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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 253

Le mercredi 28 novembre 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 28 novembre 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de John (Jack) O’Donnell, C.M.

L’honorable Mary Coyle : Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui pour rendre hommage à mon bon ami Jack O’Donnell, qui était un chef de file du monde musical, membre de l’Ordre du Canada, professeur et ardent défenseur des héros méconnus.

Mieux connu pour son rôle de directeur de la chorale des mineurs Men of the Deeps, Jack s’est éteint le mois dernier. Son épouse bien-aimée, Judy, est décédée à peine 25 jours plus tard.

Marcel Proust a déclaré ceci :

Soyons reconnaissants aux personnes qui nous donnent du bonheur; elles sont les charmants jardiniers par qui nos âmes sont fleuries.

Grâce à Jack O’Donnell, de nombreuses âmes ont fleuri. Des étudiants de l’Université St. Francis Xavier, des membres de L’Arche, des mineurs qui ont appris à chanter sous sa gouverne, des spectateurs des quatre coins du Canada et du monde entier, ainsi que des concitoyens et des amis, ont, comme moi, eu le privilège de côtoyer un homme extrêmement brillant, bon et gentil.

J’ai rencontré Jack quand ma famille a déménagé en Nouvelle-Écosse il y a 25 ans. Sa belle épouse, Judy, et lui nous ont accueillis chaleureusement chez eux et au sein de la collectivité. Jack a enseigné la musique à ma fille, Lauren, à l’Université St. Francis Xavier. Comme bien d’autres jeunes que Jack a pris sous son aile, Lauren a appris à apprécier la musique à sa juste valeur pour le reste de sa vie.

Dans cet hommage à Jack, je suis tentée de me concentrer sur son œuvre maîtresse : la chorale des mineurs Men of the Deeps.

Permettez-moi de citer le Globe and Mail :

D’anciens mineurs qui ont chanté sous sa direction disent de M. O’Donnell que, s’il avait reçu une formation en piano et en chant grégorien, il était aussi un chef ayant les pieds bien sur terre qui s’était pris de passion pour la collection et l’arrangement de chansons sur la vie des hommes couverts de suie qui gagnent leur vie sous terre.

Créée en 1966 dans le cadre de la contribution du Cap-Breton au centenaire, Men of the Deeps est une chorale unique en son genre composée de mineurs de charbon qui travaillent toujours ou sont retraités. Sous la direction sans prétention de Jack O’Donnell, la chorale été le premier ensemble canadien à faire une tournée en Chine, en 1976, après la reprise des relations diplomatiques. En 1999, à l’invitation de Vanessa Redgrave, Jack et les hommes se sont produits dans le cadre d’un festival au Kosovo pour appuyer l’UNICEF.

Chine et Kosovo, Massey Hall, mine Ekati dans les Territoires du Nord-Ouest et nombre de localités canadiennes grandes et petites, partout où ils sont passés, Jack O’Donnell et sa chorale ont su gagner le cœur des gens avec la culture des mineurs de charbon du Cap-Breton et leur musique.

La collaboration de Jack avec Rita MacNeil, l’adaptation de sa chanson Working Man pour la chorale, a remporté un franc succès. Une autre chanson, The Lights Will Shine, portait sur la tragédie de la mine Westray.

Dimanche soir, les gens de la communauté se rassembleront à la cathédrale St. Ninian. Les membres de la chorale Men of the Deeps feront leur entrée dans le noir en chantant, lampe de mineur au front, alors que nous célébrerons la vie de nos talentueux amis, Jack et Judy O’Donnell.

Sur le site de Men of the Deeps, on peut lire ce qui suit :

M. John O’Donnell, le mæstro par excellence, nous manquera à tous énormément, à sa famille, à ses amis, à ses innombrables collègues et à nous, ses camarades [...]. Il est sûr qu’il est en train d’organiser une chorale céleste alors que nous le pleurons.

Ce charmant mæstro et notre très cher ami va effectivement nous manquer à tous. Thank you. Wela’lioq.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Allan Skoronski et de Miri Sivan Bar. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice McCallum.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Benedict et Nellie Careen

Félicitations à l’occasion de leur 65e anniversaire de mariage

L’honorable Fabian Manning : Merci, monsieur le Président. C’est avec plaisir que je vous présente aujourd’hui le chapitre 48 de « Notre histoire ».

Je vais vous raconter une histoire d’amour de Terre-Neuve qui remonte au 27 avril 1927, moment où Benedict Careen a vu le jour dans la magnifique petite communauté de pêcheurs de Point Lance, dans la baie St. Mary’s. Presque cinq ans plus tard, le 5 avril 1932, la communauté de Point Lance célèbre l’arrivée au monde de Nellie Roche. Nous sommes alors plongés dans la Grande Dépression et la vie des gens est très difficile et bien différente de celle d’aujourd’hui. Les familles arrivent à survivre en tirant leur subsistance de la terre et de la mer. Arriver à joindre les deux bouts est un combat quotidien, mais les gens persévèrent en s’appuyant sur quatre piliers : une éthique de travail rigoureuse, une grande solidarité envers son prochain, une profonde foi catholique, et la force inébranlable des liens familiaux.

Benedict et Nellie ont grandi ensemble à Point Lance. Le 29 novembre 1953, ils prononcent leurs vœux de mariage dans l’église de leur ville natale. La sœur de Nellie, Theresa, ainsi qu’un ami proche, Allan Careen, agissent comme témoins lors de cet événement très spécial. Demain, Benedict et Nellie célébreront leur 65e anniversaire de mariage. Ces deux Terre-Neuviens sont de véritables modèles pour nous tous.

Suivant les traces de ses ancêtres, Benedict est devenu pêcheur et a travaillé dur tous les jours pour subvenir aux besoins de sa famille grandissante. Nellie était mère au foyer bien avant que les gens décident de décrire ainsi les situations comme la sienne. Disons simplement qu’elle était très occupée. Benedict et Nellie ont une grande famille de 11 enfants. Du plus âgé au plus jeune, il y a Diane, Jane, Eugene, Walter, Gilbert, Roy, Maureen, Melvin, Barry, Gary et, gardant le meilleur pour la fin, comme elle le dirait elle-même, Sylvia.

J’estime qu’un de mes plus grands privilèges a été de grandir à Cape Shore entouré de gens comme Benedict et Nellie et leur famille. Leur fils, Roy, était l’un de mes camarades de classe et il est toujours l’un de mes bons amis. Dans ma jeunesse, j’ai passé bien des journées et des soirées chez la famille Careen. Peu importait le nombre de personnes présentes dans la maison, il y avait toujours place pour un de plus. À l’extérieur, c’était une grande maison, mais, à l’intérieur, c’était un foyer chaleureux et confortable dans le vrai sens du terme.

Aujourd’hui, tout comme autrefois, peu importe à quelle heure vous visitez la famille Careen, vous êtes accueilli à bras ouverts. Les visiteurs reçoivent une étreinte de Nellie et se font raconter une bonne vieille histoire par Benedict pendant qu’il fume sa pipe dans sa chaise berçante.

Ce qui est étonnant dans cette histoire, c’est que, aujourd’hui, moins de 100 personnes vivent à Point Lance et que tous les enfants de Benedict et Nellie, sauf un, y habitent aussi. Les fils Careen ont tous suivi les traces de leur père et sont pêcheurs. Quant aux filles, elles ont toutes épousé des pêcheurs. La benjamine, Sylvia, s’est installée à proximité, à St. Bride, où je vis, et elle est aussi l’épouse d’un pêcheur. La pêche a été et est encore le principal moyen de subsistance de la famille Careen.

(1410)

Pour ajouter une note personnelle, je signale que, il y a de cela bien des lustres, ma mère, Julia, a enseigné à Mme Nellie dans une école d’une seule pièce à Point Lance. Toutes deux sont nées le 5 avril. Je me rappelle que ma mère disait que Nellie avait toujours été une jeune femme charmante et respectueuse.

Ce samedi, Benedict et Nellie ouvriront les portes de leur foyer à Point Lance pour marquer cet événement mémorable. Ils seront entourés de leurs 11 enfants — eux-mêmes accompagnés de leurs conjoints respectifs — et de leurs 21 petits-enfants et 7 arrière-petits-enfants. Je suis sûr que plusieurs autres membres de la famille et amis seront également de la fête.

Si Dieu le veut, je me joindrai à tout ce monde samedi et j’offrirai des vœux au nom du Sénat du Canada et, plus particulièrement, de Son Honneur le Président, qui a, lui aussi, passé du temps chez les Careen il y a bien longtemps.

J’invite mes collègues ici présents à se joindre à moi aujourd’hui pour féliciter ces deux personnes très spéciales que sont Benedict et Nellie Careen, de Point Lance, à Terre-Neuve, qui célébreront leur 65e anniversaire de mariage demain, le 29 novembre 2018. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Konah et de Jinah. Il s’agit du frère et de la sœur de l’honorable sénatrice Martin.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le décès du major-général (retraité) Herbert C. Pitts, M.C., C.D.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à nos héros de la guerre de Corée, et particulièrement au légendaire défunt major-général Herbert C. Pitts.

[Traduction]

Plus de 27 000 héros canadiens se sont manifestés quand on a eu besoin d’eux lors de la guerre de Corée, des gens de tous les horizons et des quatre coins du pays. Ce qui différenciait les Canadiens des Américains, des Britanniques, des Écossais, des Australiens, des Néo-Zélandais et de toutes les autres forces de combat, c’est que tous les Canadiens s’étaient portés volontaires, et 516 d’entre eux ont consenti le sacrifice ultime.

Le regretté major-général Pitts est le plus décoré d’entre eux : son service et ses réussites militaires couvrent plus de trois décennies.

En 1952, après l’obtention de son diplôme au Collège militaire royal, Herb est devenu sous-lieutenant au sein de l’unité Lord Strathcona’s Horse (Royal Canadians). Après six semaines, il a été déployé en Corée, où on l’a assigné au 1er bataillon du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry en tant que commandant de peloton. Avant que sa première année de service de première ligne ait pris fin, il a été décoré de la Croix militaire pour bravoure devant l’ennemi et leadership au combat.

Puis, en 1954, il s’est joint au 1er bataillon des Queen’s Own Rifles of Canada. En 1962, il a été promu au grade de major et il s’est joint au 2e bataillon des Queen’s Own Rifles, à Calgary. Grâce au dévouement et au leadership dont il a fait preuve au sein de l’armée pendant des décennies, il s’est élevé au rang de brigadier-général en 1973, puis il a exercé diverses fonctions à titre de major-général jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en 1978.

Au fil des ans, j’ai eu le privilège de rendre visite au major-général et j’ai appris à le connaître. Même lorsque la maladie et l’âge ont commencé à l’affaiblir et à limiter sa mobilité, il a conservé complètement sa vivacité d’esprit, sa bonne humeur et sa dignité. Je me souviens encore d’avoir assisté à un dîner de gala annuel de l’association des Queen’s Own Rifles of Canada à Victoria, en Colombie-Britannique. Au moment où il a fait son entrée dans la salle, l’attention de tout le monde s’est aussitôt rivée sur lui et les gens se sont levés pour lui témoigner du respect. L’admiration et la révérence ont été palpables tout au long de la soirée.

Le major-général Pitts était aussi une figure de proue pour de nombreuses causes philanthropiques, notamment à titre de commissaire national pendant des décennies de Scouts Canada, un organisme qui lui tenait à cœur. Ses contributions ont également permis d’ériger le mur du Souvenir des anciens combattants de la guerre de Corée, un monument commémoratif national à Brampton, en Ontario, où se déroule la cérémonie commémorative annuelle de la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée. Par-dessus tout, il était un père aimant, un mari dévoué à son épouse et meilleure amie, Marianne.

[Français]

Au nom du Sénat du Canada, je tiens à offrir mes plus sincères condoléances à Marianne, à sa famille et à sa grande famille militaire. Bien qu’il ne soit plus des nôtres, son œuvre remarquable sera toujours vivante.

