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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 210

Le mardi 29 mai 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 29 mai 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Semaine nationale de l'accessibilité

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, nous soulignons la Semaine nationale de l’accessibilité, un moment où célébrer les accomplissements des Canadiens handicapés et reconnaître les gains obtenus par ceux qui militent pour davantage d’accessibilité au Canada.

Dans la province où j’habite, la Nouvelle-Écosse, la question de l’accessibilité est particulièrement importante, car c’est là qu’on trouve la plus grande proportion de personnes handicapées au pays. L’importance de l’accessibilité se reflète dans l’adoption, en 2017, de la loi sur l’accessibilité de la Nouvelle-Écosse. C’est un exemple qui montre bien comment l’élaboration d’une loi en consultation avec les personnes directement concernées peut amener l’accessibilité à l’avant-plan.

Pendant l’élaboration du projet de loi, les Néo-Écossais handicapés ont été consultés partout dans la province au sujet des obstacles auxquels ils sont confrontés et de ce qui pourrait être fait pour lever ces obstacles. Les principaux résultats de ces consultations ont mis en évidence l’importance de l’égalité et de l’inclusion des Néo-Écossais handicapés au sein de la société, notamment en ce qui a trait à l’accès aux services.

Ce projet de loi vise à rendre la Nouvelle-Écosse pleinement accessible d’ici 2030. Voilà qui a une portée considérable, et j’invite les Néo-Écossais à continuer d’inclure la voix des Canadiens marginalisés dans leurs travaux. Je souhaite qu’on accorde une importance particulièrement grande aux personnes handicapées qui ont également des identités qui se recoupent, comme les femmes, les personnes racialisées et les détenus.

Dans le cadre de notre étude au Comité des droits de la personne sur les droits des détenus, les témoignages recueillis dans une prison de la Nouvelle-Écosse ont révélé que certaines femmes handicapées ont été injustement placées dans des unités à sécurité plus élevée que nécessaire, parce que l’unité à sécurité minimale n’était pas accessible. De plus, ces femmes devaient elles-mêmes couvrir les coûts liés aux aides à la mobilité. L’inaccessibilité des prisons a des incidences sur tous les détenus handicapés, mais tout particulièrement sur les personnes qui sont touchées par d’autres facteurs, comme le racisme ou le sexisme en plus du capacitisme.

Honorables collègues, ainsi que toutes les personnes qui sont à l’écoute, je vous demande de réfléchir cette semaine à comment vous pouvez faire valoir les besoins des Canadiens qui ont un handicap dans le cadre de vos travaux d’élaboration de politiques.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Son Honneur Antoinette Perry, lieutenante-gouverneure de l’Île-du-Prince-Édouard, accompagnée de Kelli Ellis. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Griffin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le décès de Glen Patterson

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j’étais aux côtés de mon formidable père lorsqu’il a rendu son dernier souffle le 15 mai, à l’âge de 96 ans. Je vous remercie des condoléances que vous m’avez exprimées.

Papa était un ancien combattant, l’un des premiers forestiers professionnels de la côte Ouest, un haut dirigeant de Canfor, qui aimait la nature, la randonnée, la photographie, le jardinage et la botanique, et qui était un globe-trotteur passionné. J’ai été ravi de le surprendre en lui rendant hommage lorsqu’il a visité le Sénat l’an dernier.

Dès mon jeune âge, mon père m’a donné envie de comprendre l’importance de la politique dans nos vies et m’a donné des conseils fréquents sur les affaires canadiennes et mondiales en se fondant sur ses recherches Internet approfondies et son suivi de l’actualité.

Mon frère, ma sœur et moi gardons le souvenir d’un homme dont l’intelligence ne s’est jamais estompée au fil des ans. Nous nous souviendrons de ses nombreuses déclarations relatives à l’alimentation, à la santé et au conditionnement physique, de ses nombreuses idées bien arrêtées, de ses investissements judicieux, de la pure joie que lui procuraient la photographie et les promenades en montagne, de sa belle plume, de son ardent désir de voyager, de son amour inconditionnel des chats, de sa passion pour la musique et l’opéra et de son oreille absolue, de sa ferme résolution à demeurer autonome malgré les vicissitudes du vieillissement, et de son deuil à la suite du décès de ma mère, Isobel, en 1971, qui l’a laissé inconsolable.

J’ai eu une discussion touchante avec mon père en mars quand je suis allé le voir. Il m’a donné des lettres qu’il a envoyées, à l’âge de 17 et 18 ans, en 1938 et en 1939, quand le service aéropostal a été établi au Canada, aux maîtres de postes de collectivités éloignées de l’Arctique, dont celle du village de Craig Harbour, situé sur l’île d’Ellesmere, où un détachement de la GRC avait été établi. Je n’en revenais pas qu’il se soit informé sur les collectivités isolées de l’Arctique dans les années 1930, bien avant que j’aie le privilège de représenter ces mêmes collectivités au Sénat du Canada et qu’il leur ait tendu la main. Je lui ai dit que j’aimerais beaucoup faire une déclaration au Sénat pour souligner son geste extraordinaire. Il a rejeté l’idée, mais j’en parle aujourd’hui pour montrer combien il était déjà, très jeune, un être exceptionnel.

Mon père a manifesté toute sa vie son enthousiasme et sa reconnaissance pour le don de la vie. Quel que soit son état de santé, qui s’est détérioré à la fin de sa vie, sa réponse à la question : « Comment allez-vous? » était toujours : « Je ne pourrais aller mieux. » Il a été actif et a vécu de manière indépendante jusqu’à la fin de sa vie. D’ailleurs, il a même soulevé pendant une heure des poids avec son entraîneur personnel deux jours avant son entrée à l’hôpital.

Il y a un énorme vide dans ma vie, mais je suis heureux qu’il ait réalisé son souhait, qui était de mourir en paix dès que des problèmes de santé ont commencé à l’empêcher de vivre de façon active et indépendante.

Toute ma vie, il m’a poussé et inspiré et je suis très reconnaissant des nombreuses années où il a occupé une place importante dans ma vie. Quand je pense à ma vie, je suis conscient que c’est en grande partie grâce à lui que je suis comme je suis.

Je vous aime, papa, et vous serez toujours dans mon cœur. Merci.

Le décès de Dwight Dorey

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, Dwight Dorey était l’un de mes très bons amis. Il espérait vivre un été de plus en Nouvelle-Écosse, sa province bien-aimée. Mi’kmaq et fier de l’être, Dwight aimait ses proches, ses amis et les gens de sa région, qu’ils vivent ou non dans une réserve. Il n’a, malheureusement, pas pu voir l’été 2018, mais je suis persuadé que son esprit vole bien haut au-dessus des terres de la Nouvelle-Écosse et de l’océan qui en caresse le littoral.

Dwight nous a quittés la semaine dernière. La plus cruelle des maladies, c’est-à-dire la sclérose latérale amyotrophique, qu’on appelle parfois la maladie de Lou Gehrig, lui a enlevé la vie au terme d’un bref combat.

Honorables sénateurs, je tiens à vous raconter une petite anecdote sur la bonne vie qu’il a menée, car il n’a jamais été reconnu à sa juste valeur. Dwight a travaillé dans les années 1970 avec le célèbre Harry Daniels. Harry était président du Conseil national des autochtones du Canada. Dwight Dorey est devenu, quant à lui, chef national de ce conseil, qui a été rebaptisé « Congrès des peuples autochtones ». Ces deux hommes ont posé les premiers jalons pour la reconnaissance des droits des Autochtones vivant à l’extérieur des réserves.

(1410)

Je parle ici des droits des gens que j’appelle les oubliés ou les ignorés.

Dwight n’a jamais cessé de se battre pour ces gens, d’abord à l’échelle locale, puis jusque devant la Cour suprême. Dwight Dorey a été l’une des personnes à l’origine de l’affaire Daniels c. Canada, une action en justice intentée par le conseil en 1999. En avril 2016, soit 17 ans plus tard, la Cour suprême du Canada a jugé que les Métis et les Indiens non inscrits sont des Indiens au titre du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle, ce qui confirme la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral à leur égard.

Pourtant, encore aujourd’hui, 700 000 personnes vivant à l’extérieur des réserves attendent toujours des mesures concrètes de la part du gouvernement fédéral. Un droit est un droit. Comme l’a dit Dwight Dorey en juin 2016, après la décision de la Cour suprême :

Les Métis et les Indiens non inscrits, qui n’ont même pas la protection du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, sont beaucoup plus exposés à la discrimination et aux autres troubles sociaux. Il est exact d’affirmer que l’absence d’une initiative fédérale dans ce domaine fait en sorte qu’ils sont les plus désavantagés de tous les citoyens canadiens.

Je crois que Dwight aurait été un excellent parlementaire, et pas seulement dans le domaine de la politique autochtone. En fait, à titre de chef national du Congrès des peuples autochtones, il s’est adressé au Sénat dans le cadre de nos célébrations annuelles de la Journée nationale de l’enfant. En parlant avec son cœur et en portant le costume traditionnel, il a éveillé l’intérêt des enfants avec ses paroles inspirantes.

Cependant, honorables sénateurs, les plus grands amours de Dwight étaient sa famille et ses amis. Demain, dans la réserve Millbrook à Truro, en Nouvelle-Écosse, on se souviendra de Dwight Dorey comme d’un père, d’un grand-père, d’un frère et d’un fils.

Ses amis se souviendront de sa gentillesse, de ce jeune décrocheur à l’école secondaire qui obtiendra finalement une maîtrise en études canadiennes de l’Université Carleton. Son ami proche, le Dr Neil MacDonald, m’a dit ces mots : « Le chef Dorey est un modèle; il a consacré sa vie à améliorer celle des populations les plus démunies. »

Pour conclure, je vous lis une note inscrite dans un livre de condoléances : « Il était un homme dévoué à corriger les torts historiques, un bâtisseur de ponts et un défenseur inlassable d’un avenir meilleur pour tous. »

À la fin d’une semaine de travail ici, à Ottawa, Dwight était toujours prêt à aller boire une bière ou deux avec ses amis à la taverne Carleton. Il aimait ces moments heureux et informels où la confiance et la camaraderie prenaient toute leur importance.

Merci, honorables sénateurs.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’une délégation de l’Assemblée nationale de la République coopérative du Guyana, dirigée par son Président, l’honorable Barton Scotland.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée du vélo sur la Colline

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, nous célébrons aujourd’hui la Journée du vélo sur la Colline. Les députés et les sénateurs sont invités à participer à une randonnée en vélo jusqu’à l’autre côté de la rivière des Outaouais pour ensuite revenir sur la Colline du Parlement.

J’appuie sans réserve les efforts de Canada Bikes, la voix du cyclisme à des fins récréatives ou comme moyen de transport quotidien au pays, et de beaucoup d’autres groupes de promotion du vélo. Ensemble, ils contribuent à faire du Canada un endroit accueillant pour les cyclistes.

[Français]

Toutefois, chers collègues, nous avons grandement besoin d’infrastructures et d’une stratégie nationale en matière de cyclisme.

[Traduction]

La Journée du vélo sur la Colline est également liée à la Journée nationale de la santé et de la condition physique, qui aura lieu le samedi 2 juin. Cette initiative, menée par notre chère collègue, Nancy Greene Raine, continue de promouvoir les activités physiques auprès de l’ensemble des Canadiens.

Pour les Canadiens de tous les âges et de tous les milieux, le cyclisme est une excellente façon de faire plus d’activité physique tout en contribuant à réduire les émissions de CO2.

[Français]

Il est démontré que les pays qui surpassent le Canada en matière de santé et de condition physique utilisent beaucoup plus le vélo que nous pour se rendre à l’école et au travail.

[Traduction]

Le fait est que la plupart des Canadiens veulent faire plus de vélo; il leur faut seulement des routes plus sécuritaires.

En travaillant ensemble à réaliser le rêve de Nancy Greene Raine, nous pouvons faire du Canada le pays le plus en forme du monde. Je vous invite à vous joindre à moi, à 17 heures, devant l’édifice du Centre, pour une courte promenade à vélo qui sera l’occasion idéale de montrer vos talents de cycliste.

[Français]

Merci et à ce soir.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’une délégation de la République démocratique du Congo, menée par Félix Tshisekedi, chef de l’opposition.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’Université Memorial

L’équipe de recherche médicale—Les Prix du Gouverneur général pour l’innovation

L’honorable Norman E. Doyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à une équipe de recherche médicale de l’Université Memorial de Terre-Neuve, qui a reçu récemment l’un des six prix décernés à des Canadiens dans le cadre de la cérémonie de remise des Prix du Gouverneur général pour l’innovation. Ces prix sont remis à des personnes, des équipes ou des organismes dont les innovations tout à fait exceptionnelles et révolutionnaires ont eu une incidence positive sur la qualité de vie au Canada et dans le monde entier.

Les travaux de l’équipe de recherche médicale de l’Université Memorial ont permis d’identifier une mutation génétique létale liée à une maladie du cœur et de concevoir des méthodes de dépistage et des traitements préventifs permettant de sauver des vies. Voici ce que dit un article du Globe and Mail paru le 22 mai au sujet des réalisations de l’équipe responsable de cette innovation en matière de recherche médicale :

En janvier 2004, Terry-Lynn Young, alors fraîchement embauchée par l’Université Memorial de Terre-Neuve comme professeure adjointe de génétique moléculaire, a reçu un appel téléphonique de la morgue de l’hôpital. C’était Kathleen Hodgkinson, conseillère en génétique et épidémiologiste, qui voulait lui demander […] de l’aider à identifier la cause d’une maladie du cœur exceptionnellement répandue à Terre-Neuve qui a causé des centaines de morts prématurées. Mme Young avait déjà énormément d’engagements de recherche, mais elle a accepté d’aller à la morgue.

Sur place, elle a trouvé Mme Hodgkinson et le coroner provincial qui se tenaient de part et d’autre de la table d’autopsie où était placé un cœur humain dont un côté était un muscle sain et de l’autre, un muscle malade et fibreux.

« Voici le cœur d’un homme de 42 ans qui est mort devant ses deux enfants pendant la fin de semaine », a déclaré Mme Hodgkinson. « Allez-vous finalement accepter de participer à ce projet? »

C’est le visage inondé de larmes que Mme Young a accepté d’y participer. Avec l’appui de Mme Hodgkinson, du clinicien Sean Connors et de l’éthicien médical Daryl Pullman, elle a entrepris d’étudier l’arbre généalogique de 25 familles sur une dizaine de générations pour trouver le lien génétique à l’origine de cette maladie, appelée cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène. Au départ, c’était presque comme chercher une aiguille dans une botte de foin.

Au terme de cette recherche novatrice et sans précédent, l’équipe de l’Université Memorial a trouvé la réponse.

Pour la première fois, les familles qui vivaient dans la crainte de cette maladie ont eu la chance de savoir lesquels de leurs membres étaient à risque. Depuis, de nombreuses personnes porteuses du gène létal se sont fait implanter un défibrillateur qui permet à leur cœur de continuer à battre en dépit de la maladie.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi pour féliciter Kathleen Hodgkinson, Terry-Lynn Young, Sean Connors et Daryl Pullman, dont la découverte médicale remarquable améliore la vie de bien des gens au Canada et dans le monde.

Des voix : Bravo!

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Steve Podborski, président et PDG de Parachute, un organisme voué à prévenir les blessures et à sauver des vies. Je signale que M. Podborski est un ancien médaillé olympique et qu’il est officier de l’Ordre du Canada. Il est l’invité de l’honorable sénatrice Deacon.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mmes Amanda Wilson et Kat Lanteigne, respectivement de la Coalition canadienne de la santé et de l’organisme BloodWatch. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Wallin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le vérificateur général

Dépôt des rapports du printemps 2018

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les rapports du printemps 2018 du vérificateur général du Canada au Parlement du Canada, conformément à la Loi sur le vérificateur général, L.R.C. 1985,ch. A-17,par. 7(5).

(1420)

Langues officielles

Budget—L’étude sur la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles—Présentation du neuvième rapport du comité

L’honorable René Cormier, président du Comité sénatorial permanent des langues officielles, présente le rapport suivant :

Le mardi 29 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a l’honneur de présenter son

NEUVIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le jeudi 6 avril 2017 à examiner, pour en faire rapport, la perspective des Canadiens au sujet d’une modernisation de la Loi sur les langues officielles, demande respectueusement des fonds pour l’exercice financier se terminant le 31 mars 2019.

Conformément au chapitre 3:06, article 2(1)c) du Règlement administratif du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration ainsi que le rapport s’y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,

RENÉ CORMIER

(Le texte du budget figure en annexe aux Journaux du Sénat d’aujourd’hui, p. 3456.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Cormier, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Le Sénat

Préavis de motion visant la séance du mercredi jusqu’à la fin juin 2018

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que, jusqu’à la fin du mois de juin 2018, lorsque le Sénat siège un mercredi :

1. les dispositions de l’ordre du 4 février 2016 concernant la levée ou la suspension de la séance à 16 heures ne prennent effet qu’à 16 heures, à la fin de la période des questions, ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la dernière éventualité;

2. nonobstant les dispositions du premier paragraphe du présent ordre, la séance ne dépasse pas l’heure prévue dans le Règlement;

3. sans que cela ait une incidence sur toute autorité séparément accordée à un comité à se réunir pendant que le Sénat siège, si le Sénat siège après 16 heures conformément au présent ordre, les comités devant siéger soient autorisés à le faire afin d’étudier des projets de loi, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Projet de loi sur la modernisation des élections

Projet de loi modificatif—Préavis de motion tendant à autoriser le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles à étudier la teneur du projet de loi

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément à l’article 10-11(1) du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner la teneur du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, déposé à la Chambre des communes le 30 avril 2018, avant que ce projet de loi ne soit présenté au Sénat;

Que, aux fins de cette étude, le comité soit autorisé à siéger même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Kim Pate dépose le projet de loi S-251, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux) et apportant des modifications connexes.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Pate, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Projet de loi sur les dons de sang volontaires

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Pamela Wallin : dépose le projet de loi S-252, Loi sur les dons de sang volontaires (Loi modifiant le Règlement sur le sang).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Wallin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

Banques et commerce

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les questions relatives à la gestion du risque systémique dans le système financier, au pays et dans le monde

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le 17 octobre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce concernant son étude sur les questions relatives à la gestion du risque systémique dans le système financier, au pays et dans le monde, soit reportée du 29 juin 2018 au 28 décembre 2018.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les questions et préoccupations relatives à la cybersécurité et à la cyberfraude

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le 17 octobre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce concernant son étude sur les questions et préoccupations relatives à la cybersécurité et à la cyberfraude soit reportée du 29 juin 2018 au 30 novembre 2018.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à la motion adoptée par le Sénat le jeudi 24 mai 2018, la période des questions aura lieu à 15 h 30.

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :

Réponse à la question orale posée au Sénat le 7 février 2018 par l’honorable sénateur Oh, concernant la défense présentée relativement à un recours collectif.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 février 2018 par l’honorable sénatrice Martin, concernant le soixante-cinquième anniversaire des préparatifs de la guerre de Corée.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 février 2018 par l’honorable sénatrice Martin, concernant l’appui aux anciens combattants.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 février 2018 par l’honorable sénateur Downe, concernant le lieu de résidence des cadres supérieurs.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 février 2018 par l’honorable sénateur Pratte, concernant le cadre réglementaire de l’industrie du cannabis.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 février 2018 par l’honorable sénateur Boisvenu, concernant l’appui aux anciens combattants.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 27 février 2018 par l’honorable sénateur Black, concernant l’oléoduc Trans Mountain.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 27 février 2018 par l’honorable sénateur Joyal, concernant le projet de loi sur le cannabis (Santé Canada).

Réponse à la question orale posée au Sénat le 27 février 2018 par l’honorable sénateur Joyal, concernant le projet de loi sur le cannabis (Département de la justice).

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 février 2018 par l’honorable sénateur McIntyre, concernant le processus de nomination des juges.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 1er mars 2018 par l’honorable sénatrice Cordy, concernant les pertes d’emploi dans le Canada atlantique—La fonction publique fédérale.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 21 mars 2018 par l’honorable sénateur Smith, concernant le budget de 2018.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 22 mars 2018 par l’honorable sénatrice Bovey, concernant les aménagements adaptés pour les Canadiens malvoyants.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 22 mars 2018 par l’honorable sénatrice Wallin, concernant l’attestation exigée pour les emplois d’été.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 22 mars 2018 par l’honorable sénateur McIntyre, concernant le Comité externe d’examen des griefs militaires—Les postes vacants.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 mars 2018 par l’honorable sénatrice Jaffer, concernant l’oléoduc Trans Mountain.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 28 mars 2018 par l’honorable sénatrice Wallin, concernant les vérificateurs de Service Canada—les travailleurs étrangers temporaires.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 29 mars 2018 par l’honorable sénateur Ngo, concernant Taïwan—la participation à l’assemblée de l’Organisation mondiale de la Santé.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 19 avril 2018 par l’honorable sénateur McIntyre, concernant les délais dans le système de justice pénale—la nomination des juges.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 25 avril 2018 par l’honorable sénateur Joyal, concernant les œuvres de la collection nationale—les permis d’exportation.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 25 avril 2018 par l’honorable sénatrice Wallin, concernant l’attestation exigée pour les emplois d’été.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 25 avril 2018 par l’honorable sénateur Housakos, concernant le pont Champlain.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 26 avril 2018 par l’honorable sénateur Smith, concernant la légalisation des drogues illicites.

Réponse à la question orale posée au Sénat le 3 mai 2018 par l’honorable sénateur Oh, concernant le processus de traitement des demandes de citoyenneté présentées par des jeunes.

La justice

La défense présentée relativement à un recours collectif

(Réponse à la question posée le 7 février 2018 par l’honorable Victor Oh)

Le gouvernement du Canada est fermement résolu à offrir et à maintenir un milieu de travail sécuritaire et exempt de harcèlement pour tous ses employés, y compris les membres des Forces armées canadiennes.

Je suis heureux de dire que les plaignants et le gouvernement du Canada ont mutuellement convenu de suspendre les délais du litige actuel afin de donner aux parties concernées l’occasion de discuter en vue de résoudre potentiellement ces cas hors cour.

Aucune défense n’a été déposée par le gouvernement du Canada dans les recours collectifs proposés et les cas en instance à la cour n’ont pas, pour le moment, été autorisés aux fins de recours collectif. Les audiences portant sur l’accréditation ont été reportés par le gouvernement du Canada et les plaignants qui ont convenu d’explorer de possibles règlements hors cour.

Le gouvernement du Canada a retiré ses motions dans lesquelles il arguait qu’il n’existe pas d’obligation de diligence à l’égard des membres des Forces armées canadiennes dans ces affaires.

Les anciens combattants

Le soixante-cinquième anniversaire des préparatifs de la guerre de Corée

(Réponse à la question posée le 15 février 2018 par l’honorable Yonah Martin)

Anciens Combattants Canada

L’année 2018 marquera le 65e anniversaire de l’armistice de la guerre de Corée. En travaillant étroitement avec des organismes comme l’Association canadienne des vétérans de la Corée, Anciens Combattants Canada planifiera et appuiera la tenue de cérémonies nationales pour commémorer ce jalon important. L’une de ces cérémonies sera tenue le 27 juillet au Mur du Souvenir, érigé par l’Association canadienne des vétérans de la Corée, dans le cimetière Meadowvale à Brampton, en Ontario. À l’étranger, Anciens Combattants Canada offrira son soutien à des vétérans participant au Programme de retour en Corée du gouvernement coréen. Une délégation ministérielle accompagnera des vétérans de la guerre de Corée se déplaçant en Corée pour assister aux cérémonies commémoratives. Diverses ressources d’apprentissages, lesquelles comprendront une activité qui permettra de nouer des liens avec des vétérans de la guerre de Corée, seront aussi mises à la disposition des enseignants et des jeunes afin de les sensibiliser et de souligner cet anniversaire important. De plus, des bannières commémoratives de l’armistice de la guerre de Corée seront installées le long du boulevard de la Confédération dans la région de la capitale nationale pour rendre hommage à tous ceux et celles qui ont servi.

L’appui aux anciens combattants

(Réponse à la question posée le 15 février 2018 par l’honorable Yonah Martin)

Anciens Combattants Canada

En septembre 2017, Anciens Combattants Canada comptait sur environ 400 gestionnaires de cas pour offrir des services de gestion de cas à 12 783 vétérans, soit un ratio approximatif de 32 pour 1. Il s’agit d’une amélioration par rapport au ratio de 38,5 pour 1 lorsque le gouvernement est entré au pouvoir le 4 novembre 2015.

Il y a eu une augmentation du nombre de vétérans qui ont besoin de services de gestion de cas et qui en reçoivent depuis 2015. Anciens Combattants Canada demeure déterminé à servir les vétérans en embauchant des personnes qualifiées, en examinant et en exécutant les plans de gestion de cas afin d’offrir le niveau approprié de services aux vétérans et en s’assurant que les gestionnaires de cas sont affectés aux bons endroits.

Les gestionnaires de cas d’Anciens Combattants Canada ont étudié dans des domaines variés. L’emploi exige un diplôme professionnel d’une université reconnue, avec spécialisation en travail social, en soins infirmiers, en psychologie ou dans une autre spécialité pertinente au poste. Lors de l’embauche, la priorité est accordée aux candidats qui ont une expérience de la culture militaire, qui ont fait partie des Forces armées canadiennes ou qui ont de l’expérience comme travailleurs sociaux dans un milieu de réadaptation. Outre l’éducation et l’expérience qu’ils mettent à profit dans le cadre de leurs fonctions, les employés d’Anciens Combattants obtiennent des outils et de la formation pour les appuyer dans leur rôle très important.

Les compressions de personnel sous le gouvernement conservateur précédent ont radicalement réduit le nombre d’employés de première ligne à temps plein, ce qui a exacerbé l’arriéré des décisions. Dans le Budget 2016, le gouvernement a rouvert les neuf bureaux fermés par le gouvernement précédent et a embauché plus de personnel. Dans le Budget 2018, le gouvernement a annoncé un investissement de 42,8 millions de dollars pour accroître la capacité de prestation de services.

Le lieu de résidence des cadres supérieurs

(Réponse à la question posée le 15 février 2018 par l’honorable Percy E. Downe)

Anciens Combattants Canada

Anciens Combattants Canada se distingue par le fait qu’il est le seul ministère fédéral, investi d’un mandat national, dont l’administration centrale est située à l’extérieur de la région de la capitale nationale. Étant donné qu’Anciens Combattants Canada doit continuellement assurer la coordination et la liaison avec d’autres ministères fédéraux et organismes centraux, la présence de cadres supérieurs à Ottawa procure le leadership, la souplesse et la réceptivité nécessaires pour mieux servir l’ensemble des vétérans. La représentation de la haute direction d’Anciens Combattants Canada à Ottawa sert également à appuyer le programme général du gouvernement fédéral en établissant des relations qui favorisent la collaboration et facilitent les initiatives intergouvernementales et à partenaires multiples.

Anciens Combattants Canada continue à respecter son engagement à maintenir ses principaux cadres supérieurs à l’Administration centrale à Charlottetown. Cela inclut notamment l’un de ses plus hauts dirigeants, la sous-ministre déléguée récemment nommée, qui a déménagé à Charlottetown et y travaille. Le sous-ministre adjoint, Politiques stratégiques et Commémoration, le sous-ministre adjoint, Prestation des services, et la sous-ministre adjointe, dirigeante principale des finances, Services ministériels, travaillent également à Charlottetown.

Anciens Combattants Canada est un ministère fédéral au service des vétérans et des Canadiens à l’échelle du pays et à l’étranger. Il s’acquitte de ses responsabilités à l’échelle nationale au moyen de ses divers programmes et services qui comprennent les pensions d’invalidité, les allocations aux vétérans, des services de représentation et de conseils juridiques en matière de pension, des soins de santé et la commémoration. Ces programmes fournissent une compensation à l’égard des difficultés résultant d’invalidités et des possibilités économiques perdues, des services sociaux et de santé novateurs, de l’aide juridique professionnelle ainsi que la reconnaissance des réalisations et des sacrifices des vétérans canadiens et de leurs familles pendant les périodes de guerre et de conflit.

Les finances

Le cadre réglementaire de l’industrie du cannabis

(Réponse à la question posée le 15 février 2018 par l’honorable André Pratte)

Le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales prévoit des exigences strictes en matière de sécurité du personnel qui visent à prévenir l’infiltration par le crime organisé et le détournement du cannabis légal vers le marché illicite. Tous les membres du personnel clés d’une compagnie autorisée pour la production du cannabis, y compris les administrateurs et les dirigeants de la société de capitaux, doivent subir une vérification des antécédents criminels et une enquête sur l’exécution de la loi auprès de la Gendarmerie royale du Canada.‎ Dans le cadre du nouveau cadre réglementaire, le gouvernement a proposé d’élargir la liste de personnes nécessitant une habilitation de sécurité afin d’inclure les dirigeants et les administrateurs de toute société mère.

En outre, le projet de loi sur le cannabis conférerait le pouvoir au ministre d’exiger à tout demandeur d’une licence de soumettre tout renseignement supplémentaire, y compris tout renseignement financier, qu’il juge nécessaire pour prendre la demande en considération. Ces mesures compléteraient des actions plus vastes du gouvernement pour améliorer la transparence en matière d’appropriation de l’économie canadienne.

Les anciens combattants

L’appui aux anciens combattants

(Réponse à la question posée le 15 février 2018 par l’honorable Pierre-Hugues Boisvenu)

Anciens Combattants Canada

Anciens Combattants Canada a à cœur la santé et le bien-être des vétérans et de leurs familles. Les demandes de prestations d’invalidité ont augmenté de plus de 20 % au cours des deux derniers exercices financiers, ce qui signifie qu’un plus grand nombre de personnes se manifestent pour obtenir l’aide dont elles ont tant besoin et qu’elles méritent. Anciens Combattants Canada travaille d’arrache-pied pour s’assurer que les personnes qui se manifestent reçoivent les avantages et les services dont elles ont besoin. Dans certaines circonstances, les demandes sont traitées de façon expéditive pour les personnes qui sont médicalement à risque, qui éprouvent des difficultés financières ou qui ont des besoins de santé non comblés liés à l’affection faisant l’objet de la demande. Anciens Combattants Canada procède également au triage des demandes pour s’assurer que les vétérans libérés qui présentent une demande pour un problème de santé mentale sont évalués en priorité afin d’assurer un accès rapide aux avantages médicaux. Anciens Combattants Canada continue de tout mettre en œuvre pour améliorer le processus.

En date du 1er janvier 2018, Anciens Combattants Canada comptait environ 29 000 demandes de prestations d’invalidité (premières demandes, réévaluations et révisions ministérielles) à diverses étapes du processus décisionnel.

Ces 29 000 demandes proviennent de vétérans qui ont pris leur retraite depuis des décennies, de vétérans qui ont pris leur retraite plus récemment, de vétérans qui sont passés du ministère de la Défense nationale à Anciens Combattants Canada et de vétérans qui servent encore dans les Forces armées canadiennes.

