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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 254

Le jeudi 29 novembre 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 29 novembre 2018

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée mondiale de lutte contre le sida

L’honorable René Cormier : Honorables sénatrices et sénateurs, connaissez-vous votre statut?

Voilà le thème de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/SIDA, qui aura lieu le 1er décembre prochain et qui vise à encourager chaque individu à connaître son état sérologique.

Cette question est cruciale au combat contre cette maladie puisque, au Canada, à la fin de l’année 2016, environ 14 p. 100 des 63 110 personnes qui vivent avec le VIH ignoraient qu’elles étaient infectées. Chaque jour, sénateurs, six Canadiennes ou Canadiens contractent le VIH.

[Traduction]

Afin d’enrayer cette épidémie d’ici 2030, ONUSIDA a lancé la campagne 90-90-90, à laquelle participe le Canada.

L’objectif de cette campagne mondiale est de veiller à ce que, à l’horizon 2020, 90 p. 100 des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90 p. 100 de toutes les personnes infectées par le VIH dépistées reçoivent un traitement antirétroviral durable et 90 p. 100 des personnes recevant un traitement antirétroviral aient une charge virale durablement supprimée.

[Français]

Il s’agit de cibles fort ambitieuses, j’en conviens, mais que nous pouvons et devons atteindre. Je rappelle que près de 39 millions de personnes ont perdu la vie des suites de cette maladie.

Ici, au Canada, grâce aux percées du domaine médical, 91 p. 100 des personnes traitées ont une charge virale supprimée, c’est-à-dire indétectable.

[Traduction]

Cela dit, nous avons récemment appris que, dans ma propre province, le Nouveau-Brunswick, entre janvier et septembre 2018, 16 nouveaux cas ont été signalés, dont 11 dans la même région, Fredericton et Oromocto. Ce chiffre est deux fois plus élevé que le chiffre prévu pour toute une année. Cela montre bien que la lutte n’est pas encore terminée. La solution réside dans l’éducation.

[Français]

Une éducation sexuelle modernisée et adaptée aux réalités de la société actuelle nous permet de mieux informer les jeunes sur l’importance des tests de dépistage et d’une vie sexuelle saine et sécuritaire. Elle nous permet aussi de sensibiliser les jeunes aux notions liées à la sérophobie, c’est-à-dire la peur et l’aversion qu’ont certains individus à l’égard des personnes qui vivent avec le VIH.

L’éducation sensibilise aussi à la discrimination et à la stigmatisation auxquelles bien des gens atteints du VIH-sida sont confrontés quotidiennement, ce qui ajoute un poids énorme à la bataille qu’ils doivent mener.

[Traduction]

Honorables collègues, je tiens à remercier tous ceux et celles qui contribuent activement à la lutte contre cette maladie. Cela comprend les médecins et les chercheurs, de même que les organismes — et leur équipe — qui mènent des activités de sensibilisation, offrent du soutien aux personnes qui vivent avec le VIH-sida et à leur famille et défendent leurs intérêts. Je veux également remercier les enseignants qui agissent de manière proactive et abordent cet important sujet avec leurs élèves.

[Français]

Chers collègues, je nous encourage toutes et tous à être proactifs et à interpeller les gouvernements et les communautés, car ils doivent intensifier leurs efforts afin d’assurer que tous les citoyens de ce pays connaissent leur statut. Cela permettra au Canada d’atteindre ses cibles.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le Mois de la sensibilisation aux personnes handicapées autochtones

L’honorable Yvonne Boyer : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui souligner le Mois de la sensibilisation aux personnes handicapées autochtones. C’est en novembre 2015 que ce mois a été souligné pour la première fois, à l’initiative de la nation métisse de la Colombie-Britannique, du Sommet des Premières Nations de la Colombie-Britannique et du gouvernement provincial. Un an plus tard, l’Assemblée des Premières Nations, le Conseil des Premières Nations du Yukon et la Saskatchewan leur emboîtaient le pas et commençaient eux aussi à souligner officiellement le Mois de la sensibilisation aux personnes handicapées autochtones en novembre de chaque année.

Tout au long de novembre, les Canadiens peuvent célébrer la contribution inestimable des personnes handicapées autochtones à la collectivité. C’est aussi le moment tout indiqué pour prendre une pause et réfléchir aux nombreux obstacles que ces personnes doivent surmonter — encore aujourd’hui — pour participer pleinement à la société canadienne.

Les personnes handicapées autochtones sont souvent marginalisées, et il n’y a pas que les relents de la colonisation qui sont à blâmer. Cela tient aussi à la manière dont les autres perçoivent leurs handicaps. Le coût des soins, médicaux et autres, qu’engendre leur situation particulière crée d’énormes difficultés pour ces personnes et leur famille. Comme si ce n’était pas assez, les statistiques nous apprennent que les taux de pauvreté sont systématiquement plus élevés dans les communautés autochtones que dans le reste de la population. Selon les données sur le revenu tirées du recensement de 2016, quatre réserves autochtones du Canada sur cinq ont un revenu médian inférieur au seuil de la pauvreté, et 81 p. 100 d’entre elles arrivent en deçà de la mesure de faible revenu, que Statistique Canada établit à environ 22 000 $ pour une personne.

Qui plus est, le peu de soins de santé et de services sociaux offerts dans les régions rurales et éloignées du pays prive souvent ces gens de diagnostics vitaux et de traitements médicaux essentiels. Les difficultés propres au transport exacerbent le problème. Trop souvent, ces gens sont, pour ainsi dire, incapables de faire le trajet nécessaire pour consulter un médecin ou se rendre à un rendez-vous médical, surtout s’ils doivent se déplacer en fauteuil roulant dans des chemins de gravier ou accéder à un immeuble sans rampe d’accès.

Honorables sénateurs, je vous demande de souligner, vous aussi, le Mois de la sensibilisation aux personnes handicapées autochtones et de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que tous les Canadiens aient la même valeur aux yeux de tous, où qu’ils habitent. C’est en faisant connaître les obstacles que doivent surmonter les personnes handicapées autochtones que nous pourrons changer les mentalités et rendre le Canada plus inclusif. Meegwetch. Je vous remercie.

[Français]

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’un groupe de cousins de l’honorable sénateur McIntyre, y compris Son Honneur Denis McIntyre et Anita, Ronald, Lise et Kenny McIntyre.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

La famille McIntyre—Charlo, Nouveau-Brunswick

L’honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, préparez-vous, car les McIntyre de Charlo sont en ville.

[Français]

Je voudrais donc profiter de l’occasion pour dire quelques mots.

Le nom McIntyre résonne partout dans ma collectivité, et ce, depuis des décennies.

[Traduction]

Notre ancêtre, Neill McIntyre, est originaire de l’île de Barra, en Écosse, et a vécu dans diverses régions du Canada avant de finir par s’installer en 1798 à Rivière-à-l’Anguille, qui porte aujourd’hui le nom de Charlo.

Depuis, le nom McIntyre est vu et connu dans l’ensemble de la collectivité.

[Français]

On y retrouve donc des endroits ou des personnes qui portent ce nom : les entreprises McIntyre; le dépanneur McIntyre; la rue McIntyre; des artistes, musiciens, peintres et sculpteurs McIntyre; le juge McIntyre; le sénateur McIntyre; et, enfin, il y a aussi le maire McIntyre! Quelle fierté pour nous de porter ce nom!

Je ne pourrais parler du nom McIntyre sans mentionner mon village natal et les merveilles qui s’y trouvent.

(1340)

Charlo est situé au bord de l’une des plus belles baies au monde, la baie des Chaleurs. Cette baie, bras du golfe du Saint-Laurent, sépare la Gaspésie, au Québec, du Nouveau-Brunswick, avec pour toile de fond des plages, des falaises et même les Appalaches; un paysage à couper le souffle! Cette magnifique baie doit son nom à Jacques Cartier qui, en 1534, impressionné par les chaleurs de l’été, a nommé cet endroit la Baie-des-Chaleurs.

[Traduction]

À l’été et à l’automne, Charlo a beaucoup à offrir. Il y en a pour tous les goûts, entre le Splash d’été, notre célèbre traversée en baleinière entre Charlo et Carleton-sur-Mer et le festival d’automne.

Au cours des mois d’hiver, Charlo se transforme en capitale du ski de fond. Son club de ski de fond local, Les Aventuriers de Charlo, est bien connu sur la scène provinciale, nationale et nord-américaine pour ses incroyables pistes de calibre international et ses célèbres compétitions. D’ailleurs, en 2018, Les Aventuriers ont organisé la quatrième édition du Championnat canadien de biathlon qui, soit dit en passant, portait mon nom.

[Français]

Cependant, Charlo, c’est bien plus que ces paysages époustouflants et cet environnement où s’unissent les splendeurs de la mer et de la forêt, et qui est propice à une variété d’activités. Charlo, c’est aussi le Centre de mise en valeur des salmonidés. Charlo, c’est également l’aéroport régional. Bien sûr, Charlo, c’est aussi notre belle église.

Il y a 100 ans exactement cette année, nos ancêtres ont déposé la pierre angulaire de l’église Saint-François-Xavier. Le dépôt de cette pierre marquait ainsi le début du long cheminement de notre patrimoine religieux. L’église est le cœur et l’âme même du village.

Chers collègues, il y a tant de merveilles à relater sur Charlo, mais le temps me manque. Je vais donc faire miens les propos du maire :

Charlo sur la baie, entre terre et mer, un petit village avec les commodités d’une grande ville!

Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Winston Pitcher

Félicitations à un récipiendaire de la Médaille du souverain pour les bénévoles

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je vous présente aujourd’hui le chapitre 49 de « Notre histoire ».

Plus tôt aujourd’hui, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, que j’ai le privilège de présider, a publié son étude détaillée sur les opérations de recherche et sauvetage maritimes au Canada, judicieusement intitulée Quand chaque minute compte. Chers collègues, saviez-vous que, tous les jours, au Canada, on compte 27 incidents donnant lieu à des opérations de recherche et sauvetage, qu’on sauve 15 vies humaines et qu’on porte assistance à 52 personnes en moyenne?

Saviez-vous aussi que la pêche commerciale est le secteur d’activité qui affiche le taux de mortalité le plus élevé au Canada, avec un décès par mois en moyenne?

Les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador connaissent certainement les richesses de la mer. Hélas, ils connaissent aussi les périls de l’océan qui les entoure. C’est dans cet état d’esprit que je pense aux nombreux bénévoles qui, d’un bout à l’autre du pays, font partie de la Garde côtière auxiliaire canadienne, en particulier ceux qui résident dans ma province. Dans presque tous les villages de pêcheurs situés sur la côte de Terre-Neuve-et-Labrador, des hommes et des femmes sont prêts à mettre leur vie en danger pour sauver celle de leurs concitoyens, et ce, de façon totalement volontaire. Ils sont responsables du quart des missions maritimes et ils sauvent plus de 200 vies chaque année. Dans bien des cas, il s’agit de pêcheurs ordinaires, qui font don de leur temps et de leur talent pour prêter assistance au besoin à des personnes en détresse. Ce sont des gens ordinaires, qui font preuve d’une bravoure et d’un courage exceptionnels.

L’un de ces bénévoles est Winston Pitcher, de Burin Bay Arm, à Terre-Neuve, qui a consacré une bonne partie de sa vie à la Garde côtière auxiliaire canadienne. Le 12 avril 2016, le gouverneur général de l’époque, David Johnston, a rendu hommage à Winston pour son service bénévole au sein de la Garde côtière auxiliaire à Terre-Neuve-et-Labrador. Winston s’est vu remettre la Médaille du souverain pour les bénévoles à Rideau Hall. La citation accompagnant sa médaille se lit comme suit :

En tant que membre dévoué et président de la Garde côtière auxiliaire canadienne de Terre-Neuve-et-Labrador depuis 25 ans, Winston Pitcher fournit de l’aide aux opérations de recherche et de sauvetage de la Garde côtière. Il a joué un rôle de premier plan dans l’organisation de cours de premiers soins et de séances de formation aquatique pour les membres, et il est un représentant national de la Garde auxiliaire au pays et à l’étranger.

Chers collègues, Winston Pitcher a fait preuve de beaucoup d’initiative et de dévouement en tant que bénévole pour la Garde côtière auxiliaire. C’est avec enthousiasme qu’il a consacré une bonne partie de sa vie au service des autres, et il continue de le faire aujourd’hui. Sa connaissance approfondie des eaux entourant Terre-Neuve, conjuguée à la formation de la Garde côtière, a permis de sauver de précieuses minutes au cours d’opérations de recherche et elle a grandement contribué à ramener plusieurs personnes saines et sauves à la maison. En effet, chaque minute compte.

Chers collègues, veuillez vous joindre à moi pour féliciter et remercier mon compatriote terre-neuvien, Winston Pitcher, de ses réalisations exceptionnelles à titre de bénévole. Remercions l’ensemble des 4 000 hommes et femmes de la Garde côtière auxiliaire canadienne de leur importante contribution à la sécurité maritime dans les eaux côtières et extracôtières du Canada.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Mahmood Nanji et de Mme Rachele Dabraio. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Dean.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les fonctionnaires

L’honorable Tony Dean : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler brièvement des fonctionnaires canadiens.

Au cours des deux dernières années, j’ai été frappé — comme bon nombre d’entre vous, je le sais — par le professionnalisme, l’expertise et le dévouement de nos fonctionnaires, ainsi que par les excellents conseils impartiaux qu’ils nous prodiguent. Le week-end dernier, nous avons été témoin du bon travail des fonctionnaires qui sont venus ici appuyer leurs ministres au cours des discussions que nous avons tenues.

J’en profite également pour féliciter les fonctionnaires municipaux, provinciaux et fédéraux.

Honorables sénateurs, la majeure partie des Canadiens arrivent à dormir sur leurs deux oreilles, car ils savent que des gens assurent la protection de leur nourriture et de leur eau, que l’approvisionnement énergétique demeure adéquat, que les hôpitaux vont rester ouverts et fonctionnels, que les écoles vont elles aussi demeurer ouvertes et prêtes à accueillir leurs enfants le lendemain matin, que notre environnement est protégé, et que nos dirigeants politiques recevront des conseils judicieux fondés sur des données probantes. Tous ces services sont assurés par nos fonctionnaires dans l’ensemble de notre grand pays.

Je tiens aujourd’hui à rendre hommage aux fonctionnaires pour le travail qu’ils accomplissent. J’en profite aussi pour remercier notre propre personnel dévoué, qui se tient à nos côtés pour servir la population chaque jour. Je salue leur dévouement et l’excellent travail qu’ils mènent au service des Canadiens. Grâce à eux, le Canada continue d’être reconnu à travers le monde pour son remarquable système de gouvernance démocratique.


AFFAIRES COURANTES

Règlement, procédure et droits du Parlement

Présentation du dixième rapport du comité

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l'opposition), président du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, présente le rapport suivant :

Le jeudi 29 novembre 2018

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a l’honneur de présenter son

DIXIÈME RAPPORT

Votre comité, qui a été autorisé par le Sénat le 27 mars 2018 à proposer des modifications au Règlement du Sénat concernant l’établissement d’un Comité permanent de l’audit et de la surveillance, recommande maintenant :

Que le Règlement du Sénat soit modifié comme suit :

1.par :

a)suppression, dans la version anglaise, du mot « and » à la fin de l’article 12-3(2)e) du Règlement;

b)substitution du point final de l’article 12-3(2)f) du Règlement par ce qui suit :

« ;

g) de cinq membres pour le Comité permanent de l’audit et de la surveillance. »;

2.par adjonction du nouvel article 12-3(4) suivant :

« Restriction relative à la composition

12-3. (4) Aucun sénateur ne peut être à la fois membre du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration et du Comité permanent de l’audit et de la surveillance. »;

3.par substitution des mots préliminaires de l’article 12-5 du Règlement par ce qui suit :

« 12-5. Sauf dans le cas des membres d’office et des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, le remplacement d’un membre d’un comité peut s’effectuer au moyen d’un avis remis au greffier du Sénat, qui le fait consigner aux Journaux du Sénat. Cet avis est signé : »;

4.par substitution de l’article 12-6 du Règlement par ce qui suit :

« Quorum des comités permanents

12-6. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et sauf autre disposition contraire, quatre membres d’un comité permanent constituent le quorum.

DISPOSITION CONTRAIRE

Article 12-27(2) : Quorum du comité

12-6. (2) Trois membres du Comité permanent de l’audit et de la surveillance constituent son quorum. »;

5.par :

a)suppression, dans la version anglaise, du mot « and » à la fin de l’article 12-7(15) du Règlement;

b)substitution du point final de l’article 12-7(16) du Règlement par ce qui suit :

« ;

Audit et surveillance

12-7. (17) le Comité permanent de l’audit et de la surveillance, qui est chargé, de sa propre initiative :

a) de retenir les services et diriger les auditeurs internes et externes du Sénat;

b) de superviser et diriger la fonction d’audit interne du Sénat;

c) de faire des recommandations au Sénat concernant le plan d’audit interne;

d) de faire rapport au Sénat concernant la fonction d’audit interne, y compris les rapports d’audit et d’autres questions;

e) d’examiner les plans d’action de l’Administration du Sénat afin :

(i) de veiller à ce qu’ils répondent adéquatement aux recommandations et aux constatations découlant des audits internes,

(ii) de veiller à ce qu’ils soient mis en œuvre de façon efficace;

f) d’examiner les rapports financiers trimestriels et les états financiers vérifiés et d’en faire rapport au Sénat;

g) de faire rapport au moins une fois par an au Sénat avec ses observations et recommandations. »;

6.par adjonction du nouvel article 12-9(3) suivant :

« Audit et surveillance — accès aux informations

12-9. (3) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut examiner les délibérations à huis clos d’autres comités du Sénat, y compris toute transcription des réunions, dans la mesure où ces informations ont trait aux dépenses des fonds du Sénat. »;

7. par substitution des mots préliminaires de l’article 12-16(1) du Règlement par ce qui suit :

«12-16. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et sauf autre disposition contraire, un comité ne peut siéger à huis clos que pour discuter un des sujets suivants : »;

8.par modification de la désignation numérique actuelle de l’article 12-16(2) du Règlement pour celle de l’article 12-16(3), et par adjonction du nouvel article 12-16(2) suivant :

« Audit et surveillance – réunions à huis clos

12-16. (2) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance se réunit à huis clos lorsqu’il traite des travaux à huis clos d’un autre comité. »;

9.par substitution des mots préliminaires de l’article 12-18(2) du Règlement par ce qui suit :

« 12-18. (2) Sous réserve du paragraphe (3) et sauf autre disposition contraire, un comité du Sénat peut se réunir pendant une période d’ajournement du Sénat : »;

10.par adjonction du nouvel article 12-18(3) suivant :

« Audit et surveillance — séance au cours des périodes d’ajournement du Sénat

12-18. (3) Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut tenir séance pendant une période d’ajournement du Sénat. »;

11. par substitution, dans l’article 12-22(2) du Règlement, des mots « Sauf disposition contraire » par les mots « Sous réserve du paragraphe (7) et sauf autre disposition contraire »;

12.par adjonction du nouvel article 12-22(7) suivant :

« Audit et surveillance — dépôt d’un rapport auprès du greffier

12-22. (7) Pendant une période d’ajournement du Sénat, un rapport du Comité permanent de l’audit et de la surveillance peut être déposé auprès du greffier du Sénat; ce rapport est alors réputé avoir été présenté ou déposé au Sénat. »;

13.en mettant à jour tous les renvois dans le Règlement, y compris les listes de dispositions contraires.

Comme l’indique le cinquième rapport du Sous-comité du budget des dépenses du CIBA, joint au 21e rapport du CIBA, l’établissement du Comité permanent de l’audit et de la surveillance nécessitera des modifications au Règlement administratif du Sénat. De plus, des consultations doivent être menées par les dirigeants concernant de possibles modifications à la Loi sur le Parlement du Canada. Votre comité note qu’il faudra apporter une attention particulière aux points tels que la répartition des rôles et responsabilités entre le CIBA et le nouveau comité, le financement du nouveau comité pour retenir les services des auditeurs et une autorité intersessionnelle.

Votre comité note également qu’au cours de son étude des changements nécessaires pour établir le Comité de l’audit et de la surveillance, il y a eu un débat approfondi sur la question de savoir si le nouveau comité devrait inclure des non-sénateurs à titre de membres et si votre comité avait le mandat de faire des recommandations sur la composition du comité. Il n’y a pas eu de consensus sur ces questions. En conséquence, votre comité recommande maintenant:

Que le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration examine à nouveau s’il est souhaitable que le Comité de l’audit et de la surveillance comprenne des non-sénateurs à titre de membres.

Respectueusement soumis,

Le président,

LEO HOUSAKOS

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Housakos, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1350)

[Français]

Projet de loi no 2 d’exécution du budget de 2018

Dépôt du trentième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie sur la teneur du projet de loi

L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le trentième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui porte sur la teneur du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

(Conformément à l’ordre adopté le 7 novembre 2018, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L’étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes

Dépôt du onzième rapport du Comité des pêches et des océans auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 14 avril 2016 et le 22 novembre 2018, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a déposé auprès du greffier du Sénat, le 29 novembre 2018, son onzième rapport intitulé Quand chaque minute compte — Recherche et sauvetage maritimes. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.

(Sur la motion du sénateur Manning, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

Projet de loi no 2 d’exécution du budget de 2018

Dépôt du dix-huitième rapport du Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles sur la teneur du projet de loi

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-huitième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, qui porte sur la teneur du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

(Conformément à l’ordre adopté le 7 novembre 2018, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

Projet de loi canadienne sur l’accessibilité

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Affaires étrangères et commerce international

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le jeudi 22 mars 2018, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international concernant son étude sur l’impact de la culture et des arts canadiens sur la politique étrangère et la diplomatie du Canada ainsi que leur utilisation dans ces domaines, et d’autres questions connexes, soit reportée du 31 décembre 2018 au 30 avril 2019.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les anciens combattants

Les services de soutien offerts aux anciens combattants

L’honorable Yonah Martin (leader suppléante de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle concerne la prestation de services par Anciens Combattants Canada.

Des milliers d’anciens combattants atteints de maladies physiques ou mentales continuent d’attendre très longtemps avant de commencer leurs traitements. Une réponse à une question inscrite au Feuilleton déposée récemment à l’autre endroit a révélé que, pour l’exercice financier 2017-2018, on a recensé plus de 3 000 anciens combattants ayant dû attendre plus d’une année avant de recevoir une réponse de la part du ministère concernant leur demande de prestations d’invalidité.

J’ai mentionné dans une question posée au début du mois que la norme de service d’Anciens Combattants Canada consiste à répondre dans un délai de 16 semaines, mais le ministère ne satisfait à la norme que dans 43 p. 100 des cas.

Monsieur le sénateur, je m’attends à ce que vous parliez, dans votre réponse, des investissements déjà affectés par le gouvernement. Pourtant, les arriérés existent toujours. Pourquoi Anciens Combattants Canada n’a-t-il pas amélioré sa prestation de services? Pourquoi les anciens combattants doivent-ils toujours attendre un an simplement pour obtenir une réponse?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je la remercie aussi de m’avoir suggéré ce que je pourrais répondre.

Je vais commencer par là, et je vais parler des fonds que le gouvernement a affectés. Je devrais peut-être revenir un peu en arrière pour parler des désinvestissements effectués par le dernier gouvernement. En fait, non, je ne vais pas en parler. Je pense qu’il est juste de dire que l’initiative du gouvernement de rouvrir des centres de services a grandement contribué à améliorer la situation.

Honorables sénateurs, je tiens aussi à souligner — et c’est un élément qu’il faut garder à l’esprit — que le nombre de demandes a beaucoup augmenté, car les anciens combattants qui nous ont servis avec tant de courage en Afghanistan ont de plus en plus recours à nos services. Les demandes de prestations d’invalidité ont augmenté de 32 p. 100, et de 60 p. 100 dans le cas des premières demandes de prestations d’invalidité.

Le gouvernement a engagé des sommes considérables pour rouvrir les centres de services et embaucher 470 nouveaux employés, sans compter l’investissement de 42,8 millions de dollars. Nous souhaitons tous que le système fonctionne efficacement, car il est important que les femmes et les hommes qui nous ont servis soient à leur tour bien servis et reçoivent les prestations appropriées. Cependant, il faudra attendre un certain temps pour atteindre cette efficacité.

La sénatrice Martin : Sénateur, j’aurais dû dire que je m’attendais à ce que vous parliez des investissements affectés et blâmiez le gouvernement précédent pour les manquements du gouvernement actuel.

Un ancien combattant interviewé par CBC sur cette question a déclaré qu’il croyait que l’accumulation des dossiers non réglés avait pris de l’ampleur parce qu’on exige qu’Anciens Combattants effectue ses propres évaluations médicales plutôt que de s’en remettre au diagnostic des médecins à la Défense nationale. Le gouvernement s’est engagé à remédier précisément au manque de concordance entre les exigences du ministère de la Défense et celles d’Anciens Combattants Canada.

Est-ce que le leader du gouvernement pourrait se renseigner et nous faire savoir ce que fait le gouvernement pour régler ce problème en particulier?

Le sénateur Harder : L’honorable sénatrice a mis le doigt sur un problème très important, celui de la transition du ministère de la Défense au ministère des Anciens Combattants, auquel le dernier gouvernement a commencé à s’attaquer lorsque le ministre des Anciens Combattants est devenu ministre associé de la Défense, fonction qui a été maintenue sous le présent gouvernement, question de consolider le travail en cours au niveau administratif pour assurer une transition harmonieuse. Ce travail se poursuit et je me ferai un plaisir de me renseigner et de vous revenir là-dessus.

Le financement et les services

L’honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et porte aussi sur Anciens Combattants Canada.

Monsieur le leader, peut-être vous souviendrez-vous de la question que je vous ai posée, en septembre, à propos des fonds que le ministère des Anciens Combattants n’a pas utilisés. Le 7 novembre, l’autre endroit a adopté à l’unanimité une motion demandant au gouvernement de reporter automatiquement toutes les dépenses annuelles inutilisées du ministère des Anciens Combattants à l’exercice financier suivant.

Monsieur le leader, pourriez-vous nous dire si le gouvernement entend voir à ce que les fonds restés inutilisés pendant l’exercice financier en cours soient reportés?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie une fois de plus l’honorable sénateur de sa question. Il n’est pas rare que des fonds restés inutilisés soient reportés. On peut le constater, bien sûr, lors du dépôt du budget des dépenses. Je m’informerai au sujet de ce cas précis, mais un tel report des fonds est tout à fait normal et bienvenu lorsque les dépenses prévues n’ont pas été faites pour diverses raisons.

(1400)

[Français]

Le sénateur McIntyre : Le sénateur se souvient peut-être aussi de la question que je lui ai posée le 19 septembre au sujet d’un récent rapport de l’ombudsman des vétérans, M. Guy Parent. Selon ses conclusions, les anciens combattants francophones attendent environ cinq mois de plus que les anciens combattants anglophones avant d’obtenir une décision au sujet de leurs demandes de prestations d’invalidité. Sénateur, vous aviez dit à ce moment-là que vous vous renseigneriez auprès du ministre, et j’aimerais savoir à quel moment je peux m’attendre à recevoir une réponse. Le gouvernement traitera-t-il les anciens combattants de manière équitable, qu’ils soient francophones ou anglophones, et améliorer les délais d’attente pour ces personnes?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de son excellente question. Je me renseignerai avec plaisir. Je sais que le ministre s’est engagé à combler cet écart de service. C’est l’une des raisons pour lesquelles il a investi dans l’ajout de 470 employés.

Les affaires étrangères et le commerce international

L’Accord États-Unis—Mexique—Canada

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat et porte sur la signature de l’Accord États-Unis—Mexique—Canada, qui est prévue pour demain.

Tard hier soir, le président des Producteurs laitiers du Canada et les présidents des 10 associations laitières provinciales ont publié une lettre ouverte adressée au premier ministre, afin d’exprimer leur inquiétude par rapport au fait que l’accord renferme toujours une disposition qui accorde aux États-Unis un droit de regard et un contrôle sur l’administration du système laitier canadien, ce qui compromet la souveraineté du Canada.

De hauts fonctionnaires canadiens avaient indiqué que cette partie du texte ne ferait pas partie de l’entente finale. Les producteurs laitiers, qui n’ont pas encore vu de texte définitif où cette portion aurait été exclue, demandent au premier ministre de ne pas signer l’Accord États-Unis—Mexique—Canada avant qu’on en ait retiré la disposition sur le droit de regard des États-Unis sur le système laitier canadien.

Ma question a deux volets. Le gouvernement du Canada refusera-t-il de signer l’Accord États-Unis—Mexique—Canada tant qu’on n’en aura pas retiré la disposition en question? Sinon, le gouvernement du Canada a-t-il l’intention de continuer à négocier la question du droit de regard et du contrôle des États-Unis sur le système laitier canadien après la signature officielle de l’accord, prévue pour vendredi?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je vais simplement faire référence à la conférence de presse tenue depuis Buenos Aires, qui s’est terminée tout juste avant le début de la présente séance du Sénat, durant laquelle la ministre des Affaires étrangères a indiqué que les discussions avec les Américains se poursuivent en ce qui concerne le texte de l’accord, dont la signature est toujours prévue pour demain.

Les ressources naturelles

L’industrie pétrolière et gazière

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Au cours des trois dernières années, le gouvernement n’a rien fait pendant que le secteur pétrolier et gazier du pays perdait de dizaines de milliards de dollars en investissements privés, ce qui a fait disparaître des milliers d’emplois pour les Canadiens de la classe moyenne. C’est une grande source d’inquiétude pour le pays. Cependant, ce n’est pas ce qu’on pourrait croire en lisant l’énoncé économique de l’automne présenté par le ministre Morneau. La semaine dernière, la Chambre de commerce a écrit ceci :

La Chambre regrette que la mise à jour économique annoncée aujourd’hui ne comporte pas de plan pour aider le secteur énergétique du Canada, qui en arrache [...] Nous exhortons le gouvernement à expliquer ses plans en vue d’aider les travailleurs du pétrole et du gaz en cette période difficile.

Au cours des derniers jours, des travailleurs du secteur de l’énergie ont manifesté contre l’approche du premier ministre et de M. Morneau dans les rues de Calgary.

Sénateur Harder, que faudra-t-il faire pour que le gouvernement agisse dans leurs intérêts?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie le sénateur de sa question. Elle me donne l’occasion de rappeler au Sénat que le gouvernement a pris une série d’initiatives justement pour défendre les intérêts de ces travailleurs. Il y a notamment le projet Trans Mountain. Le gouvernement du Canada a décidé d’acheter l’oléoduc pour permettre son expansion. Ce n’était certainement pas la voie qu’il privilégiait, mais il a fait ce choix important.

Conformément à la décision rendue par la cour, le gouvernement effectue les tâches nécessaires pour procéder à la construction. Il est déterminé à avoir un oléoduc jusqu’à la côte pour permettre de maximiser la valeur des produits des sables bitumineux et d’accéder à d’autres marchés.

