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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 104

Le jeudi 9 mars 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le jeudi 9 mars 2017

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès d'Angus A. Bruneau, O.C., O.N.L.

L'honorable Elizabeth (Beth) Marshall : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à Angus Bruneau, qui est décédé le 19 février à St. John's, à Terre-Neuve.

Accompagné de son épouse, Jean, M. Bruneau, qui est né à Toronto, a déménagé en 1968 de Waterloo, en Ontario, à Terre-Neuve-et-Labrador pour y occuper le poste de doyen fondateur de la faculté de génie et de sciences appliquées de l'Université Memorial. C'est au sein de cette université qu'il a mis sur pied le premier programme d'alternance travail-études au pays. Il a aussi exercé les fonctions de vice-président de l'université.

Au cours de sa vie, M. Bruneau a accompli de nombreuses réalisations. Il a été président fondateur et chef de la direction de Fortis Inc., poste qu'il a occupé de 1987 à 1996. Il a aussi été président du conseil d'administration de cette entreprise de 1998 à 2006. De plus, il a siégé au sein du conseil d'administration de plusieurs sociétés canadiennes.

M. Bruneau a été nommé Officier de l'Ordre du Canada en 1983 et membre de l'Ordre de Terre-Neuve-et-Labrador en 2011. Il a obtenu un doctorat en métallurgie physique de l'Université de Londres en 1962. Il a aussi reçu des doctorats honorifiques de l'Université Memorial, de l'Université Dalhousie et de l'Université de Waterloo.

M. Bruneau a joué un rôle primordial dans la création de C-CORE, qui, aujourd'hui, est un organisme de recherche de renommée mondiale établi à St. John's et spécialisé dans la télédétection, l'ingénierie des glaces et la géotechnique.

M. Bruneau était un fidèle de longue date de l'église St. David's de St. John's, où il a été un membre assidu de la chorale. En tant qu'ébéniste, il a fabriqué plusieurs œuvres qu'on peut admirer dans cette église.

J'ai rencontré M. Bruneau pour la première fois en 1987. Je garderai de lui le souvenir d'un véritable gentleman, loyal, aimable, amical et doté d'un merveilleux sens de l'humour. Il a été le mentor de nombreuses personnes de ma génération, toujours prêt à donner généreusement de son temps et à écouter les autres. Il a été une véritable source d'inspiration pour nous tous.

Nous avons perdu un fier Terre-Neuvien et un grand Canadien. Il manquera à sa famille, sa collectivité et tous ceux qui le connaissaient.

Honorables sénateurs, joignez-vous à moi pour transmettre mes condoléances à l'épouse du Dr Bruneau, Jean, à ses fils et à ses petits-enfants, ainsi qu'à son vaste cercle familial et social.

[Français]

Alex Harvey

Félicitations à l'occasion des Championnats nordiques mondiaux

L'honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, dimanche dernier, en Finlande, Alex Harvey est devenu champion du monde du 50 kilomètres style libre de ski de fond, grâce à une performance historique. Je tenais aujourd'hui à le féliciter.

Avec ce succès, Alex devient le premier Nord-Américain à réussir cet exploit. Vous n'étiez sans doute pas au courant, et ce n'est pas surprenant, puisqu'on en a très peu parlé, sauf au Québec. Cette victoire impressionnante n'a été diffusée en direct sur aucune chaîne de télévision canadienne.

Afin de voir son fils en action, Pierre Harvey a dû se rabattre sur le site web d'une chaîne européenne. Selon Le Devoir, il s'est dit chanceux que, pour cette fois, l'événement ait été retransmis en anglais car, la plupart du temps, il doit se débrouiller avec des commentaires en russe.

N'est-il pas pour le moins étonnant, honorables collègues, que, dans un pays aussi diversifié que le Canada, ces événements majeurs ne soient pas retransmis en direct par des chaînes canadiennes? N'est-ce pas la responsabilité de notre télévision d'État? Plusieurs athlètes l'ont d'ailleurs déploré.

Dans un cri du cœur qui a été très bien reçu, l'ancien champion olympique Jean-Luc Brassard a affirmé que, depuis sa retraite en 2002, l'offre télévisuelle sportive du week-end n'a non seulement pas évolué, mais elle a pris du recul. Il a parfaitement raison.

Les athlètes ne sortent pas de leur tanière une fois tous les quatre ans pour participer aux Jeux olympiques. Ils sont en compétition durant toute l'année. Nous comprenons tous que la logique du marché est surtout guidée par les coûts et la rentabilité. Toutefois, je tiens à joindre ma voix à celle de plusieurs athlètes amateurs qui demandent à Radio-Canada de partager avec le grand public les exploits de nos athlètes.

Je cite mon ami Jean-Luc Brassard, qui faisait une comparaison avec le cinéma. Il a dit ce qui suit :

On veut voir les films de Xavier Dolan, pas seulement en entendre parler.

Il n'a pas tort, et je crois que c'est la même chose pour le sport. C'est important, et pas seulement dans le domaine de la haute performance. Dans un Canada en santé et qui bouge davantage, ces images de nos athlètes doivent pouvoir inspirer nos jeunes et nos moins jeunes. Dans le domaine du sport, nous disons qu'il faut promouvoir l'activité sportive de la cour d'école jusqu'au podium, et j'y crois vraiment.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

La Journée internationale des femmes

L'honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole à l'occasion de la Journée internationale des femmes, que l'on a soulignée hier. Malheureusement, je n'ai pas pu être présente pour les déclarations, puisque j'ai prononcé un discours à une activité tenue dans le cadre de cette journée. Je vais réciter le poème de ma fille, dédié aux millions de femmes de partout dans le monde qui souffrent en silence, et pardonnez-moi si je deviens émotive.

Il s'intitule Opposée au silence.

Je prends la parole au nom de ma grand-mère,
De sa mère
Et de la mère de sa mère,
Qui ont dû retenir leur langue
Et couver leur colère.Le cœur gonflé de révolte, elles savaient
Que leur fille porterait en elle le germe d'une révolution.

Pour chaque ecchymose, chaque os fracturé,
Pour toutes les fois où vous vous êtes effacées,
Pour tout ce que vous avez enduré,
Je prends la parole.

Si pour être vue il faut parler,
Alors je dis dans la langue de ma mère :Che zama khabara wazen laree.
Ces mots, tel un vaisseau,
Portent, comme moi, l'histoire des miens.
Mon sang bouillonne d'une rage accumulée au fil des siècles
Et je devrais parler à en perdre la salive pour raconter toutes les histoires qui ne demandent qu'à être entendues.

Pour les femmes qui ont dû se taire pour survivre,
Pour les jeunes filles livrées comme swara,
Pour la sœur battue à mort par ses frères parce qu'elle voulait le divorce,
Pour la fille nourrie avec un substitut pendant que son frère jumeau avait droit au lait maternel
Et pour la mère qui a dû enterrer cette fille,
Je prends la parole.
Nous sommes restées silencieuses trop longtemps.

Le Musée du portrait du Canada

L'honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui afin d'exhorter tous les sénateurs à appuyer la création d'un Musée du portrait du Canada, au 100, rue Wellington, un endroit bien en vue qui se trouve en face du Parlement, de l'autre côté de la rue.

Nous avons entendu dans cette enceinte les discours du sénateur Joyal et de la sénatrice Bovey, qui ont démontré de façon fort éloquente et convaincante l'intérêt de créer un Musée du portrait du Canada.

Les portraits racontent l'histoire du Canada. Le Musée du portrait du Canada que nous imaginons tous ne fera pas que suspendre aux murs de vieux portraits défraîchis. Il proposera, sur place ou en ligne, une façon dynamique, emballante et interactive de raconter l'histoire du pays, tout en offrant un aperçu général de ce que nous réserve l'avenir. Il doit susciter l'intérêt de notre génération, mais surtout celui des jeunes Canadiens, tout comme le font les musées nationaux de tous les autres grands pays.

(1340)

Les portraits racontent de belles histoires canadiennes; ils doivent être montrés aux Canadiens. Toutefois, il est peu probable, selon moi, que le Musée du portrait du Canada voie le jour sans l'appui enthousiaste des sénateurs.

Le gouvernement décidera bientôt à quoi sera consacré l'édifice du 100, rue Wellington. La Musée du portrait du Canada est l'une des possibilités envisagées, mais ce projet pourrait se faire damer le pion par d'autres propositions qui, selon nous, ne sont pas aussi novatrices et n'ont pas la même valeur pour la société canadienne.

Le sénateur Joyal, la sénatrice Bovey et moi demandons à tous les sénateurs de manifester leur appui au projet de Musée du portrait du Canada en signant une lettre que nous avons déjà préparée et qui sera envoyée au premier ministre et à d'autres ministres concernés. Mon bureau fera parvenir une copie de la lettre au bureau de chaque sénateur, et nous vous demanderons si vous voulez signifier votre appui à ce projet.

La création d'un musée dans l'ancienne ambassade des États-Unis à l'occasion du 150e anniversaire du Canada permettrait de soutenir les artistes canadiens et de célébrer notre histoire. Ces œuvres ne doivent pas rester, loin des yeux du public, dans un entrepôt situé à Gatineau et dans les placards des studios des artistes. Les Canadiens doivent pouvoir les voir, les connaître, en discuter et en être fiers. Le 150e anniversaire du Canada est l'occasion idéale de créer un musée du portrait, qui laisserait aux Canadiens un patrimoine impérissable. Nous demandons donc à tous les sénateurs d'appuyer cette initiative.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur la présence à la tribune de représentants de la Société calédonienne de Restigouche, MM. Ian Hamilton et Paul Cameron, et de leurs épouses, Mme Wong-Hamilton et Mme Margaret Cameron. Ils sont les invités de l'honorable sénateur McIntyre.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

La Journée mondiale de la poésie

L'honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, dans une semaine, les poètes du monde entier célébreront le 16e anniversaire de la Journée mondiale de la poésie.

Depuis des siècles, la poésie contribue à l'épanouissement intellectuel de l'humanité. Elle joue un rôle clé dans la conduite des nations pendant les moments difficiles, elle reflète nos valeurs et sensibilise la population aux sujets les plus délicats et souvent oubliés. Elle tient, sans doute, une place primordiale dans notre patrimoine culturel et dans l'histoire de notre pays.

Le jour officiel consacré à l'art poétique, communément connu sous le nom de Journée mondiale de la poésie, se tient le 21 mars. Prenons un moment afin de rendre hommage aux poètes canadiens qui ont considérablement contribué au développement de notre patrimoine culturel.

En profitant de cette occasion, je voudrais dire quelques mots sur les initiatives poétiques qui se déroulent au sein du Parlement du Canada.

Afin de promouvoir l'importance de la poésie dans la société canadienne, les Présidents du Sénat et de la Chambre des communes nomment, pour un mandat de deux ans, le poète officiel du Parlement du Canada. Jusqu'à ce jour, le Parlement a accueilli sept poètes officiels. À l'heure actuelle, ce rôle est exercé par un Néo-Écossais, le poète George Elliott Clarke. Nous sommes honorés de le compter parmi nous depuis le 1er janvier 2016.

George Elliott Clarke est un Canadien de septième génération d'ascendance afro-américaine et mi'kmaq. Une grande partie de ses ouvrages poétiques est dédiée aux communautés noires de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, les régions qu'il nomme l'« Africadia ».

Ses poèmes jettent la lumière sur les obstacles que rencontrent au quotidien ces communautés et sur leurs efforts visant à les contourner, tels que la lutte contre la discrimination et le racisme, la résistance au rejet social et les efforts déployés pour garder leur propre identité, malgré les nombreux défis auxquels elles font face.

Nous devons donc applaudir tous les efforts que le poète met de l'avant afin de sensibiliser la société à la diversité dans notre pays. Il n'y a pas meilleur moyen d'exprimer les valeurs canadiennes qu'en les transposant sous forme de rimes et de vers.

[Traduction]

Honorables sénateurs, permettez-moi de lire quelques vers de son poème, Le Sénat du Canada : mise à jour en cours, qu'il a dédié au regretté sénateur Pierre Claude Nolin, partisan de la réforme du Sénat :

[P]our le Sénat, c'est l'idée!
Inventer
est adresse, améliorer, un art :
Honorables sénateurs, c'est là votre part.
Une opinion bien réfléchie, cela n'a rien
De « partisan ». C'est plutôt vraiment « canadien ».

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jim et Robert Coyne. Ils sont des cadres supérieurs de l'entreprise Kluane Drilling, au Yukon. Ils sont les invités de l'honorable sénateur Lang.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Le Conseil du Trésor

Dépôt des plans ministériels de 2017-2018

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les plans ministériels de 2017-2018. Ils sont devant moi, et je vous invite à passer les deux prochaines semaines à les lire.

La Loi sur la preuve au CanadaLe Code criminel

Projet de loi modificatif—Présentation du treizième rapport du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles

L'honorable George Baker, vice-président du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, présente le rapport suivant :

Le jeudi 9 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son

TREIZIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-231, Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada et le Code criminel (protection des sources journalistiques), a, conformément à l'ordre de renvoi du 14 décembre 2016, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications suivantes :

1. Article 2, pages 1 et 2 :

a)À la page 1, remplacer la ligne 12 par ce qui suit :

« journaliste Personne dont l'occupation principale consiste à contribuer

directement et moyennant rétribution, soit ré- »;

b)à la page 2,

(i) ajouter après la ligne 9 ce qui suit :

« (3.1) Pour l'application des paragraphes (3) et (7), journaliste comprend la personne qui était journaliste au moment où un renseignement identifiant ou susceptible d'identifier la source journalistique lui a été transmis. »,

(ii) ajouter après la ligne 34 ce qui suit :

« c) le tribunal, l'organisme ou la personne a envisagé tous les moyens de divulgation qui préserveraient l'identité de la source journalistique. ».

2. Article 3, page 4 :

a)remplacer les lignes 9 à 11 par ce qui suit :

« toute autre loi fédérale, un mandat prévu aux articles 487.01, 487.1, 492.1 ou 492.2, un mandat de perquisition prévu par la présente loi, notamment à l'article 487, ou toute autre loi fédérale, une autorisa- »;

b) ajouter après la ligne 30 ce qui suit :

« (3.1) Le juge saisi de la demande pour le mandat, l'autorisation ou l'ordonnance a le pouvoir discrétionnaire de commettre d'office un avocat spécial chargé de présenter des observations qui sont dans

l'intérêt de la liberté de presse et qui concernent les conditions prévues au paragraphe (3). ».

Respectueusement soumis,

Le vice-président,
GEORGE BAKER

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Baker, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L'honorable Pierrette Ringuette dépose le projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel (taux d'intérêt criminel).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

(1350)

[Traduction]

L'Association législative Canada-ChineLe Groupe interparlementaire Canada-Japon

L'Assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue du 17 au 21 janvier 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-Japon et de l'Association législative Canada-Chine concernant sa participation à la 24e assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue à Vancouver, en Colombie-Britannique, du 17 au 21 janvier 2016.

La passation des pouvoirs d'hôte du Canada à la République de Fidji pour la 25e assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue du 3 au 5 avril 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-Japon et de l'Association législative Canada-Chine concernant sa participation à la passation des pouvoirs d'hôte du Canada à la République de Fidji pour la 25e assemblée annuelle du Forum parlementaire Asie-Pacifique, tenue à Suva, dans la République de Fidji, du 3 au 5 avril 2016.

[Français]

L'Association législative Canada-Chine

La réunion bilatérale, tenue du 28 mars au 1er avril 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne de l'Association législative Canada-Chine concernant sa participation à la 19e réunion bilatérale, tenue à Pékin et à Chongqing, en République populaire de Chine, du 28 mars au 1er avril 2016.

Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

La visite annuelle des coprésidents au Japon, du 12 au 18 septembre 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Paul J. Massicotte : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant la visite annuelle des coprésidents à Tokyo et à Nagoya, au Japon, du 12 au 18 septembre 2016.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à modifier l'article 12-7 du Règlement

L'honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

1. par le remplacement du point à la fin de l'article 12-7(16) par ce qui suit :

« ;

Ressources humaines

12-7. (17) le Comité sénatorial permanent des ressources humaines, qui peut être saisi de toute question concernant les ressources humaines en général. »;

2. par la mise à jour en conséquence de tous les renvois dans le Règlement.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L'infrastructure et les collectivités

Le directeur parlementaire du budget—Les dépenses en matière d'infrastructure

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne un rapport qu'a publié ce matin le directeur parlementaire du budget, qui soulève une fois de plus des préoccupations au sujet des dépenses du gouvernement en matière d'infrastructure. On peut lire ce qui suit à la page 2 du rapport, et je cite :

Bien que le gouvernement ait affecté, pour 2017-2018, de nouveaux investissements de l'ordre de 8 milliards de dollars pour les infrastructures, le DPB ne peut relever qu'environ 5,5 milliards de dollars en investissements supplémentaires dans le Budget principal des dépenses pour 2017-2018.

Le directeur mentionne plusieurs raisons pour expliquer ce problème, notamment le fait que le gouvernement a décidé de reporter des dépenses en matière d'infrastructure à une période ultérieure à 2017-2018, ou encore le fait que l'argent est disponible, mais impossible à cerner.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il dire à cette Chambre laquelle de ces explications est la plus exacte? Le gouvernement a-t-il l'intention de reporter ou a-t-il reporté des milliards de dollars de dépenses à une date ultérieure, encore indéterminée? Peut-il nous parler du processus de suivi de ces dépenses qui semble être devenu beaucoup trop complexe, puisque le directeur parlementaire du budget est incapable de cerner lui-même ces dépenses? Je crois qu'il y a un problème majeur.

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Je tiens à assurer à tous les sénateurs que les dépenses en infrastructure demeurent une priorité importante pour le gouvernement du Canada.

Comme tous les sénateurs, j'attends le budget du ministre Morneau, qui sera déposé dans deux semaines. Je suppose que le gouvernement y clarifiera l'importance qu'il accorde au financement de l'infrastructure. D'ici là, je tiens à assurer à tous les sénateurs que le programme d'infrastructure a été lancé; il est en cours d'exécution. Le ministre a accueilli favorablement le rapport du comité sénatorial concernant l'infrastructure. Évidemment, alors qu'il s'embarque dans cette importante initiative, il est tout à fait disposé à s'instruire et à faire en sorte de produire le plus rapidement possible les meilleurs résultats pour les Canadiens.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vous remercie, monsieur le leader. Effectivement, le directeur parlementaire du budget fait état des préoccupations que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a exprimées dans son rapport paru la semaine dernière.

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il nous expliquer pourquoi il n'existe pas de guichet unique ou de point d'entrée unique pour les municipalités, afin de leur donner accès au financement, étant donné la complexité des différents programmes d'infrastructure fédéraux?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Le sénateur met ainsi en lumière un important facteur de complexité, soit qu'il faille assurer une consultation adéquate et efficace des différents ordres de gouvernement. Le ministre responsable collabore avec ses collègues et est très conscient de la nécessité de simplifier le processus. Des décisions seront prises sous peu à cet égard et annoncées prochainement.

Le patrimoine canadien

Le prix John Diefenbaker pour la défense des droits de la personne et de la liberté

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, plus tôt cette semaine, CBC a rapporté que le gouvernement Trudeau prévoyait supprimer le prix John Diefenbaker pour la défense des droits de la personne et de la liberté créé par le gouvernement précédent. Pouvez-vous me donner l'assurance que ce prix ne sera pas supprimé et qu'il continuera à être octroyé dans sa forme actuelle, avec le nom de M. Diefenbaker, comme le recommande même une note du ministère au ministre?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je ne suis pas au courant de cet enjeu. Je serai heureux de me renseigner à ce sujet et de répondre à l'honorable sénateur et à tous les sénateurs. Je tiens à souligner, comme l'a fait le sénateur en parlant du premier ministre Diefenbaker, les importantes contributions de ce dernier, qu'on pense au domaine des droits de la personne, à la Déclaration canadienne des droits, à la reconnaissance de la Chine ou à son audacieuse politique étrangère.

L'agriculture et les forêts

L'accès aux marchés internationaux

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, je prends la parole pour poser une question au sujet des terres agricoles canadiennes. Ma question s'adresse au président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Il est ici aujourd'hui. Les médias ont dit que le comité se penchait notamment sur la propriété étrangère de terres agricoles au Canada, l'avenir des terres agricoles pour les jeunes agriculteurs et l'avenir de l'approvisionnement alimentaire au Canada. Pourrait-il expliquer au Sénat ce que fait le comité dans ce dossier?

L'honorable Ghislain Maltais : Merci beaucoup, sénateur Baker.

[Français]

Je vous remercie de vous intéresser à l'agriculture, qui est un domaine d'activité économique très important pour notre pays. Effectivement, le Sénat nous a confié le mandat de surveiller de très près l'acquisition des terres agricoles et le transfert des fermes familiales de père en fils ou de père en fille, selon les cas.

La Canada éprouve deux graves problèmes présentement. Dans un premier temps, la valeur des terres agricoles a fait un bon de 167 p. 100 de 2010 à 2015. L'acquisition de nouvelles terres ou l'agrandissement de celles que leurs parents leur ont données ou cédées devient de plus en plus difficile pour les jeunes agriculteurs. Il s'agit d'un grave problème. Pourquoi est-ce arrivé? Lors de la crise financière, les banques, les fiducies et le Régime de pensions du Canada se sont regroupés, parce que les terres étaient des valeurs sûres. Cela a entraîné une augmentation phénoménale du prix des terres agricoles.

Dans un deuxième temps, l'étalement urbain permet, dans certaines provinces, de dézoner des terres agricoles pour la construction résidentielle.

(1400)

Là où le gouvernement fédéral a de la difficulté à intervenir, puisqu'il s'agit d'un domaine de compétence provinciale, c'est en matière de protection des terres agricoles. La Colombie-Britannique et le Québec ont des lois assez sévères. D'autres provinces se penchent sur les façons de conserver leurs terres agricoles. Cependant, certaines provinces ont du retard à rattraper, en particulier la Saskatchewan, qui est tout de même une importante productrice de produits agricoles.

Pour l'avenir, nous devons concevoir un plan afin de mettre un frein à l'acquisition des terres par les investisseurs étrangers au moyen des fiducies et des trusts. Le Manitoba et l'Alberta le font à l'heure actuelle, et ce n'est pas évident. Le Québec est en train de le faire également, non sans certaines difficultés, car le dédoublement des trusts et des fiducies progresse à une vitesse vertigineuse. Il n'est pas facile d'en trouver les véritables propriétaires. Les ministres de l'Agriculture que nous avons interviewés, dans huit provinces sur dix, y compris deux premiers ministres, nous ont fait part des difficultés qu'ils éprouvaient dans ce dossier.

Par contre, ces problématiques sont de compétence provinciale. Je vous dirais que tout n'est pas noir, parce que le retour à la terre se fera graduellement. L'agriculture au Canada est en pleine évolution. Au cours des 10, 15, 25 et 30 prochaines années, l'agriculture traditionnelle devra se transformer pour satisfaire les marchés extérieurs et canadien. L'entente Canada-Europe en est un exemple. Il y a aussi l'ALENA avec les États-Unis. On ne peut plus parler du Partenariat transpacifique, mais il reste qu'un jour ou l'autre, le commerce avec la Chine, le Japon et l'Asie moyenne représentera une porte importante pour les agriculteurs canadiens. Merci, honorables sénateurs.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Ses réponses sont plutôt détaillées. Il n'y a que deux parties à ma question complémentaire.

Premièrement, dans le cadre de ses activités, le comité a-t-il effectivement mené des entrevues auprès des ministres de l'Agriculture? Je sais que le reportage a mentionné qu'il y avait des témoins de toutes les régions du Canada. Vous avez parlé de pays étrangers et de leurs pratiques par comparaison au Canada. Avez-vous effectivement voyagé?

Deuxièmement, quand pouvons-nous nous attendre à recevoir le rapport au Sénat et au Canada en ce qui concerne les activités de votre comité?

[Français]

Le sénateur Maltais : Juste avant de vous répondre précisément, sénateur Baker, j'aimerais profiter de l'occasion pour remercier les membres du Comité de l'agriculture. Le comité compte 14 membres, et ces membres ont fait un travail exceptionnel. Effectivement, nous avons voyagé au Canada, dans les Maritimes et dans le Centre du Canada. Aujourd'hui, avec le système de vidéoconférence, c'est beaucoup plus facile et moins coûteux. Nous avons fait des entrevues avec des agriculteurs, des syndicats d'agriculteurs, des producteurs et des transformateurs. Nous sommes également allés en Chine.

Vous vous souviendrez que j'ai défendu ici en cette Chambre la demande de crédits liés à ce voyage, parce que la Chine est un territoire extrêmement important. Ils sont maintenant 1,4 milliard. Combien seront-ils dans 10 ou 15 ans? Peut-être environ 1,8 milliard. Or, la Chine demeure un marché fantastique pour le Canada.

Cependant, lors de notre visite avec les agents du gouvernement, grâce à l'ambassade du Canada — visite à laquelle le fils de votre leader nous accompagnait et il est très gentil, j'aimerais le faire remarquer —, nous avons rencontré des groupes d'agriculteurs et le groupe des représentants du gouvernement en matière d'agriculture, y compris le sous-ministre ou le sous-ministre adjoint de l'Agriculture. La Chine demeure un marché intéressant, mais ce n'est pas un marché acquis. Nous avons de la compétition. Les Chinois veulent de la qualité, de la traçabilité ainsi que d'excellents prix. Ne pensons pas arriver en terre inconnue pour y défricher dès notre arrivée, comme le faisaient les missionnaires. Non.

À l'avenir, le Canada devra offrir les denrées nécessaires dont la Chine a besoin. D'ailleurs, notre vice-président, le sénateur Mercer, était très fier de voir que la Chine est l'un des plus importants importateurs de homards vivants. Nous les avons vus, lui et moi, mais nous n'avions pas les moyens de les acheter en Chine. Nous ferions mieux de les manger en Nouvelle-Écosse, parce qu'ils sont hors de prix en Chine.

C'est un marché de qualité, un marché d'avenir, mais il faut que l'agriculture canadienne soit prête à répondre aux besoins de la Chine. Il y a déjà une ouverture fantastique pour le bœuf, parce que le Canada exportait en Chine le bœuf qui était transformé ici. Par contre, les Chinois ne mangent pas le bœuf de la même façon que nous, et les steaks épais ne sont pas ce qu'ils préfèrent. La Chine a fait une ouverture. Maintenant, les exportateurs de bœuf canadien peuvent exporter des carcasses entières, qui sont débitées en Chine de la façon dont les Chinois veulent bien manger le bœuf, et cela leur appartient. On ne changera pas leurs goûts ni leur façon de manger.

