'on ne puisse pas régler les deux étapes en même temps. Car, comme la sénatrice qui a proposé la motion l'a mentionné, c'est ce que les personnes touchées souhaitaient. Autrement dit, elles souhaitaient non seulement la décision de la cour, mais aussi les autres questions qui formeront maintenant la deuxième étape. Toutefois, comme il a été expliqué, et je présume que c'est exact, la décision de la cour a fait l'objet d'un appel, puis l'appel a été abandonné. Cela a pris du temps, et maintenant, nous en sommes à l'aboutissement. Tout doit être adopté au plus tard le 3 février. La mesure est à l'étude au Sénat. Elle doit être renvoyée au comité sénatorial, puis faire l'objet d'une troisième lecture, et ensuite suivre le processus d'étude complet de la Chambre des communes. Le tout doit se terminer au plus tard le 3 février.

Ainsi, ma question à la sénatrice qui a proposé la motion est la suivante : ne devrions-nous pas renvoyer ce projet de loi le plus tôt possible au comité pour qu'il y soit étudié rigoureusement? Car c'est là l'importance du Sénat : une étude rigoureuse. Il est manifeste que ce n'est pas la Chambre des communes qui va l'étudier rigoureusement. Du moins, ce n'est pas son habitude. L'étude rigoureuse se fait ici. Ainsi, la sénatrice ne devrait-elle pas suggérer que nous traitions de la question rapidement, en quelques jours, pour la renvoyer au comité afin qu'elle y fasse l'objet d'une étude rigoureuse?

La sénatrice Lankin : Merci, honorable sénateur. Je ne peux que répondre oui. Cette question est très bien formulée. Je dois cependant dire que, à l'époque où j'étais députée, j'aurais dit que c'est une question facile, mais c'est bien ainsi. Je suis ravie de pouvoir simplement répondre oui. Je crois qu'il y aura un autre discours à ce sujet, celui de la porte-parole de l'opposition, et qu'il y a actuellement une volonté de renvoyer la question à un comité. Je n'en suis pas encore complètement sûre, mais c'est ce que nous tentons de faire, et nos discussions vont dans ce sens. Nous avons bon espoir de parvenir, d'ici la fin de la semaine, à proposer le renvoi du projet de loi au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Je sais que ce comité a hâte d'en être saisi et qu'il a déjà commencé son travail dans ce dossier. Le comité directeur a estimé le temps dont il croit avoir besoin. Je ne peux pas répondre à sa place, mais il a tenté d'établir un échéancier afin d'avoir suffisamment de temps pour entendre d'abord les fonctionnaires du ministère, puis les autres personnes qui souhaitent témoigner et, enfin, la ministre, afin d'aborder toute autre question que les sénateurs voudraient étudier. L'étude article par article suivra, puis le rapport au Sénat. Comme je l'ai dit, le comité de la Chambre des communes est en train de faire une étude préliminaire afin de faciliter le processus.

J'aimerais dire une autre chose simplement pour faire preuve d'humilité. Il y a un groupe de personnes qui m'a fourni toute l'information. Ce n'est pas moi qui ai effectué cette recherche exhaustive, mais une équipe qui m'a fourni des notes séparées en plusieurs points. Je n'ai pas de discours tout simplement parce que je suis incapable de lire un discours. Il me faut des notes en plusieurs points. Ces gens m'ont donné suffisamment d'information et de temps lors de la séance d'information sur le projet de loi, et je crois que les autres personnes qui y ont assisté ont été très reconnaissantes d'avoir reçu de l'information exhaustive sur cette question et sur le contexte historique qui s'y rattache. Je leur en suis reconnaissante. Lorsque la question sera renvoyée au comité, je crois que les personnes qui s'y intéressent devraient assister aux premières heures de l'étude au comité lorsque les fonctionnaires témoigneront. Je vous encourage à le faire, car leur témoignage nous renseigne sur des faits importants de l'histoire du Canada.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sénatrice Fraser a la parole.

L'honorable Joan Fraser : Très brièvement, comme le dirait le sénateur Baker, vraiment très brièvement...

Une voix : Contrairement au sénateur Baker.

La sénatrice Fraser : Je joins ma voix à celle du sénateur Baker pour vous féliciter, sénatrice Lankin. Vous avez prononcé un discours remarquable, à la fois utile, détaillé et exhaustif. J'aimerais revenir sur le parcours historique qui a mené jusqu'ici.

J'ai été émue par l'hommage que vous avez rendu aux femmes autochtones à l'origine de ce combat. Tout comme vous, j'ai été profondément touchée par mes rencontres avec Mary Two-Axe Early. Il convient aussi de rendre hommage à une autre sénatrice, notre collègue, la sénatrice Sandra Lovelace Nicholas. Elle a lutté courageusement et avec entêtement, pendant les années 1970, pour faire valoir ses droits...

Des voix : Bravo!

La sénatrice Fraser : ... un combat qui l'a menée jusqu'au Comité des droits de l'homme des Nations Unies, comme on l'appelait alors, je crois. Quand le comité a rendu sa décision — une décision qu'il ne pouvait pas imposer, car il n'avait pas ce pouvoir —, quand il a statué qu'elle avait raison et que le Canada avait tort, le choc a été immense pour les Canadiens non autochtones, et la décision a eu d'importantes retombées. C'était une honte pour le Canada, et le Canada n'aime pas être couvert de honte. Je demeurerai toujours convaincue que, sans le combat qu'elle a mené, il aurait fallu attendre bien après 1985 pour que s'enclenche le processus qui allait rendre justice aux Indiennes, comme on les appelait alors. Je tiens à le souligner.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur souhaite-t-il intervenir ou poser une question?

