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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 203

Le mardi 8 mai 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 8 mai 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La bataille de l’Atlantique

Le soixante-treizième anniversaire

L’honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, le dimanche 6 mai, on soulignait le 73e anniversaire de la bataille de l’Atlantique, bataille décisive dans l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

Le coût en sacrifices humains a été terrible, mais, grâce aux courageux marins de la marine canadienne et de la marine marchande, les Forces canadiennes et leurs alliés ont pu être approvisionnés en armes, en munitions et en nourriture. Le courage de ces marins échappe trop souvent à notre attention. Les gens oublient. Nous devons assumer notre responsabilité, à titre de Canadiens et de Canadiennes, de ne jamais oublier ceux qui nous ont permis de vivre librement dans ce pays qu’on appelle le Canada, ceux qui ont redonné la liberté à une très grande partie de l’Europe, ceux qui ont favorisé la fin de l’oppression qui régnait en Europe à cette époque.

Le Canada a fourni un effort surhumain en matériaux, en nourriture et en soldats. Les marins ont donné leur vie pour que nous puissions être qui nous sommes aujourd’hui. Comme sénateurs et comme citoyens canadiens, nous avons le devoir de perpétuer leur mémoire. Nous leur devons bien cela. Malheureusement, de nos jours, les écoles canadiennes passent sous silence le sacrifice de ces dizaines de milliers de marins qui ont perdu la vie dans l’Atlantique Nord.

La chaîne était très simple : les bateaux partaient de Montréal et de Québec, faisaient escale à Halifax d’où ils mettaient le cap sur la Grande-Bretagne. Ils faisaient face à une arme inconnue à l’époque : les sous-marins allemands, ou U-boot. Ils ont été indétectables jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Environ 90 p. 100 des marins risquaient de mourir avant d’arriver à bon port. Personne ne les a forcés à monter dans ces bateaux; ils s’y trouvaient par devoir. À tout le moins, ayons le souci de garder en mémoire leurs sacrifices.

Cette année, j’ai assisté pour la première fois à cette commémoration en compagnie de la commodore Josée Kurtz, de la Marine canadienne. Il s’agit de la première femme commandante de la Marine royale canadienne. Certains membres de sa famille ont perdu la vie lors de ces traversées périlleuses.

Aujourd’hui, honorables sénateurs, nous devons être solidaires envers ces familles. Je vous remercie.

[Traduction]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’une délégation du monde des sports. Ce sont Isabelle Charest, chef de mission aux Jeux olympiques d’hiver de 2018; Eric Myles, directeur exécutif du Sport au Comité olympique canadien; Benoit Huot, médaillé 20 fois aux Jeux paralympiques; et Martin Richard, directeur exécutif des communications au Comité paralympique canadien. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Deacon.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les Jeux olympiques et paralympiques de 2018

L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, aujourd’hui, nous sommes fiers d’accueillir à Ottawa plus de 160 olympiens et paralympiens, leurs entraîneurs ainsi que l’équipe de direction olympique et paralympique. Ce matin, les athlètes olympiques et paralympiques canadiens nous ont rendus très fiers en accueillant des centaines d’enfants d’âge scolaire à l’Université d’Ottawa. Ils ont vraiment incarné les valeurs olympiques, illustré le pouvoir du sport et prouvé comme le sport peut renforcer les communautés partout au pays.

Sous la direction des chefs de mission, soit Isabelle Charest pour les Jeux olympiques et Todd Nicholson pour les Jeux paralympiques, les athlètes canadiens et leurs entraîneurs ont connu les meilleures performances jamais vues. Ce résultat est le fruit de centaines de petits éléments de planification répartis sur six années, ainsi que de nombreux voyages en Corée afin de remuer ciel et terre pour les athlètes et les entraîneurs. L’équipe de soutien de l’équipe canadienne est de calibre mondial.

Je vous le rappelle, les athlètes olympiques canadiens ont récolté 11 médailles d’or, 8 d’argent et 10 de bronze, pour un total de 29 médailles, tandis que les athlètes paralympiques ont récolté 8 médailles d’or, 4 d’argent et 16 de bronze, pour un total de 28 médailles.

Alors que les athlètes canadiens, leurs entraîneurs et leur famille ainsi que les membres du personnel faisaient tout en leur pouvoir pour réunir les conditions idéales pour la réussite des athlètes, de nombreux événements contribuant à édifier la nation se sont déroulés hors piste.

Au Canada, les écoles ont été invitées à participer, des kiosques ont été mis sur pied dans des centres commerciaux et des athlètes ont fait des apparitions pour générer de l’enthousiasme dans la population.

La Maison olympique du Canada a accueilli en Corée des gens du monde entier, qui voulaient en apprendre plus sur le Canada. En collaboration avec Pride House International, la Maison olympique du Canada a été l’hôte de la Maison de la Fierté. De plus, le message d’accueil aux invités de la Maison olympique du Canada — je suis certaine que vous l’avez vu dans les médias — a été merveilleux et chaleureux, preuve de l’engagement du Comité olympique canadien à l’égard de l’inclusion et de la diversité.

Le Clavardage olympique d’Équipe Canada fut une autre première cette année. Imaginez-vous que les étudiants du Canada, dans leur salle de classe, ont eu l’occasion de parler à des champions olympiques et paralympiques en direct de Pyeongchang.

Nous allons célébrer nos athlètes et nos entraîneurs au cours des deux prochains jours. Demain, la gouverneure générale leur fera une présentation très spéciale avant qu’ils viennent au Parlement, où le premier ministre leur rendra hommage et les remerciera. Ce sera une journée spéciale pour tout le monde. Je peux vous assurer que l’Équipe Canada est très contente d’être réunie de nouveau pour célébrer.

Jamais nous n’oublierons les incroyables Jeux olympiques et paralympiques de 2018. Dès la cérémonie d’ouverture jusqu’à l’extinction complète de la flamme, nos athlètes nous ont rendus fiers du travail que nous accomplissons et des raisons pour lesquelles nous le faisons, mais, plus important encore, ils nous ont rendus fiers d’être Canadiens.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous sommes tous ici pour la même raison : faire tout en notre pouvoir pour rendre notre pays encore meilleur. Les événements d’aujourd’hui nous rappellent que nos athlètes inspirent les gens et qu’ils ont le désir profond d’améliorer notre pays, tant sur le terrain de jeu que n’importe où ailleurs. Ils sont nos fils, nos filles, nos mères et nos pères — des Canadiens qui ont laissé leur marque et, ainsi, influé sur les travaux du Sénat.

Enfin, dans le monde du sport, les choses ne se passent pas toujours bien. Des règles sont enfreintes, et des actes contraires à l’éthique peuvent mettre à l’épreuve les valeurs, la résilience et les espoirs de nos athlètes. Nous sommes tous conscients des problèmes persistants de dopage et des répercussions négatives que cela peut avoir.

Une merveilleuse athlète canadienne a attendu que justice soit rendue dans son sport. J’ai rencontré Christine Girard pour la première fois en 2010, et j’ai regardé cette remarquable haltérophile participer à une compétition en Inde. Christine a donné le meilleur d’elle-même aux Jeux olympiques, finissant quatrième à Pékin avant de remporter une médaille de bronze à Londres, la toute première médaille du Canada en haltérophilie. Après de nombreuses années d’attente, Christine, qui est née en Colombie-Britannique et a grandi au Québec, a finalement obtenu ce qui lui était dû, soit une médaille de bronze à Pékin et une médaille d’or à Londres. Il est navrant de savoir qu’une athlète qui est animée par des valeurs positives et un sens du franc-jeu a été privée de la chance de monter sur le podium et d’entendre l’hymne national de son pays. Dans un proche avenir, Christine recevra ces médailles comme il se doit et comme elle le mérite. Merci.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale du cancer de l’ovaire

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, nous soulignons aujourd’hui la Journée mondiale du cancer de l’ovaire, une initiative de la World Ovarian Cancer Coalition.

Chaque année, le 8 mai, nous rendons hommage aux femmes vivant avec le cancer de l’ovaire — les survivantes, leur famille et leur réseau de soutien —, de même qu’aux groupes partout dans le monde qui continuent de se battre afin d’obtenir des fonds pour trouver un remède et qui aident toutes les personnes touchées par cette maladie mortelle.

C’est une question qui me tient beaucoup à cœur, honorables sénateurs, puisque mon épouse, Ellen, est une survivante de cette maladie. En juillet prochain, ce sera le 22e anniversaire de l’opération qu’elle a subie dans sa lutte contre un cancer de l’ovaire, et tous les membres de notre famille en sont très reconnaissants.

(1410)

Hier matin, nous avons participé au déjeuner en turquoise à Halifax, qui était organisé par Cancer de l’ovaire Canada, à l’occasion de la Journée mondiale du cancer de l’ovaire.

On nous a encore une fois annoncé que la recherche sur le cancer de l’ovaire reçoit moins d’argent que celle sur d’autres cancers qui sont pourtant moins meurtriers. De 2005 à 2015, les fonds fédéraux pour la recherche sur le cancer du sein s’élevaient à 249 millions de dollars, alors que ceux pour le cancer de l’ovaire n’étaient que de 38 millions de dollars au cours de la même période.

Selon la World Ovarian Cancer Coalition, près d’un quart de million de femmes reçoivent un diagnostic de cancer de l’ovaire chaque année dans le monde, et cette maladie cause 140 000 morts annuellement. Les statistiques indiquent que 45 p. 100 des femmes atteintes du cancer de l’ovaire sont susceptibles de survivre cinq ans par rapport à jusqu’à 89 p. 100 des femmes atteintes du cancer du sein.

Il suffit de comparer ces statistiques aux fonds octroyés pour en arriver à une conclusion évidente.

Honorables sénateurs, nous avons besoin de votre aide pour poursuivre la lutte contre le cancer de l’ovaire. Il n’y a toujours pas de test de détection précoce et les symptômes sont trop souvent confondus avec ceux d’autres maladies moins graves, ce qui empire la situation.

En septembre, ma famille participera à la Randonnée de l’espoir, à Halifax, pour appuyer la recherche sur le cancer de l’ovaire et les programmes de soutien. Je vous encourage à appuyer les marcheurs dans vos collectivités des quatre coins du pays.

Veuillez vous joindre à ma famille et aux nombreuses autres familles de partout dans le monde qui continuent de sensibiliser les gens à cette maladie et au besoin de financer adéquatement la recherche pour trouver un test de dépistage précoce et, plus important encore, un remède. Les femmes de votre entourage vous en seront éternellement reconnaissantes.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mark Arendz. Il est l’invité de l’honorable sénateur McIntyre.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les Jeux paralympiques de 2018

Félicitations à Mark Arendz

L’honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, il y a deux semaines, ma collègue, la sénatrice Griffin, a parlé brièvement des réalisations de Mark Arendz. Je suis ravi de l’accueillir au Sénat aujourd’hui.

J’ai eu l’honneur de rencontrer Mark lors du championnat canadien de biathlon organisé à la fin du mois de mars dernier dans la ville que j’habite, Charlo, au Nouveau-Brunswick. D’ailleurs, le biathlon portait mon nom.

Mark venait de remporter plusieurs médailles aux Jeux paralympiques de Pyeongchang lorsqu’il a pris part au championnat de biathlon.

En effet, au début de mars, Mark a participé aux Jeux paralympiques de Pyeongchang, où le Canada s’est illustré comme jamais auparavant. Notre pays a décroché 28 médailles, dont 6 remportées par Mark.

Mark a atteint le podium à toutes les courses auxquelles il a participé, décrochant l’or à l’épreuve de biathlon de 15 kilomètres, l’argent à l’épreuve de biathlon de 7,5 kilomètres, ainsi que trois médailles de bronze. Son équipe a aussi remporté une médaille d’argent lors de l’épreuve de ski de fond à relais.

L’histoire de Mark est une source d’inspiration. À l’âge de sept ans, il a perdu un bras dans un accident impliquant un élévateur à vis. Il a dû réapprendre à effectuer même les tâches les plus simples du quotidien. Maintenant âgé de 28 ans, Mark est aujourd’hui l’un des plus brillants biathlètes canadiens.

Le championnat de biathlon organisé à Charlo avait pour thème « Viser l’excellence ». Pour atteindre l’excellence, il faut faire preuve de résilience. Dans le domaine sportif, la résilience est une qualité cruciale qui aide à persévérer et à surmonter les obstacles.

La détermination constante de Mark à viser l’excellence en ski de fond est une source d’inspiration pour nous tous. Nous espérons tous le voir aux Jeux paralympiques de Pékin en 2022.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de la famille et d’amis de l’honorable sénatrice Hartling : son conjoint Donald Kennedy, son fils Marc LeBlanc ainsi que sa belle-fille, Jody LeBlanc, son petit-fils Maxwell LeBlanc, de même que Deanette, Olivia et Scott Turner. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Hartling.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les policiers de l’Ontario décédés dans l’exercice de leurs fonctions

La dix-neuvième cérémonie commémorative annuelle

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, dimanche dernier, le 6 mai, à Toronto, a eu lieu la 19e cérémonie commémorative annuelle en l’honneur des policiers de l’Ontario décédés dans l’exercice de leurs fonctions. Des corps de cornemuses ont guidé des policiers du Canada, des États-Unis et de l’Europe le long de la rue Queen’s Park, jusqu’aux marches de l’édifice de l’Assemblée législative de l’Ontario, où on a commencé la cérémonie.

Avant le début de la cérémonie officielle, deux recrues de la dernière classe de finissants du Collège de police de l’Ontario ont lu à haute voix les noms des 266 policiers de l’Ontario qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.

Ces noms sont gravés sur un mur à Queen’s Park. Certes, nous nous souvenons d’eux comme de policiers qui ont donné leur vie, mais je veux décrire aux sénateurs ce qu’ils étaient en tant que personne, c’est-à-dire des pères et des mères, des frères et des sœurs, des fils et des filles. Afin d’illustrer ce que ces hommes et ces femmes ont laissé derrière eux, j’aimerais présenter une policière en particulier.

La sergente Marg Eve, 37 ans, était une fille, une épouse et une mère d’un garçon de 6 ans et d’une fillette de 3 ans. Elle était gentille et généreuse, et possédait un talent naturel de leader. Elle est décédée sur l’autoroute 401 près de Chatham, en Ontario, en juin 2000. Alors qu’elle procédait à l’interception d’un véhicule soupçonné d’avoir été utilisé dans un vol à main armée, un camion de transport a foncé dans les trois voitures de police qui étaient sur place ainsi que dans le véhicule suspect, fauchant cinq personnes, soit trois agents de police et deux occupants du véhicule.

Les agents Patti Pask et Brad Sakalo ont été gravement blessés. La sergente Marg Eve est morte deux jours après à l’hôpital, laissant dans le deuil de jeunes enfants et son époux, John.

Le décès de Marg est à l’origine de la loi ontarienne sur les corridors de sécurité, qui oblige les conducteurs à changer de voie lorsque des véhicules d’urgence sont stationnés sur le bas-côté de l’autoroute. L’an dernier, la fille de la sergente Eve, Colleen, qui a aujourd’hui 21 ans, a parlé avec éloquence de la perte de sa mère et de l’importance de cette loi.

Malheureusement, de nombreux autres policiers ont perdu la vie dans des circonstances semblables; je pense aux agents Michael Gula, Jim McFadden et Chuck Mercier, pour ne nommer que ceux-là.

Honorables collègues, ce ne sont là que quelques histoires. Vous pouvez être sûrs que chaque policier mentionné dimanche à la cérémonie a sa propre histoire, ainsi que des parents et des amis. Je vous invite à prendre quelques instants pour penser aux gens derrière l’inscription et aux êtres chers qu’ils ont laissés.

Pour rendre hommage à la sergente Marg Eve, n’oubliez pas de changer de voie lorsqu’il le faut pour assurer la sécurité de nos répondants sur la route.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Richard McKeagan et de Dave Flamand. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Plett.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’élargissement du droit de suffrage aux femmes de la Nouvelle-Écosse

Le centième anniversaire

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, le 26 avril dernier, j’ai été très heureuse d’assister à l’événement soulignant le 100e anniversaire de l’élargissement du droit de suffrage aux femmes de la Nouvelle-Écosse. L’événement était organisé par l’honorable Arthur LeBlanc, lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse.

L’événement a été aussi l’occasion idéale de célébrer plusieurs premières pour les femmes en Nouvelle-Écosse : Gladys Porter a été la première femme élue députée en 1960; Mary Helen Pierro, la première femme élue chef en 1962 aux termes de la Loi sur les Indiens dans la Première Nation de Wagmatcook; Coline Campbell, la première femme députée de la Nouvelle-Écosse; Alexa McDonough, la première femme à diriger un grand parti politique au Canada; et, enfin, Daurene Lewis, fut la première femme d’origine africaine élue maire à Annapolis Royal, en 1984.

Parmi les Néo-Écossaises présentes se trouvaient Rosemary Godin, une ancienne députée provinciale, Suzanne Lohnes-Croft, une députée provinciale en poste actuellement, Kelly Regan, la ministre de la Condition féminine, Diana Whalen, la première femme vice-première ministre en Nouvelle-Écosse, Mary Clancy, la première femme députée à représenter Halifax, Myra Freeman, la première femme à devenir lieutenante-gouverneure de la Nouvelle-Écosse, et Yvonne Atwell, la première députée provinciale africaine de la Nouvelle-Écosse.

Honorables sénateurs, en 1972, le premier ministre Trudeau a nommé pour la première fois une Néo-Écossaise, Margaret Norrie, au Sénat du Canada. À l’instar de sœur Peggy Butts, qui était la directrice de mon école secondaire, les sénatrices Bernard, Coyle et moi représentons aujourd’hui la Nouvelle-Écosse au Sénat.

Toutes ces femmes ont été nommées par des premiers ministres libéraux. Cinq femmes seulement ont été nommées depuis la Confédération; cela n’est pas vraiment extraordinaire.

Les femmes n’ont obtenu le droit de vote en Nouvelle-Écosse qu’en 1918. Avant, seules les citoyennes canadiennes de plus de 21 ans et propriétaires terriennes avaient le droit de voter. Les mêmes restrictions s’appliquaient aux hommes, mais peu de femmes possédaient des terres en Nouvelle-Écosse.

Le droit de vote a été étendu aux femmes en 1918. Cependant, les débuts de cette lutte en faveur du droit de vote des femmes, qui s’est traduite par la présentation de nombreux projets de loi à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, a débuté en 1891. Malheureusement, le mouvement anti-suffragette à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse était puissant et s’ingéniait à bloquer ces projets de loi à toutes les étapes du processus législatif.

(1420)

Pour justifier son opposition au projet de loi de 1893 visant à élargir le droit de vote aux femmes, le procureur général de la Nouvelle-Écosse, James Wilberforce Longley, a évoqué « le caractère sacré de la séparation des sphères, qui préserve les femmes de la bassesse de la politique ».

Au cours du débat de 1895, il a déclaré que les véritables fonctions des femmes étaient les suivantes. « La première et la plus importante fonction est de porter et d’élever des enfants. La deuxième consiste à créer un foyer et à agrémenter la vie de famille. La troisième est de charmer les hommes et de faire du monde un endroit plaisant et doux, où il fait bon vivre. Leur quatrième fonction est de se montrer gentilles, aimantes, douces, vulnérables et naïves, de se laisser chérir et d’être l’objet de la dévotion de l’homme. »

En réponse à ses commentaires émis en 1893, le Halifax Herald a publié une lettre d’opinion qui disait ce qui suit :

En dépit du respect que nous devons à M. Longley pour son désir chevaleresque de nous défendre contre nos comportements d’autodestruction, nous courrons le risque d’un vote tous les quatre ans, malgré le danger qu’il représente pour notre délicate « fibre morale ». En dépit de ce que laissent entendre les discours ronflants de M. Longley, ce ne sont pas les charmes, mais les bulletins de vote qui comptent auprès des politiciens.

Honorables sénateurs, les hommes et les femmes qui ont dirigé la Nouvelle-Écosse ont travaillé fort pour améliorer les perspectives offertes aux femmes de ma province. Les femmes ont fait beaucoup de chemin depuis la Confédération, une époque à laquelle elles n’avaient pas le droit de vote. Après les élections fédérales de 2015, ce fut une bouffée d’air frais de voir qu’on nommait un Cabinet composé à 50 p. 100 de femmes.

Je remercie l’honorable Arthur LeBlanc d’avoir commémoré les réalisations et les contributions des femmes de la Nouvelle-Écosse. Plusieurs d’entre elles ont abattu des barrières et défoncé des portes pour les autres politiciennes. Ce fut un plaisir de célébrer leur mémoire. Merci.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L’étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

Dépôt du quatorzième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 10 mars 2016 et le 26 avril 2018, le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a déposé auprès du greffier du Sénat, le 4 mai 2018, son quatorzième rapport (intérimaire) intitulé Le pétrole et le gaz canadiens dans une économie à faibles émissions de carbone.

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Présentation du vingt-huitième rapport du comité

L’honorable Larry W. Campbell, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, présente le rapport suivant :

Le mardi 8 mai 2018

Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration a l’honneur de présenter son

VINGT-HUITIÈME RAPPORT

Votre comité recommande que les fonds suivants soient débloqués pour l’année financière 2018-2019.

Examen de la réglementation (mixte)

Dépenses générales 2,250 $
Total 2,250 $

Respectueusement soumis,

Le président,

LARRY W. CAMPBELL

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Campbell, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi sur le cannabis

Dépôt du dix-septième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui porte sur la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les obligations internationales du Canada.

[Français]

Le Code canadien du travail

La Loi sur les relations de travail au Parlement

La Loi no 1 d’exécution du budget de 2017

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-65, Loi modifiant le Code canadien du travail (harcèlement et violence), la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi no 1 d’exécution du budget de 2017, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Projet de loi de 2018 sur les changements de noms de circonscriptions

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-402, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

La Loi sur les lieux et monuments historiques

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-374,Loi modifiant la Loi sur les lieux et monuments historiques (composition de la Commission), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Sinclair, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Pêches et océans

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 22 mai 2018, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L’honorable Nancy Greene Raine, O.B., O.B.C.

Préavis d’interpellation

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable sénatrice Raine.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le lundi 7 mai 2018, la période des questions aura lieu à 15 h 30.


ORDRE DU JOUR

La Loi sur le tabac

La Loi sur la santé des non-fumeurs

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes—Ajournement du débat

Le Sénat passe à l’étude des amendements apportés par la Chambre des communes au projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence :

1.Article 18, pages 12 et 13 : remplacer le passage commençant à la ligne 37, page 12, et se terminant à la ligne 7, page 13 par ce qui suit :

« de vapotage qui, selon le cas :

a) contient une drogue figurant sur la liste des drogues sur ordonnance, avec ses modifications successives, établie en vertu du paragraphe 29.1(1) de la Loi sur les aliments et drogues ou faisant partie d’une catégorie de drogues figurant sur cette liste et est visé par une autorisation qui en permet la vente, délivrée sous le régime de cette loi;

b) contient une substance désignée, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, dont la vente ou la fourniture sont autorisées sous le régime de cette loi. ».

2.Article 20, page 13 : remplacer la ligne 33 par ce qui suit :

« le produit et l’emballage, en la forme et selon les modalités réglemen- ».

3.Article 22, page 15 : remplacer la ligne 26 par ce qui suit :

« leurs émissions qui doit figurer sur les produits du tabac et sur l’emballage de ces ».

4.Article 32, page 19 : ajouter, après la ligne 8, ce qui suit :

« 23.3 Il est interdit de faire la promotion d’un dispositif qui est un produit du tabac ou d’une pièce qui peut être utilisée avec ce dispositif, qu’ils contiennent ou non du tabac, ou de les vendre s’il existe des motifs raisonnables de croire que leur forme, leur apparence ou une autre de leurs propriétés sensorielles ou encore une fonction dont ils sont dotés pourraient les rendre attrayants pour les jeunes. ».

5.Article 36, page 21 :

a)supprimer les lignes 25 à 33;

b)apporter les changements de désignation numérique et de présentation des renvois qui en découlent.

6.Article 44, pages 28 et 29 :

a)à la page 28, supprimer les lignes 27 à 29;

b)aux pages 28 et 29, apporter les changements de désignation des alinéas f.01), f.1), f.2) et f.3), en tant qu’alinéas f), e.1), e.2) et e.3), respectivement;

c)à la page 29, remplacer la ligne 11 par ce qui suit :

« jonction, après l’alinéa e), de ce qui suit : »;

d)à la page 29, par substitution, à la ligne 25 de ce qui suit :

« (6) L’alinéa 33e.2) de la même loi est remplacé par ».

7.Article 52, page 36 : remplacer les lignes 8 à 20 par ce qui suit :

« 52 L’article 42.1 de la même loi est abrogé. ».

8.Article 53, page 36 :

a)remplacer la ligne 22 par ce qui suit :

« avant la partie VI, de ce qui suit : »;

b)remplacer la ligne 27 par ce qui suit :

« aliments et drogues ou qui contiennent une substance désignée au sens du paragraphe 2(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ou à l’égard de certains de ces pro- »;

c)remplacer la ligne 32 par ce qui suit :

« vrée sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues ou en fonction du type de licence, de permis, d’autorisation ou d’exemption accordé sous le régime de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. ».

9.Article 61, page 40 : remplacer la ligne 18 par ce qui suit :

« (2), aux articles 25, 27, 30.1 ou 30.2, aux paragraphes ».

10.Article 63, page 40 :

a)remplacer la ligne 37 par ce qui suit :

« 23(1) ou (2), 23.1(1) ou (2) ou 23.2(1) ou (2), à l’article 23.3, aux paragraphes 24(1) ou (2), »;

b)remplacer la ligne 38 par ce qui suit :

« aux articles 25, 27, 30.1 ou 30.2, aux paragraphes ».

11.Article 68, pages 42 et 43 :

a)à la page 42, remplacer la ligne 28 par ce qui suit :

« de l’article 1.2, des mots « Les produits du tabac, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation »; »;

b)à la page 43, remplacer la ligne 2 par ce qui suit :

« de l’article 9.1, des mots « Les produits du tabac, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation ».

(4) L’annexe de la même loi est modifiée par remplacement du passage des articles 1 à 13 à la colonne 2 par ce qui suit :

 

Article Colonne 2
Produit du tabac
1 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les cigares qui sont munis d’une cape non apposée en hélice, les cigares avec papier de manchette et les petits cigares
(3) les feuilles d’enveloppe
1.1 Les cigares qui sont munis d’une cape apposée en hélice et pèsent plus de 1,4 g mais au plus 6 g, sans le poids des embouts, sauf ceux visés à l’article 1 et ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation

2
Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe

3
Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe

4
Les cigarettes, sauf celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
4.1 Les feuilles d’enveloppe, sauf celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
4.2 Les cigares, sauf les suivants :
(1) les petits cigares
(2) les cigares avec papier de manchette
(3) les cigares qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les cigares qui sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
4.3 Les petits cigares, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation
4.4 Les cigares avec papier de manchette, sauf ceux fabriqués ou vendus en vue de leur exportation et les petits cigares
5 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe
6 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe
7 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe
8 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe
9 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe
10 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe
11 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe
12 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe
13 Sauf s’ils sont fabriqués ou vendus en vue de leur exportation :
(1) les cigarettes
(2) les petits cigares
(3) tous les autres cigares, sauf ceux qui pèsent plus de 6 g, sans le poids des embouts, sont munis d’une cape apposée en hélice et n’ont pas de papier de manchette
(4) les feuilles d’enveloppe

 ».

12.Article 75, page 44 :

a)remplacer la ligne 17 par ce qui suit :

« 75 (1) Le paragraphe 4(2) de la Loi canadienne sur »;

b)à la page 44, ajouter, après la ligne 28, ce qui suit :

« (2) L’article 4 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (3), de ce qui suit :

(4) Le Règlement sur les produits chimiques et contenants de consommation (2001) ne s’applique à l’égard des produits de vapotage visés aux alinéas a) à c) de la définition de ce terme, à l’article 2 de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage, que s’il est modifié pour le prévoir expressément.

(3) Le paragraphe 4(4) de la même loi est abrogé. ».

13.Nouvel article 79.1, page 47 : ajouter, après la ligne 14, ce qui suit :

« 79.1 En cas de sanction du projet de loi C-45, déposé au cours de la 1re session de la 42e législature et intitulé Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dès le premier jour où le paragraphe 204(1) de cette loi et l’article 3 de la présente loi sont tous deux en vigueur :

a) la définition de accessoire, à l’article 2 de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage, est remplacée par ce qui suit :

accessoire Produit qui peut être utilisé pour la consommation d’un produit du tabac, notamment une pipe, un fume-cigarette, un coupe-cigare, des allumettes ou un briquet. La présente définition vise également la pipe à eau, mais ne vise pas les accessoires au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur le cannabis. (accessory)

b) le passage de la définition de produit de vapotage suivant l’alinéa d), à l’article 2 de la même loi, est remplacé par ce qui suit :

Ne sont toutefois pas des produits de vapotage les dispositifs et substances ou mélanges de substances exclus par règlement, le cannabis, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur le cannabis, les accessoires, au sens de ce paragraphe, et les produits du tabac et leurs accessoires. (vaping product) ».

14.Article 80, pages 47 et 48 :

a)à la page 47, remplacer les lignes 26 et 27 par ce qui suit :

« 32, 37, 38 et 40, les paragraphes 44(2) et (5), les articles 56, 62 et 63, les paragraphes 68(1) à (3) et les articles 69 et 70 entrent en vigueur le »;

b)à la page 48, ajouter, après la ligne 11, ce qui suit :

« (8) Le paragraphe 75(3) entre en vigueur à la date fixée par décret. ».

15.Annexe, page 51 :

a)remplacer le passage des articles 1 à 9, à la colonne 2 de l’annexe 2 par ce qui suit :

«

 

Article Colonne 2
Produit de vapotage
1 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
2 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
3 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
4 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
5 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
6 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
7 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
8 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
9 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation

»;

b)remplacer le passage des articles 1 à 5, à la colonne 2 de l’annexe 3 par ce qui suit :

«

 

Article Colonne 2
Produit de vapotage
1 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
2 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
3 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
4 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
5 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
6 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
7 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
8 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation
9 Substances de vapotage, sauf celles sur ordonnance et celles fabriquées ou vendues en vue de leur exportation

».

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose :

Que le Sénat agrée les amendements apportés par la Chambre des communes au projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

— Honorables sénateurs, je suis ravi de prendre la parole aujourd’hui au sujet du message portant sur le projet de loi S-5, qui propose d’adopter l’emballage neutre des produits du tabac et de réglementer le vapotage.

