Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 255
Le lundi 3 décembre 2018
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le lundi 3 décembre 2018
La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Français]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Hanouka
La fête des lumières
L’honorable Judith G. Seidman : Honorables sénateurs, cette soirée marque le début de la deuxième nuit de Hanouka, la fête juive des lumières. On peut tirer de nombreuses leçons formidables de Hanouka, des leçons qui peuvent s’appliquer à tout le monde, pas seulement aux juifs.
Cette fête souligne l’histoire d’un groupe de courageux guerriers juifs, les Maccabées, qui ont décidé de résister à leurs oppresseurs. Même s’ils n’étaient pas reconnus pour leur puissance, les Maccabées ont dépassé toutes les attentes, nous rappelant que même un petit groupe de personnes peut changer bien des choses.
Peu après leur victoire, les juifs sont retournés à leur temple profané, où, par miracle, ils ont trouvé une petite fiole d’huile utilisée pour allumer la ménorah. Ils ont pensé que cette huile serait épuisée au bout d’une nuit, mais elle a brûlé pendant huit jours. Ce fut le miracle de la lumière. Il a envoyé à tous un message d’espoir et de rédemption. La lumière triomphera toujours des ténèbres. Nous savons que c’est vrai, même aujourd’hui.
Après le drame épouvantable qui a secoué la communauté juive de Pittsburgh à la fin du mois d’octobre, les Canadiens et de nombreuses communautés de partout dans le monde se sont serré les coudes et ont montré qu’ils étaient unis contre l’antisémitisme, les préjugés et les actes de terrorisme. Ils ont montré que le véritable esprit de coopération, l’engagement, le courage et la détermination sont les seules façons de triompher du mal.
Certains d’entre vous savent peut-être que le nom de cette fête, Hanouka, vient du mot hébreu qui signifie « dédicace ». Inspirons-nous de cette fête pour dédier nos efforts à la protection des valeurs canadiennes : la liberté, la tolérance, la paix et la sécurité. Ce sont ces valeurs qui unissent tous les Canadiens.
À tous ceux qui célèbrent cette fête, au Canada ou ailleurs dans le monde, j’espère que ces quelques jours de célébration vous apporteront, à vous et à vos proches, paix et joie. Merci.
La recherche agricole
L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour féliciter les centres de recherche agricole du Canada du travail qu’ils accomplissent. J’ai eu la chance d’en visiter deux cette année, un à l’Île-du-Prince-Édouard et l’autre, en Colombie-Britannique.
En juillet, je me suis rendue à la Ferme expérimentale Harrington, qui fait partie du Centre de recherche et de développement de Charlottetown. On y fait des recherches sur la gestion des ressources en sols et en eau, les systèmes de production durable, la lutte contre les mauvaises herbes, les maladies et les insectes, l’amélioration de la production alimentaire, les bioressources et les cultures à valeur ajoutée. Pendant ma visite, j’ai pu voir des présentations sur les nouvelles technologies agricoles, dont les semoirs pneumatiques, l’échantillonnage des sols automatisé et une butteuse à un seul passage. J’ai également vu les parcelles de recherche.
En octobre, j’ai visité le Centre de recherche et de développement de Summerland, en Colombie-Britannique. Ses recherches portent sur les moyens de renforcer la capacité du secteur à résister aux changements climatiques et à d’autres pressions sur l’environnement physique; d’améliorer la capacité du secteur à réagir face aux maladies, aux virus et aux autres menaces biologiques; et, enfin, de promouvoir les occasions d’accroître la contribution de l’agriculture à l’économie et à la société.
Le Centre de recherche et de développement de Summerland est particulièrement apte à collaborer avec plusieurs industries, notamment l’industrie vinicole dans la vallée de l’Okanagan et l’industrie pomicole en Colombie-Britannique. Il est dommage que nous ne puissions pas nous servir d’accessoires ici. En effet, j’ai toujours en ma possession deux magnifiques pommes que je suis parvenue à sauver du sénateur Maltais et de son canif lors de notre visite au centre de recherche avec le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts en octobre dernier. Il fallait être sur place pour le voir. C’est devenu une blague pour les initiés. Laissez-moi vous raconter ce qui s’est passé.
Il y avait de quatre à six plateaux contenant chacun quatre pommes, tous préparés à des fins expérimentales. Notre illustre sénateur, vice-président du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, a soudain décidé de prélever un échantillon avec son canif. Voir la tête des chercheurs était inestimable. Bref, nous avons bien marqué notre présence.
Les stations de recherche agricole au Canada mènent un travail extraordinaire. Elles contribuent à assurer la subsistance d’une population mondiale en constante expansion, dans un contexte où les changements climatiques posent des défis d’une ampleur jamais vue. J’espère que vous vous joindrez à moi pour saluer leurs efforts.
Des voix : Bravo!
[Français]
La reconnaissance et la promotion des langues autochtones
L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, la semaine dernière, la Chambre des communes a approuvé les recommandations de son Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre et a autorisé l’utilisation de langues autochtones au cours de ses débats parlementaires.
[Traduction]
La décision de permettre à tout député autochtone de prendre la parole à la Chambre des communes dans sa langue autochtone, avec la traduction disponible pour la gouverne des collègues parlementaires, représente une étape historique et symbolique dans le rétablissement du statut des langues autochtones au Canada. La Chambre des communes mérite des félicitations pour avoir accepté de prendre des mesures dans ce sens. De plus, honorables sénateurs, nous pouvons être fiers du fait que le Sénat a donné l’exemple à cet égard.
Conformément à une motion adoptée par le Sénat en 2007 — c’est-à-dire il y a plus de 10 ans —, le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement a mené une étude afin de déterminer s’il était faisable de permettre aux sénateurs inuits de parler inuktitut au Sénat. À l’époque, il y avait deux sénateurs inuits : le sénateur Adams et le sénateur Watt.
Le Comité du Règlement a conclu que ce serait techniquement faisable si les sénateurs donnaient préavis de leur intention de parler dans leur langue autochtone, ce qui permettrait au Sénat de retenir les services d’un interprète.
À la suite de l’adoption du rapport du Comité du Règlement par le Sénat en mai 2008, sous la présidence de Noël Kinsella, nous avons eu le privilège d’entendre un sénateur inuit parler officiellement inuktitut pour la première fois au cours d’un débat officiel au Sénat, avec l’interprétation requise.
Ce fut un moment historique. Une telle chose ne s’était jamais produite au cours des 140 années précédentes de la Confédération. Cette initiative a aussi montré que le fait de permettre à un sénateur autochtone de s’exprimer dans sa langue maternelle est non seulement souhaitable, mais aussi tout à fait possible. Le rapport du Comité du Règlement s’ajoutait à cette importante avancée.
Qui plus est, en 2009, cela m’a incité à présenter un projet de loi sur la reconnaissance des langues autochtones au Canada.
Nous sommes ravis que la Chambre des communes ait adopté une approche semblable. Le Sénat devrait s’enorgueillir d’avoir ouvert la voie dans ce dossier, et, je le répète, c’est ce qu’il a fait, mesdames et messieurs les sénateurs, il y a plus de 10 ans.