Ensuite, comme l’honorable sénateur le sait — bien qu’il s’y oppose —, le gouvernement a mis en place un cadre législatif par l’entremise du projet de loi C-69. Le cadre garantira non seulement un examen adéquat des incidences environnementales, mais il fera également en sorte que les décisions prises selon les évaluations effectuées pourront être appliquées. C’est là le problème au Canada depuis 15 ans.

Enfin, je souligne les discussions qui sont menées entre le gouvernement et la première ministre de l’Alberta et son parti sur les mesures supplémentaires que le gouvernement fédéral pourrait prendre. Pas plus tard que cette semaine, le ministre des Finances se trouvait à Calgary pour continuer ces discussions.

Il importe que nous comprenions tous que le gouvernement du Canada demeure tout aussi préoccupé par le sort de l’industrie pétrolière en Alberta que par celui du secteur automobile en Ontario.

Le sénateur Neufeld : Sénateur Harder, le gouvernement a fait avorter le projet Northern Gateway, et le premier ministre a dénigré les sables bitumineux tant au Canada qu’à l’étranger. Le gouvernement a acheté un pipeline de Kinder Morgan, mais le premier ministre n’est pas en mesure de dire aux contribuables, qui en sont dorénavant propriétaires, quand les travaux d’expansion commenceront. Maintenant, un an avant les élections, le gouvernement a présenté une mise à jour économique qui prévoit un investissement de près de 600 millions de dollars dans les médias, mais rien pour les travailleurs des secteurs pétrolier et gazier.

Gouverner, c’est établir des priorités et prendre des décisions. Sénateur Harder, les travailleurs du secteur de l’énergie souhaitent gagner décemment leur vie, subvenir aux besoins de leur famille et contribuer à la prospérité du Canada, comme nous tous. Or, le pays traverse une crise, et les familles souffrent. La situation ne concerne pas uniquement les grandes industries : elle concerne les gens, les travailleurs et les familles.

Que dites-vous aux Canadiens qui, de toute évidence, ne figurent pas sur votre liste de priorités? Que leur dit le gouvernement, mis à part des paroles et des promesses creuses?

Le sénateur Harder : Je répète qu’il importe de prendre du recul par rapport à ce qui se dit et de comprendre que le gouvernement du Canada s’emploie à ce que l’ensemble des Canadiens soient en mesure de trouver un travail valorisant, de subvenir aux besoins de leur famille, d’accéder à la classe moyenne et de réussir. Il va sans dire que des défis se posent. Le secteur de l’énergie est en pleine transformation à l’échelle mondiale, et le gouvernement du Canada collabore étroitement avec l’industrie pour déterminer quelle contribution le Canada peut faire à cette transition.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement du Canada travaille de près avec d’autres secteurs qui sont également en transformation. Voilà pourquoi il est si important que le gouvernement du Canada participe au sommet du G20, ce que ses représentants feront aujourd’hui et en fin de semaine, pour examiner la conjoncture économique mondiale et voir comment les mesures prises par le Canada s’inscrivent dans la réponse mondiale.

Les affaires autochtones et du Nord

La gestion des terres des Premières Nations

L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, j’espère que vous pourrez me fournir des précisions.

Le projet de loi omnibus d’exécution du budget propose des modifications à la Loi sur la gestion des terres des premières nations, qui conféreront aux Premières Nations un pouvoir accru sur l’exploitation des ressources naturelles et la protection de l’environnement.

Pouvez-vous confirmer, sénateur Harder, si ces modifications exempteront les projets des Premières Nations de respecter les obligations relatives à l’évaluation d’impact prévues dans le projet de loi C-69?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je ne l’ai pas entendue au complet, mais je tenterai d’y répondre.

La sénatrice Eaton : Ma question portait sur les modifications proposées à la Loi sur la gestion des terres des premières nations, qui conféreront aux Premières Nations un pouvoir accru sur l’exploitation des ressources naturelles et la protection de l’environnement. Pouvez-vous me dire si ces modifications exempteront les projets d’exploitation des ressources des Premières Nations de respecter les obligations relatives à l’évaluation d’impact qui sont prévues dans le projet de loi C-69?

Le sénateur Harder : Sénatrice, je devrai prendre la question en délibéré parce que je veux vous donner une réponse précise. Or, je ne suis tout simplement pas bien renseigné à ce sujet.

(1410)

Les affaires étrangères et le commerce international

Taïwan—La Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

La semaine prochaine, des pays se réuniront en Pologne pour la conférence des parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Tous les pays et toutes les parties doivent participer à cet effort commun de lutte contre les changements climatiques, car les phénomènes météorologiques extrêmes et anormaux tels que les vagues de chaleur, les sécheresses et les pluies torrentielles catastrophiques se produisent aujourd’hui partout sur la planète.

Malheureusement, Taïwan n’a pas pu se joindre à la convention-cadre ni participer à l’Accord de Paris, mais elle se conforme volontairement aux règlements pertinents de l’ONU et a pris l’initiative d’atteindre les 17 objectifs de développement durable énoncés dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies.

Le Canada a pour politique d’appuyer la participation de Taïwan aux réunions internationales où il y a un impératif pratique et où l’absence de Taïwan nuirait aux intérêts mondiaux.

Puisque les changements climatiques nous touchent tous, j’aimerais savoir ceci : le Canada observera-t-il toujours sa politique cette année et appuiera-t-il publiquement la participation de Taïwan à la 24e conférence des parties à titre d’observatrice?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Pour ce qui est de la réunion de la semaine prochaine, je devrai me renseigner. Cela dit, le sénateur saura que, comme il le mentionne dans sa question, le gouvernement du Canada a pour politique, depuis de nombreuses décennies, d’appuyer la participation de la Chine aux réunions internationales où sa contribution est importante.

Le sénateur Ngo : Si le Canada appuie Taïwan, et non la Chine, quelles mesures concrètes la délégation canadienne et le gouvernement canadien prendront-ils pour appuyer cette participation?

Le sénateur Harder : Comme je l’ai dit, je vais me renseigner.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les réfugiés et les demandeurs d’asile

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le rapport du directeur parlementaire du budget paru ce matin, qui fait état des coûts qu’entraîne pour les contribuables l’accueil des immigrants illégaux qui traversent la frontière. Le rapport conclut que, d’ici la fin du prochain exercice financier, ces immigrants illégaux auront coûté près de 1,1 milliard de dollars. Je me permets de souligner qu’il ne s’agit ici que des coûts assumés par le gouvernement fédéral. Les chiffres publiés aujourd’hui par le directeur parlementaire du budget n’incluent pas ce qu’il en coûte aux provinces et aux municipalités, qui portent une large part du fardeau financier lié au logement et à l’aide sociale.

Sénateur Harder, maintenant que nous connaissons les vrais chiffres, le premier ministre va-t-il réparer les dégâts qu’il a lui-même causés par le gazouillis qu’il a diffusé, et proposer un plan pour rétablir l’intégrité du système d’immigration de notre pays?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Le rapport du directeur parlementaire du budget confirme la nécessité d’être efficace et d’assurer un processus de prise de décision qui soit rapide, équitable et final. C’est dans cet esprit que le gouvernement du Canada a lancé il y a quelques mois un plan en six points qui préconise des efforts proactifs de communication pour corriger tous les renseignements erronés qui circulent au sujet de l’asile, des enquêtes de sécurité et un processus de traitement des demandes rigoureux ainsi qu’une collaboration avec les provinces et les territoires.

J’aimerais m’attarder plus précisément sur le plan en six points. Tout d’abord, bien que les chiffres soient à la baisse, nous continuons de réagir aux arrivées quand elles ont lieu. Les gens qui entrent au Canada de façon irrégulière font l’objet d’une vérification des antécédents et d’un contrôle de sécurité rigoureux. Les demandes sont traitées aussi rapidement que possible. D’ailleurs, le nombre de demandes réglées a augmenté de plus de 50 p. 100 dans la dernière année.

Le gouvernement collabore activement avec d’autres pays pour décourager l’immigration irrégulière. Le gouvernement travaille avec les provinces et les territoires pour fournir des services aux demandeurs d’asile. Il s’est doté d’une stratégie solide de communication pour rectifier les renseignements erronés au sujet de notre système d’asile.

Évidemment, cela a exigé d’importants investissements. Le gouvernement du Canada a investi plus de 173 millions de dollars dans l’amélioration de la sécurité frontalière et dans l’accélération du processus de traitement des demandes d’asile. Le nombre de demandes aux postes frontaliers a beaucoup diminué par rapport à l’année dernière. À certains postes frontaliers, il s’agit d’une diminution de 70 p. 100.

Il est important que les sénateurs comprennent et fassent comprendre aux autres le dernier point important que je vais soulever. Le système de détermination du statut de réfugié est distinct du système d’immigration. Autrement dit, on ne peut pas parler d’une liste d’attente commune pour les deux. Le processus qui régit la détermination du statut de réfugié est séparé. Il est important que nous croyions tous en l’intégrité du système d’immigration et du système de détermination du statut de réfugié.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Lorsque le ministre Blair est venu participer à la période des questions au Sénat au début du mois, il a dit que le gouvernement avait fait d’importants investissements au titre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour traiter l’arriéré des cas. Le directeur parlementaire du budget a noté dans son rapport que, en date du mois de septembre, l’arriéré lié au traitement des demandes d’asile s’établissait à presque 65 000 demandes, et il a indiqué que le temps d’attente est plus long, malgré ce qu’en dit le gouvernement.

Qu’est-ce que le gouvernement se propose de faire pour s’occuper de l’arriéré des demandes?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Encore une fois, le gouvernement a entrepris différentes initiatives visant à accroître la capacité de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, particulièrement en ce qui a trait aux demandes d’asile. Les mesures mises en place à la frontière, dont j’ai déjà parlé, font partie de la gestion des flux.

Il s’agit, sans l’ombre d’un doute, d’un enjeu important. Le gouvernement prend la situation très au sérieux, et il est important que les Canadiens comprennent que le système canadien d’accueil des réfugiés fonctionne.

Les affaires étrangères et le commerce international

Investir au Canada—Ian McKay

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement. En juin 2017, le projet de loi C-44 a été adopté après de longs débats au Sénat. Il s’agissait de la Loi d’exécution du budget. Une des parties controversées du projet de loi concernait la création d’un organisme, Investir au Canada. Le Comité sénatorial des banques avait fait un commentaire indiquant qu’il était « dans l’incertitude quant à l’opportunité de créer un nouvel organisme de promotion de l’investissement étranger au Canada ».

Le gouvernement, dans une charge menée avec enthousiasme par les sénateurs Woo et Harder, soutenait que le Canada avait absolument besoin d’un tel organisme et que ce dernier amènerait des montagnes d’investissements.

Nous savons qu’Investir au Canada a un conseil d’administration qui se compose entièrement de bons partisans libéraux. Nous savons qu’Affaires mondiales Canada a versé 73 450 $ à Boyden Executive Search afin qu’elle l’aide à trouver un PDG pour Investir au Canada. Or, qui a-t-on trouvé, par hasard? Nul autre que Ian McKay, qui a été directeur national du Parti libéral de 2010 à 2013.

Si on consulte le site web d’Investir au Canada, c’est à peu près tout ce qu’on peut apprendre. Sous le titre « L’équipe de direction », on peut lire : « Restez à l’affût! »

Sénateur Harder, pourquoi était-il urgent de créer cet organisme? Était-ce simplement parce qu’Ian McKay avait besoin d’un emploi et que c’était l’occasion idéale?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je me permets d’abord de démentir complètement cette insinuation qui, je suppose, n’est qu’un sarcasme. Ian McKay est un fonctionnaire exceptionnel. Il a des antécédents politiques, j’en conviens, mais c’est également le cas de quelques sénateurs dans cette enceinte. Ce n’est pas une raison pour l’empêcher de présenter sa candidature à un processus de nomination fondé sur le mérite. C’est un excellent choix pour occuper le poste en question.

Je ne me prononcerai pas au nom de mes collègues, mais, lorsque j’ai voté en faveur du budget, je savais que, avec l’approche incarnée par l’organisme Investir au Canada, le gouvernement misait sur des efforts pangouvernementaux pour encourager les investissements étrangers au Canada, à l’heure où la concurrence est particulièrement féroce. J’ai bien hâte de prendre connaissance du rapport d’activités de cet organisme.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, je crois que vous ne m’avez pas bien compris. Je ne remets pas en question la capacité d’Ian McKay de remplir ses nouvelles fonctions. Ce que j’essaie de dire, c’est que les allégeances politiques d’une personne ne devraient pas la priver de la chance d’occuper des postes de dirigeant au Canada. Pourtant, le gouvernement libéral est constamment en train de pontifier et de nous dire que les plus hautes institutions du pays ne devraient compter que des personnes complètement apolitiques.

Je demande tout simplement au gouvernement s’il compte faire preuve de cohérence et accepter que les gens ont le droit de participer aux débats publics de manière partisane sans que cela nuise à leurs chances d’accéder à des postes dans les plus hautes sphères au Canada. Si ce n’est pas le cas, le gouvernement peut-il agir en conformité avec sa rhétorique?

Le sénateur Harder : Je pense que, sur ce plan, le discours du gouvernement est parfaitement cohérent : les activités partisanes de quelqu’un ne devraient pas l’empêcher d’être pris en considération pour un poste dans la fonction publique et elles ne devraient pas servir d’unique facteur de qualification.

(1420)

La détermination des nominations aux conseils, agences et commissions devrait se faire en consultation avec des conseillers indépendants et de façon indépendante.

Les finances

L’énoncé économique de l’automne 2018

L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, ma question s’adresse encore une fois au sénateur Harder.

À la page 118 de l’énoncé économique de l’automne, il y a une ligne concernant des mesures non annoncées. Le total s’élève à 9,5 milliards de dollars, dont 1,754 milliard de dollars sont réservés pour l’exercice 2018-2019.

Dans une note de bas de page, le gouvernement explique que les mesures non annoncées sont liées à ce qui suit :

L’incidence budgétaire nette des mesures qui ne sont pas annoncées est présentée globalement; elle comprend des provisions pour des décisions prévues du Cabinet qui n’ont pas encore été prises et pour des décisions de financement liées aux questions de sécurité nationale, de sensibilité commerciale, d’accords commerciaux et de litiges.

Sénateur, pourriez-vous demander au gouvernement si le poste budgétaire comprend l’indemnisation des secteurs agricoles assujettis à la gestion de l’offre? Dans l’affirmative, quel montant est réservé à l’indemnisation pour l’Accord États-Unis—Mexique—Canada? Quand le gouvernement a-t-il l’intention de soumettre ces fonds à l’approbation et à la surveillance du Parlement? Merci.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa persévérance, puisqu’elle a atteint la page 118. Permettez-moi de faire remarquer que ce que dit la sénatrice en ce qui concerne l’énoncé est exact. Afin que l’énoncé économique soit en phase avec le budget de 2018 et que l’allocation des ressources se fasse dans la transparence, une liste des politiques et des investissements par ministère est présentée dans le tableau A1.7. Il y a aussi une liste d’investissements à propos desquels aucune décision n’a encore été prise : il s’agit du tableau A1.8, auquel l’honorable sénatrice fait référence.

Comme le document lui-même l’indique, il s’agit de mesures liées à des questions de sécurité nationale, de sensibilité commerciale, de litiges et de commerce.

L’honorable sénatrice va devoir attendre que les annonces des décisions du Cabinet soient faites par la voie appropriée et que la source de ces financements soit déterminée.


ORDRE DU JOUR

La Loi fédérale sur le développement durable

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Diane F. Griffin propose que le projet de loi C-57, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c’est pour moi un honneur de prendre la parole aujourd’hui afin d’appuyer le projet de loi C-57, Loi modifiant la Loi fédérale sur le développement durable.

Je remercie les membres du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles du travail qu’ils ont fait pour étudier ce projet de loi, et d’avoir encouragé la tenue d’une discussion et d’un débat constructifs. Leurs efforts ont permis de formuler un certain nombre d’amendements au projet de loi.

J’aimerais dire d’emblée que le projet de loi a bénéficié d’un vaste appui à l’autre endroit. Le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes a étudié la Loi fédérale sur le développement durable, puis il a déposé, en juin 2016, un rapport unanime fournissant des précisions et des recommandations qui ont grandement contribué à façonner le projet de loi C-57.

Le projet de loi donne suite aux recommandations du rapport de 2016 en permettant d’améliorer la reddition de comptes, de promouvoir la collaboration ainsi que la coordination des efforts à l’échelle du gouvernement et d’accroître la transparence.

Pour ce faire, le projet de loi vise à définir le cadre juridique pour l’élaboration et la mise en œuvre de la Stratégie fédérale de développement durable qui accroît la transparence du processus décisionnel en matière de développement durable et fait en sorte qu’on soit tenu d’en rendre compte devant le Parlement.

Selon le projet de loi, la stratégie fédérale doit comporter des cibles mesurables et un échéancier. Les ministères et les organismes visés par l’annexe de la loi devront aussi contribuer à l’élaboration de la Stratégie fédérale de développement durable et à la production des rapports d’étape connexes.

De plus, le projet de loi énonce les principes à considérer lors de l’élaboration de ces stratégies.

Le projet de loi reconnaît que le développement durable se fonde sur l’utilisation rationnelle des ressources naturelles, sociales et économiques. Il précise également que le développement durable est un concept en évolution, et décrit les manières dont on pourrait le faire progresser.

Reconnaissant ce fait, le projet de loi propose que la loi soit réexaminée tous les cinq ans par un comité parlementaire. Cela permettra aux parlementaires d’assurer une application de la loi à l’échelle du gouvernement, en plus de faire en sorte qu’elle demeure transparente.

Les modifications à la loi appuieront les stratégies futures visant à l’harmoniser avec les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

La Loi fédérale sur le développement durable exige déjà du gouvernement qu’il amène les Canadiens à participer à des consultations publiques sur la stratégie, notamment dans le cadre d’un conseil consultatif. Le projet de loi conserve les dispositions sur la consultation et renforce le rôle du conseil.

Plus précisément, le projet de loi augmente le nombre de représentants autochtones au conseil consultatif, qui passe de trois à six, afin de mieux refléter la variété des points de vue de l’ensemble du Canada. Il exige aussi que la ministre de l’Environnement tienne compte de certains facteurs démographiques lors des nominations au conseil.

Un amendement proposé à l’autre endroit permet aux membres du conseil de recevoir un remboursement pour des dépenses raisonnables engagées dans le cadre des travaux du conseil. Cela permettra aux membres du conseil de se rencontrer en personne, au besoin, et de conseiller la ministre.

En juin dernier, le projet de loi a été renvoyé au Sénat. Cet automne, le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles a été chargé de l’étudier.

Le comité a entendu des témoins d’Environnement et Changement climatique Canada, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, du Conseil consultatif sur le développement durable, de l’Institut international du développement durable et de la commissaire à l’environnement et au développement durable, Julie Gelfand.

Les discussions au comité ont donné lieu à l’apport de plusieurs amendements au projet de loi, comme la sénatrice Galvez l’a souligné dans son rapport au Sénat. Je la cite :

[…] le comité propose également d’amender le projet de loi pour apporter des modifications corrélatives à la Loi sur le vérificateur général. Ces modifications s’imposent parce que la Loi sur le vérificateur général renvoie à des articles de la Loi fédérale sur le développement durable qui ont été modifiés ou abrogés. Elles assurent la cohérence qui s’avère essentielle entre deux lois depuis l’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur le développement durable.

Ces modifications ont été apportées à la demande du gouvernement.

Le porte-parole pour le projet de loi, le sénateur Patterson, a aussi proposé un amendement qui, comme l’a fait remarquer la sénatrice Galvez :

[…] permettra au Conseil consultatif sur le développement durable non seulement de conseiller le ministre sur toute question touchant le développement durable, mais aussi d’entreprendre l’étude de questions arrêtées par le comité.

(1430)

J’appuie cet amendement et je remercie le sénateur Patterson de l’avoir proposé.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-57 est une mise à jour administrative visant à moderniser l’actuelle Loi fédérale sur le développement durable. La loi a eu des répercussions positives sur les mesures de développement durable du gouvernement fédéral en accroissant la transparence et la reddition de comptes et en imposant une approche pangouvernementale en vue d’atteindre les objectifs de développement durable.

La nouvelle approche proposée par ce projet de loi permet de faire fond sur les résultats positifs des travaux actuels à l’échelon fédéral afin de promouvoir la croissance écologique, d’assurer la santé des écosystèmes et de bâtir des collectivités sûres et durables.

Je rappelle que, à l’autre endroit, le projet de loi C-57 a été adopté à l’unanimité à toutes les étapes. Voilà qui montre le vaste appui dont il jouit. Les répercussions environnementales des changements climatiques touchent tout le monde. Ce projet de loi peut nous aider à protéger les intérêts des prochaines générations.

Étant donné que ce projet de loi modernise les pratiques actuelles, j’espère que nous pourrons convenir de le renvoyer à la Chambre aujourd’hui. Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-57. D’entrée de jeu, je dirai que j’ai été heureux de travailler avec la sénatrice Griffin, la marraine du projet de loi, et que je l’en remercie.

Je pense que ce projet de loi est un excellent exemple du bon travail que les comités sénatoriaux accomplissent, à mon avis, et qu’il montre l’importance d’un second examen objectif.

La loi en question est issue d’un projet de loi d’initiative parlementaire présenté en 2008 par le député libéral John Godfrey et appuyé par le gouvernement conservateur de l’époque. De la même façon et comme l’a dit la sénatrice Griffin, le projet de loi C-57 a été adopté à l’unanimité à l’autre endroit. Dans mon allocution à l’étape de la deuxième lecture, j’ai parlé du bon travail qui a été fait à l’autre endroit et qui a produit le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui. Je ne vais pas revenir là-dessus.

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel j’ai le plaisir de siéger depuis ma nomination en 2009, a entendu des témoins, dont certains n’avaient pas déjà comparu à l’autre endroit. Tout au long des audiences sur ce projet de loi, deux amendements me sont venus à l’esprit. À titre de porte-parole chargé de ce projet de loi, j’ai présenté ces deux amendements et, après débat, j’ai été heureux de constater que le comité avait adopté les deux à l’unanimité.

Le premier amendement vise à élargir le mandat du Conseil consultatif sur le développement durable. Le conseil, qui a été établi en vertu de la Loi fédérale sur le développement durable, fournit des avis à la ministre sur toute question touchant le développement durable. La première version du projet de loi autorisait le conseil à se pencher uniquement sur des questions qui lui seraient soumises par la présidente du conseil, à savoir la ministre de l’Environnement et du Changement climatique elle-même. Toutefois, après l’intervention de M. Robert Page, un témoin expert qui a été suggéré par la marraine de ce projet de loi, la sénatrice Griffin, nous nous sommes rendu compte que l’efficacité du conseil repose en partie sur la capacité de ses membres de choisir les questions qu’ils examineront.

Il est important de souligner que cet amendement a d’abord été présenté dans l’autre endroit. Là-bas, on a fait valoir que les autres organismes consultatifs établis en vertu de diverses lois, notamment la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur l’aménagement rural et le développement agricole, ont plus de liberté pour choisir les sujets sur lesquels ils se penchent et ne se les font pas strictement imposer par la ministre.

L’amendement n’a pas été adopté à l’autre endroit, où M. Page n’a cependant pas été entendu. Il recommande clairement et en toute franchise ce qui suit : « [...] les membres du conseil doivent pouvoir choisir, dans une certaine mesure, les questions qu’ils aborderont dans le cadre de leurs travaux, plutôt que de devoir se limiter à celles qui leur sont confiées par la ministre. Sinon, personne de compétent ne voudra se contenter de faire des relations publiques pour la ministre. »

Chers collègues, je crois que nous devrions tenir compte de la mise en garde de M. Page quant à la nécessité d’un peu d’autonomie. Nous ne pouvons écarter la possibilité que des personnes qualifiées puissent avoir des connaissances concernant des sujets connexes que la ministre, qui ne possède peut-être pas une expertise aussi poussée, ou le ministère n’ont pas. Tous les sujets devraient, comme le prévoit noir sur blanc le projet de loi, être néanmoins liés à la Stratégie fédérale de développement durable et à toutes les stratégies applicables prévues dans la loi.

À l’autre endroit, on a également soutenu que ce léger élargissement du mandat entraînerait une hausse des coûts. Soyons clairs, je ne souhaite pas qu’il y ait plus de réunions; je demande simplement que l’ordre du jour des réunions qui auraient déjà lieu de toute façon soit établi, du moins en partie, par les membres du conseil.

Le deuxième amendement concerne la reddition de comptes. Dans son témoignage, d’Andrew Hayes, avocat général principal au Bureau du vérificateur général, a alerté le comité sur le fait que l’abrogation de l’article 12 de l’actuelle Loi fédérale sur le développement durable, comme le propose le projet de loi C-57, affaiblirait la reddition de comptes. Cet article se lit comme suit :

Les contrats fondés sur le rendement qui sont conclus avec le gouvernement du Canada doivent contenir des clauses visant l’atteinte des cibles applicables de la Stratégie fédérale de développement durable et des stratégies ministérielles de développement durable.

Selon l’interprétation du gouvernement, l’article ne vise que les contrats d’approvisionnement. Or, Julie Gelfand, commissaire à l’environnement et au développement durable, qui relève aussi du Bureau du vérificateur général, a présenté un avis différent sur la façon d’assurer le respect des objectifs en matière de développement durable. Au cours de son témoignage, elle a recommandé au comité de réintégrer l’article 12 dans la loi « en [s’]assurant que le gouvernement ne [le] considère pas comme se rapportant uniquement aux activités d’approvisionnement, et en faisant en sorte que la rémunération au rendement soit liée à l’atteinte d’objectifs de développement durable ».

L’amendement que j’ai proposé réintégrait l’article 12 sous la forme du nouvel article 10.2. À la lumière des conseils du sénateur Massicotte, le libellé a été modifié afin d’accorder une certaine marge de manœuvre au gouvernement pour exercer un pouvoir discrétionnaire. L’amendement final, qui a été adopté à l’unanimité par le comité, est le suivant :

10.2 Les contrats fondés sur le rendement qui sont conclus avec le gouvernement du Canada, notamment les contrats de travail, doivent, s’il y a lieu, contenir des clauses visant l’atteinte des cibles applicables de la stratégie fédérale de développement durable et des stratégies applicables élaborées par application de l’article 11.

Enfin, j’aimerais également attirer l’attention des honorables sénateurs sur le fait qu’il y a eu un troisième amendement favorable. Le gouvernement s’est rendu compte, après le témoignage de la commissaire, Mme Gelfand, qu’il manquait toute une série de dispositions de coordination visant la Loi sur le vérificateur général. Quatre dispositions de coordination ont été ajoutées au projet de loi pendant l’étude article par article.

Honorables sénateurs, j’estime que ce projet de loi est un excellent exemple de la raison d’être du Sénat. En tant que législateurs, nous effectuons un second examen pour nous assurer que rien n’a été oublié et remédier aux erreurs au besoin. Nous écoutons des intervenants qui n’ont peut-être pas eu la chance de comparaître devant les comités de l’autre endroit. Parfois, cela nous amène à renforcer et améliorer les mesures législatives avant qu’elles n’aient force de loi.

J’exhorte les sénateurs à voter pour ce projet de loi amendé, qui, et je m’empresse à le souligner, a été adopté à l’unanimité par le comité. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

(1440)

La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bovey, appuyée par l’honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui, à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures.

Lorsque ce projet de loi a été renvoyé au Sénat en avril, je n’avais pas l’intention d’intervenir dans le débat. Toutefois, j’ai été mis au fait de certains développements dont je tiens à vous faire part.

D’entrée de jeu, je tiens à ce qu’on sache que j’appuie la protection des eaux canadiennes et que je reconnais la nécessité de désigner des zones de protection marine. Le gouvernement du Canada définit une zone de protection marine comme faisant partie de l’océan qui est légalement protégé et géré pour assurer la conservation à long terme de la nature, ce qui inclut, mais sans s’y limiter, les ressources halieutiques, les espèces en voie de disparition et les espèces menacées et leur habitat, et les espaces marins riches en biodiversité ou en productivité biologique.

Dans les zones de protection marine, certaines activités actuelles et futures peuvent être interdites selon leurs répercussions sur les éléments écologiques protégés.

Compte tenu des contraintes de temps, je n’énumérerai pas toutes les modifications que le projet de loi C-55 apporte à la Loi sur les océans et à la Loi fédérale sur les hydrocarbures. Je me concentrerai plutôt sur quelques dispositions qui m’ont fait sérieusement réfléchir.

Le projet de loi C-55 modifie la Loi sur les océans afin, notamment, « d’autoriser le ministre à désigner des zones de protection marine par arrêté et à interdire, dans de telles zones, l’exercice de certaines activités ». De telles interdictions peuvent être appliquées pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans suivant la date d’entrée en vigueur de l’arrêté de désignation d’une zone de protection marine provisoire. Après ce délai, le ministre est tenu de recommander au gouverneur en conseil la prise d’un règlement remplaçant l’arrêté ou d’abroger ce dernier.

Le gouverneur en conseil aura le pouvoir « d’interdire aux titulaires d’entreprendre ou de poursuivre des activités dans les zones de protection marine ». D’après la Bibliothèque du Parlement, ces activités concerneront aussi la navigation maritime.

Le projet de loi confère aussi au ministre le pouvoir d’annuler les titres d’une société pétrolière et gazière visant une zone de protection marine ou une zone adjacente. Les titulaires des titres pourront être indemnisés pour l’annulation ou l’abandon de tels titres.

Aux termes du projet de loi C-55, le ministre sera en mesure d’interdire des activités telles que l’exploration pétrolière et gazière, l’exploration minière et la navigation maritime, en désignant des zones de protection marine provisoires par arrêté. Il est à noter que de telles interdictions sont possibles malgré « l’absence de certitude scientifique concernant les risques que peut présenter l’exercice d’activités ».

En résumé, le projet de loi C-55 pourrait avoir de graves conséquences sur les activités pétrolières et gazières en mer. Je suis sûr que le sénateur Patterson aura un mot à dire au sujet des répercussions pour le Nord.

Voilà qu’arrive le projet de loi C-86, le plus récent projet de loi d’exécution du budget présenté par le gouvernement. La section 22 de ce projet de loi d’exécution du budget prévoit de modifier la Loi sur la marine marchande afin de permettre au gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre des Transports, de prendre des règlements relativement à la protection du milieu marin contre les répercussions des activités de navigation et de transport maritimes.

L’article 692 énumère une liste de règlements et d’interdictions portant entre autres sur :

k) [...] l’utilisation, la navigation, le mouillage et l’amarrage des bâtiments ou catégories de bâtiments;

l) [...] les opérations de chargement ou de déchargement des bâtiments ou catégories de bâtiments.