En outre, il y a beaucoup d'ouvertures au niveau du porc et du poisson, et qui aurait pensé que McCain se serait installée en Chine afin d'y cultiver des pommes de terre? McCain a même une école pour former les agriculteurs à la culture de pommes de terre, pour qu'elles soient ensuite transformées à la façon dont les Chinois aiment les manger. Il y a tout un champ d'action qu'on peut occuper, mais il faudra l'occuper de la bonne façon. Merci, honorables sénateurs.

[Traduction]

Le sénateur Baker : L'honorable sénateur n'a pas répondu à ma question. J'ai demandé au président quand nous pouvions nous attendre à recevoir le rapport final. De plus, mon leader n'est pas le représentant du gouvernement. Il s'appelle Joe. Du moins pour l'instant.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Baker : Son nom est Joe, à moins qu'il ne décide un jour de le changer.

Je me demande si le sénateur Maltais pourrait répondre à la question suivante : quand le comité présentera-t-il au Sénat le rapport sur ses activités?

[Français]

Le sénateur Maltais : C'est une très bonne question, sénateur Baker. Vous savez, un comité de 14 personnes qui a un mandat aussi large et aussi important doit prendre le temps de bien rédiger son rapport. Le rapport est en voie de rédaction. Nous serons heureux de le déposer ici au cours des prochaines semaines.

Puisque vous m'en donnez l'occasion, j'aimerais vous rappeler que, pour le voyage en Chine, j'avais demandé un montant de 270 000 $, que vous m'aviez accordé. Ce voyage a coûté exactement la moitié, et ce, parce que les sénateurs ont accepté d'être frugaux et moins dépensiers. Alors, nous déposerons le rapport dans les prochaines semaines, lorsque nous aurons terminé notre travail. Merci.

[Traduction]

Le Bureau du Conseil privé

Réponses aux questions

L'honorable Donald Neil Plett : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, et j'espère que sa réponse sera aussi détaillée que celles des sénateurs de notre côté.

Monsieur le leader, le 7 décembre et de nouveau le 16 février, je vous ai posé des questions qui portaient expressément sur le transport ferroviaire du grain. Je vous ai demandé de façon très claire et précise si le gouvernement prolongerait ou envisagerait de prolonger les critères d'interconnexion instaurés par le gouvernement conservateur.

Les deux fois, monsieur le leader, vous avez fait le suivi nécessaire auprès du gouvernement, et je vous en remercie. Le gouvernement a fourni une réponse différée à mes deux questions, et vous les avez déposées toutes les deux. Or, aucune de ces deux réponses différées ne répondait à mes questions. Voyez plutôt, monsieur le leader, ce qu'on a répondu le 1er mars à la question que j'avais posée le 7 décembre :

Le gouvernement a l'intention de trouver un juste équilibre afin d'établir un système de transport ferroviaire des marchandises compétitif et efficace à long terme.

(1410)

Voici maintenant en quoi consistait la seconde réponse :

Le gouvernement du Canada reconnaît l'importance d'un cadre stratégique transparent et stable pour assurer la prévisibilité pour tous les participants de la chaîne d'approvisionnement.

Je ne suis même pas sûr de comprendre ce que cela veut dire.

Monsieur le leader, je crois que vous auriez pu vous-même nous donner ces réponses. Vous n'aviez besoin de personne pour arriver à des réponses comme celles-là. Vous auriez pu nous les donner vous-même sans craindre de déroger au message officiel. Le gouvernement du Canada estime qu'il doit être gentil avec tout le monde, c'est fort bien ainsi.

Maintenant, monsieur le leader, voici ma première question, à laquelle il y a moyen de répondre très simplement : selon vous, le gouvernement a-t-il l'obligation de répondre pour vrai aux questions qui lui sont posées?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je tâcherai de ne pas répondre aussi brièvement à cette question que l'a fait mon prédécesseur à la question du sénateur Baker, mais je vous remercie néanmoins, honorable sénateur Plett, des deux questions que vous avez posées et auxquelles vous avez obtenu réponse.

Le gouvernement a, bien évidemment, l'obligation de répondre aux questions qui lui sont posées.

Les transports

Le transport des grains de l'Ouest canadien

L'honorable Donald Neil Plett : Monsieur le leader, j'ose espérer que la troisième fois sera la bonne. Dans le dossier de l'interconnexion, le gouvernement élargira-t-il les critères établis par l'ancien gouvernement conservateur, ce qu'approuvent les producteurs de grains et les agriculteurs de l'Ouest? Pourriez-vous me répondre par un oui ou par un non? Élargirez-vous ces critères?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je rappelle tout de même à l'ensemble des honorables sénateurs que, si le gouvernement a bel et bien l'obligation de répondre aux questions qui lui sont posées, cela ne veut pas dire que la réponse sera nécessairement celle qu'espèrent les personnes qui les posent.

Comme le sénateur le sait, l'ensemble du dossier des transports fait l'objet d'un examen à la suite du rapport de David Emerson. Le ministre des Transports a affirmé hors de ces murs — et je peux le répéter ici — qu'il étudie le rapport dans le but d'établir une approche globale des problèmes soulevés dans le rapport de M. Emerson. J'appuie certainement l'idée de mener des consultations avec les intervenants et d'adopter des approches globales, et je suis sûr que c'est aussi le cas de l'honorable sénateur. Au moment opportun — et un échéancier a été établi par le ministre —, les mesures appropriées seront prises.

[Français]

La santé

L'aide médicale à mourir

L'honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le leader, en juin 2016, le Sénat a adopté le projet de loi C-14 sur l'aide médicale à mourir. Je faisais partie des 12 sénateurs qui ont eu le courage de voter contre ce projet de loi, mais la majorité l'a adopté en croyant qu'il s'agissait d'un bon début et que le gouvernement allait corriger ses erreurs plus tard.

Il y a deux semaines, à Montréal, un homme a tué par compassion sa femme atteinte d'Alzheimer, parce qu'elle n'était pas admissible à l'aide à mourir, telle que l'a définie la loi. Un autre meurtre par compassion a eu lieu dans le Pontiac et, dimanche dernier, un homme atteint de la maladie de Lou Gehrig a dit à la télévision qu'il allait devoir s'expatrier pour recevoir l'aide médicale à mourir.

Le leader peut-il nous dire quelles actions ont été prises à ce jour par son gouvernement afin de corriger les lacunes de cette loi? Si rien n'a été fait, est-ce qu'il peut nous dire combien d'autres meurtres par compassion devront se produire avant que cela devienne une priorité?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. De toute évidence, le Sénat s'est penché sur cet enjeu une grande partie des mois de mai et juin. L'honorable sénateur parle de l'engagement pris par le gouvernement dans le cadre du processus législatif, soit celui de lancer une étude sur les points qui n'étaient pas couverts par le projet de loi.

Comme l'honorable sénateur le sait, une question similaire a été posée à la ministre responsable lors de sa visite au Sénat. Elle a parlé de l'annonce qui avait été faite par le gouvernement au sujet de ces études et s'est engagée à la respecter. Les travaux sont en cours et le gouvernement s'engage à respecter l'échéancier établi au moment de la présentation du projet de loi C-14 et à proposer, durant cette période, des mesures appropriées.

L'agriculture et l'agroalimentaire

L'exportation de légumineuses vers l'Inde

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement du Sénat.

Ceci fait suite à une question que mon collègue, le sénateur Oh, a posée le mois dernier relativement à l'exportation de pois et de lentilles du Canada vers l'Inde. Comme on le craignait, l'Inde a annoncé qu'elle n'exempterait pas les exportations canadiennes de pois et de lentilles des exigences de traitement antiparasitaire après le 31 mars. En 2015, l'Inde a absorbé le tiers des exportations de légumineuses canadiennes, ce qui représente environ 1,5 milliard de dollars.

Le ministre de l'Agriculture est depuis quelques jours en Inde dans le cadre d'une mission commerciale qui se termine demain. Les exportations de légumineuses canadiennes vers l'Inde devraient figurer en tête de liste des priorités du ministre durant sa visite. Toutefois, celui-ci n'a toujours fait aucune déclaration à ce sujet et l'échéance du 31 mars approche à grands pas.

Voici la question que je pose au leader du gouvernement. Si le ministre ne réussit pas à obtenir une exemption pour permettre au Canada de continuer d'exporter des légumineuses vers l'Inde, le gouvernement du Canada tentera-t-il de conclure une entente provisoire jusqu'à ce que l'on arrive à une solution à long terme pour régler ce différend?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Il est un peu prématuré de se prononcer, car le gouvernement et le ministre responsable travaillent activement en vue d'arriver à une entente et accordent leur pleine attention à ce dossier. C'est précisément ce que le ministre fait actuellement.

La sécurité des marchés d'exportation est une priorité pour le gouvernement. Comme vous le savez sans doute, dans le dossier des exportations de canola vers la Chine, le gouvernement a réussi à négocier une entente que tous les honorables sénateurs accueilleraient favorablement. Le ministre de l'Agriculture travaille sans relâche pour garantir l'accès au marché de l'Inde ainsi que pour améliorer l'accès au marché pour les produits agricoles et agroalimentaires canadiens.

[Français]

La justice

La légalisation de la marijuana—Les sondages et les études

L'honorable Claude Carignan (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur une réponse différée, qui a été déposée en Chambre le 2 mars dernier, à une question que je lui avais posée un mois auparavant. Je lui avais demandé si le gouvernement avait effectué des études ou des sondages auprès de groupes cibles au sujet de la décriminalisation et de la légalisation d'autres drogues que la marijuana. Évidemment, la question visait à approfondir un commentaire émis à l'autre endroit par le premier ministre, selon lequel le gouvernement s'était engagé à légaliser la marijuana, mais qu'il ne prévoyait pas, et je cite, « légaliser quoi que ce soit d'autre à l'heure actuelle ».

La réponse différée se lit comme suit :

Le ministère de la Justice n'a pas effectué des études ou des sondages auprès de groupes cibles sur la décriminalisation ou légalisation de toutes drogues.

Le leader pourrait-il aussi nous dire si Santé Canada, Sécurité publique Canada et le Bureau du Conseil privé ont fait des études pour vérifier si ces ministères ont effectué des études ou des sondages auprès de groupes cibles?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de poser cette question et je me ferai un plaisir de me renseigner sur les autres organismes et ministères desquels il souhaite obtenir cette information.

Je signale qu'une réponse a été apportée raisonnablement vite et je chercherai à obtenir une réponse aussi rapidement à la question posée par l'honorable sénateur.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence.

L'honorable Elaine McCoy : Je reprends le débat, Votre Honneur, là où je me suis arrêtée hier.

Honorables sénateurs, vous vous rappellerez que j'ai parlé du fait que le ministre serait habilité à prendre seul les décisions et j'ai dit que cela semblait la mode dans nos mesures législatives, ce que je n'approuve pas, parce que confier une décision aussi grave que celle de la citoyenneté à une seule personne crée des possibilités d'abus.

(1420)

Pire encore, il délègue ce pouvoir non pas à un niveau plus bas, celui de sous-ministre, à deux niveaux plus bas, celui de sous-ministre adjoint, à trois niveaux plus bas, celui de sous-ministre associé, ni quatre niveaux plus bas, celui d'analyste principal. Il le délègue à peu près au sixième niveau dans le ministère, dans les tréfonds du ministère. Quelque fonctionnaire anonyme prendra donc une décision sur la vie de quelqu'un d'autre.

Je vais proposer un amendement à la fin de mon intervention, mais avant d'expliquer pourquoi je le fais, qu'on me permette d'apporter une précision, car nous ne connaissons pas tous très bien les règles, comme je l'ai moi-même appris.

Quand on propose la troisième lecture d'un projet de loi, on ne peut pas proposer immédiatement un amendement à sa propre motion, mais on peut demander à un collègue d'en proposer un pour soi. La sénatrice Omidvar m'a fait l'honneur de me demander de proposer un amendement à ce projet de loi qu'elle appuie. Je suis flattée, car j'appuie de tout cœur le projet de loi et cet amendement, puisque je n'ai pas l'impression que le processus soit équitable. Je ne crois pas que notre texte législatif prévoie un processus équitable pour la révocation des passeports et de la citoyenneté.

Prenons l'exemple concret d'une femme qui habite au Canada depuis 30 ans. Elle a immigré ici il y a 30 ans parce qu'elle fuyait un mari violent. Elle avait un ou deux jeunes enfants. Elle a franchi la frontière, espérant ne jamais être retrouvée. Comme elle ne voulait pas que quiconque retrouve sa trace, elle n'a pas dit que cet homme avait été ou était toujours son mari.

Voici que ce fonctionnaire anonyme qui travaille dans un petit bureau à six rues d'ici, sur la rue Slater, a trouvé son dossier, constaté qu'elle avait été mariée et dit qu'elle a fait une fausse déclaration dans sa demande de citoyenneté et qu'il est donc sur le point de révoquer sa citoyenneté. Voilà ce qui s'est passé.

Maintenant que ce pouvoir de décision a été relégué au sixième niveau sous le ministre, 235 avis de révocation ont été envoyés entre le 28 mai 2015 et le 31 décembre de l'an dernier, c'est-à-dire en 19 mois. Au cours des 28 années qui ont précédé, il y a eu un grand total de 167 avis de révocation.

Je préfère qu'un élu prenne ce genre de décision, et je préférerais même que la décision soit prise au niveau du Cabinet pour qu'il y ait une audience. Il faut qu'on puisse faire valoir sa cause en public quelque part, et il faut que la décision vienne d'une personne qui a des comptes à rendre.

J'ai commencé à m'intéresser de très près à toute cette affaire et j'ai demandé à voir la copie d'une lettre de révocation. Eh bien, la situation est pire encore. La lettre est signée ainsi : « Sincèrement vôtre, D1816. »

Le sénateur Campbell : Je changerais de nom.

La sénatrice McCoy : « Analyste principal, Direction générale du règlement des cas, Citoyenneté et Immigration Canada. » Peut-on le croire? Le système est devenu anonyme à ce point.

Aucune audience n'est accordée. On dit aux gens qu'on ne peut l'accorder que selon deux critères : premièrement, on ne croit pas la personne, dont la crédibilité est remise en question; deuxièmement, la personne est incapable d'envoyer des observations écrites.

C'est ridicule, c'est mal et c'est condamnable. Voilà le problème que l'amendement vise à régler. Il s'agit d'accorder des recours normaux aux gens.

La plupart des Canadiens immigrants n'habitent pas près d'Ottawa. Pourtant, ce fonctionnaire anonyme, D1816, dans un bureau quelconque à six rues d'ici, renvoie des gens dans un pays qu'ils n'ont pas vu depuis 30 ans, avec leurs enfants, leurs enfants adultes et leurs petits-enfants qui sont nés au Canada. Voilà ce qui cloche dans le projet de loi.

Il y a d'autres problèmes. Cet amendement ne réglera pas tout, mais il est très utile.

Motion d'amendement

L'honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, je suis fière d'intervenir et je propose :

Que le projet de loi C-6 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié...

Comme l'amendement est long, je fais appel à votre patience. Puis-je m'interrompre au milieu de la lecture pour faire un commentaire, Votre Honneur?

Son Honneur le Président : Non, je pense que vous devriez le lire en entier, s'il vous plaît.

La sénatrice McCoy : Merci.

Que le projet de loi C-6 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 3, à la page 4, par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit :

« 3 (1) Le paragraphe 10(2) de la même loi est abrogé.

(2) Le paragraphe 10(3) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(3) Avant de révoquer la citoyenneté d'une personne ou sa répudiation, le ministre lui envoie un avis écrit dans lequel :

a) il l'informe qu'elle peut présenter des observations écrites;

b) il précise les modalités de présentation des observations;

c) il expose les motifs et les justifications, notamment les éléments de preuve, sur lesquels il fonde sa décision;

d) il l'informe qu'elle peut demander que l'affaire soit renvoyée à la Cour.

(3.1) Dans les soixante jours suivant la réception de l'avis, la personne peut :

a) présenter des observations écrites sur ce dont il est question dans l'avis, notamment toute considération d'ordre humanitaire — tel l'intérêt supérieur d'un enfant directement touché — justifiant, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales ainsi que le fait que la décision la rendrait apatride, le cas échéant;

b) demander que l'affaire soit renvoyée à la Cour.

(3.2) Le ministre tient compte de toute observation reçue au titre de l'alinéa (3.1)a) avant de rendre sa décision.

(3) La même loi est modifiée par adjonction, après le paragraphe 10(4), de ce qui suit :

(4.1) Si la personne a présenté des observations écrites en vertu de l'alinéa (3.1)a) et a demandé que l'affaire soit renvoyée à la Cour en vertu de l'alinéa (3.1)b), le ministre renvoie l'affaire à la Cour au titre du paragraphe 10.1(1) sauf s'il est convaincu que :

a) soit, selon la prépondérance des probabilités, l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci n'est pas intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels;

b) soit des considérations d'ordre humanitaire justifient, vu les autres circonstances de l'affaire, la prise de mesures spéciales.

(4) La même loi est modifiée par adjonction, après le paragraphe 10(5), de ce qui suit :

(5.1) L'avis visé au paragraphe (3) ou la décision visée au paragraphe (5) est signifié à personne. Si pareille signification est en pratique impossible, le ministre peut demander à la Cour de rendre une ordonnance autorisant la signification substitutive ou dispensant de la signification.

(5.2) La décision du ministre de révoquer la citoyenneté d'une personne ou sa répudiation est définitive et n'est pas susceptible de contrôle judiciaire sous le régime de la présente loi ou la Loi sur les Cours fédérales. »;

b) à l'article 4, à la page 4 :

(i) par substitution, à la ligne 2, de ce qui suit :

« 4 (1) Le paragraphe 10.1(1) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

10.1 (1) Lorsqu'une personne présente une demande en vertu de l'alinéa 10(3.1)b), la citoyenneté de la personne ou sa répudiation ne peuvent être révoquées que si, à la demande du ministre, la Cour déclare, dans une action intentée par celui-ci, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

(2) Les paragraphes 10.1(2) et (3) de la même loi »,

(ii) par adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit :

« (3) Le paragraphe 10.1(4) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(4) Si le ministre demande une déclaration, il doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

(5) La Cour saisie d'une telle demande :

a) détermine si, selon la prépondérance des probabilités, les faits — actes ou omissions — qui sont allégués au soutien de la demande sont survenus, surviennent ou peuvent survenir;

b) n'est pas liée, à l'égard des éléments de preuve, par les règles juridiques ou techniques de présentation de la preuve et peut recevoir les éléments de preuve déjà traités dans le cadre de l'instance qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sa décision sur eux. »;

c) à la page 4, par adjonction, après la ligne 8, de ce qui suit :

« 5.1 Le paragraphe 10.5(1) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

10.5 (1) À la requête du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le ministre demande, dans l'acte introductif d'instance de l'action intentée en vertu du paragraphe 10.1(1) au motif que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté de la personne ou sa réintégration dans celle-ci est intervenue par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels liée à l'un ou l'autre des faits énoncés aux articles 34, 35 ou 37 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés sauf ceux énoncés aux alinéas 36(1)a) ou b) ou (2)a) ou b) de cette loi, que la personne soit déclarée interdite de territoire pour raison de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour criminalité organisée au titre, respectivement, du paragraphe 34(1), des alinéas 35(1)a) ou b) ou du paragraphe 37(1) de cette loi. »;

d) à la page 7,

(i) par adjonction, après la ligne 20, de ce qui suit :

« 19.1 La personne dont la citoyenneté ou sa répudiation a été révoquée en vertu du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté après la date de sanction de la présente loi mais avant la date d'entrée en vigueur des paragraphes 3(2) à (4) est réputée ne pas avoir vu sa citoyenneté révoquée. »,

(ii) par adjonction, après la ligne 25, de ce qui suit :

« 20.1 Si, à l'entrée en vigueur de l'article 4, un avis a été donné à une personne en application du paragraphe 10(3) de la Loi sur la citoyenneté sans que l'affaire ait été décidée définitivement avant cette entrée en vigueur, la personne peut, dans les trente jours suivant cette entrée en vigueur, demander que l'affaire se poursuive comme si l'avis avait été donné en application du paragraphe 10(3) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version édictée par le paragraphe 3(2). »;

e) à la page 8, par substitution, aux lignes 17 à 26, de ce qui suit :

« 25 Les sous-alinéas 40(1)d)(ii) et (iii) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés sont remplacés par ce qui suit :

(ii) soit au titre du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, dans le cas visé à l'article 10.2 de cette loi avant l'entrée en vigueur des alinéas 46(2)b) et c), dans leur version édictée par la Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence,

(iii) soit au titre du paragraphe 10.1(3) de la Loi sur la citoyenneté, dans le cas visé à l'article 10.2 de cette loi avant l'entrée en vigueur des alinéas 46(2)b) et c), dans leur version édictée par la Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence.

26 Les alinéas 46(2)b) et c) de la même loi sont remplacés par ce qui suit :

b) soit au titre du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté;

c) soit au titre du paragraphe 10.1(3) de la Loi sur la citoyenneté. »;

f) à l'article 27, à la page 9, par adjonction, après la ligne 6, de ce qui suit :

« (3.1) Les paragraphes 3(2) à (4), les paragraphes 4(1) et (3) et l'article 5.1 entrent en vigueur un an après la date de sanction de la présente loi ou, dans cet intervalle, à la date ou aux dates fixées par décret. ».

(1430)

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : La sénatrice McCoy accepterait-elle de répondre à une question?

Son Honneur le Président : Le temps de parole de la sénatrice McCoy est écoulé. Elle devra demander plus de temps.

Sénatrice McCoy, demandez-vous plus de temps pour répondre à une question?

La sénatrice McCoy : Je serai enchantée de répondre si mes collègues veulent bien m'accorder le temps nécessaire.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Martin : Sénatrice, je vous remercie de ce tout nouveau projet de loi. Cela fait beaucoup à digérer. Je vais sûrement devoir tout lire avec beaucoup d'attention.

Je ne sais pas si vous pourrez répondre à toutes les questions. Vous avez bien dit que ce sont là des amendements que vous appuyez.

La première question, sénatrice, est la suivante : savez-vous si cela a été discuté en tout ou en partie au comité?

Le ministre a comparu devant le comité. J'essayais de voir où exactement s'insèrent vos modifications, si vous voulez abroger un article, mais nous avons là de toutes nouvelles dispositions. Je me demande si cela s'inscrit dans la portée du projet de loi.

Comment pouvez-vous justifier de telles modifications à ce stade de la troisième lecture? L'amendement n'aurait-il pas dû faire l'objet d'une étude complète au comité?

Il me semble injuste de demander au Sénat d'examiner ces amendements très complexes. Pouvez-vous nous donner des explications complémentaires sur la façon dont cela s'inscrit dans la portée du projet de loi actuel? Qu'est-ce que le ministre a dit de cela au comité?

Son Honneur le Président : Sénatrice McCoy, avant que vous puissiez répondre, le Sénat doit être officiellement saisi de l'amendement.

En amendement, l'honorable sénatrice McCoy propose, appuyée par l'honorable sénatrice Ringuette, que le projet de loi C-6 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois, mais qu'il soit modifié... Puis-je me dispenser de lire la suite?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Sénatrice McCoy.

La sénatrice McCoy : Vous connaissez le sens original des expressions « première lecture », « deuxième lecture », et cetera. Dans le temps, le texte était lu intégralement. Heureusement que ce n'est plus le cas, n'est-ce pas?

Pour répondre à votre question, je dirais que cet amendement a fait l'objet de discussions pendant près d'un an avec différentes personnes devant différentes tribunes, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a une chose dont nous nous sommes beaucoup souciés : comme il assez volumineux, nous voulions faire preuve de transparence et de collaboration.

Je sais que la sénatrice Omidvar a transmis une copie de cet amendement aux membres de votre caucus il y a trois jours, et particulièrement à votre porte-parole, la sénatrice Linda Frum. Nous l'avons également communiqué aux membres du caucus libéral. Bien sûr, nous avons aussi envoyé l'amendement au cabinet du ministre.

Ces sujets ont-ils été abordés? Oui, et plus d'une fois.

Le ministre a confirmé qu'il n'avait rien à voir avec ces révocations. Je lui ai posé la question au comité. Il a dit qu'il ne voit jamais les révocations.

Ce que le fonctionnaire a dit, si je me souviens bien, ne concernait pas l'audience. Les fonctionnaires ont été très prudents dans leur réponse à la question ayant trait au processus qu'ils utilisent. Ils ne nous ont pas, par exemple, dit que c'est le D1816 qui envoie la lettre de révocation. Ils ont dit que le décideur, comme ils appellent cette personne... Il s'avère qu'il y a cinq décideurs et que c'est un titre qu'on voit sur leur organigramme. Tous sont logés rue Slater dans de petits réduits, je suppose. Le décideur divulgue le contenu de la preuve à la personne à qui l'avis de révocation est envoyé.

(1440)

Nous avons découvert plus tard que c'est simplement la preuve sur laquelle ledit décideur s'est fondé. Il ne s'agit pas de tous les éléments de preuve qu'il a en sa possession. Même là, il y a un manque de transparence dans le processus.

J'ai cependant été très satisfaite. C'est la raison pour laquelle j'aurais davantage confiance si c'était le ministre qui prenait ces décisions, parce qu'il est lui-même nouveau dans son poste. Il a tout de suite dit : « Si un sénateur a des suggestions quant à la façon d'améliorer notre processus interne, je serai très heureux de les entendre. » Nous espérons donc que quelques sénateurs prendront la peine de communiquer quelques suggestions au ministre sur les instructions qu'il devrait donner à ses fonctionnaires afin d'améliorer le processus et d'assurer aux gens un minimum de justice naturelle et de procédure équitable dans un domaine aussi important que la révocation de la citoyenneté.

Son Honneur le Président : Sénatrice Martin, le temps de parole de la sénatrice McCoy est encore une fois écoulé. Si vous avez d'autres questions à poser, il faudrait qu'elle demande plus de temps.

La sénatrice McCoy : Y a-t-il d'autres questions?

Son Honneur le Président : S'il n'y en a pas, nous allons poursuivre le débat. Le sénateur Pratte a la parole.

L'honorable André Pratte : Je prends la parole pour exprimer mon appui à l'amendement au projet de loi C-6 proposé par la sénatrice McCoy.

Avant d'examiner l'amendement, je voudrais juste dire quelques mots du projet de loi lui-même afin de situer le contexte. Comme je l'ai dit dans mon discours à l'étape de la deuxième lecture — qui est bien entendu gravé dans votre mémoire —, j'appuie le projet de loi C-6 parce qu'il rétablit un certain nombre de mesures qui reflètent la tradition canadienne d'accueil des immigrants, tradition qui avait été plus ou moins compromise par le projet de loi C-24, lors de son adoption sous le gouvernement précédent.