Le nombre de premières demandes de prestations d’invalidité complétées est passé de 1 600 demandes en novembre 2017 à plus de 2 200 décisions rendues en janvier 2018. Cette production accrue a stoppé l’augmentation du volume de demandes en suspens, qui est demeuré stable à près de 29 000 demandes.

Les ressources naturelles

L’oléoduc Trans Mountain

(Réponse à la question posée le 27 février 2018 par l’honorable Douglas Black)

Le gouvernement du Canada est déterminé à développer l’infrastructure essentielle qui est indispensable à la capacité du Canada à rendre ces ressources au marchés mondiaux tout en protégeant l’environnement, ce qui comprend la protection de nos côtes.

De nombreux tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada, ont affirmé la compétence du gouvernement fédéral sur les pipelines interprovinciaux, ainsi que l’incapacité d’une province de bloquer un projet fédéral.

Le gouvernement a approuvé le projet d’agrandissement du réseau de Trans Mountain à la suite d’un processus d’examen rigoureux, car il est dans l’intérêt national et nous demeurons déterminés à voir ce pipeline se construire, sous réserve de 157 conditions juridiquement contraignantes, qui viseront principalement à protéger les collectivités et l’environnement et à assurer la sécurité.

Le Canada interviendra devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, sur la question du gouvernement de la C.-B., pour affirmer et défendre la compétence fédérale clairement établie qu’il sait déjà détenir sur les infrastructures de pipelines interprovinciaux.

La justice

Projet de loi sur le cannabis

(Réponse à la question posée le 27 février 2018 par l’honorable Serge Joyal)

Ministère de la Santé

La légalisation et la réglementation du cannabis ont également été à l’ordre du jour officiel des récentes rencontres FPT des ministres et des sous-ministres responsables des ministères de la Justice, de la Sécurité publique et de la Santé. C’était le cas notamment lors de la rencontre FPT qui a eu lieu les 14 et 15 février 2018, qui rassemblait les sous-ministres responsables de la Justice et de la Sécurité publique et où chaque administration a eu l’occasion de soulever ses préoccupations. L’ordre du jour de la conférence FPT des sous-ministres responsables de la Santé, qui a eu lieu les 4 et 5 avril 2018, comprenait également une mise à jour des activités de légalisation et de réglementation du cannabis.

La santé

Projet de loi sur le cannabis

(Réponse à la question posée le 27 février 2018 par l’honorable Serge Joyal)

Ministère de la Justice

Dans leur réponse du 25 avril 2018 à la lettre du ministre Fournier du 23 février 2018, les ministres fédéraux de la Santé et de la Justice ont réaffirmé que les provinces et les territoires disposent d’une marge de manœuvre pour imposer des restrictions additionnelles sur la culture à des fins personnelles s’ils le souhaitent. Si un conflit survient entre une loi fédérale et une loi provinciale, par example, si certaine aspects de la loi provinciale sont jugés contraires à l’objet de la loi fédérale, la loi fédérale prévaudrait.

Le projet de loi sur le cannabis autoriserait les adultes à cultiver un maximum de quatre plants de cannabis par ménage, et il serait défendu de vendre à autrui le cannabis cultivé à domicile ou d’en fournir à un jeune. L’autorisation de cultiver à la maison un nombre restreint de plants de cannabis appuie l’objectif du gouvernement qui consiste à supplanter le marché illicite, et l’établissement d’une limite très basse du nombre de plants est un moyen raisonnable de permettre aux adultes de cultiver du cannabis pour leur consommation personnelle. Cette mesure est cohérente avec l’objectif du gouvernement d’éviter des sanctions pénales pour la possession et la production de petites quantités de cannabis.

La justice

Le processus de nomination des juges

(Réponse à la question posée le 28 février 2018 par l’honorable Paul E. McIntyre)

Ministère de la Justice

Le gouvernement a pris des mesures importantes pour veiller à ce que le processus de nomination des juges soit transparent et responsable envers la population canadienne, et favorise la diversité au sein de la magistrature.

De plus, le gouvernement s’emploie à veiller à ce que les candidats les plus méritants soient nommés à la magistrature en vue de répondre aux besoins de tous les Canadiens. En date du 13 avril 2018, le gouvernement a procédé à 167 nominations et élévations hautement méritoires. Nous avons également nommé 40 juges suppléants dans les territoires.

En fait, 2017 a été une année record – le gouvernement a fait 100 nominations et élévations, soit plus que tout autre gouvernement depuis au moins deux décennies.

Tous les candidats à la magistrature sont évalués par les comités consultatifs à la magistrature indépendants dans chaque province et territoire. Pour procéder aux nominations, la ministre de la Justice examine les décisions rendues par chaque candidat et ses connaissances spécialisées, et travaille étroitement avec les juges en chef pour veiller à ce que les nominations répondent aux besoins des tribunaux.

Le gouvernement est très fier de voir que le processus de nomination des juges modernisé édifie une magistrature qui représente mieux le pays qu’elle sert. Aujourd’hui, la diversité des nominations est sans précédent. Parmi les nouveaux juges nommés en 2017, la moitié sont des femmes, quatre sont des Autochtones, et 16 ont déclaré leur appartenance à un des groupes suivants : minorités visibles, communauté des LGBTQ2 ou personnes handicapées.

L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail

Les pertes d’emploi dans le Canada atlantique—La fonction publique fédérale

(Réponse à la question posée le 1er mars 2018 par l’honorable Jane Cordy)

Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada :

L’emploi au sein du gouvernement fédéral continue de jouer un rôle important dans le développement des régions. Il existe des possibilités pour les ministères et organismes du gouvernement de créer plus d’emplois dans les régions, et également de rapprocher le processus décisionnel des personnes et des ressources touchées par ces décisions. Ce rapprochement donne lieu à de meilleurs résultats et à de meilleures décisions. Par conséquent, le gouvernement évalue constamment les besoins de notre main-d’œuvre et travaille à l’élaboration d’approches visant les régions afin d’y accroître la représentation de la fonction publique, tout en mettant l’accent sur la satisfaction des besoins des Canadiens.

Par ailleurs, l’une des plus grandes priorités du gouvernement est le renouvellement de la fonction publique. Un défi auquel le gouvernement est actuellement confronté est celui de s’assurer que les bonnes personnes sont recrutées, perfectionnées et appuyées. Afin de relever ce défi, le gouvernement adopte un point de vue pangouvernemental, ainsi que des approches qui sont inclusives des régions à l’extérieur de la région de la capitale nationale. L’Opportunité d’emploi d’été pour les jeunes Autochtones est un exemple d’une initiative ouverte aux étudiants postsecondaires autochtones partout au Canada qui vise à renforcer la représentation, le perfectionnement et le maintien en poste des jeunes Autochtones dans la fonction publique. Ouverte aux étudiants postsecondaires autochtones partout au Canada, cette initiative a attiré l’été dernier des participants en dehors de la région de la capitale nationale, le quart de ceux-ci étant en provenance du Canada atlantique.

(1430)

Les finances

Le budget de 2018

(Réponse à la question posée le 21 mars 2018 par l’honorable Larry W. Smith)

Le gouvernement s’est doté d’un plan important et des progrès sont en cours pour le plan de 180 milliards de dollars Investir dans le Canada (plan). Le gouvernement a récemment conçu une publication complète sur le plan, qui renferme tous les détails de cette enveloppe.

Le profil de financement de la phase 1 du plan a été mis à jour dans le budget de 2018. Dans ce nouveau profil, le gouvernement indique quand il s’attend à recevoir les demandes de remboursement des bénéficiaires, ce qui n’indique pas nécessairement les retards dans la construction d’infrastructure ou le début de projets. D’autres rajustements seront apportés au fil du temps pour nous assurer qu’il restera des fonds pour d’autres administrations quand elles en auront besoin.

Les projets pourront commencer après que le financement fédéral sera engagé, mais les contributions seront versées seulement lorsque les partenaires en feront la demande. À ce jour, au moins 28 000 projets d’une valeur de 11,8 milliards de dollars d’investissements fédéraux ont été approuvés, et au moins 20 000 ont commencé ou sont terminés.

Infrastructure Canada collabore avec ses 13 ministères partenaires pour rendre des comptes sur l’exécution plan. Par exemple, le gouvernement a lancé la géo-carte du plan, qui permet aux Canadiens de voir les investissements qui sont faits dans leurs collectivités.

Le gouvernement s’acquitte de son engagement d’investir d’une manière sans précédent dans des infrastructures qui profiteront à tous les Canadiens, aujourd’hui et demain.

Le Conseil du Trésor

Les aménagements adaptés pour les Canadiens malvoyants

(Réponse à la question posée le 22 mars 2018 par l’honorable Patricia Bovey)

La disponibilité de documents en média substitut est très importante pour les personnes ayant des difficultés de lecture des textes incapables de lire des imprimés, afin qu’elles puissent participer pleinement à la culture et à la société canadiennes. Notre gouvernement a soutenu ces efforts en adhérant au Traité de Marrakech en 2016 afin que ces personnes puissent consulter les œuvres publiées. En outre, en 2017-2018, le gouvernement du Canada a accordé des fonds de 3,5 millions de dollars pour la production et la distribution de documents en média substitut. De cette somme, 2,5 millions de dollars ont été versés à l’Institut national canadien pour les aveugles (INCA) et 1,0 million de dollars ont été versés au Réseau national de services équitables de bibliothèque (RNSEB), par l’entremise de la composante Personnes handicapées du Programme de partenariats pour le développement social.

Il s’agit d’une question qui touche des acteurs de plusieurs secteurs. C’est pourquoi, en décembre 2017, un groupe de travail composé de représentants de l’industrie, du gouvernement et d’autres intervenants (incluant INCA) a été mis sur pied pour élaborer en collaboration une stratégie à long terme. Nous considérons actuellement un ensemble de possibilités pour fournir des fonds de transition pour la production et distribution de documents en média substitut en 2018-19. Entre-temps, une stratégie à plus long-terme est en voie de développement.

L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail

L’attestation exigée pour les emplois d’été

(Réponse à la question posée le 22 mars 2018 par l’honorable Pamela Wallin)

Emploi et Développement social Canada (EDSC)

EDSC consulte régulièrement le ministère de la Justice sur un large éventail de sujets. Les avis juridiques sont protégés par le secret professionnel de l’avocat et ne peuvent être divulgués.

Les candidats ne sont pas invités à fournir leurs points de vue, leurs croyances ou leurs valeurs, car ceux-ci ne sont pas pris en considération dans le cadre d’une demande au programme. Les groupes confessionnels doivent satisfaire aux mêmes critères d’admissibilité que tout demandeur auprès d’Emplois d’été Canada 2018.

Le gouvernement du Canada cherche à faire en sorte que les possibilités d’emploi pour les jeunes, financées par le programme Emplois d’été Canada, se déroulent dans un environnement qui respecte les droits de tous les Canadiens et Canadiennes. Par l’entremise de l’attestation d’EÉC 2018, l’organisme confirme que, par ses activités principales, les droits individuels de la personne sont respectés, et les responsabilités de l’emploi ne cherche pas à supprimer ou à miner activement ces droits existants.

Le Bureau du Conseil privé

Le Comité externe d’examen des griefs militaires—Les postes vacants

(Réponse à la question posée le 22 mars 2018 par l’honorable Paul E. McIntyre)

Le Comité externe d’examen des griefs militaires est un tribunal indépendant qui examine les griefs militaires qui lui sont soumis en vertu de l’article 29 de la Loi sur la défense nationale et fournit des conclusions et formule des recommandations au chef d’état-major de la Défense et au membre des Forces armées canadiennes qui a déposé le grief. Le comité a acquis une vaste connaissance quant aux questions qui touchent l’administration des Forces armées canadiennes et le chef d’état-major de la Défense compte sur cette sagesse.

Plusieurs processus de nomination ouverts, transparents et fondés sur le mérite ont été lancés pour doter plusieurs postes au Comité externe d’examen des griefs militaires. Les nominations officielles des vices-présidents à temps plein et à temps partiel ont été annoncées en mars 2018 et en mai 2018 respectivement. Le processus en vue de choisir le président pour le poste à temps plein progresse bien et le gouverneur en conseil devrait effectuer la nomination officielle dans les prochaines semaines.

Les ressources naturelles

L’oléoduc Trans Mountain

(Réponse à la question posée le 28 mars 2018 par l’honorable Mobina S.B. Jaffer)

Le gouvernement du Canada a approuvé le projet d’agrandissement de Trans Mountain (TMX) à la suite d’un processus d’examen réglementaire fédéral et de la plus rigoureuse consultation des peuples autochtones portant sur un projet majeur à ce jour. Le projet a été approuvé sous promesse de respecter 157 conditions juridiquement contraignantes afin de protéger les communautés, l’environnement et pour assurer la sécurité. Le gouvernement et les dirigeants autochtones ont élaboré conjointement, pour la première fois, le comité consultatif de surveillance autochtone de 64,7 millions de dollars, garantissant l’engagement soutenu des autochtones tout au long du cycle de vie du projet.

Le gouvernement a également offert davantage de protection pour l’environnement : Nous avons accordé le plus important investissement afin de protéger les océans et les côtes dans le cadre du Plan de protection des océans de 1,5 milliard de dollars. Accompagné de conditions rigoureuses pour le projet TMX, celui-ci permet d’établir les meilleures pratiques exemplaires dans le monde, d’offrir de meilleurs délai d’intervention en cas de déversement, des plans d’intervention régionaux, d’indemnisation illimitée et des mesures de protection pour tous les navires.

Les Canadiens et Canadiennes peuvent avoir confiance que leurs côtes sont protégées par des normes fondées sur la science reconnue partout dans le monde et mises en œuvre par des experts, des collectivités autochtones et côtières, des scientifiques et l’industrie.

Le dossier économique pour renforcer la capacité de raffinerie du Canada prend du retard, en raison des coûts élevés en capital, la demande du marché pour les produits de pétrole brut lourd et du fait que le Canada est un exportateur net de produits raffinés. Ce retard est également attribuable à la capacité de raffinage excessive au Canada et en Amérique du Nord et à la capacité croissante en Asie.

Le revenu national

Les vérificateurs de Service Canada—Les travailleurs étrangers temporaires

(Réponse à la question posée le 28 mars 2018 par l’honorable Pamela Wallin)

Notre gouvernement prend au sérieux sa responsabilité de protéger les travailleurs étrangers temporaires et de préserver l’intégrité du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Tous les travailleurs au Canada, y compris les travailleurs étrangers temporaires, ont le droit de travailler dans un environnement sain et sécuritaire.

Notre gouvernement suit le conseil du Parlement et du vérificateur général en aidant les agriculteurs et les transformateurs d’aliments à continuer de développer leur entreprise et de créer des emplois.

Pour mieux protéger les utilisateurs du Programme des travailleurs étrangers temporaires, y compris les employeurs, nous augmentons le nombre d’inspections effectuées sur place dans les milieux de travail où des travailleurs étrangers temporaires sont employés. Au cours de ces inspections, nous collaborons avec les employeurs pour assurer la conformité aux exigences du programme tout en nuisant le moins possible aux activités de l’entreprise. Nous fournissons aux employeurs l’occasion de répondre aux constatations préliminaires du Ministère dans un délai raisonnable. Dans plus de 45 % des cas en 2017-2018, les employeurs ont de bon gré pris des mesures correctives dans les domaines où on avait jugé au départ qu’ils enfreignaient les règles.

Les précautions que nous prenons pendant les inspections non programmées sont les mêmes que pendant les inspections planifiées. Les employés de Service Canada doivent faire preuve de professionnalisme et de respect lorsqu’ils arrivent dans un milieu de travail et ils ne sont pas autorisés à entrer dans le logement privé d’un employeur sans son consentement ou sans mandat.

Notre gouvernement continuera de veiller à ce que le programme demeure efficace pour les travailleurs, pour les employeurs et pour l’économie canadienne.

La santé

Taïwan—La participation à l’assemblée de l’Organisation mondiale de la Santé

(Réponse à la question posée le 29 mars 2018 par l’honorable Thanh Hai Ngo)

Le Canada continue d’appuyer la participation significative de Taïwan aux diverses tribunes multilatérales internationales lorsque sa présence permet d’apporter d’importantes contributions au bien collectif.

La participation de Taïwan à titre d’observateur aux réunions annuelles de l’Assemblée mondiale de la santé est dans l’intérêt de la communauté internationale de la santé et est importante pour lutter contre les épidémies et les maladies à l’échelle mondiale.

Le Canada est déçu que Taïwan n’ait pas reçu d’invitation cette année.

Nous accueillons la participation de toute la communauté internationale pour favoriser la santé mondiale.

La justice

Les délais dans le système de justice pénale—La nomination des juges

(Réponse à la question posée le 19 avril 2018 par l’honorable Paul E. McIntyre)

Ministère de la Justice

Le gouvernement est résolu à faire en sorte que notre système de justice pénale assure la sécurité de la population canadienne, respecte les victimes, et tient les contrevenants responsables de leurs actes. Le gouvernement reconnaît que des mesures audacieuses étaient essentielles pour s’attaquer aux retards des tribunaux et moderniser le système de justice pénale, et il a agi à cet égard. Le dépôt du projet de loi C-75 est une illustration de la promesse d’aller de l’avant avec des réformes substantielles de la justice pénale. Une fois qu’il sera adopté, ce projet de loi aura un véritable effet durable sur les retards des tribunaux. Le projet de loi vise à apporter un changement de culture au sein du système de justice pénale, ce que la Cour suprême du Canada a accentué dans l’arrêt Jordan.

Le gouvernement prend aussi très au sérieux sa responsabilité de nommer des juges. Le gouvernement a pris des mesures importantes pour veiller à ce que le processus de nomination des juges soit transparent et responsable envers la population canadienne, et qu’il favorise la diversité au sein de la magistrature.

Depuis le 4 mai 2018, le gouvernement a nommé ou promu 175 juges partout au pays, notamment 33 juges en Alberta. En raison des investissements contenus dans le budget de 2017, il y a aujourd’hui plus de juges nommés par le gouvernement fédéral en Alberta qu’il n’y en avait sous le gouvernement précédent.

Le patrimoine canadien

Les œuvres de la collection nationale—Les permis d’exportation

(Réponse à la question posée le 25 avril 2018 par l’honorable Serge Joyal)

Le Musée des beaux-arts du Canada (le Musée) a retiré la toile de Marc Chagall, « La tour Eiffel » de la vente aux enchères. Elle restera dans la collection nationale.

La licence d’exportation de la toile a été livrée conformément à la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels. Tel que l’exige la Loi, une licence a été octroyée par l’Agence des services frontaliers du Canada en fonction de la recommandation d’un établissement d’experts désigné au titre de la Loi. En vertu de la Loi, la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels ne joue aucun rôle quand un expert désigné octroie une licence.

L’aliénation est une partie normale de la gestion responsable de musées. La Loi sur les musées établit que le Musée est une société d’État autonome qui fonctionne indépendamment du gouvernement. Il a l’autorité légale de prendre ses propres décisions au sujet des acquisitions et des aliénations relatives à la collection.

L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail

L’attestation exigée pour les emplois d’été

(Réponse à la question posée le 25 avril 2018 par l’honorable Pamela Wallin)

Le but du programme Emplois d’été Canada a toujours été de fournir aux jeunes des emplois d’été rémunérés de haute qualité, où ils peuvent acquérir une expérience précieuse et gagner de l’argent pour payer leurs études.

Pour cette raison, le gouvernement du Canada a doublé le nombre d’emplois créés dans le cadre du programme Emplois d’été Canada depuis 2015, créant ainsi des expériences de travail rémunéré pour près de 70 000 étudiants par année, et cette année, plus de 3 000 employeurs participent pour la première fois au programme.

Par cette attestation, EDSC s’assure que les demandeurs soient au courant des nouveaux critères d’admissibilité du programme Emplois d’été Canada et qu’ils s’y conforment.

L’attestation de l’employeur pour Emplois d’été Canada 2018 est conforme aux droits de la personne au Canada, y compris les valeurs sous-jacentes à la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). Elle reflète également l’engagement du gouvernement du Canada à l’égard des droits de la personne, ce qui comprend les droits des femmes, les droits reproductifs de celles-ci, ainsi que les droits des Canadiens des Canadiennes transgenres et de genre divers.

Ce changement aide à veiller à ce que le gouvernement du Canada finance des organismes dont le mandat et les projets respectent les droits de la personne, et que les possibilités d’emplois financées par le gouvernement pour les jeunes se déroulent dans un environnement qui respecte les droits de tous les Canadiens.

Tout comme les années précédentes, les organismes confessionnels étaient invités à présenter une demande de financement dans le cadre du programme Emplois d’été Canada, puisqu’ils y étaient admissibles. Ces groupes offrent des services utiles aux communautés partout au pays et des centaines d’organismes confessionnels recevront du financement cette année. Les demandeurs n’avaient pas à expliquer leurs points de vue, leurs croyances ou leurs valeurs, étant donné que ces éléments ne sont pas pris en considération dans le cadre de la demande de financement.

Le ministère consulte régulièrement le ministère de la Justice sur un large éventail de sujets. Les conseils juridiques sont protégés par le secret professionnel de l’avocat et ne peuvent être divulgués.

Les transports

Le pont Champlain

(Réponse à la question posée le 25 avril 2018 par l’honorable Leo Housakos)

Selon ce que prévoit l’entente de règlement conclue avec Signature sur le Saint Laurent, des pénalités de 100 000 $ par jour pour les sept premiers jours et de 400 000 $ par jour par la suite, jusqu’à un maximum de 150 M$, s’appliqueront si le nouveau pont Champlain n’est pas ouvert le 21 décembre 2018. L’entente de projet signée en juin 2015 exige que Signature sur le Saint Laurent soit indemnisé pour certains événements indépendants de sa volonté. L’entente de règlement d’un montant de 235 millions de dollars indemnise Signature sur le Saint Laurent pour les coûts supplémentaires associés à ces événements, comme les restrictions de charges en place sur le pont Champlain actuel et les conflits de travail en 2017.

L’entente de règlement ne prévoit pas le versement d’une indemnité financière au Signature sur le Saint Laurent pour l’enlèvement des droits de péage. La modification du contrat pour y soustraire le péage n’a aucune répercussion sur le calendrier du projet.

La justice

La légalisation des drogues illicites

(Réponse à la question posée le 26 avril 2018 par l’honorable Larry W. Smith)

Santé Canada

Les surdoses d’opioïdes ont coûté la vie à des milliers de Canadiennes et de Canadiens, ébranlant des familles et des collectivités de partout au pays.

Le gouvernement fédéral adopte une optique de santé publique pour contrer la crise des opioïdes. Il prend entre autres les mesures suivantes : rétablir la réduction des méfaits comme pilier de la Stratégie canadienne sur les drogues et autres substances, appuyer les initiatives de réduction des méfaits, accroître l’accès aux traitements et travailler à mettre fin à la stigmatisation entourant les personnes qui consomment des drogues.

Il n’est pas question de décriminaliser ou de légaliser toutes les drogues. Au cours de la dernière année, Santé Canada n’a mené aucune recherche sur l’opinion publique à ce sujet.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Le processus de traitement des demandes de citoyenneté présentées par des jeunes

(Réponse à la question posée le 3 mai 2018 par l’honorable Victor Oh)

En ce qui concerne Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC):

Les demandes reçues avant le 19 juin 2017 présentées par des personnes âgées de moins de 18 ans continueront d’être traitées conformément aux exigences précédentes, selon lesquelles ces personnes devaient demander une dispense de l’exigence liée à l’âge en vertu du paragraphe 5(3), ou, si les demandeurs ont demandé une attribution discrétionnaire en vertu paragraphe 5(4), ces demandes continueront d’être évaluées au titre du paragraphe 5(4). Comme c’est toujours le cas, un demandeur peut demander de retirer sa demande de citoyenneté pour toute raison et à tout moment avant qu’une décision ait été prise concernant la demande d’attribution de la citoyenneté. Cependant, il importe de noter que les 13 demandes contenant une demande de dispense présentées par des mineurs au titre du paragraphe 5(3) avant l’entrée en vigueur des modifications prévues dans le projet de loi C-6 ont été traitées. Toutes les demandes sauf deux se sont conclues par l’attribution de la citoyenneté. Dans les deux cas où la citoyenneté n’a pas été attribuée, la demande est actuellement en attente d’une décision fondée sur des motifs discrétionnaires.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Le Sénat

Adoption de la motion visant la séance du mercredi jusqu’à la fin juin 2018

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :

Que, jusqu’à la fin du mois de juin 2018, lorsque le Sénat siège un mercredi :

1. les dispositions de l’ordre du 4 février 2016 concernant la levée ou la suspension de la séance à 16 heures ne prennent effet qu’à 16 heures, à la fin de la période des questions, ou à la fin des affaires du gouvernement, selon la dernière éventualité;

2. nonobstant les dispositions du premier paragraphe du présent ordre, la séance ne dépasse pas l’heure prévue dans le Règlement;

3. sans que cela ait une incidence sur toute autorité séparément accordée à un comité à se réunir pendant que le Sénat siège, si le Sénat siège après 16 heures conformément au présent ordre, les comités devant siéger soient autorisés à le faire afin d’étudier des projets de loi, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Projet de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Murray Sinclair propose que le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que nouveau parrain du projet de loi S-203, Loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins. Le projet de loi propose de mettre fin graduellement à la captivité des baleines, des dauphins et des marsouins au Canada, sauf en cas de sauvetage et de rétablissement, de recherche scientifique autorisée ou de mesures dans leur intérêt. Le projet de loi S-203 exigerait également l’obtention d’une licence pour le maintien de ces espèces en captivité à des fins de divertissement.

Le projet de loi met en œuvre l’élimination progressive de ces activités grâce aux modifications apportées à la Loi sur les pêches concernant la capture, à la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial en ce qui concerne l’importation et l’exportation, et aux disposition du Code criminel sur la cruauté envers les animaux relativement à la reproduction.

J’aimerais tout d’abord saluer notre ami et collègue à la retraite, le sénateur Wilfred Moore, qui était le premier parrain de ce projet de loi. Je suis un peu triste qu’il ne puisse pas être avec nous aujourd’hui, alors que nous amorçons — du moins je l’espère — le début de la fin d’une bataille qui lui tient tant à cœur et en laquelle il croit fermement. Il n’est pas présent à la tribune, mais je suis certain qu’il écoute notre débat sur le projet de loi.

Je vais vous raconter pourquoi le sénateur Moore a commencé à se dévouer à cette cause. C’est une histoire intéressante. Je suis sûr que vous l’avez entendue si vous lui avez déjà parlé. Un soir, sa famille et lui regardaient Blackfish, un documentaire qui souligne les dangers que posent pour les humains et les cétacés la capture et la mise en captivité forcées de ces animaux aquatiques fort intelligents. À la fin du documentaire, Nicholas, le fils du sénateur Moore, a demandé à son père s’il pouvait faire quelque chose à propos de tels actes à l’égard des baleines ici, au Canada. Cela a poussé le sénateur Moore à présenter, le 8 décembre 2015, le projet de loi dont nous sommes saisis, qui éliminerait progressivement la mise en captivité de baleines, de dauphins et de marsouins, qui appartiennent à l’ordre des cétacés, à quelques exceptions près.

Cette cause lui tient tant à cœur que, encore aujourd’hui, le sénateur Moore continue de consacrer son temps à promouvoir le bien-être des cétacés. En collaboration avec d’autres personnes, il cherche maintenant à créer au Canada la première réserve mondiale en bord de mer et en eau libre pour les baleines. L’objectif de cette réserve est d’offrir un endroit où on peut assurer la réadaptation de baleines et de dauphins sauvés afin de pouvoir les relâcher, et où ils pourraient demeurer de façon permanente si une telle chose est impossible, tout cela dans un environnement qui maximise leur bien-être et leur autonomie et qui ressemble le plus possible à leur habitat naturel. La Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse et l’État de Washington sont certains des emplacements envisagés pour la réserve.

Pour souligner l’excellence de son travail, la Fédération des sociétés canadiennes d’assistance aux animaux a remis au sénateur Moore, en avril dernier, le Prix de 2017 du leadership et de l’innovation pour une législation sans cruauté envers les animaux. Ce prix récompense les gestes positifs qui améliorent le bien-être des animaux du Canada, favorisent le respect de tous les animaux et dénoncent la cruauté envers eux.

Honorables sénateurs, je sais que nous considérons tous la cruauté envers les animaux comme moralement répréhensible. Nous ne faisons pas la distinction entre les personnes qui sont intentionnellement cruelles et celles qui le sont par négligence ou ignorance. Il suffit que l’on considère, selon des normes raisonnables, que les animaux sont victimes d’un traitement cruel.

C’est notre sens moral, celui qui nous permet de distinguer le bien du mal, qui nous a poussés à inscrire ces comportements dans le Code criminel. Le projet de loi S-203 établira clairement que nous avons l’obligation morale d’arrêter progressivement de capturer des cétacés et de les garder en captivité pour notre profit ou notre amusement. Grâce à lui, le Canada se joindra aux autres pays qui ont déjà interdit la mise en captivité des cétacés.

La cause des animaux a progressé sur d’autres plans cette année au Canada, y compris ici même, au Sénat. Nous avons, par exemple, été saisis d’un projet de loi qui interdirait l’enlèvement des nageoires de requin sur les bêtes vivantes, et leur importation subséquente. C’est sans oublier le projet de loi sur les cosmétiques sans cruauté, qui mettrait fin aux essais sur les animaux dans le secteur des cosmétiques. Cette mesure législative ne pouvait donc pas mieux tomber, puisqu’elle mettrait fin à la cruauté inhérente qu’il y a à garder des cétacés en captivité pour notre profit ou pour notre amusement.

En ce qui concerne nos relations avec les animaux et les responsabilités que nous avons envers eux, les mentalités évoluent. Les Canadiens nous demandent d’améliorer les choses. La semaine dernière, Angus Reid a publié un sondage dans lequel on apprend que plus de la moitié des Canadiens souhaitent qu’on interdise la mise en captivité des cétacés dans les aquariums du pays. Diverses initiatives en ce sens voient aussi le jour un peu partout dans le monde. Le projet de loi S-203 représenterait un point tournant pour le Canada, mais il constitue en réalité la suite logique des avancées qui ont eu lieu dernièrement.

En Ontario, il est interdit de garder des épaulards en captivité et d’en faire la reproduction. Le conseil des parcs de Vancouver a interdit la mise en captivité de tous les cétacés, et l’Aquarium de Vancouver a renoncé à cette pratique de son propre chef. Ailleurs dans le monde, d’autres États ont adopté des politiques interdisant la mise en captivité des cétacés ou la restreignant considérablement. Cette pratique est carrément interdite au Chili, au Costa Rica, en Croatie et en Inde.

(1440)

Une telle interdiction a aussi été adoptée récemment en France. Des restrictions rigoureuses sont également en place au Royaume-Uni, en Italie, en Nouvelle-Zélande, à Chypre, en Hongrie, à Mexico, en Caroline du Sud et dans le comté de Maui, à Hawaï. La Californie a interdit la mise en captivité des épaulards, et des mesures législatives similaires sont maintenant à l’étude dans l’État de New York et en Floride.

