Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 250
Le samedi 24 novembre 2018
L’honorable George J. Furey, Président
LE SÉNAT
Le samedi 24 novembre 2018
[Traduction]
La séance est ouverte à 11 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Les dossiers d’adoption
L’honorable Michael Duffy : Honorables collègues, comme vous le savez, le travail du Sénat est loin de se limiter à sa tâche principale, qui consiste à examiner et à améliorer les projets de loi émanant du gouvernement. Souvent, il nous incombe de défendre les personnes sans voix.
Le rapport du Comité sénatorial des affaires sociales publié en juillet dernier et qui s’intitule Honte à nous : L’adoption forcée des enfants nés d’une mère célibataire pendant la période d’après-guerre au Canada est le fruit d’un travail important et a été accueilli favorablement partout au pays par des personnes adoptées, qui se battent depuis des années pour connaître l’identité de leurs parents biologiques.
Ma province, l’Île-du-Prince-Édouard, et sa voisine, la Nouvelle-Écosse, sont les deux seules provinces canadiennes à ne pas avoir encore permis au public d’avoir accès aux dossiers d’adoption. À l’Île-du-Prince-Édouard, les personnes adoptées n’ont toujours pas le droit d’avoir accès à leur certificat de naissance original, et les parents biologiques ne peuvent pas connaître le nom adoptif de l’enfant qu’ils ont perdu à l’adoption.
Après des années de démarches effectuées par l’organisme Coalition for Open Records PEI, l’honorable Tina Mundy, ministre de la Famille et des Services sociaux de l’Île-du-Prince-Édouard, a annoncé qu’elle allait enfin permettre à la population d’avoir accès aux dossiers d’adoption provinciaux. Mme Mundy a déclaré ce qui suit : « [...] les attitudes changent et les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard souhaitent avoir un accès accru à leurs dossiers personnels. »
Or, pour les personnes adoptées de l’Île-du-Prince-Édouard, il y a un hic. Leur longue attente n’est pas encore terminée. Il y aura une autre année de consultations publiques avant qu’un quelconque changement n’entre en vigueur. Pour le moment, la ministre Mundy indique que toute personne touchée par l’adoption aura la possibilité de protéger son identité en s’opposant à ce que celle-ci soit divulguée.
Chers collègues, cela veut dire que certaines personnes — on ignore combien exactement — n’auront jamais accès à leur dossier d’adoption. Elles ne connaîtront pas le nom de leurs parents biologiques. Il est clair que les personnes adoptées et les mères qui ont été forcées de donner leur enfant en adoption veulent plus, mais c’est tout de même un pas en avant important.
Je félicite les sénateurs du Comité des affaires sociales de ce rapport important et sans précédent, de même que la ministre Mundy d’avoir entendu l’appel.
Nous allons maintenant surveiller la suite des choses avec intérêt, l’ouverture des dossiers des personnes adoptées en Nouvelle-Écosse et, enfin, l’adoption d’une mesure législative nationale sur la divulgation des renseignements sur les adoptions qui donnera aux personnes adoptées d’âge adulte un accès illimité à leur certificat de naissance original et aux renseignements sur l’identité de leurs parents biologiques. Les adoptés et leur mère biologique ne méritent rien de moins. Merci, chers collègues.
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du capitaine Marvin Fletcher. Il est le mari de l’honorable sénatrice Boyer.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La protection des victimes d’agression sexuelle
L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, nous avons débattu récemment du projet de loi C-51 et adopté des amendements qui visent à clarifier les dispositions législatives relatives aux agressions sexuelles, de façon à empêcher que les personnes qui sollicitent l’aide des services policiers et des tribunaux soient victimisées à nouveau.
Au même moment, à Orillia...
L’honorable Donald Neil Plett : J’invoque le Règlement.
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Pate. Sénateur Plett?
Le sénateur Plett : Oui. J’ai entendu la sénatrice Pate faire mention d’un projet de loi. Si elle s’apprête à faire une déclaration qui porte sur un projet de loi, je pense que cela est contraire au Règlement.
Son Honneur le Président : Sénatrice Pate?
La sénatrice Pate : Ce n’est pas une déclaration à propos d’un projet de loi, mais je vous remercie de me rappeler la règle.
Son Honneur le Président : Sénatrice Pate, si vous me le permettez, j’aimerais souligner un point.
Les sénateurs savent que les recours au Règlement ne sont habituellement pas soulevés pendant les déclarations de sénateurs. Dans l’éventualité où des propos ne conviendraient pas, j’aviserai le sénateur en question.
La sénatrice Pate a la parole.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup. Je continue.
Au même moment, à Orillia, des membres de la collectivité montraient à quel point la validation, le respect et le soutien peuvent faire une différence pour les victimes d’agression sexuelle. Le 2 novembre, une mère a publié une lettre anonyme dans son journal local afin de remercier ses concitoyens de leur soutien lorsqu’elle a fait l’horrible découverte que sa fille avait été agressée sexuellement. La mère a décrit la patience et l’attitude calme et réconfortante dont ont fait preuve l’enseignant et le directeur adjoint de l’école à qui sa fille de 10 ans a signalé l’agression sexuelle ainsi que les agents de la Police provinciale de l’Ontario qui l’ont interviewée. Elle a aussi décrit comment ces gens ont veillé à ce qu’elle et sa fille obtiennent l’aide et l’appui d’une agente des services d’aide à l’enfance, d’une infirmière et d’un médecin. Tous les intervenants ont uni leurs efforts pour leur trouver un logement coopératif et leur donner accès à des services de soutien continu du centre d’appui aux enfants et du refuge pour femmes local.
Étant donné les nombreux cas jugés non fondés et les réalités à l’origine du mouvement #MoiAussi, nous ne pouvons pas ignorer les stéréotypes nuisibles et les reproches adressés aux victimes qui découragent les victimes à signaler leur agression. De Rehtaeh Parsons à Cindy Gladue et bien d’autres, trop de victimes ne sont pas crues ni appuyées et trop peu de cas se rendent aux policiers, aux procureurs et aux juges.
Chers collègues, compte tenu de ce que vivent de nombreuses femmes et filles victimes d’une agression sexuelle, c’était on ne peut plus encourageant de constater l’impact positif que chacune des personnes que cette petite fille d’Orillia a rencontrées a eu sur sa vie. Ces personnes lui ont montré à maintes reprises qu’elle n’était pas seule, qu’elles étaient là pour l’écouter et qu’elles croyaient ce qu’elle disait.
Les soins et les égards des habitants d’Orillia ont eu une influence marquante sur une fillette de 10 ans et sa mère. Tandis que nous collaborons pour bâtir une société juste et équitable où les femmes et les enfants peuvent recevoir un tel soutien, arrêtons-nous ce matin afin de reconnaître et de remercier ces personnes et de leur témoigner toute notre admiration pour leurs efforts exceptionnels en vue de soutenir cette enfant courageuse.
Remercions notre collègue, la sénatrice Boniface, étant donné qu’elle est la mère de l’agent Brett Boniface, l’un des merveilleux agents de la Police provinciale de l’Ontario qui sont intervenus avec délicatesse et bienveillance auprès de la mère et de la petite fille d’Orillia, ce qui a manifestement eu une incidence très positive sur leur vie. Nous vous remercions d’avoir élevé le genre d’homme dont nous avons besoin pour inspirer les autres et agir à titre de mentor. Merci, meegwetch.
Le centre autochtone urbain
L’honorable Brian Francis : Honorables collègues, aujourd’hui, j’ai l’honneur de prendre la parole pour la première fois pour vous informer que, le 16 novembre dernier, la Confédération des Mi’kmaq de l’Île-du-Prince-Édouard a amorcé la construction de son nouveau centre autochtone urbain dans le secteur riverain de Charlottetown.
Le bâtiment de trois étages et de 18 000 pieds carrés servira de carrefour moderne pour les programmes économiques, culturels et sociaux. Cet espace viendra combler un besoin urgent et sera très avantageux pour les Autochtones de l’Île-du-Prince-Édouard qui vivent dans les réserves ou hors réserve, ainsi que pour la communauté au sens plus large.
(1110)
Ce n’est peut-être pas un fait bien connu, mais l’Île-du-Prince-Édouard compte deux gouvernements des Premières Nations représentant le peuple mi’kmaq : la Première Nation de Lennox Island, près de Tyne Valley, et la nation mi’kmaq Abegweit, à Scotchfort, à Rocky Point et à Morell.
J’ai été chef de la nation mi’kmaq Abegweit et coprésident de la Confédération des Mi’kmaq de l’Île-du-Prince-Édouard, qui travaille activement depuis 2002 afin de fournir une voix unie pour le peuple mi’kmaq, de faire valoir les droits autochtones et issus de traités des Mi’kmaq à l’Île-du-Prince-Édouard ainsi que de renforcer, de promouvoir, de préserver et de protéger la culture, les croyances et le patrimoine mi’kmaq. Je suis donc extrêmement heureux et fier de savoir que, après tant d’années à faire valoir ses intérêts et à bâtir des partenariats de manière concertée, notre communauté jouira bientôt d’un soutien et de ressources accrus dans une installation centrale et moderne.
Chers collègues, ce projet témoigne véritablement de ce qui est possible lorsque tous les ordres de gouvernement collaborent dans un esprit de coopération et de réconciliation. Je suis convaincu que le centre sera grandement bénéfique pour les générations actuelles et futures de notre province et qu’il deviendra un grand attrait touristique. J’espère que vous aurez l’occasion de le visiter dans un avenir rapproché.
Wela’lioq, merci.
AFFAIRES COURANTES
La justice
L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-89—Dépôt de document
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par la ministre de la Justice en ce qui a trait au projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux.
[Français]
Projet de loi sur la reprise et le maintien des services postaux
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la présente séance.)
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail
Le caractère urgent du projet de loi sur la reprise des services postaux
L’honorable Diane F. Griffin : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Elle porte sur l’énoncé concernant la Charte — d’ailleurs, je vous remercie de l’avoir présenté. J’ai été heureuse qu’il ait été fourni aux sénateurs tard hier soir. Je m’étais inquiétée du fait qu’il ne serait pas disponible. Il est très intéressant car il explique l’urgence du projet de loi en ce qui a trait au fait qu’il l’emporte sur les droits constitutionnels des travailleurs. L’énoncé affirme que « le projet de loi préviendrait les dommages économiques persistants et importants » affectant les commerçants et que « la reprise des services postaux serait aussi bénéfique pour ceux qui dépendent de ces services à titre de source de communication vitale et qui sont disproportionnellement affectés par cet arrêt de travail [...] ».
Récemment, le pont de la Confédération, la société Northumberland Ferries Limited et l’aéroport de Charlottetown ont été fermés en raison de vents violents, ce qui, bien sûr, a affecté la livraison postale.
Sénateur Harder, pourriez-vous expliquer pourquoi une grève tournante de 24 heures qui affecte la livraison postale exige une intervention de la part du gouvernement, alors qu’une tempête dans le nord-est des Maritimes ne suscite aucune réaction — n’est-ce pas considéré aussi urgent? Je ne pense pas que le gouvernement mettrait en place un pont aérien vers l’Île-du-Prince-Édouard chaque fois qu’une tempête y fait rage pendant une semaine.
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice. Nous débattrons justement de sa question. Aux yeux du gouvernement, on ne parle pas ici de seulement 24 heures, mais de près d’un an. Le gouvernement tente, depuis près d’un an, de rapprocher les deux parties par la médiation, et la situation est urgente au point que le Parlement doive adopter la mesure législative à l’étude. Je suis heureux que nous puissions en débattre aujourd’hui.
[Français]
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-89, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
[Traduction]
Projet de loi sur la reprise et le maintien des services postaux
Deuxième lecture
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, c’est avec regret que je parlerai du projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux. Même si c’est regrettable que nous en soyons venus là, notre présence ici aujourd’hui est toutefois nécessaire.
Ce projet de loi confirme, en fait, toute l’importance que revêtent les services postaux pour le bien-être des particuliers, des familles et des entreprises du Canada, notamment à l’approche des Fêtes, car il s’agit d’une période particulièrement occupée pour bon nombre de nos concitoyens.
Le 22 octobre, les syndiqués de Postes Canada ont déclenché une grève tournante. On parle ici de 8 500 facteurs ruraux et suburbains et de 42 000 employés dans les centres urbains. Depuis le début des négociations, il y a près d’un an, le gouvernement a fait tout ce qu’il était possible de faire pour aider les deux parties à trouver un terrain d’entente.
Malgré nos efforts soutenus, elles ont toutefois été incapables de s’entendre sur un certain nombre de points.
Les meilleures conventions collectives demeurent celles qui ont été négociées et qui satisfont les deux parties, je crois que nous nous entendons tous là-dessus. Cela dit, nous devons aussi continuer d’avancer. Postes Canada est le principal fournisseur de services postaux du pays, et ses activités doivent donc reprendre au plus vite.
Le fait est que les Canadiens comptent sur Postes Canada, surtout les membres les plus vulnérables de la société, des gens qui dépendent davantage des services postaux traditionnels pour leurs colis et leurs communications personnelles, sans parler des factures, des relevés et des services gouvernementaux. Ces groupes vulnérables peuvent comprendre les personnes âgées, les personnes à faible revenu, les personnes handicapées ainsi que les Canadiens qui habitent dans les régions rurales éloignées du Nord, notamment les peuples autochtones.
Plusieurs d’entre nous ne peuvent s’imaginer ne pas avoir accès au commerce et aux communications électroniques, mais il ne faut pas oublier que près de 30 p. 100 des Canadiens vivent dans des régions rurales et éloignées où l’accès à Internet est loin d’être assuré.
Sans accès aux services de Postes Canada, les Canadiens des régions rurales et éloignées risquent d’être accablés par les coûts beaucoup plus élevés des entreprises de messagerie, une option qui n’est peut-être même pas offerte dans bien des localités éloignées.
Tout cela devient encore plus préoccupant si on considère que les Canadiens qui vivent dans le Nord dépendent davantage des services de livraison de colis. En 2017, les Canadiens du Nord ont reçu environ le double du nombre moyen de colis reçus par habitant partout ailleurs au Canada. Ce point est mis en évidence par les problèmes auxquels sont confrontés Hands Up Canada et d’autres organismes sans but lucratif qui s’efforcent d’expédier des biens grandement nécessaires dans des localités éloignées accessibles uniquement par avion dans le Nord du Canada.
Pour illustrer mon propos, j’aimerais lire une lettre d’opinion, publiée dans le Toronto Star jeudi dernier par Mme Beverley Mitchell, de Toronto. Elle écrit ceci :
Bien que l’interruption du service postal cause des inconvénients pour beaucoup d’entre nous qui vivons au Canada, il s’agit d’une situation impossible pour ceux qui vivent dans les localités éloignées accessibles uniquement par avion dans le Nord du Canada.
(1120)
Contrairement aux autres Canadiens, qui peuvent recourir à des services de messagerie, ceux qui vivent dans ces régions doivent compter sur Postes Canada pour toutes leurs livraisons.
Par l’intermédiaire d’un organisme sans but lucratif qui vient d’être créé et qui est en instance d’enregistrement, je m’occupe personnellement d’envoyer des aliments indispensables aux refuges et aux soupes populaires, des vêtements chauds destinés aux sans-abri, aux pauvres et aux personnes âgées, des fournitures scolaires et de la nourriture aux garderies et aux écoles au Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest.
L’organisme Hands Up Canada envoie plus de 1 000 colis de cadeaux de Noël contenant des chaussettes, des livres et de petits jouets aux élèves dans ces régions. Pour bon nombre de ces enfants, ce seront leurs seuls cadeaux cette année.
La grève postale fait échouer tous nos efforts pour que ces enfants reçoivent ces cadeaux à temps pour Noël. Non seulement il y a des retards et nous ne sommes pas certains qu’ils seront livrés, mais il nous en coûte environ 1 000 $ de plus pour utiliser le service express en espérant que ces colis seront traités plus rapidement lors d’une trêve dans la grève tournante dans la région.
La météo est toujours une préoccupation, l’hiver, lorsque nous voulons que des colis arrivent à temps dans le Nord, mais, en raison des grèves, il est devenu extrêmement difficile et coûteux de les acheminer.
La situation regrettable que décrit Mme Mitchell montre malheureusement toute la nécessité du projet de loi C-89. Il est clair que la grève tournante a des répercussions non seulement sur les ménages, mais aussi sur les entreprises, particulièrement les petites entreprises et les microentreprises. D’après un sondage commandé par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, près de 70 p. 100 des petites et moyennes entreprises considèrent que la grève tournante de Postes Canada leur nuit. Nous avons tous vu les grands titres des journaux. En raison de la grève tournante, les consommateurs ne savent pas quand les produits seront livrés, et cette incertitude les amène à annuler leur commande.
De toute évidence, le commerce électronique joue un rôle clé dans la croissance économique du Canada. Plus de Canadiens que jamais font des achats en ligne, qui doivent ensuite être livrés. D’après les données de Statistique Canada, les ventes en ligne ont grimpé de 31 p. 100 pour atteindre 15,7 milliards de dollars en 2017. Plus de 85 p. 100 des Canadiens ont indiqué avoir fait un achat en ligne au cours de la dernière année. Bien que l’achat se fasse sur Internet, le colis doit ensuite être livré à un domicile ou à un lieu de travail.
Honorables sénateurs, de nombreuses entreprises comptent sur les ventes en ligne pour survivre, particulièrement en cette période de l’année. En effet, certaines font 40 p. 100 de leurs ventes annuelles pendant la brève période qui s’étend du Vendredi fou au début janvier.
On rapporte que le commerce en ligne connaît une baisse en raison de la grève tournante. Les marges de profit, déjà minces, s’amenuisent parce que les entreprises doivent se tourner vers d’autres services de livraison plus coûteux. Le Parlement doit impérativement intervenir pour éviter que la grève se poursuive. Un prolongement de la grève pourrait entraîner la fermeture d’entreprises.
Au-delà de nos frontières, la grève tournante compromet la réputation mondiale du Canada en tant que marché commercial fiable. Postes Canada a demandé à ses partenaires internationaux d’interrompre l’expédition de courrier et de colis au Canada, en raison des arriérés considérables qui s’accumulent dans ses installations un peu partout au pays. Il faut agir sans tarder afin de mettre un terme à la grève, limiter les dommages et assurer un bon roulement de l’économie.
Passons au projet de loi lui-même. Honorables sénateurs, il est certes regrettable d’avoir à examiner une loi de retour au travail, mais je soutiens que le projet de loi à l’étude propose une façon positive de résoudre le conflit, lequel est complexe et délicat. Soulignons que la rédaction du projet de loi C-89 repose sur une jurisprudence considérable qui reflète l’équilibre qu’il faut garder entre la Charte des droits et libertés et les mesures législatives de retour au travail.
Même si le recours à un projet de loi de retour au travail n’est jamais souhaitable, celui dont nous sommes saisis reflète une approche moderne et novatrice qui se fonde en grande partie sur le principe d’équité. Par exemple, comparativement aux projets de loi de retour au travail adoptés par des gouvernements fédéraux précédents, ce projet de loi prévoit la nomination par la ministre d’un médiateur-arbitre recommandé par les deux parties. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur un candidat, la ministre devra nommer un médiateur-arbitre sur l’avis de la présidente du Conseil canadien des relations industrielles. Ce médiateur-arbitre aura alors pour mandat de régler toutes les questions non résolues par la médiation.
Si on ne parvient pas à résoudre une question en particulier par la médiation, le médiateur-arbitre imposera le mode d’arbitrage de son choix pour y remédier. La décision qui sera prise au terme de l’arbitrage établira les dispositions des nouvelles conventions collectives et sera orientée par ce qu’on appelle les principes directeurs, lesquels sont définis dans le projet de loi. Ces principes directeurs sont au cœur de l’objet du projet de loi. Ils visent par-dessus tout à garantir un processus équitable qui ne penche ni du côté du syndicat ni du côté de l’employeur.
Je voudrais lire ces principes pour qu’ils figurent dans le compte rendu. Selon le projet de loi, le médiateur-arbitre se fonde sur la nécessité, premièrement, de veiller à la protection de la santé et la sécurité des employés; deuxièmement, de faire en sorte que les employés reçoivent un salaire égal pour l’exécution d’un travail de valeur égale; troisièmement, d’assurer un traitement juste des employés temporaires, à temps partiel ou occupant une autre forme d’emploi atypique par rapport aux employés occupant un emploi à temps plein permanent; quatrièmement, d’assurer la viabilité financière de l’employeur; cinquièmement, de créer une culture de relations patronales-syndicales axées sur la collaboration; sixièmement, de faire en sorte que l’employeur fournisse des services de grande qualité à un prix raisonnable pour les Canadiens.
Soyons très clairs : une loi de retour au travail doit être utilisée en dernier recours. Le gouvernement ne prend pas une telle mesure à la légère, mais nous en sommes arrivés à ce point. Les ménages et les entreprises du Canada ont besoin de services postaux efficaces, et c’est particulièrement vrai en cette période de l’année. Je vous exhorte à appuyer le projet de loi C-89 pour éviter que la situation ne se détériore encore plus. Avec votre aide, nous espérons adopter cette importante mesure législative le plus rapidement possible. Merci.
Son Honneur le Président : Y a-t-il des questions?
L’honorable Frances Lankin : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Harder : Bien sûr.
La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Vous venez de dire que c’est maintenant qu’il y a crise et que c’est donc maintenant qu’il faut agir. Vous avez lu une lettre bien sentie rédigée par une certaine Mme Mitchell. Je peux sentir la passion qui l’anime.
Cependant, je ne suis pas sûre de ce qu’elle dit à propos des localités qui ont été touchées par la grève tournante. Je me demande si vous vous êtes penché sur la situation. Pouvez-vous répondre à la question? Dans la plupart des cas, le syndicat a déployé énormément d’efforts pour s’assurer que les chèques de prestations sont livrés. En outre, ses membres acceptent volontiers d’acheminer les lettres au père Noël comme de bons petits lutins. Je crois qu’ils en ont fait beaucoup. J’aimerais savoir ce que vous pensez de tout cela.
Le sénateur Harder : D’après ce que j’ai cru comprendre en lisant la lettre, ce n’est pas uniquement la grève tournante, mais aussi l’appréhension d’une telle grève qui empêche l’organisme Hands Up de recevoir des fournitures et le soutien nécessaire.
Je ne peux pas vous dire lesquelles des localités desservies ont été touchées par la grève tournante. Je peux simplement dire que cette grève perturbe considérablement le travail admirable de cet organisme.
La sénatrice Lankin : J’ai une autre question. Merci, sénateur. Je comprends bien que l’auteure de cette lettre appréhendait un problème éventuel, et je la félicite encore une fois pour le travail qu’elle fait.
Étant donné que nous avons connu cinq semaines de grève tournante et que la mesure législative que nous étudions interférera avec la liberté d’association et sa libre expression dans le cadre d’une grève légale, pensez-vous qu’un sentiment d’appréhension justifie une action rapide de notre part aujourd’hui?
Le sénateur Harder : Il est évident que le sentiment d’appréhension dont je parle doit être envisagé sous l’angle des petites et moyennes entreprises et des microentreprises et de la réalité qu’elles vivent. Nous savons, d’après les rapports que la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a publiés, d’après les pressions dont on nous a fait part et d’après les lettres que nous avons reçues, notamment de la part de petites entreprises et de régions éloignées et rurales, qu’il faut agir vite pour qu’elles aient la certitude que les services postaux seront assurés. Nous savons aussi que la grève tournante de ces cinq dernières semaines a eu une incidence économique importante.
L’honorable Serge Joyal : Sénateur Harder, vous avez bien dit que l’énoncé concernant la Charte a été remis aux sénatrices Griffin et Lankin vendredi soir, après qu’elles ont demandé de l’avoir, n’est-ce pas?
Le sénateur Harder : J’ai demandé à la ministre Hajdu que l’énoncé concernant la Charte soit fourni à tous sénateurs dès que la Chambre des communes le recevrait. Il a été déposé hier soir à la Chambre des communes, et je l’ai envoyé par courriel, avec l’analyse du projet de loi effectuée par mon bureau, à tous les sénateurs.
(1130)
De plus, je l’ai déposé aujourd’hui afin qu’il figure au compte rendu du Sénat. Il revenait au gouvernement de choisir de déposer l’énoncé concernant la Charte. Comme le savent les sénateurs, cela n’est actuellement pas obligatoire. Toutefois, après l’adoption du projet de loi C-51, cela l’aurait été. Le gouvernement a choisi d’agir ainsi, car il est convaincu qu’il est nécessaire que les législateurs aient cet important document.
Le sénateur Joyal : Merci, honorable sénateur, vous avez répondu à ma question. Je voulais savoir si l’énoncé concernant la Charte serait annexé au compte rendu d’aujourd’hui pour que les Canadiens puissent aussi en prendre connaissance.
Le sénateur Harder : Je l’ai envoyé par courriel ce matin.
L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole en ce jour de séance inhabituel, qui a lieu un samedi, au sujet du projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux.
J’aimerais d’abord dire que la prestation efficace et prévisible de services postaux revêt, en effet, une importance capitale pour le Canada.
Plus précisément, du point de vue économique, la prestation de services postaux est cruciale pour l’économie et, bien sûr, pour la compétitivité à l’échelle mondiale du Canada.
C’est en ce sens que Postes Canada fournit à notre pays un lien commercial indispensable avec le reste du monde. Ce lien est maintenant rompu parce que les colis qui font leur entrée au Canada peuvent accuser des retards considérables et imprévisibles. En ce qui concerne la poste internationale, on nous a dit que Postes Canada a demandé aux services postaux étrangers de cesser tout simplement d’envoyer des colis au Canada pour ne pas augmenter davantage l’accumulation de courrier et de colis non livrés, qui représentait au moins 600 camions semi-remorques il y a quelques jours.
Chers collègues, bien que je sois pour l’idée de prendre des mesures dans ce dossier, il faut vraiment se demander pourquoi le gouvernement a mis tant de temps à agir. La grève tournante dure depuis cinq semaines, et nous avons été en mesure de constater les graves perturbations qu’elle a causées pendant tout ce temps. Pourtant, le gouvernement libéral n’a absolument rien fait.
Pas plus tard que lundi dernier, la ministre Hajdu ne semblait pas encline à intervenir pour régler le problème. Elle a dit ceci :
En fin de compte, c’est lorsque l’employeur et le syndicat travaillent ensemble pour parvenir à une entente qui convient à tout le monde que l’on obtient une convention collective efficace et durable qui sera respectée en milieu de travail.
Soudainement, mercredi, le premier ministre a déclaré que tout était possible. Chers collègues, que s’est-il passé entre lundi et mercredi, en l’espace de 48 heures, dont nous n’étions pas déjà au courant? Très rapidement, le processus de négociation collective est devenu beaucoup moins important. Du jour au lendemain, on ne soutenait plus que les meilleures ententes sont conclues par la négociation.
Mercredi, le premier ministre a déclaré ce qui suit :
Évidemment, [je suis] très [préoccupé] par le fait que Noël s’en vient. Une période de magasinage importante s’en vient, et il faut résoudre le conflit.
Toutefois, même un libéral doit certainement savoir que Noël tombe généralement le 25 décembre. Peut-être que je me trompe, mais cette date ne devrait surprendre personne.
Je pense que nous devons forcément conclure que l’attachement du gouvernement à la négociation collective et à l’idée que les meilleures ententes se concluent par la négociation n’était pas très sincère, car, si telle était réellement sa conviction, cinq semaines, ce n’est pas très long relativement parlant.
Au bout du compte, ce qui a pesé plus lourd que cet attachement, ce ne sont pas les dommages importants que la grève tournante a causés à l’économie canadienne au cours des cinq dernières semaines, mais la réalisation soudaine que le fait d’avoir laissé la situation perdurer à l’approche de la période de pointe des livraisons pour les Fêtes aurait entraîné des contrecoups politiques très importants.
Novembre et décembre sont, de loin, les deux mois les plus occupés pour Postes Canada. Le gouvernement a soudainement réalisé que les millions de Canadiens qui seront directement touchés par la grève seront très en colère et que celle-ci sera probablement dirigée vers lui, et c’est la crainte de cette colère qui a poussé le gouvernement à réagir, de toute évidence en panique.
Malheureusement, on constate que cela concorde avec le type de gestion stratégique qu’emploie habituellement le gouvernement. Nous l’avons vu dans la gestion d’autres dossiers importants comme ceux des pipelines, de la compétitivité en matière de fiscalité et de réglementation ou encore des relations étrangères : le gouvernement agit de manière détachée et même contradictoire.
Le plus récent exemple est celui de l’intérêt soudain de la ministre Joly et du premier ministre pour la Loi sur les langues officielles. Après n’avoir rien fait pendant trois ans dans ce dossier, ils sont soudainement attentifs et préoccupés, strictement par appât du gain politique.
Trop souvent, il est trop tard lorsque le gouvernement intervient sérieusement dans des dossiers importants. Ce n’est que lorsqu’une question devient politiquement embarrassante ou qu’il y voit une occasion de critiquer le précédent gouvernement ou les conservateurs provinciaux que le gouvernement y accorde toute son attention et s’y investit pleinement.
Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que la tendance se répète, même sur une question nationale aussi pressante que la grève des postes actuelle.
Avant son intervention tardive, le gouvernement répétait évidemment son habituel mantra en reprochant à l’ancien gouvernement Harper les mesures qu’il avait prises en 2010 pour mettre fin à la grève tournante des postes.
Avant de présenter le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, la ministre Hajdu a fait la déclaration suivante :
Notre projet de loi est très différent de ce qu’était celui du gouvernement Harper […] Il n’impose pas d’issue particulière.
Je doute, chers collègues, que le syndicat en cause se rallie à cette position.
Exactement comme le projet de loi C-6 du gouvernement précédent, le projet de loi actuel prévoit la reprise et le maintien des services postaux. La principale différence entre celui-ci et celui qu’avait présenté le gouvernement précédent en 2011, c’est que, au lieu d’imposer un processus d’arbitrage des propositions finales pour trancher les litiges qui persistent entre les deux parties, ce projet de loi-ci impose un processus de médiation qui habilite malgré tout le médiateur à imposer un règlement sur les litiges restants.
Voilà encore un comportement typique du gouvernement lorsque vient le temps de prendre des décisions et de mettre en œuvre des politiques. Il s’arrange pour faire porter la responsabilité à quelqu’un d’autre. Ses principes directeurs semblent être de détourner l’attention et de s’en laver les mains.
Il n’est pas étonnant que ces tactiques n’impressionnent pas du tout le syndicat.
La grande différence entre le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui et le projet de loi C-6 de l’ancien gouvernement, c’est qu’il a fallu au gouvernement actuel cinq bonnes semaines pour prendre le problème au sérieux. Le gouvernement précédent est intervenu après seulement 12 jours de grève tournante. C’est aussi environ le temps qu’avait pris le gouvernement de Jean Chrétien, en 1997, pour mettre fin de manière responsable à une grève des postes. Je ne vois aucune bonne raison pour laquelle le gouvernement actuel devait attendre trois fois plus longtemps avant de faire cesser une situation très néfaste, puisque le résultat est le même en fin de compte.
Nous devons bien comprendre les répercussions sérieuses de cette grève que subissent au quotidien et les Canadiens ordinaires, et ceux qui exploitent des petites entreprises au pays.
Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, ses 110 000 membres au pays ont dû dépenser chacun environ 3 000 $ de plus à cause des interruptions de livraison des lettres et des colis.
Monique Moreau, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a raconté l’histoire de l’une de ces entreprises, une entreprise de camionnage qui a besoin du service postal pour payer ses factures de carburant. Cette entreprise est obligée de fermer ses portes à cause de la confusion et des perturbations causées par les paiements manquants.
Chers collègues, les petites entreprises sont souvent celles qui peuvent le moins se permettre de composer avec des perturbations aussi soudaines et d’absorber constamment les coûts qu’elles doivent subitement assumer pour utiliser d’autres modes de livraison.
Parce que le gouvernement a tardé à agir, Karl Littler, qui parle au nom du Conseil canadien du commerce de détail, a dit ceci de la situation actuelle:
Il faut éviter la crise avant que nous atteignions le point de non-retour.
J’appuie donc l’objet du projet de loi et la proposition voulant que le Parlement prenne des mesures pour protéger les entreprises, voire l’ensemble des Canadiens, pendant la période la plus occupée de l’année.
C’est pour cette raison, chers collègues, que j’appuie le projet de loi.
J’aurais seulement souhaité que le gouvernement agisse beaucoup plus tôt pour protéger les intérêts économiques du pays et les intérêts des petites entreprises canadiennes, au lieu d’agir selon ses propres intérêts et de se servir de ce dossier pour se faire du capital politique à bon marché aux dépens du gouvernement précédent. C’est ce genre de partisanerie et de surenchère qui a érodé la confiance du public à l’égard des politiciens et de nos institutions.
Le gouvernement Trudeau a l’habitude d’accuser ses détracteurs de faire preuve de partisanerie et d’écarter les critiques en les qualifiant de partisanes. Le fait d’avoir une opinion différente n’est pas synonyme de partisanerie, honorables collègues. Critiquer le travail d’une personne n’est pas synonyme de partisanerie. Le choc des idées et le fait de poser des questions se trouvent au cœur de ce que nous faisons au Parlement. C’est la façon de demander des comptes au gouvernement au nom des Canadiens.
Nous perdons toute crédibilité lorsque nous disons une chose et faisons son contraire. Nous perdons toute crédibilité lorsqu’il devient plus important de réaliser des gains politiques au détriment du gouvernement précédent que de simplement faire ce qui s’impose.
(1140)
Honorables sénateurs, si nous, en tant que politiciens, voulons un jour regagner la confiance des gens que nous servons, nous devons joindre le geste à la parole. Les mesures que nous adoptons doivent correspondre aux engagements que nous prenons. Nous ne pouvons pas nous contenter de prononcer des discours au Sénat et de déchirer notre chemise sous le coup de l’indignation. Nous devons aussi agir. Nos propos, nos votes et nos convictions doivent s’aligner.
Il ne suffit pas d’affirmer quelque chose au Sénat pour le principe. Quand on prend la parole, il faut aussi agir en conséquence et défendre ses convictions.
Merci, honorables collègues.
La sénatrice Lankin : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Housakos : Bien sûr.
La sénatrice Lankin : Merci de votre contribution.
Sénateur Harder, j’aurais dû vous remercier également.
Je reconnais l’importance des questions dont nous débattons. Il est important de prendre le temps d’entendre les points de vue des autres et d’en délibérer.
Comme ma question au sénateur Harder l’a peut-être laissé paraître, je crains que nous n’ayons tendance à tirer des conclusions hâtives à partir d’une déclaration donnée ou à l’accepter d’emblée comme vraie.
Vous avez fait allusion au chargement de plus de 600 semi-remorques qui attendrait à la frontière et dans des centres de distribution. En fait, vous n’avez pas donné ces détails, mais j’ai lu l’article auquel vous faisiez référence. Le syndicat a affirmé que c’est carrément faux, tandis que Postes Canada maintient que c’est vrai. J’ignore ce qu’il en est vraiment et je me demande si vous le savez. Si vous n’avez pas la réponse, peut-être faudrait-il nous rendre dans un centre de distribution — je n’ai pas de voiture ici à Ottawa, mais que je crois que vous en avez une. Peut-être devrions-nous chercher à connaître nous-mêmes la vérité sur certaines de ces affirmations, étant donné l’importance du projet de loi à l’étude, lequel porte atteinte à certains droits fondamentaux.
Le sénateur Housakos : Ce qui est important, sénatrice Lankin, ce n’est pas qu’il y ait 600, 300 ou 200 camions. Nous savons que c’est l’époque de l’année la plus occupée pour le commerce et pour les Canadiens, qui s’attendent à ce que les colis qu’ils envoient parviennent à leurs destinataires. Nous savons aussi que la négociation de la nouvelle convention collective dure depuis longtemps. Ce n’est pas une surprise pour le gouvernement. Sachant qu’il y avait certaines étapes à franchir en novembre et décembre, le gouvernement a eu des mois pour s’en occuper.
Il est clair que, lorsque le gouvernement prend une décision comme celle d’aujourd’hui, nous l’appuyons. Il faut que ce soit fait aujourd’hui. Nous arrivons à un moment où c’est le public canadien qui fera les frais de l’erreur commise par le gouvernement et la société d’État qui, pendant des mois, n’ont pas su négocier de bonne foi dans ce dossier.
C’est là le point que j’essaie de faire valoir aujourd’hui, honorables sénateurs.
La sénatrice Lankin : J’entends cette réponse et j’en déduis que l’honorable sénateur ne sait pas quelle est la partie qui a raison, mais que cela importe peu par rapport à ce qu’il cherche à faire valoir. Est-ce cela qu’il faut comprendre?
Le sénateur Housakos : Ce que je veux dire, c’est que, même s’il n’y a pas 600 camions, mais seulement 300, si nous n’agissons pas aujourd’hui, je peux vous assurer que, à la mi-décembre, dans les prochaines semaines, il y en aura bien plus que 600. C’est à cela que le Parlement doit penser, pour essayer de l’empêcher.
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, nous voilà réunis ce week-end dans des circonstances extraordinaires. Deux groupes d’employés de Postes Canada, qui représentent environ 50 000 travailleurs à l’échelle du pays, n’ont pas de convention collective depuis près d’un an. Par conséquent, la grève tournante qui a lieu depuis plusieurs semaines cet automne a eu des répercussions sur les services de Postes Canada dans plusieurs municipalités et collectivités partout au pays. Pas plus tard que la semaine dernière, plusieurs mouvements de grève ont été déclenchés.
Bien qu’il soit urgent de régler ce dossier pour éviter d’autres perturbations durant cette période cruciale de l’année, nous devons également nous efforcer d’atteindre une issue équitable pour toutes les parties, y compris les citoyens canadiens, les employés de Postes Canada et la Société canadienne des postes. Cela nécessite un examen approfondi du projet de loi qui nous est présenté.
Le projet de loi C-89 prévoit imposer la reprise immédiate des services de Postes Canada et mettre un terme aux actions posées par les grévistes. Il prévoit également la nomination d’un médiateur spécial dont le rôle sera d’aider les parties à en arriver à une entente. En cas d’échec de la médiation, le projet de loi obligerait les parties concernées à se soumettre à un arbitrage exécutoire.
Il nous faut examiner ces questions très importantes. En effet, la viabilité et l’abordabilité à long terme des services postaux à l’intention des Canadiens sont en jeu, de même que les droits et les conditions d’emploi des travailleurs.
Nous continuons d’espérer que les parties en viennent à conclure d’elles-mêmes une entente mutuellement avantageuse avant que cette loi entre en vigueur.
Il va sans dire que les sénateurs indépendants ont différentes opinions sur le sujet. Comme pour d’autres projets de loi étudiés et amendés par le Sénat au cours des quelques dernières années, je suis persuadé que la diversité des idées exprimées par les sénateurs pendant le débat et les délibérations vont aboutir à un résultat qui sera dans l’intérêt des Canadiens.
Chers collègues, certains parmi nous ne souhaitent pas adopter ce projet de loi à toute vitesse en une seule journée. À bref préavis, on nous a convoqués à Ottawa un samedi et nous en sommes à présent à l’étape de la deuxième lecture. Nous allons bientôt nous constituer en comité plénier, et tout cela, tout juste après un long débat hier soir à l’autre endroit. Nous sommes, pour la plupart, encore en train d’assimiler le contenu de la transcription de ce débat. Nous allons avoir besoin de temps pour examiner attentivement ce qui a été dit hier soir et y réfléchir. Il en va de même pour ce que nous allons entendre sous peu au comité plénier.
J’estime que nous ne devrions pas nous précipiter pour procéder à la troisième lecture aujourd’hui. J’espère que le gouvernement n’insistera pas pour que nous le fassions.
Le Sénat doit agir avec célérité quand on lui soumet une mesure législative considérée urgente, comme le projet de loi C-89. C’est pour cette raison que nous sommes ici ce week-end. Cela dit, nous devons concilier rapidité et second examen objectif. Honorables sénateurs, nous pouvons faire les deux. Le projet de loi C-89 nous donnera l’occasion de montrer aux Canadiens comment nous y arrivons.
L’honorable Michael Duffy : Honorables sénateurs, comme vous le savez, c’est à l’étape de la deuxième lecture que le gouvernement demande au Sénat de se prononcer sur le principe d’une mesure législative précise, en l’occurrence le projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux.
Selon le gouvernement, cette mesure législative est la réponse au problème de distribution du courrier au Canada. Chers collègues, je dirais que c’est loin d’être la bonne solution et que, au contraire, les projets de loi de retour au travail sont en grande partie responsables de la problématique des services postaux au Canada.
En tant que journaliste, je me suis intéressé aux problèmes de Postes Canada à partir des années 1960. En 1975, Joe Davidson, président du STTP, a déclenché une grève nationale des postes qui a duré 43 jours. À la suite d’une longue et âpre lutte, le ministre du Travail de l’époque, Bryce Mackasey, et son équipe ont conclu une entente avec le STTP sans recourir à une loi de retour au travail.
Les années 1970 ont été une période de grands changements pour Postes Canada, comme c’est le cas à l’heure actuelle. Le tri du courrier a cessé d’être un art pratiqué manuellement. Des machines bruyantes rappelant une chaîne de montage ont remplacé le personnel qualifié. La direction adorait les machines et ne comprenait tout simplement pas pourquoi les employés étaient anxieux et dépressifs. Le moral était à plat, et les travailleurs des postes se sentaient seuls et isolés.
En 1975, le premier ministre Trudeau a refusé d’intervenir et, comme je l’ai dit, la grève a duré 43 jours, comme l’ont soutenu les négociateurs. M. Trudeau était déterminé à laisser le processus de négociation collective suivre son cours. Après tout, pourquoi donner le droit de grève à quelqu’un si c’est pour le lui retirer au premier signe d’ennuis? Il a fallu du courage politique pour ne pas intervenir et laisser les parties se débrouiller. On dira ce qu’on voudra, mais Pierre Trudeau n’a pas manqué de courage politique.
Lorsqu’il est revenu au pouvoir en 1980, M. Trudeau a présenté un projet de loi et, en octobre 1981, le bureau de poste est devenu une société d’État. Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes avait bon espoir qu’une société d’État serait plus souple et plus sensible aux préoccupations des travailleurs. Pour être honnête, le bilan de la direction a été, au mieux, mitigé. Aujourd’hui, 45 ans plus tard, Postes Canada fait face à de nouveaux défis, et les conséquences touchent directement ses travailleurs de première ligne.
À l’ère des courriels, les colis représentent une grande partie des activités de Postes Canada, mais les règles de livraison semblent fondées sur l’ancien système d’enveloppes postales, et elles ne tiennent pas compte de l’élément humain.
Dans certains cas, les employés de Postes Canada sont payés pour une journée de travail de six ou sept heures, mais, certains jours — selon le nombre de colis —, il leur faut en fait deux ou trois heures de plus pour livrer tous les colis et les circulaires qu’ils doivent livrer.