L'honorable Serge Joyal : Je souhaite poser une question à l'honorable sénatrice.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce que la sénatrice Fraser accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Joyal : Ma question s'adresse à la sénatrice Lankin.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je pense que vous êtes un peu en retard, parce que nous avons déjà donné la parole à un autre sénateur. Pourquoi ne posez-vous pas votre question à la sénatrice Fraser?

Le sénateur Joyal : J'hésite à donner cette tournure à la discussion, mais voilà : lorsque la sénatrice Lankin a présenté ce projet de loi, elle a mentionné que les Autochtones avaient été consultés, mais elle n'a jamais dit précisément qui avait été consulté et si ces consultations ont été consignées. Y a-t-il une lettre de l'Assemblée des Premières Nations ou de l'un des groupes que celle-ci représente?

(1700)

Le rapport du sénateur Sinclair, lorsqu'il présidait la Commission de vérité et réconciliation du Canada, contenait une recommandation claire : avant de présenter une mesure législative visant à régler les enjeux autochtones, le gouvernement devrait mener des consultations et parvenir à une entente au sujet de la mesure législative proposée.

Est-ce qu'il existe des documents qui confirment qu'il y a eu consultation et qu'on en est arrivé à un consensus?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, consentez-vous à ce que la sénatrice Lankin...

La sénatrice Fraser : Je crois pouvoir résoudre ce dilemme, Votre Honneur.

Sénateur Joyal, vous avez soulevé une question que je me suis moi-même posée pendant le discours de la sénatrice Lankin, et j'espère que le comité pourra y donner suite. Il s'agit toutefois d'une question qu'il est absolument légitime de poser au Sénat dans le cadre d'un débat à l'étape de la deuxième lecture.

Comme nous en sommes maintenant à la période des questions et observations à la suite de mon discours, je me demande si la sénatrice Lankin aurait l'obligeance de commenter mon discours et d'aborder ces consultations dans ses commentaires.

La sénatrice Lankin : Mon commentaire à ce sujet, c'est qur, en cette ère de haute technologie, j'attends un courriel qui n'arrive pas. On m'a décrit une consultation, mais je n'ai pas apporté de notes à ce sujet, et je m'en excuse. Je ne me rappelle pas s'il y a eu une approbation.

Je vais m'efforcer de vous faire parvenir cette information. Je vais également demander aux responsables qui viendront témoigner au comité de répondre à cette question. Je m'excuse de ne pas pouvoir vous répondre maintenant.

(Sur la motion du sénateur Patterson, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Hervieux-Payette, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants contre la violence éducative ordinaire).

L'honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je constate que cet article en est au 15e jour. Je demande que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)

La Loi sur l'hymne national

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Nancy Ruth, appuyée par l'honorable sénateur Tkachuk, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, j'interviens pour m'opposer au projet de loi C-210, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national (genre).

À la Chambre des communes, ce projet de loi d'initiative parlementaire a été parrainé par le député d'Ottawa, Mauril Bélanger. La sénatrice Nancy Ruth a présenté le projet de loi dans cette enceinte. Je la remercie d'avoir fait cela et d'avoir consacré sa vie au mieux-être des Torontois et des Canadiens.

Je remarque que son sens du civisme est un trait de personnalité que partagent des membres de sa famille qui sont très respectés et réputés pour leurs bonnes œuvres. Newton Rowell était le grand-père de la sénatrice Ruth. Je dois vous dire qu'il a été une sorte de dieu. Il a occupé les fonctions de ministre de la Santé, de juge en chef de l'Ontario et, poste qui l'a rendu célèbre, de président de la Commission royale des relations entre le Dominion et les provinces, qui, en 1937, a étudié la question de l'équilibre des pouvoirs et des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les provinces. En 1940, le célèbre rapport Rowell-Sirois a innové en recommandant l'adoption de normes minimales en matière d'éducation et de services sociaux pour les Canadiens de toutes les provinces. De ce rapport sont nés les paiements de transfert entre le gouvernement et les provinces. Je souligne que, dans l'affaire « personne », Newton Rowell a été le conseiller juridique des Célèbres cinq lorsqu'elles ont interjeté appel de la décision de la Cour suprême du Canada devant le Comité judiciaire du Conseil privé, à Londres, en Angleterre.

Rédigeant la décision au nom du comité, le lord chancelier Sankey a donné raison aux femmes. Sa Seigneurie a annulé la décision de la Cour suprême et a constaté que le mot « personnes » contenu à l'article 24 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867 incluait les hommes et les femmes. Je remercie la sénatrice Nancy Ruth et sa famille de leurs fiers et loyaux services pour le Canada.