Le projet de loi S-203 s’inscrit dans cette tendance et ferait du Canada — et même du Sénat du Canada — un chef de file international dans ce domaine.

Ce serait d’autant plus vrai si le Canada établissait le premier refuge en eau libre du monde. Au Canada, seulement deux entreprises gardent des cétacés en captivité à des fins lucratives : Marineland, en Ontario, et l’Aquarium de Vancouver, en Colombie-Britannique. Je vous rappelle que, en 2017, le conseil des parcs de Vancouver a interdit toute mise en captivité future de cétacés, et l’Aquarium de Vancouver a dit qu’il allait, de façon volontaire, cesser progressivement de mettre des baleines en captivité. Par ailleurs, comme je l’ai dit plus tôt, ce projet de loi a été présenté au Sénat le 8 décembre 2015. Il a été adopté à l’étape de la deuxième lecture et renvoyé au comité près d’un an plus tard, le 17 novembre 2016.

Le comité a tenu 17 audiences et entendu plus de 40 témoins. Près d’un an après le renvoi, soit le 31 octobre 2017, le comité a fait rapport sur le projet de loi avec des propositions d’amendements. Le rapport du comité a failli être adopté en décembre 2017, mais il a finalement été adopté le 26 avril 2018. Voilà où nous en sommes, 29 mois et 21 jours plus tard.

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a entendu en détail les raisons pour lesquelles on devrait interdire la mise en captivité des cétacés. Nous avons entendu l’avis d’organismes de protection des animaux parmi les plus réputés du Canada, de scientifiques spécialistes des cétacés de réputation mondiale ainsi que de chercheurs et d’éducateurs du Canada et d’ailleurs. Ils nous ont dit qu’il existe 83 espèces de cétacés dans le monde, y compris des baleines, des dauphins et des marsouins. Naomi Rose, spécialiste des sciences de la mer et biologiste spécialiste des cétacés depuis plus de 25 ans, avait ceci à dire au sujet de l’espace dans lequel les cétacés en captivité doivent vivre :

Nous en savons aujourd’hui beaucoup plus sur leur biologie et leur écologie [à un point tel] que nous pouvons maintenant démontrer, à l’aide d’arguments fondés sur la science, que même dans les meilleures installations à la fine pointe, l’espace qu’ont ces animaux ne représente que le un dix-millième de 1 p. 100 de leur habitat naturel. Même avec la plus petite superficie du domaine vital pour un dauphin ou un épaulard, un dix-millième de 1 p. 100, c’est tout ce que nous pouvons leur donner en captivité.

Pensons-y, honorables sénateurs. Comment vous sentiriez-vous si vous deviez vivre le reste de votre vie dans une baignoire? Dans la nature, les cétacés évoluent dans des sociétés complexes. Ils font preuve d’un haut niveau d’intelligence et de sociabilité en plus d’être capables d’exprimer des émotions. Ils présentent une forte sensibilité acoustique et un mode de vie migrateur. Les dauphins font partie des animaux les plus intelligents de la planète. Seuls les humains ont un cerveau plus gros par rapport à la taille de leur corps. Ces animaux peuvent nager jusqu’à 100 milles par jour, effectuer des sauts de 15 pieds dans les airs et atteindre une vitesse de 20 milles à l’heure pendant de courtes périodes. On a observé des dauphins qui ont plongé à des profondeurs atteignant 1 700 pieds.

Les dauphins sont des animaux sociaux qui se déplacent souvent en groupe de 50 à 100 individus. Les mères et les petits représentent une bonne partie des grands groupes sociaux de dauphins, qui incluent souvent trois générations.

Les bélugas, les baleines que nous gardons en captivité, sont surnommés les canaris des mers en raison des pépiements qu’ils émettent. Leurs plongeons durent jusqu’à 25 minutes et peuvent atteindre 800 mètres de profondeur.

Les épaulards sont de curieuses créatures. Ils aiment sortir la tête de l’eau et regarder aux alentours. Ils peuvent plonger jusqu’à 100 pieds de profondeur. Ces animaux sociaux peuvent rester dans le même groupe toute leur vie. La structure familiale est très importante : ils dorment ensemble dans un cercle resserré et synchronisent leur respiration.

Six espèces de marsouins ont été identifiées jusqu’à maintenant. Ces animaux préfèrent généralement vivre en petits groupes de 10 ou moins, mais ils se regroupent parfois par centaines pour s’alimenter ou pendant certaines interactions sociales.

Les cétacés sont dotés d’intelligence et d’émotions. Ils ont des liens sociaux, notamment des liens familiaux très étroits, ainsi que des habiletés communicationnelles complexes. Les migrations font aussi partie de leur mode de vie. Toutes ces caractéristiques font des cétacés les créatures les moins aptes à vivre en captivité.

Bien que les baleines et les dauphins vivant en captivité évoluent dans un environnement dénué de prédateurs, de pollution et d’autres menaces, ils souffrent, car ils vivent dans de petits bassins de béton qui n’offrent aucune stimulation sensorielle. Comme l’a expliqué Ingrid Visser, fondatrice et scientifique principale de l’organisme Orca Research Trust, parmi les torts que cause la captivité figurent l’isolement, les problèmes de santé, la réduction de l’espérance de vie, les taux de mortalité infantile élevés et un ennui extrême qui pousse les animaux à s’automutiler. Le résultat de cela est qu'ils ont des cicatrices, des blessures et des dents endommagées, parce qu’ils vivent dans un environnement stérile, d’où toute possibilité de faire des choix a été éliminée. Ils adoptent alors différents comportements malsains, par exemple des comportements répétitifs anormaux ou l’habitude de se laisser flotter en surface.

Dans leur milieu naturel, il est extrêmement rare que les cétacés restent immobiles pendant plus d’une ou deux minutes. Les comportements des animaux en captivité sont un symptôme de la piètre qualité de vie qui leur est imposée.

Selon des experts qui ont témoigné devant le comité, les cétacés gardés en captivité dans des installations canadiennes n’ont pas assez d’ombre et se trouvent dans des bassins trop petits pour adopter des comportements normaux, par exemple pour plonger. De plus, certains sont placés dans des groupes sociaux inappropriés, tandis que d’autres vivent en isolement. C’est le cas de Kiska, le seul épaulard de la planète dont l’isolement social est complet.

On nous a dit que, pour soumettre les cétacés et contrôler leur comportement, il est pratique courante, dans cette industrie, de les priver de nourriture et de leur donner des quantités inappropriées ou excessives de médicaments tels que le diazépam, mieux connu sous le nom de valium.

On procède également à la reproduction de cétacés en captivité à des fins lucratives. Les petits sont séparés de leur mère et vivent en moyenne de deux à trois ans. Nous avons appris que, lorsqu’elles sont séparées de leurs petits, les mères manifestent leur détresse en sombrant au fond du bassin et en se cognant la tête contre le béton.

Certains des témoins ont fait valoir l’importance des cétacés en captivité à des fins de conservation, de recherche et d’éducation. En réponse, Hal Whitehead, de l’Université Dalhousie, qui étudie les cétacés dans la nature depuis 1974, plus particulièrement leur structure sociale, leur culture, leurs populations et leur conservation, a affirmé que la recherche sur les cétacés en captivité se sert d’expériences manipulatrices. Par exemple, au lieu de les nourrir de proies vivantes, on leur donne généralement des poissons morts. En raison de leurs capacités acoustiques, il est débilitant pour les cétacés de vivre dans des réservoirs en béton qui agissent comme des chambres d’écho. M. Whitehead a ajouté que, même si la recherche menée sur des animaux en captivité a donné un aperçu de la nature et de la cognition de ces animaux, il n’est pas certain que ces résultats s’appliquent aux animaux dans la nature. Il nous a aussi dit que les seuls résultats intéressants produits par la recherche sur des animaux en captivité proviennent d’établissements axés sur la recherche, surtout ceux de la marine américaine et de l’Université d’Hawaii. Ils ne proviennent pas d’installations comme Marineland, qui exposent les cétacés au public.

Lori Marino est une neuroscientifique et une experte en comportement animal et intelligence animale qui détient un doctorat en biopsychologie. Elle est reconnue à l’échelle internationale pour son travail sur l’évolution du cerveau et de l’intelligence chez les dauphins et les baleines, ainsi que chez les primates et les animaux de ferme. Elle a publié plus de 130 articles scientifiques évalués par des pairs, chapitres de livre et articles de magazine sur la biologie et la cognition des mammifères marins, l’anatomie comparative du cerveau, la conscience de soi chez les animaux non humains, les relations entre les humains et les animaux non humains et l’évolution de l’intelligence. Elle est également spécialiste des questions liées à la captivité des mammifères marins, comme la delphinothérapie et les revendications éducatives des zoos et des aquariums.

(1450)

Mme Marino a effectué une analyse approfondie des travaux de recherche réalisés dans des installations ici, au Canada. Selon son analyse, Marineland, qui ne prétend pas être une installation de recherche, a publié, sur une période de 10 ans, six articles de recherche sur ses dauphins et ses baleines en captivité. Seulement trois de ces articles ont été cités par des auteurs indépendants et, de ceux-ci, un seul avait une quelconque pertinence pour les cétacés en milieu naturel.

En 30 ans, l’Aquarium de Vancouver a réalisé 13 études internes sur les dauphins et les baleines en captivité. Seulement cinq de ces articles ont été cités plus de quelques fois par le reste de la communauté scientifique. Mme Marino a conclu en disant ceci :

[…] les preuves permettant de prétendre que l’Aquarium de Vancouver ou Marineland mènent des recherches sur des dauphins et des baleines en captivité qui sont pertinentes pour la conservation des cétacés en milieu naturel sont faibles, voire inexistantes. Par conséquent, si la recherche sur les cétacés en captivité au Canada se terminait demain, les répercussions sur la conservation seraient tout au plus négligeables.

Mme Naomi Rose estime que toutes les installations compromettent le bien-être des cétacés, y compris les deux installations ici, au Canada.

Mme Ingrid Visser a informé le comité qu’à Marineland il y a au moins 50 bélugas présentés au public et que ce parc possède 65 p. 100 de tous les bélugas en captivité en Amérique du Nord. Elle a signalé qu’au moins 32 bélugas et 21 épaulards sont morts dans des réservoirs trop petits et inadéquats à Marineland. Ce n’est pas un bilan très positif.

Le comité a aussi appris que Marineland possède suffisamment de bélugas pour continuer ses activités pendant encore 20 ans, car ce projet de loi contient une clause de droits acquis qui permet aux installations existantes de poursuivre leurs activités avec les animaux dont ils ont déjà la garde, à condition de ne pas mettre en captivité d’autres animaux.

Honorables sénateurs, j’aimerais aborder la question des présumés avantages éducatifs liés à la mise en captivité des baleines et des dauphins. Il existe de nombreuses façons de se renseigner sur les baleines sans qu’il soit nécessaire de visiter un aquarium. On peut regarder un documentaire, lire un livre ou aller observer les baleines. En 2000, on comptait 240 entreprises d’observation de baleines en exploitation dans six provinces du Canada, fournissant des emplois et offrant amplement l’occasion de rencontrer des baleines dans leur habitat naturel. Ces entreprises seront appelées à se multiplier si on met fin à la mise en captivité des baleines dans le but de les exposer à des fins prétendument éducatives.

Selon moi, l’appui au projet de loi S-203 reflète un changement des attitudes sociales, qui ont évolué avec le développement des connaissances scientifiques sur les cétacés. Nous ne portons pas de jugement sur les actions prises par le passé, mais, pour l’avenir, nous voulons établir des politiques et des lois adéquates et fondées sur le savoir actuel.

Des biologistes marins de renommée mondiale comptent parmi ceux qui ont donné au projet de loi sa force d’impulsion. Plus de 20 scientifiques l’appuient parce qu’il est prouvé scientifiquement que la mise en captivité des baleines est cruelle, étant donné leurs caractéristiques et leurs besoins. Honorables sénateurs, ces aspects devraient peser lourd lorsque vous déciderez si la capture et la mise en captivité sont simplement trop cruelles pour qu’on les laisse se poursuivre.

Durant les travaux du comité, certains sénateurs et l’avocat de Marineland — qui fait actuellement des pressions contre le projet de loi S-203 — ont fait valoir que le projet de loi ne devrait pas aller de l’avant parce que les Autochtones n’ont pas été consultés. J’estime qu’il faut mener des consultations approfondies auprès des Autochtones pour tout projet de loi susceptible de toucher leurs droits. Or, à ma connaissance, il n’existe aucune tradition autochtone consistant à exposer des baleines vivantes à des fins de divertissement, ou à les capturer et à en faire la reproduction en captivité à des fins de captivité ou de recherche. Ce n’est tout simplement pas dans leur façon traditionnelle de traiter des animaux et, pour dire vrai, tout cela est contraire à la façon dont les Autochtones voient les relations et l’harmonie au sein de la nature.

Les Autochtones se font un devoir de respecter les cycles de vie naturels des animaux avec lesquels ils partagent la terre. Ils s’efforcent de ne pas mener des activités de pêche, de chasse ou de cueillette excessives. Ils utilisent toutes les parties de l’animal et, dans de nombreuses cultures, ils organisent des célébrations et des cérémonies pour montrer qu’ils apprécient l’utilisation qu’ils font de l’animal. C’est ce que l’on peut observer dans de nombreuses traditions autochtones. C’est une question d’intendance et de respect.

Honorables sénateurs, vous vous souviendrez peut-être d’avoir reçu une lettre de l’organisme Coastal First Nations de la Colombie-Britannique, qui demandait au Sénat de voter en faveur de ce projet de loi. Voici un extrait de cette lettre :

En tant qu’intendants de la côte du Pacifique canadienne, nous sommes dans une position idéale pour souligner à quel point il est important de protéger les baleines et les dauphins, ainsi que de les maintenir dans leur milieu naturel. Depuis toujours, les communautés autochtones côtières entretiennent des liens particuliers et importants avec les cétacés. Compte tenu de notre expérience dans l’élaboration de plans d’aménagement du milieu marin, dans l’utilisation d’un système de gestion fondée sur les écosystèmes et dans la création d’entreprises prospères axées sur l’observation des baleines et l’écotourisme, nous pouvons présenter d’autres façons convaincantes d’apprécier et de côtoyer certains des animaux sauvages les plus magnifiques de la planète. Bon nombre de nos communautés s’adonnent à des activités lucratives et durables d’observation des baleines et d’écotourisme. Nous nous considérons donc comme des intervenants de premier plan dans ce débat.

Certaines personnes ont prétendu que le projet de loi porterait atteinte aux droits des Autochtones. Ce ne sera pas le cas. Les lois fédérales ne peuvent pas empiéter sur les droits des Autochtones protégés par la Constitution. Néanmoins, en réponse à cette inquiétude, on a rendu le projet de loi plus clair pour que les Autochtones, y compris les communautés inuites qui exportent des défenses de narval, sachent que leurs droits seront protégés.

Pour assurer une plus grande certitude encore, j’ai proposé un amendement visant à rassurer les Autochtones sur le fait que le projet de loi ne portera pas atteinte à l’un ou l’autre de leurs droits qui sont protégés aux termes de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Cet amendement a reçu l’appui de tous les sénateurs autochtones membres du comité, dont le sénateur Watt, qui est maintenant à la retraite.

J’aimerais prendre quelques instants pour parler des autres amendements qui ont été présentés et adoptés au comité afin de renforcer le projet de loi.

Pour ceux qui se disent préoccupés quant à la valeur de la recherche menée sur des cétacés en captivité, le projet de loi prévoit maintenant une exception lorsqu’il s’agit de reproduction ou de recherche scientifique autorisée en vertu d’une licence délivrée par une province. Le seul établissement au Canada où l’on fait de la recherche scientifique sur les cétacés en captivité est l’Aquarium de Vancouver, et celui-ci s’est engagé, en raison de l’évolution des attitudes sociales, à ne plus garder de cétacés en captivité.

Dans l’optique du sanctuaire de baleines, un amendement a été adopté afin d’autoriser l’importation et l’exportation d’un cétacé lorsqu’on le fait dans son intérêt, notamment lorsque le cétacé est blessé.

L’infraction relative à la reproduction a été modifiée pour en faire dès maintenant une infraction punissable par voie de déclaration sommaire, dont l’amende maximale serait de 200 000 $. Cette disposition est inspirée de la loi en Californie, où la reproduction d’épaulards est interdite.

Les scientifiques ont dit clairement au comité, lorsqu’on leur a posé la question, que garder des cétacés dans des réservoirs en béton est cruel. Il est donc approprié dans ce cas de prévoir une infraction spécifique de cruauté envers les animaux. En conséquence, si le projet de loi S-203 est adopté, il empêchera la naissance de tout autre cétacé en captivité, lui épargnant ainsi un sort cruel, c’est-à-dire celui de vivre sa vie entière dans un réservoir de béton relativement petit. Je crois que nous sommes en mesure de comprendre ce que cela peut représenter. Grâce au projet de loi S-203, j’espère que les jeunes cétacés nés en captivité cette année seront les derniers nés ainsi au Canada.

Plusieurs personnes ont déployé de grands efforts pour que le projet de loi puisse être adopté le plus rapidement possible. La sénatrice conservatrice Janis Johnson a appuyé ce projet de loi dès le tout début. À titre de vice-présidente des délibérations du comité, la sénatrice Elizabeth Hubley a été une ardente défenseure du projet de loi, tout comme l’a été le sénateur Munson, dont l’intervention dans le but d’adopter le rapport du comité en décembre dernier nous rappelle que le public attend impatiemment la tenue d’un vote sur la question.

La mise en captivité des cétacés fait vibrer une corde sensible chez des milliers de Canadiens. Vous vous rappelez peut-être que les nombreux messages de la population nous demandant d’adopter ce projet de loi ont surchargé deux fois les serveurs du Sénat. Des dizaines de milliers de Canadiens nous ont écrit parce qu’ils voulaient que ce projet de loi soit mis aux voix. La pétition qui a été présentée à la Chambre des communes comportait 5 000 signatures, et celle qui a été présentée au Sénat en comportait plusieurs milliers. En tout, plus de 80 000 personnes ont signé en ligne une pétition internationale en faveur du projet de loi S-203.

Je tiens d’ailleurs à saluer et à remercier tous les gens qui ont pris le temps de nous écrire et d’exprimer leur appui au projet de loi. Ils peuvent être sûrs que nous les avons entendus. Ils ont joué un rôle déterminant dans la progression du projet de loi S-203, qui appartient à tous ceux qui le défendent.

(1500)

On trouve maintenant des mesures semblables à celles que contient le projet de loi S-203 dans le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence, dont l’interdiction de capturer des cétacés, sauf pour les sauver, et la capacité de réglementer les importations de cétacés. Les mesures que contient le projet de loi C-68 constituent un pas dans la bonne direction et il est encourageant de voir le ministre LeBlanc adopter une approche positive, constructive et proactive dans ce dossier. Comme le ministre l’a dit en février :

L’acceptation par le public de la captivité de ces créatures majestueuses a changé et nous pensons que la loi devrait aussi changer pour refléter ceci; nous allons donc interdire la capture des cétacés. Nous pensons que les Canadiens appuient en grand nombre ce principe.

La principale différence entre ces projets de loi concerne l’interdiction de la reproduction. Le projet de loi S-203 propose une interdiction absolue de faire se reproduire les cétacés. C’est très important, parce que c’est la seule façon d’éliminer progressivement la garde en captivité de cétacés au Canada. Je m’attends à ce que notre déclaration au Sénat au sujet des dispositions du projet de loi S-203 influera sur la progression du projet de loi C-68 lorsqu’il sera étudié par le comité et que des amendements y seront proposés.

Nous devons nous rappeler le but réel de ce projet de loi : déterminer si des baleines, des dauphins et des marsouins devraient être gardés en captivité. En y réfléchissant, nous ne devons pas oublier les créatures qui vivent dans des aquariums en béton et les cétacés sauvages qui pourraient être capturés et retirés de leur groupe familial dans le but de distraire des humains. C’est de cela qu’il est question dans ce projet de loi, et c’est la raison pour laquelle il est si important.

Compte tenu des données scientifiques qui ont été présentées par des spécialistes à propos des caractéristiques et des besoins biologiques des cétacés pendant l’étude de ce projet de loi, il est manifeste qu’il est cruel de garder des cétacés en captivité. Je ne pense pas que nous souhaitions être cruels. Nous ne devrions pas permettre à d’autres de l’être non plus.

Les membres de ma communauté, les Anishinaabes, reconnaissent que nous sommes tous liés, vous et moi et toutes les autres formes de vie. Il existe un lien entre tous les êtres vivants. Nous sommes interdépendants. Tout ce que nous faisons a un effet sur les autres formes de vie de la planète. C’est pourquoi nous employons le terme nii-konasiitook, qui veut dire tous les êtres qui sont liés à moi, lorsque nous nous adressons les uns aux autres.

Nous ne devons donc pas oublier pourquoi nous sommes ici. Nous sommes ici pour prendre soin de la nation, de nos terres, des gens et de tout ce qui fait partie de ce monde. Alors n’gwamazin : ne renoncez pas à vos convictions. Nii-konasiitook : prenez soin de tous les êtres qui sont liés à nous.

Je vous remercie de votre attention. Je vous demande d’appuyer ce projet de loi. Meegwetch.

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, au nom du sénateur Christmas, le débat est ajourné.)

[Français]

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue, l’honorable Roméo Dallaire.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Loi sur l’Agence du revenu du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Downe, appuyée par l’honorable sénateur Eggleton, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-243, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé).

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs et sénatrices, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-243, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada.

[Traduction]

Au cours de la dernière décennie, de nombreux événements ont eu un effet négatif sur la confiance de la population envers les gouvernements, les organisations financières et les entreprises, et ce, partout dans le monde. Je vais en donner quelques exemples. Il y eu la crise économique de 2008, déclenchée par les prêts hypothécaires à risque aux États-Unis, qui a été suivie de la crise du secteur bancaire et a été réglée au moyen d’une aide massive des gouvernements. Plus récemment, il y a eu les Paradise Papers et les Panama Papers, les révélations sur les comptes à l’étranger en Suisse et au Luxembourg ainsi que les quantités importantes de données divulguées par WikiLeaks, qui ont révélé l’utilisation systémique des paradis fiscaux par des particuliers, des sociétés et des fiducies, exposant une cupidité infinie, des pertes de revenus énormes pour les gouvernements, l’irresponsabilité des entreprises, l’inégalité sociale, la croissance de la criminalité en col blanc ainsi que l’ascension et le déclin de dirigeants et de partis politiques partout dans le monde.

Au cours du Forum économique mondial de 2012, des risques présents à l’échelle mondiale ont été désignés comme exigeant des solutions en priorité, étant donné leurs répercussions sur la stabilité socioéconomique et leurs interactions profondes dans tous les secteurs de la société. Ce sont les risques suivants : premièrement, les déséquilibres fiscaux chroniques; deuxièmement, les émissions de gaz à effet de serre; troisièmement, les échecs des institutions internationales; quatrièmement, la croissance démographique insoutenable; cinquièmement, l’inadéquation des systèmes essentiels.

Le Forum économique mondial a recommandé aux gouvernements de commencer à travailler et de collaborer pour concevoir des programmes qui cerneront, surveilleront, évalueront, géreront, atténueront et réduiront au minimum les risques qui existent partout dans le monde et qui nous touchent tous.

Néanmoins, il est réconfortant de savoir que ces problèmes peuvent être résolus. Une fois qu’un problème est résolu, d’autres le sont par le fait même. Il en résulte un effet domino salvateur.

Voici une chaîne d’événements qui illustre bien les interactions entre les facteurs de risque.

L’évasion fiscale fait perdre des revenus aux États, qui manquent ainsi de liquidités, ce qui engendre des déséquilibres fiscaux chroniques, de grands écarts de revenus et des défaillances du système financier. À leur tour, ces effets peuvent entraîner des problèmes de gouvernance favorisant la corruption et suscitant de l’instabilité dans les secteurs économiques essentiels comme les ressources naturelles, l’énergie ou les infrastructures, ce qui rend plus difficile l’adaptation aux changements climatiques et augmente les émissions de gaz à effet de serre.

En avril dernier, en ma qualité de vice-présidente de la Section canadienne de ParlAmericas, j’ai participé au huitième sommet des Amériques, qui s’est tenu à Lima et qui a donné lieu à des réunions de chefs d’État, de dirigeants d’entreprise, de parlementaires, de représentants de la société civile et de peuples autochtones. Le thème central était alors celui de la gouvernance démocratique pour lutter contre la corruption. À l’issue du sommet, les participants se sont engagés à prendre une série de mesures qu’ils ont appelée l’engagement de Lima. Cet engagement les oblige à passer de la parole aux actes, les gouvernements et les entreprises devant rendre des comptes aux citoyens. Les mesures en question sont notamment l’adoption de saines méthodes comptables, la promotion de la reddition de comptes, l’accroissement de la transparence sur le plan financier, la protection des dénonciateurs, la création de cellules du renseignement financier et l’établissement d’autorités des marchés financiers pour enquêter sur les infractions de corruption, le blanchiment d’argent et les actes de corruption transnationale afin de détecter, de retracer, de bloquer, de confisquer, de saisir et de récupérer les avoirs mal acquis.

De nombreuses affaires véridiques ont été utilisées comme exemples de chaînes de cause à effet semblables à celle que j’ai décrite. L’une de ces affaires est le scandale Odebrecht, qui a éclaté à cause de certains renseignements que l’on a trouvés dans les Panama Papers. En 2016, le département de la Justice des États-Unis a accusé une société de génie brésilienne de fraude, collusion, corruption et évasion fiscale. Des centaines de représentants gouvernementaux issus de 12 pays ont été impliqués dans le scandale. L’enquête a révélé l’existence d’un réseau complexe de trafic d’influence qui avait vu le jour pendant les années 1990. Des divulgateurs et des journalistes ont joué un rôle essentiel dans la découverte du stratagème illégal érigé en système.

[Français]

Ces mêmes fuites des Panama Papers ont révélé que 3 000 sociétés, fiducies et fondations canadiennes, de même que des particuliers canadiens, utilisent des comptes à l’étranger comme paradis fiscaux. La Banque Royale du Canada a fermé plus de 40 comptes à la suite des vérifications effectuées dans le cadre de cette fuite. Toutefois, jusqu’à présent, l’agence n’a divulgué qu’un seul et unique cas ayant subi un résultat après enquête.

(1510)

Le projet de loi S-243 provoquera une action concise et efficace qui nous aidera à cerner, à surveiller, à évaluer et à gérer le déséquilibre fiscal chronique. Tel que l’a expliqué le parrain du projet de loi, le sénateur Downe, le projet de loi S-243 vise à exiger que l’Agence du revenu fasse état de toutes les condamnations pour évasion fiscale à l’étranger, et que la ministre du Revenu national présente un rapport au Parlement sur le manque à gagner fiscal. Aux termes du projet de loi, l’agence serait tenue de fournir au directeur parlementaire du budget les données qu’elle a collectées sur le manque à gagner fiscal, ainsi que les données supplémentaires que le directeur parlementaire du budget jugerait pertinentes afin d’effectuer sa propre analyse.

Honorables sénateurs, l’évasion fiscale est présente au Canada et elle cause de l’instabilité économique et sociale. La taxation est à la base de la capacité du gouvernement fédéral de fournir des services aux Canadiens. Le Canada est l’un des seuls pays développés qui n’a pas d’estimation officielle de son manque à gagner fiscal. Par contre, plusieurs organismes ont tenté d’estimer l’ampleur de cette perte de taxes.

[Traduction]

En se fondant sur les données de Statistique Canada, l’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable a estimé à 198 milliards de dollars les actifs détenus par des sociétés canadiennes en 2014 dans les 10 principaux paradis fiscaux. Statistique Canada a d’ailleurs déjà estimé à 45 milliards de dollars la valeur de l’économie parallèle canadienne en 2013. Dennis Howlett, de Canadiens pour une fiscalité équitable, a dit au Comité des finances des Communes que le recours sans cesse croissant aux paradis fiscaux pouvait coûter jusqu’à 8 milliards de dollars par année aux Canadiens. Selon une autre évaluation, c’est plutôt 80 milliards de dollars par année que nous coûteraient les échappatoires fiscales, l’évasion fiscale et l’évitement fiscal. À partir des estimations des autres pays, le Conference Board du Canada a calculé que le manque à gagner pour le gouvernement fédéral se situe quelque part entre 8,9 millions et 47 milliards de dollars annuellement.

Grâce à une demande d’accès à l’information, Postmedia News a pu révéler que, en 2014, en raison des coupes du gouvernement fédéral dans ses programmes et ses effectifs, l’Agence du revenu du Canada avait beaucoup plus de mal à faire enquête sur le problème sans cesse croissant des paradis fiscaux. Les compressions fédérales combinées de 2012 et de 2013 ont privé l’agence de plus 310 millions de dollars par année et d’au-delà de 3 000 employés à temps plein jusqu’en 2017.

Personne ne s’étonnera du fait que, dans son rapport de 2014, le vérificateur général du Canada, M. Ferguson, a constaté à quel point l’Agence du revenu du Canada a du mal à détecter et à prévenir ce qu’on appelle « la planification fiscale abusive », c’est-à-dire l’ensemble des stratagèmes douteux visant à payer le moins d’impôt possible, voire pas du tout.

Deux budgets fédéraux ont fait de la planification fiscale abusive une priorité, et l’Agence du revenu du Canada elle-même a convenu qu’il s’agissait d’un des principaux facteurs de risque pour la réalisation de son mandat. Pourtant, tous les ministres du Revenu national ont passé sous silence l’effet que les mises à pied et les réorganisations internes ont pu avoir sur la capacité de l’agence à faire appliquer les lois fiscales.

Selon les statistiques obtenues par le Toronto Star en 2016, depuis 2010, le gouvernement canadien a réussi à faire reconnaître coupables seulement 49 personnes pour activités à l’étranger, et il n’a obtenu que 13,4 millions de dollars en amendes. Ces chiffres, qui sont de loin inférieurs à ce qui se fait dans des pays comparables, montrent que l’Agence du revenu du Canada ne recouvre qu’une infime fraction des milliards que le Canada perdrait chaque année à cause des paradis fiscaux. Pendant qu’ailleurs dans le monde les gouvernements consacrent des sommes importantes à la lutte contre le secret bancaire et les stratagèmes d’évitement fiscal, le Canada fait pâle figure. En Australie, par exemple, le projet Wickenby a permis à l’État de récupérer plus de 600 millions de dollars depuis 2006. Le Royaume-Uni, de son côté, a recouvré plus de 3,5 milliards depuis 2010.