(1430)

Sur le dernier point, le gouvernement vise à trouver un juste équilibre entre la possibilité de réduire les méfaits et l’abandon du tabac tout en prévenant la création d’une nouvelle dépendance à la nicotine dans la population.

[Français]

J’aimerais remercier tous mes honorables collègues, ainsi que nos collègues de l’autre endroit, pour leur travail dans le cadre de ce projet de loi qui a été proposé dans cette Chambre le 22 novembre 2016. Je voudrais surtout remercier la sénatrice Petitclerc, marraine du projet de loi, et les sénatrices Seidman et Cordy, pour leur travail en tant que critiques, sans oublier les sénateurs Dean et Eggleton et les autres qui ont proposé des amendements importants à ce projet de loi.

[Traduction]

Grâce aux amendements proposés par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et l’autre endroit, je crois que nous avons montré que le Sénat peut apporter des contributions positives à l’établissement de mesures législatives plus sévères qui améliorent la santé et le bien-être des Canadiens.

Je sais que nous reconnaissons tous que le tabagisme est un problème de santé publique à l’échelle nationale. Chaque année, 45 000 Canadiens meurent de maladies liées au tabagisme et les méfaits du tabagisme ont de profondes conséquences sur beaucoup d’autres Canadiens. Ces méfaits sont tout à fait évitables et le nombre de Canadiens qui subissent toujours les conséquences du tabagisme est inacceptable.

Le projet de loi S-5 représente une réponse législative importante et nécessaire à l’épidémie de tabagisme. Il jette d’autres bases pour l’imposition d’emballages neutres et uniformisés pour les produits du tabac, ce qui permettra d’éviter davantage que les jeunes et les non-fumeurs soient incités à essayer des produits du tabac.

De plus, le projet de loi S-5 permettra aux adultes d’avoir légalement accès à des produits de vapotage mieux réglementés. Ces produits peuvent servir de solution de rechange aux cigarettes, car ils sont moins nocifs, et ils peuvent représenter une option indispensable pour les gens qui n’ont pas réussi à arrêter de fumer.

L’autre endroit a apporté des modifications notables au projet de loi depuis son adoption au Sénat. En plus de quelques amendements de forme, comme l’harmonisation de différentes lois, l’autre endroit a aussi approuvé des amendements au projet de loi S-5 en réponse à de nouvelles données scientifiques et des commentaires supplémentaires des intervenants.

Les témoins et les divers intervenants qui ont comparu devant le Comité permanent de la santé de l’autre endroit ont dit qu’il fallait renforcer les restrictions en matière de publicité sur les produits de vapotage afin de préserver les jeunes et les non-utilisateurs de produits du tabac des incitations à l’usage des produits de vapotage.

Je sais que certains sénateurs ont déclaré dans cette enceinte qu’ils partageaient ce point de vue. À l’autre endroit, des députés ont dit craindre que le projet de loi S-5 permette à l’industrie du vapotage de faire de la publicité de style de vie pour promouvoir le vapotage auprès des jeunes et des non-fumeurs. Depuis que le projet de loi a été présenté en 2016, de nombreuses études de santé publique ont démontré le lien qui existe entre le fait d’exposer des jeunes à de la publicité sur les produits de vapotage et les incitations à l’usage de ces produits.

Au nombre des études publiées cette année seulement, on retrouve l’une des premières études longitudinales des cohortes, qui a été publiée dans le Journal for Addictive Behaviour et qui s’intitule « L’exposition des adolescents à la publicité sur les cigarettes électroniques et l’usage subséquent qu’ils font de ces produits : Une étude longitudinale des cohortes ». Les chercheurs qui ont participé à cette étude en sont arrivés à la conclusion suivante :

[…] les jeunes n’ayant jamais fumé de cigarettes électroniques qui sont exposés à de la publicité sur ces produits sur les réseaux sociaux sont plus susceptibles de commencer à en faire usage.

Une autre étude publiée en 2017 dans Pediatrics et intitulée « Réceptivité à la publicité sur le tabac et attirance pour les produits du tabac » a révélé que les jeunes de 12 et de 13 ans étaient plus réceptifs à la publicité sur les cigarettes électroniques qu’à celle sur les produits du tabac. Les auteurs de l’étude ont conclu ce qui suit :

Une personne réceptive à la publicité sur chacun des produits du tabac qui ne se présentent pas sous forme de cigarettes était susceptible de commencer à fumer des cigarettes.

De nouveaux renseignements indiquent également que l’attitude et le comportement des adultes non fumeurs peuvent aussi être modifiés lorsqu’ils sont exposés à de la publicité de style de vie sur le vapotage.

Compte tenu de ces travaux de recherche et de l’intention du gouvernement de prendre des décisions fondées sur les meilleures données probantes disponibles, un amendement a été proposé afin d’éliminer les exceptions qui permettent la publicité de style de vie sur les produits de vapotage.

Le défi est de réduire les méfaits causés par le tabagisme pour ceux qui sont incapables de cesser de fumer ainsi que de protéger les jeunes et les non-fumeurs canadiens des méfaits des produits de vapotage. En effet, ne vous méprenez pas : ces produits sont peut-être moins néfastes que les cigarettes, mais ils ne sont pas inoffensifs.

[Français]

Le projet de loi S-5 est un élément important de la stratégie antitabac de ce gouvernement. Il est un outil nécessaire pour combattre l’un des problèmes de santé publique les plus difficiles à régler pour notre société.

[Traduction]

L’adoption du projet de loi S-5 est également essentielle à la mise en œuvre de mesures relatives aux emballages neutres et uniformisés pour les produits du tabac au Canada, lesquelles réduiront l’attrait des emballages ainsi que des produits mortels qu’ils contiennent.

Les coûts socioéconomiques du tabagisme nous touchent tous. Selon les estimations les plus récentes, les coûts totaux directs et indirects s’élèveraient à 16,2 milliards de dollars par année. Pensez aux bienfaits pour la santé si tous les 3,9 millions de Canadiens qui fument à l’heure actuelle passaient complètement au vapotage. Ces Canadiens réduiraient considérablement leur exposition aux produits chimiques néfastes que l’on retrouve dans la fumée de cigarette.

J’estime que le projet de loi S-5 est une mesure importante qui fournit une réponse législative sévère à l’épidémie de tabagisme.

[Français]

J’espère, honorables collègues, que vous partagez cet avis. Je sais que la sénatrice Petitclerc nous fournira une explication du contenu du message qui sera plus détaillée et, sans doute, plus éloquente.

[Traduction]

Pour l’instant, je remercie les sénateurs de leur attention et les encourage à se joindre à moi pour appuyer la motion d’adoption du message de l’autre endroit, car pourquoi remettre à demain la réduction des méfaits qu’on peut faire aujourd’hui?

Merci.

Son Honneur le Président : Sénateur Harder, le sénateur Joyal aimerait poser une question.

L’honorable Serge Joyal : Êtes-vous disposé à transposer toutes vos observations à la consommation de cannabis chez les jeunes?

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question et les sénateurs de leur intérêt à l’égard de ce dossier. Comme le savent les sénateurs, la légalisation du cannabis est présentement à l’étude en comité.

Je voudrais faire la comparaison entre les restrictions en matière de publicité du projet de loi C-45 et celles du projet de loi S-5, car, selon moi, elles sont essentiellement les mêmes : rien qui inciterait les jeunes à consommer, aucune commandite et aucun porte-parole, et l’obligation d’inclure des avertissements concernant la santé.

En ce qui concerne le projet de loi C-45, bon nombre des restrictions en matière de publicité qui s’appliquent aux produits du tabac pour empêcher que les jeunes soient ciblés seront reprises pour les produits du cannabis.

Quant à l’emballage, tous les produits du cannabis seront vendus dans un emballage unique de couleur uniforme comprenant une fermeture inviolable et l’utilisation d’images sera interdite. De plus, les étiquettes devront comprendre des avertissements obligatoires concernant la santé, un logo standardisé indiquant qu’il s’agit de cannabis et des renseignements relatifs au contenu en THC et en CBD.

Un amendement apporté à l’article 36 du projet de loi S-5 interdit les publicités de style de vie qui ont recours à des images évoquant le prestige, les loisirs, l’enthousiasme, le danger ou la prise de risques. Le projet de loi C-45 comprend les mêmes interdictions.

L’article 32 du projet de loi S-5 interdit la promotion d’un produit dont la forme, l’apparence ou les propriétés sensorielles ou encore une fonction dont il est doté pourrait le rendre attrayant pour les jeunes. Cette interdiction se trouve aussi dans le projet de loi sur le cannabis.

Le sénateur Joyal : L’honorable sénateur est-il conscient que des vedettes du rock se sont déjà associées à des marques et que des activités sociales ou promotionnelles de style de vie ont déjà lieu — je crois qu’il y en a eu une à Toronto pas plus tard que la fin de semaine dernière — pour convaincre les Canadiens de choisir telle ou telle marque?

En réalité, il semble déjà exister des moyens dans la société canadienne de contourner l’interdiction que semble mettre de l’avant le gouvernement par l'intermédiaire du projet de loi S-5.

Le sénateur Harder : Je ne connais pas aussi bien le monde du rock que le sénateur, mais je sais que l’adoption du projet de loi à l’étude permettra d’établir un cadre législatif concernant les interdictions dont je viens de parler.

(1440)

Le sénateur Joyal : Je n’ai pas du tout l’allure d’une vedette rock. Je suis probablement, dans cette enceinte, le sénateur qui porte les vêtements les plus ennuyants.

Cependant, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a précisé dans son rapport de mardi dernier que le gouvernement devrait se soucier du fait que les entreprises puissent faire preuve d’initiative et avoir recours à la publicité pour promouvoir la consommation de marijuana. Voilà ce qui nous inquiète. Je ne crois pas que de nombreux sénateurs seraient en désaccord avec les observations que vous avez faites au sujet du projet de loi S-5. Une incertitude demeure, toutefois, en ce qui concerne la consommation de cannabis. On s’interroge à savoir si les règlements proposés, qui ont été publiés il y a trois semaines par la ministre de la Santé, sont suffisamment rigoureux pour empêcher le genre d’initiative dont je viens de parler ou la propagation de la consommation de cannabis comme mode de vie contemporain.

Il sera difficile d’empêcher la promotion ou la consommation, par exemple lors de concerts rock, de festivals de jazz ou de soirées où la foule se compose principalement de jeunes ou de personnes qui ont presque 18 ans.

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de ses observations. J’aimerais simplement dire que le gouvernement considère que le Comité des affaires sociales est maintenant saisi de ces questions. J’ai hâte de participer au débat qui portera sur les recommandations du Comité des affaires sociales. Cette question ainsi que d’autres pourront faire l’objet d’un débat exhaustif.

Je remercie l’honorable sénateur de son appui à l’égard des amendements au projet de loi S-5.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’ai une question à poser au sénateur Harder. Il est difficile de ne pas parler du projet de loi C-45 alors que nous examinons le projet de loi S-5 dont il est question dans le message de la Chambre des communes. En ce qui concerne les emballages neutres, je connais la raison pour laquelle ils sont recommandés. Toutefois, le marché de la contrebande est un problème qui continue de croître. J’aimerais que vous nous parliez, monsieur le sénateur, des leçons retenues et des mesures que le gouvernement compte prendre pour éviter que le marché de la contrebande ne prenne de l’ampleur, si jamais la marijuana est légalisée.

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénatrice pour sa question, qui porte essentiellement sur le projet de loi C-45.

Manifestement, le gouvernement et la police ont beaucoup appris du fonctionnement du marché noir du tabac. Le gouvernement est d’avis que l’emballage neutre proposé dans cette mesure législative est la meilleure approche possible en matière de santé, et cette approche se retrouve dans le travail effectué dans cette Chambre et à l’autre endroit.

Le gouvernement estime que la mise en œuvre du projet de loi C-45 et la disparition progressive des produits illégaux du marché noir sont dans l’intérêt des Canadiens et de leur santé. C’est l’approche en matière de santé que nous adoptons en ce qui concerne le projet de loi C-45, et, une fois dans cette voie, je suis sûr que les forces de l’ordre s’assureront que nous utiliserons le meilleur de ce que nous avons appris au sujet du fonctionnement du marché noir du tabac.

La sénatrice Martin : Si on se fie aux observations qui ont été faites dans d’autres pays comme l’Australie, l’emballage neutre n’a pas réglé la question de la contrebande. Il a eu l’effet contraire, en fait. Il est difficile, de loin, de faire la différence entre un « vrai » emballage et un « faux ». La question se pose de savoir comment ces problèmes seront réglés en ce qui concerne la marijuana.

[Français]

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénatrices, honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer les amendements proposés par l’autre endroit au projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi sur le tabac, la Loi sur la santé des non-fumeurs et d’autres lois en conséquence.

[Traduction]

La consommation de tabac reste un important problème de santé publique. Au Canada, en dépit de nos efforts, on compte encore 45 000 décès liés au tabagisme tous les ans. Toutes les 12 minutes, un Canadien meurt d’une maladie liée au tabagisme.

Les répercussions sur l’économie de la consommation de tabac sont dramatiques. En 2012, le coût total lié à la consommation de tabac était de 16,2 milliards de dollars. Trop de gens meurent et le fardeau pour la société canadienne est trop lourd.

Le marché des produits contenant de la nicotine évolue rapidement et présente son lot de défis, mais il ouvre également des possibilités. Nous devons mettre en place les outils nécessaires pour en tenir compte. Le projet de loi S-5 établirait un nouveau cadre réglementaire pour les produits de vapotage. C’est une première mesure importante pour veiller à ce que le gouvernement puisse s’adapter à ces possibilités et à ces défis.

[Français]

Je tiens d’abord à remercier les honorables sénateurs de leur attention à l’égard de ce projet de loi important, qui appuiera également la mise en œuvre de la banalisation des emballages pour les produits du tabac. Le projet de loi S-5, on s’en souvient, repose sur des données solides. Comme l’a déclaré récemment l’organisme américain National Academies of Sciences, Engineering and Medecine dans son rapport de santé publique sur les cigarettes électroniques, il existe un fort consensus selon lequel le fait de remplacer des cigarettes combustibles par des produits de vapotage permet de réduire l’exposition à de nombreuses substances chimiques, toxiques et cancérigènes présentes dans la cigarette, comme le benzène ou le monoxyde de carbone.

Par ailleurs, l'organisme National Academies of Sciences, Engineering and Medecine a conclu que si les taux de cessation du tabagisme augmentent grâce à l’utilisation des produits de vapotage, cela se traduira par une augmentation évidente des bienfaits pour la santé publique d’ici 2050. Autrement dit, les données disponibles laissent entrevoir que les produits de vapotage pourraient jouer un rôle utile pour la santé publique. C’est pourquoi le projet de loi S-5 a été rédigé de façon à permettre aux adultes fumeurs de se procurer légalement des produits de vapotage à titre de source de nicotine moins nocive que les produits du tabac.

[Traduction]

Le projet de loi proposé est un élément important de l’approche globale du Canada pour réduire le fardeau sanitaire, social et économique résultant du tabagisme. Il prévoit également l’interdiction de certains additifs, dont le menthol, dans tous les produits du tabac ainsi que le renouvellement de la Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme.

Au fil des ans, l’approche que le Canada a adoptée pour lutter contre le tabagisme en collaboration avec les provinces et les territoires a contribué à réduire le nombre de fumeurs au Canada. Nous avons eu du succès et le taux de tabagisme au Canada est maintenant de 15 p.100. Cela veut tout de même dire qu’environ 4,6 millions de Canadiens continuent de consommer des produits du tabac et risquent de mourir ou de souffrir de maladies liées au tabagisme.

À mon avis, ce projet de loi fournirait un outil précieux en permettant aux fumeurs adultes d’avoir accès aux produits de vapotage comme autre source de nicotine moins nuisible et préparerait le terrain pour nous permettre d’atteindre l’objectif d’avoir un taux de tabagisme de 5 p.100 d’ici 2035.

[Français]

Comme vous le savez, le projet de loi S-5 a été présenté ici pour la première fois le 22 novembre 2016. Je tiens à souligner, encore une fois, les efforts que vous, honorables collègues, avez consacrés à son examen approfondi. Les modifications qui avaient été apportées par le Sénat ont rendu ce projet de loi encore plus solide.

Je tiens également à saluer et à remercier les sénatrices Seidman et Cordy de leur contribution et de leur collaboration très constructive dans leurs rôles respectifs de porte-parole de ce projet de loi.

Depuis, le projet de loi S-5 a fait l’objet d’un autre examen rigoureux au sein du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes, lequel a entendu 23 témoins représentant 16 organisations.

[Traduction]

Les témoins comprenaient des défenseurs des droits des consommateurs, des représentants de l’industrie du tabac et du vapotage, des experts du domaine de la santé publique, des universitaires et des fonctionnaires. En plus des amendements qui devaient être apportés pour des raisons techniques, d’autres amendements au projet de loi S-5 ont été adoptés par l’autre endroit en réponse aux réactions des intervenants. Par exemple, les témoins étaient d’avis que les restrictions en matière de publicité pour les produits de vapotage devaient être plus strictes afin de protéger les jeunes et les non-fumeurs et éviter qu’ils soient incités à utiliser les produits de vapotage. Plus précisément, le projet de loi S-5 permettrait à l’industrie du vapotage d’utiliser la publicité de style de vie pour promouvoir ses produits auprès des jeunes et des non-fumeurs.

(1450)

Ainsi, on a proposé un amendement visant à supprimer les exceptions à l’interdiction de la publicité de style de vie concernant les produits de vapotage.

Ce type de publicité, comme vous le savez, risque de présenter sous des couleurs séduisantes les produits de vapotage et de créer des associations positives. Elle pourrait présenter le vapotage comme une façon de vivre et l’associer au prestige, aux loisirs, à l’enthousiasme, à la vitalité ou au risque.

On craignait que cette publicité axée sur le style de vie, même si elle était autorisée dans des contextes limités, puisse tout de même inciter les jeunes et les adultes qui ne fument pas à utiliser des produits de vapotage. De toute évidence, cela irait à l’encontre du but recherché. L’autre endroit a convenu que, bien que les produits de vapotage puissent être bénéfiques pour les fumeurs actuels qui souhaitent avoir une solution de rechange au tabagisme, il reste qu’ils sont nocifs. Chose certaine, on ne veut pas se retrouver avec un plus grand nombre de cas de dépendance à la nicotine. Cet amendement visant à interdire la publicité de style de vie a été adopté pour renforcer et améliorer le projet de loi.

[Français]

Les préoccupations en matière de santé et de sécurité liées aux produits de vapotage ont été un autre aspect important à prendre en considération, compte tenu des cas d’empoisonnement à la nicotine et des explosions de dispositifs signalés à quelques reprises dans les médias. Le projet de loi S-5 comprend de nombreuses dispositions qui visent à assurer que ces produits sont aussi sécuritaires que possible, telles les exigences relatives aux contenants protège-enfants et à l’étiquetage des produits toxiques en vertu du Règlement sur les produits chimiques et contenants de consommation (2001).

Toutefois, l’autre endroit a reconnu que le marché canadien actuel des dispositifs de vapotage est dominé par les réservoirs rechargeables et qu’aucun dispositif qui satisfaisait au règlement n’est encore disponible. Par conséquent, pour permettre aux adultes d’avoir accès aux produits de vapotage comme solution de rechange aux produits du tabac, le comité a modifié le projet de loi afin de permettre temporairement la vente de dispositifs de vapotage rechargeables et de donner à l’industrie le temps de mettre au point des dispositifs conformes au règlement.

Au cours de cette période de transition, les Canadiens seront toujours protégés en vertu de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, et toutes les autres dispositions de la loi s’appliqueront. Par exemple, les personnes qui vendent des produits de vapotage resteront soumises à la déclaration obligatoire des incidents. En cas d’incident relatif à la sécurité des produits, les fonctionnaires de Santé Canada prendront rapidement des mesures appropriées qui pourraient aller jusqu’au rappel des produits visés afin de les retirer du marché, si nécessaire.

[Traduction]

Le projet de loi S-5 vise surtout les produits du tabac et de vapotage, tout spécialement les produits qui contiennent de la nicotine. Cependant, il est aussi possible d’utiliser les dispositifs de vapotage avec d’autres substances. Par conséquent, le comité a adopté deux amendements pour remédier à ce problème.

Le projet de loi S-5 prévoyait déjà que les produits de vapotage établis en vertu de la Loi sur les aliments et drogues seraient exemptés des restrictions à l’accessibilité des jeunes. Cependant, dans d’autres pays, comme aux États-Unis, les substances de vapotage qui sont mises au point à l’heure actuelle contiennent des substances régies par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

Il est possible que, à l’avenir, de tels produits soient disponibles sur le marché canadien. Par conséquent, l’autre endroit a adopté un amendement permettant aux substances de vapotage contenant une substance désignée pour laquelle il faut une ordonnance, et dont la vente est autorisée en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, de bénéficier des mêmes exemptions que les médicaments sur ordonnance visés par la Loi sur les aliments et drogues. Autrement dit, si le vapotage s’avère un moyen efficace d’administrer des médicaments sur ordonnance, les jeunes munis d’une ordonnance pourront désormais avoir accès à des substances réglementées au titre de la Loi sur les aliments et drogues ou de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

[Français]

Une modification a aussi été adoptée pour tenir compte de l’utilisation potentielle de dispositifs de vapotage pour la consommation de cannabis. Tels qu’ils ont été rédigés au départ, les projets de loi S-5 et C-45 s’appliqueraient aux substances de vapotage qui contiennent du cannabis ainsi qu’aux dispositifs de vapotage et aux papiers à rouler. Par souci de clarté, le comité a adopté une modification visant à exclure de la Loi sur le tabac et les produits de vapotage proposée, une fois les dispositions pertinentes du projet de loi C-45 en vigueur, les substances de vapotage qui contiennent du cannabis et les accessoires liés au cannabis.

La réglementation des produits de vapotage n’est pas le seul objectif du projet de loi S-5, puisque le tabagisme demeure un problème coûteux au Canada, qu’il s’agisse de ressources financières ou de la santé des citoyens. Par conséquent, les membres du comité ont aussi voté pour modifier le projet de loi S-5 de façon à renforcer le pouvoir du gouvernement en ce qui concerne les produits du tabac.

Nous savons que les mises en garde sur l’emballage des produits du tabac sont un moyen efficace de dissuader les jeunes Canadiens et les non-fumeurs de consommer ces produits. À la suite d’une modification apportée au projet de loi S-5, le gouvernement pourrait maintenant exiger qu’on appose de l’information — par exemple, des mises en garde pour la santé — directement sur les produits du tabac, comme les cigarettes individuelles. Cela permettrait d’informer les consommateurs des dangers et des effets associés à leur usage.

Depuis longtemps, l’industrie du tabac trouve des façons de commercialiser ses produits pour attirer de nouveaux consommateurs. Pour cette raison, des modifications ont été adoptées afin d’interdire la promotion et la vente de dispositifs du tabac qui ont une apparence, une forme ou une caractéristique sensorielle ou fonctionnelle qui serait attrayante pour les jeunes. Cette exigence correspond à celle qui s’applique aux dispositifs de vapotage.

[Traduction]

Afin de permettre au gouvernement de répondre rapidement aux préoccupations qui surgissent dans un marché du tabac en constante évolution, tout en continuant de suivre les normes du processus réglementaire exhaustif du Canada, le projet de loi S-5 a été amendé pour supprimer l’obligation de déposer devant le Parlement des projets de règlement sur le tabac avant qu’on puisse les rédiger.

J’ai parlé longuement des effets que le projet de loi S-5 pourrait avoir sur le marché national du tabac et du vapotage. De nombreux Canadiens participent à la fabrication et à la vente au détail de ces produits, qui sont vendus au Canada ou exportés dans d’autres pays. Or, le tabac et les produits de vapotage existent aussi sur le marché mondial et, sur la scène internationale, les autres pays peuvent imposer leurs propres exigences. Reconnaissant ce fait, le projet de loi S-5 a été de nouveau amendé afin de préciser que le tabac, les produits de vapotage et les produits fabriqués et exportés vers un autre pays seraient soustraits à l’interdiction d’utiliser certains additifs et ingrédients qui peuvent être autorisés dans d’autres pays.

[Français]

Son Honneur le Président : Je m’excuse, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Petitclerc : S’il vous plaît.

Son Honneur le Président : La permission est-elle accordée?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Petitclerc : Merci.

[Traduction]

Comme je le disais, je crois fermement que, grâce à ces amendements, le projet de loi S-5 est maintenant plus robuste.

Le projet de loi S-5 établit un équilibre entre les méfaits des produits de vapotage, s’ils amènent les jeunes et d’autres personnes à les utiliser et à développer une dépendance à la nicotine, et les bienfaits potentiels pour la santé publique, s’ils contribuent à réduire le nombre de cas de décès ou de maladie liés au tabagisme.

(1500)

[Français]

Honorables collègues, chaque fois qu’une personne meurt à cause du tabagisme, c’est toute une famille qui vit une tragédie qui aurait pu être évitée. Avec ce projet de loi, nous tentons de sauver des vies, et chaque vie compte. C’est pourquoi nous devons aider ceux qui essaient de cesser de fumer et faire tout en notre pouvoir pour nous assurer que personne ne commence à fumer. Je crois que le projet de loi S-5, tel qu’il a été modifié par l’autre endroit, nous mène vers cet objectif.

[Traduction]

Je vous remercie d’avance d’appuyer cette mesure législative, dans sa forme modifiée, et de recommander qu’elle reçoive la sanction royale le plus tôt possible.

(Sur la motion de la sénatrice Seidman, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la modernisation des transports

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare,

Que le Sénat agrée l’amendement 4 de la Chambre des communes ainsi que les amendements 1, 2 et 3 que la Chambre des communes a apportés à ses amendements 6, 7b) et 9 au projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois;

Que le Sénat n’insiste pas sur ses amendements 1a)(i), 1a)(ii), 1b), 3, 4, 5a)(i), 5a)(ii), 5a)(iii), 5b), 7c), 8 et 10a), auxquels les Communes n’ont pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du message de l’autre endroit sur le projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois.

Pourquoi en sommes-nous là aujourd’hui? Comme je l’ai dit dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, la mesure législative modifie 13 lois distinctes, ce qui en fait un projet de loi omnibus. Dans tous les projets de loi omnibus dont le Sénat a pu être saisi, il semble toujours y avoir une question urgente à régler immédiatement. Ainsi, on tente d’adopter un projet de loi titanesque rapidement pour résoudre un problème, ce qui ne laisse pas le temps d’examiner les autres aspects de la mesure législative.

En l’occurrence, je parle évidemment de la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, qui est visée par certaines dispositions de ce projet de loi. Je l’ai déjà dit auparavant et je répète aujourd’hui que, si le gouvernement avait présenté ces mesures séparément, le transport des grains se ferait déjà de façon plus constante parce que nous aurions adopté ces mesures immédiatement.

Or, le gouvernement a décidé de les inclure dans ce projet de loi omnibus. En toute honnêteté, j’ai été déçu de l’attitude du ministre lorsque nous l’avons questionné à ce sujet et à propos d’autres aspects pendant sa comparution devant le comité, car les sénateurs ne baissent jamais les bras lorsqu’ils ont du travail à faire.

Je crois que le ministre a compris le message.

Au Sénat, nous avons pris le temps nécessaire pour étudier le projet de loi. C’est exactement ce que nous avons fait, et nous avons proposé des amendements, puis renvoyé le projet de loi à l’autre endroit pour la suite de l’étude. Je remercie tous les honorables sénateurs qui ont participé au processus, en particulier le sénateur Eggleton, qui m’a beaucoup aidé lorsque je n’ai pas pu venir au comité pour assister au processus d’amendement.

Honorables sénateurs, en raison du grand nombre de dispositions comprises dans ce projet de loi et de la nature même du nouveau Sénat indépendant, nous savions depuis le début que nous trouverions des dispositions qui méritent un second examen, et ce fut le cas.

J’aimerais parler brièvement de certains aspects qui me tenaient et me tiennent toujours très à cœur et qui m’ont amené à proposer des amendements.

L’amendement visant à ajouter les mots « directement ou indirectement », à l’article 15 du projet de loi, a été accepté par le comité et par l’autre endroit. Il était nécessaire de clarifier et d’améliorer la disposition pour qu’elle s’accorde mieux avec la disposition précédente. Je remercie le gouvernement d’avoir accepté cet amendement.

Un autre des amendements qui me tenaient particulièrement à cœur est celui qui vise l’ajout d’une disposition prévoyant un examen. Trois ans après son élaboration et sa mise en œuvre, la déclaration des droits des passagers proposée aurait pu être examinée par un comité, qui aurait eu la possibilité de proposer des changements, au besoin, à ce moment-là et tous les cinq ans par la suite. Le gouvernement a rejeté cet amendement en indiquant que les enjeux qui y étaient soulevés étaient déjà traités dans le projet de loi ou dans des dispositions législatives existantes.

La Loi sur les transports au Canada renferme bel et bien des dispositions qui prévoient que le ministre doit présenter un rapport annuel résumant la situation des transports au Canada, ainsi que, tous les cinq ans, un rapport approfondi traitant notamment des perspectives à long terme dans le domaine des transports et de toute autre question de transport que le ministre estime indiquée. Il aurait été utile qu’on nous l’indique dans un message. Cela m’aurait évité d’avoir à faire la recherche.

Chose certaine, je peux vous dire que j’ai bien l’intention de voir à ce que le ministre produise ces rapports et de faire tout en mon pouvoir pour déterminer si la déclaration des droits des passagers est efficace et aider les Canadiens, notamment à se prévaloir des mécanismes prévus.

Je vais revenir à cette déclaration dans un moment.

Je suis également très heureux que l’amendement portant sur le soya ait aussi été accepté à l’autre endroit.

Il ne faut cependant pas oublier, honorables sénateurs, que le secteur de l’agriculture est en constante évolution. Qui aurait pensé, il y a 10 ou 15 ans, que le soya occuperait un jour une telle place sur le marché? L’évolution du marché favorise la croissance de certains secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Je pense que nous allons devoir être attentifs afin de repérer les autres produits qui pourraient exiger le même genre d’amendement.

Certaines propositions visaient à ce que les entreprises n’aient accès qu’à une quantité limitée de données recueillies par les enregistreurs audio-vidéo de locomotive. Ce sujet préoccupe grandement les intervenants et, plus important encore, les travailleurs.