(1150)
Il y a des travailleurs qui sont rémunérés pour six ou sept heures, mais qui travaillent en réalité huit ou neuf heures et qui rentrent tard le soir, bien après l’heure de coucher de leurs enfants et, comme je l’ai dit, ils ne sont pas payés pour les heures supplémentaires qu’ils font.
Ou bien, inversement, ils sont contraints de faire des heures supplémentaires obligatoires. Encore une fois, pourquoi ne pas embaucher plus de travailleurs occasionnels pendant les périodes particulièrement occupées, afin de permettre aux employés de mieux concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale?
Le nombre de blessures attribuables à des accidents du travail est monté en flèche en même temps que le nombre de colis à livrer. Un projet de loi de retour au travail ne réglera aucune de ces questions liées aux ressources humaines et ne fera que les mettre en veilleuse. Nous renvoyons le problème aux calendes grecques, tout en minant le processus de négociation collective, en empêchant les parties de s’entendre entre elles.
Robert Paul Hebdon est professeur émérite en comportement organisationnel de la faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Le 7 novembre, il a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il témoignait au sujet du projet de loi C-62, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, mais beaucoup de ce qu’il a dit s’applique aussi directement au projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Voici ce qu’a dit le professeur Hebdon :
[...] une entente négociée librement par les parties est de beaucoup supérieure à un règlement imposé au moyen d’une loi, ou même par un arbitre d’ailleurs. Lorsque l’entente est négociée librement, les deux parties estiment qu’elle vient d’elles et l’appuient. Dans les cas où il y a un syndicat, l’entente a probablement fait l’objet d’un vote. De façon générale, les parties sont plus susceptibles d’accepter les conditions du règlement si elles les ont approuvées.
Le professeur indique que, en revanche, lorsque le règlement est imposé et que les parties n’ont pas suffisamment pris part aux décisions, la fonction publique risque de s’en trouver démoralisée. Cela peut avoir d’autres effets négatifs aussi, comme des griefs ou de la confusion entourant les conditions de l’entente. Cela peut en outre miner la confiance entre les parties et entraîner une détérioration de leur relation. La confiance est primordiale dans les relations de travail.
Plus important encore, le professeur Hebdon a ensuite mentionné des travaux de recherche portant sur les projets de loi de retour au travail présentés au Canada au cours des 30 dernières années. Ces recherches ont révélé que, lorsqu’un règlement est imposé par voie législative pour une convention, on constate une diminution de 27 p. 100 de la probabilité d’une convention négociée la fois suivante. Je répète : lorsqu’un règlement est imposé par voie législative, on constate une diminution de 27 p. 100 de la probabilité d’une convention négociée la fois suivante.
En examinant l’historique des relations de travail à Postes Canada, on constate que le projet de loi C-89 réglera peut-être un problème à court terme, mais qu’il ne s’agit que de cela : une mesure à court terme. La solution la plus efficace et satisfaisante est de suivre l’exemple de Pierre Trudeau en permettant aux deux parties de poursuivre les négociations sans que pèse sur elles la menace d’un projet de loi.
Pour cette raison, honorables sénateurs, je n’appuierai pas le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture.
Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, je remercie le représentant du gouvernement au Sénat d’avoir déposé l’énoncé concernant la Charte. Je l’ai parcouru très rapidement. Je ne serais donc pas prêt à affirmer que l’intervention que je m’apprête à faire couvrira tous les éléments que je souhaitais couvrir, car je l’ai préparée rapidement.
Je souhaite attirer l’attention des honorables sénateurs sur un élément particulier. Le projet de loi à l’étude revêt une grande importance parce qu’il limite un droit reconnu, qui est enchâssé dans la Charte et que la Cour suprême a interprété largement dans ses décisions au fil des ans. Les paragraphes 2b) et 2d) de la Charte parlent de la liberté d’association, un élément qui, de l’avis des tribunaux, inclut le droit de grève.
Comme le savent les honorables sénateurs, le projet de loi semblable que le Sénat a été invité à adopter en 2011 a été contesté devant les tribunaux en 2015. En 2016, la Cour supérieure de l’Ontario a rendu sa décision dans l’affaire opposant le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes à Sa Majesté du chef du Canada et à la Société canadienne des postes.
La cour, dans sa longue décision — elle compte, en fait, 45 pages —, a expliqué clairement le procédé juridique à suivre pour déterminer si le Parlement a limité de manière légitime le droit à la liberté d’association et au droit de grève.
Dans le cas du projet de loi de 2011, la cour était arrivée à la conclusion que non. La cour a été tout à fait claire : elle a répété et réexpliqué le test qu’il faut faire pour arriver à la conclusion que la limite au droit de grève est justifiée sur un plan juridique.
J’aimerais vous lire les paragraphes 195 et 196 de cette décision :
L’article premier de la Charte indique ce qui suit : « La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. »
Qu’est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que les droits et libertés abordés dans l’article 2 de la Charte, la liberté d’association et le droit de grève ne sont pas absolus. Dans certaines conditions, ils peuvent être limités dans des limites prescrites par la loi.
La décision se poursuit en ces termes :
La mise en œuvre de l’article premier est définie dans le critère énoncé dans l’arrêt Oakes, selon lequel une mesure gouvernementale portant atteinte à un droit sera justifiée en vertu de la Charte si ses objectifs sont urgents et réels, s’il y a un lien rationnel entre les moyens pris pour atteindre ces objectifs urgents et réels, si la mesure restrictive est de nature à porter le moins possible atteinte au droit en question...
— c’est-à-dire au droit de grève —
... et si les effets bénéfiques de la mesure restrictive sont supérieurs à ses effets préjudiciables sur le droit protégé.
En somme, trois conditions doivent être remplies pour que le critère soit satisfait. Je fais peut-être preuve de naïveté, mais je croyais que le raisonnement juridique serait détaillé dans l’énoncé concernant la Charte que le représentant du gouvernement a déposé. Je pensais que la ministre de la Justice nous expliquerait, étape par étape, les raisons pour lesquelles le projet de loi répond aux trois conditions précisées dans le critère de l’arrêt Oakes. Si un étudiant en droit prenait connaissance de ce document, ce sont ces explications qu’il lirait en premier lieu.
Je comprends la logique qui sous-tend ce projet de loi et que nous a expliquée le représentant du gouvernement. Lorsque le gouvernement a rédigé le projet de loi, je suis certain qu’il a tenu compte du critère qui est bien expliqué dans la décision de 2016 de la Cour supérieure de l’Ontario. Je suis sûr qu’il a tenu compte en particulier d’un élément très important de cette décision, soit le paragraphe 2.11. À mes yeux, la question à laquelle il faut répondre est celle qui est posée dans ce paragraphe, que je vous lis :
Comment ces considérations influent-elles sur l’analyse de l’article premier qu’il convient d’appliquer? Dans ce cas-ci, contrairement à l’arrêt SFL, il y a un mécanisme d’arbitrage : le processus d’arbitrage des offres finales (AOF) imposé par la Loi si la négociation collective s’avère infructueuse. L’arrêt SFL nous oblige à déterminer si l’AOF était un autre mécanisme adéquat, indépendant et efficace —
Et la question essentielle est celle-ci :
... et s’il permettait au syndicat de compenser la perte de son pouvoir de négociation par suite de l’abrogation du droit de grève.
(1200)
Qu’est-ce que la négociation collective? Il y a deux parties — l’employeur et les employés, et le système prévoit un juste équilibre entre les deux lors des négociations. L’employeur a le droit de lock-out et les employés ont le droit de grève. C’est une relation équilibrée. Si on perturbe cet équilibre, notamment en supprimant le droit de grève, on favorise l’une des deux parties, en l’occurrence, les employeurs. Ainsi, quand on élabore un projet de loi de la sorte, on doit veiller à rétablir l’équilibre afin d’éviter de mettre tous les atouts du côté de l’employeur. Voilà la question de fond, à mon avis, sur laquelle on doit se pencher avant de passer au vote sur ce projet de loi.
Je m’excuse encore une fois, honorables sénateurs, parce que le peu de temps dont nous disposions m’a empêché de relire les autres décisions de la Cour suprême sur le sujet. Cela dit, il s’agit d’un dossier que je connais assez bien — je me rappelle très bien le débat qui a eu lieu ici même en 2011, et j’avais alors pris la parole pour soulever les mêmes arguments. À l’époque, j’avais voté contre le projet de loi, parce que, à mon avis — avis qui devait avoir un certain fondement, puisque la Cour supérieure de l’Ontario a abondé dans le même sens —, si le gouvernement souhaite que nous appuyions sa mesure législative, il doit nous convaincre que les critères établis dans l’arrêt de la Cour suprême sont effectivement remplis.
Avec tout le respect que je dois au représentant du gouvernement, j’estime que l’énoncé qui nous a été fourni en l’espèce ne couvre pas la totalité des aspects figurant dans le jugement de la Cour suprême et qui auraient pu se retrouver dans le projet de loi.
Nous en sommes à l’étape de la deuxième lecture. Je ne suis pas en train de dire que le projet de loi ne répond pas à ces critères, mais que l’énoncé concernant la Charte qui nous a été fourni ne respecte pas, lui, l’ensemble des critères permettant d’établir avec certitude que la mesure législative sur laquelle on nous demande de nous prononcer est constitutionnelle. J’ai d’ailleurs l’impression qu’il a été rédigé à la hâte. J’espère que les témoins qui seront entendus par le comité plénier pourront répondre à ces questions, car ce sont elles, honorables sénateurs, qui nous permettront de voter la conscience tranquille en sachant que ce projet de loi est constitutionnel et que nous ne faisons pas pencher la balance en faveur de l’employeur au détriment des employés.
Voilà qui fait le tour de ce que j’avais à vous dire à l’étape de la deuxième lecture, honorables sénateurs.
La sénatrice Lankin : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Joyal : Je répondrai à autant de questions que je le pourrai, sénatrice.
La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Je tiens d’abord à dire que, selon moi, vous avez absolument raison à propos du problème que vous avez soulevé. Je conviens aussi que l’énoncé concernant la Charte que nous avons reçu ne règle pas ce problème. À titre d’information pour les gens qui écoutent les délibérations du Sénat, lorsque nous parlons de l’article 20.11 de l’APF, nous comparons les critères de l’« arbitrage des propositions finales » à ceux qui sont établis dans le projet de loi.
J’ai demandé au professeur Hebdon — que le sénateur Duffy a mentionné — de me donner rapidement son avis au sujet de cette mesure législative. Il a soulevé le même point que vous au sujet de l’équilibre. Il indique que le projet de loi assure un meilleur équilibre, mais que, en dépit de cela, les tribunaux devront probablement déterminer éventuellement si on a trouvé le bon équilibre pour protéger les droits.
Cela dit, en définitive, la question n’est-elle pas de conclure une convention collective qui servira les intérêts des deux parties et des Canadiens? Après tout, il est question d’un service public. Après avoir examiné le projet de loi — et non les questions relatives à la Charte à proprement parler, mais nous le ferons assurément —, estimez-vous que le gouvernement s’est efforcé de proposer une mesure différente du projet de loi de 2011, afin que les deux Chambres arrivent à trouver le bon équilibre?
Le sénateur Joyal : Je vous remercie de votre question. Honorables sénateurs, comme je l’ai déjà indiqué, en tant qu’avocat, j’hésite toujours à donner un avis lorsque je n’ai pas eu l’occasion d’examiner tous les aspects d’une situation. Je vais toutefois me risquer à en donner un en ce qui concerne votre question.
Je vais d’abord parler des services essentiels. J’ai entendu des commentaires à ce sujet. Je reviens encore une fois au jugement rendu par la Cour supérieure de l’Ontario en 2016. Au paragraphe 206 de la décision, il est question du concept des services essentiels. On peut y lire ceci :
[L]a définition même de « services essentiels » prévue à la loi contestée exigeait de faire preuve de jugement dans les situations où...
— et je souligne cette partie —
... la vie, la santé, la sécurité ou le souci environnemental, entre autres, nécessitaient la désignation de services essentiels. La loi contestée dans SFL permettait à l’employeur de prendre ces décisions fondamentales de manière unilatérale, en l’absence de tout mécanisme efficace de règlement des différends qui aurait permis la révision de désignations contestées.
Autrement dit, le tribunal adopte un point de vue de très procédural. En général, il ne suffit pas de faire valoir l’argument des services essentiels. Il faut prouver qu’il y a une incidence sur la vie, la santé, la sécurité ou l’environnement. Ce sont les critères essentiels. Il y en a peut-être d’autres, je ne le nie pas. Cependant, ces critères sont les éléments essentiels.
Pour répondre à votre question plus directement, je dirais que la différence entre ce projet de loi et celui de 2011, c’est, comme l’a souligné le représentant du gouvernement, le fait que le paragraphe 11(3) du projet de loi C-89, à la page 6, énonce les principes directeurs dont devra tenir compte le médiateur-arbitre. Je n’ai pas participé aux négociations, mais j’ai remarqué que bon nombre de ces principes font l’objet de discussions et qu’ils figurent parmi les revendications syndicales. C’est ce que j’ai entendu à la radio la semaine dernière, en particulier pour ce qui est de l’égalité. D’ailleurs, l’alinéa 11(3)b) du projet de loi prévoit ce qui suit : « [...] faire en sorte que les employés reçoivent un salaire égal pour l’exécution d’un travail de valeur égale. » Je me souviens d’avoir entendu des travailleuses des postes affirmer qu’elles étaient sous-payées, alors qu’elles font le même travail que leurs confrères. Je crois comprendre que ce sont là les éléments essentiels de la négociation.
Autrement dit, les parties se retrouveront à la table en compagnie d’un médiateur qui a reçu un mandat précis, soit celui de tenir compte de certains éléments sur lesquels le syndicat souhaite obtenir des concessions, car cela fait partie du processus de négociation. On souhaite toujours obtenir quelque chose en échange d’une concession.
Je crois comprendre que la marche à suivre prévue dans le projet de loi C-89 est différente de celle qui figurait dans la mesure législative adoptée en 2011, mais, comme je l’ai dit plus tôt, il faudra se pencher pleinement sur le déséquilibre qui, en principe, avantage l’employeur, puisque le syndicat perd son droit de grève. La réponse qu’a donnée le représentant du gouvernement ne constitue qu’un élément de la réponse. Il faudra donc entendre le témoignage des deux parties en comité plénier pour bien comprendre en quoi la dynamique du projet de loi C-89 diffère de celle qui entourait le projet de loi que le Sénat a adopté en 2011.
J’espère avoir répondu à votre question, honorable sénatrice.
L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs et collègues, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-89. Comme pour certains d’entre vous, ce projet de loi urgent et sérieux suscite en moi des sentiments contradictoires. D’un côté, je reconnais qu’il faut assurer aux petites entreprises des services postaux fiables et pleinement fonctionnels en ce temps-ci de l’année. Pour la plupart d’entre elles, c’est durant cette période qu’elles réalisent un profit. Les entreprises ont besoin des facteurs pour faire parvenir leurs marchandises à leurs clients.
Je me préoccupe également de la livraison des colis essentiels à la santé et au bien-être des Canadiens, surtout dans les localités éloignées. Au cours des derniers jours, j’ai pris le temps de m’informer sur la situation, au-delà des achats saisonniers, et sur ce qu’il faut faire pour assurer un soutien aux personnes les plus vulnérables au pays.
De plus, je me suis efforcée de me renseigner sur les besoins en matière de livraison de colis, comparativement aux besoins en matière de livraison du courrier traditionnel. Bien sûr, il existe aussi un argument très convaincant contre le projet de loi, soit le droit des travailleurs des postes canadiens de faire la grève pour exiger de meilleures conditions de travail, maintenant que la nature de leur travail a changé et qu’ils doivent livrer davantage de colis que de lettres. Durant ma carrière, j’ai dû traiter avec divers syndicats. Je sais donc qu’ils contribuent considérablement à améliorer la qualité de vie des travailleurs canadiens.
(1210)
Il y a deux semaines, le Comité des finances a étudié le projet de loi C-63, qui porte en partie sur la négociation collective dans la fonction publique. Le Comité sénatorial des finances vient de terminer son étude sur le projet de loi, et il l’a renvoyé au Sénat sans amendement. Il s’agit d’un bon projet de loi, que j’appuie.
Nous avons entendu des ministres, des fonctionnaires et d’autres témoins souligner l’importance du droit à la négociation collective et dire comment, en toutes circonstances, une entente négociée entre l’employeur et les employés est toujours préférable et plus durable qu’un règlement par arbitrage ou par voie législative.
Comme l’a dit un des témoins :
[…] une entente négociée librement par les parties est de beaucoup supérieure à un règlement imposé au moyen d’une loi, ou même par un arbitre d’ailleurs. Lorsque l’entente est négociée librement, les deux parties estiment qu’elle vient d’elles et l’appuient. Dans les cas où il y a un syndicat, l’entente a probablement fait l’objet d’un vote. De façon générale, les parties sont plus susceptibles d’accepter les conditions du règlement si elles les ont approuvées.
La vitesse avec laquelle le projet de loi est arrivé au Sénat est également préoccupante. À première vue, je respecte l’approche moderne et les principes directeurs du projet de loi. Toutefois, ce sera la deuxième fois en quelques années que nous verrons nos travailleurs des postes forcés de retourner au travail. Il semble que la situation se soit peu améliorée pour eux depuis la dernière fois, et rien ne garantit que nous n’aurons pas un nouveau conflit de travail dans un avenir rapproché.
Cela dit, j’ai hâte d’entendre la suite du débat et les opinions de mes collègues. J’espère que nous prendrons le temps d’étudier le projet de loi comme il se doit et de bien faire les choses, notamment d’écouter la ministre et les représentants syndicaux. On peut soutenir que les services postaux constituent un service essentiel et que la situation actuelle risque de nuire à l’économie. Est-ce que cet argument a plus de poids que ce qui est décrit comme une question de santé et de sécurité pour les travailleurs des postes? Il est évident que l’industrie postale n’est pas à l’abri des changements économiques rapides qui découlent du virage mondial vers le commerce électronique. En fin de compte, les travailleurs des postes sont des travailleurs canadiens que nous avons tous le devoir de représenter au Sénat. Nous devrons garder cela à l’esprit durant les prochaines heures, alors que nous écouterons les interventions, examinerons de nombreux documents, délibérerons, débattrons et prendrons la meilleure décision pour l’ensemble des Canadiens. Merci.
L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je n’ai pas l’intention de faire un long discours. Je vais garder des munitions concernant des points importants pour le débat à l’étape de la troisième lecture. Cependant, j’ai quelques observations à formuler.
D’abord, pour revenir sur les commentaires du sénateur Joyal au sujet de l’avis juridique concernant la conformité à la Charte que nous avons reçu, j’ai reçu le document, comme tous les sénateurs je crois, tard hier soir — il était après minuit, en fait, lorsqu’il est apparu dans mon compte de courriels. J’ai eu l’occasion de le parcourir et j’ai eu l’impression qu’il ne s’agissait que d’une ébauche. Je pensais que nous allions recevoir une version plus étoffée aujourd’hui. Or, je constate que nous avons reçu aujourd’hui le même document qu’hier. Hier soir, je me suis dit qu’il serait très surprenant que le gouvernement présente ce document, car il n’est pas très utile. D’ailleurs, j’étais même un peu étonné qu’il ne soit pas rédigé sur du papier hygiénique tellement il est inutile.
Bien franchement, permettez-moi un commentaire sur ce qui manque dans cet énoncé : il ne reconnaît même pas qu’il y a non-respect de la Charte. Pour qu’une évaluation en fonction de la Charte nous soit utile, elle doit au minimum reconnaître que la mesure législative est, à première vue, très semblable à celle de 2011. Plus précisément, du fait qu’elle empiète sur le droit des employés de retirer leurs services, elle contrevient dans les faits à la Charte. Elle doit être justifiée, comme l’exige l’article premier de la Charte.
L’énoncé ne mentionne pas que la mesure contrevient à la Charte. Il n’y a pas d’analyse en fonction de l’article premier. On parle brièvement de l’importance de la mesure législative parce que la grève affecte le droit de la population de recevoir son courrier et que les entreprises en souffrent; toutefois, aucune preuve que c’est effectivement le cas n’est fournie dans le document ou dans l’information qui nous a été donnée. On entend des anecdotes, et des allusions à des lettres et à des commentaires dans les médias, sur ce que traversent des entreprises. Je reconnais que la perturbation des services postaux dérange des gens parce qu’ils ne reçoivent pas leur courrier ou que leurs activités commerciales en souffrent. Toutefois, ce que nous n’avons pas entendu, c’est ce que fait Postes Canada en réaction à la situation. Qu’a-t-elle l’intention de faire? Pourquoi la société d’État n’a-t-elle rien fait pour faciliter la livraison des colis et du courrier aux entreprises qui pâtissent de la situation, à plus forte raison si la situation est extrême?
Comme pour n’importe quel autre projet de loi de retour au travail, il faut voir, comme le sénateur Joyal l’a dit de manière si élégante, à ne pas mettre tous les atouts du côté de l’employeur. En toute franchise, lorsque je lis ce projet de loi et que je songe à la façon dont les négociations se sont déroulées au cours des 12 derniers mois, je considère que ce projet de loi ne tient pas compte des problèmes qui étaient au cœur des revendications faites par le syndicat au nom de ses membres et qu’on met tous les atouts du côté de l’employeur.
L’employeur obtient tout ce qu’il veut. Il peut fournir des services aux Canadiens. Il peut commencer à livrer le courrier. Il peut exiger que les employés retournent au travail.
Pour ce qui est des craintes du syndicat concernant la sécurité des employés, selon les données établies avant le processus de négociation, il y a, en moyenne, 15 employés par jour qui se blessent à cause des changements apportés au mode de traitement du courrier.
Pendant les 30 prochains jours, avant Noël, et même par la suite, jusqu’à ce qu’un règlement soit conclu ou imposé, il y aura, en moyenne, 15 employés par jour qui subiront des blessures assez graves pour devoir s’absenter du travail. Cela me préoccupe.
Je trouve préoccupant que, par ce projet de loi, nous maintenions l’iniquité salariale évidente du fait que les facteurs ruraux et suburbains gagnent moins que ceux qui travaillent dans les centres urbains. De plus, 70 p. 100 des facteurs ruraux et suburbains sont des femmes. Nous allons laisser se poursuivre l’iniquité salariale envers les femmes qui font partie de ce groupe de négociation, et je crois que c’est tout à fait injuste.
À mon avis, nous devons être très prudents dans notre façon de répondre à ce projet de loi et nous devons vraiment réfléchir avant de l’appuyer. En principe, je crois que les lois de retour au travail ne sont presque jamais favorables aux employés; ce projet de loi en est l’exemple parfait. Merci.
L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, si j’interviens dès aujourd’hui pour parler de ce projet de loi, c’est que je ne serai peut-être pas en mesure de le faire dans les prochains jours pour des raisons de santé. Voici quelques réflexions personnelles et professionnelles sur ce projet de loi.
J’aimerais vous dire quelques mots sur le droit à la libre négociation collective et sur les autres possibilités de règlement des différends lorsque, à l’occasion, ce droit à la libre négociation collective et le droit de grève sont interrompus. Je me fonde sur mon expérience, puisque j’ai travaillé du côté syndical et du côté patronal, contribué à élaborer des lois de retour au travail et œuvré dans le domaine des politiques du travail comme sous-ministre et comme médiateur.
Premièrement, nous croyons tous ici dans le droit à la libre négociation collective, qui est sacré. Il est important de noter que chaque jour, dans ce pays, on négocie librement des conventions collectives selon des codes du travail qui reconnaissent le déséquilibre des pouvoirs entre employeurs et employés. Lorsque ces règles sont violées dans le tumulte quotidien des négociations collectives, on peut faire appel à des tribunaux du travail ou à des commissions des relations de travail, qui interviennent rapidement pour régler les conflits.
Je dis cela parce que la libre négociation collective n’a pas simplement lieu en cas de grève. Les négociations collectives sont très nombreuses, et leur taux de succès est très élevé. La vaste majorité des litiges est réglée sans grève, ce qui témoigne de l’efficacité et de l’équilibre des régimes de négociation que nous avons dans ce pays.
(1220)
Il existe, dans la plupart des provinces et des territoires, mais pas partout, un autre mécanisme de règlement des différends pour les employés jugés essentiels, comme les policiers, les pompiers et le personnel infirmier. Je me questionne sur le bien-fondé du régime des services essentiels. Je me demande depuis longtemps si tous les travailleurs ne devraient pas avoir le droit de faire la grève. Nous sommes conscients que certains travailleurs sont considérés comme essentiels et que les tribunaux se sont prononcés à ce sujet.
De manière plus concrète, nous savons qu’il y a des situations où les travailleurs exercent leur droit de grève et où les gouvernements interviennent pour mettre fin au conflit, normalement dans le but de défendre l’intérêt public. À l’échelon fédéral, cela s’est produit une trentaine de fois au cours des 40 ou 50 dernières années, dans des domaines que nous connaissons bien, dont le secteur maritime, le transport, le transport ferroviaire, les télécommunications et, bien sûr, les services postaux. Ce n’est donc pas la première fois.
L’intervention des gouvernements peut prendre différentes formes. Certains nomment un arbitre. Certains légifèrent plus rapidement que d’autres pour imposer un retour au travail.
Les tribunaux se sont prononcés sur ces interventions. Nous savons ce qu’ils ont dit au sujet de certaines interventions très rapides, qui prennent parfois la forme d’une mesure législative qui semble manquer d’impartialité. La plupart des opinions judiciaires que nous avons entendues portent sur des cas de ce genre.
Il arrive dans certains cas que le gouvernement décide d’intervenir et que les tribunaux se prononcent sur cette décision. Comme d’habitude, le sénateur Joyal nous a présenté une excellente étude de cas, en forme de petite séance d’information, sur les critères que les tribunaux ont évalués.
Je crois au droit de grève et à la négociation collective libre. Je reconnais également que les gouvernements choisissent à l’occasion, comme c’est le cas actuellement, d’intervenir dans les situations où l’intérêt public est en jeu. J’aimerais que ce ne soit pas le cas, mais ils le font.
Je voudrais parler du fait que ces décisions sont étroitement liées à la nature de la législation, et surtout, aux différents mécanismes de règlement des différends prévus. Les tribunaux ont également statué sur cette question. Certains sénateurs en ont déjà parlé.
De quoi s’agit-il? Qui nomme l’arbitre? Ces questions touchent à l’impartialité du processus. Quand le gouvernement inclut le nom de l’arbitre dans le projet de loi, on risque effectivement de croire que la loi penche dans un sens ou dans l’autre, notamment en ce qui concerne le mécanisme de règlement des différends préconisé, selon qu’il y a un arbitre unique, nommé par le gouvernement ou par les parties, ou un processus de médiation-arbitrage qui prévoit qu’un médiateur et un arbitre distincts soient nommés, ou encore un processus mixte où l’arbitre fait d’abord de la médiation dans l’espoir que les parties règlent leurs différends.
Il est absolument crucial d’offrir une voix aux syndicats pour faire preuve d’impartialité. L’histoire et la pratique nous ont montré que, la plupart du temps, lorsque le gouvernement nomme l’arbitre, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux.
Je note que, dans ce projet de loi, il incombe aux parties de s’entendre sur le choix de l’arbitre. Si elles ne s’entendent pas, un fonctionnaire neutre du Programme du travail nommera un médiateur-arbitre. Toutefois, d’après mon expérience, on ne le fera pas sans consulter les parties ni tenter à nouveau de s’entendre sur le choix d’un arbitre.
Deuxièmement, les critères devraient refléter les intérêts des deux parties. Ils devraient refléter les problèmes relatifs au conflit. Quelques problèmes épineux sont à l’origine de ce conflit.
Je vais vous lire les critères contenus dans le projet de loi dont le médiateur-arbitre doit tenir compte. En ce qui concerne la santé et la sécurité des employés en milieu de travail, le médiateur-arbitre doit :
[...] veiller à la protection de la santé et la sécurité des employés...
Nous savons que la santé et la sécurité sont des enjeux cruciaux dans ce conflit, et on demande au médiateur ou à l’arbitre d’en tenir compte.
[...[ faire en sorte que les employés reçoivent un salaire égal pour l’exécution d’un travail de valeur égale...
Nous savons que cet enjeu est au cœur du conflit, et il s’agit d’un critère dont l’arbitre doit tenir compte.
[...] assurer un traitement juste des employés temporaires, à temps partiel ou occupant une autre forme d’emploi atypique par rapport aux employés occupant un emploi à temps plein permanent.
Il semble que cet enjeu soit aussi en cause dans le conflit.
Il y a également des critères concernant l’employeur. Ce sont les suivants :
d’assurer la viabilité financière de l’employeur;
de créer une culture de relations patronales-syndicales axées sur la collaboration...
En ce qui concerne le lieu de travail dont nous parlons, il semble que le médiateur-arbitre aura du travail à faire pour satisfaire à ce critère. Je pense que cela ne surprend personne.
... de faire en sorte que l’employeur fournisse des services de grande qualité à un prix raisonnable pour les Canadiens.
La conception des mécanismes de règlement des différends est absolument cruciale. Je vais sauter les détails.
D’après ce que j’ai pu voir, la plupart des critères semblent être équitables. Un tiers est sélectionné de préférence par les parties. Sinon, il est sélectionné par un agent neutre du Programme du travail.
Je vais finir avec le mécanisme de règlement des différends. Lorsqu’on en arrive à ce point, il existe essentiellement trois options. Dans le cadre de la première, un arbitre est nommé et il consulte les parties, écoute leurs arguments et rend une décision.
La deuxième option prévoit une période distincte de médiation qui est dirigée par une personne, suivie d’un processus d’arbitrage qui est dirigé par une autre.
La troisième option est une combinaison des deux premières, et c’est celle qui est suggérée dans le projet de loi. Un médiateur spécial travaille déjà sur la situation, mais, plus tard, une fois que Mort Mitchnick aura fini d’essayer de travailler avec les parties pour trouver un terrain d’entente, une personne sera choisie à titre de médiateur pour travailler avec les parties pendant au moins sept jours en vue de conclure une convention collective. Si elle n’y parvient pas, elle deviendra alors arbitre.
À mon avis et selon mon expérience, ce modèle, dans la mesure où c’est possible dans les circonstances, est celui qui reproduit le plus fidèlement, de manière artificielle, la pression à la table de négociations.
C’est bien loin de la pression qu’il y a à la table de négociations, mais à quoi sert-il au juste? Il permet au médiateur, comme médiateur, de comprendre la position des parties et la dynamique de leur relation dans les négociations collectives à ce moment précis.
Le médiateur voit où en sont les questions négociées, mais observe aussi le comportement des parties, leur attitude récalcitrante ou leur souplesse, selon. Cela lui permet probablement de presser un peu les parties et de prendre en considération non seulement les critères, mais aussi la façon dont les gens négocient en abordant le contenu de la décision d’arbitrage, si les choses se rendent aussi loin.
Si nous prenons en considération comment sont conçus les différents processus de négociations collectives dans le but de reproduire, dans la mesure du possible, la dynamique des négociations collectives libres, c’est ce qu’il y a de plus approchant. Ce n’est pas vraiment pareil. On en est bien loin. Ce modèle ne peut pas reproduire la vraie dynamique des négociations collectives. Il ne peut s’en rapprocher davantage.
Bref, s’il doit y avoir un projet de loi de retour au travail — je ne parle pas du fait d’être d’accord ou non —, mais si c’est pour arriver — et ce sera sans doute le cas —, je pense que nous devrions passer un peu de temps, comme le sénateur Joyal et d’autres nous le demandent, à examiner la nature et l’intention de ce processus, de même que son impartialité. Dans quelle mesure influence-t-il l’élan, le contenu ou la nature de la négociation dans un sens ou dans l’autre? Est-il aussi impartial qu’il peut l’être? Merci beaucoup.
L’honorable David M. Wells : Merci, honorables collègues. Il n’y a pas de gagnants dans ce conflit, mais il y a des perdants : les Canadiens. Le gouvernement Trudeau a géré la situation de façon maladroite, de sorte que les Canadiens des régions rurales et les petites entreprises, ceux qui ont le plus besoin de la livraison du courrier, se retrouvent à la période la plus importante de l’année...
(1230)
Encore une fois, l’absence de leadership dans un dossier économique crucial cause du tort aux Canadiens et à l’économie du pays. Des dirigeants syndicaux sont déjà en train de dire que les Canadiens vont continuer de faire les frais des erreurs du gouvernement. Les Canadiens qui ont besoin de ce service sont pris en otages, ce qui est inacceptable.
Cette semaine, Mike Palecek, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, a publié un communiqué dans lequel il a déclaré ce qui suit : « Justin Trudeau révèle son vrai visage [...] ». C’est bien vrai, mais les syndicats souhaitent continuer à tenir les petites entreprises en otages, car cela fait partie de leur pouvoir de négociation. Le fait que les syndicats considèrent qu’il s’agit là d’un droit est aussi répréhensible que l’incurie du gouvernement dans ce dossier. Chers collègues, je vous remercie.
L’honorable Terry M. Mercer (leader adjoint des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’intention d’être bref.
Il n’est plus pertinent de répéter que Postes Canada offre des services essentiels, car ceux-ci ont beaucoup diminué. Toutefois, il s’agit d’un moment critique tant pour Postes Canada que pour le syndicat. L’évolution d’Internet, des courriels et de la technologie en général a porté un rude coup à Postes Canada. Cette convention devrait, en revanche, leur faire réaliser que, pour le moment — et à l’avenir, espérons-le —, Postes Canada est loin d’être au bord du gouffre.
L’entreprise comme le syndicat devront avant tout reconnaître l’importance d’accorder aux employés un salaire égal pour un travail de valeur égale. Nous sommes en 2018. Ils devraient se réjouir qu’il y ait un avenir pour Postes Canada et que les employés puissent conserver leur emploi. Ils devraient également se réjouir de ne plus être au bord du gouffre et tirer profit des nouvelles occasions qui s’offrent à eux.
Postes Canada devrait avoir honte d’avoir raté l’occasion de donner un rôle actif à ses employés dans la planification et l’exécution, et le syndicat devrait avoir honte d’avoir compromis les occasions offertes par le fait de ne plus être au bord du gouffre.
Allons donc, la meilleure société des postes au monde et les meilleurs employés au monde ont la chance unique de faire évoluer Postes Canada et d’optimiser les retombées pour les employés, la société d’État et, en fin de compte, tous les Canadiens.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Des voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Comité plénier
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Harder, le projet de loi est renvoyé à un comité plénier immédiatement.)
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je demande le consentement de suspendre l’article 3-3(1) du Règlement aujourd’hui.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Conformément à l’ordre adopté, je quitte le fauteuil pour que le Sénat se forme en comité plénier sur le projet de loi C-89. Veuillez noter qu’il faudra quelques minutes afin de faire les installations nécessaires.
(Le Sénat s’ajourne à loisir et se forme en comité plénier sous la présidence de l’honorable Nicole Eaton.)
(1240)
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier pour étudier le projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux.
Honorables sénateurs, l’article 12-32(3) du Règlement prévoit les règles de procédure aux comités pléniers. En particulier, en vertu des alinéas a), b) et d), « le sénateur qui désire prendre la parole s’adresse au président », « un sénateur n’est ni obligé à se lever quand il prend la parole, ni contraint à rester à la place qui lui est attribuée » et les sénateurs ont 10 minutes de temps de parole, questions et réponses y compris.
[Traduction]
Le sénateur Harder : Honorables sénateurs, je demande que, conformément à l’article 12-32(4) du Règlement, l’honorable Patricia Hajdu, C.P., députée, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, et l’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité, soient invitées à participer aux délibérations du comité plénier et que des fonctionnaires soient autorisés à les accompagner.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, l’honorable Patricia Hajdu et l’honorable Carla Qualtrough prennent place dans la salle du Sénat.)
[Français]
La présidente : Mesdames les ministres, je suis heureuse de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à présenter les fonctionnaires qui vous accompagnent et à faire vos observations préliminaires.
[Traduction]
Pourrais-je vous demander de vous montrer brèves dans vos remarques liminaires? Il y a pas mal de sénateurs qui voudraient poser des questions. Merci.
L’honorable Patricia A. Hajdu, C.P., députée, ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail : Merci beaucoup, madame la présidente. Comme les sénateurs le savent, la grève tournante a commencé le 22 octobre.
Les répercussions économiques et sociales se font particulièrement sentir par les Canadiens et les entreprises...
La présidente : Voudriez-vous présenter vos collaborateurs, madame la ministre?
Mme Hajdu : Madame la présidente, je vous présente Chantal Maheu, qui est ma sous-ministre, et Tony Giles. Je vous remercie beaucoup de les inclure dans les délibérations aujourd’hui.
La présidente : Madame la ministre Qualtrough, voudriez-vous présenter vos collaborateurs?
L’honorable Carla Qualtrough, C.P., députée, ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et de l’Accessibilité : Merci. Voici le sous-ministre adjoint pour Postes Canada, Alfred MacLeod.
La présidente : Vous avez la parole, madame la ministre.
Mme Hajdu : Comme je le disais, les répercussions économiques et sociales se font particulièrement sentir par les Canadiens et les entreprises à l’approche de la période des Fêtes.
D’abord, je tiens à préciser que le gouvernement reconnaît pleinement que la libre négociation collective est le fondement de relations de travail fructueuses, comme l’indique le préambule du Code canadien du travail.
Il est toujours malheureux de voir un conflit s’envenimer et entraîner une grève, et c’est particulièrement vrai quand nous avons fait tout ce que nous pouvions pour aider les parties à s’entendre.
Nous n’avons ménagé aucun effort pour aider l’employeur et les travailleurs à conclure une entente dans le cas de ce conflit.
Nous nous retrouvons dans une situation difficile, madame la présidente.
J’aurais préféré ne pas avoir à prendre une telle décision, mais le gouvernement n’a plus d’autre choix.
Ainsi, nous avons présenté un projet de loi qui oblige les employés affiliés au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes à reprendre leur travail et à mettre fin aux grèves.
Madame la présidente, j’aimerais expliquer comment nous en sommes arrivés là.
Avant qu’un conflit de travail ne fasse les manchettes, beaucoup d’efforts sont faits en coulisse. Heureusement, la grande majorité des conflits entre employés et employeurs sont résolus à la table des négociations.
Avec l’aide des médiateurs et des conciliateurs du Programme du travail, les parties parviennent souvent à une entente.
Dans les cas où les efforts sont couronnés de succès, il n’y a pas de conférence de presse sur les négociations. Si les discussions achoppent, les conférences de presse se multiplient.
Comme les fonctionnaires travaillent dans l’ombre, le public ne reconnaît peut-être pas à quel point ces hommes et ces femmes travaillent et contribuent au maintien de bonnes relations de travail au pays.
D’ailleurs, le Service fédéral de médiation et de conciliation aide avec les relations de travail, et 97 p. 100 des cas dont il est saisi se terminent par la conclusion d’une convention collective sans arrêt de travail.
Lorsqu’un processus de négociation collective échoue et qu’une grève ou un lockout est déclenché, le gouvernement se retrouve soudainement sous les projecteurs. Beaucoup de gens, les simples citoyens et les autres, peuvent alors avoir l’impression que nous venons d’entrer en scène. Or, nous participions au processus depuis le début.
Beaucoup de Canadiens ignorent que les négociations de Postes Canada sont amorcées depuis près d’un an et que le gouvernement du Canada y participe depuis le début ou presque.
Je vais vous donner un peu de contexte par rapport aux négociations. Les conventions collectives entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, qui représente deux unités de négociation, sont échues depuis le 31 décembre 2017 et le 31 janvier 2018.
Pour vous donner une idée, ce syndicat représente quelque 42 000 membres qui travaillent pour Postes Canada à titre d’employés de centres de tri et de points de service ou de facteurs en milieu urbain, ainsi que 8 500 autres membres qui travaillent à titre de facteurs en milieu rural et en banlieue.
Depuis que les conventions collectives sont échues, le Service fédéral de médiation et de conciliation collabore avec les deux parties pour les aider à négocier de nouvelles conventions.
Le processus de négociation collective a, en fait, commencé en novembre 2017, moment auquel le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes a demandé la médiation.
Cette médiation a débuté en janvier 2018. Quelques mois plus tard, en juillet 2018, des conciliateurs ont été nommés.
La conciliation ayant pris fin sans conclusion d’une entente, des médiateurs ont de nouveau été nommés en septembre.
Madame la présidente, tous ces efforts ont échoué, puisque le syndicat a donné avis de grève le 16 octobre et que les grèves tournantes de 24 heures ont commencé le 22 octobre.
(1250)
La grève tournante a eu lieu dans diverses villes, grandes et petites, partout au Canada. Il y a eu notamment plusieurs fermetures du plus grand centre de traitement de Postes Canada à Toronto. Même après le début de la grève, le gouvernement a poursuivi ses efforts de médiation auprès des deux parties.
Le 24 octobre, j’ai nommé un médiateur-arbitre spécial, M. Morton Mitchnick, pour travailler avec les deux parties, en espérant qu’un nouveau regard et une nouvelle perspective permettraient d’accomplir des progrès.
Le 2 novembre, à la fin de son mandat, il semblait que les deux parties avançaient vers un terrain d’entente.
Le mandat de M. Mitchnick a été reconduit deux autres fois, mais, jusqu’à présent, il n’a pas réussi à amener les parties à conclure une entente, et ils ont refusé l’arbitrage volontaire.
Madame la présidente, je crois que le gouvernement n’a ménagé aucun effort pour aider l’employeur et les travailleurs concernés par ce conflit à parvenir à une entente. Je crois que les mesures prises par le gouvernement ont montré notre respect et notre appui du processus de négociation collective.
Nous sommes bien conscients que les meilleures ententes sont conclues à la table de négociation, mais, malheureusement, dans de rares cas, le processus de négociation ne se termine pas avec succès. Lorsque les parties arrivent à une impasse, comme dans le cas actuel, et que cela entraîne une grève prolongée, ce sont les entreprises et les citoyens canadiens qui en souffrent.
Madame la présidente, en tant que principal fournisseur de services postaux du pays, Postes Canada fait partie des infrastructures sur lesquels comptent les Canadiens et les entreprises canadiennes. Exiger que Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes assurent le service postal protégera l’intérêt public et les entreprises canadiennes. Voilà pourquoi ces mesures sont nécessaires à l’heure actuelle. Elles permettront de réduire au minimum les répercussions négatives sur les Canadiens et les entreprises canadiennes les plus vulnérables. Cela étant dit, j’exhorte mes collègues au Sénat à faire ce qui s’impose. Merci beaucoup.
Mme Qualtrough : Merci, honorables sénateurs. Je regrette les circonstances dans lesquelles nous sommes réunis aujourd’hui, mais, comme ma collègue vient tout juste de le dire, le temps est venu pour le gouvernement de prendre les mesures qui s’imposent pour assurer la reprise complète des services postaux à l’échelle du Canada.
La dure réalité, c’est que nous avons atteint un point critique et nous en sommes réellement à notre dernière solution.
Depuis qu’il est arrivé au pouvoir en 2015, le gouvernement formé par mon parti affirme sans équivoque, et avec une détermination inébranlable, qu’il appuie le principe des négociations libres et collectives.
