Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 90
Le mardi 31 janvier 2017
L'honorable George J. Furey, Président
- Le Centre culturel islamique de Québec—Les victimes de la tragédie
- Visiteur à la tribune
- Les travaux du Sénat
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi sur le renforcement de la sécurité automobile pour les Canadiens
- La Loi sur l'immigration et la protection des
réfugiés
La Loi sur le mariage civil
Le Code criminel - Projet de loi sur la modernisation de l'obligation de présentation et de déclaration relative à des moyens de transport
- Modernisation du Sénat
- Le Sénat
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Le Sénat
- Adoption de la motion tendant à inviter le gouvernement à marquer le cent cinquantième anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative qui contiendra une représentation de l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur
- Motion tendant à encourager le gouvernement à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base—Motion d'amendement—Suite du débat
- La crise du bois d'œuvre
- Les répercussions des changements climatiques sur les droits de la personne
- Annexe - Liste des sénateurs
- Le Sénat
LE SÉNAT
Le mardi 31 janvier 2017
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Le Centre culturel islamique de Québec—Les victimes de la tragédie
Minute de silence
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre un moment pour parler de l'attentat tragique et insensé survenu dimanche dernier au Centre culturel islamique de Québec, situé dans l'arrondissement de Sainte-Foy. Six hommes musulmans ont perdu la vie pendant la prière, alors que d'autres ont subi des blessures, autant physiques que psychologiques.
Je sais que tous les sénateurs se joindront à moi pour offrir leurs plus sincères condoléances aux familles et aux amis des personnes décédées et pour souhaiter un prompt rétablissement aux personnes qui ont été blessées au cours de cet attentat épouvantable et insensé.
[Français]
J'invite maintenant tous les honorables sénateurs à se lever pour observer une minute de silence à la mémoire des victimes et s'en montrer solidaires.
Les honorables sénateurs observent une minute de silence.
[Traduction]
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l'honorable Linda Reid, députée et Présidente de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'ai reçu un avis du représentant du gouvernement qui demande que, conformément à l'article 4-3(1) du Règlement, la période des déclarations de sénateurs soit prolongée aujourd'hui afin que l'on puisse rendre hommage à l'honorable John Wallace, qui prendra sa retraite du Sénat demain.
[Traduction]
Comme de nombreux sénateurs souhaitent parler de l'attentat perpétré au Centre culturel islamique de Québec, je propose que nous commencions par les déclarations à ce sujet avant de passer aux hommages au sénateur Wallace. La période se terminera par deux déclarations portant sur d'autres sujets. Je rappelle aux sénateurs que, en vertu du Règlement, les interventions ne doivent pas dépasser trois minutes, sauf celle du sénateur Wallace.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs, pour que nous inversions l'ordre de présentation des hommages et des déclarations et que nous consacrions plus de temps aux déclarations, afin que tous aient la possibilité de s'exprimer?
Des voix : D'accord.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le Centre culturel islamique de Québec—Les victimes de la tragédie
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, les mots ne peuvent, à eux seuls, décrire toute la tristesse que nous ressentons tous à la suite de la tragédie qui a frappé tant de citoyens au Centre culturel islamique de Québec, dimanche. À titre de parlementaires, nous devons tenir des propos qui, même s'ils nous paraissent insuffisants, doivent rassembler les Canadiens dans un but commun, pour nous aider à comprendre les objectifs et les besoins des uns et des autres, et, malheureusement, pour déplorer les tragédies que vivent nos prochains.
C'est dans cet esprit que je me permets de dire que nous pleurons tous aujourd'hui avec les familles de ceux qui ont été tués par ces actes insensés et que nous prions pour le rétablissement complet et rapide des personnes qui ont été blessées.
[Français]
Nous nous adressons aussi aux membres de notre communauté musulmane-canadienne, au peuple québécois en général et, surtout, aux citoyens de la ville de Québec, qui ont aussi le cœur brisé et qui peuvent ressentir des craintes accrues à la suite de cette attaque. Nous espérons que notre chagrin collectif leur permettra au moins de ne pas se sentir seuls dans cette douleur.
Bien entendu, nous savons que, en dépit de nos meilleurs efforts pour bâtir une société pacifique, tolérante et ouverte, des actes insensés comme ceux-ci peuvent se produire. Cependant, s'il nous incombe de protéger notre société contre des incidents semblables à l'avenir, rappelons-nous que la bienveillance, le respect et l'ouverture d'esprit font partie de notre identité nationale et de nos valeurs communes et qu'ils demeurent la meilleure défense contre ces gestes terribles.
L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin de dénoncer avec force l'attentat survenu dimanche soir dans une mosquée de Québec. Six personnes ont été tuées, d'autres ont été blessées, y compris cinq personnes qui sont grièvement blessées. Je suis profondément attristé par ces événements. Au nom de l'ensemble des sénateurs, je souhaite offrir mes plus sincères condoléances aux familles éprouvées et aux amis des victimes.
Un jeune homme de 27 ans est le principal suspect dans cette affaire. Pour le moment, on ne connaît pas ses motifs mais, quels qu'ils soient, rien au monde ne peut justifier un tel geste, une telle tuerie. Certains voudront dès maintenant relancer un débat sur l'immigration, l'islamophobie ou l'accueil des réfugiés. J'invite ces personnes à faire une pause et à laisser retomber la poussière. Il est risqué de tirer des conclusions trop hâtives, souvent sous le coup de l'émotion et de la rage. Nous devons insister sur le fait qu'il s'agit assurément d'un crime haineux.
Or, le temps est davantage à la solidarité avec la communauté musulmane qui a été attaquée dimanche et avec tous les Québécois, les Canadiens et les Canadiennes. Les attentats de dimanche soir étaient dirigés non seulement contre une minorité religieuse, mais aussi contre notre communauté au sens large. Nous avons tous été happés par ce drame, par ces décès, par ces vies fauchées sans aucune raison.
Cependant, il faut bien l'admettre, il est odieux d'anéantir des êtres humains en raison de leurs croyances religieuses. Ces gestes ne représentent ni le Canada que nos ancêtres ont bâti ni les valeurs qu'ils nous ont léguées. Ces hommes qui sont décédés dimanche soir laissent derrière eux des femmes et des enfants orphelins pour qui la vie ne sera plus jamais la même. La folie meurtrière a frappé le cœur de notre nation. Jamais nous ne devons baisser les bras face à la violence, face à la haine, face au racisme, mais, surtout, nous devrons redoubler d'efforts pour favoriser la prévention. Nous devons agir en amont afin d'éviter de tels actes de barbarie et d'extrémisme.
(1410)
Pour terminer, j'aimerais souligner l'excellent travail des premiers répondants qui sont intervenus dès les premières minutes de ce drame et au cours des heures qui ont suivi. Ces hommes et ces femmes font preuve d'un grand savoir-faire et sont empreints de compassion et d'amour pour leur prochain. Inspirons-nous-en dans nos travaux de tous les jours.
Mes pensées et mes prières sont dirigées vers les familles éprouvées. Qu'elles sachent que nous sommes de tout cœur avec elles.
L'honorable Dennis Dawson : Honorables sénateurs, j'étais loin de croire que les premiers mots que je prononcerais à mon retour en Chambre, à la suite d'une longue absence, porteraient sur un sujet aussi solennel. Cependant, je tiens à remercier mes collègues du soutien qu'ils m'ont offert au cours de la dernière année.
Ce qui s'est passé à quelques rues de chez moi a bouleversé mes projets, et c'est avec une grande tristesse que je joins ma voix à ceux qui ont participé hier soir à la veillée en hommage aux victimes. Loin de la partisanerie, des politiciens de toutes les allégeances se sont réunis pour condamner les gestes commis dimanche soir au Centre islamique de Québec. J'aimerais que vous vous joigniez à moi pour commémorer les victimes. Ce sont des gens qu'il faut nommer. Ils habitaient dans mon quartier, et j'aimerais les nommer, Votre Honneur, parce que ce sont de gens dont nous parlons, d'abord et avant tout.
Azzeddine Soufiane, âgé de 57 ans, était un pilier de la communauté musulmane de Québec. Il était boucher-propriétaire, il avait trois enfants et il guidait les musulmans qui arrivaient dans la région de Québec. Khaled Belkacemi, âgé de 60 ans, était professeur à l'Université Laval, tout comme sa femme. Ces gens étaient des piliers de la communauté musulmane à Québec. Aboubaker Thabti, âgé de 44 ans, était pharmacien et avait deux enfants. Mamadou Tanou Barry et Ibrahima Barry, tous deux originaires de Guinée, avaient des enfants âgés de moins de 13 ans et travaillaient dans le domaine de l'informatique au sein du gouvernement du Québec. Enfin, Abdelkrim Hassane, âgé de 41 ans, avait trois enfants âgés de moins de 10 ans et était lui aussi employé au gouvernement du Québec.
[Traduction]
Je tiens particulièrement à remercier deux personnes, Salma Ataullahjan et Mobina Jaffer, qui ont tenté de m'apprendre tout ce qu'il faut savoir sur le fait musulman à Québec. Nous étions dans cette ville pour une conférence de l'Union interparlementaire, il y a quelques années, et elles ont eu l'occasion de me sensibiliser à la communauté musulmane qui vivait presque en face de chez moi. Je tiens à les en remercier, car nous vivons beaucoup dans l'ignorance.
Moi, le petit gars de Québec, je n'étais pas aussi sensibilisé qu'aujourd'hui, et je dois ma prise de conscience à mes deux collègues.
[Français]
Cependant, le Québec reste fort. Il est cruel que cet événement horrifiant nous force à montrer notre vigueur, mais, comme nous l'avons toujours fait par le passé, nous l'emporterons. Les Québécois se montrent solidaires face à la haine. Nous sommes solidaires face à la terreur et au racisme. Tout comme je sais que notre grande nation est capable de le faire, je suis persuadé que nous lutterons contre la haine avec l'amour, et que nous pourrons contrer la terreur et le racisme avec l'amour.
L'honorable André Pratte : En tant que membre du Sénat du Canada, je tiens à exprimer toute ma sympathie aux proches de ceux qui ont perdu la vie. Cette tuerie s'est produite à trois kilomètres de la maison où j'ai passé la plus belle partie de mon enfance. J'ai encore peine à le croire, car Québec est non seulement l'une des plus belles villes du monde, mais c'est aussi l'une des plus paisibles.
Cependant, nous savons tous que nul lieu n'est à l'abri de la folie terroriste, pas un café, une station de métro, une salle de spectacle, une école, une église, un pays, une ville. Pas même le Canada, pas même Québec.
[Traduction]
L'attaque est survenue dans une mosquée, ce qui rend l'événement encore plus cruel et incompréhensible. Les victimes y étaient rassemblées pour prier en paix et rencontrer des amis. C'est là que le tueur a choisi de frapper. Il ne doit malheureusement rien comprendre à l'islam pour avoir agi ainsi, et ne rien connaître de la beauté et de la fragilité de la vie humaine.
J'aimerais dire ceci aux Canadiens de confession musulmane : nous partageons votre douleur. Vous êtes comme nous. Le Canada et le Québec ne seraient pas devenus ce qu'ils sont aujourd'hui sans l'apport précieux de centaines de milliers de musulmans, qu'ils aient immigré ici ou qu'ils y soient nés.
[Français]
Depuis plusieurs années, au Québec, d'intenses débats ont cours sur des sujets aussi sensibles que l'immigration, les pratiques religieuses et les accommodements raisonnables. Dans une société démocratique, il est normal et sain que de telles discussions aient lieu. Toutefois, au XXIe siècle, les responsables politiques et les médias ont la lourde responsabilité d'éviter la facilité et le populisme. Malheureusement, c'est une responsabilité dont tous ne se sont pas acquittés parfaitement. Le Québec, comme le reste du Canada, demeure une terre particulièrement accueillante pour toutes les minorités, mais la province compte son lot de personnes intolérantes et quelques individus violents, ce qui a été confirmé dimanche soir.
[Traduction]
Les mots peuvent blesser. Pire, les mots peuvent amener des esprits dérangés à appuyer sur la gâchette. Voilà pourquoi les politiciens et les commentateurs devraient toujours faire preuve d'une grande prudence lorsqu'ils parlent des minorités ethniques, culturelles et religieuses. Lorsqu'il est question d'immigration, certains aiment dire qu'on devrait protéger les valeurs chères aux Canadiens et aux Québécois. Eh bien, l'accueil, l'ouverture d'esprit et la diversité devraient toujours faire partie des principales valeurs canadiennes et québécoises.
Dans un monde où de nombreux pays sont tentés de fermer leurs frontières et d'ériger des murs, ouvrons les bras encore plus grands pour accueillir les minorités, les immigrants et les réfugiés. Faisons de notre mieux pour leur tendre la main, pour valoriser leur apport et, surtout, pour les protéger contre le mal.
L'honorable Salma Ataullahjan : As-Salaam-Alaikum; que la paix soit avec vous.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui dans cette enceinte pour exprimer le choc, la tristesse et l'horreur que je ressens à cause du massacre commis dimanche au Centre culturel islamique, à Québec.
Victimes d'un acte de terreur et de haine, six personnes innocentes ont perdu la vie dans le lieu de culte où elles étaient rassemblées : Khaled Belkacemi, 60 ans; Azzeddine Soufiane, 57 ans; Aboubaker Thabti, 44 ans; Abdelkrim Hassane, 41 ans; Mamadou Tanou Barry, 42 ans; Ibrahima Barry, 39 ans. De plus, 19 autres personnes innocentes ont été blessées, dont 5 grièvement. Le tueur a fait feu sur les victimes alors qu'elles priaient. Ces personnes ont été tuées parce qu'elles étaient musulmanes.
À la suite de ce drame, les politiciens canadiens et le reste du pays ont manifesté leur solidarité envers leurs semblables et ont condamné cet acte de violence, de haine et de lâcheté épouvantable. Nous avons été témoins d'une vague immense de compassion et d'un désir d'unité de la part de nos compatriotes de partout, qui ont fait entendre leur voix très fort : lorsque vous faites du mal à une collectivité du pays, c'est à toute la société canadienne que vous vous en prenez.
En tant que Canadienne musulmane, je n'ai jamais craint pour ma vie à cause de ma religion. Je n'ai jamais eu à me cacher pour prier, car tout le monde bénéficie de la liberté religieuse au Canada. Dans notre pays, nous ne semons pas la haine et la division; nous préférons cultiver l'amour et nous montrer rassembleurs. Voilà la vraie nature du Canada que j'ai toujours connu.
Toutefois, cette tragédie nous rappelle l'existence de ceux qui voudraient nous diviser. Bien que nous soyons une société d'intégration qui valorise la diversité, nous ne sommes pas complètement à l'abri du terrorisme. Je pense donc aux paroles du Coran, qui nous invitent à la patience et à la prière lorsque nous traversons des moments difficiles. J'espère que la communauté musulmane continuera de remplir nos mosquées sans se laisser gagner par la peur.
Honorables sénateurs, nous devrons faire preuve de vigilance dans nos échanges au cours des jours et des mois à venir. Nous devons dénoncer avec la plus grande fermeté cet acte et tout acte visant à nous dresser les uns contre les autres. Notre message doit être clair : ceux qui cherchent à nous diviser ne réussiront pas.
Comme l'a dit la directrice générale de la section francophone d'Amnistie internationale Canada :
Les discours de haine et l'islamophobie sont inacceptables et nourrissent la violence. Montrons ensemble, surtout au plus haut niveau des leaders politiques, que la solidarité prévaut et que le respect des droits de tous et toutes à vivre en sécurité sans discrimination nous importe au plus haut point.
Honorables sénateurs, ces blessures et ces pertes de vie tragiques et insensées me chagrinent et m'angoissent profondément. J'offre mes condoléances et mon appui à toutes les familles qui ont été touchées par cette tragédie. Que la paix soit avec vous au nom de Dieu, et qu'il vous accorde sa bénédiction. Je vous remercie.
[Français]
L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, la tragédie survenue à Québec restera un événement marquant dans l'imaginaire des Québécois et des Canadiens. Il y a 33 ans, à l'Assemblée nationale, où je siégeais, une première tuerie avait eu lieu à Québec. Trois personnes ont été assassinées. C'étaient des gens avec qui nous travaillions.
(1420)
Le 22 octobre 2014, un soldat a été tué à l'entrée du Parlement du Canada et des personnes ont été blessées. N'eût été la malchance de l'assassin, nous ne serions peut-être pas ici aujourd'hui.
Une personne tuée, c'est déjà trop; six, c'est beaucoup. Au moment où je vous parle, une connaissance à moi, Saïd El-Amari, qui est chauffeur de taxi, se trouve entre la vie et la mort. Il est père de quatre enfants. Qu'a-t-il fait pour mériter un tel sort? Qu'ont fait les autres victimes? Elles étaient rassemblées dans un lieu de recueillement et de prière. Or, elles ont été abattues comme on abat des animaux enragés.
La folie humaine a-t-elle atteint un point où la vie de l'être humain n'a plus de valeur? Peu importe les analyses qui seront faites après le drame par tous les grands psychiatres et psychologues de ce monde qui en auront trouvé les raisons, il restera des dizaines d'orphelins. Des gens auront payé de leur vie le fait de s'être recueillis dans une maison de prière. Aujourd'hui, mes pensées vont à ces familles, à ces orphelins, à ceux qui luttent pour leur vie en ce moment. Que Dieu leur rende la santé, dans la mesure du possible. On ne demande pas de miracles, mais je crois que nos prières doivent aller vers ceux qui souffrent sur les tables d'opération et auxquels les médecins se sont dévoués, en pleine nuit, pour leur sauver la vie, ces médecins de Québec qui ont été appelés d'urgence pour venir en aide aux blessés.
Dans le cas de ceux qui sont décédés, nous compatissons avec leur famille et leurs enfants. Quant aux autres victimes, si Dieu leur permet de survivre, il faudra leur tendre la main, car ils sont de grands Québécois et de grands Canadiens qui ont contribué à bâtir notre pays.
L'honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, j'aimerais prendre quelques minutes pour m'adresser aux êtres humains, aux filles, aux garçons, aux hommes et aux femmes qui ont perdu un être cher à Québec, le 29 janvier 2017, dans le massacre des membres de leur communauté qui étaient réunis à la mosquée de Sainte-Foy pour accomplir leur rite religieux. À ces êtres humains, nous aimerions dire que nous sommes choqués et attristés. Surtout, nous voulons leur assurer que nous poursuivrons notre travail pour qu'ils puissent continuer à vivre avec nous, au sein d'une société respectueuse de la vie de chacun.
[Traduction]
Hommages
L'honorable John D. Wallace
L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, c'est aujourd'hui la dernière fois que notre collègue, le sénateur John D. Wallace, siège dans cette enceinte. Il aurait souhaité s'éclipser discrètement, mais étant donné qu'il est Néo-Brunswickois comme moi e qu'il est un bon ami, je me devais de souligner son départ.