[Français]

Le projet de loi C-24 a fait en sorte que les Canadiens détenant une double citoyenneté et trouvés coupables de terrorisme, de trahison ou d'espionnage puissent être déchus de leur citoyenneté canadienne pour être traités comme des étrangers. Le gouvernement de l'époque estimait que cette peine était justifiée, compte tenu de la gravité du crime commis. Il jugeait que cela permettrait d'assurer la sécurité des Canadiens. J'étais, et je suis encore, en complet désaccord avec cette thèse. Les Canadiens ainsi déchus de leur citoyenneté seront expulsés vers le pays de leur autre citoyenneté. S'il s'agit d'un État failli, nous perdrons rapidement leur trace. Peut-être qu'ils s'impliqueront dans un groupe terroriste ou qu'ils attaqueront des travailleurs ou des touristes canadiens. Une chose est sûre, nous aurons beaucoup moins de moyens de nous protéger d'eux que nous n'en avions auparavant.

Le projet de loi C-24 a ajouté l'obligation, pour les futurs citoyens canadiens, de déclarer leur intention de continuer à résider au Canada s'ils obtiennent leur citoyenneté. L'effet pratique de cette obligation n'est toujours pas clair. Si un citoyen canadien est transféré à l'étranger par son employeur, peut-il être déchu de sa citoyenneté pour déclaration frauduleuse? Les réponses du précédent gouvernement à ce sujet ont toujours été confuses, c'est le moins que l'on puisse dire. Cette nouvelle exigence a, par conséquent, entraîné beaucoup de confusion parmi les futurs citoyens, qui ont eu l'impression qu'ils perdaient leur droit à la liberté de circulation, un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.

On a dit que cette mesure découragerait la citoyenneté de complaisance. Selon les plus récentes statistiques du gouvernement, durant toute l'année 2016, 87 personnes ont vu leur citoyenneté révoquée pour avoir falsifié ou simulé leur résidence au Canada. Durant la même année, plus de 147 000 personnes ont obtenu leur citoyenneté canadienne. On voit donc que les fraudeurs sont restés une infime minorité. Est-il sage de priver des milliers de nouveaux Canadiens de leur liberté de mouvement ou, du moins, de le leur faire craindre, sous prétexte que quelques dizaines de personnes, au maximum, auraient fraudé le système?

Il existe bien d'autres moyens d'empêcher la fraude que de priver les nouveaux citoyens de leurs droits fondamentaux. Ces moyens, l'État canadien les a déjà pris. Le projet de loi C-24 comprenait plusieurs mesures, qu'il faut mettre au crédit du gouvernement précédent et que le gouvernement actuel a décidé de conserver. On peut penser, par exemple, à la réglementation des consultants en matière de citoyenneté, à l'augmentation des peines dans les cas d'infraction à la loi, à la nouvelle définition du critère de résidence et, bien sûr, à la prise de décision de la révocation de citoyenneté au niveau ministériel plutôt qu'à celui du gouverneur en conseil. Ces mesures ont déjà entraîné une hausse importante du nombre de révocations, qui est passé de 10 cas, en 2014, à une centaine de cas l'an dernier.

[Traduction]

Le problème, c'est que le projet de loi C-24, tout en conférant au ministre le nouveau pouvoir de révocation de la citoyenneté, n'accordait presque aucun recours aux citoyens. Le seul droit qui leur reste est de présenter des instances écrites au fonctionnaire qui a pris la décision initiale. Si le fonctionnaire maintient sa propre décision, tout est fini. Il n'y a pas de processus d'appel. La seule option, pour l'ex-citoyen, est de demander à la Cour fédérale de faire un contrôle judiciaire. Le sort d'une telle demande est très incertain. Même si la Cour fédérale accepte d'examiner l'affaire, l'avocat de l'intéressé doit prouver non qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a pris une mauvaise décision, mais que sa décision était déraisonnable. Cela n'est pas facile à prouver.

Au cours du débat de deuxième lecture, j'ai déploré, comme un certain nombre d'autres sénateurs, le fait que le projet de loi C-6 ne corrige pas cette importante lacune de la loi actuelle puisqu'il ne propose pas la mise en place d'un vrai processus d'appel pour ceux dont la citoyenneté est révoquée. C'est un défaut que le gouvernement lui-même a essayé en vain de corriger à l'autre endroit.

Au Comité des affaires sociales, de nombreux témoins ont évoqué ce problème. Mme Barbara Caruso, vice-présidente de la Section du droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien, a dit ce qui suit :

Si vous recevez une contravention pour stationnement interdit, vous avez droit à une audience, mais un citoyen sur le point de perdre sa citoyenneté n'y a pas droit. C'est absurde.

Ce processus n'est pas équitable, surtout dans le cas d'une décision dont les conséquences sont aussi graves que la perte de la citoyenneté. Les personnes touchées doivent avoir la possibilité de se faire entendre. Elles doivent avoir accès à toute l'information que le gouvernement possède à leur sujet. Elles doivent pouvoir compter sur un organisme neutre et indépendant. C'est une simple question de justice et d'application régulière de la loi.

Il est intéressant de comparer le processus prévu pour les citoyens à celui qui s'applique aux résidents permanents qu'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada soupçonne d'avoir menti ou d'avoir fait de fausses déclarations pour obtenir leur statut. Les résidents permanents sont d'abord avertis qu'ils font l'objet d'une enquête. Ils peuvent alors essayer de convaincre les autorités que les soupçons ne sont pas fondés. S'ils n'y parviennent pas, une audience a lieu devant la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. S'ils sont déboutés à cette première étape, ceux qui risquent de perdre leur statut peuvent faire appel devant la Section d'appel, et obtiennent alors une seconde audience.

Par conséquent, les résidents permanents ont trois occasions de présenter leurs arguments, dont deux consistent en audiences devant un tribunal administratif indépendant.

Toutefois, en vertu de l'actuelle Loi sur la citoyenneté, les Canadiens menacés de perdre leur citoyenneté ne peuvent que présenter des instances écrites au fonctionnaire qui a pris la décision initiale. Ils n'ont même pas le droit de voir le dossier complet que détient Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada à leur sujet.

L'amendement présenté par la sénatrice McCoy est destiné à remédier à cette sérieuse lacune du projet de loi C-6. Grâce à l'amendement, tout le processus de révocation sera plus équitable que celui qui s'applique actuellement.

Par exemple, lorsque les fonctionnaires qui envisagent de révoquer la citoyenneté d'une personne l'en avertissent par écrit, ils ont l'obligation juridique de lui faire remettre la lettre en personne. Ils n'auront plus la possibilité d'envoyer tout simplement la lettre à la dernière adresse connue, comme c'est le cas aujourd'hui. La nouvelle exigence permettra de s'assurer que les Canadiens ne perdront pas leur citoyenneté sans même le savoir parce qu'ils se trouvent à l'étranger, par exemple, au moment où Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada leur envoie la lettre.

Ce n'est pas un exemple hypothétique. Cela s'est réellement produit.

Fait encore plus important, avec cet amendement, la Loi sur la citoyenneté imposera au ministère de tenir compte des considérations d'ordre humanitaire lors de l'évaluation du dossier du citoyen. À l'heure actuelle, rien dans la loi, les règlements et les lignes directrices n'indique aux fonctionnaires qu'ils ont à prendre en compte de telles considérations. Si l'amendement est adopté, ces considérations — comme l'intérêt des enfants touchés par la situation — seront inscrites dans la loi.

(1450)

Après avoir reçu la lettre, le citoyen peut décider de faire valoir ses arguments directement auprès du ministère ou demander le renvoi du dossier à la Cour fédérale.

Si le citoyen choisit la deuxième voie, la citoyenneté ne peut pas être révoquée avant que le ministre n'intente une action à la Cour fédérale pour tenter de prouver qu'il y a eu fausse représentation de la part du citoyen. Il ne s'agit pas de l'exercice d'un droit d'appel du citoyen, mais bien d'un nouveau procès où de nouvelles preuves peuvent être déposées. C'est certainement beaucoup mieux que la situation actuelle, où le seul recours du citoyen consiste à demander un examen judiciaire du dossier et où, comme je viens de l'expliquer, les chances d'obtenir une audience puis de gagner la cause ne sont pas très bonnes.

Grâce à ces nouvelles règles, le citoyen est certain de pouvoir être entendu par un juge de la Cour fédérale. Il peut avoir accès au dossier entier qu'Immigration Canada détient à son sujet. Il est en mesure de savoir si certains facteurs susceptibles de le disculper ont été ignorés par les fonctionnaires et il peut s'en servir pour sa défense. Dans un procès, c'est le ministre qui a le fardeau de la preuve. Il doit démontrer que la personne a obtenu sa citoyenneté par la fausse représentation ou la fraude.

Honorables sénateurs, en somme, nous voyons que l'amendement qui nous est soumis par la sénatrice McCoy rétablit les règles de procédure équitables dans les cas de révocation de la citoyenneté, règles qui ont été complètement éliminées lorsque le projet de loi C-24 a été adopté.

Certains se demanderont pourquoi nous devons accorder des privilèges aux personnes qui trichent et abusent du système. Je leur répondrai que ce ne sont pas des privilège, mais des droits fondamentaux. La révocation de la citoyenneté étant une peine extrêmement sévère, elle ne peut être appliquée qu'au terme d'une procédure sans faille sur les plans juridique et humain.

Certains ont justifié le système instauré par le projet de loi C-24 en affirmant que la citoyenneté canadienne est un privilège et non un droit. Lors de son témoignage devant le comité des affaires sociales, Mme Audrey Macklin, professeure de droit à l'Université de Toronto, a établi une distinction entre un droit et un privilège dans la langue courante et en droit. À mes yeux, cette distinction est cruciale. Permettez-moi de citer Mme Macklin :

Beaucoup de gens disent que la citoyenneté est un privilège plutôt qu'un droit. À mon avis, les gens entendent par là qu'ils se sentent privilégiés d'être citoyens canadiens. [...] mais en droit, un privilège, c'est vraiment autre chose.

En droit, un privilège est l'octroi d'un avantage discrétionnaire à une personne. Le privilège appartient non à la personne qui le détient, mais à l'autorité qui le confère. De ce fait, il peut être retiré. Lorsque nous disons que la citoyenneté est un privilège et non un droit, nous entendons par là qu'elle appartient au gouvernement, et que celui-ci peut octroyer et retirer la citoyenneté à son gré. Je ne suis pas sûre que nous soyons disposés à accepter ce concept.

En droit, la citoyenneté est un droit. Une fois qu'on l'a obtenu, on le garde.

C'est ce qui est en jeu dans le cas présent. En droit, la citoyenneté canadienne, qu'elle ait été obtenue à la naissance ou acquise plus tard dans la vie, est un droit qui appartient au citoyen et non à l'État. Si ce n'était pas le cas, imaginez une société dans laquelle un fonctionnaire anonyme pourrait révoquer la citoyenneté de n'importe quel citoyen d'un trait de plume, en se fondant simplement sur des soupçons, et sans aucune possibilité d'appel.

Voilà pourquoi on ne peut permettre à l'État de révoquer la citoyenneté sans présumer que les citoyen, ont agi de bonne foi et qu'ils ont le droit d'être entendus et d'interjeter appel de la décision devant un tribunal impartial et indépendant. C'est tout simplement la façon juste et appropriée de faire les choses. C'est la façon canadienne de faire les choses. N'est-ce pas?

Honorables sénateurs, c'est la façon de faire propre au Canada qui est en cause dans le projet de loi C-6. Certes, il fallait faire des rajustements dans la Loi sur la citoyenneté. Reconnaissons au gouvernement du premier ministre Harper le mérite d'avoir apporté ces modifications. Globalement, néanmoins, la politique que le Canada a toujours appliquée en la matière nous a bien servis, faisant de millions de nouveaux arrivants des citoyens à part entière qui ont apporté une immense contribution à l'édification du pays qui est aujourd'hui le nôtre.

Le projet de loi C-6, amendé conformément à la proposition de la sénatrice McCoy, permettra de renouer avec cette tradition généreuse et juste, une tradition qui a toujours été et sera toujours un trait distinctif du Canada.

Son Honneur le Président : Monsieur le sénateur Pratte, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Pratte : Oui.

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorable sénateur Pratte, merci de votre intervention.

Je suis curieux de savoir ceci : y a-t-il des circonstances dans lesquelles il y aurait lieu de révoquer la citoyenneté, selon vous? Quelles sont-elles?

Le sénateur Pratte : Comme le projet de loi et l'amendement le prévoient, si elle a été obtenue de façon frauduleuse ou sur la foi de mensonges, la citoyenneté peut être révoquée, et le projet de loi n'y change rien. Tout ce que le projet de loi prévoit, c'est que, s'il est accusé par le gouvernement, par un fonctionnaire, d'avoir obtenu sa citoyenneté de façon frauduleuse, par simulation ou par des mensonges, le citoyen a un droit d'appel, ce qui n'existe pas pour l'instant. Le droit d'appel est un simple droit fondamental dans tout processus judiciaire.

Son Honneur le Président : La sénatrice a la parole pour la suite du débat.

L'honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, avant de parler de l'amendement, je voudrais revenir brièvement sur le débat d'hier. Je tiens à remercier tout le monde d'avoir participé à ce qui a été à mes yeux un débat dynamique, stimulant et toujours respectueux. Je suis désolée que mes plaisanteries soient tombées à plat. La prochaine fois, je reviendrai à la poésie. J'espère que cela marchera mieux.

J'ajouterai que nous pouvons être en désaccord sur bien des points, mais je sais que nous nous entendons sur un sentiment très important, fondamental, qui nous unit : nous aimons tous le Canada et nous voulons tous travailler ensemble afin de le rendre meilleur. Je comprends vraiment cela.

Il va sans dire que je tiens à appuyer sans réserve aucune l'amendement proposé par ma collègue, la sénatrice McCoy, car il corrige une grave lacune sur le plan de l'équité du processus pour les citoyens qui se seraient rendus coupables de fraude ou de fausses déclarations dans leur demande.

Il a fallu des mois de travail pour parvenir à cet amendement, et je m'en voudrais de ne pas saluer l'apport de Lorne Waldman et de Josh Patterson, de la British Columbia Civil Liberties Association, qui m'ont épaulée tout au long de cette démarche. Je m'en voudrais aussi de ne pas souligner toutes les longues heures de travail de Suzie Seo, du Bureau du légiste. Elle a travaillé pendant le week-end dernier pour que nous en arrivions à ce résultat. Merci à elle également.

Comme je l'ai dit hier, le projet de loi C-6 est bon, mais il n'est pas parfait. L'ancien ministre de l'Immigration, M. John McCallum, a déclaré publiquement qu'il accueillerait volontiers des amendements au projet de loi C-6 qui corrigeraient, en matière de révocation de la citoyenneté, cette lacune sur le plan de l'équité et de la procédure. Dans l'état actuel des choses, honorables sénateurs, je dirai que mes droits seraient mieux respectés si je recevais une contravention pour stationnement illégal à Toronto que si, à Ottawa, on voulait révoquer ma citoyenneté.

Je l'ai dit hier : la citoyenneté est le fondement de tous les droits. Dès le début, le projet de loi C-6 comportait une lacune et je me demande si ce n'est pas à cause de la hâte avec laquelle il a été élaboré pour donner suite à une promesse phare du gouvernement, celle d'abroger des éléments du projet de loi C-24. Quoi qu'il en soit, je suis heureuse d'avoir contribué à l'élaboration de cet amendement. Je l'ai communiqué préalablement à des députés et à divers sénateurs de tous les caucus et à des groupes qui s'intéressent à la question et maintenant, nous avons tous le texte sous les yeux.

Comme le sénateur Pratte l'a dit, la question ne concerne pas les motifs de révocation, qui sont toujours la fraude et les fausses déclarations. Ces motifs figurent à juste titre dans la Loi sur la citoyenneté depuis 1947, sénateur MacDonald. Nous sommes toujours en mesure de révoquer la citoyenneté de quiconque a déformé les faits dans sa demande. Le problème, c'est plutôt une révocation de la citoyenneté qui ne respecte pas l'équité procédurale.

Ce n'est que justice, selon moi, que les Canadiens naturalisés puissent perdre leur citoyenneté parce qu'ils se sont rendus coupables de fraude ou de fausses déclarations, mais il est condamnable que, seuls, ils puissent faire l'objet de décisions de l'exécutif, comme celles décrites par la sénatrice McCoy, sans que soient respectées les garanties de justice fondamentale prévues dans la Charte.

(1500)

Il y a trois modèles de révocation que je devais comprendre pour en arriver à l'étude de l'amendement d'aujourd'hui. Je me représente ces trois modèles comme le balancement d'un pendule : trop loin d'un côté et trop loin de l'autre. Nous proposons le modèle qui se situe à mi-chemin entre les deux parce qu'il nous ramène au centre et assure l'équilibre entre l'application régulière de la loi et le souci d'agir rapidement. C'est un modèle rapide et juste.

Commençons par le premier modèle, celui d'avant 2015, qui se situe à l'un des deux extrêmes. Le processus de révocation pour fraude et fausse déclaration était long, mais il était juste. Il comportait trois étapes. Il faisait intervenir d'abord le ministre, puis la Cour fédérale et enfin le gouverneur en conseil.

Avec raison, le gouvernement précédent a décidé de modifier le processus pour éliminer les longs délais inhérents à ces trois étapes, mais, ce faisant, il a compromis, à tort, l'équité de la procédure.

Nous voici avec le modèle en place, à l'autre extrême. Le processus se résume à une seule étape. Le ministre et la personne qu'il délègue sont le seul élément institutionnel qui intervient. Un délégué du ministre de l'Immigration peut révoquer la citoyenneté de citoyens canadiens. La sénatrice McCoy a expliqué jusqu'où cette délégation pouvait aller, et le citoyen visé n'a pas le droit de se faire entendre ni celui de connaître les faits qui sont retenus contre lui.

C'est grave. C'est grave parce que la révocation de la citoyenneté est une affaire grave, et d'autant plus grave que le gouvernement révoque la citoyenneté plus souvent que jamais par le passé. Je ne parle pas que du gouvernement précédent; je parle aussi du gouvernement actuel. Les sénateurs McCoy et Pratte ont donné des chiffres. L'an dernier, j'ai demandé au ministre alors en poste de suspendre les révocations jusqu'à l'adoption du projet de loi C-6. J'ai essuyé un refus.

Qu'on me permette de contextualiser l'enjeu. Voici l'exemple d'une jeune femme, une ressortissante égyptienne. Elle est devenue canadienne à l'âge de 8 ans. Parce qu'elle était mineure, sa demande de citoyenneté a été étudiée sous le nom de sa mère. En septembre 2015, lorsqu'elle a atteint l'âge de 18 ans et est devenue majeure, les autorités de l'immigration ont avisé ses parents de leur intention de révoquer sa citoyenneté et celle de sa famille à cause de fausses déclarations. Mme B. n'a jamais reçu ces documents, et ses parents ne l'ont jamais informée de l'avis qu'ils avaient reçu. Bien qu'elle ait été adulte, ses parents ont fait des déclarations en son nom à CIC, sans l'en informer, et sa citoyenneté a été révoquée en décembre 2015. Elle ne l'a appris qu'un an plus tard, en 2016.

Au bout du compte, parce que les documents ne lui avaient pas été remis en personne, le ministre a retiré la révocation et il a émis un nouvel avis, la prévenant de son intention de révoquer sa citoyenneté en mars 2016. Mme B. étudie dans une université canadienne et, depuis l'âge de 8 ans, elle s'est toujours considérée comme Canadienne d'abord et avant tout. J'avais 31 ans lorsque je suis arrivée, mais cette femme est venue au Canada à l'âge de 8 ans. Elle n'a jamais vécu en Égypte et elle n'en parle pas la langue d'usage. Elle n'a jamais fait de fausses déclarations, mais voilà qu'elle risque de perdre sa citoyenneté canadienne parce que, selon les allégations, ses parents auraient fait de fausses déclarations. Comme les sénateurs Pratte et McCoy l'ont expliqué, elle n'a droit à aucun des recours qui existent dans une procédure équitable.

Nous avons interrogé le ministère, nous avons interrogé le ministre, au comité, au sujet des garanties en place pour prévenir l'application injuste de ce processus administratif. On nous a répondu que ces garanties existaient. L'une d'elles est l'audience. N'étant pas juriste, je m'imagine l'audience comme un processus très officiel, avec un pupitre et trois personnes en face d'une autre. En fait, cette audience se résume à une rencontre avec le fonctionnaire D122 qui a signé la lettre.

Donc, la citoyenneté de 235 personnes a été révoquée. La lettre envoyée aux personnes visées précise qu'elles ont droit à une audience. J'ai donc demandé combien de citoyens dont la citoyenneté a été révoquée ou qui ont reçu cette lettre ont eu une audience, en réalité. Voulez-vous essayer de deviner, chers collègues? Aucun. Le 1er mars, le ministre a déclaré au Comité des affaires sociales que son ministère tient à l'équité procédurale. C'est justement ce que l'amendement veut apporter.

Voilà qui m'amène à notre amendement, une formule équilibrée, rapide mais juste. Les caractéristiques que je vais vous décrire ne sont pas de vains détails. Ce sont les éléments essentiels de l'application régulière de la loi. Premièrement, la personne se fera signifier personnellement la révocation, lorsque c'est raisonnablement faisable. Lorsqu'on ne peut la trouver parce qu'elle a déménagé et que personne ne sait où elle se trouve, la révocation sera signifiée indirectement, par exemple par l'entremise de la mère, du meilleur ami ou encore d'une autre personne qui peut recevoir la signification indirecte. Si on ne peut toujours pas trouver la personne, le ministre peut demander une dispense au tribunal et révoquer la citoyenneté.

Deuxièmement, l'avis remis au citoyen doit donner une information claire et le renseigner sur ses droits. Il doit donner les précisions suivantes : d'abord le droit de présenter des observations écrites; deuxièmement, la forme et les modalités à respecter pour présenter les observations; troisièmement, les motifs et les raisons de la décision, y compris les renvois à tout document sur lequel le ministre s'appuie pour prendre sa décision; enfin, le droit de demander à s'adresser à la Cour fédérale sans permission.

La personne a 60 jours pour répondre par écrit et présenter des observations à sa défense, y compris les motifs d'ordre humanitaire, comme dans le cas de Mme B., dont j'ai parlé. Le ministre doit obligatoirement les prendre en considération. La réglementation actuelle indique plutôt que le ministre « peut » les prendre en considération. Si la personne choisit de ne pas répondre dans les 60 jours, elle n'a plus aucun recours. Si on ne se prévaut pas de ce droit, on le perd, mais le citoyen peut décider de répondre dans les 60 jours et faire appel à la justice.

À ce stade, le ministre peut décider qu'il ne veut plus s'adresser aux tribunaux : « L'affaire est simple, j'ai de nouveaux renseignements et je vais rendre ma décision en fonction de l'intérêt supérieur de l'enfant ou de motifs d'ordre humanitaire, ou encore constater que la fraude alléguée n'a pas eu lieu. » Il peut décider de laisser tomber l'affaire. Ces dossiers peuvent être fermés rapidement et efficacement.

Par contre, si le ministre croit toujours qu'il y a eu fraude ou n'est pas convaincu qu'elle n'a pas eu lieu, il renvoie l'affaire devant les tribunaux. Aucune permission n'est nécessaire. Il n'y a aucune latitude. C'est l'application régulière de la loi.

À la Section de première instance de la Cour fédérale, le citoyen a un procès. Tous les faits sont communiqués et il est possible de présenter de nouveaux éléments de preuve. Il incombe au ministre et au ministère de prouver qu'il y a eu fraude selon la prépondérance des probabilités, après quoi la Cour fédérale décide si la citoyenneté est révoquée ou non.

Une fois la décision de la Cour fédérale rendue, il existe un droit limité d'appel auprès de la Cour fédérale d'appel. Comme le sénateur Pratte l'a signalé, le droit d'interjeter appel n'est accordé que s'il subsiste une question grave d'une importance générale.

Je veux faire bien comprendre qu'il y a ici deux droits. D'abord, le droit de s'adresser à la Cour fédérale et, dans un nouveau procès, le droit à la pleine divulgation de la preuve. Honorables sénateurs, il ne s'agit pas là de faire un cadeau. Ce ne sont pas des détails frivoles. C'est l'essence même du droit : le droit à un procès avec pleine divulgation des faits, la justice procédurale, l'équité et la justice naturelle, le droit de se faire entendre par un tribunal, de connaître les faits retenus contre soi. Offrir moins que cela serait faire affront à tous les citoyens.

(1510)

Voilà ce que je nous demande, honorables sénateurs. Cet amendement corrige une grave injustice qui est faite aux Canadiens. Il assure l'application normale de la loi là où elle n'est pas assurée. Cet amendement, dans l'ensemble, normalise la situation. J'ai hâte de renvoyer le projet de loi à l'autre endroit avec votre appui. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : Accepteriez-vous de répondre à une question, madame la sénatrice Omidvar?

La sénatrice Omidvar : Toujours.

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Merci, Votre Honneur. Je ne suis pas contre l'amendement, mais je me pose une énorme question. Lorsque nous avons interrogé directement le ministre à ce sujet, il n'a pris aucun engagement et il ne nous a donné aucune raison. Je suis donc un peu nerveuse et je me demande s'il y a quelque autre raison que nous ignorons pour laquelle le ministre ne s'occupe pas de cette question et n'a rien prévu dans le projet de loi. Je ne veux pas m'aventurer dans des questions de sécurité ou autre chose. Je comprends assurément ce qui vous préoccupe.

Ce sera une démarche très coûteuse pour le plaideur. Peu de gens auront l'argent nécessaire pour s'adresser à la Cour fédérale, par exemple, et il n'y aura pas beaucoup de juges qui auront l'expérience voulue pour présider le procès et rendre des décisions.

Son Honneur le Président : Madame la sénatrice Omidvar, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous un peu plus de temps pour pouvoir répondre à la question?

La sénatrice Omidvar : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Stewart Olsen : Je vous serais reconnaissante de bien vouloir m'éclairer.

La sénatrice Omidvar : Madame la sénatrice Stewart Olsen, vous étiez présente pendant les délibérations du comité. Je comprends donc ce qui vous préoccupe.

Pour répondre à la première question, je dirai que le ministre a été évasif et moins disposé à parler que ne l'était le ministre McCallum en public. Je n'ai pas d'observations à faire à ce sujet. Je ne peux que lire ce qu'il a dit. Il est très en faveur de l'équité procédurale et attend avec intérêt nos propositions. Mon interprétation de ses propos, c'est qu'il ne veut pas qu'on essaie de deviner ses intentions. Faisons notre travail, renvoyons-le à l'autre endroit et attendons la réponse.

La seconde question portait sur le coût. Est-ce que cela coûtera cher? Oui, les plaideurs auraient à débourser beaucoup d'argent. C'est une de nos préoccupations. Le coût approximatif pour s'adresser aux tribunaux serait de 20 000 $, ce qui est vraiment prohibitif. Je vais vous donner un exemple. Les gens sont furieux lorsqu'on leur enlève des droits fondamentaux. En ce moment, la British Columbia Civil Liberties Association, ou BCCLA, aide au moins 100 citoyens à contester la révocation de leur citoyenneté grâce à un autre mécanisme de recours. J'espère que ces renseignements vous sont utiles.