(1810)
Certains d’entre nous, moi y compris, ont été invités l’année dernière à témoigner à l’autre endroit pour décrire le travail accompli au Sénat et les leçons que les députés pourraient tirer de notre expérience. Le témoignage que nous avons donné se reflète dans le rapport du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre qui a été adopté jeudi dernier par la Chambre des communes.
Je suis fier que le Sénat ait fait œuvre de pionnier dans ce dossier porteur de transformation et qu’il reconnaisse la dignité inhérente à la possibilité que les parlementaires autochtones parlent leur langue maternelle ancestrale dans les deux Chambres du Parlement canadien. Espérons que le gouvernement présente rapidement son propre projet de loi officiel sur la reconnaissance et la promotion des langues autochtones.
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jason Bremner. Il est l’invité de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse).
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
Le Nouveau-Brunswick
Quatre femmes exceptionnelles
L’honorable René Cormier : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le parcours de quatre femmes exceptionnelles originaires du Nouveau-Brunswick qui ont été honorées récemment.
Présidente de la Société Nationale de l’Acadie, chancelière de l’Université de Moncton, propriétaire de la maison d’édition Boutons d’or Acadie, Mme Louise Imbeault a reçu l’Ordre du Nouveau-Brunswick de 2018 pour le rôle crucial qu’elle a joué dans la vie sociale et culturelle du Nouveau-Brunswick, notamment par sa contribution au secteur des médias et des communications. Mme Imbeault a mené une brillante carrière au sein de la Société Radio-Canada à titre de première femme chef des nouvelles et directrice de Radio-Canada Atlantique. Félicitations à Louise Imbeault, une femme engagée au parcours impressionnant!
Le 28 novembre dernier, c’était au tour de la directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, Mme Marie-Claude Rioux, originaire de Shippagan, de recevoir l’Ordre des francophones d’Amérique pour son inestimable contribution à l’épanouissement de l’Acadie de la Nouvelle-Écosse. Cette femme déterminée a notamment coordonné les démarches juridiques permettant à la communauté d’avoir accès à une éducation en langue française, de la maternelle à la 12e année. Elle a également travaillé ardemment dans le cadre du renvoi relatif à l’abolition des circonscriptions acadiennes protégées. Félicitations à Marie-Claude Rioux, une Acadienne inspirante profondément dévouée à l’Acadie de la Nouvelle-Écosse!
Mme Roberta Dugas a reçu l’Ordre du Nouveau-Brunswick de 2018 en reconnaissance de son implication exceptionnelle au sein de la communauté et de son leadership dans la profession d’infirmière. Après avoir travaillé pendant 30 ans dans des hôpitaux et des centres de santé communautaires de la Péninsule acadienne, cette membre active au sein de son association professionnelle et de son syndicat s’est aussi consacrée à la lutte contre le cancer. Mme Dugas a mené une impressionnante carrière à titre de conseillère municipale et de mairesse de la Ville de Caraquet. Félicitations à Mme Roberta Dugas, une femme de conviction et d’engagement!
[Traduction]
Bâtir un monde plus empreint de gentillesse était au cœur de la mission de Rebecca Schofield. Ses efforts constants ont inspiré sa collectivité à apporter une grande contribution sociale au Nouveau-Brunswick et ailleurs.
Après avoir reçu un diagnostic de cancer incurable à l’âge de 15 ans, cette jeune femme exceptionnelle a exprimé à sa famille son souhait que les gens posent des gestes de gentillesse les uns envers les autres. De là est né le mouvement #BeccaToldMeTo. Depuis, même après le décès de Rebecca Schofield en février 2018, le mot-clic a été utilisé dans le monde entier, et des milliers de personnes ont partagé des histoires de gestes de gentillesse qu’elles ont posés ou qui ont été posés envers elles au nom de madame Schofield.
Le 27 novembre, elle a reçu l’Ordre du Nouveau-Brunswick à titre posthume.
Félicitations à Rebecca Schofield, une jeune femme qui pourrait être une excellente ambassadrice pour une future semaine de la gentillesse.
[Français]
Honorables collègues, je tire mon chapeau à ces femmes inspirantes et je les remercie du fond du cœur de leurs contributions exceptionnelles à notre pays.
[Traduction]
Christine Girard
Félicitations pour avoir remporté une médaille d’or aux Jeux olympiques de 2012
L’honorable Marty Deacon : Honorables sénateurs, ce matin, au Centre national des Arts, une cérémonie s’est déroulée pour une Canadienne très spéciale. Ce matin, une injustice a été réparée, du moins en partie. Christine Girard, 33 ans, a reçu sa médaille d’or des Jeux olympiques de 2012 de Londres et sa médaille de bronze des Jeux olympiques de 2008 de Beijing lors d’une cérémonie fort attendue en l’honneur de l’haltérophile qui est maintenant à la retraite. Elle a attendu 10 longues années de pouvoir mettre ces médailles olympiques à son cou.
Comme l’a dit Christine : « J’ai longtemps attendu ce moment. » Elle était très émue lorsqu’elle s’est adressée à la foule rassemblée au Centre national des Arts, et elle a dit ceci : « Je suis envahie par l’émotion. Je suis tellement fière d’être ici aujourd’hui pour recevoir cela, non seulement pour moi, mais aussi pour ma famille et mes amis, qui m’ont soutenue, et pour le Canada. »
La meilleure photo d’aujourd’hui restera longtemps dans les mémoires. On y voit Christine sur le podium olympique bricolé ce matin avec ses trois bambins et les médailles au cou, un drapeau canadien d’un côté et un magnifique chœur d’enfants de l’autre.
Mme Girard a appris en 2016 qu’elle recevrait la médaille d’or pour l’épreuve dans la catégorie des 63 kilos, qui s’est déroulée à Londres, après que la Kazakhe Maiya Maneza et la Russe Svetlana Tsarukaeva ont été dépouillées de leurs médailles, après qu’une nouvelle analyse d’échantillons d’urine eut révélé la présence d’une substance interdite.
Le fait d’avoir remporté la médaille de bronze est toujours une source de fierté pour Mme Girard, bien qu’elle aurait pu monter sur la plus haute marche du podium en tant que première Canadienne à remporter une médaille en haltérophilie. Christine a dit : « J’ai grandi convaincue qu’il était impossible pour une femme au Canada de remporter une médaille dans ma discipline. Pour moi, remporter une médaille prouve à cette petite fille qu’elle avait tort de ne pas y croire. C’est un moment très important pour moi. »
En 2016, Girard s’est vu décerner la médaille de bronze des Jeux olympiques de Beijing, tenus en 2008, après que la médaillée d’argent eut échoué à un contrôle antidrogue. Il aura fallu deux ans avant qu’elle reçoive sa médaille.