Des journalistes du Toronto Star ont mis au jour une lutte qui dure depuis six ans entre les différents directeurs parlementaires du budget et l’Agence du revenu du Canada au sujet de demandes pour obtenir des données fédérales en vue de calculer l’écart fiscal. Faisons la comparaison avec les États-Unis, où l’on calcule et divulgue au public l’écart fiscal depuis plus de 50 ans, ou le Royaume-Uni, où l’on fait de même depuis 2009. Plus d’une dizaine de pays occidentaux — notamment l’Australie, la Suède, la Pologne, la Belgique, le Portugal, le Mexique et le Danemark — suivent les recommandations de l’OCDE et calculent leur écart fiscal. Dans son rapport de 2017 sur l’administration fiscale, l’OCDE indique que de plus en plus de pays calculent l’écart fiscal. Pourquoi le Canada accuse-t-il un retard sur cet enjeu crucial?

En 2016, le gouvernement a versé 444 millions de dollars à l’Agence du revenu du Canada en vue d’éliminer l’évasion fiscale à l’étranger. Le budget de 2017 du gouvernement a prévu un montant supplémentaire de 523,9 millions de dollars sur les cinq prochaines années pour empêcher l’évasion fiscale et améliorer l’observation des règles fiscales en mettant l’accent sur les riches et les multinationales. Or, cette injection de fonds n’a pas accéléré le processus, et on ne connaît toujours pas l’écart fiscal. Chose certaine, il faut du temps pour mettre en œuvre ces récents investissements, mais cela ne devrait pas servir d’excuse pour attendre plus longtemps.

Dans une récente enquête menée par le Toronto Star et CBC, on explique comment le Canada est en train de devenir le plus récent paradis fiscal du monde, un « paradis hivernal », où l’argent sale investi ressort plus blanc que neige. Dans la fuite des Panama Papers, on a trouvé une note de service extrêmement troublante du cabinet d’avocats Mossack Fonseca indiquant que « le Canada est un bon endroit pour créer des structures de planification fiscale visant à minimiser les impôts, en ce qui a trait aux intérêts, aux dividendes, aux gains en capital, aux revenus de retraite et aux locations de maison ». Attirées par la réputation prudente et l’économie stable du Canada, les entreprises créent une industrie tentaculaire d’évitement fiscal en utilisant le Canada pour y cacher des richesses. Les entreprises ont la tâche facile, étant donné que le processus d’enregistrement des sociétés au Canada est relativement simple et qu’il est entouré de secret.

Honorables sénateurs, en faisant une recherche sur Internet, hier, j’ai trouvé des dizaines de publicités troublantes à propos de services offerts aux non-résidents. Ces publicités expliquent notamment comment se constituer en personne morale, créer des partenariats au Canada et y ouvrir des comptes bancaires. La citation suivante est tirée de l’un de ces sites :

Comment réduire le risque de perdre de vos actifs? En devenant une cible plus petite. Et comment pouvez-vous devenir une moins grosse cible? En réduisant la taille de vos actifs de sorte que vous ne soyez plus le propriétaire légal des actifs qui sont à votre disposition. Comment réduire la taille de vos actifs? En inscrivant le plus grand nombre possible d’actifs sous d’autres noms que votre nom personnel. L’une des meilleures façons de procéder consiste à transférer des fonds, des investissements et des actifs à une société, c’est-à-dire une entité légale que vous dirigez.

Les fiscalistes ont beau prétendre qu’il est légal de transférer de l’argent dans des paradis fiscaux, il n’en reste pas moins qu’ils contribuent à ce que des fonds soient mis à l’abri du fisc, des organismes de réglementation et des enquêtes criminelles. Diverses échappatoires servent à se soustraire aux sanctions et à dissimuler des actes de collusion. La confidentialité intrinsèque à ce type de stratagèmes attire les experts en blanchiment d’argent, les trafiquants de drogue, les cleptocrates, bref, quiconque veut rester dans l’ombre.

Une copie du passeport d’un homme d’affaires de Calgary, Wentao Yang, se trouvait dans les Panama Papers. Cette découverte récente a poussé l’ARC à mener une enquête et à faire des perquisitions dans les résidences luxueuses de M. Yang. Celui-ci négociait des ententes — d’une valeur totale de plusieurs centaines de millions de dollars — à des investisseurs chinois. Il leur proposait d’acheter des actifs pétroliers et gaziers en Alberta, notamment d’anciens puits. L’ARC affirme que ce financier né à Shanghai a évité de payer plus de 860 000 $ en impôt et en TPS sur les quelque 2,7 millions de dollars qu’il a empochés en négociant l’un des plus importants achats d’actifs de l’industrie pétrolière de l’Ouest canadien par un acheteur chinois au cours des dernières années. Il a aidé un certain nombre de sociétés à acheter des actifs dans le secteur des ressources naturelles, dont la Sequoia Resources Corporation, qui avait acquis des milliers de puits de gaz de l’Alberta, mais qui a fait faillite en mars dernier.

L’enquête sur M. Yang est le seul cas d’enquête menée à partir des Panama Papers à propos duquel l’ARC a révélé qu’il existait des documents publics.

L’évitement fiscal et l’évasion fiscale font perdre au gouvernement de précieuses recettes qui pourraient servir à répondre à de nombreux besoins pressants des contribuables canadiens dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la protection de l’environnement, de l’application de la loi, de la défense nationale, et j’en passe. Le Canada est au 11e rang sur 145 pays classés quant au montant que représente l’évasion fiscale. Pour donner un ordre de grandeur, la perte de 80 milliards de dollars par année causée par l’évasion fiscale représente la moitié des dépenses en soins de santé au Canada. C’est faramineux.

(1520)

[Français]

Honorables sénateurs, la grande majorité des Canadiens paient les impôts qu’ils doivent payer dans les délais prescrits.

Son Honneur le Président : Sénatrice Galvez, je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Galvez : Je n’aurai besoin que de deux minutes, monsieur le Président.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : Oui.

La sénatrice Galvez : Il est donc injuste pour la grande majorité des Canadiens de perdre des sommes faramineuses en manques à gagner en matière d’impôts, qui nous privent d’une meilleure qualité de vie.

Tout comme les sénateurs Bovey et McIntyre, je vous demande d’appuyer le projet de loi S-243, qui représente une étape essentielle dans la promotion de la transparence et de la reddition de comptes auxquelles les citoyens s’attendent, avec raison, de la part de leur gouvernement.

Je remercie vivement le sénateur Downe du courage et de la ténacité avec lesquels il mène ce dossier.

[Traduction]

Chers collègues, si nous ne sommes pas en mesure de quantifier un problème, comment pourrions-nous le résoudre? Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, au nom de la sénatrice McPhedran, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques

Troisième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, projets de loi, troisième lecture, article no 2 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Cormier, appuyée par l’honorable sénateur Wetston, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-66, Loi établissant une procédure de radiation de certaines condamnations constituant des injustices historiques et apportant des modifications connexes à d’autres lois.

L’honorable Frances Lankin : Merci, chers collègues.

J’ai l’intention d’être brève. Le projet de loi C-66 concerne la radiation de condamnations constituant des injustices historiques. Il est question des citoyens canadiens qui ont été la cible de discriminations comptant parmi les plus ouvertement pratiquées au moyen du système juridique, du maintien de l’ordre, des mises en accusation, des tribunaux, de la criminalisation, des conclusions de criminalité et de la conservation des dossiers. Je parle, vous l’aurez deviné, des hommes qui ont injustement été reconnus coupables d’avoir eu des relations sexuelles homosexuelles au Canada.

À la fin des années 1970 et au début des années 1980, j’habitais à Toronto et je me souviens encore clairement de ce que les gens appellent les descentes dans les saunas. C’est une chose de découvrir qu’un lieu est, en fait, une maison de débauche, mais, dans ce cas-ci, la force exagérée et oppressive employée par les policiers dans les descentes représentait non seulement une atteinte à la vie privée, mais aussi un abus du pouvoir de déclarer des lieux des maisons de débauche.

Ainsi, nous avons ces condamnations et ces casiers judiciaires que traînent des gens qui se sont adonnés à des activités qui, aujourd’hui, ne seraient pas considérées comme illégales.

Le présent projet de loi se fait attendre depuis longtemps et je l’appuie. C’est un pas important dans la bonne direction. J’hésite presque à le dire, mais cela me rappelle l’époque où j’étais militante et où je disais : « C’est bon, mais ce n’est pas suffisant .» En l’occurrence, le projet de loi est excellent, mais il ne va pas assez loin.

Je songe à au moins trois aspects importants, quoique le Comité sénatorial des droits de la personne ait relevé dix aspects au sujet desquels il exhorte le gouvernement à consulter davantage les experts de la communauté LGBTQ, les juristes et les spécialistes des droits de la personne afin d’envisager de traiter des questions irrésolues et du cas des personnes qui ont toujours un casier judiciaire fondé sur des actes discriminatoires à l’époque.

Je ne vais pas les énumérer tous, mais je pense certainement à la question des maisons de débauche. La définition de « maison de débauche » est une question complexe à traiter dans le contexte d’un projet de loi comme celui-ci, car il existe d’autres applications des dispositions législatives relatives aux maisons de débauche visant d’autres groupes ou relations de personnes accusées d’infraction ou détenant un casier judiciaire. Il faut l’examiner dans ce contexte et, peut-être, avec un certain tact et des nuances en s’efforçant d’avoir une compréhension complète des conséquences d’une intervention à ce chapitre. Le gouvernement doit faire cela. J’accepte que cet élément ne fasse pas partie du projet de loi.

L’une des choses qui me préoccupent, c’est que le projet de loi enlève la garantie de documents d’archives. Je crois que les gens ont présenté de très bons arguments quant à la nécessité de pouvoir accéder à ces documents à des fins de recherches historiques. Certes, les documents pourraient être caviardés. On pourrait en supprimer les noms. Toutefois, le contexte, le contenu et les circonstances devraient demeurer disponibles. Je demande au gouvernement d’assurer un suivi à l’égard des recommandations du Comité sénatorial des droits de la personne afin de traiter de ces questions irrésolues.

La seule question dont je veux parler un peu plus longuement aujourd’hui est l’âge du consentement. Cela m’inquiète beaucoup que nous n’ayons pas résolu ce problème dans le projet de loi.

L’âge actuel du consentement sexuel est de 16 ans. Le projet de loi va supprimer le casier judiciaire des personnes dont nous parlons si elles avaient plus de 16 ans au moment où elles ont été accusées et condamnées. C’est une bonne chose. Le problème est que, à l’époque où ces accusations et ces condamnations ont eu lieu, l’âge du consentement était de 14 ans. Ce n’est qu’en 2006 qu’il est passé à 16 ans. De 1892 à 2006, l’âge du consentement était de 14 ans.

Je vais vous dire quelle est la véritable discrimination ici. Les jeunes hétérosexuels qui étaient âgés de 14 à 16 ans à l’époque n’ont pas fait l’objet d’accusations ou de condamnations et n’ont pas été incriminés. Cependant, les casiers judiciaires des homosexuels âgés de 14 à 16 ans, l’âge légal du consentement pour les hétérosexuels à cette époque-là, qui ont été victimes de l’application discriminatoire de la loi, ne seront pas supprimés. C'est tout simplement injuste.

Le sous-ministre a comparu et a dit que c’était parce que l’âge du consentement d’aujourd’hui était de 16 ans. Je comprends que c’est un bon début, mais l’injustice demeure. Le fait que l’âge de l’application de la loi reste inégal est une injustice.

Votre Honneur, je vois qu’il est bientôt l’heure de la période des questions et je tiens à reprendre ce qu’a si bien dit John Ibbitson dans un article du Globe and Mail le 30 avril :

Les sénateurs ont un choix à faire. Ils peuvent adopter le projet de loi C-66, sachant qu’un grand groupe d’homosexuels qui méritent que leur casier judiciaire soit éliminé en sera exclu, ou renvoyer le projet de loi à la Chambre avec une proposition d’amendement afin d’inclure ces hommes, ce qui pourrait mettre le projet de loi en péril.

Cette mesure législative comporte une lacune à cet égard, mais j’ai néanmoins l’intention de l’appuyer à l’étape de la troisième lecture. J’estime qu’il s’agit d’un premier pas important dans la bonne direction.

Cependant, j’exhorte le gouvernement à respecter les recommandations du Comité sénatorial permanent des droits de la personne et à s’employer à remédier aux nombreuses injustices qui demeureront une fois que ce projet de loi aura été adopté.

Je vous remercie, Votre Honneur.

(Sur la motion du sénateur Mercer, au nom du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, comme il est maintenant 15 h 30, le Sénat doit passer à la période des questions. Je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue à l’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député et ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire. Bienvenue, monsieur le ministre.

Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 10 décembre 2015, visant à inviter un ministre de la Couronne, l’honorable Lawrence MacAulay, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, comparaît devant les honorables sénateurs durant la période des questions.

Le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire

Le projet de loi sur le cannabis—La culture à l’extérieur

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Bon après-midi, monsieur le ministre. Je vous souhaite la bienvenue.

[Français]

Je vais vous poser le début de ma question dans la langue de Molière.

Monsieur le ministre, ma question porte sur les conséquences de la légalisation de la marijuana sur la culture extérieure et sur l’utilisation des terres. Vous n’êtes pas sans savoir que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts a publié, plus tôt cette année, un rapport sur les terres agricoles et l’utilisation des terres au Canada. Le rapport indique que les terres agricoles disparaissaient au profit de l’expansion urbaine et du développement immobilier.

(1530)

[Traduction]

Je voudrais savoir quelles mesures votre ministère entend prendre pour éviter d’aggraver les problèmes exposés dans le rapport du comité.

Par exemple, monsieur le ministre, allez-vous agir pour prévenir le détournement de milliers d’hectares de terres actuellement consacrées à la production alimentaire en interdisant une politique qui permet les installations de culture extérieures à l’échelle commerciale lorsque le cannabis sera légalisé plus tard cette année?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Merci, monsieur le leader. C’est un plaisir d’être au Sénat. C’est une aspiration que possèdent de nombreux habitants de ma région. Je ne suis ici que pour un bref moment aujourd’hui, mais je suis content de l’être.

Le projet de loi sur le cannabis est une mesure législative intéressante. Lorsqu’il a été présenté, des préoccupations ont évidemment été soulevées à propos de l’accoutumance. Cela m’a fait penser à l’époque de la prohibition. Je n’étais pas vivant à l’époque, bien que je sois loin d’être jeune. Bon nombre de personnes croyaient que je m’opposerais au projet de loi sur le cannabis. Cependant, je sais que, si une personne veut quelque chose, elle trouve généralement un moyen de l’obtenir. C’est le cas dans cette situation. Je sais que ce n’est pas précisément la question que vous me posez.

Ce projet de loi relève actuellement de la compétence des ministres de la Justice et de la Santé. Cependant, je suis membre du Cabinet et, comme vous, je me préoccupe énormément de l’utilisation des terres, plus particulièrement des terres agricoles. J’examine ce que le gouvernement tente de faire et fera — avec votre aide, ajouterais-je — pour assurer l’exportation de produits agricoles et agroalimentaires d’une valeur de 75 milliards de dollars. La seule façon d’y parvenir est de prendre soin de nos terres agricoles.

Je peux vous assurer, honorable collègue, que je ferai tout mon possible pour préserver les terres agricoles pour l’agriculture. Évidemment, vous êtes au courant que cette mesure législative est maintenant à l’étude au Sénat. Nous nous attendons à ce qu’elle soit adoptée. La culture aura lieu, et je peux vous assurer, honorable sénateur, que nous garderons certainement un œil attentif en tout temps sur la situation.

Le sénateur Smith : Même si je comprends qu’il s’agit d’un autre secteur, avez-vous offert des conseils aux responsables de Santé Canada sur la question de la légalisation et de la culture extérieure dans le cas de l’agriculture?

M. MacAulay : Je vous remercie. Il faudra évidemment que le cannabis soit cultivé dans le sol, quelque part, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur. Une grande partie de la culture se fera à l’extérieur. Je ne peux pas l’empêcher. C’est un produit qui sera cultivé et il sera vendu conformément aux mêmes dispositions que l’alcool et d’autres articles qui sont vendus. C’est ce qui arrivera.

Je ne peux pas promettre que je ne permettrai pas que le cannabis soit cultivé sur des terres agricoles, car, en fait, il le sera. Si vous me demandez si l’agriculture et les terres agricoles me préoccupent, évidemment que cela me préoccupe.

En tant qu’agriculteur — et je constate l’étalement urbain dans beaucoup de régions —, je trouve parfois la situation très inquiétante. Toutefois, nous avons beaucoup de chance au pays. Nous avons beaucoup d’excellentes terres arables. Nous avons beaucoup d’eau et de bons sols pour cultiver des produits.

Je prends bonne note du point que vous faites valoir. Je surveillerai étroitement ce qui se passe sur le plan de la culture, mais cela ne signifie pas pour autant que je mettrai un terme à la culture de la marijuana. Par ailleurs, la culture devra se faire sur des terres agricoles. Je vous remercie, sénateur.

[Français]

La tordeuse des bourgeons de l’épinette

L’honorable Ghislain Maltais : Bienvenue, monsieur le ministre. C’est le beau temps qui vous fait sourire; c’est le beau temps pour les semences agricoles. J’espère que la pêche se porte bien dans votre île.

Je ne vous parlerai pas de cannabis aujourd’hui. Il y a des choses plus importantes et des décisions qui doivent être prises rapidement. Ma question fait suite à une question que mon collègue, le sénateur Carignan, a posée il y a quelques semaines, et qui a trait à la tordeuse des bourgeons de l’épinette.

Dans le budget, une somme de 75 millions de dollars est destinée aux provinces atlantiques. C’est une excellente idée et je vous en félicite; les quatre provinces atlantiques disposent d’une somme de 75 millions de dollars sur une période de cinq ans. Bravo!

Toutefois, juste à côté se trouvent les provinces du Québec et de l’Ontario qui ont, à elles deux, une superficie 20 fois supérieure à celle de la France. En 2017, sept millions d’hectares ont été détruits par la tordeuse des bourgeons de l’épinette. Le Québec a fait homologuer, avec l’appui de votre gouvernement, un insecticide qui ne pollue pas, qui n’est pas nocif pour la faune, pour la flore ou pour les eaux; le gouvernement fédéral a-t-il oublié le Québec? N’y a-t-il pas assez de députés issus de la province de Québec? Qu’est-ce qu’on attend?

En ce moment, c’est la saison durant laquelle l’épandage doit être fait. Les travaux ont d’ailleurs commencé dans la région de la Côte-Nord — mon pays —, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean — le pays de l’un de vos députés —, et dans la région du Témiscamingue ainsi que dans le Nord de l’Ontario. Il est grand temps que votre propre ministère...

Son Honneur le Président : Sénateur Maltais, allez-vous poser votre question?

Le sénateur Maltais : J’en arrive à ma question, croyez-le ou non : combien d’argent allez-vous donner au Québec, et à quel moment?

[Traduction]

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Je tiens à remercier mon honorable collègue de sa question et de sa préoccupation à l’égard de cet enjeu. Évidemment, l’épidémie qui sévit actuellement au Québec m’inquiète beaucoup. Dans un premier temps, je peux vous assurer que je serais très heureux de collaborer avec vous dans ce dossier.

La tordeuse des bourgeons de l’épinette fait énormément de ravages. Cette infestation coûte beaucoup d’argent à l’industrie forestière. La situation est fort préoccupante dans les provinces de l’Atlantique et, bien entendu, au Québec, dans une plus grande mesure. C’est un problème auquel nous devons nous attaquer.

En outre, d’après ce que je comprends, on a connu du succès dans la région des Maritimes, et j’espère que nous pourrons utiliser la même approche au Québec et dans les autres régions où sévit une telle épidémie. Je serais tout à fait enchanté de pouvoir travailler avec vous pour parvenir à une solution. En fait, si nous n’agissons pas, nous allons perdre de l’argent. Nous voulons nous assurer de préserver ces forêts.

J’aimerais donc collaborer avec vous pour régler ce problème le mieux possible.

J’aimerais dire une dernière chose concernant l’Île-du-Prince-Édouard. Je vous remercie d’avoir posé la question. Nous avons enfin du beau temps.

[Français]

Le sénateur Maltais : J’aimerais remettre un document au ministre par l’entremise d’un page, afin de l’appuyer dans son travail.

Son Honneur le Président : Après la période des questions, sénateur.

[Traduction]

Les initiatives liées à l’adaptation aux changements climatiques

L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. C’est toujours un plaisir de vous avoir parmi nous. Je n’aurais aucune objection à ce que vous occupiez un siège permanent lorsqu’une place se libérera.

Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, auquel je siège depuis longtemps, étudie l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier. De nombreux témoins nous ont fait part de leurs inquiétudes. Les producteurs, par exemple, nous ont dit qu’ils subissaient déjà les conséquences des changements climatiques : un dégel rapide, des inondations, des phénomènes météorologiques extrêmes, le fait de devoir opter pour d’autres variétés de culture pour mieux s’adapter aux nouvelles conditions locales, ou de devoir améliorer leurs stratégies de lutte antiparasitaire.

Monsieur le ministre, les agriculteurs canadiens s’adaptent constamment, mais, en grande majorité, ils nous ont dit que le soutien du gouvernement ne serait pas de trop pour les aider à faire face à ces nouveaux défis.

Quelles mesures vous et votre ministère avez-vous prévues pour faire face aux répercussions de ces problèmes liés aux changements climatiques sur le secteur agricole canadien, afin que ce dernier puisse continuer à prospérer à long terme?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Je vous remercie de votre question, sénateur. En tant qu’agriculteur, je peux vous assurer que nous savons nous adapter. Les agriculteurs ont un esprit d’innovation incomparable. C’est d’ailleurs une qualité essentielle pour quiconque veut survivre dans ce domaine.

Je vous remercie de votre question et je remercie le Sénat du travail qu’il a accompli dans ce dossier. Pour autant que nous sachions, il n’y a qu’un seul endroit où nous pouvons habiter: c’est ici. L’an dernier, dans l’Ouest canadien, il y a eu des inondations monstres et, ensuite, c’est un incendie qui a fait des ravages.

(1540)

Ce sont de véritables catastrophes. Des programmes fédéraux-provinciaux sont prévus en pareil cas, des programmes de gestion des risques de l’entreprise. Les agriculteurs reçoivent une certaine somme d’argent grâce à ces programmes, mais le problème n’est pas résolu pour autant. On se contente de dire que le gouvernement a versé de l’argent aux agriculteurs, mais ce n’est jamais suffisant pour compenser leurs pertes. On n'y arrive jamais. Les pertes sont très importantes dans le cas d’un incendie ou d’une autre catastrophe du genre. L’agriculteur se voit demander une liste de ce qu’il a perdu. Nous savons comment cela se passe. Un an après, il doit acheter une pièce d’équipement qui lui coûte 2 000 $ ou 3 000 $ parce qu’il a oublié de l’inclure dans la liste. C’est tout simplement la réalité et je la comprends parfaitement, puisque je suis agriculteur.

Néanmoins, espérons que nous avons fait œuvre utile depuis deux ans et demi. Nous devons continuer. Nous avons injecté 100 millions de dollars dans la recherche en agriculture. Cela résout en partie le problème dont nous parlons, évidemment. Il faut également souligner l’apport des scientifiques du domaine agricole et agroalimentaire, au fil des ans. J’en donne un tout petit exemple aux sénateurs, celui de la graine de canola. C’est une invention canadienne qui a généré des milliards de dollars de retombées dans le secteur agricole au pays et ailleurs dans le monde. Il y a aussi le broutage d’andains. C’est intéressant à voir. Lors d’une visite dans l’Ouest canadien, j’ai pu observer cette méthode, qui est employée pour les bovins d’engraissement. On fait pousser du grain et on le récolte en laissant les andains dans les champs et en les entassant pour que les bovins puissent s’en nourrir pendant l’hiver. On réduit ainsi l’empreinte écologique de la production agricole. Il n’est pas nécessaire de ramasser les andains avec un tracteur pour les stocker dans les bâtiments. Ce genre de pratique a une grande importance.

De plus, nous avons investi 27 millions de dollars dans le Programme de lutte contre les gaz à effet de serre en agriculture et 25 millions de dollars dans le Programme des technologies propres en agriculture. Ces problèmes contribuent également à stimuler l’économie. Lorsqu’il est question de l’environnement, il y a toujours des effets sur l’économie. Toute cette question est absolument cruciale.

Au bout du compte, nous n’avons qu’une seule planète. Je le répète encore une fois : il y a de nombreux volets à prendre en compte dans le cas de l’agriculture de précision. Il faut notamment prévenir l’érosion des sols dans les cours d’eau. Il y a plusieurs années — et peut-être est-ce le cas encore aujourd’hui —, l’eau prenait une teinte rougeâtre. En plus de représenter des pertes financières pour les agriculteurs, cette situation tue les poissons. Nous avons donc pris toute une série de mesures, au cours des dernières années, pour régler ce type de problème, et nous devons poursuivre sur la même voie parce que tout est en train de changer.

En ce qui concerne les innovations, tout le monde innove. Nous ne sommes pas les seuls, mais nous devons apporter notre contribution.

Le service de traversier entre l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse

L’honorable Diane F. Griffin : Ma question s’adresse au ministre. Monsieur le ministre, je vous remercie d’être parmi nous aujourd’hui. En passant, il est également mon député.

Ma question ne porte pas sur l’agriculture, mais elle touche un sujet qui relève de votre mandat à titre de député chevronné de l’Île-du-Prince-Édouard, soit les services de traversier entre l’Est de l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse.

En mai dernier, vous avez annoncé à Belfast, à l’Île-du-Prince-Édouard, que, pour instaurer un climat de stabilité et de certitude pour les collectivités de l’est de la province, le gouvernement du Canada cherchera à conclure des contrats à long terme, pouvant s’étendre jusqu’à 20 ans, pour les services de traversier. De plus, les anciens traversiers de l’Île-du-Prince-Édouard seraient remplacés par des nouveaux au cours des trois prochaines années.

Quels sont les coûts d’entretien liés à la prolongation du Programme de contributions pour les services de traversier de Wood Islands de 2018 à 2020, et les habitants de l’île peuvent-ils s’attendre à de nouveaux traversiers pour Wood Islands au cours de la période de trois ans annoncée l’an dernier?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Comme vous le savez, cela ne relève pas vraiment de mon ministère, mais vous savez également que j’ai, ni plus ni moins, été chargé du dossier dès que j’ai été élu à la Chambre des communes. C’est quelque chose qui est essentiel pour votre région. Il est crucial de moderniser et de maintenir des services de traversier adéquats pour l’est de Charlottetown, c’est le moins que l’on puisse dire. Je vous remercie de votre question, qui est fondamentale.

Premièrement, j’ai été très fier de faire cette annonce. Je comprends, tout comme vous, sénatrice, à quel point c’est important pour l’économie dans l’Est de l’Île-du-Prince-Édouard. Sans les services de traversier, la situation serait tout à fait désastreuse pour nous.

Comme l’a mentionné la sénatrice, j’ai annoncé que cela prendrait environ 20 ans. Un appel d’intérêt a été lancé, et il fait actuellement l’objet d’une évaluation. Des demandes de proposition seront publiées. Pendant le processus, le gouvernement prendra des mesures pour que nous en arrivions à la situation que j’ai annoncée il y a un peu plus d’un an.

Pour ce qui est de savoir combien les services de traversier coûteront, comme je l’ai mentionné, cela ne relève pas de mon ministère, mais j’ai cru comprendre que ce serait semblable à un prêt de fonds de roulement. Il est établi en fonction des coûts des services de traversier.

Vous savez très bien que nous avons eu des difficultés liées à un traversier, puis qu’un autre traversier est tombé en panne. C’est très mauvais pour notre économie, et nous devons veiller à ce que cela ne se produise pas.

Je vous remercie de votre question. J’espère que le gouvernement donnera suite à l’annonce que j’ai faite. Il arrive parfois que vous et moi soyons un peu impatients. Je peux me montrer très impatient. Cela ne s’est pas produit pour le moment, mais cela viendra. C’est quelque chose qui est absolument nécessaire pour l’Est de l’Île-du-Prince-Édouard, et c’est un dossier dont j’ai dû m’occuper pendant toute ma carrière politique, et ce, avec divers ordres de gouvernement.

L’étiquetage indiquant le pays d’origine

L’honorable Robert Black : Monsieur le ministre, la semaine dernière, pendant l’une de nos réunions au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, nous avons appris que, depuis l’entrée en vigueur de l’accord avec l’Union européenne, les exportations de blé dur canadien en Italie, soit la première exportation agricole en importance vers ce pays, ont chuté à zéro, alors qu’elles s’élevaient à un million de tonnes. On m’a dit que c’est le résultat à la fois d’une réglementation protectionniste en matière d’étiquetage indiquant le pays d’origine et d’une campagne contre le Canada organisée par le syndicat des producteurs agricoles de l’Italie. Aujourd’hui, j’ai appris que ce même syndicat a maintenant décidé de s’attaquer activement aux exportations de légumineuses canadiennes et qu’ils emploient les mêmes tactiques qui ont fonctionné pour le blé dur. Que fait ou compte faire le gouvernement pour atténuer ce problème qui touche les producteurs de grain de tout le pays?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Merci beaucoup, monsieur le sénateur. Je peux vous assurer que je suis tout à fait conscient du problème qui touche l’étiquetage indiquant le pays d’origine. Il a coûté cher au Canada au cours des dernières années. Le problème persiste.

Il est vrai que le problème est de taille en Italie. Vous avez parfaitement raison; ces gens sont allés jusqu’à dire aux consommateurs italiens, à tort ou à raison, que certains pesticides qui posent problème sont utilisés, et cela nous a causé bien des ennuis. Évidemment, ils adopteront peut-être la même tactique pour les légumineuses. Je ne suis pas avocat, mais je crois comprendre qu’ils ne suivent pas les règles relatives à l’accord commercial que l’Union européenne a mises en place.

Nous évaluons la situation afin de déterminer si nous devrions ou non faire appel à l’Organisation mondiale du commerce. Nous en discutons également avec les autorités de l’Italie. Comme j’ai voyagé en Italie et rencontré nombre de producteurs de pain, je sais que ces gens utilisent du blé canadien, qui est fort demandé, et qu’ils veulent ce blé.

Il reste à voir comment les choses évolueront, mais, à vrai dire, en ce qui concerne la mention du pays d’origine sur les étiquettes avec les États-Unis, les agriculteurs américains, les éleveurs américains, ont été d’une grande aide. Il faut espérer que nous pourrons obtenir de l’aide des consommateurs italiens qui tiennent à obtenir ce produit. Personne ne veut un produit de piètre qualité, que ce soit du pain ou autre chose. J’espère donc et je pense qu’ils veulent notre blé. Ce genre de pression est important.

Nous sommes, en outre, à évaluer le processus juridique afin de déterminer si nous respectons les conditions nécessaires pour aller de l’avant. J’en ai également parlé avec les hauts représentants de l’Union européenne, qui sont préoccupés par la question eux aussi. Lorsqu’on conclut une entente avec un pays de l’Union européenne ou tout autre pays du monde, il est extrêmement important que les deux parties respectent les règles commerciales, que ce soit pour éviter ce genre de tactique visant à empêcher un produit d’entrer dans un pays ou pour garantir qu’on emploie un système de réglementation fondée sur les données scientifiques — ce qu’on n’a pas utilisé, dans ce cas. Cependant, je puis vous assurer, honorable sénateur, que nous travaillons sur ce dossier.