Son Honneur le Président : Sénateur Lang, avez-vous une question?

L'honorable Daniel Lang : Oui. Je crois que personne ne conteste la nécessité d'un mécanisme d'appel. Comme vous l'avez signalé, il y en a déjà un puisqu'une centaine de personnes y ont actuellement recours. Vous voudrez peut-être nous donner des précisions à ce sujet.

Voici ce qui m'inquiète. Il est notoire que les processus établis en vertu des lois sur l'immigration adoptées au fil des ans permettent à ceux qui en ont les moyens de retarder une décision définitive pendant des années et des années. Cette question a-t-elle été soulevée au cours du débat sur la structuration du projet de loi? Si on recourt au processus d'appel, y a-t-il un délai au terme duquel une décision doit être prise?

Deuxièmement, vous avez dit que le gouvernement s'est occupé de ce projet de loi. L'amendement a-t-il été rédigé par le ministère pour votre compte?

La sénatrice Omidvar : Merci, sénateur Lang. Cela fait beaucoup de questions. J'essaierai d'y répondre.

La première question concernait les procédures engagées par la BCCLA. Je crois que l'association n'interjette pas appel auprès de la Cour d'appel fédérale. Je ne suis pas avocate, mais je crois qu'elle conteste la décision en s'appuyant sur des facteurs constitutionnels, me dit ma collègue, ce qui est différent.

La deuxième question portait sur le délai.

Le sénateur Lang : Combien de temps peut durer cette procédure d'appel avant d'aboutir à une décision?

La sénatrice Omidvar : Je ne sais pas s'il y a une limite de temps. Je ne pense pas qu'on puisse fixer des délais à un tribunal. Je ne suis pas avocate. Je vais donc avoir à vous répondre plus tard.

Quant à la façon dont nous avons structuré l'amendement, je dirai que les personnes dont la citoyenneté a été révoquée ne s'adresseront pas toutes à un tribunal, comme je l'ai expliqué. Si on ne répond pas à l'avis, la citoyenneté est révoquée après certaines formalités. Les tribunaux n'interviennent pas.

Si l'intéressé décide de ne pas répondre au ministre dans les 60 jours en disant qu'il s'adressera aux tribunaux, ceux-ci n'interviennent pas. Nous avons tenu compte de certaines considérations d'échelle. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour qu'une affaire soit entendue. Là aussi, je vais devoir vous répondre plus tard. Vous aviez aussi une troisième question.

Le sénateur Lang : Est-ce le ministère qui a rédigé l'amendement?

La sénatrice Omidvar : Je suis heureuse de vous dire, sénateur Lang, que le ministère n'a pas rédigé cet amendement. Nous l'avons fait avec l'aide du bureau du légiste. Le sénateur Pratte m'a grandement aidée. C'est notre amendement.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

La Loi sur le tabacLa Loi sur la santé des non-fumeurs

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Petitclerc, appuyée par l'honorable sénatrice Lankin, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, il y a plus de 50 ans, la campagne de santé publique la plus fructueuse de l'histoire du Canada était lancée par la ministre fédérale de la Santé de l'époque, Judy LaMarsh. Le 17 juin 1963, elle a déclaré ce qui suit à l'autre endroit :

Il été démontré scientifiquement que l'habitude de fumer la cigarette contribue au cancer des poumons et peut aussi être cause de la bronchite chronique et de coronarite.

Dans un monde où le tabagisme était fermement ancré dans la culture et synonyme de plaisir, de relaxation et de loisir, le discours de la ministre a fait l'effet d'une bombe. Il marquait également le début de la fin du déni total, même au sein des sociétés productrices de tabac, quant à l'existence de preuves des risques liés à l'usage du tabac.

Fait à noter, le lendemain de l'admission faite par Judy LaMarsh à l'autre endroit quant à l'accumulation des preuves et à l'impossibilité de continuer à les nier, une des plus grandes multinationales du tabac annonçait qu'elle cessait la diffusion de ses publicités avant 21 heures, afin d'éviter que les enfants ne les voient.

Ainsi débutait, au Canada et ailleurs dans le monde, un demi-siècle d'efforts en vue d'enrayer le problème de santé publique que représente le tabagisme. À l'époque, 61 p. 100 des hommes et 38 p. 100 des femmes étaient des fumeurs, soit environ la moitié des Canadiens. Aujourd'hui, 13 p. 100 des Canadiens font usage du tabac.

La première loi qui visait à interdire les publicités de cigarettes est entrée en vigueur en 1989, avant d'être annulée par la Cour suprême du Canada en 1995. À l'heure actuelle, deux lois fédérales encadrent les produits du tabac et leur usage : la Loi sur le tabac, administrée par Santé Canada depuis 1997, et la Loi sur la santé des non-fumeurs, administrée par Emploi et Développement social Canada.

(1520)

En 2001, le gouvernement a adopté la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme. Elle était axée sur la prévention du tabagisme chez les enfants et les jeunes, l'encouragement à cesser de fumer et la prévention de la fumée secondaire. En 2005, le Canada a adhéré à la Convention-cadre pour la lutte antitabac de l'OMS.

Il est important aujourd'hui de garder ces événements à l'esprit tandis que nous essayons de comprendre le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d'autres lois en conséquence, qui a été déposé au Sénat. Le projet de loi S-5 vise essentiellement à modifier la Loi sur le tabac afin d'y ajouter les produits de vapotage et de les réglementer, à titre de catégorie distincte de produits, et de modifier en conséquence d'autres lois.

Le projet de loi S-5 a également pour but de resserrer la réglementation de certains produits du tabac. Nous devons maintenant nous interroger sur la façon de réglementer un nouveau produit tel que la cigarette électronique. Il y a en fait des points de vue divergents au Canada sur ce qu'il convient de faire dans ce cas : adopter des règlements, attendre d'autres données relativement à ce produit ou encore interdire carrément la cigarette électronique.

Pour commencer à penser au projet de loi S-5 dont nous sommes actuellement saisis, nous devons définir les grandes questions à affronter. Qu'est-ce que le vapotage et qu'est-ce que la cigarette électronique? Quelle est la prévalence de la cigarette électronique dans la population canadienne? Quelles données scientifiques a-t-on recueilli jusqu'ici sur le vapotage et l'innocuité des cigarettes électroniques? Quelle est l'expérience des autres pays? Pour quelles raisons devons-nous légiférer maintenant?

Honorables sénateurs, beaucoup d'entre nous ne connaissent ni la cigarette électronique ni le vapotage. Créée en 2003 par un pharmacien chinois et introduite pour la première fois aux États-Unis en 2007, la cigarette électronique fait partie d'une catégorie de produits appelés « inhalateurs électroniques de nicotine ». La cigarette électronique, dispositif à pile conçu pour ressembler à une cigarette ordinaire, permet de fournir à l'utilisateur, par inhalation, un aérosol contenant de la nicotine. Le dispositif le fait en chauffant une solution liquide composée de propylèneglycol comme porteur, avec ou sans glycérine, de nicotine et de toute une gamme d'autres additifs et saveurs. Les saveurs sont nombreuses : tabac, café, menthe, fruits, bonbons, alcools et même melon, maïs éclaté et gâteau au fromage parfumé à la cerise.

La teneur en nicotine n'est pas réglementée, et les utilisateurs peuvent modifier beaucoup des produits contenus dans le liquide et s'en servir aussi pour ajouter d'autres drogues telles que le cannabis.

Les cigarettes électroniques utilisées aujourd'hui témoignent d'importants progrès technologiques et sont constamment perfectionnées pour répondre à la demande du marché. Toutefois, il y a beaucoup de variantes dans la technologie de la cigarette électronique, ce qui donne lieu à différents mécanismes de chauffage et de conversion de la solution en aérosol. Dans tous les cas, les piles, rechargeables ou non, et les cartouches, réutilisables ou non, font partie de la technologie de la cigarette électronique. Certaines permettent de modifier la longueur et la fréquence des bouffées ainsi que le degré de chaleur.

La pénétration du marché a été rapide, avec une participation croissante des grandes multinationales de tabac. On dit que les chiffres d'affaires doublent chaque année aux États-Unis depuis 2008. Selon les estimations actuelles, le marché mondial des produits de vapotage atteindra 10 milliards de dollars cette année et devrait dépasser celui de la cigarette ordinaire au cours de la prochaine décennie.

Contrairement à la cigarette conventionnelle, la cigarette électronique est commercialisée à la télévision, sur Internet et dans les journaux comme produit plus sain pouvant remplacer le tabac et pouvant aider à cesser de fumer et à réduire le tabagisme. Toutefois, les données recueillies ne suffisent pas pour appuyer ces affirmations et sont très insuffisantes s'il s'agit d'évaluer le risque de ces produits à long terme.

Beaucoup de questions importantes restent sans réponse, notamment au sujet de la sécurité de la cigarette électronique pour l'utilisateur et les gens qui l'entourent, son efficacité pour réduire le préjudice et encourager les gens à cesser de fumer, son rôle parmi les jeunes comme produit de transition vers le tabac et ses effets globaux sur la santé publique.

Aujourd'hui, beaucoup de jeunes et d'adultes utilisent à la fois la cigarette ordinaire et la cigarette électronique. Les toxines auxquelles les utilisateurs sont exposés et leurs effets sur la santé n'ont pas encore été évalués dans ce contexte particulier. Je vais essayer de donner un aperçu concis des données recueillies sur ces grandes questions, en sachant que, lorsque le projet de loi S-5 sera étudié au comité, des témoins experts nous présenteront les données scientifiques qui nous guideront dans notre processus de décision législatif.

L'une des premières questions à se poser concerne l'étendue de ce nouveau phénomène de vapotage. Quelle est la prévalence de l'utilisation de la cigarette électronique?

Il est essentiel de comprendre l'utilisation de cette cigarette, surtout parmi les jeunes, parce que les recherches antérieures portent à croire que 90 p. 100 des fumeurs adultes ont fumé leur première cigarette dans l'adolescence. Les études épidémiologiques basées sur la population indiquent qu'un peu partout dans le monde, la cigarette électronique est le plus souvent utilisée en même temps que la cigarette ordinaire. Parmi les jeunes adultes, environ 25 p. 100 des fumeurs actuels, 12 p. 100 des anciens fumeurs et 3 p. 100 des non-fumeurs utilisent la cigarette électronique. L'utilisation simultanée des deux produits est très courante aux États-Unis parmi les élèves du secondaire, dont 80 p. 100 utilisent les deux produits.

Au Canada, en 2015, 25 p. 100 des jeunes Canadiens de 15 à 19 ans et 33 p. 100 des jeunes adultes de 20 à 24 ans ont déclaré avoir au moins essayé la cigarette électronique. D'après l'Enquête canadienne 2014-2015 sur le tabac, l'alcool et les drogues chez les élèves, 18 p. 100 des élèves de la 6e à la 12e année ont essayé la cigarette électronique. La même proportion, 18 p. 100, n'a jamais fumé une cigarette traditionnelle. Au Canada, le taux global de tabagisme est passé de 22 p. 100 en 2001 à 13 p. 100 en 2015, mais le rythme de la diminution semble s'être ralenti ces dernières années.

Pour répondre à ce qui est maintenant considéré comme un besoin de plus en plus important, à cause de l'utilisation croissante de la cigarette électronique au cours de la dernière décennie, il y a actuellement plus de recherche scientifique sur sa sécurité. L'analyse des articles publiés montre que les données recueillies ont augmenté à un rythme exponentiel depuis 2012, le nombre d'études réalisées étant passé de moins de 100 à plus de 1500 en 2016. Toutefois, la plupart de ces études ne mentionnent pas l'échantillon examiné, parlent d'un échantillon trop petit ou n'abordent pas certaines des questions les plus importantes.

Il y a eu au moins deux importants examens des études publiées sur la cigarette électronique au cours des deux dernières années. Trois petits essais cliniques à caractère aléatoire — ce sont les plus recherchés — ont été réalisée jusqu'ici. Il importe de noter que 14 autres essais sont actuellement en cours. Ils fourniront de très importantes données sur l'utilisation et l'innocuité des cigarettes électroniques.

Les trois petits essais réalisés ne semblent pas vraiment confirmer l'efficacité de ces cigarettes pour aider les gens à cesser de fumer et ne révèlent pas de graves effets préjudiciables à court terme. L'innocuité à long terme demeure inconnue.

Il y a quatre grandes questions à considérer quand on examine les données scientifiques sur le vapotage et l'innocuité des cigarettes électroniques. J'y ai déjà fait allusion : efficacité comme moyen d'aider à cesser de fumer; importance, pour les jeunes, à titre de produit de transition vers le tabac; toxicité des émissions dans la vapeur inhalée; et, enfin, risques possibles de l'exposition secondaire à la vapeur.

Le nombre d'études réalisées jusqu'ici étant limité, il n'y a pas de preuves suffisantes selon lesquelles les cigarettes électroniques aident vraiment les gens à cesser de fumer. Toutefois, même si les données sont limitées, il est généralement admis que ces cigarettes sont moins nocives que les cigarettes de tabac.

En 2016, 24 études, y compris les trois essais cliniques à caractère aléatoire, ont fait l'objet d'un examen. Deux des essais cliniques, auxquels 662 personnes avaient participé, ont montré que les utilisateurs de cigarettes électroniques à la nicotine étaient plus susceptibles de cesser de fumer pendant au moins six mois, par rapport aux membres du groupe témoin qui avaient utilisé un placebo sans nicotine.

(1530)

Un autre essai, qui a permis de comparer les cigarettes électroniques aux timbres de nicotine, a révélé des efficacités comparables dans les taux de renoncement au tabac pendant six mois. Au chapitre de la sûreté, aucun des essais n'a montré des différences sensibles entre la cigarette électronique et les placebos.

Certains croient que les cigarettes électroniques sont moins nocives parce qu'elles réduisent l'exposition au tabac en feuille. Par exemple, les risques cardiovasculaires liés à la fumée dépendent de la dose absorbée. Ainsi, on réduit le risque en faisant passer la consommation d'un paquet à 10 cigarettes par jour.

On craint que la cigarette électronique ne constitue un produit de transition vers le tabac pour une nouvelle génération d'utilisateurs. On ne dispose pas encore de résultats concluants, mais un récent examen de l'Université de Victoria permet de croire que le tabagisme diminue sensiblement aux États-Unis, au Canada et dans d'autres pays parmi les jeunes de 12 à 19 ans tandis que l'utilisation des produits de vapotage est en hausse.

Le directeur du Service de santé publique des États-Unis a publié en 2016 un rapport selon lequel 25 p. 100 des élèves de la 6e à la 12e année ont essayé la cigarette électronique. D'après le même rapport, l'exposition à la nicotine dans l'adolescence peut nuire aux fonctions cognitives et au développement. La question critique qui reste est que la nicotine engendre une forte dépendance. Les cigarettes électroniques peuvent encourager les gens à renoncer au tabac, mais l'absorption de nicotine peut, en fin de compte, mener à la consommation de produits conventionnels du tabac.

Du point de vue de la santé publique, il reste à déterminer si les cigarettes électroniques contribueront à une normalisation renouvelée du tabagisme et de la consommation de produits du tabac.

Il y a de sérieuses préoccupations au sujet des effets sur la santé des dispositifs émettant des vapeurs et des composés contenus dans l'aérosol. Les vapeurs ne contiennent pas de goudron, et 61 des 79 toxines de la cigarette y sont absentes. Toutefois, les produits de vapotage actuellement commercialisés ne sont pas réglementés, et il y a beaucoup de lacunes dans les normes et les méthodes de détermination des émissions des dispositifs. Une étude réalisée en 2016, qui a paru dans le magazine Environmental Science and Technology, a déterminé la présence dans les vapeurs de plus de 31 composés et a noté que beaucoup d'autres n'ont pas encore été identifiés.

Selon le rapport que l'Université de Victoria vient de publier sous le titre Clearing the Air : A systematic review on the harms and benefits of e-cigarettes and vapour devices, aucune étude indépendante n'a mesuré les émissions de 1,3-butadiène, qui est la principale source des risques de cancer dans les cigarettes de tabac. La cigarette électronique elle-même, selon son modèle, son courant, son nombre de spires et son accumulation de produits dérivés découlant de la dégradation par chauffage du liquide, produit des émissions nocives omniprésentes. Ainsi, le risque des émissions diffère selon les produits et dépend aussi dans une certaine mesure de la fréquence et de l'intensité des bouffées prises par l'utilisateur.

L'exposition secondaire à la vapeur des cigarettes électroniques a fait l'objet de certains essais qui ont révélé qu'elle est moins toxique que la fumée de cigarette parce qu'elle ne contient ni oxyde de carbone ni composés organiques volatils. Toutefois, la vapeur entraîne l'absorption de quantités mesurables de nicotine par les personnes présentes, mais on ne sait pas encore comment mesurer le risque. Ce qui ressort de tous les essais portant sur l'exposition secondaire, c'est qu'il faut procéder à davantage de tests, car les résultats relatifs aux émissions de particules, de métaux et d'autres substances se contredisent.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-5 modifie la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs, la Loi sur les aliments et drogues et la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation. L'intention est de rendre ces lois compatibles avec l'objet premier du projet de loi S-5, c'est-à-dire réglementer les produits de vapotage à titre de catégorie distincte de produits en vertu de la Loi sur le tabac. De ce fait, cette dernière loi est rebaptisée Loi sur le tabac et les produits de vapotage.

Le titre intégral du projet de loi S-5 est le suivant : Loi réglementant la fabrication, la vente, l'étiquetage et la promotion des produits du tabac et des produits de vapotage. Bien sûr, il comprend les nouvelles définitions nécessaires relatives au vapotage et aux cigarettes électroniques.

Le projet de loi S-5 est une mesure législative complexe qui met également en œuvre des dispositions sur la banalisation des emballages des produits du tabac. Aujourd'hui, j'ai l'intention de concentrer mes propos sur les questions les plus controversées dont m'ont parlé de nombreux intervenants ces deux derniers mois. Ces intervenants comprennent des associations, des sociétés et des organismes de bienfaisance du secteur de la santé qui représentent des patients, des consommateurs, des chercheurs et des professionnels de la santé, de même que des fabricants, des détaillants, des travailleurs et des services de police.

Tout d'abord, il est important de savoir que la nicotine, à titre de drogue, est assujettie aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues et doit être autorisée avant commercialisation par Santé Canada sur la base de critères de sécurité, d'efficacité et de qualité. J'ai été extrêmement surprise d'apprendre qu'aucun produit de vapotage n'a été autorisé jusqu'ici au Canada et que tous les produits contenant de la nicotine sont vendus sur le marché clandestin.

Les produits de vapotage sans nicotine et sans allégations thérapeutiques sont légalement vendus sans autorisation et sont assujettis à la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation plutôt qu'à la Loi sur le tabac.

C'est la situation actuelle du marché du vapotage et des cigarettes électroniques au Canada. De toute évidence, c'est une situation qui ne tient pas compte de l'utilisation croissante de ces produits par des jeunes ainsi que par les fumeurs adultes actuels. Tous les intervenants s'entendent pour dire que le leadership fédéral est nécessaire dans ce domaine.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-5 ne modifie pas simplement la Loi sur le tabac et n'applique pas aux produits de vapotage toutes les exigences et restrictions liées aux produits du tabac. Le projet de loi fait plutôt des exceptions ou offre des solutions de remplacement.

Par conséquent, quelle différence le projet de loi S-5 fait-il entre les cigarettes ordinaires et les cigarettes électroniques? C'est un domaine dans lequel il y a une certaine controverse.

Il importe de noter que les restrictions imposées sur l'accès des mineurs aux produits du tabac s'appliqueront aussi aux jeunes âgés de produits de vapotage. Il est donc interdit d'en vendre aux moins de 18 ans et d'en mettre dans les distributeurs automatiques, et il est obligatoire de vérifier l'âge en cas de livraison postale d'achats faits en ligne.

De plus, les arômes dont les jeunes sont friands sont interdits, comme les arômes de bonbons, de desserts, de cannabis, de boissons gazeuses et de boissons énergisantes. De même, la fabrication, la promotion et la vente de produits de vapotage contenant des ingrédients donnant l'impression d'avoir des effets positifs sur la santé— comme les acides aminés, les probiotiques, la caféine et les vitamines — sont interdites.

Toutefois, jusqu'ici, aucune norme relative aux concentrations maximales de nicotine n'a été établie.

Il est probable que l'aspect le plus controversé du projet de loi concerne la commercialisation et la promotion. Tandis que la quasi-totalité des activités de marketing sont interdites dans le cas des cigarettes de tabac, ce n'est pas le cas pour les cigarettes électroniques. Il sera ainsi permis de faire sans restriction ce qu'on appelle la « publicité d'information » : marques, logos, ingrédients et prix pourront paraître sur Internet, à la télévision, sur des placards publicitaires et à d'autres endroits.

Les avertissements relatifs à la santé se limiteront exclusivement à la concentration en nicotine et à l'accoutumance. Il est donc important de noter que les restrictions d'emballage ne seront pas les mêmes que pour les produits du tabac. La publicité sociétale ne sera permise que si elle s'adresse aux adultes dans le cadre d'envois postaux et de coupons, et dans des milieux fréquentés par des adultes.

On a beaucoup discuté du droit de faire de la publicité sur « la réduction des méfaits » ou sur ce qu'on appelle souvent le « continuum des risques ».

Certains sont d'avis que les revendications relatives à la santé devraient être présentées sous forme de comparaisons entre l'ensemble des produits du tabac et de vapotage. Par exemple, la publicité pourrait dire que la cigarette électronique réduit le risque de cancer et de maladies cardiovasculaires par rapport à la cigarette de tabac, ou que le tabac à chiquer est moins nocif que les cigarettes combustibles. Dans le cas du projet de loi S-5, ces revendications doivent être mises à l'épreuve de la même façon que les produits pharmaceutiques, avec présentation des preuves scientifiques habituelles fondées sur des essais cliniques et l'approbation finale de Santé Canada.

La réglementation prévue dans le projet de loi S-5 assure une commercialisation flexible fondée sur les preuves accumulées. Par conséquent, à mesure que des progrès seront réalisés et que des études aboutiront à des preuves plus concluantes, les règlements pourront être modifiés pour devenir plus ou moins restrictifs, de façon à circonscrire ou à élargir l'utilisation.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne permet pas de présenter des allégations, même aux adultes, relatives à la renonciation au tabac, aux toxines ou à l'exposition à la fumée secondaire sans preuves scientifiques assez solides. Les produits devraient satisfaire à des exigences de sécurité, de qualité et d'efficacité avant et après la mise en marché, comme tout autre nouveau produit pharmaceutique visé par la Loi sur les aliments et drogues.

(1540)

Le projet de loi S-5 prévoit également des autorités réglementaires qui exigeront de l'industrie qu'elle rende compte à Santé Canada des ventes de produits et des recherches menées, qu'elle fasse une collecte suivie des données et qu'elle exerce une surveillance comprenant le compte rendu des incidents et des rappels afin d'assurer la transparence pour les Canadiens.

En outre, l'utilisation des produits de vapotage serait frappée des interdictions qui s'appliquent au tabac dans les lieux de travail soumis à la réglementation fédérale.

Le sommaire à la toute première page du projet de loi S-5 indique que ces modifications à la Loi sur le tabac donnent suite au rapport du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes intitulé Vapotage : vers l'établissement d'un cadre réglementaire sur les cigarettes électroniques. En effet, la plupart des recommandations du comité ont été mises en œuvre dans le projet de loi S-5.

En particulier, le comité a noté que le cadre réglementaire actuel pour les cigarettes électroniques est en place au Canada depuis 2009, année où Santé Canada a émis un avis informant les consommateurs que les cigarettes électroniques pouvaient poser des risques pour la santé, mais qu'aucune n'était réglementée par des normes de sécurité. Le comité à l'autre endroit a reconnu la confusion grave qui persiste concernant la teneur en nicotine des cigarettes électroniques et indique clairement qu'il y a une certaine urgence à légiférer.

Deux autres rapports importants sont à considérer en réfléchissant à notre situation au Canada. Depuis 2015, tant l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) que le directeur du Service de santé publique des États-Unis ont recommandé de légiférer pour instaurer des normes encadrant la fabrication, la distribution, la commercialisation et la vente des cigarettes électroniques. Le directeur du Service de santé publique des États-Unis a conclu que les cigarettes électroniques sont une catégorie commerciale diversifiée et en pleine émergence proposant de la nicotine et des aromatisants, et qu'elles sont actuellement plus populaires que la cigarette conventionnelle chez les jeunes. Le dernier rapport du directeur du Service de santé publique des États-Unis, qui date de 2016, a détaillé les répercussions d'ordre politique et pratique en vue d'une stratégie fondée sur des données probantes portant spécialement sur l'utilisation de la cigarette électronique chez les jeunes et les jeunes adultes.

Ces recommandations sont notamment l'extension de l'autorité de la Food and Drug Administration (FDA) à tous les produits du tabac, cigarettes électroniques comprises, l'inclusion des cigarettes électroniques dans les politiques antitabac, la prévention des ventes aux jeunes, des hausses considérables des taxes et du prix, la réglementation du marketing visant les jeunes ainsi que les recherches continues et la surveillance qui maintiendront et actualiseront les réglementations sur les cigarettes électroniques au niveau fédéral pour protéger la santé publique.

Un rapport de l'OMS sur les cigarettes électroniques avec et sans nicotine a été préparé pour une réunion des 180 pays signataires de la Convention-cadre de lutte contre le tabagisme en novembre 2016 à Delhi, en Inde. Il visait à rendre compte des nouvelles données concernant les preuves de l'effet des cigarettes électroniques sur la santé et leur rôle potentiel dans l'arrêt du tabagisme, à examiner les méthodes de mesure de la composition et des émissions de ces produits, et à évaluer les politiques possibles.

Pour l'essentiel, le rapport de l'OMS fait état de données scientifiques non concluantes concernant les cigarettes électroniques pour ce qui est de la lutte contre le tabagisme, des risques pour la santé, des risques du tabagisme passif et de l'arrêt du tabagisme ainsi que concernant la cigarette électronique comme passerelle vers le tabagisme ou précurseur du tabagisme. Cependant, l'OMS suggère des options de politiques pour atteindre des objectifs de protection particulière des jeunes et de prévention des allégations de santé non prouvées.

Les spécialistes de la santé publique ne sont pas unanimes au sujet du rapport de l'OMS. Certains disent que l'OMS devrait chercher à combattre le tabagisme, et non à réglementer l'utilisation de la nicotine. D'autres disent qu'il est déjà clair que les risques pour la santé de l'utilisation de cigarettes électroniques sont bien inférieurs à ceux du tabac combustible. Dans l'ensemble, il y a un consensus clair pour dire que les cigarettes électroniques devraient être réglementées, qu'elles ne devraient pas faire l'objet de promotion auprès des jeunes et que leurs effets, risques et avantages pour la santé devraient être suivis et surveillés en continu.