Honorables sénateurs, je n'appuie pas ce projet de loi, et ce, pour les raisons que je compte vous expliquer. C'est un projet de loi qui prétend faussement que la version anglaise de notre hymne national, Ô Canada, exclut les femmes à cause des paroles « True patriot love in all thy sons command » dans sa version anglaise. Je ne suis pas d'accord. Je souligne avec un brin de tristesse que, bien que ces paroles soient aujourd'hui qualifiées d'indignes dans ce projet de loi, elles ont acquis par le passé un caractère sacré, vu l'affection que leur vouent les Canadiens après les avoir tant chantées. Elles leur sont chères et ils les portent au fond de leur cœur. Changer ces paroles équivaut à altérer des sentiments qui font partie de l'identité nationale des Canadiens et du récit qui l'accompagne.

Je suis d'avis que supprimer ces paroles de notre hymne national revient à supprimer une partie de notre histoire où s'expriment l'endurance et le courage des gens de chez nous et de notre pays, que Nellie McClung, l'une des Célèbres cinq, a décrit comme « le pays de l'entente équitable ». J'ai eu le plaisir de connaître son petit-fils, le juge albertain John Wesley McClung. J'avoue que je suis allergique au révisionnisme qui vise à effacer sélectivement de notre histoire des passages de notre vécu national, puis à les remplacer, dans notre vécu actuel, par des mots qui, bien que certains les considèrent comme plus conformes à la rectitude ambiante, n'en sont pas pour autant plus véridiques, pour peu qu'on puisse y voir une part incertaine de vérité. Si troublante ou dérangeante soit-elle, aucune partie du vécu canadien ne devrait être supprimée à la manière d'un moustique qu'on écrase et dont on oublie aussitôt l'existence, simplement parce certains considèrent, selon moi à tort, que des parties de notre histoire sont détestables ou indésirables, donc qu'elles peuvent être reléguées aux oubliettes.

Chers collègues, avant que nous procédions au vote sur ce projet de loi qui prétend inclure les femmes en exigeant la suppression des paroles « In all our sons command » dans notre hymne national, nous, les sénateurs, devrions prendre en considération certaines vérités, notamment celle de l'imperfection de la nature humaine. Honorables sénateurs, nous devrions nous dire que les sénateurs et les députés qui siègent aujourd'hui sont tout aussi imparfaits que ceux qui les ont précédés et qui, par un projet de loi adopté en 1980, ont officialisé le choix de ces paroles dans notre hymne national. Ce sont ces mêmes paroles que le projet de loi C-210 cherche maintenant à enlever pour des raisons boiteuses.

Tout changement législatif est sérieux. C'est d'autant plus vrai lorsqu'il s'agit de notre hymne national. Les hymnes nationaux sont censés être immuables et non pas réécrits au gré des époques. Loin d'être changeants, les cœurs et les mémoires des Canadiens conservent la trace profonde de leur expérience canadienne, dont l'hymne national fait partie. J'invoque la sagesse dont a fait preuve Nellie McClung, l'une des Célèbres cinq, dans son ouvrage intitulé In Times Like These, et plus particulièrement dans le chapitre 10, « The Land of the Fair Deal ». À la page 97, elle a écrit ceci :

(1710)

Nous sommes une nation trop jeune pour présenter déjà des caractéristiques distinctives. Bien sûr, il ne serait pas vraiment modeste de nous attribuer des valeurs. En revanche, il n'y a rien de mal à préciser l'identité que nous aimerions nous façonner. Au cours des années à venir, nous ne pourrions pas imaginer un meilleur héritage pour notre pays que d'être reconnu, partout dans le monde, comme le pays de l'entente équitable, où les gens de toutes les races, couleurs et croyances se verront accorder la même chance; où aucune personne ne peut « exercer une influence » pour arriver à ses fins; où aucune personne ne peut être défaite par son passé; où aucun crime ne demeure impuni; où toutes les dettes sont remboursées; où aucun préjugé ne peut se dissimuler sous le couvert de la raison; où les gens qui gagnent durement leur salaire peuvent gagner leur vie honnêtement; et où un homme qui travaille est récompensé pour son labeur.

Honorables sénateurs, Nellie McClung n'a pas utilisé le mot « genre », comme le fait le titre du projet de loi. Les Canadiens ont commencé à aimer notre hymne et à le chanter des décennies avant qu'il soit proclamé officiellement notre hymne national par le gouverneur général Schreyer le 27 juin 1980. Ce n'est pas à nous de le corriger et de le modifier. L'hymne ne nous appartient pas. Il appartient à tous les Canadiens qui le chérissent et y sont profondément attachés parce qu'il ouvre leur cœur, touche leur âme, les inspire et les unit. Ils l'aiment parce qu'il parle d'eux, ces citoyens du vrai Nord, fort et libre, le « True North strong and free », comme le disent les paroles anglaises.

L'œuvre appartient à Calixa Lavallée et au juge Robert Stanley Weir, les artistes qui ont composé la musique et le texte de l'hymne en anglais. Il s'agit de leur œuvre, leur propriété intellectuelle, que nul ne peut s'approprier et que personne ne peut retoucher. Je n'appuie pas les visées révisionnistes du projet de loi C-210, qui, au nom de « l'inclusion », exclura d'innombrables Canadiens qui n'ont pas de voix ici, mais qui ressentent tout de même, à d'innombrables égards, un attachement profond envers les paroles et la musique de l'hymne national.