[Traduction]

Veuillez vous joindre à moi pour rendre hommage au regretté major-général Herbert C. Pitts et aux courageux héros de la guerre de Corée. Souvenons-nous des Canadiens d’hier et d’aujourd’hui qui ont servi et qui continuent de servir pour défendre la paix et la liberté partout au monde. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de plusieurs membres du NORAD et de l’ARC, dirigés par le lieutenant-général Christopher Coates, commandant adjoint du NORAD, et le lieutenant-général Alexander Meinzinger, commandant de l’ARC. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Day.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée de la force aérienne sur la Colline

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables collègues, depuis plus d’une décennie, je prends la parole en cette enceinte pour remercier les hommes et les femmes de l’Aviation royale canadienne, et je le fais encore aujourd’hui.

J’aimerais souhaiter la bienvenue au lieutenant-général Coates, de Colorado Springs, un Canadien qui sert auprès du NORAD, et au lieutenant-général Meinzinger, récemment nommé commandant de l’Aviation royale canadienne.

Aujourd’hui, environ 14 500 hommes et femmes de la Force régulière et 2 600 membres de la Réserve aérienne, avec le soutien de 2 500 civils, sont un modèle de service de qualité, qualité qui a prévalu tout au long de l’histoire remarquable de l’Aviation royale canadienne.

Depuis sa création en 1924, donc depuis près de 100 ans, l’Aviation royale canadienne sert partout dans le monde avec un souci constant de la sécurité des biens et des personnes. Ses membres actuels font partie de cette fière tradition.

Leur rôle n’a jamais été plus varié : défendre et protéger l’espace aérien canadien et nord-américain; transporter des fournitures et du personnel partout où cela est nécessaire; mener d’importantes missions de recherche et sauvetage; participer à des opérations de l’OTAN; recueillir des renseignements vitaux et fournir des services de communication spécialisés à nos soldats où que les amènent leurs opérations dans le monde.

Les hommes et les femmes de l’Aviation royale canadienne ont toujours affronté les situations difficiles ici et à l’étranger avec bravoure, savoir-faire et dévouement. Je sais qu’ils affronteront l’avenir avec autant de bravoure, de courage et de professionnalisme.

Nous célébrons cette année un anniversaire très spécial, soit le 60e anniversaire du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord, le NORAD. Le 12 mai 1958, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont signé un accord visant à créer cet organisme binational, le seul du genre dans le monde, chargé de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord.

Depuis 60 ans, jour après jour, le NORAD s’acquitte de sa mission et défend nos deux pays contre les menaces qui viennent de l’extérieur. Au fil des ans, sa mission s’est élargie pour inclure une fonction d’alerte maritime afin de protéger l’Amérique du Nord contre les menaces qui viennent des airs et de la mer.

Chers collègues, nous soulignons aujourd’hui la Journée de la force aérienne sur la Colline. Je vous invite à venir à la salle 256-S ce soir, entre 17  et 19 heures, pour remercier les membres de l’Aviation royale canadienne du travail qu’ils accomplissent pour nous et pour le Canada. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune des ambassadeurs et représentants diplomatiques des pays d’Amérique latine suivants : Argentine, Bolivie, Chili, Colombie, Costa Rica, Cuba, République dominicaine, Équateur, El Salvador, Guatemala, Mexique, Nicaragua, Paraguay, Pérou et Uruguay. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Galvez.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1420)

Les ambassades et les ambassadeurs

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole pour souligner l’important travail des ambassades et des ambassadeurs à Ottawa.

Comme l’a fait remarquer Son Honneur, nous avons quelques visiteurs à la tribune aujourd’hui : 10 ambassadeurs, 3 chefs de mission adjoints et 3 chargés d’affaires qui viennent de divers pays d’Amérique latine. J’aimerais tout d’abord remercier les 16 ambassades représentées par nos visiteurs de leurs énormes contributions à la Journée de célébration du patrimoine hispano-américain et latino-américain sur la Colline, qui a eu lieu le mois dernier et qui a été rendue possible grâce au projet de loi proposé par le regretté sénateur Enverga, que j’ai appuyé.

Sous la direction de Son Excellence Sofia Cerrato, toutes ces ambassades ont grandement contribué au succès de cette célébration. Nous avons accueilli plus de 800 invités de partout au Canada. Il y a eu des expositions d’art visuel et des présentations de livres, en plus de divers spectacles de musique et de danse.

[Français]

Chers collègues, je dois réitérer à quel point je suis fière de cette initiative qui vise à célébrer et à promouvoir la culture latino-américaine au Canada. Cette communauté contribue énormément à tous les secteurs de la société, y compris la science, la médecine, les arts, les forces armées, et bien plus. Par cette communauté, nous demeurons mieux connectés à nos amis des Amériques.

Il est important, plus que jamais, de consolider nos liens avec nos alliés latino-américains. Nous partageons plusieurs valeurs liées à la démocratie, à la coopération internationale et aux échanges commerciaux. D’ailleurs, le gouvernement canadien cherche en ce moment à accroître ses relations d’échange par l’entremise de blocs d’échange,comme l’Alliance du Pacifique, le Mercosur et l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste.

[Traduction]

Pour favoriser l’enrichissement des relations, les efforts diplomatiques que déploie chaque ambassadeur revêtent une importance cruciale. La diplomatie est au cœur de toute bonne relation. Elle permet de meilleurs échanges commerciaux, une coopération accrue et une croissance durable. Les ambassadeurs accomplissent tous un travail exceptionnel dans le but d’accroître les débouchés entre nos pays. En tout temps, ils cherchent de nouvelles idées et encouragent la coopération. En plus de promouvoir l’établissement de relations internationales, les ambassadeurs demandent aussi l’avis des parlementaires canadiens.

J’encourage chacun de mes collègues au Sénat à prendre le temps de rencontrer ces ambassadeurs. Les pays qu’ils représentent sont aux prises avec des problèmes semblables à ceux du Canada, tels que les changements climatiques, l’accès aux soins de santé et à l’éducation, les droits des Autochtones et la réduction des barrières commerciales.

Alors que j’amorce ma troisième année en tant que sénatrice canadienne, je suis encore plus déterminée à établir un solide réseau de relations internationales. En nous ouvrant au monde, nous augmentons nos chances de réussite mondiale.

J’invite mes collègues à se joindre à moi pour remercier ces 16 ambassades d’Ottawa de leur excellent travail et de leur dévouement.

Gracias.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le Sénat

Désignation des lieux ou des parties de lieux pour l’application de la définition de « Cité parlementaire »—Dépôt de document

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Désignation des lieux ou des parties de lieux pour l’application de la définition de « Cité parlementaire » figurant à l’article 79.51 de la Loi sur le Parlement du Canada.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 4 décembre 2018

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 4 décembre 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

[Français]

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 3 décembre 2018, à 18 heures;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir ce jour-là soient autorisés à le faire afin d’étudier des affaires du gouvernement, même si le Sénat siège, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là;

Que le Sénat s’ajourne à la fin des Affaires du gouvernement ce jour-là.

[Traduction]

Banques et commerce

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur la situation actuelle du régime financier canadien et international

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le 27 janvier 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce concernant son étude sur la situation actuelle du régime financier canadien et international soit reportée du 31 décembre 2018 au 30 septembre 2019.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le 27 septembre 2018, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce concernant son étude sur les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement fédéral, soit reportée du 22 février 2019 au 30 septembre 2019.

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les questions relatives à la gestion du risque systémique dans le système financier, au pays et dans le monde

L’honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le 17 octobre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce concernant son étude sur les questions relatives à la gestion du risque systémique dans le système financier, au pays et dans le monde, soit reportée du 28 décembre 2018 au 30 septembre 2019.

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le lundi 11 juin 2018, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles concernant son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone soit reportée du 31 décembre 2018 au 30 juin 2019.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les ressources naturelles

L’industrie pétrolière et gazière

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, le ministre Morneau a prononcé un discours à Calgary, au cours duquel il a concédé que l’industrie pétrolière et gazière était menacée.

(1430)

Le ministre a également dit qu’il était sensible à l’anxiété aiguë que ressentent les Albertains. Malgré qu’il ait admis la gravité de la situation de l’industrie pétrolière et gazière, ses paroles n’ont pas paru rassurer les centaines de manifestants à l’extérieur. Ceux-ci demandent que le gouvernement passe à l’action. Les travailleurs du secteur de l’énergie qui ont manifesté à Calgary hier veulent que les travaux de construction de l’oléoduc Trans Mountain commencent, et ils demeurent vivement préoccupés par les répercussions du projet de loi C-69 et du projet de loi C-48.

Sénateur Harder, à part leur offrir des mots rassurants, que fera le gouvernement pour régler les préoccupations légitimes des travailleurs du secteur de l’énergie en ce qui a trait à l’avenir de leur industrie?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question.

Je crois que c’est notre devoir à tous de nous soucier du sort de ces travailleurs, mais surtout de poser un geste concret pour eux. Voilà pourquoi le gouvernement a voulu, avec le projet de loi C-69, réformer le processus d’évaluation environnementale. En effet, il est d’avis que, une fois un projet évalué, les promoteurs auront toutes les assurances possibles qu’il pourra être mené à bien. Cette incertitude a longtemps été un problème au Canada, et elle revient fréquemment dans nos débats depuis un certain temps. Espérons maintenant que nous pourrons renvoyer le tout au comité pour qu’il puisse examiner et décortiquer les mesures proposées et suggérer des améliorations au besoin. Jusqu’ici, le gouvernement s’est montré ouvert, et j’espère que pourrons passer bientôt à la prochaine étape.

De plus, l’acquisition d’un pipeline par le gouvernement du Canada pour en achever la construction est une décision lourde de conséquences pour les Canadiens. Le gouvernement a lancé divers processus — le sénateur les connaît aussi bien que moi — afin de respecter la décision des tribunaux et faire tout ce qu’il fallait pour que le projet puisse aller de l’avant. Le gouvernement ne ménage aucun effort pour que ce projet soit mené à terme, car il estime que les ressources naturelles doivent être acheminées jusqu’aux côtes, d’abord pour en obtenir un prix juste, mais aussi pour diversifier nos marchés, car il y a trop longtemps que nous dépendons des mêmes clients.

Je rappelle en terminant au sénateur que, lorsque le ministre était de passage à Calgary, les représentants du gouvernement de l’Alberta lui ont fait part des mesures que la province entend prendre. Le ministre a confirmé que le gouvernement examine le tout.

Le sénateur Smith : Merci de votre réponse.

Il a aussi été porté à notre attention que le gouvernement fédéral aurait versé 35 000 $ en deniers publics à Tides Canada, un groupe fortement opposé aux pipelines et aux sables bitumineux largement financé par l’organisme Tides USA, établi aux États-Unis.

Sénateur Harder, pouvez-vous expliquer pourquoi, après avoir fait l’acquisition du pipeline Trans Mountain pour environ 4,5 milliards de dollars, le gouvernement donne également de l’argent des contribuables à un organisme voué à l’élimination du secteur énergétique de l’Alberta?

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question, qui a déjà été soulevée dans cette Chambre. J’ai tenté d’y répondre en expliquant que le financement dont il est question a été versé par le gouvernement du Canada sur plusieurs années. Le gouvernement n’en reste pas moins déterminé à aller de l’avant avec le projet de pipeline de la manière que j’ai mentionnée, c’est-à-dire le plus rapidement possible et en se conformant, bien entendu, aux recommandations de la cour.

[Français]

Le cabinet du premier ministre

Raj Grewal

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

J’ai été informé personnellement, le 31 mai 2017, que le député libéral Raj Grewal faisait l’objet d’une enquête en raison de certaines de ses activités, notamment quant à ses dépenses de jeu au casino. Je le répète, j’ai été informé de ce fait le 31 mai 2017; cela fait donc déjà 18 mois. J’ai quelques questions très précises à poser à ce sujet aujourd’hui, car il s’agit d’un cas qui est différent de celui d’un député qui a un simple problème de jeu et d’endettement.