Honorables sénateurs, actuellement, au Canada, les cigarettes électroniques sont réglementées uniquement aux niveaux provincial et municipal. Terre-Neuve, l'Île-du-Prince-Édouard, les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon n'ont aucune réglementation. La Nouvelle-Écosse, une des premières provinces à avoir imposé des restrictions notables sur les ventes de cigarettes électroniques au Canada, a adopté en mai 2015 des mesures législatives qui assimilent les cigarettes électroniques à des cigarettes de tabac conventionnelles. Le Nouveau-Brunswick a adopté des dispositions législatives similaires à celles de la Nouvelle-Écosse. La Saskatchewan, le Manitoba, la Colombie-Britannique, l'Alberta et l'Ontario ont des restrictions très élémentaires qui portent uniquement sur le lieu d'utilisation des cigarettes électroniques, imposant des restrictions identiques à celles qui existent pour les cigarettes de tabac conventionnelles.

Ma province, le Québec, a adopté en 2015 les mesures législatives les plus strictes de l'Amérique du Nord en matière de cigarette électronique. Le projet de loi 44 modifie la Loi sur le tabac du Québec et soumet les cigarettes électroniques et tout autre dispositif de cette nature, y compris leurs composantes et leurs accessoires, aux mêmes règlements que les produits du tabac. L'étalage et la vente de cigarettes électroniques sont restreints aux points de vente spécialisés. Dans un effort de protection des jeunes, les ventes sur Internet, par téléphone et par d'autres moyens sont interdites, au même titre que les publicités en ligne et les affiches placées en vitrine à des fins promotionnelles. Le projet de loi 44 du Québec a fait l'objet de vives critiques de la part de l'industrie du tabac et les magasins d'articles de vapotage ont déposé une contestation devant la Cour supérieure du Québec.

Honorables sénateurs, je dois évoquer une autre modification de l'actuelle Loi sur le tabac que propose le projet de loi S-5. Selon Santé Canada, les emballages de tabac et les produits qu'ils contiennent restent de puissants canaux promotionnels qui permettent à l'industrie de communiquer une image de marque positive et d'attirer de nouveaux consommateurs de tabac, en particulier des jeunes. Pour lutter contre ce problème, la Loi sur le tabac et les produits de vapotage qui est proposée offrirait la souplesse nécessaire pour permettre la mise en œuvre d'une série d'options, par exemple une couleur, une police de caractères et une finition uniformisées et l'interdiction de renseignements promotionnels et d'éléments de marque comme les logos. Le paquet de cigarettes a la réputation d'être un précieux instrument de marketing, en particulier auprès des jeunes.

De nombreuses études fondées sur des groupes de discussion et même sur des essais à caractère aléatoire ont cherché à déterminer si les distinctions entre les emballages ont un effet sur les fumeurs jeunes et adultes, et en particulier si elles ont une influence sur la perception des risques du tabagisme pour la santé, l'attrait perçu des produits de tabac et les attitudes envers le tabagisme.

Au moment où j'ai rédigé mon discours, des consultations étaient en cours sur l'avenir de la lutte contre le tabagisme au Canada. Elles ne seront pas terminées avant la mi-avril. La norme effective pour un emballage neutre reste à déterminer. On ignore également si le projet de loi S-5 exigera le retrait de la marque du tube à cigarette. Dans l'affirmative, si toutes les marques distinctives doivent être retirées de l'emballage extérieur et de l'intérieur de l'emballage, y compris de la cigarette elle-même, les craintes sont qu'il n'y aura aucun moyen de garantir l'authenticité du produit.

Pour garantir la sécurité et le respect des normes, c'est-à-dire garantir que les ingrédients sont conformes aux prescriptions de la loi et des règlements et sont ceux rapportés par les cigarettiers à Santé Canada, certains disent que l'authenticité du produit doit être bien visible pour l'acheteur.

Selon certaines sources, des cigarettes de contrebande sont produites dans plus de 50 fabriques illégales qui fonctionnent dans tout le Canada sans se conformer à la réglementation et sans faire l'objet de surveillance. Ces cigarettes sont vendues aux Canadiens par l'intermédiaire de plus de 300 comptoirs à tabac illégaux et d'un réseau de distribution criminel. Plus d'une cigarette sur trois achetée en 2014 aurait été illégale et plus de 2 milliards de dollars auraient échappé à la perception en raison de la contrebande du tabac.

En raison de son faible prix et de son accessibilité facile, le tabac de contrebande favorise le tabagisme chez les jeunes, et l'on a des raisons de croire que des cigarettes de contrebande sont vendues dans les cours d'école. Plus que toute autre caractéristique, le prix semble être le facteur le plus décisif dans la vente de cigarettes aux jeunes.

Selon certains, il y aurait un risque que cette proposition d'emballage neutre et uniformisé pour les produits de tabac ait des « conséquences non voulues » graves et préjudiciables dans plusieurs domaines. Elle pourrait augmenter la probabilité de contrebande et de produits contrefaits; augmenter les gangs de jeunes et la violence autour des écoles où la contrebande a souvent lieu; aggraver les difficultés économiques de propriétaires de petite épicerie qui se conforment déjà à toutes les restrictions sur les cigarettes; réduire la garantie pour le consommateur du respect de certaines normes, voire de la sécurité d'un produit dont les ingrédients sont rapportés de manière transparente par le cigarettier; créer des difficultés pour les travailleurs canadiens de ce secteur.

De plus, les cigarettiers ont contesté un tel emballage neutre au motif qu'il serait contraire au droit international du commerce et des marques.

(1550)

L'Australie est le premier pays à avoir légiféré pour imposer l'emballage neutre pour les cigarettes. La loi a été promulguée en 2012. Deux autres pays, la France et le Royaume-Uni, ont légiféré et auront un emballage entièrement neutre pour les cigarettes de tabac d'ici la mi-2017. La Nouvelle-Zélande et l'Irlande sont également aux derniers stades de l'adoption de mesures législatives à cet égard.

En mars de l'année dernière, l'Organisation mondiale de la Santé a publié un résumé d'orientation sur les mesures prises par l'Australie à l'égard des produits et emballages de tabac. Il y est indiqué que la prévalence du tabagisme a effectivement reculé en Australie entre 2010 et 2013. La proportion de fumeurs quotidiens est passée de 16 à 13 p. 100 parmi les personnes de 18 ans et plus. Cependant, il y a eu débat quant à la question de savoir si le tabagisme avait augmenté dans la tranche d'âge des 12 à 17 ans. Par ailleurs, selon une étude d'évaluation menée par l'Université nationale australienne à l'aide de données du Bureau australien de la statistique, la réglementation concernant l'emballage neutre n'avait pas eu d'effet sur le tabagisme tel que mesuré par les dépenses de tabac.

Un débat a éclaté dans les médias concernant l'efficacité des politiques d'emballage neutre. Les sources de l'industrie du tabac ont laissé entendre que la consommation de tabac avait augmenté, tout comme le commerce illicite de produits de tabac de contrebande. Les militants de la lutte antitabac ont attiré l'attention sur les données du Bureau australien de la statistique qui indiquaient que, si les dépenses des ménages en produits de tabac avaient augmenté en 2013, elles avaient connu une chute spectaculaire au premier trimestre de 2014. Le récit complet et l'analyse de la situation australienne ont été publiés dans le magazine Agenda - A Journal of Policy Analysis and Reform. Les auteurs ont clairement indiqué que, dans l'idéal, l'impact d'un changement de politique serait testé en examinant l'évolution de la consommation de tabac pondérée en fonction des changements démographiques, de prix, de revenu et autres.

À ce jour, la réussite de la politique d'emballage neutre est évaluée sur la base d'indicateurs très imparfaits. La question à poser est la suivante : l'introduction de l'emballage uniformisé au Canada permettra-t-elle d'atteindre l'objectif affiché de rendre les cigarettes de tabac moins attrayantes pour les jeunes et de réduire leur consommation?

Honorables sénateurs, en conclusion, le projet de loi S-5 modifie la Loi sur le tabac pour réglementer les produits de vapotage comme une classe distincte de produits, et harmonise aux fins de conformité d'autres lois existantes. Il remplit également l'engagement de mise en œuvre de l'emballage neutre uniforme pour les produits de tabac.

En tant que porte-parole de l'opposition pour le projet de loi S-5, j'ai rencontré de nombreux intervenants qui représentaient le secteur, les détaillants, des groupes de consommateurs, les syndicats, les forces de l'ordre, les organismes de bienfaisance, des associations de santé et des professionnels de la santé. Si leurs arguments étaient très différents, tous sont du même avis concernant le besoin pressant de légiférer sur les cigarettes électroniques et le vapotage. Les lois et les règlements en découlant permettront un système de suivi rigoureux, mettront en place des garanties et imposeront des normes dans tout le pays.

Lors de ma rencontre avec la Société canadienne du cancer, l'Association médicale canadienne et la Fondation des maladies du cœur et de l'AVC, ces organisations ont exprimé l'avis selon lequel il pourrait s'agir d'une des modifications à la Loi sur le tabac les plus importantes apportées depuis des décennies. Toutefois, elles disent également clairement : « Il faut que ce soit bien fait. » J'espère donc que, quand ce projet de loi parviendra à l'étape de l'étude en comité, les témoignages d'experts nous aideront précisément à bien faire les choses, en particulier pour protéger nos jeunes d'un retour à une époque où le tabagisme était normal.

[Français]

L'honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-5.

[Traduction]

Permettez-moi de commencer par souligner le caractère très complet et équilibré de l'exposé de la porte-parole de l'opposition. C'est un véritable exemple de la valeur qu'on peut ajouter à un débat.

[Français]

Alors, je vous lève mon chapeau.

En principe, je suis favorable au projet de loi S-5. En particulier, j'appuie les objectifs de protection de la santé des Canadiens contre les méfaits associés au tabagisme. Je soutiens également l'objectif consistant à réglementer l'accès des mineurs à des produits à base de nicotine.

Néanmoins, j'ai certaines réserves à formuler au sujet du projet de loi qui, à mon avis, doit être étudié en profondeur en comité. En conséquence, je suis tout à fait d'accord avec ma collègue pour que le projet de loi soit renvoyé au comité dès que possible, afin que toutes les questions puissent être examinées à fond.

[Traduction]

Permettez-moi d'évoquer brièvement quelques-unes de mes préoccupations. En bref, ma principale inquiétude est que ce projet de loi restreigne trop l'industrie du vapotage et impose des limites qui ne sont pas indispensables, ou du moins décourage le passage au vapotage des personnes qui essaient d'arrêter de fumer.

Comme on l'a déjà mentionné, nous ne disposons pas d'une quantité abondante d'études à long terme pour fournir des données sur les effets à long terme du vapotage sur la santé ni sur l'efficacité du vapotage comme moyen d'arrêter de fumer les produits du tabac. Cependant, cela ne veut pas dire que nous ne disposons d'aucune donnée. Je ne parle pas ici de données empiriques, bien que celles-ci soient très abondantes. Permettez-moi d'en citer quelques exemples.

[Français]

Mon fils a commencé à fumer la cigarette alors qu'il était très jeune, comme moi d'ailleurs, bien avant l'âge de 18 ans. Il y a trois ans, il a commencé à vapoter, et il n'a pas pris une seule cigarette depuis. De plus, il a fait baisser progressivement le niveau de nicotine dans le liquide jusqu'à atteindre une quantité minimale. Aussi, ma femme a fumé pendant presque 35 ans, mais, depuis qu'elle a commencé à vapoter il y a deux ans, elle n'a pris aucune cigarette. Il y a un niveau de nicotine plutôt élevé, mais, tout de même, elle ne fume plus.

[Traduction]

Il y a de l'espoir, mais à part les données empiriques — et nous en avons tous été bombardés —, il y a en fait l'étude provenant du Royaume-Uni, couramment citée, qui a conclu que le vapotage est beaucoup moins nocif pour la santé que le tabagisme. Cancer Research UK a fait paraître récemment un article dans les Annals of Internal Medicine, dans lequel on conclut également que les cigarettes électroniques sont beaucoup moins dommageables que les cigarettes ordinaires. Soit dit en passant, Cancer Research UK serait la plus grande œuvre de charité indépendante dans le domaine de la recherche sur le cancer.

Certes, il y a aussi le rapport du directeur du Service de santé publique des États-Unis, qui souligne les risques pour la santé que pose le vapotage. Il reste la très importante question de l'évaluation de la méthodologie qui sous-tend ces études et ces rapports, entre autres.

Néanmoins, un nombre croissant de données probantes démontrent que le vapotage est une option bien meilleure et bien plus sûre que le tabagisme. À la lumière de ces données, je crains que l'interdiction que prévoit le projet de loi, c'est-à-dire le paragraphe 30.43(1) proposé, même avec les exceptions qu'il contient, rende difficile pour les fumeurs de s'informer sur les bienfaits relatifs de la transition vers un produit de vapotage. Le terme à souligner ici est « relatif ». Le vapotage n'est peut-être pas entièrement sans risque pour la santé, mais je crois que les données permettent d'établir qu'il est moins nocif que le tabagisme. Ne laissons pas le mieux être l'ennemi du bien.

Par ailleurs, certains craignent que le vapotage puisse être une porte d'entrée vers le tabagisme. Cet enjeu a servi de raison de plus pour exiger que des précautions soient prises et pour justifier les composantes plutôt restrictives du projet de loi. Je comprends parfaitement. C'est tout à fait naturel d'avoir des réserves quant à la consommation d'un liquide contenant de la nicotine. Comme l'a dit ma collègue, il sera extrêmement important d'entendre l'opinion des experts à savoir si le vapotage mène généralement au tabagisme et s'il faut établir une distinction entre vapoter du liquide qui contient de la nicotine et vapoter du liquide qui n'en contient pas. Les vapoteurs appellent ce dernier du « jus ».

J'espère également que le comité se penchera sur la question des arômes. Je comprends les préoccupations quant à la commercialisation de produits contenant de la nicotine à l'intention des mineurs. Je partage ces mêmes préoccupations. Je crois cependant qu'il importe que les produits de vapotage soient non seulement accessibles, mais aussi attrayants, pour les personnes âgées de moins de 18 ans ou plus qui souhaitent abandonner la cigarette. D'ailleurs, je ne suis pas certain de comprendre ce que prévoit le projet de loi en matière d'arômes.

(1600)

Le projet de loi prévoit l'interdiction de faire figurer sur le produit de vapotage ou sur son emballage une mention ou une illustration, notamment un élément de marque, qui pourrait faire croire que le produit est aromatisé s'il existe des motifs raisonnables que la mention ou l'illustration pourrait être attrayante pour les jeunes.

Je suis en faveur de l'imposition de restrictions sur la façon dont les produits de vapotage sont présentés et mis en marché, mais je pense qu'il est important de signaler au comité que les dispositions réglementaires et législatives ne devraient pas imposer de restrictions d'une portée telle qu'elles empêcheraient les consommateurs de choisir différents arômes. Soyons clairs : beaucoup d'adultes qui ont un cœur d'enfant aiment certains arômes sucrés, comme la gomme à bulles ou la barbe à papa.

Je ne laisse pas du tout entendre qu'il faudrait autoriser le marketing auprès des enfants, bien au contraire. Toutefois, certaines personnes qui utilisent des produits de vapotage aiment les arômes. En l'absence de produits aromatisés, elles ne seraient pas incitées à abandonner la cigarette pour le vapotage. C'est le seul élément qui me préoccupe vraiment.

Évidemment, il faut atteindre un juste équilibre. En effet, il faut éviter la publicité qui cible les jeunes, tout en veillant à ne pas trop restreindre les renseignements et les produits qui pourraient inciter des gens à se tourner vers le vapotage comme solution de rechange au tabagisme. J'imagine que le comité se penchera là-dessus.

[Français]

Enfin, j'ai des inquiétudes quant à l'impact du projet de loi sur les petites et moyennes entreprises qui souhaitent pénétrer le marché des produits de vapotage, notamment en ce qui a trait à la distribution de liquide ou de jus de vapotage. Certes, il existe des questions sérieuses et légitimes de contrôle de la qualité qui appellent manifestement à la réglementation, mais la structure du projet de loi suggère, peut-être à tort, qu'on met l'accent sur les grandes corporations et que les entreprises plus petites et indépendantes peuvent être exclues du marché. J'encourage le comité à étudier et à explorer des façons de permettre aux entreprises autres que les grandes sociétés de participer à ce qui est et ce qui devrait demeurer un marché en croissance et rentable.

[Traduction]

En conclusion, j'appuie plusieurs des objectifs du projet de loi et j'ai bien hâte que le comité l'étudie attentivement.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Campbell, appuyée par l'honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d'autres lois.

L'honorable Carolyn Stewart Olsen : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-37, loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes à d'autres lois.

Le projet de loi C-37 fait plusieurs choses, mais ce sur quoi j'aimerais me concentrer dans mon discours, ce sont les exceptions extraordinaires prévues pour les centres de consommation supervisée.

Bien franchement, je suis surprise qu'un gouvernement qui s'opposait aussi fermement aux projets de loi omnibus lorsqu'il formait l'opposition ait rédigé un tel projet de loi. En effet, le projet de loi à l'étude combine des améliorations acceptables à l'application de la loi et ce que je considère un changement radical inacceptable de politique en ce qui a trait à notre stratégie de lutte contre les drogues illégales.

Le projet de loi facilite l'ouverture de centres d'injection supervisée en réduisant les restrictions dans le processus de demande et en abolissant certains des obstacles administratifs érigés contre ces centres par le gouvernement précédent.

Le gouvernement semble vouloir justifier ce changement de cap en évoquant sa volonté de mettre fin à la crise des opioïdes, laquelle fait des ravages au pays.

Le gouvernement adopte une nouvelle orientation, plus laxiste, en matière de lutte antidrogue. Contrairement à l'ancienne stratégie, qui préconisait la prévention et l'application de la loi, la nouvelle met l'accent sur une chose appelée « réduction des méfaits ». Cette terminologie du gouvernement indique qu'on préfère réduire les effets négatifs de la consommation de drogues plutôt que de consacrer des ressources à la combattre. En somme, on considère qu'il vaut mieux dépenser des ressources pour aider les toxicomanes à obtenir leur dose plutôt que de tenir les drogues à l'écart des rues.

Les centres de consommation supervisée, aussi appelés centres d'injection supervisée ou salles d'injection, sont des endroits où on peut consommer des drogues obtenues illégalement, où se trouvent du personnel médical, de l'équipement propre et des drogues antagonistes payés par les contribuables. Essentiellement, il s'agit d'une installation où l'on consomme des drogues de rue sous la supervision et avec l'aide d'une équipe médicale.

Durant les années 1980, la ville de New York comptait des centres comme ceux-là. On en trouve sans nul doute encore de nos jours à certains endroits. La police les appelle des piqueries et déploie beaucoup d'efforts pour les éliminer.

Au Canada, il n'existe qu'un seul endroit du genre où de tels services sont offerts — légalement, du moins. Je parle du centre Insite à Vancouver. Cependant, beaucoup de demandes sont en traitement pour l'ouverture de tels centres, dont un à Ottawa.

La législation en vigueur repose sur un projet de loi adopté en 2015, la Loi sur le respect des collectivités, présenté à la suite d'un arrêt qui a obligé le gouvernement à laisser Insite poursuivre ses activités, après que la ministre de la Santé avait fait clairement savoir qu'elle n'avait nullement l'intention d'encourager la toxicomanie.

Désormais, un organisme doit répondre à 26 critères pour être autorisé à ouvrir un centre d'injection. Le ministre doit en outre adhérer à certains principes lorsqu'il évalue une demande en ce sens. Ces critères constituent une véritable stratégie de réduction des méfaits, car ils contribuent à réduire les répercussions nuisibles des centres sur les collectivités, les écoliers et les victimes des toxicomanes.

Santé Canada ne peut évaluer une demande si elle ne satisfait pas à l'ensemble de ces critères. Au moment du renouvellement, le centre doit s'assurer que toutes les exigences sont respectées.

La liste de critères a été établie pour garantir la sécurité des collectivités où des centres souhaitent ouvrir leurs portes. Il ne faut pas oublier que les drogues sont illégales et néfastes pour tous.

Le projet de loi C-37 dont nous sommes saisis remplacerait la liste de 26 critères par 5 facteurs généraux. Ces facteurs ont été tirés directement de l'arrêt qui a lancé le débat.

Si ce projet de loi est adopté, les centres d'injection n'auraient qu'à se préoccuper de l'incidence d'un centre sur le taux de criminalité, des conditions locales indiquant que le centre répond à un besoin, des ressources de soutien en place et des commentaires de la communauté. On ignore comment les taux de criminalité seraient évalués, quels critères seraient exigés par le gouvernement pour démontrer le besoin ou quelle forme prendraient les consultations communautaires complètes.

Le processus de demande proposé dans le projet de loi est moins rigoureux, et un ministre peut approuver un centre avant même d'avoir reçu la trousse de demande dûment remplie. Je crains qu'un centre puisse alors être approuvé en raison de pressions politiques subies par le ministre plutôt qu'en fonction d'une évaluation des effets ou des souhaits d'une collectivité.

Les centres existants n'auront pas à présenter de nouvelles demandes pour obtenir un renouvellement, et la confirmation du respect des critères se résumera à une simple vérification de l'information au cas où la situation aurait changé. Il n'y aura pas d'autres évaluations ou d'autres examens pour s'assurer que les centres répondent à un besoin et qu'ils ne sont pas devenus un problème dans la collectivité.

Honorables sénateurs, lors de tels changements de politique, nous devons prendre en compte les implications sur la santé publique et l'incidence sur la sécurité publique.

La responsabilité du gouvernement envers les Canadiens comporte deux volets. Les Canadiens doivent être protégés des criminels et des substances nocives.

(1610)

Nous devons réévaluer le centre Insite, en Colombie-Britannique, pour voir si ce genre d'approche a eu un effet significatif, ou plutôt, si le centre donne tous les résultats qu'avaient promis ses défenseurs.

Le centre Insite a ouvert en 2003 grâce à un financement du gouvernement de la Colombie-Britannique. Le centre compte 12 postes d'injection. Le produit injecté n'est pas fourni. Il est acheté illégalement par le toxicomane, qui l'apporte au centre.

En 2006, le ministre fédéral de la Santé a créé un comité d'experts pour évaluer le centre Insite. Les résultats de l'étude, publiés en 2008, sont peu encourageants. Le rapport disait que, selon Insite, le centre permettait d'éviter un décès par surdose par année. Or, le nombre de décès par surdose dans le secteur où se trouve le centre voisine les 50 par année. Le comité du ministre mentionnait qu'il fallait interpréter prudemment cette allégation puisqu'elle était fondée sur une modélisation mathématique plutôt que sur une source directe de données.

Le centre Insite a été créé, notamment, pour contenir l'épidémie de VIH dans les années 1980 et 1990. Or, le rapport de 2008 mentionne que rien n'indiquait qu'Insite avait contribué à réduire le taux d'infection au VIH dans le secteur.

En ce qui a trait au nombre de crimes liés à la drogue dans le secteur, le comité n'a pas relevé de changement et est même allé jusqu'à dire qu'un établissement semblable en Europe a été fermé en raison du flânage associé à la drogue.

Surtout, sénateurs, le rapport signale qu'on n'a trouvé aucune preuve que le centre Insite a réduit la consommation de drogue ou la criminalité en général.

Pour légitimer les centres d'injection, on fait notamment valoir qu'ils réduisent la fréquence des injections en public. Cette affirmation est douteuse pour la simple et bonne raison que ces centres ne pourraient jamais répondre aux besoins des milliers de toxicomanes qui se trouvent dans les grandes régions urbaines, à moins que le gouvernement ait l'intention d'en ouvrir à tous les coins de rue.

De plus, les études qui ont été menées ne tiennent pas compte de l'effet de certains autres facteurs sur la consommation de drogue dans les rues. La facilité avec laquelle on peut se procurer une drogue donnée, la présence de policiers, la popularité d'autres méthodes de consommation, même le temps qu'il fait sont tous des facteurs qui influent sur la fréquentation de ces centres.

On a constaté un exemple de corrélation de ce genre en Australie. Le centre d'injection supervisée de Sydney, qui a été créé dans les années 1990, a été évalué plusieurs fois. Il a fait état, en 2001, d'une tendance à la baisse des vols et des cambriolages dans le quartier. Or, à la même période, d'autres données révélaient une pénurie d'héroïne dans la ville. Une pénurie de drogue entraîne nécessairement une baisse de la consommation. Rien ne permettait de conclure que la présence de ce centre avait réduit le taux de criminalité.

Selon une évaluation financée par l'État, le taux de surdose dans le centre d'injection était en fait 36 fois plus élevé que dans la rue. Ce n'est guère surprenant, car la présence d'un centre favorise la consommation excessive sans risque. Selon le rapport, « il se pourrait que certains usagers aient pris plus de risques et consommé plus d'héroïne que d'habitude [au centre d'injection] ».

Dans son témoignage devant le conseil législatif de New South Wales en juillet 2007, un ancien usager du centre dit ceci :

[Les clients] se sentent plus en sécurité parce qu'ils savent qu'on les réanimerait sur-le-champ. [...] Lorsqu'ils consomment de l'héroïne et des pilules, les toxicomanes cherchent à en tirer le maximum possible. Ils veulent pouvoir s'assoupir pendant quatre ou cinq heures, mais en restant éveillés. Or, pour obtenir une telle sensation, il faut tester ses limites et, en agissant ainsi, on risque de mourir.

On peut se servir des mêmes arguments pour réfuter l'allégation selon laquelle ces centres améliorent la santé publique en diminuant le nombre de seringues jetées dans des endroits publics. La plupart des injections à Vancouver ne se font pas à Insite. Cela serait impossible. Il ne possède tout simplement pas les capacités suffisantes.

La seule fois qu'Insite semble avoir remporté un succès sans équivoque, c'est quand le gouvernement a recouru à ses services pour immuniser des patients durant une épidémie de pneumonie à pneumocoque en 2006.

Même si les études médicales ont été généralement favorable à Insite — un tel centre fait si bonne impression —, des études publiées dans The Lancet et le British Medical Journal, entre autres, laissent place à une bonne dose de scepticisme.

Les opinions des membres de la collectivité sur Insite durant l'évaluation ordonnée par le ministre de la Santé de l'époque étaient aussi intéressantes. En effet, même si les habitants du coin étaient plutôt en faveur d'Insite et qu'ils n'étaient pas susceptibles de l'associer à la criminalité, beaucoup de personnes étaient d'avis que le nombre de crimes contre les biens et de crimes violents avait augmenté.

Ce n'est guère surprenant étant donné que 80 p. 100 des patients utilisant ce centre sont des criminels qui ont déjà été incarcérés, que 51 p. 100 d'entre eux consomment quotidiennement de l'héroïne et que 38 p. 100 s'adonnent à une certaine forme de commerce sexuel pour payer leurs doses.