Honorables sénateurs, le 2 juin dernier, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a étudié le projet de loi C-210 pendant une heure et trois quarts. Il a entendu un seul témoignage, celui de l'historien Chris Champion, mais pas celui de la famille du juge Weir. Le projet de loi a franchi à toute vitesse l'étape de l'étude en comité. Il a rapidement été adopté par la Chambre des communes et présenté au Sénat le même jour. Le seul témoin entendu a expliqué que, historiquement, dans la poésie anglaise, le masculin sous-entendait l'inclusion du féminin. Il a fait référence à l'époque de l'œuvre originale du juge Weir, comme on peut le lire à la page 2 des témoignages du comité :

À l'époque, les gens savaient très bien que, dans la littérature anglaise, depuis Shakespeare et la Bible autorisée, comme dans la musique de Haendel et dans les hymnes que la quasi-totalité des Canadiens anglais chantait depuis près de 200 ans, le mot « sons » utilisé correctement en contexte ne désignait pas d'habitude les hommes seulement.

Ainsi, les premières lignes du grand oratorio Joshua de Haendel étaient les suivantes :

Ye sons of Israel, ev'ry tribe attend,
Let grateful songs and hymns to Heav'n ascend!

Ces mots désignent tout le peuple d'Israël, mères, pères, filles, fils, que Josué a mené en Terre promise. De même, dans la prophétie de Malachie annonçant la venue du Messie, on lit ce qui suit : « Car moi, l'Éternel, je ne change pas; et vous, fils de Jacob, vous n'êtes pas consumés. »

« Vous, fils de Jacob » désigne tout le peuple qui attend avec espoir. Les anciennes générations de Canadiens le savaient parce que tout le monde apprenait cela à l'école. Cela faisait partie de la culture générale inculquée pour permettre aux gens de connaître les origines de notre société, de comprendre ce que c'est que d'être un peuple libre, d'avoir des droits et des responsabilités et d'être citoyen canadien.

Quand les femmes et les filles canadiennes instruites chantaient Ô Canada, elles comprenaient ce que signifiaient les mots. Il semble que beaucoup de gens d'aujourd'hui ne comprennent pas et veulent, pour cette raison, changer les paroles.

Le témoin respecte la forme poétique durable du juge Weir en affirmant, à la page 3 des délibérations du comité :

Elle a résisté à l'épreuve du temps. Des générations de Canadiens l'ont apprise par cœur, de sorte qu'elle fait maintenant partie de notre identité [...]

Le simple bon sens nous dit qu'on ne peut simplement pas changer le patrimoine [...] parce que c'est le patrimoine. On ne change pas le patrimoine par caprice car, faites bien attention, quelqu'un d'autre peut venir avec un autre caprice.

Honorables sénateurs, il y a très peu de preuves justifiant l'argument troublant selon lequel notre hymne national exclut les femmes, ces mêmes femmes qui ont donné naissance à des fils, fils qu'elles ont trop souvent perdus à la guerre. Notre hymne national respecte les femmes, les hommes et les familles canadiennes. Il reconnaît la perte de ces jeunes hommes enlevés à leur mère, à leur père, à leurs frères et sœurs, à leurs amis, à leurs amantes, à leur femme et à leurs enfants. Le Livre des révélations du Nouveau Testament nous informe que la guerre est incarnée par le cruel cheval roux, qui fait partie des quatre chevaux de l'Apocalypse. La guerre est le fossoyeur de la vie, de la vie de ces hommes jeunes. Notre hymne national respecte les innombrables jeunes hommes qui ont servi et qui sont morts au combat au service de Dieu, de la reine et de notre pays, le Canada. Publié dans le London Times en 1914, le poème de Laurence Binyon intitulé Pour les soldats tombés parle des fils qui ont obéi — et qui obéissent toujours — au commandement et qui sont tués au combat par le grand fossoyeur, l'impitoyable cheval roux de l'Apocalypse. Le Canada a envoyé quelque 620 000 soldats à la Première Guerre mondiale. Dix pour cent, soit environ 61 000, ont été tués, et 172 000 ont été blessés. Permettez-moi de vous lire le premier, le troisième et le quatrième vers du poème Pour les soldats tombés dédié à tous ces jeunes fauchés par la Grande Guerre :

Fière et reconnaissante, l'Angleterre, telle une mère,
Pleure ses enfants disparus au-delà des mers,
Ces soldats, esprit de son esprit et chair de sa chair,
Morts au nom de la liberté qui leur était si chère.
Ils étaient jeunes; c'est en chantant qu'ils ont pris le départ,
Solides et droits, les yeux brillants d'énergie.
Jusqu'à la fin, ils ont combattu sans faillir, assaillis de toutes parts.
Ils sont morts le visage tourné vers l'ennemi.
Ils ne vieilliront pas comme nous, qui leur avons survécu;
Ils ne connaîtront jamais l'outrage ni le poids des années.
Quand viendra l'heure du crépuscule et celle de l'aurore,
Nous nous souviendrons d'eux.

Le verset 4, que l'on appelle l'Acte du Souvenir, est récité dans toutes les régions du Canada lors de cérémonies du jour du Souvenir, à la onzième heure du onzième jour du onzième mois. Les Canadiens marquent une pause, baissent la tête et font une prière silencieuse pour tous ceux qui ont servi et tous ceux qui ont perdu la vie.