En plus de protéger la vie privée des Canadiens, nous devons voir à ce que les données ne servent pas à des fins disciplinaires. Les entreprises affirment qu’elles ne serviront pas à cette fin, et le ministre croit que les dispositions du projet de loi protègent adéquatement les travailleurs. L’avenir nous dira ce qu’il en est.

Je continuerai de suivre l’évolution de la situation. Je continuerai aussi de poser des questions sur ce qui se produit quand un train franchit la frontière entre le Canada et les États-Unis. Qu’adviendra-t-il des données alors? La protection des données aura-t-elle pour effet de ralentir le transport?

Il est malheureux que les amendements portant sur ces points aient été rejetés lors de l’étude en comité.

Un dernier point, mais non le moindre, concerne la déclaration des droits des passagers, qu’on a déjà mentionnée. Le gouvernement a annoncé avec tambours et trompettes que le Canada se doterait d’une déclaration des droits des passagers et les Canadiens en parlent beaucoup, mais cette déclaration n’existe pas. Elle n’existe toujours pas, bien qu’on continue d’en entendre parler.

Nous demeurons préoccupés par le fait que la déclaration en question ne fait pas partie du projet de loi. Le nouveau régime sera créé par l’entremise de règlements. Le ministre a confiance que le nouveau régime mènera à un ensemble solide de droits et de mécanismes conçus pour assurer le bon fonctionnement de ces droits.

Je ne suis toujours pas convaincu que cet objectif se concrétisera, et j’ai trouvé consternant que le comité rejette l’amendement au sujet des retards sur l’aire de trafic, qui proposait de parler d’un retard de plus de 90 minutes au lieu de plus de 3 heures.

On nous répète, encore et encore, qu’il est faux de penser que les passagers se retrouveront à attendre pendant trois heures à bord de l’avion sans que le transporteur aérien ait à se préoccuper de leur sécurité et de leur confort.

Si les compagnies aériennes ont des règles pour les vols retardés de 90 minutes, pourquoi changer cela pour 3 heures? Les compagnies aériennes ont-elles commencé à modifier leurs propres règles concernant les retards de 90 minutes sur l’aire de trafic? Passeront-elles à trois heures?

Nous savons tous que la sécurité est de la plus haute importance et que nous devons faire de notre mieux pour l’assurer. Bien que j’aie fini par décider de ne pas m’opposer à cette modification — et vous pouvez croire que cette décision n’a pas été facile —, ma conviction demeure inébranlable, et je resterai à l’affût de la tournure que prendront les règlements.

Si je n’aime pas ce que je vois, je recourrai à tout le pouvoir législatif et politique que j’ai pour obtenir des changements.

Honorables sénateurs, c’est un gros projet de loi. C’était un projet de loi compliqué, mais, comme je l’ai déjà mentionné, nous en avons fait un examen diligent, et j’estime que le Sénat a fait les bons choix.

Maintenant que nous avons reçu le message de l’autre endroit, j’aimerais, en terminant, ajouter que j’ai été encouragé par le ton et le nouveau respect que dégage le message. Peut-être — je dis bien peut-être — qu’à l’autre endroit on a enfin réalisé que nous faisons aussi partie du processus législatif. Peut-être.

Ce projet de loi concerne la sécurité des voyageurs, le transport de marchandises, la protection des droits et de la vie privée des travailleurs, et bien plus encore.

(1510)

Est-ce un projet de loi parfait? Non. Le Sénat l’a-t-il amélioré? Oui, mais pas sur tous les plans où je souhaitais voir des améliorations.

Quoi qu’il en soit, j’appuierai la motion pour accepter le message de l’autre endroit, à moins que des amendements ne soient proposés.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention.

Des voix : Bravo!

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, permettez-moi d’ajouter ma voix à celle du sénateur Mercer, qui vient d’intervenir cet après-midi, et à celle de nos collègues qui ont pris la parole hier.

J’ai exprimé très franchement mon opinion sur cette question et j’ai été très actif dans ce dossier, mais je n’ai pas encore eu l’occasion de parler de cette mesure législative au Sénat. Cela dit, j’aimerais faire valoir quelques arguments, dont certains ont déjà été invoqués par le sénateur Mercer.

Nombre d’entre nous ont exprimé de sérieuses réserves à l’égard de ce projet de loi omnibus, l’un des plus aberrants que j’aie vus. Il comprend des dispositions non controversées absolument critiques et urgentes pour l’industrie du grain, ainsi que des modifications controversées qui touchent des industries et des secteurs n’ayant aucun lien avec le secteur du grain. Ce projet de loi comprend notamment des dispositions établissant des lignes directrices sur la déclaration des droits des passagers des lignes aériennes et des dispositions sur la sécurité des trains.

Toutes ces questions méritent un examen approfondi distinct, ce que nous n’avons pu faire. D’autres intervenants ont déjà souligné que cette mesure législative modifie 13 lois fédérales. Honorables sénateurs, j’ai bien dit treize.

Pour ceux qui ne seraient pas tout à fait au courant des difficultés qu’a connues l’industrie du grain, je me permets de donner des précisions.

En 2014, j’ai eu l’immense plaisir de parrainer le projet de loi C-30, la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, qui exigeait que les chemins de fer transportent le grain en temps opportun. Le CN et le CP se sont opposés à cette mesure législative, mais, lorsqu’ils ont été forcés de respecter la loi, ils ont réussi à acheminer les grains des producteurs l’Ouest du Canada jusqu’au marché.

Cet épisode a durement éprouvé les producteurs. Lorsque les dispositions ont expiré, le gouvernement a prolongé les exigences d’un an. La loi est devenue caduque en date du 1er août 2017. Cela a eu des conséquences négatives énormes sur les producteurs de grain. Cependant, plutôt que de prolonger une fois de plus les dispositions — ce qu’il aurait parfaitement eu le droit de faire —, le gouvernement a gardé ces producteurs qui travaillent dur en otage en ajoutant ces dispositions impératives à un projet de loi omnibus controversé.

Honorables sénateurs, des producteurs sont venus à mon bureau les larmes aux yeux en me disant : « S’il vous plaît, adoptez ce projet de loi rapidement. Nous ne pouvons simplement pas survivre à une autre année de récolte perdue. » Pendant ce temps, les compagnies de chemin de fer étaient aussi à mon bureau, à m’expliquer qu’elles ont offert un bon service lorsqu’elles ont été forcées de le fournir par voie législative, et à promettre qu’elles le feraient de nouveau si elles y étaient obligées par la loi et par le gouvernement.

Si le gouvernement voulait trouver une solution plus permanente pour aider l’industrie céréalière comme le propose le projet de loi, il aurait pu simplement prolonger les dispositions jusqu’à l’adoption du projet de loi. Cependant, ce n’est pas ce qui est arrivé, et il s’est livré à des manœuvres politiques aux dépens de l’industrie céréalière. Honorables sénateurs, c’était une approche déloyale et totalement injuste.

Lors de la dernière campagne électorale, on nous a promis à maintes reprises que ce gouvernement ne présenterait pas de projet de loi omnibus, et c’était aussi indiqué explicitement aux pages 32 et 83 de son programme électoral. Pourtant, nous voici, avec une autre promesse électorale brisée.

La semaine dernière, on nous a dit que nous n’étions pas censés rejeter une mesure législative si elle constitue la réalisation d’une promesse électorale. Pourtant, on nous demande maintenant d’appuyer une mesure législative qui vient en contradiction directe avec une promesse électorale.

Le leader du gouvernement au Sénat nous a dit que notre travail au Sénat est plutôt d’amender la mesure législative. Pourtant, lorsque son représentant, le sénateur Mitchell, a comparu devant le comité, il s’est opposé à chacun des amendements proposés à l’étape de l’étude article par article.

Il va sans dire que la façon dont le gouvernement s’est occupé de cette question tout au long du processus est très frustrante. Les membres du comité, par contre, ont fait de l’excellent travail : étant donné les contraintes de temps et la portée générale du projet de loi, ils l’ont étudié du mieux qu’ils ont pu. Le comité et, par la suite, le Sénat ont adopté 18 amendements. Cela parait beaucoup, mais, dans la mesure où le projet de loi modifie 13 lois, j’estime que c’est très raisonnable.

Avec l’aide d’autres sénateurs, j’ai proposé au comité un amendement qui se rapporte à l’interconnexion ferroviaire. Après l’avoir rejeté à maintes reprises à toutes les étapes de l’examen législatif de la Chambre des communes — et après que le ministre eut expressément déclaré au comité sénatorial que le gouvernement refuserait de l’appuyer —, le gouvernement a finalement cédé à la pression politique et l’a accepté, ce dont je me réjouis. Je tiens à remercier les membres du comité de l’avoir appuyé. Cet amendement est une grande victoire pour les producteurs de grain.

Rappelons un peu en quoi il consiste et pourquoi il est important. Le projet de loi C-49 comporte un certain nombre de dispositions utiles pour les producteurs de grain, mais les dispositions relatives à l’interconnexion de longue distance posaient un grave problème. En adoptant la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grain, nous avions temporairement prolongé la zone d’interconnexion jusqu’à 160 kilomètres. Ce simple mécanisme donnait pour la première fois aux expéditeurs la possibilité de choisir entre divers services ferroviaires pour expédier leurs récoltes. Le fait de donner aux expéditeurs et aux entreprises de transformation à valeur ajoutée la possibilité d’avoir recours, par interconnexion, à un autre transporteur ferroviaire leur accordait beaucoup de pouvoir pour négocier les tarifs et les services auprès de leur transporteur.

Au lieu de laisser tel quel ce mécanisme très efficace, le gouvernement proposait dans le projet de loi C-49 l’interconnexion de longue distance, c’est-à-dire un mécanisme lourd et compliqué par rapport à l’autre et qui aurait été inutile pour certains expéditeurs.

Le problème le plus sérieux du mécanisme d’interconnexion de longue distance, c’est que les expéditeurs qui ont un lieu de correspondance à moins de 30 kilomètres de leur installation ou qui sont desservis par deux compagnies de chemin de fer ne peuvent pas faire une demande d’interconnexion de longue distance, peu importe si le lieu de correspondance ou le service offert par les deux compagnies de chemin de fer est dans la bonne direction pour la livraison.

Si le but du mécanisme est de créer des options concurrentielles, cette interdiction va clairement à l’encontre d’un tel but dans le cas où le seul service disponible ne va pas dans la direction vers laquelle l’expéditeur veut envoyer ses wagons.

Je vais vous donner un exemple de ma province, le Manitoba, où il y a des installations de transformation des oléagineux à valeur ajoutée et des silos dans le sud de la province. Comme le savent les sénateurs, et comme on l’a déjà dit ici aujourd’hui, la transformation des oléagineux dans les Prairies connaît un succès grandissant.

Au cours des 10 dernières années, la transformation du canola et du soya a plus que doublé et représente aujourd’hui 7,8 milliards de dollars d’activité économique annuelle pour le Canada. Il n’est pas surprenant que, pour un produit périssable comme l’huile de canola, dont la grande majorité est exportée, il soit essentiel d’avoir une logistique souple et efficiente.

Voilà pourquoi les options concurrentielles de services de transport ferroviaire des marchandises sont un élément crucial pour les expéditeurs de grain, mais surtout pour les transformateurs d’oléagineux à valeur ajoutée.

Un transformateur d’oléagineux ou un producteur de grain situé, par exemple, dans le Sud du Manitoba, et qui cherche à expédier son produit pour l’exporter depuis le port de Vancouver ou en passant par Thunder Bay, aurait idéalement accès au lieu de correspondance de Winnipeg, où plusieurs compagnies ferroviaires pourraient se livrer concurrence pour transporter les produits de l’expéditeur. Cependant, si l’expéditeur est situé près du lieu de correspondance d’Emerson, au Manitoba, dans le Sud du Manitoba, tout près de la frontière des États-Unis, il n’aurait pas le droit de se servir du lieu de correspondance de Winnipeg.

De toute évidence, il n’est pas logique d’utiliser le lieu de correspondance d’Emerson si le trafic tente de se rendre, disons, dans l’Est du Canada. Cette option n’est manifestement pas concurrentielle pour une installation, qu’elle souhaite acheminer ses produits dans l’Ouest ou dans l’Est. Au titre de la mesure législative, dans sa forme actuelle, il s’agit exactement du scénario auquel devrait faire face une installation située à cet endroit.

Les expéditeurs de grain, les transformateurs d’oléagineux et les agriculteurs qui ont comparu devant le comité ont tous appuyé un amendement technique très simple visant à régler ce problème. En remaniant la disposition pour permettre que le lieu de correspondance le plus proche soit situé « dans la même direction que la destination du chargement », on donnerait à tous les expéditeurs de vraies possibilités concurrentielles.

(1520)

Évidemment, le secteur du grain a été déçu de voir le gouvernement libéral s’opposer à cet amendement chaque fois qu’il l’a pu à l’autre endroit, mais il est très heureux que le Sénat ait pu apporter cet important changement.

Un autre des amendements, auquel je suis ravi d’avoir travaillé et que j’ai parrainé conjointement avec la sénatrice Griffin, a été l’ajout du soya au revenu admissible maximal, une mesure qui protège les agriculteurs. Cette mesure de protection est très importante, car ce sont les agriculteurs qui, en fin de compte, assument le coût du transport ferroviaire des marchandises. Les hausses exorbitantes des prix sont une conséquence naturelle d’un environnement quasi monopolistique. Les agriculteurs ont donc besoin de cette protection. Le gouvernement avait décidé, sans raison valable, d’exclure le soya et les produits à base de soya de cette protection dans ce projet de loi.

En 2000, quand le principe du revenu admissible maximal a été instauré, le soya était peu cultivé dans les Prairies; il n’a donc pas été inclus dans l’annexe initiale qui énumérait les plantes admissibles.

Depuis, le soya est devenu un important moteur économique dans les Prairies, surtout, encore une fois, chez moi, au Manitoba. Au cours des quatre dernières années seulement, la superficie cultivée dans cette province a augmenté de 80 p. 100. Au Manitoba, on a semé du soya sur près de 2,5 millions d’acres cette année. Le soya est en voie de devenir une grande réussite pour l’agriculture, et ce n’est pas seulement au Manitoba, c’est partout au pays. Il représente à présent 480 millions de dollars en PIB chaque année et est lié à des milliers d’emplois. Je suis très heureux que le gouvernement ait accepté cet amendement et je remercie la sénatrice Griffin d’avoir piloté ce dossier.

Depuis que le gouvernement a présenté sa réponse à nos amendements, j’ai reçu d’innombrables courriels, lettres et appels téléphoniques de la part de représentants de l’industrie céréalière, qui nous exhortent à adopter le projet de loi sans plus attendre. Je comprends tout à fait leur sentiment d’urgence. Il faut absolument que le projet de loi soit adopté pour que les agriculteurs puissent survivre à la présente saison des récoltes.

Toutefois, le gouvernement a rejeté sans raison apparente quelques amendements qui avaient été adoptés par le Sénat. Par exemple, la sénatrice Griffin avait proposé un autre amendement concernant l’interconnexion de longue distance. Il est évident qu’on ne tient pas compte des besoins des Maritimes en matière de services ferroviaires. Dans la version actuelle du projet de loi C-49, l’interconnexion de longue distance n’est pas une possibilité pour les expéditeurs de l’Ouest canadien qui souhaitent acheminer des marchandises vers les ports des Maritimes, parce que le lieu de correspondance le plus près de Saint John ou d’Halifax est à Montréal, en plein cœur de la zone d’exclusion de l’interconnexion entre Québec et Windsor, et que le seul transporteur ferroviaire entre Québec et les Maritimes est le CN. Notre comité a entendu un représentant de Canpotex, qui a dit clairement que le manque de concurrence dans le secteur des services ferroviaires rendra les ports des Maritimes moins attrayants.

L’amendement proposé par la sénatrice Griffin, qui constituait une solution modeste, aurait permis d’exempter les cargaisons à destination du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse de la zone d’exclusion de l’interconnexion de longue distance dans le corridor Québec-Windsor. Cet amendement, qui aurait éliminé la disparité régionale involontaire, reflète l’exemption actuelle qui touche les cargaisons provenant du Nord du Québec. Cet amendement aurait permis d’offrir aux expéditeurs de marchandises à destination de Saint John ou d’Halifax des choix ferroviaires plus concurrentiels, ce qui aurait rendu les ports de ces villes plus attrayants. Nous n’avons pas encore entendu d’objection raisonnable à cet amendement. Je n’arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi le gouvernement a rejeté un amendement aussi pertinent et crucial.

Un autre excellent amendement adopté à l’unanimité par le comité avait été proposé par le sénateur Mercer. Cet amendement portait sur la réglementation proposée concernant les retards sur l’aire de trafic. Les politiques de la plupart des compagnies aériennes prévoient des retards d’une durée maximale de 90 minutes sur l’aire de trafic, tandis que la réglementation proposée par le gouvernement doublerait cette période, la faisant passer à un maximum de 3 heures.

Le gouvernement a indiqué que, lorsque les compagnies aériennes privées énoncent leur règle d’un maximum de 90 minutes, elle est toujours accompagnée d’une liste d’exceptions. Dans le même ordre d’idées, le gouvernement aurait eu amplement l’occasion de préciser des exceptions, notamment en ce qui concerne les risques pour la sécurité. Cependant, malgré les conseils de presque tous les organismes concernés, il a rejeté l’amendement et a laissé à trois heures la disposition s’appliquant au retard sur l’aire de trafic. C’est tout à fait insensé.

Gábor Lukács, de l’organisme Droits des passagers aériens, a témoigné devant le comité et décrit la nature inhumaine d’un retard de trois heures sur l’aire de trafic. Il dit ceci :

Imaginez que votre comité soit tenu en captivité dans un tube de métal doté d’ailes pendant trois heures avec une multitude d’autres personnes, avec peu ou pas de nourriture ou d’eau, des toilettes probablement engorgées, peu d’air [frais] ou de chaleur et absolument aucun mot à dire à ce sujet.

Votre Honneur, il me reste deux minutes.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Plett : M. Lukács a ajouté ceci :

Vous n’infligeriez jamais cela à vos pires ennemis, n’est-ce pas?

Pourtant, c’est ce que le projet de loi C-49 cherche, en partie, à infliger aux Canadiens.

Il vise à doubler la période pendant laquelle les passagers peuvent être confinés dans un aéronef sans eau ni nourriture, faisant passer la norme actuelle de 90 minutes à trois heures.

Cela n’est pas seulement cruel, c’est déraisonnable.

La règle actuelle de 90 minutes est contraignante. Une compagnie aérienne qui contrevient à la règle peut être mise à l’amende. […] Depuis près de 10 ans, les passagers et les compagnies aériennes se disaient satisfaits de la règle actuelle de 90 minutes.

Je vous prie de conserver l’actuelle règle de 90 minutes [...]

Chers collègues, les compagnies aériennes, tout comme le gouvernement du Canada, ne doivent pas oublier que l’industrie aérienne fait partie du secteur des services et que non seulement ses clients paient pour prendre un vol, mais ils paient une somme importante pour ce faire. L’idée que le gouvernement interviendrait et formulerait des suggestions réglementaires pour réduire le niveau de service offert aux voyageurs payants est tout à fait inacceptable.

Maintenant, étant donné que la campagne agricole approche, l’adoption de cette mesure législative presse pour les producteurs de grain, et nous sommes forcés de fermer les yeux sur d’autres parties du projet de loi qui méritent un examen plus approfondi. D’autres industries, notamment le secteur du transport aérien, sont grandement touchées par ces changements. Pourtant, nous devons adopter ce projet de loi rapidement, sinon les agriculteurs rateront, sans aucun doute, une autre campagne agricole. Ils ne peuvent tout simplement pas se le permettre.

Chers collègues, de toute évidence, la façon dont cette mesure législative a été proposée et traitée est consternante. Même si le gouvernement nous a placés dans une position délicate relativement à ce projet de loi, je crois fermement que nous devons continuer à défendre les droits des passagers aériens et que nous devons, chers collègues, continuer de lutter pour l’équité à l’échelle régionale pour le Canada atlantique. Si le gouvernement ne le fait pas, nous devons trouver d’autres mesures au Sénat pour veiller à ce que ces enjeux ne sombrent pas dans l’oubli.

Cela dit, à l’instar du sénateur Pratte, je vais battre en retraite et ne m’opposerai pas à l’adoption rapide de ce projet de loi, afin que les vaillants agriculteurs de l’Ouest canadien puissent enfin acheminer leurs récoltes vers les marchés.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, c’est le moment de la période des questions. Nous reprendrons le débat sur le projet de loi C-49 après la période des questions.

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Seamus O’Regan, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Le ministère des Anciens Combattants

Le programme d’accès à la marijuana à des fins médicales

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Bienvenue, monsieur le ministre. Ma question porte sur la marijuana à des fins médicales. Je suis certain que vous êtes au courant du reportage d’aujourd’hui mentionnant que le gouvernement se fait, une fois de plus, traîner devant les tribunaux par d’anciens combattants. Cette fois-ci, ce sont d’anciens combattants qui prétendent que votre ministère a violé son obligation envers eux en imposant des compressions au programme d’accès à la marijuana à des fins médicales.

Je ne vous demanderai pas de commenter directement cette affaire. J’aimerais que vous expliquiez ou que vous étoffiez des commentaires que vous avez faits hier.

Nous avons encore beaucoup de recherche à faire sur la consommation de cannabis et ses effets sur le TSPT et d’autres troubles mentaux.

(1530)

On nous a dit que la décision du gouvernement de légaliser la marijuana s’appuyait sur des données mais n’était pas fondée sur des données probantes, justement en raison de l’absence de recherche.

Monsieur le ministre, la décision prise par votre ministère d’annuler le programme d’accès à la marijuana à des fins médicales était-elle appuyée sur des données probantes ou fondée sur de telles données? Quels résultats de recherche ont servi à prendre cette décision, et êtes-vous disposé à nous en faire part?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Je vous remercie, honorables sénateurs, et vous prie de m’excuser de ce début — c’est sans doute que je me sens un peu nerveux de me retrouver dans cette auguste enceinte pour la deuxième fois. Mon premier passage ici remonte à 1990, dans le cadre du Parlement jeunesse Canada.

La question du cannabis est manifestement liée au trouble de stress post-traumatique, et c’est un dossier complexe. Je vais commencer par la fin de votre question. La décision de passer de 10 grammes à 3 grammes par jour est fondée sur l’opinion du Collège des médecins de famille du Canada. Nous serions heureux de vous transmettre cette information.

Je ne saurais trop insister sur le fait que nous n’autorisons pas la consommation de cannabis. Nous ne sommes pas autorisés à prescrire du cannabis. Ce que nous avons dit, c’est que nous rembourserons le cannabis sur ordonnance. Ainsi, lorsqu’il est prescrit par un médecin de famille, la quantité maximale autorisée est de 3 grammes par jour. Au-delà de cette quantité, nous autoriserons le remboursement, mais après de plus amples consultations des médecins. Le médecin traitant et le médecin de famille doivent être d’accord.

En fait, ce sont des professionnels de la santé qui sont responsables du dossier, et nous suivons leurs recommandations. Le cannabis n’est pas une drogue inoffensive. Manifestement, c’est un dossier dans lequel nous investissons beaucoup d’argent. Dans un contexte plus vaste, alors que nous nous apprêtons à légaliser le cannabis, nous investissons plus d’argent dans la recherche. Il n’y a pas de doute que cela fait partie de l’équation. Pour le moment, toutefois, nous ne prescrivons pas du cannabis et nous n’autorisons pas la consommation de cannabis. Nous le remboursons, tout simplement. Il revient au médecin de famille de prescrire du cannabis à un ancien combattant, ou au psychiatre lorsque la quantité est supérieure à 3 grammes.

Le sénateur Smith : Je vous remercie de votre réponse.

Le coût est-il entré en ligne de compte dans votre décision de réduire de 70 p. 100 le remboursement quotidien auquel les anciens combattants avaient droit pour la marijuana à des fins médicales? La quantité remboursée est passée de 10 grammes à 3 grammes. Le coût a-t-il influencé votre décision?

M. O’Regan : Je n’ai pas ces renseignements avec moi. Toutefois, je tiens à dire que le coût n’était pas en cause ici. On veut simplement s’assurer de bien faire les choses. Nous avons réduit la quantité remboursée de 10 grammes à 3 grammes afin de trouver un juste milieu. Comme je l’ai dit, il s’agit de la quantité que nous remboursons, et non pas de la quantité que nous autorisons. Je peux dire en toute honnêteté qu’on s’est, d’abord et avant tout, soucié de la santé des anciens combattants.

La commémoration de l’armistice de la guerre de Corée

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Merci, monsieur le ministre, et je vous remercie d’être ici aujourd’hui.

Les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes ont joué un rôle essentiel durant la guerre de Corée. Le Canada a déployé le troisième contingent de soldats le plus important parmi les pays alliés qui ont combattu en Corée. Nous savons qu’il existe encore aujourd’hui un lien durable qui unit nos deux pays.

Cette année marque le 65e anniversaire de l’armistice de la guerre de Corée, et l’un de vos prédécesseurs, l’honorable Steven Blaney, avait déclaré que 2013 serait l’Année des vétérans de la guerre de Corée, et de nombreux événements et projets d’envergure avaient eu lieu tout au long de l’année. Cinq ans plus tard, il reste de moins en moins d’anciens combattants de cette guerre, mais je crois qu’il faudrait souligner ce 65e anniversaire comme il se doit.

Monsieur le ministre, j’ai deux brèves questions réunies en une seule. Le 24 juin prochain, nous commémorerons le Jour de la Corée au Monument commémoratif de guerre du Canada. À la suite de la cérémonie, y aura-t-il un défilé militaire, comme en 2013, pour honorer nos héros de la guerre de Corée? Je me demandais s’il y avait un budget réservé à cet effet cette année, étant donné qu’il s’agit du 65e anniversaire de l’armistice.

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : C’est avec plaisir que je vous informe que je prendrai la tête d’une délégation de parlementaires comprenant un membre du Sénat afin de me rendre en Corée un peu plus tard ce mois-ci, avec d’anciens combattants de la guerre de Corée, pour participer à des cérémonies commémoratives.

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l’Association canadienne des vétérans de la Corée. Nous planifions de nombreuses cérémonies et apportons notre soutien à leur organisation ici, au pays. L’une d’elles aura lieu le 27 juillet au Mur du souvenir des anciens combattants de la guerre de Corée à Brampton, et une autre à Ottawa, comme vous l’avez fait remarquer. Nous continuerons de travailler avec ces organisations.

Les normes concernant les chiens d’assistance

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Merci d’être ici, monsieur le ministre. Ma question porte aussi sur le stress post-traumatique, plus spécifiquement sur les chiens d’assistance, leur formation et la norme nationale qui a été étudiée.

On pensait que l’Office des normes générales du Canada élaborerait un code national en matière de normes d’entraînement et de comportement acceptables pour les chiens d’assistance. Cependant, il y a quelques semaines, l’office a annoncé qu’il renonçait à faire ce travail sans donner d’explications. Le gouvernement reconnaît évidemment l’importance des chiens d’assistance pour les anciens combattants souffrant de stress post-traumatique. Il était même prévu dans le récent budget d’étendre la gamme des coûts admissibles au crédit d’impôt pour frais médicaux afin de prendre en compte les coûts associés aux chiens d’assistance.

Néanmoins, comme vous le savez sans doute, pour que le projet sur les chiens d’assistance créé en 2015 devienne un programme permanent, il nous faut une norme nationale acceptable. Des organisations comme la Légion royale canadienne et l’organisme Wounded Warriors Canada s’inquiètent de l’annonce de l’office selon laquelle il n’effectuera pas l’étude en question.

Que fait votre ministère pour assurer l’élaboration d’une norme nationale? Qui en est responsable, comment sera-t-elle mise en œuvre et quel est le calendrier prévu pour ce faire?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens combattants et ministre associé de la Défense nationale : Honorable sénateur, oui, tout à fait, l’Office des normes générales du Canada s’est vu confier la tâche il y a quelque temps, avant ma nomination, d’établir une norme concernant les chiens d’assistance pour les anciens combattants, des chiens d’assistance psychiatrique pour les cas de troubles de stress post-traumatique. La décision rendue à l’époque suggérait que ce serait peut-être l’occasion d’établir une norme générale concernant l’ensemble des chiens d’assistance en général. Après plusieurs années, aucune entente n’était intervenue. Lorsque l’office a finalement présenté sa décision, je l’ai approuvée, parce qu’il y avait un risque important que les normes concernant les anciens combattants eux-mêmes soient affaiblies. En tentant d’en arriver à une entente qui conviendrait à tous et qui comprendrait également les chiens d’assistance en général, j’avais la conviction qu’on finirait par affaiblir la norme dont on avait besoin concernant les troubles de stress post-traumatique et les anciens combattants eux-mêmes. Je ne voulais pas que cela se produise, et c’est pourquoi j’ai soutenu la décision.

Nous allons tenter de trouver rapidement une norme qui cible spécialement les vétérans et les personnes atteintes de troubles de stress post-traumatique, et je souhaite à l’office de réussir à établir une norme concernant les chiens d’assistance en général, mais mon mandat concerne les anciens combattants, et particulièrement ceux atteints de troubles de stress post-traumatique.

Le sénateur Day : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la marche que vous allez suivre? Vous avez dit vouloir aller de l’avant. C’est une question où il faut procéder rondement.

M. O’Regan : Je ne perds pas de temps. Je n’ai pas perdu de temps avant de prendre ma décision lorsqu’on m’a informé qu’il n’était pas possible d’en arriver à une entente. Je ne perdrai pas de temps dans ce cas-ci. Nous travaillons avec les normes internationales, et j’ai eu des discussions avec Medric Cousineau, de Paws Fur Thought, qui mène une véritable croisade pour que des normes soient adoptées dans ce secteur le plus rapidement possible.

L’honorable Ratna Omidvar : Ma question a, en fait, été posée par le sénateur Smith. Elle portait sur l’utilisation du cannabis chez les anciens combattants. Je presse le ministre d’envisager de rétablir le remboursement du cannabis à la moitié des anciens combattants qui ne semblent pas y avoir droit à l’heure actuelle.

Les prestations de pension

L’honorable Pamela Wallin : Merci et bon retour. Je suis heureuse que vous ayez survécu à vos premières expériences en tant que jeune délégué ici, au Sénat.