Pour ceux que le sujet intéresse, l’article 692 se trouve à la page 592 du projet de loi C-86. Autrement dit, le projet de loi C-86 va s’appliquer de manière générale ou à un lieu spécifique. Contrairement aux dispositions du projet de loi C-55, les pouvoirs d’interdiction proposés dans le projet de loi C-86 ne se limiteront pas aux zones de protection marine, tel que prévu dans la Loi sur les océans.

Alors, que faut-il retenir de tout cela? Voici ce que je comprends de la situation actuelle.

Premièrement, le projet de loi C-55 du gouvernement Trudeau vise à permettre au ministre des Transports de désigner des zones de protection marine par arrêté et d’interdire, dans ces zones, l’exercice de certaines activités, y compris l’exploration pétrolière et gazière.

Deuxièmement, la plus récente loi d’exécution du budget du gouvernement Trudeau prévoit autoriser le gouverneur en conseil à prendre des règlements relativement à la protection du milieu marin contre les répercussions des activités de navigation et de transport maritimes.

Troisièmement, à l’aide du projet de loi C-48, le gouvernement Trudeau tente d’interdire la circulation des pétroliers sur la côte nord de la Colombie-Britannique, ce qui élimine presque toute possibilité que l’on construise un oléoduc dans le Nord de l’Alberta et en Colombie-Britannique. Ce projet de loi, conjugué aux projets de loi C-68 et C-69, nuira à l’exploitation des ressources en Colombie-Britannique et partout au Canada.

Quel est le dénominateur commun de ces mesures, le lien sous-jacent et implicite? À mon avis, c’est évident : c’est le secteur pétrolier et gazier.

Le gouvernement prétendra qu’il protège l’environnement, qu’il établit un juste équilibre entre l’économie et l’environnement. À mon avis, le gouvernement complique l’exportation du pétrole canadien — comme si ce n’était pas déjà assez compliqué — et il tente de limiter les projets d’expansion terrestres et extracôtiers du secteur pétrolier et gazier. Je persiste à croire que les libéraux de Trudeau préféreraient que tous les combustibles fossiles restent enfouis.

Bien que le gouvernement prétende appuyer et défendre ce secteur essentiel de l’économie, je ne puis m’empêcher de penser que les dispositions du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique; du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures; du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence; du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois; et, maintenant, du projet de loi C-86 sont peut-être des façons subtiles et indirectes d’empêcher toute expansion future du transport du pétrole dans les eaux canadiennes.

Je me contenterai de dire que je me méfie beaucoup des intentions générales du gouvernement et des conséquences que les dispositions de ces projets de loi pourraient avoir sur l’exploitation des ressources au pays et, en fin de compte, sur l’économie, ainsi que sur les travailleurs et les familles qui dépendent des emplois dans ce secteur.

Ces projets de loi visent-ils tous le même objectif? Existe-t-il un lien évident entre eux? Existe-t-il des incohérences ou des similitudes entre eux? Si nous adoptons ces mesures telles quelles, y aura-t-il des conséquences imprévues? Je pose ces questions, car je crains que ces projets de loi, une fois mis ensemble, n’empêchent la réalisation de nouveaux projets énergétiques au Canada.

J’espère que les honorables sénateurs conviendront que les questions que j’ai soulevées méritent d’être examinées en détail par le comité sénatorial qui sera chargé d’étudier le projet de loi C-55. J’espère que le comité adoptera les mesures qui s’imposent et qu’il invitera des témoins compétents qui pourront faire la lumière là-dessus pour nous aider à mieux comprendre ce qu’il en ressort exactement. Je vous remercie.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénatrice Coyle, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur les armes à feu, à l’étape de la deuxième lecture.

Nous savons tous que les armes à feu peuvent causer des dégâts sérieux, prendre une vie, sauver une vie ou protéger des gens ou des biens. Cela dépend du doigt qui est sur la détente.

Les citoyens respectueux des lois et les criminels ont pareillement recours à des armes à feu tous les jours au Canada. Un Torontois n’a pas besoin d’un fusil pour empêcher des coyotes d’entrer dans sa grange, mais un fermier de la Saskatchewan, si. Aucun des deux n’a besoin d’un AK-47, ni d’un Uzi, ni d’un Glock.

(1450)

On ne peut nier l’augmentation du nombre de crimes violents commis avec une arme à feu. Il y a donc de quoi être perplexe lorsqu’on voit le gouvernement accorder la priorité à un projet de loi qui vise à resserrer les règles s’appliquant aux propriétaires d’armes à feu respectueux des lois. En effet, la violence commise à l’aide d’une arme à feu est perpétrée par des membres de gangs, des criminels, des terroristes en puissance ou des personnes qui ont des problèmes de santé mentale. Ce sont eux qui font des ravages dans nos villes à l’heure actuelle.

Ce sont eux que nos efforts et les mesures législatives devraient viser.

Le nombre d’homicides commis avec une arme de poing a augmenté de 60 p. 100 l’an dernier. La plupart d’entre eux ont été commis par des criminels ou des membres de gangs.

En 2016, la violence des gangs — rites d’initiation, actes de vengeance, revente de drogue ou d’armes ayant mal tourné — a causé 115 morts. Les victimes n’étaient pas seulement des membres de gangs, mais aussi des passants innocents et même des enfants en train de s’amuser au parc.

La perpétration de crimes au moyen d’armes à feu illégales est, de toute évidence, un problème.

Depuis les années 1990, les armes de poing sont devenues les plus employées pour commettre un homicide. Selon Statistique Canada, les fusils de chasse et les carabines étaient les armes de choix avant 1990, et de loin. De nos jours, les armes de poing sont en cause dans 6 homicides sur 10. Voilà qui, selon moi, nous éclaire sur la véritable nature du problème.

Ma province, la Saskatchewan affiche le taux de criminalité le plus élevé au pays, que ce soit dans les régions urbaines ou rurales, une distinction peu glorieuse. On compare son taux de criminalité en région rurale à celui de Toronto. Si le taux est semblable, les chiffres révèlent autre chose. En 2017, 37 homicides ont été commis en Saskatchewan, dont le tiers au moyen d’une arme à feu. À Toronto, le chiffre est de 91 à l’heure actuelle, dont 47 par arme à feu.

Il va sans dire que certains cas de violence conjugale et de suicide impliquent des propriétaires légitimes d’armes à feu légales, bien qu’on enregistre au moins une diminution du nombre de suicides commis avec une arme à feu. Il faut cependant savoir que ce genre de violence est déclenché par différents facteurs.

Rick Ruddell, un professeur de l’Université de Regina, a écrit un ouvrage fort instructif sur la criminalité en milieu rural au Canada. Il dit ceci :

En ce qui concerne les homicides, il y a parfois des années qui sont tout à fait différentes des autres, surtout dans les endroits peu peuplés. Il y a des années où il y a des pics, mais où le nombre de tentatives de meurtre reste le même, ce qui pourrait être une question de chance ou de qualité des soins médicaux. Quand on habite à la campagne à une heure, ou à deux ou trois heures, d’un centre de traumatologie, le risque de mortalité augmente [...]

Il dit, en outre, qu’il faut tenir compte de facteurs économiques. Il mentionne que le taux d’homicides dans les régions rurales de l’Alberta a connu un sommet il y a plusieurs années, ce qui coïncidait avec le ralentissement de l’industrie pétrolière et le chômage qui en a résulté.

Chers collègues, nous savons que le gouvernement étudie la violence liée aux gangs. Les ministres Ralph Goodale et Bill Blair ont récemment annoncé que le gouvernement prévoit octroyer 86 millions de dollars au cours des cinq prochaines années à la GRC et à l’Agence des services frontaliers pour une installation de formation pour les chiens détecteurs, l’élargissement de la technologie à rayon X aux centres postaux et d’autres mesures.

Or, la plupart des armes à feu illégales n’entrent pas au Canada aux points de passage frontalier réguliers ni par la poste. Nous savons que la contrebande et le trafic constituent un problème. Ces armes n’entrent pas au pays par les points d’entrée légaux. Nous savons que les vols dans les magasins d’armes à feu et les résidences constituent un problème. Autrement dit, nous savons que le crime est un problème.

Le maire de Toronto a récemment prôné l’adoption d’un règlement municipal interdisant complètement les armes de poing dans sa ville. Le gouvernement fédéral est en train de consulter les Canadiens au sujet d’une interdiction semblable à l’échelle nationale. Débattons-en plutôt que de nous concentrer uniquement sur les règles suivies par les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois.

Je sais que le projet de loi C-71 est un moyen facile pour les politiciens de dire à la population qu’ils prennent des mesures et interviennent dans le dossier de la violence liée aux gangs, alors que ce n’est pas le cas.

Pourquoi, pour résoudre le problème de la violence commise à l’aide d’armes à feu illégales, nous intéressons-nous seulement aux permis de transport, à la tenue obligatoire de dossiers et à la reclassification de certaines carabines, mesures qui s’appliquent aux propriétaires d’armes à feu légales?

S’agit-il réellement des problèmes les plus graves que causent les armes à feu au Canada? Est-il logique de se concentrer sur les agriculteurs qui transportent leur carabine d’un lopin de terre à un autre alors que, dans nos villes, des gens se font abattre en pleine rue? Peut-on même imaginer que les policiers puissent être en mesure de faire respecter efficacement les mesures proposées, alors qu’ils manquent déjà de ressources?

Selon certaines sources, lorsque des résidants de régions rurales de la Saskatchewan ont composé le 911 pour signaler un crime, on leur aurait dit de verrouiller leurs portes, de trouver un endroit où se cacher et de téléphoner à leur assureur. Accepteriez-vous de tels conseils si votre famille était en danger? C’est inadmissible. Une réponse de ce genre serait tout à fait inacceptable en milieu urbain.

Pourquoi n’étudions-nous pas la possibilité d’augmenter le nombre de policiers, particulièrement dans les régions rurales, ou peut-être d’imposer des peines minimales obligatoires plus sévères lorsqu’un délinquant utilise une arme à feu volée ou illégale pour commettre un crime? Penchons-nous sur les façons de décourager les malfaiteurs.

Chers collègues, les Canadiens qui utilisent des armes légalement font déjà l’objet de vérifications concernant leur santé mentale et leurs antécédents criminels. On propose maintenant d’examiner tous leurs antécédents. C’est possible, mais il faudra des ressources supplémentaires pour y arriver.

Les lois canadiennes contiennent déjà de solides dispositions afin d’empêcher que les armes à feu se retrouvent entre de mauvaises mains. Malgré cela, des malfaiteurs réussiront toujours à contourner le système, quel qu’il soit. Leurs antécédents seront peut-être irréprochables, jusqu’au jour où ils ne le seront plus.

Les magasins tiennent déjà des registres, et la majorité les conserve. La plupart des magasins accepteraient volontiers de les fournir aux forces de l’ordre, et ils le font. Ce ne sont généralement pas les propriétaires légitimes d’armes à feu qui abattent leurs ennemis et des passants innocents dans la rue.

Je sais qu’il s’agit d’une question complexe, mais le projet de loi C-71 s’attaque seulement à une infime partie du problème.

Pour conclure, le projet de loi me préoccupe parce qu’il vise à pénaliser les propriétaires légitimes et certifiés d’armes à feu, surtout ceux qui se servent de leurs carabines comme outils au lieu d’armes. Le problème, ce n’est pas que le fardeau administratif imposé par le projet de loi est impossible à gérer. Plusieurs feront ce qu’il exige. Le problème, c’est que le projet de loi ne contribue guère au problème très réel des criminels en possession d’armes illégales qui tuent des gens dans les rues au Canada. Merci.

L’honorable Mary Coyle : Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu.

De l’année 2000 à l’année 2016, 13 168 Canadiens ont perdu la vie à cause des armes à feu. Cette année seulement, il y a déjà eu 600 morts par arme à feu. C’est un chiffre qui est à la hausse depuis quatre ans.

Chers collègues, nous avons l’habitude de suivre les tendances. Ce n’est pas le genre de tendance que nous voulons avoir à suivre.

Partout au pays, il y a eu un appel à l’action pour renverser cette tendance et réduire le nombre de morts par arme à feu qui menace les membres de nos collectivités.

Le projet de loi C-71 ne réglera pas tous les problèmes qui se posent. La sénatrice Wallin vient d’en parler. Aucun projet de loi ne pourra le faire. Il faudra en faire davantage pour aller à la source du problème de l’augmentation de la violence. Toutefois, le projet de loi C-71 est un premier pas important en vue de réduire le risque qu’une arme à feu tombe entre de mauvaises mains.

[Français]

Mon intention aujourd’hui n’est pas de répéter ce qui a déjà été dit de façon si éloquente par le sénateur Pratte. Je veux simplement ajouter ma voix à celle de mes collègues, en particulier la sénatrice Petitclerc, qui a parlé hier clairement et avec passion en faveur de ce projet de loi. Je veux mettre en lumière l’épidémie de violence commise avec des armes à feu que l’on constate dans notre pays. Plus précisément, je veux attirer votre attention sur quelques éléments que l’on retrouve dans ce projet de loi et que je trouve particulièrement importants, et conclure avec une réflexion pour évaluer où nous en sommes en ce qui concerne la façon dont nous gérons le problème de la violence liée aux armes à feu au Canada.

[Traduction]

Chers collègues, ce projet de loi est très important pour tous les Canadiens, quel que soit l’endroit où ils habitent. La différence, en matière de violence liée aux armes à feu, entre les régions rurales, urbaines, sud et nord, ne doit pas être sous-estimée. Néanmoins, le projet de loi C-71 offre un moyen de plus au gouvernement, de même qu’aux forces de l’ordre, pour lutter contre cette forme de violence. Je crois qu’il est grand temps que nous examinions attentivement la question de la violence liée aux armes à feu et que nous nous engagions à changer de cap. Après tout, c’est une question de vie ou de mort.

(1500)

On estime que, au Canada, en 2016 seulement, 7 100 personnes ont été victimes d’un crime violent lors duquel il y avait une arme à feu, dont 120 en Nouvelle-Écosse.

Entre 2009 et 2017, 345 Néo-Écossais ont été victimes d’un crime violent commis avec une arme à feu par un partenaire intime, un membre de la famille ou un ami. Si nous prenons les chiffres pour l’ensemble du Canada pour la même période, nous parlons de 20 163 personnes victimes d’un crime violent commis avec une arme à feu par une connaissance.

Chers collègues, il est, à vrai dire, tout à fait pertinent que je puisse soulever cette question aujourd’hui, durant les 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe décrétés par l’ONU.

La violence entre partenaires intimes a été le principal type de violence vécue par les femmes au Canada en 2016. Sur les 93 000 victimes de violence par un partenaire intime signalées cette année-là, 79 p. 100 étaient des femmes, et 8 sur 10 avaient été violentées par leur conjoint. Nous savons tous que la présence d’une arme dans la maison peut constituer un facteur supplémentaire d’intimidation et, bien entendu, nous connaissons les conséquences graves, souvent fatales, de l’usage d’un fusil dans un contexte de violence familiale.

Les innombrables histoires que j’ai entendues et lues, au fil des ans, de Néo-Écossais et d’autres Canadiens, de nos jeunes, dont la vie s’est terminée beaucoup trop tôt sont tout aussi troublantes.

Dans la région d’Eastern Passage, Jamie Lee Bishop est mort à 21 ans, victime de coups de feu tirés depuis une voiture. Joseph Cameron n’avait que 20 ans lorsqu’il a été abattu à Dartmouth.

Il y a cependant une histoire qui a particulièrement retenu mon attention. J’aimerais prendre quelques instants aujourd’hui pour vous raconter l’histoire d’un jeune homme qui s’appelle Tyler Richards.

[Français]

Tyler était bien connu à Halifax et dans ma ville d’Antigonish. Ancien membre des Rainmen d’Halifax, Tyler était champion de basketball à l’Université St. Francis Xavier. Il était actif dans sa communauté, où il faisait du bénévolat, par exemple, au centre communautaire de Needham. Il était un héros pour les enfants et les jeunes au parc Mulgrave où il a grandi.

[Traduction]

Cet athlète talentueux et charismatique savait rassembler les gens, un don qu’il a souvent mis à contribution en tant que chef d’un programme pour les jeunes. Son entraîneur de basketball à l’Université St. Francis Xavier, Steve Konchalski, a parlé de lui ainsi : « Il a été un joueur étoile de notre ligue pendant quatre années sur cinq. Ce jeune homme aimait tellement ce sport qu’il apportait un ballon de basketball partout où il allait, y compris à son bal des finissants. Il faisait partie de notre famille, et la perte d’un proche est toujours une tragédie. »

Tyler avait 29 ans lorsqu’il a été tué par balle, le 17 avril 2016; c’était le cinquième homicide commis à Halifax cette année-là. Tyler a laissé dans le deuil les membres de sa famille, y compris sa fille, Niara, et sa collectivité était sous le choc. Après le meurtre de ce Néo-Écossais d’origine africaine, des détails sur ses démêlés avec la justice ont inondé les reportages des médias, et certaines personnes dans la collectivité sont allées jusqu’à dire : « Un voyou de moins, bon débarras. »

Dans un article du journal The Coast, Lezlie Lowe a écrit ceci : « Naricho Clayton a été abattu deux jours après la mort de Tyler Richards, et Daverico Downey, à peine une semaine plus tard. Le corps de Rickey Walker, tué par balle, a été découvert derrière mon ancienne école primaire. Terrance Patrick Izzard a été abattu près de sa résidence d’Halifax, en novembre. Tyler Keizer a aussi été abattu le mois dernier. »

Cette épidémie de violence liée aux armes à feu touche un nombre disproportionné des membres de la communauté afro-canadienne de la Nouvelle-Écosse, ce qui est inacceptable. Ces jeunes hommes ne sont pas superflus. D’où viennent ces armes et que pouvons-nous faire pour éviter qu’elles ne se retrouvent entre de mauvaises mains? Le projet de loi C-71 est une solution parmi toutes celles dont nous aurons besoin pour régler cette crise sociétale.

En plus de la perte de nombreuses jeunes personnes qui sont assassinées par arme à feu, la sénatrice McCallum et le sénateur Cormier ont souligné l’épidémie de suicides dans notre pays. En fait, des 13 168 décès par arme à feu survenus au Canada entre 2000 et 2016, le nombre de suicides s’élève à 9 919, ce qui représente plus de 75 p. 100 des décès par balle.

Les statistiques relatives au suicide dans les collectivités autochtones et dans l’Arctique sont encore plus bouleversantes, et nous les connaissons tous. Au Nunavut, 87,1 p. 100 des décès par arme à feu entre 2000 et 2016 ont été des suicides.

D’un bout à l’autre du pays, le suicide demeure la cause la plus commune de décès par arme à feu, en plus d’être — et c’est important que l’on entende cela — la deuxième cause de décès chez les enfants, les jeunes et les jeunes adultes. La deuxième cause de décès en importance!

Selon Statistique Canada, en 2006, plus de 90 p. 100 des personnes qui se sont enlevé la vie éprouvaient des problèmes de santé mentale au moment de leur décès. Honorables sénateurs, il s’agit d’une statistique liée étroitement au sujet dont nous discutons aujourd’hui.

Que l’on parle de blessures auto-infligées, de violence familiale ou de violence des gangs dans les centres-villes du Canada, les actes de violence commis avec une arme à feu sont à la hausse. Nous devons agir pour redresser la situation.

Chose certaine, il faut soutenir davantage les programmes destinés aux jeunes à risque et les autres initiatives communautaires. Je pense notamment au programme Souls Strong, à Halifax, qui vient en aide aux hommes âgés de 15 à 20 ans de différentes manières, que ce soit pour finir leurs études ou trouver un emploi. De telles initiatives doivent être élargies.

Il faut reconnaître le travail essentiel effectué par les organismes qui soutiennent les personnes fuyant la violence familiale et leur verser les fonds nécessaires.

On doit accorder une plus grande importance aux questions de santé mentale à l’échelle du pays. Il faut notamment une excellente stratégie pour le Nord afin de cibler les causes profondes de la dépression au sein de ces communautés, et un soutien accru pour les travailleurs de la santé, afin qu’ils puissent répondre aux demandes croissantes en matière de services de santé mentale.

[Français]

Néanmoins, nous sommes ici aujourd’hui pour parler du projet de loi C-71, un outil pour gérer la violence commise avec les armes à feu. Permettez-moi de mettre en évidence certains aspects de ce projet de loi qui, je crois, nous permettra de faire un pas dans la bonne direction pour contraindre le problème des armes à feu au Canada.

[Traduction]

À l’heure actuelle, les critères d’admissibilité pour la délivrance d’un permis s’appliquent sur une période de cinq ans. Or, le sénateur Pratte nous a rappelé que, au cours de la dernière décennie, 169 homicides par arme à feu ont été commis par des propriétaires d’armes à feu titulaires d’un permis.

Le projet de loi C-71 vise à supprimer cette limite de cinq ans, qui est prévue au paragraphe 5(2), afin de pouvoir tenir compte de l’historique complet d’une personne qui cherche à obtenir un permis de possession d’armes à feu. Cela signifie qu’un juge ou le contrôleur des armes à feu devra tenir compte de l’historique complet d’un demandeur avant de lui accorder un permis. Une enquête plus approfondie sur le passé d’une personne, y compris sur tout comportement violent ou des antécédents de problèmes de santé mentale, devra désormais être menée.

Par ailleurs, le projet de loi C-71 exigera la vérification du permis de possession d’armes à feu du cessionnaire, lorsqu’une personne veut céder une arme à feu sans restriction. Cela augmente le niveau de responsabilité des personnes qui souhaitent céder ce type d’armes et ajoute une étape en vue de s’assurer que l’échange se fait en toute légalité.

De surcroît, le projet de loi prévoit retirer certaines autorisations automatiques de transporter une arme à feu prohibée et une arme à feu à autorisation restreinte. Les propriétaires de ces types d’armes devront désormais obtenir une autorisation de transport de la part du contrôleur des armes à feu provincial.

Il vaut la peine de répéter que cette disposition ne s’appliquera aucunement au transport des armes à feu sans restriction, comme les fusils de chasse. On pourra continuer de transporter librement ces armes.

Enfin, le projet de loi C-71 exige de l’acheteur qu’il présente son permis au vendeur au moment de l’achat et rétablit la nécessité pour les vendeurs de conserver un registre des ventes des 20 dernières années, afin d’aider les agents des forces de l’ordre lorsqu’ils doivent intervenir dans des situations où une arme a été utilisée.

Durant tout le débat dans cette enceinte, j’ai bien écouté, honorables sénateurs, les préoccupations que vous avez soulevées, et je suis convaincue qu’elles seront étudiées en profondeur par le comité.

Une des préoccupations auxquelles j’ai réfléchi est l’impact possible pour les Canadiens autochtones. À ce sujet, j’ai posé une question au sénateur Pratte au moment de son discours à l’étape de la deuxième lecture. Je suis satisfaite de la réponse que j’avais alors obtenue. J’apprécie également tout le temps qu’il consacre à ce dossier. Je lui avais posé cette question parce que mon voisin, Kerry Prosper, membre du conseil de bande de la Première Nation Mi’kmaq Paq’tnkek et gardien du savoir autochtone à l’Université St. Francis Xavier, m’avait demandé quelles seraient les répercussions du projet de loi C-71 pour les peuples autochtones qui pratiquent la chasse traditionnelle.

(1510)

Depuis que le sénateur Pratte a prononcé ce discours, son équipe a travaillé avec des sénateurs autochtones et rencontré plusieurs groupes autochtones, de même que des fonctionnaires, pour s’assurer que le projet de loi C-71 n’aura pas de répercussions négatives sur les droits des Canadiens autochtones. La question sera sûrement étudiée plus à fond par le comité.

J’estime cependant important de souligner que le comité de la Chambre des communes n’a convoqué aucun groupe représentant les femmes autochtones. J’ose espérer que notre propre comité s’intéressera à leur point de vue.

[Français]

Chers collègues, le projet de loi C-71 ne réglera pas tous les problèmes liés aux armes à feu dans notre pays. Il ne réduira pas le nombre de suicides du jour au lendemain. Il n’éliminera pas instantanément la violence conjugale où les armes à feu jouent un rôle. Il ne mettra pas fin en soi à la violence des gangs de rue. Cela dit, ce projet de loi fait partie de la solution.

[Traduction]

Je suis convaincue que les vérifications plus approfondies des antécédents et les exigences plus strictes en ce qui concerne le transport et la cession des armes à feu, de même que la documentation relative aux armes à feu prévues dans le projet de loi C-71, sont des mesures nécessaires pour réduire la violence liée aux armes à feu au Canada. Pour ces motifs, j’appuie l’objet de ce projet de loi C-71 et j’espère que vous accepterez, avec moi, de le renvoyer au comité rapidement afin que l’on puisse approfondir les sujets de préoccupation soulevés pendant le débat; que l’on puisse fournir aux forces de l’ordre et à la société les outils nécessaires pour faire en sorte que les armes à feu soient utilisées de manière sûre, légale et appropriée; et, surtout, pour protéger les Canadiens de la violence commise au moyen d’armes à feu sous toutes ses formes.

Après tout, la vie est notre cadeau le plus précieux. En tant que sénateurs, il est de notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger nos concitoyens. Merci. Wela’lioq.

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 4 décembre 2018

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 28 novembre 2018, propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 4 décembre 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 28 novembre 2018, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 3 décembre 2018, à 18 heures;

Que les comités sénatoriaux devant se réunir ce jour-là soient autorisés à le faire afin d’étudier des affaires du gouvernement, même si le Sénat siège, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là;

Que le Sénat s’ajourne à la fin des Affaires du gouvernement ce jour-là.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Bellemare propose que, lorsque le Sénat s’ajournera... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

La Loi sur les pêches

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

Consentement ayant été accordé de revenir aux affaires du gouvernement, projets de loi, deuxième lecture, article no 4 :

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Christmas, appuyée par l’honorable sénatrice Deacon (Ontario), tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence.

L’honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence.

J’appuie l’objectif du projet de loi, qui est de protéger le poisson et son habitat pour les générations à venir. Cependant, je me demande si la mesure législative n’imposera pas plutôt des contraintes aux secteurs des ressources et de l’agriculture.

Comme beaucoup de sénateurs le savent, le projet de loi C-68 annule les modifications apportées à la Loi sur les pêches au moyen du projet de loi C-38 en 2012, principalement celles concernant la protection du poisson. Le projet de loi crée de nouveaux pouvoirs ministériels, de nouvelles exigences administratives pour l’approbation des projets, et un nouveau régime pour les réserves d’habitats. Il rend explicite le pouvoir du ministre de maintenir les politiques sur le propriétaire-exploitant et la séparation des flottilles au Québec et au Canada atlantique.

Lorsque le Comité des pêches et des océans de la Chambre des communes a tenu des audiences à propos du projet de loi C-68, il a demandé à plusieurs critiques de la loi de 2012 s’ils pouvaient nommer une espèce de poisson sur laquelle cette loi avait des effets négatifs. Selon le député Bob Sopuck, après moult bafouillages et tergiversations, aucun témoin n’a pu en nommer une. Le gouvernement a affirmé à maintes reprises que la Loi sur les pêches de 2012 adoptée par le gouvernement précédent avait affaibli la protection du poisson au Canada. Si c’est le cas, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas présenté le moindre témoin pour confirmer que cette loi avait une incidence négative, ne serait-ce que sur un seul poisson? De plus, pourquoi le ministère des Pêches et des Océans n’était-il pas en mesure de nommer un seul effet négatif de la loi de 2012?

Des amendements apportés par la Chambre auront des répercussions négatives sur l’industrie et sur les agriculteurs. À titre d’exemple, le projet de loi a été amendé par l’ajout du paragraphe 1(10), qui remplace le paragraphe 2(2) de la Loi sur les pêches par ce qui suit :

Pour l’application de la présente loi, sont assimilés à l’habitat la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit d’eau qui sont nécessaires à la durabilité des écosystèmes d’eau douce ou estuariens de cet habitat.

Autrement dit, tout plan d’eau où pourraient vivre des poissons sera considéré comme un habitat du poisson et il sera assujetti aux exigences, règlements et restrictions correspondants.

J’ai reçu des dizaines et des dizaines de lettres de la part d’intervenants inquiets, qui réclament qu’on annule l’amendement en raison du fardeau inutile qu’entraînera ce changement pour leurs activités.

L’absurdité du paragraphe 2(2) a été soulignée par le député Ed Fast, qui a dit ceci :

À l’époque du régime d’avant 2012, un agriculteur s’est présenté à mon bureau. Il était furieux. Il m’ a dit qu’il venait d’avoir une altercation avec un agent des pêches. L’agriculteur était sur sa propre terre; celle-ci lui appartient. Quelques années plus tôt, il avait creusé un fossé pour drainer l’eau de ses champs afin de pouvoir cultiver la terre et subvenir aux besoins de sa famille. Alors qu’il était sur la ferme en train de nettoyer son fossé, un agent des pêches — armé d’une arme de poing, soit dit en passant — s’est approché de lui sans permission et lui a dit : « Monsieur, ce que vous faites, le nettoyage du fossé, c’est interdit. Cela va nuire aux pêches. » L’agriculteur était vraiment très en colère.

De plus, les producteurs d’énergie partout au Canada se sont dits préoccupés par l’incertitude réglementaire que cause le projet de loi C-68. Ils s’inquiètent du fait que les plans d’eau artificiels, comme les bassins de décantation, les canaux d’alimentation et les fossés de drainage, seraient considérés comme habitat du poisson et que, par conséquent, ils seront punis pour la mort accidentelle de petites quantités de poissons.

Par ailleurs, des représentants de l’industrie s’inquiètent vivement du manque de clarté entourant les projets désignés, le mécanisme qui les concerne et le lien avec le projet de loi C-69.

L’Association minière du Québec a indiqué qu’elle remet en question qu’il soit judicieux d’exiger un nouveau permis pour ces projets désignés alors qu’ils font déjà l’objet de permis et d’autorisations de plusieurs ordres de gouvernement. Au lieu d’exiger un nouveau permis, il conviendrait de coordonner le processus de demande d’autorisation afin qu’on ait seulement à présenter une demande pour l’ensemble du projet.

Plusieurs groupes ont insisté sur le fait que, compte tenu du nombre de questions sans réponse entourant les projets désignés, le mécanisme ne devrait pas entrer en vigueur avant que l’industrie ait eu la chance d’examiner les nouveaux règlements.

(1520)

Comme l’a mentionné l’Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs, actuellement, le mécanisme propre aux projets désignés est formulé de telle façon que les problèmes soulevés et réglés au cours du nouveau processus d’évaluation d’impact puissent être l’objet de nouveaux litiges en raison d’une décision sur la délivrance d’un permis pour un projet désigné au titre de la Loi sur les pêches.

Mesdames et messieurs les sénateurs, encore une fois, le gouvernement instaure un régime de réglementation inutilement lourd et pénible qui retardera davantage l’approbation des projets des grandes sociétés minières, énergétiques et forestières.