Honorables sénateurs, les hymnes nationaux sont de nature rétrospective et introspective. Ils témoignent d'événements passés qui nous définissent et nous unissent. Les hymnes nationaux sont des instruments de cohésion nationale et sociale.

Ils témoignent du passé, orientent le présent et nourrissent l'avenir. Les hymnes nationaux font état des entreprises, des difficultés et de la survie des hommes. Ils témoignent aussi de la force, de l'endurance et de la persévérance des hommes dans l'adversité, lorsque des actes sont commis par des hommes contre d'autres hommes. Les hymnes ont une nature, une forme et un caractère solennels. Voici comment on définit le mot « hymne » dans le dictionnaire :

Chant ou poème solennel inspiré par la célébration, la dévotion ou le patriotisme [...] chant liturgique contenant habituellement des extraits des Saintes Écritures.

(1720)

Chers collègues, comme je l'ai souvent répété à cette assemblée, nous nous devons de respecter ce besoin impérieux des êtres humains qu'est la soif de sacré, de rites de passage, de rituels et de cérémonies. C'est pour répondre à ce besoin impérieux que les Britanniques ont célébré dernièrement avec grande pompe un moment charnière, le 90e anniversaire de naissance de notre souveraine, Sa Majesté la reine Elizabeth II. En Grande-Bretagne, au Canada et dans le monde entier, des millions de cœurs émus étaient remplis d'affection pour cette femme merveilleuse qui, lorsqu'elle était jeune princesse pendant la Seconde Guerre mondiale, aux côtés de sa sœur, la princesse Margaret, et de ses courageux parents, le roi George VI et la reine Élizabeth, représentait un symbole d'espoir pour le monde libre, alors en guerre contre l'ennemi nazi. La loyauté des gens et des cœurs forme une véritable forteresse contre de terribles ennemis à l'esprit guerrier. La foi et la loyauté sont sacrées. Je respecte la soif de sacré et de mystère, essentielle à l'être humain, qui s'exprime dans les hymnes nationaux. Je le répète : la soif de sacré est un besoin impérieux des êtres humains, de l'esprit humain, de l'âme humaine, un besoin auquel répondent les chants et hymnes nationaux. Les hymnes nationaux contribuent à l'unité et à la cohésion sociale. Ils avivent la loyauté des gens et des cœurs.

Honorables sénateurs, les hymnes nationaux sont des hymnes solennels qui expriment l'attachement à la nation, à la patrie; ils sont adoptés avec amour après des années. Comme ils font partie de l'imagination nationale et du tissu même de la nation, du pays, de la vie des gens, les hymnes nationaux sont censés se perpétuer tels quels, sans changements. Je ne comprends pas vraiment comment les paroles de l'Ô Canada pourraient offenser les femmes, puisqu'il s'agit d'un hymne sacré, chanté depuis longtemps, qui parle des Canadiens — de tous les Canadiens, ces braves citoyens du Nord —, de notre climat nordique et de l'immense géographie de notre pays, du Nord au Sud, d'Est en Ouest. Comme le disait sir Wilfrid Laurier, « alors que certains pays ont beaucoup d'histoire, le Canada a beaucoup de géographie ».

Je ne vois pas comment des particularités aussi extraordinaires, qui caractérisent le Canada, peuvent offenser qui que ce soit. La majorité des Canadiens sont ou étaient des immigrants venant de pays lointains. Lorsqu'ils ont fait du Canada leur pays, ils savaient bien que ce n'était pas leur terre natale, mais ils ont tout de même décidé de vouer un grand respect à leur citoyenneté canadienne, à leur hymne national et à leur pays d'adoption, le Canada. J'aimerais maintenant réciter une strophe d'une chanson bien connue, intitulée This Land is Your Land, ce qui signifie « ce pays est ton pays ». Cette chanson a été écrite à l'origine par Woodie Guthrie, et une version canadienne a été produite il y a de nombreuses années par le groupe The Travellers. La voici :

Ce pays est ton pays, ce pays est mon pays.
De Bonavista à l'île de Vancouver
Du cercle arctique aux Grands Lacs.
Ce pays a été créé pour toi et moi.

Honorables sénateurs, votre pays, mon pays. Parlons maintenant des paroles de la version originale de l'Ô Canada, sur lesquelles s'appuie le projet de loi C-210 pour fait valoir que l'hymne national doit avoir un caractère inclusif pour les deux sexes. Je parle plus précisément de l'allégation selon laquelle les mots « thou dost in us command » sont les paroles originales écrites par le juge Weir en 1908. Cela n'a pas encore été prouvé. Il y a plusieurs années, lorsque le Sénat a été saisi d'un projet de loi similaire, le petit-fils du juge Weir, Stephen William Weir Simpson, M. Stephen Simpson, a communiqué avec moi. Voici ce qu'il m'a écrit le 27 février 2002 :

Madame le sénateur,

Je suis très heureux que vous vous rangiez dans le camp de ceux qui s'opposent à la proposition de modification des paroles du Ô Canada; selon notre famille, le Parlement a déjà fait assez de mal. Je joins à ma lettre la copie du manuscrit de la version originale de 1908 sous la plume du juge Weir. Je joins également sa révision de 1921, présentée, si je ne m'abuse, au cours d'une allocution prononcée devant les Canadian Clubs. C'est la version que nous avons toujours chantée, en tout cas au Québec, et aussi dans la majeure partie de l'Est du Canada, je crois.