L'Association canadienne des policiers s'est prononcée en faveur de la structure réglementaire imposée par la Loi sur le respect des collectivités. Le président de l'association, Tom Stamatakis, a déclaré au comité que les centres d'injection supervisée « entraînent une augmentation du comportement et de l'agitation de nature criminelle à proximité des sites et que ces derniers ont une incidence considérable sur les ressources policières ».

Quand Ottawa a commencé à jongler avec l'idée d'ouvrir un centre d'injection dans le quartier Côte-de-Sable, le sénateur White, qui a déjà été à la tête du service de police de la ville, a déclaré à l'Ottawa Citizen qu'il y aurait plus de gens qui utilisent des seringues.

Le chef actuel du Service de police de la Ville d'Ottawa a déclaré ce qui suit en janvier :

Nous craignons toujours que ces centres ne favorisent la criminalité et le désordre. En fait, l'emplacement retenu devra avoir l'appui de la population. Les gens doivent connaître les conséquences qu'il y a à avoir un centre d'injection supervisée dans leur quartier.

C'est à cause de ces craintes que la loi actuelle comporte autant de conditions.

La Loi sur le respect des collectivités exige des demandeurs qu'ils prouvent, données à l'appui, que les établissements de ce genre ont bel et bien une incidence positive sur la santé publique.

Elle les oblige aussi à analyser les effets du futur centre sur la sécurité publique et à étayer leurs dires par des données sur la prévalence de la toxicomanie et le taux de mortalité par surdose dans le secteur, pour donner seulement deux exemples.

Le processus de consultation prévu dans la loi actuelle est très rigoureux. Les demandeurs doivent s'adresser aux groupes communautaires, aux médecins et aux infirmières et obtenir, par écrit, l'opinion des autorités sanitaires locales, du gouvernement de la province et des forces de l'ordre. La loi protège aussi les toxicomanes, puisqu'elle exige que les employés des centres d'injection supervisée fassent l'objet d'une vérification et prévoit tout un processus pour le stockage et l'utilisation de l'équipement.

Je suis contre les centres d'injection supervisée. Selon moi, ils ne remplaceront jamais de bonnes mesures de prévention de la toxicomanie et d'application de la loi. Cela dit, si le gouvernement n'a d'autre choix que de les approuver, qu'il fasse tout en son pouvoir pour qu'ils soient efficaces et ne présentent aucun danger pour la population environnante.

Rien, à mes yeux, ne prouve que ces centres soient plus efficaces que la stratégie privilégiée par l'ancien gouvernement. Pour réduire les méfaits, il faut supprimer le poison qui afflige la société, pas lui faire une plus grande place.

Je ne peux appuyer ce projet de loi et je demande aux sénateurs de bien y réfléchir.

L'honorable Larry W. Campbell : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Stewart Olsen : Bien sûr.

Son Honneur le Président : Avant que le sénateur pose sa question, je souligne que le temps de parole de la sénatrice Stewart Olsen est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à une question?

Le sénateur Campbell : Oui, je demande plus de temps pour qu'elle réponde à cette question.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Campbell : Je vous remercie, honorables sénateurs.

Ma première question est la suivante : l'étude du gouvernement a été menée en 2005-2006 et le rapport a été publié en 2007. Les travaux ont-ils fait l'objet d'un examen par des pairs?

La sénatrice Stewart Olsen : Il s'agissait d'une étude indépendante, menée, entre autres, par des médecins. Elle a donc fait l'objet d'un examen indépendant.

Le sénateur Campbell : À titre informatif, je rappelle aux sénateurs qu'il y a une grande différence entre un examen mené par des pairs et un examen indépendant. Un examen indépendant est simplement fait par un groupe de personnes qui donnent leur avis, dans bien des cas en appui à l'étude.

Un examen mené par des pairs consiste en un réel examen en vue de la publication dans une revue scientifique.

(1620)

Rappelons aussi que 40 articles scientifiques portant sur Insite et revus par des pairs ont été publiés dans diverses publications.

J'aimerais avoir vos impressions au sujet de la citation que voici :

Il est démontré qu'Insite a sauvé des vies, sans avoir aucune incidence négative observable sur les objectifs du Canada en matière de sécurité et de santé publiques.

C'est ce qu'a déclaré la Cour suprême du Canada.

La sénatrice Stewart Olsen : Sénateur, nous abordons tous les deux cette situation du même angle, dans l'ensemble. Vous avez vu les conséquences ultimes de ce problème, en quelque sorte, c'est-à-dire des morts par surdose. J'ai vu, pour ma part, des gens qui arrivent à l'urgence après une surdose et qu'on cherche à sauver.

Je ne nie pas qu'il y a encore énormément à faire pour aider les toxicomanes et tenir les drogues loin de nos rues. Il m'est toutefois impossible d'appuyer Insite et les autres centres d'injection supervisée. Je ne pourrais jamais aider une personne à s'injecter dans le bras une substance que je vois comme du poison. J'ai vu les résultats de la drogue, et il n'existe rien de pire, selon moi.

Je ne pourrais jamais soutenir une approche qui me semble privilégier le « ni vu ni connu », répondre aux souhaits de ceux qui demandent « faites disparaître ces gens-là, je ne veux plus les voir », et repousser le problème loin de notre champ de vision sans jamais réévaluer la situation.

Comme je l'ai mentionné, je crois savoir que vous avez contribué au travail d'Insite, et je vous en félicite, car je sais que vous cherchiez sincèrement à améliorer la situation. Je sais que vous avez été confronté aux conséquences de la toxicomanie, comme moi. Les centres d'injection ne m'apparaissent tout simplement pas offrir une bonne solution.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Campbell, avec l'appui de l'honorable sénateur Pratte, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Campbell, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

Projet de loi sur la non-discrimination génétique

Message des Communes—Amendement

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, accompagné d'un message informant le Sénat qu'elle a adopté ce projet de loi avec l'amendement ci-après, qu'elle prie le Sénat d'approuver :

Page 6, après la ligne 31, le nouvel article suivant :

« DISPOSITIONS DE COORDINATION

11 (1) En cas de sanction du projet de loi C-16, déposé au cours de la 1re session de la 42e législature et intitulé Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (appelé "« autre loi'' au présent article), les paragraphes (2) et (3) s'appliquent.

(2) Dès le premier jour où, à la fois, l'article 1 de l'autre loi et l'article 9 de la présente loi sont en vigueur, l'article 2 de la Loi canadienne sur les droits de la personne est remplacé par ce qui suit :

2 La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'identité ou l'expression de genre, l'état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, la déficience ou l'état de personne graciée.

(3) Dès le premier jour où, à la fois, l'article 2 de l'autre loi et le paragraphe 10 (1) de la présente loi sont en vigueur, le paragraphe 3 (1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne est remplacé par ce qui suit :

3 (1) Pour l'application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'identité ou l'expression de genre, l'état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l'état de personne graciée ou la déficience. »

ATTESTÉ

Le Greffier par intérim de la Chambre des communes
MARC BOSC

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous l'amendement?

(Sur la motion du sénateur Day, l'étude de l'amendement est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions du 28 mars 2017

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 8 mars 2017, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 28 mars 2017, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

L'ajournement

Adoption de la motion

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 8 mars 2017, propose :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 28 mars 2017, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste officiel du Parlement).

L'honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui en tant que marraine du projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste officiel du Parlement). Ce projet de loi a été présenté par notre ancien collègue, le sénateur Moore, afin de nommer un artiste officiel du Parlement selon le même esprit et le même raisonnement qui nous amène à nommer un poète officiel.

Vous m'avez déjà entendu qualifier les arts visuels de langage international permettant l'expression non verbale de l'âme et de la substance de l'identité canadienne. L'artiste officiel du Parlement fera ressortir, à l'intention de tous les Canadiens, la perspective publique du Parlement, l'importance de la démocratie canadienne aujourd'hui ainsi que les enjeux et le travail qui occupent les parlementaires. Il saura se faire comprendre de tous, Canadiens de souche ou nouveaux arrivants, immigrés ou réfugiés, peu importe leur langue maternelle.

Comme le sénateur Moore l'a dit à l'étape de la deuxième lecture, nommer un artiste officiel et décerner les prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques sont deux choses passablement différentes. Les lauréats des prix du gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques, au nombre de huit chaque année, reçoivent chacun 25 000 $. Une exposition annuelle de leurs œuvres est organisée et elle a lieu habituellement au Musée des beaux-arts du Canada. Cette année, elle se tiendra au Musée des beaux-arts de Winnipeg à compter du 7 avril.

En anglais, « laureate », qui vient du moyen anglais, désigne une personne qui a été honorée parce qu'elle s'est distinguée dans un domaine particulier. Le lauréat du poste d'artiste visuel officiel occuperait pour une durée de deux ans ce poste de créateur décroché dans le cadre d'un concours. Le titulaire du poste servirait à la fois d'ambassadeur des arts et de créateur d'œuvres ayant pour thème la Colline du Parlement et les enjeux débattus par les parlementaires. Il y aurait un budget pour le matériel et les cachets. À certains endroits, l'artiste officiel peut aussi tenir des expositions personnelles. J'espère que ce serait aussi le cas ici.

Un grand nombre d'États, dont ceux de New York, du Dakota du Sud et du New Hampshire, ont un artiste officiel. Leigh Hobbs et Chris Riddell sont, respectivement, les artistes officiels de l'Australie et du Royaume-Uni dans la catégorie littérature jeunesse.

(1630)

Nommé pour deux ans en 2015, M. Riddell a recours au pouvoir des arts visuels dans son rôle. Il affiche tous les jours en ligne des illustrations qu'il a réalisées, affirmant qu'il veut montrer à quel point on peut s'amuser en dessinant. Je peux vous assurer qu'il a contribué à susciter le goût de la lecture chez les jeunes Britanniques, dont mes petits-enfants.

Bien qu'il n'y ait jamais eu d'artiste officiel en arts visuels au Parlement, on en a déjà nommé ailleurs au Canada. L'artiste autochtone Christi Belcourt a remporté en 2014 le prix pour les arts autochtones du Conseil des arts de l'Ontario.

L'an dernier, la Ville de Toronto a remis son premier prix en photographie à Geoffrey James, l'ambassadeur de Toronto pour les arts visuels et photographiques, qui est chargé de promouvoir la photographie et les arts visuels et d'amener les gens à s'y intéresser, d'assister à des activités publiques, de participer à des discussions sur des questions contemporaines et de créer un projet commémoratif unique en son genre. Il a été nommé pour trois ans, et des honoraires de 10 000 $ par année lui sont versés. Lorsque la nomination a été faite, le maire a déclaré ce qui suit :

La photographie constitue un moyen efficace pour raconter l'histoire de Toronto, pour montrer la diversité, le talent et la beauté qu'on y trouve.

[Français]

Ce serait certainement le cas pour un artiste officiel du Parlement, quel que soit le moyen d'expression utilisé, qu'il s'agisse de la peinture, de la gravure, de la sculpture ou encore du dessin, de la vidéo, du cinéma et de l'installation ou bien de la photographie.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-234 modifie la Loi sur le Parlement du Canada afin de créer le poste d'artiste officiel du Parlement. À l'instar du directeur parlementaire du budget, l'artiste officiel serait un agent de la Bibliothèque du Parlement, afin d'assurer son indépendance, comme les autres agents du Parlement.

[Traduction]

Comme on l'indique dans le projet de loi, les Présidents du Sénat et de la Chambre des communes choisiront l'artiste à partir d'une liste de trois noms dressée par un comité, qui sera présidé par le bibliothécaire parlementaire. Siégeront au comité le bibliothécaire et archiviste du Canada, la commissaire aux langues officielles, le président du Conseil des arts du Canada et le président de la Société des artistes canadiens. Je propose que les personnes suivantes soient prises en considération : le directeur du Musée des beaux-arts du Canada, plutôt que le bibliothécaire et archiviste du Canada, le chef de la direction du Conseil des arts du Canada, plutôt que le président, et le président de l'Académie royale des arts du Canada.

[Français]

Au service des Présidents des deux Chambres pour une période d'au plus deux ans, l'artiste officiel aurait pour mandat de promouvoir les arts au Canada par l'entremise du Parlement. Il produirait des œuvres d'art ou serait appelé à les faire créer. Il pourrait, à la demande de l'un ou l'autre des Présidents, produire des œuvres destinées à l'usage du Parlement ou encore à des cérémonies d'État. L'artiste officiel pourrait également parrainer des événements artistiques et conseiller le bibliothécaire parlementaire en ce qui a trait à la collection et aux acquisitions de la Bibliothèque du Parlement afin d'enrichir le fonds culturel. En outre, toujours à la demande de l'un ou l'autre des Présidents, le titulaire du poste s'acquitterait aussi de fonctions connexes.

[Traduction]

Quel profit en tireraient les Canadiens? Eh bien, l'artiste officiel, par ses œuvres, décrirait et ferait connaître les travaux du Parlement et les questions nationales. Comme l'a déclaré le poète officiel de Calgary, Derek Beaulieu, c'est un « levier de changement culturel ».

On a affirmé à maintes reprises que « les arts sont l'outil le plus puissant pour opérer des changements sociaux ». Plus que jamais, nous avons besoin de ces outils pour nous atteler aux problèmes de la pauvreté, de la discrimination raciale, de la criminalité et de la santé.

Dans son ouvrage intitulé Le facteur C : l'avenir passe par la culture, Simon Brault, PDG du Conseil des arts du Canada, écrivait ceci :

Les arts et la culture ne peuvent pas sauver le monde, mais peuvent aider à le changer [...] Le pouvoir qu'a l'art de transformer le monde et ne nous enchanter gagne du terrain [...] La culture est l'avenir.

Dans le rapport parlementaire appuyé par tous les partis qui a été publié il y a 18 ans et qui est intitulé Appartenance et identité, on peut lire ceci : « Le rôle des artistes n'est pas seulement de refléter les valeurs de la société dans laquelle ils vivent, mais de réfléchir aux questions sur lesquelles la société doit se pencher pour mieux se connaître. »

Voilà, chers collègues, quel serait le rôle d'un artiste visuel officiel : refléter et interpréter le travail du Parlement et les questions dont nous débattons, et témoigner de ce qui est vu, entendu et perçu, consciemment et inconsciemment.

En outre, je m'inquiète vraiment de l'ignorance de nos enfants et de nos jeunes quant au rôle de la démocratie et au fonctionnement du Parlement, et du faible taux de participation des jeunes aux élections. Le travail d'un artiste visuel officiel pourrait contribuer à combler ces connaissances civiques lacunaires.

Je pense que le travail de notre artiste visuel officiel serait pour nous tous une source d'inspiration. Il ouvrirait de nouveaux horizons à la jeunesse et créerait des liens avec les néo-Canadiens et les citoyens de toutes les régions. Son travail nous rapprocherait les uns des autres et, ce qui est encore plus important, nous permettrait de comprendre autrement ce que sont le civisme ainsi que les enjeux et processus gouvernementaux. Les enfants et les jeunes ont constamment recours au langage international des arts visuels, qui leur est familier.

[Français]

Honorables sénateurs, alors que nous célébrons le 150e anniversaire de notre pays, la ville de Victoria, en Colombie-Britannique, a prévu d'avoir deux artistes en résidence, y compris un artiste autochtone, afin de souligner le fait que l'année que nous célébrons s'inscrit aussi sous le thème de la réconciliation.

[Traduction]

Comme l'ont dit des conseillers municipaux de Victoria, l'artiste « appuiera de façon très directe le travail que nous effectuerons au cours des cinq prochaines années en réponse aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation » et elle montrera que « l'art autochtone est [...] distinct et significatif [...] qu'il revêt une véritable importance culturelle à Victoria [...] il convient d'avoir ce poste aux côtés de l'artiste général en résidence. »

Victoria avait initialement prévu une somme de 72 000 $ à son budget pour chacun des deux postes, c'est-à-dire 40 000 $ pour la rémunération et 32 000 $ pour les dépenses. En 2016, le montant prévu au budget du Parlement pour son poète officiel était de 33 000 $, c'est-à-dire 20 000 $ pour les honoraires et le reste pour les frais de déplacement et les dépenses. Un artiste visuel aurait également besoin de matériaux.

Comme vous me l'avez entendu dire, il y a aussi des statistiques économiques très convaincantes sur les industries culturelles du Canada. Statistique Canada a publié le Compte satellite de la culture du Canada, qui donne la « mesure de l'importance économique de la culture (y compris les arts et le patrimoine) et du sport au Canada en ce qui a trait à la production, au produit intérieur brut et à l'emploi ».

Si nous faisons preuve de leadership et nous accroissons la sensibilisation des Canadiens au rôle des arts, je pense que les répercussions économiques des arts augmenteront. Par exemple, selon le rapport du Compte satellite de la culture, le PIB des industries culturelles en 2010 était de 47,6 milliards de dollars, ce qui représente 3,4 p. 100 du PIB du Canada. Les industries culturelles ont fourni 642 486 emplois au Canada, soit 4 p. 100 de l'économie totale, ce qui en fait le troisième employeur en importance au pays. De plus, le PIB du secteur culturel du Canada a augmenté de 2,8 p. 100 en 2014. Les médias audiovisuels et interactifs étaient responsables de plus de la moitié de la croissance globale.

Je vous encourage tous à examiner la contribution des industries culturelles au PIB de votre province. Elles sont vraiment impressionnantes, allant de 121 millions de dollars à l'Île-du-Prince-Édouard, à 53 millions de dollars au Nunavut, en passant par 1,4 milliard de dollars au Manitoba, 21,8 milliards de dollars en Ontario et 10,8 milliards de dollars au Québec.

La semaine dernière, je suis allée dans une école et j'ai parlé de la nécessité de tenir compte de la responsabilité sociale au moment de réévaluer le plan stratégique de l'école et d'examiner les besoins futurs des étudiants dans ce monde qui évolue rapidement. Vous devinez sûrement la trame de mon message. Nous tous, au Sénat et au Parlement, avons indubitablement une grande responsabilité envers la société. C'est aussi le cas des artistes. Combinons ces deux responsabilités de façon concrète et fructueuse : nommons un artiste visuel officiel.

(1640)

Chers collègues, George Elliott Clarke a fait au Canada l'honneur de devenir son septième poète officiel. Nous avons entendu quelques mots de sa plume hier, et encore aujourd'hui.

Sans savoir qu'il serait cité par deux honorables sénateurs, je lui ai demandé d'écrire un poème que je pourrais lire aujourd'hui au sujet des visions d'un artiste visuel officiel. C'est ce qu'il a fait; il a écrit un poème, ainsi qu'une déclaration. Voici tout d'abord sa déclaration :

Tout responsable de charge publique à qui on confie le mandat de promouvoir les arts et les lettres, la musique, la danse, le théâtre et le cinéma canadiens inspirera évidemment des rêves, ces rêves à la fois origines du droit, sources de prospérité et gardiens de la liberté. Plus nous attachons d'importance à la connaissance des arts et à la culture, plus nous investissons dans le confort et la commodité, les possibilités et les révélations, dans une société où aucune personne n'est superflue et où tous sont des citoyens précieux et irremplaçables, car tous peuvent rêver...

Voici maintenant le poème du poète officiel : Sur l'idée de nommer un artiste visuel officiel.

La page blanche, la toile blanche estIndubitablement délicieuseComme le brouillard qui cache puis révèleCe que l'espoir fige bientôtUne architecture fantastiqueL'imagination bien née :Ce que la Vision, œil de soiA rêvé, un Quoi éclairant un Pourquoi...Peintures et encres explosent en arcs-en-cielUn film sculpte la lumière, en un clin d'oeil;Une aiguille, dansante, devient lyrique,Toute forme devient épique.L'art vit dans l'œil de ceux et celles,Dont la vision imagine un artiste officiel.

Honorables sénateurs, vous pouvez constater que je crois qu'il s'agit d'un poste inspirant qui nous rassemble tous grâce à un rêve. Les arts visuels permettent de lancer et d'encourager des débats, tant sur la Colline qu'ailleurs, ce qui lie le travail des parlementaires aux Canadiens ordinaires qui ne vivent pas sur la Colline du Parlement. Cela fournira aux Canadiens une nouvelle compréhension du sens civique.

Le 150e anniversaire du Canada n'est-il pas le moment idéal pour faire cadeau aux Canadiens d'un artiste officiel du Parlement? Quand on jette un regard rétrospectif sur les 150 années de notre pays unique, nous nous rappelons tous les grands artistes passés qui ont...

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour terminer?

La sénatrice Bovey : Puis-je avoir encore deux minutes?

Son Honneur le Président : Deux minutes. Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Bovey : Quand on jette un regard rétrospectif sur les 150 années de notre pays unique, nous nous rappelons tous les grands artistes passés qui ont représenté le Canada passé à travers de nombreux médias visuels. Je serais heureuse de vous montrer tous les exemples de trésors nationaux canadiens que vous souhaitez. Le Canada est vraiment une mosaïque formée par toutes les personnes et cultures qui y vivent, et l'histoire du pays a été et est toujours représentée par le travail des nombreux artistes visuels qui voient cette terre d'une myriade de perspectives et de points de vue. Chacun d'entre eux contribue à la vision du Canada. L'artiste officiel du Parlement y contribuera aussi.

Je crois qu'un artiste officiel devrait être nommé pour mettre en valeur le Parlement ainsi que les artistes canadiens et leurs œuvres, afin d'expliquer l'expérience canadienne non seulement à l'étranger, mais également au pays. Comme M. Clarke me l'a indiqué dans sa note : « tous savent rêver ». Ou comme l'a écrit celui qui inspire les rêves, à propos de cette magnifique toile blanche : « l'art vit dans l'œil de ceux et celles, dont la vision imagine un artiste officiel. »

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

La Loi interdisant les armes à sous-munitions

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L'honorable Salma Ataullahjan propose que le projet de loi S-235, Loi modifiant la Loi interdisant les armes à sous-munitions (investissements), soit lu pour la deuxième fois.

— « C'était au milieu du ramadan, tout juste après le repas du soir. Ma sœur l'a trouvée dans la plantation de tangerines et me l'a remise », dit Zahara, une fillette de 12 ans.

Elle avait la forme d'une boîte de crayons de couleur, et une sorte de pyramide se trouvait sur le dessus. Quand je l'ai prise des mains de ma sœur, elle est tombée au sol. Quand je l'ai ramassée, elle a explosé. Je me rappelle que le bruit de l'explosion était très fort. Il m'a perforé les oreilles. Je suis tombée au sol et mes amis m'ont portée jusqu'à la maison. Le docteur a dit qu'il fallait m'amputer la main. Ma mère s'est mise à pleurer. Le moignon où se trouvait ma main est encore très douloureux, et il est toujours froid. Je ne peux pas jouer. Je ne veux pas aller à l'extérieur. Avant, je m'amusais avec mes amis, mais maintenant, je ne peux plus m'amuser avec eux comme avant.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-235, Loi interdisant les investissements dans les armes à sous-munitions, créerait une nouvelle interdiction, dans la Loi interdisant les armes à sous-munitions, d'investir dans une entité qui a enfreint une interdiction visant les armes à sous-munitions, les sous-munitions explosives et les petites bombes explosives. Les armes à sous-munitions ont pour but de transporter et de disperser de multiples sous-munitions explosives ou petites bombes explosives. Il est possible de larguer ces armes à partir d'aéronefs ou de les lancer à partir du sol ou de la mer à l'aide de roquettes ou de pièces d'artillerie. Elles sont conçues pour s'ouvrir en plein vol et relâcher des dizaines, voire des milliers, de sous-munitions qui ont la capacité de saturer sans discernement une zone terrestre pouvant atteindre la taille de plusieurs terrains de football. Toute personne se trouvant au sein d'une zone frappée par des armes à sous-munitions, que ce soit un militaire ou un civil, risque fort de se faire tuer ou d'être gravement blessée. De plus, toute munition qui ne s'active pas à l'atterrissage deviendra essentiellement une mine terrestre, ce qui présentera une menace immédiate pour la population, et ce, pendant des dizaines d'années après la fin du conflit ou jusqu'à ce que les bombes aient été retirées et détruites.

En juin 2016, PAX, un groupe néerlandais pour la paix qui fait partie de la coalition internationale contre les armes d'emploi aveugle, a indiqué que quatre établissements financiers canadiens avaient investi 565 millions de dollars dans des entreprises qui fabriquent des armes à sous-munition. Quand j'ai lu ce rapport, j'ai été choquée et horrifiée d'apprendre que des établissements financiers canadiens investissaient dans la production de ces armes de guerre insidieuses. Je me suis immédiatement sentie obligée d'examiner cette question plus avant et de faire tout ce que je pouvais pour mettre fin à cette pratique dans notre pays.

Je porte aussi un intérêt personnel à cette question. Au plus fort de l'invasion russe de l'Afghanistan, mon oncle, qui était chirurgien orthopédiste à Peshawar, au Pakistan, a traité d'innombrables victimes des armes à sous-munitions qui, en désespoir de cause, avaient été transportées de l'autre côté de la frontière afghane par tous les moyens possibles, notamment à pied, à dos d'âne, en camionnette, en voiture ou en autobus, pour obtenir des soins médicaux. Plusieurs années plus tard, les armes à sous-munitions continuent à coûter la vie à des Afghans.

Ce mois-ci, la mission des Nations Unies en Afghanistan a rapporté que les mines et les armes à sous-munitions abandonnées après des décennies de conflit étaient en grande partie responsables de l'augmentation de 25 p. 100 des décès d'enfants en Afghanistan en 2016.

Les organismes des Nations Unies, grâce à leur travail sur le terrain, ont rendu compte de l'utilisation de nombreux types différents d'armes à sous-munitions au cours des années. À cet égard, le Bureau des affaires du désarmement des Nations Unies a indiqué clairement que tous les types d'armes à sous-munitions causent des dommages inacceptables aux civils. Selon le Comité international de la Croix-Rouge, les armes à sous-munitions étant généralement à chute libre, elles peuvent frapper largement en dehors du périmètre cible si elles ne sont pas correctement utilisées, s'il y a du vent ou en raison d'autres facteurs externes.

En outre, un grand nombre d'armes à sous-munitions n'éclatant pas comme prévu, elles peuvent empêcher ou entraver considérablement le retour en toute sécurité des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du territoire ainsi que gêner les efforts humanitaires, de paix et de développement, y compris le déminage et le désamorçage des armes à sous-munitions.

Travis était un caporal du Corps des Marines des États-Unis déployé en Irak. Après la fin des combats les plus durs, il décida de rester et de se porter volontaire pour l'enlèvement des bombes à sous-munitions qui n'avaient pas explosé ainsi que des mines terrestres. Le 2 juillet 2003, il a été tué par une arme à sous-munitions qui n'avait pas explosé.