Monsieur le ministre, j’aimerais vous poser une question à propos des dispositions relatives à la pension à vie. D’après mes courriels et ce qu’on me dit au bureau de l’ombudsman, les gens semblent avoir besoin de précisions. Il y a eu l’ancien système de pensions, il y a eu l’indemnité forfaitaire prévue par la Nouvelle Charte des anciens combattants, et ainsi de suite. La plupart des gens sont d’accord pour dire que la majeure partie des vétérans atteints des invalidités les plus graves recevront de l’aide dans le cadre de différents programmes. Le groupe pour lequel on semble s’interroger est celui des vétérans dont le degré d’invalidité se situe entre 20 et 75 p. 100. Ils sont handicapés. Ils ont besoin d’aide. Les programmes extrêmes et la pension de base ne sont pas suffisants.

(1540)

Avez-vous effectué une analyse pour savoir quels sont les chiffres exactement, de quelle façon ce système se compare aux anciens systèmes et si les anciens combattants, tout particulièrement dans cette catégorie, auront accès ou pas aux mêmes ressources financières?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Tout d’abord, en ce qui concerne le commentaire de l’honorable sénatrice, avec tout le respect que je lui dois, je ne suis pas d’accord. Il ne m’appartient pas de m’immiscer dans le processus de distribution du cannabis. Nous avons décidé de faire passer la quantité à 3 grammes, mais, pour autoriser le remboursement jusqu’à 10 grammes, je crois sincèrement qu’il faut une discussion entre l’ancien combattant et son médecin ou l’ancien combattant, son médecin et son psychiatre.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour veiller à ce que les anciens combattants aient un meilleur accès à des médecins de famille et à des soins psychiatriques. Nous avons investi des fonds à cette fin. Je crois toutefois qu’il est préférable que le gouvernement s’immisce le moins possible dans ce dossier et que c’est une conversation qui doit avoir lieu entre les anciens combattants et leur médecin.

Nous allons continuer de rembourser les frais. Nous estimons toutefois que, entre 3 grammes et 10 grammes, il doit y avoir une étape supplémentaire pour les soins psychiatriques.

Pour ce qui est de la question plus vaste de la sénatrice Wallin au sujet de la pension à vie, j’aimerais d’abord souligner que je serais heureux de faire part aux sénateurs des résultats de l’analyse. Nous avons effectué une analyse exhaustive. Je peux dire catégoriquement que chaque ancien combattant visé par la Nouvelle Charte des anciens combattants s’en tirera mieux grâce à la pension à vie. Nous avons fait en sorte qu’elle soit rétroactive, de sorte que, pour quiconque a reçu un montant forfaitaire à compter de 2006, on considérera que cette personne a reçu une indemnité aujourd’hui. Je ne veux pas m’attarder sur le sujet, mais, essentiellement, la question est de savoir combien un ancien combattant recevrait s’il recevait le montant aujourd’hui. Nous irions soustraire le montant forfaitaire et verserions mensuellement à l’ancien combattant la différence, et ce, pour le reste de sa vie.

L’autre point que je voulais souligner est qu’il ne s’agit pas simplement d’un montant forfaitaire divisé mensuellement et plafonné. Non, ce n’est pas cela, c’est un montant non imposable versé à vie.

Je comprends que certains anciens combattants préféreraient la pension qui était versée aux termes de la Loi sur les pensions de 1919. Je dis cela simplement pour bien faire valoir qu’il s’agit d’une pension découlant d’une loi vieille de 100 ans et qui a maintenant 99 ans. À l’époque, nous ne savions pas ou ne comprenions pas — et c’était vrai même il y a 10 ans — les complications entourant la santé mentale et les soins psychiatriques.

S’il n’y a pas beaucoup de sujets d’entente à l’autre endroit, on s’est quand même entendu sur la Nouvelle Charte des anciens combattants en 2006 et sur le fait qu’il fallait faire plus pour la réadaptation professionnelle. Cette dernière était censée être un document de travail évolutif qui, comme la plupart des sénateurs le savent, devait évoluer et être étoffé, ce qui n’a pas été le cas. Lorsque l’option d’indemnité forfaitaire a été offerte, elle n’a pas eu vraiment la faveur de la majorité des Canadiens, et certainement pas de bien des anciens combattants. Tout le monde vous le dira, à commencer par le sous-ministre, qui était à l’époque chef d’état-major de la Défense et qui s’occupait des blessés de retour d’Afghanistan; les familles le suppliaient de ne pas leur offrir de montant forfaitaire. C’est beaucoup d’argent pour un jeune, considérant que c’est tout ce qu’il recevra. C’est le sentiment qu’on avait. En plus, beaucoup d’anciens combattants — et de Canadiens, d’ailleurs — avaient le sentiment d’avoir été laissés pour compte.

Il fallait revenir à une solution qui offrirait une sécurité financière, et nous pensons que ce montant mensuel la procure. Elle est calculée en fonction des blessures subies, mais lorsque nous avons élaboré la pension à vie, deux choses étaient extrêmement importantes pour moi. Premièrement, la flexibilité, car nous comprenons beaucoup plus aujourd’hui les enjeux entourant la santé mentale. J’ai du mal à l’expliquer lorsque je prends la parole dans les assemblées publiques et à la légion. Quand j’y pense, il serait plus simple de s’en tenir à la Loi sur les pensions et de dire : « Vous entrez dans l’une des trois catégories .»

Lorsque j’en parle avec eux, les vétérans me disent que, d’une certaine façon, ils comprennent que cela peut être avantageux pour eux. Nous avons cependant une responsabilité à leur égard maintenant que nous en savons tellement plus sur le rétablissement, sur les troubles de stress post-traumatique et les blessures psychologiques et sur la façon de les traiter. C’est une question complexe, mais nous avons maintenant la capacité d’offrir au vétéran un ensemble de solutions adaptées à sa situation. Nous savons que, dans le cas des troubles de stress post-traumatique, cinq ou dix ans peuvent être nécessaires. Il faut un système qui offre aux vétérans une sécurité financière leur permettant, une fois qu’ils retournent au travail, de s’arrêter s’ils ne se sentent pas bien. Nous assurerions leur sécurité financière, et le processus de réadaptation au travail pourrait se poursuivre et progresser.

Puis, une fois qu’ils sont rentrés et qu’ils ont été réunis avec leur famille, ce qui, heureusement, arrive la plupart du temps, nous pouvons les aider à réintégrer le marché du travail. Ce genre de flexibilité était donc extrêmement important.

Le deuxième pilier dont j’ai brièvement parlé est le travail, un travail valorisant. Il n’y a rien de mieux pour la réadaptation qu'un travail valorisant. Il faut un système qui récompense et encourage le travail valorisant au lieu de le décourager.

Ce sont les deux piliers sur lesquels repose la pension à vie.

La poursuite d’Equitas

L’honorable David M. Wells : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. Les sénateurs ne le savent peut-être pas, mais le ministre O’Regan est aussi le député de la circonscription où j’habite. Je ne vous ai pas soutenu lors des élections, mais je soutiens tout ce que vous faites pour aider et pour respecter les vétérans.

Cela dit, voici ce que le premier ministre avait promis lors de la campagne électorale de 2015 :

[…] veiller à ce qu’aucun [vétéran] n’ait à se battre avec le gouvernement pour obtenir le soutien et les indemnisations qui lui reviennent.

Monsieur le ministre, vous savez sans doute que le gouvernement a déjà rompu des promesses. Je pense notamment à la livraison à domicile de Postes Canada, au déficit qui ne devait pas dépasser les 10 milliards de dollars et à la réforme électorale. Il semble que cette question en soit un autre cas.

Depuis que le gouvernement est au pouvoir, il a dépensé 38 millions de dollars en poursuites judiciaires contre d’anciens combattants. Au cours de la même période, il a remis 10,5 millions de dollars à un terroriste notoire qui a combattu contre les soldats canadiens, soldats qui, aujourd’hui, sont devenus d’anciens combattants.

Pouvez-vous concilier pour le Sénat la promesse du gouvernement de ne pas lutter contre ceux qui se sont battus pour le Canada et la situation actuelle?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Merci, sénateur. Je serai franc. Je ne peux empêcher les gens d’intenter des poursuites. Je communique avec quelques-uns des anciens combattants participant à l’affaire Equitas. C’est la décision qu’ils ont prise. S’ils choisissent de poursuivre le gouvernement en justice, je dois m’assurer que le gouvernement du Canada est représenté. Pour être bien honnête avec vous, la situation ne me plaît pas. D’ailleurs, j’ai félicité les anciens combattants concernés à l’autre endroit pour le bon travail qu’ils ont fait.

Si vous examinez ce que réclament les hommes et les femmes participant au recours collectif Equitas, vous constaterez que la pension à vie répond en grande partie à ces demandes. Je les en félicite. Non seulement ils ont inspiré l’idée d’une pension à vie, mais ils sont la source d’une bonne partie des détails. Pourtant, la cause judiciaire se poursuit, malgré mes conversations continuelles avec eux. J’aurais vraiment préféré qu’il n’en soit pas ainsi, mais je ne peux pas les empêcher de recourir à la justice et, si tel est leur choix, je dois faire en sorte que les intérêts du gouvernement soient représentés.

Je dirai cependant ceci. Je suis fier du Bureau de services juridiques des pensions au Tribunal des anciens combattants, révision et appel, que nous avons financé à hauteur de 36 millions de dollars au cours des deux dernières années. À ma connaissance, nous sommes le seul pays qui assume les coûts de l’aide juridique que reçoivent les vétérans lorsqu’ils décident de faire appel d’une décision portant sur leur traitement. Nous payons donc pour une aide juridique qui est utilisée contre nous. Cela a coûté 36 millions de dollars au cours des deux dernières années. J’en suis fier, parce que nous sommes le seul pays à le faire.

[Français]

Le Livre du Souvenir

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. Nous nous sommes déjà rencontrés dans le cadre du Sous-comité des anciens combattants.

Le gouvernement du Canada a créé le Livre du Souvenir de la guerre de 1812, qui contient les noms de plus de 1 600 soldats et alliés des Premières Nations qui y ont perdu la vie. Parmi les noms des Canadiens décédés figurent également plus de 150 membres du Royal Newfoundland Regiment, qui sont morts en service. Cela vous intéressera sans aucun doute.

Il semble que le Livre du Souvenir soit complet depuis maintenant sept mois, mais qu’il n’ait pas encore été déposé dans la Chapelle du Souvenir de la tour de la Paix. J’ai posé de nombreuses questions à ce sujet. D’ailleurs, je vous en ai glissé un mot lors de la réunion du Sous-comité des anciens combattants le 21 mars dernier. Voici ce que vous m’avez répondu à cette occasion :

[...] je ne suis pas en mesure de vous répondre sur-le-champ. En revanche, je peux vous promettre que nous vous ferons parvenir une réponse très rapidement.

Plus de six semaines se sont écoulées depuis. Pouvez-vous me dire à quel moment le livre sera finalement placé dans la Chapelle du Souvenir?

[Traduction]

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Je m’excuse, honorable sénateur, de ne pas vous avoir répondu rapidement. Je pourrai vous donner davantage de détails plus tard, mais je tiens à m’excuser pour ce manque de respect.

(1550)

Je connais bien les Livres du Souvenir. En fait, dans le volume consacré à Terre-Neuve, j’ai retrouvé le nom de mon arrière-grand-oncle, le lieutenant Richard Shortall, qui a combattu vaillamment à Gallipoli. Les journaux ont rapporté qu’il y avait sauvé des vies. Lui-même a ensuite perdu la sienne à Beaumont-Hamel.

Je peux vous dire que nous travaillons avec Services publics et Approvisionnement Canada et le bureau du sergent d’armes afin de coordonner l’exposition de cette œuvre dans la Cité parlementaire, mais je vous donnerai une réponse beaucoup plus détaillée dès que j’aurai ces renseignements. Merci.

La commémoration du centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale

L’honorable Serge Joyal : Vous le saurez, monsieur le ministre, il n’y a pas un seul jour où le Sénat siège sans que nous pensions à ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie. Les huit tableaux qui décorent le Sénat nous invitent chaque jour à nous rappeler ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté et le genre de vie que nous avons au Canada, et que nous partageons avec certains autres pays du monde.

Nous commémorerons en novembre le 100e anniversaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Quelle initiative votre ministère envisage-t-il pour faire en sorte que les jeunes Canadiens prennent connaissance du sacrifice de leurs ancêtres, et de quelle façon le Sénat y sera associé afin que nous commémorions, tous ensemble, cet événement en beauté?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Honorables sénateurs, je sais que je me rendrai en France en juillet, et en Belgique en novembre, pour l’armistice. Je peux vous donner plus de détails sur la manière exacte dont se dérouleront ces commémorations.

À propos de la sensibilisation des jeunes, je vous dirai ceci. Dans mes déplacements, je prends la parole dans les écoles. Tout comme moi, vous tous ici présents êtes sans doute étonnés de voir à quel point les jeunes sont aujourd’hui engagés et de façon beaucoup plus humaine que lorsque nous-mêmes étions enfants. La tactique que l’on utilise aujourd’hui pour que les jeunes comprennent vraiment, émotivement, le sens du sacrifice accompli à la guerre est de leur faire connaître un soldat particulier. Pendant l’année scolaire, ils font des recherches sur ce soldat et, au cours des années suivantes, certains ont l’occasion de voyager et de voir sa pierre tombale. C’est un moment très émouvant pour eux car ils en viennent à comprendre le soldat, sa famille, le sacrifice et le fait qu’il s’agissait de gens qui avaient des intérêts, des amours et une vie.

Je repense à mes livres d’histoire. On y racontait les exploits du général Untel et du major Untel. Je ne veux en rien réduire l’importance de leurs contributions, mais l’approche adoptée est complètement différente, et la direction de la commémoration fait un excellent travail sur cet aspect.

Je suppose que les responsables appliqueront la même norme élevée aux deux événements auxquels je participerai et aux autres activités partout au pays. Je me ferai toutefois un plaisir de vous donner de plus amples renseignements.

Le recrutement de candidats autochtones au sein des forces armées

L’honorable Yvonne Boyer : Bienvenue, monsieur le ministre O’Regan. Les forces armées canadiennes ont affirmé publiquement qu’elles cherchent à être le reflet de la société canadienne. Pour créer un portrait fidèle, il faut surveiller et accroître la diversité au sein des forces armées et veiller à inclure la population autochtone.

Historiquement, des Autochtones, y compris mon père, se sont portés volontaires pour combattre au nom du Canada lors des deux guerres mondiales et des conflits modernes comme celui en Afghanistan. Plus précisément, pendant les deux guerres mondiales, beaucoup de soldats autochtones ont reçu de nombreuses mentions pour leur bravoure et leurs actions sur les champs de bataille. Cependant, nous savons tous, par les médias, que certains Autochtones ont vécu des expériences négatives. Ils ont parlé sans détour du racisme et de la discrimination dont ils ont été victimes au sein des forces armées.

J’aimerais savoir si les forces armées canadiennes respectent leurs objectifs conformément à la Loi sur l’équité en matière d’emploi en ce qui concerne le nombre d’Autochtones qui joignent leurs rangs. Si ce n’est pas le cas, quelles mesures sont en place pour atteindre ces objectifs et pour maintenir en poste les membres autochtones? Autrement dit, comment les forces armées peuvent-elles attirer des personnes de la population du Canada dont la croissance est la plus rapide, afin que les Autochtones envisagent une carrière militaire et qu’ils y restent?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Honorable sénatrice, je n’ai pas de réponse toute prête à votre question. Elle relève davantage de la compétence de mon collègue, le ministre de la Défense nationale.

Je ne veux pas parler au nom du chef d’état-major de la Défense nationale. Cependant, lors de mes entretiens avec lui sur la question, il m’a fait comprendre clairement qu’il tenait vraiment à rendre les forces armées canadiennes plus inclusives pour la même raison que vous avez donnée, à savoir que c’est la meilleure façon d’y attirer les Canadiens les plus talentueux.

Le chef d’état-major de la Défense nationale est très sensible à votre cause. Plus encore, il en est le champion.

Les gestionnaires de cas travaillant avec les anciens combattants

L’honorable David Richards : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous. Je sais que vous vous préoccupez probablement comme moi de cette question, mais je voulais signaler qu’il y a maintenant environ un gestionnaire de cas pour 25 anciens combattants ayant besoin de consultations psychologiques. Ces anciens combattants ont des familles et des enfants, et ils sont pris dans l’enfer du stress post-traumatique.

Je demande si leur fardeau peut être réduit un tant soit peu. Est-ce que le ministère des Anciens Combattants peut alléger le fardeau des gestionnaires de cas, qui sont surmenés, et des anciens combattants, qui sont traumatisés?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Honorable sénateur, nous avons embauché 460 nouveaux employés de première ligne depuis deux ans et demi. Nous exploitons maintenant 11 cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel. Nous avons engagé des cliniciens en santé mentale, dont nous avions grandement besoin. Nous travaillons avec le ministère de la Défense nationale à l’élaboration d’une stratégie commune en matière de prévention du suicide. Nous continuons de collaborer avec environ 4 000 professionnels de la santé mentale au Canada. Dans le dernier budget, nous avons prévu, je crois, 47 millions de dollars pour réduire l’arriéré.

Nous assistons au début d’un changement de culture à Anciens Combattants Canada, ce qui est intéressant. Quand je me suis adressé à une assemblée d’intervenants lors d’une visite à Charlottetown, je leur ai dit de donner le bénéfice du doute à la personne au bout du fil. Voici un exemple; s’il vous semble banal, sachez que ce n’est pas mon intention. Si la personne demande une barre de soutien à 26 $ pour le bain, accordez-lui la barre de soutien. Il est arrivé qu’on bloque ce genre de demande par le passé. Il fallait s’adresser au supérieur hiérarchique. Je leur ai dit : « Je vous couvre. Si quelqu’un affirme en avoir besoin, c’est que c’est le cas. »

Dans le cas d’un parachutiste qui a sauté d’un hélicoptère à au moins une centaine de reprises, on peut présumer sans crainte de se tromper que, à la cinquantaine ou à la soixantaine, des problèmes de genou commenceront à se manifester. Lorsque les choses tombent sous le sens, nous tentons de donner le bénéfice du doute.

Les honorables sénateurs ont probablement entendu des réactions démesurées de la part d’anciens combattants. Je suis heureux de pouvoir affirmer que la plupart d’entre eux sont satisfaits. Ils sont contents. La plupart d’entre eux n’ont pas affaire à Anciens Combattants Canada, car le ministère s’occupe de ceux qui sont malades ou qui ont été blessés en service. La plupart touchent leur pension et vont bien.

Parmi ceux qui ont recours à nos services, les blessures les plus courantes sont au genou, au coude, à l’épaule ou aux oreilles. Une faible proportion d’entre eux ne peuvent réintégrer le marché du travail ou la société en raison de blessures psychologiques ou physiques, comme l’a souligné la sénatrice Wallin. Il est vrai que nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie à ces personnes.

Les arriérés constituent un problème de taille. Je suis un homme impatient de nature. Je peux vous dire que, après m’être battu pour financer de nouveaux services et avantages, il m’est difficile d’entendre, lors des assemblées que j’organise, un ancien combattant ou un membre de sa famille me dire que, après 12, 13 ou 14 mois d’attente, ils n’ont toujours pas reçu les services et les avantages qui leur reviennent.

L’argent que nous avons reçu dans le dernier budget sert à répondre à l’accroissement de la demande. Il y a eu un changement de culture. Étant donné que les gestionnaires de cas sont réceptifs et que les vétérans l’ont remarqué, il y a eu une augmentation énorme du nombre de personnes qui appellent pour demander de l’aide, ce qui a entraîné des retards accrus. Les arriérés et les temps d’attente ne font que contribuer à l’anxiété ressentie non seulement par les vétérans, mais également par leur famille, et c’est un problème grave, surtout pour les personnes qui souffrent du trouble de stress post-traumatique ou, bien honnêtement, de tout autre problème de santé mentale.

Il est essentiel de réduire les retards, et nous faisons de notre mieux pour y arriver.

Le monument commémoratif de la Croix de Victoria

L’honorable Norman E. Doyle : Bienvenue, monsieur le ministre. Le gouvernement précédent a annoncé, il y a trois ans cette semaine, que le monument commémoratif de la Croix de Victoria serait érigé ici, dans la capitale nationale.

(1600)

Le monument commémoratif rendrait hommage aux Canadiens dont la bravoure a été récompensée par la plus haute distinction du pays. Parmi les gens qui ont été décorés de la Croix de Victoria, on compte un autre résidant de Terre-Neuve, Tommy Ricketts, comme vous le savez sans doute.

Lorsqu’il a été questionné sur le sujet à l’autre endroit, en mars 2016, votre prédécesseur a dit : « Nous y arriverons. » Cependant, depuis cette déclaration qui date de plus de deux ans, nous n’avons pas eu beaucoup de nouvelles sur l’état de ce projet de monument. D’ailleurs, voici ce que dit une réponse déposée au Sénat le 26 février dernier :

À ce jour, aucune décision n’a été prise portant sur le monument commémoratif de la Croix de Victoria.

Je suis sûr, monsieur le ministre, que vous y arriverez. J’aimerais vous donner l’occasion, aujourd’hui, d’annoncer votre intention de réaliser ce projet.

Monsieur le ministre, votre gouvernement va-t-il réaliser le projet d’érection d’un monument commémoratif national de la Croix de Victoria?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Merci, honorable sénateur. Je dirais que, lorsqu’il est question de monuments commémoratifs, il est essentiel de bien faire les choses. Il est toujours essentiel de faire les choses comme il faut, mais c’est extrêmement important en ce qui concerne les monuments commémoratifs.

Lorsque nous avons été portés au pouvoir, nous avons découvert que le gouvernement précédent avait pris un certain nombre d’engagements qu’il n’avait tout simplement pas pu remplir. À vrai dire, lorsque nous avons consulté des anciens combattants et d’autres intervenants sur des sujets comme le monument commémoratif national de la mission en Afghanistan, qui faisait partie des engagements, les anciens combattants ont dit ne pas avoir été consultés.

Cela leur posait problème. Lorsque nous avons appris qu’ils n’avaient pas été consultés, ils nous ont également dit qu’ils n’étaient pas très heureux de l’emplacement choisi de façon arbitraire par le gouvernement précédent.

Par conséquent, lorsque les membres du Groupe consultatif sur la commémoration, puis un groupe plus vaste d’intervenants, se sont penchés sur la question, ils ont recommandé un nouvel emplacement pour le monument commémoratif de la mission en Afghanistan. Nous allons suivre cette recommandation. Nous allons continuer de travailler avec ce groupe consultatif en ce qui concerne le monument commémoratif de la Croix de Victoria et d’autres monuments commémoratifs.

Le plan d’action de transition des vétérans

L’honorable Paul E. McIntyre : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Nous nous sommes déjà rencontrés auparavant lors d’une séance de comité.

Monsieur le ministre, votre lettre de mandat vous enjoint à travailler avec le ministre de la Défense nationale afin de réduire la complexité des partenariats entre le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens Combattants et de renforcer ces partenariats.

Dans le budget de 2017, le gouvernement avait promis de mettre en œuvre un « plan d’action de convergence » afin d’éliminer les chevauchements et les lacunes actuels, lequel a été amorcé depuis, si j’ai bien compris. Cependant, on ne fait aucunement mention de ce plan d’action dans le budget de 2018.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous en dire davantage sur les initiatives qui sont menées dans le cadre de ce plan d’action et sur l’échéancier prévu pour la mise en œuvre complète de chacune de ces initiatives?

L’honorable Seamus O’Regan, C.P., député, ministre des Anciens Combattants et ministre associé de la Défense nationale : Sénateur, je vous remercie de votre question. Je vais vous raconter quelques histoires.

Tout d’abord, à peu près à ce temps-ci l’an dernier, j’étais à la base des Forces canadiennes Esquimalt pour rendre visite à mon jeune frère, qui est capitaine de corvette dans la Marine canadienne. Il était alors commandant intérimaire de l’École navale des Forces canadiennes à Esquimalt. Normalement, il est responsable de l’école de navigation et il aime partir en canot pneumatique avec les cadets pour observer les épaulards et s’amuser un peu. Il consacrait environ 90 p. 100 de son temps à des tâches administratives et à la gestion des ressources humaines. Il m’avait dit — sans savoir que j’occuperais ce poste un jour — que nous devions faire beaucoup mieux pour préparer les militaires à devenir des anciens combattants.

Nous sommes parmi les meilleurs dans le monde pour ce qui est de la formation de nos soldats. Là où nous avons failli à la tâche, c’est dans la formation de nos anciens combattants.

C’est une transition difficile. Cela faisait non seulement partie de ma lettre de mandat, mais c’est aussi la première responsabilité qu’on m’a confiée lorsqu’on m’a nommé au poste de ministre des Anciens Combattants et de ministre associé de la Défense nationale. Ce n’est pas un hasard si ces deux titres sont associés. Cela signifie qu’il est temps de travailler ensemble. Nous devons le faire.

Vous ne verrez peut-être pas le plan d’action en cause. Je peux vous assurer que le ministre de la Défense nationale et moi y travaillons sans relâche. On en a plein les bras lorsqu’on prend les rênes d’un ministère — imaginez lorsqu’on tente de le fusionner avec un autre. Il s’agit d’une tâche colossale, qu’il faut réussir. Nous tentons de déterminer ce qui faciliterait la transition.

J’ai déjà parlé ici de santé mentale et des déclencheurs de troubles mentaux. Lorsque, pendant 20 ou 25 ans, ou même pendant 5 ans, on évolue dans un milieu structuré, où l’on sait où se trouve notre paie et notre domicile, où l’on est pris en charge en cas de déménagement et où l’on est protégé de certains problèmes de la vie courante, il peut être déroutant de devoir, du jour au lendemain, s’occuper de ces questions. Ce le serait pour n’importe qui.

Nous devons bien faire les choses, mais la tâche est immense et compliquée. Nous pouvons toutefois nous y prendre progressivement, en commençant par prêter l’oreille. J’ai grandi dans la base de la 5e Escadre Goose Bay, au Labrador. Le gymnase était le centre de l’univers. C’était l’endroit qu’on fréquentait avant la mise sur pied du Centre de ressources pour les familles des militaires. On y trouvait des services de garderie et toutes sortes de programmes pour les militaires et leur famille. Les anciens combattants nous ont appris — car nous n’y avions pas pensé — que, lorsqu’ils quittent les forces armées, ils n’ont plus accès au gymnase. C’est fini. Lorsqu’on a fréquenté un endroit pendant 20, 25 ou 30 ans et qu’on vous interdit d’y aller, c’est un choc. C’est une grande partie de votre vie.

Que pourrions-nous faire pour que les gens puissent conserver leur carte plus longtemps? C’est une question que nous examinons.

Je sais qu’il s’agit d’un changement minuscule, qui n’exigera sûrement pas de grandes dépenses, mais c’est le genre de sujet qui vous attire un tonnerre d’applaudissements pendant une assemblée publique, parce qu’il a des répercussions concrètes sur la vie des gens.

J’ai été heureux de voir que le contre-amiral John Newton était là. Il prend sa retraite, malheureusement, mais il a déjà dirigé la flotte atlantique. C’est pour cela que le chef d’état-major de la Défense lui a donné la responsabilité de nous accompagner, moi et mon sous-ministre, Walter Natynczyk, ancien chef d’état-major de la Défense, quand nous avons parcouru le pays. Nous avions pour objectif de faire connaître les nouvelles prestations, les nouveaux services et la pension à vie, mais nous savions qu’il y aurait également des conversations au sujet de la conversion et de la transition entre la vie militaire active et la vie d’ancien combattant.

Il ne s’est pas contenté de prendre des notes : il communique aussi au chef d’état-major de la Défense des points que nous pourrions améliorer pour faciliter la transition, car nous devons vraiment faire mieux.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps prévu pour la période des questions est écoulé. Je suis convaincu que les honorables sénateurs se joignent à moi pour remercier le ministre O’Regan de sa présence parmi nous aujourd’hui. Merci, monsieur le ministre.

Des voix : Bravo!


[Français]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur la modernisation des transports

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Bellemare,

Que le Sénat agrée l’amendement 4 de la Chambre des communes ainsi que les amendements 1, 2 et 3 que la Chambre des communes a apportés à ses amendements 6, 7b) et 9 au projet de loi C-49, Loi apportant des modifications à la Loi sur les transports au Canada et à d’autres lois concernant les transports ainsi que des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois;

Que le Sénat n’insiste pas sur ses amendements 1a)(i), 1a)(ii), 1b), 3, 4, 5a)(i), 5a)(ii), 5a)(iii), 5b), 7c), 8 et 10a), auxquels les Communes n’ont pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable René Cormier : Honorables collègues, c’est à mon tour de commenter le message que nous avons reçu de l’autre endroit concernant le projet de loi C-49. D’entrée de jeu, je tiens à reconnaître les efforts du gouvernement en vue d'améliorer le projet de loi C-49 en acceptant certains des amendements proposés par la Chambre haute, mais, comme l’a si justement mis en relief la sénatrice Gagné dans sa récente allocution, et je cite :

[Le gouvernement] a rejeté tous les amendements qui touchaient de près ou de loin à la protection des droits constitutionnels des minorités ou des groupes plus vulnérables de la population.

Voilà pourquoi, bien que je sois sensible aux enjeux qui touchent les producteurs agricoles et à l’urgence de leur situation, et que j’applaudisse les amendements proposés en ce sens par certains de nos collègues, y compris l’amendement proposé par la sénatrice Griffin —

[Traduction]

Il s’agit d’étendre l’interconnexion de longue distance aux provinces maritimes.

[Français]

—je soutiens qu’il ne faut pas pour autant ausculter ou minimiser des éléments du projet de loi qui sont tout aussi légitimes, à savoir la garantie d’accès à des services bilingues pour les passagers de vols à l’intérieur du Canada; la défense des droits à la vie privée des conducteurs de locomotive; et, enfin, le maintien de l’indépendance de l’Office des transports du Canada.

L’amendement que j’ai présenté au comité visait à demander à l’Office des transports du Canada de régir, par moyen de règlements et après avoir consulté le ministre, les transporteurs aériens afin que ceux-ci fournissent des services dans les deux langues officielles. Il s’agissait d’une occasion unique pour le ministère d’aller de l’avant avec l’une des recommandations du rapport Emerson et d’agir concrètement en faveur de la sécurité et de l’avancement des droits linguistiques de l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens qui voyagent au Canada.

Vous comprendrez donc, honorables sénateurs, mon étonnement et ma déception lorsque le ministre a encore une fois mentionné à l’autre endroit que cet amendement relevait de la Loi sur les langues officielles et d’un ministère autre que le sien.