Girard ne s’est pas entretenue avec les athlètes à qui on a retiré leur médaille. Elle n’a aucune acrimonie envers elles. « J’ai parlé à d’autres athlètes qui se sont fait prendre. Je ne crois pas que c’est nécessairement leur décision [de consommer des substances interdites], a-t-elle dit, c’est souvent en raison de leur entourage, comme leurs entraîneurs ou les responsables du sport. Ce n’est pas vraiment de leur ressort. Certains athlètes sont forcés de consommer des substances interdites. Je suis extrêmement fière d’être Canadienne et de vivre dans un pays qui ne cautionne pas une telle pratique. Je n’en veux pas à ces femmes [qui ont triché]. Je suis juste vraiment déçue pour elles qu’elles aient grandi dans un pays où c’était différent. »
Même si Mme Girard est heureuse que les choses soient tirées au clair, elle se demande à quel point les choses auraient pu être différentes si elle avait reçu ses médailles pendant les Jeux olympiques : « J’ai passé quatre années très difficiles de 2008 à 2012. Je me suis entraînée dans un abri d’auto à peine chauffé. J’étais quelque peu déprimée parce que j’étais exténuée et que j’avais eu cinq entraîneurs différents. Les choses n’allaient vraiment pas bien. C’était une période très difficile. Si j’avais eu ces médailles au bon moment, ma vie aurait certainement été différente. J’ai maintenant la chance de raconter mon histoire et de dire aux gens qu’ils peuvent garder espoir en faisant les choses de la bonne façon. »
Mme Girard et sa jeune famille, y compris ses trois enfants âgés de neuf mois, deux ans et quatre ans, ont récemment déménagé à Gatineau. Elle espère pouvoir travailler auprès des jeunes athlètes dans un centre d’entraînement local. Par ailleurs, elle milite avec ferveur pour le sport sans dopage, et elle a participé à un certain nombre de symposiums...
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice, mais le temps de parole dont vous disposiez pour votre déclaration est écoulé.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement
Dépôt du rapport spécial du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement sur les allégations entourant la visite officielle du premier ministre Trudeau en Inde en février 2018
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport spécial du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement sur les allégations entourant la visite officielle du premier ministre Trudeau en Inde en février 2018 (version révisée selon le paragraphe 21(5) de la Loi sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement), conformément à la Loi, L.C. 2017, ch. 15, par. 21(2).
(Conformément au paragraphe 21(7)a) de la Loi sur le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ce document est renvoyé au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.)
[Traduction]
Projet de loi no 2 d’exécution du budget de 2018
Dépôt du quatorzième rapport du Comité des peuples autochtones sur la teneur du projet de loi
L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le quatorzième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui porte sur la teneur du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
(Conformément à l’ordre adopté le 7 novembre 2018, le rapport est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des finances nationales et l’étude de ce rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
(1820)
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les ressources naturelles
L’industrie pétrolière et gazière
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur l’annonce d’hier, selon laquelle le gouvernement de l’Alberta a ordonné une réduction de 8,7 p. 100 de la production de pétrole. Le moratoire sur les pétroliers, le projet de loi C-69, la taxe sur le carbone, l’annulation de l’oléoduc Northern Gateway et les obstacles réglementaires auxquels s’est heurté le projet Énergie Est — voilà autant de politiques fédérales qui ont contribué à la situation actuelle dans laquelle se trouve l’Alberta. Cela fait plus de six mois que le gouvernement a annoncé qu’il achèterait l’oléoduc Trans Mountain. Nous ne sommes pas plus près de la mise en chantier. En octobre, le gouvernement a voté contre le projet de loi S-245 du sénateur Douglas Black, qui prévoyait que le projet d’expansion de l’oléoduc soit déclaré d’intérêt général pour le Canada.
Sénateur Harder, la décision difficile qu’a prise le gouvernement de l’Alberta a-t-elle incité le gouvernement à revenir sur ses politiques nuisibles, ou le secteur de l’énergie doit-il s’attendre à ce que les futures mesures du gouvernement fédéral soient du pareil au même?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. J’y répondrai en deux volets. Je parlerai tout d’abord de l’annonce qui a été faite hier. Le gouvernement du Canada croit évidemment que la première ministre de l’Alberta a pris cette décision importante pour défendre les intérêts de sa province et pour exprimer la frustration qu’elle ressent à l’égard du rabais continu et inacceptable qui est accordé sur la production pétrolière canadienne. Le gouvernement fédéral partage ce sentiment de frustration. C’est pourquoi il a entrepris une série de mesures pour assurer la construction d’un pipeline afin que nos produits puissent être exportés outre-mer au lieu d’être acheminés de l’autre côté de la frontière, aux États-Unis, où ils seront captifs. La volonté du gouvernement de faire construire un pipeline se reflète non seulement dans son appui au projet TMX, mais aussi dans son achat du pipeline Trans Mountain.
L’honorable sénateur sait que le gouvernement se conforme actuellement à un processus imposé par la cour, et que ce dernier est assorti d’un délai. Cependant, le gouvernement demeure résolu à construire un pipeline qui se rendra jusqu’aux côtes.
De plus, comme le montrent les débats à ce sujet au Sénat alors que nous sommes saisis de la mesure législative, le gouvernement — et c’est aussi mon cas — adopte un point de vue différent de celui qui est exprimé dans la question à propos du projet de loi C-69. Les opinions en la matière divergent, et j’espère que le projet de loi sera renvoyé rapidement au comité afin que l’on puisse déterminer ce qui peut être fait pour l’améliorer, conformément à ce que certains ont suggéré. Cela dit, le projet de loi vise à mettre en place un processus d’évaluation environnementale qui mène à des décisions pouvant être appliquées et qui établit des délais tant pour l’examen que pour la prise de décisions. Je le répète : les décisions doivent pouvoir être appliquées.
Voilà l’objectif, et j’espère que nous pourrons étudier la mesure législative au Sénat dans les meilleurs délais afin d’offrir une telle garantie au secteur privé. Les gens d’affaires avec qui j’ai parlé du projet de loi, et ils sont nombreux, ne demandent pas de le torpiller. Ils veulent que nous l’améliorions. Nous disons qu’il faut en discuter. J’espère donc que nous pourrons aller de l’avant et je compte sur l’appui du leader pour y arriver.
Le leader de l’opposition au Sénat a parlé d’autres projets de loi aussi à l’étude au Sénat, notamment le projet de loi C-48. Le sénateur Wells a fait un éloquent discours à la dernière séance — il a probablement fait un éloquent discours hier aussi, mais je n’étais pas là pour l’entendre — pour appuyer la position de votre groupe. En fait, j’appuie les arguments d’abord présentés par le premier ministre Mulroney au moment de mettre en place le moratoire, arguments qui ont, par la suite, été soutenus par d’autres premiers ministres. D’après les explications très claires de M. Wells, je comprends que le caucus conservateur s’oppose maintenant au moratoire volontaire. C’est ce qui explique la nécessité d’un projet de loi, et ce projet de loi est actuellement à l’étude.
Donc, chers collègues, je crois que le gouvernement a consacré beaucoup de temps et d’efforts, en plus d’abondantes ressources qui appartiennent aux Canadiens, pour atteindre un objectif qui réponde aux besoins du secteur évolutif des ressources en Alberta, et j’ai hâte que nous ayons d’autres occasions d’en débattre.
Le sénateur Smith : Merci, monsieur, de votre réponse. Je crois qu’il est important de comprendre qu’il y aura beaucoup de travail à faire au comité quand il sera saisi du projet de loi C-69. Je vous fais part du point de vue qui est défendu avec véhémence par les gens d’affaires. À mon avis, il est important d’équilibrer les perspectives qui sont présentées de ce côté-ci du Sénat en présentant celles de gens d’affaires importants du Canada. Il y a très peu de soutien vis-à-vis ce projet de loi en ce moment. Nous devons trouver la meilleure façon de le modifier afin qu’il puisse devenir acceptable.