Le Canada possède déjà un régime de délivrance de permis rigoureux, alors des couches supplémentaires de bureaucratie n’offrent aucun avantage. Pour ces raisons, j’appuie le renvoi du projet de loi au comité. J’espère que les membres du comité sont prêts à s’occuper de certaines des absurdités qu’il contient, particulièrement au sujet des agriculteurs, et qu’ils comprennent aussi que ce dernier pourrait entraver le développement de projets hydroélectriques — des projets qui n’émettent pas de CO2, en passant — et qu’il y a un lien entre ce projet de loi et le projet de loi C-69. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la stratégie nationale pour la prévention de la violence familiale

Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Manning, appuyée par l’honorable sénateur Smith, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-249, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la prévention de la violence familiale.

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, hier, j’avais commencé à parler des effets néfastes probables du signalement obligatoire des situations de violence familiale. Il est important de tenir compte des répercussions qu’aurait le signalement obligatoire sur les femmes dans les régions rurales. J’ai grandi à la campagne, au Manitoba. Dans les régions rurales, les tribunaux criminels peuvent se trouver très loin, ce qui oblige les victimes à se déplacer et à s’éloigner énormément de leur réseau de soutien et de leur famille.

Nous devons aussi prendre en considération le fait que le signalement obligatoire pourrait effrayer les immigrantes et les réfugiées qui ne connaissent pas le système judiciaire canadien. Ce facteur est particulièrement important parce qu’il se peut que ces femmes n’aient pas un solide réseau de soutien, surtout si elles sont récemment arrivées au Canada.

La liste n’est pas exhaustive. Elle souligne le fait que les effets néfastes du signalement obligatoire l’emportent sur les effets bénéfiques.

Honorables sénateurs, nous devons tenir compte des conséquences concrètes du signalement obligatoire. Le signalement obligatoire signifie que toutes les femmes, peu importe leur situation, seront forcées de se soumettre à un processus contre leur gré. Cette mesure ne respecte pas l’autonomie des femmes. Elle ne reconnaît pas que les femmes sont des adultes compétentes.

Cela soulève une autre question importante. Nous devons tenir compte du droit à la sécurité de la victime, un droit qui est protégé par la Charte, et déterminer dans quelle mesure le signalement obligatoire pourrait compromettre davantage la sécurité des femmes victimes de violence familiale.

Après que leur situation aura été signalée à la police, les femmes se retrouveront, malgré elles, dans le système de justice pénale. Il est relativement facile pour les sénateurs d’adopter une mesure qu’ils estiment sincèrement être une solution simple. Prenons donc un moment pour examiner ce qu’il advient des causes criminelles contre les hommes accusés de violence conjugale.

Les statistiques sont peu encourageantes. Il y a 35 ans, j’ai cofondé le premier organisme de société civile du Canada œuvrant exclusivement dans le domaine de la violence contre les femmes et les enfants. Les statistiques, qui étaient peu encourageantes à l’époque, ne le sont pas davantage aujourd’hui.

En 2015, Statistique Canada a publié un Juristat sur les causes réglées par les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes relatives à la violence entre partenaires intimes. On y signale que 40 p. 100 des causes de violence conjugale ne mènent pas à un verdict de culpabilité. Lorsqu’il y avait une accusation de voies de fait majeures ou d’agression sexuelle, 51 p. 100 des cas de violence conjugale n’ont pas mené à un verdict de culpabilité. Dans l’ensemble, pour les cas d’agression sexuelle dans le contexte de la violence conjugale, 66 p. 100 des cas n’ont pas mené à un verdict de culpabilité.

Honorables sénateurs, compte tenu de tout ce qui se passe dans l’actualité, nous savons que des critères élevés en matière de preuves doivent être satisfaits avant que l’un de ces cas soit porté devant les tribunaux. Ces statistiques ont donc de quoi nous faire réfléchir.

Dans les cas de violence conjugale, la probation est la peine la plus souvent imposée. Seuls 39 p. 100 des cas de violence conjugale mènent à une peine d’emprisonnement. De ces 39 p. 100, la majorité, soit 85 p. 100, mènent à une peine d’emprisonnement de six mois ou moins.

Dans les cas de violence familiale où il y a un verdict de culpabilité et où seulement une accusation est portée, 58 p. 100 des peines d’emprisonnement sont de moins d’un mois.

Il serait logique que le signalement obligatoire entraîne une hausse du nombre d’affaires de violence familiale portées devant les tribunaux. Les faits révèlent que, dans plus de la moitié des cas, l’agresseur n’est pas reconnu coupable. Lorsque l’agresseur est reconnu coupable, il est emprisonné pour une durée maximale de six mois.

Maintenant, penchons-nous sur ce que cela signifie pour les femmes et les enfants.

Qu’arrive-t-il aux femmes et à leurs enfants quand leur agresseur reçoit un verdict de non-culpabilité? Qu’arrive-t-il aux femmes et à leurs enfants quand leur agresseur est mis en liberté sous surveillance? Qu’arrive-t-il aux femmes et à leurs enfants quand leur agresseur finit de purger sa peine d’une durée maximale de six mois?

Ce sont des questions fondamentales, et le projet de loi C-249 n’en traite pas. Il convient de mettre en question une stratégie qui ne tient pas explicitement compte des conséquences pour les victimes.

La sénatrice Hartling a proposé, à juste titre, que nous nous inspirions de l’expérience de l’Australie relativement au signalement obligatoire de la violence familiale. Nous devrions en faire une analyse et une évaluation approfondies afin de mieux élaborer notre propre stratégie.

Toutefois, il est utile de souligner que, en 2017, le vice-président de l’Australian Medical Association of New South Wales a dit ce qui suit :

La situation est déjà extrêmement difficile pour une victime de violence familiale. Il faut veiller à ne pas la compliquer davantage et à ne pas provoquer un sentiment d’impuissance chez une personne en faisant des déclarations sans le consentement de la victime.

Au lieu de privilégier le signalement obligatoire dans le cadre d’une stratégie nationale, nous devons mener de vastes consultations dans l’ensemble du Canada. Elles ont déjà lieu, sous la direction de Condition féminine Canada, pour orienter l’établissement d’une stratégie nationale.

La mise en œuvre d’une initiative fédérale, quelle qu’elle soit, pour lutter contre la violence familiale exigera l’apport des provinces et des territoires. Après tout, la santé, qui est de compétence provinciale, est l’un des piliers permettant de prévenir et de contrer la violence familiale.

Les consultations sont importantes, parce que nous devons chercher à soutenir les refuges pour femmes, les organismes communautaires, les hôpitaux et les cliniques qui travaillent sans relâche à protéger les femmes et les enfants victimes de violence familiale. Elles nous aideront à mieux comprendre l’expérience des femmes, selon une perspective intersectionnelle. Au bout du compte, nous serons en mesure d’établir la stratégie la plus efficace pour prévenir la violence familiale.

Nous devons appuyer les organismes communautaires et les groupes de la société civile qui sont des experts sur cet enjeu. Ils travaillent directement auprès des victimes. Ils comprennent les nuances de la violence familiale.

Nous devons offrir à ces experts la tribune adéquate pour leur permettre de contribuer à la stratégie nationale de prévention de la violence familiale.

Enfin, nous devons reconnaître la valeur des refuges pour les femmes, du personnel hospitalier, des travailleurs sociaux et des survivants pour leur accorder la marge de manœuvre requise. Ils sont des experts et ils sont les mieux placés pour défendre les victimes.

(1530)

En consultant les provinces et d’autres sources, nous pourrons aussi examiner des solutions législatives de rechange au signalement obligatoire. Il faut tirer des leçons des approches législatives qui rendent les femmes plus autonomes. Il faut trouver des mesures qui préviennent ou qui réduisent vraiment la violence familiale. Par exemple, en novembre dernier, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a présenté un projet de loi qui, s’il est adopté, mettra à jour la Labour Standards Act, afin que les victimes de violence familiale puissent bénéficier de congés payés. Il s’agit d’une étape importante, qui répondra à la nécessité de fournir un soutien holistique et intersectionnel aux victimes.

Toujours en novembre dernier, la Saskatchewan a adopté l’Interpersonal Violence Disclosure Protocol Act, aussi appelée la loi de Clare. Cette loi permettra aux agents de police de prévenir les femmes si leur partenaire a des antécédents de comportement violent ou d’agression. La loi de Clare a d’abord été présentée au Royaume-Uni en 2014, après le meurtre de Clare Wood aux mains de son conjoint, qui avait des antécédents de violence. Cette loi reconnaît le droit de savoir et le droit de demander, ce qui, en fin de compte, donne aux femmes les moyens d’exercer leur droit de choisir la façon dont elles réagissent à leur propre situation.

Outre ces solutions législatives de rechange, il faut aussi examiner des façons de mieux adapter l’appareil judiciaire aux besoins des femmes victimes de violence familiale. Pensons, par exemple, au tribunal intégré pour l’instruction des causes de violence familiale de Toronto, qui entend des affaires de cette nature et qui met en œuvre une approche holistique et intégrée.

J’ai commencé mon discours en expliquant qu’il est nécessaire de mettre en place une stratégie de prévention de la violence familiale qui soit ancrée dans des principes protégés par la Charte canadienne des droits et libertés, comme l’égalité, le respect et la démocratie. J’aimerais maintenant conclure en rappelant à tous un autre principe canadien qui est particulièrement important pour nous, parlementaires : la possibilité de faire un véritable choix éclairé.

Pour pouvoir exercer son droit de faire un véritable choix éclairé sur la façon de mener sa vie, chaque Canadien doit pouvoir avoir l’assurance que le système judiciaire, y compris les services de police, les procureurs et les tribunaux, sera là pour lui rendre justice.

Or, dans sa version actuelle, le projet de loi S-249 ne permet pas aux femmes victimes de violence familiale de faire un véritable choix. Dans sa forme actuelle, il prive les femmes du droit de faire un véritable choix éclairé. Pour prévenir la violence familiale, nous devrions avoir pour objectif d’accroître les ressources consacrées à la protection des femmes et de leurs enfants et d’aider les femmes à faire leurs propres choix au lieu de laisser les autres décider pour elles. Merci, meegwetch.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Manning, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.)

[Français]

Projet de loi sur le Jour de l’émancipation

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bernard, appuyée par l’honorable sénateur Forest, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-255, Loi proclamant le Jour de l’émancipation.

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi S-255, Loi proclamant le Jour de l’émancipation, présenté récemment par l’honorable sénatrice Bernard. Dans cette optique, j’aimerais vous entretenir de l’importance de cette mesure législative.

Comme certains de mes honorables collègues se sont prononcés avec éloquence sur le volet historique, je vais me restreindre à un bref rappel pour souligner certains faits.

Pendant près de 400 ans, des millions d’enfants, de femmes et d’hommes africains ont été amenés de force afin d’être exploités en tant qu’esclaves dans les Amériques. Leurs conditions de vie étaient exécrables. Ils ont été forcés de modifier leurs croyances, et ils avaient peu de liberté et de protection légale.

En 1833, plus de 5 000 pétitions réclamant l’abolition de l’esclavage furent déposées au Parlement britannique. Sous la pression populaire de plus d’un million et demi de signatures, le Décret pour l’abolition de l’esclavage reçut la sanction royale le 28 août 1833 et entra en vigueur le 1er août 1834. Vous comprendrez que, puisque les Noirs n’avaient pas voix au chapitre sur le plan démocratique, ils ne pouvaient donc pas être du nombre des pétitionnaires.

Bien que cette législation ait eu pour effet de libérer les esclaves de la plupart des colonies britanniques, il n’en demeurait pas moins qu’il ne s’agissait que d’une liberté très partielle. En effet, les individus âgés de 6 à 60 ans étaient retenus comme apprentis durant 4 à 6 ans. Notons que, au lendemain de leur libération, peu d’options s’offraient aux enfants âgés de moins de 6 ans et aux vieillards de plus de 60 ans. En réfléchissant à ce qui précède, je vous laisse tirer vos propres conclusions.

D’ailleurs, le décret avait également pour objectif de dédommager les propriétaires d’esclaves enregistrés. Au total, 20 millions de livres furent envoyés dans les colonies britanniques, mais rien ne fut proposé aux propriétaires d’esclaves nord-américains. En ce qui a trait aux esclaves, aucune indemnisation n’était prévue pour eux.

Aujourd’hui, des membres des communautés noires et des alliés autochtones et blancs se réunissent vers le 1er août pour célébrer l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques. Ils chantent des cantiques, récitent des poèmes, racontent des histoires et jouent de la musique, le tout dans l’unité et l’harmonie. Dans le même ordre d’idées, l’un des plus grands festivals des Caraïbes en Amérique du Nord, le Caribana, se tient à Toronto le premier lundi du mois d’août de chaque année. Peu de gens connaissent la raison sous-jacente à ces festivités, mais elles visent justement à commémorer le Jour de l’émancipation.

C’est ainsi que si vous demandez à ces mêmes participants de vous parler du premier Noir qui a foulé le sol canadien, je doute qu’ils puissent tous vous donner une réponse précise.

Le nom de l’explorateur Samuel de Champlain se retrouve dans toutes les données historiques. Cependant, celui de son fidèle interprète, Mathieu Da Costa, est très peu mentionné. Pourtant, il est le premier Noir à avoir marqué notre histoire lorsqu’il a posé le pied sur le territoire canadien, en 1608. D’ailleurs, Postes Canada lui a consacré un timbre à l’occasion du Mois de l’histoire des Noirs qui fait référence au cent cinquantenaire du pays.

Dans son livre, A Reflection on 50 Years of Diversity Advocacy: Cultural and Historical Legacy of Black Canadians, le premier sénateur afro-canadien, l’honorable Donald Oliver, écrit ce qui suit :

Les Canadiens noirs ont fait d’inestimables contributions au Canada dans les domaines des arts, de la politique, du service militaire, de l’innovation technologique et des affaires — et tout cela durant une période de l’histoire caractérisée par un racisme omniprésent. Tous ces grands Canadiens n’ont pas simplement enduré, ils ont réussi.

Le 11 novembre dernier, nous avons célébré le jour du Souvenir. Avons-nous pensé à William Neilson Hall? Il a servi à bord du HMS Shannon, à Calcutta, durant la révolte des cipayes, en Inde. Le 16 novembre 1857, il a été le premier Noir, le premier Néo-Écossais et le premier membre de la Marine canadienne à recevoir la Croix de Victoria.

Le hockey est le sport national du Canada. Connaissez-vous le premier joueur noir de la LNH? Je vous donne quelques indices. Il est né à Fredericton en 1935 et il a été recruté chez les As de Québec par les Bruins de Boston. C’est William O’Ree. Le 18 janvier 1958, il joue son premier match de hockey professionnel contre les Canadiens de Montréal. Appelé le « Jackie Robinson du hockey sur glace », il a été intronisé, le 26 juin dernier, au Temple de la renommée du hockey dans la catégorie des bâtisseurs.

Qui est le premier Noir élu à une assemblée législative provinciale? Son nom est Leonard Braithwaite. Le 25 septembre 1963, il est élu député d’Etobicoke. Alors qu’il prend la parole pour la première fois devant l’Assemblée législative de l’Ontario, le député Braithwaite dénonce la Separate Schools Act, qui autorise la ségrégation raciale dans les écoles de la province. Un mois plus tard, Bill Davis, le ministre de l’Éducation et futur premier ministre de l’Ontario, a présenté un projet de loi pour abroger la disposition problématique qui était en vigueur depuis 114 ans.

(1540)

D’ailleurs, Leonard Braithwaite se battait également pour l’égalité des sexes. En 1971, grâce à ses interventions soutenues, les étudiantes réussissent à obtenir le droit de travailler en tant que pages à l’Assemblée législative de l’Ontario. Comme cet emploi était traditionnellement réservé aux étudiants masculins, il s’agissait d’un important progrès pour les droits des femmes.

Qui est la première femme noire élue au Parlement du Canada? Elle s’appelle Jean Augustine. Le 25 octobre 1993, elle devient députée fédérale de la circonscription d’Etobicoke—Lakeshore, en Ontario. En 1995, elle présente à la Chambre des communes une motion adoptée à l’unanimité, afin de faire reconnaître le mois de février comme Mois de l’histoire des Noirs. La motion proposait ce qui suit :

Que cette Chambre prenne note de l’importante contribution de la population noire canadienne à l’établissement, à la croissance et à l’essor du Canada, de la diversité de la communauté noire au Canada et de son importance dans l’histoire du pays [...]

Durant sa carrière politique, la députée Augustine occupe la fonction de secrétaire parlementaire du très honorable Jean Chrétien. À ce titre, elle devient la porte-parole de l’ancien premier ministre lors de ses absences aux réunions de comités, de ses rencontres internationales et devant le Parlement.

Vous avez maintenant tout ce qu’il faut pour faire un jeu-questionnaire avec vos proches et vos amis. Vous partagerez avec eux, dans un climat de détente, une partie assez méconnue de l’histoire canadienne.

Honorables collègues, quelle que soit notre communauté d’appartenance, nous devrions tous être très fiers de ce que les hommes et les femmes issus des communautés noires ont accompli pour l’édification de notre pays. Malheureusement, c’est avec désolation que je me demande pourquoi l’histoire de ces Canadiens n’est pas enseignée dans nos écoles. Pourquoi jeunes et moins jeunes n’ont-ils pas la moindre idée des réalisations des Afro-Canadiens?

À cet accablant manque de repères s’ajoute l’un des plus grands fléaux des temps modernes, soit le profilage racial. Il s’ensuit une aliénation et une érosion du sentiment d’appartenance. Comme le précise la Commission ontarienne des droits de la personne :

Un autre effet du profilage racial est de provoquer des dissensions au sein de la communauté ou une réticence à s’identifier à cette communauté.

D’ailleurs, cette institution confirme qu’un grand nombre de personnes qui s’identifient comme étant Blancs ressentent un sentiment de malaise face au profilage racial et pensent que « […] cette façon de procéder ne concorde pas avec les valeurs que prône le Canada […] ».

Collectivement, nous pouvons remédier à cette préjudiciable situation en prenant les actions nécessaires. Cela m’amène à glisser quelques mots sur la résolution 68/237 adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies le 23 décembre 2013. Il a été décidé que la décennie allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2024 serait la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine. L’un des objectifs de cette initiative est de promouvoir une meilleure connaissance et un plus grand respect de la diversité du patrimoine, de la culture et de la contribution des personnes d’ascendance africaine.

Ainsi, à l’échelle nationale, les États doivent prendre des mesures concrètes et pratiques en adoptant et en appliquant des cadres juridiques, des politiques et des programmes afin de lutter contre le racisme et la discrimination raciale.

Pour ce faire, le programme d’activités approuvé par l’Assemblée générale de l’ONU doit être mis en place par les États membres. Comme le propose la stratégie sous-jacente à l’intervention d’envergure internationale, il faut notamment miser sur la recherche et l’enseignement pour encourager la pleine intégration des réalisations des Afro-Canadiens dans les programmes scolaires. Plus précisément, les États doivent veiller à ce que les manuels scolaires et les autres supports pédagogiques relatent exactement les faits historiques. Ainsi, il ne faut en aucun cas écarter les tragédies et exactions passées qui se rapportent à la traite des esclaves. Ces simples mesures éviteront les distorsions qui peuvent conduire à la discrimination raciale, à la xénophobie et à l’intolérance.

Toutes les raisons énumérées précédemment démontrent la pertinence de commémorer le Jour de l’émancipation. Cette journée sera l’occasion d’éveiller la conscience nationale et de raviver notre mémoire collective afin de passer à des actions concrètes.

Ce qui se rattache à la participation des Afro-Canadiens dans le développement de notre pays ne doit pas être disjoint de l’ensemble de nos réalisations collectives. C’est l’histoire du Canada. C’est notre histoire.

Célébrer le Jour de l’émancipation réaffirmera l’engagement que le Canada a pris sur la scène internationale. Honorables sénatrices, honorables sénateurs, appuyons le projet de loi S-255 pour redécouvrir notre passé, comprendre notre présent et construire ensemble un meilleur avenir pour tous les Canadiens. Merci.

Des voix : Bravo!

(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi relative à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Pratte, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je prends la parole en tant que parrain du projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Je commencerai mon discours en reconnaissant que nous sommes réunis sur les territoires non cédés de la nation Kitigan Zibi Anishinabeg et de la nation Pikwàkanagàn, qui sont les gardiens traditionnels de ces terres. Je souhaite que le Sénat débute un jour ses délibérations quotidiennes avec une reconnaissance semblable.

La déclaration des Nations Unies est un instrument international portant sur les droits de la personne. Elle décrit les droits individuels et collectifs des peuples autochtones du monde entier. Elle offre des conseils aux États-nations sur l’établissement de relations de collaboration avec les peuples autochtones. Elle confirme les droits liés à la culture, l’identité, la croyance spirituelle et la langue des peuples autochtones, ainsi que leur droit à la santé et l’éducation, en plus de leur droit d’établir et de gérer leurs propres communautés.

Le projet de loi dont nous sommes saisis demande au gouvernement du Canada, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones du Canada, de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les lois du Canada soient conformes à la déclaration. Il exige que le gouvernement collabore avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis pour élaborer des stratégies et un plan d’action national, ainsi que des mesures concrètes pour atteindre ses objectifs.

Le projet de loi demande au gouvernement de se servir de la déclaration pour rétablir des relations fondées sur le respect et la collaboration entre la population canadienne et les peuples autochtones, conformément à l’engagement pris par la Couronne dans la Proclamation royale de 1763 et aux traités conclus avec les nations autochtones.

Pourquoi ce projet de loi est-il nécessaire? Le Canada a toujours eu l’obligation légale d’obtenir le consentement des peuples autochtones pour l’utilisation et l’appropriation de leurs terres. Cette obligation a été reconnue officiellement dans la Proclamation royale de 1763. Puis, elle a été acceptée par les peuples d’Amérique du Nord dans le cadre du Traité de Niagara de 1764. En tout, plus de 3 800 chefs et dirigeants autochtones s’étaient déplacés pour assister à la proclamation de ce traité. C’est dans ce dernier qu’on a convenu de la nature de l’obligation de la Couronne sur laquelle les Autochtones se sont basés pour interpréter tous les traités qui ont suivi, y compris les traités du lac Supérieur et du lac Huron, ainsi que les traités numérotés signés après la Confédération.

Par ailleurs, quand le Canada a été autorisé à étendre son territoire vers l’Ouest, il a été légalement tenu par le décret transférant la Terre de Rupert au Dominion du Canada de conclure d’abord des traités avec les Autochtones qui occupaient des territoires dans la région avant d’étendre la souveraineté canadienne. Le Canada doit non seulement consulter les Autochtones, mais il doit aussi obtenir leur consentement avant de modifier un traité ou d’affirmer la souveraineté du Canada sur un territoire autochtone non cédé. Par conséquent, les territoires visés par les traités et les territoires traditionnels non couverts par un traité sont protégés par les lois canadiennes.

(1550)

L’histoire et l’héritage des pensionnats indiens, et ce qui s’y est passé, découlent de la promulgation, de l’imposition et de l’utilisation de lois pour éviter de s’acquitter d’obligations légales envers les Autochtones.

Les Autochtones voulaient devenir des partenaires égaux dans la nouvelle relation qui se développait au Canada. L’éducation était un moyen d’y parvenir. La création d’écoles a donc été négociée dans tous les traités signés après la Confédération. Ces écoles devaient être construites dans les réserves de chaque nation des Premières Nations. Toutefois, cet accord a été brisé et les peuples autochtones ont été étiquetés comme non civilisés et socialement, culturellement et intellectuellement inférieurs pour justifier les mesures prises par le gouvernement.

Sir John A. Macdonald, à l’autre endroit, a dit ce qui suit en 1883:

Lorsque l’école est sur la réserve, l’enfant vit avec ses parents, qui sont sauvages; il est entouré de sauvages, et bien qu’il puisse apprendre à lire et écrire, ses habitudes, son éducation domestique et ses façons de penser, restent celles des sauvages. En un mot, c’est un sauvage capable de lire et d’écrire [...] [Il faut] soustraire autant que possible les enfants sauvages à l’influence de leurs parents. Or, le seul moyen d’y réussir serai[t] de placer ces enfants dans des écoles industrielles centrales, où ils adopteraient les habitudes et les façons de penser des blancs.

Dans le sommaire du rapport de la Commission de vérité et réconciliation, on trouve une introduction qui résume ce que les peuples autochtones ont subi. Cela met en contexte l’importance de la déclaration de l’ONU pour le Canada. L’introduction se lit comme suit :

Pendant plus d’un siècle, les objectifs centraux de la politique indienne du Canada étaient les suivants : éliminer les gouvernements autochtones, ignorer les droits des Autochtones, mettre fin aux traités conclus et, au moyen d’un processus d’assimilation, faire en sorte que les peuples autochtones cessent d’exister en tant qu’entités légales, sociales, culturelles, religieuses et raciales au Canada. L’établissement et le fonctionnement des pensionnats ont été un élément central de cette politique, que l’on pourrait qualifier de « génocide culturel ».

Un génocide culturel est la destruction des structures et des pratiques qui permettent au groupe de continuer à vivre en tant que groupe. Les États qui s’engagent dans un génocide culturel visant à détruire les institutions politiques et sociales du groupe ciblé. Des terres sont expropriées et des populations sont transférées de force et leurs déplacements sont limités. Des langues sont interdites. Des chefs spirituels sont persécutés, des pratiques spirituelles sont interdites et des objets ayant une valeur spirituelle sont confisqués et détruits [...] des familles à qui on a empêché de transmettre leurs valeurs culturelles et leur identité d’une génération à la suivante.

Dans ses rapports avec les peuples autochtones, le Canada a fait tout cela.

La notion de génocide est utilisée de plus en plus souvent pour analyser les buts et les effets de l’histoire législative du Canada, notamment dans le contexte des pensionnats et des peuples autochtones. La Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide interdit le génocide en ces termes :

Article II

Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes ci-après, commis dans l’intention de détruire, ou tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel :

a) Meurtre de membres du groupe;

b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe;

c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;

d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe.

En 1946, les Nations Unies ont adopté une résolution déclarant que le génocide était un crime contre l’humanité. La Convention de l’ONU pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée en 1948, est entrée en vigueur en 1951. Le gouvernement du Canada l’a ratifiée en 1952. Ce n’est toutefois qu’au milieu des années 1970 qu’il a adopté la mesure législative nécessaire à la mise en œuvre des dispositions de la convention.

Certains aspects de l’histoire de la rédaction de la convention figurent dans les interprétations subséquentes de quelques-uns de ses dispositions. La définition de génocide prévue à l’article II est une version grandement réduite du texte initialement préparé par des experts de l’ONU, qui avaient divisé le génocide en trois catégories : physique, biologique et culturel. Le sixième comité a voté en faveur de l’exclusion du génocide culturel de la portée de la convention, bien qu’il ait accepté par la suite d’inclure une exception à la règle générale pour continuer à définir le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre comme un acte punissable.

Certaines personnes ne considèrent pas le génocide culturel comme un véritable génocide ou le considèrent comme un genre de « génocide édulcoré ». Cela ne devrait toutefois pas être perçu comme une banalisation ou une minimisation des événements qui sont survenus et des expériences vécues par les victimes. Rafael Lemkin a souligné dans ses écrits sur le génocide que, lorsqu’un acte interdit est commis dans le but de détruire l’existence raciale distinctive d’un groupe, il s’agit alors d’un génocide. L’extermination physique n’est pas une caractéristique essentielle de la convention.

Les deux dernières sections de la Convention des Nations Unies sur le génocide — l’entrave des naissances et le transfert forcé d’enfants — présument d’ailleurs la poursuite de l’existence physique des membres du groupe tout en indiquant clairement les répercussions de ces actes sur l’existence du groupe à titre de groupe distinct.

Tout donne lieu de croire que la politique du gouvernement visait à éliminer la population autochtone en tant que race humaine distincte en la brimant dans ses droits, en éradiquant ses cultures et ses langues distinctives et en la retirant de ses territoires ancestraux. Le fait que le gouvernement du Canada ait procédé par voie législative ne diminue pas les conséquences ainsi engendrées.

La Commission de vérité et réconciliation a conclu que, du fait de son intention et des mesures prises pour y donner suite, le gouvernement du Canada a appliqué une politique de génocide par destruction de la culture. Maintenant, les survivants de cette expérience demandent à la société de faire le nécessaire pour les aider à se remettre de ce long et terrible passé. Honorables sénateurs, sommes-nous prêts à intervenir en ce sens?

En cette ère de réconciliation, le temps est venu de réparer les torts qui ont été causés. Le projet de loi aidera à défaire ces lois qui perpétuent encore le passé et il jette les jalons d’une collaboration en vue de remédier aux conséquences de la destruction qu’elles ont causée.

La Commission de vérité et réconciliation a déterminé que la déclaration de l’ONU constitue un outil essentiel au processus de réconciliation, parce qu’elle fournit les principes et les normes nécessaires à la réconciliation. D’ailleurs, dans son rapport, son premier appel à l’action dans le chapitre consacré à la réconciliation, soit l’appel à l’action no 43, consiste à adopter et à mettre en œuvre la déclaration de l’ONU.

L’appel à l’action no 44 demande au gouvernement du Canada d’élaborer un plan d’action et des stratégies de portée nationale de même que d’autres mesures concrètes pour atteindre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Nous voici donc avec ce projet de loi au Sénat, qui commence à jeter les bases des changements nécessaires.

La déclaration des Nations Unies s’appuie sur une contribution importante et sans précédent de voix autochtones ayant activement participé à son élaboration. Au Canada, des spécialistes et des universitaires comme Paul Joffe et John Burrows ont qualifié la déclaration :

[d’]instrument de réconciliation et [de] cadre permettant aux Canadiens de réparer les terribles préjudices causés aux Autochtones au cours de l’histoire du Canada.

Le 13 septembre 2007, après 25 ans de négociations et de débats officiels, la déclaration a été adoptée par 143 pays à l’Assemblée générale des Nations Unies. Pour de nombreux peuples autochtones du monde, ce fut un tournant majeur dans la reconnaissance et la protection de leurs droits.

Le gouvernement appuie la mise en œuvre de la déclaration des Nations Unies. En novembre 2010, le premier ministre Harper a publié une déclaration appuyant les principes de la déclaration des Nations Unies en tant que principes ambitieux. En novembre 2015, dans les lettres de mandat, le premier ministre Trudeau a demandé aux ministres de mettre en œuvre la déclaration. En mai 2016, la ministre des Affaires autochtones a annoncé aux Nations Unies que le Canada appuyait pleinement, et sans réserve, la déclaration.

Cette mesure législative a reçu l’appui d’un large éventail d’intervenants, dont des gouvernements autochtones, des organisations et des universitaires comme Amnistie internationale et KAIROS, qui est une coalition d’églises et d’organisations religieuses qui travaillent ensemble pour la justice écologique et les droits de la personne. Les membres de ce groupe se sont rassemblés pour créer la Coalition pour les droits des peuples autochtones. Ce projet de loi a également obtenu le soutien de députés à la Chambre des communes.