La nomination du sénateur Wallace au Sénat par le premier ministre Stephen Harper a pris effet le 2 janvier 2009. Il a d'abord siégé à titre de membre du caucus conservateur, avant de devenir sénateur indépendant pour, ultimement, se joindre au Groupe des sénateurs indépendants. Néanmoins, dès le début, y compris lorsqu'il faisait partie du caucus gouvernemental, le sénateur Wallace n'a jamais hésité à tendre la main à ses collègues d'en face, tant dans l'intérêt de sa province, le Nouveau-Brunswick, que pour établir de véritables liens d'amitié.
Le sénateur Wallace a clairement exposé sa position dès son premier discours au Sénat, exprimant sa détermination à servir notre province. Il a milité dans les rangs du Parti conservateur et, en 2006, il s'est présenté comme député. Après sa nomination au Sénat, un de ses premiers gestes a été de rencontrer le premier ministre Graham, qui dirigeait le Nouveau-Brunswick sous la bannière libérale. Comme il l'a indiqué dans son discours inaugural au Sénat, son objectif était de contribuer à ce que les Néo-Brunswickois soient représentés à la Chambre haute par des voix fortes et unies.
Le respect que je voue au sénateur Wallace a grandi au fil des ans alors que j'étais témoin de son apport continu à notre province. Après une brève expérience de la pratique du droit dans le secteur privé à Saint John, le sénateur Wallace a agi pendant de nombreuses années comme conseiller juridique au sein de la société Irving Oil Ltd., s'employant à renforcer et à faire croître cette entreprise si importante pour le Nouveau-Brunswick et pour la région. Pendant de nombreuses années, il a également fait une contribution remarquable dans le secteur communautaire. À titre d'exemple, je signale que son leadership et son dévouement ont contribué dans une large mesure à la transformation du secteur riverain de Saint John, qui est devenu un pôle d'attraction pour les touristes, les habitants de la ville et les entreprises.
Je suis certain que le sénateur Wallace ne languira pas dans l'oisiveté après son départ du Sénat, car il trouvera d'autres façons d'apporter son concours à Saint John, au Nouveau-Brunswick et au Canada.
Je profite de l'occasion pour vous remercier, sénateur John Wallace, des huit années que vous avez passées à servir les gens du Nouveau-Brunswick et du Canada en accomplissant un excellent travail au Sénat. Merci, John.
L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à un collègue que je respecte beaucoup et qui me manquera assurément.
J'ai fait la connaissance du sénateur Wallace lors de ma nomination au Sénat à l'automne de 2012. Nous faisions tous les deux partie du caucus conservateur. Ses observations réfléchies m'ont toujours impressionnée.
Lorsque John se prononce sur une question, soyez assurés que son point de vue est le fruit d'une mûre réflexion. Le sénateur Wallace n'a jamais été une personne impulsive. C'est une des qualités que j'estime le plus chez lui, en plus de son intégrité. Ses arguments ont toujours du poids.
Ainsi, je n'ai pas été très étonnée quand, le 8 novembre 2015, on a annoncé à la télé que John siégerait désormais à titre de sénateur indépendant non partisan. En fait, John a toujours été un sénateur indépendant et il l'a manifesté à de nombreuses occasions. Pensons par exemple aux projets de loi C-525 et C-377, contre lesquels il a voté. Par contre, il ne sera plus ici pour appuyer le projet de loi C-4, que je parraine.
En plein cœur du débat qui a fait rage en 2015 — c'est-à-dire le débat sur la possibilité d'une indépendance accrue pour le Sénat —, le sénateur Wallace a été l'un des premiers sénateurs à quitter un caucus affilié à un parti. D'autres ont suivi son exemple, dont le sénateur Jacques Demers, la sénatrice Pierrette Ringuette, le sénateur Rivard et moi, et se sont joints à la sénatrice indépendante Elaine McCoy pour former un groupe de travail composé de sénateurs indépendants non partisans le 10 mars 2016. Comme on l'avait alors indiqué, les membres de ce groupe sont déterminés à atteindre les objectifs suivants :
Premièrement, ils veulent s'acquitter de leurs responsabilités et de leurs obligations au Sénat, notamment en ce qui a trait à l'étude et à la révision des mesures législatives soumises par la Chambre des communes, de manière indépendante et non partisane, comme l'ont voulu les Pères de la Confédération. Deuxièmement, ils veulent défendre le droit de tous les sénateurs d'être traités de manière équitable dans le cadre des diverses fonctions qu'ils occupent au Sénat, qu'ils appartiennent ou non à un parti politique. Troisièmement, ils veulent rétablir la réputation du Sénat et la confiance de la population envers cette institution essentielle du régime parlementaire canadien.
Le temps file au Sénat. J'ai l'impression que ce groupe a été formé il y a longtemps, alors qu'il n'a été créé que l'année dernière. Plusieurs personnes ont été nommées au Sénat depuis mars 2016, et les indépendants sont maintenant majoritaires au Sénat.
Je tiens à remercier le sénateur Wallace d'avoir présenté des motions et lancé des débats sur les modifications au Règlement qu'il estimait nécessaires afin que chaque sénateur puisse exercer ses fonctions parlementaires de façon indépendante. Nous n'en sommes peut-être pas encore arrivés là, mais nous avançons dans la bonne direction, en grande partie grâce au travail du sénateur Wallace.
(1430)
John, je vous souhaite une heureuse retraite et j'espère que nous nous reverrons. Et maintenant, profitez de la vie.
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui au nom du caucus conservateur, la loyale opposition de Sa Majesté, pour dire quelques mots à notre collègue, l'honorable John Wallace, à l'occasion de son départ à la retraite.
Le sénateur Wallace a été nommé au Sénat le 22 décembre 2008 et a servi pendant huit ans la province du Nouveau-Brunswick avec dévouement.
Personnellement, je garde un souvenir chaleureux de ma première visite dans votre province. Tard le soir, nous roulions dans votre voiture en direction de Saint John. Le lendemain, vous avez rencontré des chefs de petites entreprises de tout le Canada qui tenaient leur assemblée générale annuelle dans votre ville. Votre présence et le respect dont vous avez fait preuve à leur endroit les a tous touchés. Ils en parlent encore aujourd'hui. Cela témoigne de l'engagement que vous avez envers votre province et de l'approche accueillante que vous préconisez dans tout ce que vous faites. Je tiens à vous remercier de ces moments très spéciaux que nous avons passés ensemble.
Tout cela est bien connu mais, avant d'entrer en politique, le sénateur Wallace a passé 33 ans au service des membres de la communauté de Saint John, au Nouveau-Brunswick, à titre de conseiller juridique chez Irving Oil Limited et d'associé au sein des bureaux d'avocats Palmer, O'Connell, Leger, Turnbull et Turnbull et Stewart McKelvey.
Votre vaste expérience juridique vous a sans doute été fort utile dans notre institution. Ceux qui ont siégé avec vous à des comités connaissent les types d'interventions que vous avez faites et la contribution que vous avez apportée. Dans cette enceinte, ces interventions font partie des archives du Sénat. Vous laisserez donc une marque indélébile après votre départ de la Chambre haute.
Honorables sénateurs, je vous demande de vous joindre à moi pour souhaiter à notre collègue la meilleure des chances alors qu'il quitte cet endroit pour embarquer dans une nouvelle aventure.
Bon voyage.
L'honorable Elaine McCoy : Étant donné ma place ici, j'espère que le micro captera mes propos, mais je peux me tourner vers vous et vous regarder pendant que je vous parle, sénateur Wallace, parce qu'il s'agit d'un moment très intime entre nous deux, selon moi, sachant que votre départ arrive trop tôt.
J'appuie sans réserve tous les hommages qui vous ont été rendus par les intervenants qui ont parlé avant moi, et j'ai très hâte d'entendre également les observations de la sénatrice Ringuette. Cependant, je me souviens bien des premiers jours. Votre arrivée ici, de ce côté-ci, à titre de sénateur indépendant, m'a vraiment inspirée et, si je ne me trompe pas, la sénatrice Ringuette vous a emboîté le pas peu de temps après. Vous avez été l'instigateur des efforts visant à nous rassembler, et c'est ainsi que la sénatrice Bellemare s'est jointe à nous, suivie de Jacques Demers et de Michel Rivard. Lors des premières réunions, nous apprenions à nous connaître. Après l'arrivée de la sénatrice Cools, nous avons commencé à essayer de définir ce que tout cela pouvait bien signifier. Qu'est-ce qu'on entendait par « sénateur indépendant »? Cela signifiait-il que nous pouvions être en désaccord tout en restant amis? Vous étiez le plus fervent défenseur de ce principe. Vous reveniez sans cesse à la charge en disant : « Je veux être sûr de pouvoir exprimer mes propres opinions. Ensuite, je serais heureux de collaborer aux choses pratiques comme l'inscription de mon nom sur la liste des orateurs. C'est aussi simple que cela. »
Nous vous devons donc une fière chandelle de nous faire respecter cette norme en tout temps. Je pense que nous allons l'appeler le « principe de Wallace ». Ensemble, nous avons adopté six autres principes fondamentaux. Je propose maintenant que nous en ajoutions un septième et que nous l'appelions le « principe de Wallace ».
Comme nous le faisons fréquemment, je m'entretenais hier soir avec le sénateur à la retraite Lowell Murray, qui m'a demandé comment vous alliez. Il a ensuite commencé à ressasser ses souvenirs et il a dit que, selon lui, vous étiez un des sénateurs les plus réfléchis et respectés à la Chambre haute. Il a ajouté : « Non seulement cela, mais il était aussi un des plus courageux. » Ces paroles nous viennent d'un homme que nous aimons et respectons énormément, et je suis vraiment ravie de vous les transmettre, à sa demande. Il est clair que nous pouvons tous abonder dans le même sens.
En terminant, je veux vous faire part d'une expression, mais je n'arrive jamais à m'en souvenir. Mon époux était un grand avocat, comme vous le savez, et il se plaisait à répéter une expression. Il s'exprimait avec aisance. Il parlait très lentement et avait une méthode bien à lui : il disait quelque chose et, ensuite, il s'arrêtait. Avant de s'habituer à son rythme, les gens voulaient intervenir. Je m'y suis faite; j'attendais et je tendais l'oreille. Ensuite, il disait quelque chose. C'était une technique théâtrale très efficace. Il utilisait constamment cette expression tirée de la Bible, je crois : « écouter, lire, méditer, apprendre et [s']en nourrir ». Il disait que c'était le propre d'un homme vrai et d'un véritable sage. Pour ces qualités, je vous rends hommage.
L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables collègues, il y a huit ans, alors que j'étais dans l'opposition officielle, un nouveau sénateur du Nouveau-Brunswick que je ne connaissais pas était assermenté. Qui était John Wallace, cet avocat de Saint John? Quelle était sa mission au Sénat?
Il n'a pas fallu beaucoup de temps au sénateur Wallace pour se mettre au travail et présenter et parrainer des projets de loi du gouvernement avec aisance, fort de son expertise dans le domaine juridique.
Durant une conversation avec l'ancien sénateur Doug Finley, membre de notre caucus de fumeurs, j'ai dit à Doug à quel point le sénateur Wallace m'impressionnait. Sans hésiter, il a répondu qu'il était aussi impressionné et très fier d'avoir recommandé John comme sénateur.
Sénateur Wallace, si Doug était ici aujourd'hui, il serait encore très impressionné et très fier.
La force du sénateur Wallace et son dévouement envers le Sénat ont toujours été évidents, en particulier lorsque son parti a proposé de suspendre des sénateurs sans que ceux-ci, comme il l'a dit, bénéficient d'un processus équitable.
Je crois que c'est à ce moment-là qu'a commencé, c'est le moins que l'on puisse dire, le « processus de divorce » du sénateur Wallace avec la fidélité partisane au Sénat. Il y a eu des tentatives de réconciliation, mais il a signé les papiers de divorce en décembre 2015 et est devenu le premier sénateur à siéger comme indépendant pour promouvoir la responsabilité de chaque sénateur et la nécessité que le Règlement du Sénat permette à chacun de s'acquitter de son mandat constitutionnel au Sénat et au sein des comités sénatoriaux. Il a proposé de nombreuses motions en vue de faire changer les règles pour que les sénateurs indépendants puissent s'acquitter de leurs responsabilités. Si nous avons été en mesure de réaliser des progrès au Sénat, c'est grâce à vous, sénateur Wallace.
Des voix : Bravo!
(1440)
La sénatrice Ringuette : On ne peut pas qualifier le sénateur Wallace de rebelle, mais on peut assurément souligner sa grande intégrité ainsi que la rigueur et la justesse de ses arguments. Il est aussi solide que le roc.
C'est le printemps dernier que nos rencontres ont commencé et que nous avons organisé le premier groupe de sénateurs indépendants. Nous avons commis quelques erreurs en cours de route, certes, mais c'est ainsi que le sénateur Wallace a jeté les jalons d'une ère nouvelle pour le Sénat.
Sénateur Wallace, certaines personnes ont toujours soif de pouvoir et recherchent des titres comme celui de « leader ». Cela n'a jamais été votre cas, mais il est sûr que l'histoire vous décrira non seulement comme un Néo-Brunswickois et un fier Canadien, mais aussi comme un véritable leader.
Vous me manquerez, cher ami. Et oui, je continuerai de vous appeler à toutes sortes d'heures. Je vous souhaite, à vous et à Gill, une retraite heureuse, en santé, remplie de bons moments. Vous pourrez enfin apprendre à votre petit-fils à pêcher. Tous mes remerciements, et bonne retraite!
L'honorable Michael Duffy : Chers collègues, je suis, de tout cœur, d'accord avec les éloges adressés aujourd'hui à John Wallace.
Toutes ces mentions d'un nouveau départ et de ce qui se passait il y a huit ans me rappellent ce jour de janvier 2009 où 18 d'entre nous avons été assermentés comme sénateurs. Ce moment excitant marquait l'arrivée d'une nouvelle génération, porteuse d'un sang neuf et de nouvelles idées. Pourtant, petit à petit, la magie s'est estompée, car on nous poussait à défendre les intérêts du parti avant ceux du Parlement, à faire passer les priorités politiques du cabinet du premier ministre avant le principe de la primauté du droit. Quelques braves n'ont pas plié, toutefois. L'un de ceux-là était notre estimé collègue John Wallace.
Personne n'a travaillé avec plus d'ardeur que John Wallace à réformer le Sénat et à en faire une institution dont les Canadiens peuvent être fiers. Le hansard témoignera à tout jamais de la contribution notable et durable qu'il a apportée à la modernisation et à la réforme du Sénat. John Wallace a aussi défendu avec courage, contre des intérêts partisans profondément enracinés, des valeurs canadiennes telles que les garanties procédurales, la primauté du droit, l'égalité des sénateurs et la Charte des droits.
Cela n'a pas été facile, mais, tout au long de cette période, John a pu compter sur l'appui indéfectible de son épouse, Gill, qui se trouve à la tribune aujourd'hui, et de sa famille. Gill, nous vous remercions, vous et votre famille, d'avoir appuyé John et de l'avoir partagé avec nous. Le Parlement du Canada est un meilleur endroit en raison de son séjour ici, au Sénat. Merci, et bonne chance!
Des voix : Bravo!
Remerciements
L'honorable John D. Wallace : Merci, chers collègues. Je dois dire que c'était beaucoup plus facile de rédiger les notes pour mon intervention que de prendre la parole maintenant devant vous. Je tiens à vous remercier de vos paroles si généreuses à mon égard. Cela me touche profondément, et vos paroles resteront dans mes souvenirs.
J'avais d'abord l'intention d'intervenir pendant deux ou trois minutes, et, lorsque Son Honneur m'a demandé si je prendrais la parole aujourd'hui, j'ai répondu que je le ferais et que je serais bref. Je voulais vous remercier tous, puis passer à autre chose.
Je me suis ensuite mis à réfléchir et je me suis dit que je pourrais dire telle ou telle chose. Une chose menant à une autre, j'ai conclu que mon intervention allait dépasser deux ou trois minutes. Je n'ai pu m'empêcher de penser, pendant que je rédigeais mes notes, à notre estimé collègue et ami, George Baker, qui, je crois, commence chacune de ses interventions au Sénat en disant qu'il sera bref. J'ai bien peur de m'être laissé prendre au même piège que le sénateur Baker, mais je vais tout de même essayer d'être aussi bref que possible.
Chers collègues, je suis entré dans cette enceinte pour la première fois le 26 janvier 2009 en compagnie de mon parrain, le sénateur Michael Meighen, un homme remarquable et un grand ami. Le jour où j'ai prêté serment a été un jour mémorable, et je sais que vous avez vécu la même chose lors de votre propre assermentation. Nous avons le même sentiment lorsque nous assistons à l'assermentation des nouveaux sénateurs. Je crois que nous revivons par leur entremise notre propre expérience, et c'est une expérience merveilleuse. Cette fierté que l'on ressent est très personnelle et palpitante, et le fait d'avoir auprès de soi famille et amis n'a pas de prix. Lorsque j'ai été assermenté, mon épouse, Gill, qui est à la tribune aujourd'hui, mes enfants, mes amis et mon père, qui était ici à ce moment-là, mais qui nous a quittés depuis lors, étaient à mes côtés. C'est une expérience dont on se souvient tous. Je n'ai aucun regret et je suis très heureux d'avoir eu l'occasion de siéger au Sénat.
Je faisais partie d'un groupe de 18 sénateurs nommés par le premier ministre Harper. À l'époque, nous étions le groupe le plus important de sénateurs à jamais avoir prêté serment d'office le même jour. Ce fut une expérience merveilleuse. De véritables liens se sont créés entre nous et, bien que certaines choses aient changé chez mes collègues conservateurs, pour moi, ce lien existe toujours. Personnellement, lorsque je vois ces personnes et que je pense à elles, rien n'a changé. C'était un événement majeur pour chacun d'entre nous.
J'aimerais mentionner une de ces 18 personnes. Chaque fois que j'ai l'occasion de mentionner un Néo-Brunswickois, je le fais. Deux sénateurs du Nouveau-Brunswick ont été nommés en même temps : Percy Mockler et moi. Percy et moi avons toujours été bons amis et nous le sommes encore aujourd'hui. Ceux qui connaissent Percy savent qu'il n'y a pas plus ardent défenseur du Nouveau-Brunswick que lui, chaque fois qu'il faut se porter à la défense des intérêts de notre province. Merci de votre amitié, Percy.
C'est le 17 décembre 2008, à 21 h 15, que s'est produit un autre événement important pour moi. C'était avant ma nomination et mon serment d'office. Gill et moi étions sortis dîner. Puis, à 21 h 15, alors que nous venions tout juste de rentrer, le téléphone a sonné. Gill a répondu. Elle m'a dit : « Wally — elle m'appelle Wally — le cabinet du premier ministre veut te parler. » Bien entendu, c'était le premier ministre Harper, et il m'a offert l'occasion extraordinaire de siéger au Sénat.
Chers collègues, même si ma carrière de sénateur ne s'est pas déroulée comme le premier ministre Harper et moi l'avions envisagée à l'époque, je lui serai toujours reconnaissant de m'avoir donné cette occasion. À l'époque, je m'attendais à servir un mandant de huit ans. C'était mon intention, et cela découlait de l'entretien que j'ai eu ce soir-là avec le premier ministre.