Pour revenir sur la question d’Énergie Est, au cours des derniers jours — je suis sûr que le sénateur Mockler sera heureux de l’entendre —, le nouveau premier ministre du Nouveau-Brunswick a affirmé qu’il souhaitait relancer ce projet. Le premier ministre Higgs a dit qu’il avait soulevé la question d’Énergie Est auprès du premier ministre Trudeau, qui a dit qu’il serait prêt à en parler de nouveau avec lui s’il arrivait à obtenir l’appui du Québec.
La question que j’ai à poser est simple. Énergie Est était un projet d’édification de la nation. Pourquoi le premier ministre n’est-il pas prêt à faire preuve de leadership et à en parler lui-même au nouveau premier ministre du Québec?
Le sénateur Harder : Je remercie encore une fois l’honorable sénateur de sa question. Au début de sa question, il nous exhorte à modifier le projet de loi C-69 de manière à tenir compte des préoccupations de l’industrie. Je ne dis pas non. En fait, c’est justement ce que j’avais l’impression de dire dans mon intervention. Cela dit, nous avons bel et bien besoin d’un processus d’évaluation environnementale amélioré, qui satisfasse les environnementalistes et les communautés autochtones qui ont donné leur appui au projet de loi jusqu’ici. Selon moi, une question sera au cœur des délibérations du Sénat : comment faire un tout cohérent du projet de loi afin que le pays puisse compter sur un processus d’évaluation environnementale qui permette d’obtenir le consensus nécessaire, parmi les intervenants, pour aller de l’avant?
Pour ce qui est d’Énergie Est, je rappellerai simplement au sénateur que le gouvernement du Canada demeure ouvert aux projets du secteur privé qui sont prêts à se soumettre à l’examen rigoureux qui doit être fait. Chose certaine, nous devrons évidemment tenir compte des ambitions du premier ministre du Nouveau-Brunswick si jamais l’entreprise concernée devait arriver avec une proposition formelle.
[Français]
Les affaires étrangères et le commerce international
L’Accord Canada—États-Unis—Mexique
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le premier ministre Trudeau et son entourage ignorent sûrement ce que représente un rapport de force solide dans une négociation. En signant, vendredi dernier, le nouvel Accord Canada—États-Unis—Mexique, il a tout simplement plié les genoux et baissé les bras devant le président américain en ce qui concerne les taxes douanières sur l’acier et l’aluminium, qui touchent deux des plus importantes industries canadiennes.
Il a signé l’accord sans exiger le retrait de ces taxes de 15 p. 100 et de 10 p. 100, ce qui est, selon moi, très décevant. Nous venons de perdre tout le poids que nous avions pour exiger ce retrait et, de plus, le gouvernement a fait des concessions encore nébuleuses sur la gestion de l’offre de l’industrie laitière.
Le leader du gouvernement peut-il reconnaître que cet accord n’est rien d’autre qu’un pas en arrière pour de grands secteurs de l’économie canadienne?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question, même si je suis complètement en désaccord avec lui. J’estime que la conclusion d’un accord par les négociateurs du Mexique, du Canada et des États-Unis constitue tout un exploit. Comme l’a dit le sénateur, cet accord a été signé en marge du G20 pour que l’on puisse procéder à la prochaine étape, soit l’examen par chacun des pays, avant que l’accord entre en vigueur.
(1830)
De toute évidence, la négociation de l’accord, qui a duré près de 10 ans, a donné lieu à des différends. Le gouvernement du Canada a consulté un grand nombre de Canadiens de toutes les convictions politiques ainsi qu’un large éventail de parties intéressées. Je ne les nommerai pas tous, mais cela comprend l’appui et les conseils de l’ancien premier ministre Mulroney, de l’ancienne chef de l’opposition par intérim, ainsi que d’autres Canadiens, dont d’anciens premiers ministres provinciaux qui se réjouissent de l’accord, même si, bien entendu — puisqu’il s’agit, par définition, d’un accord —, nous n’avons pas atteint tous nos objectifs. Aucun des pays n’a obtenu tout ce qu’il souhaitait. Néanmoins, c’est une solution avantageuse pour les trois parties.
En ce qui concerne les droits de douane sur l’aluminium et l’acier, tout au long des discussions et des négociations se rapportant à cet accord, le gouvernement du Canada a reconnu que ce dossier était distinct de celui des négociations de l’ALENA. C’est parce que l’article invoqué n’est pas un article de l’ALENA, mais plutôt un article se rapportant à la sécurité nationale des États-Unis. Comme je l’ai indiqué en répondant à des questions précédentes, le gouvernement du Canada est en complet désaccord, puisque la sécurité nationale des États-Unis n’est aucunement compromise par les exportations d’acier ou d’aluminium. En fait, je dirais même qu’elle est renforcée par cette relation. Nous continuons de nous opposer à ces droits.
Même si votre question ne faisait pas référence à la déclaration publique directe du premier ministre au président au sujet de la nécessité d’éliminer ces droits de douane, cela demeure l’objectif du gouvernement du Canada. Il est manifeste qu’il faut du temps aux États-Unis pour le comprendre. Je dois dire que le Canada n’est pas le seul pays qui est dans cette position non plus.
Investir au Canada
L’honorable Leo Housakos : Honorables collègues, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
En juillet, on apprenait que le gouvernement libéral avait dépensé 24 000 $ en deniers publics pour changer le nom anglais donné à Investir au Canada en anglais, Invest in Canada Hub, qui deviendrait Invest in Canada. Vous avez bien entendu, chers collègues, on a versé 24 000 $ à une firme pour qu’elle fasse une réflexion sur ce changement, qu’elle analyse les solutions proposées et qu’elle les présente à des groupes de consultation pour, au final, simplement retirer un mot du nom.
Sénateur Harder, dites-nous : le gouvernement considère-t-il avoir ainsi dépensé judicieusement l’argent des contribuables?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je devrai faire des vérifications quant aux faits présentés. À première vue, je dirais qu’il est important pour le Canada d’avoir un organisme faisant la promotion de l’investissement dont l’image est moderne et professionnelle. C’était le but, et le gouvernement l’approuvait.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, sur un coup de tête, le gouvernement a décidé de changer le nom du leader du gouvernement d’une institution et de le remplacer par « représentant du gouvernement ». Il a aussi remplacé l’appellation du whip du gouvernement au Sénat, terme prévu dans la Loi sur le Parlement du Canada, par « coordonnateur du gouvernement », sans que cela coûte un sou aux Canadiens. Il a fait cela en un rien de temps sur un coin de table dans le Bureau du premier ministre.
Assurément, vous devez trouver bizarre qu’il ait fallu payer 24 000 $ pour retirer un seul mot de l’appellation Invest in Canada Hub. Une explication s’impose. Je vous sais gré de prendre l’engagement d’obtenir de l’information. Pourriez-vous, par le fait même, obtenir le nom de la firme à qui on a versé 24 000 $ pour faire le travail?