Comme nous l’avons dit, depuis presque un an, le gouvernement du Canada appuie la négociation des conventions collectives entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Toutefois, les négociations sont au point mort depuis plusieurs semaines, et la grève tournante commence manifestement à avoir des répercussions sur l’économie. Malheureusement, le gouvernement n’a plus qu’une seule solution.
Honorables sénateurs, je ne peux vous dire à quel point nous espérions qu’une entente soit conclue avant d’avoir recours au projet de loi dont vous êtes saisis aujourd’hui.
[Français]
Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que le meilleur accord pour les deux parties est une convention collective, négociée de bonne foi entre les deux parties.
Nous avons été déterminés à attendre le plus longtemps possible afin de permettre aux deux parties de parvenir à un accord. Malheureusement, comme nous nous adressons à vous aujourd’hui, aucun accord n’a été conclu et ce projet de loi est maintenant nécessaire.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je pense que nous pouvons tous convenir que le système postal canadien revêt une importance cruciale. Les services qu’il fournit sont essentiels tant pour les petites et moyennes entreprises que pour les simples citoyens. Certaines entreprises ont grandement besoin de faire des profits lors du temps des Fêtes pour réussir.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante énonce clairement ce fait. À l’heure actuelle, nous estimons que la grève coûte environ 3 000 $ par entreprise en ventes perdues, en commandes annulées, en retard et en frais dus à l’utilisation de modes de livraison plus coûteux. Chaque jour que l’impasse persiste, le coût pour les entreprises et l’économie augmente.
Nous devons aussi tenir compte des conséquences sur le commerce international. Le gouvernement a passé beaucoup de temps à travailler avec ses alliés internationaux pour promouvoir l’ouverture commerciale et le libre-échange. Or, ces alliés ont maintenant été forcés de cesser leurs livraisons au Canada.
Les effets de cette grève sur les Canadiens sont eux aussi évidents. Bon nombre des Canadiens les plus vulnérables, comme les aînés, les personnes handicapées et les habitants des collectivités nordiques et éloignées, peuvent uniquement compter sur Postes Canada et ses travailleurs pour envoyer et recevoir des colis et du courrier entre autres services.
Il serait tout simplement irresponsable de la part du gouvernement de ne pas agir maintenant et de cette manière.
Honorables sénateurs, le gouvernement n’a pas ménagé ses efforts pour favoriser le renouvellement de Postes Canada. Nous estimons qu’il s’agit d’une institution nationale particulièrement importante qui continuera de servir l’ensemble des Canadiens, d’un bout à l’autre du pays, tout en aidant les entreprises, petites, moyennes et grandes, à prospérer, au pays et à l’étranger.
Cette mission axée sur les services aux Canadiens est au cœur de la nouvelle vision du renouvellement que j’ai eu l’honneur de présenter plus tôt cette année. Je sais que les employés de Postes Canada restent absolument déterminés à servir les Canadiens. C’est pour cela précisément qu’ils travaillent fort tous les jours.
Notre nouvelle vision du renouvellement est tournée vers l’avenir, pas ancrée dans le passé. Nous sommes convaincus que Postes Canada et ses employés dévoués serviront les Canadiens pendant des décennies encore. Ils doivent par conséquent continuer d’innover et s’adapter à l’évolution rapide des attentes de la clientèle ainsi qu’à un contexte commercial concurrentiel et dynamique.
Pour établir les bases nécessaires au renouvellement, nous avons mis en place une nouvelle direction qui a pour mandat de mettre en œuvre cette vision en collaboration avec les employés et leurs représentants syndicaux.
De plus, cette direction s’inscrit dans notre volonté d’intégrer dans la Société canadienne des postes plus de diversité et des perspectives plus larges, y compris celles des syndicats. La nouvelle direction s’efforce depuis quelques mois de réorienter les relations entre la Société et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, en particulier.
[Français]
Notre gouvernement est très conscient des préoccupations qui ont été exprimées au cours des négociations et tout au long de l’année. Ces préoccupations sont valables, et je sais que les deux parties ont pris des mesures pour tenter de les résoudre.
[Traduction]
Pour toutes ces raisons, le gouvernement vous soumet aujourd’hui un projet de loi qui, nous le croyons, est juste et équilibré.
Surtout, ce projet de loi ne dictera ni les modalités de l’entente ni le règlement salarial qui sera conclu. Cependant, il met en place un processus de retour au travail pour les parties pendant qu’elles poursuivront les négociations avec l’aide d’un médiateur-arbitre indépendant qui sera choisi en collaboration avec le syndicat et Postes Canada.
L’objectif est clair : rétablir les services nécessaires à court terme et trouver ensuite un terrain d’entente pour l’avenir. Toutes les parties doivent travailler de concert pour assurer le renouvellement et la viabilité de Postes Canada.
Honorables sénateurs, les mesures que nous avons présentées aujourd’hui sont claires, mesurées et nécessaires. Tous les scénarios envisageables ont été étudiés et nous croyons que ce projet de loi représente la meilleure solution.
Nous avons le devoir d’agir dans l’intérêt des Canadiens et le projet de loi à l’étude fait justement passer leurs intérêts en premier. Nous vous demandons de bien vouloir l’appuyer. Merci.
La présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Smith : Bonjour, mesdames les ministres; bienvenue au Sénat.
Il y a un mois, le 29 octobre, le Conseil canadien du commerce de détail vous a écrit pour vous avertir des répercussions d’une grève qui s’étirerait. Il y a dix jours, eBay a écrit au premier ministre pour l’informer de l’importance capitale des commandes en ligne passées lors du Vendredi fou et du Cyberlundi. Le Vendredi fou, c’était hier; le Cyberlundi est dans deux jours.
Compte tenu des précédents connus dans l’histoire des négociations de travail à Postes Canada, pourquoi a-t-on ignoré ces avertissements répétés, et pourquoi avoir attendu aussi longtemps avant de prendre les mesures proposées aujourd’hui?
Mme Hajdu : Je vous remercie, par l’entremise de la présidence, sénateur. Comme je l’ai dit, le gouvernement croit en la valeur des négociations collectives.
Pour que ce processus puisse se dérouler, il faut que les parties aient le temps de négocier librement et équitablement. Il faut trouver un juste équilibre entre les répercussions sur l’économie, sur les petites entreprises et sur les Canadiens des régions rurales ou éloignées et le droit des organisations syndicales et des employeurs de conclure des ententes qui leur seront profitables à long terme.
J’ai écouté une partie de vos délibérations plus tôt et je suis aussi d’avis que la meilleure solution est une convention collective obtenue par la négociation entre les deux parties. Ainsi, autant les employés que l’employeur en sortent gagnants. Une entente obtenue de cette façon crée un milieu de travail positif au sein duquel les gens se font confiance les uns les autres. Il est beaucoup plus difficile de rétablir les relations après un arrêt de travail.
Au bout du compte, les gouvernements doivent prendre ce genre de décisions avec beaucoup de prudence. Je crois que nous en sommes là et que nous avons épuisé toutes les pistes de solutions qui auraient permis aux deux parties d’en arriver à une entente négociée. Cela dit, nous faisions véritablement confiance au processus de négociation collective.
Le sénateur Smith : Merci de votre réponse. J’ai travaillé dans les affaires pendant de nombreuses années, dans de petites et grandes sociétés, et participé à beaucoup de négociations collectives. Du côté du gouvernement, qui prend les décisions? Est-ce vous, les deux ministres? Quel processus avez-vous adopté pour en arriver à la décision qui nous occupe aujourd’hui?
(1300)
Mme Hajdu : Merci beaucoup de cette excellente question.
Évidemment, notre approche est pangouvernementale. Nous prenons en considération les recommandations de divers ministres, comme la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, qui est en mesure d’évaluer les dommages que subit l’économie et les préoccupations qui sont soulevées auprès de son cabinet. Bien entendu, d’autres ministres nous communiquent les points de vue qu’ils obtiennent des intervenants. Mon travail, en tant que ministre du Travail, est de fournir des conseils au premier ministre et au Cabinet sur les options qui s’offrent à nous. Bien franchement, le gouvernement dispose d’un éventail très limité d’outils pour intervenir lorsque deux parties arrivent à une impasse. L’arbitrage volontaire a été proposé, mais, comme vous le savez, il faut que les deux l’acceptent, puisqu’il est volontaire.
Selon moi, la décision est le fruit d’un véritable consensus, auquel nous sommes arrivés après avoir réuni les données sur les torts subis par l’économie et évalué les répercussions sur les négociations collectives, et après nous êtres assurés d’avoir tout fait en notre pouvoir pour aider les parties à s’entendre. Pendant tout ce temps, et même en ce moment, les parties pourraient parvenir à une entente négociée. Je persiste à croire que ce serait la meilleure issue. Toutefois, l’impasse est majeure, monsieur. Selon moi, il s’agit d’une décision que nous avons prise ensemble.
Le sénateur Smith : Puis-je poser une autre question?
La présidente : Vous avez amplement le temps.
Le sénateur Smith : À écouter vos réponses, la prochaine question qui me semble logique est la suivante : en fonction de ce qui s’est passé au fil du temps entre Postes Canada et les gouvernements précédents et, j’imagine, le gouvernement actuel, lorsque vous avez examiné comment se sont déroulées les négociations antérieures, qu’est-ce qui était différent, cette fois-ci, pour que vous choisissiez d’attendre plus longtemps avant de prendre une décision, au point où les répercussions concrètes seront maintenant bien pires pour l’économie canadienne et les Canadiens de la classe moyenne?
Mme Hajdu : Je vous remercie de cette autre excellente question. À mon avis, en tant que ministre du Travail, ce qui est différent cette fois-ci, c’est que nous connaissons les conséquences de la décision prise en 2011 d’adopter une loi ordonnant le retour au travail des travailleurs de Postes Canada après une période très courte d’interruption du travail sans égard pour le processus établi, ce qui a été jugé anticonstitutionnel. Je ne voulais pas répéter cette erreur. C’est justement pourquoi le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd’hui est libellé de manière complètement différente. Nous avons laissé place à l’interruption du travail. Pendant la grève rotative, les répercussions n’ont pas été aussi graves qu’elles auraient pu l’être. Il y a eu un impact croissant, mais qui ne se percevait pas forcément au tout début.
Comme vous le savez et comme certains l’ont dit ici ce matin, certaines choses doivent se produire avant que l’on aille de l’avant avec un projet de loi qui respecte le droit de négociation collective, grèves comprises.
Le sénateur Smith : Selon votre perception du gouvernement et de sa position, quelles conséquences anticipez-vous maintenant, réalistement parlant, à la lumière de ce qui est arrivé par le passé, des précédents et de la situation actuelle entre les parties?
Mme Hajdu : Si je comprends bien, vous parlez des conséquences pour la société d’État et pour ce syndicat en particulier?
Le sénateur Smith : Je parle des conséquences pour les deux parties.
Mme Hajdu : Le gouvernement est d’avis que le projet de loi qu’il a élaboré est extrêmement bien équilibré. Je crois qu’il permettra de conclure une convention collective juste et équilibrée tout en répondant aux préoccupations soulevées par les syndiqués, notamment en ce qui concerne les craintes importantes et légitimes par rapport à la santé et à la sécurité, l’impression que les employés ne reçoivent pas un salaire qui reflète le travail effectué, et les inégalités salariales entre les différentes catégories d’employés, qu’il s’agisse d’employés temporaires, d’employés à temps partiel ou d’employés à temps plein. Nous allons aussi placer la rentabilité et la viabilité de Postes Canada au cœur du processus décisionnel.
Je crois qu’on pourra ainsi conclure une convention collective qui permettra non seulement de répondre aux préoccupations du syndicat et des syndiqués, mais aussi d’aider Postes Canada à remplir son mandat et sa vision, soit offrir un excellent service aux Canadiens tout en assurant la viabilité de la société.
Le sénateur Smith : Comment évaluez-vous le rendement de votre équipe jusqu’à présent? Je pose la question en toute honnêteté. Dans toute entreprise, la direction doit être en mesure d’établir un plan et de le mettre en œuvre. Ensuite, on évalue le rendement par rapport aux objectifs.
Vous êtes à un moment charnière des négociations, ou plutôt de l’absence de négociations. Quelle analyse faites-vous de votre bilan et de la situation à venir? Quelle sera l’issue de ce processus? Je parle non seulement des conséquences à court terme, mais aussi des relations futures entre les deux parties.
Mme Hajdu : Pour vous répondre, je vais vous parler du rendement de mon équipe et du service de médiation. Un taux de réussite de 97 ou 98 p. 100 des interventions du Service fédéral de médiation est une très bonne moyenne. Je suis satisfaite du travail — à vrai dire, je me réjouis du travail — effectué par le Service fédéral de médiation et de conciliation dans l’intérêt des Canadiens. Comme je l’ai mentionné pendant mon intervention, les conciliateurs et médiateurs de ce service sont souvent des héros méconnus parce qu’à moins de ne pas être en mesure d’aider les parties à conclure une entente négociée, leur travail passe inaperçu. Cela arrive parfois, c’est inévitable, mais le taux de réussite de 97 p. 100 est très élevé.
Je cède maintenant la parole à la ministre Qualtrough, qui vous parlera de la Société canadienne des postes.
Mme Qualtrough : J’aimerais souligner que, au cours de la dernière année, nous avons consacré beaucoup de temps à renouveler la vision de Postes Canada pour qu’elle mette l’accent sur la prestation de services aux Canadiens. Nous avons aussi remplacé la direction de Postes Canada en nommant un nouveau conseil d’administration avec une nouvelle présidente, qui est aussi PDG par intérim...
La présidente : Je suis désolé, madame la ministre, mais votre temps est écoulé.
Mme Qualtrough : Voilà. Je suis très satisfaite des mesures qui ont été prises.
Le sénateur Sinclair : J’ai une question à poser, et j’aimerais que l’une ou l’autre des ministres présentes y répondent puisqu’elle porte sur le projet de loi en général.
Avez-vous eu l’occasion des discuter avec des sénateurs ou des députés des autres mesures prises par Postes Canada ou le gouvernement pour atténuer les répercussions de la grève des postes sur le milieu des affaires? Au lieu de simplement réclamer une loi de retour au travail, est-ce que la Société canadienne des postes a accepté l’offre du syndicat, par exemple, d’assurer la livraison de colis et de produits aux entreprises et aux particuliers des régions nordiques qui sont durement touchés par la grève, ou a-t-elle seulement demandé au gouvernement de présenter une nouvelle loi de retour au travail?
Mme Qualtrough : Je pense que la Société canadienne des postes collabore avec le syndicat depuis le début. Toutefois, je ne sais pas à quel point cela a été efficace. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Nous cherchons à réduire au minimum les conséquences pour les Canadiens, ainsi que pour les petites et moyennes entreprises en particulier, mais aussi pour les grandes sociétés. Nous avons conclu une entente concernant la livraison des chèques du gouvernement afin de ne pas interrompre l’envoi de chèques essentiels aux Canadiens, et certainement pas aux Canadiens vulnérables qui comptent sur eux.
Mes fonctionnaires auraient peut-être quelque chose d’autre à ajouter à ce sujet.
Alfred MacLeod, sous-ministre adjoint, Services publics et Approvisionnement Canada : Plus tôt dans le processus, Postes Canada et le syndicat se sont entendus pour poursuivre la discussion sur une série de secteurs d’activité.
Comme le disait la ministre, l’acheminent des chèques de prestations des Canadiens n’a jamais été interrompu. Les deux parties se sont aussi entendues pour ne pas perturber le transport d’animaux vivants. En fait, elles ont convenu de traiter tous les envois les plus prioritaires.
Le sénateur Sinclair : Si les envois prioritaires ont toujours lieu, dans quelle mesure peut-on dire que le milieu des affaires souffre de la grève tournante?
Mme Qualtrough : Au Canada, environ 70 p. 100 des achats en ligne sont livrés par Postes Canada. Pour de nombreuses entreprises, le mois qui précède Noël représente 40 p. 100 des revenus annuels. Certaines petites entreprises devront même cesser leurs activités si elles sont incapables d’acheminer leurs produits jusqu’aux consommateurs. Parfois, la marge de profit de ces entreprises est tellement mince qu’elles n’ont même pas les moyens de se tourner vers un autre service de messagerie.
(1310)
Si vous saviez tout ce que nous avons entendu. Comme je le disais tout à l’heure, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante évalue à 3 000 $ les pertes que doivent assumer les entreprises qui se tournent vers d’autres moyens. Ça, c’est quand elles le peuvent, car je rappelle que les services de messagerie ne sont pas offerts partout au pays.
Le sénateur Sinclair : J’aurais d’autres questions à poser, mais je veux bien attendre à plus tard si la liste commence à se remplir.
La présidente : Je vous en prie, sénateur. Ce sera beaucoup plus simple si vous utilisez toutes vos 10 minutes tout de suite.
Le sénateur Sinclair : Merci beaucoup. Nous avons entendu et lu dans les journaux de nombreuses anecdotes. Vous avez aussi fait allusion aux témoignages de certaines personnes qui disent que cette situation aura d’énormes conséquences.
Que font le gouvernement et Postes Canada pour recueillir des données solides, qui pourront aider les sénateurs à évaluer la situation et à en comprendre les répercussions en analysant des points de vue indépendants, plutôt que de simplement se fier à des anecdotes relatées par un ou deux représentants du milieu des affaires?
Mme Qualtrough : Merci, sénateur. On a déployé des efforts sur plusieurs fronts afin d’évaluer les répercussions économiques aussi objectivement que possible. Le ministère des Finances a examiné l’impact sur l’économie dans son ensemble. Le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, quant à lui, s’est penché sur l’incidence sur les petites entreprises.
Postes Canada recueille des données. Il ne conviendrait pas que je vous donne les noms des clients, car certains d’entre eux ne sont pas publics. Je peux toutefois vous dire que j’ai en main une liste très longue de clients qui font maintenant affaire ailleurs et qui ne sont pas prêts à revenir en arrière. J’ai aussi une liste de petites entreprises qui nous ont écrit, qui ont déposé des plaintes et qui ont quantifié leurs pertes.
Sachez que, selon les chiffres fournis par Postes Canada, les répercussions sont de l’ordre de 200 millions de dollars. Je suis consciente de la nature confidentielle des données personnelles de certaines entreprises, mais je peux vous assurer que le total s’élève à plusieurs centaines de millions de dollars.
Le sénateur Sinclair : Encore une fois, je suis sensible aux anecdotes dont vous nous faites part. Toutefois, j’aimerais avoir l’assurance que vous nous donnerez des preuves tangibles avant que nous procédions au vote final. Je serais reconnaissant si vous pouviez nous en donner.
Je suis également préoccupé par la question d’équilibre. Cette loi semble enlever aux syndicats leur droit de retirer certains services au nom de leurs membres dans le cadre du processus de négociation. Je ne vois nulle part dans le projet de loi les répercussions négatives que cela aura sur l’employeur.
Pouvez-vous me dire quelles seront les répercussions négatives de ce projet de loi sur les employeurs?
Mme Hajdu : Je vous remercie de votre question. J’espère que l’arbitre emploiera les principes que nous avons élaborés de telle sorte qu’ils n’aient pas d’incidence négative évidente sur le syndicat ni sur l’employeur.
Lorsque nous avons conçu ces principes, nous tenions, avant toute chose, à répondre à de profondes préoccupations des travailleurs, soulevées pendant les rondes de négociation. Nous avons placé ces préoccupations au début de la liste des principes.
Ainsi, la nécessité de veiller à la protection de la santé et de la sécurité des employés s’inspire des préoccupations des employés à l’égard du taux élevé de blessures. Le principe qui veut que l’employeur fasse le nécessaire pour que les employés reçoivent un salaire égal pour un travail de valeur égale découle des préoccupations concernant les différents taux de rémunération accordés aux différents types de travailleurs des postes. Il faut aussi assurer un traitement juste des employés temporaires, à temps partiel ou occupant une autre forme d’emploi atypique par rapport aux employés occupant un emploi à temps plein permanent; c’est un enjeu dont nous parlons souvent, et il est lié à l’idée que le travail de valeur égale doit être rémunéré équitablement. Le principe qui parle d’assurer la viabilité financière de l’employeur est à la fois logique et pratique, puisque cette viabilité est essentielle pour que les travailleurs puissent avoir un emploi. Les derniers principes parlent de créer une culture de relations patronales-syndicales axées sur la collaboration et, finalement, de fournir des services de grande qualité à un prix raisonnable pour les Canadiens.
Au moins quatre des principes formulés répondent directement aux préoccupations exprimées par le syndicat au nom de ses membres. Le médiateur-arbitre devra en tenir compte si les deux parties n’arrivent pas à négocier une convention collective pendant le processus arbitral.
Le sénateur Sinclair : Merci. J’ai une dernière question, mesdames les ministres. Elle concerne les services essentiels. J’ai examiné l’historique des projets de loi de retour au travail remontant à un certain nombre d’années et j’ai l’impression que, dans le cas des conflits à Postes Canada, il s’agit presque d’une pratique courante, où l’organisme finit par demander un projet de loi de retour au travail, et on le lui accorde.
Je me demande si le temps n’est pas venu pour le gouvernement de se résoudre à déclarer que le service postal est un service essentiel, afin que nous ne nous retrouvions plus dans cette situation où il faut examiner cette question. Ainsi, déterminer si une mesure est équitable pour les employés devient important pour eux, étant donné qu’il s’agirait d’un service essentiel que nous pourrions examiner adéquatement au lieu de précipiter les choses comme nous le faisons chaque fois.
La présidente : Mesdames les ministres, vous avez une minute pour répondre.
Mme Qualtrough : Merci, sénateur. Nous avons déjà tenu un débat sur cette question. Nous avons décidé que ce n’est pas l’approche que nous devons adopter à ce moment-ci, mais nous reconnaissons que ce service est crucial pour les Canadiens. Cette voie est peut-être envisageable, mais, dans le contexte de cette nouvelle vision, de l’amélioration des relations et des efforts en vue de les rétablir, ce n’est peut-être pas le moment d’en débattre.
Le sénateur Joyal : Je vous ai écoutées très attentivement et je pense que vous mettez beaucoup l’accent sur l’entreprise plutôt que sur les employés lorsque vous parlez du dossier à titre de ministre du Travail ou de ministre responsable de la Société canadienne des postes. Si je comprends bien votre mandat en tant que ministre du Travail, vous parlez au nom des travailleurs, c’est-à-dire de gens. Qui parle au nom des gens, des 50 000 travailleurs des postes, lorsque vous devez vous attaquer à une question de cette taille et la régler?
Je vous ai entendues toutes les deux parler souvent de la Société canadienne des postes, mais qui se soucie des conditions de travail des gens qui mettent leur capacité, leur force, leur énergie et leurs convictions au service des Canadiens par l’intermédiaire de cette société? Pourriez-vous davantage nous faire part de vos points de vue sur le sujet?
Mme Hajdu : Je vous remercie beaucoup. C’est une excellente question qu’on me pose souvent à titre de ministre du Travail. En fait, mon rôle principal est d’assurer le respect de la procédure établie afin que, par exemple, il existe des services de médiation fédéraux pour aider les deux parties à négocier et conclure des conventions collectives.
Toutefois, le premier ministre a reconnu la nécessité d’améliorer les conditions des travailleurs au Canada, de là le contenu de ma lettre de mandat. Certains ont même dit qu’elle allait trop loin et qu’elle accorde un traitement préférentiel aux travailleurs. Je conteste ces accusations parce que je suis d’accord avec le premier ministre : les personnes les plus vulnérables dans les milieux de travail sous réglementation fédérale ne bénéficient pas de mesures de protection adéquates. Voilà pourquoi nous avons mis en place des mesures visant, par exemple, un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle en donnant le droit de demander un horaire variable. De plus, nous avons instauré un régime proactif d’équité salariale dans la loi pour que les femmes soient rémunérées équitablement pour un travail de valeur égale.
Le projet de loi récent, qui a été présenté avec la Loi d’exécution du budget et qui fait une mise à jour majeure du Code canadien du travail, comme il n’y en a pas eu depuis le milieu des années 1960, prévoit des avantages fondamentaux, comme les congés de maladie payés ou les congés spéciaux, qui permettent aux gens de mieux gérer leur horaire et de travailler dans un milieu digne et sécuritaire. Ce sont toutes des mesures que le gouvernement a prises pour défendre les droits des travailleurs, qui, comme vous l’avez souligné, n’ont pas été pris en considération dans ce pays depuis au moins une décennie. C’est donc avec le plus grand plaisir et la plus grande fierté que je fais ce travail pour les travailleurs dans le cadre du mandat que le premier ministre m’a donné.
(1320)
Je dirais que, dans les circonstances, mon rôle en qualité de ministre du Travail n’est pas nécessairement de représenter les travailleurs ou l’employeur, mais de proposer un processus équilibré et juste. De leur côté, les parties ont les outils nécessaires pour en arriver à une entente. Si elles n’y parviennent pas, des mesures peuvent être prises pour les aider à sortir de l’impasse, comme celle dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
Le sénateur Joyal : Oui, mais le projet de loi… À moins que la ministre Qualtrough veuille ajouter quelque chose, j’aurais une autre question à poser.
Mme Qualtrough : Y voyez-vous un inconvénient, sénateur? Merci, madame la présidente.
J’aimerais tout d’abord présenter mes excuses si je vous ai laissé cette impression. Mes réponses portaient sur la réaction des entreprises. Je peux vous assurer que les employés de Postes Canada et les services qu’ils offrent sont au cœur de l’avenir que nous souhaitons pour cette société.
Je peux vous donner deux exemples précis qui montrent que la nouvelle direction fait de son mieux pour que les employés aient un milieu de travail dans lequel ils peuvent s’épanouir et offrir leurs services.
Je ne sais pas si vous vous rappelez la question qu’un homme avait posée à une assemblée publique du premier ministre à Winnipeg. La question portait sur des allégations d’intimidation à Postes Canada. J’ai rencontré cette personne et les représentants syndicaux et nous avons mis au point un processus. Nous avons maintenant tout un système en place.
Par ailleurs, le syndicat nous avait signalé des conditions de travail liées à un processus très complexe par rapport au temps supplémentaire. Ce processus est à l’origine des problèmes de santé mentale dont ont souffert certains employés.
En 30 jours, le nouveau président de Postes Canada a changé le processus et fait disparaître le problème, et le syndicat a été extrêmement satisfait des efforts déployés en vue de réorganiser le temps supplémentaire.
J’aurais bien d’autres exemples à vous donner, sénateur. Toujours est-il que je puis vous assurer que le bien-être des employés de Postes Canada est au centre des mesures que nous prenons pour renouveler et réorienter la société.
Le sénateur Joyal : Merci. Madame la ministre, vous dites que ce projet de loi est mieux équilibré que celui qui a été adopté en 2011 qui, comme vous le savez, a été invalidé par la cour. Vous avez peut-être entendu le débat à l’étape de la deuxième lecture et les préoccupations que j’ai soulevées à cet égard.
Au-delà de la déclaration générale que vous avez faite selon laquelle ce projet de loi est mieux équilibré, pouvez-vous nous expliquer le raisonnement qui serait suivi par le tribunal si ce projet de loi faisait l’objet d’une contestation judiciaire, c’est-à-dire comment les juges appliqueraient le critère de l’arrêt Oakes? Je parle ici de l’approche en trois temps qui servira éventuellement à déterminer si le projet de loi est conforme à l’article 2 de la Charte, qui protège la liberté d’expression et la liberté d’association, y compris le droit de grève des travailleurs. Pourriez-vous passer en revue les étapes du raisonnement juridique que suivraient les juges? Ce serait une bonne première étape pour nous rassurer ou pour nous convaincre que ce projet de loi est constitutionnel.
Mme Hajdu : Je vous remercie, sénateur. Je vais laisser les tribunaux faire leur travail. Je peux toutefois vous assurer que nous connaissons très bien le jugement rendu en 2015. Je vous dirais même que c’est à cause de lui que le texte d’aujourd’hui est formulé comme il l’est. Plusieurs différences importantes font que, à notre avis, la présente mesure législative ne devrait pas subir le même sort que la précédente.
Pour commencer, en 2011, le ministre nommait le médiateur-arbitre sans consulter les parties en cause ou qui que ce soit d’autre. Cette fois-ci, je me fierai au contraire aux recommandations des parties, et, si jamais aucun candidat ne les satisfait pas toutes les deux, je m’en remettrai à la présidente du Conseil canadien des relations industrielles afin que le médiateur-arbitre demeure aussi neutre que possible.
Il n’y a pas eu de médiation en 2011, alors qu’aujourd’hui, oui.
Pour ce qui est de l’arbitrage, en 2011, le médiateur-arbitre devait choisir la meilleure offre finale. C’est donc dire qu’il avait très peu de latitude pour régler les points litigieux. En 2018, le médiateur-arbitre pourra choisir entre l’arbitrage de différends traditionnel ou l’arbitrage des propositions finales, selon ce que les circonstances lui dicteront.
La convention prévue dans la loi de 2011 était très rigide : les salaires étaient, par exemple, déjà établis, tout comme la durée de l’entente. En 2018, le médiateur-arbitre pourra tenter de s’entendre avec les parties, après quoi seulement il pourra trancher.
En 2011, les principes sous-tendant la loi faisaient nettement pencher la balance en faveur de Postes Canada, alors que, cette année, je le répète, nous avons tout fait pour répondre aux besoins des deux parties.
Pour terminer, nous sommes d’avis que, de la manière dont le projet de loi est rédigé, nous respectons en tous points le jugement de 2015. C’est même pour cette raison que les deux textes sont si différents.
Le sénateur Joyal : Si le Parlement adopte le projet de loi, nous ferons pencher la balance du côté des employeurs plutôt que du côté du syndicat. Cela ne fait aucun doute. Le syndicat perdra le droit de faire la grève. Le Parlement doit plutôt maintenir des règles du jeu équitables pour l’employeur et le syndicat. À mon avis, lorsque nous adoptons une telle mesure législative au Parlement, nous ne devons jamais oublier qu’elle doit maintenir un équilibre entre les deux parties.
À mon humble avis, cet équilibre, qui constitue l’élément clé autour duquel s’articulera la décision de tout tribunal qui devra se prononcer sur la constitutionnalité du projet de loi, n’est pas atteint dans le texte tel qu’il est rédigé, à moins que je l’interprète mal.
Mme Hajdu : Monsieur le sénateur, sauf le respect que je vous dois, je ne suis pas d’accord. Je suis très fière des fonctionnaires dévoués qui, à notre demande, ont examiné attentivement la décision de 2015 pour rédiger un projet de loi qui ne répéterait pas les mêmes erreurs. C’est pourquoi ce projet de loi...
La présidente : Je vous remercie, madame la ministre. Le temps est écoulé. Le sénateur Housakos a la parole.
Le sénateur Housakos : Je vous remercie, mesdames les ministres, d’être parmi nous aujourd’hui. Vous avez beaucoup répété, dans vos déclarations préliminaires et par la suite, à quel point le gouvernement croit aux négociations collectives. Bien entendu, nous croyons tous aux négociations collectives. Elles font partie de notre processus démocratique. Tous les gouvernements précédents croyaient aussi aux négociations collectives : le gouvernement Harper, le gouvernement Chrétien, le gouvernement de M. Mulroney. Même le premier Trudeau croyait aux négociations collectives. Dans quelques heures, le gouvernement actuel croira aussi aux mesures législatives de retour au travail, auxquelles ont eu recours tous les gouvernements précédents, lorsqu’il le fallait.
Vous avez aussi mentionné qu’il y a eu un long processus de négociation. Nous savions, dès Noël dernier, que nous nous engagions dans d’importantes négociations entre les travailleurs de Postes Canada et la société d’État. Cela a donné beaucoup de temps au gouvernement pour se préparer à faire face à divers scénarios. Un des scénarios dans ce type de négociations est l’impasse, et le gouvernement aurait dû prendre les mesures appropriées au bon moment.
Madame la ministre Hajdu, il y a quelques jours à peine, lundi dernier, on a dit que vous aviez fait la déclaration suivante :
[...] En fin de compte, c’est lorsque l’employeur et le syndicat travaillent ensemble pour parvenir à une entente qui convient à tout le monde que l’on obtient une convention collective efficace et durable qui sera respectée en milieu de travail.
Je pense que vous conviendrez, madame la ministre, que la crédibilité du Parlement et des gouvernements repose sur le maintien de la confiance de la population. Cette confiance est un élément essentiel.
Qu’est-ce qui vous a amenée à perdre très soudainement foi dans le processus de négociation collective entre lundi, jour où vous avez fait ce commentaire, et mercredi, je pense, soir où le gouvernement a manifestement décidé de procéder autrement?
Mme Hajdu : Merci, sénateur. J’ai toujours foi dans le processus de négociation collective. Quand on sait que 97 p. 100 des conflits soumis à la médiation peuvent être réglés sans interruption de travail et aboutir à une convention collective, on peut en déduire que, de manière générale, la négociation collective, le processus, fonctionne.
Je maintiens ce que j’ai dit, car je pense bel et bien que, quand deux parties arrivent à conclure une convention collective ensemble, il leur est beaucoup plus facile ensuite d’aller de l’avant, même si le processus n’a pas été facile, et même s’il y a eu une interruption de travail. Toutefois, dans certains cas, lorsque les parties ont des positions aux antipodes et ont abouti dans une impasse, comme c’est le cas ici — et lorsqu’il est question d’un service tel que Postes Canada, dont dépendent des millions de Canadiens et de nombreuses petites et moyennes entreprises —, vient un moment où nous devons avoir recours à des moyens supplémentaires.
(1330)
C’est à contrecœur — je l’ai répété au cours de mes interventions devant les médias et à la Chambre — que nous devons maintenant prendre cette mesure. Cependant, je crois également que nous avons rédigé ce projet de loi de manière à favoriser le processus de négociation collective. N’oublions pas qu’il existe une période au cours de laquelle il est possible d’en arriver à une solution issue de la médiation. En fait, le médiateur peut prolonger cette période s’il sent que cela donnera lieu à une convention collective négociée entre les deux parties. Le processus d’arbitrage ne sera déclenché que si le médiateur-arbitre juge qu’il n’est plus possible d’en arriver à une solution négociée.
Pour ma part, je maintiens cette affirmation. Je vais continuer d’appuyer le processus de négociation collective. Je vais continuer de mettre tous les moyens dont nous disposons au service des parties, qui sont en pleine impasse. Je vais continuer de rappeler aux parties qu’elles ont tout avantage à avoir recours rapidement, et souvent, au Service fédéral de médiation.
Le sénateur Housakos : Madame la ministre, écoutez ce que vous dites dans votre conclusion. C’est exactement cela. N’aurait-il pas été plus prudent, pour vous et le gouvernement, il y a quelques jours, voire quelques semaines, de prévenir les deux parties que la patience du gouvernement s’émoussait, au lieu d’attendre jusqu’à la veille de Noël pour faire franchir à cette mesure législative, à toute vitesse, toutes les étapes à la Chambre et obliger le Sénat à siéger pendant le week-end, aux dépens des contribuables? N’aurait-il pas été plus prudent, non pas lundi dernier, mais peut-être le lundi précédent, d’informer les parties que le gouvernement perdait patience, qu’il croit en la négociation collective, mais que, pour un certain nombre de raisons réalistes, il estime que les deux parties doivent régler le problème vite fait, sinon il agira?
Pourquoi est-ce que cela n’a pas été le cas? Pourquoi, madame la ministre, jusqu’à il y a quelques jours, vous teniez, coûte que coûte, à laisser la négociation collective suivre son cours et, soudain, quelques heures plus tard, vous laissez tomber le couperet et vous annoncez que les travailleurs devront reprendre le travail demain?
Mme Hajdu : Merci, sénateur. En fait, il y a deux semaines, le premier ministre a indiqué que le temps pressait et que le gouvernement du Canada avait pratiquement épuisé tous les outils à sa disposition pour aider à résoudre le conflit entre les deux parties.
Cependant, j’insiste sur le fait que les parties ont continué à négocier, malgré leurs importantes divergences, tout au long de ces semaines. Il est toujours délicat d’annoncer un projet de loi de retour au travail; une telle décision risque de créer une situation difficile pour les deux parties. Nous en sommes conscients. Par ailleurs, nous voulions respecter les droits des travailleurs d’exercer des moyens de pression. Il fallait éviter de violer les dispositions de la Charte, ce qui a été reproché à la décision prise en 2011 par le gouvernement précédent de Stephen Harper.
Étant donné que le gouvernement respecte le processus de négociation collective, il se retrouve en terrain glissant. À certains égards, il est pris entre l’arbre et l’écorce. Nous défendons le droit des travailleurs d’exercer des moyens de pression et d’avoir accès à des processus de négociation collective, ce qui rend notre position extrêmement inconfortable.
Nous savons également que nous avons, en tant que gouvernement du Canada, la responsabilité d’agir lorsqu’un conflit de travail engendre de graves préjudices économiques et d’autres répercussions socioéconomiques pour les Canadiens de partout au pays.
Le sénateur Housakos : Madame la ministre, ma prochaine question porte sur les observations formulées par le premier ministre il y a à peine une semaine et demie environ. Il a dit ceci :
Le gouvernement croit à la négociation de bonne foi. C’est dans le cadre des négociations que doivent se tenir ces discussions.
Il a ensuite dit ce qui suit :
Contrairement aux gouvernements précédents, nous n’estimons pas avoir le devoir immédiat d’intervenir de manière autoritaire. Nous respectons les relations de travail et la nécessité de conclure une entente par la voie de la négociation. C’est donc en ce sens que nous poursuivrons nos efforts.
De toute évidence, le premier ministre choisit, une fois de plus, ses intérêts politiques au détriment de son devoir en tant que chef du gouvernement.
Madame la ministre, ma question est la suivante : pourquoi le gouvernement continue-t-il de recourir à la partisanerie pour traiter de questions aussi délicates que les négociations collectives entre les employés de Postes Canada et le syndicat?
Mme Hajdu : Je vous remercie, sénateur. Je ne suis pas d’accord avec vous et je ne vois pas de politique purement partisane dans le fait de vouloir garantir aux travailleurs le droit de négocier leur convention collective et de faire des moyens de pressions, notamment en perturbant le déroulement du travail. Ce droit est inscrit dans la Charte, et c’est précisément pour cette raison que nous sommes ici aujourd’hui à discuter d’un sujet aussi grave. Le gouvernement prend son rôle très au sérieux. Comme je le disais dans ma réponse précédente, nous ne voulions pas avoir à prendre cette décision, et c’est le cœur très lourd que j’ai présenté cette mesure législative. Je considérais toutefois que c’était ma responsabilité. Le gouvernement estime qu’il a des responsabilités à l’égard de la population, y compris à l’égard des PME et des Canadiens vulnérables qui n’ont que Postes Canada pour envoyer et recevoir des lettres et des colis.
Nous rejetons les accusations de partisanerie. C’est la dure réalité des gouvernements : nous sommes parfois dans l’obligation de prendre certaines décisions difficiles, même si nous savons qu’elles risquent de provoquer la colère d’un groupe particulier.
Le premier ministre l’a dit, et je le confirme : nous croyons aux vertus de la négociation libre et collective. Je sais que les tâches qu’il m’a confiées et dont je me suis acquittée auront permis d’améliorer le sort de certains des travailleurs les plus vulnérables du pays. Nous avons par exemple éliminé l’amiante des lieux de travail. Le projet de loi C-65, que nous avons fait adopter avec la participation du Sénat, garantit des lieux de travail exempts de violence et de harcèlement, ce qui devrait aller de soi pour l’ensemble des travailleurs. Nous avons présenté une mesure législative sur l’équité salariale et sur des conditions de travail décentes. Nous avons aussi modernisé le Code canadien du travail, grâce à quoi les travailleurs relevant de la compétence fédérale auront droit à trois jours de congé payés de plus que ce à quoi ils ont droit actuellement
Les travailleurs les plus vulnérables, en passant, sont ceux qui nettoient les avions et qui se chargent du transfert des passagers d’un avion à l’autre. Ces gens se fient au Code canadien du travail pour leur protection et ils font de l’excellent travail tous les jours. Chaque fois que je descends de l’avion et que j’aperçois les travailleurs qui y entrent pour faire le nettoyage, je ressens la fierté de travailler pour ces gens, de travailler pour celui qui gagne le salaire minimum et qui s’inquiète du fait que son contrat passe à un nouvel employeur et que ce dernier lui fera peut-être perdre les maigres gains qu’il avait obtenus. Nous allons corriger la situation au moyen d’une mesure législative sur le travail décent. Nous allons protéger les gens qui sont contraints de choisir entre rester à la maison pour prendre soin d’un enfant blessé ou aller au travail et être payé.
La présidente : Merci beaucoup, madame la ministre.
La sénatrice Lankin : Mesdames les ministres, je vous remercie d’être ici aujourd’hui.
Madame Hajdu, vous me connaissez. Vous savez que je ne suis pas favorable aux projets de loi de retour au travail. C’est une question de principe. Vous savez aussi que, quand j’ai fait partie d’un gouvernement, j’ai dû appuyer la décision du Cabinet de faire adopter une loi de retour au travail. J’ai eu un moment d’abattement l’autre jour. J’ai eu l’impression d’éprouver du stress post-traumatique découlant de l’époque marquée par le contrat social. Je pensais avoir surmonté cette épreuve, mais on dirait bien que ce n’est pas le cas.
J’aimerais faire quelques commentaires avant de poser une question.
Je suis de tout cœur avec les grévistes. Je compatis aussi avec les propriétaires de petites entreprises et les consommateurs qui éprouvent des difficultés. Je suis désolée que vous vous retrouviez dans cette situation.
Cela dit, ce projet de loi, s’il est adopté, puis contesté — ce qui se pourrait fort bien dans les deux cas —, sera jugé en fonction de certains critères établis. Je tiens à dire que, même si je n’appuie pas les mesures législatives de retour au travail, je n’avais encore jamais vu un projet de loi qui tente autant de tenir compte des décisions judiciaires et de la jurisprudence, et d’établir un équilibre entre les divers critères que celui qui est à l’étude aujourd’hui.
Hier, j’ai réfléchi à cette théorie en me souvenant du point de vue de diverses personnes, notamment des professeurs et des experts des relations industrielles qui ont témoigné devant les tribunaux dans le cadre de contestations de cette nature. En général, ces personnes sont d’accord là-dessus.
Cependant, la cour va aussi tenir compte d’autres critères. Elle s’interrogera sur la nécessité d’adopter un tel projet de loi à ce moment-ci. La façon dont le projet de loi est rédigé est extrêmement importante, tout comme le moment choisi pour sa mise en application.
J’ai pris connaissance des déclarations de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante. Loin de moi l’idée de manquer de respect à l’endroit des groupes d’intérêt canadiens, mais, au fil des ans, j’ai lu les mêmes propos à d’innombrables reprises de la part de cette fédération, en prévision du déclenchement d’une grève. Ces déclarations ne m’apprennent donc rien au sujet des faits réels.
J’ai entendu les rumeurs concernant 600 semi-remorques remplies de milliers de colis et les arriérés. J’ai aussi entendu des syndicats dire que ce n’était tout simplement pas vrai. Personne ne nous a donné de preuves, ce qui me trouble.