Je regarde mes nombreux collègues ici — certains avec qui je me suis récemment lié, certains avec qui je chemine depuis huit ans et un grand nombre en face —, et je me dis que c'est merveilleux de tous vous voir aujourd'hui et de pouvoir dire quelques mots, mais il y a aussi des absents aujourd'hui. Trois personnes qui siégeaient avec nous au sein du caucus conservateur sont décédées et je tenais à les mentionner. Premièrement, il y a le sénateur Fred Dickson, de la Nouvelle-Écosse, un représentant des Maritimes sans pareil et un être hors pair. Mike MacDonald le connaissait bien. Il nous manque énormément.
(1450)
Comme il a été mentionné plus tôt, il y a évidemment Doug Finley. La partisanerie a suscité chez moi beaucoup de préoccupations. Or, personne n'était aussi partisan que Doug Finley. J'ai eu d'excellentes discussions avec lui. Je lui voue un énorme respect. Nous avons travaillé ensemble sur bien des projets. Nous avons même déjà lancé une interpellation au Sénat au sujet de la liberté d'expression. Je le vois encore debout, son accent écossais résonnant dans cette enceinte. Il est, pour nous tous, inoubliable. Doug était un type formidable.
Je tiens à souligner l'important travail de l'un de nos anciens Présidents, Pierre Claude Nolin. Il était absolument extraordinaire. Cela ne fait aucun doute. J'ai discuté avec lui du Sénat pendant de nombreuses heures — de l'indépendance, des façons dont tout cela pouvait marcher et de la manière dont le Sénat devait fonctionner. Vous vous souviendrez des sept interpellations qu'il a lancées en 2014, qui portaient sur différents aspects du Sénat. Elles sont à la base du travail du Comité sur la modernisation, qui a donné des résultats formidables et positifs. J'ai toujours considéré Pierre Claude comme un mentor et un exemple à suivre. Il est véritablement le père de la modernisation du Sénat.
Les sénateurs Greene et Massicotte ont réalisé un excellent travail sur les bases qu'il avait jetées. Ils méritent que nous les félicitions pour tout le travail qu'ils ont fait. Ils ont mené une lutte farouche et surmonté de nombreux obstacles. Leurs efforts vont faire avancer les choses au Sénat. Merci beaucoup, Stephen et Paul.
Quand je pense au temps que j'ai passé au Sénat, avec vous tous, j'observe qu'il y a plusieurs façons de faire avancer les choses. Les travaux des comités sont très importants pour moi. Les comités sont responsables d'une grande partie du précieux travail réalisé ici. J'ai d'ailleurs toujours été convaincu qu'il était essentiel que les sénateurs indépendants aient l'occasion de participer pleinement aux comités.
Lorsque je repense à ma carrière, c'est le Comité des affaires juridiques qui ressort du lot. J'ai siégé à un certain nombre de comités, mais, au Comité des affaires juridiques, nous avons eu à traiter de nombreuses questions hautement controversées. J'ai eu la chance d'être président de ce comité pendant quelques années, après un passage à la vice-présidence. Ma prestation de vice-président a eu lieu alors que la sénatrice Fraser — une personne pour qui j'ai un immense respect — occupait la présidence. La sénatrice Fraser m'a appris beaucoup de choses, mais je l'ai punie lorsque je suis devenu président. Elle devait m'obéir. Quoi qu'il en soit, ce fut une expérience formidable.
Le temps que j'ai passé comme sénateur m'a montré que nous apprenons grâce aux explications que nous donnent les gens. Vous avez beau lire et tout cela, mais une grande partie de vos connaissances vient de l'exemple des autres, de leurs façons de faire et d'agir. Au Comité des affaires juridiques, je peux vous assurer que j'ai eu d'excellents modèles et d'excellents mentors. J'aimerais en nommer quelques-uns : la sénatrice Joan Fraser, bien entendu, le sénateur Serge Joyal, le sénateur George Baker, la sénatrice Mobina Jaffer, le sénateur Dan Lang, le sénateur Vern White et, évidemment, le président actuel, Bob Runciman. Ils sont des gens formidables. Cela dit, je tiens à éviter que ceux qui n'ont pas été nommés croient qu'il s'agissait là de la première liste et qu'ils sont, eux, sur une deuxième liste. La première liste est longue. Les personnes que j'ai nommées sont des exemples de ceux qui figurent sur cette liste. J'en afficherai le contenu à une date ultérieure. Ce sera une divulgation intégrale. Vous verrez que vous êtes dans mes pensées.
Ces sénateurs sont des gens formidables qui m'ont aidé dans ma carrière, mais c'est une autre personne du comité qui a vraiment servi de liant, si je puis m'exprimer ainsi, qui m'a permis de maintenir le cap. Je ne pourrai jamais la remercier suffisamment de ce qu'elle a fait. Je vous parle de Shaila Anwar. Shaila était greffière du Comité des affaires juridiques. En tant que sénateurs, nous devenons tellement pris par ce que nous faisons et par ce que font les autres, mais ceux qui sont autour de nous — et nous les voyons ici — font tout ce qu'ils peuvent pour que nous paraissions bien, pour nous aider et pour nous appuyer. Shaila, je ne saurais vous remercier suffisamment. Vous faites un travail formidable.
Plus récemment, comme on l'a mentionné plus tôt, mon attention a été fixée sur le Sénat, son orientation à l'avenir et la nécessité qu'il devienne une assemblée indépendante et, dans la mesure du possible, non partisane afin que les décisions prises soient fondées, de façon objective, sur le mérite. Je crois que c'était l'intention des Pères de la Confédération à l'époque.
Comme quelqu'un l'a mentionné, en mars 2016, six d'entre nous ont formé le premier groupe de travail composé de sénateurs indépendants. Ce groupe visait principalement à assurer le respect du droit de tous les sénateurs à la justice, à l'équité et à l'égalité, en particulier pour les sénateurs indépendants, nous basant sur le travail des sénateurs Greene et Massicotte. Je crois que nous avons atteint notre objectif à cet égard.
À l'époque, nous comptions parmi nous la sénatrice Ringuette, une autre fière Néo-Brunswickoise. Il y a beaucoup de Néo- Brunswickois. Je n'arrête pas de parler des Néo-Brunswickois, mais je ne puis m'en empêcher. Il y avait aussi Diane Bellemare, une merveilleuse amie, Jacques Demers, Michel Rivard et Elaine McCoy. Nous avons demandé à Elaine d'être la première facilitatrice de ce petit groupe de six membres. Elle a accepté. Le groupe indépendant compte maintenant 43 membres et Elaine en est toujours la facilitatrice. Le travail qu'elle a accompli pour faire de ce groupe ce qu'il est aujourd'hui est exceptionnel. Je sais que je parle au nom de tous les sénateurs en disant que je ne pourrai jamais vous remercier suffisamment, Elaine, pour tout ce que vous avez fait.
La sénatrice McCoy : Merci.
Le sénateur Wallace : Alors que je quitte le Sénat, je dois dire que nous avons tous eu des accrochages, ainsi que des hauts et des bas. C'est ce qui se produit lorsque vous rassemblez des gens qui ont des opinions très arrêtées et qui croient tous avoir raison, mais c'est comme cela que ce devrait être. C'est le principe. C'est comme cela qu'un parlementaire est censé agir. C'est du donnant-donnant. Idéalement, on trouve un compromis, ce qui est généralement le cas.
Je quitte le Sénat très optimiste par rapport à son avenir et à ses choix. Il se trouve sur la bonne voie, qui a heureusement été corrigée, et je ne doute pas qu'il connaîtra de nombreux succès. Je me permets de l'affirmer, parce que la réussite dans tous les aspects de notre vie, au sein d'un organisme, dépend de la qualité des gens qui le composent. En regardant chacun d'entre vous, j'ai l'absolue certitude que les personnes exceptionnelles ne manquent pas au Sénat; aucune pénurie n'est en vue. Je sais donc que le résultat ne pourra qu'être extrêmement positif.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous comptons sur du personnel qui nous offre son soutien. Deux personnes compétentes ont travaillé pour moi; elles ont tenté de m'aiguiller pour prévenir ma fâcheuse tendance à dévier de l'objectif. Hilary Bittle a été mon adjointe de direction pendant six ans et demi et Ewan Dunn, mon conseiller parlementaire, a travaillé avec moi pendant cinq ans. Ils sont des employés professionnels et fiables. Nous formions une véritable équipe. Un grand nombre des idées que vous avez dû entendre ont d'abord été soumises à ces deux personnes, qui me donnaient leur avis. Je ne pourrai jamais les remercier assez de leur soutien et de toute leur aide. Il ne s'agit pas simplement d'un emploi. Nous avons établi des liens personnels. Chacun d'entre vous me manquera.
À tous mes collègues, je souhaite la santé et ce qu'il y a de mieux. Une période stimulante vous attend, et j'ai hâte de recroiser chacun d'entre vous, peut-être sur un terrain de golf, qui sait. Merci.
(1500)
Roberta Bondar
L'honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour me joindre aux parlementaires, aux Canadiens d'un bout à l'autre du pays et à des gens partout dans le monde afin de rendre hommage à la Dre Roberta Bondar, qui se trouve sur la Colline du Parlement aujourd'hui. Il y a 25 ans, soit le 22 janvier 1992, la Dre Bondar a volé à bord de la navette spatiale Discovery, devenant ainsi la première femme canadienne et la première neurochirurgienne à voyager dans l'espace. Au cours de ce vol de huit jours, elle a travaillé à bord des installations qui allaient devenir la Station spatiale internationale. Hier, elle a fêté le 25e anniversaire de son retour sur Terre.
Roberta Bondar a été et continue d'être une source d'inspiration pour de nombreuses personnes de tous les âges et de tous les horizons. Dès son tout jeune âge, elle a senti l'appel de l'espace, et sa curiosité l'a poussée à acquérir des connaissances, à vivre des expériences, à s'interroger, à chercher à comprendre le sens des choses et à encourager d'autres personnes à faire de même. Originaire de Sault Ste. Marie, la Dre Bondar a été encouragée par ses parents à obtenir un diplôme universitaire. Ils lui ont dit : « Tu auras besoin de ce bout de papier. » Elle a décroché de nombreux diplômes, dont un baccalauréat en sciences, une maîtrise en pathologie expérimentale, un doctorat en neurobiologie, un diplôme en médecine et un brevet de pilote. Elle est aussi plongeuse autonome et parachutiste.
La Dre Bondar a consacré une grande partie de sa vie à la façon dont le cerveau voit et perçoit les choses. Comme si ce n'était pas assez, elle a été chancelière de l'Université Trent. En tant qu'environnementaliste, elle continue de se porter à la défense des espèces en voie de disparition partout dans le monde. Depuis 2009, grâce à la fusion des arts, des sciences et de l'environnement, la Roberta Bondar Foundation s'emploie à ouvrir l'esprit des enfants partout au Canada. Plus d'une demi-douzaine d'écoles ont été nommées en son honneur.
En plus de tout cela, Roberta Bondar est une artiste spécialisée dans la photographie. Très accessibles, ses œuvres traduisent la passion débordante qu'elle éprouve pour son pays et sont le fruit de ses nombreux talents, intérêts et professions. Pour obtenir le cliché parfait, elle n'hésite pas à s'accrocher à un avion, à monter sur une branche ou à gravir des sommets que bien peu de personnes oseraient atteindre. Elle a pris en photo des endroits et des espèces animales et végétales que nous ne verrons probablement jamais en personne. Elle a attiré notre attention sur tous les parcs nationaux et de nombreux parcs provinciaux du Canada.
La perspective de Roberta Bondar sur les choses à petite et grande échelle nous amène à voir vraiment ce qu'il y a autour de nous. La beauté et la majesté imprègnent toutes ses œuvres — par la couleur, la texture, la profondeur et la lumière —, que son regard soit tourné vers l'espace, la terre, le minuscule bourgeon d'une fleur alpine, un troupeau de bisons dans un désert de sel, des cheminées de fée ou un coucher de soleil à Long Beach. La Dre Bondar a fait des expositions au pays et à l'étranger, et ayant moi-même été conservateur et rédacteur pour l'une d'elles, je peux témoigner de son professionnalisme, de sa curiosité, de son sens de l'humour et de la joie qu'elle éprouve à communiquer avec tous les publics, et en particulier avec les enfants.
Les distinctions qui lui ont été accordées — l'Ordre du Canada, l'Ordre de l'Ontario, des prix pour l'ensemble de sa carrière et 27 grades honorifiques — ont toutes été bien méritées, et c'est un privilège de lui rendre hommage aujourd'hui au Sénat. Nous sommes très reconnaissants à cette inspirante pionnière canadienne pour toutes ses réalisations. Merci, Roberta.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance d'aujourd'hui
L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5j), je propose :
Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, la période des questions commence à 15 h 30 aujourd'hui, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;
Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 aujourd'hui, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 aujourd'hui, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 aujourd'hui, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : Oui.
La sénatrice Bellemare : Nous recevrons aujourd'hui l'honorable Navdeep Singh Bains, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat plus tôt aujourd'hui, la période des questions aura lieu à 15 h 30.
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur le renforcement de la sécurité automobile pour les Canadiens
Projet de loi modificatif—Adoption du cinquième rapport du Comité des transports et des communications
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Carignan, C.P., tendant à l'adoption du cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (Projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur la sécurité automobile et une autre loi en conséquence, avec un amendement), présenté au Sénat le 24 novembre 2016.
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : J'aimerais prendre un instant pour remercier les membres du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui ont examiné en détail ce projet de loi. J'ai demandé l'ajournement à mon nom, à l'étape du rapport, à la fin de l'année, et j'aimerais qu'on adopte le projet de loi modifié pour qu'on en reprenne l'étude le plus tôt possible. Je prendrai la parole à ce moment-là.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons- nous le projet de loi pour la troisième fois?
L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je propose que la troisième lecture du projet de loi modifié soit inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Harder, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1510)
La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés
La Loi
sur le mariage civil
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l'honorable sénateur Baker, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-210, Loi modifiant la Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la Loi sur le mariage civil, le Code criminel et d'autres lois en conséquence.
L'honorable Donald Neil Plett : Je voudrais, s'il vous plaît, que le débat soit ajourné à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la modernisation de l'obligation de présentation et de déclaration relative à des moyens de transport
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Bob Runciman propose que le projet de loi S-233, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligation de présentation et de déclaration), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureux de parler du projet de loi S-233, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (obligation de présentation et de déclaration). Avant d'expliquer ledit projet de loi, je tiens à parler des circonstances entourant son dépôt.
Le 30 mai 2011, Roy Andersen, un résidant saisonnier de Wellesley Island, une île états-unienne au cœur des Mille-Îles, pêchait à partir de son bateau dans les eaux canadiennes du fleuve Saint-Laurent dans une région connue sous le nom de passage Gananoque. M. Andersen possédait un permis de pêche de l'Ontario. Son bateau n'était ni mouillé ni amarré. Il faisait ce qu'on appelle de la « pêche à la dérive ». Il ne pensait pas avoir quelque chose à se reprocher. Assurément, un Canadien qui ferait la même chose dans les eaux américaines n'aurait rien à se reprocher.
Or, le bateau de M. Andersen a été arraisonné et saisi par des agents de l'Agence des services frontaliers du Canada, et il a reçu une amende de 1 000 $ pour récupérer son bateau. Son infraction? Il ne s'était pas présenté aux douanes canadiennes quand il a franchi les eaux du pays.
Cet incident a provoqué un tollé du côté américain de ce qui était auparavant une frontière accueillante et accessible. La sénatrice Pattie Ritchie, de l'État de New York, était furieuse lorsqu'elle a pris contact avec moi. De mon côté, je me suis plaint très énergiquement de ce côté-ci de la frontière, avec l'appui de responsables locaux, provinciaux et fédéraux. Par suite de ces démarches, l'amende de M. Andersen a été réduite à 1 $, mais cette affaire avait déjà fait beaucoup de tort à nos relations avec les États- Unis.
Les accusations portées dans ce cas constituaient, pour beaucoup de gens, une rupture avec les règles qui s'appliquaient en pratique aux plaisanciers et aux pêcheurs qui fréquentaient cette belle région de l'Ontario où j'habite. Il s'agit de la région des Mille-Îles. En fait, ce tronçon de 80 kilomètres du Saint-Laurent qui suit la frontière Canada-États-Unis entre Kingston et Brockville contient 1 864 îles. Il n'y a que très peu d'autres endroits où Canadiens et Américains collaborent comme ils le font dans la région des Mille-Îles afin de protéger l'environnement, de stimuler l'économie et de profiter de merveilleux paysages.
La frontière serpente autour de différentes îles. Elle n'est pas marquée et, dans bien des cas, il est quasiment impossible pour les plaisanciers de savoir de quel côté de la frontière ils se trouvent à un moment donné. Si vous avez fait du bateau dans cette région, je suis sûr que vous comprenez parfaitement ce que je veux dire.
Comme je l'ai dit plus tôt, les Canadiens qui passent dans les eaux américaines n'ont à se conformer à aucune obligation de présentation ou de déclaration à moins de jeter l'ancre, d'accoster à un quai ou de s'approcher de la terre. La plupart des Américains qui sont passés dans les eaux canadiennes au fil des ans croyaient, jusqu'à ce déplorable incident, que les mêmes règles s'appliquaient au Canada.
Comment l'Agence des services frontaliers du Canada a-t-elle réagi au tollé suscité par son intervention? Malheureusement, elle a confirmé la règle qu'elle avait appliquée. En 2012, l'agence a précisé cette règle en soulignant que toute embarcation entrant dans les eaux canadiennes, même sans s'y arrêter, est tenue de se présenter aux douanes. Des représentants de l'agence ont assisté à des réunions publiques aux États-Unis pour insister sur la nécessité de se conformer à cette règle.
Pour être juste envers l'Agence des services frontaliers du Canada, je dois dire que c'est exactement ce que dit la législation actuelle. D'après l'article 11 de la Loi sur les douanes, toute personne arrivant au Canada doit se présenter sans délai devant un agent. La seule exception prévue concerne les personnes qui se sont déjà présentées à un bureau de douane à l'étranger ou qui entrent dans les eaux ou l'espace aérien du Canada pour se rendre « directement d'un lieu à un autre de l'extérieur du Canada ».
Par conséquent, une personne ne peut passer dans les eaux canadiennes sans se présenter à un agent que si elle a emprunté le chemin le plus court entre deux destinations extérieures au Canada. Tous les autres voyageurs doivent annoncer leur arrivée par téléphone s'ils ne s'arrêtent pas, ou en personne s'ils ont accosté.