Il a ensuite écrit ceci :

En ce qui concerne le mal qui nous afflige à l'heure actuelle, en l'occurrence la rectitude politique, après les vives réactions observées l'été dernier, j'ai reçu un appel d'un homme de la Colombie-Britannique, qui s'opposait à ce qu'on fasse référence à Dieu dans notre hymne national, car selon lui, cette référence est beaucoup trop américaine et exclut les athées.

Pour ce qui est du problème que posent les mots « stand on guard », le juge Weir a lui-même expliqué que l'hymne anglais qu'il a composé n'est nullement une traduction [...], mais une œuvre indépendante dont l'idée maîtresse est la défense de la patrie, qu'il ne faut absolument pas comprendre dans un sens militaire, l'hymne ayant été composé six ans avant la Grande Guerre, mais plutôt comme une mise en garde contre les forces insidieuses de la dissension interne.

Honorables sénateurs, le 21 juin dernier, la sénatrice Nancy Ruth a dit ceci à propos du projet de loi :

En 1908, le juge Robert Stanley Weir, de Montréal, a rédigé un poème sur la musique de Lavallée. Très différente de l'hymne national en anglais que nous chantons aujourd'hui, la deuxième ligne du poème, « thou dost in us command », incluait implicitement les femmes, comme la version française.

Comme il l'avait promis, M. Simpson m'a fait parvenir une copie de la version originale rédigée par son grand-père, le juge Weir, en 1908, dans laquelle les paroles et la musique semblent écrites de la main du juge, mais je ne suis pas une experte en analyse. Au deuxième vers, on ne lit pas « thou dost in us command ». Le poème commence plutôt ainsi :

O Canada! Our home and native land;
True patriot love in all thy sons command.

J'ai aussi appris que les mots du juge Weir « land » et « command » expriment l'ancienne croyance celtique, commune à de nombreux peuples anciens, selon laquelle les êtres humains devraient être en harmonie avec la terre. Par conséquent, dans le poème, c'est la terre qui commande l'amour véritable de la patrie.

Honorables sénateurs, il y a de toute évidence quelque chose qui ne va pas du tout dans tout cela. Les défenseurs du projet de loi disent — et je crois qu'ils le pensent vraiment — que les mots du deuxième vers de la version de 1908 sont : « True patriot love thou dost in us command ». Dans la copie de 1908 que le petit-fils du juge Weir m'a envoyée, et qui semble écrite de la main de celui-ci, les mots du deuxième vers sont « True patriot love in all thy sons command ». Honorables sénateurs, je pense que le Sénat a le devoir de se pencher sur la question, d'entendre des témoignages sur le projet de loi et de faire la lumière sur cette évidente divergence récente. Nous devons également nous rappeler que les personnes qui savent encore quelque chose à ce sujet sont très âgées et que leur mémoire n'est pas si sûre.

Quoi qu'il en soit, il est évident que les mots « in all thy sons command » font partie intégrante des paroles que le juge Weir a composées et que de nombreux Canadiens connaissent. Je tiens à citer un discours que M. Simpson a prononcé le 24 mai 1999 au parc Weir Memorial, à Cedarville, au Québec. M. Simpson parlait alors de l'œuvre de son grand-père et de l'époque où l'Ô Canada a pris sa place dans le cœur des Canadiens en tant qu'hymne national. Voici ce qu'il a dit au sujet du sens des mots « protégera nos foyers et nos droits » :

C'est seulement pendant le bain de sang de la Première Guerre mondiale qu'on a brutalement compris ce que signifiaient le sentiment d'unité nationale et l'esprit national. Pendant que les membres du Corps d'armée canadien se trouvaient dans les tranchées au champ d'honneur, la chanson qui, plus que toute autre, donnait un sens à leur identité canadienne, c'était l'Ô Canada, notamment le passage où il est question de protéger nos foyers et nos droits. Cette chanson est tout à coup devenue chère à des milliers de personnes pour qui elle n'était autrefois qu'une chanson parmi tant d'autres. Elle a reçu une consécration solennelle pendant ces quatre abominables années, ce qui ne pouvait que lui conférer une place toute spéciale dans le cœur de tous les Canadiens. À partir de ce moment-là, l'Ô Canada s'est taillé une place à titre de seul chant vraiment national.

Souvenons-nous toujours de ce parc comme d'un monument à la mémoire de tous les Canadiens, francophones et anglophones, qui sont morts pour l'indépendance du Canada pendant les deux guerres mondiales. Dans ces conflits, la famille Weir a perdu ses deux fils : le capitaine Douglas Weir en 1918, et le commandant d'aviation Ronald Weir en 1944. Tous deux sont morts pour le pays que leur père, Robert Stanley Weir, a voulu unifier avec l'Ô Canada, notre hymne national, l'héritage que nous cherchons à honorer aujourd'hui en nous réunissant ici.

C'est un discours très émouvant qui nous touche tous en cette période de l'année. C'est pourquoi il n'est pas facile pour moi de faire ce genre de discours. Je me fais le devoir de me recueillir sur les tombes où reposent des milliers de jeunes hommes, et je fonds en larmes à chaque fois.