(1340)
Madame la ministre, avec tout le respect que je vous dois, je comprends que vous avez accès à des chiffres que vous consultez. Le sénateur Sinclair cherche des preuves. J’en cherche aussi, mais je n’en ai pas trouvé.
Je sais qu’il y a des problèmes dans les centres de distribution. J’ai déjà vu des grèves tournantes et des ententes de prestation de services essentiels hautement prioritaires — il n’était pas nécessairement question de travailleurs, mais d’ententes indiquant les tâches qui seraient accomplies. En dépit des commentaires que nous avons entendus au sujet de la modernisation de Postes Canada, j’ai vu un employeur qui avait toujours l’atroce habitude de contester les décisions touchant aux griefs en matière de santé et de sécurité et à l’équité salariale, entre autres.
Je n’ai donc d’autre choix que d’essayer de déterminer comment le projet de loi sera jugé à l’avenir en fonction de sa date d’entrée en vigueur. Madame la ministre, je n’ai pas besoin d’entendre vos anecdotes. Je vous ai entendue lire vos lettres. Elles sont sincères. J’ai besoin de savoir comment vous avez pris la décision, à titre de ministre du Travail, d’appuyer sur la gâchette maintenant. Je serais aussi reconnaissante à la ministre Qualtrough de me dire la même chose. À mon avis, la façon dont la situation sera jugée à l’avenir se résume à cela.
J’estime que vous avez fait un excellent travail pour prendre des mesures visant à rétablir un équilibre. On verra. Cependant, en ce qui concerne la date d’entrée en vigueur, je ne suis pas certaine de convenir de l’évaluation que j’ai entendue et je n’ai vu aucune preuve qui l’appuie.
Mme Hajdu : Je vais laisser à ma collègue le soin de parler de certaines des conséquences économiques. Je tiens toutefois à vous dire que les preuves ne viennent pas uniquement du secteur des entreprises, des PME, mais également d’autres secteurs, comme le secteur caritatif. Nous avons adopté une approche pangouvernementale, et, comme l’a dit la ministre, le ministère des Finances tente d’obtenir des chiffres et travaille sur un certain nombre d’analyses.
Il est préoccupant d’entendre que le secteur caritatif considère aussi que la période des Fêtes est l’une des plus rentables.
La sénatrice Lankin : Ce n’est pas par hasard que vous avez choisi de parler de ce secteur-là.
Mme Hajdu : Je viens de ce secteur. J’ai géré pendant des années un refuge pour sans-abri. On dirait que ça fait une éternité, mais c’est ce que je faisais encore il y a trois ans et demi. La période de Noël était vraiment la période la plus rentable. En fait, de nombreux organismes sans but lucratif qui dépendent de collectes de fonds diront la même chose. Scott Desksheimer, président du conseil d’administration canadien de l’Association of Fundraising Professionals, a dit que les envois postaux directs continuent d’être la meilleure façon pour l’association d’obtenir des dons. Ils craignent que les donateurs qui font généralement des dons à l’automne ne reçoivent leur sollicitation de dons trop tard. Il s’agit d’un processus en deux étapes. Tout d’abord, l’organisme envoie le courrier à l’avance s’il est organisé et a la capacité d’avoir des employés chargés de la collecte de fonds. Dans le cas de mon organisme, une personne s’en occupait à temps plein.
La sénatrice Lankin : Je comprends.
Mme Hajdu : C’est très difficile. Les gens s’inquiètent de ce que les demandes de dons partent trop tard ou que les dons arrivent trop tard à leur organisme de bienfaisance pour qu’ils puissent apporter leur aide, incidemment, à la période la plus occupée de l’année pour de nombreux organismes de bienfaisance.
La sénatrice Lankin : Puis-je vous interrompre? Vous dites qu’ils s’inquiètent de ce que cela ne se fasse peut-être pas dans les temps.
Mme Hajdu : J’en viens à la seconde partie.
La sénatrice Lankin : Honnêtement, j’ai écouté tout le débat. Je vous ai entendue lire tout cela. Nous avons les retranscriptions.
Je veux des preuves. Les lettres de gens inquiets et les craintes des uns et des autres ne m’intéressent pas.
Mme Hajdu : Je les ai. L’Armée du Salut, par exemple, a indiqué que les dons faits par la poste qui lui étaient destinés ont baissé de 40 p. 100. Je pense qu’une baisse de 40 p. 100 est, en soi, une preuve.
De la même manière, l’organisation Mustard Seed, à Victoria, reçoit normalement, selon ses dires, 70 p. 100 de ses dons annuels à cette époque de l’année. Les dons qu’elle reçoit sont en baisse de 23 p. 100. La directrice du développement a déclaré que sa plus grande inquiétude est que les dons n’arrivent pas à temps, ce qui est une grande source de stress.
Il y a encore d’autres histoires. Ce sont le genre d’histoires et de preuves que nous avons rassemblées au ministère du Travail. Il s’agit, néanmoins, d’un travail conjoint, manifestement, puisque de nombreux autres ministères rassemblent aussi ces preuves, qui nous ont été présentées et nous ont menés à cette décision.
Je donne maintenant la parole à la ministre Qualtrough.
Mme Qualtrough : Merci. J’ajouterais, sénatrice, les conséquences de l’interruption du courrier international, du fait qu’il y a 118 dépôts dans le monde qui n’expédient pas de courrier et de colis au Canada et ne facilitent pas les activités commerciales avec le Canada. J’ai, moi aussi, entendu parler de la baisse de 40 p. 100 des dons de bienfaisance et de la diminution de 20 à 30 p. 100 du commerce en ligne. Des entreprises nous ont dit qu’elles avaient reporté à plus tard l’embauche de personnel pour la période des Fêtes en raison de la situation à Postes Canada.
Nous savons que le problème s’accentue. Nous le voyons. Les chiffres ont augmenté dans les dernières semaines. Nous en sommes arrivés à un point de non-retour, le point à partir duquel il devenait impossible de sauver les activités commerciales à risque et les occasions perdues pendant ce temps.
La sénatrice Lankin : Je ne conteste pas vos conclusions ni la manière dont vous y êtes arrivée. L’appréhension et les préoccupations des entreprises, ainsi que leurs attentes, sont au cœur du problème, beaucoup plus que ne l’est la réalité, mais, je l’admets, cela peut être tout aussi nuisible pour l’économie.
Soit dit en passant, la raison pour laquelle un certain nombre de dépôts étrangers n’envoient plus de courrier est que Postes Canada leur a dit de ne plus le faire. Voilà donc un moyen de pression de la part de la société, semblable à la grève tournante du syndicat. Les deux parties disposent de moyens de pression.
Mme Qualtrough : Je puis vous assurer, madame la sénatrice, que nous n’empêchons pas l’arrivée du courrier international pour faire pression sur le syndicat afin de conclure une entente collective.
La sénatrice Lankin : Pourriez-vous préciser une chose pour moi? Lorsque vous dites « nous »...
Mme Qualtrough : Je veux dire Postes Canada; excusez-moi.
La sénatrice Lankin : Donc, vous ne représentez pas la société?
Mme Qualtrough : Je ne suis pas certaine de la valeur juridique de l’indépendance de la société. Bien sûr, c’est une société indépendante. Toutefois, comme il est l’unique actionnaire de Postes Canada, le gouvernement s’y intéresse, évidemment.
La sénatrice Lankin : Évidemment, puisque vous êtes l’unique actionnaire.
La présidente : Je suis désolée, le temps est écoulé.
Le sénateur Mercer : Mesdames les ministres, je vous remercie toutes les deux d’être ici.
Avant de passer à ma question, j’aimerais revenir sur les observations de Scott Decksheimer à propos des envois postaux directs, dont vous avez fait mention. C’est un enjeu crucial. Peu importe de quel organisme de bienfaisance il s’agit, ils reçoivent tous la grande majorité des dons envoyés par la poste en cette période de l’année, d’ici à la fin de décembre. Grâce à mon expérience de collecteur de fonds pendant 40 ans et de vice-président international de l’Association des professionnels en philanthropie, je suis bien au fait de ces données. C’est un enjeu fondamental pour beaucoup de gens.
Toutefois, ce n’est pas le sujet de ma question. Voici ce que j’aimerais demander à la ministre Qualtrough : Postes Canada, comme beaucoup d’autres services postaux dans le monde — et j’en ai parlé plus tôt dans mes observations —, se trouvait au bord du gouffre. Les technologies ont évolué, et les gens utilisent de plus en plus le courriel au lieu du lent courrier traditionnel. Après avoir été une véritable vache à lait pour le gouvernement pendant de nombreuses années, Postes Canada s’est mise à perdre de l’argent. Aujourd’hui, nous faisons face à cet important conflit de travail.
Quels sont les plans pour contribuer à assurer la viabilité de Postes Canada? Si les habitants des centres urbains affirment qu’ils pourraient peut-être s’en passer, c’est hors de question pour ceux d’entre nous qui vivent dans des régions rurales — j’habite un petit village en Nouvelle-Écosse. Les services postaux y représentent un important moyen de communication. Nous sommes également préoccupés par le fait que les employés des régions rurales de la Nouvelle-Écosse ne reçoivent pas un salaire équivalent à ce que gagnent ceux qui travaillent 40 kilomètres plus loin, à Halifax.
Que comptez-vous faire pour corriger la situation? J’imagine que le conflit de travail actuel a probablement nui à ce processus en raison du manque de coopération et de confiance entre la direction et les employés.
Mme Qualtrough : Merci, sénateur, et merci à vous, madame la présidente. Postes Canada est à un moment crucial de son évolution et elle doit assurer sa viabilité. Au cours des deux premières années du mandat du gouvernement, deux études majeures ont été menées, l’une par un groupe de travail, l’autre par un comité de la Chambre des communes.
(1350)
Ces études ont mis très clairement deux choses en lumière.
Premièrement, les Canadiens apprécient les services de Postes Canada et ils leur accordent beaucoup de valeur. Je suis persuadée que tout le monde — et assurément les politiciens — aimerait jouir de la même popularité que Postes Canada.
Deuxièmement, l’idée de subventionner Postes Canada suscite des réserves chez les Canadiens. La nouvelle vision que nous avons présentée met l’accent sur un modèle innovant de prestation de services qui tient compte du fait que le pain et le beurre de Postes Canada ne sont plus le courrier, mais la livraison de colis. Nous reconnaissons la nécessité d’avoir des solutions novatrices qui permettent de soutenir la concurrence des entreprises du secteur privé, car, comme les fonctionnaires de Postes Canada l’indiqueront sans doute tout à l’heure, ce sont les colis qui permettent de réaliser un profit, et encore, pas toujours. Ce n’est plus le courrier, mais il faut continuer de l’acheminer. La dynamique change, et les services postaux doivent suivre le rythme.
Pour ce qui est d’assurer que les employés des postes soient payés équitablement, je peux affirmer que des discussions sont en cours à ce sujet. Notre engagement à cet égard est ferme. Postes Canada est déjà à mettre en œuvre des mesures pour répondre à la récente décision en matière d’équité salariale. La dynamique est en train de changer, et les répercussions sur les facteurs des régions rurales sont considérables.
Nous faisons de notre mieux pour offrir à tous un environnement de travail sécuritaire et propice à leur épanouissement.
Pour ce qui est de la viabilité à long terme de la société, les discussions entourant l’actuel processus de négociation collective, qui porte sur des questions tant financières qu’opérationnelles, permettront, dans une certaine mesure, d’orienter les activités de Postes Canada.
Si les dispositions de cette entente orientent d’une certaine façon les activités de l’organisation, il peut être très difficile d’assurer la viabilité opérationnelle. Si les dispositions de cette entente orientent les activités autrement, on peut assurer la viabilité financière de la société.
D’une certaine façon, la société est en quelque sorte à un tournant. Nous sommes aussi très conscients que les bons emplois qu’elle fournit doivent être maintenus pour les trois à cinq prochaines années.
Le sénateur Mercer : Pour conclure mon intervention au sujet de la mise en œuvre de votre stratégie, j’aimerais paraphraser le premier ministre. J’espère que tout le monde s’en souviendra. Nous sommes en 2018. On ne peut pas traiter les Canadiens des régions rurales différemment des Canadiens des régions urbaines. Si vous voulez plaire à la classe moyenne et à ceux qui veulent en faire partie, vous devriez en tenir compte.
Ms. Qualtrough : Je suis tout à fait d’accord.
Le sénateur White : Je remercie la ministre et les fonctionnaires de leur présence.
Ma question portera plus précisément sur l’examen de Postes Canada qui a été promis. Je sais que, à la suite des élections de 2015, un certain nombre de mesures de rentabilisation ont été annulées, notamment en ce qui a trait à la livraison du courrier. Je crois comprendre qu’un examen devait être réalisé au cours des prochaines années. Je me demande si nous pourrions avoir des nouvelles de cet examen et s’il a été réalisé. Sinon, j’aimerais savoir où nous en sommes dans ce dossier. Je suis conscient que la question devrait probablement s’adresser aux fonctionnaires plutôt qu’à la ministre.
Mme Qualtrough : Merci. Je peux vous répondre officiellement que nous avons en fait, comme je l’ai dit, réalisé un examen. Cet examen incluait une étude effectuée par la Chambre des communes, la mise sur pied d’un groupe de travail, puis la formulation de recommandations à ma prédécesseure à ce poste.
Le résultat de cet examen, c’est que quelques semaines après ma nomination, nous avons présenté une nouvelle vision pour Postes Canada axée sur la prestation de services essentiels aux Canadiens. Nous avons annoncé la suspension de la conversion aux boîtes postales communautaires. Nous avons aussi annoncé — je tente de m’assurer, Alfred, de n’oublier aucun élément de notre nouvelle vision. Mes fonctionnaires pourraient sûrement nous apporter de l’aide.
Ce que je veux dire, c’est que nous avons annoncé l’établissement d’un nouveau leadership au sein de Postes Canada. Il y a un nouveau conseil d’administration et une nouvelle présidente du conseil. Nous avons remis une nouvelle lettre de mandat à la société dans laquelle nous précisons que le renouvellement de la relation entre les employés et la direction est l’une des priorités du gouvernement. Nous en avons fait une priorité. Je pense qu’il serait un euphémisme de dire que cette relation a été brisée sous le gouvernement précédent. Elle va devoir être rebâtie, et cela va prendre un certain temps. Je vous invite à demander à la présidente du conseil d’administration de Postes Canada ce qu’elle pense des négociations collectives, qui ont été stressantes et tendues, et de la façon dont la dynamique au sein de la société a changé.
J’aimerais pouvoir mieux décrire la situation, parce qu’il y a certes eu des changements dans la manière dont les opérations quotidiennes de Postes Canada sont menées. Cette évolution prend du temps, mais nous en avons fait une priorité.
Le sénateur White : J’ai un peu de la difficulté à voir en quoi les choses se sont améliorées alors que nous siégeons ici aujourd’hui pour adopter une mesure législative qui forcera un syndicat à accepter l’arbitrage. Je me demande si vous pourriez expliquer comment cela s’est fait.
Mme Qualtrough : Les améliorations, comme je l’ai dit, ont consisté à regagner la confiance et à rétablir les relations. En ce moment, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes tente de regagner le terrain perdu lors de rondes précédentes de négociations collectives et de défendre les enjeux qu’il estime devoir aborder. Le premier ministre, par mon intermédiaire, a confié à Postes Canada le mandat très important de maintenir la viabilité financière de la société.
Même si des initiatives vraiment originales ont été entreprises autour des négociations collectives, le fait qu’il y avait des négociations en cours durant l’année a parfois engendré une dynamique très tendue. Je dirais que les parties ne seraient pas encore à la table de négociations, à se relever les manches et à travailler fort, si la relation ne s’était pas autant améliorée.
Le sénateur White : Par curiosité, laissez-vous entendre que vous êtes d’accord avec le syndicat, qu’il a de quoi se plaindre de Postes Canada et des négociations? Est-ce bien ce que vous laissez entendre?
Mme Qualtrough : Non. Je répète ce que le syndicat m’a dit, à savoir qu’il estime avoir du terrain à regagner dans les présentes négociations collectives.
Le sénateur White : Êtes-vous d’accord?
Mme Qualtrough : Je ne pense pas qu’il m’appartient de faire cette évaluation. Ce que j’ai demandé à Postes Canada, c’est de traiter les employés de manière juste et équitable.
Le sénateur White : En fait, je crois que c’est à vous d’effectuer une évaluation, étant donné que vous êtes mieux renseignée que nous. Nous nous efforçons d’obtenir de vous tous les renseignements que nous pouvons afin de prendre une décision éclairée.
Votre opinion nous est précieuse; autrement, vous ne seriez pas ici pour la donner. Si je puis me le permettre, j’aimerais vous demander, encore une fois, si vous pensez que les plaintes qu’a formulées le STTP dans le cadre des négociations sont légitimes.
Mme Qualtrough : Merci, sénateur. Je pense que nous avons tâché, avec ce projet de loi, d’intégrer des principes qui tiennent compte des questions qui, dans le cadre de ce processus de négociation collective, se posent pour la partie patronale et la partie syndicale.
À titre de ministre responsable de superviser Postes Canada, je suis très à l’aise avec la manière dont cet employeur traite ses employés. En tant qu’avocate spécialisée en droits de la personne, je peux vous garantir que les droits de la personne n’ont pas été violés. Je suis d’avis qu’il y a toujours place à l’amélioration lorsqu’il est question de relations de travail. J’ai espoir qu’une entente négociée entre les deux parties va permettre d’améliorer la dynamique de travail chez Postes Canada.
La sénatrice Dasko : Merci. Je ne puis m’empêcher de poser une question complémentaire à celles qu’ont posées le sénateur Sinclair et la sénatrice Lankin au sujet des conséquences économiques de la grève tournante.
J’ai été frappée, moi aussi, par l’aspect anecdotique des renseignements présentés. Je répète en partie ce que mes collègues ont déjà dit, j’en suis consciente. J’ai l’impression que la réponse m’échappe encore.
Les exemples de difficultés présentés ont été contrés ce matin, avant votre arrivée, par des anecdotes fournies par la sénatrice Lankin : d’après celles-ci, le syndicat nie que les difficultés mentionnées se sont produites. Par conséquent, nous ne pouvons que nous interroger sur la véracité des diverses anecdotes présentées. Par ailleurs, les résultats de sondages effectués par des groupes d’entreprises, bien qu’intéressants — les résultats de sondages m’intéressent toujours, évidemment —, ne fournissent peut-être pas de données très probantes sur les conséquences économiques de la grève. Vous avez eu plusieurs semaines pour examiner tout cela.
Quelqu’un a mentionné plus tôt un rapport du ministère des Finances à propos des conséquences de la grève. C’était la ministre Qualtrough, je crois. Apparemment, il ne nous reste que deux jours pour prendre une décision au sujet du projet de loi à l’étude. J’espère très fortement que nous pourrons obtenir et examiner l’analyse économique mentionnée. En effet, je n’ai pas l’impression que, d’après ce qui s’est dit jusqu’à maintenant, nous avons vraiment été au-delà des témoignages anecdotiques, alors j’espère vraiment que nous pourrons l’obtenir. C’est ce que je demande aux ministres.
(1400)
De plus, je tiens à mentionner qu’un rapport de ce type ne révélera aucun renseignement confidentiel au sujet d’employeurs en particulier. Il s’agirait d’un rapport visant à évaluer les incidences économiques de la grève tournante, tant celles qui sont déjà perceptibles que celles qui pourraient survenir selon les sources d’information dont vous disposez et que vous jugez crédibles, pas celles qui ont soulevé des problèmes qui, d’après ce que disent les syndicats, ne sont peut-être pas tout à fait exacts. C’était ma question. Merci.
Mme Qualtrough : Merci. Si je puis me permettre, madame la présidente. Je tiens à assurer à tous les sénateurs que, si je vous informe, par exemple, qu’il y avait à un certain moment 600 remorques remplies de colis qui n’avaient pas encore été triés, c’est que c’était le nombre réel de remorques qui attendaient d’être déchargées. J’ai suivi les fluctuations du nombre de remorques au cours des deux, trois, quatre dernières semaines. À l’heure actuelle, ce nombre a atteint un sommet, soit 600 remorques. Alfred m’a reprise et m’a dit que c’était environ 400 remorques. J’ai vu des photos de ces remorques. J’ai vu les colis — eh bien, des photos des colis. Évidemment, je ne me suis pas rendue sur le terrain pour voir les remorques, mais ce ne sont pas des nombres inventés.
Lorsque surviennent des préoccupations en matière de sécurité parce que des entrepôts sont remplis de remorques et de courrier qui n’a pas été traité, lorsque nous ne pouvons plus accepter le courrier de l’étranger et les colis de l’étranger, il n’est pas question d’une stratégie de Postes Canada ou du gouvernement pour ajouter de la pression sur la négociation collective. Ce serait complètement irresponsable d’agir ainsi et ce n’est tout simplement pas le cas.
En ce qui concerne les répercussions financières, les données globales révèlent que certains organismes de bienfaisance ont subi des pertes de revenus et en prévoient d’autres. Il y a aussi eu une baisse de 20 à 30 p. 100 du côté du commerce en ligne. Nous savons aussi, à cause des dernières années, ce que représente la période des 30 jours avant Noël par rapport au reste de l’année sur le plan des revenus des entreprises. C’est 40 p. 100 et il ajoute à l’arriéré. Cet arriéré ne sera pas éliminé en deux jours. Je regrette. Il faudrait poser la question à Postes Canada; il y a beaucoup de remorques qui attendent.
L’Agence des services frontaliers du Canada essaie en ce moment de déterminer comment on va procéder pour traiter tous ces articles et les faire passer à la frontière une fois que les activités auront repris, comment on assurera l’intégrité des colis et la sécurité. La tâche est titanesque. Il ne s’agit pas d’une invention de Postes Canada.
La sénatrice Dasko : Excusez-moi, madame la ministre, je n’ai pas dit que vous inventiez. Ce n’est pas ce que j’ai dit. Donc, je vous en prie. Ce que j’ai dit, c’est que, ce matin, la sénatrice Lankin a présenté de l’information provenant d’autres sources qui avaient peut-être donné des chiffres différents pour certains des détails dont on nous fait part. C’est ce que j’ai dit. Je vous en prie, je n’ai pas dit que vous les inventiez.
Mme Qualtrough : Mes excuses, je voulais simplement préciser.
La sénatrice Dasko : Je vous remercie beaucoup. Je fais suite aux questions des sénateurs Sinclair et Lankin. À vrai dire, je cherche un rapport. Nous avons reçu un rapport sur l’incidence de cette mesure au regard de la Charte. C’est une simple demande. Les répercussions économiques de la grève sont, à mon avis, tout aussi importantes que l’incidence du projet de loi au regard de la Charte. C’est ce qui nous intéresse, en fait. Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Madame la ministre, quand vous parlez de services essentiels, vous parlez toujours des entreprises, et non des citoyens. J’espère que vous êtes au courant du fait que Postes Canada a de la concurrence et que les entreprises peuvent avoir recours à d’autres compagnies privées. Pour ces entreprises, votre définition des services essentiels, quant à moi, m’apparaît farfelue et non justifiée, pas assez justifiée pour retirer un droit de grève alors qu’il n’y a pas d’arrêt complet des services de Postes Canada. J’aimerais vous entendre à ce sujet, et j’aurai d’autres questions à poser par la suite.
[Traduction]
Mme Hajdu : L’arrêt de travail, même s’il ne s’agit pas d’un arrêt complet, a eu des répercussions importantes sur les petites et moyennes entreprises, sur le secteur caritatif, mais aussi, je crois, sur les Canadiens vulnérables. Nous avons certainement une responsabilité envers les personnes qui vivent dans des régions rurales ou éloignées, comme le Nord du Canada, qui n’ont accès qu’à un seul service, soit Postes Canada. Imaginez-vous un village rural ou éloigné qui dépend de Postes Canada, non seulement pour les biens non essentiels, mais aussi pour les biens essentiels au fonctionnement de sa population, pour la santé et la sécurité de ses membres.
Même s’il s’agit de grèves tournantes, il y a tout de même des retards dans les livraisons. Cela a des effets profonds et importants sur les Canadiens de tous les horizons, notamment les petites et moyennes entreprises et le secteur caritatif, qui dépend du publipostage direct.
J’aimerais également ajouter que, bien qu’une entente ait été conclue entre les syndiqués et la Société canadienne des postes selon laquelle les chèques de prestations sociales continueraient d’être livrés, l’interruption de service entraîne parfois un retard dans la livraison de ces chèques. Certains électeurs préoccupés de ma circonscription ont communiqué avec moi pour me faire part du fait qu’ils n’ont pas reçu leur chèque à temps. Même si on ne parle que de quelques jours de retard, cela peut faire la différence entre avoir les moyens de se loger ou non, selon leur bail, leur propriétaire ou leur situation personnelle. Souvent, les gens dépendent des chèques qu’ils reçoivent de l’État ou d’autres sources. Cet argent leur arrive juste à temps et ils en ont besoin tout de suite. Ils comptent sur les paiements qui leur sont faits, tout comme c’est le cas des propriétaires de petite entreprise, qui ont une marge de manœuvre très étroite. C’est ce qui fait que des gens seront en mesure de faire leur épicerie à la fin du mois ou non.
Les conséquences de ces cinq semaines de grève tournante se font de plus en plus sentir. Elles sont importantes et touchent de diverses façons les Canadiens des différentes régions au Canada.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Dans votre présentation, vous avez dit vouloir établir un processus de médiation et d’arbitrage. Comment les travailleurs et, surtout, les travailleuses pourraient-ils ressentir de la confiance à l’égard du résultat de ce processus, alors qu’une décision sur l’équité salariale avait déjà été rendue il y a plusieurs mois et que Postes Canada ne la respecte toujours pas?
[Traduction]
Mme Hajdu : Je vais parler du processus et de mes attentes en tant que ministre du Travail, et bien évidemment, des obligations juridiques de la société d’État de respecter la négociation collective. Tout d’abord, en ce qui concerne le processus que nous avons mis en place, les membres peuvent être sûrs que nous avons rédigé ce projet de loi de façon très différente de celui de 2011. Le processus de nomination d’un médiateur-arbitre doit être impartial, équilibré et libre de toute influence politique pour permettre l’établissement de principes sur lesquels pourra se fonder l’arbitre lorsqu’il se penchera sur les craintes des travailleurs ainsi que les problèmes évoqués par la société d’État.
Quatre des six principes que j’ai mentionnés plus tôt portent spécifiquement sur les besoins des employeurs qui ont été relevés lors des diverses rondes de négociation collective et tiennent compte du mandat de Postes Canada voulant qu’il améliore sa relation avec ses membres qui travaillent si fort tous les jours pour que Postes Canada puisse s’acquitter de ses fonctions.
En ce qui concerne le respect des décisions qui ont été prises, je cède la parole à ma collègue pour qu’elle en parle.
Mme Qualtrough : Merci, sénateur. Je vous assure que Postes Canada est en train de mettre en œuvre les lignes directrices décidées par l’arbitre en ce qui concerne l’équité salariale et s’inspire de celles-ci pour prendre des décisions relativement à la structure du travail, aux taux de rémunération et à tous les autres éléments couverts par la décision de l’arbitre, en collaboration avec le syndicat.
À mon avis, ce processus particulier et la mise en œuvre de la décision sur l’équité salariale illustrent le fonctionnement de cette relation. Je pense que les processus qui se déroulent en parallèle ne sont pas nécessairement représentatifs des éléments positifs de l’évolution de la relation qu’on observe à mesure que la société d’État s’efforce de concrétiser la nouvelle vision et de s’acquitter du nouveau mandat que nous lui avons confié.
(1410)
[Français]
Le sénateur Dagenais : En ce qui concerne le processus du respect de la décision en matière d’arbitrage, pourriez-vous nous indiquer ce qui justifie le fait que Postes Canada ne respecte pas actuellement la décision qui a été rendue en matière d’équité salariale?
Mme Hajdu : Excusez-moi, sénateur, pourriez-vous répéter la question, s’il vous plaît?
Le sénateur Dagenais : Vous parlez d’un processus d’arbitrage depuis 2011, mais, cette fois-ci, ce serait énoncé différemment. Pourriez-vous nous indiquer ce qui justifie le fait que Postes Canada ne respecte pas, en ce moment, la décision rendue en matière d’équité salariale? À l’heure actuelle, il n’y a aucun respect de l’équité salariale, malgré la décision de l’arbitre à ce sujet.
[Traduction]
Mme Qualtrough : Postes Canada et le syndicat sont passés par un processus intense qui s’est conclu par une décision de l’arbitre en matière d’équité salariale. Ils sont maintenant en train de mettre en œuvre cette décision, et je surveille le déroulement des choses.
Je vous prie de demander à Postes Canada et au syndicat ce qu’ils pensent de ce genre de processus axés sur les résultats visant à mettre en œuvre cette décision. Notre gouvernement tient absolument à promouvoir l’équité salariale dans chaque milieu de travail, notamment au sein de ceux qui, comme Postes Canada, relèvent de notre compétence. Des mesures sont prises à cet égard au moment où l’on se parle, sénateur. Vous avez ma parole.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma dernière question est plus technique. À titre de ministre responsable de Postes Canada, pourriez-vous me dire quelles sont les augmentations de salaire que recevront les membres de la direction de Postes Canada, comparativement à celles qui seront offertes aux travailleurs syndiqués?
Mme Qualtrough : Excusez-moi, sénateur, je n’ai pas cette information. Je suis chargée du processus. Vous pouvez nous demander cette information, et nous pourrons l’obtenir pour vous. Vous pouvez aussi demander à Postes Canada d’obtenir ces détails.
Le sénateur Dagenais : Il y a environ six ans, le salaire annuel du PDG de Postes Canada était de 686 000 $.J’imagine que ce montant sera bonifié puisqu’on demande un meilleur rendement, mais il serait intéressant de le savoir afin de le comparer à ce que recevront les travailleurs et les travailleuses de Postes Canada.
Merci beaucoup, madame la ministre
[Traduction]
La sénatrice Omidvar : Je remercie les ministres et le personnel d’être ici aujourd’hui. Nous avons beaucoup parlé de preuves et d’anecdotes. Je pense que les deux sont importants. Les anecdotes contribuent au contexte.
J’ai ici — nous l’avons tous, je crois — un courriel d’un facteur de Rimouski, au Québec. Je vais vous en lire un extrait. Il est facteur depuis 10 à 15 ans. En raison des colis et de leur poids, son travail n’a jamais été plus difficile. Il dit que la longueur de l’itinéraire moyen a augmenté, de même que le taux de blessures. Par conséquent, ils sont forcés de faire des heures supplémentaires et de travailler plus tard, dans le noir, et ils n’ont jamais le temps de se remettre de leurs douleurs articulaires. Il exhorte les sénateurs et les ministres à permettre au syndicat de négocier une réelle entente avec l’entreprise, sans lui donner l’impression qu’elle n’a jamais besoin de nous parler. Il conclut son courriel ainsi :
Ne laissez pas une semaine de rabais en ligne détruire le droit d’expression de 50 000 travailleurs.
Avez-vous une réponse pour lui?
Mme Qualtrough : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je répéterai ce qu’a dit ma collègue plus tôt, c’est-à-dire que nous n’avons pas décidé à la légère de présenter ce projet de loi. Nous sommes convaincus d’avoir attendu jusqu’au moment où les parties étaient dans une impasse et où les conséquences économiques du conflit de travail étaient assez importantes pour justifier une telle intervention. Nous avons conçu le projet de loi de manière à mettre l’accent sur le processus et sur les résultats qui en découleront grâce aux efforts des parties, qui négocieront tout d’abord dans un contexte de médiation, le dernier recours étant celui de l’arbitrage.
Je trouve terrible de savoir qu’un travailleur vit une telle expérience dans son milieu de travail. Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour changer la culture d’entreprise et faire en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas.
Il est évident qu’il existe des défis organisationnels. Il faut trouver un juste équilibre entre les enjeux relatifs aux droits des travailleurs et les décisions opérationnelles qui réduisent la capacité de l’entreprise de s’adapter et de demeurer viable. C’est un équilibre très difficile. Nous n’agissons vraiment pas à la légère.
La sénatrice Omidvar : Merci. Je suis heureuse de savoir que vous ressentez de l’empathie pour ce que vit ce facteur. Permettez-moi maintenant d’aborder un autre angle et de m’aventurer en terrain inconnu, c’est-à-dire d’aller vers un sujet que nous n’avons pas abordé jusqu’ici. Il s’agit des traités internationaux auxquels le Canada participe. Je ne suis pas certaine de la pertinence de cette question, mais j’aimerais vous la poser tout de même.
Le projet de loi à l’étude va-t-il à l’encontre de traités internationaux auxquels participe le Canada, particulièrement de traités qu’il a signés avec l’Organisation internationale du Travail?
Mme Hajdu : Merci beaucoup. Ce fut un moment marquant de ma carrière de ministre lorsque, il y a un peu plus d’un an, j’ai signé la convention no 98 de l’Organisation internationale du travail. Celle-ci réaffirme la perspective du gouvernement selon laquelle les travailleurs ont le droit de s’organiser et de négocier librement.
De notre point de vue, le projet de loi n’entrave pas le processus. Comme je l’ai mentionné dans mes observations préliminaires, nous avons fait tout en notre pouvoir pour aider les parties à en arriver à une entente négociée, malgré le conflit de travail qui persiste depuis cinq semaines. En fait, nous travaillons avec les parties depuis bien plus d’un an, en augmentant progressivement le degré d’intervention et de soutien, d’abord avec des conciliateurs, puis des médiateurs. Nous avons nommé des médiateurs spéciaux, dont le mandat a été reconduit.
Il est devenu évident que l’écart entre ce que le syndicat juge nécessaire d’inclure dans la convention collective et ce que l’employeur estime être capable d’offrir était plutôt vaste et que les parties se trouvaient dans une impasse. Nous espérions voir les parties en arriver à un engagement véritable en poursuivant le processus de méditation, mais ce ne fut pas le cas. On n’allait pas se sortir facilement ou rapidement de cette impasse. Si la situation perdurait ainsi, elle causerait un grand tort aux Canadiens et à l’économie.
Les avancées étaient vraiment très modestes. En fait, il n’y en avait pratiquement pas. Aucune baisse des exigences, par exemple, ne nous permettait d’évaluer si le processus avançait, même lentement, vers une conclusion.
Voilà la situation actuelle. Je le répète, je regrette profondément d’être ici aujourd’hui; en fait, j’en suis consternée. Je pense vraiment que la meilleure entente est celle qui découle des négociations entre les deux parties.
C’est justement pour cette raison que nous avons élaboré ce projet de loi comme nous l’avons fait, pour aider les parties à arriver à une entente. Nous voulons encore leur laisser la possibilité de procéder par la médiation. En cas d’échec, nous voulons que les principes soient déjà en place afin de tenir compte des préoccupations qui ont été exprimées. Comme je l’ai dit, quatre d’entre eux portent expressément sur des points soulevés au cours du processus que nous avons jugés suffisamment graves pour qu’il faille en tenir compte, de même que des inquiétudes de la société par rapport à sa viabilité à long terme, qui, comme vous le savez, a des conséquences directes sur les employés. En fait, les travailleurs veulent voir à ce qu’il y ait à l’avenir des emplois pour eux.
La sénatrice Omidvar : J’ai, moi aussi, ressenti une immense fierté lorsque vous avez signé la convention, l’an dernier.
Je ne suis pas certaine qu’on ait répondu à ma question. Est-ce que nous enfreignons ou non le traité que nous avons signé?
Mme Hajdu : Ce sera à d’autres d’en décider. Nous avons confiance dans l’approche que nous suivons. Nous estimons respecter le processus de négociation collective. Je ne peux préjuger de ce que les autres décideront.
La sénatrice Omidvar : Merci.
La sénatrice Poirier : Merci, madame la présidente. Je remercie les deux ministres d’être parmi nous aujourd’hui.
Madame la ministre, dans votre réponse à la question précédente, vous avez indiqué que c’est la chose qui s’impose dans l’intérêt de tous les Canadiens. Je suis tout à fait d’accord. Quand nous prenons des décisions aussi importantes que celle-ci, il faut voir à ce que tout le monde soit traité équitablement. J’ai toutefois l’impression qu’un groupe de Canadiens figure actuellement tout au bas de la liste des priorités du gouvernement.
(1420)
Madame la ministre, votre gouvernement affirme soutenir les petites entreprises, mais ses gestes semblent contredire cette affirmation. Vous avez augmenté les cotisations au RPC et à l’assurance-emploi. Vous avez tardé à réduire le taux d’imposition des petites entreprises, un plan mis en branle par l’ancien gouvernement. En fait, vous vous êtes plutôt employés à alourdir le fardeau fiscal des petites entreprises. Enfin, dans ce dossier-ci, vous avez mis du temps à réagir alors que la grève des postes entraînait des coûts considérables pour les entreprises.
Madame la ministre, pourquoi les entreprises qui travaillent fort sont-elles toujours le dernier des soucis du gouvernement?
Mme Hajdu : Je vous remercie, sénatrice. Nous sommes, au contraire, particulièrement fiers de tout ce que nous avons fait pour soutenir la croissance des petites et moyennes entreprises. En fait, l’économie canadienne figure parmi celles qui croissent le plus vite de tout le G7. Le taux de chômage est à son plus bas depuis les années 1970. Les entreprises canadiennes embauchent.
Quand je sillonne le pays dans le cadre de mes fonctions, il y a une question que me posent très souvent les employeurs : « Où puis-je trouver d’autres gens à engager? Je voudrais croître plus rapidement, mais je suis incapable de dénicher les gens de talent dont j’ai besoin. » Voilà qui, à mes yeux, prouve que les PME du pays se portent bien et sont en pleine croissance. Nous avons investi massivement dans l’innovation, dans les sociétés de développement économique local et dans les mécanismes de soutien aux entrepreneurs, quel que soit leur secteur d’activité. Nous soutenons aussi les entrepreneurs autochtones, les femmes d’affaires et j’en passe.
Je suis en mesure d’affirmer que nous réduisons l’impôt des petites entreprises. Nous sommes même très près de ce que nous avions promis pendant la campagne électorale.
Nous nous réjouissons du succès que connaissent les PME du pays. Voilà pourquoi ce projet de loi est si important, pour tout vous dire. Nous respectons les PME et nous savons qu’à l’heure où on se parle, elles en arrachent.
Certains des exemples que j’ai donnés hier soir portaient sur des entreprises de très petite taille ou qui viennent tout juste d’ouvrir leurs portes. Je pense par exemple à cette dame qui occupe un créneau encore inédit et qui a décidé cette année de faire le grand saut et de se consacrer à plein temps à son entreprise. Elle a quitté un emploi rémunéré pour devenir entrepreneure. Son histoire m’a particulièrement touchée. Cette grève ne faisait pas partie de son plan d’affaires. Jamais elle n’aurait pu prévoir qu’une telle tuile lui tomberait sur la tête. Elle est aujourd’hui dans une position extrêmement vulnérable, parce que la période la plus occupée de l’année est à nos portes.
Je comprends ce que vous dites, sénatrice. Les petites et moyennes entreprises du pays pourront toujours compter sur nous, parce que nous savons que ce sont elles qui font tourner l’économie canadienne et que, sans elles, de nombreux Canadiens n’auraient pas d’emploi.
Je vous remercie de votre question.
La présidente : Nous passons à la sénatrice Deacon, de l’Ontario.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie, ainsi que votre personnel, d’être des nôtres cet après-midi. Je vous en suis très reconnaissante.
Ma question porte sur ce que nous avons dit cet après-midi au sujet des renseignements et des faits qui sont communiqués aux Canadiens et des efforts de consultation auprès de la population canadienne. Je crois que les Canadiens méritent aussi d’être informés. Comme nous sommes tous ici pour représenter les Canadiens, je crois qu’il est important de bien leur communiquer les faits.
Nous avons certainement un défi de taille à relever, et nous y arriverons d’une manière ou d’une autre. C’est ce que nous nous employons à faire en ce moment et pendant ce week-end.
Ma question porte sur le plan à long terme qui est envisagé pour Postes Canada. Quelles leçons ont été retenues? Que fera-t-on différemment pour que l’on n’ait pas à retourner de sitôt à la table de négociation?
Mme Qualtrough : Merci, sénatrice. Je pense qu’il s’agit là d’une question très réfléchie. Nous avons passé beaucoup de temps à déterminer la meilleure voie à suivre pour Postes Canada et ses employés; nous continuons à le faire, d’ailleurs. Je peux vous dire, sénatrice, que la nature des activités de Postes Canada est en train de changer. La société réoriente son modèle d’affaires pour demeurer concurrentielle afin de pouvoir continuer à fournir des services aux Canadiens.
J’aimerais répéter que, par l’entremise de la nouvelle direction, j’ai consacré beaucoup de temps et accordé une grande importance à rebâtir la relation de cette dernière avec le syndicat. C’est pourquoi il est très difficile d’accepter d’en être où nous en sommes aujourd’hui, alors que j’estime que nous avions réalisé de bons progrès.
J’espère que nous ne nous retrouverons plus dans une telle situation. Je ne crois certainement pas qu’il est impossible d’envisager un avenir où les parties patronale et syndicale auront réussi à régler leurs différends et où ils travailleront de nouveau ensemble en toute confiance. Je n’ai absolument aucun doute que la nouvelle présidente du conseil d’administration et présidente-directrice générale de la Société canadienne des postes saura bien mener le bateau et je peux vous dire qu’elle s’est engagée personnellement à agir pour le bien des employés de la Société et à tracer une voie à suivre qui permettra à Postes Canada d’accomplir toutes les tâches fort complexes que nous lui avons confiées. J’espère qu’elle pourra vous le dire elle-même.
La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de votre réponse.
Adopter une approche proactive et anticiper les futurs milieux de travail font partie du processus. Or, si on y réfléchit du point de vue de la structure organisationnelle, est-ce un cas où les perturbations et les changements se sont fait trop attendre?
Mme Qualtrough : C’est une bonne question. Je préfère ne pas me livrer à des conjectures, mais ce n’est pas impossible. C’est pour cette raison que le gouvernement doit tenir compte de la réalité opérationnelle et commerciale de l’entreprise comme un facteur, un élément contextuel, de la négociation collective. Après tout, nous cherchons à ce que Postes Canada soit viable, dynamique, prospère et durable dans l’avenir.
Si les problèmes opérationnels sont abordés à la table de négociations, l’entreprise risque d’être obligée d’adopter une certaine orientation pour l’avenir. Nous touchons ici à certains des problèmes complexes auxquels font face les deux parties. Elles ont de la difficulté à distinguer ce qui relève des droits des travailleurs — des enjeux qui doivent absolument être discutés à la table des négociations — et ce qui concerne la prise de décision opérationnelle ou la pratique commerciale. Par conséquent, on retire le pouvoir décisionnel du président, du conseil et de la direction sur certaines questions pour les inclure dans le processus de négociation collective, ce qui est compliqué et difficile. Il faut ensuite tenter d’établir un juste équilibre. D’un côté, il y a des enjeux légitimes qui doivent faire l’objet de discussions dans le cadre de ce processus. De l’autre côté, grâce à une entreprise de services postaux concurrentielle, souple et adaptée aux besoins, nous pourrons toujours compter sur ces bons emplois. Les postes changeront sûrement, mais nous en avons besoin. Ce sont d’excellents emplois.