(1550)

La taxe sur le carbone

L’honorable Salma Ataullahjan : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts étudie l’incidence de la taxe sur le carbone sur les activités agricoles au Canada. Le comité a entendu, à plusieurs reprises, des gens dire que le gouvernement fédéral n’a pas consulté adéquatement les agriculteurs et les associations d’agriculteurs sur la tarification du carbone et ses impacts possibles. David Mol, président de la Fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard, a dit ceci au sujet des consultations par le ministre de l’Agriculture :

Non. Je n’ai jamais été consulté sur les modalités d’une taxe sur le carbone. […] il y avait beaucoup de poudre aux yeux en ce qui concerne les crédits de carbone.

Lorsqu’on lui a demandé s’il avait été consulté au sujet de la taxe sur le carbone, Todd Lewis, président de l’Association des producteurs agricoles de la Saskatchewan, a dit que, en ce qui concerne le projet de loi C-74, il n’y a pas eu de consultations sur la loi proposée sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Il a affirmé ce qui suit :

Le gouvernement fédéral ne nous a rien dit au sujet de la taxe.

Monsieur le ministre, pourriez-vous, s’il vous plaît, commenter ces affirmations? Si elles sont vraies, pourquoi le gouvernement fédéral n’a-t-il pas consulté le milieu agricole au sujet de la taxe sur le carbone?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Merci, sénatrice, de votre question. Je peux vous assurer que nous avons mené des consultations partout au Canada. Avons-nous consulté chaque agriculteur du pays? J’en doute. Cependant, nous avons mené beaucoup de consultations, partout au pays.

J’ajouterais que personne, au Canada, ne porte davantage attention à l’environnement et à la qualité du sol, de l’eau et de l’air que les agriculteurs. Ils savent pertinemment que la culture des produits exige des conditions appropriées.

Comme vous le savez, nous consacrons des sommes considérables à la science, à l’agriculture de précision et à plusieurs autres domaines afin d’aider les agriculteurs.

Vous savez également, madame la sénatrice, que le gouvernement provincial a le pouvoir de verser des remboursements à certains groupes et dans certains secteurs de la province, selon son bon jugement. L’essence et le diesel utilisés par les agriculteurs bénéficient d’une exemption, bien sûr. Comme vous le savez sûrement, le comité vient tout juste d’approuver un amendement grâce auquel les pêcheurs seront dans le même bateau, si j’ose dire.

Notre objectif fondamental, c’est de voir à ce que nous puissions vivre dans un environnement sûr et sain, où il est possible de faire pousser de bonnes récoltes. Je peux vous garantir que les agriculteurs adhèrent pleinement à cet objectif et qu’ils contribuent depuis toujours à le concrétiser. Merci.

L’honorable Carolyn Stewart Olsen : Monsieur le ministre MacAulay, bienvenue au Sénat. Les agriculteurs du Nouveau-Brunswick n’exploitent pas de grandes entreprises agricoles qui ont les moyens de perdre quelques milliers de dollars ici et là. Ils ont plutôt des entreprises familiales. Ils doivent composer avec des marges bénéficiaires très serrées et faire de leur mieux pour qu’il leur reste un peu d’argent une fois les factures payées.

La Fédération canadienne de l’agriculture craint qu’une taxe fédérale sur le carbone ne fasse grimper les coûts que doivent assumer les agriculteurs du pays. Selon une estimation établie l’an dernier par Agriculture et Agroalimentaire Canada, les agriculteurs de l’Ouest peuvent s’attendre à payer jusqu’à 3 700 $ de plus par année après l’entrée en vigueur de la taxe fédérale sur le carbone.

Monsieur le ministre, certains agriculteurs du Nouveau-Brunswick ne gagnent même pas le salaire minimum une fois qu’ils ont réglé toutes leurs dépenses. Pourriez-vous me dire combien la taxe sur le carbone que prévoit le gouvernement fédéral coûtera aux agriculteurs néo-brunswickois?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Encore une fois, je remercie l’honorable sénatrice de sa question.

Je le répète : les agriculteurs prennent soin des terres et des plans d’eau. On constate que la plupart d’entre eux sont en faveur des mesures que nous avons prises pour tarifer le carbone. C’est d’une importance cruciale et cela deviendra réalité. Les agriculteurs appuient pleinement la tarification du carbone pour les raisons que j’ai indiquées à la sénatrice qui est intervenue avant vous.

Les agriculteurs comprennent nettement qu’il leur faut d’abord et avant tout des terres, de l’air et de l’eau sains et propres. Ils sont également reconnaissants envers le gouvernement pour ses investissements dans la recherche. Sachez que nous avons consacré 100 millions de dollars à la recherche en agriculture, laquelle est essentielle. Nous avons également investi 27 millions dans un programme de lutte contre les gaz à effet de serre en agriculture. Les agriculteurs aiment ce genre de programmes. Plusieurs d’entre eux s’assurent d’y participer et vont continuer à le faire. Merci.

La modernisation des transports

L’honorable Percy E. Downe : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat.

Comme vous le savez, le Sénat du Canada ne compte aucun agriculteur parmi ses membres. Pour notre gouverne, pourriez-vous nous en dire davantage sur les modifications apportées aux projets de loi…

La sénatrice Lankin : Oui, il y en a.

Le sénateur Downe : Non, je veux dire un véritable agriculteur. J’ai vérifié auprès du sénateur Black. Certes, il a grandi sur une ferme et a travaillé dans l’industrie de l’agroalimentaire et de l’agriculture, mais il n’est pas un agriculteur comme le ministre MacAulay, qui a quitté ses champs pour le Parlement du Canada.

Pour revenir au projet de loi C-49, sur les transports, pourriez-vous en expliquer les avantages pour l’industrie agricole du Canada et les amendements qui lui ont été apportés, dont certains par le Sénat?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, et je comprends votre préoccupation.

J’espère que ce n’est pas illégal, mais je suis toujours inscrit comme agriculteur sur le bulletin de vote, et je suis toujours agriculteur au fond de mon cœur. Le sénateur Black peut vous assurer que c’est le cas. Agriculteur un jour, agriculteur toujours. Je sais lorsqu’il doit pleuvoir, et je connais le taux d’humidité idéal pour la culture de pommes de terre. Ce sont des choses qui restent en nous.

Le projet de loi C-49 a été une expérience formidable pour moi, étant donné que je cultivais des pommes de terre de semence à l’Île-du-Prince-Édouard et que je devais commander des wagons, ce qui trahit un peu mon âge. Il n’y a plus de wagons dans cette province depuis longtemps. Cependant, si ce wagon n’arrivait pas, eh bien, tant pis, et si je devais vendre mes semences ailleurs dans le Centre du Canada, je pouvais perdre la vente. Si le wagon arrivait, mais que je ne parvenais pas à le charger à temps, je devais payer quand même. C’était très agaçant.

En tant que ministre de l’Agriculture et partie prenante de ce projet de loi — ce n’est pas mon projet de loi, mais j’ai certainement participé à son élaboration —, je considère que l’application de sanctions réciproques — nous ne voulons pas défavoriser les compagnies de chemins de fer ni personne d’autre — est une mesure équitable. Je me rappelle lorsque des agriculteurs m’ont dit pour la première fois qu’ils souhaitaient qu’on applique des sanctions réciproques. Je ne suis pas sûr si j’ai marmonné ou bien si j’ai dit tout haut qu’il n’y avait pas la moindre chance que cela se produise, mais, quoi qu’il en soit, cela s’est produit.

Il y a tellement d’autres choses que nous considérons comme étant inadéquates. Évidemment, mentionnons l’ajout du soya à la liste des produits soumis à la règle du revenu admissible maximal, l’interconnexion de longue distance et les modifications apportées à l’Office des transports du Canada qui font en sorte que, lorsqu’il est nécessaire de déposer une plainte ou de mener une enquête, on peut s’adresser au ministre afin qu’une enquête soit entreprise sur-le-champ. Certains préféreraient peut-être que ce soit l’office lui-même qui mène l’enquête. Je ne suis pas de cet avis, car je suis un politicien, et si je prends une décision qui vous déplaît, vous pouvez voter contre moi. Toutefois, vous ne pouvez pas voter contre un organisme. Je crois qu’un ministre doit être responsable.

Je tiens également à remercier le Sénat pour les efforts qu’il a consacrés à ce projet de loi. Je me réjouis des amendements qui ont été apportés, et je ne crois pas me tromper en disant que ces amendements ont également plu au secteur agricole. Cela indique assurément — et il n’a jamais été nécessaire qu’on me le signale — à quel point le Sénat est utile, puisqu’il examine les mesures législatives de façon non partisane, pour veiller à ce qu’elles soient appropriées. Voilà en quoi consiste le rôle du Sénat. Vous avez fait de l’excellent travail et vous avez amélioré le projet de loi. Je vous en remercie.

(1600)

Merci beaucoup.

Les accords commerciaux entre les États-Unis et la Chine

L’honorable Victor Oh : Monsieur le ministre, bienvenue au Sénat. Ma question porte sur les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et leurs répercussions sur le secteur agroalimentaire canadien.

D’après une déclaration commune des États-Unis et de la Chine publiée par la Maison-Blanche le 19 mai, la Chine a accepté d’acheter des États-Unis de grandes quantités de produits agricoles additionnels. Quelles seront les conséquences pour nos exportations agroalimentaires? Nous avons appris, au Comité de l’agriculture, que les exportations alimentaires du Canada, qui se classaient au troisième rang au cours des années précédentes, sont passées au cinquième rang, tout récemment, sur le marché international.

Nous savons que vous êtes allé la semaine dernière à Shanghai et à Hangzhou, en Chine, pour faire la promotion des fruits de mer, du bœuf, du porc et des légumes de serre canadiens. En ce qui concerne les stratégies actuelles du gouvernement, la querelle commerciale entre les États-Unis et la Chine pourrait-elle nuire à nos exportations vers la Chine?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Je vous remercie de votre question, sénateur Oh. Je me souviens d’une fois où j’étais en Chine et j’ai soulevé votre question relative aux chevaux. Personne n’était au courant de la question des chevaux parmi ceux qui m’accompagnaient. Tous les fonctionnaires se sont exprimés à cet égard. De toute façon, je tiens à vous remercier pour l’aide que vous m’avez donnée, ainsi qu’au Canada, pour les exportations vers la Chine. Je vous en suis reconnaissant.

Pour ce qui est de la situation entre les États-Unis et la Chine, je crois que vous savez que je ne peux pas vraiment faire de commentaire à cet égard. Je peux affirmer, toutefois, que nous veillerons à faire la promotion des produits canadiens. Vous étiez avec moi, comme d’autres, lorsque j’ai fait la promotion de nos produits depuis que je suis ministre de l’Agriculture. Vous savez à quel point il est important d’exporter nos produits en Chine. Vous le savez. Je suis en contact avec le ministre Han, le ministre de l’Agriculture. C’est utile, et je sais que vous en êtes conscient.

Les pays d’Asie et de n’importe où dans le monde sont préoccupés par la salubrité des aliments. Selon moi, ce que vous devez faire lorsque vous traitez avec ces pays, c’est être en mesure d’indiquer ce que fait l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Si l’agence l’approuve, il faut être certain. La Chine, en particulier, a déjà eu un problème avec la nourriture pour bébés, et le pays se soucie énormément de la salubrité des aliments, peut-être même plus que n’importe où ailleurs dans le monde. Vous devez vous assurer de promouvoir l’Agence d’inspection des aliments en Chine lorsque vous y êtes, mais aussi d’indiquer ce que vous avez.

C’est ce que j’ai fait au fil du temps. Évidemment, les choses fluctueront. Le commerce aura des hauts et des bas. Les politiciens prendront différentes mesures que je ne commenterai pas. Ce que nous ferons au pays, honorables sénateurs, c’est nous assurer de promouvoir ce que nous avons.

C’est plus que la Chine; le Vietnam représente une grande partie de cette région du monde. Chaque semaine, ce pays compte un nombre massif de personnes qui intègrent la classe moyenne. Par conséquent, nous devons nous assurer de fournir un produit salubre.

Nous devons également nous assurer, comme vous le savez très bien, de fournir un produit qui correspond à ce que la Chine désire, et non à ce que vous et moi désirons. Voilà un autre domaine dans lequel nous nous sommes améliorés, je crois, pour nous assurer de fournir le produit requis.

Par exemple, je me souviens que, lors d’une mission, il y a un certain nombre d’années, nous étions à une foire commerciale et j’ai demandé un homard. Ils sont allés fouiller quelque part et sont revenus avec un homard emballé dans du papier. Aujourd’hui, les homards sont sur un présentoir. Cependant, ils sont étalés de la façon dont les Chinois le souhaitent. Merci beaucoup.

[Français]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Nous avons du temps pour une deuxième question. Si vous voulez déposer un document, sénateur Maltais, il faut le consentement de la Chambre. Il y a d’autres moyens de transmettre des documents au ministre. Vous pouvez aussi l’envoyer à son bureau.

L’honorable Ghislain Maltais : Je veux le lui remettre en personne parce que c’est plus rapide. La question a été posée il y a deux mois.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

La taxe sur le carbone

L’honorable Diane F. Griffin : Monsieur le ministre, cette question-ci porte sur la redevance sur le carbone et la définition d’agriculteur.

Lors des audiences du Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts, de nombreux témoins, dont la Fédération de l’agriculture de l’Île-du-Prince-Édouard, ont demandé au gouvernement d’utiliser la définition d’« agriculteur » que donne l’Agence du revenu du Canada dans le dossier de la tarification du carbone.

Le gouvernement compte-t-il donner au mot « agriculture » son sens le plus vaste et courant, c’est-à-dire celui qui comprend, par exemple, la culture en serre, la culture des sapins de Noël, l’élevage de la volaille et l’élevage des animaux à fourrure?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Merci beaucoup, madame la sénatrice. Je n’ai pas de réponse à votre question, mais je veillerai à ce que l’Agence du revenu du Canada soit au courant de votre proposition. C’est sans doute la chose à faire si ces modifications peuvent être effectuées et si elles permettent d’aider les agriculteurs. Ce que nous voulons, c’est améliorer les choses pour aider le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Merci beaucoup.

Les clubs 4-H du Canada

L’honorable Robert Black : Monsieur le ministre, nous nous sommes réunis pour discuter du secteur agricole et de l’utilité des organismes comme les clubs 4-H du Canada. Je crois comprendre que cet organisme fort respecté a demandé du soutien financier dans le cadre des programmes Agri-compétitivité et Agri-diversité qu’offre votre ministère.

Les clubs 4-H du Canada prendront probablement de l’expansion; quant à l’inclusion des jeunes, il s’agit d’un aspect très important dans tous les ministères, mais il doit être financé en conséquence car, à l’échelle nationale, on considère l’agriculture comme un secteur de croissance économique. De plus, les clubs 4-H ont besoin de fonds pour acquérir des compétences essentielles, conformément au rapport Barden et à d’autres documents.

La question que je veux vous poser est la suivante : êtes-vous résolu à financer des programmes jeunesse, particulièrement les 4-H du Canada, pour stimuler la croissance chez les jeunes, et prévoyez-vous préserver ou accroître le financement versé actuellement aux 4-H?

L’honorable Lawrence MacAulay, C.P., député, ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire : Je remercie mon honorable collègue de sa question. Elle est on ne peut plus pertinente, étant donné que, comme vous le savez sûrement, on a tenu l’été dernier une grande conférence à Ottawa, et j’ai eu le privilège de contribuer au parrainage de cette activité. Je peux vous assurer que je vais parrainer tout ce que je peux avec ces programmes. L’initiative Les œufs dans la classe est aussi très importante.

L’enseignement agricole est extrêmement important dans les régions urbaines, parce que les choses ont beaucoup changé. Je crois que la tendance démographique a changé : auparavant, 90 p. 100 des gens vivaient dans une région rurale, tandis que 10 p. 100 des gens vivaient dans une région urbaine. Maintenant, cette tendance s’est complètement inversée. Il est essentiel que les gens sachent d’où proviennent leurs aliments. Les programmes agricoles chez les jeunes, en particulier, sont des initiatives qui garantiront que les gens comprennent bien d’où proviennent les aliments et, essentiellement, à quel point les agriculteurs doivent travailler fort pour les produire.

Merci, honorables sénateurs.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la période des questions est terminée. Je suis sûr que tous les sénateurs se joignent à moi pour remercier le ministre MacAulay d’avoir été des nôtres aujourd’hui. Au plaisir de vous revoir, monsieur le ministre.


ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Howard Wetston propose que le projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel (interception de communications privées), soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, il s’agit d’un projet de loi qui, franchement, me trotte dans la tête depuis plus de cinq ans.

(1610)

Comme je l’ai dit au sénateur Mitchell, je suis maintenant heureux d’avoir l’occasion de me vider le cœur. Je suis heureux d’entreprendre l’étude du projet de loi S-250, Loi modifiant le Code criminel, qui vise à inclure le délit d’initié et la communication de renseignements confidentiels, prévus à l’article 382.1, à titre d’infractions désignées pour lesquelles l’écoute électronique peut être autorisée. La modification proposée à l’alinéa 183a) du Code criminel du Canada ajouterait le délit d’initié à la liste des infractions énumérées lorsque l’interception de communications privées est autorisée.

L’application des lois visant à combattre la criminalité en col blanc au Canada demeure un défi constant. Des outils d’enquête et d’application de la loi plus efficaces sont requis. C’est avec cet objectif en tête que je propose cette modification simple, mais nécessaire, au Code criminel. Les cas de délit d’initié sont foncièrement difficiles à prouver et ils reposent souvent sur des preuves circonstancielles.

Des preuves de l’intention du délinquant — c’est-à-dire celle d’utiliser des renseignements d’initiés en toute connaissance de cause — sont essentielles, et les preuves directes sont probantes.

Honorables sénateurs, des délits d’initié surviennent lorsqu’un initié décide en toute connaissance de cause d’acheter ou de vendre des valeurs mobilières d’une entreprise à partir de renseignements pertinents non publics. L’initié se prévaut essentiellement de son avantage en matière d’information sur la société, tant en ce qui a trait aux bonnes nouvelles qu’aux mauvaises nouvelles, au détriment des actionnaires et des marchés financiers. Fondamentalement, cette activité illégale est injuste et elle compromet l’intégrité des transactions sur les marchés. Elle mine la confiance des investisseurs et elle réduit l’efficacité des marchés.

Au Canada, les organismes de réglementation des valeurs mobilières et les autorités policières se heurtent à d’énormes difficultés dans leurs efforts en vue de dissuader les activités illégales et protéger les investisseurs. Au cours des deux dernières semaines de décembre, le Globe and Mail a publié une série d’articles à la suite d’une enquête d’un an sur le secteur canadien des valeurs mobilières. Il a conclu que le Canada possède un régime de réglementation qui comporte d’énormes lacunes et qui omet de recouvrer des amendes ou de l’argent pour les investisseurs ou d’imposer des peines d’emprisonnement qui auraient un effet dissuasif sur la criminalité.

Toutefois, ce projet de loi ne vise pas à corriger ces lacunes importantes en particulier.

Comme nombre d’entre vous le savent, la réglementation des valeurs mobilières et son application au Canada relèvent de 13 autorités de réglementation, de 2 organismes d’autoréglementation et de nombreux services de police. Au Canada, la répression des délits d’initié fait appel à diverses approches administratives et criminelles.

Je vais parler des approches administratives de la répression. Les délits d’initié peuvent donner lieu à une procédure administrative, quasi criminelle ou pénale. Dans une affaire administrative ou de réglementation, du personnel des commissions des valeurs mobilières enquête sur les allégations d’inconduite sur les marchés boursiers pouvant porter sur des fraudes, une manipulation des cours ou des opérations d’initiés.

Un des avantages pour les autorités de réglementation des valeurs mobilières lorsqu’il y a procédure administrative ou réglementaire est que le personnel peut obliger une personne ou une société à témoigner ou entrer sur des lieux d’affaires pour inspecter et saisir des documents pouvant servir de preuve devant un tribunal administratif. Un des avantages de cette méthode est que le fardeau de la preuve repose sur la prépondérance des probabilités, et non sur le doute raisonnable, comme en droit criminel.

Il n’est pas simple de déterminer le nombre de cas de délit d’initiés au Canada. Les Autorités canadiennes en valeurs mobilières sont un organisme qui regroupe 13 autorités de réglementation provinciales et territoriales au Canada. Cependant, les rapports sont de peu d’utilité. Selon mes calculs, du moins en Ontario, quelque 11 affaires de délit d’initiés ont été instruites au cours des cinq dernières années.

En 2001, dans l’affaire Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Ontario, jugée à la Cour suprême du Canada, le juge Frank Iacobucci a expliqué que :

La fin visée par la compétence relative à l’intérêt public de la Commission n’est ni réparatrice, ni punitive; elle est de nature protectrice et préventive et elle est destinée à être exercée pour prévenir le risque d’un éventuel préjudice aux marchés financiers en Ontario […] La visée d’une loi de nature réglementaire est la protection des intérêts de la société, et non la sanction des fautes morales d’une personne […]

L’un des désavantages des procédures administratives ou des démarches réglementaires est que l’effet dissuasif des sanctions administratives n’est peut-être pas suffisant aux yeux du défendeur, qui peut voir ces sanctions comme un prix à payer pour faire des affaires. La perception des amendes dans la plupart de ces procédures administratives est d’ailleurs très exigeante et elle pose problème.

Dans bien des cas, le défendeur ne paie pas la sanction administrative pécuniaire ou l’amende, ou il est impossible de la percevoir. Pendant la période des Fêtes, le Globe and Mail a publié une série d’articles sur ce problème. Selon ses estimations, il y aurait, à l’heure actuelle au Canada, pour plus de 1 milliard de dollars en amendes impayées dans le domaine des valeurs mobilières.

Sénatrice Galvez, nous devrions percevoir cet argent également.

J’aimerais parler des instances quasi criminelles. L’organe administratif ou de réglementation — la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario, par exemple — a, en outre, le pouvoir de poursuivre des individus qui auraient enfreint la Loi sur les valeurs mobilières devant la Cour de justice de l’Ontario. Il s’agit alors d’instances quasi criminelles. L’équipe de l’organisme de réglementation des valeurs mobilières peut alors tenter d’obtenir des sanctions et des amendes plus lourdes, dont l’emprisonnement. Une preuve hors de tout doute raisonnable est nécessaire, mais une condamnation quasi criminelle n’entraîne pas de casier judiciaire. Seules les condamnations prononcées aux termes du Code criminel entraînent un tel casier.

Il a un certain nombre d’années, Anita Anand, professeure de droit à l’Université de Toronto, a reconnu que les instances quasi criminelles présentaient certains défis. Voici ce qu’elle a dit :

[…] contrairement à ce qui est le cas pour bien d’autres crimes, les auteurs de crimes financiers ne tirent pas parti d’une situation donnée ou d’une circonstance opportune et n’agissent pas de manière irréfléchie. En général, ces crimes sont prémédités et exécutés de manière logique dans le but d’en tirer un gain. Pour contrer cette motivation rationnelle axée sur le gain, le droit criminel doit créer des risques de pertes. Une poursuite quasi criminelle fondée sur les lois en matière de valeurs mobilières ne pose tout simplement pas un risque de perte suffisant si l’accusé a la possibilité de tirer des millions d’une fraude bien orchestrée.

D’après mes calculs, du moins en Ontario, il n’y a eu qu’un seul ou peut-être deux cas de délit d’initié qui ont fait l’objet d’une instance quasi criminelle au cours des dernières années.

J’aimerais maintenant parler du droit pénal.

Dans les cas d’application des lois pénales, la police fait enquête sur des infractions au Code criminel du Canada, y compris le délit d’initié, infraction prévue à l’article 382.1. Une personne reconnue coupable de cette infraction punissable par mise en accusation est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de 10 ans. La communication de renseignements confidentiels est aussi une infraction. L’intention coupable doit être prouvée dans les affaires de délit d’initié et de communication de renseignements confidentiels.

Les autorités policières ne peuvent pas simplement contraindre à la production de pièces comme c’est le cas dans les procédures administratives devant, par exemple, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et, probablement, l’Autorité des marchés financiers du Québec, la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique et la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta — je suis à peu près certain qu’elles disposent des mêmes pouvoirs.

L’accusé ne peut pas être contraint à témoigner dans une affaire criminelle. Nous savons tous cela. La police doit obtenir un mandat de perquisition auprès des instances judiciaires pour saisir des dossiers ou des documents financiers pertinents, ainsi que les ordonnances de production de documents délivrées par la cour qui peuvent accompagner ce mandat. Il est essentiel de respecter les droits garantis par la Charte, mais il est difficile d’enquêter sur ces cas et de monter une preuve.

Le 12 avril dernier, dans une entrevue accordée au Globe and Mail, le surintendant principal de la GRC, Scott Doran, a déclaré qu’il est en faveur d’une répression accrue des crimes financiers. Il a fait remarquer que la GRC « avait été chargée de renouveler les efforts visant à lutter contre les méfaits et les actes criminels liés aux marchés, entre autres choses […] Nous souhaitons également examiner les éléments qui nous manquent. Quels éléments nous manque-t-il? »

Honorables sénateurs, il s’agit peut-être ici d’un des éléments qui leur manquent.

À l’heure actuelle, les agents de police peuvent obtenir une autorisation judiciaire pour faire de l’écoute électronique relativement à d’autres activités des marchés financiers, dont la contrefaçon, la falsification de documents, la fraude et la manipulation frauduleuse d’opérations boursières — une façon intéressante de qualifier dans le Code criminel ce qui, pour moi, constitue une simple manipulation du marché.

Chose importante et étonnante, l’article 183 du Code criminel, qui porte sur l’écoute et la surveillance électroniques, ne traite pas pour l’instant des délits d’initié. Je me demande depuis des années pourquoi il en est ainsi et je n’ai pas encore trouvé la réponse. Si un sénateur connaît la réponse, je serais très heureux de l’entendre.

À l’heure actuelle, en raison des facteurs à considérer relativement au respect de la vie privée, les demandes d’écoute électronique doivent satisfaire les lourdes exigences prévues par la loi. Si le présent projet de loi est adopté, ces facteurs s’appliqueront également à l’alinéa 185(1)h) en raison de la nature exceptionnelle de tels outils d’enquête.

(1620)

Honorables sénateurs, des difficultés demeurent dans les enquêtes et les poursuites relatives à de graves violations criminelles des lois concernant les valeurs mobilières telles que le délit d’initié. En effet, l’Équipe intégrée de la police des marchés financiers, qui relève de la GRC et avec qui j’ai eu la chance de travailler considérablement à Toronto, n’est malheureusement pas, à ce jour, particulièrement efficace dans l’application des lois en cas d’infractions relatives aux valeurs mobilières. Une seule condamnation pour délit d’initié a été effectuée en vertu du Code criminel, du moins à ce que je sache.

À titre d’exemple — certains d’entre vous ont peut-être lu sur le sujet — aux États-Unis, en 2011, Raj Rajaratnam, le fondateur milliardaire et gestionnaire de fonds spéculatif du Galleon Group, a été trouvé coupable d’un certain nombre de chefs d’accusation, notamment de complot et de fraude en valeurs mobilière, et condamné à 11 ans de prison.

Je ne parlerai pas de la durée de la peine. Le point d’intérêt ici, c’est que le département de la Justice des États-Unis a eu le droit d’utiliser l’écoute électronique comme outil d’enquête pour recueillir des éléments de preuve directs de l’infraction. En l’absence d’écoute électronique, la police ne peut souvent compter que sur des preuves circonstancielles, comme je l’ai déjà dit, pour prouver qu’un délit d’initié a eu lieu.

Ces cas sont complexes.

Il est également important de souligner que la Cour suprême du Canada a décidé que, outre un mandat de perquisition pour les messages texte passés, la police doit obtenir une autorisation d’écoute électronique pour surveiller les messages texte futurs d’un téléphone portable. J’inclus les courriels dans tout cela.

Donc, où en sommes-nous en ce qui a trait à cette disposition, l’article 382.1?

Le délit d’initié a été érigé en infraction précise dans le Code criminel en mars 2004, dans le cadre d’un ensemble de mesures législatives conçu pour mieux détecter les actes criminels relatifs aux marchés financiers, mieux les prévenir et mieux mener des poursuites judiciaires à cet égard.

Honorables sénateurs, en 2003, il y a 15 ans, le sénateur Tkachuk s’en souvient peut-être — je sais que sa grande mémoire ne lui sert pas seulement à se rappeler les résultats des matchs de football —, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a produit un rapport intitulé Après « la tempête du siècle » : Rétablir la confiance des investisseurs. Le rapport recommandait ce qui suit :

Que le gouvernement fédéral étudie les actuelles dispositions légales et réglementaires concernant la fraude, les transactions d’initiés et autres infractions, de même que l’adéquation des éventuelles sanctions, en vue de procéder aux changements nécessaires aussi rapidement que possible, et qu’il se demande dans quelle mesure les procédures et les moyens actuels suffisent à faire en sorte que les cas de corruption dans les entreprises soient dûment poursuivis en justice.

Il semble que le rapport du Sénat ait influencé le gouvernement, car ce dernier a apporté des changements en 2004, mais pas celui dont je parle aujourd’hui.

Un projet de loi a été déposé au sujet de la corruption dans les entreprises, mais le délit d’initié n’a pas été ajouté à la liste énoncée dans l’article 183. Le projet de loi à l’étude viendrait corriger cette omission.

Plus récemment, en 2014, la Conférence pour l’harmonisation des lois du Canada a voté à l’unanimité pour l’adoption d’une proposition réclamant cet ajout à la loi.

En terminant, honorables sénateurs, je suis heureux de vous présenter cette proposition. Il s’agit d’un changement découpé au bistouri, pas d’un amendement à la hache. Il est très pointu. Cette modification du Code criminel donnerait aux forces policières les outils dont elles ont besoin pour mener leurs enquêtes sur les délits d’initié au Canada.

Il y a longtemps que nous aurions dû permettre aux organismes d’application de la loi de faire de l’écoute électronique dans les affaires de délits d’initié. Compte tenu de l’importance des droits en matière de protection de la vie privée, il faut comprendre que les critères légaux pour les demandes d’écoute électronique et leur approbation par une tierce partie comptent parmi les plus contraignants du Code criminel.

La Chambre étudie actuellement l’article 23 du projet de loi C-47, Loi modifiant la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et le Code criminel, qui permet l’écoute électronique. Je vous dis cela à titre d’information.

Ensemble, honorables sénateurs, nous pouvons offrir un outil d’application de la loi supplémentaire à ceux qui œuvrent en faveur de la protection vigoureuse et efficace des marchés des titres du Canada. Chers collègues, je vous encourage à appuyer ce projet de loi.

Pour terminer, honorables sénateurs, je suis heureux de porter ce qui suit à votre attention. Cette modification du Code criminel veillerait à ce que les services policiers aient les outils nécessaires pour faire avancer ce travail d’enquête important sur les délits d’initié au Canada. Merci.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : . Merci, sénateur Wetston. Je vous ai écouté attentivement et vous avez attiré mon attention lorsque vous avez fait référence au projet de loi C-74. J’insiste pour vous dire que je vous ai écouté attentivement.