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Quatorze organismes religieux et groupes confessionnels se sont prononcés publiquement en faveur de la déclaration. Parmi eux figurent l’Église anglicane du Canada, l’Église presbytérienne au Canada, l’Église Unie du Canada, la Conférence des évêques catholiques du Canada et les quakers.

Honorables sénateurs, l’année 2017 marquait le 10e anniversaire de la déclaration des Nations Unies. La Colombie-Britannique s’est engagée à mettre cette déclaration en œuvre en partenariat avec les peuples autochtones, parlant d’un « moment charnière dans la province et dans le pays ». Dans le cadre de cette démarche, tous les ministres de la province doivent examiner les politiques, les programmes et les lois pour voir comment mettre en application les principes de la déclaration. L’Alberta s’est également engagée à la mettre en œuvre.

Le principal organe de lutte contre le racisme de l’ONU, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, a exhorté le Canada à adopter un cadre législatif conforme aux dispositions de la déclaration.

La mise en œuvre de la déclaration au moyen de cette mesure législative est fondamentalement nécessaire.

Premièrement, cette dernière établit un cadre législatif pour une démarche nationale de réconciliation qui viendrait harmoniser les lois fédérales avec les principes de la déclaration.

Deuxièmement, le projet de loi répond à l’engagement pris par le gouvernement de donner suite aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada et à la priorité indiquée dans la lettre de mandat du premier ministre à la ministre des Services aux Autochtones de mettre en œuvre la déclaration en jouant un rôle actif pour permettre l’exercice de ces droits.

Troisièmement, il prévoit la création d’un plan d’action national.

Enfin, il demande la production de rapports annuels sur les progrès réalisés.

En dépit du fait que les Autochtones ont des droits inhérents protégés par la Constitution, le Canada tarde à reconnaître les nations autochtones et leurs systèmes juridiques comme étant des sources de droit de valeur comparable. Depuis longtemps, le Canada estime tout savoir mieux que quiconque, et il exerce son pouvoir législatif en conséquence. Les Autochtones du monde entier ont longtemps été colonisés par d’autres qui avaient une idée de ce qu’était leur intérêt supérieur, mais il faut désormais reconnaître leur capacité à se gouverner eux-mêmes. Ce projet de loi veillera à ce que la relation et le cadre que nous développerons à l’avenir reflètent la reconnaissance du droit des Autochtones à l’autodétermination. Je le répète, ce projet de loi ne vise pas à mettre en œuvre la déclaration en tant que telle; il vise à reconnaître les principes qu’elle contient comme étant le cadre à respecter pour bâtir notre nouvelle relation.

L’application de lois approuvées et adoptées par les sénateurs qui nous ont précédés, entre autres, a imposé de lourdes conséquences durables aux peuples autochtones. Ces mesures sanctionnées par l’État incluent le vol de territoires, les réinstallations forcées et la création des réserves sur certaines des parcelles de terrain les plus pauvres du Canada. Ce système a exigé pendant 60 ans que les Autochtones obtiennent une autorisation écrite de l’agent local des Indiens pour pouvoir quitter leur territoire. Une politique de la famine a été utilisée pour dégager les Prairies en vue du passage du réseau ferroviaire national. Les pensionnats autochtones ont séparé de force les enfants de leur famille et de leur communauté, les dépouillant de leur langue et de leur culture. Des femmes autochtones ont été stérilisées de force. Ce système a aussi donné lieu à la rafle des années 1960, où des enfants ont été enlevés pour être élevés ou adoptés par des familles non autochtones, souvent dans d’autres régions du monde. Il y a aussi l’actuel système d’aide à l’enfance : dans ma province, le Manitoba, les Autochtones représentent en ce moment 70 p. 100 des enfants confiés aux soins de l’État.

Lorsque le Sénat est saisi d’un projet de loi, nous avons, en tant que parlementaires, l’obligation d’assurer qu’il respecte les droits fondamentaux garantis par la Constitution, y compris les droits des Autochtones. Une omission à cet égard serait tout simplement trop lourde de conséquences. L’époque où les États pouvaient faire fi impunément des normes internationales est révolue depuis longtemps. Cela ne veut pas dire que les États n’essaieront plus d’opprimer les peuples autochtones qui vivent sur leur territoire, mais plutôt qu’ils ne le feront plus sans qu’il y ait de répercussions. Par exemple, les preuves s’accumulent concernant le fait que le nouveau président du Brésil, M. Bolsonaro, bafoue les droits des peuples indigènes des terres traditionnelles de l’Amazonie, et va même jusqu’à commettre des actes qui tiendraient carrément du génocide, afin de favoriser la réalisation de projets de développement économique.

Les répercussions se font aussi sentir dans le pays. En effet, il y a un prix à payer, tant pour les collectivités que pour le gouvernement, lorsque les tribunaux rectifient une situation qui porte atteinte aux droits des Autochtones.

Les tribunaux du Canada sont tout à fait disposés à tenir le gouvernement et ses institutions responsables à cet égard. Par exemple, l’approbation du projet Trans Mountain a fait l’objet d’une contestation en cour. En août dernier, les tribunaux ont conclu que le gouvernement fédéral n’avait pas mené de consultations adéquates auprès des Autochtones. Dans sa décision, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

La Couronne doit être disposée à modifier ses actions sur le fondement des renseignements et des avis issus des consultations.

L’obligation du Canada ne se résumait pas à écouter passivement les réelles préoccupations des demandeurs autochtones.

Pendant des dizaines d’années, nombre de rapports et de décisions des tribunaux ont établi que la façon dont le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux traitaient auparavant les peuples autochtones ne fonctionne pas. Cette approche a été jugée inefficace.

Le 29 mai 2018, le vérificateur général du Canada a publié un rapport qui critique l’incapacité du gouvernement fédéral à améliorer la vie des peuples autochtones du pays. Le vérificateur général a parlé d’un « échec incompréhensible » lorsqu’il s’agit de combler l’écart entre la qualité de vie des peuples autochtones et celle des autres Canadiens.

Cela démontre la nécessité de changer la façon dont le Canada prend des décisions qui touchent la vie des peuples autochtones, et ce, de manière à ce que les Autochtones participent activement au processus décisionnel. Le Canada ne devrait plus se sentir obligé de « traiter » avec les peuples autochtones du pays. Il doit plutôt engager un dialogue sans être en position d’autorité par rapport à l’autre partie. Les peuples autochtones veulent être les maîtres de leur propre destinée, et ils en ont le droit.

En tant que sénateurs, nous avons la responsabilité de mettre un terme à ces politiques et à ces lois destructrices du passé. Maintenant, nous avons peut-être la meilleure occasion d’adopter une approche fondée sur la reconnaissance des droits plutôt que sur leur négation. Voilà un signe que nous comprenons maintenant que, pour bâtir une relation respectueuse, il faut démanteler les politiques et la culture bureaucratique vieilles de plusieurs siècles qui, trop souvent, ont donné lieu à des stratégies et à des programmes basés sur des principes d’assimilation voués à l’échec.

Lorsque la déclaration a été adoptée, Victoria Tauli-Corpuz, présidente de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, a dit ceci :

La mise en place efficace de la déclaration constituera la mise à l’épreuve de l’engagement des États membres et de toute la communauté internationale de respecter, protéger et réaliser les droits humains individuels et collectifs des peuples autochtones. Je fais appel aux gouvernements, au système des Nations Unies, aux peuples autochtones et à la société civile en général pour que tous prennent part à cette tâche historique qui nous attend et fassent de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones un document vivant pour l’avenir commun de l’humanité.

Ce projet de loi marque un moment décisif pour le Canada. C’est une façon tangible et concrète pour le Canada de montrer qu’il est déterminé à bâtir une nouvelle relation avec les peuples autochtones. Les efforts que nous déployons pour vivre ensemble comptent pour beaucoup.

Honorables collègues, que retiendra l’histoire de votre contribution à cette nouvelle relation? Comment contribuerez-vous à faire du Canada le genre de pays que nous avons toujours voulu qu’il soit?

Meegwetch. Merci.

L’honorable Scott Tannas : Le sénateur acceptera-t-il de répondre à une question?

Le sénateur Sinclair : Absolument, sénateur.

Le sénateur Tannas : Sénateur Sinclair, tout d’abord, je tiens à vous féliciter d’avoir parrainé ce projet de loi et du discours que vous avez prononcé aujourd’hui. À mon avis, personne au Sénat ni ailleurs au pays n’est plus qualifié que vous pour parler de cette question, compte tenu de tout ce que vous avez fait pour notre pays et tout au long de votre carrière, avant que vous joigniez la Commission de vérité et réconciliation.

Le projet de loi à un poids symbolique très important pour la réconciliation. Il est également important en raison de ses répercussions possibles. C’est à ce propos que je veux vous poser une question, plus précisément au sujet de l’article 32, qui retient l’attention de tout le monde. Cela porte sur le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

(1610)

Comme vous le savez, je siège au Comité des peuples autochtones. Je crois que j’ai entendu de nombreux leaders autochtones dire que l’article 32, dans les faits, représente un droit de veto, certes, une fois que des consultations suffisantes ont été menées en accordant aux parties des ressources adéquates et ainsi de suite, mais néanmoins un droit de veto.

Parallèlement à cela, j’ai entendu de la ministre et du gouvernement — et, en fait, si vous consultez certains documents de l’ONU, on y explique en détail que ce n’est pas un veto —, qu’il s’agit d’une participation et d’une consultation en bonne et due forme dans le cadre desquelles on fournit aux deux côtés des ressources adéquates.

Quelle est votre opinion à ce sujet?

Le sénateur Sinclair : Je vous remercie, sénateur, de votre question. Je ne pensais pas qu’on me poserait une question là-dessus. Je n’ai rien préparé à cet effet, alors je vais répondre spontanément.

Il n’y a aucun doute que cette question est au premier plan non seulement des préoccupations du gouvernement, mais aussi des Canadiens, surtout dans l’Ouest, en ce qui a trait à l’exploitation des ressources. Elle a été soulevée dans le contexte des discussions sur l’acheminement des ressources et les oléoducs.

Voici ce que j’en pense. Tout d’abord, je pense que le comité saisi du projet de loi devra convoquer des témoins experts, non seulement pour étudier le libellé et bien comprendre ce qu’il signifie, mais également pour analyser l’intention de la déclaration, car, comme je l’ai dit pendant mon intervention, il a fallu 24 ans avant que les Nations Unies approuvent le texte. C’est notamment parce que l’ONU s’est efforcée de choisir un libellé qui ferait consensus. Je puis vous assurer que cette formulation précise a été débattue très soigneusement. Le témoignage de personnes qui ont participé au débat à ce sujet sera très utile au comité qui étudiera le projet de loi.

Voici ce que j’en pense. De plus en plus souvent, la jurisprudence canadienne précise très clairement que le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, n’équivaut pas à un veto. En droit, le veto est un concept différent de l’obtention d’un consentement. Toutefois, j’aimerais revenir sur ce que j’ai dit plus tôt dans mon discours. Je voudrais faire une analogie avec votre propre situation. Si vous êtes propriétaire d’un territoire ou si une nation demande au Canada la permission de mener une activité donnée sur un territoire qui relève de sa compétence, le Canada est-il habilité à dire non? Oui, il peut le faire. Il est habilité à dire non parce qu’il conserve des éléments de souveraineté sur son territoire. Toutefois, va-t-il toujours dire non simplement parce qu’il a le droit de le faire? Probablement pas, parce que, dans toutes les situations mettant en cause les droits territoriaux, comme dans le cadre de projets d’exploitation de ressources, il faut tenir des négociations, des discussions et un dialogue avec les collectivités touchées, comme c’est le cas dans le processus de négociation des traités. En fin de compte, il faut définir les intérêts des Premières Nations, des Métis ou des Inuits et déterminer comment le gouvernement — ou, selon le cas, l’entreprise de développement — va répondre à ces intérêts pour pouvoir aller de l’avant.

Je crois que c’était là l’objet de la référence au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Elle vise à assurer la prise en considération des intérêts des peuples autochtones. C’est pourquoi, dans la décision qu’elle a rendue sur le projet d’expansion du réseau Trans Mountain, la Cour fédérale du Canada a vivement critiqué le gouvernement, parce qu’il n’a pas écouté ce qu’on lui a dit et qu’il n’a déployé aucun effort pour faire ce qu’on lui avait demandé lors des consultations qu’il a menées. C’est aussi pourquoi il doit tout reprendre à zéro. Dans le cadre de la nouvelle évaluation, le gouvernement s’efforcera probablement davantage de tenir compte des intérêts des personnes touchées par ce projet, et le projet sera donc plus susceptible d’être approuvé.

Pour répondre brièvement à la question du sénateur, le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause n’équivaut pas à un veto, et nous devons le comprendre. Le droit de veto a davantage tendance à être exercé de manière déraisonnable. Dans au moins deux de ses décisions, notamment dans l’affaire de la nation Tsilhqot’in, la Cour suprême du Canada a précisé que lorsque des accommodements ont été proposés et qu’ils semblent raisonnables, si cette offre continue d’être refusée, il pourrait être possible pour le gouvernement d’exercer sa souveraineté et son pouvoir décisionnel.

Jusqu’à maintenant, cela n’est pas arrivé. On peut évidemment s’attendre à ce que des gens ne soient pas satisfaits. Il ne faut pas voir là une réduction de la capacité du Canada à exercer sa souveraineté, car le droit de donner son consentement est protégé par la Constitution. Je crois qu’il faudra voir. Je pense qu’il faudra de longues délibérations, notamment au comité, afin de savoir ce que les experts qui ont produit ce libellé avaient à dire à ce sujet lorsqu’ils l’ont produit.

J’ai lu plusieurs des mémoires et je trouve cela intéressant. Je peux affirmer avec assez de confiance que le veto et le droit de donner son consentement sont deux choses différentes.

Le sénateur Tannas : Merci. J’apprécie votre réponse. Je crains que l’ensemble du document, aussi percutant qu’il soit, ne se perde dans la colère qu’il suscitera. Sa lecture sera aride pour beaucoup de monde, mais la majorité des Canadiens seront irrités par les termes employés et la compréhension qu’ils en auront.

Croyez-vous qu’il serait utile pour le comité qui étudiera ce projet de loi de, peut-être, proposer un amendement ou faire un commentaire venant appuyer ce que vous venez de dire, de façon à rassurer les Canadiens et à les aider à se concentrer sur le reste du document et sur les mesures qu’il prévoit au lieu de laisser la peur les guider au sujet de ce qui pourrait être, comme vous l’avez dit, un instrument de réconciliation important?

Le sénateur Sinclair : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je tiens tout d’abord à rappeler que le projet de loi ne dit pas avoir pour objectif la mise en œuvre de la déclaration. Il s’agit plutôt de demander au Canada d’analyser les lois en vigueur pour repérer celles qui ne sont pas compatibles avec la déclaration. C’est le principal objectif du projet de loi.

Je crois qu’il s’agit d’un exercice auquel le gouvernement fédéral et les provinces devront se prêter. Ils devront examiner leurs lois, repérer les éléments qui vont à l’encontre de la déclaration, et entreprendre un dialogue sur la réconciliation en utilisant la déclaration pour guider cette discussion.

D’ailleurs, l’appel à l’action inclus dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation recommande que les parties mettent en œuvre la déclaration de l’ONU en tant que cadre de réconciliation, et non dans le simple but de modifier automatiquement les lois qui entrent en contradiction avec la déclaration.

On prévoit toujours qu’il y aura un dialogue pour déterminer quelles lois seront touchées. L’essentiel, je crois, c’est que le projet de loi à l’étude ne demande pas nécessairement de changer ce point vue. Il faudra peut-être y repenser quand nous serons saisis de la déclaration elle-même et du contenu du rapport. Il m’apparaît improbable que le gouvernement du Canada se contente d’adopter une loi déclarant que la déclaration de l’ONU est maintenant une loi du Canada. Cela m’étonnerait, surtout parce que la déclaration a des incidences non seulement sur les lois fédérales, mais aussi sur les lois provinciales. Et chaque entité provinciale devra respecter les lois de la province.

(1620)

Je ne vois pas le jour où une telle chose se produira. Je crois qu’il faut discuter du contenu du rapport du comité. Selon moi, les observations du comité, qui sont fondées sur les témoignages entendus, nous aideront à déterminer ce que nous dirons à l’autre endroit en ce qui a trait aux avantages et aux limites du projet de loi. Merci.

L’honorable Serge Joyal : Le sénateur accepterait-il de répondre à d’autres questions?

Le sénateur Sinclair : Volontiers.

Le sénateur Joyal : J’ai écouté attentivement votre réponse à la question du sénateur Tannas. Selon vous, est-ce que la déclaration des Nations Unies est compatible avec les 10 principes publiés à l’été 2017 par la ministre des Affaires autochtones et des Affaires du Nord, qui régissent désormais les décisions de la ministre et l’exercice de ses responsabilités au nom du gouvernement du Canada? Autrement dit, les deux documents sont-ils totalement complémentaires? Se contredisent-ils quant à l’interprétation des divers principes contenus dans l’énoncé de politique du gouvernement du Canada?

Comme l’énoncé des 10 principes n’a pas force de loi et n’a pas été reconnu par la loi, il peut être modifié au gré du gouvernement. La déclaration des Nations Unies pourrait être adoptée et avoir force de loi si le Sénat en décide ainsi. Dans une telle éventualité, un document aurait préséance sur l’autre.

Sénateur, quel est votre point de vue sur la conciliation des deux documents?

Le sénateur Sinclair : J’ai l’impression d’être un témoin qui comparaît à une audience de comité.

Je remercie le sénateur de sa question. Je pense qu’elle est très importante.

Permettez-moi d’abord de dire que je n’estime pas que la déclaration des Nations Unies est conforme aux 10 principes. J’estime toutefois que les 10 principes sont conformes à la déclaration des Nations Unies. Je suis de cet avis parce que les 10 principes ne comportent pas tout ce que la déclaration des Nations Unies comporte. Il y a des éléments dans la déclaration des Nations Unies qui ne sont pas couverts dans les 10 principes énoncés par le gouvernement.

Cependant, ces 10 principes représentent une première étape importante pour le gouvernement dans son dialogue avec les dirigeants autochtones sur les façons de procéder. Je suis préoccupé par le fait que, lorsqu’il a annoncé les 10 principes, le gouvernement n’a pas indiqué ce qu’il pensait des parties de la déclaration des Nations Unies qui ne sont pas incluses dans les 10 principes. Elles sont assez nombreuses.

Je crois toutefois que les 10 principes sont un outil de discussion utile dont les dirigeants, les organismes et les communautés autochtones peuvent se servir pour ouvrir le dialogue avec le gouvernement. Je pense que ce projet de loi est également important parce que la seule mesure qui manque dans les 10 principes est celle que le projet de loi demande au gouvernement de prendre, c’est-à-dire analyser les lois actuelles afin de déterminer à quel point elles s’harmonisent à la déclaration des Nations Unies. Nous pourrions tous bénéficier d’une telle mesure.

Comme pouvons-nous savoir s’il existe un problème si nous n’effectuons pas d’abord cette analyse?

Le sénateur Joyal : J’aurais une autre question à poser si c’est possible. Je ne voudrais pas abuser, sénateur, mais, à la lecture du projet de loi, cela m’apparaît très clair à la lecture des articles 2 et 3, où on dit que la déclaration sur les droits des peuples autochtones constitue un instrument universel garantissant les droits internationaux de la personne et trouve application au Canada.

Ce projet de loi ferait de la déclaration des Nations Unies une loi canadienne puisque, comme vous le savez, elle en constitue une annexe. Nous votons sur le tout.

Une fois qu’il fera partie des lois canadiennes, à mon avis, et c’est pourquoi je vous demande ce que vous en pensez, ce projet de loi sera de nature quasi constitutionnelle, comme la Loi sur les langues officielles et la Loi sur le multiculturalisme canadien, qui sont utilisées par la Cour suprême dans l’interprétation d’autres lois, de décisions, de mesures législatives, de décisions gouvernementales, de programmes, et ainsi de suite.

J’en conclus que, puisqu’il sera quasi constitutionnel, ce projet de loi sera interprété par les tribunaux dans un but de réparation et en fonction de son objet. Autrement dit, il ne s’agit pas d’un simple énoncé. Il a des répercussions, car toute mesure législative future pourrait être évaluée en fonction de ce projet de loi.

Donc, il ne s’agit pas seulement de souligner le mois des peuples autochtones ou la journée des peuples autochtones. À mon avis, cette mesure a beaucoup de poids pour ce qui est de faire en sorte que toutes les mesures législatives du gouvernement soient adoptées, comme vous venez de le dire, dans le but de corriger ce qui a été fait par le passé. Elle aura un net effet sur tout ce que nous allons faire dans le but de corriger ce que nous avons fait dans le passé. Par « nous », j’entends les législatures et les gouvernements précédents.

Êtes-vous d’avis que ce projet de loi est, en fait, un complément à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982?

Le sénateur Sinclair : Votre question contient beaucoup d’éléments dont je veux parler, notamment le dernier point.

Je dirai d’abord qu’il ne fait aucun doute que la déclaration des Nations Unies, que ce soit en référence à ce projet de loi ou à autre chose, deviendra en soi un outil d’interprétation que les tribunaux utiliseront pour analyser la question des droits des Autochtones en général et la responsabilité du Canada vis-à-vis de ceux-ci à titre de représentant de la Couronne ou de défenseur de l’honneur de la Couronne. Selon moi, la déclaration fera probablement toujours partie du vocabulaire juridique à l’avenir.

Je ne crois pas que ce libellé particulier ait pour effet que la déclaration de l’ONU devienne la loi du Canada. Selon moi, cette interprétation indique simplement que les principes de la déclaration de l’ONU qui renforcent ou qui reconnaissent les droits fondamentaux ou les droits collectifs des Autochtones devraient être inscrits dans les lois du pays — c’est un énoncé simple en soi —, comme c’est le cas actuellement. Cet élément ne me pose aucun problème.

Je ne pense pas qu’il pourrait donner lieu à une situation où la déclaration pourrait être utilisée pour déroger à une loi fédérale ou provinciale. Je n’ai aucune crainte à cet égard. Des spécialistes convoqués devant le comité pourraient donner beaucoup d’avis juridiques sur ce point parce que ce sont les spécialistes de l’ONU en droit international qui parlent du rôle des accords internationaux, des conventions et des déclarations. Dans le cas présent, il s’agit d’une déclaration. Ce n’est pas une convention ni un accord international. Une déclaration a un effet juridique limité. Si c’était une convention, elle aurait un effet plus grand. Si c’était un accord international, bien entendu, ce serait un document légalement contraignant.

Je pense que nous pourrions profiter des connaissances de spécialistes en droit international qui souligneraient les différences. C’est le genre de projet de loi qui dit principalement que nous devrions voir ce qu’il y a dans nos lois qui ne concorde pas avec la déclaration.

J’ai maintenant oublié ce que vous avez dit à la fin de votre intervention.

Le sénateur Joyal : C’était au sujet de l’article 35 de la Constitution.

Le sénateur Sinclair : Ce projet de loi sur la déclaration des Nations Unies sera-t-il un complément à l’article 35? Non, car, pour qu’elles fassent partie des lois du pays, les dispositions d’un accord international doivent être inscrites expressément dans une loi du Parlement. Ce n’est pas ce que propose ce projet de loi. Il n’est pas question d’inscrire la déclaration dans une loi du Parlement. Il faudrait le faire officiellement. Ce n’est pas ce qui est proposé en ce moment.

Je crois cependant que l’interprétation que nous faisons de l’article 35 sera influencée par ce qui se trouve dans la déclaration des Nations Unies, parce que le Canada a convenu d’adhérer à ses principes.

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer le projet de loi C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

(1630)

J’avais prévu que ce projet de loi ferait l’objet de ma première intervention au Sénat. Toutefois, comme me l’ont appris ma carrière au sein de la fonction publique et ma brève expérience en tant que sénateur, on n’obtient pas toujours ce que l’on veut, mais parfois, si l’on essaie fort, on peut obtenir ce dont on a besoin.

Cela dit, avant de présenter mes arguments sur l’importance du projet de loi C-262, j’aimerais vous parler un peu de moi, chers collègues.

[Français]

C’est avec humilité et honneur que je prends la parole devant vous aujourd’hui en cette Chambre. Comme j’ai été toute ma vie un fervent observateur de la politique canadienne, d’abord comme étudiant et, plus tard, comme fonctionnaire, je n’aurais jamais pensé être ici aujourd’hui. Il y a environ deux ans, intrigué par ce que pourrait donner un nouveau processus de sélection ouvert, j’ai présenté ma candidature.

[Traduction]

Alors me voici, chers collègues, comme vous tous qui venez des quatre coins de notre grand pays et qui partagez le même sens du devoir, ainsi que le même engagement et le même désir profond de servir les Canadiens. Je me joins à une institution dont les membres, anciens et actuels, assument leurs fonctions avec distinction, puisque plusieurs ont apporté une contribution durable à la société canadienne.

Il y a un dénominateur commun à tous les sénateurs : la croyance inébranlable que le Sénat peut améliorer la vie de tous les Canadiens. Dans ce qu’elle a de meilleur, cette Chambre joue un rôle vital dans l’amélioration de la bonne gouvernance, de la prospérité et de la liberté de notre pays.

C’est ce dernier point qui m’a servi de motivation pour la plus grande partie de ma vie. Comme plusieur d’entre vous, chers collègues, j’ai mes racines dans le tissu ethnique de notre pays. Mes parents, Michael et Anna, sont venus au Canada en tant que réfugiés transylvaniens-saxons depuis ce qui constitue aujourd’hui la Roumanie.

Ils ont été témoins des horreurs de la Seconde Guerre mondiale et ont subi la perte de la propriété et de tous les biens de leur famille. En l’espace d’une seule journée, en septembre 1944, mes parents et mes aïeuls se sont vus forcés de fuir la ville, de quitter les gens qu’ils aimaient et d’abandonner les biens qui leur étaient chers. Ils laissaient derrière eux huit siècles d’histoire familiale.

Mes parents se sont rencontrés à Kitchener, en Ontario, où je suis né. Après 65 ans de mariage, ils vivent encore aujourd’hui dans la maison construite par mon père. Savoir tout ce dont mes parents ont été privés a fait en sorte que j’apprécie bien davantage les libertés dont nous avons la chance de jouir en tant que Canadiens — et que nous tenons souvent pour acquises — et que je les protège jalousement.

Chers collègues, comme plusieurs d’entre vous, ma langue maternelle n’est ni le français ni l’anglais. Comme bien des gens de Kitchener, les premiers mots que j’ai prononcés étaient auf Deutsch. J’allais à l’école allemande le samedi et j’y apprenais à lire et à écrire la langue de Goethe et de Schiller, mais je ne la maîtrisais vraiment pas aussi bien qu’eux.

Peut-être est-ce mon intérêt pour les langues étrangères, pour le continent que mes parents ont quitté et pour la place du Canada dans le monde qui a forgé mon parcours scolaire et mené à mon désir de travailler pour le Service extérieur de notre beau pays.

[Français]

J’ai passé la moitié de ma carrière diplomatique à l’étranger, en affectation à La Havane, à San José, deux fois à Washington, et à Berlin. J’ai eu la chance de travailler sous la direction et en compagnie de personnes talentueuses et passionnées, et de recevoir de plus en plus de responsabilités au fil du temps. J’ai, plus particulièrement, eu l’honneur d’être ambassadeur à deux reprises. Entre les affectations, il y avait toujours un intermède de quelques années à Ottawa; un temps précieux, diraient certains, pour garder ses repères et garder les pieds sur terre.

[Traduction]

Dans l’esprit des observations faites plus tôt par le sénateur Dean, je suis convaincu que les fonctionnaires qui défendent à l’étranger les intérêts du Canada dans les dossiers de la diplomatie, du commerce, du développement international et des affaires consulaires font partie des meilleurs au monde — à moins qu’ils soient les meilleurs. Ils servent le pays et leurs concitoyens au quotidien, sans s’attendre à sortir de l’ombre ou à recevoir des louanges, et souvent dans des régions dangereuses. J’ai l’intention de défendre leurs intérêts au Sénat.

Occuper ce genre de métier implique des sacrifices non seulement pour les fonctionnaires, mais également pour leur conjoint et leur famille, qui doivent s’adapter à l’instabilité, aux relocalisations et aux problèmes de santé physique et mentale, sans oublier les difficultés en matière de sécurité. De plus, il est difficile de maintenir des liens avec la famille éloignée et les amis en raison des multiples déménagements.

Je suis sûr que tous les sénateurs seraient d’accord pour dire, en raison du temps que les parlementaires doivent passer loin de chez eux et de leurs proches, que la famille est la plus grande source de soutien.

Parmi nos quatre enfants, à mon épouse, Julia, et moi, deux sont nés à l’étranger. Notre fils, Nikolas, est né pendant notre affectation au Costa Rica. Il est atteint d’autisme, ce qui a été l’un des grands défis de notre vie et qui a éveillé mon intérêt pour les questions de santé mentale.

Je félicite les sénateurs Munson, Bernard et Housakos, ainsi que l’ex-sénateur Kirby, de leur travail en vue d’attirer l’attention sur la santé mentale et l’autisme, en particulier. Je compte, moi aussi, porter le flambeau et me tenir à leurs côtés.

Toutefois, j’ai également passé du temps à Ottawa, où, comme haut fonctionnaire anonyme, mais omniprésent, j’ai eu l’occasion d’acquérir un point de vue des politiques encore plus vaste en travaillant directement avec des ministres et des premiers ministres. J’ai eu l’occasion de participer à des négociations bilatérales et multilatérales et, bien sûr, à des sommets internationaux comme celui du G7.

À mon avis, il n’y a pas de plus grand honneur pour un fonctionnaire que d’être le représentant personnel, ou le sherpa, du dirigeant de son pays. J’étais souvent le seul Canadien, mis à part le premier ministre, présent lors des réunions avec des dirigeants d’ailleurs dans le monde. J’ai servi avec fierté de cette façon les trois derniers premiers ministres.

Comme les programmes de sommets sont, pour le moins, exhaustifs, j’en ai beaucoup appris sur le croisement de la politique intérieure et des intérêts mondiaux. J’ai été fier de témoigner de la façon dont les premiers ministres, à la fois libéraux et conservateurs, mettaient leurs talents à profit et servaient les Canadiens à l’échelle internationale.

Je crois que le fait d’avoir été exposé à tout cela m’a bien servi dans ma vie antérieure comme sous-ministre, à la fois en politique étrangère et en politique commerciale, ainsi que dans mes projets les plus récents, qui portent sur le développement international, dans le cadre desquels j’ai dirigé un examen des politiques.

À cet égard, j’applaudis la sénatrice Coyle, qui a souligné la nécessité d’atteindre les objectifs des Nations Unies en matière de développement durable.

[Français]

Mes champs d’intérêt sont variés et ont évolué au cours de ma carrière. Je dois souligner la sécurité internationale : j’ai vécu personnellement les événements du 11 septembre 2001 pendant mon affectation à Washington et j’ai participé à l’élaboration de notre premier plan d’action qui visait la frontière avec les États-Unis.