J’aimerais savoir à quel moment la GRC a informé, comme il se doit, le cabinet du premier ministre que M. Grewal faisait l’objet d’une enquête et de soupçons pour blanchiment d’argent. Pouvez-vous également nous dire pourquoi le premier ministre a tardé à écarter le député Grewal de son caucus et, surtout, du Comité permanent des finances de la Chambre des communes, qui se penche justement sur le blanchiment d’argent et le financement terroriste, comité dont M. Grewal était membre jusqu’au 29 septembre dernier?

Finalement, est-ce que votre premier ministre a commandé une enquête afin de s’assurer que son député n’a pas transmis de renseignements importants auxquels il avait accès à partir des documents qu’il avait en sa possession, à titre de membre du Comité des finances de la Chambre des communes, au sujet du blanchiment d’argent et du financement terroriste?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question, que je vais devoir prendre en délibéré. Je ne suis pas suffisamment au courant des faits qu’il évoque.

Je tiens à reconnaître la tragédie que vit la personne en question, étant donné les circonstances qui l’ont menée à démissionner. Bien entendu, la police fera sa propre enquête, et la justice suivra son cours.

[Français]

Les affaires étrangères et le commerce international

L’ambassade à Cuba

L’honorable Thanh Hai Ngo : Ma question au leader du gouvernement au Sénat concerne un groupe de diplomates canadiens et leur famille, basés à Cuba, qui ont subi des lésions cérébrales inexpliquées, semblables au syndrome de La Havane qui a affligé des diplomates américains.

Ces Canadiens se sont tournés vers les médias récemment pour dévoiler les frustrations qu’ils éprouvent dans leur recherche de traitements et de reconnaissance auprès de leur employeur, Affaires mondiales Canada. Un diplomate a affirmé ce qui suit au Globe and Mail, et je cite :

Ils ont peur de contrarier Cuba en raison de la candidature du Canada à un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Sénateur Harder, nous nous rappelons l’éloge funèbre que le premier ministre a prononcé en hommage à Fidel Castro, un homme qui a opprimé ses semblables pendant un demi-siècle.

Que répondez-vous à ces diplomates qui affirment que leur santé et leur sécurité ont été sacrifiées afin que votre gouvernement puisse éviter de déplaire au régime communiste cubain?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je crois comprendre qu’un honorable sénateur a déjà rempli un mandat avec distinction à Cuba.

C’est une affaire grave. Les honorables sénateurs doivent savoir que le gouvernement du Canada a rappelé du personnel de soutien familial de Cuba lorsque les incidents ont été signalés.

Le gouvernement du Canada collabore étroitement avec le gouvernement des États-Unis là où des incidents semblables se sont produits. Une aide est offerte au personnel diplomatique canadien par l’entremise des groupes de soutien concernés. De plus, le gouvernement met à contribution son appareil de sécurité et de communication pour tenter de déterminer la cause de ces incidents, et il collabore avec ses alliés. Non seulement ces gestes sont regrettables, mais ils contreviennent de manière odieuse aux principes de la Convention de Genève. Le gouvernement appuie sans réserve son personnel.

Le sénateur Ngo : Merci.

Le Canada cherche à obtenir un siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, au détriment de la santé de son personnel diplomatique à Cuba et des valeurs démocratiques canadiennes. Le 1er novembre, lors d’une séance des Nations Unies, le Canada a rompu avec les principes du monde libre et démocratique en se joignant à la Syrie, à l’Iran et à la Corée du Nord pour voter contre huit mesures distinctes qui visaient à tenir l’État cubain responsable de ses violations généralisées des droits de la personne. Pouvez-vous expliquer pourquoi le Canada va à l’encontre de sa politique sur les droits de la personne pour se ranger du côté du régime communiste cubain?

Le sénateur Harder : Sénateur, il serait peut-être préférable de discuter dans une autre tribune de ces votes aux Nations Unies, où beaucoup de votes ont lieu. Permettez-moi de donner à tous les sénateurs l’assurance que le gouvernement du Canada défend depuis longtemps l’idée répandue que l’ONU est l’organisme approprié pour traiter les violations des droits de la personne. À l’Assemblée générale de l’ONU, le gouvernement du Canada a amplement l’occasion, de concert avec des gouvernements aux vues similaires, d’exprimer ce point de vue.

Quant au vote dont a parlé l’honorable sénateur, il faudrait que je me renseigne sur sa nature générale et sur le contexte plus vaste de la situation, afin de savoir pourquoi le Canada a voté de la même façon que les pays en question.

Cependant, je tiens à assurer tous les sénateurs que le gouvernement du Canada prend chaque vote au sérieux. Nous devons tenir compte des efforts globaux déployés par les diplomates canadiens lorsque de telles décisions sont prises.

(1440)

Régie interne, budgets et administration

Les plaintes de harcèlement

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration. J’aimerais lui demander à quel moment je peux espérer recevoir des réponses à deux questions que j’ai soumises par écrit au comité en février dernier.

Je demandais au comité de répondre publiquement aux deux questions suivantes. Premièrement, depuis 2006, quelle est la somme dont le comité a autorisé le versement en contrepartie d’aide juridique en raison d’une plainte de harcèlement, y compris d’intimidation ou de harcèlement sexuel, à l’égard d’un sénateur ou d’un fonctionnaire du Sénat? Deuxièmement, depuis 2006, une partie du montant exact soumis en réponse honnête à ma question précédente a-t-elle été allouée en contrepartie d’un règlement quelconque à une personne qui aurait déposé une plainte de harcèlement, soit directement à la partie plaignante ou de manière à ce que celle-ci reçoive une somme qui aurait été autorisée par le comité à titre de frais professionnels ou juridiques? Dans l’affirmative, combien?

Si le comité décide de ne pas répondre à ces questions, qui ne visent absolument aucune information permettant d’identifier une personne, je lui demande de préciser le pouvoir ou le privilège qui l’autorise à refuser de publier ces renseignements.

L’honorable Sarabjit S. Marwah : Je vous remercie, sénatrice, de votre question. Comme vous le savez, vous avez porté cette question à mon attention il y a 10 jours. J’ai demandé au personnel de l’Administration du Sénat de l’examiner. Dès qu’il m’aura transmis ses conclusions, je vous donnerai une réponse.

Les affaires étrangères et le commerce international

Les relations diplomatiques avec l’Iran

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le 1er novembre, alors qu’elle était à Jérusalem, la ministre Freeland a affirmé que le gouvernement libéral rétablirait des relations diplomatiques avec la République islamique d’Iran à une condition : la libération de Maryam Mombeini.

Lorsqu’il a été questionné par des journalistes, le bureau de la ministre n’a pas voulu se prononcer au sujet de la réouverture de l’ambassade canadienne à Téhéran. C’est étonnant, étant donné que, le 12 juin dernier, la Chambre des communes a adopté une motion visant à demander au gouvernement de mettre fin à toutes les négociations et discussions avec la République islamique d’Iran au sujet du rétablissement des relations diplomatiques.

La ministre Freeland et le premier ministre Trudeau ont tous deux voté pour cette motion visant à cesser toute négociation.

Monsieur le sénateur Harder, pouvez-vous nous dire exactement quelle est la position du gouvernement libéral sur cette question? Négocie-t-il la réouverture de l’ambassade canadienne avec l’Iran? Sinon, pourquoi ne confirme-t-il pas son adhésion à la motion adoptée le 12 juin par la Chambre des communes?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je tiens à répéter que la ministre des Affaires étrangères du Canada s’exprime au nom du gouvernement du Canada et qu’elle donnait son point de vue quant au fait que l’obstacle qui empêche le gouvernement du Canada de rétablir les relations diplomatiques demeure.

L’honorable Leo Housakos : Dans le même ordre d’idées, monsieur le leader du gouvernement, quand le Parlement du Canada propose une motion et qu’elle reçoit un appui pratiquement unanime de l’autre côté, le gouvernement n’est-il pas tenu de respecter la volonté du Parlement? Le Parlement ne s’exprime-t-il pas, lui aussi, au nom des Canadiens?

Le sénateur Harder : Bien sûr, l’avis du Parlement du Canada est important. L’avis de la Chambre des communes est important. L’avis du Sénat est important. Cependant, c’est le gouvernement du Canada qui conduit la politique étrangère.

La santé

La publicité des produits de vapotage

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Les spécialistes de la santé se disent de plus en plus préoccupés par le fait que des fabricants de tabac, comme Imperial Tobacco Canada, diffusent à la télévision, dans les médias sociaux et ailleurs des publicités de style de vie pour leurs produits de vapotage.

Depuis le printemps, la Loi sur le tabac et les produits de vapotage interdit la publicité de style de vie des produits de vapotage. Or, la loi n’est pas appliquée. La semaine dernière, quatre groupes de défense et de promotion de la santé ont tenu une conférence de presse sur la Colline du Parlement pour demander au gouvernement fédéral de prendre des mesures contre la campagne télévisée d’Imperial Tobacco pour son produit de vapotage Vype ePen 3.

Sénateur Harder, quand le gouvernement prendra-t-il des mesures d’exécution de la loi contre Imperial Tobacco Canada pour ses publicités d’apparence illégales?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. Elle prouve la nécessité, pour le Sénat, de déménager dans une salle où, je l’espère, le son sera meilleur. Cela dit, en ce qui concerne Imperial Tobacco, permettez-moi de me renseigner auprès du ministère.

La sénatrice saura que le gouvernement du Canada et la ministre de la Santé ont à cœur l’exécution de ce régime, qui a été adopté par le Parlement. Le ministère a déjà pris certaines mesures d’exécution de la loi. Toutefois, j’ignore si elles concernent le cas mentionné par la sénatrice. Je vais me renseigner et reviendrai volontiers avec une réponse.

La sénatrice Seidman : Vous vous en souviendrez peut-être, lors du débat sur le projet de loi S-5, de nombreux sénateurs, députés et organismes de santé demandaient davantage de restrictions concernant la publicité relative aux produits de vapotage. On n’a pas tenu compte de ces demandes, malgré les données qui indiquent une croissance épidémique de la dépendance à la nicotine chez les jeunes Canadiens.

Sénateur Harder, le gouvernement se servira-t-il de son pouvoir de réglementation pour limiter la publicité relative aux produits de vapotage à la préférence de marque et à la publicité informative? Le gouvernement se servira-t-il de son pouvoir de réglementation pour limiter la publicité aux publications destinées spécifiquement à une personne ou à des endroits où la présence des mineurs est interdite par la loi?

Le sénateur Harder : Je considère la question comme une demande insistante auprès du gouvernement pour qu’il le fasse. Je vais en parler à la ministre et revenir avec sa réponse.

[Français]

La sécurité publique

Les taux de récidive

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, j’informais cette Chambre que le Service correctionnel du Canada sous-estimait le taux de récidive, car sa méthode de calcul exclut volontairement un grand nombre de condamnations. Dans certains cas, le taux de récidive pourrait être jusqu’à cinq fois supérieur au taux déclaré. Le vérificateur général du Canada, dans son rapport sur Service correctionnel Canada, constate ce qui suit, et je cite :

[...] les indicateurs de rendement de Service correctionnel Canada ne comportaient pas de données sur les infractions passibles d’emprisonnement dans des établissements provinciaux ou territoriaux.

C’est ce qu’on appelle une prison. Le rapport indique également que les représentants du Service correctionnel du Canada ont affirmé qu’il était difficile de recueillir des données à ce sujet.