Honorables sénateurs, j'aborde maintenant le sujet des femmes et des hommes. Nous entendons beaucoup parler des hommes, des femmes et de l'égalité des sexes, de la nécessité que les femmes soient égales aux hommes et aient du pouvoir. Cependant, la plupart des gens oublient que la plupart des hommes, tous les fils de femmes, ont peu ou n'ont pas de pouvoirs dans l'État. Peu d'entre eux sont et la plupart d'entre eux ne seront jamais sénateur, député, ministre ou premier ministre. Nous avons beaucoup de chance d'être ici. Pareillement, la plupart des femmes n'occuperont jamais de telles fonctions d'État. C'est bien de constater que la moitié du Cabinet actuel se compose de femmes, mais il n'en reste pas moins que la majorité des femmes et des hommes ne seront jamais ministre. La plupart des femmes n'ont pas de pouvoir dans l'État, tout comme les hommes. Honorables sénateurs, il y a eu un moment touchant ici, en 1996, lorsque, quelques semaines avant de partir à la retraite, le sénateur Allan MacEachen a parlé de sa jeunesse et de son père, qui travaillait dans une mine de charbon à Inverness, une ville minière de l'île du Cap-Breton. Il nous a raconté que son père s'est rendu quotidiennement aux mines de charbon pendant 46 ans, au son du sifflet qui signalait le début du quart de travail.

(1730)

Chers collègues, bon nombre de ces mineurs ne voyaient jamais la lumière du jour. Le sénateur a parlé des divers signaux et de leur signification. Il a dit que les gens du village connaissaient bien la signification des coups de sifflet, y compris celui qui annonçait une tragédie. Lorsque ce signal retentissait, les gens du village accouraient aux mines pour voir si des mineurs avaient été blessés ou tués.

Le sénateur a fait remarquer que les ennuis et les tragédies faisaient partie intégrante de l'industrie du charbon du Cap-Breton. Toujours soucieuse des dures conditions de travail des Canadiens et des Canadiennes, j'aimerais lire un extrait de « Bread and Roses », la chanson de route des femmes à propos de la grève de 1912 de l'industrie du textile du Massachusetts. Ces femmes chantaient ceci :

Alors que nous marchons, marchons, nous combattons aussi pour les hommes.
Car ils sont les enfants des femmes et nous nous occuperons à nouveau d'eux.
De la naissance à la mort, nos vies ne seront jamais adoucies.
Le cœur comme le corps sont affamés, donnez-nous du pain, mais donnez-nous des roses.

Lorsque le juge Weir a composé notre hymne national, il l'a fait pour tous les Canadiens, quels que soient leur occupation, leur race, leur origine ethnique, leur sexe, leur langue, leur diversité et leurs goûts culturels. En 1980, c'est avec le pluralisme à l'esprit que les deux Chambres ont adopté cet hymne national.

Honorables sénateurs, je n'appuie pas le projet de loi car il n'admet pas que le Canada est ce qu'il est. Le Canada est un pays unique binational et multiethnique constitué au moyen d'une Constitution bien rédigée et ingénieuse, conçue pour nous protéger, Nord-Américains britanniques, d'une annexion par le géant américain pas si sympathique que cela, alors déchiré par une cruelle de guerre civile, et également en guerre avec la Grande-Bretagne.

Le Canada n'est pas né du carnage ou d'une révolution glorieuse. Le Canada est ce qu'il est — le pays de l'entente équitable, qui au départ était un territoire habité. La réussite du Canada est attribuable à sa loyauté envers la Couronne britannique, à l'adoption du constitutionnalisme et à l'endurance de ses peuples nordiques vaillants.

J'ai vu les vastes champs de bataille des deux guerres mondiales et les vastes sépultures de guerre en Belgique, en France et en Hollande, où reposent de si nombreux jeunes hommes canadiens morts au combat. Ne serait-ce que pour respecter le sacrifice qu'ils ont fait, nous devons conserver notre hymne national tel qu'il est, parce qu'il nous lie à ces jeunes hommes qui ont servi et à ceux qui ont perdu la vie dans les deux grandes guerres, ainsi qu'ailleurs. Un hymne est un chant lyrique solennel qui renvoie à notre passé commun. John McCrae, dans son célèbre poème, Au Champ d'honneur, nous prévient de ne jamais perdre le goût de vivre en liberté. Il a écrit ceci :

À vous de porter l'oriflamme
Et de garder au fond de l'âme
Le goût de vivre en liberté.
Acceptez le défi, sinon les coquelicots se faneront
Au champ d'honneur.

Honorables sénateurs, notre hymne national est une oriflamme qui nous a été transmise et que nous devons continuer de transmettre. L'histoire canadienne doit être préservée, malgré ses imperfections. Elle témoigne de ce que nous sommes et de qui nous sommes. Lorsque les paroles d'un chant lyrique solennel sont adoptées par un peuple en tant qu'hymne national, elles lui appartiennent. Ce n'est pas à nous qu'il appartient de le modifier ou aux parlementaires de le récrire. Je suis d'avis que notre hymne, en tant qu'art sacré, reflète tous les Canadiens et les Canadiennes. Les hommes ont donné le meilleur d'eux-mêmes à leur épouse et à leurs enfants, lorsque l'ordre établi faisait en sorte que les hommes devaient assurer la sécurité financière et physique des femmes et des enfants.

Nous avons parcouru beaucoup de chemin depuis ce temps-là, mais c'est l'ordre juridique et social qui existait il n'y a pas très longtemps.