Sa mère, Lynn, dénonce maintenant en ces termes l'utilisation des armes à sous-munitions :

Si même les militaires les mieux formés peuvent accidentellement être victimes de ces armes, comment pouvons-nous espérer que des civils retournent sur ces terrains parsemés de ces munitions sans en être victimes?

(1650)

En 2008, la Convention sur les armes à sous-munitions a été adoptée par plus de 100 pays, dont le Canada. En août dernier, 119 pays au total avaient signé la convention ou y adhéraient.

La convention est entrée en vigueur le 1er août 2010. Elle est le seul instrument international destiné à mettre un terme aux souffrances causées par les armes à sous-munitions. En 2015, le Canada a ratifié la convention et promulgué la Loi interdisant les armes à sous-munitions.

Cependant, bien que de nombreux pays aient interdit ces armes à cause de leur incapacité à faire la distinction entre combattants et civils ainsi qu'en raison de la quantité de munitions non explosées résiduelles, les armes à sous-munitions continuent à être fabriquées et utilisées dans des conflits en cours dans le monde entier et, chaque année, tuent ou blessent gravement un nombre démesuré de civils.

« La souffrance continue et les civils restent les premières victimes des bombes à fragmentation », a indiqué Jeff Abramson, gestionnaire de programme à l'Observatoire des mines et des armes à sous-munitions.

De plus, les victimes d'attaques menées à l'aide d'armes à sous-munitions sont de plus en plus souvent répertoriées dans des marchés, dans des écoles et dans des hôpitaux ainsi qu'à proximité de ces lieux.

En 2015, Human Rights Watch a documenté deux attaques menées à l'aide d'armes à sous-munitions contre deux écoles à Douma, tuant au moins huit enfants et deux membres du personnel enseignant. Au Yémen, au moins deux personnes ont été blessées dans une attaque menée avec des armes à sous-munitions près du village d'al-Amar un jour de marché. En Ukraine, une femme et un enfant ont été tués sur un terrain de jeux près d'une école par des tirs de roquette à sous-munitions.

Les enfants sont particulièrement à risque d'être victimes d'armes à sous-munitions parce qu'ils prennent souvent pour des jouets les obus non explosés qu'ils trouvent à terre. En fait, l'Observatoire des mines et des armes à sous-munitions estime que 40 p. 100 des victimes des bombes à sous-munitions dans le monde sont des enfants.

Attirés par leurs couleurs vives et leur apparence de jouet, les enfants activent souvent les munitions qui n'ont pas explosé en les prenant en main, comme l'a fait Emam, 4 ans, qui est décédée des blessures qu'elle a subies après avoir ramassé une sous-munition, l'année dernière, à Alep-Est.

En octobre 2016, Save the Children a rapporté que les armes à sous-munitions et autres armes explosives avaient tué au moins 136 enfants et en avaient blessé 397 autres depuis le début d'une tentative de reprise d'Alep. Les médecins à Alep-Est ont confirmé qu'un grand nombre d'enfants étaient arrivés avec des blessures infligées par des bombes à fragmentation.

En l'espace de neuf ans, soit entre 1964 et 1973, plus de 2 millions de tonnes de bombes, dont des munitions à fragmentation, ont été lancées sur le Laos. Depuis, selon les estimations, 20 000 personnes ont été tuées ou blessées par des munitions résiduelles qui n'avaient pas explosé. À ce jour, le tiers des terres arables au Laos est contaminé par ces obus.

Par conséquent, le manque de développement économique et la pauvreté font des ravages au Laos, les agriculteurs ne pouvant pas utiliser ces terres pour les cultures. Selon les estimations, à une vitesse de déminage de 8 000 hectares par an, il faudrait 1 000 ans de travail soutenu pour délivrer le Laos de tous les obus qui n'ont pas explosé.

Sénateurs, l'investissement éthique est une question qui a gagné en importance aux yeux des Canadiens. L'organisation Mines Action Canada a indiqué que de nombreux Canadiens lui ont demandé ce qu'ils pouvaient faire pour garantir que leur établissement financier n'investissait pas dans les armes à sous-munitions, parce qu'ils ne veulent pas que leur argent soit utilisé pour aider à produire une arme interdite.

En outre, les investisseurs canadiens eux-mêmes réclament une clarification de la question de l'investissement dans les armes à sous-munitions compte tenu de l'absence d'interdiction définitive dans la législation actuelle.

Plusieurs personnes à qui j'ai parlé de ce projet de loi ont été surprises d'apprendre que notre législation ne prévoit pas l'interdiction explicite des investissements dans les entreprises qui fabriquent des armes à sous-munitions.

De plus, ces personnes se sont dites très inquiètes que les institutions financières auxquelles elles ont confié leurs investissements puissent investir leur argent dans ce genre d'armes.

Honorables sénateurs, investir dans les compagnies qui produisent les armes à sous-munitions signifie choisir de soutenir des armes qui causent des dommages dévastateurs, surtout aux civils.

Ces armes sont inhumaines et tuent sans distinction; aucune institution financière canadienne ne devrait y investir. Comme armes interdites, elles représentent un très mauvais investissement et, au fur et à mesure qu'un nombre croissant de pays ont ratifié la convention, on a pu constater que le marché pour ce genre d'armes a commencé à s'affaisser.

Dans le préambule de la Convention sur les armes à sous-munitions, on reconnaît le besoin généralisé d'améliorer la protection des civils dans les conflits armés et de faciliter la reconstruction post-conflit.

Si les ressources financières nécessaires pour fabriquer ces armes n'étaient plus disponibles pour les compagnies qui les produisent, ce serait une étape de plus vers la suppression complète des armes à sous-munitions, ce qui améliorerait considérablement la protection des civils dans les conflits armés et les efforts de reconstruction, conformément à l'esprit de la convention.

La principale disposition, l'article 3 de la Loi interdisant les investissements dans les armes à sous-munitions, interdit explicitement à toute personne d'acquérir ou d'avoir, directement ou indirectement, individuellement ou en qualité d'actionnaire ou d'associé ou à quelque autre titre, un intérêt pécuniaire dans une personne ou de consentir ou garantir un prêt d'argent à une personne en sachant qu'elle a commis, aidé ou encouragé une autre personne à commettre tout acte visé à l'un des alinéas a) à d) de la Loi interdisant les armes à sous-munitions.

Selon PAX, au cours des dernières années, la société civile a commencé à collaborer activement avec les institutions financières et les représentants des gouvernements du monde pour discuter des façons de désinvestir des compagnies qui produisent des armes à sous-munitions. Bien que cette collaboration ait entraîné le désinvestissement des fabricants d'armes à sous-munitions de la part de certaines institutions financières, nombre d'entre elles ne l'ont pas fait.

Par conséquent, d'innocents civils en souffrent encore et la grande majorité des victimes demeurent des civils. Ils représentent 97 p. 100 de toutes les victimes répertoriées en 2015.

Bien que les chiffres enregistrés soient très élevés, il est important de mentionner qu'un nombre considérable de victimes d'armes à sous-munitions ne sont pas répertoriées faute de documentation. L'organisme Handicap International estime à plus de 100 000 les victimes de bombes à sous-munitions dans le monde. En outre, en raison des conflits qui faisaient rage en 2016, le nombre de victimes a sans doute augmenté.

Nous savons que les armes à sous-munitions ont des conséquences humanitaires graves, non seulement lorsqu'elles sont lancées, mais des décennies après, dans les cas où elles ne se déclenchent pas comme prévu.

Comme on l'a mentionné plus tôt, les pièces d'artillerie de bombes à sous-munition qui n'ont pas explosé sont souvent rutilantes et attirent les enfants curieux.

Certaines bombes à sous-munitions sont remplies de billes d'acier qui, lorsque la bombe explose, se transforment en autant de projectiles brûlants. Il suffit de 20 ou 30 de ces billes pour arracher des membres à des enfants, fracturer leurs os, plus fragiles, ou les rendre aveugles, sans compter les billes qui se logent dans leurs muscles.

Honorables sénateurs, le Canada a ratifié la Convention sur les armes à sous-munitions en adoptant la Loi interdisant les armes à sous-munitions. Améliorons maintenant nos lois en y incluant l'interdiction définitive d'investir dans des armes à sous-munitions.

Nous devons continuer à donner l'exemple et à soutenir tous les efforts visant à éradiquer ces horribles armes.

En modifiant la loi pour y inclure l'interdiction d'investir dans des compagnies qui fabriquent des armes à sous-munitions, des sous-munitions explosives et des petites bombes explosives, c'est exactement ce que nous ferons.

Beaucoup de pays, y compris des pays où est appliquée la common law, ont déjà promulgué des lois interdisant d'investir dans des entreprises qui fabriquent des armes à sous-munitions.

De plus, nous observons que les États ont maintenant tendance à prendre des mesures visant à empêcher les investissements dans des armes à sous-munitions comme moyen de mettre fin à leur production afin de les éradiquer complètement de la planète.

L'une des manières les plus efficaces de mettre fin à la production d'armes à sous-munitions est de rompre les liens financiers avec les sociétés qui les fabriquent. Seule une loi explicite et ferme peut permettre cela.

Le Canada a joué un rôle de premier plan dans la lutte contre les mines antipersonnel. Faisons en sorte qu'il mène aussi le combat contre la production et l'utilisation des armes à sous-munitions.

Il est urgent de prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin à la tuerie aveugle d'enfants et de civils innocents causée par ces armes dévastatrices.

L'adoption du projet de loi nous permettra d'y arriver facilement et efficacement, car il vise à raréfier les ressources financières nécessaires pour la fabrication de ces armes.

Le jour de son accident, Fikret, un jeune homme de 20 ans, se tenait debout dans un champ où un de ses moutons a fait exploser une arme à sous-munitions enfouie dans le sol depuis 1999. Treize des moutons appartenant à la famille de Fikret sont morts ce jour-là, mais c'est grâce à eux qu'il a eu la vie sauve. L'explosion lui a causé de graves blessures à la tête, à l'œil gauche, au cou, au thorax et au bras gauche. Même si les secours n'ont pas tardé à arriver sur les lieux, il a fallu plus d'une vingtaine de minutes aux secouristes pour se rendre jusqu'à lui, car ils craignaient la présence d'autres munitions non explosées.

(1700)

À cause de ses blessures, il a dû passer deux mois et demi à l'hôpital. Aucune des avenues explorées n'ayant donné de résultats, les médecins ont toutefois dû lui enlever la partie restante de son œil gauche. La blessure à son bras gauche a aussi eu des conséquences dévastatrices sur sa vie, parce qu'il est gaucher. Comme il ne peut à peu près plus se servir de son bras gauche, il a dû abandonner la formation de soudeur qu'il avait entamée.

Il estime que son accident a fait voler ses rêves en éclats et il a énormément de mal à s'adapter à sa nouvelle situation, physiquement et psychologiquement. « Je dors dans la chambre à côté de celle de Fikret, explique son frère, et je me réveille souvent en sursaut parce qu'il fait des cauchemars et qu'il crie dans son sommeil. »

Honorables sénateurs, j'espère qu'un jour, les histoires comme celle de Fikret seront chose du passé. Investir dans les entreprises qui fabriquent ce genre d'armes à sous-munitions, c'est investir dans la dévastation et le malheur qu'elles causent. J'ai bon espoir que, avec votre appui, ce projet de loi sera adopté rapidement.

(Sur la motion du sénateur Day, au nom de la sénatrice Hubley, le débat est ajourné.)

Modernisation du Sénat

Troisième rapport du comité spécial—Retrait des motions d'amendement et de sous-amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à l'adoption du troisième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l'avant (Comités), présenté au Sénat le 4 octobre 2016.

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Tannas, appuyée par l'honorable sénatrice Unger,

Que le troisième rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié par substitution, au troisième paragraphe qui commence par les mots « Que le Sénat donne instruction », de ce qui suit :

« Que

1. le greffier du Sénat soit chargé de rédiger et recommander au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement des ébauches de modifications au Règlement du Sénat afin de changer le processus pour déterminer la composition du Comité de sélection et de chacun des comités permanents, en utilisant le processus énoncé ci-dessous en tant que base pour de telles modifications et en tenant compte des objectifs identifiés par le comité et des principes qui les sous-tendent;

2. le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement examine et considère ces recommandations et en fasse rapport au Sénat. ».

Et sur le sous-amendement de l'honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyé par l'honorable sénateur Joyal, C.P. :

Que la motion d'amendement ne soit pas adoptée maintenant, mais qu'elle soit modifiée par substitution des mots « rapport au Sénat » par les mots « rapport au Sénat au plus tard le 1er mai 2017 ».

L'honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, j'ai cru comprendre que le sénateur Day a l'intention de présenter des amendements au rapport. Je les ai vus, et je les appuie. C'est également le cas du sénateur Eggleton. Par conséquent, en lui et moi, nous vous demandons le consentement de retirer le sous-amendement du sénateur Eggleton et mes amendements.

L'honorable George Baker (Son Honneur le Président suppléant) : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

(Les motions d'amendement et le sous-amendement sont retirés.)

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, comme le sénateur Tannas l'a mentionné, il s'agit du troisième rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat. Ce rapport particulier porte sur la composition des comités. Les honorables sénateurs savent que c'est là un élément crucial de l'évolution et de la modernisation de notre travail au Sénat.

Je voudrais rappeler aux sénateurs que l'accord conclu entre nous pour intégrer les nouveaux sénateurs aux travaux des comités est un accord temporaire, du genre que nous appelons parfois un ordre sessionnel. Cet ordre arrivera à échéance à la fin de la session ou en octobre prochain, alors il est essentiel que nous nous réglions ce dossier maintenant.

Ainsi, je voudrais situer un peu le contexte dans lequel s'inscrit l'amendement que j'ai l'intention de présenter. Je remercie tous les sénateurs, mais en particulier les sénateurs Ringuette, Tannas et Eggleton, qui se sont consacrés particulièrement à cette question et qui ont fait preuve d'une bonne compréhension, à l'heure où nous nous employons à trouver une solution plus durable pour nos comités. L'amendement que j'ai l'intention de présenter est conçu pour que le travail qui doit être effectué par le Comité du Règlement puisse être fait plus librement, plus ouvertement et de manière plus conforme à sa manière habituelle de travailler que ce que le rapport du Comité sur la modernisation suggérait au départ.

Le Sénat s'enorgueillit à raison depuis longtemps du travail de ses comités, dont je voudrais retracer le long historique au moyen de quelques réalisations marquantes, car je pense que cela nous aidera à mettre les choses en perspective. Ces réalisations comprennent notamment le rapport sur la pauvreté produit pendant les années 1970 par le comité sénatorial sous la présidence du sénateur David Croll; le rapport sur les médias du sénateur Keith Davey; les rapports sur le service de renseignement de sécurité produits durant les années 1980 par un comité sous la présidence du sénateur Michael Pitfield; le rapport sur l'érosion des sols du sénateur Herb Sparrow.

Soit dit en passant, alors que je faisais une tournée du Canada avec le Comité de l'agriculture, nous sommes passés dans une ferme du Nord du Nouveau-Brunswick. L'agriculteur nous a dit qu'il connaissait le travail des sénateurs et il est parti dans sa grange pour en ressortir avec le rapport du sénateur Sparrow sur l'érosion des sols. « Ce rapport est comme la Bible pour nous, dans cette partie du monde », nous a-t-il dit. C'est, en fait, le premier rapport du Sénat dont j'ai entendu parler. Ce fut une bonne leçon pour moi.

Parmi les autres rapports, je pense à celui sur les jeunes, du sénateur Jacques Hébert — son travail auprès de Katimavik a influencé le contenu de ce rapport. Je pense aussi au rapport du sénateur Lowell Murray sur la cohésion sociale, ainsi qu'aux rapports innovateurs du comité dirigé par Michael Kirby qui ont été publiés durant les années 2000 et qui portaient sur les soins de santé et la santé mentale. Il y a aussi le rapport du sénateur Pierre Claude Nolin sur la légalisation du cannabis, ainsi que divers rapports détaillés et très instructifs du Comité de la défense, présidé par Colin Kenny.

Nous avons examiné de nombreuses façons d'améliorer l'efficacité de nos comités. Toutefois, alors que nous réfléchissons à des façons d'améliorer les choses, nous ne devrions pas oublier l'énorme travail réalisé au fil des décennies.

Honorables sénateurs, en plus des études qu'ils effectuent et qui sont à l'origine de rapports d'orientation, les comités du Sénat travaillent évidemment en vue d'améliorer les projets de loi émanant de l'autre endroit. Au fil des ans, les comités ont proposé des centaines, voire des milliers d'amendements.

Le troisième rapport du Comité sur la modernisation porte sur la façon dont les comités du Sénat sont constitués et organisés. Il s'agit d'un rapport crucial, puisqu'il vise à ce que les comités soient le mieux placés possible pour poursuivre le bon travail dont je viens de parler.

Je félicite et remercie le sénateur Eggleton et tous les membres du Comité sur la modernisation. Je mentionne le sénateur Eggleton parce que c'est lui qui a présenté le troisième rapport du comité. Il a travaillé très fort pour formuler les recommandations. Celles-ci nous aideront beaucoup à mettre l'accent sur le travail que nous devons faire.

Ces propositions ont clairement été conçues pour veiller à ce que tous les comités du Sénat respectent entièrement les principes en matière d'égalité et de proportionnalité lorsque vient le temps de choisir leurs membres et leurs dirigeants.

En décembre, nous avons tous approuvé un ordre sessionnel visant à faire en sorte que tous les sénateurs aient des chances égales de participer pleinement aux travaux de tous les comités. Alors que d'autres corps législatifs dotent leurs comités strictement en fonction de l'ancienneté, comme les États-Unis, nous avons choisi de ne pas procéder ainsi dans ce cas particulier. Le 7 décembre, nous avons tous convenu que nous devions tous être traités comme des égaux, quelle que soit la date de notre arrivée en cet endroit.

(1710)

La motion qui a mené à l'ordre sessionnel a été présentée par le leader de l'opposition, le sénateur Carignan, avec l'appui du sénateur Harder, le leader du gouvernement, de la sénatrice McCoy, la coordonnatrice du Groupe des sénateurs indépendants, ainsi que par moi, en qualité de leader des libéraux indépendants au Sénat.

Le fait que la motion a été présentée, appuyée et adoptée à l'unanimité est, à mon avis, un véritable indicateur du respect que chacun de nous a pour le droit fondamental d'autrui de participer pleinement à tous les aspects de notre travail en tant que sénateurs, qu'importe où ou avec qui nous nous asseyons dans cette Chambre.

Honorables sénateurs, ce respect mutuel, cette reconnaissance et, bien franchement, cette bonne volonté les uns envers les autres sont essentiels pour notre réussite individuelle et collective en cette Chambre législative de second examen objectif.

Je sais que cette bonne volonté et ce respect mutuel guideront le travail des membres du Comité du Règlement lorsque le troisième rapport du Comité sur la modernisation du Sénat lui sera renvoyé pour la mise à exécution.

Cependant, avant de renvoyer le rapport au Comité du Règlement, j'aimerais suggérer certaines modifications. Des discussions ont eu lieu pour aider le Comité du Règlement relativement aux directives qu'il recevra du Sénat à la suite du rapport du Comité sur la modernisation.

Les membres du Comité du Règlement doivent avoir toute la latitude nécessaire afin d'employer leur expertise et leur expérience à la réalisation de l'égalité et de la proportionnalité au sein des comités. Nous souhaitons nous assurer que le Comité du Règlement tienne également compte de deux points précis qui ont été soulevés par la sénatrice Ringuette, soit le problème de la proportionnalité au sein des sous-comités et le traitement égal des sénateurs qui ne sont pas membres d'un caucus ou d'un groupe reconnu.

Je l'ai déjà dit, mais je veux souligner que le sénateur Eggleton a eu l'occasion d'étudier notre approche. Le sénateur Tannas aussi. Ils nous appuient sans réserve.

Motion d'amendement

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Donc, honorables sénateurs, je propose :

Que le troisième rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat ne soit pas maintenant adopté, mais qu'il soit modifié :

1. par substitution des mots « Sénat donne instruction au Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement de modifier le » par les mots « Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement élabore et propose au Sénat, d'ici le 9 mai 2017, des modifications au »;

2. par substitution des mots « pour de tels changements » par les mots « initiale pour ses travaux sur les modifications, mais tenant également compte de tout autre facteur pertinent identifié par le Comité du Règlement »;

3. par adjonction, à la fin du premier point sous la rubrique « ÉTAPE 4 », de la nouvelle phrase suivante :

« Pour assurer la proportionnalité générale au sein des comités permanents, les sénateurs qui ne sont pas membres d'un caucus ou d'un groupe reconnu sont considérés, dans leur ensemble, comme un groupe aux fins de ce processus. »;

4 par adjonction du texte suivant immédiatement avant les mots « TÂCHE RÉGULIÈRE » :

« ÉTAPE 9

Le principe de la proportionnalité s'applique également aux sous-comités. ».

Son Honneur le Président suppléant : La sénatrice Martin a la parole.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Merci de votre explication, sénateur Day. J'aimerais demander que le débat soit ajourné à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

L'étude sur les pratiques exemplaires et les problèmes constants du logement dans les collectivités des Premières Nations et les collectivités inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest

Adoption du cinquième rapport du Comité des peuples autochtones et demande de réponse du gouvernement

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Dyck, appuyée par l'honorable sénateur Watt,

Que le cinquième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones intitulé Le logement dans l'Inuit Nunangat : Nous pouvons faire mieux!, déposé auprès du greffier du Sénat le mercredi 1er mars 2017, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social (ministre responsable pour la Société canadienne d'hypothèque et de logement) étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Affaires autochtones et du Nord, des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne, de l'Innovation, des Sciences et du Développement économique, et le Président du Conseil du Trésor.

L'honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je serai bref, comme vous m'avez appris à l'être.

Dans la foulée de notre étude sur le logement dans les réserves des Premières Nations, je sais gré au Sénat et à mes collègues du Comité des peuples autochtones de nous avoir autorisé à nous pencher sur la situation du logement dans l'Inuit Nunangat et les régions nordiques du Canada.

Il est bon que nous ayons pu faire cette étude puisqu'après tout, même si elles sont très peu peuplées, ces régions représentent plus de la moitié du Canada. Je tiens à remercier mes collègues de s'être rendus dans les collectivités de ces régions éloignées plutôt que de se contenter d'entendre des témoins à Ottawa.

J'aimerais donner un aperçu des difficultés auxquelles nous avons dû faire face. Dans la ville du sénateur Watt, le camion de livraison d'eau n'avait pas pu desservir l'hôtel, probablement à cause des conditions météorologiques. Ainsi, un matin, les honorables sénateurs qui espéraient prendre une douche ou faire leurs ablutions ont dû se passer d'eau.

D'ailleurs, le lendemain de notre vol à partir de ma ville, Iqaluit, un violent blizzard s'est abattu sur la collectivité. Nous n'avons pas pris de grands avions. Dès que nous avons vu la tempête approcher, nous avons dû partir en vitesse pour l'aéroport afin de monter à bord du petit bimoteur qui devait nous transporter d'Iqaluit à Kuujjuaq. Nous avons pu monter à bord du dernier vol en partance d'Iqaluit avant qu'une tempête de deux jours s'abatte sur nous. Je peux vous dire que ce genre de voyage n'est pas toujours très glamour. Malheureusement, je crois que c'est le même système de tempête qui nous a empêchés de visiter le Labrador. Nous avons toutefois pu nous rendre dans de grandes et de petites collectivités au Nunavut et au Nunavik.

(1720)

J'aimerais faire quelques remarques au sujet de ce qu'a dit la sénatrice Dyck l'autre jour. Je ne veux pas répéter tout ce qu'elle a dit, mais je suis tout à fait de son avis. Je tiens toutefois à souligner les problèmes suivants, c'est-à-dire que la population est en croissance rapide, que les domiciles sont surpeuplés et qu'il y a une pénurie d'habitations. Nous avons toutefois appris auprès des aînés, lors de nos déplacements, comment tout cela s'est produit. J'aimerais remercier tout particulièrement le Président de l'Assemblée législative du Nunavut et député d'Igloolik, qui nous a expliqué l'origine des problèmes en matière de logement.

Les Inuits vivaient sur les terres de façon indépendante et ils avaient un mode de vie sain. La vie était dure, mais ils étaient autonomes et indépendants. Le gouvernement, dans sa sagesse, a décidé, en ce qui concerne les personnes vivant sur les terres — et il y a eu en effet des famines, lorsque le caribou se faisait rare, qui ont été très convaincantes pour le gouvernement à Ottawa et la presse — d'intégrer les Inuits dans les collectivités.

Il y avait des incitatifs, dont l'allocation familiale, qui était versée aux personnes qui acceptaient de vivre dans des collectivités. Un autre incitatif, c'était le logement. Les gens se sont vu promettre — et de nombreux éléments de preuve l'attestent — un logement à peu ou pas de frais ou dont le loyer était faible ou inexistant. Des maisons ont été construites. Au début, ces habitations tristement célèbres de 512 pieds carrés n'étaient guère mieux que des habitations en contreplaqué. Plus récemment, les maisons qui ont été construites ressemblent davantage aux maisons de plain-pied que l'on retrouve en banlieue. On relève toujours de graves problèmes liés à leur conception et même à leur emplacement. Imaginez une maison qui est placée de façon à ce qu'elle soit face au vent du nord dans l'Arctique. Ai-je besoin d'expliquer à quel point c'est malavisé?

Le problème actuel est que, la population inuite a augmenté à un taux de croissance démographique digne du tiers monde, il est certes le plus élevé au Canada et se trouve probablement parmi les plus élevés du monde. Nous nous trouvons donc dans une situation où les maisons sont extrêmement bondées. Nous avons été incapables de suivre le taux de croissance démographique et d'entretenir les maisons.

Un des éléments de notre rapport que je tiens à souligner est que nous avons découvert que la Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui a fourni et qui continue de fournir le capital requis pour construire des maisons — ce qu'on appelle des « logements sociaux » —, a également déterminé que les fonds d'exploitation et d'entretien, qui accompagnaient ces maisons, devraient être lentement réduits. Ces fonds disparaîtront complètement d'ici environ 10 ans. Cela signifie qu'il y a de moins en moins de fonds réservés à l'entretien, à la remise en état et à la réparation des maisons qui ont été construites. Le fardeau de leur entretien a donc été transféré subtilement aux gouvernements territoriaux et provinciaux. Cette diminution progressive nous a grandement inquiétés. Le Canada a assumé la responsabilité de construire des maisons, mais refile lentement et progressivement la responsabilité de les entretenir et d'en prendre soin aux territoires.

Malheureusement, les locataires de logements sociaux n'ont pas les moyens de payer les coûts élevés d'entretien de ces logements. Le revenu moyen dans ma région du Nunavut est d'environ 30 000 $. Cela correspond environ au montant nécessaire pour entretenir un logement social lorsqu'on tient compte du coût du carburant et de l'électricité.