Le sénateur Harder : Je ferai tout en mon pouvoir pour obtenir cette information.
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les réfugiés et les demandeurs d’asile
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse également au leader du gouvernement au Sénat. Selon le rapport que le directeur parlementaire du budget a présenté la semaine dernière, les gens qui traversent illégalement la frontière coûteront au gouvernement fédéral plus de 1,1 milliard de dollars d’ici la fin du prochain exercice financier, en mars 2020.
Ces migrants ont délibérément choisi de contourner le système d’immigration régulier et d’aller à l’encontre du principe de la primauté du droit. Des milliers de migrants honnêtes ont présenté une demande dans le cadre du processus régulier et attendent des nouvelles des autorités fédérales depuis des années. Jusqu’à présent, le premier ministre n’a pas proposé de plan précis pour remédier à la situation, et encore moins pour décourager d’autres migrants de traverser la frontière illégalement.
Je peux seulement imaginer la frustration et la colère que ressentent les demandeurs en situation régulière lorsqu’ils voient des dizaines de milliers de migrants passer devant eux de manière illégale, alors qu’ils attendent depuis des années.
Monsieur le leader, pourriez-vous expliquer ce que le gouvernement compte faire pour les demandeurs en situation régulière qui attendent d’être admis au pays depuis des années?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question.
Cela me donne l’occasion de répéter aux sénateurs que les personnes qui arrivent spontanément au pays pour demander le statut de réfugié sont assujetties à une loi distincte de celle qui s’applique aux immigrants. Il n’y a pas de concurrence entre ces deux groupes, et ils ne sont pas traités différemment. On entend souvent parler de resquillage. En réalité, il y des listes d’attente distinctes. Cela veut dire que le programme d’immigration que le Canada a annoncé, et que le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté est en train d’exécuter, prévoit les ressources nécessaires pour atteindre les niveaux d’immigration fixés selon les catégories énoncées dans le plan qui a été récemment déposé au Parlement et dont la mise en œuvre avance rapidement.
En même temps, puisque nous avons signé la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et le protocole de 1967, nous nous sommes engagés à déterminer si les personnes qui se présentent à la frontière canadienne ont raison de craindre d’être persécutées.
Comme l’honorable sénatrice le sait, en janvier prochain, cela fera 30 ans que le processus d’immigration et d’accueil des réfugiés existe. Ce processus a été revu à la suite d’une décision de la Cour suprême, qui exige la tenue d’une audience en personne avec le décideur. Nous avons maintenant 30 ans d’expérience à cet égard.
De plus, il y a quelques années, le Canada a conclu avec les États-Unis l’Entente sur les tiers pays sûrs, qui prévoit le renvoi des demandeurs qui entrent au Canada à partir des États-Unis lorsqu’ils satisfont aux critères de l’entente, de sorte que leur demande est traitée par les États-Unis.
Plus récemment, la difficulté n’est pas aux points d’entrée, mais entre les points d’entrée. Un nombre considérable de personnes entrent au pays, puis demandent le statut de réfugié non pas à un point d’entrée, mais depuis le Canada. Elles sont alors visées par notre engagement en matière de détermination du statut de réfugié.
La liste d’attente dans ces cas est une liste distincte. Je crois qu’il est important de le préciser pour ceux qui ont des préoccupations légitimes, afin de ne pas nourrir une impression qui nuit au vaste consensus politique qui existe au Canada à l’égard de l’immigration et de l’intégration.
J’ose espérer que nous prendrons le temps de nous renseigner sur les règles et les procédures qui s’appliquent.
Cela dit, la sénatrice demande ce que fait le gouvernement à l’égard des récents arrivants spontanés. J’ai énuméré de nombreuses mesures la semaine dernière en réponse à une question d’un collègue à ce sujet. J’ai parlé du travail effectué à l’étranger pour informer les arrivants potentiels du processus de demande d’asile qui les attend au Canada.
Deuxièmement, le gouvernement du Canada a fait des investissements supplémentaires dans les services frontaliers pour mieux gérer les arrivées irrégulières et pour soutenir les collectivités qui accueillent ces demandeurs d’asile. On a conclu un certain nombre d’ententes avec les gouvernements provinciaux et des centaines de millions de dollars ont été dépensés.
De plus, des ressources supplémentaires ont été ajoutées aux effectifs de l’Agence des services frontaliers. Je crois savoir que 470 agents des services frontaliers ont été embauchés pour mieux gérer la situation.
Un certain nombre d’initiatives sont en voie d’exécution. Le ministre responsable collabore activement avec les intervenants pour assurer une réponse continue aux besoins existants. Toutefois, je pense que ce que j’essaie de dire, en gros, c’est que nous avons tous la responsabilité de rappeler aux Canadiens la nature et le fonctionnement de notre programme d’immigration et de notre programme de détermination du statut de réfugié, ainsi que nos obligations en vertu de la Convention de Genève et du protocole no 57, que nous avons entériné et auquel nous nous conformons depuis des dizaines d’années.
(1840)
La sénatrice Martin : Je vous remercie. Je crois bien que c’est la plus longue réponse que vous ayez donnée au Sénat.
Je vous suis reconnaissante d’avoir présenté ce résumé. Bien sûr, nous savons tous que nous avons un système très solide et généreux. Toutefois, en tant que pays, c’est l’intégrité de l’ensemble du système qui est menacée. La situation à la frontière est récente, mais elle s’aggrave. Elle devient une crise, comme l’indiquent les données du rapport publié par le directeur parlementaire du budget.
Vous avez parlé des discussions menées avec les provinces. À ce sujet, en juin dernier, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il verserait 50 millions de dollars à l’Ontario, au Québec et au Manitoba pour financer le logement temporaire des demandeurs d’asile. Il est préoccupant de voir des immigrants illégaux à la frontière canado-américaine.
Sénateur, pouvez-vous nous dire quelle partie des 50 millions de dollars a été versée? Quels types de discussions détaillées le gouvernement fédéral tient-il avec ces provinces? Il s’agit d’une responsabilité partagée, mais c’est aussi une crise qui prend de l’ampleur.
Le sénateur Harder : Sénatrice, je vais tâcher d’obtenir les derniers chiffres à ce sujet. Je ne parlerais pas de crise. À mon avis, dès que le mot « crise » est utilisé, on crée dans l’imaginaire une situation qui ne correspond pas à la réalité.
Ensuite, vous avez dit qu’il s’agit d’immigrants illégaux. S’ils ont demandé le statut de réfugié, qui peut tirer de telles conclusions? Seule la Commission de l’immigration et du statut de réfugié peut le faire. Se livrer à de tels amalgames mine, comme je l’ai dit plus tôt, le vaste consensus politique dont nous profitons au Canada. Nous pouvons ainsi éviter certains débats qui ont lieu au sud de la frontière, et j’espère que ce sera toujours le cas.
Des voix : Bravo!
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur le moratoire relatif aux pétroliers
Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.
L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour parler du projet de loi C-48, Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.