La situation actuelle a dissuadé des plaisanciers et des pêcheurs de venir au Canada et a nui à l'économie de cette région qui dépend du tourisme. Les règles actuelles seraient peut-être justifiables si elles renforçaient la sécurité du pays, mais ce n'est pas le cas. Un plaisancier qui admire les propriétés riveraines du côté canadien de la frontière ou un pêcheur qui essaie de ferrer un brochet ne menace en rien la sécurité du Canada. En fait, les exigences actuelles constituent en soi une menace parce qu'elles empêchent les agents de l'ASFC de s'occuper de questions plus pressantes.
Le projet de loi S-233 vise à simplifier la situation et à aligner les règles canadiennes sur celle des États-Unis. Il modifie la Loi sur les douanes afin d'exempter des exigences de présentation et de déclaration les personnes qui se trouvent à bord d'un moyen de transport qui entre dans les eaux ou l'espace aérien du Canada puis revient aux États-Unis, sans s'arrêter. Le projet de loi exempte également ceux qui sortent des eaux canadiennes de se présenter à leur retour à des représentants de l'ASFC s'ils ne se sont pas arrêtés pendant qu'ils étaient dans les eaux ou l'espace aérien d'un autre pays.
Certains sénateurs se souviendront peut-être du fait que j'avais présenté à l'origine une version plus rigoureuse de ce projet de loi, qui n'aurait exempté des règles de présentation et de déclaration que les occupants de bateaux privés. Toutefois, après d'importantes consultations avec l'Agence des services frontaliers du Canada, un nouveau projet de loi a été rédigé. C'est ce que vous avez devant vous aujourd'hui.
Je voudrais remercier les membres du cabinet du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, les membres du bureau du sénateur Harder ainsi que l'Agence des services frontaliers du Canada pour leur aide au cours des consultations qui ont abouti au projet de loi S-233.
Je tiens à mentionner en particulier Ginette Fortuné, rédactrice au bureau du légiste du Sénat, qui a fait bien plus que son devoir en faisant des heures supplémentaires pour s'assurer que le projet de loi serait présenté à temps — je l'espère — pour être mis en vigueur au cours de la prochaine saison touristique des Mille-Îles. Je tiens également à mentionner le légiste Michel Patrice et son équipe, qui ont fait un très bon travail.
Honorables sénateurs, ce projet de loi n'a aucun caractère politique ou partisan. Il vise simplement à réagir à une situation où le libellé actuel de la Loi sur les douanes impose des exigences difficiles et inutiles dans certaines circonstances. Je crois que le projet de loi S-233 permettra de remédier au problème. Je vous demande donc de l'appuyer.
(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, au nom du sénateur Baker, le débat est ajourné.)
(1520)
Modernisation du Sénat
Quatrième rapport du comité spécial—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Greene, appuyée par l'honorable sénatrice Andreychuk, tendant à l'adoption du quatrième rapport (intérimaire) du Comité spécial sénatorial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant (Feuilleton), présenté au Sénat le 4 octobre 2016.
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Je propose l'ajournement du débat à mon nom.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
Le Sénat
Motion tendant à inviter le gouvernement à marquer le cent cinquantième anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative représentant l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur—Suspension du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Moore,
Que le Sénat invite le gouvernement du Canada à marquer le 150e anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative qui en plus des symboles canadiens contiendra une représentation de l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur;
Que cette médaille soit distribuée entre autres aux personnes qui depuis les 50 dernières années ont contribué de façon significative à l'amélioration de la condition de vie de tous les Canadiennes et Canadiens.
L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, c'est pour moi un grand privilège aujourd'hui de lancer en quelque sorte les délibérations de la nouvelle année avec cette motion. Je vais la lire pour que tous comprennent la valeur symbolique que pourrait avoir notre débat.
Que le Sénat invite le gouvernement du Canada à marquer le 150e anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative qui en plus des symboles canadiens contiendra une représentation de l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur;
Que cette médaille soit distribuée entre autres aux personnes qui depuis les 50 dernières années ont contribué de façon significative à l'amélioration de la condition de vie de tous les Canadiennes et Canadiens.
Honorables sénateurs, je crois fermement à l'utilité de cette motion. J'en suis convaincu. Depuis le 1er janvier, nous célébrons le 150e anniversaire de la Confédération, et vous vous demanderez certainement en premier lieu ce que nous ferons pour souligner cet anniversaire.
Lorsque je me suis mis à songer à l'objectif de cet anniversaire, la première question qui m'est venue à l'esprit a été de me demander ce qui a été fait par le passé. Lorsqu'on se penche sur une question dans le monde juridique, la première étape consiste à se demander comment la même question a été résolue dans le passé et à voir si la solution appliquée à l'époque est encore acceptable aujourd'hui pour atteindre l'objectif.
Comment avons-nous commémoré la Confédération par le passé? Eh bien, en 1867, lorsque la Confédération a été adoptée, c'est-à-dire lorsque les quatre provinces originales, le Haut-Canada ou l'Ontario, le Bas-Canada ou le Québec, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, se sont unies sous la Couronne de Grande- Bretagne et d'Irlande, les fondateurs ont souligné l'événement en frappant une médaille avant toute chose. D'ailleurs, j'ai un exemplaire de cette médaille ici. Sur une face, on y trouve l'effigie de la reine Victoria, parce que l'union s'est faite sous la Couronne du Royaume-Uni et de l'Irlande. Sur l'autre face se trouve une illustration symbolisant les quatre provinces originales, représentées respectivement par des déesses incarnant l'agriculture, le commerce, les mines et l'industrie forestière, ce qui est une allégorie, bien entendu, tandis que la Grande-Bretagne est personnifiée par une femme tenant un lion.
La médaille a été conçue par un célèbre médailliste de l'époque. Il s'appelait Joseph Shepherd Wyon, et la médaille a été distribuée en 1869. Voilà ce qu'on a fait en 1867 pour souligner la naissance de la Confédération.
Et qu'a-t-on fait 50 ans plus tard pour célébrer le cinquantième, anniversaire de la Confédération? Je me retourne vers mon collègue, le sénateur McInnis. En 1917, donc, 50 ans après, la Première Guerre mondiale faisait rage. Le printemps de 1917 a été en fait marqué par un épisode horrible de la guerre. On était au beau milieu de la bataille de la Somme. Le Canada a arraché la victoire à Vimy, ce que nous commémorerons au début d'avril, et il a remporté la bataille de la cote 70 en août de cette année-là. Ce sont les seules victoires de la campagne de la Somme. Au Canada, à l'époque, on n'était pas tellement d'humeur à célébrer quoi que ce soit et on préférait se concentrer sur l'effort de guerre. Le gouvernement Borden alors en poste a décidé de repousser la célébration au 60e anniversaire.
Et qu'a-t-on fait en 1927? On a frappé une médaille. Le gouvernement de M. King était alors aux commandes. La médaille représentait d'un côté le roi George V, avec les mots « Confédération Canada », et, de l'autre, une personnification du Canada avec, à ses pieds, une gerbe de blé et la feuille d'érable, ainsi que la devise a mari usque ad mare. Pourquoi? Parce que, en 1867, on ne pouvait utiliser cette devise pour le Canada, puisqu'il regroupait seulement quatre provinces. Pourtant, entre 1867 et le 60e anniversaire, le Canada avait pu regrouper un territoire qui englobait aussi la Colombie-Britannique et les provinces de l'Ouest, l'Île-du-Prince-Édouard s'y étant jointe au préalable. Notre pays s'étendait donc sur toute la largeur du continent, et c'est ce que la médaille célébrait.
Puis, ce fut le centenaire, en 1967. Qu'a-t-on fait alors, me demanderez-vous? On a frappé une médaille. Que représentait-elle? D'un côté, les armoiries du Canada, avec les années 1867-1967 et, de l'autre, le monogramme royal sur une feuille d'érable. Pourquoi? Parce que, en 1967, le Canada s'est donné un drapeau, l'unifolié. La médaille illustrait donc l'identité canadienne. Le gouvernement Pearson était alors en poste.
Qu'avons-nous fait pour souligner le 125e anniversaire du Canada, sous le gouvernement Mulroney? On a frappé une nouvelle médaille. On y trouvait d'un côté le monogramme royal sur une feuille d'érable, comme le montre la représentation que voici, et, de l'autre côté, l'étendard royal, avec la devise de l'Ordre du Canada. Autrement dit, il s'agissait de célébrer les Canadiens qui avaient œuvré à l'avancement de la société canadienne.
Aujourd'hui, nous en sommes au 150e anniversaire du Canada. Que ferons-nous? Le gouvernement a fait savoir qu'il n'entendait pas frapper de médaille. Il a décidé de rompre avec la tradition. On ne sait pas très bien pourquoi. Pourquoi a-t-il décidé de ne pas se conformer à la tradition? C'est pourtant une tradition solidement ancrée, honorables sénateurs.
Je me tourne vers mon collègue, le sénateur Maltais. Il se souviendra du moment où la première médaille a été frappée au Canada. C'est le roi Louis XIV qui l'a fait frapper en 1690, les Britanniques ayant quitté Québec après la bataille de Phips. Le général Phips était venu à Québec, s'était emparé de la ville, qu'il avait occupée pendant un an et demi, après quoi il s'était replié.
[Français]
À ce moment, le roi Louis XIV décida, pour marquer l'événement, d'émettre une médaille.
[Traduction]
Je vais lire le texte de la médaille, car il vaut la peine de savoir ce qui y est écrit : KEBECA LIBERATA; Québec libre. C'était en 1690. Ce fut la première médaille commémorative d'un fait politique au Canada.
Quelle est la médaille que les Français ont frappée ensuite? Ce fut, en 1693, une médaille qui soulignait la paix conclue avec les peuples autochtones. En d'autres termes, lorsque les gouverneurs de Québec ont négocié avec les peuples autochtones, ils ont souligné par une médaille la conclusion du traité. La médaille portait la date et, bien entendu, l'effigie du roi et, sur le revers, une représentation symbolique des peuples autochtones. Une autre médaille a été frappée...
(1530)
[Français]
Au moment de la bataille de Louisbourg, quand la forteresse a dû céder devant l'invasion anglaise, les Britanniques ont frappé une médaille, en 1757.
[Traduction]
En 1757, une autre médaille a été gravée pour commémorer la bataille qui a marqué le début de la guerre de Sept Ans. Une autre médaille a été créée en 1763, lorsque le Canada a été cédé à la Couronne britannique en vertu du traité de Paris. Autrement dit, honorables sénateurs, la tradition selon laquelle d'importants...
(Le débat est suspendu.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
Conformément à l'ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l'honorable Navdeep Bains, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Je dois interrompre le sénateur Joyal, car il est 15 h 30. Nous nous apprêtons à commencer la période des questions, après laquelle nous reprendrons le débat pour le temps qu'il reste à l'honorable sénateur.
Honorables sénateurs, nous avons l'honneur de recevoir pour la période des questions l'honorable Navdeep Singh Bains, C.P., député et ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique. Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au nom de tous les sénateurs.
Honorables sénateurs, comme d'habitude, je vous prie de poser des questions brèves et ciblées, afin de donner au plus grand nombre de sénateurs possible l'occasion de participer à la période des questions. Vous avez droit à une question complémentaire, si nécessaire.
[Français]
Le ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique
L'examen de la technologie militaire
L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue.
Nous avons appris, au cours des dernières semaines, que le gouvernement avait l'intention de procéder à un nouvel examen du dossier de la prise de contrôle de l'entreprise montréalaise ITF Technologies par des intérêts chinois. Il apparaît que cette décision avait été prise par le gouvernement antérieur, notamment pour des raisons de sécurité, compte tenu des risques liés au transfert d'une technologie propre au domaine militaire de haut niveau au gouvernement chinois, qui pourrait l'utiliser à des fins qui iraient à l'encontre des intérêts canadiens.
Le ministre peut-il nous expliquer pourquoi il a décidé de revoir cette décision et nous indiquer s'il a l'intention de maintenir la décision du gouvernement antérieur de refuser l'autorisation de la transaction?
[Traduction]
L'honorable Navdeep Singh Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Je vous remercie infiniment de m'avoir invité. Je remercie le sénateur de la question.
Le sénateur n'est pas sans savoir que je suis le ministre responsable de la Loi sur Investissement Canada, qui exige que nous déterminions ce qui est à l'avantage net du Canada et dans l'intérêt de notre sécurité nationale. Je me penche sur ces dossiers, y compris celui mentionné par le sénateur, en étroite collaboration avec le ministre de la Sécurité publique, en tenant compte de nos intérêts nationaux. Je puis assurer au Sénat — j'ai d'ailleurs donné la même assurance à la Chambre des communes — que toutes nos décisions seront prises dans l'intérêt de l'ensemble des Canadiens.
Je puis également dire à l'honorable sénateur que les détails de cette affaire ont été révélés lors de l'audience du tribunal et que, encore une fois, ces documents recommandaient au gouvernement de suivre un processus adéquat et transparent, ce que nous faisons actuellement.
[Français]
Le sénateur Carignan : Le ministre sait-il que le sujet de l'entreprise chinoise O-Net Technologies a été abordé avec le premier ministre lors des récentes activités de financement qui ont donné à cette compagnie de milliardaires chinois un accès privilégié au premier ministre?
[Traduction]
M. Bains : Encore une fois, la question du sénateur a également été posée à l'autre endroit. En tant que ministre responsable de la Loi sur Investissement Canada, je supervise ce processus qui est mené de façon indépendante et de manière à promouvoir nos intérêts nationaux en ce qui concerne à la fois les avantages économiques nets et les questions de sécurité nationale. Nous écoutons toujours l'avis de nos conseillers en matière de sécurité nationale, et nous en tenons compte avant de prendre nos décisions.
Le commerce intérieur
L'honorable Douglas Black : Monsieur le ministre, bienvenue. Merci beaucoup de votre présence. Vous avez comparu devant le Comité sénatorial des banques et savez que celui-ci a adopté une position ferme à l'égard du commerce intérieur. En outre, nous croyons savoir, d'après ce que disent les médias, que vous et vos collègues partout au Canada êtes sur le point d'annoncer un accord sur le commerce intérieur pour le Canada.
Pouvez-vous confirmer que c'est bel et bien l'intention du gouvernement du Canada? Pouvez-vous également confirmer que la liste négative, qui permet d'exclure des industries du commerce interprovincial, sera aussi limitée que possible?
L'honorable Navdeep Singh Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Je remercie le sénateur de sa question. Bien entendu, j'aimerais également remercier le comité de son travail dans cet important dossier.
J'ai lu avec beaucoup d'intérêt son rapport sur l'élimination des barrières au commerce intérieur. Celui-ci a vraiment aidé à orienter les discussions que j'ai eues avec mes homologues provinciaux et territoriaux au sujet des occasions de libre-échange au sein du Canada à l'avenir.
Comme l'a mentionné le sénateur, nous avons amplement discuté de la question avec nos collègues provinciaux et territoriaux. Nous l'avons fait parce que nous sommes également en voie de conclure un accord de libre-échange avec l'Europe. Il y a la possibilité qu'une entreprise européenne ait accès aux marchés publics canadiens et qu'une entreprise canadienne soit exclue. Sachant cela, nous travaillons ardemment avec mes homologues provinciaux et territoriaux pour conclure un accord de libre-échange canadien, comme nous l'appelons.
Nous avons conclu une entente de principe, que nous avons annoncée en juillet dernier. Nous sommes maintenant en train de peaufiner les détails. Nous ferons part du tout au public sous peu.
Un des principaux détails à finaliser est l'étendue de l'accord. Comme le sénateur l'a mentionné, l'étendue a une incidence sur l'approche des listes négatives qui devrait garantir que tout ce qu'il est possible d'intégrer à l'accord s'y trouve. C'est très semblable au processus que nous avons suivi avec l'Accord économique et commercial global. L'idée est d'éliminer les obstacles, d'harmoniser la réglementation et de créer de véritables avantages économiques pour les entreprises dont les consommateurs finiront par profiter aussi.
L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Ma question, monsieur le ministre, est dans la même veine que celle du sénateur Black relativement au rapport du Comité des banques, intitulé Des murs à démolir.
Je vous en ai apporté un exemplaire au cas où vous auriez perdu le vôtre en chemin, puisque vous n'avez pas communiqué depuis un certain temps, sauf pour indiquer que tout allait bien. Il nous tarde d'apprendre des détails sur l'accord.
Je tiens à attirer votre attention sur une préoccupation liée aux événements qui se sont déroulés au Nouveau-Brunswick. En 2012, M. Gérard Comeau a reçu une amende pour avoir transporté au Nouveau-Brunswick de la bière et de l'alcool qu'il avait achetés au Québec. Il a été arrêté par un agent de la Gendarmerie royale du Canada qui lui a donné cette amende.
L'article de notre Constitution qui s'applique dans cette situation est l'article 121, que je suis sûr que vous connaissez bien. J'aimerais vous le lire, parce qu'il permet de comprendre ce que pensaient les Pères de la Confédération lorsque le Canada a été formé. Il dit ceci :
Tous articles du crû, de la provenance ou manufacture d'aucune des provinces seront, à dater de l'union...
— c'est-à-dire de la création du Canada —
... admis en franchise dans chacune des autres provinces.
Ce que les Pères de la Confédération visaient à accomplir il y a 150 ans est très clair. Pourtant, quelqu'un qui achète quelques bières au Québec et qui se rend ensuite au Nouveau-Brunswick se fait arrêter en raison des lois provinciales.
Je crois comprendre, monsieur le ministre, qu'une autorisation est demandée à la Cour suprême du Canada. C'est donc dire qu'il n'y a pas beaucoup d'enthousiasme, du moins dans la province du Nouveau-Brunswick, à l'idée d'aller de l'avant avec un accord de libre-échange.
Enfin, je vous saurais gré de nous parler de la question des services parce qu'il s'agit d'un secteur qui contribue grandement à la croissance de l'économie canadienne, mais qui n'a pas été envisagé plus tôt dans le processus. Pouvez-vous au moins nous donner l'assurance que les observations qui ont été faites dans notre rapport seront prises en compte dans l'accord que vous avez conclu? Merci, monsieur le ministre.
M. Bains : Je remercie le sénateur de m'avoir apporté une copie du rapport. Je n'ai pas d'objection à le relire.
Comme le sénateur l'a souligné dans ses dernières remarques, les services seraient évidemment inclus. D'après le niveau de détail qu'il m'est permis de divulguer au Sénat, je peux dire très clairement que ce sera un volet important de notre approche globale pour ce qui est de promouvoir la circulation des biens et des services à travers les frontières intérieures du Canada.
(1540)
Vous avez mentionné spécifiquement que nous célébrons cette année notre 150e anniversaire, et il s'agit évidemment d'une occasion très spéciale pour le Canada. Dans le cadre de cet anniversaire, nous avons une occasion unique de proposer un accord global de libre- échange. Je pense que cela indique très clairement que nous abattons des murs et que nous promouvons très ouvertement le commerce, les idées, ainsi que la circulation des biens et des services, à un moment où nous observons une montée du protectionnisme, et où nous entendons d'autres pays parler d'ériger des murs et de se replier sur eux-mêmes. C'est excellent pour l'innovation, la créativité et la croissance économique.