[Traduction]

C’est ce que je veux dire. Je vous ai écouté attentivement.

Le sénateur Wetston : Je veux juste être sûr de bien comprendre. Merci, madame la sénatrice.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Oui, merci. À la fin de votre intervention, vous avez fait référence au projet de loi C-74. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est saisi d’une partie du projet de loi C-74. Ce que je comprends de vos propos concernant le projet de loi S-250, c’est que davantage de moyens seront accordés aux autorités pour essayer de recueillir des preuves dans le cas de ce type de délit d’initié. Ce qui est intéressant, par ailleurs, c’est que cette partie du projet de loi C-74 donne la possibilité au poursuivant, si on recueille des preuves et que des accusations sont portées, de parvenir à une entente avec les accusés en toute confidentialité, et ce, jusqu’au jugement, au moment où on constate qu’une entente a été conclue entre le poursuivant et le responsable du délit d’initié.

Êtes-vous en mesure de m’aider à réconcilier les deux projets de loi? Je comprends que vous êtes d’avis que le projet de loi S-250 est un amendement très étroit. Cependant, on semble se retrouver devant plusieurs petits amendements très étroits qui n’ont pas de lien, en apparence, mais qui tracent un portrait particulier.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous une autre question à poser?

La sénatrice Dupuis : C’était ma question.

[Traduction]

Le sénateur Wetston : Merci, sénatrice Dupuis. Je suis désolé pour la traduction, je voulais être sûr de bien comprendre.

Je ne connais pas bien les dispositions dont vous parlez, à moins que vous ne fassiez allusion au fait que la Couronne et un accusé peuvent s’entendre avant la poursuite. J’imagine que ce n’est pas cela; c’est après.

Il me semble que la seule façon pour moi d’expliquer tout cela est de comprendre que la modification vise à modifier cet article simplement pour permettre aux agents et aux policiers de demander une autorisation d’écoute électronique à la Cour de justice.

Cela ne touche aucune autre disposition. Ma modification permettrait d’ajouter le délit d’initié à un article, mais elle n’aura aucun impact sur d’autres dispositions, car il faudrait alors les modifier.

Je ne parle pas de modifications majeures. Je propose seulement de modifier l’article 183 pour y inclure l’infraction de délit d’initié afin de permettre à la police d’obtenir une autorisation d’écoute électronique.

Je ne suis pas sûr de donner une explication claire à votre question. Si je pouvais voir la disposition et mieux la comprendre, cela pourrait peut-être m’éclaircir les idées.

Le mieux que je puisse dire, c’est qu’il s’agit d’une disposition très pointue, et je dis uniquement cela parce que je crois qu’on n’en tient pas compte. Elle s’applique à d’autres dispositions sur les marchés, et je ne comprends pas pourquoi elle permet une telle chose.

Je suis désolé, sénatrice Dupuis, mais je ne peux répondre à votre question.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Je vous remercie d’avoir présenté ce projet de loi. Vous avez dit que vous songez à le faire depuis cinq ans. Vous commencez à comprendre comment fonctionnent les processus parlementaires. Je vous sais gré d’avoir présenté cette mesure législative.

Si j’ai bien compris, vous ne réclamez pas l’adoption d’autres procédures ou règlements pour l’obtention d’une autorisation d’écoute électronique. Il s’agit simplement d’ajouter le délit d’initié à la liste des infractions qui pourraient être visées par l’écoute électronique. Certains se sont demandé si les mesures d’écoute électronique ciblant les délits d’initié pourraient perturber les échanges commerciaux légitimes et avoir des répercussions sur notre économie. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais la question a été soulevée. J’aimerais donc m’assurer que, selon vous, l’écoute électronique n’aurait pas ce genre de conséquences, qu’elle vise les délits d’initié ou toute autre infraction déjà ciblée.

(1630)

Le sénateur Wetston : C’est exact. Je crois que cet argument n’est pas du tout justifié. Je ne vois aucune incidence possible. Ce qu’il faut comprendre, c’est que, à l’heure actuelle, les commissions des valeurs mobilières prennent des mesures administratives ou réglementaires à l’égard des délits d’initié. Comme je l’ai indiqué, en Ontario, environ 11 cas ont été soumis à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario au cours des dernières années, et des cas sont traités par des organismes quasi judiciaires. Ce n’est pas cela qui perturbe les activités. Je ne vois pas comment le fait de cibler le délit d’initié pourrait entraîner des perturbations, car l’écoute viserait essentiellement les échanges commerciaux fondés sur des renseignements qui ne sont pas accessibles au grand public, c’est-à-dire des renseignements importants qui ne sont pas publiés.

Cette modification n’a aucune incidence à cet égard. Cependant, certains croient que les échanges commerciaux fondés sur des renseignements privilégiés devraient toujours être légaux et jamais illégaux, et certains économistes du marché et d’autres personnes sont de cette école de pensée. Il se trouve que je ne partage pas cet avis. Le projet de loi n’aura aucune incidence à ce chapitre.

Vous devriez également savoir, madame la sénatrice, que, de nos jours, les initiés sont tenus de déposer une déclaration d’initié au moyen du Système électronique de déclaration des initiés lorsqu’ils sont dans une situation où ils décident de ne pas participer à des échanges commerciaux en raison de renseignements non publiés. Cependant, lorsqu’ils procèdent à de tels échanges, ils doivent le faire savoir au moyen de ce système qui est transparent et accessible au public. Je dirais donc que je ne vois pas comment ce projet de loi pourrait avoir les conséquences que vous décrivez.

(Sur la motion du sénateur Marwah, au nom de la sénatrice Boniface, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L’honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat de revenir aux rapports de comités, si possible.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs, de revenir à la présentation ou au dépôt de rapports?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : J’ai entendu un « non ». Le consentement n’est pas accordé.

Modernisation du Sénat

Dixième rapport du comité spécial—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Joyal, C.P., appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à l’adoption du dixième rapport (intérimaire), tel que modifié, du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant (Nature), présenté au Sénat le 26 octobre 2016.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du dixième rapport du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat sur la « nature » du Sénat.

J’ai osé espérer que nous sortions enfin de la période passée à se regarder le nombril, ce qui a occupé le temps de certains de mes collègues au cours des dernières années, et c’est très certainement le cas du leader du gouvernement. Après tout, les choses ont tendance à revenir à la case départ dans cette enceinte. Si certains voient cette capacité comme un défaut, je crois que c’est la meilleure preuve de la résilience du modèle de Westminster hybride que les pères fondateurs ont adopté à la naissance de notre grand pays. Cela dit, malgré la formidable résilience de notre système, nous ne devons pas le tenir pour acquis. Il ne faut pas le traiter à la légère dans le simple but de construire l’héritage souhaité par un premier ministre.

La volonté de réformer le Sénat d’une façon ou d’une autre est aussi vieille que l’institution elle-même. Après tout, la création du Sénat et l’établissement de son rôle et de sa composition ont presque fait dérailler la Confédération. Sans la création du Sénat, le Québec et les Maritimes auraient refusé de signer l’accord. Le Canada comme nous le connaissons aujourd’hui n’existerait pas.

À la Conférence de Québec, en 1864, on faisait valoir que la Chambre haute devait faire contrepoids à la Chambre basse en matière de représentation. En effet, la Chambre des communes assure une représentation de la population alors qu’au Sénat les sénateurs représentent les régions. Cet élément est très important pour la protection des minorités. Ainsi, les provinces moins peuplées ne sont pas désavantagées par rapport aux provinces plus peuplées et les minorités culturelles et linguistiques sont protégées. Soulignons, par ailleurs, un fait très important : le Sénat protège également les groupes minoritaires sur le plan électoral. Cette question semble avoir été négligée, délibérément ou non, dans les récents débats sur le rôle du Sénat.

Par exemple, il n’y a pas de députés conservateurs des provinces de l’Atlantique à l’heure actuelle. Si ce n’était des sénateurs de cette région, les Canadiens qui n’ont pas voté libéral ou pour le NPD aux dernières élections ne seraient pas représentés au Parlement. Le vote tenu récemment sur le projet de loi C-49 illustre parfaitement cette facette de la réalité.

Le sénateur Mitchell ne sait que trop bien à quel point cela compte. Il n’y a pas si longtemps, il était le seul parlementaire libéral de l’Alberta, à l’exception de la sénatrice Tardif. Après les élections de l’an prochain, le sénateur Mitchell pourrait être le seul.

Certes, les pères fondateurs ont voulu établir un équilibre en matière de représentation, mais ne vous y trompez pas : ils ont aussi voulu équilibrer les pouvoirs. Le Sénat est censé assurer une protection contre la tyrannie d’une majorité à l’autre endroit. Comme l’a déclaré nul autre que Justin Trudeau en 2014, « si le Sénat a un rôle à jouer, c’est assurément de servir de contrepoids au pouvoir extraordinaire que détiennent le premier ministre et son Cabinet, surtout dans le cas d’un gouvernement majoritaire ». Ce sont là des paroles de Justin Trudeau.

George-Étienne Cartier décrivait le Sénat comme un « pouvoir de résistance à opposer à l’élément démocratique ». Sir John A. Macdonald, pour sa part, le considérait comme une assemblée prête à faire « un second examen attentif » afin de contenir les « excès démocratiques » des élus de la Chambre des communes.

Dans cette optique, les Pères de la Confédération ont donné aux deux Chambres des pouvoirs pratiquement identiques. Le Sénat peut amender ou rejeter toute mesure législative. Il peut également prendre l’initiative de présenter des projets de loi, à la condition que ceux-ci n’imposent pas de taxe ni d’impôt et n’affectent pas de fonds publics.

Pour ce qui est d’imposer des sanctions à leurs membres, le Sénat et la Chambre des communes ont le même pouvoir que la Chambre des communes de Westminster. Il est très révélateur, chers collègues, que le pouvoir accordé au Sénat soit semblable à celui de la Chambre des communes plutôt qu’à celui de la Chambre des lords.

Bien que le Sénat ait connu des embûches et des tourmentes, c’est toujours, dans l’ensemble, l’institution que les Pères de la Confédération ont imaginée il y a 150 ans, et nous pouvons nous en réjouir. Il ne faudrait pas croire pour autant que je ne vois aucune possibilité d’amélioration. Après tout, j’ai siégé au Comité de la régie interne, un comité qui a travaillé en consultation et en coopération avec tous les sénateurs pour ouvrir la voie à une nouvelle ère de transparence, d’efficacité et de reddition de comptes, portant ces qualités à un niveau inégalé dans l’histoire de cet endroit, et probablement dans l’histoire de tous les Parlements.

Nous avons adopté un nouveau modèle de divulgation proactive plus détaillé pour les dépenses des sénateurs. Nous avons complètement transformé notre façon de communiquer; non seulement nous avons rendu les séances du Comité de la régie interne accessibles au public, nous les diffusons même à la télévision.

Si nous avons pu poser tous ces gestes, c’est parce que, à titre de parlementaires, nous avons le privilège d’établir et de faire respecter les règles qui régissent le Sénat, tant qu’elles ne changent pas le caractère constitutionnel de notre institution. Nous avons choisi de miser sur le consensus au lieu d’adopter des tactiques autoritaires et unilatérales. Nous n’avons pas agi à la hâte dans le seul but de servir un programme politique ou de remplir une promesse électorale.

Cela fait deux ans et demi que le Sénat tente de régler les problèmes découlant d’une décision politiquement commode, prise il y a quelques années par celui qui était à l’époque le leader du troisième parti, M. Trudeau.

Nous avons changé le libellé de certaines règles pour accommoder les titres et les noms souhaités; nous avons donc maintenant des représentants, des agents de liaison et des groupes parlementaires. Nous avons aussi dû apporter des changements budgétaires qui ont fait augmenter en flèche les dépenses de fonctionnement du Sénat. Cependant, aucune de ces mesures n’a exigé ni provoqué de changements dans la nature de l’institution, et c’est très bien ainsi. Changer la nature fondamentale du Parlement est une entreprise beaucoup plus considérable que de changer la composition de comités ou reconnaître des groupes parlementaires, et il faut la traiter comme telle.

Comme le prévoit la décision de 2014 de la Cour suprême du Canada, toute tentative d’un premier ministre particulier pour changer fondamentalement la nature de cette institution sans avoir consulté les provinces serait inconstitutionnelle. Par le passé, les premiers ministres le savaient d’instinct et, en cas de doute, ils ont eu le bon sens et le courage de demander au plus haut tribunal du pays de trancher. Notre premier ministre actuel devrait faire de même.

De plus, avant de prendre des mesures pour changer de manière fondamentale une institution et un système parlementaire qui ont si bien servi le Canada depuis si longtemps, nous devons nous demander quel changement serait souhaitable et quelles seraient les répercussions d’un tel changement. S’il sert à affaiblir le Sénat ou les sénateurs d’une quelconque manière, surtout sur le plan de notre responsabilité et de notre capacité à demander des comptes au gouvernement, nous devons nous demander à qui cela profite.

(1640)

Un Parlement faible profite au gouvernement et au premier ministre en poste. Il ne profite pas aux Canadiens.

De plus, bien que le premier ministre actuel essaie de faire croire qu’au Sénat, sous sa gouverne, les sénateurs ont plus de pouvoirs que jamais auparavant, il n’y a rien de moins vrai.

L’ancien leader des libéraux au Sénat, le sénateur James Cowan, dans un discours prononcé en décembre 2015, a cité l’entrée en matière de la décision de la Cour suprême du Canada en 2014, qui dit ceci :

Le Sénat est une des institutions politiques fondamentales du Canada.

Puis, comme se plaît à le dire le sénateur Cowan : « Nous sommes tous des politiciens. Nous prenons tous des décisions politiques. »

Dans son discours, il a dit ceci :

La partisanerie excessive au Sénat ne constitue pas un échec de notre institution. L’esprit partisan est un choix personnel; c’est donc un échec personnel.

Je n’ai rien contre le fait que des sénateurs ne souhaitent pas siéger comme membres d’un caucus et je n’ai rien à redire à ce que des sénateurs ne souhaitent pas se réunir par affiliation politique. Je blâme toutefois quiconque nie ou dénigre le désir et le privilège que j’ai de le faire. Je vous assure que je ne suis pas moins indépendant que mon collègue d’en face. J’ai toutefois l’avantage de pouvoir participer au processus décisionnel et législatif dès le début.

Lorsque nous assistons aux réunions du caucus et aux conventions, nous pouvons exprimer nos préoccupations et nos opinions au stade embryonnaire et tout au long de la maturation de la politique et, plus tard, de la mesure législative.

Il y a quelques semaines, j’ai eu le privilège de participer au congrès des membres québécois du Parti conservateur, qui avait lieu à Saint-Hyacinthe. Cette activité a permis à tous les membres du parti, et pas seulement aux parlementaires, de se réunir pour discuter ensemble et proposer des idées que nous pourrons présenter lors du congrès national, cet été.

Le fait de prendre part, sur le terrain, au débat public — une occasion que n’ont malheureusement pas les sénateurs qui ont été nommés par l’actuel premier ministre — nous permet de prendre connaissance des préoccupations et des idées des gens que nous représentons et de participer aux premières étapes du processus de création des projets de loi.

Nous n’assistons pas aux congrès pour recevoir des consignes d’en haut. Au contraire, nous, les membres du caucus, avons alors l’occasion de faire connaître nos attentes à la direction du parti. Je peux vous dire que c’est la direction qui doit rendre des comptes aux membres du caucus, et non le contraire. À tout le moins, c’est ainsi que les conservateurs fonctionnent. Les choses sont peut-être différentes dans un « groupe parlementaire » ou dans le caucus ministériel.

Je sais que, si les sénateurs nommés par M. Trudeau avaient pu participer aux congrès ou faire partie de son caucus national, le gouvernement qu’il dirige aurait mieux réussi à faire adopter des projets de loi. Vous voyez, contrairement à ce qu’on entend souvent, ce n’est pas l’opposition qui retarde les projets de loi ministériels au Sénat. Non, le problème vient en bonne partie du fait que les sénateurs nommés par M. Trudeau ne peuvent pas prendre part au processus législatif avant ses dernières étapes. Ce n’est qu’alors qu’ils peuvent poser des questions; tout aurait pourtant été plus efficace s’ils avaient pu le faire auparavant, lors du caucus national, et c’est sans compter le fait que certains se sentent obligés de faire étalage de leur indépendance. C’est ce que nous avons souvent pu constater, même si, bien souvent, toute cette démonstration, c’est beaucoup de bruit pour rien. Le sénateur Pratte en sait quelque chose.

Mon collègue, le sénateur Pratte, parle souvent des amendements que le Sénat Trudeau a présentés comme un objet de fierté, comme s’il s’agissait de quelque chose de nouveau ou d’une sorte de preuve que les sénateurs nommés par M. Trudeau n’en sont pas redevables au premier ministre. Pourtant, même pour son propre amendement concernant la Banque de l’infrastructure du Canada, le projet de loi d’exécution du budget qu’il a menacé de scinder, l’honorable sénateur nous en a mis plein la vue au Sénat. Cependant, lorsque tout a été dit et fait, il a voté contre sa propre motion.

Chers collègues, les Pères de la Confédération n’y comprendraient rien. Tout le temps que nous avons passé, au cours des dernières années, à parler de procédure et à débattre de nos propres budgets et de nos propres titres au lieu de débattre de projets de loi comme tels les laisserait aussi perplexes. C’est le nombrilisme dont j’ai parlé plus tôt.

Ainsi, le leader du gouvernement continue d’écrire des articles et de donner des entrevues, et il se lamente sur la nécessité d’un soi-disant comité des travaux en prétendant malhonnêtement que c’est l’unique façon de faire adopter la mesure législative du gouvernement dont il fait partie. À chaque étape, il pointe l’opposition du doigt en l’accusant d’utiliser des tactiques dilatoires.

En fait, comme nous le savons, le sénateur Harder est, jusqu’ici, demeuré muet par rapport à l’offre de l’opposition de travailler ensemble sur un plan visant à donner la priorité à des mesures législatives d’initiative ministérielle à l’approche de la fin de la session.

Soyons clairs : il existe déjà un comité des travaux. Il existe depuis longtemps, et ses membres se réunissent quotidiennement, chers collègues. C’est ce qu’on appelle le plumitif.

Ce n’est qu’un exemple de plus de la manière dont M. Trudeau et le leader du gouvernement au Sénat veulent qu’on leur soit reconnaissants de réparer quelque chose qui n’est pas brisé et d’inventer quelque chose qui existe déjà. C’est comme appeler un whip un agent de liaison ou un leader un représentant, pour ensuite déclarer fièrement avoir fait quelque chose de nouveau.

Tout cela ne change rien. Rien de cela n’est nouveau. Nous n’avons pas besoin d’un comité des travaux. Ce dont nous avons besoin, c’est que le leader du gouvernement passe un peu moins de temps à rédiger des documents stratégiques et qu’il prenne plus de temps et d’énergie à utiliser les outils qui sont à sa portée, comme la négociation, à l’instar de tous les autres leaders du gouvernement avant lui.

Je me pose la question suivante : est-il plus important pour le leader du gouvernement et ses collègues sénateurs nommés par M. Trudeau que le Sénat fonctionne rondement ou que le premier ministre, qui les a nommés, récolte les honneurs pour le bon fonctionnement du Sénat? S’il faut que ce soit la deuxième option, le Sénat doit être considéré comme étant dysfonctionnel.

À cette fin, le premier ministre et le leader du gouvernement ont tout fait pour convaincre les Canadiens que le Sénat, en tant qu’organe législatif, ne fonctionne pas adéquatement. Toutefois, c’est n’est tout simplement pas le cas. C’est de la politicaillerie à son meilleur ou, bien franchement, à son pire.

Cette situation remonte à l’époque où M. Trudeau était chef du troisième parti. Les autres chefs avaient un point de vue sur le Sénat, alors M. Trudeau devait aussi en avoir un. Il a expulsé les sénateurs libéraux du caucus national en faisant valoir que la partisanerie était la source de tous les maux au Sénat. C’était aussi une tactique intelligente pour se dégager de toute responsabilité par rapport à ce que la vérification des dépenses des sénateurs pourrait révéler.

Maintenant qu’il est premier ministre, M. Trudeau double la mise sur son discours fallacieux, mais bien pratique, au sujet de la partisanerie en l’utilisant afin de centraliser le pouvoir et de laisser durablement sa marque. En dépit de la tentative du premier ministre de s’attribuer le mérite d’avoir accordé au Sénat son indépendance, ce sont les pères fondateurs qui la lui ont accordée lorsqu’ils l’ont créé, et non Justin Trudeau.

Les pères fondateurs ont également accordé l’indépendance aux sénateurs lors de la création du Sénat. Cette indépendance vient de l’inamovibilité que suppose le fait d’être nommé sénateur.

Les sénateurs n’ont pas à se demander comment ils vont convaincre un chef de parti de signer leur déclaration de candidature ou à s’inquiéter de courtiser des groupes d’intérêts spéciaux pour obtenir leur nomination. Cela n’a rien à voir avec le fait d’avoir ou non une affiliation politique. Le tout premier Sénat, sous le gouvernement de sir John A. Macdonald, était organisé selon les lignes de parti du gouvernement et de l’opposition. L’opposition était composée de 25 fervents libéraux nommés par le premier ministre Macdonald, un fervent conservateur.

Comme le sénateur Cowan l’a évoqué, il appartient à chaque sénateur de prendre garde à ne pas manquer d’impartialité, que ce soit sur le plan ethnique, linguistique, professionnel, économique, politique ou du genre. C’est pour cette raison que nous prêtons serment, et nous prêtons tous le même serment. Peu importe le côté du Sénat où nous siégeons ou encore le groupe ou le caucus auquel nous appartenons, ce serment a été prêté exactement de la même façon par chacun d’entre nous.

Chers collègues, ce n’est rien de nouveau. Justin Trudeau n’est pas le premier premier ministre à essayer de dicter aux sénateurs qu’il a nommés comment traiter les projets de loi d’initiative ministérielle. À un certain degré, l’autre endroit a toujours souhaité s’ingérer dans les délibérations du Sénat ou influer sur ses décisions, ou a tenté de le faire. Tout ce qui change d’un gouvernement à l’autre, c’est le degré auquel il tente de s’ingérer dans les délibérations ou d’influer sur les décisions ou les tactiques employées.

Ce qu’il y a de nouveau dans les tentatives de M. Trudeau de s’ingérer dans les délibérations du Sénat, c’est qu’il tente de contrôler à la fois les sénateurs du gouvernement et de l’opposition. M. Trudeau peut forcer autant qu’il le veut les sénateurs qu’il a nommés à se comporter et à voter comme il le souhaite, mais ses tentatives de forcer l’opposition à agir de même sont sans précédent et, franchement, très dangereuses.

Soyons parfaitement clairs : le Sénat a le pouvoir de modifier et de rejeter un projet de loi d’initiative ministérielle, même un projet de loi qui a fait l’objet d’une promesse électorale du gouvernement au pouvoir. Comme l’a indiqué le professeur David Smith dans son témoignage au comité : « Si le Sénat est censé jouer le rôle d’un sonar qui détecte et qui communique les points de vue et les opinions qui échappent au système représentatif de la Chambre des communes, on ne peut que nuire à son rendement en concluant qu’il ne peut jamais rejeter de projet de loi. »

Comme le sénateur Serge Joyal l’a souligné à juste titre, le Sénat a le pouvoir de consentir. Or, si nous avons le pouvoir de consentir, de dire oui, nous avons aussi le pouvoir de dire non.

Quant à savoir si le Sénat pourrait être tenu de donner la sanction royale à un projet de loi après un certain temps, et ce, peu importe s’il n’a pas été adopté à la Chambre haute, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit — et j’espère que personne ne remettra en question la légitimité de la Cour suprême du Canada :

Une disposition de la nature de celle que l’on envisage affaiblirait beaucoup la position du Sénat dans le système législatif parce qu’elle permettrait que des lois soient édictées en vertu de l’art. 91 sans le consentement du Sénat […] nous croyons que le Parlement ne peut, en vertu du par. 91(1), affaiblir le rôle…

Son Honneur la Présidente intérimaire : Votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Housakos : Pourrais-je avoir cinq minutes de plus pour terminer mon intervention?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d’accord?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Housakos : Je vais terminer la citation:

[…] nous croyons que le Parlement ne peut, en vertu du par. 91(1), affaiblir le rôle du Sénat dans ce système. Nous sommes d’avis de répondre à cette question par la négative.

Par conséquent, même si cela déplaît au leader du gouvernement et au premier ministre actuel et que cela a aussi déplu à tous les premiers ministres qui l’ont précédé, le Sénat a bel et bien le pouvoir de rejeter des projets de loi d’initiative ministérielle.

Depuis 150 ans, les sénateurs, qu’ils soient d’allégeance conservatrice ou libérale, connaissent parfaitement leur rôle et leurs responsabilités ainsi que les conséquences des décisions qu’ils prennent dans cette enceinte.

(1650)

Je comprends la situation difficile dans laquelle se trouvent les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants. On vous a dit que vous étiez nommés à titre de sénateurs indépendants, mais, maintenant, le premier ministre qui vous a nommés vous dit que cette indépendance comporte des limites. La réalité, c’est que le premier ministre qui vous a nommés l’a fait pour les mêmes raisons que le premier ministre qui m’avait nommé à l’époque. C’est la même chose pour tous les sénateurs; nous sommes ici parce qu’un premier ministre a vu en nous quelque chose qui justifiait de nous demander de venir servir les Canadiens. Lorsque les premiers ministres nomment des sénateurs, ils choisissent des gens qui partagent leurs objectifs et leurs valeurs. Ce n’est rien de nouveau et je suis convaincu que, d’une façon ou d’une autre, nous avons tous ressenti un devoir de loyauté.

Je comprends les inquiétudes du sénateur Gold quand il dit ne pas vouloir se faire traiter d’expérience ratée. J’ajouterais même que nous ne voulons pas être accusés de n’être que des valets du parti.

Au bout du compte, peu importe qui nous a nommés, il y aura toujours deux groupes au Sénat : ceux qui, fondamentalement, partagent l’idéologie du gouvernement en place et ceux qui ne la partagent pas. Peu importe le nom que nous nous donnons et la façon dont le premier ministre nous qualifie, cette réalité est constante, et c’est très bien ainsi.

Les premiers ministres nomment des gens au Sénat afin de combler les lacunes en raison du processus électoral à l’autre endroit. Ils le font en accord avec le système de Westminster, qui comprend un caucus gouvernemental et un caucus de l’opposition. Si vous ne savez pas exactement de quel côté de la clôture vous vous trouvez, vous n’avez qu’à regarder de quelle façon vous votez habituellement. Les chiffres parlent. Les conservateurs votent pour les projets de loi ministériels beaucoup plus souvent que les sénateurs nommés par Trudeau ne votent contre eux, et c’est très bien. Ce qui est important, c’est que le gouvernement doit rendre des comptes. C’est le rôle du Parlement; le travail des parlementaires est d’exiger du gouvernement qu’il rende des comptes.

Je suis farouchement en désaccord avec le sénateur Gold lorsqu’il dit que cela n’est pas l’affaire du Sénat. Le Sénat est une Chambre du Parlement. C’est parfaitement clair dans la Constitution. Les sénateurs sont des parlementaires. Le Sénat a donc une responsabilité.

De plus, contrairement à ce qu’a dit le sénateur Gold, ce n’est pas la partisanerie qui ne cadre pas avec le rôle constitutionnel du Sénat. Ce qui va à l’encontre de la Constitution, c’est la tentative du premier ministre actuel en vue de court-circuiter notre système en diminuant l’opposition et en réduisant le Sénat à rien de plus qu’une Chambre d’écho au lieu de l’assemblée législative forte et responsable envisagée par les Pères de la Confédération, avec tous les droits et privilèges de l’autre endroit, dans notre régime bicaméral de type Westminster.

Une opposition forte reconnue dans les deux Chambres de notre Parlement fait en sorte que le gouvernement de l’heure soit l’objet de l’examen minutieux auquel les Canadiens s’attendent et qu’ils méritent. Toute tentative en vue de contrecarrer cette responsabilité est inconstitutionnelle et un affront à notre démocratie.

Pour l’instant, je me console en sachant que nous, l’opposition, continuerons d’exiger des comptes du gouvernement avec la protection qui nous est accordée en tant que voix minoritaire au Parlement. Le leader du gouvernement peut se consoler en sachant que le premier ministre a nommé suffisamment de sénateurs aux vues similaires pour obtenir un nombre de voix majoritaire et faire adopter ses projets de loi. Les Canadiens peuvent se consoler en sachant que, lorsque quelque chose nuira à leurs intérêts de manière monumentale, les sénateurs s’acquitteront de façon réfléchie de leur responsabilité constitutionnelle, qui consiste à faire obstacle à la tyrannie d’un gouvernement majoritaire, conformément à la vision des Pères de la Confédération pour le Sénat. Merci beaucoup.

L’honorable Marc Gold : Sénateur Housakos, je vous remercie de votre intervention. Vos idées sont bien connues et vous les exprimez élégamment et fermement. J’aimerais dire de façon convaincante, mais certainement...

Le sénateur Plett : J’étais indécis.

Le sénateur Gold : … avec beaucoup de compétence. Il y a encore de l’espoir.

Une voix : Vous deviez être très indécis.

Le sénateur Gold : Je n’étais pas sûr, à certains moments, si j’allais réagir avec amusement — je n’allais certes pas me fâcher, puisque je ne ressens aucune colère à votre égard — ou avec tristesse, ou si j’allais même prendre la parole. En fait, c’est un peu de tout cela.

Toutefois, j’aimerais d’abord citer l’un des plus grands défenseurs des libertés civiles de l’histoire du Canada, Alan Borovoy, qui a dit : « Merci de votre coup d’œil pénétrant l’évidence. » Vos vues sont bien connues. Vous les avez déjà exprimées. Avec tout le respect que vous dois, ce qui me semble évident, c’est l’écart entre vos beaux discours et — je dis cela non seulement avec affection, mais aussi avec sincérité — et la nature manifestement partisane de votre intervention. Vous avez cité Shakespeare à un moment donné, plus précisément sa pièce Beaucoup de bruit pour rien. Pour paraphraser ce dernier, vous protestez trop.

Il est difficile de prendre au sérieux l’argument selon lequel le Groupe des sénateurs indépendants retarde l’adoption de mesures législatives quand, il y a moins d’une demi-heure, les membres de votre caucus — les sénateurs d’en face — ont refusé de donner leur consentement au dépôt d’un rapport.

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur la Présidente intérimaire : À l’ordre. Le sénateur Gold a la parole. Par courtoisie, écoutons-le, peu importe la colère que vous ressentez. Vous pourrez prendre la parole lorsque le sénateur Gold aura terminé son intervention, sénateur Carignan, et discuter avec lui. En attendant, écoutons ce qu’il dit.