(1610)

[Traduction]

Pourtant, nous avons prouvé à maintes reprises les raisons pour lesquelles la Loi sur les langues officielles ne peut pas être appliquée au cadre réglementaire de la prestation des services, dans les deux langues officielles, dans les secteurs règlementés par le fédéral, comme les aéroports, les aérodromes et les compagnies aériennes.

Qui plus est, le Bureau du légiste et conseiller parlementaire du Sénat a confirmé que les dispositions qui traitent des obligations linguistiques ne doivent pas nécessairement découler de la Loi sur les langues officielles.

En fait, il y a de nombreux exemples de cadres législatifs et réglementaires qui relèvent de la compétence de Transports Canada et qui établissent des obligations linguistiques non assujetties à la Loi sur les langues officielles. En voici quelques-uns : l’article 304 du Règlement sur les petits bâtiments, l’article 39 de la Loi sur la sécurité ferroviaire et la section VIII de l’article 602 du Règlement de l’aviation canadien.

[Français]

C’est sur cette base, honorables sénateurs, que notre amendement a été proposé dans le cadre de la révision de la Loi sur la modernisation des transports au Canada. Cet amendement précise que c’est à l’Office des transports du Canada de déterminer le niveau de contrainte des obligations pour les transporteurs.

Dans ce contexte, nous comprenons tout à fait que la mise en application de cet amendement doit tenir compte de la réalité des petites compagnies aériennes qui ont moins de ressources ou qui desservent des régions très isolées. Voilà pourquoi l’amendement proposé offre toute la latitude possible au gouvernement en cette matière. À la lumière de ces renseignements, honorables collègues, pourquoi le ministre persiste-t-il à nous dire que cet amendement n’est pas recevable et comment devons-nous interpréter sa position? Est-ce que cela révèle un manque d’engagement envers la protection des droits linguistiques des Canadiens? Faut-il plutôt interpréter cela comme une mécompréhension générale du contenu et de la portée même de la Loi sur les langues officielles?

Si tel est le cas, il est grand temps, honorables sénateurs, que tous les ministres membres du gouvernement comprennent qu’ils et elles ont le pouvoir d’agir en faveur du respect des deux langues officielles sans avoir à transférer constamment leurs responsabilités linguistiques à leur collègue du ministère du Patrimoine canadien.

Je rappelle donc au ministre Garneau et à tous ses collègues que les droits linguistiques ne sont pas seulement l’affaire du ministère du Patrimoine canadien et ne visent pas seulement les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Traduction]

Au Canada, les langues officielles importent pour tous les citoyens, puisqu’elles constituent une partie inaliénable du contrat social qui sous-tend la Confédération canadienne. Le droit d’une personne d’être servie dans la langue officielle de son choix à bord d’un vol intérieur, par une compagnie aérienne œuvrant au sein d’une industrie réglementée par le fédéral, devrait être aussi normal que le droit d’apporter sans problème son instrument de musique à bord d’un aéronef ou le droit de ne pas attendre indéfiniment à bord d’un aéronef contraint de rester sur la piste.

[Français]

Voilà pourquoi, bien que je ne compte pas m’opposer à l’adoption de ce projet de loi par solidarité pour nos collègues de l’Ouest, notamment, j’invite le ministre à faire preuve de leadership dès la sanction royale de cette loi, et d’entreprendre, comme il est précisé dans le message qui nous est revenu de l’autre endroit, et je cite :

[…]d’autres études et consultations auprès de parties concernées, y compris les organismes fédéraux responsables des langues officielles, le commissaire aux langues officielles et les intervenants de l’industrie [...] afin de mieux comprendre les incidences sur les plans économique et concurrentiel pour le secteur aérien canadien;

Et ce, afin que nous puissions traiter de cette question des droits linguistiques le plus rapidement possible.

Honorables collègues, il en va des droits linguistiques fondamentaux des Canadiens et des Canadiennes, et il est grand temps que l’ensemble des membres de ce gouvernement passe à l’action en cette matière.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je partage vos inquiétudes et votre enthousiasme pour la mise en application de la Loi sur les langues officielles.

En tant que membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles, comptez-vous donner suite à votre déclaration sur la question des langues officielles en ce qui a trait au secteur des transports?

Le sénateur Cormier : L’étude que nous menons à l’heure actuelle au sein du Comité sénatorial permanent des langues officielles porte sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles. Le cas dont on traite aujourd’hui ne relève pas strictement de cette loi, mais il est évident qu’une réflexion s’impose sur les entreprises privées qui sont liées par une réglementation fédérale. Il faudra donc voir dans quel contexte on pourra le faire, mais c’est un enjeu crucial pour la mise en application et le respect des droits linguistiques au Canada.

[Traduction]

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’aimerais pouvoir dire que c’est un plaisir de prendre de nouveau la parole au sujet du projet de loi C-49, mais ce n’est vraiment pas le cas.

J’avais l’impression que nous avions effectué un examen exhaustif de cette mesure législative, entendu tous les intéressés et apporté des rectifications que je qualifierais de modérées et raisonnables à un projet de loi omnibus très complexe et de vaste portée.

J’aimerais aussi pouvoir dire que la réponse du gouvernement, tout comme son rejet catégorique, sans grande justification, de la majeure partie du bon travail que nous avons fait m’étonne, mais je ne suis pas particulièrement surpris.

Ces amendements étaient fondés sur les consultations et les témoignages de dizaines de témoins et d’intéressés. Nous avons renvoyé 18 amendements à l’autre endroit — des amendements proposés par des personnes de toutes les allégeances politiques ici — pour améliorer le projet de loi et équilibrer davantage les mesures pour tous les intéressés. On dirait bien que cela a peu d’importance pour le gouvernement. Il semble qu’il était peu disposé à faire des compromis.

On pourrait penser que 18 amendements, c’est beaucoup pour un seul projet de loi, mais nous parlons d’un projet de loi omnibus qui propose des modifications importantes touchant les compagnies aériennes, les voyages aériens, le transport océanique, la sécurité ferroviaire et le transport ferroviaire. Nous avons été chargés d’examiner un document législatif qui touche 13 lois et qui contient 98 articles. Un grand nombre des amendements proposés étaient interreliés et, pour une mesure législative aussi vaste et complexe, je pense que les amendements que nous avons proposés étaient très raisonnables.

Le Comité sénatorial des transports et des communications, présidé par le sénateur Tkachuk, a effectué un examen approfondi de ce projet de loi et a entendu de nombreuses personnes de tous les secteurs. Les témoins ont signalé un grand nombre de problèmes et de lacunes.

Cela étant dit, malheureusement, les besoins urgents des producteurs de grain de notre pays tardent à être comblés en raison de la mauvaise gestion de ce projet de loi par le gouvernement.

Tout ce que le gouvernement avait à faire, c’était de prolonger la Loi sur le transport ferroviaire équitable pour les producteurs de grains qu’avait adoptée le gouvernement conservateur précédent. Le présent gouvernement l’avait déjà prolongé pendant un an et les agriculteurs demandaient qu’elle le soit une année de plus. Le ministre et le gouvernement ont refusé. Maintenant, nous sommes contraints d’adopter un projet de loi très complexe et d’accepter le rejet de la majeure partie de notre travail en prenant pour motif les préoccupations légitimes des agriculteurs comme levier.

Honorables sénateurs, tout cela était inutile et aurait pu être évité. Le gouvernement a eu l’occasion de scinder le projet de loi et de faciliter l’adoption de ses aspects urgents, mais les députés ont voté à l’unanimité contre cette proposition. Nous voici pourtant un an après que le projet de loi a été présenté pour la première fois, et les producteurs de grain attendent toujours patiemment l’adoption de ce projet de loi.

Je ne parlerai pas de chacun des amendements que le gouvernement a rejetés. Personnellement, je pense qu’ils étaient tous valables et représentaient un compromis raisonnable en réponse aux préoccupations exprimées devant le comité. Je sais que d’autres sénateurs ont parlé ou parleront d’autres aspects de la réponse du gouvernement. Cependant, je souhaite parler brièvement de trois des amendements qui ont été rejetés.

Premièrement, comme vous le savez, le gouvernement a rejeté l’amendement proposé par la sénatrice Griffin, portant sur l’exception concernant l’interconnexion de longue distance pour les Maritimes.

Dans la version initiale du projet de loi, l’interconnexion de longue distance n’était pas une possibilité pour les expéditeurs de l’Ouest canadien désireux d’acheminer des marchandises vers les ports des Maritimes, car le lieu de correspondance le plus proche de Saint John ou d’Halifax est à Montréal, en plein cœur de la zone d’exclusion de l’interconnexion de longue distance entre Québec et Windsor. Comme me l’a dit un représentant de Canpotex, sans un accès à des services ferroviaires concurrentiels et compte tenu des disparités évidentes entre les régions, les ports des Maritimes sont bien moins attrayants.

La solution proposée par l’amendement de la sénatrice Griffin aurait exempté les cargaisons à destination du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse de la zone d’exclusion du corridor Québec-Windsor, à l’instar de ce que le projet de loi prévoit déjà pour les cargaisons provenant du Nord du Québec. Or, les Maritimes ne bénéficieront pas des exceptions prévues pour le Nord du Québec.

(1620)

Je crois que cet amendement aurait eu un effet positif, car il aurait rendu les ports des Maritimes plus attrayants pour les expéditeurs en faisant jouer la concurrence.

Je répète ce que j’ai dit lors de l’étape de la troisième lecture : lorsqu’il s’agit de services fiables de transport ferroviaire des marchandises et des passagers, aucune province n’a été aussi marginalisée et mise de côté que la Nouvelle-Écosse. Entre le milieu des années 1980 et le début des années 1990, VIA Rail et le CN, une société d’État et une ancienne société d’État dont les sièges sont situés à Montréal, ont toutes deux abandonné les services ferroviaires à l’est de Truro, ce qui représente les trois quarts des chemins de fer de la province desservant les deux tiers de la province.

Le fait que cet amendement soit nécessaire et que le gouvernement ait refusé de l’adopter sans donner d’explication ni de justification ne fait que mettre en lumière la façon dont les provinces maritimes sont marginalisées depuis des dizaines d’années lorsqu’il est question des politiques et des services de transport ferroviaire.

Le ministre Garneau, un homme que je respecte profondément, n’a pas vraiment justifié la réponse du gouvernement à l’amendement de la sénatrice Griffin, se contentant de dire ceci :

Bien que nous comprenions les préoccupations des expéditeurs captifs, nous devons aussi assurer la viabilité du réseau ferroviaire dans l’Est et la fluidité dans la région de Montréal.

Je suppose que les Maritimes n’ont tout simplement pas de chance.

Selon moi, le rejet de cet amendement est une décision cruelle prise par un gouvernement qui estime pouvoir ignorer les Maritimes au gré de ses besoins. Apparemment, le CN rédige la politique du gouvernement dans ce cas particulier.

Le gouvernement a peut-être remporté tous les sièges en 2015, mais je peux vous dire que les habitants des Maritimes remarquent son inaction au chapitre de la promotion et de la protection des intérêts des résidents et des entrepreneurs de la côte Est du Canada. À mon avis, le réveil sera brutal pour les libéraux en 2019.

Deuxièmement, je voudrais faire une observation au sujet de l’amendement proposé par la sénatrice Gagné en ce qui concerne les enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives.

Comme vous le savez, l’installation obligatoire d’enregistreurs audio-vidéo dans les cabines des locomotives était l’une de mes principales préoccupations lorsque nous avons étudié le projet de loi. Je crois que les amendements présentés par la sénatrice Gagné lors de l’étude en comité ont permis de dissiper une grave préoccupation, puisqu’ils éliminent l’accès aléatoire de la compagnie aux renseignements. Une compagnie ne peut accéder à ces renseignements que s’il y a un incident. Il s’agit d’un compromis très raisonnable et qui vise à établir un équilibre entre la sécurité ferroviaire et le respect de la vie privée des employés des sociétés ferroviaires.

Les syndicats représentant les travailleurs des chemins de fer ont dit très clairement que, selon eux, l’utilisation d’enregistreurs audio-vidéo dans un espace de travail confiné constitue une atteinte déraisonnable aux droits à la vie privée des employés au travail et qu’ils ont des préoccupations légitimes en ce qui concerne l’accès aléatoire aux renseignements, puisque les sociétés ferroviaires pourraient se servir de ces données pour prendre des mesures punitives contre des employés.

Je trouve inquiétant que les travailleurs des chemins de fer soient visés par une norme différente de celle des autres industries de transport. Je suis d’avis que l’on devrait imposer aux travailleurs des chemins de fer la même norme que celle qui s’applique aux travailleurs des industries aérienne et maritime. On ne retrouve pas de caméra vidéo dans le poste de pilotage d’un avion ni dans la timonerie d’un navire.

Comme toutes les personnes raisonnables, je ne veux pas que la sécurité soit compromise de quelque façon que ce soit, mais des boîtes noires, comme celles que l’on retrouve dans le poste de pilotage d’un avion, sont déjà installées dans les locomotives. Personne ne s’oppose à l’utilisation d’enregistreurs audio dans les locomotives.

Je n’ai pas entendu d’argument convaincant selon lequel cette atteinte à la vie privée est justifiée pour des raisons de sécurité. Les statistiques à elles seules ne la justifient pas. J’ai examiné les statistiques du Bureau de la sécurité des transports sur les accidents et les incidents ferroviaires des 10 dernières années. Lorsqu’il y a des incidents, ce sont généralement des accidents aux passages à niveau ou des accidents lorsqu’une personne fait intrusion sur une voie ferrée. Les accidents aux passages à niveau ont généralement lieu lorsqu’un véhicule entre en collision avec un train à un passage à niveau. Il y a une chose que nous savons, et c’est que le train a toujours la priorité et ne se trouve jamais au mauvais endroit au mauvais moment.

Les infrastructures désuètes et dépassées ainsi que l’action d’agents extérieurs au train sont, habituellement, des circonstances atténuantes. Les intrusions arrivent lorsque des gens sont au mauvais endroit au mauvais moment. Il s’agit, encore une fois, de circonstances atténuantes qui se produisent à l’extérieur de la cabine de la locomotive.

Si la sécurité était vraiment primordiale pour le gouvernement, il chercherait à instaurer un système de commande intégrale, un système informatisé infaillible, dans tous les trains qui circulent au Canada, comme c’est présentement le cas aux États-Unis.

Honorables sénateurs, il y a une nette distinction entre un lieu de travail et un espace public. Les caméras installées dans les espaces publics ont pour but de protéger l’ensemble de la population. Elles ne servent pas à surveiller seulement un petit nombre de personnes. Si les boîtes noires et les enregistrements audio suffisent à surveiller ce qui se passe dans les cabines de pilotage et les timoneries, ils devraient sans doute suffire aussi dans la cabine des locomotives. La sécurité est, évidemment, d’une importance capitale dans le secteur du transport aérien. Pourquoi y a-t-il donc deux poids, deux mesures pour ce qui est du secteur ferroviaire?

Honorables sénateurs, personne n’est plus directement touché par la sécurité routière que les travailleurs. Or, comme eux, je pense que la surveillance vidéo n’est pas acceptable sur les lieux de travail.

Au moins, l’amendement de la sénatrice Gagné ne permettait l’accès aux données qu’en cas de pépin. Il s’agissait d’un compromis juste et modéré qui protégeait la vie privée des travailleurs ferroviaires tout en permettant au Bureau de la sécurité des transports et aux sociétés ferroviaires d’avoir accès à une quantité suffisante de données en cas d’accident.

Troisièmement, l’attitude du gouvernement à l’égard des droits des passagers aériens est décevante. Non seulement il se décharge de sa responsabilité en confiant à l’Office des transports du Canada le soin d’élaborer une déclaration des droits des passagers aériens, mais il a fait passer le temps d’attente acceptable de 90 minutes à 3 heures. On croirait que c’est Air Canada qui rédige les règlements. Voilà qui n’inspire pas confiance.

Chers collègues, étant donné sa mauvaise gestion du projet de loi et sa réaction démesurée à des amendements raisonnables, je crois qu’il est clair que le gouvernement a perdu tout sens critique. Je peux me consoler à l’idée que le gouvernement devra assumer la responsabilité pour la mauvaise gestion du projet de loi. Lorsque nous avons initialement été saisis du projet de loi, celui-ci avait été rédigé à la hâte et comportait des lacunes. Bien que la version du projet de loi qui a été adoptée au Sénat soit loin d’être parfaite, elle représentait une grande amélioration par rapport à la version initiale. Pourtant, nous revoilà ici aujourd’hui.

Chers collègues, ce sont les électeurs qui auront le dernier mot sur notre travail et je pense que les Canadiens commencent à le remarquer.

Ce retard indu a causé un problème inexcusable pour les céréaliculteurs de l’Ouest, tout comme le mépris manifesté à l’égard des préoccupations légitimes soulevées par des intervenants de toutes les industries du transport touchées par le projet de loi.

Je crois que nous avons fait notre travail en tant que sénateurs. Nous avons essayé de corriger les lacunes que nous avons trouvées. Le gouvernement a rejeté la majorité de notre excellent travail et je crois qu’il devra rendre des comptes à cet égard.

Je ne veux pas voter contre un projet de loi d’initiative ministérielle. Cependant, en tant que Néo-Écossais, je trouve tout simplement inacceptable le refus du gouvernement de fournir des dispositions appropriées relatives à l’interconnexion à Montréal afin que les ports maritimes et les services ferroviaires puissent livrer une juste concurrence.

Le gouvernement et le CN travaillent main dans la main au bénéfice du CN, une société très rentable, au détriment des Maritimes. C’est inacceptable et anticanadien. Je ne peux pas appuyer le projet de loi et je ne le ferai pas.

L’honorable Frances Lankin : Chers collègues, je pense que tous les sénateurs qui ont pris la parole jusqu’à maintenant, à l’exception du sénateur MacDonald, ont indiqué que, au bout du compte, bien qu’ils ont du mal à appuyer l’ensemble du projet de loi, ils voteront en faveur de celui-ci. Cela me laisse très mal à l’aise, mais je me retrouve dans la même situation. Je vais réfléchir à l’approche du sénateur MacDonald.

En gros, je pense que nous avons présenté des recommandations judicieuses. Nous avons fait du bon travail, et le gouvernement assumera la responsabilité des conseils qu’il a acceptés. Je reconnais que, en l’occurrence, le gouvernement a bel et bien accepté un certain nombre d’amendements. Il devra aussi assumer la responsabilité de sa décision de rejeter des recommandations.

Je suis aussi préoccupée par l’installation d’enregistreurs audio-vidéo dans la cabine de pilotage des locomotives. Je suis persuadée qu’il s’agit d’une grave violation des droits des travailleurs. Depuis plusieurs décennies, le droit des travailleurs à la vie privée s’érode lentement, mais sûrement. Il s’agit ici d’un des exemples les plus frappants de cette situation — et on vient d’atteindre un nouveau palier.

Comme le sénateur MacDonald, je respecte aussi le ministre dans ce dossier. Toutefois, je tiens à dire que les commentaires qu’il a formulés au départ sur la façon dont le Sénat devrait traiter le projet de loi m’ont grandement troublée. Au tout début, il a dit qu’il souhaitait que le projet de loi soit adopté avant Noël et qu’il n’accepterait aucun amendement. Je suis heureuse que le gouvernement et le Cabinet en soient arrivés à une conclusion différente après avoir pris connaissance du travail effectué par le Sénat. Je suis également heureuse des commentaires que le ministre a formulés lorsqu’il a fait lecture de la réponse du gouvernement à ce message de la Chambre des communes.

(1630)

Pour ce qui est de la façon dont le ministre a justifié cette disposition, je dois dire qu’elle est totalement inadéquate. Je ne trouve nulle part d’exemple d’argument valable qu’il ait avancé pour démontrer en quoi l’installation d’enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives va améliorer la sécurité de qui que ce soit : les travailleurs, les passagers, les gens qui se trouvent aux passages à niveau, qui que ce soit.

Je regarde ses commentaires dans le document et il dit que si nous adoptions l’amendement de la sénatrice Gagné et que le gouvernement l’acceptait, cela ne donnerait pas suffisamment de latitude à l’industrie ferroviaire pour régler les problèmes de sécurité.

Encore une fois, il n’y a aucune donnée pour étayer cet argument. D’ailleurs, à mon avis, un des exemples les plus scandaleux de déclaration non fondée sur des faits est la déclaration que le ministre a faite le jour de l’accident du train de passagers Amtrak aux États-Unis — naturellement, j’imagine que les médias le talonnaient — quand il a dit que c’était exactement pourquoi on allait faire installer des enregistreurs audio-vidéo dans les trains, pour éviter ce genre de situation.

Peut-on bien me dire comment un tel enregistreur dans la locomotive aurait pu empêcher le train de rouler à 80 kilomètres à l’heure au-dessus de la limite permise? Savez-vous ce qui peut empêcher une telle chose? La surveillance par satellite qui relie le train à la centrale et qui permet à quelqu’un de communiquer par radio avec le mécanicien du train pour lui demander : « Que diable se passe-t-il donc? » Ce pourrait être aussi le système de commande intégrale des trains, qui, en fait, n’a pas fonctionné dans ce cas-là. Le système était là, mais il n’a pas fonctionné.

Sénateur MacDonald, il semble que — et je pense que vous avez confirmé ceci — jusqu’à 80 p. 100 environ de tous les incidents touchant la sécurité ont une source externe. Ils sont liés à la mécanique, aux passages à niveau et aux intrusions sur les voies ferrées. Ils n’ont rien à voir avec le mécanicien.

L’autre exemple qu’a donné le ministre qui, selon moi, ne repose sur aucune preuve, concerne la tragédie de Lac-Mégantic. L’équipage n’était pas à bord de la cabine de locomotive au moment où cet horrible accident est survenu.

Comme vous l’avez dit, nous appuyons tous la mise en place de mesures de sécurité. Or, rien n’indique que les appareils en question permettront de renforcer la sécurité. Il y a déjà une caméra tournée vers l’extérieur, installée sur le devant du train, qui filme ce qui se passe sur la voie ferrée, étant donné que la majorité des accidents se produisent aux passages à niveau et qu’ils impliquent d’autres véhicules ou des gens sur la voie.

Il y a déjà une boîte noire qui enregistre les actions sur les freins et l’accélérateur ainsi que toutes les interactions.

Il y a un contact radio qui est établi entre le mécanicien de train et le responsable des opérations centrales. Ils peuvent donc discuter des problèmes qui surviennent ou des données qui sont erronées, afin d’intervenir en conséquence. Rien de tout cela ne sera amélioré par un appareil d’enregistrement audio-vidéo. Tout ce que cela fera, à mon sens, c’est violer indûment la vie privée des travailleurs.

Par ailleurs, les enregistreurs ne sont pas utilisés dans l’industrie du transport aérien, en dépit du fait que les accidents d’avion sont ceux qui retiennent le plus l’attention — bien qu’ils ne soient pas les plus courants —; pourtant, on n’a jamais jugé bon d’installer des enregistreurs audio-vidéo à bord des cabines de pilotage.

Cependant, dans l’article sur Amtrak, le ministre a indiqué clairement qu’il était ouvert à l’idée.

On y va étape par étape. Le ministre nous assure, après avoir subi des pressions, que les enregistrements ne seront pas prélevés de façon aléatoire à des fins disciplinaires, à moins qu’on prenne connaissance d’un grave incident.

Le commissaire à la protection de la vie privée a soulevé des préoccupations à cet égard. Le Bureau de la sécurité des transports n’appuie pas l’interprétation du ministre de ce qui a été dit. Lorsqu’il affirme qu’on est parvenu à une certaine entente concernant la nécessité de recourir aux enregistrements pour des raisons de sécurité, ce n’est pas l’avis des syndicats. Les syndicats n’ont d’ailleurs pas été consultés et ils ne sont pas d’accord. Ce sont eux qui sont sur les lieux de travail.

Je dois vous dire que, pendant de nombreuses années, j’ai travaillé sur des dossiers en matière de protection de la vie privée où l’employeur enregistrait ce que les employés tapaient sur leur clavier, écoutait leurs conversations téléphoniques ou utilisait d’autres techniques pour surveiller ses employés au travail, et de très nombreux jugements ont été rendus pour empêcher ces comportements et exiger des employeurs qu’ils fassent la distinction entre ce qui est nécessaire pour la sécurité et la surveillance constante des employés qui représente une intrusion dans leur vie privée.

Je ne vais pas en parler en détail, car l’amendement n’a pas été accepté à l’autre endroit. La version sur laquelle nous nous penchons ne comprend pas cet amendement. Je crois qu’il s’agit d’un problème grave. J’espère que d’autres parmi nous se pencheront de nouveau sur cette question, parce qu’elle n’est pas réglée. On pourrait attendre de voir comment cela se déroulera avant de passer aux compagnies aériennes et à certains secteurs de l’industrie maritime pour les navires hauturiers, notamment.

Je félicite le gouvernement de s’être finalement éloigné de la position ministérielle préconisée et d’avoir favorisé le travail qui a été accompli entre le Sénat et l’autre endroit — grâce aux efforts du représentant du gouvernement, j’en suis sûre —; ils ont pris au sérieux le travail qui a été accompli.

Je ne dirais pas qu’ils ont pris au sérieux les préoccupations concernant les enregistreurs audio-vidéo dans les locomotives. Nous allons vérifier si, comme l’assure le ministre, ces enregistreurs ne seront pas utilisés à des fins disciplinaires à l'avenir. Nous allons connaître la façon dont cette mesure est mise en œuvre et, j’en suis sûre, nous allons en reparler ici.

Merci beaucoup.

L’honorable Lynn Beyak : Puis-je avoir le consentement du Sénat pour poser une question au sénateur MacDonald? Je me suis levée, mais je crois que je ne l’ai pas fait assez rapidement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup. Sénateur MacDonald, vous, le sénateur Plett et le sénateur Mercer avez évidemment fait beaucoup de recherches sur ce sujet. Vous y avez beaucoup travaillé. Je crois comprendre qu’il existe certaines solutions rapides dont dispose le gouvernement, des solutions qu’il pourrait adopter avant la fin de la session pour se donner le temps d’élaborer quelques petits projets de loi acceptables pour traiter chaque secteur de façon indépendante.

Êtes-vous au courant de ces solutions? Je veux, moi aussi, voter contre le projet de loi.

Le sénateur MacDonald : Je préférerais que vous indiquiez au Sénat les solutions auxquelles vous pensez, car de nombreuses options ont été proposées. Si vous pouviez m’en faire part, je pourrais répondre à votre question.

La sénatrice Beyak : Je ne veux pas nuire à nos producteurs de céréales, mais je crois qu’il faut voir clair dans le jeu du gouvernement.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Si vous avez une question, c’est très bien. Sinon, sénatrice Beyak, vous voudrez peut-être prendre part au débat.

La sénatrice Beyak : À votre avis, quels seraient les deux meilleurs moyens de corriger les lacunes du projet de loi avant la fin de la session, pour que le gouvernement puisse élaborer un projet de loi bien conçu?

Le sénateur MacDonald : J’imagine que cela dépend de ce qui constitue, selon vous, les pires lacunes à corriger. J’aimerais vraiment qu’on supprime la disposition sur les enregistreurs, car je pense qu’elle constitue une atteinte énorme et inutile à la vie privée. J’insiste fortement là-dessus.

De plus, j’aimerais que les provinces et les ports des Maritimes reçoivent le même traitement que les autres ports dans le reste du Canada. L’idée de protéger le corridor — la région d’interconnexion de Montréal — est bien et je le comprends, mais si l’on fait une exception pour les chemins de fer dans le Nord du Québec, on peut sûrement faire une exception pour ceux des provinces maritimes.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole pour participer au débat sur le message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-49.

Je suis d’accord avec ma collègue, la sénatrice Lankin, pour dire que la lutte n’est pas terminée et je sais que nous prêterons tous notre concours pour porter, autant que possible, les principaux problèmes à l’attention du gouvernement.

Honorables sénateurs, en tant que Chambre de second examen objectif, nous avons le devoir de nous assurer que tout projet de loi adopté protège, appuie et avantage les Canadiens. Voilà pourquoi le présent projet de loi a fait l’objet de robustes débats au Sénat ainsi que d’une étude minutieuse au Comité des transports et des communications.

Le comité a consacré 12 séances au projet de loi C-49, a entendu de nombreux témoins et reçu plus de 47 mémoires de parties intéressées. Les 18 amendements recommandés par le comité et adoptés par le Sénat avec l’appui de sénateurs de toutes les affiliations ont été renvoyés à la Chambre des communes. Le but était d’en faire une bonne politique qui appuie les industries, les parties intéressées et les Canadiens directement touchés par le projet de loi, et non de faire de la petite politique.

Par conséquent, à la suite du travail considérable accompli et du processus rigoureux suivi par le Sénat afin d’amender un projet de loi imparfait et d’en renvoyer une version améliorée à la Chambre, il est profondément décevant de voir que le gouvernement libéral et les députés ont rejeté les deux tiers des amendements adoptés par le Sénat. Le message de la Chambre des communes demandant l’approbation du Sénat nous place dans une position particulière et malheureuse. Devons-nous adopter ce projet de loi incomplet tel quel en raison de la pression politique exercée par l’autre endroit, ou devons-nous continuer de défendre les intérêts des Canadiens en insistant sur l’adoption de certains amendements dans un nouveau message à la Chambre des communes? Certains collègues ont parlé du caractère d’urgence de certains éléments du projet de loi, dont nous sommes conscients et que je reconnais. Voilà donc le dilemme devant lequel nous sommes en ce moment.

(1640)

Je souhaite mettre l’accent sur quelques amendements qui, à mon avis, sont très importants et qui n’ont pas encore été expliqués en profondeur ou soulevés par mes collègues. L’un des amendements que nous avons adoptés et qui ont été rejetés par le gouvernement visait à limiter la période pendant laquelle les passagers peuvent être obligés d’attendre sur l’aire de trafic avant de descendre de l’appareil. Dans le projet de loi original, une personne pouvait devoir attendre durant trois heures sur l’aire de trafic. Je suis persuadée qu’il est non seulement déraisonnable, mais également profondément dangereux de faire attendre des passagers dans un avion pendant trois heures. Puisque je suis atteinte de diabète de type 2, je sais que, dans mon cas, attendre trois heures pourrait entraîner une hypoglycémie non traitable qui pourrait avoir des conséquences physiques, notamment une paralysie et une perte de conscience. Les passagers atteints d’autres maladies ou de problèmes médicaux seront mis en danger. Je crois qu’il m’incombe d’exprimer clairement mes craintes entourant cet article précis du projet de loi dans sa forme actuelle. La règle des 90 minutes est une norme au sein de l’industrie aérienne au Canada, et notre amendement l’aurait inscrite dans la loi.