La sénatrice Deacon : Merci, madame la ministre.
Le sénateur Plett : Merci, mesdames les ministres, d’être ici présentes. Dans votre réponse à la question de la sénatrice Poirier, vous avez dit que le gouvernement actuel soutenait beaucoup les petites entreprises.
Or, selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, depuis le 22 octobre, date à laquelle les grèves tournantes des postes ont commencé, celles-ci ont coûté au moins 3 000 $ à l’entreprise canadienne moyenne. Des petites entreprises qui doivent pouvoir compter sur les services postaux ont été forcées de suspendre leurs activités et d’autres de fermer.
En quoi cela constitue-t-il du soutien aux petites entreprises? Êtes-vous plus préoccupée par certains secteurs de la société que d’autres? Je pense que les petites entreprises sont l’épine dorsale de notre pays.
Je suis déçu par certaines de vos réponses, par exemple lorsque vous désignez le gouvernement précédent comme la cause du problème. Vous en êtes à la dernière année d’un mandat de quatre ans, et peut-être même aux derniers mois de ce mandat, et vous tenez encore un gouvernement précédent responsable de vos échecs.
Justin Trudeau a dit qu’il ne ferait pas comme Stephen Harper en ce qui concerne les lois de retour au travail. Le fait est que le père de Justin Trudeau, Pierre Trudeau, a probablement présenté plus de lois de retour au travail que tout autre premier ministre canadien.
En 1997, le gouvernement Chrétien a mis fin à une grève postale en seulement 10 jours. C’est deux jours de moins que Harper. Même si Harper a agi très rapidement, il lui a fallu 12 jours.
(1430)
J’ai quelques questions, mesdames les ministres, et la première porte sur le manque de soutien offert par le gouvernement aux entreprises canadiennes. Vous n’assumez pas la responsabilité de vos propres lacunes en tant que gouvernement et vous blâmez les gouvernements précédents pour ce que vous avez fait. Au prix que cela coûte aux entreprises canadiennes, pourquoi a-t-il fallu presque trois fois plus de temps à votre gouvernement pour intervenir dans ce dossier?
Mme Hajdu : Merci, sénateur.
Le projet de loi de retour au travail concernant Postes Canada qui a été présenté en 2011 par le gouvernement précédent a été jugé inconstitutionnel. En fait, il était grossièrement inconstitutionnel.
Nous ne blâmons pas le gouvernement Harper pour nos problèmes, quoique je sois certaine que sa relation et son style de relation avec les membres du syndicat n’ont pas aidé la société d’État, qui doit maintenant surmonter d’énormes obstacles pour regagner la confiance de ses employés. Voilà pourquoi l’un des principes directeurs est la création d’une culture de relations patronales-syndicales axées sur la collaboration. Nous savons qu’il incombe de mener à bien cette tâche monumentale, mais l’héritage du gouvernement Harper n’a pas facilité la tâche à la PDG de Postes Canada ni aux directeurs qui y travaillent.
En tant que gouvernement, il nous incombe d’établir un équilibre entre les décisions des tribunaux et ce qu’indique la Charte pour que, lorsque nous agissons d’une manière qui porte atteinte aux droits des Canadiens, nous ayons la preuve que nous avons le pouvoir juridique de le faire en toute confiance et que nous avons agi avec la diligence raisonnable.
Le montant de 3 000 $ a seulement été calculé la semaine dernière. Nous avons des collègues ici qui demandent des données probantes. Cela prend du temps. Il faut du temps pour produire des données. Il faut du temps pour que les dommages s’accumulent. Il faut du temps pour estimer les types de dommages qui seront causés si la grève se poursuit.
Nous voulions être prudents. Je crois que nous y sommes parvenus en veillant au respect du droit à l’action collective et à l’interruption de travail. Or, les conséquences dépassent les simples inconvénients. Nous avions des preuves concrètes des torts causés aux organismes de bienfaisance, aux PME qui nous servent tous les jours et aux Canadiens dans les collectivités rurales et éloignées qui dépendent de Postes Canada au quotidien et pour obtenir les biens essentiels qui leur sont expédiés.
Par conséquent, monsieur le sénateur, je suis extrêmement fière que le gouvernement s’attache à trouver un équilibre entre des éléments souvent difficiles à concilier. Il s’acquitte de sa responsabilité de trouver un juste milieu entre le respect du droit des travailleurs à l’interruption de travail et à la négociation collective, qui compte la grève parmi ses moyens de pression, et le respect des besoins des Canadiens et le rétablissement d’un service essentiel pour de nombreux Canadiens partout au pays.
Le sénateur Plett : Vous dites avoir seulement pris connaissance du montant de 3 000 $ tout récemment. J’en déduis que vous n’avez mené aucune consultation auprès des petites entreprises pour savoir quelles étaient les répercussions, parce que je suis persuadé que vous saviez que les dépenses supplémentaires étaient astronomiques, même si vous ne connaissiez pas le montant exact.
Madame la ministre, après le discours du leader du gouvernement au Sénat aujourd’hui, on lui a demandé depuis combien de temps cette grève durait et pourquoi il était aussi urgent de conclure une entente. Je pense qu’il nous a répondu que le litige durait depuis plus d’un an. Pourquoi alors attendons-nous à la dernière minute pour passer à l’action? Je suis convaincu que même le gouvernement a été en mesure de constater, en septembre, en octobre et en novembre, que quelque chose n’allait pas du tout. Comme le sénateur Housakos l’a dit, Noël est le 25 décembre chaque année.
Mme Hajdu : Je vous remercie, sénateur.
Le gouvernement a fait tout ce qui était en son pouvoir pour aider ces parties à en arriver à une entente. Les parties ont le droit de négocier en vue d’arriver à une entente.
Permettez-moi d’expliquer encore une fois ce que nous avons fait. Il y a plus d’un an, des médiateurs du Service fédéral de médiation et de conciliation ont commencé à travailler avec les parties, à ma demande en fait. J’exhorte toutes les parties qui négocient dans un milieu de travail sous réglementation fédérale à ne pas trop attendre pour lancer ces conversations, à dialoguer souvent et à établir des relations ensemble pour pouvoir continuer à tenir ces conversations difficiles.
Négocier une convention collective peut être un travail de très longue haleine. Dans une organisation comme Postes Canada, qui compte différents types de travailleurs, de conventions collectives et de problèmes de longue date, nous avions prévu que cela prendrait beaucoup de temps. Voilà pourquoi nous avons demandé aux parties d’accepter rapidement la médiation.
La ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et moi avons souvent discuté avec l’employeur et le syndicat pour les inciter à continuer à négocier de façon constructive.
Lorsque ces conversations ont semblé être dans une impasse, j’ai nommé un médiateur spécial dans l’espoir que, avec un regard neuf, une nouvelle perspective, il puisse aider les parties à poursuivre ce travail pénible et à trouver un terrain d’entente. J’ai reconduit le mandat du médiateur spécial à plusieurs reprises après l’échec des pourparlers.
Puis, après l’arrêt de travail, nous avons continué de travailler avec les parties, parfois sur une base quotidienne. Quand je dis que nous avons continué de travailler avec les parties, je veux dire que la ministre des Services publics et de l’Approvisionnement et moi avons eu des appels téléphoniques tard le soir et tôt le matin avec le PDG de la société et le chef du syndicat et de l’équipe de négociation syndicale.
Voilà le genre de mesures que nous avons adoptées pour respecter notre obligation d’aider les parties à en arriver à une entente.
Par ailleurs, nous avons également vu que les conséquences négatives s’accumulaient. En tant que ministres, nous avons le devoir de prendre l’information probante sur ces conséquences au sérieux, de la rassembler et de prendre une décision. Quand il est devenu clair qu’il y avait impasse, nous avons présenté la mesure législative. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.
Le sénateur Plett : Madame la ministre, en 2013, le gouvernement précédent — puisque nous en avons parlé — a annoncé un plan qui devait permettre à Postes Canada d’économiser de 700 à 900 millions de dollars sur ses coûts annuels. Depuis la suppression de cette initiative par le gouvernement actuel, pouvez-vous nous dire exactement ce qu’il a dépensé de plus par rapport à ce qu’il aurait dépensé s’il avait suivi le plan du gouvernement précédent? Si vous ne pouvez pas nous dire cela aujourd’hui, pouvez-vous nous donner l’information par écrit?
Mme Qualtrough : Sénateur, je n’ai évidemment pas les chiffres à portée de main.
Alfred, pouvons-nous fournir cette information?
M. MacLeod : Nous pouvons fournir les états financiers des revenus de Postes Canada.
Le sénateur Plett : Je suis sûr qu’il y a des analystes qui peuvent chiffrer la différence pour nous, au lieu que nous soyons obligés de lire un bilan financier dans son entier.
La sénatrice Wallin : J’aimerais donner suite à certaines des questions posées par ma collègue, la sénatrice Deacon.
Comme de nombreux sénateurs l’ont fait remarquer aujourd’hui, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes et Postes Canada sont à couteaux tirés depuis des décennies. Certains d’entre nous ont longuement couvert cette querelle. Il semble que cette culture ne soit pas près de changer dans un avenir proche, ni du côté de la gestion ni de celui du syndicat.
D’après les chiffres que nous avons, le nombre de lettres livrées a baissé en 2017. À 41 p. 100, le nombre de colis livrés a augmenté, mais cela n’est pas suffisant pour compenser tout à fait cette baisse. Si le modèle d’affaires n’est pas vraiment efficace, n’est-ce pas le moment de changer tout cela? Quand serait-ce le bon moment pour envisager de privatiser Postes Canada, pour briser le moule? A-t-on donné pour mandat à la nouvelle PDG de réfléchir à cela? Où en est-on à ce sujet?
Mme Qualtrough : Je vous remercie, madame la sénatrice. La nouvelle PDG n’a pas le mandat d’explorer la possibilité de privatiser Postes Canada de quelque façon que ce soit, bien au contraire. Nous sommes convaincus que Postes Canada est une institution publique importante et qu’il est possible de trouver un modèle d’affaires viable.
Cela dit, les structures d’emploi, les processus d’affaires et les processus opérationnels doivent être assez souples, assez agiles, pour pouvoir s’adapter à l’évolution constante et souvent rapide de l’environnement concurrentiel dans lequel évolue Postes Canada. La nouvelle présidente a le mandat de collaborer avec les syndicats et les travailleurs dans le but de trouver des façons novatrices d’assurer la compétitivité de la société et de trouver la meilleure voie à suivre à cet égard, tout en tenant compte du fait que, comme on l’a déjà mentionné à quelques reprises aujourd’hui, certaines collectivités n’ont accès à aucun autre fournisseur que Postes Canada pour fournir ces services essentiels.
Par contraste, il existe une concurrence féroce dans les grandes villes et ailleurs au Canada. Dans certains cas, les autres fournisseurs offrent davantage de souplesse.
(1440)
Nous lui avons confié la lourde tâche d’assurer la viabilité de cette société. Je crois, personnellement, qu’elle est en mesure de relever le défi. Je pense qu’il faut lui accorder, à elle et à son équipe, le temps nécessaire pour trouver une solution. Entre-temps, nous devons nous assurer que le courrier et les colis sont livrés de manière efficace. Ainsi, les entreprises pourront se fier à ce service, le degré d’incertitude sera réduit et les Canadiens, notamment ceux qui habitent dans des régions éloignées, pourront recevoir les colis et la nourriture dont ils ont besoin.
La sénatrice Wallin : Je viens d’un endroit au pays où les services comme la livraison « juste à temps » ne sont pas tous offerts. Alors, je comprends bien la nature publique du service postal et le rôle important qu’il joue depuis des années. Toutefois, je n’arrive pas à comprendre comment on peut faire fonctionner ce modèle d’affaires lorsqu’on a une main-d’œuvre qui, par rapport à celle des concurrents, donne un rendement moindre pour une rémunération plus élevée.
Mme Qualtrough : Je crois, sénatrice, que l’avenir nous le dira. Nous voulons tout faire pour que Postes Canada soit viable et compétitive et qu’elle offre aux Canadiens les services dont ils ont besoin. Nous ne ferons pas disparaître Postes Canada.
[Français]
La sénatrice McPhedran : Mesdames les ministres, merci d’être parmi nous aujourd’hui. Les questions que j’aimerais vous poser concernent votre surveillance du rapport du médiateur-arbitre.
[Traduction]
D’une avocate à une autre, madame la ministre, je vous dirais que j’ai eu du mal à en croire mes oreilles lorsque je vous ai entendue dire avec certitude que les droits de la personne n’ont pas été violés.
Pour donner un peu de contexte à ma question, je vais revenir sur certains des arguments que vous avez présentés. Nous savons que le gouvernement est l’unique actionnaire de Postes Canada. Nous savons que le gouvernement approuve les plans opérationnels de Postes Canada et nous savons qu’une nouvelle PDG et un nouveau conseil ont été nommés tout récemment. C’est certainement une bonne nouvelle.
Pas plus tard qu’hier, le président national du STTP affirmait ceci dans le bulletin 462 :
[...] les travailleurs et travailleuses des postes, n’[ont] cependant aucun choix en matière d’accidents du travail et d’heures de travail non payées. Quand la direction nous impose une surcharge de travail et exige qu’elle soit accomplie dans le temps alloué, nous n’avons aucun choix. Quand des heures supplémentaires sont imposées en raison d’un manque d’effectifs, nous n’avons aucun choix. Quand le nombre d’accidents du travail augmente de 43 p. 100 en deux ans, nous n’avons aucun choix. Quand Postes Canada refuse d’accorder l’égalité aux travailleuses, nous n’avons aucun choix.
La question que j’ai à poser aux ministres, et surtout à la ministre Hajdu, porte sur le fait que, dans 90 jours, si la loi s’applique comme prévu, le médiateur-arbitre va présenter un rapport. J’aimerais vraiment que vous nous aidiez à mieux comprendre rapidement. Le fait que six principes directeurs soient proposés dans le projet de loi est une amélioration par rapport à tous les projets de loi de ce genre qui sont venus avant, comme l’a dit la sénatrice Lankin — du moins en ce qui concerne ceux qu’elle a connus. Toutefois, il y a la question de la mise en œuvre. Les principes directeurs ne restent que des principes. Vous ne participerez pas directement au processus prévu qui va donner lieu à un accord, mais vous recevrez un rapport.
Pourriez-vous nous dire ce que vous êtes prêtes à faire en tant que ministres pour assurer le respect de ces principes directeurs?
Mme Hajdu : Je vais laisser à mon collaborateur le soin de répondre à cette question.
Anthony Giles, sous-ministre adjoint, Emploi, Politique, Règlement des différends et Affaires internationales, Emploi et Développement social Canada : Merci beaucoup de votre question. Le principe même de la loi de retour au travail est que le gouvernement n’intervienne pas dans la façon dont les principes sont appliqués ni dans le processus de décision. L’arbitre, si l’on se rend à l’étape de l’arbitrage, devra déterminer si les nouvelles conventions collectives respectent l’esprit de ces six principes.
La sénatrice McPhedran : Merci. C’est exactement pour cela que je pose la question. Puis-je avoir un peu plus de précisions?
Mme Hajdu : En cas de non-respect de la convention collective, des plaintes peuvent être déposées auprès du Conseil canadien des relations industrielles. Celles-ci sont entendues et font l’objet d’une décision et, le cas échéant, d’amendes et de griefs.
Je prends très au sérieux mon rôle de ministre du Travail à cet égard. Je crois fermement que les conventions collectives sont là pour guider le comportement de l’employeur et pour protéger les droits des employés qui ont été négociés de façon équitable.
J’ai donné au ministère toutes les indications nécessaires afin qu’il prenne ces plaintes au sérieux et qu’il les traite de façon expéditive.
Nous avons renforcé le Conseil canadien des relations industrielles afin qu’il puisse opérer à plein rendement. Nous avons également toute une équipe d’inspecteurs qui donne suite aux plaintes.
Je dirais qu’une partie importante du rôle que joue le ministère du Travail est de suivre toutes les plaintes déposées pour motif de non-respect des conventions collectives.
La sénatrice McPhedran : Oui, mais ma question avait une perspective légèrement différente.
Supposons, par exemple, que nous finissons par avoir une entente qui force les employés des postes à retourner au travail, mais, qui, en fait, ne respecte pas les principes directeurs, pour une raison ou une autre.
Ma question porte sur la surveillance, la responsabilité et le leadership dont vous devez faire preuve à titre de ministres lorsque vous constatez que, pour quelque raison que ce soit, l’entente ne respecte pas les principes directeurs que vous avez élaborés.
Mme Hajdu : Il reviendrait aux parties de s’adresser aux tribunaux pour en juger. Si une partie estime en effet que ces principes n’ont pas été respectés, elle peut s’en plaindre devant les tribunaux.
La sénatrice McPhedran : Que feriez-vous si vous arriviez à la conclusion que, pour quelque raison que ce soit, l’entente découlant du processus prévu dans ce projet de loi ne respecte pas les principes directeurs que vous avez établis? Envisagez-vous de prendre certaines mesures, ou êtes-vous prête à parler aujourd’hui des mesures que vous prendriez?
Mme Hajdu : Je ne pourrais pas intenter de poursuites judiciaires. Je crois beaucoup au processus mené par un médiateur-arbitre indépendant, sans ingérence de la part du gouvernement. Je crois que cela contribuera grandement au respect des principes. Il n’y aura pas de pression indue de la part du gouvernement pour que la balance penche fortement du côté de la société ou du syndicat. Nous voulons vraiment que ces principes soient respectés.
C’est pourquoi il n’y a pas que les principes, mais aussi le processus de sélection du médiateur-arbitre. Il est vraiment important de faire appel à un quelqu’un d’impartial qui n’a aucun lien avec le gouvernement et qui est nommé sur l’avis des deux parties ou, le cas échéant, du Conseil canadien des relations industrielles.
Je crois que ce processus permettra de respecter les principes. Cela permettra à l’arbitre de faire son travail sans subir l’influence ou l’ingérence du gouvernement.
La sénatrice McPhedran : J’aimerais m’assurer que j’ai bien compris la réponse. Vous dites que, même si les principes ne sont pas intégrés dans la convention, ou qu’ils ne le sont que de manière superficielle, il n’y aura pas d’autre intervention des ministres parce que la convention sera conclue. Par conséquent, seules les procédures en place pour les conventions s’appliqueraient, même si ces conventions sont lamentablement lacunaires. Ainsi, votre participation prend fin dès que le projet de loi est adopté.
Mme Hajdu : Honnêtement, il y a peu de choses que je puisse faire à ce stade, car un médiateur-arbitre est nommé pour faire cela.
J’ajouterai que les médiateurs et les arbitres que j’ai rencontrés depuis que je suis ministre du Travail prennent leur rôle très au sérieux, notamment parce que la confiance future en leurs services repose sur leur impartialité. D’ailleurs, si un médiateur est perçu comme étant partial, ses chances d’obtenir de nouveaux contrats — lesquels sont, soit dit en passant, très lucratifs — diminuent considérablement.
(1450)
Par exemple, je suis extrêmement impressionnée par l’équilibre des compétences que possède le médiateur spécial que j’ai nommé récemment. Je ne le connaissais pas du tout. Je n’en reviens pas à quel point il est difficile de dresser une liste de médiateurs aussi compétents au pays. En tant que ministre du Travail, je suis peut-être un peu naïve, mais n’oubliez pas que j’assume ces responsabilités depuis seulement 17 mois. Je ne suis pas issue du milieu des médiateurs de ce niveau, qui sont très réputés.
Je tiens à souligner que les médiateurs fédéraux sont extrêmement soucieux de leur indépendance, car leur crédibilité et leur réputation doivent être absolument irréprochables sur le plan professionnel.
En tant que ministre du Travail, je suis rassurée de constater que ce processus sera dirigé par des médiateurs impartiaux, dont je n’ai probablement jamais entendu parler. Ces personnes seront chargées de fonctions très importantes et très médiatisées et elles seront évaluées en fonction de l’équilibre qu’elles assurent entre les parties en vue de travailler sur d’autres contrats.
La présidente : Je n’ai pas d’autres intervenants sur ma liste.
Mesdames les ministres, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être jointes à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi. Je tiens également à remercier les fonctionnaires de vos ministères.
(Le comité plénier est suspendu.)
(1500)
(Le comité plénier reprend.)
La présidente : Le sénateur Harder a la parole.
Le sénateur Harder : Honorables sénateurs, je demande que, conformément à l’article 12-32(5) du Règlement, Jessica McDonald, présidente du Conseil d’administration et présidente-directrice générale par intérim de Postes Canada, soit invitée à participer aux délibérations du comité plénier.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, Jessica McDonald prend place dans la salle du Sénat.)
La présidente : Madame McDonald, je suis heureuse de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à vous présenter et à faire ensuite vos observations préliminaires.
[Français]
Jessica McDonald, présidente du Conseil d’administration et présidente-directrice générale par intérim, Postes Canada : Madame la présidente, merci d’avoir invité Postes Canada à participer à cette importante discussion sur le projet de loi C-89.
[Traduction]
Je m’appelle Jessica McDonald. Je suis présidente du Conseil d’administration et présidente-directrice générale par intérim de Postes Canada. Je vous ferai part de quelques commentaires qui, je l’espère, seront utiles à notre discussion d’aujourd’hui. Je serai heureuse de répondre à toutes vos questions par la suite.
Je sais que nous sommes ici aujourd’hui parce que les efforts des 11 derniers mois en vue de trouver le terrain d’entente nécessaire à la conclusion d’accords négociés avec le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes ont échoué.
Je tiens à commencer en prenant quelques instants pour parler des efforts considérables que nous avons déployés pour en arriver à une entente négociée avec le syndicat. Je veux aussi vous donner l’assurance que la société a pris toutes ses décisions en pensant à ses employés.
[Français]
Je tiens à commencer en prenant quelques instants pour parler des efforts considérables que nous avons déployés pour en arriver à une entente négociée avec le syndicat. Je veux aussi vous donner l’assurance que la société a pris toutes ses décisions en pensant à ses employés.
[Traduction]
Les négociations ont officiellement commencé en janvier de cette année. Les deux parties sont restées à la table depuis le début; de longues discussions ont eu lieu, nous avons déterminé les enjeux et partagé des idées. En juin, les deux parties ont accepté de se réunir dans un lieu hors des bureaux de la société afin d’accélérer les négociations et elles sont demeurées à cet endroit depuis.
Nous avons présenté de nombreuses offres équitables et raisonnables, et qui répondaient aux problèmes soulevés par le syndicat de manière considérable. Chaque nouvelle offre représentait des améliorations importantes reconnaissant le travail de nos employés et répondant encore davantage aux inquiétudes du syndicat.
Du même coup, nous devions trouver un équilibre délicat, car nous avons l’obligation de veiller à l’autonomie financière du service postal, ce qui constitue un enjeu important à long terme, mais aussi dans un avenir immédiat.
Puisque nos efforts répétés en vue de conclure une entente ne répondaient pas aux attentes du syndicat et les parties n’étaient pas près de s’entendre, alors que la situation s’aggravait en raison des retards de livraison, des clients qui cherchaient des options de rechange et des importantes pertes financières de l’entreprise, nous avons lancé bon nombre de tentatives ultimes pour dénouer l’impasse.
Lundi dernier, journée qui était, selon les calculs de nos experts en logistique, la limite pour être en mesure de livrer la joie des Fêtes à nos clients, nous avons proposé un processus qui demandait au syndicat d’accepter une période de trêve pour reprendre les activités normales et traiter les accumulations.
Nous aurions rétabli toutes les prestations prévues aux termes de la convention collective actuelle et accepté de renouveler la médiation par un médiateur approuvé par les deux parties, jusqu’à la fin janvier. Nous aurions offert une prime de 1 000 $ aux employés en reconnaissance du compromis que cela aurait représenté pour eux. Nous aurions poursuivi le processus de négociation collective libre jusqu’à la fin janvier, après quoi nous aurions eu, faute d’entente, recours à l’arbitrage exécutoire.
Lorsque le syndicat a rejeté l’idée d’arbitrage exécutoire, j’ai compris l’importance que cela représentait pour lui et aussitôt retiré cet élément.
Cette option aurait permis d’éviter la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. On aurait pu ainsi poursuivre la négociation collective libre pendant une période supplémentaire assez longue. Les employés auraient été dédommagés pour ce compromis et les Canadiens et les petites entreprises auraient reçu l’appui critique dont ils ont besoin dans cette période importante. Tout cet exercice aurait ainsi pu être évité.
Je tiens à être parfaitement claire à ce sujet. Je ne voulais pas être ici aujourd’hui pour débattre d’un projet de loi de retour au travail. J’ai tout essayé et épuisé toutes les options.
Pour chaque offre, nous nous sommes engagés à forger une nouvelle relation de travail avec le syndicat en débattant régulièrement — et pas seulement à l’occasion de la négociation collective — des enjeux importants pour les employés, et en trouvant et en appliquant de vraies solutions. C’est ce à quoi je m’engage personnellement, car c’est un élément fondamental pour la viabilité à long terme de la société.
Nous sommes d’accord avec le syndicat sur bon nombre des enjeux soulevés et, bien que nous ayons présenté des solutions à court terme à la table, ce n’est qu’en travaillant ensemble que nous trouverons des solutions concrètes à long terme.
La santé et la sécurité de nos employés sont extrêmement importantes pour moi et pour tout le monde à Postes Canada. Le passage du courrier aux colis a totalement changé la donne. Nos employés dévoués méritent que leur employeur et leur syndicat définissent une nouvelle vision pour le travail qui évolue et apportent des solutions nouvelles et améliorées qui feront en sorte que nos employés ne seront pas surchargés et qui amélioreront leur équilibre entre le travail et la vie personnelle.
Quand je me suis jointe à l’entreprise il y a environ un an et que j’ai accepté le rôle de présidente-directrice générale par intérim il y a environ neuf mois, j’ai communiqué avec le syndicat pour comprendre leur point de vue et établir une relation directe. C’était non seulement une exigence dans ma lettre de mandat de la ministre, mais un geste auquel je crois personnellement.
Par conséquent, j’ai eu plusieurs conversations avec les dirigeants du syndicat. Certaines conversations étaient informelles, alors que d’autres étaient formelles, mais toutes visaient à améliorer la relation entre l’employeur et le syndicat. J’ai trouvé que ces discussions étaient menées par des gens d’expérience, dévoués et passionnés. Je veux que nous poursuivions ce dialogue et que nous travaillions ensemble dans le cadre d’une relation qui sera ouverte, à voix égales et empreinte d’un désir de résoudre les problèmes ensemble.
Il y a eu de nombreuses années empreintes de conflit au lieu de collaboration, et nous avons un travail de réconciliation à faire pour en arriver à un point où nous serons d’accord sur une vision commune et capables de résoudre nos différends entre les rondes de négociations plutôt qu’à l’expiration des conventions collectives. Mais nous n’en sommes pas encore là.
La triste réalité est que, malgré des efforts considérables pendant une longue période, nous n’avons pas trouvé le terrain d’entente qui nous aurait permis de conclure un accord, de clore les négociations et de reprendre les activités normales.
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes mène depuis plus de 30 jours, dans tout le pays, une grève tournante qui a touché pratiquement chaque collectivité et les 16 millions d’adresses canadiennes.
Nos employés ont continué les livraisons là où le syndicat n’était pas en grève, mais les grèves ont une incidence grave sur notre capacité de livraison.
Nos trois plus importants centres de traitement, à Montréal, à Toronto et à Vancouver, ont été fermés à répétition par les grèves du syndicat pour de longues périodes.
(1510)
Notre réseau national intégré est construit de façon à accepter le courrier et la majorité des colis du Canada, à les traiter et à les faire sortir pour la livraison. Tout arrêt des activités a donc de graves conséquences. L’effet cumulatif des grèves continues a gravement compromis nos activités au moment le plus occupé de l’année, ce qui a des répercussions bien au-delà de Postes Canada et touche de nombreuses localités du pays, grandes et petites, ainsi que les localités éloignées et les communautés autochtones, pour qui il s’agit de la seule option possible.
Nous constatons encore des retards de remorques à nos principaux établissements de traitement. Ce matin, il y avait 391 remorques pleines de colis et de paquets en attente d’être vidées. À cette période de l’année, on en compterait normalement le quart, en préparation pour la période achalandée qui approche.
De plus, l’interdiction imposée par le syndicat quant aux heures supplémentaires et à l’utilisation de travailleurs saisonniers signifie que nous sommes incapables de maintenir le rythme en effectuant des livraisons la fin de semaine. L’année dernière, nous avons livré 3,6 millions de colis les fins de semaine des Fêtes. Pendant cette fin de semaine, on prévoyait livrer plus de 500 000 colis aux Canadiens pour alléger la charge de la semaine. Nous prévoyons maintenant en livrer une petite portion, soit environ 30 000 colis, ce qui contribuera encore davantage aux accumulations partout au pays.
D’où viennent tous ces colis? En partie de grands détaillants canadiens, mais en grande partie des 200 000 petites entreprises que nous servons partout au pays.
La période des Fêtes est cruciale pour le secteur canadien de la vente au détail, surtout pour les petits détaillants indépendants. Le message que nous avons dû leur transmettre était loin d’être rassurant. Nous avons dû interrompre nos garanties de service et aviser nos clients de s’attendre à de longs retards imprévisibles pendant la période des Fêtes. Certains grands détaillants ont déjà abandonné Postes Canada ou transféré leurs volumes à d’autres transporteurs de colis, accaparant ainsi les services des autres transporteurs. Les petites entreprises utilisent encore nos services parce qu’elles n’ont pas d’autres options. Ces petites entreprises et leurs employés seront les principales victimes sur le plan financier en raison des retards de livraison, des demandes de remboursement et des commandes annulées.
Les incidences économiques sur le secteur canadien de la vente au détail se feront sentir longtemps après la période des Fêtes. Elles toucheront aussi les nombreux organismes de bienfaisance qui amassent une grande partie de leur financement par la poste à cette période de l’année.
Nous comprenons les conséquences de cette situation sur les Canadiens partout au pays. Nous n’avons ménagé aucun effort pour répondre aux inquiétudes du syndicat, conclure une entente et éviter les conséquences sur nos employés, nos clients et les Canadiens.
Le service postal est une importante institution canadienne, qui continue à jouer un rôle essentiel au sein de notre économie. J’en suis consciente. Au nom du Conseil d’administration et de tout le monde à Postes Canada, je vous donne l’assurance que nous allons travailler fort pour établir une relation solide et bien meilleure avec le syndicat.
Nous sommes toujours déterminés à travailler avec le syndicat pour que le service postal soit solide — pour nos employés et les nombreux Canadiens qui comptent sur nous. Je serai heureuse de répondre à vos questions maintenant.
Le sénateur Smith : Merci beaucoup de votre discours et bienvenue. J’aurais aimé vous rencontrer dans de meilleures circonstances que celles d’aujourd’hui.
Si je me fie à votre discours et au peu de temps que j’ai passé dans le monde des affaires au cours des années, on dirait que la confiance est absente de la longue histoire des relations de travail de votre entreprise. Toute personne qui souhaite bâtir une relation doit, en premier lieu, gagner la confiance de l’autre. C’est un principe à suivre lorsqu’on veut vendre des produits et services ou persuader les gens. La confiance est nécessaire pour découvrir ce que les gens veulent vraiment. Ils doivent être convaincus que vous êtes digne de confiance.
Dans votre examen de la situation — qui recèle une foule de problèmes, j’en suis convaincu, notamment le modèle d’affaires, les facteurs économiques et tout ce qui fait partie de la réalité historique de Postes Canada —, avez-vous conçu un plan concret qui vise non seulement à gérer le legs du passé, mais aussi à établir un climat de confiance en sachant que cela prendra du temps? Quelles sont vos principales étapes? S’agit-il de votre stratégie numéro un ou d’une des cinq principales stratégies sur lesquelles vous travaillez pour sortir de ce bourbier et aller de l’avant?
Mme McDonald : Je suis tout à fait d’accord : un climat de confiance est essentiel pour en arriver à des solutions vraiment durables. Je suis aussi convaincue que la prospérité future de l’entreprise repose sur l’établissement d’une nouvelle relation harmonieuse avec les employés, et particulièrement avec ceux qui sont affiliés au Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes.
Même si ces discussions sont extrêmement difficiles pour les deux parties, nous devons continuer à chercher une nouvelle voie. À mon avis, cela ne fait absolument aucun doute.
Postes Canada vit une période de transformation et de perturbations majeures en ce qui concerne les services qu’elle offre. Les travailleurs doivent donc composer avec un climat d’incertitude et des défis. Le milieu de travail doit être positif, respectueux, sûr et sain; les emplois, gratifiants. C’est là le grand objectif à atteindre; nous devons collaborer pour définir l’avenir souhaité de l’entreprise afin qu’elle réussisse le virage entre le monde des lettres et celui des colis.
Comme je l’ai dit aux représentants du syndicat — et j’en ai déjà parlé ici —, j’ai la plus grande estime pour le syndicat et sa direction. Je comprends les intérêts qu’ils défendent. J’aurais aimé qu’il ait été plus facile pour nous, jusqu’ici, de trouver un terrain d’entente et de véritables solutions. À bien des égards, le moment où se négocient les conventions collectives est celui qui est le moins propice à l’établissement d’une bonne relation et d’un climat de confiance. C’est néanmoins la montagne que nous devons gravir ensemble. Il faut arriver à dénouer l’impasse.
Pour répondre à votre question sur la façon de gagner la confiance, cela doit se faire en communiquant ouvertement l’information et en reconnaissant qu’il y a des gens qui ont des connaissances et des compétences en face de nous, si je puis dire.
Il n’incombe pas à la direction de trouver toutes les solutions. Elles doivent avoir été conçues par les deux parties. Nous devons essayer des choses ensemble, mais nous devons avoir des raisons de croire que ces essais nous amèneront à mettre en place et à appliquer des solutions ensemble.
Je sais que, par le passé, les relations ont été très difficiles. Il peut être extrêmement difficile de redéfinir et de gagner la confiance en pleines négociations des conventions collectives. Pour cela, nous devons demeurer à l’écoute, présenter des idées, trouver un terrain d’entente et être ouverts et transparents, et il faut accepter de renoncer aux positions passées, d’écouter la question et le problème dans une nouvelle disposition, de poser un regard neuf et d’essayer de trouver une solution.
C’est ce qu’il faut faire durant un cycle de négociations comme celui-ci, compte tenu de la relation difficile qui existe et qu’on est en train de changer. Nous devons changer complètement la façon dont nous interagissons et travaillons ensemble à définir un avenir qui, de l’avis des deux parties, nous mènera dans une autre direction plutôt que de nous mener seulement au prochain cycle de négociations des conventions collectives.
Le sénateur Smith : Je compatis avec vous parce que, si je comprends bien, vous n’occupez ce poste que depuis neuf mois. S’il y a une chose que l’on fait toujours en commençant un nouveau travail, c’est tenter de comprendre l’orientation de l’organisation pour laquelle on travaille.
Les vertus et les valeurs que l’on souhaite partager ne doivent pas être véhiculées uniquement par le PDG; c’est une question d’orientation au sein de l’organisation. Étant donné que vous avez de plus en plus d’expérience au sein de cette société, avez-vous saisi l’orientation dont vous avez besoin pour entamer ce changement de culture? Il faudra du temps. On dit qu’il faut habituellement de trois à cinq ans et que cela dépend de sa compétence et de la compétence de son équipe pour mettre en place cet élément de confiance ou ce changement conceptuel. Que pensez-vous des éléments qui se trouvent au sein de votre organisation?
Mme McDonald : Je pense que, dans les rangs de la gestion en particulier, mais aussi dans ceux des employés et des dirigeants syndicaux, il y a des gens très énergiques et motivés. Le leadership vient d’en haut, et nous avons réfléchi à plusieurs manières de lancer des discussions de différentes façons. J’ai moi-même donné des directives, dans quelques cas, pour que nous trouvions séance tenante une solution à certains problèmes non résolus depuis longtemps, et la gestion a vu ce qu’il pouvait ressortir de cela. On a vraiment compris que nous sommes en train d’imaginer ensemble de nouvelles relations avec le syndicat. La possibilité, le désir et la volonté de changer la situation sont là : je ne suis pas du tout inquiète à ce sujet. Il nous faut faire des efforts et prendre le temps de trouver ces solutions ensemble.
(1520)
Le sénateur Smith : En ce moment, avez-vous l’impression que les messages importants sont bien communiqués? Je le demande puisque, s’il y a des perturbations, c’est peut-être le signe que les messages, ou du moins une partie d’entre eux, ne se rendent pas à bon port. Croyez-vous avoir établi la base d’un système efficace, qui permet de bien rejoindre le syndicat et les employés?
Mme McDonald : J’ai écrit directement au syndicat à propos de certains enjeux qui sont, depuis longtemps, source de conflits et de stress dans le milieu de travail. Je communique directement avec eux. Je dirais donc que oui.
Le sénateur Smith : Merci.
Le sénateur Sinclair : Merci, madame la présidente. J’aimerais revenir sur certains points que j’ai déjà abordés avec les ministres lorsqu’elles étaient ici, mais pour lesquels je n’ai pas obtenu une réponse qui me semble adéquate.
Nous avons entendu des témoignages concernant les conséquences du conflit de travail sur les entreprises. Vous avez vous-même cité des données aujourd’hui, je crois. Par ailleurs, on m’a dit que le ministère des Finances a mené une étude sur les conséquences que les interruptions de services causées par la grève ont sur le secteur des affaires et sur l’ensemble de l’économie.
Avez-vous accès à ces renseignements? Êtes-vous au courant de leur existence? En tenez-vous compte dans vos réflexions? Pourriez-vous nous en parler davantage?
Mme McDonald : Merci de votre question. Je n’ai pas bien entendu quand vous avez dit qui mène l’étude.
Le sénateur Sinclair : J’ai entendu dire que c’est le ministère des Finances.
Mme McDonald : Pour répondre à votre question, je n’ai pas accès aux études du ministère des Finances. Je peux vous parler des répercussions que je vois au quotidien dans le cadre de mes fonctions. Je pourrais peut-être commencer par cela et répondre, par la suite, aux autres questions que vous aurez.
Je peux vous dire qu’on me tient au courant de la situation par téléphone, deux fois par jour, et que je passe la majeure partie de la journée en réunion pour essayer de comprendre les répercussions sur le système. L’appel de ce matin m’a fourni des détails sur la situation actuelle.
À 8 h 30, ce matin, nous avions 391 remorques à différents endroits. Cela représente près d’un million de colis en attente actuellement dans le système. C’était avant l’arrivée massive des commandes expédiées par les commerçants, car nous en sommes à une période très occupée de l’année, celle du Vendredi fou et du Cyberlundi. Pendant cette période de 72 heures, on s’attend à remplir environ 300 remorques de plus, seulement pour les commandes des deux principaux détaillants. Comme vous le savez bien, il s’agit de la période la plus occupée de l’année.
Même s’il y a un grand nombre de remorques qui attendent d’être déchargées et que d’autres viendront s’y ajouter, je suis également consciente que ce nombre est environ 30 p. 100 inférieur aux prévisions annuelles que nous avions faites pour cette période de 72 heures. À mon avis, c’est un autre indicateur très précis des répercussions que les incertitudes liées à la grève ont sur les volumes traités par Postes Canada et les détaillants en cette grande période d’achat.
Les conséquences sur le réseau intégré d’une grève tournante d’un, de deux ou de trois jours dans d’importants centres de traitement, comme ceux de Toronto, de Montréal et de Vancouver, s’étendent à l’ensemble du pays. Il convient de signaler que le réseau ne se rétablit pas immédiatement après la fin de l’arrêt de travail. Les effets de ce dernier continuent de se faire sentir dans d’autres régions du pays, et l’acheminement du courrier, des colis et des paquets à travers le réseau a été très lent, même dans les endroits où l’arrêt de travail a pris fin.
J’ai mentionné plus tôt que les livraisons de fin de semaine revêtent une importance particulière pendant la période des Fêtes. J’ai aussi souligné que puisque personne n’avait fait des heures supplémentaires et qu’il n’y avait pas eu de travailleurs temporaires pour éliminer l’arriéré accumulé durant les fins de semaine, nous aurions pu nous attendre à transporter environ 518 000 paquets et colis, mais nous n’en transporterons qu’environ 30 000.
Nos volumes internationaux ont dû être retenus. Je sais que les médias se sont intéressés à cela. Ce matin, ils confirmaient que 80 monoteneurs sont retenus aux Pays-Bas. Ce sont de grands conteneurs qui vont dans les avions. Il en faut environ 50 pour remplir une semi-remorque. Alors, 80 monoteneurs sont retenus aux Pays-Bas et 180 le sont en Allemagne. Il y a 25 tonnes de courrier bloquées en Australie et 20 tonnes en Chine. Tout le système connaît d’importants retards. Voilà des chiffres bien précis au sujet de ce qui est immobilisé dans le système.
J’espère que cela vous aide à mieux cerner ce qui se passe même si je n’ai pas accès à l’analyse du ministère des Finances qui est en cours.
Le sénateur Sinclair : Cela m’aide certainement à comprendre que l’interruption des services a une incidence sur la capacité de Postes Canada à accomplir sa tâche. Cependant, c’est la nature des interruptions de service et des grèves. La grève a des incidences; c’est voulu.
Ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi, une fois que ces incidences se font sentir, alors que nous savons que la loi et la Charte accordent aux travailleurs le droit de grève, une fois que les incidences voulues se font sentir, on nous demande soudainement de leur aliéner ce droit et de faire en sorte que le syndicat, ayant perdu son droit de grève, n’ait plus aucun pouvoir face à Postes Canada et que la société puisse reprendre ses activités comme si rien ne s’était passé.
Pourriez-vous me dire en quoi le projet de loi aidera Postes Canada à accomplir sa tâche, outre le fait que le syndicat se retrouvera pieds et poings liés?
Mme McDonald : Pourriez-vous répéter après « outre le fait que le syndicat »? Je n’ai pas entendu.
Le sénateur Sinclair : Outre le fait que le syndicat, qui aura perdu son droit de grève, se retrouvera pieds et poings liés.
Mme McDonald : Je vous remercie de cette question. Je tiens à répéter que j’aurais de beaucoup préféré qu’il ne soit pas nécessaire de recourir à une loi de retour au travail. Nos négociateurs sont toujours à la table, d’ailleurs.
Comme je l’ai mentionné, lundi dernier, j’ai fait une ultime tentative auprès du syndicat pour essayer de faire en sorte que la médiation se poursuive, espérant en arriver à une entente et, en même temps, rétablir le fonctionnement du système et atténuer les répercussions du conflit sur la population et les détaillants pendant les Fêtes.
J’ai été déçue. Même après le retrait de la condition de l’arbitrage exécutoire — qui, je le comprends, était inacceptable aux yeux du syndicat —, cette proposition ne s’est pas avérée être une possibilité. J’ai tout essayé.