Nous savons que les hommes qui meurent au combat ont dans leurs poches les photos de leurs êtres chers : leur femme, leurs enfants et leurs parents. Cependant, nous savons aussi qu'aucune loi n'autorise la conscription des femmes pour les envoyer se battre, comme c'est le cas pour les hommes, et qu'il est peu probable qu'il y en ait une un jour.

Lors du débat aux Communes sur ce projet de loi, certains ont rappelé avec justesse le sacrifice de Nichola Goddard, première femme canadienne à mourir sur le champ de bataille. Je souhaite lui rendre hommage, moi aussi. Nous devrions avoir pour objectif de faire advenir le jour où le dernier homme ou la dernière personne tombera au champ de bataille. C'est le sens qu'a voulu donner le juge Weir aux paroles de l'Ô Canada : la quête éternelle de l'harmonie dans les affaires humaines, de la paix et la justice dans notre pays, le pays de l'entente équitable qui suscite notre affection et notre patriotisme sincères.

La substance de ce projet de loi a une telle importance qu'il me semble qu'il aurait dû être présenté en tant que projet de loi ministériel dans les deux Chambres.

Selon moi, les sénateurs devraient rejeter ce projet de loi, et je prie la sénatrice Nancy Ruth de m'excuser, elle que je connais depuis de nombreuses années, pour ma décision de ne pas l'appuyer dans ce cas-ci. Toutefois, je crois que nous avons le devoir, envers le Canada et envers notre histoire, de perpétuer notre hymne national. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Budget—L'étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone—Adoption du troisième rapport du comité

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, rapports de comités, autres, article no 3 :

Le Sénat passe à l'étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (Budget supplémentaire—étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone), présenté au Sénat le 27 octobre 2016.

L'honorable Pierrette Ringuette : Pour la gouverne du Sénat, l'honorable sénateur pourrait-il expliquer pourquoi un budget supplémentaire est nécessaire?

L'honorable Richard Neufeld : Je vous remercie. Autrefois, un autre sénateur avait toujours l'habitude de me poser cette question. Cette tâche a maintenant été confiée à la sénatrice qui vient d'intervenir.

Au cours de la prochaine année financière, notre comité souhaiterait se rendre aux endroits suivants : l'Ouest canadien; le Sud de l'Ontario, soit Sarnia et Hamilton; le Québec; et, enfin, l'Est du Canada.

Lorsque nous avons demandé un budget pour le comité, nous avons obtenu de l'argent uniquement pour le premier voyage, soit celui dans l'Ouest canadien. Nous sommes ensuite retournés devant le sous-comité pour qu'il approuve le budget nécessaire pour le deuxième voyage, soit celui à Sarnia et à Hamilton. C'est l'objet de cette motion.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

(1740)

Affaire juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité d'étudier les rapports du directeur général des élections sur la quarante-deuxième élection générale

L'honorable Bob Runciman, conformément au préavis donné le 20 octobre 2016, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à étudier, pour en faire rapport, les rapports du directeur général des élections sur la 42e élection générale du 19 octobre 2015 et les questions connexes relatives à la façon dont Élections Canada a dirigé l'élection;

Que le comité dépose son rapport final au plus tard le 31 décembre 2016 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Son Honneur le Président : La sénatrice Fraser souhaite poser une question.

L'honorable Joan Fraser : Comme la sénatrice Ringuette me l'a rappelé il y a quelques instants à peine, je crois qu'il est important que le Sénat soit tenu au courant de ce qu'on lui demande d'approuver. À la lecture de cette motion, on ne dirait pas que cela va coûter très cher ou donner matière à des déplacements. Ai-je raison, sénateur Runciman?

Le sénateur Runciman : Il n'y a pas de coûts associés à cette motion. En l'adoptant, le Sénat autorise le comité à examiner le rapport annuel du directeur général des élections.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

Les répercussions des changements climatiques sur les droits de la personne

Interpellation—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, interpellations, article no 2 :

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Jaffer, attirant l'attention du Sénat sur les effets des changements climatiques sur les droits de la personne, et sur l'impact que ces changements auront sur les plus vulnérables au Canada et dans le monde en menaçant leur droit à la nourriture, à l'eau, à la santé, à un logement convenable, à la vie et à l'autodétermination.

L'honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, j'avais l'intention de demander, parce que cet article en est au 15e jour, que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Sinclair, avec l'appui de l'honorable sénateur Pratte, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

(Sur la motion du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)

Transports et communications

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique

L'honorable Michael L. MacDonald, conformément au préavis donné le 25 octobre 2016, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le lundi 20 juin 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des transports et des communications relativement à son étude sur l'élaboration d'une stratégie pour faciliter le transport du pétrole brut vers les raffineries de l'Est du Canada et vers les ports situés sur les côtes Atlantique et Pacifique du Canada soit reportée du 17 novembre 2016 au 31 mars 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Voulez-vous prendre part au débat, sénateur MacDonald?

Le sénateur MacDonald : Je voulais simplement dire à mes collègues que nous ne réclamons aucune somme d'argent. Nous avons reçu de nombreux témoins, beaucoup plus que nous ne le pensions, et nous prolongeons le temps prévu pour les audiences afin que le comité puisse en entendre quelques autres.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)

 
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