Un autre amendement raisonnable adopté au Sénat, mais rejeté par la Chambre des communes, aurait modifié le projet de loi C-49 afin de permettre aux protecteurs des consommateurs, comme l’association Air Passenger Rights, de porter plainte contre des transporteurs. Maintenant, seuls les passagers lésés peuvent déposer une plainte contre un transporteur aérien. La capacité des groupes d’intérêt public à influencer les politiques et les lois contribue grandement à une saine démocratie, et leur capacité à protéger les consommateurs au moyen de campagnes et de plaintes est bien établie. Je n’ai pas encore vu de raison qui justifie la décision du gouvernement de proposer une mesure législative qui limiterait la capacité des tiers à défendre les droits des Canadiens.

Je ne comprends pas pourquoi un gouvernement qui continue de promouvoir l’ouverture, la transparence et la reddition de comptes croit que nous devrions adopter un projet de loi qui empêche des groupes de défendre les Canadiens qui n’ont pas nécessairement les moyens de le faire eux-mêmes pour diverses raisons.

Nous ne devrions pas avoir à faire passer les droits des passagers aériens avant les besoins des producteurs de grain et d’une industrie essentielle à l’économie canadienne. Or, à cause de la décision du gouvernement de nous saisir d’un projet de loi omnibus imparfait, que nous avons fait de notre mieux pour corriger, puis maintenant du message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-49, qui comporte encore des lacunes, je me débats avec la situation à l’heure actuelle. Il s’agit effectivement d’une situation regrettable. Je sais donc que, tout comme moi, les sénateurs prendront leur décision quand le moment viendra.

L’honorable Howard Wetston : J’aimerais parler brièvement de l’amendement 6, qui a été modifié par l’autre endroit. Il se rapporte à l’indépendance de l’Office des transports du Canada. Cet amendement comprend l’article 1.11, qui précise que :

L’Office peut, si le ministre l’autorise et selon les conditions que celui-ci estime indiquées, enquêter de sa propre initiative sur la question de savoir si une compagnie de chemin de fer s’acquitte de ses obligations prévues par les articles 113 ou 114.

Voilà qui ne fera pas plaisir aux expéditeurs captifs.

L’intention est discutable, tout comme l’est le libellé de la disposition. Il s’agit essentiellement de surveiller le respect des dispositions législatives et réglementaires par l’industrie. Un examen de la conformité est une responsabilité essentielle qui relève de l’expertise réglementaire de l’Office des transports du Canada. Selon moi, il ne soulève pas de question politique importante qui nécessiterait l’autorité d’un ministre pour autoriser l’office à faire son travail.

Un examen de la conformité découle du mandat de l’office qui lui est conféré en vertu de la loi, de son mandat d’assurer l’intérêt public. Il est invariablement associé à son expertise réglementaire. Je peux l’affirmer avec confiance sans m’embourber dans les détails d’un contrôle judiciaire et de la norme de déférence appropriée qui est prise en compte par les tribunaux. En effet, l’un des principaux motifs de déférence est le fait que les tribunaux tiennent compte de l’expertise au sein de l’État administratif. L’expertise découle de la structure institutionnelle de l’office, sur laquelle les gouvernements se sont appuyés, tant au fédéral qu’au provincial, pour permettre aux offices de faire leur travail de façon équitable, raisonnable et objective, conformément aux pouvoirs qui leur sont conférés.

Chers collègues, même si cet amendement peut sembler, dans le cadre du projet de loi, ne pas entraver la mission, le mandat et les valeurs de l’Office des transports du Canada, celui-ci en est venu à jouer, depuis de nombreuses années, un rôle de premier plan dans la vie des Canadiens. Cet office, comme beaucoup d’autres, offre des solutions techniques spécialisées à des problèmes complexes créés par une société moderne.

Dans l’ensemble, comme l’a dit le professeur Lorne Sossin, de la Osgoode Hall Law School :

[…] les tribunaux déclarent régulièrement que ces organismes sont indépendants et protégés contre l’ingérence politique par des doctrines procédurales de la common law fondées sur le principe constitutionnel de l’indépendance judiciaire.

M. Sossin ajoute ensuite ceci :

[…] On ne peut pas faire grand-chose pour obliger les gouvernements canadiens à respecter l’indépendance des organismes administratifs contre leur gré. Les confrontations récentes mettent en lumière une vérité difficile à accepter mais cruciale au sujet de l’indépendance de ces organismes […] bien que leur indépendance soit nécessaire pour assurer la primauté du droit et le respect des principes d’équité et d’impartialité, seuls les dirigeants politiques peuvent la maintenir […] Au final, seuls les dirigeants politiques peuvent protéger l’indépendance des organismes administratifs de sorte qu’ils soient libres de défendre l’intérêt public sans […] ingérence.

Et sans intervention inutile.

Pour revenir à l’amendement, je crains qu’un affaiblissement inutile de la frontière entre le gouvernement et l’Office des transports du Canada n’ouvre la porte à l’ingérence du gouvernement, ce qui risquerait d’ébranler le respect que l’intégrité de l’office et ses décisions inspirent à la population. J’encourage vivement le ministre à faire preuve de retenue lorsqu’il exerce le pouvoir discrétionnaire lié à cet article.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à prolonger la séance de mercredi et à autoriser les comités à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 7 mai 2018, propose :

Que, nonobstant l’ordre adopté par le Sénat le 4 février 2016, le Sénat poursuive ses travaux le mercredi 9 mai 2018, jusqu’à la fin des Affaires du gouvernement;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir ce jour-là soient autorisés à se réunir après 16 heures même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1650)

[Traduction]

Projet de loi sur les sanctions non liées au nucléaire contre l’Iran

Troisième lecture—Report du vote

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Tkachuk, appuyée par l’honorable sénateur Carignan, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui en tant que représentant du gouvernement au Sénat afin d’intervenir dans le débat sur le projet de loi S-219, qui vise à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne. Je prends aussi la parole en tant qu’ancien sous-ministre des Affaires étrangères qui a acquis une certaine expérience relative à certains aspects dont il est question dans ce projet de loi.

J’aimerais d’abord dire clairement que je conviens, comme mon collègue, que le gouvernement du Canada doit continuer d’exiger des comptes de l’Iran sur certaines questions comme les actes qu’il a parrainés et qui constituent du terrorisme et des violations des droits de la personne, y compris les violations des droits de la personne et des droits démocratiques observées lors des manifestations de décembre et de janvier.

Comme la ministre des Affaires étrangères l’a affirmé en janvier dernier :

Le peuple iranien a le droit de se rassembler et de s’exprimer librement, sans devoir subir de la violence ou risquer l’emprisonnement.

Par la même occasion, la ministre a demandé ceci :

[…] aux autorités iraniennes de respecter et de protéger les droits démocratiques et les droits de la personne, qui sont trop souvent bafoués.

Le gouvernement a clairement indiqué que les droits de la personne, y compris ceux des Iraniens, occupent une place fondamentale dans sa politique étrangère. La ministre a aussi affirmé clairement que le gouvernement prend au sérieux la situation de Maryam Mombeini et de son défunt époux, Kavous Seyed-Emami.

Comme l’a souligné la ministre, le gouvernement continue d’exiger des explications de la part du gouvernement de l’Iran sur les circonstances entourant la détention et la mort M. Seyed-Emami.

Le gouvernement a aussi ouvertement fait comprendre que, tant que Maryam Mombeini, qui est citoyenne canadienne, ne pourra pas quitter l’Iran, il ne sera question que de son retour au Canada dans toute discussion avec l’Iran. La promotion et la protection des droits de la personne partout dans le monde, y compris en Iran, sont d’une importance capitale pour le gouvernement.

Je partage l’idée de décourager le terrorisme parrainé par l’Iran ainsi que les actes constituant de l’incitation à la haine ou des violations des droits de la personne. Toutefois, comme ce projet de loi d’intérêt public du Sénat ne constitue pas le bon mécanisme à cet effet, le gouvernement doit respectueusement s’y opposer, parce que c’est la responsabilité du gouvernement du Canada d’exprimer la volonté du Canada en matière de politique étrangère.

[Français]

Permettez-moi de vous expliquer. L’une des priorités de ce gouvernement est de travailler avec des pays qui ont des perspectives similaires. Cette approche nous permet de défendre le système international que tous les Canadiens valorisent et dans le cadre duquel nous pouvons demander aux pays de rendre des comptes.

[Traduction]

Or, le projet de loi S-219 imposerait de nouvelles sanctions unilatérales contre l’Iran. Pourtant, nous savons que les sanctions sont plus efficaces lorsqu’elles sont multilatérales et coordonnées. C’est en travaillant avec d’autres pays que l’on a assez d’influence pour amener un changement.

Ainsi, en prenant des mesures qui ne correspondent pas à celles de nos alliés et partenaires, ce projet de loi aurait un effet très limité sur le respect des droits de la personne de l’Iran et son soutien du terrorisme.

Nous avons vu, par exemple, une mesure multilatérale efficace lorsque, en décembre 2017, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution sur les droits de la personne en Iran qui a reçu un fort appui.

Au moyen d’une résolution mise de l’avant par le Canada, la communauté internationale a envoyé un message fort aux Iraniens et au gouvernement iranien. C’est un message de soutien pour les Iraniens et un message sur l’importance des droits de la personne au gouvernement iranien. Il encourage une réforme réelle et durable en matière de droits de la personne et des mesures concrètes pour remédier aux mauvais traitements et aux atteintes les plus graves.

Le Plan d’action global conjoint sur les activités nucléaires de l’Iran montre aussi l’importance des actions multilatérales. En vertu de ce plan, l’Iran a accepté de grandes contraintes, qui consistent à réduire son programme nucléaire et à le soumettre à une vérification internationale étendue.

En ce sens, les États aux vues similaires ont coordonné des sanctions multilatérales, dont une interdiction générale imposée contre l’Iran en matière de services financiers, d’importation et d’exportation. Ces sanctions coordonnées ont fini par amener l’Iran à négocier l’accord, qui s’est traduit par une réduction spectaculaire de sa capacité à produire la matière fissile nécessaire à la fabrication d’armes nucléaires.

À la suite de ce résultat positif, le Canada a modifié ses sanctions mandatées par l’ONU et a remplacé l’interdiction commerciale générale par un ensemble de contrôles et d’interdictions visant le commerce avec l’Iran de produits en relation avec la sécurité. Les modifications apportées aux sanctions par le Canada étaient conformes à celles des pays aux vues similaires. Bien entendu, le Canada a maintenu des sanctions ciblant le programme de missiles balistiques de l’Iran. Le gouvernement a clairement condamné la poursuite par l’Iran du développement de son programme de missiles balistiques et ses lancements de tels missiles qui déstabilisent la région.

Le Plan d’action global conjoint, convenu avec l’Iran en 2015 et endossé par le Conseil de sécurité des Nations Unies, n’est pas parfait. Il a, toutefois, contribué à atténuer une menace réelle à la paix et à la sécurité dans le monde. De nouvelles sanctions canadiennes isolées, comme celles demandées dans ce projet de loi, contribueraient peu à décourager le terrorisme ou à améliorer la situation au chapitre des droits de la personne en Iran et elles affaibliraient notre capacité à prendre des mesures de concert avec nos partenaires étrangers.

Qu’on me comprenne bien. Les relations économiques du Canada avec l’Iran demeurent contrôlées de très près et nous demeurons très vigilants. Nous maintenons des restrictions strictes sur l’exportation en Iran de produits, de services et de technologies considérés comme névralgiques du point de vue de la sécurité. Nous avons aussi une liste des personnes et des entités iraniennes sanctionnées les plus préoccupantes en ce qui a trait à la menace de prolifération.

Le gouvernement du Canada continuera d’exiger de l’Iran une reddition de comptes à l’égard de questions préoccupantes, notamment les violations des droits de la personne, son programme de missiles balistiques et son soutien du terrorisme. Cependant, dans le cadre de ce projet de loi, il sera très difficile de promouvoir les intérêts du Canada.

De plus, les exigences en matière de rapport énoncées dans le projet de loi sont vastes et complexes, en particulier la publication par le Canada d’un rapport annuel public ciblant l’Iran et ses représentants officiels très haut placés. Les exigences proposées, bien qu’elles soient louables, sont irréalistes, étant donné l’état actuel de la relation bilatérale de l’Iran avec le Canada. Même avec le déploiement de ressources considérables par divers ministères fédéraux, l’accès à des sources crédibles et exactes sera limité en raison de l’absence d’une présence canadienne en Iran.

Enfin, certaines parties du projet de loi comprennent aussi des exigences concernant des processus et des lois qui existent déjà. Plus précisément, le projet de loi propose de modifier la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés afin de permettre au Canada de refuser l’entrée aux personnes nommées dans le rapport annuel. Cependant, la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit déjà plusieurs motifs pour lesquels une personne peut se faire refuser l’entrée au Canada. De plus, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté peut se fonder sur des préoccupations relatives à l’intérêt public pour déclarer qu’un étranger ne peut pas devenir un résident permanent.

[Français]

Pour conclure, je partage le désir de chercher des moyens de dissuader les actes de terrorisme et les violations des droits de la personne parrainés par l’Iran. Le gouvernement du Canada tient absolument et résolument à demander des comptes à l’Iran sur ces questions.

[Traduction]

Le gouvernement continuera de travailler étroitement avec ses alliés et ses partenaires afin d’exiger de l’Iran une reddition de comptes. Cependant, les dispositions du projet de loi S-219 sont incompatibles avec le régime de sanctions actuel du Canada et contiennent des processus et des mesures législatives qui existent déjà.

Au bout du compte, le projet de loi n’aura aucun effet de dissuasion en ce qui concerne le terrorisme et n’améliorera pas non plus la situation des droits de la personne en Iran. De plus, il limitera la capacité du Canada d’agir multilatéralement avec ses alliés. Par conséquent, le gouvernement doit s’opposer respectueusement au projet de loi S-219, et je vous exhorte à faire de même.

L’honorable Linda Frum : Sénateur Harder, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Harder : Bien sûr.

La sénatrice Frum : Sénateur Harder, j’ai écouté les raisons pour lesquelles vous vous opposez à ce projet de loi, et je vous exprime respectueusement mon désaccord.

Sachant que, avant votre intervention d’aujourd’hui, le dernier sénateur à se prononcer contre ce projet de loi était intervenu il y a six mois, permettez-vous au Sénat de mettre cette mesure aux voix maintenant?

Le sénateur Harder : Je serais tout à fait d’accord pour qu’un vote ait lieu rapidement, et même immédiatement.

Des voix : Le vote!

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je propose l’ajournement du débat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Martin, avec l’appui de… Vous avez une question? Pardonnez-moi, sénateur Joyal.

Sénateur Harder, accepteriez-vous de répondre à une question de la part du sénateur Joyal?

(1700)

L’honorable Serge Joyal : Je vous remercie, Votre Honneur; je vous en suis reconnaissant. Oui, je voulais poser une question.

J’ai écouté attentivement vos propos, sénateur. Je ne peux évidemment pas m’empêcher de penser à l’annonce que le président des États-Unis a faite à 14 heures, cet après-midi. Quel rapport peut-il y avoir entre la teneur du projet de loi dont nous sommes saisis et la situation dans laquelle se retrouve le Canada, alors que les États-Unis ont annoncé qu’ils se retiraient de l’accord conclu avec l’Iran et les pays européens?

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de son intervention, qui tombe à point nommé. Je me demandais justement s’il fallait ajouter quelque chose à ce sujet dans mon allocution.

Je tiens d’abord à rappeler, comme je l’ai dit dans mon allocution, que le gouvernement du Canada juge encore que l’accord multilatéral qui a été conclu par les parties intéressées entre elles, et approuvé par le Conseil de sécurité, est important.

Tous les pays concernés, dont le Canada, réfléchissent évidemment aux meilleures mesures à prendre en l’occurrence. Ces mesures ne seront pas établies avant un certain temps et il faudra d’abord mener des consultations.

Le ministre britannique des Affaires étrangères a laissé entendre hier qu’on n’avait pas encore imaginé de plan B par rapport à la façon dont les Américains pourraient réagir. C’est manifestement à eux qu’il incombe de déterminer les mesures à prendre, s’ils décident d’en prendre.

Jusqu’à présent, les États signataires de l’accord ont confirmé qu’il restait en vigueur. Le gouvernement du Canada estime toujours que cet accord était le meilleur moyen de décourager la prolifération des armes nucléaires, et je trouve regrettables les mesures qui ont été prises.

Le sénateur Joyal : Ma question était plus précise. Établissez-vous un lien entre le fond du projet de loi dont nous sommes saisis actuellement et le fait que la situation soit différente, compte tenu de l’approche que le président de la France a prise lorsqu’il a rendu visite au président des États-Unis, à savoir qu’il faut peut-être renégocier l’accord et l’améliorer, mais pas le mettre de côté?

Si nous adoptons ce projet de loi, ne rendons-nous pas la situation plus difficile, plus complexe à régler? Ou bien croyez-vous que l’adoption du projet de loi serait utile en vue d’exercer davantage de pression sur l’Iran pour qu’il entame des négociations avec les pays qui ont approuvé l’accord?

Le sénateur Harder : Sénateur, je crois que j’ai été très clair en disant que ce serait inutile. L’approche multilatérale coordonnée que j’ai proposée est la politique du gouvernement à l’égard de l’Iran, et cette politique est toujours en vigueur. De toute évidence, les échanges entre les pays qui estiment toujours que ce plan d’action conjoint est la façon la plus efficace d’aller de l’avant déterminera la meilleure voie à suivre pour l’avenir. Toutefois, c’est grâce à des voies multilatérales que nous répondrons le mieux aux intérêts du Canada, et ce sont à elles que nous devrions donner la liberté d’action, soit au gouvernement responsable de la politique étrangère du Canada.

La sénatrice Martin : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L’honorable sénateur Tkachuk propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les sénateurs qui sont en faveur de la motion peuvent-ils dire oui encore une fois?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non encore une fois.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je pense que le nombre de pour et de contre est plutôt égal. À mon avis, les non l’emportent.

La sénatrice Martin : Les non?

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Êtes-vous d’accord pour que le vote ait lieu demain à 17 h 30?

Le vote est reporté à demain, à 17 h 30.

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada (artiste visuel officiel du Parlement), tel que modifié.

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierrette Ringuette propose que le projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénatrices et sénateurs, mon propos d’aujourd’hui portera sur le projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel en matière de taux d’intérêt criminel.

D’entrée de jeu, permettez-moi de vous indiquer que je suis en faveur de ce projet de loi et de l’amendement qui est proposé, bien que je trouve que nous n’en fassions pas assez pour trouver des solutions aux problèmes d’endettement des Canadiennes et des Canadiens.

Ce projet de loi porte sur une question délicate qui touche à la fois les taux d’intérêt criminels, l’accès facile au crédit à court terme et l’endettement des ménages.

Au cours des dernières années, nous avons assisté à une augmentation du nombre d’entreprises de type Money Mart, Fast Cash et autres, qui sont devenues des prêteurs de dernier recours pour des personnes qui ont des besoins urgents de liquidité. Ces entreprises de prêts sur salaire agréés offrent une alternative aux institutions financières réglementées qui refusent ou qui sont dans l’impossibilité de répondre aux exigences d’une clientèle dont les besoins sont très spécifiques.

[Traduction]

Dans la plupart des grandes villes canadiennes, nous avons observé que le nombre d’entreprises qui peuvent prêter jusqu’à 1 500 $ pour un maximum de 62 jours à des taux d’intérêt mensuels allant de 15 à 25 p. 100 se multiplie. Ces entreprises disposent d’une énorme marge de manœuvre pour les taux d’intérêt, puisque le taux d’intérêt criminel maximal est actuellement fixé à 60 p. 100.

Puisque la durée des prêts ne peut pas excéder 62 jours, les intérêts exigés ne dépassent pas la limite prévue dans la loi. Cependant, sur une base cumulative, le taux peut s’élever à 300 p. 100 sur une période d’un an lorsque le prêt est renouvelé tous les 62 jours.

[Français]

Les prêteurs sur salaire agréés ne font pas que des prêts sur salaire. Ils font également des prêts à terme jusqu’à 15 000 $ sur 60 mois, et leurs services sont offerts dans les succursales, par Internet ou encore par voie de représentants qui se rendent à votre lieu de travail ou encore à votre domicile. Il s’agit d’un marché fort lucratif, aisément accessible, qui bénéficie à un grand nombre d’investisseurs privés et à une clientèle aux besoins particuliers.

Les prêteurs sur salaire ont une image défavorable auprès du public, des politiciens et des médias, et sont généralement présentés sous un mauvais jour. Malgré cette réputation défavorable, cette industrie procure un service à des Canadiennes et Canadiennes qui sont à court d’argent.

[Traduction]

Un sondage mené par le gouvernement fédéral en 2016 auprès de 1 500 Canadiens qui ont eu recours à des prêteurs sur salaire approuvés a permis de dégager les statistiques suivantes sur les raisons qui les ont amenés à le faire : 27 p. 100 des gens ont déclaré qu’une banque ou une coopérative de crédit ne leur prêterait pas d’argent; 15 p. 100 ont dit ne pas avoir le temps de demander un prêt d’une banque ou d’une coopérative de crédit parce que le processus était beaucoup trop long; 13 p. 100 ont déclaré ne pas vouloir emprunter de l’argent d’une banque ou d’une coopérative de crédit; 55 p. 100 ont dit que le prêteur sur salaire leur offrait le meilleur service à la clientèle; 90 p. 100 ont indiqué que le prêt sur salaire représentait la solution la plus rapide et la plus pratique; 74 p. 100 ont dit que le prêt sur salaire représentait la meilleure solution à leur disposition.

[Français]

Selon un rapport du Conference Board du Canada, publié en 2016 et fondé sur des données recueillies en 2014, les prêteurs sur salaire agréés du Canada auraient accordé aux ménages canadiens près de 4,5 millions de dollars de prêts à court terme sur salaire pour une valeur de 2,2 milliards de dollars. Toujours selon ce même rapport, ces prêts seraient octroyés presque exclusivement à deux catégories distinctes de personnes. Dans la première catégorie, on retrouve, et je cite :

Les personnes qui ont un actif limité, des revenus faibles et un emploi — elles comptent sur le prêt sur salaire pour couvrir leurs dépenses périodiques inattendues et leurs besoins courants. Elles peuvent se tourner vers des prêteurs sur salaire parce qu’elles ne parviennent pas à obtenir du crédit à la consommation en passant par les circuits financiers conventionnels.

(1710)

Dans la seconde catégorie, on retrouve, et je cite :

Les personnes qui ont beaucoup d’actifs, mais qui manquent provisoirement de liquidités — elles sont économiquement plus stables, et utilisent le prêt sur salaire comme moyen de financement temporaire pour couvrir des dépenses inattendues.

[Traduction]

De nombreux clients de prêteurs sur salaire agréés n’ont aucune idée des coûts associés aux prêts qu’ils contractent. Une des recommandations contenues dans le rapport du Conference Board consiste à mieux sensibiliser le public à cet égard, surtout pour protéger le bien-être financier des Canadiens qui contractent des prêts sur salaire.

Cependant, ce rapport souligne que les politiciens devraient faire preuve de prudence avant d’envisager la possibilité d’apporter des changements à la structure des frais associés à ces prêts. Compte tenu des coûts que doivent assumer les prêteurs sur salaire à cause du taux élevé de délinquance, le plafonnement des frais pourrait rendre cette activité non rentable pour les prêteurs agréés et pousser des emprunteurs à se tourner vers des prêteurs non agréés qui offrent leurs services sur Internet.

[Français]

Qu’en est-il des institutions financières canadiennes et quel est leur rôle dans tout cela? Je ne veux pas faire une plaidoirie en faveur des institutions financières canadiennes réglementées, mais tout simplement remettre les pendules à l’heure lorsqu’il s’agit de les condamner pour leur manque d’ouverture face aux personnes vulnérables qui vivent avec des problèmes d’endettement, que ce soit sur salaire ou autre.

Il faut tout d’abord mentionner que les banques canadiennes et les caisses populaires jouent un rôle important dans la stabilité économique de notre pays et de nos provinces. Elles sont assujetties à des règles de fonctionnement et à des lois qui encadrent leur façon de fonctionner. Ces règles et ces lois proviennent des différents ordres de gouvernement ainsi que des sociétés d’assurance-dépôts. Elles touchent entre autres la liquidité, les réserves, les provisions pour mauvaise créance, les limites de crédit, les ratios d’amortissement de la dette et la divulgation du coût d’emprunt, règles que les entreprises agréées qui font des prêts sur salaire n’ont pas à suivre.

Tous les mois, les institutions financières canadiennes fournissent leur information financière en matière d’actif, de passif, de mauvaises créances, de réserves et de liquidité, ce qui contribue à la gestion de la trésorerie du Canada et à brosser un tableau juste et constant des risques qui sont associés à la stabilité financière de notre pays.

Malgré le fait que bon nombre d’entre elles veuillent intervenir afin de contribuer à l’amélioration de la situation financière des Canadiennes et des Canadiens, les institutions financières sont prises dans un carcan réglementaire qui limite leur marge de manœuvre et empêche l’octroi de crédit à risque élevé, ce qui oblige les personnes dans le besoin à se tourner vers les prêteurs sur salaire.

[Traduction]

L’objectif que vise la sénatrice Ringuette est fort louable, et je la félicite de sa volonté d’offrir des solutions au moyen du projet de loi S-237. À l’origine, la sénatrice avait proposé que le taux d’intérêt criminel corresponde au taux de financement à un jour de la Banque du Canada majoré de 20 p. 100. L’amendement propose que ce taux soit fixé à 45 p. 100. C’est une première étape.

Des sociétés à charte de prêt sur salaire ont indiqué devant le comité que si le taux d’intérêt criminel était inférieur à 46 p. 100, elles seraient obligées de revoir leurs procédures, puisque les frais de transaction seraient alors trop élevés et qu’il ne serait plus rentable pour elles d’offrir de tels services. Il est nécessaire d’examiner plus attentivement cette question pour s’assurer qu’il existe un véritable équilibre entre, d’une part, le risque que doivent assumer les prêteurs sur salaire et les profits que génèrent leurs activités et, d’autre part, les taux plus élevés que doivent payer les Canadiens qui contractent des prêts sur salaire.

[Français]

La législation provinciale qui régit le secteur du prêt sur salaire au Canada fournit d’ores et déjà des garde-fous contre l’exploitation des clients. Il existe des plafonds sur les frais qui peuvent être facturés sur les prêts sur salaire. Il existe également des normes liées au mode de divulgation des renseignements, mais celles-ci sont flexibles.

Les prêteurs sur salaire sont tenus de fournir des renseignements aux emprunteurs d’une façon qui soit claire, compréhensible et bien mise en évidence. Le taux d’intérêt et les frais d’emprunt seront donc clairement énoncés dans les contrats. Cette information couvre des prêts de 62 jours seulement. L’emprunteur qui demande un refinancement au bout de 62 jours continue de recevoir la même information, celle-ci n’étant pas cumulative. Si elle était cumulative, les coûts d’emprunt dépasseraient le taux d’intérêt criminel de 60 p. 100.

Au cours de notre étude, nous avons rencontré des prêteurs sur gages au Québec. Malgré le fait que ce type de prêt puisse sembler différent, il est en fait très semblable à ce qui se fait ailleurs au Canada. Le taux d’intérêt annuel réglementé au Québec est fixé à 35 p. 100. Toutefois, le taux d’intérêt sur un prêt sur gage s’élève à 22 p. 100 par mois, ce qui se traduit par un taux d’intérêt annuel de 264 p. 100. De plus, lorsque l’emprunteur ne paie pas les intérêts dans les 10 jours suivant la date de la fin du contrat de prêt, l’item mis en gage, qui vaut quatre fois le montant du prêt consenti, est mis en vente.

[Traduction]

Il existe des mesures visant à empêcher les situations d’abus, mais il semble qu’elles ne fassent l’objet d’une enquête ni au Québec ni ailleurs au Canada.

Le gouvernement de l’Ontario tente de réglementer davantage cette industrie en imposant une période d’attente entre les prêts et en limitant les montants et le nombre de reprises où on peut emprunter. Les prêteurs sur salaire sont mécontents des changements à venir ainsi que du projet de loi S-237.

Les gouvernements provinciaux cherchent des solutions à cette forme de dette et ils ont communiqué avec des institutions financières coopératives pour vérifier si elles peuvent contribuer à améliorer la situation.

[Français]

Certaines d’entre elles, y compris Vancity Credit Union, à Vancouver, et Alterna Savings, à Ottawa, proposent des programmes pour aider les personnes aux prises avec des problèmes de liquidité ou d’endettement à se prendre en main. C’est un début, mais c’est trop peu, si l’on considère l’ampleur du problème et des besoins du marché actuel.

Ces programmes ont besoin d’un coup de barre important de la part de nos élus, et pourraient être appuyés par des subventions permettant aux institutions financières d’augmenter la cadence et l’offre de programmes qui mènent à un meilleur contrôle de la gestion des finances personnelles des Canadiens et des Canadiennes à risque.

[Traduction]

Dans sa réglementation entourant les prêteurs autorisés, le gouvernement de l’Ontario a introduit un élément nommé le fonds de sensibilisation aux prêts sur salaire. Ce fonds est entièrement subventionné par des prêteurs sur salaire autorisés et il vise à informer les utilisateurs au sujet de cette forme de financement. La mise en place de programmes de sensibilisation sur la littératie financière, l’épargne et le crédit serait très utile et aiderait les gens à mieux comprendre comment gérer leurs actifs.

[Français]

Chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement au projet de loi S-237. Malgré le fait qu’il soit loin de répondre à l’objectif de la sénatrice Ringuette de ramener le taux d’intérêt criminel sous la barre des 25 p. 100, il représente un premier pas vers une amélioration de la situation du coût de l’endettement à court terme au Canada. Il reste toutefois encore beaucoup à faire.

Je souhaite ardemment que ce projet de loi incite nos gouvernements à examiner de plus près les problèmes qui sont associés à l’endettement des ménages, à l’appauvrissement des Canadiens et à l’exploitation des personnes les plus vulnérables de notre pays. Je souhaite également que l’on propose des solutions qui permettront d’alléger le fardeau financier associé à l’usure, et qui permettront à plus de Canadiennes et de Canadiens d’améliorer leur situation financière.

Je vous remercie.

Son Honneur le Président : La sénatrice accepte-t-elle de répondre à une question?