J’ai aussi un grand intérêt pour le commerce mondial, le développement international, l’égalité des sexes, l’environnement et les changements climatiques, l’inspiration des jeunes pour la fonction publique et la réconciliation avec nos peuples autochtones, pour n’en nommer que quelques-uns.

[Traduction]

C’est de ce dernier sujet que je veux parler maintenant. Le projet de loi C-262 nous demande d’assurer l’harmonie de nos lois nationales avec la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Cette déclaration a été adoptée en 2007 par 143 États membres de l’ONU. Le Canada était l’un des quatre pays à s’y opposer, mais il l’a finalement adoptée en 2016 après l’avoir appuyée sans la signer en 2010. Bien sûr, le projet de loi C-262 nous demande d’aller un peu plus loin.

La déclaration est un instrument international exhaustif en matière de droits de la personne. Elle couvre et énonce un éventail de droits politiques, économiques, sociaux, culturels, environnementaux et spirituels dont doivent jouir les peuples autochtones.

Même si elle n’est pas juridiquement contraignante comme le serait un traité international, la déclaration n’est pas uniquement un document d’aspirations. En effet, elle reflète les engagements juridiques pris dans la Charte des Nations Unies, diverses obligations découlant des traités et le droit international coutumier.

Les articles de la déclaration établissent un cadre fondé sur des principes de justice, de réconciliation, de guérison et de paix. Elle se fonde sur une approche évolutive, c’est-à-dire qu’il faut l’interpréter en tenant compte de l’évolution de la situation et des conditions dans tous les pays où vivent les Autochtones.

Je veux être bien clair. La déclaration n’est ni un traité, ni une convention, ni un pacte. Contrairement à ces documents, elle ne doit pas nécessairement être ratifiée par le Parlement.

L’adhésion du Canada, en tant que pays des Amériques, à la Déclaration américaine sur les droits des peuples autochtones, qui a été adoptée par l’Organisation des États américains, l’OEA, il y a deux ans, revêt pour moi une importance toute particulière. En tant qu’ambassadeur et représentant permanent du Canada auprès de l’OEA, ce fut pour moi un grand honneur de faire en sorte que Phil Fontaine, qui était alors chef national de l’Assemblée des Premières Nations, prenne la parole devant le Conseil permanent de l’OEA à Washington, en décembre 1998. C’était il y a presque 20 ans. J’étais alors très jeune. Il s’agissait d’un événement historique, puisqu’aucun chef autochtone n’avait jamais pris la parole devant cette entité, et ce, même si, dans plusieurs pays de notre hémisphère, la population est majoritairement autochtone.

Le chef Fontaine a incité les États à intensifier les discussions sur une déclaration américaine ou, si vous voulez, une déclaration de l’hémisphère. Toutefois, il a fallu attendre 18 ans avant que celle-ci se concrétise.

La déclaration des Nations Unies a connu une origine semblable : l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis, l’Inuit Tapiriit Kanatami et d’autres groupes ont lutté sans relâche pour que la déclaration voie le jour.

Honorables collègues, la question des droits des peuples autochtones a façonné l’histoire du Canada. Elle fait partie de notre identité. Je songe notamment à l’arrivée des premiers Européens, que ce soit les Vikings à Vinland — l’actuelle province de Terre-Neuve-et-Labrador —, la présence des Français en Acadie et au Québec et leur déplacement vers l’Ouest, ou encore la présence des Anglais sur la côte du Pacifique et leur mouvement de colonisation à l’Est et au Centre du Canada.

À cause des mauvais traitements infligés au cours de l’histoire, la réconciliation a façonné le discours sur les politiques publiques au cours des dernières années. Nous avons fait des pas en avant, des pas de côté et des pas en arrière.

[Français]

Cela m’a aussi personnellement influencé. Alors que je jouais un rôle périphérique dans les négociations du Canada à l’ONU, et un rôle plus important auprès de l’OEA, on m’a souvent demandé, pendant mon mandat d’ambassadeur en Allemagne, d’expliquer notre histoire commune, les torts du passé et la voie de la réconciliation. Ce n’était pas facile.

(1640)

Plus récemment, lors de la présidence canadienne du G7, j’ai rencontré les dirigeants autochtones de la région de Charlevoix pour discuter avec eux de leur attachement à la terre, à ses richesses et au grand fleuve Saint-Laurent, de leurs préoccupations pour l’avenir et des aspirations de leurs peuples.

[Traduction]

On m’a demandé pourquoi, en tant qu’ancien sous-ministre du Développement international, je pouvais travailler d’arrache-pied pour que l’on verse des fonds aux pays en développement afin que leurs habitants aient accès à de l’eau potable, mais que je ne faisais pas la même chose pour les communautés autochtones dans mon propre pays. À cette question-là non plus il n’était pas facile de répondre. Récemment, on m’a rappelé cette réalité lors d’une table ronde avec de jeunes Autochtones organisée par notre collègue le sénateur Sinclair.

Honorables sénateurs, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones est notre sentinelle à mesure que nous avançons vers une réconciliation sincère et, espérons-le, complète. Elle devrait servir à guider les politiques de tous les ordres de gouvernement et elle fournira le cadre juridique normatif nécessaire à la réconciliation entre les Autochtones et les non-Autochtones partout dans le monde. Je crois que le débat que nous venons tout juste d’avoir lors de la période des questions a été particulièrement pertinent, et les travaux du comité le seront aussi à mesure que nous progressons.

Selon mon expérience internationale, il y a seulement quelques pays où les attentes sont extrêmement élevées quant aux résultats concrets que l’on doit obtenir et où les mesures du gouvernement sont surveillées de près, voire reproduites par d’autres États. Le Canada est l’un de ces pays. Notre niveau d’autorité morale est élevé, peu importe le parti politique qui est au pouvoir. Toutefois, même si le Canada est un pays connu depuis longtemps pour être ouvert et juste, nous ne pouvons pas nous asseoir sur nos lauriers.

Pour avoir représenté notre grand pays pendant une bonne partie de ma vie adulte, et en tant que sénateur et Canadien, je suis immensément fier de notre bonne réputation et ce n’est pas une chose que je prends à la légère. Nous ne devons pas tenir pour acquise notre image à l’étranger, honorables sénateurs.

Je souhaite donc souligner que j’appuie le projet de loi C-262 et que j’ai de l’estime pour son parrain, le sénateur Sinclair. C’est une mesure législative qui contribuera beaucoup à tracer la voie pour l’avenir. Honorables collègues, je vous recommande vivement d’appuyer ce projet de loi. Merci. Meegwetch.

(Sur la motion du sénateur Christmas, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur le Mois du patrimoine sikh

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Sabi Marwah propose que le projet de loi C-376, Loi désignant le mois d’avril comme Mois du patrimoine sikh, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-376, Loi sur le Mois du patrimoine sikh. Je commencerai par remercier M. Sukh Dhaliwal d’avoir parrainé le projet de loi à l’autre endroit, où il a obtenu l’appui unanime de tous les partis.

En tant que Canadien d’origine sikhe, c’est un privilège de présenter une loi qui désignera le mois d’avril comme Mois du patrimoine sikh, une période pour célébrer la culture et les contributions des Sikhs, qui sont établis au Canada depuis plus d’une centaine d’années. La première mention des Sikhs au Canada remonte à 1897, avec l’arrivée de soldats sikhs membres de l’armée britannique. Ces soldats étaient reconnus comme des combattants loyaux qui faisaient partie intégrante des forces alliées durant les deux guerres mondiales. Dix ans plus tard, des archives indiquent la présence d’une communauté de 2 500 colons d’origine indienne, presque tous des Sikhs, en Colombie-Britannique.

Aux épreuves naturelles qu’ont vécues tous les colons au Canada sont venus s’ajouter d’autres obstacles. La Bowser Amendment Act a privé de leurs droits « tous les habitants d’Inde qui ne sont pas nés de parents anglo-saxons ».

Pour combattre l’isolement et les difficultés financières, les premiers colons sikhs ont entrepris de bâtir des institutions au service de leur communauté naissante. La première de ces institutions a été la société Khalsa Diwan, fondée à Vancouver en 1907. Ils ont ensuite construit la gurdwara, qui sert à la fois de lieu de culte traditionnel et de centre social, dont le premier immeuble permanent a été construit en 1908. C’est maintenant la première gurdwara à l’extérieur de l’Inde à avoir été reconnue comme un lieu historique national.

Ces institutions sikhes desservaient, en fait, l’ensemble des colons d’origine indienne, qu’ils soient hindous, musulmans ou sikhs. Il existait des forums pour traiter des enjeux sociaux et financiers auxquels la communauté était confrontée, et ces institutions étaient également les principaux défenseurs des droits de la personne.

Un moment marquant de l’histoire s’est produit en 1914 lorsque le Komagata Maru, un navire affrété transportant des aspirants immigrants d’origine indienne, a essuyé un refus. Ces gens arrivaient à Vancouver en quête de sécurité et de prospérité, comme beaucoup d’immigrants arrivant au Canada. On leur a toutefois refusé l’entrée et ils ont dû rebrousser chemin. De nombreux passagers sont morts pendant le voyage de retour.

Le fait que le Dominion du Canada ait rejeté des sujets britanniques a retenu l’attention sur la scène internationale. Cet événement a conduit les sikhs établis au Canada à lancer une campagne en vue de réduire les obstacles à l’immigration et de promouvoir les droits civils des personnes déjà établies au Canada.

La campagne, dirigée et soutenue pendant des décennies par la Khalsa Diwan Society, a gagné des appuis alors que le climat du pays évoluait, surtout après les années de guerre. Une modification apportée à la loi électorale en 1947 a enfin levé les restrictions qui privaient les résidants d’origine indienne, même ceux nés au Canada, de leurs droits civils.

Entre-temps, les colons sikhs avaient servi comme volontaires dans les Forces armées canadiennes dans les deux guerres mondiales. D’ailleurs, si les sikhs ne représentaient que 2 p. 100 de la population des Indes britanniques, ils comptaient pour 22 p. 100 de l’armée indienne britannique. Plus de 80 000 soldats sikhs sont morts dans ces guerres et plus de 100 000 ont été blessés.

Pendant les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, un modeste contingent d’immigration a été autorisé pour les immigrants en provenance de l’Asie du Sud. Dans les années 1960, un système de points d’appréciation et une modification des politiques nationales ont ouvert les portes plus grand. Voilà certains des changements qui ont mené à la création d’une société diverse considérée aujourd’hui dans le monde entier comme une des réalisations sociales uniques de notre pays.

Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, il y a eu un afflux constant de sikhs au Canada, principalement en provenance de l’Inde. À cette époque, les Canadiens sikhs étaient toujours en majorité concentrés en Colombie-Britannique, mais les nouveaux arrivants ont choisi de s’établir en Ontario, en Alberta, au Québec et au Manitoba, et partout ailleurs au pays en plus petits nombres.

Les premiers colons sikhs étaient attirés par la perspective de vivre dans un pays qui regorge de possibilités avec ses fermes, ses rivières et ses forêts. Ils ont travaillé en tant qu’agriculteurs ou dans l’industrie du bois. Ils ont construit des routes et des chemins de fer. Certains ont exercé d’autres métiers ou sont devenus des commerçants.

De nos jours, les Canadiens sikhs participent à tous les aspects de la vie publique au Canada — dans les domaines de la médecine, du droit, des sciences, de l’ingénierie, des technologies de l’information et même des banques. Ils travaillent dans les facultés universitaires ou font partie des forces armées. Ils sont présents dans tous les secteurs commerciaux ainsi que dans le monde du divertissement et du sport.

Les gens qui regardent les matchs basketball des Raptors peuvent voir chaque fois le véritable mordu qu’est le superfan sikh, preuve vivante que les sikhs adorent le sport. Le hockey fait aussi partie de leurs passions, au point où il existe une version en pendjabi de l’émission « Hockey Night in Canada » qui est regardée par les familles sikhes de l’ensemble du pays. Je peux vous assurer que l’émission est animée et excitante au point de n’avoir rien à envier aux autres émissions de sport.

Bref, honorables sénateurs, l’histoire de la communauté sikhe du Canada est en fait une histoire du Canada, tout simplement. C’est l’histoire de braves soldats qui ont combattu dans les deux guerres pour défendre la démocratie. C’est l’histoire de colons et de pionniers qui ont cultivé la terre et ont travaillé dans les mines, dans les scieries et sur les chemins de fer. C’est une histoire qui est bien ancrée dans la recherche de l’égalité et la justice au pays et qui est riche d’un apport dans toutes les sphères de la société, qu’il s’agisse des affaires, des arts, des sports, des médias, de la philanthropie ou de la politique.

C’est au nom de tous les Canadiens sikhs que je présente le projet de loi visant à désigner le mois d’avril comme le Mois du patrimoine sikh au Canada.

Durant le mois d’avril a lieu le Vaisakhi, un festival traditionnel de la moisson que célèbrent au printemps toutes les communautés du Nord de l’Inde. Le Vaisakhi a une importance toute particulière pour les sikhs, car il commémore la dernière étape de la fondation du Khalsa en 1699, un événement marquant célébré par les sikhs partout dans le monde.

(1650)

Le Mois du patrimoine sikh donnera l’occasion à tous les Canadiens sikhs de célébrer leur histoire et d’affirmer leur attachement profond au pays. Il offrira également à tous les Canadiens l’occasion de mieux comprendre, grâce à des projets et des initiatives culturels, les valeurs, la culture et les contributions des Canadiens sikhs, qui font partie du tissu de notre magnifique nation.

Merci, honorables sénateurs. J’espère que vous donnerez votre appui au projet de loi.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Marwah, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Marwah : Absolument.

L’honorable Ratna Omidvar : Merci, sénateur Marwah. Vous savez que je suis née à Amritsar et que j’ai des liens très étroits avec les gens de la communauté sikhe, y compris des voisins, des amis, des proches et des collègues que je côtoie ailleurs au pays et maintenant ici.

Je me demande si vous pourriez nous parler de la contribution de la communauté sikhe au paysage culturel du Canada, et tout particulièrement du travail exceptionnel qu’elle a fait en vue de créer la Galerie sir Christopher Ondaatje de l’Asie du Sud, au Musée royal de l’Ontario, à Toronto.

Le sénateur Marwah : La communauté sikhe du Canada a apporté de nombreuses contributions artistiques et culturelles. La Galerie sir Christopher Ondaatje de l’Asie du Sud, au Musée royal de l’Ontario, en est un exemple. De nombreuses expositions ont été présentées à la Peel Art Gallery, à Brampton. D’ailleurs, l’année dernière, il y a eu une exposition sur le Komagata Maru, considérée comme l’une des expositions les plus remarquables jamais présentées dans cette galerie. Plus tôt cette année, il y a eu également une exposition de photographies.

De nombreuses expositions de ce genre ont été organisées. D’ailleurs, la plus grande et la plus connue a été organisée en 1999. Je parle de l’exposition « Art of the Sikh Kingdoms », qui présentait des objets d’art en provenance du Victoria and Albert Museum. J’y ai participé personnellement en qualité de commanditaire de l’exposition. C’est l’une des expositions qui a attiré le plus grand nombre de visiteurs dans l’histoire du Musée royal de l’Ontario.

(Sur la motion du sénateur Plett, au nom de la sénatrice Ataullahjan, le débat est ajourné.)

Modernisation du Sénat

Septième rapport du comité spécial—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Massicotte, appuyée par l’honorable sénateur Moore, tendant à l’adoption du septième rapport (intérimaire), tel que modifié, du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant (Intérêt régional), présenté au Sénat le 18 octobre 2016.

L’honorable Yonah Martin (leader suppléante de l’opposition) : Je propose, avec le consentement du Sénat, l’ajournement du débat au nom du sénateur Housakos.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)

Secteur de la bienfaisance

Autorisation au comité spécial de reporter la date du dépôt de son rapport final

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mercer, appuyée par l’honorable sénatrice Omidvar,

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 30 janvier 2018, la date du rapport final du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance relativement à son étude sur l’impact des lois et politiques fédérales et provinciales gouvernant les organismes de bienfaisance, les organismes à but non lucratif, les fondations et autres groupes similaires, et pour examiner l’impact du secteur volontaire au Canada soit reportée du 31 décembre 2018 au 30 septembre 2019.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’appui de la motion du sénateur Mercer visant à reporter la date du dépôt du rapport du Comité sénatorial spécial sur le secteur de la bienfaisance. Le Cyber lundi, l’une des journées de magasinage les plus intenses de l’année, se tenait lundi dernier. Cette journée est suivie du Mardi je donne, qui, je l’espère, deviendra un jour la plus importante journée de dons au Canada. Comme l’a déclaré l’ancien gouverneur général David Johnston à l’occasion du Mardi je donne, des œuvres de bienfaisance qui se portent bien sont l’affaire de tout le monde. Je suis fort heureuse que, sous la direction du sénateur Mercer, les œuvres de bienfaisance soient maintenant l’affaire du Sénat.

Nous avons un très petit comité formé de sept membres. Nous avons fait beaucoup de chemin depuis le début de nos travaux, mais nous avons besoin de plus de temps pour nous assurer que nos recommandations finales reflètent la portée, la profondeur et la complexité du travail que nous effectuons. Comme vous le savez bien, le Canada compte près de 86 000 œuvres de bienfaisance et plus de 80 000 organismes à but non lucratif.

Par conséquent, comment nous y prendre pour consulter cet énorme secteur? Devons-nous mettre l’accent sur le travail de ces organismes? Devons-nous consulter ces derniers en fonction de leur domaine — santé, religion, sport, aide internationale, services sociaux? Devons-nous les diviser en fonction de leur taille — petits, moyens, gros?

Je crois que nous avons trouvé une solution très novatrice et j’espère que d’autres comités auront l’occasion de l’étudier. Nous avons voulu joindre le plus grand nombre de gens possible en allant au-delà de la salle du comité et dans le monde virtuel. Notre sondage en ligne a été diffusé à des centaines d’organismes de bienfaisance et d’organismes sans but lucratif. Nous avons déjà reçu plus de 500 réponses de partout au pays de la part de tous les types d’organismes dans tous les secteurs.

En plus de joindre plus de gens, nous l’avons fait à moindre coût.

En prolongeant le mandat du comité jusqu’à septembre 2019, nous permettrons la compilation et l’analyse adéquate des réponses par la Bibliothèque du Parlement, de manière à ce qu’elles soient résumées dans notre rapport final.

Il y a une autre raison qui justifie la prolongation du mandat. Les choses changent. Comme vous le savez, le Sénat étudie le projet de loi C-86, la loi d’exécution du budget, et celui-ci comprend des modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu qui viendront changer ce que peuvent faire les organismes de bienfaisance en matière d’activités politiques non partisanes, qu’on appelle également le dialogue sur les politiques publiques.

Même si notre comité spécial ne sera pas appelé à étudier le projet de loi C-86 — j’imagine que ce sera au Comité des finances de le faire lorsque le projet de loi nous sera renvoyé —, nous devons tout de même être au fait du contexte législatif et du déploiement de cette nouvelle mesure.

Il y a également trois autres mesures qui ont des répercussions sur les travaux que nous menons. L’énoncé économique de l’automne prévoit la mise sur pied d’un comité consultatif permanent sur le secteur des organismes de bienfaisance, dirigé par l’Agence du revenu du Canada. Il annonce par ailleurs un investissement dans le nouveau fonds de finance sociale. Ces deux propositions pourraient complètement changer le secteur étant donné qu’elles ciblent deux grands problèmes soulevés à maintes reprises : le premier est le besoin d’une voix pour le secteur sur la Colline du Parlement, et le deuxième est le manque d’instruments qui faciliteraient l’accès au capital pour les organismes de bienfaisance.

Par ailleurs, l’énoncé inclut une mesure qui permettra aux organismes de journalisme à but non lucratif de délivrer des reçus officiels de don aux Canadiens pour leur abonnement ou d’autres ententes de financement. Ainsi, le secteur des organismes de bienfaisance est appelé à grandir et à évoluer en intégrant des groupes comme les journaux, qui, jusqu’à maintenant, n’étaient pas en mesure d’obtenir le statut de donataires reconnus selon la Loi de l’impôt sur le revenu.

Honorables sénateurs, il faut absolument que nous examinions encore plus en profondeur la situation et que nous prenions le temps nécessaire pour vous présenter un rapport aux recommandations constructives, tangibles et, espérons-le, réalisables. Je vous prie donc de voter en faveur de la motion.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

(1700)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Français]

Le Sénat

Motion tendant à réaffirmer l’importance des deux langues officielles comme fondement de notre fédération compte tenu des coupes faites par le gouvernement de l’Ontario aux services en français—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénateur Klyne,

Que le Sénat, compte tenu des décisions prises par le gouvernement de l’Ontario en ce qui a trait au Commissariat aux services en français et à l’Université de l’Ontario français :

1.réaffirme l’importance des deux langues officielles comme fondement de notre fédération;

2.rappelle au gouvernement du Canada sa responsabilité de défendre et de promouvoir les droits linguistiques, tels qu’exprimés dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles;

3.exhorte le gouvernement du Canada à prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à ses compétences, pour assurer l’épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

L’honorable Rose-May Poirier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour manifester mon appui à la motion de la sénatrice Miville-Dechêne. Je le fais par solidarité avec la communauté franco-ontarienne, et je le fais également en tant que vice-présidente du Comité sénatorial permanent des langues officielles, comme sénatrice membre du caucus conservateur du Sénat, mais, surtout, comme Acadienne de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

Honorables sénateurs, ce qui s’est produit en Ontario le 15 novembre dernier est une tuile qui tombe sur la tête des communautés linguistiques en situation minoritaire. À la Chambre du Sénat, nous défendons l’intérêt des minorités; nous sommes la Chambre de second examen objectif — ou, comme on le dit en anglais, « the sober second thought » — du Parlement canadien. Notre raison d’être ne saurait être plus claire ni plus nécessaire qu’aujourd’hui, au cœur de cette tempête linguistique.

C’est dans cette Chambre, honorables sénateurs, que plusieurs initiatives ont vu le jour dans le but de promouvoir, de protéger et de défendre l’intérêt des communautés linguistiques en situation minoritaire. Nous n’avons qu’à penser au sénateur Jean-Robert Gauthier et à son projet de loi modifiant la partie VII de la Loi sur les langues officielles en 2005, à la détermination de la sénatrice Chaput concernant la modification du règlement de la même loi, ou à celle du sénateur Gerald Comeau, Acadien de la Nouvelle-Écosse, qui a fait adopter la Loi sur la Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes en 2003, désignant le 15 août comme Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes.

Il n’y a pas que les actions de sénateurs individuels, mais également celles du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Qu’il s’agisse d’un rapport concernant Radio-Canada et ses obligations linguistiques, des meilleures pratiques afin d’améliorer le bilinguisme des jeunes Canadiens, ou de l’étude actuelle sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles, le comité a été et continue d’être une voix forte pour les communautés linguistiques en situation minoritaire.

Lorsque mon bureau a rencontré les différents membres de la FCFA jeudi dernier, un de leurs représentants nous a fait part de leur approche concernant les annonces. Dans chaque crise, il y a une occasion. Je crois, honorables sénateurs, que les communautés francophones en situation minoritaire ont saisi l’occasion de cette crise.

Nous sommes ici afin de réaffirmer l’importance des deux langues officielles comme fondement de notre fédération. Cette affirmation de l’importance des deux langues se fait d’un bout à l’autre du pays. Plus important encore, les annonces semblent avoir eu pour effet d’inspirer tous les Canadiens, de tous âges, d’où qu’ils soient au pays et quelle que soit leur langue. C’est là, je crois, honorables sénateurs, la preuve que les langues officielles sont une valeur canadienne qui s’étend par-delà les clivages politiques. C’est non seulement une valeur canadienne à laquelle tous adhèrent, mais elle est également protégée par la Charte des droits et libertés. En outre, la Loi sur les langues officielles a un statut quasi constitutionnel. C’est donc une valeur culturelle, une valeur juridique, mais surtout une valeur canadienne.

Honorables sénateurs, la solidarité entre toutes les communautés linguistiques en situation minoritaire a été mise en évidence au cours des dernières semaines. Il est clair que, lorsqu’une tuile s’abat sur un groupe linguistique en situation minoritaire, ce sont tous les groupes qui sont touchés et qui, sans hésitation, s’appuient mutuellement.

Nous sommes peut-être isolés les uns des autres, d’un océan à l’autre, à travers notre merveilleux pays, mais nous sommes tous unis par notre langue, par notre culture, par notre identité et par notre combat. Merci.

L’honorable Peter M. Boehm : Honorables sénateurs et sénatrices, c’est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer cette motion qui a été présentée par notre honorable collègue, la sénatrice Miville-Dechêne.

[Traduction]

Je suis heureux d’ajouter ma voix à celles des autres sénateurs pour appuyer cette motion d’une importance non seulement provinciale, mais aussi nationale. Ce qui doit être dit a déjà été dit, et de manière éloquente. Je serai donc très bref. Je crois que certains points clés méritent d’être répétés, car ils touchent au cœur même d’un des traits fondamentaux du Canada, soit son bilinguisme officiel.

Chers collègues, que votre première langue soit l’anglais ou le français, ou, comme dans mon cas et dans celui de certains d’entre nous, aucune de ces réponses, les enjeux sont énormes.

[Français]

Chacun de nous a été nommé au Sénat pour remplir l’un de ses objectifs fondamentaux : protéger et défendre les droits des minorités. Les droits linguistiques et l’égalité de statut que partagent l’anglais et le français, qui sont inscrits dans la Charte des droits et libertés, entrent certainement dans cette catégorie.

[Traduction]

Même si, comme il se doit, nous n’avons pas le pouvoir d’infirmer les décisions du gouvernement de l’Ontario, nous avons le pouvoir et même le devoir de nous servir de notre voix collective pour témoigner notre appui indéfectible à nos concitoyens canadiens de la communauté franco-ontarienne. Ce groupe fort et fier comprend quelque 600 000 personnes, dont 145 000 habitent ici même, à Ottawa.

Comme l’a dit notre collègue, le sénateur Cormier, pendant la séance de mardi, au sujet l’Université de l’Ontario français :

[Français]

La décision du gouvernement de l’Ontario d’empêcher la création de la première université autonome francophone [...] est un recul important pour la communauté franco-ontarienne, la francophonie canadienne et l’ensemble du pays.

[Traduction]

Ces compressions — depuis le théâtre La Nouvelle Scène jusqu’à l’Université de l’Ontario français, en passant par le projet de démanteler le Commissariat aux services en français, qui a été abandonné, ainsi que les services en français en général — nuiront en effet à tous les Canadiens, quelle que soit leur langue.

[Français]

Chers collègues, certes, le gouvernement de l’Ontario est revenu sur sa décision d’abolir le poste de commissaire aux services en français et de recréer ce poste de façon à ce qu’il relève de l’ombudsman provincial, mais il a agi ainsi uniquement en réaction au tollé justifié qui ne s’est pas dissipé depuis. Je remets en question le véritable dessein derrière la solution proposée.

Même l’une des députés du gouvernement s’est dite déçue et frustrée par les coupes; Mme Amanda Simard devrait être félicitée pour avoir dénoncé cette décision prise par son propre parti, d’autant plus qu’elle est nouvellement élue. Elle a pris une décision de principe.

Malheureusement, l’Université de l’Ontario français n’aura pas autant de chance. Son annulation a été mise sur le compte de « la réalité de la situation financière de notre province » par la procureure générale et, depuis lundi, ministre des Affaires francophones, l’honorable Caroline Mulroney.

[Traduction]

Chers collègues, on admire le Canada partout dans le monde pour de nombreuses raisons. Le fait qu’il s’efforce depuis longtemps — non sans mal parfois — d’assurer un statut égal à ses deux communautés de langue officielle afin que ni l’une ni l’autre ne soit supérieure, figure parmi les principales.

Le Canada est un modèle dans ce domaine. Nous ne pouvons pas nous permettre d’agir de manière irréfléchie.

Honorables collègues, il ne s’agit pas d’un problème canadien-français; il s’agit d’un problème canadien, point. Je vais appuyer vivement et avec fierté cette motion. Je vous encourage à faire de même. Merci.

[Français]

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à remercier tous les sénateurs qui ont participé jusqu’ici au débat sur cette motion. Franchement, c’est réconfortant d’entendre exprimer dans cette Chambre une telle solidarité à l’égard de nos compatriotes franco-ontariens. J’ai été particulièrement touché d’entendre des sénateurs anglophones prononcer leur discours en bonne partie en français, comme preuve de cette solidarité.

Aujourd’hui, j’ai choisi de m’adresser à vous, comme je le fais toujours, en français et en anglais, nos deux langues officielles. J’ai fait ce choix pour indiquer que cette affaire, comme vient de le dire le sénateur Boehm, n’est pas que l’affaire des francophones et qu’elle ne doit surtout pas être une affaire de francophones. Les décisions du gouvernement de l’Ontario concernent tous les Canadiens, parce que ce dont il est question ici, c’est de l’essence même du Canada. Si nous abandonnions à leur sort les communautés francophones minoritaires, le Canada perdrait une partie de son âme, et un pays qui perd une partie de son âme risque de perdre une partie de son avenir.

Chers collègues, comme les sénateurs Moncion et Joyal nous l’ont rappelé mardi, en juin 1912, le gouvernement de l’Ontario a adopté le Règlement 17, qui interdisait l’enseignement du français dans les écoles de la province. Avec la conscription, le Règlement 17 a provoqué un ressentiment profond au Québec et dans les communautés francophones partout au pays.

(1710)

[Traduction]

C’est dans ce contexte explosif que, en mai 1916, un jeune député libéral du nom d’Ernest Lapointe a présenté une motion soigneusement rédigée dans laquelle il invite respectueusement le gouvernement de l’Ontario à faire en sorte qu’il ne soit pas porté atteinte « au privilège que les enfants d’origine française ont de recevoir l’enseignement dans leur langue maternelle ». Voici ce que M. Lapointe a dit durant le débat sur sa motion :

Mon plus grand désir est que cette résolution et cette discussion, au lieu de diviser plus profondément les deux races de ce pays, les rapprochent davantage et cimentent leur union pour la défense de la liberté, basée sur la loi.

Malheureusement, la motion de M. Lapointe a été rejetée.

Honorables collègues, j’espère que la motion de la sénatrice Miville-Dechêne réussira là où la motion de M. Lapointe a échoué. J’espère que les sénateurs s’uniront dans un élan de générosité pour protéger les droits et les besoins des minorités tout en — comme le soulignait la motion de M. Lapointe — « reconnaissant le principe des droits provinciaux ». L’adoption de cette motion rendrait hommage à l’impartialité et à la détermination dont a fait preuve la sénatrice. Surtout, un tel geste montrerait que le Sénat est conscient de ses obligations nationales et morales.

En effet, en exerçant notre rôle de second examen objectif, nous comprenons que les décisions du gouvernement de l’Ontario, même si elles relèvent de la compétence de la province, ont des répercussions à l’échelle nationale. Honorables sénateurs, chaque fois qu’on ignore ou qu’on ne respecte pas les droits et les besoins d’une minorité de langue officielle, cela remet en question la raison d’être du Canada et affaiblit notre union.