Honorables sénateurs, le 16 octobre, le sénateur Neufeld a parlé au Sénat d’un nouveau mégaprojet de gaz naturel liquéfié au Canada. Il a parlé de l’importance de cet investissement sans précédent dans le gaz naturel liquéfié pour les travailleurs du secteur des ressources naturelles, leur famille et l’économie du pays. À propos du plus grand investissement du secteur privé de l’histoire du Canada, le sénateur Neufeld a dit ceci :
Il y a deux semaines, un consortium d’entreprises a annoncé la décision de LNG Canada d’investir 40 milliards de dollars dans un projet qui aidera l’Asie à éliminer le charbon et à le remplacer par le gaz naturel liquéfié le plus propre au monde. C’est une excellente nouvelle pour le Canada, que vous avez peut-être manquée.
Honorables sénateurs, le sénateur Neufeld soulève un point fort intéressant. À mon avis, l’investissement historique de LNG Canada dans l’énergie canadienne n’a pas obtenu l’attention qu’il méritait. Le projet de LNG Canada dans le nord-ouest du Pacifique montre que le développement économique et la protection environnementale peuvent aller de pair.
C’est particulièrement vrai pour le gaz naturel liquéfié dans le contexte du projet de loi C-48, qui officialise, au bout de 30 ans, le moratoire relatif aux pétroliers le long de la côte nord de la Colombie-Britannique qui est en vigueur depuis 1985. Le projet de loi C-48 donnera force de loi à cette protection environnementale de longue date, ce qui permettra le réapprovisionnement communautaire ou industriel en hydrocarbures persistants tout en interdisant toute cargaison de plus de 12 500 tonnes métriques.
L’objectif du projet de loi C-48 à cet égard est de minimiser le risque d’un déversement de pétrole catastrophique dans cette région vierge éloignée et extraordinaire sur le plan écologique qui compte la forêt pluviale de Great Bear, les îles Haida Gwaii et plusieurs espèces sauvages importantes.
Alors que nous débattons le projet de loi C-48, et notamment le juste équilibre entre les facteurs économiques et environnementaux, il ne faut pas oublier que le projet de loi permettra les exportations par méthaniers dans la région concernée — c’est-à-dire du nord de l’île de Vancouver à la frontière de l’Alaska. De plus, il ne faut évidemment pas oublier que le projet de loi C-48 ne restreint pas la circulation des pétroliers qui transportent des hydrocarbures persistants dans l’extrémité sud de la Colombie-Britannique, comme ceux dont la cargaison provient du pipeline Trans Mountain.
La distinction géographique pour le transport du pétrole brut est essentielle au projet de loi C-48, parce qu’elle permet de prévenir plus efficacement les déversements — qui sont fort peu probables, mais toujours possibles à cause d’erreurs humaines et de bris mécaniques — et, s’ils devaient se produire, de les limiter plus au sud en raison des ressources situées dans la région.
Par conséquent, de quel type de développement économique parlons-nous dans le domaine du gaz naturel liquéfié?
À l’heure actuelle, le Canada est le quatrième producteur et le cinquième exportateur de gaz naturel au monde. Comme les sénateurs le savent, LNG Canada a annoncé en octobre un investissement de 40 milliards de dollars dans d’importants projets d’exportation de gaz naturel liquéfié dans le Nord de la Colombie-Britannique, notamment dans un terminal à Kitimat, grâce auquel le Canada aura accès au chemin le plus court pour l’exportation du gaz nord-américain vers l’Asie. Ainsi, le gaz canadien pourra atteindre Tokyo depuis Kitimat en 8 jours, comparativement à 20 jours depuis le golfe des États-Unis. Au plus fort du projet de construction, les installations de production, les pipelines et les terminaux maritimes de LNG créeront environ 10 000 emplois.
Le projet générera potentiellement des milliards de dollars en recettes directes. Cet investissement dans le secteur énergétique inclura des contrats de construction pour les entreprises autochtones à hauteur de centaines de millions de dollars.
Ce projet de développement tiendra compte également des intérêts d’ordre environnemental. Toute entreprise d’extraction ou d’expédition laisse une empreinte écologique. Toutefois, l’intensité carbonique de ce projet sera la moins intense de toutes les installations de LNG dans le monde. Fait encore plus enthousiasmant, le projet permettra l’exportation, vers les marchés asiatiques, d’énergie plus propre qui remplacera des combustibles comme le charbon, ce qui contribuera à réduire les émissions à l’échelle mondiale. Cette transition vers des combustibles plus propres à l’échelle internationale est d’une importance cruciale dans la lutte contre les effets désastreux des changements climatiques.
Le projet de loi C-48 permettra aux pétroliers de transporter le gaz naturel liquéfié depuis le terminal de Kitimat. On permettra à LNG de le faire, parce que ce combustible ne représente pas une énorme menace pour l’environnement, puisqu’il s’évapore rapidement.
En revanche, le transport des produits pétroliers plus lourds, c’est-à-dire de la catégorie des hydrocarbures persistants, sera interdit afin de protéger les milieux marins. Autrement dit, le projet de loi C-48 autorisera le transport du gaz naturel liquéfié à grande échelle, car il présente moins de risques pour cette région éloignée et encore épargnée du Canada, qui est particulièrement vulnérable sur le plan écologique. En plus d’être logique, cette façon de faire favorisera l’économie de la région et du reste du pays.
Le projet de loi interdira toutefois le transport des matières plus à risque, comme les hydrocarbures persistants, en raison des obstacles géographiques qui nuisent à la prévention des déversements et empêcheraient les secours de se rendre sur place si jamais il s’en produisait un, mais aussi à cause des risques élevés pour les extraordinaires écosystèmes de la région. Les conditions ne sont pas les mêmes dans la partie sud de la côte de la Colombie-Britannique, qui est beaucoup plus développée, mais aussi plus près des équipes d’intervention situées dans l’État de Washington. Voilà pourquoi, en interdisant le transport des hydrocarbures persistants dans la partie nord de la côte, le projet de loi C-48 réduit bel et bien au minimum les risques de déversement catastrophique.
En fait, le projet de loi C-48 a précisément été conçu de manière à réduire au minimum le risque qu’on revive une catastrophe comme celle de l’Exxon Valdez dans le golfe du Prince William, en Alaska, en 1989. Bien des gens ici se souviennent encore des scènes inoubliables de dévastation le long des côtes et revoient encore tous ces animaux englués dans le pétrole. Les sénateurs qui seraient tentés de minimiser le risque bien réel d’un nouveau déversement marin d’une telle ampleur auraient avantage à se rappeler que les effets du déversement de l’Exxon Valdez se font sentir encore aujourd’hui.
En fait, jusqu’à l’explosion de la plateforme Deepwater Horizon, dans le golfe du Mexique, en 2010, le déversement de l’Exxon Valdez figurait parmi les pires déversements qui aient jamais touché les États-Unis. Comme l’a dit la sénatrice Jaffer à cette assemblée, le déversement de l’Exxon Valdez a tué 250 000 oiseaux de mer, 2 800 loutres de mer, 300 phoques communs, 250 aigles à tête blanche, jusqu’à 22 épaulards et des milliards d’œufs de saumon et de hareng. Nous devons tenir compte des effets cumulatifs de la perte de tous ces poissons sur les écosystèmes terrestres interreliés, qui dépendent des ressources marines comme le saumon pour nourrir les ours et d’autres animaux et pour fertiliser la forêt pluviale tempérée. Lorsqu’on songe à l’ampleur que pourrait avoir une catastrophe, nous devons aussi songer aux effets potentiels sur les pêches, le tourisme, l’écotourisme et la réputation du Canada dans le monde comme protecteur de la nature.