Quant à la question précise que vous avez posée au sujet de l'alcool, je comprends qu'il y a là un problème. Cependant, le gouvernement a décidé de ne pas soumettre cette question aux tribunaux. Nous croyons qu'il est préférable d'en discuter à la table des négociations, et c'est là que je l'ai soulevée auprès de mes homologues provinciaux et territoriaux. Nous avons élaboré un plan pour régler ce problème. Je tiens à assurer au sénateur que je comprends la grande importance de cet enjeu.
De façon plus générale, je dirais que l'objet de l'accord canadien de libre-échange consiste en fait à remettre le Canada sur la carte. Quand nous cherchons à conclure des accords de libre-échange multilatéraux ou bilatéraux, il est important que nous fassions en sorte que, lorsque les entreprises de ces autres pays veulent investir au Canada, les entreprises canadiennes puissent croître d'un bout à l'autre du pays. C'est l'un des objectifs que nous visons. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit d'un accord très ambitieux, et j'ai hâte de pouvoir fournir plus de détails sur cet accord de libre-échange avec les provinces et les territoires dans un proche avenir.
Les centres d'innovation
L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Monsieur le ministre, les médias laissent entendre que le gouvernement a choisi d'investir près d'un milliard de dollars dans la création de grappes technologiques pour stimuler l'innovation. Son objectif sera de créer des entreprises qui iront bien au-delà de la phase de démarrage au Canada. C'est un excellent objectif, de toute évidence. Le Canada ne compte pas de centres importants dotés d'une masse critique dans le secteur de l'innovation scientifique et technologique.
J'appuie pleinement toute initiative visant à construire de véritables centres dotés d'une masse critique pour stimuler l'innovation. Nous nous devons de le faire; c'est aussi simple que cela.
Cependant, monsieur le ministre, construire des centres d'innovation dotés d'une masse critique n'est pas la même chose que construire des centres d'expertise dans des secteurs de recherche pointus comme les TI et l'intelligence artificielle. Les grands centres économiques nord-américains, comme ceux de Boston et de San Diego, qui mettent à profit des entreprises dynamiques issues de l'innovation, ne visent pas des objectifs technologiques ou scientifiques uniques.
Pouvez-vous nous dire quels sont vos plans pour construire de véritables centres d'innovation qui créeront directement des débouchés socioéconomiques durables pour le Canada?
L'honorable Navdeep Singh Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Je tiens à remercier le sénateur de sa question réfléchie. Comme il le sait fort bien, pendant la campagne, nous avons accordé énormément d'attention à l'infrastructure. Le but du gouvernement était de s'attacher à la création d'emplois à court terme et d'assurer la prospérité à long terme en investissant dans l'infrastructure.
Nous avons aussi accordé beaucoup d'attention à un autre secteur qui n'a pas soulevé énormément d'intérêt pendant la campagne, mais qui commence à gagner en importance : celui de l'innovation. Dans notre budget de l'an dernier, nous avons fait des investissements considérables dans l'innovation. Un des secteurs que vous avez soulignés était celui des grappes, auquel nous avons affecté 800 millions de dollars. Cette initiative s'inscrit dans l'engagement qu'a pris le gouvernement de repérer des entreprises à croissance élevée et de profiter de notre contexte de démarrage pour nous attacher à la croissance des entreprises et étudier les façons de créer des sociétés canadiennes fortes et rentables qui soient aussi concurrentielles sur le marché international.
Comme vous l'avez mentionné, nous nous en tirons vraiment bien dans le domaine scientifique. Nous représentons 0,5 p. 100 de la population planétaire et produisons 2 p. 100 des publications mondiales. Nous nous surpassons.
Toutefois, en ce qui concerne les investissements privés dans la recherche-développement, nous sommes au 23e rang parmi les 35 pays de l'OCDE, et c'est un gros problème.
L'objectif de cette stratégie des grappes est de regrouper le milieu universitaire, le gouvernement et divers ordres de gouvernement. Nous voulons que l'industrie et la société civile unissent leurs efforts pour créer un environnement propice à encourager l'esprit d'entreprise, la prise de risques et la culture de l'innovation, comme je l'ai dit à maintes reprises par le passé.
Je peux déjà vous dire que l'un des objectifs de notre stratégie des grappes est d'envisager une plateforme, comme vous l'avez dit. L'intelligence artificielle en est un excellent exemple. C'est une plateforme horizontale qui peut avoir des effets considérables sur un grand nombre de secteurs différents comme l'agriculture, l'industrie aérospatiale, le secteur automobile, la construction de navires, les services financiers, et cetera. Nous voulons créer une stratégie des grappes qui ne met pas exclusivement l'accent sur une région géographique ou des secteurs précis, mais qui met l'accent sur certaines technologies de transformation ou technologies porteuses qui permettront au Canada de profiter pleinement de la technologie de façon considérable.
Si vous regardez du côté du Japon, de la Corée du Sud et de l'Allemagne, ces pays sont hautement automatisés et mettent fortement l'accent sur la robotique, et leur taux de chômage est faible. Le gouvernement comprend qu'il doit adopter l'innovation et la technologie, et voilà un domaine qui, selon nous, permettra de nous distinguer des autres dans le cadre de notre stratégie des grappes et de soutenir la concurrence mondiale à l'avenir.
Je serai ravi d'entendre vos commentaires sur le type de plateformes que nous devons examiner, mais ce sera un processus concurrentiel. Nous essaierons de créer un modèle où les entreprises privées, le milieu universitaire et les divers ordres de gouvernement unissent leurs forces en vue de mettre de l'avant les meilleures propositions.
Le sénateur Ogilvie : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je crois que c'est très encourageant, et j'aimerais réitérer mon point et reconnaître le leadership exceptionnel dont fait preuve le Canada dans la recherche fondamentale, dans une vaste gamme de domaines.
Comme vos chiffres le démontrent, et mon expérience de travail aussi, le Canada, contrairement aux autres pays industrialisés, n'a jamais vraiment pas réussi à transformer ces recherches brillantes et inspirantes en avantages sociaux et économiques pour les Canadiens. Je veux dire — et vous l'avez déjà partiellement compris — qu'il y a une différence entre les idées qui mènent à des progrès fondamentaux, comme la façon dont les électrons bougent et transportent l'information, et leur application concrète, qui apporte un avantage grâce à la diffusion de la connaissance, la collecte de données ou la guérison de maladies. Il est essentiel que les personnes qui connaissent bien les besoins de la société travaillent de près avec les personnes qui font de la recherche fondamentale et qui développent des technologies afin de favoriser l'échange d'idées. En bref, l'innovation est l'application des sciences fondamentales pour qu'elle ait un impact positif concret. Je vous remercie beaucoup.
M. Bains : Je tiens à remercier le sénateur de ses remarques additionnelles. Vous soulignez encore une fois l'objectif de la stratégie des grappes. L'idée est que des gens peuvent très bien avoir un esprit innovateur, créatif et scientifique, sans être forcément de bons PDG. Ils n'ont peut-être pas de plans de commercialisation ou ils ne savent peut-être pas comment mettre leur produit sur le marché, par exemple.
Au Canada, nous établissons des partenariats afin de réaliser ces investissements historiques. Comme vous le savez, nous avons découvert les cellules souches en 1961. Récemment, j'ai annoncé à MaRS, à l'Université de Toronto, un investissement historique de 225 millions de dollars américains dans l'entreprise Series, qui œuvre dans ce domaine. Il s'agit du plus important investissement en biotechnologie jamais vu au Canada et fort probablement au monde. La solution provient du domaine des sciences. Nous la commercialisons, la mettons sur le marché et nous la distribuons aux établissements de soins de santé pour améliorer la qualité de vie des gens. Je peux vous assurer que la commercialisation des produits et la mise en marché des idées font partie intégrante des objectifs du gouvernement. Nous savons que nous réussissons bien dans le domaine des sciences. Nous ne céderons pas de terrain dans ce domaine, mais nous voulons également que les bonnes idées se transforment en résultats concrets pour la société. Après tout, c'est à cela que sert l'innovation.
Ma fille me dit : « Tu es ministre de l'Innovation. Qu'est-ce que ça veut dire? » Et je lui réponds que cela veut dire de meilleurs emplois, de meilleurs résultats, un meilleur niveau de vie et un meilleur avenir. Voilà à quoi il faut penser quand on parle d'innovation, plutôt qu'aux derniers gadgets ou technologies. Il s'agit de faire de la société un meilleur endroit où vivre, et je pense que le Canada peut jouer un rôle de leader à cet égard.
L'appui aux anciens employés de Nortel
L'honorable Art Eggleton : Bienvenue, monsieur le ministre. Nous nous rappelons tous l'époque où Nortel était une entreprise phare du Canada dans le monde, mais, en 2009, elle s'est placée sous la protection de la loi sur la faillite. Les quelque 400 employés qui étaient en congé d'invalidité de longue durée, qui, à cause d'un cancer, qui, à cause d'insuffisance cardiaque, ont alors perdu, non seulement leur emploi, mais aussi leurs prestations médicales, pour lesquelles les employés et l'entreprise avaient cotisé. En demandant la protection de la loi sur la faillite, l'entreprise a cessé de les verser. Elle s'est bien sûr assuré que les directeurs touchent leur prime. Elle a fait en sorte de respecter toutes les autres dispositions de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, dispositions que vous êtes chargés de faire appliquer, monsieur le ministre. Le sort des employés était tout en bas de la liste et on ne s'est certainement pas occupé d'eux.
Au printemps de 2011, j'ai voulu présenter dans cette enceinte un projet de loi à ce sujet. J'étais secondé par mon collègue de l'autre Chambre, le député libéral Mark Eyking, et j'avais l'appui de votre caucus, mais le projet de loi est mort au Feuilleton. Nous avons fait une nouvelle tentative, mais le projet est de nouveau mort au Feuilleton au déclenchement des élections.
En 2012, le gouvernement précédent a offert une certaine protection pour les employés en congé d'invalidité de longue durée, mais il n'a rien fait pour ceux qui voulaient récupérer une partie de l'argent qu'ils avaient perdu et qu'ils méritaient de plein droit.
(1550)
Huit années ont passé depuis que la société a déclaré faillite, et ces gens-là, je peux vous le dire, sont plongés dans de graves difficultés. Ils n'ont pas demandé à tomber malades ou à se blesser, et ils se trouvent maintenant devant un avenir incertain. Ils seront contraints de choisir entre les divers frais médicaux qu'ils peuvent se permettre. Toutes leurs prestations d'invalidité, pour ce qu'elles valent, sont englouties par leurs frais médicaux. Ils doivent choisir : payer leurs frais médicaux, se loger ou manger, tandis que, à la faveur de la loi, on s'est bien occupé des dirigeants de la société et d'autres groupes.
Qu'entend faire le gouvernement pour aider ces anciens employés invalides de Nortel?
L'honorable Navdeep Singh Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Encore une fois, merci beaucoup. Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Ce n'est pas la première fois que vous abordez la question, et d'autres l'ont aussi fait par le passé. Je tiens à louer les efforts que mon collègue, Mark Eyking, a consacrés à ce dossier. Je ne siégeais pas dans l'opposition à l'époque. J'étais chez moi avec mes deux adorables filles, me préparant à aller frapper aux portes, mais Mark Eyking a multiplié les efforts pour régler ce problème. Il s'agit de savoir comme traiter, de façon juste et équitable, les travailleurs et les retraités.
Bien entendu, Nortel est un important exemple à retenir dans l'histoire du Canada. Nous venons de parler à l'instant de la création de sociétés capables de réussir à l'échelle mondiale. Il faut déplorer la disparition de Nortel, mais aussi le traitement qui a été réservé aux travailleurs.
À propos de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, il faut toujours essayer de concilier les diverses conditions propres à favoriser l'investissement au Canada, voir comment cette loi nous positionne dans le monde et par rapport à ce qui se fait ailleurs. C'est une préoccupation qu'il ne faut pas perdre de vue, car le Canada doit se battre pour obtenir des investissements.
Parallèlement, nous devons adopter une position équilibrée pour assurer un traitement équitable aux travailleurs et aux retraités. J'ai hâte de travailler à ce dossier avec vous et avec mes collègues de l'autre Chambre pour étudier sérieusement la situation, et tout ce que nous pouvons faire pour aider les retraités est important.
Un arrêt judiciaire a été rendu à ce sujet il y a quelques jours. Nous suivons la situation de près et nous essayons de voir quels avantages retireront les retraités. S'il y a des problèmes, nous ne demandons pas mieux que de travailler avec eux. Mes collaborateurs ont eu des échanges avec les anciens travailleurs de Nortel. Nous prenons la question très au sérieux.
Le sénateur Eggleton : Merci. Il ne faut pas perdre de vue le fait que nous n'essayons pas d'obtenir de l'argent de l'État. Ces travailleurs et retraités devront compter sur l'État s'ils ne peuvent rien recevoir de Nortel, mais ils veulent que ce soit Nortel qui paie. Ils veulent les fonds de la faillite, ils veulent l'argent qui reste. Ils veulent que Nortel honore ses obligations au lieu de donner l'argent aux dirigeants. Cette possibilité subsiste encore.
Je déduis de vos propos que vous cherchez toujours à faire quelque chose pour aider ces anciens travailleurs de Nortel qui sont plongés dans de graves difficultés, que vous vous intéressez au dossier et estimez qu'il faut agir et qu'ils ont droit à du soutien.
M. Bains : Merci encore de la vigueur avec laquelle vous abordez le problème et de l'adresse avec laquelle vous faites connaître les préoccupations et l'exaspération que j'ai entendues de la part des retraités eux-mêmes. Voilà pourquoi nous communiquons avec eux. Il s'agit de voir ce que nous pouvons faire pour les aider. Comme vous le dites, le gouvernement a déjà des programmes en place pour traiter ces problèmes. Nortel a aussi des obligations. Nous essayons de trouver la meilleure solution.
L'accès à distance à la connectivité numérique
L'honorable Dennis Glen Patterson : Monsieur le ministre, je suis certain que vous êtes tout à fait conscient que les technologies et les outils numériques ont considérablement amélioré notre qualité de vie, et ce, dans tous les aspects de l'activité humaine. Qu'il s'agisse de médecine, d'éducation ou de n'importe quel autre domaine, les technologies numériques aident les Canadiens à vivre mieux, à être plus productifs et à jouir d'une meilleure santé.
Cela est particulièrement vrai dans ma région, le Nunavut, qui est sans conteste la région la plus éloignée du pays. Hélas, malgré l'importance que représentent Internet et les technologies numériques pour cette région, qui n'est même pas reliée par des routes, nous avons en moyenne les prix les plus élevés et les niveaux de service les plus bas au Canada, toutes administrations confondues.
Le 22 décembre dernier, nous avons été on ne peut plus ravis d'apprendre que le CRTC avait répondu favorablement aux nombreuses requêtes du Nord en déclarant qu'Internet à large bande était un service essentiel.
Voici la question et l'enjeu dont je voudrais vous parler, monsieur le ministre : bien entendu, nous sommes reconnaissants pour les 500 millions de dollars sur 5 ans qui ont été annoncés pour le programme Un Canada branché. Toutefois, comme il s'agit d'un montant qui s'applique à l'ensemble du pays, force est de reconnaître qu'il ne suffira pas à combler le manque d'infrastructures au Nunavut, évalué à lui seul à 1 milliard de dollars.
Compte tenu du fait que le financement gouvernemental ne suffira pas en lui-même à pallier ce manque, le gouvernement est-il disposé à prendre des engagements à long terme de, disons, 10 ans ou plus, et d'inciter ainsi le secteur privé à investir dans les infrastructures de communication dont le Grand Nord a tant besoin et à les développer?
L'honorable Navdeep Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Je remercie l'honorable sénateur de cette question. Comme le sénateur le sait, j'ai à plusieurs reprises parlé de cet enjeu, notamment en ce qui concerne les deux aspects clés que sont l'accès à Internet et l'abordabilité du service.
Prenons un moment pour parler de la nouvelle économie numérique. Je n'utilise plus le terme « économie » seul; elle est toujours nécessairement « numérique ». En effet, la quatrième révolution industrielle bat son plein. Les chaînes d'approvisionnement, les activités commerciales et les modes de vie sont plus numériques que jamais. Toutes les entreprises se doivent maintenant d'avoir pris le virage numérique. L'importance et l'omniprésence des technologies — particulièrement la technologie numérique, sa rapidité et son étendue — sont tout simplement extraordinaires par comparaison aux avancées réalisées lors des révolutions industrielles précédentes.
Au Canada, l'un des défis associés à l'accès est causé par le fossé numérique entre les régions urbaines et les collectivités rurales et éloignées. À ce sujet, dans le dernier budget, comme je l'ai dit, nous avons prévu des versements initiaux pour favoriser l'innovation. Les grappes technologiques, dont j'ai parlé il y a quelques minutes, représentent l'une de ces initiatives. De plus, le programme Brancher pour innover investira 500 millions de dollars; sa conception s'appuie sur de vastes consultations auprès des intervenants. Nous pensons pouvoir mobiliser jusqu'à 1 milliard de dollars, car nous souhaitons nouer un véritable partenariat avec les autres acteurs du secteur. Il est important de souligner cette approche.
Comme vous l'avez soulevé, le CRTC a rendu une décision à ce sujet. Il a établi un fonds de 750 millions de dollars, auquel contribueront les entreprises de télécommunication, afin de s'attaquer à l'enjeu que représente l'accès dans les collectivités rurales et éloignées.
Cette initiative, conjuguée à notre programme, constitue un grand pas en avant. Elle ne comblera pas entièrement le fossé numérique. Je collabore en ce moment avec mes collègues et d'autres intervenants pour déterminer comment relever les défis à venir. Cela dit, nous voulions agir dès maintenant. Voilà pourquoi nous avons lancé le programme Brancher pour innover afin de fournir des services Internet haute vitesse dans certaines des collectivités rurales éloignées.
J'étudie également la question en collaboration avec le CRTC et mes homologues provinciaux et territoriaux. J'ai établi une table de concertation relativement à l'innovation et au développement économique, ainsi qu'en ce qui concerne ce dossier. Lorsqu'on songe à la valeur totale, il pourrait nous en coûter plus de 2 milliards de dollars pour régler les questions liées à la connectivité Internet dans les collectivités rurales et éloignées. C'est un pas important dans la bonne direction, mais cela ne nous permettra pas de régler toutes les difficultés.
L'accès aux ressources consacrées à la sécurité
L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Monsieur le ministre, j'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue au Sénat. C'est un grand honneur. Comme vous êtes le premier des ministres auxquels j'ai l'occasion d'en parler, j'aimerais vous demander de signaler au premier ministre que les musulmans de l'ensemble du Canada sont très touchés par le leadership extraordinaire dont il a fait preuve, de même que les autres dirigeants de notre pays. Le premier ministre Trudeau et le premier ministre Couillard ont affirmé que c'est notre pays à tous, et nous avons vraiment l'impression que nous sommes ici chez nous. Je vous demande humblement de remercier notre premier ministre du leadership dont il a fait preuve et de lui dire à quel point nous lui sommes reconnaissants de ce geste.