Cela dit, nous n’abandonnons pas. Chaque jour, nous poursuivons les négociations pour essayer de voir s’il y a moyen de trouver un terrain d’entente. Nous allons continuer de le faire même avec une loi de retour au travail. J’aurais bien voulu trouver un moyen de poursuivre la médiation plus longtemps tout en assurant une reprise du fonctionnement du système qui aurait pu nous permettre de fournir aux Canadiens le service dont ils ont besoin pendant les Fêtes. J’ai essayé toutes les solutions auxquelles j’ai pu penser.
Le sénateur Sinclair : À part conclure une entente avec le syndicat, de toute évidence.
Mme McDonald : Ce qui est l’objectif pour les deux parties.
Le sénateur Sinclair : L’une des questions qui ont été soulevées depuis la présentation de ce projet de loi est le fait que Postes Canada a une longue histoire avec les parlementaires et le Parlement en général, y compris le Sénat. En effet, elle a souvent eu recours à ce dernier pour faire adopter des projets de loi de retour au travail dans plusieurs de ses conflits de travail. Il s’agit de la troisième, de la quatrième ou de la cinquième fois, selon les données consultées, qu’il a fallu adopter une loi de retour au travail pour Postes Canada.
N’est-ce pas symptomatique d’un échec de la direction?
Mme McDonald : Je pense que, au cours des quatre dernières périodes qui ont précédé celle-ci, dans deux autres cas, le gouvernement du Canada a opté pour une solution législative.
Je conviens que les relations se sont effondrées entre Postes Canada et le syndicat. Je suis d’accord, et je répète qu’il est impératif que nous trouvions une autre voie. Il est impératif de collaborer pour concevoir un avenir avantageux aux employés et à la société, car les activités commerciales continuent d’évoluer, suscitant de l’incertitude chez les employés. En même temps, la société fait face à de graves difficultés financières.
(1530)
Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il est impératif de nouer une nouvelle relation significative pour concevoir l’avenir ensemble et trouver des réponses entre les rondes de négociations collectives. C’est préférable à la situation que vous avez décrite et que l’on a déjà connue par le passé où le gouvernement du Canada a recours à une mesure législative pour pallier les conséquences d’une absence d’entente.
Le sénateur Sinclair : Je crois comprendre que le syndicat et Postes Canada s’étaient entendus sur les livraisons à faire et que le premier était d’accord avec la seconde pour prendre part à un processus de livraison du courrier et des colis essentiels.
La présidente : Désolée, sénateur, mais votre temps de parole est écoulé.
Le sénateur Sinclair : Merci, madame la présidente.
Le sénateur Joyal : Bienvenue, madame McDonald. Quand avez-vous pris contact avec la ministre responsable pour demander un projet de loi spéciale ou un projet de loi de retour au travail?
Mme McDonald : Merci de votre question. Je n’ai jamais demandé de projet de loi de retour au travail.
Le sénateur Joyal : Quand avez-vous parlé pour la première fois à la ministre du projet de loi?
Mme McDonald : L’idée qu’un projet de loi de retour au travail puisse s’avérer inévitable a germé à un moment donné, mais je ne sais plus quand on en a parlé pour la première fois.
Comme un autre sénateur l’a mentionné, ce n’est pas la première fois qu’une loi de retour au travail est adoptée et on y a pensé alors que nous n’arrivions pas à trouver de règlement négocié. Toutefois, je ne peux pas me rappeler la date à laquelle j’ai compris clairement que le gouvernement du Canada aurait à prendre cette décision, jusqu’au moment où il y a eu un avis au Feuilleton.
Le sénateur Joyal : Soyons clair, madame McDonald, et arrêtons de tourner autour du pot. Permettez-moi de revenir à votre déclaration.
J’ai du mal à croire que vous ne puissiez pas vous souvenir de la date à laquelle cette décision a été prise. Vous saviez que celle-ci aurait un effet sur les relations avec le syndicat. Je ne suis pas satisfait de votre réponse, car il est évident que cette décision était très importante pour l’administration de Postes Canada. Pourriez-vous être plus précise, s’il vous plaît?
Mme McDonald : Honorable sénateur, je m’excuse. Il y a eu un problème technique de mon côté. Je n’ai pas pu entendre toute votre question. Je sais que vous devez respecter les limites de temps, mais auriez-vous l’obligeance de répéter la première partie de votre question?
Le sénateur Joyal : Bien entendu. À quel moment êtes-vous entrée en communication avec le représentant du gouvernement, le bureau de la ministre ou quiconque au gouvernement pour les avertir qu’une entente avec le syndicat ne serait sans doute pas possible et qu’une loi spéciale serait la seule solution?
Mme McDonald : Je vous remercie. Contrairement à ce que vous dites, je n’ai jamais décidé qu’une loi de retour au travail était la solution. Lundi dernier, je cherchais toujours d’autres moyens de continuer à négocier tout en atténuant les répercussions sur le système pendant la période des Fêtes.
Si vous me demandez à quelle date j’ai demandé une loi de retour au travail, la réponse est que cela ne s’est jamais produit. Je n’en ai jamais fait la demande.
Le sénateur Joyal : Vous n’avez jamais informé le gouvernement de l’état d’avancement des négociations et de l’impasse devant laquelle les deux parties semblaient se trouver?
Mme McDonald : J’ai certainement une réponse différente à cette question. J’ai informé régulièrement le gouvernement au sujet des efforts de négociation. J’ai aussi répondu régulièrement aux questions de la ministre dont je relève et de la ministre du Travail à mesure qu’elles me demandaient des nouvelles des dossiers et de l’état des négociations. J’ai à la fois fourni des réponses aux questions et donné des nouvelles de façon régulière. Le processus de négociation a été très ardu.
Comme vous le savez, les négociations durent depuis plus d’un an. Pendant ce processus, nous avons fait appel à un médiateur, à un conciliateur et à un médiateur spécial à plusieurs reprises. En toute honnêteté, à chaque étape de ce processus très difficile, peu de progrès ont été réalisés à la table de négociation.
Cela dit, je n’ai pas perdu espoir. Nous parviendrons à conclure de nouvelles conventions collectives. J’aimerais que nous le fassions dans le cadre du processus de négociation, mais il devient de plus en plus évident que nous aurons besoin d’aide dans ce processus. J’espère que nous réussirons à conclure des ententes avant d’en arriver au processus contraignant de l’arbitrage qui est prévu en dernier recours dans ce projet de loi.
Je suis tout à fait d’accord avec les nombreux intervenants qui ont dit que le mieux pour les parties, si elles souhaitent préserver leur relation au terme des négociations et amorcer une nouvelle ère, demeure d’en arriver à une entente négociée. Je n’abandonnerai pas, même si on adopte un projet de loi et que nous négocions en ayant recours à la médiation prévue dans la mesure législative.
Le sénateur Joyal : Des représentants du gouvernement vous ont-ils consultée sur la teneur du projet de loi?
Mme McDonald : Non.
Le sénateur Joyal : Jamais?
Mme McDonald : Non, on ne m’a pas consultée sur la teneur du projet de loi. Je l’ai lu pour la première fois lors de sa publication sur le site web. Je l’ai lu sur le site web.
Le sénateur Joyal : Selon vous, quelle sera l’incidence du projet de loi sur votre capacité à établir une bonne relation entre le syndicat et Postes Canada?
Mme McDonald : Honorable sénateur, Postes Canada et moi allons continuer de faire tout en notre pouvoir pour conclure une entente négociée. Le projet de loi, s’il est adopté, établira des processus clairement définis que nous devrons suivre, ce qui ne changera pas le moindrement le niveau d’effort et de créativité dont nous continuerons à faire preuve en vue de régler les questions qui ont conduit les négociations dans une impasse.
Le sénateur Joyal : À quel moment avez-vous informé le gouvernement que, selon vous, les négociations ne progressaient plus suffisamment pour laisser entrevoir la possibilité d’en arriver à une entente?
Mme McDonald : Honorable sénateur, je n’ai jamais conclu que nous ne pourrions pas parvenir à une entente. La négociation est assurément ardue. L’écart est très grand entre notre position et celle du syndicat relativement à un certain nombre de questions. Je souscris à bon nombre de ses revendications. Toutefois, je n’adhère pas à la solution qu’il propose en ce qui concerne certaines questions.
J’ai encore bon espoir qu’on trouvera une solution qui saura satisfaire les deux parties relativement aux questions en suspens. Je n’en suis jamais arrivée à la conclusion qu’il ne serait pas possible de parvenir à une entente.
Le sénateur Joyal : Le représentant syndical a déclaré que, au cours de la période de médiation, à la fin de 2017 et au début de 2018, puis pendant la période d’arbitrage et de médiation subséquente, Postes Canada n’avait pas vraiment fait d’effort pour en arriver à une entente. Il a dit que, en fait, Postes Canada était plutôt lente à réagir et qu’elle ne se présentait pas aux rencontres avec des propositions concrètes, qui auraient permis aux deux parties de trouver enfin un terrain d’entente. Que répondez-vous à ces commentaires?
Mme McDonald : Je respecte l’opinion du syndicat. Comme je l’ai déjà dit, le processus de résolution des questions en litige est très lent. Il existe un très grand écart entre les parties à ce sujet.
Les points de vue sont très variés quant à la meilleure solution possible aux questions en suspens. Postes Canada a soumis différentes idées, différentes solutions pour tenter de remédier aux principales préoccupations dans les négociations, mais il n’a pas été possible de consentir à la solution réclamée par le syndicat.
(1540)
Je comprends que c’est frustrant pour le syndicat, mais je ne suis pas d’accord pour dire que Postes Canada ne déploie pas tous les efforts possibles pour tenter de trouver des solutions qui mèneraient à un terrain d’entente.
Le sénateur Joyal : Combien de réunions ont eu lieu entre Postes Canada et le syndicat au cours de la première période de médiation, c’est-à-dire du début de 2018 à la fin juin?
Mme McDonald : Honorable sénateur, je l’ignore. Je n’ai pas cette information avec moi.
Le sénateur Joyal : Qu’en est-il de la période de conciliation qui s’en est suivie? Connaissez-vous le nombre de réunions qui ont eu lieu et le genre de progrès qui y ont été réalisés? N’y a-t-il eu aucun progrès effectué pendant cette période?
Mme McDonald : Je n’ai pas demandé le compte des réunions tenues par mois, alors il m’est impossible de répondre à ces questions. Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, des progrès ont été réalisés à l’égard d’un certain nombre de questions. Une vaste liste...
La présidente : Pardon, madame McDonald, mais votre temps de parole est écoulé.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Madame McDonald, j’aimerais d’abord savoir quelle est votre expérience dans le domaine des relations de travail et en matière de négociation avec les syndicats.
[Traduction]
Mme McDonald : Mon expérience personnelle?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Oui.
[Traduction]
Mme McDonald : Merci. J’ai des rapports avec des syndicats de la fonction publique depuis quelques années. J’ai été sous-ministre au sein du gouvernement de la Colombie-Britannique et j’ai dirigé la fonction publique de cette province pendant environ quatre ans et demi. Durant cette période, la convention collective de la plupart des organismes de la fonction publique est arrivée à échéance et j’ai contribué de près à l’élaboration des mandats de négociation. J’ai aussi participé personnellement à la résolution finale de certains conflits.
Outre la négociation de conventions collectives dans le secteur public, j’ai une formation en médiation et j’ai passé de nombreuses années à diriger personnellement des processus de médiation dans des circonstances qui, selon moi, ont des points communs avec la négociation de conventions collectives au sein de la fonction publique.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je ne vous apprends rien en vous affirmant que les grèves tournantes sont un droit qui fait partie d’un processus de négociation. Reconnaissez-vous que l’augmentation des moyens de pression signifie que les pourparlers se heurtent à des obstacles?
[Traduction]
Mme McDonald : C’est possible. Si vous dites que la grève tournante découle de la frustration ressentie, je suis d’accord avec vous. On a recours à ce moyen de pression parce qu’une entente n’a pas été conclue.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Dans le cadre des processus de négociation, vous avez dit qu’il doit y avoir un bon climat entre le patronat et le syndicat. Si nous adoptons une loi spéciale, il sera difficile d’assurer un climat de confiance dans le cadre du retour au travail.
[Traduction]
Mme McDonald : Oui, je suis d’accord. La situation dans laquelle nous nous trouvons entraîne toutes sortes de répercussions qui présentent des défis, je pense. Dans mon rôle de présidente-directrice générale par intérim, j’ai pris la décision de ne pas recourir à des moyens de pression, pour reprendre votre expression, qui auraient pour effet d’empirer une rupture des relations entre le syndicat et des employés qui voient ce qui se passe pendant cette période d’impasse.
Ainsi, je n’ai pas adopté de mesures comme une réduction du nombre d’employés dans les centres en fonction de la diminution de la charge de travail causée par une grève.
Je n’ai jamais envisagé de lock-out non plus. À mon avis, au final, nous devons trouver un moyen de parvenir à une entente d’abord et, cela fait, reconstruire. J’ai opté pour la compréhension et la persévérance dans nos efforts pour en arriver à une entente bien nécessaire.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’aimerais vous ramener sur une décision arbitrale exécutoire qui a été rendue pour reconnaître l’égalité homme-femme au sein de Postes Canada. Je pense que cette décision n’a pas encore été mise en œuvre ni respectée. Croyez-vous que la loi spéciale du gouvernement Trudeau, qui aborde cet aspect, vous permettra de vous soustraire à vos obligations? Jusqu’à présent, une décision arbitrale a été rendue selon laquelle vous devez respecter l’égalité homme-femme au sein de Postes Canada.
[Traduction]
Mme McDonald : Je vous remercie. Je ne suis pas certaine d’avoir bien compris l’essentiel de votre question, mais je tenterai d’y répondre. Si ma réponse n’est pas adéquate, n’hésitez pas à me relancer.
L’arbitre, Mme Flynn, a rendu récemment une décision sur l’équité salariale, un enjeu de longue date à Postes Canada, comme vous le savez. Je n’entrerai pas dans les détails, mais le problème vient des différences entre le mode de travail des employés travaillant en zone rurale, en zone urbaine ou en banlieue.
Personnellement, je crois qu’il était crucial de régler cette question et de faire appel, pour cela, à une personne indépendante, qui a pris le temps d’examiner soigneusement tous les enjeux pour arriver à une décision finale sur ce qu’est l’équité salariale à Postes Canada. En tant qu’institution publique, il est crucial que Postes Canada respecte les droits, y compris le droit à l’égalité entre les hommes et les femmes.
Postes Canada a entrepris la mise en œuvre complète de cette décision, dont aucun élément n’inspire de désaccord. Nous travaillons avec le syndicat de manière structurée afin qu’elle soit mise en œuvre dans les plus brefs délais. Mme Flynn est toujours saisie de la décision, si jamais il y a des divergences d’opinions pendant la mise en œuvre.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai une question qui concerne la précarité d’emploi au sein de Postes Canada. Nous savons très bien qu’il est important d’occuper un emploi stable. Les citoyens doivent parfois contracter une hypothèque, donc ils doivent s’assurer qu’ils pourront toucher un salaire annuel.
Pourquoi certains travailleurs de Postes Canada, qui occupent des fonctions depuis 10 ou 15 ans, ne sont-ils pas en mesure d’obtenir un poste permanent? La précarité d’emploi est l’un des principaux enjeux de la négociation en matière d’égalité homme-femme. Il faut respecter la classe moyenne. Il s’agit d’enjeux dont parle M. Trudeau depuis trois ans. Quel est le problème en ce qui a trait à la précarité d’emploi?
[Traduction]
Mme McDonald : Je vous remercie. Les employés de Postes Canada qui sont représentés par le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes appartiennent à plusieurs catégories : temps plein, temps partiel et employés temporaires. Sans entrer dans le détail des négociations, la question des ratios de dotation et des conditions de travail des employés temporaires achoppe toujours.
Nous devons absolument avoir des employés de toutes les catégories. Comme vous devez bien vous en douter, pour devenir le principal service de livraison de colis du pays — nous livrons les deux tiers de tous les colis au Canada —, Postes Canada doit pouvoir composer avec les hauts et les bas de la demande. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés à attendre que la concurrence accapare la partie la plus fiable et la plus stable du marché. Nous avons donc besoin d’employés temporaires pour nous prêter main-forte pendant les périodes les plus occupées de l’année, éponger une partie des heures supplémentaires et alléger la charge de travail des autres employés. Je crois que c’est d’eux que vous parlez quand vous parlez des employés en situation précaire.
Nous tenons à offrir des conditions intéressantes à ces gens, et c’est notamment pour cette raison que nous tenons à offrir des horaires plus prévisibles aux employés temporaires, car nous voulons qu’ils puissent gérer plus aisément leurs affaires en sachant avec certitude combien d’argent ils gagneront et combien d’heures ils travailleront.
(1550)
Il y a actuellement des problèmes à cet égard à la table de négociation. Essentiellement, nous devons pouvoir aider les employés à concilier carrière et famille et leur offrir des choix. Parallèlement, il peut être difficile d’établir un horaire en fonction de volumes très changeants qui fluctuent énormément dans le système.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’aurais une dernière question. J’ai posé une question à la ministre responsable de Postes Canada pour savoir quel était le salaire de la PDG et s’il y avait des primes au rendement. Donc, quel est votre salaire et avez-vous droit à des primes de rendement?
[Traduction]
Mme McDonald : Le salaire d’un PDG de Postes Canada est affiché publiquement. Il s’agit d’une rémunération de niveau 8 dans la grille du groupe de la direction de la fonction publique, ce qui signifie qu’il s’élève à un maximum de 550 000 $ par année. Il y a une prime de rendement. Je suis seulement PDG par intérim. Je ne saurais vous parler du salaire d’un PDG permanent.
La présidente : Sénateur Dagenais, votre temps de parole est écoulé.
La sénatrice Lankin : Merci, madame McDonald. Je vous explique le processus : chaque sénateur dispose de 10 minutes pour s’adresser à vous. Lorsque les 10 minutes sont écoulées, la présidente met fin à l’échange. C’est ce qui explique que, parfois, vous ou un sénateur vous fassiez interrompre au milieu d’une phrase.
En passant, je vous félicite de votre nomination à titre de présidente du conseil. Vous êtes aussi PDG par intérim, si je ne m’abuse. Vous demeurerez ensuite présidente du conseil pendant une certaine période. Vous êtes en ce moment à la recherche d’un PDG. Pourriez-vous nous refaire la chronologie?
Mme McDonald : J’ai été nommée présidente du conseil pour cinq ans en décembre dernier. Il s’agit d’un poste quasi permanent, par mandat, à Postes Canada. Je suis présidente et directrice générale par intérim depuis le début d’avril.
Le gouvernement a lancé un processus de recherche qui était bien avancé au moment où le PDG précédent a quitté son poste. Il n’a pas encore réussi à lui trouver un successeur, un PDG permanent. J’ai bon espoir qu’un candidat pourra bientôt être choisi. D’ici là, je suis disposée à assumer les deux rôles pour soutenir la société.
La sénatrice Lankin : Je pense que nous compatissons tous avec vous, qui avez été nommée en cette période mouvementée.
J’espère que mes collègues masculins n’en prendront pas ombrage, mais je tiens à souligner le fait que nous avons entendu, en ce bel après-midi, deux femmes ministres responsables de ce dossier, en plus d’avoir l’occasion de vous rencontrer.
Au cours de ma carrière précédente, j’ai passé un bon moment de l’autre côté des tables de négociation de la fonction publique. Je peux vous dire — sans vouloir vous manquer de respect, à vous et à l’entreprise que vous tentez de construire — que, dans ce milieu, Postes Canada a toujours eu la réputation du pire employeur de la fonction publique du pays. Tout un éventail de griefs a été soumis à l’arbitrage : le syndicat gagnait sa cause, mais Postes Canada se tournait vers les tribunaux. De nombreuses plaintes en matière de santé et de sécurité ont été soulevées, encore et encore, mais la direction se croisait les bras, encore et encore. Au bout du compte, les employés ont dû exercer leur droit de refuser un travail dangereux. Des inspecteurs du travail ont même confirmé que c’était justifié. Pourtant, la direction a continué à refuser d’agir.
Vous avez déjà parlé de la structure salariale. J’ai entendu votre engagement sincère — je ne le remets pas en question — à assurer l’équité salariale. Je comprends toutefois qu’il n’est pas simple d’y arriver. La situation est complexe.
Je ne puis m’en prendre à vous pour ce qui a été fait par le passé, mais, ce qui me préoccupe, c’est que le gouvernement vous a remis une lettre avec un mandat très clair à titre de présidente du conseil, un mandat qui se poursuivra et qui est approprié, puisque la société d’État est l’actionnaire; le ministre n’est pas PDG ou président du conseil. La lettre de mandat du premier ministre s’adresse à vous. Je comprends que vous essayez de remplir ce mandat par les mesures que vous avez prises.
Toutefois, je continue de lire des choses sur des cas d’accidents et de blessures évitables, dans lesquels les mesures nécessaires n’ont pas été prises. Ce n’est pas une décision prise par vous, mais au sein de l’organisme. Il y a une culture qui doit être évacuée de cette société d’État et il faut du temps pour changer une culture.
Pouvez-vous parler de changements concrets que vous avez vus? Y a-t-il moins d’employés qui exercent leur droit de refuser de faire un travail dangereux? Les deux parties n’ont pas réglé la question de l’accord sur l’équité salariale dont nous avons parlé. Il a fallu faire appel à un arbitre. C’est ainsi que Postes Canada règle tout, d’ailleurs : la solution doit être imposée par un tiers.
Dites-moi ce qui a changé et ce qui n’a pas changé à ce moment-ci, alors que nous sommes au milieu de ce malheureux conflit de travail.
Mme McDonald : Je ne veux pas prendre plus de vos 10 minutes en réfléchissant un instant, mais c’est une question très importante qui me tient beaucoup à cœur.
Postes Canada n’est pas une société en transition seulement en raison de la nature de son travail. Elle est en transition parce qu’elle doit établir une nouvelle relation avec ses syndicats — tous les syndicats, mais aujourd’hui, nous parlons du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes.
Quand je vous entends dire qu’il est difficile pour les travailleurs de Postes Canada d’exercer leur droit de refuser un travail dangereux, je trouve que la situation est inacceptable. Le droit de refuser un travail dangereux est fondamental. La question est de savoir si, ensemble, nous avons fait de notre mieux pour déterminer la nature du travail dans un milieu de travail en évolution pour offrir le milieu de travail le plus sécuritaire possible, où tout le monde vit dans une culture axée sur la sécurité et où l’on reconnaît qu’il est inacceptable de ne pas signaler toute forme de danger. Il faut qu’il y ait le même niveau de sensibilisation à la sécurité que dans tout autre milieu industriel, que je connais personnellement.
Il faut que Postes Canada réduise considérablement le nombre de blessures au travail. C’est essentiel. On part du principe fondamental que toutes les blessures peuvent être évitées. Des repères et des normes doivent être établis afin de veiller à ce que Postes Canada soit obligée de s’assurer que le nombre de blessures continue de diminuer. Il faut que les employés puissent affirmer travailler dans un environnement sécuritaire.
Qu’ai-je fait au cours de cette période? Qu’est-ce qui a changé? Je me suis penchée sur des problèmes de longue date qui ont créé de la tension — les heures supplémentaires, par exemple — et j’ai immédiatement établi de nouveaux processus pour veiller à ce que ce ne soit plus problématique pour un employé d’affirmer avoir besoin de faire des heures supplémentaires pour terminer son trajet. Il n’aura plus à s’expliquer.
J’ai personnellement participé à des séances prolongées avec le syndicat, que je félicite d’ailleurs pour sa disposition à entretenir une discussion ouverte sur les raisons pour lesquelles certaines causes vont en arbitrage et font l’objet de conflits au lieu d’être réglées par toutes les parties travaillant ensemble pour trouver une solution. Il y a encore beaucoup de travail à faire. J’espère que les deux parties continueront de faire preuve de la même détermination, même en situation de conflit aussi intense que celui que nous vivons en ce moment.
Il faut que les deux parties soient ouvertes au changement. Elles doivent être prêtes à essayer de nouvelles choses et à évaluer les choses ensemble. Il faut qu’elles aient la confiance nécessaire pour pouvoir dire si elles trouvent qu’une mesure est réussie ou non. Il faut être prêt à faire évoluer les choses si l’une des parties juge qu’il n’y a pas eu de changement positif.
(1600)
Je crois que, au cours des neuf derniers mois, Postes Canada et moi avons tenté de démontrer que les choses peuvent changer. Il faut que les deux parties s’entendent sur la forme que prendra ce changement.
Au bout du compte, la direction et moi avons la responsabilité d’offrir un milieu de travail sécuritaire. C’est une responsabilité primordiale. Dans tous les aspects du travail, la sécurité doit être l’une de nos priorités, sinon la plus grande priorité. Je m’engage personnellement à en faire une priorité. En dehors de ce processus de négociation, j’ai passé beaucoup de temps à me pencher sur des questions de sécurité au sein de Postes Canada.
La sénatrice Lankin : Si je puis me permettre, j’aimerais vous demander si vous êtes d’avis qu’il est possible de changer la culture que vous semblez résolument déterminée à améliorer — je vous en félicite et vous en remercie —, étant donné l’actuelle structure administrative à l’échelle infranationale? Les décisions et les mesures varient souvent selon les districts, les régions et les petites municipalités du pays.
Mme McDonald : Oui, je crois que c’est tout à fait possible. D’une part, parce qu’il faut le faire et, d’autre part, parce que, au sein de Postes Canada, je m’efforce depuis presque un an de discuter de nouvelles idées et de nouvelles approches.
La présidente : Sénatrice Lankin, votre temps de parole est écoulé.
C’est au tour du sénateur Housakos.
Le sénateur Housakos : Je vous remercie de votre présence parmi nous aujourd’hui. Ma question porte sur le fait que — j’aimerais entendre votre opinion à ce sujet —, depuis que les négociations se déroulent ces dernières semaines et ces derniers mois, la ministre du Travail et le premier ministre ont déclaré publiquement qu’ils étaient résolus à soutenir le processus de négociation collective et qu’ils comptaient se démarquer du gouvernement précédent en n’ayant pas recours à des tactiques draconiennes comme une loi de retour au travail. Dans le contexte des intenses négociations qui se déroulent depuis pas mal de temps, ces déclarations publiques ont-elles été utiles? Ont-elles pu influencer le processus de négociations, sachant que l’une des parties les a peut-être crus? Les syndicats et les négociateurs qui les représentent ont-ils pu croire sur parole que le gouvernement n’aurait jamais recours à une loi de retour au travail? Comment ces déclarations ont-elles pu fausser le processus? Ont-elles poussé votre camp à l’intransigeance et incité la partie syndicale à adopter une attitude plus raisonnable par rapport aux négociations? Selon vous, madame McDonald, ces déclarations ont-elles pu compromettre le processus de négociation?
Mme McDonald : En toute honnêteté, honorable sénateur, je ne me suis pas laissé distraire par les observations et les hypothèses véhiculées par les médias ni par la possibilité que celles-ci aient une influence sur les personnes de l’autre côté de la table de négociation. Des modifications ont été apportées à différentes étapes du processus, comme je l’ai dit plus tôt, avec le médiateur, le conciliateur et le médiateur spécial. Nous continuons à multiplier les efforts pour arriver à régler ces questions.
Tout ce que je peux faire, c’est d’être présente et de chercher à trouver un terrain d’entente inédit. Peu importe ce qui se passe ailleurs, ma grande priorité ne change pas, c’est-à-dire de continuer d’essayer de trouver des solutions à la table de négociation.
Le sénateur Housakos : Je n’en doute pas un instant. Je suis convaincu que les commentaires du gouvernement n’ont aucune influence sur vous. Toutefois, n’est-il pas possible que de telles déclarations de la part du gouvernement aient donné aux parties qui s’opposent à la direction un faux sentiment de sécurité et une marge de manœuvre supplémentaire qu’elles n’auraient autrement pas eus dans des négociations de cette nature? Voilà la question que je vous pose. Ces déclarations ont-elles compliqué les négociations pour vous?
Mme McDonald : Honnêtement, je ne peux pas deviner ce qui motiverait ou expliquerait les différentes prises de position du syndicat avec qui nous travaillons. Je dois supposer que le syndicat se présente à la table pour trouver des solutions lui aussi. Chose certaine, c’est ce que fait Postes Canada.
Le sénateur Housakos : Toujours sur cette question, cela aurait-il été utile, selon vous, si le gouvernement et le Parlement avaient fait signe aux deux parties, il y a quelques semaines ou quelques jours, qu’ils commençaient à perdre patience? Je vous pose la question parce qu’en ce qui a trait à la chronologie des événements, avant lundi dernier, la ministre du Travail confirmait toujours publiquement que le gouvernement ne songeait pas à adopter de loi de retour au travail. Puis, du jour au lendemain, il a changé d’avis.
Encore une fois, cette prise de position ferme de la part du gouvernement était-elle utile?
Mme McDonald : Je crois que j’ai déjà dit que, personnellement, je n’ai pas réclamé de loi de retour au travail. J’ai surveillé et appuyé l’équipe de négociation qui a tenté de régler les différentes questions. Cependant, j’ai essayé de me servir de tous les outils que j’aie pu trouver ou inventer, notamment, comme vous en avez peut-être entendu parler, des primes à la signature et au retour au travail, et une période d’attente pendant laquelle on s’engagerait à des périodes prolongées de médiation. De plus, j’ai proposé l’arbitrage exécutoire, ainsi que l’élimination de l’arbitrage exécutoire, dans le cas où cela représenterait un obstacle à d’autres solutions. J’ai cherché un peu partout pour trouver des solutions qui permettraient de faire des progrès.
Votre question est à savoir si j’aurais aimé qu’on présente un projet de loi de retour au travail plus tôt. Ce n’était pas mon objectif. Je ne voulais pas arriver à une résolution qui implique cette mesure. J’ai essayé de trouver une solution à cette impasse en me servant des outils disponibles à Postes Canada.
Le sénateur Housakos : Dans une réponse au sénateur Joyal, tout à l’heure, vous avez indiqué que le gouvernement n’a pas consulté la société d’État concernant le projet de loi et qu’il ne l’a même pas avertie qu’il allait présenter un projet de loi de retour au travail. En soi, je trouve cela quelque peu troublant.
Au cours des derniers mois ou des dernières semaines, la société a-t-elle eu une quelconque occasion de donner son avis au gouvernement sur le moment opportun où prendre une telle mesure?
Je suis certain que la direction de la société devait appréhender, ne serait-ce qu’inconsciemment, l’approche du mois de décembre, la période de l’année la plus occupée pour Postes Canada. Le moment était décisif. A-t-elle déjà exprimé des préoccupations au gouvernement à ce sujet?
Mme McDonald : D’abord, j’aimerais revenir sur ce que vous avez dit au début de votre question pour m’assurer de bien comprendre. Ce que j’ai compris, c’est que le sénateur m’a demandé si j’avais été consultée au sujet du projet de loi. Je n’ai pas été consultée par rapport au projet de loi. J’ai vu le contenu du projet de loi pour la première fois lorsqu’il a été présenté à la Chambre des communes. Je n’en connaissais pas le contenu avant cela. Je n’ai jamais donné de conseils pour la rédaction du projet de loi.
Certes, le jour où le premier ministre a déclaré que tout était possible, je savais que le gouvernement commençait à envisager de présenter un projet de loi. Je tiens simplement à être claire à ce sujet. Je n’ai pas été consultée par rapport au projet de loi, mais il est certain que j’ai perçu les signes permettant de supposer que le gouvernement s’apprêtait alors à prendre la décision de présenter un projet de loi.
Pardon, pourriez-vous répéter la deuxième partie de votre question?
Le sénateur Housakos : Avez-vous, à un moment donné, conseillé le gouvernement sur le moment opportun où proposer un projet de loi de retour au travail?
Mme McDonald : Non. Je n’ai jamais réclamé de projet de loi de retour au travail. Je n’ai jamais dit au gouvernement qu’il devait présenter un projet de loi de retour au travail.
Le sénateur Housakos : Donc, cette décision relève exclusivement du Cabinet et du gouvernement?
Mme McDonald : C’était la décision du gouvernement.
Le sénateur Housakos : Ma dernière question est un peu hors sujet, mais je me demande si vous pouvez nous indiquer si, à un moment donné, la ministre responsable de la Société canadienne des postes a demandé à celle-ci d’élaborer un plan pour rétablir la livraison du courrier à domicile, ce qui, bien sûr, faisait partie des promesses du gouvernement lors de la dernière campagne électorale. J’aimerais savoir si le gouvernement a demandé l’élaboration d’un plan visant à rétablir la livraison du courrier à domicile. Dans l’affirmative, quand prévoyez-vous mettre le plan en œuvre?
(1610)
Mme McDonald : Est-ce que vous me demandez si Postes Canada a préparé un plan ou une présentation à l’intention du gouvernement pour lui demander de rétablir la livraison du courrier à domicile?
Le sénateur Housakos : Un représentant du gouvernement vous a-t-il demandé un plan? Dans l’affirmative, quand le plan se concrétisera-t-il?
Mme McDonald : Je suis devenue présidente de Postes Canada en décembre dernier et j’ai reçu ma lettre de mandat en janvier. Je crois que le gouvernement, avant d’inscrire dans ma lettre sa décision de mettre fin à la transition vers les boîtes postales communautaires, s’était posé toutes les questions nécessaires. Je n’ai pas participé au processus. Je ne peux donc pas vous dire avec exactitude toutes les options qui ont été présentées par Postes Canada et qui ont conduit à la décision du gouvernement. On m’a littéralement présenté la lettre de mandat contenant la décision à mon arrivée. Je suis donc incapable de vous répondre. Je suis désolée.
Le sénateur Dean : Merci, madame McDonald, de vous joindre à nous aujourd’hui. Vous avez très bien précisé le contexte pour nous, et je vous en remercie. Je poserai la même question à votre organisation et au syndicat, par souci d’impartialité. Aucun sénateur n’est heureux de voir un projet de loi de retour au travail. Nous aurions tous préféré que l’on conclue une entente négociée et nous aimerions encore que ce soit le cas.
Premièrement, à mon avis, maintenant que nous avons examiné le projet de loi, il est essentiel d’évaluer si le processus proposé pour la sélection du tiers, à savoir le médiateur-arbitre, est équitable. Cela semble être le cas. Deuxièmement, les principes directeurs contenus dans le projet de loi et destinés à l’arbitre doivent être justes et concerner les différends relatifs au conflit. Troisièmement, le processus de règlement proposé, soit la médiation-arbitrage, doit maximiser la possibilité et la probabilité de conclure une entente négociée.
Pouvez-vous nous donner votre opinion, même si vous avez eu peu de temps pour y penser, sur ces trois éléments du projet de loi?
Mme McDonald : D’après ce que j’ai cru comprendre, la mesure législative prévoit la nomination d’un médiateur-arbitre, comme vous l’avez dit, et permet à chacune des parties de fournir une liste de candidats pour ce poste. Si un candidat se trouve sur la liste des deux parties, cette personne sera choisie. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le candidat à retenir, un candidat de l’une des listes sera choisi par une personne indépendante. Cette façon de procéder me semble juste. Les critères pris en considération par le médiateur-arbitre tiennent certes compte de l’intérêt public. Je pense que c’est quelque chose qui doit être considéré avec impartialité. Je ne veux pas parler au nom du syndicat, mais il me semble que c’est une liste complète d’enjeux que les deux parties souhaiteraient voir pris en considération, tout comme les clients d’ailleurs. Ce n’est pas uniquement dans l’intérêt des deux parties. Par exemple, je pense qu’une entreprise robuste offrant des services abordables serait dans l’intérêt des clients. Je ne crois pas que quelque chose a été omis. Il me semble que l’intérêt public a été pleinement pris en considération.
Pouvez-vous répéter le troisième élément du projet de loi que vous avez mentionné?
Le sénateur Dean : J’ai parlé de la nomination d’un médiateur-arbitre par rapport à la nomination d’un simple arbitre ou de plusieurs médiateurs-arbitres.
Mme McDonald : Je vous dirais que nous avons eu deux médiateurs différents. Au cours de la dernière période, le médiateur a été reconduit dans ses fonctions plusieurs fois et il a pu se familiariser avec les enjeux. Par conséquent, chaque renouvellement de son mandat par la ministre du Travail lui a donné l’occasion d’approfondir les choses et de mettre les deux parties à l’épreuve. Il y a du bon dans cette approche. Je pense qu’il est avantageux pour les deux parties que le médiateur qui sera possiblement celui qui prendra une décision définitive maîtrise très bien le dossier.
Pour être parfaitement honnête avec vous, je n’ai pas d’opinion sur cette loi et je ne la conteste pas. Si une mesure législative entre en vigueur, je présume que le gouvernement du Canada a mûrement réfléchi à l’intérêt public et qu’il a déterminé la façon de procéder qui lui paraît la plus juste.
Le sénateur Dean : Je vous remercie.
Le sénateur Manning : Je vous remercie de votre présence, madame McDonald.
Je viens d’une petite région rurale de Terre-Neuve-et-Labrador. La disparité salariale entre les facteurs des milieux ruraux et des milieux urbains est l’une des principales questions dont j’ai entendu parler au cours des derniers mois. D’après ce que je comprends, il existe un écart d’environ 25 à 30 p. 100. Il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes qui livrent le courrier dans les régions rurales, et il y a les distances à parcourir. Dans les régions urbaines, on est payé à l’heure. Les autres sont payés selon le territoire à couvrir durant la livraison.
D’après ce que je comprends, ce n’est pas nouveau. Il en est ainsi depuis de nombreuses années. Je me demande s’il s’agit d’une des principales préoccupations que le syndicat a soulevées durant les négociations. Qu’a fait Postes Canada pour tenter de combler cet écart? Je vais m’en tenir à cela pour l’instant.
Mme McDonald : Je vous remercie. Il s’agit d’une question très importante pour Postes Canada, ainsi que pour les facteurs ruraux et suburbains. Vous savez sans aucun doute que, à l’origine, ces facteurs étaient des entrepreneurs, qui présentaient des soumissions pour décrocher ces itinéraires. Il s’en est suivi une structure très différente de paiement à la livraison, qui s’est développée sur une très longue période. Cette structure est très différente de celle en place en milieu urbain, où, évidemment, ce sont le salaire horaire et des modalités très différentes qui priment.
J’ai beaucoup réfléchi aux raisons pour lesquelles des femmes ont été attirées par la possibilité de devenir des entrepreneures, notamment en devenant des factrices dans les secteurs ruraux et suburbains. J’ai vécu longtemps dans une ferme, qui était desservie par un itinéraire postal rural. J’ai grandi dans une ferme. J’ai trouvé intéressant le fait que les femmes étaient beaucoup plus intéressées à offrir ces services que les hommes. Toutefois, la réalité, c’est que ces entrepreneurs ont, en fin de compte, été convertis en employés. On se retrouve donc avec deux systèmes très différents, ainsi qu’avec un profil très différent quant au sexe des facteurs en milieu urbain, comparativement à celui des facteurs dans les secteurs ruraux et suburbains.
En résumé, la question de l’équité salariale a été soulevée d’une manière très intéressante. C’est à cause de la disparité entre les sexes. Toutefois, les deux systèmes étaient très différents et représentaient peut-être une iniquité, même en l’absence d’une inégalité entre les sexes.
Je suis vraiment heureuse que l’arbitre, Mme Flynn, ait finalement tranché la question de la conversion, au moyen de mandataires, de cet emploi et des tâches connexes des facteurs ruraux et suburbains à un système urbain très complexe, très différent. Cela fait en sorte que l’équité salariale ne soit pas fondée sur le sexe, et c’est d’une importance fondamentale. Cela a également amené rapidement la société à chercher une nouvelle façon de trouver des bases communes pour tous les employés.
Il reste du travail à faire. Je tiens à répéter que la décision de l’arbitre est en ce moment mise en œuvre et que tout sera complété rapidement. Comme vous l’avez souligné, on parle d’une augmentation de 25 p. 100 de la rémunération de tous les facteurs ruraux et suburbains. Cependant, cela signifie aussi que nous devons entrer des données dans les systèmes d’information et concevoir de nouvelles façons de créer les routes. Nous ne connaissons pas la nature du travail. Il n’y a pas de suivi du courrier et des colis dans les régions rurales. Il est donc impossible de faire une quantification comme dans les centres urbains. La société doit accomplir cette tâche de concert avec le syndicat. Il doit aussi y avoir des mesures à court terme pour que les gens soient payés pour le travail accompli, et ces mesures à court terme font partie du processus de négociation en cours.
(1620)
Le sénateur Manning : D’après ce que j’ai compris, les négociations ont débuté en janvier et vous avez été nommée en avril, est-ce exact?
Mme McDonald : Les conventions collectives venaient à échéance à la fin de janvier. Je suis arrivée à la société à la mi-décembre. J’ai repris les fonctions de PDG au début d’avril.
Le sénateur Manning : Pendant tout ce temps, les négociations et la grève tournante n’ont pas commencé avant le 22 octobre, d’après ce que j’ai compris. Au cours de ces négociations, y a-t-il eu des possibilités d’en arriver à une entente, ou est-ce que les deux parties avaient toujours des positions diamétralement opposées, comme c’est le cas à l’heure actuelle?
Mme McDonald : Je vais répondre au nom de la société, même si je pense que les deux parties donneraient la même réponse. Chaque fois qu’une des deux parties proposait une offre globale — ce qui est arrivé un certain nombre de fois, des deux côtés —, on avait bon espoir que l’offre nous rapprocherait d’un terrain d’entente, c’est-à-dire d’une solution qui, sans être exactement ce que cherche à obtenir l’autre partie, permettrait d’aborder les questions et d’en arriver à une entente. Donc, oui, à plusieurs reprises, j’ai eu bon espoir que nous pourrions parvenir à une entente. Cependant, chaque fois, il s’est avéré qu’on en est resté très loin.
Le sénateur Manning : La grève tournante a commencé le 22 octobre, soit quelques mois avant Noël. Comme nous le savons tous, c’est la période la plus occupée de l’année en ce qui concerne la livraison des colis. Les petites entreprises n’ont pas nécessairement les moyens d’utiliser les services de FedEx et d’UPS; ce sont les plus grands détaillants qui peuvent se le permettre. Lorsque la grève tournante a commencé, le conflit s’envenimait déjà. Essayer de trouver un terrain d’entente n’est plus une option.
Du 22 octobre jusqu’à maintenant, quelles différentes offres ou suggestions Postes Canada a-t-elle faites au syndicat pour essayer de régler la situation?
Mme McDonald : Je pense l’avoir dit, d’énormes efforts soutenus ont été consentis par le médiateur spécial. Bien que le public ne le voie pas, chaque jour, avec la participation du médiateur, des efforts sont déployés pour trouver des solutions créatives qui pourraient résoudre un problème et nous rapprocher d’un terrain d’entente.
Comme je l’ai dit, j’ai autorisé diverses offres en tenant compte du fait que nous allions manquer de temps jusqu’à ce que nos experts en logistique nous indiquent la date après laquelle nous ne pourrions plus livrer les colis de Noël, c’est-à-dire lundi dernier.