La sénatrice Moncion : Oui.

La sénatrice Ringuette : J’aimerais d’abord remercier la sénatrice Moncion de son excellente recherche et des commentaires qu’elle a prononcés en cette Chambre. Je la remercie de reconnaître que nous avons un système financier marginal abusif qui exploite un segment important de notre population.

La sénatrice a parlé des règlements provinciaux. Je voudrais savoir si elle comprend que, dans la réglementation provinciale, en ce qui concerne la fixation d’un taux d’intérêt, il s’agit d’un produit financier unique qui ne doit pas dépasser 1 500 $ sur une période maximale de 62 jours, et que tout autre produit financier qui ne correspond pas à ce cadre relève de la compétence fédérale et, donc, du Code criminel.

La sénatrice Moncion : Merci de votre question. Vous avez raison quant au fait que, pour les prêteurs agréés comme les prêteurs sur salaire, la seule portion des prêts qui est considérée comme étant un prêt sur salaire, ce sont des prêts d’au plus 1 500 $. Quand on tombe dans la catégorie des 15 000 $, les taux d’intérêt ne dépassent pas 60 p. 100 et sont étalés sur des périodes qui peuvent aller jusqu’à 60 mois. Là où le jeu est intéressant, c’est dans la période de 62 jours, car tous les 62 jours on se retrouve avec un nouveau contrat. Si on faisait le calcul du total cumulé des intérêts sur 12 mois, on verrait qu’on a, en fait, un taux d’intérêt qui représente beaucoup plus que 22 ou 25 p.100; cela peut monter jusqu’à 300 p. 100. J’ignore si j’ai bien répondu à votre question.

(1720)

Son Honneur le Président : Sénatrice Moncion, un autre sénateur aimerait vous poser une question. Accepteriez-vous d’y répondre?

La sénatrice Moncion : Oui.

L’honorable Ghislain Maltais : C’est un pas en avant. La mesure est loin d’atteindre les objectifs que la sénatrice Ringuette visait par son projet de loi, et de beaucoup.

Cependant, dans votre projet de loi, est-il indiqué que la loi doit être révisée après une certaine période, par exemple, après cinq ans?

La sénatrice Moncion : Oui, il y a une disposition à ce sujet dans l’amendement.

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)

Modernisation du Sénat

Premier rapport du comité spécial—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’étude du premier rapport (intérimaire) du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant, déposé auprès du greffier du Sénat le 4 octobre 2016.

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Adoption du vingt-septième rapport du comité et de la demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l’étude du vingt-septième rapport (intérimaire) du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, intitulé Services de traduction parlementaire, déposé au Sénat le 27 mars 2018.

L’honorable Pierrette Ringuette, au nom du sénateur Campbell, propose :

Que le vingt-septième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration, qui a été déposé le mardi 27 mars 2018, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, je voudrais remercier les membres du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration d’avoir confié ce mandat à notre groupe de travail, constitué du sénateur Joyal, du sénateur Maltais, du sénateur Mockler et de la sénatrice Wallin, ainsi que de moi-même. Notre première constatation est qu’il y a deux régimes de gestion et de prestation des services de traduction et d’interprétation entre la Chambre des communes et le Sénat. Nous avons également constaté que, en ce qui a trait à l’évaluation des contractuels qui offrent ces services, l’ancien gouvernement avait pour seul critère de sélection le coût des services. C’était le seul critère prépondérant dans l’obtention des contrats.

[Traduction]

Les membres du groupe de travail se sont réunis avec les dirigeants du Bureau de la traduction et des représentants de l’Association internationale des interprètes de conférence pour discuter des préoccupations soulevées par des sénateurs et des membres du personnel et, ainsi, mieux comprendre où le système laisse tomber le Sénat.

J’aimerais profiter de l’occasion pour remercier Stéphan Déry, le nouveau président-directeur général du Bureau de la traduction, et son équipe de gestion, qui comprend aussi une nouvelle employée chargée de la qualité des services offerts par le bureau.

[Français]

Les membres du groupe de travail croient qu’il est primordial d’assurer la grande qualité des services de traduction et d’interprétation offerts au Sénat. La Loi constitutionnelle de 1867, la Loi constitutionnelle de 1982 et la Loi sur les langues officielles contiennent toutes des dispositions qui permettent aux sénateurs de s’exprimer en français et en anglais et qui prévoient la disponibilité de services d’interprétation simultanée.

Il ne faut pas perdre de vue le fait que les Canadiens ont droit à des services de qualité équivalente dans les deux langues officielles. Les membres du groupe de travail croient aussi que le Sénat doit faire ce qu’il peut pour garantir que, peu importe la langue utilisée, ses publications et ses communications seront conformes aux normes les plus élevées en matière de traduction et d’interprétation, de façon à ce que les Canadiens aient le même accès au contexte et aux nuances des débats.

Nous avons fait les recommandations suivantes :

[Traduction]

Que l’Administration du Sénat désigne un gestionnaire chargé de veiller à ce que les modalités de l’Entente touchant la prestation de services linguistiques entre le Sénat du Canada et le Bureau de la traduction soient respectées.

Que le comité demande à l’Administration du Sénat d’aider le Bureau de la traduction à améliorer le processus de rétroaction pour les sénateurs, les comités du Sénat et l’Administration du Sénat en utilisant le système de la Bibliothèque du Parlement comme guide.

[Français]

Sur ce, j’aimerais vous confirmer que le Bureau de la traduction et de l’interprétation vous transmettra dorénavant un courriel après avoir effectué son travail de traduction, qu’il s’agisse de votre bureau, du personnel, de l’Administration du Sénat ou des comités, afin de faire un suivi de votre satisfaction à l’égard des services rendus et une évaluation de leur qualité. C’est une façon rigoureuse d’améliorer le service qui nous est offert.

On a reconnu que, dans certains comités, les services de traduction, particulièrement pour les rapports, offraient de piètres résultats. Je ne souhaite pas vous en dire plus.

[Traduction]

Chaque année, les membres du comité se réunissent avec le gestionnaire du Sénat chargé de l’entente de service pour assurer un suivi des progrès et discuter de toute question qui requiert notre attention.

(1730)

Le comité a également pressé la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement de fournir au Bureau de la traduction les ressources additionnelles nécessaires pour qu’il dispose de la capacité requise pour répondre aux exigences du Sénat.

N’oubliez pas que nous utiliserons un nouvel outil de communication lorsque nous siégerons dans l’enceinte temporaire et que nos débats seront télévisés. Il faut comprendre les exigences techniques et physiques impliquées pour qu’un service adéquat soit rendu aux Canadiens en ce qui concerne nos débats.

Le comité demande au Bureau de la traduction que des traducteurs soient attitrés aux comités du Sénat pour assurer la continuité et le développement d’un vocabulaire spécialisé et que ces traducteurs soient encouragés à assister aux réunions où on discute des projets de rapports.

[Français]

Dès le début, nous avons constaté que la gestion des services de traduction et d’interprétation était très différente d’une Chambre à l’autre. Nous avons recommandé au Bureau de la traduction que le service soit offert à partir d’une même gestion, c’est-à-dire que les traducteurs soient attitrés à la fois à la Chambre et aux différents comités, afin qu’ils puissent se familiariser avec le vocabulaire.

Nous avons aussi recommandé que les personnes responsables de la traduction de documents issus des différents comités soient présentes lorsque les sénateurs discutent à huis clos du contenu des documents, afin qu’elles puissent comprendre le contexte des discussions.

[Traduction]

Le comité encourage le Bureau de la traduction à étudier la possibilité de créer des équipes d’interprètes attitrés aux comités du Sénat. Le comité s’est assuré que l’espace physique pour les interprètes au Centre de conférences du gouvernement rénové répondra aux besoins du Bureau de la traduction et que les plus récentes technologies seront offertes aux interprètes afin de leur faciliter la tâche.

[Français]

Honorables collègues, si vous regardez tout à fait en haut, vous verrez une boîte complètement fermée, qui n’est pas bien aérée. On demande à ces personnes de nous identifier, tout en bas, et d’interpréter rapidement ce que nous disons, que ce soit dans une langue ou dans l’autre. Vous conviendrez avec moi qu’il ne s’agit pas là de conditions de travail idéales pour ces professionnels.

Mesdames et messieurs les interprètes, sachez que vous avez toute notre admiration pour les efforts que vous faites.

[Traduction]

Nous avons aussi demandé que les technologies de pointe soient disponibles pour faciliter le travail des interprètes dans les salles de comités du Sénat.

[Français]

C’est particulièrement le cas lorsque nous entendons des témoins par vidéoconférence. Depuis que ce système a été installé, la technologie a beaucoup évolué, mais rien n’a été fait pour faciliter la tâche de ces interprètes qui doivent faire leur travail dans les salles des comités.

[Traduction]

Le comité exhorte le Bureau de la traduction à assigner le travail d’interprétation en fonction de l’expérience et des connaissances pertinentes des interprètes, et non en fonction du taux le plus bas.

M. Déry nous a assuré que ces nouveaux critères d’attribution du travail de traduction et d’interprétation du Sénat seront mis en œuvre lorsque le nouvel ensemble de paramètres d’approvisionnement sera établi pour ces services.

Vous vous demandez peut-être pourquoi le rapport du groupe de travail est déposé au Sénat. C’est parce que, dans notre dernière recommandation, nous demandons une réponse du gouvernement. Il est très important que le Sénat obtienne le niveau de service requis et il est très important que le gouvernement comprenne que le processus d’approvisionnement établi par l’ancien gouvernement n’est pas à la hauteur des attentes des sénateurs ni de celles de la population canadienne.

[Français]

Une recommandation qui ne figure pas dans le rapport, et que je tiens à souligner, c’est que nous, les sénateurs, en cette Chambre et au sein des comités, devons aussi collaborer pour améliorer le service d’interprétation, c’est-à-dire parler moins rapidement. Souvent, certains sénateurs parlent à une vitesse phénoménale.

Aussi, s’il vous plaît, lorsque votre document est prêt, faites-le parvenir pendant l’avant-midi au Bureau de la traduction afin qu’il puisse commencer à travailler sur votre document. Cela faciliterait énormément la tâche des traducteurs.

En outre, je demande à tous les présidents de comité et à tous les greffiers d’interdire la distribution d’un document qui n’est pas produit dans les deux langues officielles. Trop souvent, on plie l’échine sous prétexte que les témoins sont arrivés en retard. Cette directive devrait être claire et nette, quitte à ce qu’on propose une motion dès le processus de sélection d’un comité voulant qu’aucun document, qu’il s’agisse d’un mémoire ou d’un rapport, ne soit remis aux membres du comité avant que la version dans l’autre langue officielle soit incluse.

Honorables collègues, je recommande que vous adoptiez sans délai ce rapport et que l’on fasse en sorte que les services de traduction et d’interprétation offerts au Sénat et à vos bureaux soient au même niveau que ceux dont bénéficient nos collègues à l’autre endroit. Merci.

Des voix : Bravo!

L’honorable René Cormier : Puis-je vous poser une question, sénatrice Ringuette?

La sénatrice Ringuette : Certainement.

Le sénateur Cormier : J’ai pris connaissance du rapport du groupe de travail, et j’ai remarqué que l’évaluation portait sur 55 échantillons, soit 32 textes traduits de l’anglais vers le français et 18 textes traduits du français vers l’anglais. Il y avait également 40 échantillons d’interprétation, soit 20 de l’anglais vers le français, et 20 du français vers l’anglais.

Dans les résultats du rapport exécutif, aux mentions « très bonne », « bonne », « moyenne » et « faible », on ne voit pas de taux de satisfaction dans les deux sens. Comme je suis très attentif à ce que vous venez de dire quant à l’importance de parler plus lentement, je vais m’assurer de poser ma question avec calme.

La sénatrice Ringuette : Je vous remercie d’avoir pris connaissance du rapport qui a été déposé. Évidemment, les échantillons ne nous ont pas permis de déceler une différence marquée d’une langue à l’autre. Je dois aussi rappeler que, lorsque nous avons commencé notre travail, nous avons fait circuler à trois reprises un sondage à tous les sénateurs et à tous les greffiers pour obtenir des commentaires ou des exemples de non-satisfaction. Personnellement, je dois dire que j’ai été déçue du nombre de personnes qui ont répondu au sondage. J’avais entendu plusieurs plaintes à ce sujet et je croyais que le dossier aurait eu plus de poids auprès de tous les sénateurs. Malheureusement, ça n’a pas été le cas, compte tenu des réponses que nous avons reçues. Cependant, lorsque nous avons questionné M. Déry, il est évident qu’il y avait une différence marquée de la qualité de gestion du service qui était offert d’une Chambre à l’autre et entre les comités de l’autre endroit et nos comités. Donc, nous devons nous rattraper. J’ai terminé. Merci.

(1740)

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Traduction]

Le Sénat

Motion tendant à encourager le gouvernement à prévoir dans le budget la création du Conseil canadien de veille sur les infrastructures et de promotion des meilleures pratiques—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Enverga,

Que le Sénat — dans le but d’assurer la transparence dans l’octroi des deniers publics et de promouvoir l’efficacité des projets d’infrastructures dans le contexte plus large de la diversification de l’économie et des ajustements vers une économie plus verte, tout en évitant une intervention indue dans la répartition des pouvoirs entre le fédéral et les provinces — encourage le gouvernement à prévoir dans le budget la création d’un Conseil canadien de veille sur les infrastructures et de promotion des meilleures pratiques, composé d’experts dans les projets d’infrastructures en provenance des provinces et des territoires, et ayant comme principales missions :

1. de colliger les informations sur les différents projets d’infrastructures financés par le fédéral;

2. d’étudier les coûts et les bénéfices liés aux différents projets d’infrastructures financés par le fédéral;

3. d’identifier les meilleures pratiques d’acquisition au sens large et de partage de risques;

4. de faire la promotion de ces meilleures pratiques auprès des gouvernements;

5. de promouvoir le développement des compétences des gestionnaires de projets;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’informer de ce qui précède.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, le sénateur Smith est absent, mais j’aimerais demander l’ajournement à son nom.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Smith, le débat est ajourné.)

[Français]

Motion tendant à modifier l’article 12-7 du Règlement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénatrice McCoy,

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

1.par le remplacement du point à la fin de l’article 12-7(16) par ce qui suit :

« ;

Ressources humaines

12-7. (17) le Comité sénatorial permanent des ressources humaines, qui peut être saisi de toute question concernant les ressources humaines en général. » ;

2.par la mise à jour en conséquence de tous les renvois dans le Règlement.

L’honorable Raymonde Gagné : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné jusqu’à la prochaine séance du Sénat au nom de la sénatrice Omidvar.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Gagné, au nom de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

[Traduction]

La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Pate, attirant l’attention du Sénat sur la situation actuelle des personnes qui comptent parmi les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et internées au Canada, et plus particulièrement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.

L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je veux parler de cette enquête avant qu’elle disparaisse. Je veux pouvoir contribuer au débat.

Je commence en mentionnant qu’aujourd’hui, alors que j’interviens pour parler de la question de la surreprésentation des femmes autochtones dans le système carcéral au Canada, les plus récentes statistiques pour la province du Manitoba, d’où je viens, montrent que 68 p. 100 des hommes détenus au Manitoba, dans le système carcéral provincial, sont des Autochtones; environ 75 p. 100 des jeunes détenus au Manitoba sont des Autochtones; plus de 90 p. 100 des femmes détenues au Manitoba sont des Autochtones.

Je veux commencer mon allocution en remerciant la sénatrice Pate de la persévérance et de la détermination dont elle a fait preuve afin de défendre les droits des personnes qui se trouvent dans le système carcéral, tout particulièrement les femmes autochtones. La sénatrice Pate, une ardente défenseure des personnes détenues, a choisi de faire porter sa première allocution sur cette question lorsqu’elle a pris la parole pour la première fois dans cette enceinte.

J’aimerais souligner que la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans nos prisons constitue, à mon avis, un grave problème. L’assimilation, l’isolement et l’institutionnalisation de familles autochtones n’ont rien de nouveau. C’est le résultat de lois et de politiques actuelles et historiques, qui ont été élaborées au cours des 150 dernières années et qui ont eu des répercussions si graves sur un peuple que des termes ont été créés pour décrire certaines des lois, des politiques et des répercussions.

Le Canada est l’un des seuls pays à utiliser des termes spéciaux, comme le terme « survivant des pensionnats indiens », pour décrire les répercussions de l’époque des pensionnats indiens. C’est une époque où des enfants ont été arrachés à leur famille et à leur collectivité, puis ont été envoyés dans des établissements qu’on appelait des pensionnats. Le terme « rafle des années 1960 » est utilisé pour décrire une période où des enfants autochtones ont été retirés de leur foyer pour ensuite être placés dans une famille d’accueil ou adoptés par des parents non autochtones. Le terme « rafle du millénaire », quant à lui, est utilisé pour décrire le système d’aide à l’enfance actuel.

J’aimerais que vous gardiez à l’esprit que, au Manitoba aujourd’hui, les enfants autochtones comptent pour 70 p.100 de tous les enfants pris en charge, même s’ils ne représentent qu’environ 12 p.100 du nombre total d’enfants dans la province. Selon les plus récentes statistiques fournies par la province, en moyenne, un nouveau-né autochtone par jour est pris en charge par le système de protection de l’enfance. Les conséquences non seulement pour les enfants, mais également pour les mères de ces enfants doivent être prises en considération.

Le fait est que les femmes autochtones au Canada, aujourd’hui, sont les auteures d’un récit changeant qui raconte l’étendue de la souffrance humaine causée par les politiques et les lois dont j’ai parlé, y compris le racisme, à la fois systémique et individuel. Plusieurs enquêtes, études et rapports constatent que ce sont les conséquences de ces lois et de ces politiques qui sont responsables de la situation actuelle.

Cette question a notamment été soulevée au Manitoba, en 1991, dans le rapport de la Commission d’enquête sur l’administration de la justice et les Autochtones, commission que je coprésidais. La question a aussi été traitée dans de nombreux rapports annuels de l’enquêteur correctionnel du Manitoba. Elle a été mentionnée dans des rapports de gouvernements provinciaux et du vérificateur général du Canada, ainsi que dans le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. En ce moment, à l’autre endroit, le Comité permanent de la condition féminine prévoit réaliser une étude majeure à ce sujet.

Nous avons à notre disposition des solutions et des recommandations pour remédier à la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons. Les faits sont convaincants : le système de justice pénale manque à ses obligations envers les femmes autochtones, qui constituent maintenant la population carcérale en plus forte croissance au Canada.

Voici ce qu’ont dit certains experts et rapports. En 2017, Ivan Zinger, l’enquêteur correctionnel du Canada, a publié son rapport annuel et affirmé ceci :

Selon moi, l’accroissement, année après année, de la surreprésentation des peuples autochtones dans les prisons et les pénitenciers du Canada constitue l’un des enjeux les plus pressants de ce pays en matière de justice sociale et de droits de la personne.

L’ancien enquêteur correctionnel du Canada, Howard Sapers, a récemment comparu devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, et il a commencé son témoignage en disant ceci :

Presque tout ce que je m’apprête à dire ce soir est encore pire lorsqu’il est question de femmes qui doivent comparaître devant les tribunaux, qui ont des démêlés avec la justice et qui finissent par être incarcérées dans des établissements provinciaux ou fédéraux. Dans le système fédéral, depuis avril 2012, la population carcérale de femmes autochtones a augmenté de près du tiers, d’environ 32 p. 100.

Les Autochtones représentent moins de 5 p. 100 de l’ensemble de la population canadienne, mais les femmes autochtones représentent 37 p. 100 de la population carcérale fédérale.

M. Sapers a conclu son intervention en disant que la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice pénale canadien est profondément enracinée dans la discrimination historique et systémique qui constitue l’héritage raciste du colonialisme.

Le professeur James Daschuk, spécialiste en santé des Autochtones, a dit au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones que l’efficacité des politiques publiques peut être évaluée à l’aune des effets qu’elles ont sur la santé des gens dans les populations touchées. Les bonnes politiques améliorent la vie des gens; les mauvaises ont l’effet contraire. Il a ajouté que les déterminants sociaux de la criminalité sont essentiellement les mêmes que les déterminants sociaux de la santé. Les choses qui nous rendent malades sont probablement celles qui mènent les gens à avoir des démêlés avec la justice, puis à se retrouver en prison.

(1750)

Récemment, le gouvernement de l’Ontario a publié un rapport intitulé Cheminer ensemble : l’engagement de l’Ontario envers la réconciliation avec les peuples autochtones, dans lequel il déclare ceci :

Des liens clairs ont été établis entre la surreprésentation des Autochtones impliqués dans le système de justice et l’expérience des communautés autochtones dans les pensionnats. Comme à l’intérieur des murs des pensionnats, les délinquants autochtones ressentent une profonde aliénation derrière les barreaux des établissements carcéraux. Ce sont des endroits où le racisme est chose courante.

Comme vous le savez, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a parcouru le pays d’un bout à l’autre pour écouter les histoires de survivants des pensionnats et recueillir des documents d’archives. Les survivants expliquaient souvent comment ils se sont retrouvés dans le système de justice pénale plus tard dans leur vie à cause du traumatisme et des mauvais traitements qu’ils ont subis à l’école.

Le rapport final de la commission comprend 94 appels à l’action, et 3 d’entre eux portent sur le système de justice de façon à afin régler le problème de la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons.

Par exemple, l’appel à l’action no 30 demande au gouvernement de s’engager à éliminer la surreprésentation des Autochtones en détention et de mettre en place un processus qui évalue de près les progrès en ce sens.

L’appel à l’action no 31 demande au gouvernement de procéder à une évaluation et d’établir des sanctions communautaires réalistes qui offriront des solutions de rechange à l’incarcération des délinquants autochtones, de fournir un financement suffisant et stable à cet égard et d’offrir des programmes adéquats et accessibles qui s’attaquent aux causes sous-jacentes du comportement délinquant.

Enfin, l’appel à l’action no 32 demande au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel afin de permettre aux juges de première instance, avec motifs à l’appui, de déroger à l’imposition des peines minimales obligatoires de même qu’aux restrictions concernant le recours aux peines d’emprisonnement avec sursis.

Honorables collègues, en ce qui concerne la façon dont les peuples autochtones du pays sont traités, la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons est une tache de plus à notre dossier, et c’est une situation à laquelle le pays devra remédier ou sur laquelle il sera jugé. Selon des recherches, des études et les experts, les politiques et les lois qui, encore aujourd’hui, emprisonnent des hommes et des femmes et séparent des familles dans les communautés autochtones datent de l’époque où le Canada cherchait à se débarrasser du problème des Indiens.

Ce sera effectivement un problème très coûteux si nous ne faisons rien pour le résoudre. Selon les estimations que le directeur parlementaire du budget a fournies le mois dernier, le coût d’incarcération d’une femme dans une unité à sécurité moyenne d’un pénitencier fédéral s’élève à 172 717 $ par année. L’incarcération d’une femme dans une unité d’isolement à sécurité maximale, ce qu’on appelle également une installation résidentielle structurée, coûte entre 486 558 $ et 533 765 $ par année.

Lors de nos recherches dans le cadre de l’Enquête publique sur l’administration de la justice et les peuples autochtones, nous avons souligné que les dépenses liées aux programmes d’aide sociale pour les Autochtones représentent le dixième des dépenses liées à l’incarcération. À titre de comparaison, soulignons que le coût d’une peine purgée par une femme dans la collectivité est de 18 000 $ par année.

Ce coût continuera d’augmenter si nous ne faisons rien pour y remédier. Plus important encore, c’est un coût que devront assumer les enfants, les familles et les communautés autochtones.

Cela n’a rien de nouveau pour nous. La Commission de la santé mentale du Canada a été créée à la suite d’une recommandation d’un rapport du Sénat intitulé De l’ombre à la lumière : La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada.

Des études ont révélé que les troubles de santé mentale sont un grave problème pour les détenus autochtones et que les programmes communautaires de santé mentale ne permettent toujours pas de remédier à la situation de façon adéquate dans la communauté.

Nous savons que la loi actuelle permet au Service correctionnel du Canada d’offrir des soins de santé mentale et des options communautaires pour les détenus. En dépit de cela, le Service correctionnel du Canada choisit de continuer d’investir dans l’incarcération.

En tant que parlementaires, nous pouvons créer des lois et en faciliter l’adoption afin de diminuer le recours à l’incarcération. Nous pouvons aussi faire en sorte que des programmes de soins de santé mentale soient disponibles pour ceux qui en ont désespérément besoin. C’est tout simplement ce qu’il convient de faire. Il ne s’agit pas d’un système de justice, mais d’un système juridique défaillant. Il est possible de changer les choses si nous travaillons tous ensemble. Votre appui changera des vies. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je souhaite vous informer que, conformément à l’article 6-12 du Règlement, si la sénatrice Pate prononce son discours maintenant, son intervention aura pour effet de clore le débat sur cette interpellation.

Sénatrice Andreychuk, voulez-vous proposer l’ajournement?

L’honorable A. Raynell Andreychuk : S’il y a une raison convaincante de clore le débat aujourd’hui, je ne m’y opposerai certainement pas, mais, dans le cas contraire, j’aimerais proposer l’ajournement.

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

Les crises qui sévissent à Churchill, au Manitoba

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Bovey, attirant l’attention du Sénat sur les crises qui sévissent à Churchill au Manitoba.

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Je propose d’ajourner le débat sur cette interpellation.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion du sénateur Mercer, le débat est ajourné.)

[Français]

Les défis de l’alphabétisation et des compétences essentielles au vingt et unième siècle

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Bellemare, attirant l’attention du Sénat sur les défis de la littératie et des compétences essentielles au 21e siècle pour le Canada, les provinces et les territoires.

L’honorable Raymonde Gagné : Honorables sénateurs, je remercie l’honorable sénatrice Bellemare d’avoir lancé cette interpellation et de nous avoir invités à réfléchir sur l’alphabétisation et le développement des compétences de base au XXIe siècle.

La sénatrice Bellemare a proposé trois questions dans son interpellation. Premièrement, elle a demandé les constats que l’on peut tirer de l’examen des statistiques sur le niveau d’alphabétisation et des compétences de base des Canadiens. Sa présentation à ce sujet était claire et exhaustive. Elle nous a permis de conclure que le Canada est loin de se démarquer en la matière et traîne même derrière plusieurs pays. Elle nous a permis aussi de constater l’existence d’inégalités au sein même du Canada, d’une province à l’autre.

Je souhaite aujourd’hui en dire davantage sur cette question et présenter non pas les statistiques liées au niveau d’alphabétisation et aux compétences de base de tous les Canadiens, mais plutôt sur l’offre de services au Canada. Il est impératif de bien définir l’état des lieux au Canada, surtout parce que l’existence d’inégalités d’une province à l’autre nous porte à croire que l’offre de services et de ressources est tout aussi inégale.

Je me limiterai, à cette étape-ci de mon intervention, aux défis que vivent les communautés de langue officielle en situation minoritaire et les nouveaux arrivants au sein de ces communautés. Si j’aborde l’enjeu de l’alphabétisation de cette perspective, c’est d’abord pour représenter adéquatement les enjeux des communautés que je connais bien, mais aussi pour démontrer que l’alphabétisation, au-delà d’un enjeu économique, a plusieurs facettes et entraîne des impacts humains et communautaires importants. Certains obstacles et certaines réalités sont spécifiques à ces communautés, alors que d’autres se perpétuent ailleurs aussi.

Les données que je vous présente sont tirées en majeure partie d’un rapport tout récent, qui a été publié le 26 mars dernier et qui s’intitule Développement de l’alphabétisme et des compétences essentielles dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire : Une analyse des besoins.

Ce rapport, rédigé par Marc L. Johnson sous la direction de Linda Cardinal, fait partie d’une étude menée par la Chaire de recherche sur la francophonie et les politiques publiques de l’Université d’Ottawa. L’étude portait entre autres sur les questions suivantes : a) Quel est l’écart entre l’offre en développement de l’alphabétisme et des compétences de base (DACE) dans la langue de la majorité et celle dans la langue de la minorité?; b) Dans quelle mesure le problème du DACE touche-t-il la population adulte des communautés de langue officielle en situation minoritaire (CLOSM)?; c) Quelle est la nature de la demande de services en DACE dans les CLOSM?; d) Quels sont les besoins spécifiques à la formation à l’employabilité?; e) Quel est le portrait général qui se dégage en matière de besoins en DACE dans les CLOSM des provinces et territoires?

(1800)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures et, selon l’article 3-3 du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que les sénateurs consentent à ne pas voir l’horloge.

Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs, pour ne pas voir l’horloge?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Gagné : Les chercheurs ont eu recours à plusieurs sources de données pour étoffer leurs recherches, et ont aussi étudié les opinions et perceptions de plusieurs intervenants, y compris les fournisseurs de services en DACE, les apprenants adultes, les leaders de la communauté et les employeurs.

C’est donc une recherche d’envergure, et les résultats sont intéressants. Cette recherche revêtait un intérêt particulier pour les communautés, car elle coïncidait aussi avec ce qui paraissait être la fermeture imminente du Réseau pour le développement de l’alphabétisme et des compétences, le RESDAC, par manque de financement de base. Je souligne ici que le RESDAC a finalement été sauvé in extremis.

Qu’apprenons-nous donc de cette étude? En voici les constats principaux et récurrents, qui ont été réalisés dans toutes les provinces et dans les territoires.

Premièrement, les besoins des communautés touchent tant au contexte du travail qu’à celui de la vie personnelle, familiale et communautaire. Deuxièmement, nous apprenons aussi que, globalement, les communautés francophones ont un niveau d’alphabétisme plus faible que celui de la population en général. Il y a donc un besoin d’améliorer non seulement les compétences et techniques liées à l’employabilité, mais aussi les compétences de base. Troisièmement, les communautés voient le développement des compétences essentielles comme une composante importante de leurs besoins. Les compétences essentielles sont définies comme étant, et je cite :

[...] à la base de l’apprentissage de toutes les autres compétences et [permettent] aux gens de mieux se préparer pour obtenir et conserver un emploi, et de s’adapter et de réussir au travail.

Or, pour les communautés, leur utilité ne se limite pas au contexte du travail.

Quatrièmement, il y a une grande demande pour la formation linguistique partout au pays. Les besoins évoqués sont divers : des francophones ou des conjoints de familles exogames veulent parfaire leurs compétences en français pour accompagner leurs enfants à l’école ou leur transmettre cette langue; des immigrants francophones veulent atteindre une meilleure maîtrise du français et apprendre l’anglais; des anglophones natifs ou immigrants veulent devenir bilingues.