Monsieur le ministre, ma question ne porte pas directement sur le travail que vous faites au sein de votre ministère, mais plutôt sur votre travail au sein du Cabinet. Je vous pose la question parce que vous êtes la première personne à venir nous rencontrer depuis ce qui s'est passé à Québec. Je sais également que vous avez déjà travaillé sur ce dossier en tant que député. Il a beaucoup été question de ressources mises à la disposition de synagogues, de gurdwaras et de mosquées, afin d'assurer la sécurité des gens. Pouvez-vous nous parler de cela?
L'honorable Navdeep Singh Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Merci beaucoup. Bien que je sois ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, ce qui s'est produit hier a touché tous les parlementaires, peu importe leur portefeuille. Le premier ministre a bien entendu fait preuve de leadership en exprimant son appui à l'égard de nos sœurs et de nos frères musulmans, mais, ce qui importe davantage, c'est qu'il nous a incités à réfléchir aux valeurs canadiennes en affirmant que nous faisons preuve d'ouverture, que nous sommes une société accueillante et que nous accordons réellement une grande importance à la diversité.
(1600)
Comme je suis fils d'immigrants, les propos du premier ministre m'ont profondément touché. Je représente une circonscription à la population très diverse, qui compte de nombreux musulmans. J'ai parlé à plusieurs dirigeants de la collectivité et à plusieurs chefs spirituels. Plusieurs d'entre eux m'ont parlé d'inquiétudes, de peurs qui n'existaient pas auparavant. Nous sommes conscients de cette situation, et nous la prenons très au sérieux.
Nous dénonçons évidemment l'acte de violence et de terreur qui a été commis. Il est clair pour tous qu'un tel geste n'est jamais justifié. Malgré ces événements tragiques, j'ai été fort inspiré de voir des Canadiens de partout au pays se rassembler pour soutenir leurs sœurs et leurs frères, soutenir leur collectivité et particulièrement la communauté musulmane. On a pu voir le Canada à son meilleur, bien au-delà de la partisanerie politique. Tout le monde s'est montré à la hauteur de la situation. Je tiens d'ailleurs à féliciter non seulement le premier ministre, mais aussi les chefs de tous les partis, qui ont montré leur soutien à la communauté musulmane en ces moments très difficiles.
Pour ce qui est des programmes et des initiatives dans ce domaine, c'est mon collègue Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique, qui mène la charge, mais il collabore de près avec beaucoup d'autres ministères. Je sais que son budget comprend jusqu'à 1 million de dollars pour financer des initiatives visant à améliorer la sécurité des lieux de culte et des centres récréatifs fréquentés par des communautés qui ont déjà été ciblées ou marginalisées. On octroie des subventions maximales de 50 000 $ pour aider ces organismes à renforcer leur sécurité.
Je crois que, à court terme, le leadership dont ont fait preuve le premier ministre et tous les dirigeants politiques en affirmant clairement que ce genre de comportement est inacceptable constitue une première étape primordiale, mais nous fournirons des ressources supplémentaires pour que les Canadiens se sentent en sécurité au Canada.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, merci de votre réponse. Puis-je vous demander de communiquer des renseignements précis concernant les ressources disponibles, afin que les personnes qui doivent utiliser ces ressources de sécurité y aient accès?
Monsieur le ministre, je sais que vous êtes très fier de vos filles. Je sais, parce que je vous connais depuis très longtemps, à quel point il est important pour vous qu'elles fassent partie de la société canadienne. Hier, ma petite-fille de trois ans m'a demandé : « Devrions-nous cesser d'être musulmans? Parce que ça fait mal d'être musulman au Canada aujourd'hui. »
Peu m'importe ce qui se produit au sud de la frontière. Cependant, j'entends le même débat se dérouler dans notre pays. Personne n'est sourd. Selon vous, que fera le gouvernement, au-delà des paroles, pour donner l'exemple et faire face au problème de la haine qui prend forme dans le pays?
M. Bains : Je vous remercie une fois de plus de cette question très pertinente. Vous avez tout à fait raison. Je suis fier d'être père. J'ai deux jeunes filles extraordinaires : Nanki, qui a neuf ans, et Kirpa, qui a six ans, et je vois le monde à travers leurs yeux. Je ne pouvais pas imaginer ce qu'elles pensaient lorsqu'elles regardaient les nouvelles ou ce dont elles allaient parler une fois à l'école. Cela me terrifie en tant que parent.
Vous savez, mon grand-père a quitté le Pakistan, il s'est installé en Inde et il a recommencé à zéro pour avoir une meilleure vie. Mon père a quitté l'Inde pour venir au Canada lorsqu'il était très jeune pour avoir une meilleure vie pour ses enfants et lui. Je suis donc le produit de générations d'immigrants qui ont quitté des endroits afin d'offrir de meilleures chances aux futures générations. Je ne veux pas quitter le Canada, et je crois que vous soulevez un point très important : je désire élever mes filles ici, je veux rester ici.
Je peux assurer à l'honorable sénatrice que nous cherchons évidemment à donner l'exemple pour montrer clairement que de tels comportements sont intolérables, mais nous examinerons aussi les programmes et les politiques ainsi que les outils dont le gouvernement dispose pour s'attaquer aux problèmes de la haine, des propos haineux et des incitations à l'islamophobie et à la xénophobie.
Le gouvernement ne peut faire cela seul. Nous devons collaborer avec nos partenaires dans la société ainsi qu'avec la société civile et les différents ordres de gouvernement, et nous occuper collectivement de ce problème, car ce n'est pas le genre d'avenir que nous voulons pour nos enfants. Nous sommes déterminés à assurer la promotion des bonnes valeurs qui caractérisent le Canada pour les générations à venir.
L'industrie automobile
L'honorable Victor Oh : Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. La question que je souhaite vous poser concerne l'industrie canadienne de l'automobile, qui est l'un des principaux moteurs de notre économie et l'un de ses plus des importants secteurs manufacturiers. Le secteur canadien de l'automobile s'inquiète de l'impact de la nouvelle administration américaine, particulièrement en ce qui a trait à la renégociation de l'ALENA et à la possibilité d'imposer une nouvelle taxe frontalière sur les véhicules automobiles.
La semaine dernière, la société General Motors a annoncé qu'elle supprimera 625 emplois à son usine d'assemblage de l'Ontario pour les déménager au Mexique. Il y a une semaine, le nouveau président a aussi rencontré les dirigeants de Ford, de General Motors et de Fiat Chrysler afin de faire pression sur eux pour qu'ils construisent plus d'usines aux États-Unis.
J'ai deux questions à vous poser, monsieur le ministre. Tout d'abord, que pensez-vous de la décision de General Motors? Deuxièmement, êtes-vous inquiet pour l'avenir du secteur canadien de l'automobile sous l'administration Trump?
L'honorable Navdeep Singh Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Je remercie le sénateur de sa question et je le remercie aussi de représenter Mississauga. Je suis un fier résidant de Mississauga, et je suis heureux de vous voir également ici au Sénat.
Comme vous l'avez mentionné, j'ai commencé ma carrière chez Ford du Canada. Je connais bien le secteur de l'automobile et la société Ford en particulier, par suite de mon expérience personnelle. À titre de ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, j'ai eu l'occasion d'aller au salon de l'auto de Detroit, d'y rencontrer les cadres du secteur et de discuter avec eux des occasions d'investissement au Canada.
Ces trois derniers mois, nous avons eu d'importants investissements à cause des conventions collectives signées avec nos constructeurs : des engagements totalisant 1,6 milliard de dollars ont découlé de ces discussions. J'ai récemment annoncé à Alliston un investissement de 500 millions de dollars de Honda. Cela reflète les mesures prises par le gouvernement relativement au Fonds d'innovation pour le secteur de l'automobile, que nous avons mentionné dans le budget de 2016 et que nous maintenons pour trois années de plus. Fait encore plus important, nous avons modifié les conditions afin de permettre l'octroi de subventions et pas seulement de prêts, ce qui a créé des occasions uniques d'investissement.
À cause de cela, j'ai pu travailler avec mes homologues provinciaux pour maintenir 4 000 emplois à Alliston. Comme vous le savez, un emploi sur la chaîne de montage génère six autres emplois. Nous continuerons à travailler avec les constructeurs automobiles en cherchant des occasions d'investissement et en misant sur le succès des investissements de 2 milliards de dollars annoncés ces derniers mois.
Ce secteur est vraiment critique parce qu'il emploie près d'un demi-million de personnes. Nous avons 650 fournisseurs en Ontario. En réalité, je dois reconnaître que ce n'est pas seulement en Ontario. Ils sont éparpillés un peu partout dans le pays, au Québec et en Ontario, où beaucoup de ces fournisseurs sont liés à la chaîne d'approvisionnement intégrée, particulièrement avec leurs homologues des États-Unis.
Nous avons aussi une autre initiative d'appui à nos fournisseurs, le Programme d'innovation pour les fournisseurs du secteur de l'automobile. J'étais à Windsor, chez Nemak, lorsque nous avons annoncé un investissement de 3 millions de dollars, qui a assuré 70 emplois. Nous concentrons nos efforts sur les grands constructeurs automobiles, les chaînes de montage et les fabricants d'équipement d'origine. Nous renforçons également notre base de fournisseurs.
Nous continuons à financer la recherche sur l'automobile dans 40 établissements universitaires. Nous avons donc un incroyable écosystème dans le secteur de l'automobile.
Vous avez parlé de General Motors. J'ai été très déçu d'apprendre que des emplois seraient perdus. J'ai travaillé de très près avec la société pour essayer de concevoir la voiture de l'avenir. C'est la raison pour laquelle GM a annoncé qu'elle engagerait 1 000 nouveaux ingénieurs à Markham pour construire cette voiture. Nous essayons en même temps de renforcer le secteur de l'automobile, tout en cherchant à construire la voiture de l'avenir afin d'assurer le dynamisme futur du secteur.
Cela s'ajoute au travail que nous faisons en collaboration avec BlackBerry, par exemple, sur QNX. La société a récemment investi 100 millions de dollars — le premier ministre était présent — qui permettront de créer 650 emplois. Il n'y a donc pas de doute que ce que GM a annoncé à Ingersoll a été très décevant. Nous sommes cependant déterminés à collaborer avec GM et les autres constructeurs parce que nous voulons être sûrs d'obtenir davantage d'investissements. Nous concentrerons nos efforts sur les emplois de qualité et sur le renforcement du secteur automobile, de la base de fournisseurs et de la recherche. Nous continuerons de mettre l'accent sur notre proposition de valeur à l'égard de nos homologues américains ainsi que sur la façon de nous renforcer dans le contexte de la mondialisation de l'Amérique du Nord.
L'Agence de promotion économique du Canada atlantique
L'honorable Tom McInnis : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence. Je représente la Nouvelle-Écosse au Sénat. Ma question concerne votre rôle de ministre responsable de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, communément appelée APECA.
Comme tous les sénateurs le savent, le ministre Bains est député de Mississauga—Malton, circonscription qui se trouve juste à l'extérieur de Toronto.
(1610)
C'est la première fois qu'une personne de l'extérieur du Canada atlantique est nommée ministre responsable de l'APECA depuis que l'agence a été créée par le très honorable Brian Mulroney, il y a une trentaine d'années.
Pouvez-vous m'expliquer, ainsi qu'aux Canadiens de l'Atlantique, de quelle façon un ministre de l'Ontario peut mieux défendre les intérêts uniques des entreprises du Canada atlantique que les 32 députés libéraux de la région?
L'honorable Navdeep Singh Bains, C.P., député, ministre de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique : Je remercie le sénateur de sa question. Bien sûr, je collabore avec tous les députés du Canada atlantique, indépendamment de leur affiliation politique, parce que je crois qu'il est important que nous concentrions tous notre attention sur la région.
Pour répondre à votre question, je dirai que je suis fier de représenter les électeurs de Mississauga—Malton. C'est là que vit ma famille et que je vis depuis très longtemps. J'en suis très fier. C'est aussi une chose que je prends très au sérieux. Je ne serais pas ici comme ministre si je n'avais pas été élu député de Mississauga—Malton.
En ce qui concerne le Canada atlantique et le rôle des agences de développement régional, je rappelle aux sénateurs que le gouvernement est conscient de l'importance de ces organismes dans le contexte de notre programme économique d'ensemble. Nous les avons réunis pour souligner leur importance et mettre en évidence le rôle qu'ils jouent dans le développement économique. Pour prouver ce point, je précise que je suis responsable non seulement de l'APECA, mais de l'ensemble des agences de développement économique régional. Je collabore avec les quatre ministres de la région ainsi qu'avec les 28 députés du Canada atlantique pour élaborer une stratégie de croissance pour l'Atlantique. Nous en avons parlé il y a quelques mois. J'étais dans la région il y a quelques jours pour m'entretenir avec les quatre premiers ministres provinciaux et mettre au point une stratégie favorisant autre chose qu'une approche descendante. Il s'agira d'une approche collective dans le cadre de laquelle nous travaillerons tous ensemble pour définir les besoins uniques de la région et déterminer les moyens de créer de la croissance et de la prospérité. L'un des résultats immédiats se situe dans le domaine de l'immigration. Nous avons proposé un projet pilote qui permettra aux employeurs non seulement de faire venir des immigrants, mais aussi de trouver des moyens de les garder afin d'affronter le problème du vieillissement de la population. Voilà donc un domaine où quelque 2 000 immigrants pourront venir au Canada avec leur famille, ce qui stimulera considérablement l'économie et favorisera sensiblement la croissance. Nous avons également lancé un programme de croissance accélérée dans lequel nous avons choisi 30 entreprises du Canada atlantique que nous aiderons à croître. Nous le faisons de concert avec l'APECA. Nous collaborons étroitement avec l'agence de développement régional. Pour répondre à votre question, je dirai que je suis fier de travailler de concert avec les quatre premiers ministres provinciaux, les 4 ministres et les 28 députés de la région. C'est un effort de collaboration visant à mettre de l'avant les intérêts du Canada atlantique. Nous avons réalisé des progrès sensibles. Je crois que cela a toujours été l'objectif du rassemblement de toutes les agences de développement régional sous l'égide du ministère de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique afin de souligner leur importance et de trouver de nouvelles occasions d'investissement dans la région.
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période de questions est terminée. Je suis sûr que tous les honorables sénateurs se joindront à moi pour remercier le ministre Bains d'être venu parmi nous aujourd'hui. Nous nous réjouissons à la perspective de le revoir prochainement. Merci, monsieur le ministre.
ORDRE DU JOUR
Le Sénat
Adoption de la motion tendant à inviter le gouvernement à marquer le cent cinquantième anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative qui contiendra une représentation de l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Moore :
Que le Sénat invite le gouvernement du Canada à marquer le 150e anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative qui en plus des symboles canadiens contiendra une représentation de l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur;
Que cette médaille soit distribuée entre autres aux personnes qui depuis les 50 dernières années ont contribué de façon significative à l'amélioration de la condition de vie de tous les Canadiennes et Canadiens.
L'honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, ce qui est le plus difficile dans un discours, c'est d'être coupé au beau milieu et de le reprendre plus tard en suscitant le même intérêt qu'au début.
Comme je le disais, le Canada a une tradition qui remonte au XVIIe siècle et qui consiste à marquer un anniversaire spécial ou un jalon historique en frappant une médaille contenant sur l'un de ses côtés la représentation de l'évolution du pays au cours des années passées.
Bien entendu, j'ai utilisé l'exemple du 60e anniversaire de la Confédération, de même que ceux des 100e et 125e anniversaires. Nous en sommes rendus, bien sûr, au 150e anniversaire.
La motion que j'ai eu l'honneur de présenter demande qu'on commémore la contribution des peuples autochtones. Je me permets de la relire :
Que le Sénat invite le gouvernement du Canada à marquer le 150e anniversaire de la Confédération en frappant une médaille commémorative qui en plus des symboles canadiens...
— et voici où je veux en venir —
... contiendra une représentation de l'apport inestimable des peuples autochtones à l'avènement d'un Canada meilleur.
Honorables sénateurs, cette idée ne m'est pas venue de nulle part. En fait, je me suis inspiré du rapport déposé à la suite de la Commission de vérité et réconciliation, que notre collègue, le sénateur Sinclair, a présidée. Avec sa permission, je vais lire la recommandation 68 du rapport :
Nous demandons au gouvernement fédéral, en collaboration avec les peuples autochtones et l'Association des musées canadiens, de souligner le 150e anniversaire de la Confédération canadienne en 2017, en établissant un programme de financement national pour les projets de commémoration sur le thème de la réconciliation.
Je répète : « [...] projets de commémoration sur le thème de la réconciliation ». C'est essentiellement l'objet de la proposition que je vous fais aujourd'hui : un projet de commémoration pour souligner la réconciliation avec les peuples autochtones à l'occasion du 150e anniversaire. Je me suis penché sur les annonces de la ministre du Patrimoine concernant les investissements de quelque 260 millions de dollars que le gouvernement envisage de faire pour célébrer l'anniversaire de la Confédération.
Eh bien, honorables sénateurs, il y a très peu de projets susceptibles de laisser un héritage permanent et tangible. La plupart d'entre eux auront un effet éphémère. Autrement dit, les fêtes de 2017 auront beaucoup d'éclat, mais, une fois terminées, qu'en restera-t-il? Quels progrès aurons-nous accompli, aux yeux des Canadiens, par rapport à l'objectif de reconnaître le rôle unique joué par les peuples autochtones dans la création du Canada?
Honorables sénateurs, lors de la Confédération, il y a 150 ans, les Autochtones n'avaient pas une vie particulièrement réjouissante. Vous vous souviendrez de l'article 91 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui établissait, au paragraphe 24, que le gouvernement fédéral avait la responsabilité de ce qui suit :
Les Indiens et les terres réservées pour les Indiens.
Nous savons tous ce qui est arrivé lorsque cette responsabilité a été conférée au gouvernement fédéral. Ce fut la Loi sur les Indiens. Au cours des années qui ont suivi la Confédération, l'abominable Loi sur les Indiens a été adoptée. Elle est encore en vigueur au Canada. Si vous lisez encore une fois le rapport de notre collègue, le sénateur Sinclair, concernant la Loi sur les Indiens, vous verrez qu'il nous incombe d'établir des relations différentes avec les peuples autochtones et d'abroger l'infâme Loi sur les Indiens.
Cette médaille commémorant le 150e anniversaire marquera un début, le commencement de nouvelles relations avec les peuples autochtones. À mon avis, c'est en frappant ce message sur du métal que nous le ferons durer pour tous ceux qui recevront la médaille, qu'ils la gardent dans leur poche ou dans leurs mains ou qu'ils l'accrochent au mur. Ce message dira que 2017 a été un jalon, un nouveau commencement.
J'ai examiné les réponses que la ministre du Patrimoine canadien a données pour rejeter l'idée d'une médaille. En fait, honorables sénateurs, je dirais, avec tout le respect que je dois à la ministre, que je ne crois pas qu'elle ait répondu. Elle a essentiellement dit : « Eh bien, nous voulons que ces célébrations soient inclusives. » Ce qui est contradictoire, c'est que...
Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Joyal. Votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Le sénateur Joyal : Oui, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Joyal : Je répète que la réponse de la ministre du Patrimoine canadien a été très simple.
(1620)
Je vais la citer, parce que je tiens à reprendre exactement ses paroles. J'ai pris sa déclaration dans un article publié par l'Agence QMI :
[Français]
Invitée à expliquer sa décision, Mme Joly a affirmé que les célébrations « vont être dans toutes les communautés [...] et dans les circonstances, on veut s'assurer d'avoir une approche très inclusive ».
[Traduction]
Je ne vois aucune contradiction entre l'idée de célébrations inclusives et celle de l'émission d'une médaille commémorative comme le Canada en frappe depuis des siècles. Les gouvernements ont tous agi de la même façon, qu'ils soient libéraux ou conservateurs, qu'il s'agisse d'une monarchie absolue comme celle de Louis XIV ou d'une monarchie tempérée comme celle de George III. Cela fait partie de notre histoire. Pourquoi devons-nous renier notre histoire? De quoi avons-nous honte? Croyons-nous que l'émission d'une médaille est démodée et que, avec la nouvelle génération, nous n'avons pas besoin de médailles parce que nous avons nos petites tablettes qui contiennent absolument tout?
Pour moi, cela mérite un second examen objectif. Il nous incombe d'amener l'honorable ministre à revoir sa décision. Je crois que nous le devons aux peuples autochtones du Canada et à la recommandation du rapport de la Commission de vérité et réconciliation qui nous demande de marquer l'année 2017 d'éléments durables qui survivront aux événements éphémères de l'année et rappelleront aux générations futures de Canadiens que 2017 a été un point décisif de notre histoire.
À mon avis, ce n'est pas une question partisane. Il n'y a rien de partisan là-dedans. Il s'agit d'honorer notre tradition, d'honorer la mémoire de notre peuple. Le Sénat constitue la mémoire du Parlement. Nous nous targuons d'être la mémoire institutionnelle du Parlement. C'est là une décision qui fait appel à notre rôle ainsi qu'à celui de l'autre endroit de faire connaître les agissements et les réalisations du passé et l'avenir qui nous attend afin de faire du Canada un meilleur pays grâce à la pleine contribution des peuples autochtones.
Honorables sénateurs, voilà pourquoi je sollicite votre appui. Je vous invite en outre à signer une lettre adressée conjointement par tous les sénateurs à la ministre. Je pense que c'est la bonne façon de s'y prendre, parce que, à l'autre endroit, on dit parfois : « Oh, ils peuvent bien parler tant qu'ils veulent », mais les jours passent, une autre crise survient et les esprits sont occupés à autre chose.
Honorables sénateurs, si nous signons tous la même lettre pour demander à la ministre de reconsidérer sa décision et de faire frapper une médaille s'inscrivant parfaitement dans notre tradition et soulignant le rôle unique des peuples autochtones du Canada et leur nouveau départ pour l'avenir de notre pays, nous aurons accompli quelque chose de mémorable en 2017.
Je vous remercie, honorables sénateurs.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Joyal, avec l'appui de l'honorable sénateur Moore, propose que le Sénat invite le gouvernement du Canada à marquer le 150e anniversaire de la Confédération... Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Suffit!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
Motion tendant à encourager le gouvernement à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base—Motion d'amendement—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Dawson :
Que le Sénat encourage le gouvernement fédéral à parrainer, à l'issue de consultations adéquates et de concert avec un ou plusieurs gouvernements provinciaux ou territoriaux, un projet-pilote et toute étude complémentaire visant à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place d'un régime national de revenu de base fondé sur un impôt négatif sur le revenu afin d'aider les Canadiens à sortir de la pauvreté.
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P.,
Que la motion soit modifiée afin qu'elle se lise comme suit :
Que le Sénat encourage le gouvernement fédéral à appuyer, à l'issue de consultations adéquates, les initiatives des gouvernements provinciaux ou territoriaux, y compris des collectivités autochtones, visant à évaluer le coût et l'incidence de la mise en place de mesures, de programmes et de projets- pilotes afin d'aider les Canadiens à sortir de la pauvreté au moyen d'un régime de revenu de base (comme un impôt négatif sur le revenu), et à faire rapport sur leur efficacité.
L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, il s'agit de la motion no 51 et de son amendement. Si vous vous rendez à la page 17, vous pourrez voir la motion initiale que j'ai présentée il y a quelques mois ainsi que l'amendement. Je veux parler plus particulièrement de l'amendement que la sénatrice Bellemare a présenté il y quelques mois dans ses excellentes observations. Elle parlait notamment d'une stratégie de plein-emploi.
L'amendement qu'elle a alors présenté modifie l'idée du parrainage d'un projet pilote par le gouvernement fédéral et une ou plusieurs provinces. Elle en laisse l'initiative aux provinces, comme on le voit dans le passage suivant :
[...] à appuyer [...] les initiatives des gouvernements provinciaux ou territoriaux, y compris des collectivités autochtones [...]
À mon avis, c'est tout à fait compatible. Cela ne me pose aucun problème. Je la remercie de ses observations et de son soutien, et je remercie aussi la sénatrice Wallin de ses observations.
Ce que je vous demande, c'est de ne pas décider dès maintenant si vous êtes favorables, ou non, à un régime permanent de revenu de base. Ce que je dis, c'est que cette idée vaut la peine d'être testée. Les projets pilotes que les provinces envisagent valent la peine d'être essayés.
Nous avons déjà réalisé un projet pilote. C'était au Manitoba, pendant les années 1970. Il s'agissait du programme Mincome. Le programme a été mis à l'essai surtout à Dauphin, au Manitoba. Le projet a prouvé que, en fait, le programme de revenu de base ou de revenu annuel garanti présente des avantages. Le nombre de visites à l'hôpital a diminué. Les visites chez les médecins et les frais pour les professions médicales, notamment pour des problèmes de santé mentale, ont aussi diminué, car ce programme faisait baisser le niveau de stress. Tous ces indicateurs montraient qu'il y avait des économies pour le système de soins de santé.
À propos des programmes de revenu garanti ou de revenu de base, bien des gens se sont toujours préoccupés de la participation au marché du travail. Les gens ne vont-ils pas simplement quitter leur emploi pour rester chez eux et vivre de ce revenu de base? Le projet pilote a prouvé que les travailleurs tenaient toujours à travailler. Les seules dont la participation a diminué de façon notable sont les nouvelles mères qui ont préféré rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants. C'était avant les prestations que le RPC prévoit maintenant pour elles.
Il y a aussi des adolescents qui sont retournés aux études pour parfaire leur formation et revenir dans la population active pour gagner un meilleur salaire, car un plus grand nombre d'entre eux ont obtenu un diplôme.
Ce qu'il nous faut maintenant, ce sont des données à jour. Cette expérience a été tentée il y a 40 ans. Il nous faut donc des données valables pour aujourd'hui, et nous possédons de meilleures méthodes pour regrouper l'information et analyser les données.
En outre, ces projets pilotes — mais il pourrait n'y en avoir qu'un seul — peuvent aider à bâtir la confiance. Ils apportent des éléments probants dont nous avons besoin pour décider pour de bon s'il y a lieu de s'engager dans cette voie.
Le gouvernement fédéral est déjà très engagé sur le plan de la sécurité du revenu grâce à un certain nombre de programmes. L'un d'eux ressemble beaucoup à un programme de revenu de base. Il s'agit du Supplément de revenu garanti, le SRG, pour les aînés. Lorsque, à la fin des années 1970, il s'est ajouté aux prestations du Régime de pensions du Canada et de la Sécurité de la vieillesse, il a permis de ramener de 30 à 5 p. 100 le taux de pauvreté chez les aînés.
Il y a aussi d'autres programmes, comme l'Allocation canadienne pour enfants et la Prestation fiscale pour le revenu de travail, qui se rattachent à la sécurité du revenu, mais aucun d'entre eux n'a pu faire reculer la pauvreté au Canada, sinon chez les aînés.
L'appui à ces projets pilotes prend de l'ampleur. Dans son dernier budget, l'Ontario a annoncé son intention d'étudier la question. Notre ancien collègue, Hugh Segal, a accepté de rédiger bénévolement un document sur les modalités d'un projet de cette nature. Le Québec étudie également la question. À l'Île-du-Prince- Édouard, tous les chefs de parti de la province — néo-démocrate, libéral et conservateur — souhaitent réaliser un projet pilote sur le revenu de base. Des maires et des conseillers dans de grandes villes de tout le Canada se sont aussi ralliés à cette idée.
(1630)
Une étude réalisée il y a environ deux ans par Environics a révélé que 52 p. 100 des personnes interrogées jugeaient utile d'étudier la question.
Pourquoi cet élan se manifeste-t-il? Pourquoi les gens discutent-ils de cette possibilité et se disent-ils qu'il faut étudier plus sérieusement cette solution pour voir si elle peut s'appliquer? Il y a trois raisons, selon moi. La première est la persistance de la pauvreté. Statistique Canada nous apprend qu'un Canadien sur sept vit sous le seuil de la pauvreté. Cela fait cinq millions de personnes, dont un million d'enfants. En 1989, la Chambre des communes a dit qu'elle voulait éliminer la pauvreté chez les enfants au plus tard en 2000. Aujourd'hui, le taux de pauvreté chez les enfants est en fait plus élevé qu'il ne l'était à l'époque.
Il y a donc encore bien du travail à faire. L'Allocation canadienne pour enfants a certainement beaucoup aidé, mais il y a assurément beaucoup d'enfants qu'elle n'a pas pu tirer de la pauvreté.
Près de 900 000 personnes doivent se rendre tous les mois dans des banques alimentaires, et 38 p. 100 de ceux qui dépendent de ces banques sont des enfants. Quatre millions de personnes au Canada ont besoin d'un logement convenable et abordable, et des milliers de sans-abri tâchent de survivre dans les rues. Pour ces gens-là, qui sont nos concitoyens, chaque journée est une lutte pour survivre avec un revenu insuffisant, privés qu'ils sont d'un logement abordable, de vêtements adéquats et d'une alimentation suffisante.
L'état de santé des gens s'en ressent. C'est l'un des constats qu'on a faits à propos du revenu. L'Association médicale canadienne a repris cette idée en disant que la pauvreté nous rend malades. Elle a publié un rapport à ce sujet et fait remarquer que ceux qui se trouvent dans le quartile le plus bas des revenus au Canada ont des coûts relatifs à la santé deux fois plus élevés que ceux des personnes qui sont dans le quartile le plus élevé. Chez nous, un enfant sur sept va à l'école le ventre creux. Une grande partie de la population autochtone a des conditions de vie déplorables. La vulnérabilité à la pauvreté est plus marquée chez les Autochtones, les personnes handicapées, les chefs de famille monoparentale, les nouveaux immigrants et les gens de couleur. Quelle honte, dans un pays riche comme le Canada, qu'il y ait tant de données statistiques déplorables en matière de pauvreté.
Ne nous y trompons pas : la pauvreté ne recule pas. Elle tient toujours dans ses griffes beaucoup de Canadiens. Comme notre ancien collègue, Hugh Segal, le disait, notre système actuel ne lutte pas contre la pauvreté; il l'institutionnalise.
Il n'y a pas que les pauvres qui subissent les conséquences de la pauvreté. Nous sommes tous touchés. Toutes les études ont montré invariablement que la pauvreté coûte des milliards de dollars aux contribuables chaque année. Même chose pour l'itinérance. Il a été prouvé à maintes reprises qu'il en coûte trois ou quatre fois plus cher de laisser quelqu'un dans la rue que de l'aider à se loger.
Le système que nous avons mis en place est un échec. Les systèmes de soutien actuels sont un échec. Je pointe du doigt plus particulièrement notre système d'aide sociale. Il est humiliant, il stigmatise et marginalise les gens. Je crois qu'il doit être au centre de ces études. Il faut le remplacer par un meilleur filet de sécurité sociale.
Un autre sénateur, David Croll, a dit dès 1970 que nous dépensons des milliards de dollars chaque année pour un système d'aide sociale qui ne fait que traiter les symptômes de la pauvreté sans guérir la maladie. Il est temps d'opter pour une autre voie, ou du moins d'en explorer une nouvelle. Il est temps de mettre un terme à l'indignité, à la stigmatisation et à la marginalisation qui vont de pair avec notre actuel régime d'aide sociale. Il ne répond pas aux besoins de notre société et il est un échec au point de vue économique. Il est temps de renoncer aux expédients et de songer à une nouvelle orientation.
La deuxième raison qui me semble expliquer ces appuis grandissants à l'égard d'un programme de revenu de base, ou au moins pour des projets pilotes, sont les inégalités croissantes. Depuis 30 ans, un large écart de richesse et de revenus s'est creusé chez nous. Notre société devient moins égalitaire. Lorsque les 100 PDG les mieux rémunérés chez nous gagnent en moyenne 9,2 millions de dollars par année et que le salaire moyen des Canadiens se situe à un peu plus de 47 000 $, nous pouvons dire que la prospérité n'est pas partagée. Vingt pour cent de la population contrôle 68 p. 100 de la richesse.
Dans les villes, les écarts entre les quartiers se creusent. À mon avis, c'est là une menace pour notre tissu social.
À Toronto, il y a une statistique qu'il vaut la peine de signaler. Dans l'un des quartiers de Toronto, Leaside, le taux de pauvreté chez les enfants est de 4 p. 100. Cinq minutes en voiture suffisent pour aller à Thorncliffe, où ce taux est de 53 p. 100.
À Hamilton, deux quartiers situés à 5 kilomètres l'un de l'autre affichent un écart d'espérance de vie de 21 ans. Dans l'un d'eux, elle atteint 83 ans; 5 kilomètres plus loin, elle n'est que de 62 ans.
L'évolution du marché du travail est la troisième raison pour laquelle le revenu de base gagne des partisans. La mondialisation, l'externalisation, les nouvelles technologies, l'automatisation, la robotique, l'intelligence artificielle, tout cela contribue à transformer le marché du travail que nous avons connu jusqu'ici. Beaucoup d'emplois disparaissent dans le secteur manufacturier — des emplois pour travailleurs manuels — et sont remplacés par des emplois précaires. Il y a plus de travail à temps partiel et moins d'avantages sociaux. Les travailleurs n'ont plus les emplois sûrs et bien rémunérés qu'ils avaient par le passé.
Richard Florida, professeur à l'Université de Toronto, soutient que nous sommes au beau milieu de la transformation économique la plus importante et la plus profonde de l'histoire. Le Centre Mowat a fait remarquer récemment que 42 p. 100 des emplois au Canada risquaient fort d'être éliminés par l'automatisation au cours des 20 prochaines années, notamment à cause des nouvelles technologies de l'intelligence artificielle et de la robotique.
Ces trois raisons — pauvreté, inégalités et évolution du marché du travail —, conjuguées à la faiblesse de l'économie, contribuent à accentuer le stress chez bien des gens qui ont du mal à joindre les deux bouts et vivent d'un chèque de paie à l'autre, ce qui est le cas de la moitié de la population, dit-on. Des retraites insuffisantes et la dette trop lourde des ménages expliquent une anxiété plus grande et la recherche d'un meilleur filet de sécurité.
Comment se présenterait un projet pilote de revenu de base? Dans le rapport qu'il a remis à l'Ontario, Hugh Segal dit qu'il devrait reposer sur un impôt négatif sur le revenu ou qu'il devrait ressembler à un crédit d'impôt remboursable. Il apporterait un complément de revenu à ceux qui se situent en bas du seuil de pauvreté défini pour le projet pilote. Hugh Segal croit que nous pouvons prouver qu'un revenu de base réduirait plus efficacement la pauvreté, encouragerait le travail, atténuerait la stigmatisation, améliorerait l'état de santé des bénéficiaires et leur offrirait de meilleurs possibilités dans leur vie. Il a recommandé le versement d'un complément. Par exemple, les assistés sociaux auraient des prestations équivalant à 75 p. 100 du seuil de faible revenu et non plus à 45 p. 100. Il accorderait aussi un complément aux bénéficiaires de prestations d'invalidité.
Selon Hugh Segal, la participation au programme doit toujours être volontaire. Personne ne devrait se retrouver, à cause du projet pilote, dans une situation plus mauvaise pendant ou après ce projet. L'équipe de chercheurs garderait secrètes toues les données personnelles recueillies ou évaluées. Les données agrégées sous la forme de résultats préliminaires, une fois qu'ils commenceront à arriver, devraient être accessibles aux Ontariens en toute transparence.
L'auteur a donc décrit un programme que la province dit vouloir appliquer. Un montant de 25 milliards de dollars a été prévu dans le budget ontarien pour réaliser ce projet, mais il est possible qu'il faille injecter davantage de fonds. La province a toutefois besoin de la coopération du gouvernement fédéral, tout comme en auront besoin les autres provinces qui voudraient s'engager dans la même voie.
Lorsque nous examinons ce genre de programme, nous parlons en fait de sécurité du revenu, mais il y a plus, compte tenu des soutiens sociaux fournis par les différents ordres de gouvernement. Je veux qu'il soit clair que, même si un revenu de base remplaçait l'aide sociale provinciale et était intégré à d'autres programmes de même nature destinés à augmenter le revenu, nous aurions quand même besoin de programmes sociaux.
Son Honneur le Président : Sénateur Eggleton, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Le consentement est-il accordé, honorables collègues?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Eggleton : Nous aurons encore besoin de programmes de logements abordables, de garde d'enfants, d'aide à l'emploi, de formation, de rééducation des adultes et de soutien des aînés handicapés. Je crois que, à long terme, si nous dépassons le stade du projet pilote, nous serons en mesure d'avoir un système plus efficace qui ne nous coûtera pas plus cher qu'aujourd'hui. Il y aura des frais de transition mais, à court terme, il faudra certainement que tous les fonds consacrés à l'aide sociale, qu'il s'agisse de sécurité du revenu ou de soutien social, soient maintenus par les provinces et par le gouvernement fédéral pour veiller à ce que la situation des gens s'améliore et qu'elle n'empire pas.
(1640)
Bref, je crois que tous les Canadiens devraient disposer d'un revenu suffisant pour payer toutes les choses nécessaires : l'alimentation, les vêtements et un logement décent. Je crois que tout le monde en conviendra. Un revenu de base ne permettra pas aux gens de mener la belle vie, mais il relèvera leur niveau de vie et les sortira de la pauvreté. Il devrait leur assurer une meilleure base pour se propulser vers l'avant avec leur famille afin d'avoir une meilleure vie, de meilleures occasions d'emploi, une meilleure éducation, moins de stress et certainement de quoi se payer les choses de première nécessité. Il devrait permettre aux gens de se passer d'une aide sociale coûteuse et d'éviter l'indignité d'une formule fondée sur l'impôt sur le revenu — l'impôt négatif — et améliorer leur situation.