Je suis profondément touché que la motion de la sénatrice Miville-Dechêne reçoive l’appui de tant de sénateurs représentant différentes régions et différents groupes parlementaires. Je suis touché, mais je ne suis pas surpris. En vérité, l’histoire a réuni le français et l’anglais sur le même continent, et chaque fois qu’un préjudice a pointé sa vilaine tête, le Canada a pu compter sur certains de ses plus éminents dirigeants pour plaider courageusement en faveur de la modération, de la tolérance, du respect des droits et de l’unité. Ainsi, sir John A. Macdonald, en 1890 — un autre moment peu reluisant de préjudices antifrançais dans la fédération — a dit ceci :

Je ne partage aucunement le désir exprimé dans certains quartiers qu’il faudrait, par un moyen quelconque, opprimer une langue, ou la mettre sur un pied d’infériorité vis-à-vis d’une autre. Je crois que l’on y parviendrait pas, si la chose était essayée, ou que ce serait une folie et une malice, si la chose était possible.

Je pourrais citer bien des discours de grands dirigeants qui, tout au long de notre histoire, ont demandé à la majorité de respecter la minorité.

Voici l’héritage de Wilfrid Laurier qui, en 1916, lors de la controverse en Ontario, a dit ceci :

Si je demande pour la jeunesse de ma race l’enseignement de l’anglais, allez-vous lui refuser d’apprendre aussi la langue de nos pères et de nos mères? Voilà ce que je réclame; rien de plus. [...] Notre requête est-elle inconvenante? Est-elle nuisible? Qui donc en souffrira, si on nous l’accorde?

Voici l’héritage de Pierre Elliott Trudeau, qui, lors d’un débat sur les droits des Manitobains de langue française, en 1983, a déclaré ce qui suit :

J’estime que pour nous, au Parlement, c’est un jour exceptionnel, madame le Président, parce que les trois partis se sont mis d’accord pour accepter cette déclaration commune qui dit que la Constitution, quel que soit son âge, quelle que soit la mémoire qu’on en ait, et quel que soit le nombre de gens qu’elle protège, doit être respectée, si nous voulons continuer à exister en tant que société civilisée.

Voici l’héritage de Brian Mulroney, qui, au cours du même débat, a dit ce qui suit :

Le problème qui se pose à nous aujourd’hui doit être abordé dans un esprit de conciliation. [...] Le problème auquel nous nous attaquons aujourd’hui est également une question de simple justice. Il n’y a aucune solution facile et sans douleur. Il n’y a aucun blâme à attribuer. Il n’y a aucune mauvaise intention à combattre. Il se trouve tout simplement que les droits des minorités sont inviolables.

Voici l’héritage de Stephen Harper, qui, en 2015, a écrit ceci :

Le Canada est né en français, lorsque Samuel de Champlain a fondé Québec, il y a plus de 400 ans. Bien évidemment, c’est une source de grande fierté et ce devrait être une source d’inspiration pour notre avenir.

Notre devoir à titre de législateurs fédéraux, dont nous avons hérité des grands hommes et femmes qui ont bâti le Canada, est de faire tout notre possible pour protéger les droits des minorités dans toutes les régions du pays et pour préserver et promouvoir la compréhension mutuelle et les compromis qui ont rendu ce pays possible.

Comme l’a écrit l’historien américain Mason Wade, l’histoire des Canadiens français a de quoi intéresser tous les Nord-Américains et, en fait, toute l’humanité, car, ce n’est que par l’acceptation de la diversité ainsi que la compréhension et la réconciliation des différences culturelles que nous trouverons des solutions aux grands problèmes de notre époque. C’est encore plus vrai aujourd’hui que ce l’était lorsque Mason Wade l’a écrit.

[Français]

Honorables sénateurs, la langue française est belle dans sa clarté, dans ses nuances infinies, dans ses innombrables accents, dans sa complexité, même. Le français n’est pas une langue supérieure aux autres, bien sûr, mais c’est ma langue. C’est la première langue que des millions de Canadiens ont entendue dans le ventre de leur mère, la première langue qu’ils ont apprise de leurs parents d’abord, puis à l’école et au collègue, en lisant Victor Hugo, Félix Leclerc et Daniel Poliquin, et en assistant au théâtre de Molière, de Michel Tremblay et d’Antonine Maillet.

Comme l’a si bien chanté Yves Duteil — je ne vais pas chanter — :

C’est une langue belle avec des mots superbes

Qui porte son histoire à travers ses accents [...]

Elle revient nous chanter ses peines et ses espoirs

Nous dire que là-bas dans ce pays de neige

Elle a fait face aux vents qui soufflent de partout

Pour imposer ses mots jusque dans les collèges

Et qu’on y parle encore la langue de chez nous [...]

Chers collègues, rien ne peut remplacer la langue maternelle. C’est celle du grand amour, celui entre l’enfant et la mère. C’est celle qui nous permet de penser et d’exprimer avec un million de nuances que seule permet une fréquentation précoce et assidue, nos joies, nos peines, nos amitiés, nos idées, nos rêves. Pour moi, cette langue merveilleuse et unique, c’est le français. Pour d’autres en cette Chambre et partout au pays, c’est l’anglais, l’italien, le grec, l’ukrainien, l’espagnol, le mandarin et combien d’autres.

Quelle que soit notre langue maternelle, nous conservons avec elle un rapport unique, spirituel, charnel. Perdre sa langue maternelle est dramatique, c’est un deuil individuel et collectif qui s’étend à l’infini. C’est perdre ses racines comme en a douloureusement témoigné le grand romancier américain, canadien-français d’origine, Jack Kerouac :

[Traduction]

[...] je ne peux pas écrire dans ma langue maternelle et je n’ai plus de terre natale [...] Toutes mes connaissances résident dans ma « canadienneté française » et nulle part ailleurs.

[Français]

Les Canadiens français ont créé sur ce continent une nation nouvelle. Après la conquête, ce pays s’est transformé radicalement, mais, jamais depuis ce temps, les Canadiens francophones n’ont abdiqué dans leur lutte pour préserver les mots de leurs ancêtres, les phrases de leur mère, la langue qu’ils ont fait entendre de l’est à l’ouest et du nord au sud de l’Amérique, souvent en partenariat avec les peuples autochtones.

Cette lutte a contribué à façonner le Canada, à en faire un pays de diversité et d’acceptation de l’autre. Cependant, cela ne s’est pas fait aisément. En Ontario, dans les décennies qui ont suivi le Règlement 17, les francophones sont parvenus de peine et de misère à préserver l’enseignement du français pour leurs enfants. Puis, au fil de luttes épiques, aidés parfois par le gouvernement du Canada, par les tribunaux souvent, éventuellement par le gouvernement de la province, mais surtout grâce à leurs propres efforts — la sénatrice Moncion en a témoigné —, ils se sont donné des institutions de toutes sortes, notamment leurs propres écoles, grâce auxquelles la langue française est restée vivante. S’instruire, se divertir, aimer, converser, débattre, commercer, en somme, vivre en français est devenu de plus en plus possible. Le français n’était plus confiné à la maison.

La clé de ce succès, c’est l’éducation. Le point culminant de cette réussite était la fondation toute récente de l’Université de l’Ontario français qui allait permettre à des milliers de jeunes francophones de faire toute leur éducation en français, de la maternelle à l’université, dans les établissements gérés en français. C’est ce que vient de détruire, d’un brusque trait de crayon comptable, le gouvernement de l’Ontario. De même, en ratatinant le poste de commissaire aux services en français et en annulant une subvention promise au théâtre de La Nouvelle Scène, ce même gouvernement a gravement handicapé des ressources essentielles pour la communauté franco-ontarienne.

Le gouvernement de la province a depuis fait un peu marche arrière, mais ce recul paraît partiel et bien tactique et, surtout, il n’écarte pas les sombres inquiétudes pour l’avenir. L’avenir de l’Université de l’Ontario français reste soumis aux préjugés budgétaires et politiques de Queen’s Park.

(1720)

[Traduction]

Le gouvernement de l’Ontario a le droit de gérer ses finances comme il le souhaite. Ce n’est pas à nous, en tant que législateurs fédéraux, d’intervenir dans de tels domaines de compétence provinciale. Toutefois, un gouvernement provincial qui fait carrément fi des droits et des besoins des minorités de langues officielles peut s’attendre à ce que le Parlement intervienne. Pourquoi? Il est dans l’intérêt national d’assurer la survie et le développement de ces minorités. Si on laisse flétrir la culture canadienne-française hors Québec, le principe fondateur de notre pays sera menacé et le Canada risque de devenir un pays plus faible et plus sombre où règnent l’indifférence et l’intolérance plutôt que la diversité et l’acceptation.

C’est pourquoi, même si le gouvernement de l’Ontario tente maintenant de sauver les apparences, le Sénat doit exprimer ses craintes et insister sur le fait que le gouvernement du Canada, quel que soit le parti au pouvoir, continue de protéger les droits des minorités de langue française et d’en soutenir le développement. C’est, et ce sera toujours, une question pressante d’importance nationale.

[Français]

Parce que cette entreprise est si importante, je suis d’accord avec ce qu’a dit le sénateur Maltais jeudi dernier. Il est essentiel que cette question soit abordée d’une manière non partisane. La semaine dernière, j’ai écrit un texte d’opinion qui a été publié dans le Toronto Star et qui a été perçu comme partisan. Tel n’était pas mon intention, et je le regrette.

[Traduction]

La vérité, c’est qu’aucun parti politique, à l’échelle fédérale ou provinciale, ne peut prétendre qu’il n’a rien à se reprocher sur le plan des droits des minorités canadiennes-françaises. De plus, tous les partis comptent parmi leurs rangs de grands Canadiens qui ont lutté et qui luttent toujours pour ces droits. Par conséquent, aucun parti ne devrait essayer de se faire du capital politique dans un sens ou l’autre aux dépens des Canadiens français.

Peu importe nos allégeances politiques et nos tendances idéologiques, en tant que Canadiens et législateurs fédéraux, nous avons tous le devoir sacré de défendre les droits des minorités et de répondre à leurs besoins.

Premièrement, c’est une obligation humaine et morale. Deuxièmement, c’est un devoir constitutionnel. Troisièmement, c’est un devoir envers le pays.

En effet, la préservation du français sur notre territoire d’un bout à l’autre du pays n’est pas seulement une question d’histoire; il s’agit aussi d’une condition de notre avenir. C’est un test constant de notre succès en tant que nation.

[Français]

Honorables sénateurs, vive l’Ontario français! Vive le Canada! Merci.

[Traduction]

L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion de ma collègue, la sénatrice Miville-Dechêne, qui demande au Sénat de réaffirmer l’importance des deux langues officielles comme fondement de notre fédération.

Comme je suis Montréalaise de troisième génération et membre de la communauté anglophone du Québec, une communauté linguistique minoritaire, c’est un enjeu qui me tient grandement à cœur.

Le bilinguisme, façonné par la riche histoire et le développement du Canada, est depuis toujours au cœur de notre identité nationale. Cela a commencé au début des années 1500, lorsque Jacques Cartier a traversé l’océan Atlantique et a découvert la beauté du golfe du Saint-Laurent et les berges du fleuve Saint-Laurent. Il a vu les endroits qui allaient devenir Québec et Montréal et a fièrement choisi d’y vivre. Par la suite, le père de la Nouvelle-France, Samuel de Champlain, a établi la première colonie française en territoire canadien au début des années 1600.

À partir de la fin du XVe siècle, des voyageurs français et britanniques ont exploré le futur Canada, se sont battus pour ce pays et l’ont construit. Au fil des siècles, des éléments des cultures et des langues autochtones, française et anglaise se sont entremêlés pour former notre riche identité canadienne. Aujourd’hui, nous sommes reconnaissants à ces anciens voyageurs d’avoir établi le Canada, un pays auquel nous sommes profondément attachés.

Honorables sénateurs, la dualité linguistique est le lien qui unit le Canada. Son origine remonte à plus de 150 ans. Les Pères de la Confédération ont reconnu l’importance d’inclure dans la Loi constitutionnelle de 1867 des mesures visant à protéger le droit des anglophones et des francophones de s’exprimer dans la langue de leur choix. C’est grâce à leurs efforts que l’article 133 figure dans la Loi constitutionnelle de 1867. Cet article garantit le bilinguisme législatif, c’est-à-dire le droit de s’exprimer en anglais et en français au Parlement fédéral, à l’Assemblée législative du Québec, devant les tribunaux québécois et devant les tribunaux fédéraux.

L’article 133 est toujours en vigueur aujourd’hui.

En 1969, une autre page d’histoire a été écrite lorsque le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les langues officielles, la pierre angulaire du bilinguisme institutionnel. Cette loi a consolidé l’égalité de statut des deux langues officielles du Canada, l’anglais et le français. Elle a incité les communautés anglophones et francophones du pays non seulement à coexister, mais aussi à se compléter, ainsi qu’à favoriser la compréhension mutuelle.

Les communautés de langue officielle en situation minoritaire, qu’elles soient anglophones ou francophones, jouent un rôle fort positif au Canada, un pays renforcé par sa dualité linguistique et culturelle.

Permettez-moi de citer le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge :

Pour la dualité linguistique au pays, il y aurait deux ingrédients essentiels : le respect et la reconnaissance. Et cela passe par l’égalité des deux langues officielles. On doit permettre l’expression des deux langues ainsi que leur visibilité. Cela fait partie de notre identité canadienne et de la réputation internationale dont nous jouissons.

Je prends la parole aujourd’hui à titre de fière membre de la minorité linguistique anglophone du Québec, une communauté minoritaire au sein d’une population francophone qui est elle-même une minorité en Amérique du Nord. Notre expérience est unique, et notre contexte très particulier comporte son lot de défis.

Cependant, il importe de comprendre que, même si les minorités de langue officielle au pays font face à des réalités et à des défis à la fois semblables et différents, leurs besoins particuliers doivent être pris en compte. Au bout du compte, elles cherchent toutes à préserver la vitalité de leurs communautés. Il est nécessaire de bien comprendre cet aspect pour trouver de véritables solutions qui répondent aux besoins des minorités linguistiques.

Il ne faudrait pas que j’oublie de parler du travail important que nous avons effectué à titre de membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles en 2010.

Ce travail a mené à la publication du rapport intitulé L’épanouissement des communautés anglophones du Québec : Du mythe à la réalité. Les témoignages entendus nous ont informés sur les réalités de ma propre communauté. Ils nous ont permis de mieux comprendre les défis vécus par la minorité linguistique anglophone du Québec. Ces communautés ne concentrent pas leurs efforts sur la préservation et la transmission de la langue, mais sur l’inclusion économique, sociale et politique au sein de la majorité.

Honorables sénateurs, même si les difficultés éprouvées par les minorités anglophones et francophones du pays peuvent varier, je crois fermement que nous devons mener ces combats tous ensemble. En tant que sénateurs, nous devons reconnaître que nous avons un important rôle de chef de file à jouer pour faire respecter la Loi sur les langues officielles et protéger la dualité linguistique de notre pays, où coexistent le français et l’anglais, les deux langues qui sont le fondement de notre nation.

Plus encore, en tant que sénateurs, nous avons pour rôle particulier de parler au nom des minorités, de ceux qui n’ont, souvent, pas voix au chapitre. Dans le cadre de mon interpellation sur le rôle du Sénat dans la protection de la représentation des régions et des minorités, une initiative que j’ai présentée en mai 2016, j’ai expliqué que les pères de notre pays reconnaissaient le besoin fondamental de tenir compte des différences au sein de la fédération.

Sir John A. Macdonald était persuadé que le Sénat ne devait pas être une « Chambre des provinces », mais plutôt une « Chambre du Parlement fédéral, dont les membres adopteraient une perspective à la fois régionale et nationale ».

Il est donc parfaitement normal que nous, sénateurs, rappelions au gouvernement du Canada sa responsabilité de défendre et de promouvoir les droits linguistiques, et que nous l’exhortions à prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à ses compétences, pour assurer l’épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Les circonstances particulières de la création du Canada ont permis d’en faire un pays inclusif et multiculturel dont les habitants demeurent unis, quelle que soit la langue officielle qu’ils emploient.

[Français]

L’honorable René Cormier : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole à mon tour aujourd’hui pour appuyer sans équivoque la motion déposée en cette Chambre par la sénatrice Miville-Dechêne le 22 novembre dernier. Je tiens d’abord à vous remercier, chers collègues anglophones et francophones qui avez pris la parole à ce sujet. J’ai relu avec beaucoup d’attention — et une certaine émotion, je dois l’avouer — vos propos éloquents.

(1730)

La justesse et la force de vos interventions agissent assurément comme un baume pour les Franco-Ontariens et l’ensemble des communautés linguistiques en situation minoritaire, mais elles sont également porteuses d’espoir pour tous les citoyens de notre pays.

[Traduction]

Dans vos discours, vous avez réaffirmé que la protection des langues officielles n’est pas seulement la responsabilité des minorités de langue officielle ou d’un groupe en particulier. Vous avez souligné avec conviction que les gouvernements et tous les Canadiens ont la responsabilité de défendre nos valeurs communes.

[Français]

À la lumière de vos propos éloquents, chers collègues, que reste-t-il à dire et à faire pour convaincre certains élus et l’ensemble des Canadiennes et Canadiens de l’importance des langues officielles pour l’avenir de notre pays?

[Traduction]

Que pouvons-nous dire de plus?

[Français]

Combien de statistiques faut-il rappeler? Combien d’études faut-il faire? Jusqu’où faut-il remonter dans notre histoire pour expliquer et faire comprendre ce que représentent les langues officielles, le bilinguisme et la dualité linguistique dans la construction, le maintien et l’épanouissement de la fédération canadienne?

[Traduction]

Y a-t-il quelque chose qui manque dans la façon dont les gens sont éduqués dans notre pays? Avons-nous oublié d’expliquer à nos concitoyens ce que cela signifie que d’avoir le privilège de vivre, d’être instruit et de travailler dans un pays où l’anglais et le français font effectivement partie du patrimoine? Qui plus est, ce sont les meilleurs outils que nous avons à notre disposition pour vivre en paix ensemble.

[Français]

Que devons-nous faire, chers collègues, pour déboulonner les mythes associés aux coûts supposément excessifs du bilinguisme et de la dualité linguistique au Canada? À celles et ceux qui prétendent que les francophones et les anglophones en milieu minoritaire sont les privilégiés de notre pays, car ils ont accès à des fonds pour protéger leur langue et leur culture, quel argument faut-il mettre de l’avant? Comment pouvons-nous contrer ces discours polarisants qui véhiculent de fausses informations sur la dualité linguistique et qui divisent une partie de la population canadienne?

Peut-être faut-il d’abord rappeler les conclusions de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, mieux connue sous le nom de Commission Laurendeau-Dunton, une des commissions qui a eu le plus d’influence sur le cours de l’histoire canadienne? Établie en 1963, cette commission a enquêté pendant plusieurs années sur trois principaux aspects de notre pays : l’étendue du bilinguisme dans l’administration fédérale, le rôle des organismes publics et privés dans la promotion de meilleures relations culturelles, et les perspectives offertes aux Canadiens de devenir bilingues en français et en anglais.

Les commissaires se sont appuyés sur le principe directeur d’un partenariat égal, c’est-à-dire sur l’égalité des chances, pour les francophones et les anglophones, de faire partie des institutions qui touchent leur vie. Les commissaires devaient aussi faire rapport sur la contribution des autres groupes culturels, et sur les moyens de conserver cette contribution et de mettre en valeur le multiculturalisme au Canada. André Laurendeau, le codirecteur de cette commission, affirmait à l’époque, et je cite :

[...] l’anglais et le français ont reçu en 1867 [...] une reconnaissance formelle inscrite dans la loi fondamentale du pays. Mais nous avons en outre constaté que cette reconnaissance était incomplète à divers égards et souvent contestée quant à la langue française. Si le principe de l’égalité est accepté [...] il faut affirmer sans ambiguïté l’égalité de statut pour les deux langues. Ce qui est implicite doit devenir explicite.

Honorables collègues, les gouvernements qui se sont succédé depuis les travaux de cette commission ont fait des avancées importantes, mais, manifestement, le travail est loin d’être achevé.

[Traduction]

Le respect et la reconnaissance du bilinguisme, de la dualité linguistique et des deux langues officielles du Canada sont comme une œuvre inachevée. Nous devons la terminer, honorables sénateurs.

Je prends la parole aujourd’hui comme sénateur de la seule province officiellement bilingue du Canada, le Nouveau-Brunswick. C’est une province qui traverse une période difficile. Les gens remettent en question la valeur des deux langues officielles comme force motrice du développement et du dynamisme social, économique et culturel de notre région.

[Français]

Quand je constate ce qui se passe chez nous, ainsi qu’au Manitoba et en Ontario, il est clair que certains de nos leaders oublient que les langues française et anglaise sont égales au Canada. Aussi, chers collègues, permettez-moi — dans le respect des champs de compétence de cette province et sans utiliser une lorgnette partisane pour analyser la situation actuelle — d’affirmer que les décisions récentes du gouvernement ontarien sont tout à fait inacceptables et contraires aux valeurs canadiennes et au fondement de notre fédération.

Remettre en question, pour des raisons économiques, l’importance du Commissariat aux services en français, le besoin de l’Université de l’Ontario français et la pertinence d’institutions artistiques et culturelles comme La Nouvelle Scène est le signe d’une vision à court terme désolante et fort regrettable. L’annonce récente qui propose que le Commissariat aux services en français reprenne vie au sein du Bureau de l’ombudsman ne tient pas la route.

Comme son titre l’indique, le commissaire aux services en français de l’Ontario joue un rôle bien différent de celui de l’ombudsman. L’ombudsman est là pour agir en dernier recours. Tout comme un commissaire, il reçoit des plaintes et s’assure de leur suivi. Il s’assure que les plaintes sont recevables et enquête sur les problèmes cernés par le commissaire, mais, pour agir, il doit attendre de recevoir une plainte.

Le rôle du commissaire aux services en français va bien plus loin. Il sensibilise la fonction publique aux attentes des citoyennes et citoyens, il assure la promotion de l’importance des services en français au sein de la fonction publique et en Ontario et il travaille avec la fonction publique à développer des projets et des programmes d’offre de services en français.

Dans un certain sens, il est un grand allié de la fonction publique ontarienne et un protecteur du citoyen. Son indépendance et son pouvoir d’enquête lui permettent également d’étudier les questions d’importance pour la province, comme il l’a fait en 2012 en faisant une étude sur l’offre des programmes universitaires en français qui a mené à la création d’une université de langue française en Ontario. À cet égard, la décision du gouvernement de reporter le soutien financier à l’Université de l’Ontario français est extrêmement dommageable.

[Traduction]

La décision du gouvernement de l’Ontario pourrait finir par coûter cher. Plus nous attendrons le premier cours de cette université de langue française, plus il deviendra difficile de trouver des candidats pour les milliers de postes bilingues dans le Grand Toronto et dans la province. La demande pour cette main-d’œuvre très qualifiée existe déjà en Ontario et ailleurs au Canada.

Mesdames et messieurs les sénateurs, lorsqu’une usine ferme dans notre pays, nous prenons sa défense, et ce, à juste titre. Lorsqu’un projet d’établissement postsecondaire ou de centre d’arts, sources d’innovation et de créativité susceptibles de stimuler les progrès sociaux, économiques et culturels de notre pays, est menacé, il est de notre devoir de protester.

[Français]

C’est ce que font les Franco-Ontariens avec dignité, et j’applaudis leur engagement. J’exprime aussi mon admiration la plus vive pour la députée Amanda Simard, qui porte les préoccupations des francophones de l’Ontario avec beaucoup de courage et de détermination.

Honorables sénateurs, bien que la situation en Ontario soit décevante, nous pouvons constater son effet mobilisateur pour l’ensemble du pays, nous réjouir de la réponse de la société civile face aux coupes annoncées et applaudir le fait que des francophones et des anglophones de partout se sont levés pour affirmer haut et fort l’importance de la dualité linguistique dans le maintien d’une fédération canadienne forte et prospère.

(1740)

[Traduction]

Qui plus est, à titre de président du Comité sénatorial permanent des langues officielles, je ne peux pas faire fi des nombreux témoignages que j’ai entendus pendant des mois dans le cadre de notre importante étude sur la modernisation de la Loi sur les langues officielles.

[Français]

Des citoyennes et citoyens de toutes les régions, de tous les secteurs, de tous les groupes d’âge ainsi que des deux grandes communautés linguistiques de ce pays nous parlent avec passion, engagement et vision de la valeur du bilinguisme et de la dualité linguistique canadienne.

Ils nous rappellent avec force à quel point, grâce à ses deux langues officielles, le Canada est unique. Ils articulent avec clarté leurs attentes face au rôle de leader que doit jouer le gouvernement du Canada, et ce, aux plus hauts échelons, pour assurer la protection, le développement et la promotion de l’égalité du français et de l’anglais au Canada.

[Traduction]

Chers collègues, je suis convaincu que vous avez tous lu avec enthousiasme et dévouement nos deux rapports préliminaires, qui font état des aspirations et des propositions précises formulées par les témoins pour une loi modernisée. Ces rapports montrent le désir clair de tous les témoins que cette loi quasi constitutionnelle soit pleinement respectée et considérée comme une grande source de fierté pour les Canadiens.

Au cours de nos audiences, nous avons eu le bonheur de trouver beaucoup de points communs dans les modifications proposées par les communautés francophone et anglophone. Nous avons entendu que le principe de la dualité linguistique est au cœur de l’identité canadienne et que cette loi reconnaît que les communautés de langue officielle en situation minoritaire font partie intégrante du contrat social du Canada.

La valeur fondamentale revêt des dimensions sociales et économiques pour tous les Canadiens et est essentielle à la vitalité des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Français]

Afin d’assurer le respect de ces valeurs, les témoins entendus ont proposé de renforcer le rôle du Commissariat aux langues officielles et de revoir les mécanismes de mise en œuvre et de surveillance de la loi. Leur demande était sans équivoque : une Loi sur les langues officielles modernisée doit être ancrée dans le principe de l’égalité réelle des communautés.

[Traduction]

Voilà pourquoi il est si important que le gouvernement fédéral modernise dès que possible la Loi sur les langues officielles et collabore avec les provinces et les territoires pour veiller à ce qu’elle soit respectée et appliquée dans toutes les régions du pays.

Honorables collègues, nous avons encore bien des problèmes à résoudre au Canada et beaucoup de réconciliation à faire. Nous devons protéger, préserver et promouvoir les langues des Premières Nations, des Métis et des Inuits pour qu’elles puissent être parlées aujourd’hui et demain.

Nous devons également reconnaître et célébrer les nombreuses langues parlées au pays, car elles représentent le patrimoine qui nous a été légué par des générations d’immigrants qui ont choisi d’élire domicile au Canada.

[Français]

Cela dit, honorables collègues, nous nous sommes donné deux langues officielles dans ce pays, deux langues qui sont inclusives, accueillantes des différentes cultures et qui sont nos langues du « vivre ensemble ». Comme l’anglais, le français au Canada est une langue porteuse d’histoire et d’avenir qui témoigne avec éloquence de notre capacité à vivre ensemble. C’est une langue moderne parlée par des millions d’individus dans le monde et qui permet au Canada de faire des affaires, d’exercer une diplomatie culturelle forte et de participer pleinement aux forums internationaux qui portent sur les grands enjeux planétaires.

Défendre, promouvoir et célébrer la dualité linguistique et nos deux langues officielles, c’est reconnaître que les citoyennes et citoyens qui composent cette diversité canadienne ont l’immense privilège de pouvoir communiquer entre eux grâce à ces deux langues officielles que sont le français et l’anglais.

[Traduction]

J’aimerais conclure par deux messages.

D’abord, avec mes collègues, les sénatrices Gagné, Moncion et Forest-Niesing, j’ai demandé un dialogue ouvert et honnête sur les langues officielles. J’espère vivement que vous allez tous continuer de contribuer aux discussions qui s’imposent et qui doivent se poursuivre au Canada. Quand il s’agit de garantir les droits et les libertés prévus par la Constitution, je pense qu’il ne faut pas céder devant les discours sur l’austérité.

Ensuite, je demande à tous — peuples, communautés, majorité et minorités — de faire preuve de solidarité. Notre vision d’un Canada inclusif, c’est en agissant ensemble que nous pouvons la concrétiser. L’adoption de cette motion à l’unanimité serait, à mon avis, un premier pas.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : : Sénateur Cormier, votre temps de parole est écoulé.

[Traduction]

Le sénateur Cormier : Une minute, s’il vous plaît?

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?

[Traduction]

Des voix : D’accord.

[Français]

Le sénateur Cormier : Nous avons été plusieurs sénateurs francophones et anglophones à contribuer à la rédaction de la motion déposée par la sénatrice Julie Miville-Dechêne. Je suis ravi que ce soit elle, une sénatrice du Québec, qui la présente dans cette enceinte. Cette solidarité entre Québécois, Acadiens, Franco-Ontariens, Franco-Manitobains, francophones et anglophones de ce pays est remarquable et inspirante pour nous et pour tous les Canadiens. La motion proposée est claire, forte, inspirante et mobilisatrice. J’aimerais maintenant demander au Sénat de se prononcer sur cette question, et j’appelle le vote sur cette motion. Je vous remercie.

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, je tiens également à exprimer mon appui ferme à cette motion, puisque je ressens l’obligation d’intervenir sur cet enjeu en tant que sénateur ontarien.

Au Vietnam, le français était la langue de mon éducation primaire et secondaire, et aussi en France lors de mes études postsecondaires, à l’Université de Paris-Sorbonne. J’ai aussi enseigné la langue de Molière à l’école Emily Carr, à Orléans, pendant plus de 30 belles années. Je suis donc fier de dire que cette langue officielle fait partie intégrante de mon identité en tant que Canadien, Vietnamien et Ontarien.

Le français a facilité mon intégration et celle de ma famille au Canada. Lorsque nous sommes arrivés ici comme réfugiés, à la suite de la chute de Saigon le 30 avril 1975, le français m’a permis d’interagir avec la communauté et avec les services aux immigrants grâce à cet avantage considérable. C’est pourquoi l’éducation en français et en anglais de mes quatre enfants, et de mes neuf petit-enfants, demeure une priorité et une richesse.

La protection des droits linguistiques, notamment pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, demeure ici essentielle. Nous l’avons appris avec le Règlement 17 durant les années 1910 à 1927.

En 1997, la communauté francophone a réagi à la fermeture de l’hôpital Montfort. En 1999, la Cour divisionnaire de l’Ontario s’est prononcée en faveur de l’hôpital. Enfin, en 2001, la Cour d’appel de l’Ontario a affirmé que l’hôpital Montfort jouit d’une protection constitutionnelle. Notons que, aujourd’hui, l’hôpital Montfort demeure ouvert et offre des services de santé à plus de 1,2 million de personnes de l’Est de l’Ontario et de toutes communautés linguistiques.