Jusque-là, l’offre de 72 heures allait bien au-delà de notre mandat. Nous avions calculé que nous pouvions nous débarrasser de l’arriéré et livrer les colis à temps pour Noël. Nous pouvions renoncer à ces revenus en échange d’un retour au travail, rassurer nos clients et servir les Canadiens.
Tout cela a culminé lundi dernier, jour où, selon nos experts en logistique — si le temps était favorable et que toutes les conditions étaient réunies —, nous pouvions encore livrer les colis à temps pour Noël. C’est alors qu’on a proposé l’offre d’une trêve, comme je l’ai dit, tout en reconnaissant que cela représentait un compromis de la part des travailleurs qui, comme on l’a souligné, exerçaient leur droit de grève. En échange de cette trêve, nous étions prêts à verser une prime de 1 000 $ pour chaque travailleur permanent. En même temps, nous acceptions de continuer de négocier de bonne foi jusqu’au 31 janvier avec un médiateur choisi par les deux parties. À cette date, toutes les opérations auraient été effectuées et nous aurions réussi à traverser cette période difficile. Comme je l’ai dit, nous avions laissé entendre qu’en cas d’échec, nous aurions recours à un arbitrage exécutoire. Lorsque j’ai constaté, en lisant le communiqué, que le syndicat jugeait cette mesure hostile, j’ai immédiatement exclu cette possibilité, mais en vain.
À la question que vous posez à propos des efforts déployés pour essayer de trouver une solution, sachant que la saison des achats de Noël arrivait, j’ai essayé désespérément d’en trouver une.
Le sénateur Manning : Bonne chance.
Le sénateur Wetston : J’ai quelques questions rapides à vous poser. Vous nous avez été d’une grande aide cet après-midi. Je suis certain que vous avez l’impression d’avoir répondu à toutes les questions possibles et imaginables, mais ce n’est pas le cas.
J’aime ce que vous avez dit au sujet de l’espoir. L’espoir est un grand motivateur, alors que les reproches le sont moins. J’entends toutes sortes de reproches et certains témoignages d’espoir. Je m’en tiendrai à cela pour ce qui est de ces questions.
Nous nous sommes penchés sur l’idée d’un cadre constitutionnel lié au droit de grève et aux lois de retour au travail. Bien sûr, les tribunaux ont eu de la difficulté avec cela. Je ne vais pas lancer une discussion constitutionnelle, mais, en ce qui concerne le droit de grève et les questions constitutionnelles qui y sont liées, l’idée est de rendre les règles du jeu plus équitables entre le gouvernement et les syndicats. Cela découle d’une série de cas portant sur les services essentiels.
On a posé une question précédemment à la ministre au sujet du fait que ce service n’est pas considéré comme étant essentiel. Je sais que vous n’êtes pas à Postes Canada depuis très longtemps, mais croyez-vous que le service qu’elle offre est essentiel?
Mme McDonald : Je n’ai pas d’opinion précise quant à savoir s’il s’agit d’un service essentiel. Je pense que c’est un terme juridique qui doit être pesé soigneusement. Je ne suis nullement juriste ou constitutionnaliste.
Toutefois, si j’essayais d’aborder l’esprit de votre question du point de vue du poste de PDG par intérim et de présidente du Conseil d’administration que j’occupe en ce moment à Postes Canada depuis peu, je dirais que certains éléments du mandat de Postes Canada font qu’on pourrait presque considérer que la société fournit un service essentiel. Il y a de nombreuses collectivités, surtout celles qui sont éloignées — et je pense aux communautés autochtones — qui n’ont pas d’autres choix de services. Je pense aux petites entreprises qui pourraient peut-être trouver d’autres fournisseurs, mais qui n’ont pas les moyens de recourir à eux.
Je pense que Postes Canada est un service public pour une très bonne raison. Pour tout dire, même si la société d’État doit ajuster ses perspectives d’affaires pour pouvoir desservir tous les Canadiens, peu importe où ils vivent — une décision qu’aucun fournisseur du secteur privé ne prendrait jamais volontairement —, je pense que, en ce sens, elle fournit un service qu’on pourrait presque qualifier d’essentiel.
Le sénateur Wetston : Permettez-moi de vous poser une dernière question. Je crois que vous venez de soulever un autre point.
Nous avons beaucoup parlé de répercussions aujourd’hui. Nous avons entendu le gouvernement. Nous n’avons pas encore entendu le syndicat. Compte tenu des circonstances, vous avez traversé une période très agitée récemment.
J’aimerais avoir une idée des répercussions de ce conflit sur les recettes de Postes Canada. Comment vos recettes nettes sont-elles touchées? Votre organisme subit-il des pertes considérables? Vos employés dépendent vraiment d’une entreprise qui fait de l’argent — à moins, bien sûr, que vous receviez des subventions, ce qui s’est peut-être produit par le passé. Pouvez-vous nous donner une idée de l’incidence de ce conflit sur vos résultats financiers, vos recettes nettes?
Mme McDonald : Oui, je peux. Nous estimons actuellement que, d’ici la fin de décembre, nous aurons perdu directement des recettes de près de 230 millions de dollars. Si ce conflit perdure, ces pertes se situeront autour de 110 millions de dollars. Nous devrons réviser ces chiffres à mesure que le conflit évoluera pour voir s’ils sont réalistes.
Nous avons facilement perdu 100 clients. Que ces clients reviennent ou non, nous sommes dans un secteur très concurrentiel. Bon nombre de nos plus importants clients ont maintenant signé des ententes à long terme avec nos concurrents. Nous n’arrivons pas vraiment à voir la fin du tunnel, mais ce sont nos estimations à ce jour.
Le sénateur Wetston : Merci.
La sénatrice M. Deacon : Deux de mes questions ont déjà été posées. J’aimerais maintenant vous poser une question au sujet de la gouvernance.
En tant que présidente-directrice générale, vous présidez aussi le Conseil d’administration. Je n’ai pas fait de recherche au préalable, alors j’ignore qui sont les membres du Conseil d’administration. Je suis toutefois curieuse. Cette période va passer. Plus tôt, vous avez parlé de reconstruction, de vision d’avenir, d’espoir et de confiance. Selon moi, ce sont tous des éléments cruciaux.
(1630)
Votre équipe au sein du Conseil d’administration est-elle en mesure d’avoir les conversations courageuses qui s’imposent, de prendre les décisions difficiles nécessaires et de mettre en place la gouvernance qui vous permettra de jeter les bases dont vous avez besoin pour aller de l’avant?
Mme McDonald : Je vous remercie de votre question. Je suis extrêmement heureuse de collaborer avec les membres du conseil actuel. Des membres de l’ancien conseil sont toujours là, et se sont greffés à eux de nouveaux membres, qui ont été nommés au milieu de l’année. Ils possèdent des compétences variées et examinent les enjeux touchant Postes Canada de manières très positives. Ils mettent à profit l’expérience qu’ils ont acquise dans d’autres fonctions ou, dans certains cas, dans leurs fonctions actuelles. Certains d’entre eux sont de très hauts dirigeants dans divers secteurs de l’économie canadienne et ils poussent la direction à s’interroger sur sa façon de penser. Ils s’investissent à fond dans leur travail, sont dévoués et recherchent activement des solutions nouvelles pour l’avenir.
La sénatrice M. Deacon : Merci.
Le sénateur Klyne : Les questions que j’avais ont déjà été posées par d’autres sénateurs.
Le sénateur Duffy : Je vous remercie d’être venue, madame McDonald. Vous avez une vaste expérience au sein de grandes entreprises comme BC Hydro et l’Insurance Corporation of British Columbia. Vous vous y connaissez donc dans la gestion d’un grand nombre d’employés et vous savez les problèmes que cela peut présenter, mais aussi les possibilités que cela offre.
Lors de votre intervention plus tôt — qui, je crois que tout le monde en conviendra, nous a été d’une grande utilité —, vous avez dit que vous n’aviez pas réclamé une loi de retour au travail. Votre témoignage me donne l’impression que vous êtes consciente d’un grand nombre des problèmes soulevés par le syndicat.
Étant donné que le syndicat a rejeté notamment la prime de 1 000 $ que vous aviez proposée, combien de temps cela vous prendrait-il pour rédiger une entente à laquelle les deux parties pourraient croire, compte tenu de votre volonté de changement, de votre attitude positive et de la nouvelle approche que vous adoptez à l’égard de certains de ces problèmes persistants si aucune mesure législative n’est prise?
Mme McDonald : Je pense que seul Salomon pourrait répondre à cette question.
Le sénateur Duffy : Y a-t-il des progrès à l’horizon?
Mme McDonald : Comme je l’ai déjà mentionné, j’ai eu bon espoir, très bon espoir, à un certain nombre de reprises, croyant qu’on tenait une nouvelle façon de voir les choses ou une nouvelle idée qui allait peut-être permettre soit de régler une question en particulier, soit de réunir les conditions propices à la conclusion d’une nouvelle entente. Cet espoir a été déçu chaque fois.
Je sais qu’il y a beaucoup de questions en suspens qui exigent des solutions à long terme. Nous n’avons pas nécessairement les systèmes, la technologie de l’information, l’infrastructure ou même la connaissance des éléments du système pour en arriver à une vision qui pourrait nous donner des réponses pour aujourd’hui.
Il faut essayer de régler les questions à long terme par des mesures à court terme tout en s’engageant à collaborer à long terme, mais les deux parties ont du mal à en arriver à un stade où elles sont prêtes à travailler ensemble pour régler les questions à long terme.
Je pense que je vous donne une longue réponse à une question bien concise. Je ne sais pas ce qu’il faudra pour parvenir à une entente. Ce que je sais, c’est que les deux parties y travaillent déjà sérieusement depuis presque un an et qu’elles sont encore bien loin d’une entente. Nous ne sommes pas parvenus à trouver les réponses.
Le sénateur Duffy : Puis-je vous demander si vous avez participé aux discussions, ne serait-ce qu’à titre d’observatrice?
Mme McDonald : Les discussions avec le syndicat?
Le sénateur Duffy : Les négociations. Avez-vous observé la chimie entre les participants?
Mme McDonald : J’ai assisté à des réunions avec le négociateur du syndicat et à d’autres réunions avec notre négociateur. Je n’ai pas personnellement assisté à des réunions à titre de négociatrice, si c’est ce que vous me demandez.
Le sénateur Duffy : Je me demande si vous entretenez une relation avec le syndicat qui vous permettrait d’établir un rapprochement.
Mme McDonald : Comme je l’ai dit, cela fait partie des efforts que j’ai déployés auprès du syndicat, et je veux grandement le remercier d’avoir accepté d’entamer des discussions avec moi, surtout que nous sommes en pleine période de négociations collectives très intensives. Nous avons eu des discussions très intéressantes sur la nature de la relation, nos opinions sur la relation et les raisons pour lesquelles une si grande partie des discussions est axée sur les différends et les conflits plutôt que sur les solutions.
Comme je l’ai indiqué dans mes observations préliminaires, je suis remplie d’espoir. Je souhaite fortement poursuivre les discussions. Il est difficile de les tenir en plein milieu de négociations collectives infructueuses. J’avais espéré que les discussions se recouperaient un peu. Tout ce que je puis vous dire, c’est que nous n’avons pas réussi à passer à une nouvelle étape.
Le sénateur Duffy : Merci. Vous êtes au courant des études réalisées. Nous avons entendu, devant un comité sénatorial, le professeur Hebdon, de l’Université McGill. Il a fait remarquer que, lorsqu’un règlement est imposé par voie législative pour une convention, on constate une diminution de 27 p. 100 de la probabilité d’une convention négociée la fois suivante.
Vous le savez probablement, compte tenu de votre expérience au sein d’autres organismes de la fonction publique.
Merci beaucoup de la franchise dont vous avez fait preuve aujourd’hui. C’est très utile et, bien honnêtement, très rassurant.
La présidente : Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être jointe à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi.
Le sénateur Harder : Honorables sénateurs, je demande que, conformément à l’article 12-32(5) du Règlement, Mike Palecek, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, soit invité à participer aux délibérations du comité plénier.
(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, Mike Palecek prend place dans la salle du Sénat.)
La présidente : Monsieur Palecek, je suis heureuse de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à vous présenter et à faire ensuite vos observations préliminaires.
Mike Palecek, président, Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes : Honorables sénateurs, bon après-midi. Je m’appelle Mike Palecek et je suis président du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. J’aimerais vous remercier de cette occasion de m’adresser à cette Chambre de second examen objectif. Je crois qu’un second examen objectif est de mise à l’heure actuelle.
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes représente 50 000 travailleurs des postes, d’un océan à l’autre, lesquels sont regroupés en deux grandes unités de négociation, l’unité de l’exploitation postale urbaine, qui compte 42 000 membres, et l’unité des factrices et facteurs ruraux et suburbains, qui compte environ 8 000 membres. Ces deux unités sont toutes deux en négociation en ce moment.
Comme vous le savez, nous en sommes au 34e jour de grève limitée.
Depuis le début de la grève, nous avons choisi non pas de déclencher la grève générale, mais plutôt de limiter la grève à certaines régions du pays à raison d’un jour ou deux à la fois. Nous avons procédé ainsi précisément pour que le service soit maintenu pendant que les négociations se poursuivaient.
(1640)
Nous estimions qu’il fallait exercer des pressions sur Postes Canada puisque, après un an ou presque de négociations, il y a eu très peu de progrès en ce qui concerne les principaux enjeux que nous essayions de régler.
Qu’on me comprenne bien : ces principaux enjeux sont d’une importance capitale. Postes Canada a un problème d’équité salariale et, à vrai dire, multiplie les infractions dans ce domaine. Nous avons demandé à un arbitre de trancher. Or, quand nous arrivons à la table de négociation, nous constatons que Postes Canada essaie d’enlever d’une main ce qu’on lui a ordonné de donner de l’autre.
Nous sommes dans une situation où la société refuse de payer les employés pour toutes leurs heures de travail et où certains sont forcés de faire des heures supplémentaires non rémunérées.
Il existe un problème d’heures supplémentaires chez Postes Canada, et ce problème ne fait qu’empirer. Nous essayons de régler les problèmes liés à la charge de travail. Le patronat semble insister pour dire que, bien que le nombre de colis augmente, le même nombre d’employés devrait pouvoir absorber cette augmentation de la charge en travaillant toujours plus. C’est en train de devenir problématique.
Postes Canada connaît également une crise en ce qui a trait aux blessures. Notre effectif est celui qui présente le plus grand nombre de blessures du secteur fédéral. Le taux de blessures de Postes Canada est cinq fois plus élevé que la moyenne nationale et deux fois plus élevé que le groupe de travailleurs qui suit. Les choses n’ont pas toujours été ainsi. C’est une situation sans précédent.
Nous avons de la difficulté à régler ces problèmes et n’avons pas trouvé de partenaire bien disposé de l’autre côté. Voilà la réalité. C’est pourquoi nous avons décidé de déclencher une grève. Comme vous le savez, c’est un droit garanti par la Charte, et les droits que nous confère la Charte s’apprêtent à être enfreints par le projet de loi que vous étudiez.
Selon nous, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à une loi de retour au travail. Selon nous, Postes Canada a tenté de créer une crise de toutes pièces afin de justifier ce recours. Nous l’avons déjà dit : Postes Canada n’a qu’un seul objectif en ce qui concerne les négociations. La société refuse de négocier de bonne foi, puis elle se croise les bras et attend qu’une loi de la sorte soit adoptée. Voilà ce qui se produit.
J’ai réussi à entendre une partie du témoignage de Mme McDonald, et certaines des choses que j’ai entendues me font tiquer. Il a notamment été question de tout le courrier accumulé. C’est de la fiction. Elle a aussi parlé de 391 remorques qui attendent d’être déchargées. Nous n’avons pas les moyens d’en calculer exactement le nombre, mais elle a parlé de quasiment un million de colis. Eh bien, je peux vous dire que, l’année dernière, c’est arrivé 40 fois que Postes Canada livre plus d’un million de colis dans une seule journée. L’arriéré dont parle Mme McDonald équivaut à la charge de travail d’une seule journée. Pourtant, on n’arrête pas de dire dans les médias que nous ne pourrons pas rattraper les retards avant l’année prochaine. Selon nous, c’est faux.
J’ai parlé tout à l’heure avec une personne de Montréal et, selon ce qu’elle m’a dit, le volume de courrier là-bas est tout à fait normal — pas pour la période des Fêtes, mais pour ce temps-ci de l’année. Pour tout vous dire, Postes Canada a passé la semaine à offrir des congés non payés aux employés parce que nous ne fonctionnions pas à plein régime.
J’ai aussi parlé à quelqu’un de Toronto, qui m’a dit que, au centre de tri Gateway — le plus gros du pays —, le volume de courrier ne représente qu’une fraction du volume habituel.
J’ai entendu la même histoire à notre centre de tri du courrier de Vancouver. Un représentant de notre section locale d’Ottawa à qui j’ai parlé plus tôt m’a informé que le volume de courrier au centre de tri d’Ottawa est normal. Il a pris la peine de préciser qu’il était normal pour la saison régulière, et non pour la haute saison.
C’est ce qui se produit habituellement lors d’une grève tournante : une certaine partie de la population arrête d’utiliser les services postaux parce qu’elle se rend compte qu’il y a une grève. Nous nous attendons donc à ce que le volume de courrier diminue. C’est l’une des façons dont les mesures de grève exercent des pressions sur la société.
Nous avons entendu parler à l’autre endroit de personnes qui risquaient d’être expulsées de leur logement parce qu’elles n’avaient pas reçu leurs prestations d’invalidité. Ces histoires nous rendent perplexes parce que nous avons signé un protocole d’entente avec Postes Canada, comme nous le faisons depuis bien longtemps avant toute grève, dans lequel nous nous sommes engagés à distribuer les chèques de pensions et de prestations d’invalidité durant la grève. Cela fait partie de la désignation des services essentiels que nous devons accepter avant de prendre une telle mesure.
Ce serait un euphémisme de dire que nous sommes exaspérés. Je ne crois pas que la version des faits qui a été donnée soit exacte. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
La présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Smith : Je vous remercie d’être venu nous parler aujourd’hui. J’espère que vous pourrez nous donner des précisions.
Lorsqu’on entend vos discours et celui de la représentante de Postes Canada, il faut se secouer la tête et se demander : où est le terrain d’entente? Qu’est-ce qui correspond à la réalité entre les deux déclarations? Il y a, généralement, deux côtés à une médaille.
Vous avez parlé d’équité salariale, d’heures supplémentaires et de blessures. S’agit-il des trois principales questions que vous vous efforcez de résoudre? Dans l’affirmative, donnez-nous une idée de la réalité à laquelle vous êtes confrontés. Quelle solution a été proposée ou présentée par le syndicat et rejetée par la direction?
M. Palecek : En ce qui concerne la question de l’équité salariale, elle évolue depuis un certain temps. À l’origine, notre position, dans le cadre de la présente ronde de négociations, était en fait de simplement réunir les deux unités de négociation et de les traiter exactement de la même façon. Nous avons pensé que ce serait le moyen le plus facile d’y arriver.
Nous avons dû changer notre approche, car nous avons compris que la négociation est une question de compromis. L’autre partie nous a dit que ce n’était pas une option, donc nous avons dû chercher une nouvelle approche.
Il existe toutefois certains éléments sur lesquels nous ne pouvons pas céder en matière d’équité salariale. Les femmes doivent recevoir un salaire égal. Cela signifie qu’elles doivent être payées pour toutes leurs heures de travail. Nous avons présenté des propositions détaillées à ce sujet aux facteurs ruraux et suburbains.
La crise des blessures à Postes Canada est compliquée. Les systèmes de livraison sont très complexes. Il n’y a pas de solution unique qui puisse tout régler. Pour vous donner un exemple, les facteurs n’avaient auparavant qu’un paquet de lettres à livrer et tout y était. Cela a changé il y a quelques années. Maintenant, ils livrent de multiples paquets. Ils ont un paquet de lettres, un paquet de magazines, un paquet de dépliants, en plus des colis. Ils doivent composer avec tout cela au moment de la livraison. Comme vous pouvez l’imaginer, cela fait que plus de gens glissent, trébuchent et tombent.
Ce processus a été jugé trois fois par un arbitre comme n’étant pas sécuritaire. Chaque fois, on ne fait qu’apporter un petit changement, plutôt que de rétablir le système du paquet unique. C’est pourquoi nous avons dû aborder ces questions à la table de négociation.
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Le sénateur Smith : Y a-t-il un coût lié aux changements que vous avez recommandés? La société dit-elle que ce serait trop coûteux de le faire? Dans ce cas, quelles méthodes le syndicat a-t-il proposées pour que ce soit quand même réalisable?
M. Palecek : En fait, nous avons discuté de différents coûts. La directrice générale par intérim m’a dit que la méthode de livraison avec des paquets uniques coûterait 80 millions de dollars à mettre en place. Pourtant, pendant l’arbitrage, Postes Canada disait que le coût serait d’environ 30 millions de dollars.
Nous sommes d’avis que le coût serait beaucoup plus bas encore. Nous ne sommes pas en mesure de calculer le coût précis, mais, si l’on tient compte de la réduction des heures supplémentaires qui se produirait, nous croyons que cela coûterait moins de 10 millions de dollars.
Le sénateur Smith : Vous dites que les employés ne sont pas rémunérés pour les heures supplémentaires qu’ils font. Est-ce exact?
M. Palecek : C’est tout à fait exact.
Le sénateur Smith : Quelles mesures avez-vous prises pour tenter de résoudre ou d’atténuer ce problème? La société vous a-t-elle proposé des solutions, ou se borne-t-elle à dire non?
M. Palecek : Dans le cas des unités de facteurs ruraux et suburbains, l’employé est payé pour toutes ses heures ou ne l’est pas. Il n’y a pas vraiment de place pour un compromis.
Dans un premier temps, l’employeur a dit non. Maintenant, il propose que les gens soient rémunérés lorsqu’ils dépassent le nombre d’heures qu’ils doivent travailler dans une semaine. Ainsi, ils auront le droit de recevoir un supplément de rémunération pour les heures au-delà de 40 heures par semaine, mais pas pour les heures supplémentaires pendant les semaines de moins de 40 heures.
Supposons, par exemple, qu’un facteur rural ou suburbain qui est censé travailler 6 heures par jour en travaille plutôt 10, ce qui arrive souvent. Il ne sera pas rémunéré au taux des heures supplémentaires pour la septième et la huitième heure, mais il le sera pour la neuvième et la dixième.
Voilà le genre de positions auxquelles nous nous heurtons à la table de négociation.
Le sénateur Smith : Qu’en est-il de la situation des femmes? Vous dites qu’elles ne reçoivent pas des salaires égaux à ceux des hommes. Serait-ce parce que certaines femmes travaillent dans les régions? Par le passé, si j’ai bien compris ce qui a été dit aujourd’hui, les régions avaient recours à des entrepreneurs.
Le travail effectué en régions éloignées est-il suffisamment différent pour entraîner des coûts supplémentaires? Si c’est le cas, comment le syndicat en tient-il compte pour trouver une solution avantageuse?
M. Palecek : C’est exactement le problème d’équité salariale que nous avons : une unité de négociation regroupe surtout des femmes et une autre, surtout des hommes. Tous ces employés font le même travail, mais l’unité qui compte une majorité de femmes reçoit un salaire bien inférieur.
Le sénateur Smith : Les entrepreneurs sont-ils mieux rémunérés?
M. Palecek : Non, ces travailleurs étaient auparavant des entrepreneurs. La situation a changé en 2004.
Le problème a fait l’objet d’une évaluation exhaustive lors d’un arbitrage. On a conclu que ces employés faisaient un travail de valeur égale et qu’ils méritaient donc un salaire égal.
Le sénateur Smith : Avez-vous évalué le coût de la solution aux trois problèmes que vous avez mentionnés ainsi que l’incidence que celle-ci aurait sur la rentabilité de Postes Canada? Dans l’affirmative, combien coûterait-elle?
M. Palecek : Nous n’avons pas la capacité d’évaluer exactement le coût de ces demandes. C’est Postes Canada qui détient l’information qu’il nous faudrait pour y arriver.
Le sénateur Smith : Vous vous demandez si Postes Canada vous transmettra cette information. Est-ce bien ce que vous voulez dire?
M. Palecek : Nous n’avons pas la capacité d’effectuer cette évaluation seuls.
Le sénateur Smith : Merci beaucoup.
La sénatrice Lankin : Monsieur Palecek, permettez-moi tout d’abord de vous remercier, au nom de vos confrères et consœurs, de votre leadership, car ce n’est pas facile de prendre la décision de déclencher une grève. Je vous félicite d’avoir adopté une position modérée en optant pour des mesures de grève limitées à l’heure actuelle.
Historiquement, cela nous rappelle l’époque où vos prédécesseurs ont montré leur bravoure, Jean-Claude Parrot en particulier, qui était prêt à faire le sacrifice d’aller en prison pour défendre le droit de grève. Votre syndicat a joué un rôle central sur cette question du droit de grève et sur de nombreuses autres questions.
En ce qui concerne l’équité salariale, je me souviens de l’époque où le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes fut un chef de file dans l’instauration d’un congé de maternité payé à un moment où le pays n’aurait jamais imaginé qu’un jour une loi en ce sens s’appliquerait à tout le pays. Il y a beaucoup d’autres cas sur lesquels je pourrais faire des commentaires. Tout cela pour dire que votre syndicat peut être fier de son histoire.
J’ai dit à la PDG par intérim de Postes Canada que, pendant toutes les années où j’ai pris part aux négociations du secteur public, son organisation a toujours été considérée comme le pire employeur public du pays. Les problèmes mis en exergue par le présent conflit — santé et sécurité, heures supplémentaires obligatoires ou non payées, équité salariale, emplois précaires et j’en passe — sont les mêmes que ceux qui sont au cœur des négociations et des grèves menées par votre syndicat depuis des années.
Ce qui me dérange, y compris depuis le début des négociations, il y a un an, c’est que, encore une fois, les travailleurs doivent manifester pour avoir le droit de refuser de faire un travail dangereux. Ces choses-là devraient se régler au comité mixte de santé et sécurité. C’est la même chose pour l’équité salariale : au fédéral, ce droit a été inscrit dans les lois sur les droits de la personne, ce qui n’est pas le cas dans les autres provinces, dont la structure législative est différente. Je suis contente que nous soyons saisis d’une mesure législative, et nous nous prononcerons bientôt à son sujet, sans doute au courant de la semaine.
Il a toutefois fallu en arriver au point où l’intervention d’un arbitre est requise. Certains nous ont dit qu’il s’agit d’un gage de bonne foi, mais je ne sais trop quoi penser. Qu’en dites-vous?
Ma question à la PDG par intérim portait sur le changement de mandat que le gouvernement a envoyé à la société, accompagné d’encouragements, et sur la façon dont elle va s’y prendre pour opérer ce changement dans l’organisation aux échelons inférieurs. J’ai l’impression que bien des problèmes qui persistent existent au niveau des directions régionales et infranationales.
Pourriez-vous nous en parler d’un point de vue des directions locales et régionales? La culture a-t-elle commencé à changer? En parle-t-on? Voyez-vous des progrès? Je vous accorde que cela ne concerne pas le présent conflit, mais je veux savoir si on peut espérer des progrès dans cette société d’État ou si c’est toujours du pareil au même?
M. Palecek : Depuis longtemps, les membres que nous représentons sont victimes de harcèlement et d’intimidation de la part de la direction et des superviseurs de tous les échelons. D’ailleurs, plus tôt cette année, un simple membre de notre syndicat a soulevé ce problème lors d’une assemblée publique, à Winnipeg. Le premier ministre a répondu à la question en promettant que le problème serait réglé.
Ensuite, nous avons lancé ce que nous avons appelé la campagne contre l’intimidation par les patrons. Nous avons demandé aux membres de notre syndicat de nous raconter leurs expériences. Je peux vous dire que nous avons reçu une foule de réponses, et que certaines de ces histoires pourraient vous émouvoir aux larmes.
Tout au long de ce processus, nous avons fait part de ces situations à la ministre responsable de Postes Canada, la ministre Qualtrough. Encore une fois, on nous a assuré que le problème serait réglé et pris au sérieux. Nous avons finalement rencontré la PDG par intérim, Jessica McDonald, ainsi que les dirigeants de tous les autres syndicats qui représentent des travailleurs de Postes Canada. À la suite de discussions, on a convenu de lancer une initiative en collaboration avec tous les syndicats concernés afin de résoudre ces problèmes. Ensuite, nous n’en avons plus entendu parler.
(1700)
La sénatrice Lankin : Pour ce qui est de la décision de l’arbitre concernant l’équité salariale, seriez-vous en mesure de nous fournir des références aux fins de vérification ou de nous remettre une copie de la décision par l’entremise du bureau du représentant du gouvernement afin qu’on puisse la distribuer à tous les sénateurs?
M. Palecek : C’est tout à fait possible.
La sénatrice Lankin : D’accord. Vous avez parlé de l’arriéré. On a beaucoup entendu parler de l’arriéré et du fait que votre position à ce sujet est fausse. Le sénateur Housakos et moi — il n’est pas ici en ce moment — avons dit que nous allions monter dans un véhicule et nous rendre dans un centre de distribution. Vous avez dit que vous ne pouvez même pas avoir accès à un centre de distribution pour vous rendre compte vous-même de la situation. Nous aimerions constater ce qu’il en est au juste.
Hier, j’ai eu l’occasion de parler à des spécialistes des relations de travail, qui ont témoigné dans des affaires de contestations fondées sur la Charte au sujet du retrait du droit de grève. Un d’entre eux a fait valoir un argument très solide : même si la structure de ce projet de loi de retour au travail tient compte des préoccupations soulevées dans l’arrêt Saskatchewan Federation of Labour et dans la décision rendue par la Cour supérieure de l’Ontario en 2011, et qu’il tente d’atteindre un équilibre différent, il doit aussi répondre à un autre critère. Il s’agit de la nécessité d’avoir recours à une loi, peu importe la façon dont elle est structurée.
Selon lui, la principale question est la grève elle-même. A-t-elle perturbé considérablement les services postaux? Il s’agit d’une grève tournante, organisée de façon à ne déranger que modérément la livraison de courrier. Au bout du compte, si le projet de loi est adopté et si le syndicat en conteste la constitutionnalité en cour — ce qui risque fort d’arriver, selon moi —, le projet de loi pourrait s’avérer vulnérable, ne serait-ce qu’à cet égard.
Quelles preuves solides peut-on trouver à propos des arriérés? Je vous ai entendu mentionner les nouvelles des sections locales. Je suis allée visiter les pages web de quelques sections locales, où sont publiés des bulletins dans lesquels on se vante d’avoir provoqué des arriérés. Je présume que c’est sur quelques jours. Je cherche des preuves et non des anecdotes. Je suis touchée par les lettres et les répercussions sur les petites entreprises, car cela est bien réel. C’est là le but d’une grève : créer et utiliser les seuls moyens de pression qu’on a à titre de représentants des travailleurs.
Existe-t-il des preuves vers lesquelles vous pourriez nous aiguiller durant nos délibérations sur la constitutionnalité du projet de loi et sa conformité à la Charte, concernant le deuxième point, c’est-à-dire la nécessité d’une loi à ce stade-ci?
M. Palecek : Pour ce qui est des arriérés, on a affirmé ici aujourd’hui que presque un million de colis sont en attente. Comme je l’ai mentionné, il y a eu 40 jours l’an dernier où nous avons livré ce nombre de colis en une seule journée. J’en conviens, la journée serait occupée. J’estime que les chiffres seront probablement plus élevés cette année étant donné que le volume de colis augmente constamment. Par conséquent, j’affirme qu’il n’existe pas vraiment d’arriérés.
En ce qui concerne la nécessité de la mesure législative, je signale que nous nous sommes déjà entendus sur les services essentiels, comme la livraison des chèques d’aide sociale. Nous livrons les chèques de pension et les prestations d’invalidité durant n’importe quelle grève.
La sénatrice Lankin : Et les animaux vivants, d’après ce que j’ai entendu dire.
M. Palecek : En effet, nous livrons aussi les animaux vivants, comme les poussins ou les abeilles domestiques.
La présidente : Merci beaucoup. Sénatrice Lankin, votre temps de parole est écoulé. Sénateur Day, vous avez la parole.
Le sénateur Day : Merci, monsieur Palecek. Je suis tout au bout ici. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de venir répondre à nos questions. J’imagine que vous auriez autre chose à faire, mais il est très important que nous ayons votre point de vue.
Ma première question vise à clarifier les choses, du moins dans mon esprit, en ce qui concerne l’équité salariale. Il a été question du fait qu’il y a plus de femmes qui travaillent dans les régions rurales, 70 p. 100 contre 30 p. 100. L’équité salariale porte-t-elle sur un écart entre les régions urbaines et rurales ou entre les hommes et les femmes?
M. Palecek : On parle ici d’unités de négociation qui représentent les facteurs ruraux et suburbains. Ces zones ont été délimitées géographiquement il y a de cela longtemps. Évidemment, à mesure que les villes s’étalent, il y a de plus en plus de zones urbaines dans l’unité suburbaine. C’est là que se trouve l’écart. Le travail est le même, mais pas le salaire.
Le sénateur Day : Oui, je comprends cela, et il se trouve par hasard qu’il y a aussi un écart hommes-femmes.
M. Palecek : Eh bien, je ne crois pas que ce soit une coïncidence. Les choses ont été établies de cette façon. Si on remonte assez loin dans le passé, on constate que ces itinéraires étaient souvent confiés à des ménagères en milieu rural qui faisaient ce travail pour gagner un revenu d’appoint. On disait qu’elles faisaient cela pour avoir de l’argent de poche.
Le sénateur Day : Merci de cette précision. Je vais passer à ma prochaine question, si vous me le permettez. Est-ce que les négociations se poursuivent actuellement, pendant le week-end? Est-ce qu’on négocie en ce moment même?
M. Palecek : Oui, nous continuons de négocier avec l’aide du médiateur. Nous espérons vivement parvenir à une entente négociée. Nous savons que c’est la seule façon d’en arriver à une entente satisfaisante pour les deux parties.
Le sénateur Day : Je peux vous dire que les sénateurs ici présents partagent cet avis. Nous espérons que ce sera le cas. C’est ce que vous espérez. Serait-il possible d’amorcer une période de réflexion? Même si ce projet de loi est adopté, il n’entrera pas en vigueur avant de recevoir la sanction royale, et c’est une étape qui peut se reporter. Les négociations pourraient-elles se poursuivre après ce week-end?
M. Palecek : C’est tout à fait possible. Nous avons défendu avec ardeur notre droit de négocier. C’est exactement ce que nous avons l’intention de faire.
Le sénateur Day : Merci. J’espère que vous poursuivrez les efforts en ce sens.
J’ai une dernière question. Je sais que vous ne souhaitez pas l’adoption du projet de loi, mais je sollicite votre indulgence. Si le projet de loi est adopté, y a-t-il quelque chose que vous souhaiteriez y voir ajouté ou modifié au préalable? Y a-t-il quelque chose que le Sénat puisse faire pour améliorer le projet de loi, selon vous?
M. Palecek : Nous sommes encore en train d’examiner le projet de loi avec nos conseillers juridiques, alors je ne pourrais vous donner de réponse définitive. Toutefois, je comprends que les choses vont vite. Beaucoup plus vite qu’il ne le faut, selon moi. Je dirais qu’il y a une chose que nous jugeons inhabituelle. Le projet de loi confie à la ministre du Travail le soin de déterminer quels sont les points en litige qui seront renvoyés à l’arbitrage. Normalement, cette décision revient aux parties. Nous sommes plutôt préoccupés par cela.
Le sénateur Day : D’accord, merci beaucoup.
Le sénateur Plett : Je vous remercie d’être ici cet après-midi.
Vous semblez mettre en doute l’affirmation de Mme McDonald, selon laquelle 391 remorques attendent d’être déchargées. Avez-vous des preuves que cette affirmation est inexacte et que Mme McDonald nous a donné des renseignements erronés?
(1710)
M. Palecek : Ce que Mme McDonald dit ne semble pas correspondre à ce que nous entendons de la part de nos travailleurs partout au pays. Toutefois, Postes Canada a dit dans les médias qu’elle entreposait des colis et des paquets à d’autres endroits que nous ne connaissons pas. Cela pourrait être vrai. Je crois que 391 remorques pourraient fort bien contenir un million de colis, comme elle le prétend. Ce que nous trouvons moins crédible, c’est son affirmation selon laquelle un tel nombre de colis constitue un arriéré de taille. Pour nous, c’est l’équivalent d’une journée de travail.
Le sénateur Plett : Comme c’est ce qu’elle est elle-même venue nous dire, j’ai tendance à considérer que l’information qu’elle nous a donnée est exacte, tout comme j’ai tendance à considérer que ce que vous dites est exact. À moins que l’information à votre disposition soit erronée, je crois que vous devriez vous abstenir d’insinuer que l’un ou l’autre des témoins entendus aujourd’hui ait pu nous dire des choses inexactes.
M. Palecek : Comme je viens de le dire, ce qui nous fait tiquer, c’est l’affirmation qui veut qu’un million de colis constitue un arriéré de taille. Pour nous, c’est l’équivalent d’un lundi.
Le sénateur Plett : Je ne prétends pas tout connaître des négociations en cours, mais de toute évidence, le Canada est aux prises avec des problèmes bien plus graves que le salaire des travailleurs des postes, même si vous ne le jugez pas assez élevé, l’équité salariale et ce genre de choses, même si je suis tout à fait sensible à vos revendications. Selon des sources extrêmement fiables, la grève actuelle, quoique tournante, a coûté en moyenne 3 000 $ depuis le 22 octobre à chaque entrepreneur au Canada. Certaines entreprises en sont venues à fermer boutique.
Le sénateur Sinclair disait plus tôt que le but d’une grève, c’est évidemment de causer des remous. Il faut que ses contrecoups se ressentent quelque part. Je le comprends et j’estime que c’est votre droit.
Cela dit, avez-vous au moins envisagé, en gage de bonne foi, de suspendre votre grève tournante jusqu’après les Fêtes, ne serait-ce que pour la reprendre de plus belle après? Craignez-vous de dilapider votre pouvoir de négociation en agissant de la sorte? Au moins, vous auriez évité une loi de retour au travail.
M. Palecek : Bien franchement, la direction de Postes Canada a eu une période de réflexion d’un an. Cette question aurait pu être réglée sans aucune mesure de grève. Nous essayons de régler ces questions à la table de négociation depuis un an. Cependant, pour être franc, si la direction ne voulait pas négocier quand il n’y avait pas de pression, pourquoi négocierait-elle si nous enlevons la pression?
Le sénateur Plett : Simplement pour éviter qu’un projet de loi de retour au travail ne soit imposé, je suppose, et ramener les parties à la table. J’ai été un peu déçu d’apprendre, selon la réponse de Mme McDonald à une question du sénateur Joyal, qu’elle ne semblait pas avoir eu affaire avec le gouvernement dans le cadre des négociations, et qu’elle l’avait lu sur le site web. Je suppose que votre syndicat et vos dirigeants sont dans la même situation?
M. Palecek : Nous avons rencontré les ministres Qualtrough et Hajdu à quelques reprises.
Le sénateur Plett : Dans un communiqué de presse publié cette semaine dont je vais citer seulement un court passage, vous avez dit : « Justin Trudeau révèle son vrai visage. » Je crois que ce sont les mots que vous avez employés. Entre 1950 et 2014, on a utilisé des lois de retour au travail 34 fois au total. Ce n’est donc pas un cas unique. Ces mesures visaient surtout le domaine des transports et Postes Canada — plus précisément Air Canada, le CN et Postes Canada. C’est le père de Justin Trudeau qui a présenté la majorité de ces projets de loi dans les années 1970.
Pour Postes Canada, Pierre Trudeau, Brian Mulroney, Jean Chrétien, Stephen Harper et maintenant Justin Trudeau ont tous mis en œuvre un projet de loi de retour au travail. Ces messieurs ont-ils tous montré leur vrai visage? Quel est ce vrai visage?
M. Palecek : Selon moi, M. Harper n’a caché aucune de ses intentions, tandis que...
Le sénateur Plett : J’ai mentionné cinq personnes. Je ne veux pas que vous parliez seulement de M. Harper.
M. Palecek : Non, j’ai parlé de lui parce que ses intentions étaient claires, tandis que les autres n’étaient pas aussi directs. Le premier ministre s’est manifestement fait un devoir de dire qu’il croit à la négociation collective. À mon avis, on a apporté un changement considérable récemment, à savoir que le droit de grève a été inscrit dans la Charte par le plus haut tribunal du pays, ce qui n’était pas le cas auparavant. Ainsi, je crois que nous avions raison de nous attendre à autre chose.
Le sénateur Plett : En 1997, Jean Chrétien a mis en œuvre une loi de retour au travail. Cela lui a pris 10 jours. Quant à Stephen Harper, cela lui a pris 12 jours. Pourquoi était-ce pire pour Stephen Harper que pour Jean Chrétien, et qu’est-ce que cela change? Cela fait maintenant un mois. Qu’il s’agisse de 12 jours ou d’un mois, cela a été une période terrible pour bien des gens, alors je ne sais pas ce que cela change.
M. Palecek : Le projet de loi de M. Harper a été annulé par les tribunaux, qui l’ont jugé anticonstitutionnel.
Le sénateur Plett : En raison du temps que cela lui a pris, qui était en fait plus long que le temps qu’avait pris Jean Chrétien — et la principale raison donnée par le tribunal pour annuler le projet de loi de Stephen Harper était qu’il s’y était pris trop rapidement.
M. Palecek : Je crois que le tribunal a donné plusieurs raisons.
Le sénateur Plett : Merci.
Le sénateur Sinclair : Merci. Je suis ici, monsieur. Je me trouve à l’opposé du sénateur Plett, au sens concret et au sens symbolique.
Je vais d’abord vous poser la question suivante. Il est évident que le processus de négociation entre le syndicat et l’employeur traînait depuis un an. Il a fallu 10 mois avant que le syndicat décide d’effectuer une action collective sous la forme d’une grève tournante. Compte tenu du fait que, cinq semaines plus tard, le gouvernement impose une loi de retour au travail, pourquoi avez-vous attendu si longtemps? Pourquoi avez-vous tant tardé avant d’exercer ce moyen de pression?
M. Palecek : Nous espérions en arriver à une entente. Ce délai n’est pas inhabituel. Nous avons présenté des propositions tout au long du processus dans le but d’accélérer les choses. En toute honnêteté, la partie patronale nous avait assuré que nous allions trouver un terrain d’entente.
Par exemple, au printemps dernier, nous avons proposé de nous installer à l’hôtel à plein temps pour mener des négociations, ce qui représentait une importante dépense pour le syndicat. C’est normalement ce qui est fait à la toute fin du processus. C’était là un signal que nous pensions résoudre le conflit dans les semaines qui suivaient. Nous avons plutôt passé des mois et des mois à l’hôtel et dépensé des centaines de milliers de dollars en vue de négociations qui n’ont pas eu lieu. Nous avons fait preuve d’ouverture à maintes reprises dans l’espoir de résoudre le conflit rapidement.