Finalement, des besoins importants existent dans le développement des compétences techniques, qui peuvent servir directement au travail. Or, dans la plupart des communautés francophones, ces compétences ne seront pas développées en français, et la formation en milieu de travail est mal adaptée au contexte minoritaire.

Qu’en est-il maintenant des obstacles et des défis? Plusieurs obstacles sont d’ordre personnel. Le faible taux d’alphabétisme parmi les francophones qui ont souvent été privés de scolarisation en français pendant leur jeunesse devient un problème qui se perpétue : le manque de confiance que ressentent bon nombre d’adultes envers leurs propres compétences les décourage de suivre des formations. Une mauvaise expérience scolaire découragera aussi les adultes, plusieurs années plus tard, de retourner à tout type de formation. Plusieurs ont aussi peur d’être victimes de stigmatisation de la part de leur entourage. Le faible niveau d’alphabétisme est aussi parfois lié à d’autres circonstances de la vie associées à la santé mentale, par exemple des traumatismes psychologiques, des troubles d’apprentissage, de l’anxiété, une faible estime de soi, et cetera.

D’autres obstacles proviennent de l’environnement. Le manque de moyens est un obstacle récurrent. L’aide financière qui est parfois offerte ne permet pas de remplacer un revenu d’emploi, et ne couvre pas d’ailleurs les frais accessoires, tels que les frais de déplacement et de services de garde. Cette barrière touche particulièrement les adultes réfugiés et les mères monoparentales. Une situation socioéconomique précaire et l’absence de perspectives réelles d’emploi dans la région de résidence sont aussi des obstacles à l’alphabétisation et à la formation, puisqu’on n’en voit pas l’utilité. Finalement, même là où les services en matière de développement des compétences existent, ils restent souvent méconnus de la clientèle cible.

Voilà donc la vue d’ensemble de cette importante et récente recherche.

Passons maintenant à la deuxième question de la sénatrice Bellemare : est-il important de se préoccuper de la situation?

Notre collègue, l’honorable sénatrice Bellemare, a présenté de manière très éloquente les bienfaits économiques de l’alphabétisation et de la littératie. Il est démontré que les niveaux d’alphabétisme les plus élevés sont associés à de meilleurs revenus et à la réduction du risque de se retrouver au chômage.

La littératie, cependant, est aussi, et peut-être même surtout, un enjeu humain et communautaire. Les problèmes associés au manque d’alphabétisation freinent la pleine participation des Canadiens à la vie civique, économique, sociale et culturelle, et diminuent, par conséquent, leur capacité de contribuer au développement de leurs communautés respectives.

La recherche menée par Marc Johnson est très utile à ce sujet. En Colombie-Britannique, par exemple, où il existe un écart important entre ce qui est offert en anglais et en français, les intervenants ont expliqué que, si les besoins liés à l’emploi sont importants, ce secteur ne couvre pas tous les besoins des francophones. Ils ont insisté sur le fait que des adultes moins alphabétisés n’ont pas les mêmes chances que les autres de participer au développement de leur communauté.

Bref, le manque de ressources suffisantes et adaptées à l’alphabétisation dans les communautés de langue officielle empêche le gouvernement fédéral de s’acquitter de sa responsabilité en matière d’égalité réelle des deux communautés de langue officielle dans plusieurs provinces.

En Alberta, plusieurs générations de la communauté franco-albertaine n’ont pas été scolarisées en français, ce qui crée des défis particuliers en matière d’alphabétisation.

Dans ma province, le Manitoba, compte tenu de l’interdiction du français dans les écoles jusqu’à la fin des années 1960, l’alphabétisme en français était quasi inexistant pour une grande partie de la population francophone, et une grande insécurité linguistique s’est créée au sein des collectivités.

Aujourd’hui, il existe une gamme assez diversifiée de services de formation en matière d’employabilité et en formation des adultes francophones, même si l’offre en français n’est pas égale à l'offre en anglais.

Or, le même constat particulier s’est imposé. Parmi les personnes participant à des formations qui portaient sur l’amélioration de leurs compétences orales et écrites en français, certaines motivations revenaient plus souvent, comme celle de maintenir la langue française ou de renouer avec la langue maternelle, de participer à la communauté et de valoriser le français dans le contexte familial.

Selon Marc Johnson, le maillon faible du continuum de l’éducation en français semble être celui de l’alphabétisation, qui reste sous-financée par rapport au reste.

Ce constat dénote une opposition directe entre la réalité sur le terrain et le caractère réparateur des droits linguistiques constitutionnels et quasi constitutionnels des Canadiens. Bref, l’alphabétisation, au-delà des enjeux économiques, touche au tissu même de nos identités personnelles, et même à notre identité nationale.

Cela nous amène à la troisième et dernière question posée par la sénatrice Bellemare : peut-on faire mieux que ce qu’on fait déjà?

Dans un article de Suzanne Smythe, de l’Université Simon Fraser, la citation suivante, de la National Adult Literacy Association de l’Irlande, a touché une corde sensible :

[Traduction]

Malgré sa réputation bien méritée d’excellence en matière de recherche dans le domaine de l’alphabétisation des adultes, le Canada n’a rien qui se rapproche d’une politique cohérente ou systématique dans ce domaine.

[Français]

L’article poursuit, dans sa conclusion, en disant ce qui suit :

[Traduction]

Une politique en matière d’alphabétisation ne porte jamais uniquement sur l’alphabétisation; les significations et les pratiques qui y sont prévues sont établies et remaniées dans le cadre d’un ensemble de facteurs, de textes et de pratiques en constante évolution.

[Français]

Il est clair qu’il faut prévoir une coordination nationale si nous souhaitons faire de l’alphabétisation une priorité au Canada. La recherche sur la réalité au pays et sur les différents enjeux est bien avancée. Il manque maintenant une politique publique cohérente et ambitieuse.

(1810)

Cette politique publique doit être cohérente, car, à l’heure actuelle, les investissements en matière d’alphabétisation dépendent de la bonne volonté de chaque province ou territoire. Il y a peu d’investissements fédéraux, malgré l’importance de l’enjeu pour le pays. Elle doit aussi être ambitieuse, car nous avons pour l’instant mis l’accent sur une approche des plus limitatives.

[Traduction]

Le Canada est passé d’une politique axée sur la formation de la main-d’œuvre à une politique axée sur la formation professionnelle. C’est donc dire que les programmes d’alphabétisation ne sont valorisés que s’ils peuvent conduire à un emploi, peu importe lequel, qu’il s’agisse ou non d’un bon emploi. Nous attachons plus d’importance à l’emploi et à la création d’emplois qu’à toute autre chose, y compris l’épanouissement des citoyens et la participation à la vie civique.

Dans son article intitulé « Ten Years of Adult Literacy Policy and Practice in Canada — The New Precariat », Suzanne Smythe brosse un excellent tableau de la situation. Elle explique que les recherches scientifiques, par exemple l’Enquête sur la littératie et les compétences des adultes, ou ELCA — une enquête nationale comparative qui procure aux pays participants des données sur les compétences de la population adulte — mentionnent trois niveaux de littératie, le niveau 3 étant associé à l’employabilité.

Notons que cette enquête avait pour but de guider les politiques liées au rôle de l’accès à l’éducation en milieu de travail, et non de donner priorité à un groupe plutôt qu’à un autre. La politique publique s’est toutefois davantage concentrée sur la classification des personnes, notamment au moyen des niveaux 1, 2 et 3.

Quelle est devenue la priorité de la politique publique? Elle a choisi de repérer les personnes qui avaient un niveau 2 très fort et d’améliorer leurs compétences jusqu’à ce qu’elles atteignent le niveau 3, associé à l’employabilité. Bref, ces efforts visent avant tout à repérer les personnes dans lesquelles il peut être particulièrement rentable d’investir, au lieu de voir la littératie et l’éducation comme un continuum dans lequel chaque personne compte.

Investir dans les personnes qui se situent presque au niveau 3, et dont l’illettrisme n’est pas très marqué, permet évidemment d’obtenir des résultats plus rapides. Cela signifie toutefois que de grands segments de la population, où les besoins sont particulièrement criants, n’ont pas de ressources, ou presque pas. La nouvelle orientation de notre politique publique constitue, en quelque sorte, une déformation des recherches sur lesquelles elle s’appuie.

Par conséquent, on accorde très peu d’attention aux autres objectifs de l’alphabétisation, tels que la participation au sein de la communauté. J’ai parlé de ces objectifs dans le contexte des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Plusieurs d’entre vous, honorables collègues, peuvent penser au rôle essentiel de l’alphabétisation pour habiliter d’autres communautés ainsi que les Canadiens vulnérables dans un contexte qui va bien au-delà de l’emploi.

[Français]

Ce qu’il faut, honorables collègues, c'est une politique publique nationale canadienne qui place la réussite de la personne apprenante au centre de toute action. Dans ce modèle, tous les partenaires doivent être impliqués : les apprenants, les communautés, les organismes ou organisations, les écoles et les institutions postsecondaires, les syndicats, les employeurs, les associations professionnelles, les formateurs et les éducateurs, les chercheurs, les municipalités, les provinces, les territoires et, bien sûr, le gouvernement fédéral.

La stratégie nationale de l’Australie, dont la sénatrice Bellemare nous a fait part, mérite une attention particulière, compte tenu de sa structure — une fédération où les États jouent le rôle principal en matière d’éducation et de formation.

Dans son rapport intitulé Un plaidoyer pour une approche globale et continue de la formation des adultes francophones en milieu minoritaire du Canada, le RESDAC affirmait ce qui suit, et je cite :

Dans le contexte d’objectifs de développement durable 2030 de l’ONU, qui vise à éradiquer la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous, la responsabilité du Canada à titre de signataire nous oblige de faire rapport sur le progrès selon des critères économiques, sociaux et citoyens.

Honorables collègues, j’appuie les conclusions de la sénatrice Bellemare. Le Canada peut et doit faire mieux. Il doit surtout, permettez-moi de le répéter, accorder le même niveau d’attention aux critères sociaux et citoyens qu'aux critères économiques.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Gagné, acceptez-vous de répondre à une question?

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : J’aimerais tout d’abord vous féliciter pour votre argumentation. C’est très bien décrit et documenté. Je trouve que l’angle des communautés de langue officielle en situation minoritaire est particulièrement intéressant.

J’ai lu un rapport récent sur la littératie, et les jeunes Canadiens âgés de 15 ans environ ont de graves problèmes d’alphabétisme. Environ 11 p. 100 de la population canadienne n’atteint pas le niveau 2.

Dans vos analyses, avez-vous remarqué si les jeunes des communautés de langue officielle en situation minoritaire sont plus défavorisés en matière d’acquisition de compétences que les anglophones, par exemple?

La sénatrice Gagné : Je vous remercie de votre question. J’étais l’une des personnes qui sursautaient chaque fois que je voyais les résultats des compétences des jeunes dans les écoles de la francophonie canadienne, surtout au Manitoba. En tant qu’ancienne rectrice de l’université, je me demandais comment on pouvait être en mesure de mieux former les enseignants dans les écoles pour rehausser les compétences des élèves en matière de langue et de numératie, et cetera.

Le grand défi est de faire face à l’insécurité linguistique où les jeunes ont beaucoup plus tendance, malgré l’environnement dans lequel ils se retrouvent, soit l’espace francophone, de se tourner vers l’anglais, étant donné les défis associés au fait d’être immergé dans une mer d’anglophones.

De toute évidence, pour bâtir cette capacité, cette sécurité linguistique, il nous faut beaucoup plus de ressources pour...

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Souhaitez-vous terminer votre propos?

La sénatrice Gagné : Oui, si vous me le permettez.

Il s’agit de bâtir cette identité francophone. Il y a vraiment un manque de ressources, et c’est un défi pour la francophonie canadienne. Je parle au nom de ma province en particulier.

(Sur la motion du sénateur Cormier, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Les pères fondateurs du Canada

Lord Durham—Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 28 mars 2018 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur les grands fondateurs de la nation et leur acte constitutif, à savoir l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, ainsi que sur le cadre conceptuel et exhaustif unique de cet Acte, exprimé à l’article 91 en ces mots : « [i]l sera loisible à la Reine […] de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada »; sur lord Durham, le politicien-diplomate britannique whig qui a été envoyé dans l’Amérique du Nord britannique pour examiner, en vue d’en faire rapport, les problèmes politiques assaillant les provinces nord-américaines toujours britanniques et sur son célèbre et révolutionnaire rapport de 1839, Rapport de lord Durham, haut-commissaire de Sa Majesté et gouverneur général de l’Amérique du Nord britannique, sur les affaires de l’Amérique du Nord britannique [traduction], dans lequel il recommandait avec audace la mise en place de gouvernements responsables dans le Haut-Canada, le Bas-Canada et les provinces maritimes.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de mon interpellation no 42 concernant les êtres humains exceptionnels et dévoués qui ont bâti notre pays, le Canada, et sa Constitution formidable, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867. Je parlerai de John George Lambton, appelé lord Durham, le politicien-diplomate britannique whig qui a été envoyé pour examiner, en vue d’en faire rapport, les rébellions et les problèmes politiques assaillant les Canadas des provinces nord-américaines britanniques. Je parlerai également de la réunification du Haut-Canada et du Bas-Canada pour former la Province unie du Canada grâce à l’Acte d’Union de 1840, dont le nom complet était Acte pour réunir les Provinces du Haut et du Bas-Canada, et pour le Gouvernement du Canada.

Chers collègues, je parlerai du projet de loi présenté en 1807 par le premier ministre whig lord Grenville, qui visait à abolir et à proscrire la traite des esclaves africains. Rédigée par le célèbre avocat et abolitionniste britannique James Stephen, cette loi britannique a mis fin à la traite des esclaves et à ses souffrances, notamment la traite et la vente transatlantiques d’êtres humains, l’achat et la vente de personnes, et le sacrilège abominable que représentent le commerce, la possession et le legs de vies humaines. Le voyage barbare et inhumain que l’on appelait le Passage du milieu était la traversée de l’Afrique à l’Amérique et aux Antilles. Les esclaves africains faisaient la moitié du tour du monde et passaient par trois continents : l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. C’est un voyage qui est bien connu pour les souffrances barbares et sauvages qui étaient infligées aux Africains enchaînés et entassés par les marchands d’esclaves comme de la vulgaire marchandise sur leurs bateaux. Ils étaient embarqués pour le long périple du Passage du milieu, où des millions d’Africains ont péri au cours des siècles qu’a duré ce commerce diabolique. Qu’un si grand nombre d’Africains aient survécu au Passage du milieu et à l’esclavage tient vraiment du miracle. C’est aussi une ode à l’éternel désir de vivre des êtres humains, à l’instinct de survie qui habite l’âme humaine, qui façonne puissamment le caractère des êtres humains et les amène à poursuivre inlassablement leur existence. L’instinct de survie, la volonté de vivre est le trait dominant des humains. Je vous lis le célèbre discours de lord Grenville, premier ministre whig, le 5 février 1807, dans la Chambre des lords, lors du débat sur le projet de loi qui lui a fait honneur, la loi de 1807 sur l’abolition de la traite des esclaves. Voici les propos de lord Grenville cités dans le volume VIII de l’ouvrage Cobbett’s Parliamentary Debates, aux articles 657 à 664 :

(1820)

J’espère que Vos Seigneuries me pardonneront si, dans ma présentation détaillée des arguments sur lesquels repose cette mesure importante, je reprends certaines idées qui vous sont devenues familières au fil des discussions qui durent depuis 20 ans […] Toutefois, Vos Seigneuries, je vais entrer sans plus tarder dans le vif du sujet, et ce, pour citer d’entrée de jeu l’argument justifiant cette mesure, soit la justice. Cette mesure repose sur la justice et réclame impérativement l’approbation et l’appui de Vos Seigneuries. S’il ne s’était agi que d’une question d’humanité, il aurait été normal qu’il soit laissé à Vos Seigneuries la tâche de définir les limites de l’humanité à manifester selon leur bon jugement. S’il s’était agi simplement des intérêts ou de la bonne conduite des affaires de l’Empire britannique dans les Antilles, Vos Seigneuries auraient certainement eu la latitude de définir la portée et la nature de la loi à adopter. Mais, dans ce cas, c’est la justice qui, à mon avis, exige que Vos Seigneuries abolissent la traite des esclaves. J’ai entendu certaines opinions selon lesquelles la justice pourrait englober des principes qui se contredisent. Or, Vos Seigneuries, la justice est unique, uniforme et immuable […] Elle reste toujours la même et, par cette mesure, vous êtes appelés à faire justice non seulement pour les peuples indigènes d’Afrique opprimés et meurtris, mais aussi pour vos propres planteurs. Vous devez vous interposer entre les planteurs de vos îles et la ruine et la destruction auxquelles ils courent […] Vos Seigneuries savent que ce commerce est le plus criminel qu’un pays puisse faire. Elles connaissent la grande culpabilité qui a résulté de la pratique de ce commerce, où de malheureux Africains ont été arrachés par milliers et par dizaines de milliers à leur famille, leurs amis, leur parenté et leur milieu social pour être condamnés à une vie d’esclavage et de misère. Elles comprennent qu’après l’accumulation de toute cette culpabilité, ce trafic criminel devra forcément aboutir à la ruine des planteurs de vos îles, qui espèrent vainement pouvoir continuer d’en tirer des profits. Alors, il ne doit plus faire aucun doute dans vos esprits que ce commerce détestable doit être aboli immédiatement […] Abolissons ce trafic criminel, Vos Seigneuries, et nous pourrons entrevoir avec bonheur le jour où, les esclaves étant devenus dans une large mesure des indigènes des îles, ils pourront jouir de la protection qui leur aura été accordée et des bons traitements qui seront désormais leur lot. Ils manifesteront un attachement au pays qui leur aura accordé ces avantages […] Vos Seigneuries, je ne pense pas qu’une personne qui considère la question en toute impartialité puisse dire non à la mesure qui vous est proposée pour abolir la traite des esclaves. De quel droit une institution humaine ou une ordonnance divine pourrait-elle nous permettre d’arracher des indigènes à leur terre d’Afrique, de les priver de force des moyens de travailler pour améliorer leur sort et de les obliger à donner leur sueur pour notre profit? Si, en agissant ainsi, nous commettons une grossière injustice et nous opprimons des êtres humains comme je le crois, pouvons-nous douter de la nécessité de laver la conscience du pays, de supprimer la tache laissée par un trafic aussi répréhensible, où nous maintenons l’Afrique dans la barbarie et la désolation? […] Cette mesure a été rejetée deux fois par cette Chambre, et si ce trafic inique n’est pas aboli maintenant, ce sont Vos Seigneuries qui devront en porter la responsabilité. Nous devons déplorer la perte, dans l’autre Chambre du Parlement, de quelques-uns des défenseurs les plus habiles et des plus distingués de l’abolition. Nous devons aussi déplorer la perte, dans cette enceinte, de certains défenseurs de cette cause parmi les compétents et les plus acharnés. Néanmoins, si Vos Seigneuries voulaient bien se prononcer pour l’abolition de ce commerce inhumain qui se paie au prix du sang, comme je sais que vous vous sentirez obligés de le faire vu votre caractère et le caractère de votre pays, la mesure sera portée dans l’autre Chambre du Parlement avec vigueur par une personne envers laquelle le pays a une grande dette de reconnaissance pour avoir été la première à proposer la mesure et pour y avoir consacré tous les efforts possibles chaque fois qu’il pouvait y avoir une chance qu’elle soit adoptée.

Je ne puis concevoir de conscience plus profondément gratifiante que celle dont jouit assurément cette personne lorsque entre en vigueur une mesure à laquelle elle a consacré le labeur de sa vie — une mesure si indéniablement bienveillante, si admirablement propice à la prospérité vertueuse de son pays et au bien-être de l’humanité —, une mesure qui répandra le bonheur parmi des millions d’êtres vivants et pour laquelle sa mémoire sera bénie par des millions d’êtres à naître. Je dois présenter mes excuses à Vos Seigneuries pour les avoir importunées si longtemps, mais sur une mesure d’une telle importance — une mesure qu’il m’a fallu 20 ans de labeur pour mener à bien —, le zèle ardent que je ressens d’avoir atteint un tel objet plaidera, je l’espère, en ma faveur.

Honorables sénateurs, voilà les mots de lord Grenville, qui a donné son nom au comté de Grenville. Ce que j’ai cherché à montrer par ces discours, c’est que tous les grands hommes britanniques qui se sont autant investis dans l’édification et la création du Canada étaient de fervents abolitionnistes. Très peu de gens le savent, mais c’est un fait historique.

Honorables sénateurs, le projet de loi de lord Grenville, la loi de 1807 sur l’abolition de la traite des esclaves, est entré en vigueur le 1er janvier 1808. Peu de temps après, dans les années 1830, un grand mouvement de réformes politiques était largement amorcé dans le Haut-Canada et le Bas-Canada. Mené par les réformistes canadiens, le mouvement a exigé, à juste titre, un gouvernement responsable, ce à quoi s’est vivement opposé le pouvoir exécutif, peu disposé à coopérer avec ce mouvement de réformes en pleine croissance.

Chers collègues, la loi constitutionnelle britannique suivante fut l’Acte d’union de 1840, qui réunit le Haut-Canada et le Bas-Canada sous le nom de Canada-Uni, formé du Canada-Ouest et du Canada-Est, qui deviendront respectivement l’Ontario et le Québec. Cette loi de 1840 a été la réponse de la Grande-Bretagne aux troubles politiques et aux rébellions de 1837 concernant la classe dirigeante et le parti officiel, le Pacte de famille, et leur résistance farouche à l’opposition inconditionnelle des réformateurs populaires. De plus, pesaient très lourd les appels du peuple au changement et la quête de pouvoirs constitutionnels, à savoir le contrôle des dépenses publiques et des initiatives financières de la Couronne, que menaient les assemblées législatives. Conjugués à la rébellion de 1837, tous ces facteurs ont rendu nécessaires et inévitables les changements constitutionnels et politiques. Cette agitation a été à l’origine de la mission menée au Canada en 1837 par lord Durham, diplomate britannique, libéral et whig, et de son étude sur les problèmes politiques des deux Canada. Dans son fameux rapport, faisant preuve d’audace et de courage, il recommande le gouvernement responsable pour les deux Canadas, devant être nommés respectivement le Canada-Est et le Canada-Ouest.

Honorables sénateurs, lord Durham a publié en 1839 le rapport intitulé Rapport de lord Durham, haut-commissaire de Sa Majesté, etc., etc., sur les affaires de l’Amérique septentrionale britannique. Il a présenté son rapport aux deux Chambres du Parlement britannique le 11 février 1839. Le célèbre document a été imprimé dans les Canadas par le Morning Courier, sur la rue Saint-François-Xavier, à Montréal. On peut lire ce qui suit aux pages 87 et 88 du rapport de lord Durham :

C’est sur cette question de la responsabilité du Conseil exécutif que la grande contestation s’est poursuivie longtemps entre le parti Officiel, et les Réformistes; car le parti Officiel, comme tous les partis depuis longtemps en pouvoir, ne voulait pas naturellement se soumettre à aucune responsabilité qui abrègerait son règne ou qui entraverait l’exercice de son autorité. Opposé à reconnaître aucune responsabilité envers le peuple de la Colonie, ce parti paraît n’avoir donné qu’une soumission nominale et forcée au Gouvernement Impérial, se reposant sur l’espoir de s’assurer une indépendance virtuelle par cette soumission nominale à l’autorité éloignée du Département Colonial, ou au pouvoir d’un Gouverneur, sur la politique duquel ils étaient certains d’obtenir une influence souveraine. Les vues de la grande masse des Réformistes paraissent avoir été limitées, suivant leur expression favorite, à rendre la constitution de la Colonie « une exacte copie » de celle de la Grande-Bretagne; et ils désiraient seulement que la couronne dans le Haut-Canada, comme en Angleterre, confiât l’administration des affaires à des hommes qui possédassent la confiance de l’Assemblée.

C’était la définition de gouvernement responsable en 1840.

On ne peut douter cependant qu’il y en avait un grand nombre qui voulaient assimiler les institutions de la Province plutôt à celles des États-Unis qu’à celles de la Mère-Patrie.

(1830)

Honorables sénateurs, grâce aux efforts du Haut-Canada et du Bas-Canada, à l’agitation politique, ainsi qu’à l’excellent travail et au rapport instructif de lord Durham, les provinces, c’est-à-dire le Canada-Est et le Canada-Ouest, ont obtenu le statut de gouvernement responsable en vertu de l’Acte d’union de 1840 et ont été réunies en tant que Province unie du Canada. Voici ce que prévoyait l’article III de cet acte :

Et qu’il soit statué, que depuis et après la Réunion des dites deux Provinces, il y aura dans la Province du Canada un Conseil Législatif et une Assemblée qui seront respectivement constitués et composés en la manière ci-après prescrite, et qui seront appelés « le Conseil Législatif et l’Assemblée du Canada »; et Sa Majesté aura le pouvoir de faire dans la Province du Canada, par et de l’avis et du consentement des dits Conseil Législatif et Assemblée, des Lois pour la paix, le bien-être et le bon Gouvernement de la Province du Canada […]

Chers collègues, ces mots ont été repris dans chacune des Constitutions du Canada. Très peu de Canadiens savent cela. J’ai passé des centaines d’heures à tenter de faire le récit de l’histoire du Canada dans cette enceinte afin que les personnes, jeunes et moins jeunes, qui font des recherches sur Internet pour trouver ce genre de choses — elles me disent qu’elles cherchent souvent mon nom — trouvent ces renseignements très utiles, et ce, même plusieurs années après mon départ du Sénat.

Chers collègues, en 1840, nous constatons de nouveau que le but constant de la gouvernance canadienne était la paix, le bien-être et la bonne gouvernance des deux Canadas.

Au Canada, la gouvernance vise donc la paix, l’ordre et le bon gouvernement. Chers collègues, nous sommes différents des Américains; nous ne sommes pas à la recherche du bonheur et d’autres choses de ce genre.

Honorables sénateurs, 24 ans plus tard, soit en 1864, les remarquables hommes d’État des provinces de l’Est et des Maritimes, c’est-à-dire les basses provinces, envisageaient la possibilité d’unir leurs provinces. À cette fin, ils avaient prévu tenir une rencontre en septembre 1864, à Charlottetown, capitale de l’Île-du-Prince-Édouard. Parallèlement, le Canada-Ouest et le Canada-Est ressentaient aussi le besoin de s’unir. Du 1er au 7 septembre 1864, les délégués des basses provinces se sont donc réunis à Charlottetown, à l’occasion de ce qu’on a appelé la Conférence de Charlottetown. Des délégués des deux Canadas ont participé à cette rencontre historique réunissant des représentants des provinces de l’Est et des Maritimes. La Conférence de Charlottetown a été ajournée tôt; on prévoyait se rencontrer de nouveau à Québec le 10 octobre 1864, à l’occasion d’une réunion plus vaste de délégués du Canada-Ouest, du Canada-Est, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve. Ces futurs citoyens et dirigeants du Dominion du Canada se sont réunis du 10 au 25 octobre 1864, à l’hôtel du Parlement de Québec. La Conférence de Québec fut une assemblée historique et providentielle d’hommes d’État qui, grâce à un travail ardu, sont parvenus à un accord qu’on a appelé les 72 Résolutions de Québec. Modifiées et corrigées au cours des deux années suivantes, ces résolutions sont devenues le texte de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, qui est entré en vigueur le 1er juillet 1867, après avoir reçu la sanction royale de la reine Victoria le 29 mars 1867. Les noms des nouveaux sénateurs canadiens ont été imprimés sur la Proclamation royale de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867.

Chers collègues, je dois ajouter que, cela aussi, très peu de personnes le savent.

Honorables sénateurs, pour des générations à venir, les Canadiens continueront d’être redevables à l’ami et biographe de John A. Macdonald, Joseph Pope, pour le livre qu’il a publié en 1895, dont le titre pourrait se traduire ainsi : La Confédération : Une série de documents non publiés jusqu’ici et ayant une incidence sur la Loi sur l’Amérique du Nord britannique. Il renferme les nombreuses notes prises par Joseph Pope au sujet de ces événements couronnés de succès, grâce auxquels la Confédération canadienne a été conçue et adoptée. Nous sommes également redevables à Hewitt Bernard, le frère de l’épouse de John A. Macdonald, Agnes Bernard, qui a été secrétaire de la Conférence de Québec. Ils ont pris des notes à la main — un geste d’extrême dévouement.

Son Honneur le Président : Sénatrice Cools, votre temps de parole est écoulé.

Voulez-vous qu’on vous accorde encore cinq minutes?

La sénatrice Cools : Je n’aurai pas besoin de cinq minutes.

Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Cools : Comme le secrétaire de la Conférence de Québec, à l’instar de Joseph Pope et d’autres personnes, il a pris beaucoup de notes à la main sur les débats, les résolutions et les motions adoptées lors de cette assemblée historique des Pères de la Confédération, parmi lesquels John A. Macdonald, avec son esprit clair et savant et ses compétences politiques exceptionnelles, s’est démarqué très tôt comme le primus inter pares, le premier parmi ses pairs.

Le livre de Joseph Pope est un recueil précieux de notes sur cette réunion qui a eu lieu à point nommé, la Conférence de Québec des Pères de la Confédération. Ces documents non publiés jusque-là constituent un élément important de notre histoire constitutionnelle.

Je remercie les honorables sénateurs de leur écoute et de l’attention qu’ils ont portée à mon allocution. Si le Canada a eu tant de succès au cours des 150 dernières années, je m’empresse toujours de dire que 150 ans pour une Constitution, c’est beaucoup si l’on nous compare à d’autres pays. C’est grâce au fait que nous avons eu la bénédiction et la chance d’avoir un groupe d’hommes qui, à un certain moment de l’histoire et pour bien des raisons différentes, étaient prêts à parler, à discuter et à débattre jusqu’à ce qu’ils arrivent à une entente.

Quand on lit les débats, quand on lit ces livres, on voit que ces hommes voulaient à tout prix s’entendre. Ils faisaient abstraction de leurs petits différends et se concentraient sur la résolution de problèmes essentiels.

Je pense, chers collègues, que nous sommes ici en raison de ces gens, et parce qu’ils nous ont appris, après tout, que la raison d’être de tout gouvernement — vous devez déjà le savoir — est le maintien de la paix, de l’ordre et de la bonne gouvernance. Merci.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme personne d’autre ne veut intervenir, le débat sur cette interpellation est considéré comme terminé.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 18 h 37, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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