(1850)
Nous ne devons pas oublier non plus les effets d’un déversement sur les collectivités côtières, plus particulièrement les communautés autochtones, et c’est pour cette raison que les Premières Nations côtières de la Colombie-Britannique appuient fortement le projet de loi C-48. Lorsqu’on écoute les discours sur le projet de loi C-48 jusqu’à maintenant, on croirait que certains sénateurs laissent entendre que les déversements de pétrole sont pratiquement impossibles. Même si nous espérons qu’il n’y aura jamais de déversement de pétrole, nous devons faire tout en notre pouvoir pour protéger nos littoraux. Honorables sénateurs, l’erreur humaine et les erreurs mécaniques sont toujours possibles, et il ne faudrait qu’un seul incident pour provoquer un désastre qui aurait des effets à long terme.
Les difficultés sur le plan géographique d’apporter de l’aide aux pétroliers désemparés et d’intervenir en cas de déversement le long de la côte Nord de la Colombie-Britannique ont justifié la création, par le Canada, d’une zone volontaire d’exclusion des pétroliers en 1985; cette zone a également été officialisée par la Garde côtière des États-Unis en 1988. La zone s’étend sur une centaine de kilomètres au large de la côte et a été créée à la suite de l’achèvement de l’oléoduc Trans-Alaska dans les années 1970. L’étendue de la zone a été déterminée en calculant la vitesse de dérive d’un pétrolier chargé désemparé par rapport au temps requis pour lui venir en aide. En cas de catastrophe, les défis logistiques pour intervenir efficacement sont immenses. C’est particulièrement vrai dans les eaux agitées du Nord de la Colombie-Britannique, où les marées et les courants sont forts.
Le projet de loi C-48 est, en fait, une décision de gestion des risques fondée sur une distinction géographique et écologique éclairée entre les régions côtières. La conservation implique souvent des choix de ce genre, où des mesures de protection fermes sont appliquées à certains habitats pour préserver des régions écologiques. Comme l’a souligné la sénatrice Jaffer, les caractéristiques écologiques de la côte nord de la Colombie-Britannique justifient ces mesures de protection fermes.
Qui plus est, le concept qui sous-tend le projet de loi C-48 est semblable à celui sur lequel reposent les parcs nationaux et les zones de protection marine. C’est un sujet dont nous discutons dans le cadre du projet de loi C-55, qui, lui aussi, se trouve à l’étape de la deuxième lecture dans cette assemblée depuis un certain temps déjà. En imposant un moratoire relatif aux pétroliers, le projet de loi C-48 vise à protéger rigoureusement un des plus grands habitats côtiers du monde, ainsi que les cultures qui dépendent de cette richesse naturelle et qui la protègent depuis des milliers d’années.
Le moratoire va assurément protéger un vaste territoire, comme c’est le cas depuis 33 ans. Cependant, le projet de loi C-48 permettra aussi l’exportation d’énergie à grande échelle dans la région, grâce au projet de gaz naturel liquéfié. On atteint donc un juste équilibre entre, d’une part, la réalisation de grands projets d’exploitation des ressources et, d’autre part, la mise en œuvre de mesures solides de protection de l’environnement. Le projet de gaz naturel liquéfié est important tant pour la région que pour le pays dans son ensemble.
Honorables sénateurs, le NPD, le Parti vert, le Groupe parlementaire québécois et les libéraux ont tous appuyé le projet de loi C-48 à l’étape de la troisième lecture à l’autre endroit.
Par conséquent, outre les motifs convaincants en matière de politique publique qui justifient l’adoption de la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, j’appuie le projet de loi C-48 et je crois que, en limitant la circulation de pétroliers de brut au large de la côte nord de la Colombie-Britannique, on atteindra un juste équilibre entre la croissance économique et la protection de l’environnement.
Sur ce, honorables sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour que le projet de loi C-48 soit bientôt renvoyé à un comité, car il se trouve au Sénat depuis le printemps dernier.
Je vous remercie.
L’honorable David M. Wells : La sénatrice Cordy accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Cordy : Oui.
Le sénateur Wells : Je vous remercie. Vous êtes favorable à l’interdiction des pétroliers dans la partie nord-est de la côte de la Colombie-Britannique. Si on invoquait les mêmes raisons pour interdire les pétroliers au large de votre province, la Nouvelle-Écosse, diriez-vous la même chose?
La sénatrice Cordy : C’est une très bonne question. J’ai insisté sur le fait que la côte de la Colombie-Britannique est encore très peu développée. On pourrait en dire autant des côtes de la Nouvelle-Écosse — je rappelle qu’il s’agit d’une péninsule, alors il y a de l’eau sur trois côtés. Il faut trouver l’équilibre entre la protection de l’environnement et le transport des hydrocarbures.
Le sénateur Wells : Je vous repose la question, sénatrice Cordy : seriez-vous favorable à ce qu’on interdise la circulation des pétroliers au large de la Nouvelle-Écosse?
Le sénateur Plett : Ne faites pas comme le sénateur Harder, répondez.
La sénatrice Cordy : C’est une très bonne question. Je crois que nous devons absolument trouver le moyen d’acheminer le pétrole jusqu’à la côte Est du Canada tout en protégeant l’environnement.
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai une question pour la sénatrice Cordy.
Certains jours, sur la côte Est, environ 500 000 barils de pétrole transitent par les raffineries du Québec et du Nouveau-Brunswick. Les pétroliers qui les transportent passent tous par la Nouvelle-Écosse. Les emplois sont tous ailleurs, mais ça va, c’est le prix à payer pour vivre au Canada. Je suis toutefois curieux de savoir comment vous pouvez approuver qu’on interdise une activité dans une partie du pays, mais que vous ne trouviez rien à redire contre cette même activité quand elle a lieu dans votre propre cour.
Pourquoi est-ce acceptable d’interdire les pétroliers sur la côte Ouest, mais pas ailleurs, alors que c’est par la côte Est que transite la totalité du pétrole qui entre au pays? Où est l’équilibre là-dedans?
La sénatrice Cordy : Un moratoire volontaire est en place à cet endroit depuis 1985, à l’instigation du premier ministre Mulroney. Tout ce que fait ce projet de loi, c’est inscrire dans la loi un état de fait qui existe depuis 1985.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
La Loi sur les pêches
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Christmas, appuyée par l’honorable sénatrice Deacon (Ontario), tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence.
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, c’est un privilège de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-68, Loi modifiant la Loi sur les pêches et d’autres lois en conséquence.
Je tiens d’abord à remercier le parrain du projet de loi, le sénateur Christmas, de son discours éloquent et de son habile gestion de cette importante mesure législative. Je tiens aussi à remercier les sénateurs Bovey, Plett, McCallum, Patterson et Tannas de leurs discours soulignant les objectifs importants du projet de loi et, dans certains cas, ce que nous pourrions faire pour l’améliorer.