Le sénateur Gold : Comme le dit l’expression yiddish, « vous pouvez dire que je suis une personne méprisable, mais c’est de cette façon que j’ai vu les choses ».

La sénatrice Lankin : Je ne sais pas ce que cela veut dire.

Le sénateur Gold : En fin de compte, c’est davantage la tristesse que la colère qui m’anime, car je suis désolé de constater que, malgré le grand nombre de sénateurs compétents qui siègent dans cette enceinte et qui ont tant contribué à l’amélioration des lois du Canada et au bien-être des Canadiens, nous continuions de nous livrer à des manœuvres que je qualifierais de plutôt mesquines. C’est dommage et — je ne sais pas si le mot fait partie du langage parlementaire autorisé — c’est pitoyable. Il y a quelque chose qui ne va pas là-dedans.

Vous soulevez d’importantes questions de principe, et je sais que vous adhérez sincèrement au principe qui veut que l’esprit partisan ait non seulement sa place au Sénat, mais qu’il y soit nécessaire. J’ai entendu quelques-uns de vos collègues dire qu’ils sont fièrement partisans. Vous l’avez peut-être dit, vous aussi, sénateur Housakos. J’accepte que ce soit votre point de vue et je le respecte. Vous avez presque tous été nommés par un premier ministre qui pensait que c’était effectivement le rôle du Sénat, comme le premier ministre actuel le pense aussi.

Je sais que c’est votre opinion et que c’est une question de principe, mais je pense que vous avez tort. Vous le savez parce que j’en ai parlé dans cette enceinte, et je n’ai pas l’intention de me répéter. Je pense, en fait, que vous avez complètement tort et que vous êtes en contradiction avec l’idée originale de la Confédération, malgré tout ce que vous avez cité. Franchement, je pense que tout cela est contraire à la décision rendue en 2014 par la Cour suprême et que c’est également contraire à ce que les Canadiens devraient pouvoir attendre du Sénat.

Néanmoins, j’accepte que vous puissiez adhérer sincèrement à cette idée et que des gens raisonnables comme vous puissent y adhérer. J’ai appris à vous connaître et j’aime bien une bonne partie de ce que vous êtes. J’aime tout ce que vous êtes, mais ce que j’admire surtout, sénateur Housakos — je ne plaisante pas et je suis vraiment sincère —, c’est la loyauté et la solidarité dont vous et vos collègues faites preuve. Franchement, en qualité de sénateur chargé de faire la liaison, j’aimerais que ces qualités soient plus présentes parmi les sénateurs de mon groupe. On m’appelle l’agent de liaison parce que je n’ai aucun pouvoir, mais je n’ai pas l’intention d’aborder cette question.

J’admire aussi profondément et sincèrement votre compétence, ainsi que celle de tous les collègues avec lesquels j’ai eu le privilège de travailler au sein des comités et au Sénat. Vous avez une bien plus grande expérience que moi et bon nombre de nos collègues qui sont arrivés ici plus récemment.

Vous êtes compétent à bien des égards, mais vous l’êtes tout particulièrement dans votre stratégie de communication. Vous avez concocté une stratégie immanquablement gagnante pour parvenir à vos fins.

À quelle stratégie fais-je allusion? Vous savez de quoi je parle, mais laissez-moi le préciser. C’est une stratégie à double volet qui est très claire. Sous le prétexte de demander des comptes au gouvernement, elle vise, en réalité, à embarrasser celui-ci chaque fois que l’occasion se présente, ainsi qu’à questionner le gouvernement ou ses ministres, parfois respectueusement, mais parfois d’une manière qui ferait grincer les dents de toute âme tendre. Elle consiste à retarder les projets de loi en faisant appel à des règles de procédure dont nous pouvons tous nous prévaloir et dont nous pouvons tous nous servir à notre avantage. Personne ici n’est un ange. Je n’ai jamais prétendu en être un et vous ne m’entendrez jamais faire la distinction entre nos mérites à titre sénateurs. Nous avons simplement différentes façons de voir le monde.

(1700)

Voilà pour le premier volet. C’est votre choix. Après tout, vous croyez que c’est pour cela que vous êtes ici. Quand vous le faites, je suis sûr que vos concitoyens vous appuient et vos collègues à l’autre endroit aussi. Bravo.

Le deuxième volet de la stratégie, qui transparaît dans le discours ainsi que dans les gazouillis et les communiqués de presse, c’est de délégitimer le processus actuel de nomination des sénateurs.

Je ne suis pas ici pour défendre le sénateur Harder, et certainement pas le premier ministre, que j’ai rencontré deux ou trois fois dans ma vie, et qui ne m’a jamais téléphoné sauf pour me demander si j’acceptais ma nomination. Vous ne délégitimez pas seulement le processus, vous délégitimez également, du moins vous essayez, l’intégrité, si j’ose dire, des sénateurs qui font partie du Groupe des sénateurs indépendants.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur Gold : Cela me dérangeait beaucoup auparavant. Je me rappelle avoir pris la parole à ce sujet ici une fois. Ce n’étaient pas des larmes de crocodile; j’étais un peu blessé.

Vous m’avez appris au fil du temps, comme l’a mentionné le sénateur Plett, avec qui je vais boire un verre de temps en temps, et nous devrions d’ailleurs être bientôt prêts à aller en prendre un autre, que l’on s’endurcit. Je comprends le jeu — vous me provoquez, je vous provoque —, mais le fait est qu’il s’agit d’une stratégie immanquablement gagnante. Je l’admire.

Ne le prenez pas mal, je suis un grand admirateur de Machiavel, non pas l’auteur du Prince, mais celui des discours, qui était très avancé sur son époque lorsqu’il a établi ce que devait être l’objectif principal de tout régime républicain.

Je suis un inconditionnel de la compétence. Dans mon palmarès des présidents américains que j’aime le moins, celui qui arrive avant-dernier — vous arriverez peut-être à deviner de qui je parle; je suis un enfant des années 1960 — était horriblement corrompu à de très nombreux égards, mais il était compétent. Si on me donne le choix, je préférerai toujours la compétence à l’incompétence.

Vous êtes très bons. Vous avez une stratégie immanquablement gagnante. Si, à l’issue de nos discussions internes et de nos débats, nous votons du même côté, c’est qu’on nous aura obligés à le faire et que nous ne sommes pas indépendants. Cela dit, si le gouvernement est incapable de faire adopter ses projets de loi aussi rapidement qu’il le souhaite, si les choses traînent en longueur et butent contre un ou deux obstacles, c’est aussi un signe que le Sénat nouveau ne fonctionne pas.

Si vous réussissez, je vous dis bravo. Personnellement, j’espère qu’individuellement les sénateurs non affiliés. . . Je pèse bien mes mots : je ne suis affilié à aucun parti. En fait, je ne siégerais jamais au Sénat si je devais devenir membre d’un parti politique. C’est mon choix personnel. On m’a demandé de siéger en tant que sénateur non affilié.

Du point de vue institutionnel, nous sommes tous indépendants. Je ne dirai jamais le contraire. Honorables collègues, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes et avec les Canadiens, oui, certaines divergences nous séparent, mais ce n’est pas de cela que je veux parler aujourd’hui.

Je terminerai en vous remerciant de votre intervention. Je suis persuadé qu’il aura beaucoup de retentissement dans les cercles que vous entretenez si bien. Le Toronto Sun, que je lis religieusement tous les jours parce que Toronto me manque, avait prédit que vous emprunteriez cette voie. Je suis sûr que votre discours sera relayé partout, y compris sur Twitter, et qu’il sera applaudi. Tant mieux pour vous.

Quand nous déménagerons et que les caméras feront leur entrée au Sénat, même si j’ignore quand précisément, les Canadiens pourront nous écouter. Je ne doute pas un seul instant que ce que j’entends et je vous prie encore une fois, puisque vous en tirez une si grande fierté, de ne pas le prendre mal. Je crois aux vertus de la transparence : quand elle est transparente et sans équivoque, la partisanerie se drape d’arguments creux ronflants, qu’il soit question de la Charte, du modèle de Westminster ou de je ne sais quoi encore. Les Canadiens vont écouter, et la décision leur reviendra.

Par contre, pour les personnes qui savent véritablement ce qui se passe dans notre monde — et je ne prétends pas le savoir, et je ne parle pas de ce qui se passe dans votre monde —  mais si quelqu’un sait véritablement et veut vraiment savoir et aller au fond de ce qui se passe en réalité dans ce lieu important, dans ce lieu historique, je dirais que nous ne dupons personne avec ce genre de propos.

Ainsi, je conclus en disant la même chose que quand j’ai commencé. Je pense que c’est plutôt triste que nous jouions toujours ces jeux de rhétoriques. Selon moi, cela cause un préjudice aux Canadiens.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avez-vous une question, sénateur Housakos?

Le sénateur Housakos : Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une question?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Gold?

Le sénateur Gold : Je ne crois pas. Merci.

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Gold n’accepte pas de répondre à des questions.

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Cools, excusez-moi. Merci. Le sénateur a le droit de ne pas accepter de répondre à des questions, point final.

Quelqu’un voudrait-il proposer l’ajournement du débat?

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Pourrions-nous avoir une précision? Je pense qu’il s’agissait de savoir si le sénateur Gold accepterait de répondre à une question du sénateur Housakos, et il a dit non.

Ainsi, faites-vous une interprétation du Règlement en disant qu’on ne peut pas poser de questions?

Son Honneur la Présidente intérimaire : C’est ce que je fais, effectivement.

Le sénateur Housakos : Je voudrais demander à la présidence s’il me reste encore quelques minutes de mon temps de parole.

Des voix : Oh, oh!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je suis désolée, il ne vous reste plus de temps. Quelqu’un voudrait-il prendre la parole ou bien proposer l’ajournement du débat?

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, je prends la parole. Je serai très bref. C’est pour faire une précision.

Le sénateur Housakos, dans son intervention, a parlé du projet de loi C-44, Loi no 1 d’exécution du budget de 2017. Il a dit que j’avais voté contre ma propre motion. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas ce que j’ai fait. J’ai voté pour ma motion visant à scinder le projet de loi, et la motion a été rejetée à la suite d’une égalité des voix.

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, le débat est ajourné.)

Peuples autochtones

Budget et autorisation d’embaucher du personnel—L’étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis—Adoption du douzième rapport du comité

Le Sénat passe à l’étude du douzième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones (Budget—étude sur les nouvelles relations entre le Canada et les Premières Nations, les Inuits et les Métis), présenté au Sénat le 24 mai 2018.

L’honorable Lillian Eva Dyck propose que le rapport soit adopté.

— Merci, honorables sénateurs. Je dirai simplement quelques mots sur le sujet. Il s’agit d’une demande de budget qui financera une activité prévue le 6 juin 2018. Ce forum est appelé « Vision autochtone au Sénat ».

Nous invitons huit ou neuf jeunes de partout au pays. Nous tentons de bien représenter les genres, les régions et les trois groupes autochtones : les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous organisons l’activité pour une troisième fois. Cette année, nous avons reçu environ 350 candidatures, parmi lesquelles nous devions choisir 8 ou 9 participants. C’était une tâche des plus difficiles, car tous les candidats étaient des gens brillants, très instruits et très motivés qui faisaient preuve d’engagement au sein de leur communauté.

(1710)

Je n’aime pas me vanter, mais quand le Comité des peuples autochtones a commencé à inviter des leaders de la jeunesse, en 2011, nous avons invité les leaders des plus grandes organisations autochtones du pays. Nous avions donc reçu les leaders de la jeunesse à l’Assemblée des Premières Nations, au sein de la nation métisse du Canada, et cetera. Cette initiative nous a permis de nous rendre compte qu’il faut absolument que la jeunesse autochtone soit représentée dans les travaux de notre comité, et c’était pour nous une occasion de favoriser cela.

En 2016, pendant notre étude sur le logement dans le Nord, nous avons rencontré des jeunes de Kuujjuaq qui nous ont vraiment impressionnés. Nous avons alors déterminé qu’il fallait vraiment permettre aux jeunes de se faire entendre au Sénat.

Lorsque la Direction des communications du Sénat a été restructurée et a commencé à jouer un plus grand rôle au Sénat, cette équipe a reconnu l’importance de nos initiatives et en a fait la promotion en lançant l’initiative Vision autochtone au Sénat. Cette initiative a connu un franc succès. Le modeste budget de 1 900 $ sert principalement à payer les frais d’accueil et à retenir les services d’aînés pour aider les jeunes que nous accueillons ici.

Voilà pour la brève mise en contexte.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion tendant à demander au gouvernement de reconnaître le génocide des Grecs pontiques et de désigner le 19 mai comme journée nationale de commémoration—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Merchant, appuyée par l’honorable sénateur Housakos,

Que le Sénat demande au gouvernement du Canada :

a) de reconnaître le génocide des grecs pontiques de 1916 à 1923 et de condamner toute tentative pour nier un fait historique ou pour tenter de le dépeindre autrement que comme un génocide, c’est-à-dire un crime contre l’humanité;

b) de désigner le 19 mai de chaque année au Canada comme journée pour commémorer les plus de 353 000 grecs pontiques tués ou expulsés de leurs résidences.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Martin, souhaitez-vous reprendre le compte des jours à zéro pour cette motion?

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Oui, merci beaucoup. Je propose l’ajournement de la motion à mon nom.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Français]

Motion tendant à permettre aux sénateurs qui occupent plus d’un poste de président ou de vice-président de renoncer à l’indemnité à laquelle ils ont droit relativement à ces postes additionnels de président ou de vice-président—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Saint-Germain, appuyée par l’honorable sénatrice Lankin, C.P.,

Que, conformément au chapitre 4:01, article 2, du Règlement administratif du Sénat, pour le reste de la présente session, les sénateurs qui occupent plus d’un poste de président ou de vice-président d’un comité donnant droit à une indemnité additionnelle soient autorisés à renoncer à la portion de l’indemnité à laquelle ils ont droit relativement à ces postes additionnels de président ou de vice-président d’un comité.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, après mon intervention aujourd’hui, je demande le consentement du Sénat pour que cette motion demeure ajournée au nom de l’honorable sénateur Joyal.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

La sénatrice Saint-Germain : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion no 286, tendant à autoriser, pour le reste de la présente session, les sénateurs qui occupent plus d’un poste de président ou de vice-président d’un comité donnant droit à une indemnité additionnelle à renoncer à la portion de l’indemnité à laquelle ils ont droit.

Tout d’abord, je souligne que l’indemnité annuelle versée aux présidents et aux vice-présidents des comités a été instaurée par l’intermédiaire du projet de loi C-28, qui a été adopté au cours de la première session de la 30e législature et qui modifiait la Loi sur le Parlement du Canada. Avant le 1er janvier 2001, la loi ne prévoyait pas d’indemnité pour les sénateurs qui occupaient un poste de président ou de vice-président.

La motion concernant la composition des comités qu’a adoptée le Sénat en novembre 2017 prévoit la nomination d’un deuxième vice-président dans beaucoup de comités. Cette mesure a été prise en raison de la hausse importante du nombre de membres au sein du Groupe des sénateurs indépendants.

[Français]

Préalablement à l’adoption de l’ordre sessionnel du 7 novembre 2017, les leaders des différents caucus et groupes parlementaires ont conclu une entente. La motion no 286 traduit cette volonté commune d’éviter l’octroi d’indemnités multiples, bien qu’elle laisse le soin à chaque sénateur de décider s’il ou elle renonce à la portion de l’indemnité liée à des postes additionnels de président ou de vice-président de comité.

[Traduction]

Le Sénat n’a pas le pouvoir d’éliminer unilatéralement des droits prévus par la loi en utilisant un ordre du Sénat. Dans le cas présent, un tel changement devrait être proposé au moyen d’un projet de loi visant à modifier la Loi sur le Parlement du Canada, ce qui n’est pas l’objet de la motion no 286. Celle-ci offre simplement la possibilité de renoncer au paiement d’une indemnité supplémentaire liée aux comités, renonciation semblable à celle que prévoit le Règlement administratif du Sénat, section 4:00, chapitre 4:01, article 2, au sujet de l’indemnité de session.

D’un point de vue administratif, la renonciation proposée ne serait pas rétroactive. Le changement n’aurait aucune incidence fiscale, puisque aucune somme supplémentaire ne serait versée ou ne serait réputée avoir été versée.

Il est toutefois nécessaire d’adopter la motion à l’étude pour que la Direction des finances puisse s’abstenir de verser un paiement dans les cas appropriés.

À l’heure actuelle, l’indemnité liée au poste de président et de vice-président d’un comité est versée automatiquement. Cette situation est différente de celle où un sénateur demande à l’Administration du Sénat de remettre son indemnité de session à Sa Majesté du chef du Canada, conformément au Règlement administratif du Sénat, section 4:00, chapitre 4:01, article 3. Dans ce cas, le sénateur est réputé avoir été payé.

Pour des raisons d’éthique, un sénateur qui se sent mal à l’aise à l’idée de recevoir de multiples indemnités devrait avoir la possibilité de suivre sa conscience et de renoncer à ses droits. Ce choix reviendrait toujours au sénateur. Un sénateur peut choisir, pour des raisons personnelles, de recevoir toutes ses indemnités supplémentaires. Une fois la motion adoptée, ce choix demeurera à l’entière discrétion de chaque sénateur.

D’un point de vue juridique, il existe, dans le droit civil et la common law, deux traditions juridiques d’importance, un principe bien établi selon lequel une personne peut renoncer à ses droits civils. Une personne peut renoncer à ses droits à deux conditions. Premièrement, elle doit bien comprendre ces droits et, deuxièmement, la renonciation doit être sans équivoque et demandée en connaissance de cause.

[Français]

De plus, la renonciation à un droit statutaire comporte une condition supplémentaire. Celle-ci ne doit pas être contraire à l’ordre public, c’est-à-dire une mesure protectrice de l’intérêt général de la société ou d’intérêts particuliers, comme la protection d’un groupe en situation de vulnérabilité.

[Traduction]

À la lumière de ce qui précède, convenons que le statu quo, qui empêche un sénateur de renoncer à l’indemnité supplémentaire pour une fonction comme celle de président ou de vice-président de comité, n’est pas acceptable. La seule façon cohérente de protéger l’intérêt général est de confirmer expressément le droit des sénateurs de renoncer à une ou à plusieurs des indemnités prévues par la loi. C’est la façon de procéder légalement.

C’est pour cette raison que le légiste du Sénat a rédigé ainsi la motion no 286. Je ne puis imaginer de raison valable pour forcer un sénateur à recevoir plus d’une indemnité de comité.

Pour ces raisons, je vous invite à voter à l’unanimité en faveur de la motion no 286.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Plett, avez-vous une question?

L’honorable Donald Neil Plett : Je souhaite intervenir dans le débat, puis je me ferai un plaisir d’en demander l’ajournement au nom du sénateur Joyal, comme on l’a suggéré.

Je serai très bref. Je veux simplement dire que je veux vraiment appuyer la motion de la sénatrice Saint-Germain. Elle a bien raison. Les différents groupes en ont discuté — je sais qu’il y avait trois d’entre nous, trois du Groupe des sénateurs indépendants et trois libéraux. Je ne suis pas certain s’il y en avait deux ou trois. Je sais qu’il y avait trois libéraux, nous étions trois, et la sénatrice Saint-Germain dit qu’il y en avait trois dans son groupe, donc je vais la prendre au mot.

(1720)

Il n’en demeure pas moins que nous avons consacré un certain nombre de soirées à parler de la restructuration des comités, des présidents et des vice-présidents. Comme vous le savez tous, nous avons maintenant deux vice-présidents dans un certain nombre de comités. Cela, je le répète, a été fait d’un commun accord.

En raison de la composition de certains comités, il était difficile, sur le plan de la logistique, de ne pas avoir de cas où une personne occupe plus d’un poste de président ou de vice-président. Nous avons convenu que nous allions faire exactement ce que la sénatrice Saint-Germain a suggéré et que le président ou le vice-président n’allait être payé que pour l’un de ces postes.

Pour ma part — et je suis ici depuis maintenant un peu plus de huit ans —, je n’étais toujours pas au courant à ce moment-là que la décision ne pouvait pas être prise simplement entre nous. De toute évidence, en raison de la Loi sur le Parlement, nous ne pouvons pas le faire.

Cependant, nous nous sommes certainement entendus sur l’intention, donc je donnerai mon appui. Comme l’a dit l’honorable sénatrice, il faudrait que cela soit fait sur une base volontaire, et je le comprends.

Je dis simplement que je vous appuie, sénatrice Saint-Germain, par rapport à ce que vous avez dit. Il est manifeste que les deux caucus ainsi que votre groupe avaient convenu que c’était l’intention de la démarche. Je vais donc laisser chaque sénateur décider si cette motion est adoptée. Je vais certainement vous appuyer, ainsi que cette motion.

(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)

Le travail législatif du Sénat

Interpellation—Report du débat

À l’appel des autres affaires, interpellations, article no 8, par l’honorable A. Raynell Andreychuk :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Bellemare, attirant l’attention du Sénat sur le travail législatif qu’a accompli le Sénat de la 24e à la 41e législature et concernant des éléments d’évaluation.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je demande le consentement pour que cet article reste inscrit à mon nom.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Le débat est reporté.)

La surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes

Interpellation—Fin du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Pate, attirant l’attention du Sénat sur la situation actuelle des personnes qui comptent parmi les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et internées au Canada, et plus particulièrement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, cette interpellation, qui a été lancée par la sénatrice Pate, porte sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons canadiennes. Je tenais simplement à formuler quelques observations.

Je tiens à remercier une fois de plus la sénatrice Pate d’avoir attiré notre attention sur le problème de la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons. Il s’agit d’un problème dont on ne peut trop parler et qu’il faut régler. Je crois en cette interpellation, surtout parce qu’elle a été lancée lors de la Journée internationale des droits de l’homme, si je me souviens bien.

Je tiens à appuyer les observations et à souligner le problème de la surreprésentation. La sénatrice Pate, dans son discours plutôt complet dans le cadre de l’interpellation, a présenté des arguments assez convaincants et elle a attiré notre attention sur ses années d’expérience. Elle a mentionné une femme nommée « D », aux prises avec une foule de problèmes graves et qui, contre toute attente, a été en mesure de les surmonter grâce au concours de diverses personnes au cours du processus.

Les problèmes de Mme « D » n’ont pas disparu, mais sa situation montre que, si on était intervenu et s’il y avait des politiques et des pratiques différentes en place, cette femme aurait pu éviter de nombreux problèmes au lieu d’y être confrontée pendant des décennies avant de réussir à s’en sortir et, si je comprends bien, à aider les autres qui se trouvent dans la même situation.

C’est tout à l’honneur de « D », comme on l’appelle dans l’interpellation, mais aussi des gens qui ont essayé de l’aider et qui sont demeurés à ses côtés. On compte évidemment la sénatrice Pate parmi ceux-ci. Elle travaille sur ces questions depuis des décennies.

Je veux aussi m’associer aux commentaires du sénateur Sinclair. Il a parlé de la surreprésentation dans sa province, a présenté une perspective historique et a énoncé des questions que nous devons aborder et que nous abordons actuellement par d’autres moyens.

Je ne veux pas prolonger l’interpellation. Je souhaite simplement mettre en évidence les commentaires et les questions que la sénatrice Pate et le sénateur Sinclair ont soulignés.

Je voulais signaler deux autres points. Bien que ces histoires soient horribles et qu’il existe des injustices à corriger, je voulais préciser que nous ne nous acquitterons pas convenablement de notre tâche si nous nous penchons seulement sur la surreprésentation croissante des femmes autochtones dans les prisons.

Si on examine les antécédents d’un grand nombre de ces cas, il n’y avait pas les interventions ou les politiques nécessaires à l’époque. Nous en sommes sûrement à un point où nous devrions nous pencher sur la prévention. Si on examine les cas individuels, on peut constater que la prévention à un jeune âge aurait été utile.

Les gouvernements continuent de s’attaquer aux grandes questions, mais ceux d’entre nous qui travaillent sur le terrain avec des jeunes savent que leur vie s’améliorerait si certains services de prévention et de santé mentale étaient offerts plus tôt.

Comme c’était le cas lorsque j’étais juge au tribunal de la famille, je me pencherais sur le système de justice pour les jeunes. Je me pencherais sur la sécurité et tous les problèmes qui amènent un jeune à être emprisonné, même si c’est dans un centre de détention juvénile.

Il serait préférable de se pencher sur les racines du problème, c’est-à-dire en fournissant des services de prévention. Le dilemme, c’est que ces services n’existent toujours pas. Les juges des tribunaux de la famille se trouvent souvent en présence de tout un éventail de services de soutien sur papier, mais quand il faut s’occuper concrètement d’un jeune, les délais sont interminables ou les ressources n’existent pas.

J’ai quitté le système judiciaire depuis déjà un bon moment, mais je suis consciente du fait que les problèmes n’ont toujours pas été réglés. Je tiens donc à féliciter tous les juges avec lesquels j’ai travaillé et continue de travailler et — je suis sûre que le sénateur Sinclair sera d’accord avec moi là-dessus — qui se démènent jour après jour. Je tiens à féliciter les travailleurs sociaux qui emmènent un enfant chez eux lorsqu’ils ne peuvent pas trouver de ressource. Je tiens à féliciter tous ceux qui travaillent la fin de semaine, parce que quelqu’un ne s’est pas présenté.

Je sais que nous pouvons attendre et parler des prisons et que nous devons le faire. J’espère que le Comité des droits de la personne étudiera de nombreux enjeux dans ce domaine. En même temps, toutefois, les services de prévention devraient être offerts tôt dans le processus. L’éducation des enfants à un jeune âge est la meilleure ressource qui soit.

J’ai été très heureuse de travailler avec l’Université de Regina à la mise sur pied de la première université autochtone. Elle a changé de nom plusieurs fois depuis. Les diplômés de cette université qui sont retournés dans les réserves et les communautés urbaines autochtones ont changé l’histoire des Autochtones en Saskatchewan, et je ne vais parler que de cela. On ne les connaît peut-être pas; on ne les voit peut-être pas. On a tendance à voir les aspects négatifs plutôt que les éléments positifs, mais je constate ce que l’éducation a fait dans ma province. Elle nous a permis d’envisager l’avenir avec espoir.

(1730)

Si nous poursuivons dans cette voie, si nous commençons à examiner la situation, à nous y attaquer et à remettre en question ce que font les gouvernements, nous pouvons nous demander pourquoi il n’y a pas davantage de services de prévention. Pourquoi n’offre-t-on pas de services de soutien en temps opportun dans les régions rurales et les villes? Le besoin est très grand.

Le dernier point que j’aimerais soulever concerne les chiffres. Le sénateur Sinclair a présenté des chiffres pour le Manitoba. J’en ai un pour la Saskatchewan. Selon des données publiées par Statistique Canada en mars 2016, 11 p. 100 de la population autochtone du Canada habitait en Saskatchewan en 2011. Elle représentait 16 p. 100 de la population de la province.

Voici le chiffre qui a le plus retenu mon attention : plus de la moitié, soit 54 p. 100, des Autochtones de la Saskatchewan avaient moins de 25 ans, comparativement à 30 p. 100 chez les non-Autochtones. Si nous ne nous occupons pas des jeunes, si nous ne leur venons pas en aide, j’ai bien peur que les statistiques négatives ne fassent qu’empirer. Bien que je garde espoir que nous puissions changer le système carcéral canadien et offrir des solutions de rechange, comme les cercles de détermination de la peine et d’autres ressources, aux femmes autochtones, je pense encore que, si nous offrons des ressources aux familles alors que les enfants sont encore jeunes, ces 54 p. 100 deviendront un avantage. Ce chiffre sera associé à des choses positives plutôt qu’aux difficultés et à l’emprisonnement.

Encore une fois, je remercie les personnes qui ont contribué à cette interpellation. Je voulais faire ces quelques observations.

Des voix : Bravo!

L’honorable Kim Pate : J’aimerais exercer mon droit de dernière…

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je tiens à vous aviser que, conformément à l’article 6-12 du Règlement, si la sénatrice Pate prend la parole maintenant, son allocution aura pour effet de clore le débat sur cette interpellation.

Des voix : D’accord.

La sénatrice Pate : Honorables sénateurs, la surreprésentation des Autochtones dans les prisons, particulièrement des femmes autochtones, prend racine dans la discrimination historique et systémique qui constitue l’héritage raciste et sexiste du colonialisme. Les atrocités commises dans les pensionnats autochtones, la politique de l’État consistant à arracher de force des nouveau-nés et des enfants autochtones à leur famille, la fameuse rafle des années 1960, ainsi que la discrimination et les traitements discriminatoires qui sévissent encore aujourd’hui continuent de causer des souffrances inimaginables et des traumatismes intergénérationnels.

Je remercie sincèrement la sénatrice Andreychuk d’avoir judicieusement souligné la nécessité de miser sur l’intervention précoce et la prévention pour s’attaquer à nombre de ces problèmes avant qu’on se retrouve avec des enfants marginalisés, victimisés, criminalisés et institutionnalisés.

Aujourd’hui, je vais conclure l’interpellation que j’ai lancée il y a près de 18 mois. Il s’agissait de mon premier discours dans cette enceinte. J’aimerais remercier tous mes honorables collègues dont l’expertise et les points de vue ont enrichi cette interpellation. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que l’enquêteur correctionnel a indiqué qu’il s’agissait de l’un des enjeux liés aux droits de la personne les plus urgents au Canada.

[Français]

Dans son discours, et en réponse à cette interpellation, la sénatrice Jaffer a indiqué, à juste titre, qu’il n’y a pas qu’une seule cause qui explique la surreprésentation des femmes autochtones dans le système carcéral. Il s’agit plutôt d’un ensemble de désavantages sociaux distincts, comme la race, la pauvreté, le manque d’éducation, l’inégalité hommes-femmes, la perte d’identité, la victimisation et les abus.

[Traduction]

La sénatrice Dyck nous a rappelé que les femmes autochtones sont plus susceptibles d’être victimes de violence et d’iniquités que les femmes non autochtones. Elle a relié ces statistiques et la victimisation violente aux horribles réalités des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées. Les femmes autochtones risquent trois fois plus d’être portées disparues et quatre fois plus d’être victimes d’un homicide que les femmes non autochtones.

La sénatrice Bernard nous a exhortés à considérer la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons comme une forme de violence colonialiste. Nous devons reconnaître, à travers les expériences des femmes autochtones et racialisées, dont la plupart se sont retrouvées en prison en tentant de se sortir de la pauvreté et en raison d’un manque de soutien au sein de leur communauté, la même conjonction entre le sexisme et le racisme qui les rend plus susceptibles d’être portées disparues ou assassinées. Nous devons reconnaître que des enfants perdent leur mère lorsque ces femmes sont incarcérées. Nous devons prendre conscience des effets de cette séparation sur les enfants, mais aussi sur le bien-être futur des communautés.