Or, le Bureau du vérificateur général a noté que les données sur ces condamnations pouvaient être consultées facilement par le public. Puisque le public a accès à toutes ces condamnations en consultant les plumitifs, pourquoi le Service correctionnel du Canada ne fait-il pas des efforts pour collecter ces données afin de nous présenter un taux de récidive réel?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. En ce qui concerne les renseignements précis qu’il souhaite obtenir au sujet du Service correctionnel du Canada, je vais m’informer.

Au sujet du rapport du vérificateur général dont il fait mention, comme je l’ai dit, lorsqu’il a été déposé au Sénat et que des questions ont été posées, le gouvernement a accepté les conclusions du vérificateur général. Le ministre a demandé au Service correctionnel du Canada de répondre aux recommandations.

Quant aux nombres précis que l’on m’a demandés, je vais m’informer.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Puisque le problème et la solution sont connus, pourriez-vous interpeller immédiatement le ministre de la Sécurité publique pour qu’il tienne compte des infractions et des condamnations dans les pénitenciers, de sorte que le Service correctionnel du Canada puisse présenter le taux réel de risque de récidive, car il en va de la sécurité du public?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je vais poser la question au ministre et répondre en temps et lieu.

[Français]

Le patrimoine canadien

Les médias sociaux

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La semaine dernière, le ministre Morneau a annoncé plusieurs mesures pour aider les médias traditionnels. Je ne veux pas revenir sur les détails de cette mesure, car j’ai remarqué autre chose.

Il n’y a rien qui puisse nuire aux Facebook et aux Google de ce monde. Il n’y a aucune mention de la révision du traitement fiscal des publicités sur les plateformes numériques ni de la révision des règles liées aux droits d’auteurs, comme celles qui sont menées à l’heure actuelle en Europe. J’ai relevé des liens serrés entre Facebook, Google et le gouvernement Trudeau. Les lobbyistes de ces multinationales sont parmi les plus actifs sur la Colline du Parlement.

Pourquoi le gouvernement libéral prend-il tant de soin à ménager Facebook et Google? Comment la politique du ministre Morneau va-t-elle faire migrer les revenus publicitaires vers les médias traditionnels?

(1450)

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Je n’ai pas l’intention d’en dire davantage que lui relativement à l’annonce sur les journaux et les autres médias traditionnels, sinon que le gouvernement prend cette mesure pour assurer la pérennité et la vitalité d’une presse capable de contribuer à la vie démocratique, sans toutefois subventionner directement certains médias au gré de ses préférences. L’équilibre ainsi recherché est capital. Le gouvernement s’est inspiré d’un rapport du Forum des politiques publiques, mais n’a pas suivi ce rapport à la lettre sur tous les points.

Par ailleurs, le gouvernement continue de réfléchir au cas de Google et d’Amazon. Il est possible que le gouvernement fasse d’autres annonces après avoir poursuivi ses délibérations sur cette question. L’annonce contenue dans l’énoncé économique de l’automne portait sur les mesures au sujet desquelles le gouvernement avait terminé sa réflexion.

[Français]

La santé

La publicité sur Facebook

L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, Santé Canada a payé une somme de 40 000 $ à Facebook pour une publicité sur la cuisson des pépites de poulet. Comment le gouvernement peut-il justifier un tel cadeau?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Sans entrer dans les détails de la publicité dont parle le sénateur, je lui signale, au cas où il ne le saurait pas, que la plupart des Canadiens, en particulier les jeunes, s’informent au moyen de Facebook et d’autres sites Internet. Il est essentiel que le gouvernement du Canada trouve des moyens de communiquer avec ces Canadiens. Le contrat dont parle le sénateur a été conclu dans cette optique. Libre à lui d’essayer s’il le désire.

Les affaires étrangères et le commerce international

Les relations diplomatiques avec l’Iran

L’honorable Linda Frum : J’aimerais revenir à ma question précédente. Selon vous, n’y a-t-il pas, à tout le moins, outrage au Parlement lorsque la ministre des Affaires étrangères poursuit ses négociations avec la République islamique d’Iran, alors que, le 12 juin dernier, le premier ministre, la ministre elle-même, ainsi que tous les autres ministres et membres du caucus libéral ont voté à la Chambre des communes en faveur d’une motion visant à mettre un terme à toutes les relations diplomatiques avec l’Iran?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je le répète : la ministre des Affaires étrangères ne fait pas du tout preuve d’incohérence lorsqu’elle indique clairement quels sont les obstacles qui empêchent le rétablissement total des relations diplomatiques avec l’Iran. C’est ce que la ministre a fait. Je l’en félicite.

L’honorable Frances Lankin : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. D’après ce que je peux comprendre, la plupart des questions concernant la sécurité nationale, la défense, les missions de guerre et les affaires étrangères sont régies par la prérogative de la Couronne, ce qui confère au pouvoir exécutif le droit et la responsabilité de prendre des décisions en la matière avec l’avis du Parlement.

Les questions que j’ai entendues laissent supposer qu’il pourrait s’agir d’un processus non démocratique et d’un non-respect de la volonté de la majorité démocratique exprimée au Parlement. Je ne sais pas si ces deux éléments s’entrecroisent. Pourriez-vous faire des recherches plus poussées sur la question de la prérogative de la Couronne?

Le sénateur Harder : Je vous remercie, madame la sénatrice. Je le ferai avec plaisir. Je cherchais à dire, de façon diplomatique, que l’avis du Parlement a de l’importance, qu’il s’agisse de celui de la Chambre des communes ou du Sénat, sauf que c’est le gouvernement du Canada qui conduit la politique étrangère du Canada et qui doit rendre des comptes à la population canadienne à ce sujet. En raison des prérogatives de la Couronne, que vous avez mentionnées, le gouvernement du Canada a beaucoup de latitude, comme il se doit, pour ce qui est d’assurer la sécurité et la défense du Canada et de promouvoir les intérêts du Canada dans différents contextes, dont le contexte diplomatique.

La sénatrice Frum : Dois-je considérer qu’il s’agit d’une explication juridique de la différence entre un outrage au Parlement et un simple comportement malhonnête et cynique de la part du gouvernement libéral?

Le sénateur Harder : Non.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, celui qui vise à interdire les pétroliers. Ce projet de loi officialise le moratoire sur les pétroliers qui transportent du pétrole brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique et il prévoit des sanctions pour toute violation de l’interdiction.

Comme vous le savez peut-être, chers collègues, j’ai posé une question au sénateur Harder sur ce projet de loi l’an dernier, pendant la période des questions. Elle était semblable à celle qu’a posée la sénatrice Eaton dans son discours et elle se rapporte à un élément qui est au cœur des observations que je vais faire aujourd’hui. À l’époque, et encore maintenant, car je n’ai toujours pas obtenu de réponse à ma question, je voulais savoir si la côte nord de la Colombie-Britannique est plus pure, sacrée et précieuse que la côte de Terre-Neuve-et-Labrador. Après tout, c’est ce que sous-entend ce projet de loi. Honnêtement, c’est insultant pour les Terre-Neuviens et les Labradoriens, comme ce devrait l’être pour tous les Canadiens, qu’ils habitent ou non une région côtière.

J’ai parcouru la province. J’ai admiré la beauté de son vaste littoral. Le sentier de la côte Est, qui est connu dans le monde entier, est à quelques minutes de chez moi. J’y fais souvent de la randonnée. J’ai déjà nagé au large des côtes. Je peux vous dire d’expérience que les eaux côtières de notre province sont pures, tout comme celles qui sont au large de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Vous savez quoi? Terre-Neuve-et-Labrador est une province productrice de pétrole. Elle n’est pas assujettie à une interdiction des pétroliers. D’ailleurs, ma province a une raffinerie qui accueille chaque année des milliers de pétroliers. De plus, ses quatre plateformes pétrolières extracôtières créent des emplois et favorisent son économie ainsi que celle de tout le pays.

La raffinerie et le terminal de transbordement pétrolier de Whiffen Head se trouvent à l’extrémité de la baie de Plaisance, où l’on trouve aussi des centaines de bateaux de pêche; de nombreuses pêcheries dont l’exploitation est lucrative; des dizaines de localités magnifiques, notamment la ville natale du sénateur Manning, le village de St. Bride’s; des entreprises dynamiques d’aquaculture; un refuge d’oiseaux marins de renommée mondiale, la réserve écologique de Cape St. Mary’s. La baie de Plaisance sert également d’habitat à une population de baleines, de dauphins et de marsouins en santé. Elle est fréquentée par le traversier de Marine Atlantique qui fait la navette jusqu’en Nouvelle-Écosse ainsi que par de nombreux bateaux de plaisance. Des usines de transformation de poisson et une usine de transformation du nickel qui est desservie chaque jour par des minéraliers bordent la baie de Plaisance, qui compte plus de 370 îles et qui fait face à l’océan Atlantique, avec ses rigueurs.

Le sénateur Manning peut en témoigner, cette région est l’endroit au monde où le brouillard est le plus épais.

La circulation des pétroliers à destination et en provenance de la baie de Plaisance se fait sans heurts et en toute sécurité grâce à des procédures liées à l’utilisation de technologies de circulation maritime, comme des systèmes de surveillance des navires, des systèmes de communication et des protocoles. Les capitaines de pétrolier, les pilotes de navire, les pêcheurs, les minéraliers, les capitaines de traversier et les conducteurs de bateau de plaisance suivent ces protocoles à la lettre.

Si la circulation des pétroliers peut être effectuée de manière sûre et efficace à Terre-Neuve-et-Labrador, pourquoi ne serait-ce pas également le cas en Colombie-Britannique? Le gouvernement fédéral est-il en train de dire que la Colombie-Britannique est incapable d’adopter ces processus?

À l’époque où j’étais vice-président de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, mon travail et celui de mes collègues consistait à veiller à ce que que les exploitants se conforment aux dispositions relatives à la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada—Terre-Neuve-et-Labrador, ainsi qu’à la réglementation accompagnant cette loi. Je sais, par l’expérience que j’ai acquise en travaillant pour cet office de réglementation de calibre mondial, qu’un développement économique dynamique peut aller de pair avec la sécurité des travailleurs et le respect de l’environnement. En fait, ces deux derniers éléments sont des priorités pour l’office.

Il y a un instant, j’ai parlé du terminal de transbordement pétrolier de Whiffen Head. Pour la seule année 2017, 3 584 navires pétroliers ont transité par ce site — 3 584 en un an —, et plus de 2,6 milliards de barils de pétrole ont pu être transportés de façon sécuritaire sans le moindre incident. Pour vous donner une échelle, on produit dans le monde environ 93 millions de barils par année. L’installation de Whiffen Head a traité 2,6 milliards de barils.

(1500)

Elle y arrive dans une région située en pleine mer où il y a souvent du brouillard dense, comme dans la baie de Plaisance, parce qu’on suit à la lettre les protocoles et les procédures qui ont été mis en place.

Dans la baie de Plaisance, la circulation des navires est encadrée par ce que l’on appelle une gestion intégrée. Chers collègues, c’est Pêches et Océans Canada qui a élaboré et lancé cette mesure.

Ma question est simple : pourquoi ne peut-on pas élaborer une gestion intégrée pour le Nord de la Colombie-Britannique, afin que tous les intervenants et les utilisateurs puissent bénéficier de ce corridor tout en maintenant l’intégrité écologique de cette région magnifique du Canada, comme on l’a fait dans la baie de Plaisance?

Le gouvernement se plaît à dire qu’il prend des décisions en se fondant sur des données scientifiques et probantes. Or, il n’a invoqué aucun motif indiquant qu’il était impossible que des navires circulent de façon efficace et sécuritaire au large de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Le gouvernement a prétendu consulter sérieusement les Autochtones, et pourtant, les consultations ont été entreprises avec une issue déterminée d’avance, qui, soit dit en passant, n’était pas celle que bon nombre d’Autochtones espéraient.

On semble avoir imposé le moratoire relatif aux pétroliers pour des motifs politiques. Les données scientifiques et économiques n’avaient rien à voir avec cette décision. Chers collègues, nous savons que ce moratoire a eu l’effet escompté : conduire le projet d’oléoduc Northern Gateway dans un cul-de-sac.