Le sénateur Sinclair : Nous avons vu récemment dans les médias un article dans lequel un représentant de Postes Canada — ou peut-être était-ce un député, je n’en suis pas certain — reprochait au syndicat de ne pas avoir soumis la dernière offre de Postes Canada à ses membres.
Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Y a-t-il une offre que vous n’avez pas transmise à vos membres? Pourquoi?
M. Palecek : Les décisions sont prises par le conseil exécutif national du syndicat, qui regroupe des représentants élus provenant de partout au pays. Les membres nous ont confié un mandat très fort pour que nous réglions les enjeux qui leur tiennent à cœur. Nous connaissons les points de vue de nos membres. Par conséquent, si nous savons d’avance que des propositions seront rejetées, nous ne les soumettrons pas à un vote.
Le sénateur Sinclair : Quelle est la nature du mandat qui vous a été confié? Pouvez-vous nous dire dans quelle proportion les membres ont voté en faveur de la grève?
M. Palecek : Oui. Le résultat était de 93,5 p. 100 dans une unité de négociation et d’environ 96 p. 100 dans l’autre.
Le sénateur Sinclair : La perturbation des services postaux a été évoquée comme l’une des principales raisons de la décision du gouvernement d’imposer une loi de retour au travail.
Après avoir lu un article sur le sujet il y a quelques jours, j’aimerais connaître votre opinion sur l’affirmation selon laquelle les entreprises de vente par correspondance comptent parmi les principaux joueurs. Avez-vous une opinion sur le sujet ou des informations dont vous pourriez nous faire part?
(1720)
M. Palecek : Oui, j’ai entendu Mme McDonald mentionner tout à l’heure qu’ils avaient perdu 100 clients. À ce que je sache, le nombre de nos clients se chiffre à 35 millions.
Le sénateur Sinclair : Le sénateur Plett a fait une excellente compilation des chiffres. Si l’on compte le nombre de projets de loi adoptés pour imposer le retour au travail, Postes Canada et ses syndicats figurent en tête de liste. En effet, ce n’est pas la première fois que Postes Canada et le syndicat font l’objet d’un projet de loi de retour au travail.
Pouvez-vous nous en indiquer les raisons? Quelle est la nature du problème qui fait que nous ne vous voyons pas pour la première fois, et sans doute pas pour la dernière fois non plus?
M. Palecek : Je pense que, sur le plan des relations de travail, il y a une culture d’affrontement qui est depuis longtemps profondément enracinée à Postes Canada.
Le sénateur Sinclair : Vous ne vous aimez donc pas beaucoup?
M. Palecek : Cela vient surtout du traitement que nous subissons sur le lieu de travail. Comme je l’ai dit dans un témoignage précédent, il y a des classeurs entiers de dossiers de plaintes liées à l’intimidation et au harcèlement. Il y a, par ailleurs, une sorte de culture et de structure militaires dans tous les services de Postes Canada, à tel point que, lorsqu’un employé s’absente une journée, on considère qu’il s’est absenté sans permission.
La présidente : Merci, sénateur. Le sénateur Joyal a la parole.
Le sénateur Joyal : Monsieur Palecek, bienvenue. Lorsque le Parlement a été appelé à se prononcer sur le projet de loi de retour au travail en 2011, plusieurs d’entre nous qui siégeaient dans cette assemblée ont soulevé des questions au sujet de la constitutionnalité de la mesure législative. Comme vous l’avez dit dans une des réponses que vous avez données plus tôt, la cour a reconnu que cette loi était inconstitutionnelle. Je suis certain que vous avez eu l’occasion, avec vos conseillers, d’étudier cette décision.
Dans le projet de loi C-89, la présente mesure législative, quel aspect, à votre avis, ne respecte pas les droits garantis par la Charte d’une manière qui amènerait un tribunal à conclure qu’elle est inconstitutionnelle? Je sais que c’est une question juridique, mais je suis sûr que vous avez un conseiller juridique qui pourrait certainement vous donner un avis au sujet de la validité de la présente mesure législative.
M. Palecek : Je ne suis pas avocat et, comme je l’ai dit, nous sommes encore en train d’étudier le dossier avec nos conseillers juridiques, mais je dirais qu’elle ne répond assurément pas au critère de la nécessité, compte tenu de la portée limitée des mesures de grève que nous prenons.
Il y a d’autres questions qui ne concernent pas simplement la constitutionnalité. Nous croyons que cette loi enfreint les conventions de l’Organisation internationale du Travail sur le droit de grève que notre pays a ratifiées. Elle est donc illégale à d’autres égards.
Le sénateur Joyal : Conviendriez-vous que l’aspect de l’atteinte minimale du projet de loi n’a pas été correctement défini, et qu’il élimine le droit de faire la grève au lieu de proposer une manière plus flexible de l’exercer?
M. Palecek : Nous sommes d’avis que, dans la situation actuelle, la nécessité du projet de loi n’a pas été prouvée.
Le sénateur Joyal : Est-ce, à première vue, le principal défaut que vous attribuez au projet de loi?
M. Palecek : C’est un des principaux défauts. J’ai parlé plus tôt du fait que cela laisserait à la ministre du Travail le soin de définir les points en litige. Selon nous, c’est quelque chose de hautement discutable. Un certain nombre des dispositions du projet de loi mériteraient une étude juridique approfondie.
Le sénateur Joyal : Le projet de loi met en lumière la réalité des relations de travail entre l’employeur et le syndicat : l’employeur a toujours la possibilité d’une loi de retour au travail en réserve. Je crois qu’il n’est pas exagéré de conclure que, dans le cas de Postes Canada, il s’agit plus ou moins d’un moyen de résoudre ses problèmes de relations de travail. Autrement dit, il y a un déséquilibre dans le système qui persiste depuis des années.
Vous et mes collègues avez donné des exemples de lois de retour au travail qui concernent Postes Canada. Je me souviens que, dans les années 1970, votre prédécesseur, M. Parrot, était l’un de nos sujets de réflexion favoris lorsque nous devions étudier des lois de retour au travail. Je suis convaincu que vous ne partagez pas la mentalité de M. Parrot. Je n’ai aucun doute à ce sujet. Cependant, comme vous l’avez dit, il ne fait aucun doute qu’il y a une culture dans le système qui donne lieu à un déséquilibre permanent qui est davantage renforcé par le projet de loi.
Comment concevriez-vous la situation systématiquement pour éviter que tout ceci ne se reproduise dans quatre ou cinq ans?
M. Palecek : Eh bien, je dirais d’abord que le cas de M. Parrot fait également partie de notre réflexion, absolument. D’ailleurs, j’ai rencontré son frère pas plus tard qu’hier soir.
Je crois que, si nous sommes ici aujourd’hui, c’est précisément parce que nous n’avons pu régler ces questions lors des rondes de négociation précédentes. Bon nombre des questions liées à la santé et à la sécurité que nous voulons régler étaient déjà sur la table lorsqu’une loi du gouvernement Harper a forcé notre retour au travail et, comme nous n’avons pas pu les régler à cette époque, la situation a atteint le stade de crise en ce qui concerne les blessures subies au travail. Par conséquent, je crains que, si ce projet de loi est adopté, nous ne soyons dans une situation fort similaire lors des prochaines négociations.
Le sénateur Joyal : Vous avez dit plus tôt que vous aviez rencontré les deux ministres que nous avons reçues cet après-midi. Quand ces rencontres ont-elles eu lieu? De quoi avez-vous discuté avec ces deux ministres?
M. Palecek : Je ne me rappelle pas exactement les dates, mais c’était au cours des derniers mois. Nous avons eu quelques rencontres en compagnie des deux ministres, la ministre Hajdu et la ministre Qualtrough. Nous avons discuté du processus de négociation pour la nomination de médiateurs, des choses du genre. Nous avons également discuté de certaines questions que nous tentons de régler à la table de négociation.
Le sénateur Joyal : A-t-on déjà laissé entendre que l’on pourrait présenter un projet de loi de retour au travail s’il n’y avait pas d’entente?
M. Palecek : Non.
Le sénateur Joyal : Quand avez-vous rencontré ces personnes pour la dernière fois?
M. Palecek : Nous avons communiqué par téléphone et tenu des rencontres en personne. Nous avons certainement eu des échanges téléphoniques avec deux de ces personnes au cours des deux dernières semaines.
Le sénateur Joyal : Dans ces circonstances, on n’a pas indiqué qu’un projet de loi de retour au travail serait présenté s’il n’y avait pas d’entente?
M. Palecek : Eh bien, nous en avons certainement discuté lorsque nous avons entendu dire que toutes les options étaient envisagées. Nous avons tenté, sans succès, d’obtenir des précisions à ce sujet.
J’ai certainement déjà indiqué à la ministre du Travail que le recours à un projet de loi de retour un travail semblait être sous-entendu, et que c’était une solution très risquée, puisque nous avions peur que cela amène l’employeur à mettre un terme aux négociations et à attendre, tout simplement, l’adoption du projet de loi.
Le sénateur Joyal : Surtout lorsqu’on pense aux relations de travail passées entre l’employeur et le syndicat.
M. Palecek : C’est exact.
Le sénateur Joyal : Si ce projet de loi est adopté, comment envisagez-vous la suite des négociations?
M. Palecek : Eh bien, les négociations ne sont pas suspendues. Nous sommes toujours à la table de négociation et nous travaillons encore avec acharnement pour conclure une entente. Nous continuerons.
(1730)
Le sénateur Joyal : Est-il possible que ce projet de loi favorise la négociation à ce stade, ou pensez-vous que cela va envenimer les relations entre les deux parties?
M. Palecek : Je ne crois pas que cela va arranger les choses.
Le sénateur Joyal : Vous ne croyez pas que cela va rapprocher vos positions? Parfois, il vaut mieux avoir une convention découlant de la négociation plutôt qu’une solution imposée par un tiers. Ne pensez-vous pas que ce serait l’idéal?
M. Palecek : Une convention négociée vaut toujours mieux qu’une convention imposée.
Le sénateur Joyal : La présidente par intérim de Postes Canada nous a parlé des diverses périodes de médiation et d’arbitrage qui se sont déroulées pendant à peu près un an sans progrès. Pouvez-vous confirmer le nombre de rencontres qui se sont tenues à chaque étape, et nous dire s’il y a eu des progrès ou si c’était l’impasse chaque fois?
M. Palecek : Je ne peux pas vous confirmer le nombre de rencontres. Les pourparlers se sont poursuivis pendant toute la période. Aucune partie ne les a interrompus, même si la négociation était complexe. Il n’y a pas eu une seule table de négociation mais plusieurs, sur différents thèmes. Il y a eu aussi des rencontres en marge des négociations, non pas officielles, mais par l’entremise du conseil exécutif national. Il y a eu énormément d’entretiens.
Je ne pense pas qu’il soit juste de dire qu’il n’y a eu aucune avancée pendant tout ce temps. En fait, si vous comparez notre dernière offre aux exigences que nous avions il y a un an, vous verrez qu’il y a eu pas mal d’avancées, du moins de notre côté.
Le sénateur Joyal : Vous dites que le projet de loi traite d’un certain nombre de points en litige faisant l’objet de négociations, en particulier l’article 10.2...
La présidente : Sénateur Joyal, votre temps de parole est écoulé.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Palecek, d’être venu témoigner aujourd’hui. Avez-vous l’impression que cette loi n’est pas nécessaire? Je suis un ancien chef syndical, et je constate que l’employeur a délibérément fait traîner les choses jusqu’à la période des Fêtes afin de créer un faux climat d’urgence, car il sait que le gouvernement viendra régler la négociation pour lui en retirant le droit de grève.
[Traduction]
M. Palecek : Je ne crois pas que le projet de loi soit nécessaire. J’estime que c’est une entrave à l’amélioration des relations de travail à Postes Canada.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai entendu parler d’une trêve de l’employeur jusqu’au 31 janvier. Avez-vous l’impression que cette trêve permettrait à l’employeur de traverser la période stratégique qu’est la période des Fêtes? Est-ce que, au 31 janvier, votre pouvoir de négociation sera beaucoup moins stratégique, étant donné que la période des Fêtes sera passée? Pourra-t-on laisser traîner les négociations encore pendant un certain temps? J’ai l’impression qu’on passe une période stratégique.
[Traduction]
M. Palecek : L’un des points en litige concerne les heures supplémentaires. Dans le cadre de la grève, nous avons interdit les heures supplémentaires. C’est la période la plus occupée de l’année, donc la période la plus stressante pour nos membres. Nous ne pouvons pas, en bonne conscience, retourner nos membres au travail dans les mêmes conditions.
Depuis que nous avons interdit les heures supplémentaires, des membres ont communiqué avec nous pour nous remercier, car ils peuvent enfin passer du temps avec leur famille. Comment pourrions-nous leur demander de retourner au travail sans régler ce problème?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Aujourd’hui, on a entendu les ministres et la PDG de Postes Canada. Leurs propos donnent l’impression que tout va bien dans les négociations et que c’est à titre préventif qu’on demande une loi spéciale. Personnellement, je n’ai jamais vu de travailleurs faire la grève quand tout va bien.
Pourriez-vous nous parler du climat qui règne à la table de négociation avec les représentants de Postes Canada?
[Traduction]
M. Palecek : Postes Canada est un employeur très frustrant avec qui négocier. Comme on l’a dit, la relation est marquée depuis longtemps par une culture d’affrontement. Je crois que cela fait en sorte qu’il est moins probable que l’employeur négocie de bonne foi.
À certaines occasions au cours du processus, Postes Canada déclarait une chose à la table de négociation, puis présentait tout autre chose par écrit. Ou encore, le libellé dissimulait de mauvaises surprises. À certaines occasions, la direction s’est adressée directement à nos membres en milieu de travail pour négocier directement avec eux et parler de questions qui sont censées être discutées dans le cadre des négociations.
Il est juste d’affirmer que c’est un employeur très frustrant avec qui négocier.
[Français]
Le sénateur Dagenais : La ministre nous a parlé d’un processus de médiation qui est prévu dans le projet de loi du gouvernement. Faites-vous confiance à un processus de médiation avec Postes Canada? Évidemment, on nommerait un médiateur.
[Traduction]
M. Palecek : Nous avons confiance dans la médiation. C’est pourquoi nous en avons parlé dès le départ. Nous ne l’avions jamais fait. Nous avons demandé à ce qu’un médiateur soit présent dès que les négociations ont été entamées. Nous avons eu un médiateur pendant toutes les négociations. Nous avons trouvé cela très utile. En fait, nous ne pensons pas que de véritables négociations soient possibles en l’absence d’un médiateur.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’aimerais revenir sur la question de l’équité entre les hommes et les femmes chez Postes Canada. On sait qu’une décision rendue par un arbitre n’a pas été respectée et que Postes Canada met beaucoup de temps à la mettre en œuvre. Sentez-vous une volonté de la part du patronat d’y arriver ou laisse-t-on simplement aller les choses?
[Traduction]
M. Palecek : On ne s’en occupe toujours pas. L’offre actuelle de Postes Canada ne correspond pas à ce qui a été ordonné.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’aimerais revenir à la précarité d’emploi et aux travailleuses et travailleurs qui occupent des emplois temporaires. On ne peut pas prendre une hypothèque à la banque pour acheter une maison avec un emploi temporaire. Serait-il possible de traiter différemment les emplois temporaires et d’éliminer cette précarité d’emploi?
[Traduction]
M. Palecek : Oui, il serait tout à fait possible de réduire la précarité de l’emploi à Postes Canada. Nous avons présenté des propositions pour ce faire.
Le problème est que Postes Canada aime mieux faire faire des heures supplémentaires aux employés pour s’éviter des avantages sociaux. C’est pour cette raison que la société préfère ne pas créer des emplois à temps plein.
On peut certainement dire que, pour fonctionner selon son modèle actuel, Postes Canada oblige les employés à faire des heures supplémentaires, les surmène et leur donne une charge trop lourde. À notre avis, cette situation est fondamentalement inacceptable.
[Français]
Le sénateur Dagenais : La PDG de Postes Canada nous a dit que, si le projet de loi spéciale est adopté, elle compte sur la bonne volonté et la bonne foi des représentants syndicaux afin de discuter d’un meilleur climat de travail. Je vous dirais que, après l’adoption d’une loi spéciale, je ne crois pas que le climat de travail soit très bon. Pourriez-vous nous parler du climat de travail qui régnait chez Postes Canada après la promulgation de lois spéciales? Est-ce qu’on doit croire la PDG lorsqu’elle nous dit que la société essayera, de bonne foi, de ramener un climat de travail « adéquat »?
[Traduction]
M. Palecek : Je ne pense pas qu’une telle loi ait jamais eu un effet positif auparavant. Chaque fois qu’une convention collective est imposée au moyen d’une loi, cela ne fait qu’empoisonner le climat de travail. Les syndiqués le ressentent comme une profonde injustice, un sentiment qui reste très présent. J’estime que nos membres ont le droit de voter sur leur convention collective. C’est vraiment ce que cela signifie au bout du compte : si ce projet de loi est adopté, nos membres se voient retirer ce droit.
(1740)
Non, ils n’auront aucun sentiment d’appartenance en pensant à la convention qui leur aura été imposée.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Nous avons abordé la question des services essentiels offerts par Postes Canada pour justifier la loi spéciale. On dit que Postes Canada fournit un service essentiel. J’aimerais connaître votre définition de « services essentiels ».
[Traduction]
M. Palecek : Nous en sommes arrivés à un accord avec Postes Canada quant aux services essentiels, comme la loi l’exige. D’autres l’ont dit auparavant, nous avons accepté de distribuer les chèques de pension, d’invalidité et d’aide sociale, et de veiller à ce qu’aucun animal vivant acheminé par la poste ne souffre d’être immobilisé par une grève.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vous remercie, monsieur Palecek, et je vous souhaite bonne chance dans vos démarches.
[Traduction]
La sénatrice Bovey : Je veux aborder un autre sujet, une question d’ordre international, pour faire suite à une question que ma collègue, la sénatrice Omidvar, a posée aux ministres Hajdu et Qualtrough plus tôt cet après-midi.
À votre avis, ce projet de loi contrevient-il à quelque traité international, et notamment à la convention no 98, qui a été signée le 14 juin 2017?
M. Palecek : Nous craignons que ce projet de loi n’aille à l’encontre de cette convention. Cela dit, je ne peux pas en discuter en profondeur. Nous sommes encore en train d’examiner cette convention.
La sénatrice Bovey : Donc, vous ne pouvez pas nous dire en quoi le projet de loi pourrait contrevenir à cette convention.
M. Palecek : Non, je ne suis pas en mesure de répondre en ce moment.
La sénatrice Bovey : Est-ce que vous, ou quelqu’un d’autre, vous êtes penchés sur d’autres accords internationaux pour voir comment ils pourraient être touchés par ce projet de loi?
M. Palecek : Nous faisons actuellement ce genre d’examens. Nous nous sommes d’abord penchés sur la constitutionnalité du projet de loi. Maintenant, nous examinons les accords avec l’Organisation internationale du Travail afin de déterminer si le projet de loi contrevient à ceux-ci.
La sénatrice Bovey : Merci.
Le sénateur Manning : Je vous remercie de vous être joints à nous aujourd’hui.
À quand remonte la dernière entente négociée de vos membres avec Postes Canada?
M. Palecek : Nous avions négocié des ententes il y a deux ans. Toutefois, c’était un peu une situation exceptionnelle, et nous avions accepté des conventions collectives à très court terme qui préservaient le statu quo, justement pour donner l’occasion à Postes Canada et au gouvernement le temps de décider de ce qu’ils allaient faire avec Postes Canada.
C’était en 2016, et nous nous apprêtions à commencer un examen public de Postes Canada. Nous ne voulions pas que le service soit interrompu, compte tenu du fait que la population était en train de décider des services qu’elle voulait continuer d’obtenir de la part des bureaux de poste. Nous avons évidemment signalé ces questions et nous avons donné à Postes Canada le temps de les régler avant même de retourner à la table de négociation.
Le sénateur Manning : Postes Canada a-t-elle demandé de reconduire l’entente à laquelle vous en étiez arrivés il y a deux ans? Je ne suis pas certain si quelqu’un sait quoi faire de Postes Canada. Je me demande ce que sera la prochaine étape. Pendant les négociations, ou bien les discussions, a-t-elle demandé de reconduire l’entente deux ans de plus? En écoutant les témoins aujourd’hui, je me demande toujours ce que l’avenir nous réserve.
M. Palecek : Nous nous sommes entendus sur deux autres années, au statu quo, plus au moins. J’ai parlé plus tôt des raisons, mais nous avons certainement soulevé les questions de santé et de sécurité. Nous nous sommes également entendus, dans le cadre de la reconduction, pour entamer un processus d’arbitrage en matière d’équité salariale, ce qui nous donnerait deux ans pour déterminer exactement où nous en sommes à cet égard.
Donc, tout cela est perçu comme un pont vers les négociations, où nous pourrions réellement résoudre ces questions.
Cependant, au cours de ces deux années, les blessures liées au travail à Postes Canada ont monté en flèche.
Le sénateur Manning : Cela m’amène à mes deux prochaines questions.
Vous avez mentionné que l’offre qui vous est présentée actuellement ne répond pas à vos exigences en matière d’équité salariale. J’ai posé une question à la PDG de Postes Canada sur la différence entre les services postaux en milieu urbain et en milieu rural. Vous dites que l’offre ne répond pas à vos demandes.
Quelle est l’offre de Postes Canada? Jusqu’où devriez-vous reculer pour l’accepter?
M. Palecek : Postes Canada a fait quelques pas, mais, par exemple, elle insiste encore pour offrir un salaire à la pièce aux factrices et facteurs ruraux et suburbains s’ils livrent des colis la fin de semaine, ce qui va totalement à l’encontre de cette décision.
Le sénateur Manning : Postes Canada offre-t-elle des formations ou des cours de santé et sécurité à ses employés? Le faites-vous pour vos membres? Nous sommes passés du transport de lettres à celui de paquets. J’imagine que ce changement est en grande partie responsable de la hausse du nombre des blessures.
La technique sécuritaire pour soulever des colis peut sembler simple, mais elle est nécessaire pour prévenir les blessures. Tôt dans la vie, on nous apprend à plier les jambes plutôt qu’à se pencher, par exemple. Je me demande quels sont les processus en place au sein de l’entreprise pour répondre à ces préoccupations.
M. Palecek : Comme l’exige la loi, il existe bel et bien des comités mixtes de santé et de sécurité dans les milieux de travail. Une formation est donnée à nos membres, mais elle est tout à fait insuffisante, compte tenu des changements spectaculaires que traverse actuellement l’industrie.
Le sénateur Manning : La PDG par intérim a aussi dit que, à l’heure actuelle, il y aurait 391 semi-remorques contenant un million de colis. Elle a aussi mentionné que 30 000 colis pourraient être livrés au cours du week-end.
Qu’en pensez-vous? La direction prétend que l’arriéré représente un million de colis. Plus tôt, vous avez précisé que les travailleurs des postes sont parvenus à livrer un million de colis par jour à 40 reprises l’an dernier. Par conséquent, si mes calculs sont exacts, il serait possible de livrer 30 000 colis en une heure. Je cherche à démêler les faits, ici.
Que pensez-vous des commentaires de la PDG par intérim, qui affirme que les travailleurs des postes ne peuvent livrer qu’une quantité limitée de colis à cause de la grève tournante en cours?
M. Palecek : Je crois que c’est en raison de l’interdiction actuelle de faire des heures supplémentaires. De toute évidence, il n’est pas possible de livrer des colis pendant des heures supplémentaires lorsqu’il y a interdiction d’en faire.
Comme je l’ai dit, très souvent dans l’année, nous livrons plus d’un million de colis par jour pendant les heures normales de travail. Évidemment, certains sont aussi forcés de travailler le soir.
Je crois que, l’an dernier, le record a été de 1,8 million de colis livrés en une seule journée.
Le sénateur Manning : Il y a deux divisions distinctes qui font pratiquement le même travail. Je comprends la situation des facteurs des régions rurales et suburbaines. Je sais qu’il y a eu de la sous-traitance, et vous avez parlé de tout regrouper sous une seule organisation; c’est ce qui est proposé.
Cette option a-t-elle l’appui de Postes Canada? Y a-t-il de la résistance lorsque vous parlez de regrouper tout le monde sous une seule organisation? Les choses sont gérées par deux entités différentes, et j’essaie seulement de comprendre ce que vous faites pour que tout le monde soit traité équitablement sur toute la ligne.
M. Palecek : Certains signes nous laissent croire que Postes Canada serait prête à envisager de regrouper les deux unités de négociation. Ce n’est pas une question qui sera réglée à la table de négociation. C’est la commission des relations de travail qui, bien sûr, se charge d’établir les unités de négociation.
Ce que nous voudrions vraiment, c’est que les méthodes et les structures de travail, ainsi que les systèmes de mesure des itinéraires soient équitables, parce que, à l’heure actuelle, il y a deux systèmes complètement différents qui accomplissent la même chose, et l’un d’eux fait que la rémunération est beaucoup moins élevée.
Le sénateur Manning : Merci.
La sénatrice McPhedran : Merci, monsieur le président, d’avoir pris le temps de venir nous voir aujourd’hui.
(1750)
Plus tôt aujourd’hui, nous étions plusieurs à envoyer des messages textes aux syndicalistes que nous connaissons dans l’espoir que vous puissiez participer à notre séance. Votre présence ici a beaucoup d’importance.
J’aimerais que vous nous donniez une idée de ce qui s’est passé depuis 2011, lorsque la loi spéciale a mis fin à la grève avant d’être déclarée inconstitutionnelle. Je m’intéresse surtout aux progrès qui ont été réalisés au cours des sept dernières années, soit de 2011 à 2018, s’il y en a.
Vous avez mentionné, il y a quelques instants, qu’une entente adoptée en 2016 visait essentiellement à maintenir le statu quo et à laisser à la société le temps et le loisir de se réorganiser.
Nous sommes maintenant à la fin de 2018. Ma question comporte deux volets qui concernent le projet de loi à l’étude. Vous avez dit très clairement que son adoption serait mal accueillie. Ma première question porte sur le contenu du projet de loi. Est-ce que les six principes directeurs qui y sont décrits couvrent adéquatement les enjeux qu’il faut régler pour que les négociations puissent avancer, selon le syndicat?
M. Palecek : Je pense qu’ils couvrent certains des problèmes majeurs qui nous affligent, mais il faut comprendre qu’on parle d’environ 50 000 travailleurs assujettis à deux conventions collectives. À une époque, il y avait même sept conventions collectives différentes à l’unité des opérations postales urbaines. Elles ont été fusionnées. Il y a donc beaucoup de questions de moindre importance qui comptent beaucoup pour de petits groupes d’employés, si je puis m’exprimer ainsi.
Nos préoccupations découlent en partie du fait que bon nombre des problèmes que nous voulons régler sont déjà inscrits dans la loi. L’équité salariale est déjà inscrite dans la loi, mais Postes Canada ne l’applique pas. La santé et la sécurité aussi, c’est la loi. Si la partie patronale ne finit pas par venir s’asseoir à la table et signer un document qui dit qu’elle s’engage à faire X, Y et Z, nous avons peu de raisons de croire que la mesure dont il est question va régler quoi que ce soit.
La sénatrice McPhedran : Une autre partie de ma question porte sur le paragraphe 11(7) du projet de loi, sous la rubrique « Omission de remettre une offre finale ». Je cite :
Si l’une des parties ne remet pas son offre finale lorsque la demande lui est faite au titre du sous-alinéa (1)b)(ii) au médiateur-arbitre, ce dernier est tenu de choisir l’offre finale de l’autre partie.
Je comprends qu’il s’agit d’une pratique courante, mais j’aimerais savoir ce qui pourrait arriver, selon vous. Êtes-vous en mesure d’imaginer un scénario où l’employeur remet une offre finale et où le syndicat, parce qu’il n’a pas soumis d’offre, se voit entièrement assujetti à l’offre finale de l’employeur?
M. Palecek : Selon moi, cet article est de nature plutôt coercitive et vise à forcer les parties à participer au processus.
Nous allons prendre une décision à cet égard au cours des prochains jours ou des prochaines heures. Je trouverais vraiment regrettable de voir l’offre de l’employeur nous être imposée parce que notre offre a été égarée dans le courrier.
La sénatrice McPhedran : Ma question comporte deux derniers points. Votre témoignage d’aujourd’hui me porte à conclure, de manière générale, qu’aucun progrès concret n’a été réalisé entre 2011 et 2018 dans la négociation d’une meilleure entente qui tienne compte des préoccupations du syndicat. Je me trompe? Voilà le premier point. Le deuxième porte sur le fait que vous ne semblez pas penser que vous aurez l’occasion d’apporter le genre d’améliorations que vous jugez importantes et cruciales si le projet de loi est adopté.
M. Palecek : Je dirais que, au cours de la dernière décennie, nos membres ont vu leurs conditions de travail profondément perturbées. Presque tout a changé, et chaque fois pour le pire. Il est maintenant courant que les travailleurs des postes livrent du courrier tard le soir. La solution de Postes Canada est de nous donner des lampes frontales. Dire que les choses n’ont pas changé est un euphémisme. C’est justement le contraire. Nos conditions de travail se sont détériorées et nos membres sont sur le point de craquer. Il n’est pas rare que les gens s’effondrent littéralement en larmes au travail. En fait, nous le voyons tous les jours. Le taux de blessures est monté en flèche. Nous n’étions pas le groupe de travailleurs ayant le taux le plus élevé de blessures dans le secteur fédéral. Tous ces changements se sont produits au cours de la dernière année.
Selon moi, si ces problèmes ne sont pas réglés, si Postes Canada ne peut pas offrir un salaire égal aux femmes, si la société ne peut pas traiter nos membres équitablement et nous offrir des conditions de travail sécuritaires, il n’y aura aucune amélioration dans les relations de travail. Postes Canada doit s’attaquer à ces problèmes si elle souhaite que les relations s’améliorent.
La sénatrice McPhedran : La dernière question que j’ai à poser se rapporte aux questions que j’ai adressées plus tôt aux ministres Qualtrough et Hajdu lorsqu’elles étaient dans cette enceinte; comme je n’ai pas encore eu le temps de consulter le compte rendu, je récapitulerai.
Je leur ai demandé — à la ministre Hajdu en particulier — ce qu’elles seraient disposées à faire ou ce qu’elles feraient dans l’éventualité où l’entente qui leur est imposée ne répond pas à leurs attentes en ce qui concerne le respect des six principes directeurs liés aux questions clés. On m’a répondu que, dans de telles circonstances, les parties auraient l’option de s’adresser aux tribunaux et que l’entente serait abordée selon le processus régulier. Ni l’une ni l’autre des ministres n’était disposée à décrire en termes précis les mesures qu’elle serait prête à prendre dans de telles circonstances.
J’aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus, le cas échéant.
M. Palecek : Oui, je crains évidemment que cette décision n’entraîne des batailles juridiques interminables. C’est d’ailleurs l’approche qui a été préconisée par Postes Canada au fil des ans pour régler les problèmes.
Plus tôt, j’ai dit que Postes Canada avait l’habitude de ne pas respecter les principes d’équité salariale. Elle a l’habitude d’avoir recours aux tribunaux. Il a fallu 30 ans pour que la dernière affaire sur l’équité salariale de Postes Canada se règle, car elle a fait appel du jugement jusqu’à la Cour suprême du Canada. Plusieurs des femmes qui étaient concernées sont mortes avant de recevoir les chèques qui leur étaient dus.
En fait, Postes Canada traîne toujours aujourd’hui une autre affaire sur l’équité salariale concernant un autre syndicat, l’Association canadienne des maîtres de poste et adjoints. Elle avait été portée devant les tribunaux en 1993.
Voilà leur bilan. Oui, il est préoccupant.
Le sénateur Wells : À l’instar de mes collègues, je vous souhaite la bienvenue, monsieur Palecek.
Dans le communiqué de presse publié plus tôt cette semaine que vous et M. Yussuff avez écrit, vous indiquez que l’adoption du projet de loi aura des répercussions à long terme sur les relations de travail. D’ailleurs, il y a à peine quelques minutes, vous avez fait une blague — je suppose qu’il s’agit d’une blague — concernant du courrier égaré.
Si le projet de loi est adopté, écartez-vous la possibilité de déclencher des grèves du zèle durant la période qui précède Noël?
M. Palecek : Jusqu’à maintenant, j’ai répondu à cette question en citant le premier ministre, qui a dit : « Toutes les options sont sur la table. »Nous n’avons pas encore pris de décisions. Nous espérons négocier une entente. Nous aimerions pouvoir le faire avant que le projet de loi soit adopté.
(1800)
Le sénateur Wells : Vous dites aussi, dans ce même communiqué, que cette mesure législative contrevient sans l’ombre d’un doute à la Charte des droits et libertés. Si elle est adoptée, comptez-vous la contester?
M. Palecek : C’est très certainement une possibilité.
Le sénateur Wells : Je vous remercie.
Le sénateur Dean : Pour commencer, monsieur Palecek, je vous remercie de vous être déplacé ici ce soir. Je fais écho à la sénatrice Lankin et je vous félicite également de tout ce que vous faites pour les membres de votre syndicat et des observations judicieuses dont vous nous avez fait part cet après-midi.
J’aimerais que vous répondiez à une question, et j’ai posé la même à votre employeur. Nous souhaitons tous que vous parveniez à vous entendre. Selon moi, personne ici ne se réjouit à l’idée de devoir légiférer.
Cela dit, si jamais on devait en venir là, il me semble — et je crois que d’autres ici sont du même avis — que trois éléments sont particulièrement importants. La sénatrice McPhedran a déjà parlé du premier, c’est-à-dire les critères de sélection de l’arbitre, alors je n’y reviendrai pas.
Il en reste deux. En premier lieu : le processus de sélection du médiateur-arbitre doit être juste, il ne doit pas être imposé de l’extérieur et il doit permettre dans une certaine mesure aux parties en cause de faire valoir leurs préférences.
Deuxièmement : si on fait abstraction des critères, le mécanisme proposé ici, à savoir arbitrage direct, médiation-arbitrage ou une combinaison des deux, me semble offrir toutes les chances possibles aux deux parties de parvenir à une entente négociée.
Je sais que vous n’avez pas eu beaucoup de temps pour étudier le projet de loi. Je profite tout de même du fait que vous êtes ici pour vous demander ce que vous pensez de la façon de faire proposée pour la sélection d’une tierce partie et de l’approche selon laquelle, au besoin, le médiateur deviendrait un arbitre plus tard dans le processus. Pourriez-vous nous donner votre point de vue?
M. Palecek : Si j’ai bonne mémoire, le projet de loi prévoit que les deux parties présenteraient chacune une liste des personnes qu’elles proposent comme médiateur. S’il y a un nom en commun sur les deux listes, la personne serait nommée comme médiateur. Sinon, il appartiendrait à la ministre du Travail de faire un choix. Il va sans dire que ce n’est pas une situation idéale quand une personne a le pouvoir de faire le choix. Je dirais que nous préférerions qu’il y ait une plus grande possibilité de s’entendre sur le médiateur.
Le sénateur Dean : Je signale que, s’il n’y a pas de candidat consensuel, la présidente du Conseil canadien des relations industrielles aura son mot à dire pour tenter de trouver... Je ne crois pas que la décision reviendra nécessairement à la ministre.
Je crois comprendre, d’après ce que vous avez dit, que vous avez connu d’autres modes de nomination d’un arbitre ainsi que d’autres modèles assortis ou non de critères. D’après vous, le mécanisme actuellement proposé favorise-t-il mieux l’impartialité que ceux que vous avez connus par le passé?
M. Palecek : À notre avis, il n’existe pas de bon projet de loi de retour au travail. Nous aimerions que les parties aient la possibilité de parvenir à une entente.
Le sénateur Dean : Nous aussi. Merci.
La présidente : Avez-vous terminé, sénateur Dean?
Le sénateur Dean : Oui, c’est tout. Merci.
Le sénateur Duffy : Merci, monsieur le président, d’être ici.
J’ai suivi, pendant près de 50 ans, les différentes négociations entamées par votre syndicat, le bureau de poste et le gouvernement du Canada. Je ne sais pas si vous avez entendu parler du professeur Robert Paul Hebdon. Il enseigne à l’Université McGill. Il a comparu devant un comité du Sénat, la semaine dernière, pour parler des recherches qu’il a menées au cours des 30 dernières années. D’après ses recherches, une entente imposée dans un contrat antérieur fait diminuer de 27 p. 100 de la probabilité de conclure une entente négociée collectivement la fois suivante. Les données recueillies par l’équipe de ce chercheur indépendant semblent confirmer votre opinion que ce projet de loi ne réglera pas le problème, mais le fera perdurer.
J’ai parlé à vos membres. J’ai vu les vidéos très éloquentes que votre groupe a publiées dans YouTube. Elles représentent la vraie voix de vos 50 000 membres. Elles sont très efficaces et instructives. J’inviterais les gens à aller les voir dans YouTube pour entendre vos membres raconter personnellement leurs histoires s’ils ont besoin d’être convaincus.
Vous avez mentionné — et c’est un point qui m’a frappé — qu’il y a deux groupes : les 42 000 travailleurs urbains qui font partie de votre syndicat, et les 8 000 travailleurs des unités de facteurs ruraux et suburbains. J’y vois un certain parallèle avec les discussions qui portaient, à une certaine époque, sur une fusion entre Air Canada et le Canadien Pacifique. Les deux parties disaient que c’était impossible parce qu’elles avaient des listes d’ancienneté, et ainsi de suite. Le gouvernement fédéral a toutefois imposé la fusion et, même si tout n’était pas parfait, les choses se sont bien passées.
Pourquoi tarde-t-on à intégrer les 8 000 facteurs ruraux et suburbains la grande famille des facteurs, afin qu’ils ne subissent plus la discrimination dont ils font manifestement l’objet actuellement? Pourquoi ce changement tarde-t-il à venir? Qui y fait obstacle?
M. Palecek : Ce n’est pas nous qui faisons obstacle à ce changement, puisque c’est exactement ce que nous proposons. On pourrait supposer, avec un certain cynisme, que la seule raison de maintenir la séparation entre ces deux groupes, c’est de faciliter l’exploitation de l’un d’entre eux.
Le sénateur Duffy : Pour le payer moins.
M. Palecek : Exactement.
Le sénateur Duffy : S’il existe une disposition qui permet de rémunérer 8 000 travailleurs — dont la plupart sont des femmes — moins bien que des gens qui accomplissent le même travail dans une ville située à un mile ou deux plus loin, il y a donc un incitatif financier : faire baisser le salaire de ces gens.
Si vous nous dites que les heures supplémentaires forcées sont essentielles au plan d’activités de Postes Canada, ces deux éléments ne sont-ils pas liés d’une certaine façon? Postes Canada aime son modèle actuel, même s’il n’est pas équitable pour les employés, étant donné qu’il donne des résultats financiers dont la société peut être fière et — je ne veux pas être cynique — qu’il permet aux cadres d’empocher des primes.
M. Palecek : Oui, je pense que c’est juste. Lors du dernier cycle de négociations, c’est exactement ce que la direction a déclaré à la table. Elle a dit que les facteurs ruraux et suburbains représentaient un avantage concurrentiel. Pour elle, l’exploitation des femmes est un avantage concurrentiel.
Le sénateur Duffy : C’est incroyable. Le témoin précédent, la présidente du conseil d’administration et PDG de Postes Canada, a impressionné tous les sénateurs. Sait-elle que, pendant 50 ans, les cadres intermédiaires et inférieurs ont entretenu une culture axée sur l’intimidation et mené toutes sortes d’activités déplorables, avant que Joe Davidson et Jean-Claude Parrot entrent en scène? Les membres du conseil d’administration vivent-ils dans un monde complètement séparé de la réalité qui existe sur le terrain?
(1810)
M. Palecek : Je pense que Mme McDonald a fait des démarches et a mis en place des initiatives dans le but d’améliorer la relation avec le syndicat depuis son arrivée. Malheureusement, ces efforts ont peu d’effets concrets. En fait, on nous promet la lune, mais ce n’est pas ce qui se passe. Je dirais donc que, si cela continue ainsi, les ponts entre nous risquent d’être coupés très bientôt.
Le sénateur Duffy : Enfin, elle a dit qu’elle n’a pas demandé ce projet de loi. De plus, elle a donné l’impression qu’elle reconnaissait l’existence de certains problèmes, comme ceux qui sont liés à l’équité salariale. Si le projet de loi était mis en veilleuse, croyez-vous que vous pourriez parvenir à une entente négociée dans un délai raisonnable — disons quelques semaines? Le projet de loi est-il prématuré?
M. Palecek : Dès que l’autre partie sera prête à régler ces questions majeures, nous aurons une entente. Nous aurions pu en avoir une aujourd’hui. Les problèmes sont bien connus. C’est écrit en toutes lettres. Nous en discutons depuis des années. Tout ce qui manque en ce moment, c’est de la volonté.
Le sénateur Duffy : Merci beaucoup.
La présidente : Au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui et de nous avoir aidés dans nos travaux concernant ce projet de loi.
Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que nous procédions à l’étude article par article du projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux?
Des voix : D’accord.
Le titre du projet de loi est lu et renvoyé à plus tard.
Le préambule est lu et renvoyé à plus tard.
L’article 1, titre abrégé du projet de loi, est lu et renvoyé à plus tard.
Lecture est faite de l’article 2 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 2 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 3 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 3 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 4 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 4 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 5 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 5 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 6 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 6 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 7 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 7 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 8 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 8 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 9 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 9 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 10 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 10 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 11 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 11 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 12 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 12 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 13 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 13 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 14 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 14 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 15 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 15 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Lecture est faite de l’article 16 du projet de loi.
La motion d’adoption de l’article 16 du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
L’article 1, titre abrégé du projet de loi, est lu de nouveau.
La motion d’adoption de l’article 1, titre abrégé du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Le préambule est lu de nouveau.
La motion d’adoption du préambule du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
Le titre du projet de loi est lu de nouveau.
La motion d’adoption du titre du projet de loi, mise aux voix, est adoptée.
La motion d’adoption du projet de loi, mise aux voix, est adoptée avec dissidence.
La motion d’adoption de la motion voulant que la présidente fasse rapport du projet de loi au Sénat sans amendement, mise aux voix, est adoptée.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.
Rapport du comité plénier
L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, le comité plénier, auquel a été renvoyé le projet de loi C-89, Loi prévoyant la reprise et le maintien des services postaux, a examiné ledit projet de loi et m’a chargée d’en faire rapport au Sénat sans amendement.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Harder, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Les travaux du Sénat
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5(g) du Règlement, je propose :
Que, nonobstant l’ordre adopté par le Sénat le 22 novembre 2018, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 26 novembre 2018, à 14 heures;
Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là;
Que les comités devant siéger ce jour-là soient autorisés à le faire afin d’étudier des affaires du gouvernement, même si le Sénat siège à ce moment-là, l’application de l’article 12-18(1) du Règlement étant suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 18 h 16, le Sénat s’ajourne jusqu’au lundi 26 novembre 2018, à 14 heures.)