Le mois dernier, la rapporteuse spéciale des Nations Unies chargée de la question de la violence contre les femmes, Dubravka Šimonović, est venue au Canada. Choquée par le nombre de femmes autochtones emprisonnées, elle a publié une déclaration dans laquelle elle demande au gouvernement de « prendre des mesures concrètes pour mettre un terme, au cours de la prochaine décennie, à la surreprésentation des Autochtones en détention et à publier des rapports annuels approfondis faisant le suivi des progrès accomplis et les évaluant ». Elle souligne la nécessité d’envisager sérieusement d’autres solutions que la détention.

Après avoir réfléchi aux appels à l’action que nos collègues ont lancés, je propose trois moyens d’éliminer progressivement la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons.

La sénatrice McCallum a réfléchi au fait que le système carcéral ne réussit pas à offrir aux détenues autochtones de bons services de santé et des programmes adaptés à leur culture.

Elle a dit ceci :

Il est temps que nous facilitions leur sortie de prison et leur réintégration dans les communautés autochtones, où elles pourront obtenir des services adéquats de guérison et de réinsertion sociale.

Je suis tout à fait d’accord.

Les articles 81 et 84 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoient des moyens permettant aux femmes autochtones de purger leur peine et d’obtenir une libération conditionnelle dans les communautés autochtones. Or, depuis l’adoption de ces dispositions, en 1992, la surreprésentation des femmes autochtones n’a cessé d’augmenter. De 2003 à 2013, le taux de femmes autochtones incarcérées a augmenté de 86 p. 100 et il continue de grimper. Aujourd’hui, plus du tiers des femmes incarcérées dans un établissement fédéral sont des Autochtones. Comme l’a dit la sénatrice Lankin, ces articles sont nettement sous-utilisés et sous-financés par le Service correctionnel du Canada.

De plus, certaines mesures correctionnelles, qui vont à l’encontre de l’objectif législatif et de l’intention précise des législateurs, limitent le recours aux articles 81 et 84. La sénatrice McCallum a fort pertinemment souligné qu’il faudrait mettre un terme à cette mesure bureaucratique, qui empêche les Autochtones incarcérés d’invoquer ces dispositions législatives.

La sénatrice Dupuis avait tout aussi raison de nous lancer le défi de demander pourquoi la règle générale n’est pas l’élaboration d’ententes entre les services correctionnels et les communautés autochtones pour que les prisonniers autochtones puissent bénéficier de programmes et de soutiens adaptés à leur culture au sein d’une communauté autochtone. Nous devons trouver des moyens d’appuyer les articles 81 et 84 et de leur donner vie afin qu’ils remplissent les objectifs visés par nos prédécesseurs et le gouvernement, de manière à réduire le nombre d’Autochtones dans les prisons.

Non seulement les femmes autochtones sont surreprésentées dans les prisons, mais elles y font l’objet de discrimination supplémentaire. Comme l’a mentionné la sénatrice Omidvar, les femmes autochtones sont plus susceptibles d’avoir une classification de sécurité supérieure, de faire l’objet d’un recours à la force, d’être mises en isolement et de se voir refuser la libération conditionnelle.

Le sénateur Runciman a parlé d’un autre groupe marginalisé dans les prisons canadiennes, soit les personnes qui ont des troubles de santé mentale. Plus de la moitié des femmes dans les prisons ont des troubles de santé mentale décelés. Le sénateur Runciman a fait remarquer que l’emploi de la force, des dispositifs de contention et de l’isolement à des fins correctionnelles génère des troubles de santé mentale et les aggrave. Les prisons ne sont pas des hôpitaux. J’appuie l’appel à l’action du sénateur en vue de mettre en œuvre les recommandations de l’enquête sur le cas d’Ashley Smith, en particulier celle qui veut que les personnes ayant des troubles de santé mentale soient traitées par des services de santé mentale gérés par le système de santé et au sein d’installations gérées par celui-ci, et non dans des pénitenciers fédéraux.

À l’issue de la commission d’enquête qui a été menée sur certains événements survenus à la prison des femmes de Kingston en 1996, l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour a signalé que, dans les prisons, « [l]a primauté du droit est absente bien que les règles soient partout. »

Le Service correctionnel du Canada impose toutes sortes de politiques et de règles pour gérer et contrôler les prisons et les prisonniers. Pourtant, il ne fait encore l’objet d’aucune surveillance indépendante en bonne et due forme. Même lorsque les décisions de sanctionner, de menotter, de vaporiser de poivre, d’isoler, de transférer ou de restreindre autrement les prisonniers alourdissent la peine ordonnée à l’origine par les juges, les prisonniers n’ont aucun droit de demander une révision de la peine. Il faut une surveillance judiciaire des établissements correctionnels; les détenus y ont droit, surtout que les autorités correctionnelles viennent miner l’intégrité des peines en les rendant plus punitives.

(1740)

Il est nécessaire d’exiger des décideurs dans les prisons qu’ils rendent des comptes si nous voulons réaffirmer l’importance de la primauté du droit dans ces établissements afin de prévenir les abus de pouvoir et la discrimination systémique qui font que les femmes autochtones demeurent souvent en prison au-delà de leur date de libération, dans des conditions difficiles et même inhumaines.

L’alinéa 718.2e) du Code criminel précise que toutes les sanctions possibles outre l’emprisonnement doivent être envisagées, lorsque c’est possible, et mentionne même précisément qu’il faut tenir compte de la situation particulière des Autochtones. Comme l’a expliqué la sénatrice Boniface, l’intention du législateur était de mettre fin à la surreprésentation des Autochtones dans les prisons, un problème qu’on avait déjà relevé il y a 22 ans lorsque cette disposition a été ajoutée.

Les peines minimales obligatoires, qui exigent qu’une peine minimale préétablie soit appliquée pour certaines infractions, limitent la capacité des juges à respecter l’alinéa 718.2e). Elles font en sorte que les juges ne peuvent plus tenir compte des circonstances et du contexte entourant les infractions, des caractéristiques individuelles, des problèmes comme les troubles mentaux et cognitifs, des facteurs systémiques et des antécédents, et qu’ils ne peuvent plus opter pour des solutions de rechange à l’incarcération.

La Cour suprême du Canada et les cours d’appel de Colombie-Britannique et d’Ontario ont toutes jugé que les peines minimales obligatoires pour certaines infractions étaient complètement disproportionnées et inconstitutionnelles.

Les peines minimales obligatoires viennent également détourner le processus de justice pénale en encourageant la négociation de plaidoyer dans le but d’éviter une peine perçue comme trop sévère pour qu’il soit justifié d’aller devant le tribunal pour défendre ses droits.

Pendant les années 1990, le gouvernement du Canada a demandé à la juge Lynn Ratushny d’examiner les affaires dans lesquelles des femmes ont usé d’une force létale contre un partenaire qui les violentait. La juge devait chercher à comprendre pourquoi ces femmes se sont retrouvées en prison, malgré des preuves montrant qu’elles avaient agi en légitime défense.

Après avoir examiné 98 cas, elle a conclu que les peines minimales obligatoires d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre étaient l’un des plus grands obstacles à l’obtention d’un procès équitable pour ces femmes, et même à son processus d’examen.

Une femme qui est accusée de meurtre au premier ou au deuxième degré pour avoir eu recours à une force mortelle en se défendant contre un conjoint violent s’expose à une peine minimale obligatoire d’emprisonnement à perpétuité. Si une femme pose ces gestes de façon réactive, et souvent défensive, la plupart des procureurs de la Couronne, plutôt que de reconnaître qu’il est possible qu’elle ait été en train de se défendre ou de protéger ses enfants ou d’autres personnes, et de retirer les accusations, vont lui donner l’occasion de plaider coupable à l’accusation d’homicide involontaire pour une peine moindre.

Si une femme s’est servie d’une arme pour se défendre, elle pourrait quand même faire face à une peine minimale obligatoire, mais elle va fort probablement accepter une entente plutôt que d’affronter la possibilité d’être emprisonnée à perpétuité ou que ses enfants soient obligés de témoigner en cour.

Dans son ouvrage intitulé Defending Battered Women on Trial, la professeure Elizabeth Sheehy fait écho aux conclusions de la juge Ratushny. Elle a découvert que la plupart des femmes au Canada qui sont victimes de violence conjugale et qui tuent leur agresseur plaident coupable à l’accusation d’homicide involontaire. Cela touche encore plus les femmes autochtones. En effet, dans 25 des 37 cas qu’elle a examinés, les femmes ont plaidé coupable même si les faits démontraient qu’elles avaient agi de manière défensive.

Le sénateur Sinclair nous a rappelé que, dans le cadre de son travail avec la Commission de vérité et réconciliation, il avait constaté que les survivants des pensionnats partout au Canada disaient souvent avoir été incriminés plus tard dans la vie pour des comportements découlant, de manière évidente, des traumatismes et des mauvais traitements qui leur avaient été infligés.

Les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, qui se fondent sur les témoignages de survivants, demandent la fin de la surreprésentation des peuples autochtones dans les prisons d’ici 2025.

Les appels à l’action établissent aussi un lien étroit entre cette surreprésentation et les peines minimales obligatoires. Ainsi, l’appel à l’action no 32 demande au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel de manière à ce que les juges de première instance ne soient pas obligés de s’en tenir aux peines minimales obligatoires.

Les peines de ce genre désavantagent les Autochtones, parce que les juges ne peuvent pas tenir compte des effets des traumatismes passés et du racisme systémique pour choisir une peine appropriée. Les juges n’ont pas non plus la latitude de choisir, en guise de peine pour les femmes autochtones, une approche différente qui leur permettrait de reconstruire leur vie et d’être utiles à leur collectivité.

Dans sa plateforme électorale de 2015, le gouvernement du Canada s’est engagé à donner suite aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. Le temps d’agir est venu.

Faut-il le répéter, dans le système correctionnel fédéral, plus d’une femme sur trois est une Autochtone. C’est une statistique qui nous dit que nous devons aider les populations autochtones en leur donnant des ressources qui correspondent à leurs intérêts et objectifs collectifs et qui peuvent intervenir individuellement auprès des personnes, un peu comme la sénatrice Andreychuk nous l’a décrit aujourd’hui. Nous devons aussi les aider avec un revenu de subsistance garanti, des logements subventionnés, des programmes d’éducation et des services de santé. Les statistiques nous disent que nous devons prévenir la criminalisation injuste des femmes autochtones, mettre fin à la surreprésentation discriminatoire des femmes autochtones dans les prisons et voir à ce que les casiers judiciaires ne les empêchent pas d’être des membres à part entière de leur collectivité.

Honorables collègues, la justice que méritent les femmes autochtones n’est pas celle qui leur est généralement offerte par le système de justice pénale du Canada. Nous pouvons faire mieux et nous avons l’obligation de le faire. C’est pourquoi, au nom de D, de L, de T, et de R et S, pour lesquelles j’ai fait hier soir encore des demandes de mise en liberté sous condition, et au nom de plusieurs autres qui ont survécu parfois à une discrimination, des inégalités et des injustices inimaginables et de celles qui n’y ont pas survécu, je serais heureuse de collaborer avec vous pour remédier à ces situations désespérées.

Conformément aux observations du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, selon lequel il serait possible d’atténuer les problèmes de retard dans le système judiciaire liés aux peines minimales obligatoires en donnant aux juges le pouvoir discrétionnaire de déterminer, au cas par cas, s’il y a lieu de ne pas imposer la peine minimale obligatoire prévue, je vous demande de vous joindre à moi pour promouvoir l’adoption du projet de loi S-251, que j’ai déposé aujourd’hui, afin de nous aider à progresser dans ce domaine.

Merci. Meegwetch.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le débat est considéré comme terminé.

(Le débat est terminé.)

Les pères fondateurs du Canada

Les délégués des provinces de l’Amérique du Nord britannique à la Conférence de Québec de 1864 et John A. Macdonald—Interpellation—Ajournement du débat

L’honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 28 mars 2018 :

Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur les grands fondateurs de la nation et leur acte constitutif, à savoir l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, ainsi que sur le cadre conceptuel et exhaustif unique de cet Acte, exprimé à l’article 91 en ces mots : « [i]l sera loisible à la Reine […] de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada »; sur leur Conférence de Québec tenue du 10 au 25 octobre 1864, où s’étaient réunis les délégués des provinces de l’Amérique du Nord britannique et d’où découlèrent les célèbres 72 Résolutions de Québec qui, après quelques corrections et mises au point, ont formé l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867; sur le premier premier ministre du Canada, John A. Macdonald, qui, grâce à son esprit sain et perspicace, à ses aptitudes exceptionnelles et à son intelligence politique, a joué un rôle de premier ordre dans la réalisation, la réussite et la longévité de notre Constitution, à savoir l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, en vigueur depuis maintenant 150 ans, une longue période pour une constitution.

— Honorables sénateurs, je prends la parole maintenant au sujet de ma cinquième et dernière interpellation, l’interpellation no 43, concernant la rencontre des Pères de la Confédération à leur Conférence de Québec, tenue du 10 au 25 octobre 1864 à Québec, d’où découlèrent les célèbres 72 Résolutions de Québec qui, après avoir fait l’objet de corrections et de modifications et avoir été adoptées, sont devenues l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867.

Je parlerai de John A. Macdonald et de George Brown, deux hommes d’État canadiens remarquables et cultivés qui étaient fort déterminés à faire du Canada une fédération en adoptant une nouvelle Constitution.

Honorables sénateurs, l’année 1864 a permis au Canada de faire un grand pas en avant vers la Confédération. Dans son livre de 1895, intitulé Confederation: Being a Series of Hitherto Unpublished Documents Bearing on the British North America Act, Joseph Pope dit à la page 53 que, le 11 octobre 1864 à la Conférence de Québec :

M. John A. Macdonald a proposé que le Haut-Canada et le Bas-Canada soient considérés comme deux provinces aux fins du vote.

Chers collègues, les délégués à la Conférence de Québec ont, sans surprise, approuvé à l’unanimité la motion de John A. Macdonald. La haute estime des délégués à l’endroit de M. Macdonald est légendaire. Je parle de cela pour montrer à quel point les délégués à la Conférence de Québec désiraient parvenir à une entente pour mener à bien cette grande entreprise que constituait l’union fédérale de leurs provinces alors menacées par le carnage et les effusions de sang de la cruelle guerre de Sécession, qui découlait d’un second échec constitutionnel aux États-Unis.

Les provinces de l’Amérique du Nord britannique étaient aussi menacées par le secrétaire d’État du président Lincoln, M. Seward, qui voulait annexer le Canada aux États-Unis dans le cadre des hostilités américaines contre la Grande-Bretagne. Les Américains croyaient que la Grande-Bretagne appuyait la Confédération contre l’Union. Voici ce que Joseph Pope a écrit à la page 22 de son livre au sujet de la Conférence de Québec :

Le vendredi 21 octobre 1864 [...] L’honorable John A. Macdonald propose: — Que le parlement aura le pouvoir de faire des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées [...]

(1750)

Honorables sénateurs, la motion de John Macdonald indiquait clairement que l’objectif constitutionnel et la raison d’être de la future assemblée législative générale, c’est-à-dire le futur Parlement du Canada, composé de Sa Majesté la reine Victoria, du Sénat et de la Chambre des communes, seraient « la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées » — de grandes fins. La motion de John Macdonald en faveur de la paix, du bien-être et du bon gouvernement des provinces était la 29e résolution des 72 Résolutions de Québec. En 1865, les délégués canadiens ont débattu et adopté les 72 Résolutions de Québec dans leurs assemblées législatives respectives. Ces débats, connus sous le nom de Débats sur la Confédération, montrent clairement que ces politiciens dévoués des futures provinces de la future Confédération du Canada étaient fermement résolus à atteindre leur objectif commun, c’est-à-dire établir leur grande entreprise constitutionnelle, la Confédération. Au cours de ces débats, à l’Assemblée législative canadienne, les députés ont adopté une résolution pour présenter une humble adresse à Sa Majesté la reine Victoria. À la page 362 des Journaux de l’Assemblée législative de la Province du Canada, allant du 8 juin au 15 août 1866, on peut lire ceci le 11 août 1866 :

1. Par le 38e article de la résolution de cette Chambre adoptée le troisième jour de février 1865, à l’effet de présenter une humble adresse à Sa Majesté, la priant qu’il lui plaise gracieusement faire soumettre au parlement impérial une mesure aux fins d’unir les colonies du Canada, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de Terreneuve et de l’Île du Prince-Édouard, en un seul gouvernement, et ayant pour base les résolutions adoptées à une conférence de délégués des dites colonies, tenue en la cité de Québec le 10 octobre 1864 [...]

Chers collègues, passons maintenant à un autre des Pères de la Confédération, George Brown, qui a laissé sa marque sur les conférences de Charlottetown et de Québec. Membre actif du Parti réformiste, il était aussi fondateur et premier rédacteur en chef du Toronto Globe — qui deviendra plus tard le Globe and Mail —, un journal qui n’hésite pas à faire valoir vigoureusement ses idées, et ce, dès sa création, en 1844. En 1863, George Brown, qui représente alors la circonscription d’Oxford-Sud à l’Assemblée législative du Canada-Ouest, se joint à la Grande Coalition de 1864 de John Macdonald et de George-Étienne Cartier, qui réunissait les partisans de la Confédération, à savoir les réformistes et les conservateurs. Pendant les débats de la Conférence de Québec, George Brown donne son appui inconditionnel à la représentation selon la population au sein de la Chambre basse de la Confédération, qui prendra plus tard le nom de « Chambre des communes ». Brown est pleinement conscient que ce type de représentation favoriserait l’égalité régionale entre le Canada-Ouest et le Canada-Est, qui deviendront peu de temps après l’Ontario et le Québec, selon la nouvelle Constitution du Canada. Le 19 octobre 1864, toujours pendant la Conférence de Québec, George Brown propose la motion suivante, que l’on trouvera à la page 19 de l’ouvrage de Pope :

Que la représentation au sein de la Chambre des communes soit fondée sur la population, qui sera calculée tous les dix ans au moyen du recensement officiel […]

Chers collègues, la motion de George Brown deviendra plus tard la résolution no 17 des 72 Résolutions du Québec. Son adoption signifie que le droit de vote lié à la propriété servira de critère pour être élu à la Chambre basse de la Confédération, qui deviendra la Chambre des communes que nous connaissons peu de temps après et qui incarne le grand principe constitutionnel de la représentation selon la population. Le 8 février 1865, à l’Assemblée législative du Canada-Ouest, pendant les débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l’Amérique du Nord britannique, publiés dans l’ouvrage intitulé Les débats de la Confédération, George Brown aborde ainsi le sujet de la représentation selon la population. On trouvera ses propos à la page 87 dudit ouvrage :

L’hon. député de Hastings Nord est de cet avis; mais il est en faveur d’une union législative, et sa demande pourrait n’être pas dénuée de justesse si, par le fait, nous eussions eu à former une union de cette sorte. Or, l’essence de notre convention est que l’union sera fédérale et nullement législative. Nos amis du Bas-Canada ne nous ont concédé la représentation d’après la population qu’à la condition expresse qu’ils auraient l’égalité dans le conseil législatif. Ce sont là les seuls termes possibles d’arrangement et, pour ma part, je les ai acceptés de bonne volonté. Du moment que l’on conserve les limites actuelles des provinces et que l’on donne à des corps locaux l’administration des affaires locales, on reconnaît jusqu’à un certain point une diversité d’intérêts et la raison pour les provinces moins populeuses de demander la protection de leurs intérêts par l’égalité de représentation dans la chambre haute.

Honorables sénateurs, je vais maintenant passer à la visite des Pères de la Confédération en Angleterre pour la Conférence de Londres, au palais de Westminster. Le 4 décembre 1866, c’est là que les délégués adoptèrent la motion de John Macdonald, soit la résolution 28 de la Conférence de Londres.

Chers collègues, en passant, je signale que toutes ces résolutions avaient été soigneusement numérotées pour des raisons évidentes.

À la page 102 du livre de Joseph Pope, la résolution 28 se lit comme suit :

28. Le Parlement général aura le pouvoir de faire des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement de la Confédération […]

Joseph Pope a rédigé la première de plusieurs ébauches de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, qui était en train de voir le jour. Aux pages 152 et 153 du livre de Pope, ce document, intitulé « Ébauche du projet de loi sur l’union des colonies de l’Amérique du Nord et sur le gouvernement de la colonie unie » et daté du 23 janvier 1867, contient l’article 38, qui se lit comme suit :

38. Il sera loisible à Sa Majesté, à Ses Héritiers et à Ses Successeurs, sur l’avis et avec le consentement des Chambres du Parlement de la colonie unie, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement de la colonie unie et des diverses provinces, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces […]

Chers collègues, les mots « paix, bien-être et bon gouvernement » sont devenus « paix, ordre et bon gouvernement ». Il s’agit du libellé actuel. Ce changement a été apporté lors de la Conférence de Londres, au Royaume-Uni. Le 29 mars 1867, Sa Majesté la reine Victoria a donné la sanction royale à la Loi concernant l’Union et le gouvernement du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, ainsi que les objets qui s’y rattachent. Cette loi est entrée en vigueur le 1er juillet 1867. L’article 1 indique ceci :

Titre abrégé : Loi constitutionnelle de 1867.

Chers collègues, une fois de plus, ce passage modifié et important figure à l’article 91 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. L’article 91 prévoit ce qui suit :

91. Il sera loisible à la Reine, de l’avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; […] il est par la présente déclaré que […] l’autorité législative exclusive du parlement du Canada s’étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés […]

Honorables sénateurs, après avoir démontré que l’expression « paix, ordre et bon gouvernement » s’inspire de l’expression plus ancienne « paix, bien-être et bon gouvernement », je vais vous faire part du génie de la Constitution du Canada et des compétences en droit, en politique et en gouvernance que possédaient les Pères de la Confédération canadienne. Nous devons préserver les compétences canadiennes en ce qui a trait à l’édification d’une nation et à l’élaboration d’une constitution. Dans l’ouvrage de Joseph Pope, aux pages 57 et 58, on peut lire les propos suivants, tenus par John A. Macdonald lors de la Conférence de Québec, le 11 octobre 1864 :

En ce qui concerne la constitution de notre assemblée, pour qu’il n’y ait pas de jalousie et pour favoriser la conciliation, il faut établir un système différent dans chacune des Chambres. La Reine étant notre souveraine, il devrait y avoir une Chambre haute et une Chambre basse. À la Chambre haute, le principe de l’égalité devrait servir de fondement, alors que la représentation à la Chambre basse devrait être fondée sur la population, non pas selon le suffrage universel, mais bien selon les principes de la Constitution britannique. À la Chambre haute, l’égalité numérique devrait servir de fondement […] En ce qui a trait au mode de nominations à la Chambre haute, certains sont en faveur de l’élection, mais davantage penchent pour la nomination par la Couronne. Je vais garder l’esprit ouvert à cet égard comme s’il s’agissait d’une toute nouvelle question pour moi. À l’heure actuelle, j’opte pour la nomination par la Couronne. Bien que je n’admette pas que l’application du principe d’une assemblée élue ait été un échec au Canada, je crois que nous devrions revenir au modèle original. Comme l’a dit le gouverneur Simcoe, il faut s’efforcer de faire nôtre « une image et une transcription de la Constitution britannique ».

Nous devons penser à ce qui est souhaitable, puis à ce qui est faisable.

Honorables sénateurs, j’ai partagé mon amour du Canada, comme l’ont pensé et concrétisé les pères fondateurs qui ont employé toute leur habileté pour naviguer dans ces eaux inconnues. Leur objectif était d’en arriver à une entente et de façonner une Constitution viable et à l’épreuve du temps pour le Canada.

Chers collègues, pour ceux d’entre nous qui aiment lire ces ouvrages menacés d’oubli, je suis toujours fascinée et attirée par le fait que ces hommes étaient prêts à prendre le temps requis pour en arriver à un accord, pour arriver à un « oui ». Le fait qu’ils aient réussi à s’entendre fut une grande réussite. Ils avaient pour objectif de conclure un accord et de façonner pour la postérité une Constitution du Canada qui soit applicable et durable.

(1800)

Son Honneur le Président : Pardon, madame la sénatrice Cools, mais il est 18 heures, alors à moins que nous décidions de ne pas tenir compte de l’heure, nous devons lever la séance jusqu’à 20 heures.

Êtes-vous d’accord pour que nous ne tenions pas compte de l’heure, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Cools : Je vous remercie, chers collègues. Je n’en ai encore que pour quelques minutes.

La Confédération canadienne et la Constitution du Canada, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, ont aujourd’hui 150 ans. Comme je le dis souvent, une telle longévité est rare pour une Constitution. En tant que porte-étendard, nous devons remercier Dieu que l’expression « la paix, l’ordre et le bon gouvernement », que l’on retrouve dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique et les Constitutions qui l’ont précédé, ait pu incarner pendant aussi longtemps la norme constitutionnelle élevée d’une gouvernance équitable et judicieuse.

Honorables sénateurs, je voudrais aborder maintenant l’idée répandue, mais erronée, selon laquelle les Pères de la Confédération ont voulu que le Sénat ne soit pas partisan. Ce n’est pas le cas. Ce n’est tout simplement pas vrai. Les Pères de la Confédération voulaient faire exactement le contraire. Ils ont pris la peine de maintenir au Sénat la présence des partis politiques et de voir à ce que la proportion de chaque parti à l’assemblée législative d’une province donnée soit respectée au Sénat. Voici ce que dit la résolution 14 prise à la Conférence de Québec, que l’on retrouve dans le livre de Joseph Pope, aux pages 40 et 41, et qui porte sur la sélection des sénateurs :

14. Les premiers conseillers législatifs fédéraux seront pris dans les conseils législatifs actuels des diverses provinces, excepté pour ce qui est de l’Île-du-Prince-Édouard, dans la mesure où il y pourra s’en trouver un assez grand nombre possédant les qualités requises et voulant occuper ce poste. Ces conseillers seront nommés par la Couronne, à la recommandation du Gouvernement général et sur la présentation des gouvernements locaux respectifs. Dans ces nominations, on devra avoir égard aux droits des conseillers législatifs qui représentent l’opposition dans chaque province, afin que tous les partis politiques soient, autant que possible, équitablement représentés.

À la page 100 de son ouvrage, Joseph Pope fait aussi état de la résolution 14 modifiée de la Conférence de Québec, qui est devenue la résolution 15 de la Conférence de Londres :

15. Les membres du conseil législatif de la Confédération doivent, en premier lieu, être nommés lors de la création des gouvernements exécutifs du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, respectivement, et les membres attribués à chaque province doivent être nommés à partir des conseils législatifs des différentes provinces, compte tenu de la représentation équitable des deux partis politiques. Si un membre du conseil local refuse sa nomination, il incombe au comité exécutif de la province compétente de nommer à sa place une personne qui n’est pas membre du conseil local.

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice Cools, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Cools : Cinq minutes.

Son Honneur le Président : Est-ce d’accord, sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, les efforts des Pères de la Confédération ont donné un résultat remarquable, soit le fait que, depuis 150 ans, le Canada est bien dirigé par sa Constitution intacte, efficace, durable et contraignante. On peut conclure judicieusement que les prétentions actuelles selon lesquelles le Sénat devrait se débarrasser des partis politiques et de la partisanerie ne sont nullement justifiées par la Constitution ou l’histoire du Canada, qui ont toujours encouragé le recours avisé et efficace aux partis politiques en tant qu’outils permettant d’atteindre les objectifs politiques et constitutionnels du Canada, qui doivent toujours être la paix, l’ordre et le bon gouvernement de notre merveilleux pays. C’est à cette fin que les sénateurs sont nommés par des commissions aux termes de lettres patentes pour servir dans la Chambre haute et royale du Parlement du Canada, où s’assemblent la reine, le Sénat et la Chambre des communes.

Je remercie mes collègues de m’avoir écoutée.

Des voix : Bravo!

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Puis-je poser une question? Je serais heureux que ma collègue propose ensuite l’ajournement.

Sénatrice Cools, merci beaucoup pour le travail que vous avez accompli dans ce dossier. Nous vous en sommes très reconnaissants. Vous avez fait référence à plusieurs reprises à l’expression « paix, ordre et bon gouvernement ».

Vous ai-je bien comprise, l’expression a été un peu modifiée à Londres, mais est ressortie de la Conférence de Québec?

La sénatrice Cools : Oui.

Le sénateur Day : Il est arrivé si souvent que cette expression soit comparée aux États-Unis. Elle est utilisée pour montrer les différents tempéraments des gens de différentes régions.

Ai-je raison de dire qu’elle ne vient pas de la Grande-Bretagne, même si le principe de la paix, de l’ordre et du bon gouvernement y a été défini, et qu’elle vient plutôt du Québec et de la Conférence de Québec?

La sénatrice Cools : C’est bien le cas, et c’est très intéressant parce que l’expression figure dans toutes mes autres allocutions sur la question. Après la bataille des plaines d’Abraham et après que de nombreux accords aient été conclus, en 1774, l’Acte de Québec a été adopté au Royaume-Uni. L’un de ses principaux objectifs, c’était de préserver la religion, la langue, le droit et le Code civil des Canadiens français. On retrouve donc le principe de la paix, du bien-être et du bon gouvernement dans l’Acte de Québec de 1774.

On retrouve l’expression dans l’Acte constitutionnel de 1791, qui a divisé le Québec en Haut-Canada et Bas-Canada. On la retrouve de nouveau dans l’Acte d’union de 1840, puis en 1840, lorsque le Canada-Ouest et le Canada-Est se sont unis.

J’ai commencé avec 1774, mais nous retournons vers l’époque de sir John A. Macdonald et des leaders émergents de l’époque, qui étaient destinés à réussir leur projet de Confédération.

Il y a eu l’Acte d’union de 1844. On ne doit pas oublier que les Britanniques ont fait venir lord Durham au Canada dans les années 1830. Celui-ci a présenté un excellent rapport selon lequel la population canadienne n’avait pas les mêmes droits que la population britannique, ce qui nous amène au gouvernement responsable. Dans son rapport, lord Durham a recommandé que le Canada-Est et le Canada-Ouest se voient accorder le gouvernement responsable.

On arrive ensuite dans les années 1860, avec le projet de Confédération, et l’adoption des 72 Résolutions de Québec.

Peu de temps après, soit vers la fin de 1866, les délégués se sont réunis à la Conférence de Londres. Ils sont rentrés chez eux avec un document qui, comme je l’ai dit tout à l’heure, dure depuis maintenant 150 ans.

C’est quelque chose qu’il faut préserver et louanger, voire faire connaître davantage.

Le sénateur Day : Et il faut en être fier.

La sénatrice Cools : Tout à fait. Il faut en être extrêmement fier, car ils ont réussi. Toutefois, il faut savoir qu’ils se sont butés à la sauvagerie et aux effusions de sang qui avaient cours aux États-Unis d’Amérique.

Par conséquent, le contraste est très marqué et, d’une certaine façon, « la paix, l’ordre et le bon gouvernement » ne sont pas des termes aussi prestigieux et poétiques que la Déclaration d’indépendance américaine, qui énonce ce qui suit : « Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. »

De nombreux Canadiens me disent que notre Constitution est bien ennuyeuse si on la compare à celle des États-Unis. Je leur dis que c’est le contraire. La nôtre est beaucoup plus passionnante. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 18 h 10, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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