Si le gouvernement se souciait vraiment de la classe moyenne, il n’entraverait pas le transport sûr et efficace de nos ressources naturelles. Le résultat, c’est que le pétrole de l’Alberta et de la Saskatchewan se vend à un prix dérisoire. C’est bel et bien le cas, chers collègues, et c’est une honte.

Il est aussi décevant de constater que le gouvernement ne tient pas compte du point de vue de groupes des Premières Nations, comme le Conseil des chefs d’Eagle Spirit, qui a déclaré que les revenus du projet de corridor énergétique Eagle Spirit contribueraient beaucoup à leur autosuffisance.

Le projet de loi C-48 va tuer ce projet et il privera les propriétaires fonciers d’un débouché économique légitime.

Honorables sénateurs, j’aimerais conclure en faisant une analogie. On peut éliminer les accidents mortels sur les routes en fermant celles-ci. Est-ce à dire qu’il faudrait fermer les routes? Bien sûr que non. Devrait-on mettre en place des procédures pour assurer la sécurité routière? Bien entendu. Une personne qui prend le volant a suivi un cours de conduite et a réussi le test. Sa voiture a été inspectée, et elle attache sa ceinture, respecte la limite de vitesse, obéit à la signalisation routière, suit les règles établies, utilise des pneus d’hiver et réduit sa vitesse quand la route est glissante. Chers collègues, je pourrais continuer, mais je ne vous apprends rien.

Il existe aussi des mécanismes d’intervention d’urgence pour atténuer les dommages en cas d’accident. Voilà pourquoi nous avons des garde-fous, des coussins gonflables, des ceintures de sécurité, des glaces spéciales d’automobile qui n’éclateront en cas de bris, des systèmes d’intercommunication en cas d’urgence, et plus encore.

Honorables collègues, c’est la même chose pour le transport par pétrolier. Il y a une surveillance électronique, des pétroliers à double coque, des pilotes de port, des systèmes d’alerte, des restrictions visant l’utilisation des bâtiments, des limites liées à l’état de la mer visant les déplacements des pétroliers et le transbordement du pétrole, des procédures d’arraisonnement du trafic maritime, et cette liste aussi est longue.

C’est inutile et nuisible à notre économie et c’est un pas de plus en vue d’étouffer l’exploitation responsable des ressources dans notre pays riche en ressources.

Je vais m’opposer au projet de loi sur l’interdiction permanente des pétroliers, parce qu’il existe une meilleure façon d’atteindre les objectifs de protection environnementale et d’exploitation responsable des ressources.

Merci, honorables collègues.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Le sénateur peut-il nous dire s’il s’oppose à l’interdiction volontaire, qui est en place depuis 20 ans?

Le sénateur Wells : Tout dépend de qui établit l’interdiction, mais non, je ne l’appuie pas. Il y a des groupes — j’en ai mentionné un, et il y en a beaucoup d’autres — qui souhaitent que leur pétrole se rende jusqu’aux côtes. Ils souhaitent que les populations le long de ce corridor profitent des retombées économiques. Je doute que ces groupes soient favorables à cette interdiction. En fait, ils ont déjà dit qu’ils s’y opposaient.

Le sénateur Harder : L’honorable sénateur fait référence au groupe Eagle Spirit et suggère qu’il est davantage qu’une structure de société. Confirmez-vous qu’il ne constitue, en fait, qu’une structure de société?

Le sénateur Wells : Je ne sais pas s’il a un statut de société. Je sais qu’il a un droit de regard sur certaines terres dans cette région. Il aimerait profiter, économiquement parlant, du développement responsable des ressources, et ce, en fonction des règles adéquates.

Le sénateur Harder : Le sénateur serait-il prêt à entendre les témoignages des communautés autochtones touchées?

Le sénateur Wells : Je suis sûr que le comité les entendra. Je serais, bien évidemment, heureux d’entendre leurs commentaires, ainsi que les commentaires de tous les intervenants et de tous les Canadiens qui voudraient acheminer leurs ressources naturelles jusqu’aux côtes.

L’honorable Frances Lankin : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?

Le sénateur Wells : Oui.

La sénatrice Lankin : Les arguments que vous nous avez présentés constituent un point de vue important. Il y a vraiment un juste milieu à trouver à ce sujet. Certaines Premières Nations se disent en faveur de ce moratoire. D’autres — une trentaine d’entre elles font partie du groupe Eagle Spirit — y sont opposées. Ce n’est pas tout noir ou tout blanc.

Vous avez parlé de votre expérience relativement au forage pétrolier en mer, dans la baie de Plaisance et ailleurs, et des solutions intégrées faisant appel à de nombreux intervenants. Comme je ne sais trop comment on en est arrivé à ce que vous avez appelé une solution intégrée faisant appel à de nombreux intervenants, j’aimerais que vous nous l’expliquiez.

Le sénateur Wells : Merci de cette question, madame la sénatrice Lankin. La solution dont vous parlez s’appelle un plan de gestion intégré. Les détails se trouvent dans le site web du ministère des Pêches et des Océans. Ils sont faciles à consulter.

Le plan de gestion intégré tient compte des pêches, du transport, de l’industrie pétrolière et gazière, de l’industrie minière, notamment de la grande usine de transformation de nickel que l’on trouve à cet endroit, ainsi que du tourisme nautique dans la région de l’Atlantique. Les acteurs de tous ces domaines se réunissent pour établir les règles à suivre et les pratiques exemplaires à adopter. Le ministère des Transports, le service de météorologie maritime et la FFAW, c’est-à-dire l’union des pêcheurs de Terre-Neuve, prennent part à cette concertation de divers groupes à propos de l’environnement naturel le plus rigoureux au monde.

La baie de Plaisance est ouverte sur l’Atlantique; ce n’est pas une baie abritée. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les vagues et le brouillard sont les plus redoutables au monde dans cette baie parsemée de 370 îles et hauts-fonds. Des pétroliers, des minéraliers et des bateaux de plaisance circulent dans un milieu également propice au secteur de la pêche et à d’autres activités économiques le long du littoral, en particulier l’aquaculture et le tourisme, qui sont des secteurs clés.

Le plan de gestion intégré conçu par tous ces groupes établit des règles prévoyant le recours à des technologies de classe mondiale, comme des systèmes de surveillance des navires, et à des pilotes professionnels. Lorsqu’un minéralier ou un pétrolier arrive, un pilote qui connaît bien la baie monte à bord pour le guider. S’il vente trop fort, le navire doit mouiller à l’extérieur de la baie.

Beaucoup de mécanismes peuvent être mis en place. Je suis sûr que le mauvais temps peut s’abattre également sur la côte nord de la Colombie-Britannique, bien qu’avec moins de force peut-être que dans la baie de Plaisance et sans qu’on retrouve là-bas autant d’industries et d’activités, y compris la circulation des bateaux de plaisance.

Voilà le plan de gestion intégré. Je sais que tous les problèmes n’ont pas nécessairement une solution. L’interdiction des pétroliers est manifestement une solution à ce problème, mais il peut y en avoir une meilleure pour concilier l’exploitation des ressources et la protection de l’environnement.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi de 2017 sur la sécurité nationale

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, appuyée par l’honorable sénatrice Moncion, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale.

L’honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-59, Loi concernant des questions de sécurité nationale.

D’abord et avant tout, je tiens à remercier mes collègues des deux côtés du Sénat de leurs interventions réfléchies au cours du débat.

Il s’agit d’un gros projet de loi qui aura des répercussions sur plusieurs des composantes de notre loi actuelle sur la sécurité nationale. Cependant, je vais parler surtout des parties qui visent à modifier le Code criminel, notamment la partie 7 du projet de loi.

Le projet de loi comporte plusieurs dispositions qui visent à modifier le Code criminel. L’une d’elles apporte des modifications au régime d’inscription d’entités impliquées dans des activités terroristes. Une autre disposition remplace l’infraction de préconiser ou fomenter le terrorisme par l’infraction de « conseiller la commission d’infractions de terrorisme ».

(1510)

Mes collègues ont parlé éloquemment de cette disposition du projet de loi. Ils ont soulevé d’importantes questions au sujet de l’élimination de l’infraction de préconiser ou fomenter le terrorisme, car cela fera en sorte qu’il sera plus difficile pour la Couronne de porter des accusations contre les individus qui font ouvertement la promotion du terrorisme. Une telle promotion se fait dans les médias sociaux, le but étant de radicaliser les jeunes vulnérables et de créer un environnement où des actes de terrorismes sont commis.

Le gouvernement soutient que la loi actuelle est trop large et, par conséquent, il propose d’éliminer complètement l’infraction de préconiser ou fomenter le terrorisme. Il propose cela malgré le fait que les témoins qui ont comparu devant le Comité de la sécurité publique de la Chambre des communes aient fait valoir que ces dispositions demeurent importantes.

D’autres soutiennent que, si la préoccupation tient au fait que les dispositions du Code criminel sont trop larges, on pourrait plutôt renforcer le code en précisant davantage l’infraction de préconiser ou fomenter le terrorisme.

Selon moi, une solution possible serait de faire en sorte que le comité sénatorial chargé d’étudier le projet de loi entende des témoins qui suggéreront peut-être des libellés susceptibles de protéger les Canadiens des dangers posés par les individus qui font la promotion du terrorisme, en particulier dans les médias sociaux. Si nous pouvions en arriver à un libellé qui satisfait cet objectif tout en réduisant le plus possible les risques constitutionnels légitimes, je crois que ce serait préférable à l’élimination pure et simple de ces dispositions.

En général, c’est l’une de mes principales préoccupations en ce qui a trait à l’approche adoptée par le gouvernement dans ce projet de loi.

Les dispositions de lois antérieures adoptées dans le but de créer de meilleurs outils pour protéger la société contre la menace terroriste sont abandonnées ou assouplies après ce que je considère comme une analyse erronée des conséquences. À cet égard, je souhaite aborder brièvement la proposition du projet de loi C-59 visant à relever les seuils quant à l’imposition d’un engagement assorti de conditions au titre de l’article 83.3, en prévoyant que, sauf si le Parlement proroge l’application, l’article cessera d’avoir effet dans cinq ans.

L’engagement assorti de conditions est un outil qui aide les forces de l’ordre à contrer les plans des terroristes quant à l’éventuelle mise à exécution d’une activité terroriste. Lorsqu’un policier a des motifs raisonnables de penser qu’une activité terroriste pourrait être mise à exécution et qu’il soupçonne que l’imposition de conditions ou l’arrestation d’une personne empêchera la mise à exécution de l’activité, il peut demander à un juge d’imposer un engagement à la personne.

Ce que propose le projet de loi C-59, c’est de relever le seuil quant à l’utilisation de cet outil en exigeant que l’imposition de l’engagement soit « nécessaire pour empêcher » que l’activité terroriste ne soit entreprise, au lieu de n’avoir que « vraisemblablement pour effet d’empêcher » que l’activité terroriste ne soit entreprise. Les dispositions concernant l’engagement assorti de conditions modifié seront, elles aussi, assorties d’une disposition de caducité de cinq ans.

Il n’y a tout simplement pas eu d’explication satisfaisante. Nous ignorons pourquoi cette modification serait nécessaire et comment elle améliorerait la sécurité publique.

Le gouvernement fait valoir que la disposition n’a pas été utilisée et qu’il n’y a donc aucun désavantage à l’affaiblir. Or, le fait est que cette disposition de la loi est conçue pour protéger les Canadiens dans des contextes qui sont essentiellement des situations d’urgence. En d’autres mots, il s’agit de cas où la disposition est le plus susceptible d’être utile — les moments où un policier a des motifs raisonnables de croire qu’une activité terroriste pourrait être imminente.