Imaginons-nous donc ce qu’une université francophone pourrait accomplir.

Chers collègues, il est de notre devoir de protéger l’égalité linguistique en statut et en droit pour les anglophones au Québec et pour les francophones en Ontario, et partout ailleurs au Canada. La dualité linguistique demeure essentielle à notre identité canadienne.

Je parle aujourd’hui au nom des nouveaux immigrants francophones qui arriveront ici, en Ontario, d’ici 2023, à la suite de la promesse fédérale qui a été faite le 19 novembre dernier visant à augmenter le nombre de nouveaux arrivants de langue française. Cette initiative fédérale nécessite l’appui de la province pour aider les nouveaux arrivants d’expression française à s’établir, à s’intégrer et à demeurer en Ontario.

Honorables collègues, il me fait chaud au cœur de voir une si belle solidarité des provinces envers les deux langues officielles comme fondement de notre fédération.

(1750)

Je souhaite également que cette motion présentée par la sénatrice Miville-Dechêne se rende au-delà de cette Chambre et apporte un soutien à la vitalité linguistique des Franco-Ontariens. Merci.

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l'opposition) : Honorables collègues, je voudrais d’abord remercier la sénatrice Miville-Dechêne d’avoir présenté cette motion. Bien que je la trouve incomplète, comme je l’expliquerai plus en détail, cette motion représente une belle occasion de faire le point sur la question de la dualité linguistique au Canada.

Nous touchons là en effet à un point sensible qui, depuis plus de deux siècles, est au cœur même des débats politiques qui ont façonné notre pays. Je me permets de citer Chartier de Lotbinière, lors du célèbre débat sur les langues du 21 janvier 1793, qui a été si magnifiquement illustré par Charles Huot dans le tableau qui orne le Salon bleu de l’Assemblée nationale du Québec. Il expliquait alors que, puisque la majorité des citoyens que les députés représentaient parlaient français, les procès- verbaux devaient être préparés dans les deux langues officielles :

[...] nous sommes obligés de nous écarter des règles ordinaires et sommes contraints de réclamer l’usage d’une langue qui n’est pas celle de l’empire ; mais aussi équitables envers les autres que nous espérons qu’on le sera envers nous-mêmes, nous ne voudrions pas que notre langage vînt à bannir celui des autres Sujets de Sa Majesté, mais demandons que l’un et l’autre soient permis [...]

[Traduction]

Honorables collègues, il y a 225 ans, des parlementaires canadiens insistaient pour que le français et l’anglais soient sur un pied d’égalité au Canada. La motion dont nous débattons n’est donc pas une idée nouvelle.

Les décisions du gouvernement de l’Ontario, qui sont au cœur de la motion, sont regrettables. Nous devons toutefois nous réjouir que le gouvernement ait décidé de revenir sur certaines de ces décisions. J’ai été heureux en particulier de lire ce matin que, selon la ministre Mulroney, le projet d’une université francophone à Toronto n’a pas été complètement abandonné. Nous devons respecter la latitude et l’indépendance dont dispose chaque gouvernement de la fédération canadienne, quand vient le temps de prendre les décisions qu’il juge nécessaires dans ses champs de compétence. Cela ne signifie toutefois pas que, s’agissant des décisions prises par les gouvernements, les sénateurs n’ont pas le droit d’exprimer leurs points de vue dans le cadre de leur rôle de défense des minorités et des régions au Parlement.

[Français]

Nous devons demeurer vigilants : la protection des droits des minorités linguistiques est une bataille de tous les instants.

Les évènements des derniers jours ont ceci de bon : le sort de la minorité franco-ontarienne et l’importance de la langue française au Canada sont devenus un sujet d’actualité.

Radio-Canada, qui ne parle jamais de la francophonie ontarienne, s’est soudainement passionnée pour ce sujet. Plusieurs commentateurs québécois qui, depuis des années, avaient décrété la disparition des francophones hors Québec ont décrié avec ferveur la disparition d’un poste de commissaire aux plaintes. Chers collègues, nous avons eu droit au bal des hypocrites. Souhaitons toutefois que cet intérêt spontané pour le sort des minorités linguistiques dans les médias montréalais dure plus qu’une ou deux semaines.

Parlant d’hypocrisie, que dire de la ministre Mélanie Joly? Elle qui a perdu son poste l’été dernier en raison de son incompétence s’est accrochée à cette histoire comme à une bouée. Le gouvernement Trudeau, la ministre Joly en tête, n’a rien fait depuis trois ans pour les francophones hors Québec, et les Franco-Ontariens en particulier. La puissance des cris de la ministre n’a d’égal que la faiblesse de ses actions depuis trois ans. Je me permets de citer certaines statistiques importantes relevées par la ministre des Affaires francophones de l’Ontario, Caroline Mulroney. Le gouvernement fédéral, chers amis, ne verse que 2,78 $ par francophone ontarien en vertu de l’Accord Canada-Ontario sur les langues officielles, alors que le Nouveau-Brunswick reçoit 7,31 $, et le Manitoba, 35,71 $ par francophone. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement fédéral a investi 7 millions de dollars, et le gouvernement de l’Ontario, 13,2 millions de dollars. C’est bien beau de diffuser des gazouillis colériques et de faire de grandes déclarations, mais il faut aussi des actions concrètes.

La Chambre des communes a adopté une motion enjoignant le gouvernement Trudeau à déposer un plan cette semaine pour la francophonie ontarienne. Nous allons voir si la ministre Joly pourra offrir plus que de belles paroles, et bientôt.

Chers collègues, laissez-moi vous expliquer pourquoi ce dossier me tient à cœur. Pourquoi un allophone de Montréal est-il si préoccupé par le sort des Franco-Ontariens? Le français est ma troisième langue. Je ne le parle pas parfaitement, comme vous pouvez l’entendre, mais je fais toujours un gros effort. Je suis aussi un francophile, comme plusieurs d’entre vous. Pour moi, le français, c’est comme le dit Yves Duteil, et je cite :

C’est une langue belle à qui sait la défendre

Elle offre des trésors de richesse infinie

Les mots qui nous manquaient pour pouvoir nous comprendre

Et la force qu’il faut pour vivre en harmonie.

Mes parents ont immigré au Canada de Grèce. Ils se joignaient aux descendants de ceux qui ont fondé ce pays. Ils savaient qu’ils arrivaient dans un pays où on parle anglais et français, un pays où les deux cultures se côtoient, se marient dans l’histoire, dans le système politique et juridique, et dans les arts. Je suis le produit de ce Québec et de ce Canada. Je suis fier d’appartenir à ce pays, dans lequel nous pouvons converser, débattre, chanter, rire ou pleurer dans deux langues.

Le français est la langue officielle de 29 pays, et est la cinquième langue de la planète, avec 274 millions de locuteurs. On calcule que, en 2060, il y aura 767 millions de francophones, dont 85 p. 100 vivront en Afrique. L’appartenance à la Francophonie permet au Canada de jouir d’un accès privilégié à tous ces gens. L’anglais est la lingua franca du monde, nous permettant de faire des affaires partout et d’exporter notre culture. La dualité linguistique est une richesse pour le Canada, chers amis.

[Traduction]

Toutefois, elle n’est pas qu’un outil qui aide le Canada sur la scène internationale. Comme l’a signalé la sénatrice Seidman, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, a déclaré, dans une entrevue donnée le 10 septembre, que la dualité linguistique fait partie de l’identité canadienne. Je suis d’accord avec lui. Je dirais même qu’elle fait partie intégrante de notre identité. Or, sans cette identité, le Canada ne serait pas ce qu’il est. C’est ce qui le distingue le plus de ses voisins du Sud. Cela contribue à son image de marque à l’échelle internationale. Comme je l’ai dit plus tôt, cet équilibre entre les langues de nos deux peuples fondateurs est au cœur de l’identité nationale; il l’était par le passé, et il le sera toujours.

C’est l’une des réserves que j’ai à l’égard de la motion. On peut penser que c’est un détail, mais c’est loin d’être insignifiant. Ce n’est pas l’emploi de deux langues qui fait du Canada le pays qu’il est, mais sa dualité linguistique. Par exemple, beaucoup de langues sont parlées en Espagne, mais le principe de la dualité linguistique n’y est pas reconnu comme au Canada.

[Français]

L’autre point sur lequel j’ai un différend avec le texte de la motion, c’est l’idée que cette dualité n’est que la base de la fédération. Au contraire, je crois fermement que la dualité linguistique n’est pas qu’un concept constitutionnel. Il s’agit d’une caractéristique fondamentale du tissu canadien, qui va au-delà des lois. La dualité entre le français et l’anglais n’existe pas au Canada parce qu’elle est reconnue par la Loi sur les langues officielles ou la Constitution. Elle existe parce qu’elle est un élément essentiel de notre identité. Il s’est écoulé 225 ans depuis le débat sur les langues à Québec.

[Traduction]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Monsieur le sénateur, je suis désolée; je dois vous interrompre.

Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3 du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure. Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : D’accord.

[Français]

Le sénateur Housakos : Merci. Le Canada a connu divers régimes politiques, mais le principe de la dualité linguistique demeure. N’est-ce pas là la preuve qu’elle fait partie de notre identité?

[Traduction]

Comme je disais, le fait qu’un grand nombre de Canadiens parlent couramment l’anglais et le français est un aspect précieux de notre pays. Cela nous permet de communiquer avec des milliards de personnes partout dans le monde.

Cependant, le devoir de défendre les droits des minorités linguistiques va bien au-delà du simple nombre de locuteurs de chaque langue. En se fondant strictement sur les mathématiques et la démographie, on obtient des arguments frivoles comme ceux que nous avons entendus au cours des derniers jours : en Ontario, autant de personnes parlent le mandarin que le français, alors pourquoi la langue française devrait-elle être traitée différemment? La réponse est simple : c’est en raison de l’histoire de notre pays.

(1800)

[Français]

En 2004, le gouvernement a célébré le 400e anniversaire du Canada, parce que l’histoire officielle fait remonter la création de notre pays à l’établissement de Samuel de Champlain à Port-Royal, comme l’a bien indiqué le sénateur Pratte. Les colons britanniques, qu’ils soient Anglais, Écossais ou Irlandais, sont venus s’établir au Canada. Ce sont eux qui ont fondé notre pays — parfois en harmonie avec les Premières Nations, parfois, malheureusement, en les affrontant. C’est parce que l’anglais et le français sont les deux langues des peuples fondateurs qu’elles doivent recevoir un statut particulier dans notre pays — comme les langues autochtones. On ne saurait juger de l’importance d’une langue dans un pays par le seul nombre de ses locuteurs. La dualité linguistique est au cœur même du pacte entre ces deux peuples fondateurs.

[Traduction]

En fait, l’idée selon laquelle il faut protéger la minorité anglophone du Québec en raison de notre histoire a été défendue par nul autre que René Lévesque au cours de l’une des premières conventions du Parti québécois. Il avait alors déclaré que, même dans un Québec indépendant, on continuerait à financer pleinement le système d’éducation public pour les anglophones, en raison de leur contribution à l’histoire.

Avant de conclure, je veux souligner le fait que, tout au long de mon allocution, j’ai parlé du concept de dualité linguistique, et non du bilinguisme. Contrairement à ce que dit la motion, c’est la dualité linguistique qui fait partie de l’identité canadienne et de la trame de son histoire. C’est le fait que les Canadiens peuvent communiquer soit en français, soit en anglais. Le bilinguisme, qui n’a été institutionnalisé que progressivement au cours de l’histoire, est né du fait que les Canadiens ont reconnu que la dualité linguistique est un pilier de leur identité. Pour certaines institutions, le bilinguisme est une obligation; pour certains individus, il est un cadeau. Cependant, il ne définit pas le Canada. Tous les Canadiens ne sont pas tenus d’être bilingues, mais tous les Canadiens sont tenus de respecter la langue de leur voisin.

[Français]

Chers collègues, je crois que la motion qui est devant nous n’est pas assez claire ni assez explicite au point no1. Je m’en voudrais de procéder à la hâte et de passer ce fait sous silence. Pour cette raison, je crois qu’un amendement s’impose. Je vous invite à l’appuyer afin de clarifier la motion principale, qui mérite certainement d’être approuvée.

Motion d’amendement

L’honorable Leo Housakos (leader adjoint suppléant de l'opposition) : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution du point 1 par ce qui suit :

« 1.réaffirme l’importance de la dualité linguistique, français et anglais, que nous ont léguée nos deux peuples fondateurs comme pierre angulaire de notre fédération et élément essentiel de notre identité canadienne; ».

[Traduction]

Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire : En amendement, l’honorable sénateur Housakos propose, appuyé par l’honorable sénateur Mockler, que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution du point 1 par ce qui suit :

« 1. réaffirme l’importance de la dualité linguistique, français et anglais, que nous ont léguée nos deux peuples fondateurs comme pierre angulaire de notre fédération et élément essentiel de notre identité canadienne; ».

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Le sénateur Joyal : Je propose que le débat soit ajourné à mon nom.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Souhaitez-vous en débattre?

[Français]

L’honorable Julie Miville-Dechêne : Étant donné que j’ai présenté cette motion il y a huit jours et que le sénateur Housakos nous fait la surprise aujourd’hui de présenter un amendement, qui, toutefois, va dans le bon sens, je sens que nous devons l’appuyer. Je ne crois pas que notre motion prétendait que le bilinguisme était la voie à suivre. Au contraire, notre motion parlait de l’importance des deux langues officielles comme fondement du Canada. Je crois que nous étions tout à fait dans l’esprit de notre pays en mentionnant que les deux langues officielles sont le fondement du Canada. Toutefois, il est vrai que la dualité linguistique est aussi une caractéristique fondamentale de notre pays. Dans un souci d’unité, je suis tentée d’accepter cet amendement.

Je dois dire, toutefois, que le discours du sénateur Housakos m’a particulièrement perturbée, étant donné que cette motion est tout de même venue à la suite de coupes importantes de la part du gouvernement de l’Ontario. Le paradoxe dans ses propos était de mettre l’accent sur les supposées erreurs du gouvernement fédéral dans ce domaine. Je rappelle qu’une motion a été adoptée à l’autre endroit, demandant que se tiennent des négociations entre le gouvernement de l’Ontario et le gouvernement fédéral. D’ailleurs, les chefs des partis se sont rencontrés.

Je tiens à réitérer que, il y a huit jours, quand nous avons écrit cette motion, nous l’avons fait avec soin, mes collègues et moi. Des francophones qui vivent à l’extérieur du Québec et plusieurs autres personnes ont contribué à sa rédaction. Chaque mot a été pesé pour éviter que cette motion ne soit perçue comme partisane. C’est ainsi que nous l’avons présentée au Sénat. Nous avons même remis des ébauches aux directions des caucus et nous avons abordé des sénateurs. L’objectif est d’avoir une voix unie au Sénat pour défendre cette question si importante pour notre pays.

Cet amendement, de mon point de vue, est recevable. Cependant, il arrive à la dernière minute, après une journée complète à attendre patiemment de voir de quelle façon le sénateur Housakos voulait contribuer au débat sur cette motion. Il aurait été préférable que nous puissions discuter de tout cela un peu plus tôt. Cependant, étant donné son choix de mots, la motion me semble acceptable. Je regrette le contexte qui entoure tout ce qui s’est passé depuis huit jours. Il y a eu d’assez longs délais. D’ailleurs, la Chambre des communes s’est prononcée avant nous. J’ai surtout senti, dans l’attente que le sénateur Housakos nous faisait subir, une volonté peut-être de garder ses cartes pour lui.

Bref, nous avons été transparents tout au long du processus. Maintenant, il est temps de passer au vote.

Je réitère qu’il est important que le Sénat soit uni, quelles que soient nos allégeances, au-delà de toute partisannerie, parce que ce qui compte, c’est que les francophones qui vivent en situation minoritaire aient droit à de véritables services, qui vont de la garderie à l’université. L’université en français n’est pas un luxe. Plusieurs étudiants ont dit, depuis quelques jours, que, si on ne peut aller à l’université en français, on perd peu à peu sa langue. L’anglicisation est galopante, elle se manifeste à Ottawa, en Ontario et dans tout le Canada.

J’espère que le projet de l’Université de l’Ontario français va revivre et peut-être même bénéficier de fonds de la part du gouvernement fédéral. Espérons que ce projet verra le jour. Merci.

L’honorable Ghislain Maltais : Je remercie la sénatrice Miville-Dechêne. Il n’y a que des Canadiens et des Canadiennes en cette Chambre. Le Canada a été bâti autour de deux cultures. Il n’y a que des Canadiens et des Canadiennes, de langues différentes, de races différentes, de cultures différentes. Notre pays est ainsi fait. Lorsqu’on parle de langues, un rien enflamme la brise. Comme vous l’avez entendu dans les débats, tout le monde se sent interpellé. Qu’il s’agisse de la langue anglaise, de la langue des Premières Nations, de la langue française ou d’autres langues, ce sont nos tripes qui vibrent.

Il faut toutefois agir avec prudence et éviter les excès. Restons calmes. La motion de la sénatrice Miville-Dechêne, avec l’amendement du sénateur Housakos, à mon avis, reflète bien ce qu’est notre pays en cette enceinte.

(1810)

Nous devons donner l’exemple. Lorsque nous sortirons d’ici, beaucoup nous auront interpellés. Je vous invite à rester calmes, parce que, lorsqu’on attise le feu, on récolte souvent un incendie qui n’est pas voulu. Les langues, c’est très facile de mettre le feu là-dedans, et je parle d’expérience, croyez-moi. Ici dans cette Chambre, à l’heure où nous passerons au vote dans quelques minutes, soyons uniquement des Canadiens et des Canadiennes pour notre grand pays. Nous sommes blessés, parce qu’un membre de notre grande famille souffre. La motion de la sénatrice demande instamment au gouvernement fédéral, à l’aide des pouvoirs qui lui sont conférés, d’aider cette communauté. Soyons solidaires, continuons de travailler avec le gouvernement fédéral, essayons de travailler avec le gouvernement de la province, mais, de grâce, n’attisons pas le feu.

Merci et bon vote.

[Traduction]

L’honorable Murray Sinclair : En fait, ce que je souhaite, Votre Honneur, c’est d’ajourner le débat à mon nom.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avant que nous procédions à l’ajournement, sénateur Cormier, je vous en prie.

[Français]

L’honorable René Cormier : Je voulais faire un bref commentaire. Je suis assez troublé par cet amendement qui nous arrive au dernier moment, et je me permettrais aussi de faire un léger commentaire. Je crois que vous avez raison, sénateur Maltais, nous devons rester calmes et nous avons travaillé depuis huit jours dans un esprit de solidarité et de non-partisannerie. J’ai été très ému, hier, de voir tous les chefs des partis fédéraux réunis sur cette question.

Évidemment, je respecte l’opinion et le point de vue du sénateur Housakos, mais je suis un peu troublé par le ton que j’interprète comme partisan qu’il a pris avant de nous présenter son amendement. J’exprime avec sincérité le fait que je suis assez troublé. En même temps, je comprends la notion de dualité linguistique; on la vit et on l’exprime clairement. Je veux tout simplement dire qu’il y a, avec cette intervention, un changement de ton, et cela, quand on parle des langues officielles, quand on parle de la dualité linguistique et quand on parle de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire, je me permets de le dire, me trouble. Merci.

Le sénateur Housakos : Est-ce que le sénateur accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Cormier : Bien sûr.

Le sénateur Housakos : Sénateur Cormier, êtes-vous d’accord pour dire comme moi que, dans le déroulement d’une séance au Sénat, à n’importe quel moment, un sénateur a le droit et le privilège de présenter un amendement? Vous ne pouvez pas affirmer, comme la sénatrice Miville-Dechêne l’a fait, que je l’ai fait à la dernière minute. Qui a décidé que c’était à la dernière minute? Dans le processus que nous avons au Sénat, à n’importe quel moment un sénateur a le droit de se lever, de s’exprimer et de participer au débat. Cela s’appelle la démocratie.

La partisannerie, ce n’est pas juste lorsque quelqu’un critique le gouvernement fédéral parce qu’il ne fait pas suffisamment d’efforts pour protéger la dualité linguistique et pour faire la promotion de la langue française dans le respect. Si c’est de la partisannerie, c’est correct, je peux vivre avec cette étiquette, mais n’est-ce pas de la partisannerie que de se lever ici et de critiquer un gouvernement démocratiquement élu en Ontario? Tout ce qu’on fait ici, c’est de la partisannerie, c’est de la politique.

[Traduction]

Chers collègues, j’aimerais que le sénateur Cormier puisse réfléchir à ces questions et donner sa réponse.

[Français]

Le sénateur Cormier : Je vous remercie de votre question, sénateur Housakos. Bien sûr, je respecte le fait qu’on peut en tout temps présenter un amendement en cette Chambre, et jamais je ne remettrai cette chose en question. Je suis au Sénat depuis deux ans maintenant, je préside le Comité sénatorial permanent des langues officielles et je suis très heureux de vous entendre prendre la parole sur cette question importante. Je pense qu’il est important que tous les sénateurs et sénatrices puissent s’exprimer sur cette question, puisque la Loi sur les langues officielles est quasi constitutionnelle. Elle touche le Comité sénatorial permanent des langues officielles, et je crois qu’elle nous interpelle tous, et pas uniquement parce qu’il y a un problème en Ontario en ce moment.

Je pense que cette question de respect des langues officielles et de la dualité linguistique dans notre pays est une question qui doit faire l’objet de discussions permanentes au sein de cette Chambre. Dans ce sens, j’applaudis le fait que vous y participiez, sénateur Housakos, et c’est tout à fait votre droit de le faire.

Sur la question de la partisannerie, évidemment, on pourrait discuter longtemps de cette question. Je répète que je crois que les discours que j’ai entendus jusqu’à maintenant dans cette Chambre n’étaient pas des discours qui dénonçaient l’inaction ou l’action d’un gouvernement. Ils interpellaient un gouvernement pour qu’il à l’action. C’est dans ce sens que les interventions ont été faites. Je l’ai dit en toute sincérité, j’ai perçu chez vous une différence de ton. Maintenant, libre à vous de prendre le ton que vous voulez pour vous exprimer. C’est ma réponse.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Pratte, en débat.

L’honorable André Pratte : Très brièvement, parce que je sais qu’il est tard, à première vue, le texte de l’amendement me convenait. Je souligne tout de même que, lorsque nous avons rédigé cette motion — je dis « nous », parce que j’y ai participé un peu, mais je n’ai vraiment pas joué un rôle important là-dedans —, l’expression « deux peuples fondateurs » avait été soigneusement évitée, parce qu’on estime qu’il y en a davantage que deux au Canada. C’est peut-être l’inconvénient d’arriver avec cette motion à ce moment tardif du débat. Peut-être que si on avait pu travailler ensemble, on serait arrivé à un texte qui nous permettrait de voter dès ce soir. Déjà, il se fait tard, cela fait plusieurs jours que le sujet est traité dans l’actualité et que le Sénat aurait dû se prononcer. Quoi qu’il arrive, j’invite les gens à essayer de travailler ensemble pour arriver à un texte avec lequel tout le monde, ici en cette Chambre, sera à l’aise.

[Traduction]

J’espère que nous pourrons mettre cette motion aux voix le plus rapidement possible. Parfois, les délibérations au Sénat sont comme de la saucisse. Ce qui entre dans le processus n’est pas toujours beau à voir, mais c’est le résultat final qui compte. Dans le cas présent, l’objectif final est de nous unir pour protéger les minorités de langue officielle au Canada.

[Français]

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’ai écouté attentivement les débats. J’ai relu le hansard à plusieurs reprises, et, peut-être en raison de ce que je viens d’entendre, je voudrais prendre la parole, moi aussi. Je vais me servir de deux citations de personnes qu’on connaît très bien et qui ont modernisé le Canada depuis 1867, soit en y participant depuis 1967-1968. D’abord, il y a Louis Robichaud. Il a dit ceci le 28 mars 1968, et je cite :

[Traduction]

On nous demande maintenant de tirer parti de l’expérience et des valeurs propres à l’histoire du Nouveau-Brunswick pour renforcer l’unité canadienne. On nous demande maintenant de lancer, dans notre province, un projet qui contribuera concrètement à l’objectif fondamental de notre Confédération nationale.

[Français]

Je vais citer une autre personne. Je m’assiérai après l’avoir cité, parce qu’on devrait prendre le temps de penser à ce qu’on fait et de penser à ce qu’on dit avant de décider de faire quelque chose. C’est le premier ministre Richard Hatfield qui a dit ceci :

[Traduction]

Ils n’ont pas bâti à la hâte; ils ont bâti avec cœur.

[Français]

Ainsi, permettez-nous de poursuivre la marche de nos Pères de la Confédération et de deux grands premiers ministres de la province du Nouveau-Brunswick, la seule province bilingue, Louis Robichaud et Richard Hatfield.

(1820)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Acceptez-vous de répondre à une question, sénateur Mockler?

Le sénateur Mockler : Certainement, madame la Présidente.

[Traduction]

Le sénateur Housakos : Sénateur Mockler, vous venez d’une province officiellement bilingue, où on peut voir les deux peuples fondateurs du Canada coexister depuis des années. Comme j’ai grandi au Canada, j’ai étudié l’histoire du pays, un sujet obligatoire pendant ma scolarité au Québec et à l’Université McGill. J’en ai retenu que la fédération canadienne, la nation canadienne, a été fondée par deux peuples fondateurs, les Britanniques et les Français. J’ai toutefois entendu l’un de nos collègues sénateurs affirmer que ce n’est pas nécessairement le cas.

J’aimerais savoir, sénateur Mockler, si votre vision de l’histoire est semblable à la mienne. Vous n’avez peut-être pas mon grand âge, mais j’aimerais avoir votre point de vue.

[Français]

Le sénateur Mockler : La question porte sur un point de débat, et je ne veux pas entrer dans ce débat. J’ai entendu tantôt d’honorables sénateurs parler de la motion, que je soutiens d’ailleurs, de la sénatrice Miville-Dechêne. On a présenté, sénateur Housakos, une section qu’on pourrait peut-être réexaminer, et j’ai appuyé la motion. J’ai entendu aussi certains sénateurs dire qu’on devrait peut-être prendre le temps d’y réfléchir et, entre-temps, un autre sénateur a demandé l’ajournement. Cela nous met certainement dans une situation délicate.

[Traduction]

Je tiens à revenir sur la question. Nous avons fait beaucoup de chemin, et je suis de ceux qui estiment que nous ne devrions jamais hésiter ni trembler lorsqu’il faut défendre les langues officielles au Canada. Nous ne devrions jamais hésiter à prendre position et nous devrions toujours le faire. Au Nouveau-Brunswick, au Canada, d’un océan à l’autre, nous avons montré que nous nous battons pour les minorités. C’est ce que nous avons vu au cours de notre histoire. Voilà pourquoi nous sommes ici et pourquoi, sénateur Housakos, le Canada est le meilleur pays du monde.

[Français]

Sur ce point, peut-être qu’on devrait prendre un peu de temps avant de proposer l’ajournement, pour ensuite y revenir. Il vaut mieux prendre le temps d’être présent dans le débat que d’inciter à certaines divisions, car ce n’est pas l’objectif de notre débat.

[Traduction]

Le sénateur Pratte : J’interviens très brièvement pour apporter une précision. Lorsque le sénateur Housakos a cité mes propos, j’aurais dit selon lui que, à mon avis, il n’y a pas deux peuples fondateurs. Ce n’est pas ce que j’ai dit. J’ai dit que certaines personnes pourraient ne pas être de cet avis et qu’il faut en tenir compte. Voilà pourquoi je crois qu’il vaudrait mieux réfléchir un peu plus longtemps au contenu de la motion.

[Français]

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Miville-Dechêne, avez-vous une question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Oui, j’ai une question.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À qui s’adresse votre question?

La sénatrice Miville-Dechêne : Au sénateur Mockler.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je regrette, sénatrice, mais il est trop tard, le sénateur Pratte avait déjà la parole.

[Traduction]

Sénateur Sinclair, voulez-vous proposer l’ajournement?

Le sénateur Sinclair : Oui, je veux toujours proposer l’ajournement. Vos décisions m’embrouillent, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Mockler avait répondu à la question. J’ai donné la parole au sénateur Pratte, qui s’était levé pour demander des précisions.

Le sénateur Sinclair : Je croyais que l’honorable sénateur voulait poser une question au sénateur Mockler.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le sénateur Mockler avait terminé son allocution. Il s’était rassis. J’ai donné la parole au sénateur Pratte. Le moment approprié pour poser des questions aurait été avant que je donne la parole au sénateur Pratte.

Le sénateur Sinclair : Je demande l’ajournement à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)

[Français]

La conservation des dossiers du Processus d’évaluation indépendant

Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice McCallum, attirant l’attention du Sénat sur l’importance de conserver les dossiers du Processus d’évaluation indépendant (PEI) des survivants des pensionnats indiens qui ont fait une réclamation concernant de l’abus physique et sexuel historiques, conformément à la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2006 (CRRPI).

L’honorable Murray Sinclair : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné jusqu’à la prochaine séance du Sénat pour le temps de parole qu’il me reste.

(Sur la motion du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Arctique

Autorisation au comité spécial de reporter la date du dépôt de son rapport final

L’honorable Dennis Glen Patterson, conformément au préavis donné le 30 octobre 2018, propose :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le mercredi 27 septembre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial spécial sur l’Arctique concernant son étude sur les changements importants et rapides qui se produisent dans l’Arctique et les effets de ces changements sur les premiers habitants soit reportée du 10 décembre 2018 au 30 septembre 2019.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Peuples autochtones

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les responsabilités du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis

L’honorable Sandra M. Lovelace Nicholas, au nom de la sénatrice Dyck, conformément au préavis donné le 20 novembre 2018, propose :

Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le vendredi 8 décembre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones concernant son étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l’égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d’autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada soit reportée du 31 décembre 2018 au 30 septembre 2019.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Agriculture et forêts

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux

L’honorable Diane F. Griffin, conformément au préavis donné le 27 novembre 2018, propose :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 15 févier 2018, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts concernant son étude sur la manière dont le secteur alimentaire à valeur ajoutée peut être plus compétitif sur les marchés globaux soit reportée du 21 décembre 2018 au 28 juin 2019.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Autorisation au comité de déposer son rapport sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Diane F. Griffin, conformément au préavis donné le 27 novembre 2018, propose :

Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, entre le 3 décembre et le 21 décembre 2018, son rapport sur l’impact potentiel des effets du changement climatique sur les secteurs agricole, agroalimentaire et forestier, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Énergie, environnement et ressources naturelles

Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

L’honorable Rosa Galvez, conformément au préavis donné le 28 novembre 2018, propose :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le lundi 11 juin 2018, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles concernant son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone soit reportée du 31 décembre 2018 au 30 juin 2019.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 18 h 29, le Sénat s’ajourne jusqu’au lundi 3 décembre 2018, à 18 heures.)

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