Nous avons donc recommandé d'établir un financement à long terme prévisible pour contrebalancer la réduction des fonds d'exploitation et d'entretien. Nous avons également recommandé un financement stable et prévisible parce que nous avons constaté que les fonds sont versés par intermittence. Ils suivent un cycle de pics et de creux, ce qui ne permet pas aux gouvernements et aux offices du logement d'établir les plans à long terme appropriés qui sont nécessaires pour utiliser au mieux l'argent précieux des contribuables auquel ils ont accès.

Nous ne nous sommes pas concentrés sur les milliards de dollars nécessaires à la construction de logements additionnels, mais nous avons tenté de cerner le problème et les besoins de la population en ce qui a trait au surpeuplement ainsi qu'aux moisissures et aux problèmes de conception pour maximiser les résultats obtenus à l'aide de l'argent des contribuables canadiens. L'objectif premier du rapport était de voir comment obtenir de meilleurs résultats avec les fonds généreusement mis à disposition par le gouvernement du Canada.

En terminant, je voudrais souligner quelques-unes des mesures simples que nous pourrions prendre pour faire mieux. Nous avons été très impressionnés par le programme d'adaptation au changement climatique d'Affaires autochtones et du Nord Canada. L'équipe du programme a étudié les incidences des changements climatiques là où le pergélisol est en train de fondre. En collaboration avec des établissements d'études supérieures comme l'Université Laval et l'Université Memorial, elle a mis en place des programmes pour faciliter l'adaptation des collectivités aux changements climatiques, notamment en cartographiant les zones à risque ainsi qu'en trouvant des endroits qui resteront stables et qui ne seront pas touchés par l'érosion du pergélisol. L'on s'inquiétait du fait que le programme ait été arrêté et la recommandation a été faite de le rétablir.

Nous avons également entendu le témoignage de représentants d'Habitat pour l'humanité. Ce merveilleux programme a réalisé du bon travail dans le Nord, mais à petite échelle. Les merveilleux bénévoles de l'organisme viennent de partout dans le monde pour construire des maisons dans le Nord dans le cadre du Programme de logement visant les Autochtones d'Habitat pour l'humanité et de la SCHL. Nous appuyons fermement ce programme; nous jugeons qu'il s'agit d'un bon investissement et nous recommandons que la SCHL continue de le financer.

Nous avons aussi étudié l'Initiative de stages en habitation pour les jeunes des Premières nations et les jeunes Inuits de la SCHL, mais nous avons découvert que seule une très faible proportion des Inuits du Nord du Canada, environ 2 p. 100, avait profité de ce programme pendant sa durée. Nous saluons cette initiative de la SCHL. Nous aimerions que plus d'Inuits participent à des programmes de formation en apprentissage et apprennent à construire des maisons, car cela leur ouvrirait des perspectives d'emploi à long terme. Nous voulons que les Inuits reçoivent leur juste part d'attention dans le cadre de ce programme valable.

Nous avons également constaté que les modèles de maison conçus pour le Sud ne répondaient pas aux besoins et exigences du Nord. Nous recommandons donc que le Conseil national de recherches élabore des codes de construction qui répondent aux spécificités uniques du Nord.

Finalement, nous sommes heureux de constater que la Société canadienne d'hypothèques et de logement, le Conseil national de recherches et Savoir polaire Canada, qui possède maintenant une magnifique station de recherche près de Cambridge Bay, réfléchissent tous à des stratégies à mettre en œuvre pour réaliser des recherches sur le logement dans le Nord. Par contre, ils ne travaillent pas ensemble. Rien ne porte à croire qu'ils se coordonnent entre eux. Pourtant, ce travail devrait se faire de façon collaborative pour maximiser, d'une part, la participation à cette initiative et, d'autre part, les fonds disponibles.

Pour conclure, nous croyons qu'il faut favoriser l'accès à la propriété autant que possible pour que les coûts liés au fonctionnement et à l'entretien des logements sociaux puissent finalement diminuer. Il faudra toutefois faire preuve d'innovation. Nous devrons examiner le potentiel du programme de logement coopératif, lequel a très bien fonctionné dans le Sud du Canada, et des programmes de coopératives d'habitation et de rachat de maison. Certaines données ont également indiqué que les maisons modulaires pourraient faire baisser les frais liés au logement dans le Nord d'un maximum de 20 p. 100.

(1730)

Nous avons formulé 13 recommandations concrètes et, espérons-le, judicieuses. Nous avons bon espoir qu'elles seront prises en compte par le gouvernement du Canada. Par ailleurs, le gouvernement élabore actuellement une stratégie nationale en matière de logement, et nous l'exhortons à y intégrer un volet pour le Nord. Nous espérons que notre rapport aidera à étoffer la stratégie en matière de logement pour cette région.

Merci de m'avoir donné l'occasion d'appuyer cette motion. Si le débat est terminé, j'aimerais que la motion soit mise aux voix afin que le cinquième rapport du comité permanent, intitulé Le logement dans l'Inuit Nunangat : Nous pouvons faire mieux!, soit adopté et que le gouvernement soit encouragé à y répondre. Merci.

Son Honneur le Président suppléant : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président suppléant : L'honorable sénatrice Dyck propose... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président suppléant : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada

Interpellation—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Meredith, attirant l'attention du Sénat sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada, y compris sur les conditions de vie et de travail des travailleurs et leur accès aux soins de santé.

L'honorable Don Meredith : Honorables sénateurs, à la fin de mon intervention, je demanderai l'ajournement du débat sur cette interpellation au nom de la sénatrice Jaffer.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour vous parler du Programme des travailleurs étrangers temporaires du Canada. Plus particulièrement, pour vous parler des tristes conditions de vie et de travail de ces travailleurs et de l'accès limité qu'ils ont aux soins de santé.

Ce programme, lancé en 1973, représente maintenant un des piliers de notre société. Sa valeur est grande pour tous les Canadiens et pour les nombreuses personnes qui viennent ici y participer et qui, dans la foulée, nous permettent à tous de maintenir notre niveau de vie. Les entreprises canadiennes profitent aussi grandement de la venue de tous ces vaillants travailleurs chaque année pour pourvoir les postes dans les secteurs difficiles où les travailleurs canadiens refusent de travailler.

Un rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget paru en 2015 faisait état d'une forte croissance du programme et notait que, entre 2002 et 2012, le nombre de travailleurs étrangers temporaires avait plus que triplé par rapport à la décennie précédente.

Malgré la valeur inestimable de la contribution des travailleurs étrangers temporaires pour le Canada, leur séjour dans notre grand pays se fait dans des conditions horribles.

Honorables sénateurs, il est temps pour le gouvernement du Canada d'agir au sujet des atrocités liées à ce programme. Il faut un changement de cap. Si la plupart des employeurs dépendent de ce programme et en respectent les règles, il y en a d'autres qui, comme dans tout programme, abusent du système.

Nous avons vu des employeurs, comme McDonald's et, je crois, Tim Hortons, être accusés d'utiliser le programme pour embaucher des travailleurs étrangers temporaires pour pourvoir des postes à temps plein dans leurs établissements.

Depuis la création du Programme des travailleurs étrangers temporaires, des employeurs et des travailleurs expriment des inquiétudes graves au sujet de certains aspects du programme qui rendent des participants vulnérables aux blessures et aux mauvais traitements. Les gouvernements qui se sont succédé ont tenté de corriger les lacunes du programme, mais on continue de recenser des cas de cruauté, d'exploitation et, oserais-je dire, de brutalité incompréhensibles de la part de nombreux employeurs.

que, entre de travailleurs étrangers temporaires doivent endurer des conditions de vie inférieures aux normes. Entassés dans des locaux étroits et inconfortables, dotés d'installations sanitaires limitées et mal aménagés, ces hommes et ces femmes subissent l'indignité de devoir vivre aux côtés de dizaines de personnes qui leur sont imposées. Honorables sénateurs, ils sont souvent isolés, parfois en raison de l'éloignement des exploitations agricoles ou des localités rurales où ils se trouvent. Ils sont encore plus isolés en raison des barrières linguistiques et culturelles qui les empêchent de participer à la vie des collectivités où ils habitent. Ceux qui osent s'aventurer à l'extérieur font souvent l'objet de discrimination de la part de collectivités qui ne sont pas prêtes à accueillir des invités

Beaucoup trop de travailleurs étrangers temporaires n'éprouvent aucun sentiment d'appartenance lorsqu'ils se trouvent au Canada. Un tel sentiment leur permettrait d'atténuer la solitude qu'ils ressentent naturellement lorsqu'ils passent de longues périodes éloignés de leur famille et de leur collectivité.

Le Programme des travailleurs étrangers temporaires prévoit des dispositions concernant des logements adéquats et des conditions de vie saines, mais de beaucoup d'employeurs se moquent tout simplement de ces règles.

Dans le cadre du Programme des aides familiaux résidants et du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, les employeurs sont tenus de fournir un logement à leurs employés. Toutefois, dans certains cas, l'employeur inclut le logement dans le contrat du travailleur et il lui impose un loyer. Il n'est guère étonnant d'apprendre que bien des employeurs fournissent des logements inadéquats à leurs travailleurs et qu'ils exigent un loyer beaucoup trop élevé.

Cela me rappelle l'histoire de Natalie, une participante au programme qui a été victime de mauvais traitements et qui travaille maintenant pour le Conseil canadien pour les réfugiés. Natalie a emprunté de l'argent auprès d'un créancier afin de verser environ 12 000 $ à une entreprise de recrutement thaïlandaise chargée de lui procurer un permis de travail canadien. Le recruteur a menti à Natalie au sujet du salaire qu'elle pourrait gagner au Canada. Incapable de rembourser son créancier, elle a dû s'endetter jusqu'au cou.

Une fois au Canada, Natalie et 11 autres Thaïlandais ont été amenés dans une petite maison dotée de deux chambres, une cuisine et une seule salle de bains. Sans lits à leur disposition, les travailleurs n'avaient d'autre choix que de dormir à même le plancher. Ils n'avaient ni couvertures, ni laveuse et sécheuse, ni téléphone.

La maison se trouvait dans une région rurale et il n'y avait aucun téléphone ni magasin à distance de marche. Chaque personne payait un loyer mensuel de 300 $, même si son contrat stipulait que ce montant devait être de 30 $ par mois. Ce n'était pas une faute de frappe, de comptabilité et de calcul. C'était un mensonge flagrant pour exploiter ces gens.

On avait aussi dit aux travailleurs qu'ils ne pouvaient pas quitter la maison ou recevoir des visiteurs. Ils étaient littéralement prisonniers dans le Grand Nord, où il n'est pas permis à tout le monde d'être fort et libre.

Comme nous l'avons entendu dans les échanges entre le sénateur Black et la ministre de l'Emploi, du Développement de la main-d'œuvre et du Travail, MaryAnn Mihychuk, le 15 novembre 2016, certains Canadiens ne veulent pas travailler dans certains domaines; pourtant, les travailleurs que nous invitons à venir nous aider sont sans voix et craignent d'être renvoyés dans leur pays.

La ministre a dit ce qui suit :

Nous devons assurer [la] sécurité [des travailleurs étrangers temporaires] et leur accorder les mêmes droits et la même protection qu'à tous les autres travailleurs du Canada. Nous avons du chemin à faire à cet égard.

Je suis du même avis, chers collègues. Nous avons énormément de chemin à faire.

La primauté du droit n'est pas respectée pour des raisons mercantiles et aux dépens de personnes vulnérables qui subviennent aux besoins de leur famille. Est-ce là le Canada que nous voulons?

L'histoire de Natalie n'est pas l'histoire abracadabrante d'un incident unique, même si elle était isolée. C'est plutôt la réalité actuelle pour trop d'hommes et de femmes en quête d'une vie meilleure.

Selon le rapport du Conseil canadien pour les réfugiés sur les travailleurs migrants, l'isolement a été cité par 51 p. 100 des répondants comme étant un problème. problème. À cause de leur isolement, de leur statut précaire et de leur manque de soutien, les travailleurs ont peur de se plaindre des abus ou de s'absenter du travail quand ils sont malades ou blessés. De telles circonstances déséquilibrent complètement le rapport de force entre les employeurs et les travailleurs, ce qui crée un terreau fertile pour les abus. Ce n'est pas ce que nous voulons voir au Canada. Ce n'est pas une situation que nous pouvons tolérer, en tant que législateurs canadiens.

Honorables sénateurs, nous avons l'obligation d'adopter une position morale et juridique. Or, nous laissons ces choses se produire sous nos yeux. Je crois que nous devons travailler avec ardeur pour défendre et promouvoir les valeurs canadiennes et que nous devons exiger que les droits de la personne soient respectés dans chaque secteur et dans chaque province.

Les fruits que nous mangeons ne justifient pas les conditions inhumaines et le stress que ces hommes et ces femmes sont forcés de subir. J'en appelle à votre appétit de justice. Chers collègues, j'en appelle à votre sens de la justice. Comme un sénateur l'a dit un peu plus tôt, c'est ce qu'il convient de faire. C'est ce qui s'impose pour le Canada.

(1740)

Honorables sénateurs, non seulement les personnes qui font partie du programme vivent dans des conditions inadéquates, elles sont aussi aux prises avec des conditions de travail déplorables.

Selon un rapport du Conseil canadien pour les réfugiés, les travailleurs migrants temporaires sont particulièrement vulnérables à l'exploitation et aux mauvais traitements en milieu de travail étant donné qu'ils n'ont pas le statut de résident permanent et qu'ils vivent dans l'isolement. Le même rapport signale que des conditions de travail dangereuses sont une préoccupation majeure pour plus de 22 p. 100 des travailleurs. Ils sont souvent tenus, voire forcés de se servir de machinerie sans avoir été convenablement formés ou sans disposer de l'équipement de protection nécessaire pour atténuer les réactions aux pesticides, entre autres risques.

Partout au pays, tant dans le secteur des pêches que dans le secteur agricole ou dans d'autres secteurs, les mauvais traitements sont, depuis toujours, monnaie courante. Il nous incombe à tous de faire entendre haut et fort notre objection à ces graves injustices, individuellement et collectivement.

Pour la vaste majorité des travailleurs canadiens insatisfaits pour une raison ou pour ou une autre de leur travail, changer d'employeur est assez simple. Il n'en est pas de même pour les travailleurs étrangers temporaires, honorables sénateurs. Les permis de travail sont en général liés à un employeur en particulier, ce qui contribue à la vulnérabilité des travailleurs.

Ainsi, on refuse à ces travailleurs le luxe de chercher un meilleur employeur s'ils sont maltraités. Le résultat, c'est que les travailleurs sont trop souvent surmenés et sous-payés.

Allégeons le fardeau administratif qui pèse sur les épaules des travailleurs étrangers temporaires, en particulier les travailleurs agricoles saisonniers, pour leur permettre de changer d'employeur sans avoir à quitter le pays.

Voici ce qu'on peut lire sur le site d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada au sujet de la prolongation des permis de travail :

Votre employeur voudra peut être vous réembaucher. Dans ce cas, vous devez quand même retourner dans votre pays avant de présenter une nouvelle demande de permis de travail.

L'article 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme est très clair :

1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.

2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.

3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.

Honorables sénateurs, ces principes ne s'appliquent-ils pas aux travailleurs étrangers temporaires qui travaillent au Canada? En plus de contrevenir gravement à l'article 23, le salaire versé à certains de ces travailleurs est terriblement inférieur au salaire minimum nécessaire pour vivre en Ontario, qui s'établit à 15,85 $ l'heure.

Bref, les problèmes sont multiples. Nous pourrions dire, sans mâcher nos mots, qu'il s'agit d'une forme d'esclavage sous un vernis de capitalisme. Les titres percutants employés par de nombreux organes d'information, dont CBC/Radio-Canada, vont dans ce sens : « Le programme des travailleurs migrants : pire que l'esclavage. » Ce n'est pas moi qui le dis, honorables sénateurs.

Les travailleurs étrangers temporaires se retrouvent coincés dans un terrible cercle vicieux. Leur capacité de rester ici dépend de leur rendement et de leur santé, ce qui, comble de l'ironie, devient un facteur de stress. Ils ne peuvent pas tomber malades, ils ne peuvent pas prendre congé. Ils doivent travailler comme des bêtes de somme. Alors que nous devons à ces travailleurs une bonne partie des aliments qui se retrouvent sur nos tables, ils se butent à une impasse.

Ils vivent dans des conditions tout à fait médiévales et leur employeur contrôle leurs déplacements. Si un travailleur a des problèmes avec son employeur, il lui est extrêmement difficile de changer d'employeur ou de revenir au Canada.

La sénatrice Jaffer a parlé de cette question en 2010 :

Ces hommes travaillaient fort pour nourrir leur famille, restée dans leur pays d'origine. Ils étaient à pied d'œuvre jusqu'à 12 heures par jour, sept jours par semaine, au salaire minimum. Lorsque ces hommes adultes ont raconté ce qu'ils étaient en train de vivre, ils ont eu de la peine à réprimer leurs sanglots à l'idée de ne pas pouvoir acheter à leurs enfants des cadeaux pour Noël, ni même nourrir leur famille, en raison de leur manque à gagner.

Malheureusement, certains ne peuvent jamais revoir leur famille.

J'ai fait une déclaration dans cette enceinte pour dénoncer l'injustice subie par un travailleur étranger temporaire du nom de Sheldon McKenzie et par sa famille, aux mains de son employeur et de son agent de gestion de cas. Son histoire a été le déclencheur qui m'a amené à présenter cette interpellation.

M. McKenzie est venu au Canada pour y travailler inlassablement dans les champs pendant 12 ans, afin de faire vivre sa femme et ses filles. En janvier 2015, alors qu'il travaillait, il a reçu un coup à la tête qui lui a causé une grave lésion cérébrale. On croirait qu'un travailleur invité au Canada, un pays qui offre des services de santé exemplaires, aurait dû se voir prodiguer les soins nécessaires après avoir reçu un coup aussi terrible. Or, à titre de travailleur étranger incapable d'occuper son emploi, Sheldon McKenzie s'est plutôt fait retirer son statut et ses avantages. Par la suite, aux prises avec les séquelles de l'accident, sa famille a dû lutter pour qu'il puisse rester au Canada et y recevoir des traitements.

Son cas est plutôt la règle que l'exception.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et la plupart des provinces, notamment l'Ontario, exigent qu'un travailleur ait un emploi à temps plein dans la province pendant au moins six mois et qu'il y ait sa résidence habituelle pour pouvoir conserver ses avantages.

Par conséquent, lorsque leur permis de travail arrive à échéance ou qu'ils sont incapables de travailler en raison d'une blessure, les travailleurs migrants ne sont plus admissibles à l'assurance-maladie ou à l'assurance-emploi. Même lorsqu'ils sont blessés au travail et que leur blessure nécessite des soins urgents, ils ont uniquement le droit de recevoir les traitements immédiats. Ainsi, ils n'ont pas un accès suffisant aux services de santé et ne sont pas adéquatement protégés contre les problèmes de sécurité au travail, notamment ceux qui résultent de l'exposition à certains risques environnementaux.

Le Programme des travailleurs agricoles saisonniers semble être conçu pour exploiter la force des travailleurs en bonne santé et pour se débarrasser des travailleurs qui tombent malades ou qui se blessent dans l'exercice de leurs fonctions au Canada, un peu comme on le ferait avec des tomates pourries dans une fabrique de conserves.

M. McKenzie s'est malheureusement éteint en septembre 2015, laissant dans le deuil son épouse et ses deux filles. Son histoire n'est qu'un exemple parmi les milliers d'autres cas de mauvais ttraitements comme le sien, qui se terminent dans la mort. Il est très difficile de savoir combien il y en a exactement, parce que le gouvernement ne consigne nulle part les blessures que subissent les travailleurs ou les motifs pour lesquels ils sont rapatriés.

Le Journal de l'Association médicale canadienne s'est toutefois intéressé aux données sur les rapatriements pour des raisons médicales recueillies par l'organisme sans but lucratif Foreign Agricultural Resource Management Services, qui gère chaque année le contrat de plus de 15 000 travailleurs agricoles étrangers, seulement en Ontario. Au total 43 p. 100 des travailleurs agricoles étrangers rapatriés l'ont été pour des raisons médicales ou chirurgicales, et 25,5 p. 100 à cause de blessures externes, y compris celles causées par un empoisonnement.

De 2001 à 2011, 787 des 170 000 travailleurs agricoles étrangers qui sont arrivés en Ontario ont été rapatriés, ce qui représente un taux de 4,6 sur 1 000. Plus des deux tiers des travailleurs rapatriés avaient entre 30 et 49 ans. Aucune autre étude quantitative n'a été réalisée depuis.

Nous ignorons combien de ces travailleurs sont morts, parce que le gouvernement canadien se fiche de ce qui leur advient, alors il n'a jamais tenu le compte. En fait, les défenseurs des droits des migrants croient que, avant 2001, le Canada ne calculait même pas adéquatement le nombre de travailleurs agricoles qui étaient renvoyés chez eux parce qu'ils étaient malades ou blessés.

Le Journal de l'Association médicale canadienne concluait ainsi :

La présente étude devrait donner lieu à une discussion plus vaste sur les structures mêmes du [Programme des travailleurs agricoles saisonniers] et pousser la population à s'insurger contre les risques pour la santé que courent les travailleurs étrangers, le manque de transparence avec lequel est traitée cette population vulnérable et la pratique inhumaine que constitue le rapatriement pour des raisons médicales.

Son Honneur le Président : Pardonnez-moi, sénateur, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

Le sénateur Meredith : Oui, s'il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Meredith : Merci.

J'ai aussi été renversé de constater à quel point le gouvernement pouvait être irresponsable et insensible envers les personnes qui sont invitées au pays pour travailler et soutenir l'économie. Chris Ramsaroop, grand défenseur et organisateur travaillant avec l'organisme Justicia for Migrant Workers, a souligné : « C'est un héritage autant d'esclavage que d'apprentissage sous contrat. »

Honorables sénateurs, ce qui se produit au Canada est scandaleux et une violation grossière de la Charte des droits que nous défendons dans cette enceinte. En tant que Canadiens, nous sommes censés être un symbole de moralité, un exemple à suivre pour les autres. Notre bilan relativement à ce programme en particulier est embarrassant et devrait être une honte nationale.

Honorables sénateurs, je demeure cependant optimiste à l'égard de cet important programme.

J'ai lu le rapport et les recommandations du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées sur les travailleurs étrangers temporaires. J'estime que plusieurs des recommandations énoncées dans le rapport doivent être mises en œuvre.

Même si je recommande le rapport, je partage les préoccupations d'un grand nombre de personnes concernant la vitesse avec laquelle ce sujet complexe a été étudié.

(1750)

En 5 réunions, on a entendu 47 témoins, et plus de 63 mémoires ont été soumis aux fins de l'étude.

Nombre de ceux qui ont témoigné devant le comité avaient très peu de temps pour parler, et certains d'entre eux n'ont même pas eu le temps de le faire. Plus inquiétant encore, les témoignages de représentants de l'industrie étaient nettement plus nombreux que les témoignages de gens qui devaient vivre et travailler conformément aux conditions du programme. Je me demande ce que cache le Canada.

Selon les employeurs, tout va bien. Or, nous savons que des milliers de personnes vivent et travaillent comme des citoyens de seconde classe au Canada. Cette situation est inacceptable. Honorables sénateurs, nous sommes dans cette enceinte pour défendre les droits fondamentaux de tous ceux qui vivent au Canada. Nous ne pouvons pas laisser les travailleurs que nous accueillons s'échiner au travail sans aide de la part de ceux qui sont ici pour les protéger. Il faut assujettir toutes les composantes du programme à des mécanismes de reddition de comptes qui empêcheront ces situations abusives de s'aggraver ou de se reproduire.

Il ne fait aucun doute que, sans mesure de contrôle et d'application des règles, le programme continuera de favoriser des conditions d'asservissement et d'esclavage moderne qui vont à l'encontre des valeurs et du mode de vie des Canadiens.

Honorables sénateurs, je vous invite tous à faire part de vos préoccupations concernant le Programme des travailleurs étrangers temporaires, sa révision et les mesures à prendre pour protéger ces hommes et ces femmes qui font nos lits, qui cueillent nos fruits et qui prennent soin de nos enfants. Comment allons-nous leur accorder le respect auquel ils ont droit?

Posez ces questions dans votre collectivité en incluant les employeurs dans la conversation. Trouvons des solutions à ce problème une fois pour toutes. Après tout, nous représentons le Canada.

(Sur la motion du sénateur Meredith, au nom de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)

Transport et communications

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés

L'honorable Michael L. MacDonald, au nom du sénateur Dawson, conformément au préavis donné le 1er mars 2017, propose :

Que, nonobstant l'ordre du Sénat adopté le mercredi 9 mars 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des transports et des communications relativement à son étude sur les questions techniques et réglementaires liées à l'arrivée des véhicules branchés et automatisés soit reportée du 30 mars 2017 au 31 décembre 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

[Français]

Langues officielles

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique

L'honorable Ghislain Maltais, conformément au préavis donné par la sénatrice Tardif le 7 mars 2017, propose :

Que, nonobstant l'ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 1er décembre 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des langues officielles concernant son étude sur les défis liés à l'accès aux écoles françaises et aux programmes d'immersion française de la Colombie-Britannique soit reportée du 30 mars 2017 au 31 mai 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux

L'honorable Ghislain Maltais, conformément au préavis donné le 8 mars 2017, propose :

Que, nonobstant l'ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 28 janvier 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts concernant son étude sur les priorités pour le secteur agricole et agroalimentaire canadien en matière d'accès aux marchés internationaux soit reportée du 31 mars 2017 au 31 mai 2017.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité d'étudier l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier

L'honorable Ghislain Maltais, conformément au préavis donné le 8 mars 2017, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, l'impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier, les actions entreprises pour améliorer les stratégies d'adaptation et de réduction des émissions, de même que pour en apprendre plus sur les possibilités qu'offrent les changements climatiques à chacun de ces secteurs. L'accent sera mis sur :

a) Les mesures d'adaptabilité et de résilience des secteurs agricole, agroalimentaire et forestier; incluant les opportunités et risques associés aux changements climatiques en matière d'accroissement de terres agricoles, de pâturages et de la production forestière.

b) Les répercussions de l'établissement de mécanismes de tarification du carbone sur la compétitivité des intervenants des secteurs agricole, agroalimentaire et forestier.

c) Le rôle que peuvent jouer les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux dans l'atteinte de l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre;

Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 30 juin 2018 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

— Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite à mon nom.

L'honorable Joan Fraser : Le comité a-t-il l'intention de voyager dans le cadre de cette étude?

Le sénateur Maltais : Certainement, madame la sénatrice. Nous voyagerons au Canada et nous nous rendrons en zones agricoles. Nous n'irons pas sur la Côte-Nord ni au Nunavik, mais nous irons partout où il y a de l'agriculture.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mardi 28 mars 2017, à 14 heures.)

 
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