Le gouvernement affirme que nous allons affaiblir cette disposition parce que nous ne pouvons pas nous fier à la police, à la Couronne ou même aux tribunaux pour qu’ils l’utilisent avec discernement, au besoin.

Le gouvernement a recours au même argument pour justifier une autre proposition prévue dans le projet de loi C-59 : l’abrogation des articles 83.28 et 83.29, qui portent sur une investigation relative à une infraction de terrorisme. Dans ce cas-ci, le gouvernement ne se contente pas d’affaiblir des dispositions, il les élimine complètement.

Les dispositions sur une investigation permettent à la Couronne de présenter une demande à un tribunal pour contraindre une personne à participer à une investigation judiciaire sur une affaire liée au terrorisme. Il est vrai qu’elles ne sont pas souvent utilisées. Toutefois, dans ce cas-ci, la Cour suprême du Canada a maintenu les dispositions du Code criminel lorsqu’elles ont été contestées. Malgré tout, le gouvernement fait valoir que leur utilisation limitée justifie l’abrogation de l’article.

Si nous poussions l’argumentation du gouvernement jusqu’au bout, alors, logiquement, nous pourrions peut-être conclure que, puisque les dispositions du Code criminel concernant la trahison sont rarement appliquées, nous devrions tout simplement les abroger aussi.

Cette approche me préoccupe d’autant plus que nous sommes à une époque où la menace terroriste ne disparaît pas, mais prend plutôt de l’ampleur. Il est évident que le gouvernement du Canada propose une approche différente de celle qui s’applique dans d’autres pays.

En Australie, les policiers peuvent mettre une personne en détention préventive s’ils ont de motifs raisonnables de soupçonner qu’elle a l’intention de commettre un acte terroriste.

Au Royaume-Uni, les policiers peuvent arrêter une personne sans mandat et la mettre en détention s’ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’il s’agit d’un terroriste ou que cette détention est nécessaire pour recueillir ou préserver des éléments de preuve.

Ces dispositions sont semblables aux dispositions relatives à l’investigation que le gouvernement propose maintenant d’abroger au titre du projet de loi C-59.

Tant en Australie qu’au Royaume-Uni, la détention préventive peut durer jusqu’à 14 jours. Au Canada, la durée maximale est de sept jours. Cela montre que les dispositions législatives actuellement en vigueur au Canada ne sont pas abusives. En fait, elles sont aussi sévères, même moins sévères, que celles qui s’appliquent dans les pays qui ressemblent le plus au Canada, c’est-à-dire les pays qui adhèrent à la tradition de la common law.

Les mesures juridiques qui ont été instaurées en Australie et au Royaume-Uni ne visent pas à restreindre les libertés civiles. Elles sont plutôt le fruit d’analyses qui laissent croire que des outils crédibles sont requis pour protéger les citoyens lorsqu’une société est menacée.

L’expérience du Royaume-Uni avec le terrorisme remonte aux menaces qui planaient lors de ses troubles avec l’Irlande du Nord et, plus récemment, aux attaques terroristes à Londres en juillet 2005. Les dispositions antiterroristes qui sont prévues dans la loi sont conçues pour empêcher de tels actes terribles de se reproduire. Je crois qu’il serait sage de tirer des leçons de l’expérience internationale plutôt que de l’ignorer.

Si on examine objectivement l’expérience internationale, je pense qu’on ne peut que conclure que le fait que les gouvernements ont rarement recours à ces dispositions prouve qu’elles ne sont pas utilisées à mauvais escient et qu’elles ont pour but de protéger le Canada s’il en a soudainement besoin.

Il est malavisé d’affaiblir ou d’abroger ces dispositions et d’espérer simplement que tout se passera bien. Je crois que la question doit faire l’objet d’un examen attentif par le comité sénatorial. Merci.

L’honorable Marc Gold : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur McIntyre : Absolument.

Le sénateur Gold : Merci de votre discours, sénateur. Je suis, moi aussi, d’avis que le comité devrait étudier sérieusement toutes ces questions pour faire en sorte qu’il existe des moyens constitutionnels d’assurer notre sécurité.

Je veux poser une question sur les investigations. Vous avez justement signalé que, en 2014, la Cour suprême a confirmé la constitutionnalité des investigations en insistant sur le fait que celles-ci devaient être tenues publiquement. Par conséquent, les organismes de sécurité comme le SCRS sont obligés de révéler publiquement leurs sources et leurs méthodes, ce qui compromet leur capacité à assurer la sécurité nationale. Depuis cette décision, et c’est un fait important, aucune investigation n’a eu lieu pour cette raison.

Êtes-vous en train d’affirmer qu’il faut maintenir un outil qui a pour effet d’affaiblir notre sécurité nationale en compromettant les enquêtes et que les organismes ne veulent pas utiliser?

Le sénateur McIntyre : Merci de votre question, sénateur Gold. Comme je l’ai indiqué, j’ai de sérieuses réserves par rapport au projet de loi, notamment en ce qui concerne les mesures de prévention.

(1520)

Quand je parle de ce qui se fait actuellement, je parle notamment du fait qu’on veuille remplacer l’expression « aura vraisemblablement pour effet d’empêcher » par « est nécessaire pour empêcher ». Elle est là, la clé.

Pour répondre à votre question, personne ne conteste le fait que, à l’heure actuelle, le Code criminel contient des dispositions qui permettent d’empêcher les actes terroristes avant qu’ils soient commis. Les voici : enquêtes devant un juge, arrestations préventives sur mandat, mises en détention pour au plus une semaine et engagements à ne pas troubler l’ordre public assortis de conditions et de cautions.

Vous avez tout à fait raison de dire que la Cour suprême du Canada a confirmé la validité des investigations. Elle est même allée jusqu’à préciser que l’article 83.28, si ma mémoire est bonne, ne contrevient pas à l’article 7 de la Charte.

À mon avis, les dispositions sur les engagements assortis de conditions sont utiles lorsque les policiers croient qu’un acte terroriste aura vraisemblablement lieu. C’est à ce moment-là que nous avons besoin de ce genre de dispositions et qu’elles doivent être efficaces.

Je crois que vous faites erreur en affirmant que les policiers seraient dans l’obligation de révéler leurs sources ou des éléments compromettants de leurs tactiques chaque fois qu’ils demanderaient l’imposition d’engagements assortis de conditions. Votre raisonnement semble partir du principe voulant que, parce qu’une disposition est rarement invoquée, elle soit inutile. Or, je demeure convaincu que nous avons besoin de celle-ci.

Il y a eu des attentats terroristes, et il y en aura encore. Il suffit de se rappeler Londres en 2005, Paris en 2015 ou New York en septembre 2001. Nous avons besoin de mécanismes exceptionnels pour combattre ces menaces, même s’ils sont rarement utilisés.

Le sénateur Gold : Merci, sénateur McIntyre. Ma question portait exclusivement sur les investigations. J’apprécie néanmoins vos observations sur l’autre enjeu. Je partage votre avis et je suis sûr que le comité se penchera sur cette question, comme il se doit et dans les meilleurs délais, je l’espère.

Votre conclusion serait-elle différente si les représentants des organismes de sécurité canadiens témoignaient devant le comité pour dire qu’ils n’ont pas besoin de cet outil — je parle des investigations — et qu’ils ne souhaitent pas non plus l’utiliser parce qu’il nuirait à leur capacité de poursuivre les enquêtes déjà en cours?

Le sénateur McIntyre : Je vous remercie encore une fois de votre question, sénateur.

Comme vous le savez, nous avons le projet de loi C-51 — ou plutôt, nous avions le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015 —, et il y a maintenant les mesures proposées dans le projet de loi C-59.

Le projet de loi C-51 a modifié le Code criminel. Des consultations publiques ont suivi et, en 2016, le gouvernement a présenté le Livre vert.

Les résultats des consultations ont été publiés dans un rapport présenté en mars 2017. Le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes a présenté un autre rapport. C’est ce rapport qui a servi de point de départ à la mesure législative dont nous sommes saisis.

En fait, l’objectif consistait à établir un juste équilibre entre la sécurité nationale et les droits des Canadiens. Je précise que cet objectif demeure inchangé. La question demeure donc de savoir si le projet de loi C-59 établit un juste équilibre entre ces deux responsabilités. Les opinions sont partagées à cet égard. Dans son intervention, la sénatrice Frum a cité des témoins qui ont comparu devant le comité de la Chambre des communes...

Son Honneur le Président : Je regrette, sénateur McIntyre, mais votre temps de parole est écoulé. Voulez-vous de temps pour terminer votre intervention?

Le sénateur McIntyre : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur McIntyre : Dans son allocution, la sénatrice Frum a mentionné des témoins qui ont comparu devant le comité de l’autre endroit et elle a allégué que l’infraction de préconiser le terrorisme est défendable en droit canadien. Je crois que nous devrions entendre ces témoins et je pense donc qu’il est important que ce projet de loi soit renvoyé au comité.

Le sénateur Gold a tout à fait raison: après avoir entendu les témoins, nous aurons peut-être une approche différente en ce qui a trait à ce projet de loi, mais, encore une fois, une de mes inquiétudes concerne les mesures de prévention.

Mon autre inquiétude concerne le libellé actuel et le libellé proposé à l’article 83.221. Le Code criminel utilise actuellement les mots « préconiser et fomenter », mais la mesure législative proposée parle de « conseiller ». Je ne pense pas que « conseiller » soit le bon terme. Je pense que nous devrions continuer d’utiliser les mots « préconiser et fomenter ».

À cela, j’ajouterais que les mots actuellement employés dans le code — préconiser et fomenter — sont liés aux mesures concernant la propagande haineuse, et il y a des moyens de défense qui y correspondent, mais il n’y a pas de moyens de défense relativement à l’article 83.21 pour le fait de préconiser et fomenter.

D’un autre côté, le projet de loi utilise le mot « conseiller », qui figure aussi à l’article 22 du Code criminel, mais il n’existe pas de moyen de défense pour l’infraction de « conseiller ». Pour être tout à fait honnête, je ne vois pas quelles sont les différences concrètes entre les dispositions actuelles et la formulation proposée dans le nouvel article. Autrement dit, quelle est la différence entre une infraction de terrorisme en général et une infraction de terrorisme non précisée?

Le Code criminel emploie l’expression « infractions de terrorisme en général », alors que le projet de loi parle, à l’article 4, d’une infraction qui n’a pas été précisée. Je ne vois pas très bien la différence. Il est vrai que le comité entendra des témoins. J’espère que ce projet de loi sera renvoyé au Comité des affaires juridiques pour que nous l’examinions de plus près. Merci.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Le projet de loi sur l’évaluation d’impact
Projet de loi sur la Régie canadienne de l’énergie
La Loi sur la protection de la navigation

Déclaration d’intérêts personnels

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous informe que l’honorable sénateur Wells vient de faire une déclaration d’intérêts personnels concernant le projet de loi C-69 et que, conformément à l’article 15-7(1) du Règlement, cette déclaration sera consignée aux Journaux du Sénat.

Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, les armes à feu me rendent vraiment mal à l’aise. C’est peut-être parce que, dans la communauté internationale des athlètes paralympiques, dont j’ai fait partie pendant plus de 20 ans, j’ai entendu énormément d’histoires où les choses ont mal tourné avec des armes à feu, partout dans le monde, pour des personnes qui sont maintenant handicapées à cause d’accidents, de guerres, de la violence familiale ou de la violence liée aux gangs.

Je connais personnellement quelqu’un qui correspond à chaque exemple que je viens de donner. Même s’ils sont toujours en vie et s’ils ont réussi à devenir des médaillés paralympiques, je puis vous affirmer qu’ils seraient heureux de rendre leurs médailles s’ils pouvaient simplement marcher de nouveau.

Je tenais à exprimer mon appui au projet de loi. À mon avis, pour sauver ne serait-ce qu’une seule vie, pour prévenir ne serait-ce qu’un seul accident ou un seul handicap et pour éviter des traumatismes ne serait-ce qu’à une seule famille, il en vaut absolument la peine.