Les systèmes actuels ont échoué. Ils ne fonctionnent certainement pas. Il est donc temps de chercher quelque chose d'autre. Basons- nous sur des données probantes et étudions cette approche. Si elle réussit, non seulement nous aurons mis fin à la pauvreté et réduit l'inégalité, mais nous aurons aussi dépensé plus intelligemment et plus efficacement notre argent.
Je vous remercie.
L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Est-il possible de poser une question?
Le sénateur Eggleton : Certainement.
La sénatrice Bellemare : Voici ma question : si je vous comprends bien, il n'y aurait pas seulement une façon de faire; il pourrait y en avoir plusieurs. Certaines provinces pourraient aborder le revenu garanti dans le cadre d'une stratégie de l'emploi, comme ce que dit le rapport Croll; d'autres pourraient adopter un régime de revenu de base sans rien d'autre.
Le sénateur Eggleton : Oui, tout à fait. Selon moi, c'est ce qui fait la beauté de l'amendement que vous avez présenté : il permet aux provinces d'adopter différentes formules et différentes façons de faire. J'estime donc que cet amendement est compatible avec la motion principale.
(Sur la motion de la sénatrice Lankin, le débat est ajourné.)
La crise du bois d'oeuvre
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Maltais, attirant l'attention du Sénat sur la crise du bois d'œuvre.
L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Je veux m'assurer que cette interpellation restera ajournée au nom de la sénatrice Martin après mon allocution.
Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix : D'accord.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Chers collègues, je veux aujourd'hui vous parler de l'industrie forestière canadienne, et je remercie le sénateur Maltais d'avoir proposé cette interpellation. Je suis très inquiète, tout comme lui, pour les milliers de Québécois et de Canadiens dont la sécurité économique est menacée par les mesures qui nuisent à l'industrie du bois d'œuvre.
Avant d'aborder plus précisément l'objet de mon discours, je voudrais d'abord mettre en perspective l'importance de l'industrie forestière pour l'économie canadienne. Comme vous le savez peut- être, les forêts canadiennes occupent une superficie équivalant à deux fois la superficie du Québec et à environ 10 p. 100 du couvert forestier de la planète, selon Statistique Canada. L'exploitation de cette ressource naturelle compte pour 1,25 p. 100 du PIB canadien. Plus de 200 collectivités canadiennes dépendent des ressources forestières, et le salaire moyen que génère cette industrie est de 1 000,82 $ par semaine, selon l'Association des produits forestiers du Canada. Cette industrie exporte la grande partie de sa production, et ses exportations sont composées de trois grands secteurs : les pâtes pour 24,6 p. 100, le papier pour 30,6 p. 100 et le bois d'œuvre pour 44,7 p. 100. L'industrie forestière génère un excédent commercial de 19 milliards de dollars.
Le secteur forestier dans son ensemble a toujours contribué de manière importante à la création d'emplois au Canada. Du sommet de près de 380 000 emplois atteint dans les années 1970, le nombre d'emplois a diminué au cours des dernières années pour se stabiliser à environ 235 000 emplois; en 2016, on parle de 238 000 emplois. Si l'on tient compte des emplois indirects, on parle au Canada de 600 000 emplois situés principalement en région rurale. Dans le cadre de son défi Vision2020, l'Association des produits forestiers du Canada prévoit avoir besoin d'au moins 60 000 nouveaux travailleurs et travailleuses pour pourvoir les postes qui deviendront vacants en raison des départs à la retraite dans le cadre de 40 000 emplois et pour 20 000 nouveaux postes qui seront créés dans les années à venir.
L'emploi dans le secteur du bois d'œuvre a subi une évolution générale semblable à celle du secteur forestier. De 2004 à 2009, l'emploi dans l'industrie du bois d'œuvre au Canada est passé de 50 000 à 26 300 emplois. Au sein de cette industrie, c'est la Colombie- Britannique qui compte le plus d'employés, soit 40,8 p. 100, par rapport au Québec qui compte 30 p. 100 d'employés et qui se trouve en deuxième position, suivi de l'Ontario et de l'Alberta.
Le sous-secteur du bois d'œuvre est celui dont on parle le plus à l'heure actuelle en raison de l'arrivée à terme des ententes commerciales entre les États-Unis et le Canada le 12 octobre 2016. C'est un secteur très cyclique qui est lié au secteur de la construction au Canada et aux États-Unis. Comme vous le savez, après la crise de 2008, la construction de nouveaux logements était à son plus bas aux États-Unis. Cela a fait mal à l'industrie du bois d'œuvre, et les producteurs américains ont mené une guerre commerciale contre les producteurs canadiens. À l'époque, le gouvernement canadien a réussi à signer une entente avec les États-Unis qui a permis de stabiliser l'accès au marché américain pour les entreprises forestières canadiennes. Toutefois, cette entente a pris fin et il ne sera pas facile de la renégocier en cette ère de l'administration Trump. Dans le contexte de l'élection du nouveau président Trump, tout porte à croire que le lobby américain du bois d'œuvre aura gain de cause auprès des autorités fédérales américaines.
Comme vous le savez, l'industrie du bois d'œuvre américaine suffit presque à répondre à la demande du marché intérieur. Cela étant dit, le Canada peut-il améliorer sa stratégie économique et, surtout, sa stratégie d'emploi dans le secteur de l'industrie forestière? Certes, je ne suis pas une experte du secteur forestier, mais je peux vous parler de stratégies d'emplois productives et adéquates. C'est un domaine dans lequel j'ai beaucoup travaillé par le passé, comme universitaire, bien sûr, mais aussi sur le terrain, comme praticienne au sein du gouvernement du Québec et avec les milieux patronaux et syndicaux. Je n'ai pas l'intention de jouer la gourou de l'emploi, n'ayez crainte. Je tiens simplement à illustrer, dans ce qui suit, ce que nous pouvons faire comme société pour nous affranchir, d'une part, du protectionnisme américain en matière de produits forestiers, et pour nous en prémunir, d'autre part.
Pour illustrer mon propos, je vous présenterai brièvement la stratégie finlandaise en matière d'exploitation forestière. La Finlande est un pays pour lequel la forêt a toujours été une ressource naturelle et dont l'exploitation forestière a soutenu l'économie. L'industrie forestière y représente une proportion non négligeable de 5 p. 100 du PIB. Cette industrie engendre un important excédent commercial pour la Finlande, et c'est un secteur qui crée beaucoup d'emplois.
L'industrie forestière finlandaise a dû, elle aussi, s'adapter aux conditions mondiales. Toutefois, la stratégie de la Finlande semble différente de celle qui a été adoptée au Canada. L'Europe représente le marché traditionnel de la Finlande en matière de produits forestiers, notamment avec la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie, mais la demande pour les produits traditionnels comme les pâtes, le papier et le bois d'œuvre a diminué avec le temps.
(1650)
Conséquemment, la Finlande a diversifié ses marchés, notamment vers l'Asie. Elle s'est assurée d'avoir une demande intérieure forte en bâtissant notamment des immeubles en bois de manière innovatrice. Elle s'est attardée à développer de la machinerie et de l'équipement qu'elle exporte. Certaines entreprises québécoises ont même fait l'acquisition de machinerie finlandaise. Les entreprises finlandaises ont ensuite exporté leur savoir-faire en Asie pour la production de matières ligneuses à partir d'arbustes asiatiques.
La Finlande a diversifié aussi sa production. L'investissement en recherche et développement est important, et la Finlande produit désormais de l'énergie non polluante et renouvelable à partir des ressources forestières. Aujourd'hui, la forêt finlandaise est aussi exploitée à des fins récréotouristiques et environnementales. Tout cela a été rendu possible grâce à des efforts collectifs qui ont mis à contribution l'industrie, mais aussi les institutions d'enseignement et de recherche, ainsi que les collectivités locales.
L'expérience finlandaise est raisonnable et nous pouvons certainement nous en inspirer. D'ailleurs, l'Association des produits forestiers du Canada abonde en ce sens. Elle invite ses membres à diversifier leurs marchés et leurs produits. On peut lire ce qui suit dans un communiqué qu'elle a diffusé récemment, et je cite :
Nous travaillerons avec le gouvernement pour défendre notre industrie, mais la situation nous rappelle l'importance de l'innovation pour l'avenir du secteur canadien des produits forestiers et la nécessité de diversifier nos marchés d'exportation et nos produits.
L'association se félicite aussi de constater qu'on utilise de plus en plus de bois pour produire de l'énergie. Bref, la stratégie proposée par l'Association des produits forestiers du Canada n'est pas très différente de celle de la Finlande.
Toutefois, les résultats d'un tel virage stratégique peuvent se faire attendre au Canada. En effet, cela pourrait prendre encore plus de temps qu'il n'en a pris à la Finlande. Pourquoi? Il y a une différence fondamentale entre la Finlande et le Canada. Le Canada est un vaste pays. C'est aussi une confédération où les pouvoirs sont partagés. L'exploitation des forêts au Canada est de compétence provinciale. Il y a aussi une multitude d'acteurs qu'il est difficile de mettre à contribution au Canada. En d'autres mots, une telle stratégie implique une action collective majeure. Elle ne peut être réalisée uniquement par des décisions individuelles d'entreprises.
L'Association des produits forestiers du Canada et ses homologues provinciaux auront beau répéter le même message à leurs membres, un virage stratégique ne sera possible que s'il est appuyé par une action publique cohérente. Elle doit être soutenue par des politiques et des stratégies de natures politique, publique et collective. Elle ne peut être l'œuvre d'un seul ordre de gouvernement ni l'œuvre unique des entreprises.
Il existe déjà des lieux de concertation au Canada pour discuter des enjeux liés à la forêt. Par exemple, le Conseil canadien des ministres des Forêts réunit, depuis 1985, tous les ministres concernés aux niveaux fédéral, provincial et territorial. Il est précisé sur le site web du conseil que son rôle principal est d'offrir ce qui suit :
Un forum pour discuter et échanger sur les dossiers forestiers d'intérêt commun ou d'un point de vue intergouvernemental ou international.
Un moyen de collaborer à l'examen des dossiers forestiers qui préoccupent les Canadiens et la collectivité internationale.
Toutefois, le conseil s'intéresse moins à l'enjeu de l'emploi et du développement économique lié à l'utilisation de la forêt qu'à celui de la bioéconomie. Pour ceux qui sont moins familiers, comme moi, avec les enjeux de la bioéconomie, il s'agit d'un secteur qui se préoccupe d'offrir des biens et des services issus de ressources renouvelables, de façon durable, en limitant les impacts sur l'environnement de manière à relever les défis posés par le climat. C'est pourquoi le conseil s'intéresse avant tout à ceci :
[...] contribuer de manière concrète à l'avancement de l'innovation dans le secteur forestier au Canada dans le but d'appuyer l'atténuation des effets des changements climatiques, la durabilité de l'environnement, la compétitivité économique à long terme et les emplois écologiques.
Son objectif en matière de résultats se résume en des indicateurs d'activités, comme des colloques, très éloignés de la population et qui ne mesurent pas en termes concrets les emplois créés, l'investissement en faveur de l'innovation ou la valeur ajoutée.
Je ne connais pas suffisamment le secteur de la forêt, malheureusement, pour critiquer les travaux du conseil, et là n'est pas mon intention. Une action collective des gouvernements, suscitée dans le cadre d'une stratégie de l'emploi productive et convenable, pourrait englober des actions collectives, provinciales et locales pour penser et repenser une stratégie en matière d'exploitation de la forêt qui soit également écologique. Comme on le sait, la création d'emplois n'est pas nécessairement contradictoire avec la poursuite d'une économie durable. La lorgnette de l'emploi nous permettrait d'adapter des actions à court, moyen et long terme qui assureraient aussi la rentabilité de l'exploitation forestière, tout en créant de la richesse pour nous permettre d'être écologiques.
À court terme, nous devons sécuriser nos exportations vers les États-Unis. Toutefois, le Canada n'a pas le contrôle des décisions que prendront les Américains, surtout dans le cadre de la période protectionniste qui s'annonce. Il faut donc tenter d'ouvrir les marchés ailleurs.
De plus, il faut aussi indemniser les employés qui perdent leur emploi. L'assurance-emploi est utile pour assurer un revenu aux chômeurs. Cependant, nous devons en faire plus avec le programme d'assurance-emploi. Il faudrait utiliser ces moyens financiers pour développer aussi les compétences des employés de ce secteur afin de les préparer aux emplois de l'avenir. La concertation locale et régionale dans le but de cerner les compétences à développer s'avère nécessaire.
Il faut également diversifier la production et innover. Selon l'Association des produits forestiers du Canada, l'industrie forestière investit 0,35 p. 100 de ses revenus en recherche et développement. Il s'agit sans doute de sommes importantes, mais il faut faire plus. Il faudrait transformer davantage le bois d'œuvre afin d'augmenter la valeur ajoutée qui est créée en territoire canadien. Certaines entreprises de la Colombie-Britannique, comme nous l'avons vu à la télévision récemment, se sont lancées dans ce genre d'initiatives, qui devraient être plus répandues. Par exemple, pour le Québec, cela voudrait dire construire davantage de maisons usinées exportables en cas de sinistres ou pour d'autres besoins dans les pays qui souffrent des conséquences du climat ou de la guerre.
Il faut établir des partenariats avec les institutions d'enseignement et de recherche, avec des universités, des départements d'architecture et d'ingénierie, et adopter la lorgnette de la main- d'œuvre. C'est à travers la formation et les institutions de recherche et d'éducation que nous serons en mesure d'innover pour l'utilisation future des produits de la forêt. Je maintiens humblement que, à travers le prisme de l'emploi, on trouvera au Canada l'énergie nécessaire pour stimuler davantage l'action collective qu'il faut mettre en œuvre pour élaborer une stratégie de développement durable pour la forêt. C'est ce que j'appelle aussi une stratégie de plein-emploi.
Une concertation du secteur forestier incluant les forces politiques pour le développement d'emplois durables permettra de mobiliser les acteurs du secteur, y compris la main-d'œuvre et les entreprises. Cette concertation assurera également une cohérence entre les politiques et les actions menées par les acteurs. Elle permettra aussi d'établir des objectifs qui favorisent l'atteinte de résultats concrets pour chacun des joueurs.
Honorables sénateurs, je termine mon discours en soulignant que le véritable défi de l'adaptation du secteur forestier canadien aux nouvelles réalités économiques est celui d'entreprendre une action collective appropriée. L'objectif de l'emploi productif et convenable m'apparaît être la bougie d'allumage qui pourrait motiver cette action collective. C'est ce qu'une stratégie de plein-emploi peut mettre en œuvre.
L'honorable Ghislain Maltais : La sénatrice Bellemare accepterait- elle de répondre à une question?
Son Honneur le Président : J'ai le regret de vous annoncer, sénatrice, que votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus?
La sénatrice Bellemare : S'il vous plaît, pour répondre à la question du sénateur Maltais.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?
Des voix : Oui.
Le sénateur Maltais : Merci, monsieur le Président. Sénatrice, vous avez souvent cité l'exemple de la Finlande comme modèle pour l'exploitation forestière. Cependant, il ne faut pas nécessairement comparer la Finlande avec le Canada.
(1700)
On ne produit pas le même bois au Canada qu'en Finlande, étant donné que c'est un pays beaucoup plus septentrional que le Canada. L'épicéa et le pin sont beaucoup plus durs et propres à la production des pâtes. Ce que vous avez omis de dire, c'est que 60 p. 100 des entreprises finlandaises se sont délocalisées. Elles se trouvent maintenant en Asie et en Amérique latine, parce que l'eucalyptus est un bois plus dur qui pousse beaucoup plus rapidement. Au Canada, on ne peut pas faire de même, vous le savez fort bien, à cause du climat. Au lieu d'un cycle de reproduction de 20 ans, on parle de 35 à 50 ans, selon les régions.
L'autre facteur, c'est que, à l'heure actuelle, le Canada produit beaucoup de bois d'œuvre et peu de pâtes. Le secteur des pâtes a tendance à reprendre un peu de vigueur, et c'est vers le marché américain que les pâtes sont exportées.
Quant au bois d'œuvre, compte tenu de la taxe de 30 p. 100, puisque le gouvernement n'a pas signé de nouvelle entente, pensez- vous que nous créerons 60 000 emplois supplémentaires au cours des prochaines années, ou croyez-vous que les employés actuels suffiront dans le domaine forestier et de la transformation du bois au Canada?
La sénatrice Bellemare : J'étais surprise moi-même par les projections de l'Association des produits forestiers du Canada. Je pense que c'est au moyen d'une concertation avec les acteurs que nous serons en mesure de bien prévoir les besoins en matière d'emploi. Il est certain que, si on innove davantage, avec la qualité de notre bois, nous réussirons à en faire plus, à générer plus d'utilisation énergétique avec notre bois. En Finlande, ils le font avec des résidus de bois. On peut faire beaucoup de choses avec une main-d'œuvre formée en conséquence et grâce à la recherche. On peut faire beaucoup de choses grâce au génie humain, et la nécessité est la mère de l'invention.
Cela dit, je suis d'accord avec vous, ces prévisions en matière de main-d'œuvre indiquent que 40 000 personnes prendront leur retraite dans ce secteur et qu'il y aura un besoin de 20 000 emplois. Je ne peux pas vous répondre adéquatement, car ce n'est pas moi qui ai fait les prévisions; j'en étais moi-même surprise.
Cependant, on sait que l'industrie aime avoir de l'abondance, parce qu'elle n'aime pas se sentir en situation de pénurie de main- d'œuvre. Donc, j'imagine que les hypothèses à la base de tout cela sont quand même optimistes.
Le sénateur Maltais : La sénatrice serait-elle d'accord avec moi pour dire que, en ces temps difficiles pour l'industrie forestière, il serait très imprudent d'avancer des chiffres sur les emplois futurs, alors que la tendance en matière d'emploi, lorsqu'on fait le tour des grandes scieries du Québec, de l'Ontario et de la Colombie- Britannique à l'heure actuelle, indique que ce n'est plus la retraite qui est le problème, mais bien la vente du bois? Les entreprises forestières réduisent leur personnel à une vitesse vertigineuse, en particulier au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Ontario, et même dans le centre du Canada, y compris en Colombie-Britannique. Je ne pense donc pas que l'industrie forestière ait avantage à avancer des chiffres qui, en réalité, ne reflètent pas l'état actuel de sa situation.
La sénatrice Bellemare : En ce qui me concerne, je crois avoir pris les précautions nécessaires en avançant ces chiffres. On peut demander à l'association de répondre. D'ailleurs, je vais lui transmettre ces propos, et nous pourrons continuer, si d'autres en ont envie, à travailler sur ce secteur, parce que c'est un secteur qui en a bien besoin.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Les répercussions des changements climatiques sur les droits de la personne
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénatrice Jaffer, attirant l'attention du Sénat sur les répercussions des changements climatiques sur les droits de la personne et sur l'impact que ces changements auront sur les plus vulnérables au Canada et dans le monde en menaçant leur droit à la nourriture, à l'eau, à la santé, à un logement convenable, à la vie et à l'autodétermination.
L'honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.
(Sur la motion du sénateur Gold, le débat est ajourné.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à demain, à 14 heures.)