[Français]

Le projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu, nous interpelle tous et toutes, c’est clair. Ce n’est pas surprenant, car c’est un enjeu de société important, dans la mesure où la perte de vies humaines et la protection de ces vies sont en question.

[Traduction]

D’après les données de Statistique Canada, la violence liée aux armes à feu a augmenté, de 2016 à 2017. Cette augmentation est attribuable à une hausse du nombre d’homicides commis non seulement à l’aide d’une arme de poing, mais aussi avec une carabine ou un fusil de chasse. Si on regarde les armes employées dans les homicides par arme à feu commis en 2017, en zone urbaine, il s’agissait d’une arme de poing dans 63 p. 100 des cas; dans les zones rurales, il s’agissait d’une carabine ou d’un fusil de chasse sans restriction dans 66 p. 100 des cas.

Le projet de loi C-71 n’éliminera pas la violence armée, mais il offre des solutions, notamment à l’intention des policiers et des personnes qui vivent dans des collectivités aux prises avec un problème de violence armée. J’ai lu et entendu, ici et là, des critiques à propos de ce projet de loi.

(1530)

[Français]

Parmi les inquiétudes qui reviennent souvent, nous avons tous entendu dire que c’est le registre de 1995 qui renaîtrait par la porte de derrière. Comme plusieurs d’entre vous, j’ai consulté le projet de loi C-68, Loi sur les armes à feu, qui avait institué, en 1995, le Registre canadien des armes à feu.

J’ai également consulté le projet de loi C-19, qui a aboli, en 2012, l’exigence d’enregistrer les armes à feu sans restriction et ordonné la destruction de tous les dossiers d’enregistrement existants. Aucune disposition du projet de loi que nous étudions en ce moment ne rétablit ce qui a été supprimé en 2012 ni ne permet au gouvernement de recueillir de l’information sur l’arme achetée. De plus, on trouve dans le projet de loi une mention qui empêche toute interprétation qui entraînerait la création, directe ou indirecte, d’un registre. Je suis donc convaincue qu’il ne s’agit pas ici de ressusciter le registre des armes à feu.

Une des choses qui revient souvent, que ce soit dans les discours ou dans les nombreux courriels que l’on reçoit, c’est la lourdeur bureaucratique qui retomberait sur les propriétaires légitimes d’armes à feu. J’ai eu envie d’en avoir le cœur net, et c’est sur cette recherche que porteront mes observations aujourd’hui.

Qu’est-ce que ces nouvelles exigences représentent, de façon concrète, pour un propriétaire d’armes à feu? Quels seront, en réalité, les impacts de ces nouvelles mesures?

[Traduction]

Toute personne qui veut posséder une arme à feu devra, bien entendu, avoir un permis.

Lorsqu’il y a cession d’une arme à feu sans restriction, l’acheteur devra présenter un permis et le vendeur devra en confirmer la validité en ligne ou par téléphone. Cette vérification devrait demander 5, 10 ou 15 minutes. Est-ce vraiment trop de temps pour quelque chose d’aussi sérieux qu’une transaction portant sur une arme à feu?

Selon les nouveaux critères, la vérification des antécédents de l’acheteur de l’arme à feu portera dorénavant sur sa vie entière plutôt que sur une période de cinq ans. Le contrôleur des armes à feu devra tenir compte d’un certain nombre de facteurs, dont les antécédents de violence de la personne envers elle-même ou autrui.

Les propriétaires actuels, pour la plupart, n’ont jamais été impliqués dans un incident violent. Cette vérification n’aura donc pas d’incidence sur eux. Je crois également comprendre qu’il ne s’agit pas d’une mesure visant à interdire la délivrance d’un permis à une personne qui a commis un délit mineur ou a connu un épisode de dépression, par exemple, dans sa jeunesse. Cette mesure n’aura d’incidence que sur très peu de personnes.

[Français]

Le projet de loi ne change rien en ce qui concerne le transport des armes à feu sans restriction, comme les fusils de chasse et les carabines. Encore une fois, il n’y a pas de contraintes supplémentaires à ce chapitre.

Le projet de loi C-71 rétablit l’exigence d’obtenir une autorisation particulière pour transporter une arme à feu à autorisation restreinte ou prohibée, chaque fois que le propriétaire la transporte vers un autre lieu qu’un champ de tir ou son domicile. Ces deux situations représentent plus de 90 p. 100 de tous les cas où des armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte sont transportées.

L’autorisation de transport émise avec un permis de possession d’armes à feu à autorisation restreinte continuera d’être automatique. Pour plus de 95 p. 100 des propriétaires d’armes à feu, il n’y aura donc pas de fardeau additionnel.

Ceux qui doivent obtenir une autorisation particulière auront la possibilité de communiquer, par téléphone, par courrier ou par courriel, avec le Programme canadien des armes à feu. L’autorisation pourrait être délivrée le jour même de la demande. On peut donc dire que, même dans ces cas, l’exigence reste tout à fait raisonnable.

Le ministre Goodale a mentionné qu’un système numérique serait offert pour demander et obtenir un permis de transport dans le cas où le permis ne serait pas octroyé de façon automatique. Un contrôleur des armes à feu qui dispose de tous les renseignements pertinents serait en mesure d’accorder cette autorisation électronique au demandeur dans un délai de trois minutes.

Les propriétaires d’armes à feu CZ858 et Swiss Arms, armes qui sont maintenant prohibées, pourraient conserver les armes qu’ils possèdent déjà et continuer de les utiliser dans des champs de tir. Ces propriétaires d’armes à feu devront toutefois suivre le Cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu, dont le coût est de moins de 100 $.

[Traduction]

Cette autorisation de transporter une arme à feu établit un juste équilibre. Elle évite d’imposer un fardeau administratif inutile aux tireurs sportifs et permet aux policiers de déterminer plus facilement si une personne est légalement autorisée à transporter une arme à feu.

La tenue de dossiers par les vendeurs est un autre point auquel j’ai porté attention. Les détaillants, et non les particuliers, seront obligés de tenir un inventaire et un registre de vente d’armes à feu sans restriction et de les conserver plus longtemps. La plupart des commerçants tiennent déjà de tels dossiers, qui demeureront en leur possession, et font déjà ce que le projet de loi demande. La police aura besoin d’une autorisation judiciaire valide pour accéder à cette information. Aux États-Unis, tous les vendeurs doivent consigner et conserver les renseignements sur la vente de leurs produits. Je ne crois pas que les registres de vente d’armes à feu sans restriction imposeraient un fardeau particulier aux propriétaires et aux détaillants.

[Français]

L’avantage de cette mesure est que tous les commerçants devront tenir à jour leurs dossiers, lesquels seront maintenant uniformisés. Cette uniformisation des dossiers facilitera le travail des policiers, comme l’a rappelé en comité le chef Mario Harel, au nom de l’Association canadienne des chefs de police. Les policiers auront à leur disposition un outil leur permettant de traiter les situations où une personne qui détient un permis valide achète des armes à feu pour les revendre sur le marché illégal.

Pour ce qui est des coûts, il est estimé que la mise en œuvre de la vérification des permis, de la vérification approfondie des antécédents et de la délivrance des autorisations de transport coûterait 1,5 million de dollars de plus par année.

En regardant l’ensemble de ces mesures, j’en conclus qu’elles ne sont pas si exigeantes, compte tenu du temps, des efforts ou des coûts qui y sont associés, comparativement aux risques possibles et documentés. On parle ici, après tout, d’armes à feu.

Honorables sénateurs, je ne veux pas faire de comparaison facile, mais, afin de mettre un peu les choses en perspective lorsqu’il s’agit de contraintes et de paperasse, permettez-moi de vous faire un petit résumé de ce qu’on demande à nos athlètes membres d’équipes nationales. Chaque année, nos athlètes doivent remplir une demande d’adhésion à leur fédération sportive provinciale et nationale. S’ils sont sélectionnés pour faire partie d’une équipe, ils doivent aussi remplir un formulaire d’une dizaine de pages pour participer à chaque championnat provincial, canadien ou mondial, ou aux Jeux olympiques ou paralympiques.

Chaque année, ils doivent fournir une liste détaillée de tous les médicaments ou suppléments qu’ils consomment, et déclarer tout changement en temps réel. Deux à trois fois par année, ils doivent obligatoirement rencontrer le médecin de l’équipe. De plus, chaque trimestre, l’athlète doit remplir en ligne un calendrier précis et indiquer où il se trouve à toute heure du jour, afin de faciliter la tâche aux agents antidopage, qui doivent être en mesure de tester l’athlète n’importe quand et n’importe où sur la planète. D’expérience, je peux vous dire que remplir ce formulaire détaillé prend beaucoup plus que 10 ou 15 minutes.

Vous pouvez donc imaginer que, lorsque je compare ces exigences avec celles qu’on propose d’imposer aux propriétaires d’armes à feu, je me demande ce qu’il y a de si contraignant.

Posséder une arme à feu est un privilège qui s’accompagne de responsabilités.

[Traduction]

À mon avis, le projet de loi C-71 met en place des mesures équilibrées qui auront des répercussions fort raisonnables sur les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois.

(1540)

Je me rends compte que la situation pourrait être différente pour les propriétaires d’armes à feu autochtones qui respectent les lois, comme le sénateur Patterson l’a mentionné. C’est quelque chose qui ne devrait pas être négligé et qui devrait être analysé en détail au comité. N’oublions pas que les avantages de ces nouvelles mesures et règles seront mesurés en fonction du nombre de vies sauvées, surtout dans les cas de violence familiale et de suicides.

C’est ce que nous ont rappelé de nombreux collègues. Je les en remercie, et je me réjouis de leurs remarques qui sont essentielles à ce débat. C’est fort important quand nous savons que, en 2016, le nombre de cas de violence conjugale impliquant une arme à feu qui ont été signalés aux services de police a augmenté de presque 29 p. 100 par rapport à 2013. Par ailleurs, chaque année, il y a plus de 500 suicides commis à l’aide d’une arme à feu, souvent chez les jeunes, et le Canada se doit de tenter de prévenir ce problème.

[Français]

Honorables collègues, en tant que parlementaires, nous sommes sollicités de toutes parts et, dans le cadre de notre étude de ce projet de loi, nous recevons des centaines de courriels. Nous avons la responsabilité de les lire et de les considérer. Toutefois, les gens ne font pas tous partie de groupes ou d’organisations qui ont la structure et les moyens de nous écrire, ou d’engager des lobbyistes.

On ne doit jamais perdre de vue ceux qui n’ont pas la capacité, les outils ou les moyens nécessaires pour communiquer avec nous. Il ne faut pas oublier ceux qui ne nous écriront jamais. Leurs inquiétudes ne se rendent pas toujours sur la Colline du Parlement. C’est à nous de faire l’effort d’aller vers eux et de tenir compte de leurs opinions.

La femme victime de violence et terrorisée par la présence d’une arme à feu dans la maison ne nous écrira fort probablement pas. Le petit garçon dont la mère s’est fait menacer par une arme à feu ne va jamais nous écrire. Il y a des traumatismes qui ne guérissent jamais et, dans les statistiques, on ne quantifie pas la peur que ressentent les enfants. L’individu qui a des antécédents de maladie mentale et qui s’est retrouvé avec une arme dans des moments difficiles, lui non plus ne communiquera jamais avec nous, car il s’est suicidé.

[Traduction]

Je ne crois donc pas que le projet de loi soit trop restrictif. Ce que je ne peux pas accepter, c’est le nombre de gens qui deviennent invalides, se blessent, meurent ou sont traumatisés à cause de situations qui pourraient être évitées.

Plus certaines personnes vulnérables sont silencieuses, plus nous devons déployer des efforts pour les écouter et les mettre au cœur de nos réflexions et de nos décisions. C’est pourquoi j’appuierai le projet de loi, dans l’espoir de le renvoyer au comité le plus tôt possible afin de pouvoir répondre adéquatement à toutes les questions qui restent.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)

[Français]

Projet de loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence familiale

Deuxième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Manning, appuyée par l’honorable sénateur Smith, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence familiale.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous transmettre mon allocution sur le projet de loi S-249, qu’a présenté notre collègue, le sénateur Manning.

Je souhaite le remercier de la compassion qu’il manifeste à l’égard des victimes de violence fondée sur le genre et de violence familiale.

Bien que le projet de loi, tel qu’il est rédigé, ait certaines lacunes, je crois qu’il est important de reconnaître nos alliés dans ce combat en faveur du droit de vivre sans violence pour tous les citoyens canadiens et pour les peuples à travers le monde.

[Traduction]

À titre de parlementaires, il nous incombe de légiférer conformément aux valeurs de la Charte canadienne, à savoir le respect, l’égalité et la démocratie. Nous devons défendre ces valeurs, surtout lorsque nous édictons des lois sur des questions complexes comme la violence fondée sur le sexe et la violence familiale dans le respect du droit moderne, qui n’est pas patriarcal ou colonial.

Lorsque nous légiférons sur la violence fondée sur le sexe et la violence familiale, nous devons respecter le courage des femmes en les appuyant et les autonomisant et non en les reléguant au statut de victimes et en contournant ainsi leur droit de faire des choix au sujet de leur vie. Nous devons aussi nous engager à garantir aux femmes une égalité réelle en analysant leurs expériences dans le contexte de l’intersectionnalité des droits.

Avant de commencer, je veux souligner l’excellent travail accompli par Georgina McGrath, en collaboration avec le sénateur Manning, pour présenter le projet de loi. Georgina a survécu à une expérience inimaginable. Comme c’est le cas de tous les survivants de la violence familiale, son courage est inspirant et est une leçon d’humilité.

Honorables sénateurs, n’oublions pas ce courage dans le cadre de nos discussions sur le projet de loi C-249. Nous marquons aujourd’hui le quatrième jour de la campagne des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe, créés par les Nations Unies, qui ont débuté le 25 novembre à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. La campagne internationale a pour but d’encourager le dialogue et de provoquer une réaction qui entraînera des mesures préventives qui mettront fin à la violence contre les femmes et les filles.

Cette campagne nous rappelle que le Canada n’est pas seul dans la lutte pour éradiquer la violence conjugale. En novembre 2017, l’Organisation mondiale de la Santé a indiqué qu’une femme sur trois dans le monde a vécu de la violence soit physique, soit sexuelle, infligée par son propre partenaire ou par une autre personne.

De tous ces actes de violence, la majorité ont été infligés par un partenaire intime. L’Organisation mondiale de la Santé a aussi indiqué que le tiers des femmes qui ont déjà été en couple ont rapporté que leur partenaire leur a infligé une forme quelconque de violence physique ou sexuelle. Certaines sénatrices ont déjà survécu à de telles expériences. La violence faite aux femmes est un problème complexe qui touche la vie des gens aux quatre coins du monde. Une simple solution législative ne permettra jamais de prévenir la violence conjugale. Les problèmes sont beaucoup trop complexes et profonds pour cela.

En rédigeant des stratégies législatives pour prévenir la violence conjugale, nous devons réfléchir sérieusement aux situations qui dépassent l’horizon idéologique d’aujourd’hui. Le projet de loi S-249 répond à la nécessité de mettre en place une stratégie nationale pour prévenir la violence conjugale.

Selon moi, l’objet du projet de loi était, d’abord et avant tout, de faire preuve de diligence et d’attention à l’égard des besoins des femmes. Pour ce faire, nous ne pouvons pas sauter aux conclusions en adoptant ce projet de loi d’initiative parlementaire sans comprendre en détail les répercussions qu’il aurait sur les femmes. Personne dans cette assemblée ne niera que la violence familiale est un problème grave auquel il faut s’attaquer. Toutefois, pour contrer la violence, il nous faut des solutions globales qui ne compromettent pas la force des femmes — l’intersectionnalité de leurs expériences et leur droit de faire leurs propres choix comme adultes capables.

(1550)

Même si nous devrions soutenir une stratégie nationale pour prévenir la violence familiale, au moins deux changements importants doivent être apportés à ce projet de loi. Premièrement, il faut nommer d’autres ministères pour bien traiter toutes les facettes de la violence familiale. Le ministre actuellement nommé n’est pas le ministre chargé de piloter une stratégie nationale. Comme vous l’avez entendu de la sénatrice Pate, toute forme de signalement obligatoire, comme celui qui est mentionné à l’alinéa 3(2)d), doit être retirée.

Je vais parler un peu plus en détail des changements nécessaires qui sont proposés. Le premier vise à inclure plus de parties que simplement le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social. Pour résoudre de manière efficace le problème de la violence familiale, d’autres ministères devront intervenir, car il s’agit d’un problème complexe qui dépasse le cadre d’un seul ministère. L’avis de la ministre de la Condition féminine sera nécessaire, car on sait que 85 p. 100 des victimes de violence familiale sont des femmes. Comme la sénatrice Hartling l’a dit, la stratégie actuelle de Condition féminine Canada, intitulée Il est temps : la stratégie du Canada pour prévenir et contre la violence fondée sur le sexe, doit être mieux comprise si ce projet de loi est adopté. Condition féminine Canada a confirmé que cette stratégie est en préparation et qu’une enveloppe de 200 millions de dollars est réservée à cet effet.

Depuis 2016, le gouvernement a créé un conseil consultatif ministériel, rencontré des survivantes, mené des sondages en ligne, codirigé des groupes d’experts et tenu des tables rondes thématiques et régionales, dont une sur les refuges et les maisons de transition avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

Avant d’aller de l’avant avec le projet de loi S-249, nous devons examiner attentivement les résultats du processus de consultation qui a été mené et nous demander si ce projet de loi est nécessaire à ce moment-ci.

Pour m’aider à me préparer, mon équipe a consulté les spécialistes de Condition féminine Canada, et ces derniers confirment que le projet de loi S-249 n’est pas centré sur les survivantes. Tout comme la sénatrice Pate, ils estiment qu’il ne tient pas suffisamment compte des besoins des survivantes. À cause du signalement obligatoire, même s’il part des meilleures intentions du monde, les victimes craindront de demander de l’aide. Les représentants de Condition féminine Canada considèrent aussi comme bien réel le risque que le signalement obligatoire contribue à isoler davantage les femmes victimes de violence familiale.

Il n’y a pas que la ministre de la Condition féminine qui doit intervenir pour prévenir la violence familiale; la ministre de la Justice doit le faire aussi, car ce phénomène pèse très lourd sur l’appareil judiciaire du pays. La ministre de la Santé est interpellée elle aussi, puisque la violence familiale peut avoir de graves conséquences sur la santé des victimes. En fait, nous devons tout faire pour mieux en comprendre les répercussions sur leur santé physique, émotionnelle et mentale. Même le ministre de la Sécurité publique a un rôle à jouer.

Le deuxième changement à apporter au projet de loi est la suppression de l’alinéa 3(2)d) sur le signalement obligatoire. Je suis avocate de formation, donc je considère évidemment que les tribunaux ont toute la légitimité requise pour offrir aux victimes le moyen de poursuivre leur agresseur au criminel. Cela dit, je suis aussi féministe et spécialiste des droits de la personne, alors je suis consciente que nombre de raisons empêchent les femmes victimes de violence conjugale de s’adresser à la justice.

Honorables sénateurs, nous ne devons pas accepter qu’un projet de loi nie aux femmes le droit de décider si elles vont porter plainte devant la justice pour violence conjugale ou de choisir le moment où elles le feront. Un système de signalement obligatoire ne sera aucunement utile pour mettre fin à la violence contre les femmes. Chaque situation est différente et chaque femme est différente. Nous ne pouvons pas tenir pour acquis que les femmes qui subissent de la violence conjugale vivent toutes la même expérience. Lorsqu’il s’agit d’adopter un projet de loi qui peut bien servir toutes les femmes, nous devons être conscients du fait que les remèdes miracles comme le signalement obligatoire ne pourront jamais résoudre des problèmes complexes, malgré toutes les bonnes intentions que l’on peut avoir. Un système de signalement obligatoire forcerait les victimes de violence conjugale à interagir avec le système de justice pénale, c’est-à-dire avec la police et divers acteurs du système judiciaire. Les conséquences seraient fort sérieuses, et nous devons y réfléchir comme il faut, avec un esprit critique.

Par ailleurs, il est important de souligner brièvement que certaines femmes peuvent ne pas souhaiter qu’une procédure pénale ait lieu. En effet, contrairement aux procédures civiles, les procédures pénales excluent la victime, qui n’est qu’un témoin, plutôt qu’une des parties en cause, et qui, à ce titre, n’est représentée par aucun des avocats prenant part à la procédure.

Nous devons nous rappeler qu’une procédure pénale peut être extrêmement lourde à supporter pour les victimes et leur famille. Dans bien des cas, une telle procédure oblige la victime à subir une nouvelle épreuve.

De plus, lorsqu’il faut déterminer si l’accusé peut être remis en liberté dans une procédure pénale, la victime est souvent obligée de se soumettre à un contre-interrogatoire féroce, où elle finit par se faire passablement malmener, comme le déplorent certains avocats de la défense.

Il est nécessaire d’effectuer une analyse intersectorielle pour prévenir la violence familiale, car c’est ce qui permet de voir comment des inégalités importantes façonnent l’expérience vécue par les femmes et pourquoi beaucoup de femmes estiment inutile de faire appel à la police.

Dans notre étude du projet de loi S-249, il faut se pencher sur les données qui montrent que les signalements obligatoires entraînent parfois des répercussions négatives pour les femmes, comme l’ont signalé la sénatrice Pate et la sénatrice Hartling. Attardons-nous à quelques-unes de ces répercussions. Les signalements obligatoires peuvent exposer davantage les femmes autochtones à la violence. Il faut prendre en considération la relation que beaucoup de femmes autochtones entretiennent avec la police et le système de justice pénale. Toute stratégie visant à régler le problème de la violence fondée sur le sexe dans les communautés autochtones doit reconnaître les besoins uniques des Premières Nations, des Inuits et des Métis, comme on l’a confirmé durant le processus de consultation tenu en juin dernier sur la stratégie du gouvernement pour mettre un terme à la violence fondée sur le sexe.

Le sénateur Manning a souligné que l’insécurité financière est souvent la raison pour laquelle les femmes continuent de vivre avec un conjoint violent. Pour les femmes et les enfants qui vivent dans la pauvreté, le signalement obligatoire risque d’ajouter un stress indu à une situation déjà précaire.

Le signalement obligatoire risque également d’isoler davantage les femmes en situation minoritaire. Par exemple, nous pouvons imaginer une situation où une femme portant le niqab serait forcée de retirer ce dernier dans un tribunal où elle n’a pas choisi d’entrer, conformément à la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. N.S.

Nous devons également songer à l’incidence du signalement obligatoire pour les femmes et les enfants, en particulier lorsque le présumé auteur des sévices est le père des enfants. Il est important de tenir compte de l’incidence qu’aurait le signalement obligatoire sur les femmes en milieu rural, où les tribunaux pénaux sont peut-être éloignés et exigent un déplacement important, loin de toute forme de soutien et de la famille.

Pensons à quel point le signalement obligatoire pourrait être effrayant pour les immigrantes ou les réfugiées qui ne connaissent pas bien le système de justice canadien. C’est d’autant plus important parce que ces femmes n’ont peut-être pas de réseau de soutien solide, surtout si elles ne sont arrivées que récemment au Canada.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle fait ressortir...

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice McPhedran, mais vous disposerez du reste de votre temps de parole à la prochaine séance du Sénat.

(À 16 heures, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 4 février 2016 et le 31 octobre 2018, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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