Comme les sénateurs le savent, le sénateur Plett et moi sommes cousins — même s’il faut remonter cinq générations. Parfois, notre relation familiale peut sembler houleuse et conflictuelle au Sénat, mais nous avons plus de choses en commun qu’il n’y paraît. Par exemple, nous représentons tous les deux une province qui compte de nombreux lacs. Je dois dire, cependant, que ma province, l’Ontario, compte environ 250 000 lacs, alors qu’on en compte à peine 110 000 dans la province du sénateur Plett, le Manitoba.
Blague à part, honorables sénateurs, le fait est que, peu importe la province, le Canada est un pays qui regorge de richesses écologiques et économiques grâce à ses réserves d’eau douce e777t à ses zones côtières.
L’autre point que nous avons en commun, le sénateur Plett et moi, est que nous venons tous les deux d’un milieu rural et agricole. J’ai d’ailleurs passé un certain nombre d’étés dans ma jeunesse à planter des pommes de terre et à cueillir des tomates et d’autres fruits fragiles. Je garde de bons souvenirs de ce passé lointain. Aujourd’hui, le sénateur Plett et moi sommes tous les deux fiers de représenter des régions où l’agriculture occupe une place importante dans l’économie.
Je suis heureux de voir que le sénateur Plett appuie les objectifs du projet de loi C-68, soit de protéger le poisson et son habitat pour les générations à venir. Je prends cependant à cœur — et le gouvernement prend à cœur — les préoccupations que lui et d’autres sénateurs ont exprimées, plus particulièrement en ce qui a trait à l’agriculture et au secteur des ressources. Le gouvernement actuel fait preuve d’ouverture d’esprit relativement au travail du Sénat et, même s’il n’est pas toujours d’accord, il prend la peine d’écouter.
Un des grands objectifs du gouvernement consiste à protéger l’environnement sans créer inutilement des fardeaux pour les principaux moteurs de l’économie, comme les secteurs des ressources naturelles et de l’agriculture. Il est évident que les océans et les cours d’eau du Canada, de même que les écosystèmes qu’ils abritent et soutiennent, doivent être protégés. Oceana Canada, un organisme caritatif qui a pour mission de restaurer les océans du pays, a réalisé des audits de nos pêches et signale que les stocks de poisson sont en difficulté et vont en diminuant.
(1900)
Honorables sénateurs, la gestion des pêches est complexe. Les poissons et autres organismes marins que nous pêchons font partie de systèmes biologiques en constante évolution. L’état des stocks de poisson est une situation sur laquelle nous ne pouvons pas exercer un contrôle absolu. Nous devons mener des travaux scientifiques considérables pour tenter de comprendre cette situation incertaine et d’estimer l’abondance des stocks de poisson, d’autant plus que les changements climatiques amènent diverses espèces à migrer et à adopter de nouveaux comportements. L’élaboration des plans de pêche pourrait exiger une vaste consultation auprès des pêcheurs. Comme je l’ai souligné, nous devons concilier les efforts de conservation avec les objectifs économiques.
Avec le projet de loi C-68, le Canada a la chance d’améliorer les méthodes actuelles de gestion des pêches. Plus particulièrement, les dispositions qui sont proposées à l’égard des stocks de poisson visent à améliorer les outils disponibles afin de rétablir et de gérer les stocks de poisson de façon durable. Parmi ces dispositions, on trouve des mesures visant à maintenir les stocks de poisson au niveau nécessaire pour en favoriser la durabilité ainsi que l’exigence de prévoir la mise en œuvre de mesures visant le rétablissement des stocks épuisés. Ces obligations renforceront les exigences et le cadre en matière de gestion des pêches. Ces dispositions fourniront des outils juridiques semblables à ceux employés par d’autres grands pays pêcheurs. Elles permettront aussi de rendre plus transparentes les décisions du gouvernement concernant les pêches. De plus, le projet de loi C-68 accorde le pouvoir de prendre de nouveaux règlements, notamment pour favoriser le rétablissement des stocks de poisson.
Au cours des prochains mois, des consultations auront lieu dans le but d’établir la teneur des plans de rétablissement et de dresser la liste des premiers stocks de poisson qui seront visés par les dispositions du projet de loi C-68.
Par ailleurs, le gouvernement propose de nouvelles mesures dans le projet de loi C-68 en vue de fournir des processus clairs et prévisibles pour la gestion de travaux ou d’activités qui pourraient nuire aux poissons et à leur habitat. Cela comprend un nouveau système de délivrance des permis pour les grands projets et un système de code de conduite pour les plus petits.
Lors de l’étude du projet de loi à l’autre endroit et de discours prononcés ici, des intervenants ont dit qu’ils s’inquiétaient des répercussions de certaines dispositions du projet de loi sur les secteurs canadiens de l’agriculture et des ressources. Le gouvernement cherche à faire preuve de clarté et à offrir des certitudes grâce à des processus simplifiés.
Honorables sénateurs, la perte et la dégradation de l’habitat du poisson, de même que les changements entravant le passage du poisson et le débit d’eau, contribuent tous au déclin des stocks de poisson, en milieu marin et en eau douce, au Canada. Il s’agit là d’un grave problème environnemental. C’est pourquoi la restauration des habitats dégradés du poisson est essentielle.
Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-68 établit des autorités de réglementation qui dresseraient une liste de projets désignés comprenant des activités pour lesquelles un permis serait toujours requis.
Le gouvernement a entendu les préoccupations de l’industrie et de la population à l’égard de la désignation des projets, ainsi que celles de sénateurs. À mon avis, l’élaboration de codes de conduite, de même que de processus d’autorisation et de délivrance des permis, permettra de garantir que l’industrie et le secteur agricole savent exactement ce qu’on attend d’eux.
Toutefois, le gouvernement a indiqué qu’il est prêt à examiner des façons d’améliorer et de clarifier les processus proposés, notamment au moyen d’un amendement du Sénat.
Ainsi donc, et dans l’optique de renvoyer le projet de loi au comité, j’espère que nous pourrons désormais débattre, non pas de la pertinence d’apporter des améliorations, mais de la façon de le faire. Comme je l’ai indiqué, l’objectif général du projet de loi C-68 consiste à trouver un juste milieu entre les considérations environnementales et les impératifs économiques tout en maintenant la confiance du public.
Le gouvernement a également entendu des préoccupations au sujet du nouvel article 2(2) de la Loi sur les pêches que propose le projet de loi, c’est-à-dire la disposition sur l’« assimilation » du débit d’eau. Les gens se sont livrés à beaucoup de conjectures sur la signification de cette modification. Les intervenants, surtout les acteurs des secteurs de l’agriculture et des ressources, ont soulevé des questions légitimes sur l’intention du gouvernement ainsi que sur la portée et la mise en application de cette disposition sur le débit d’eau. Sur ce plan, le gouvernement a indiqué qu’il est ouvert aux amendements qui éclairciraient la disposition de façon à dissiper toute crainte qu’elle élargisse la définition d’« habitat ».
J’espère que l’expression, à l’étape de la deuxième lecture, de cette ouverture — qui, comme je l’ai dit, répond aux préoccupations d’ordre pratique tout à fait compréhensibles de certaines personnes du secteur agricole et d’autres secteurs ainsi que de certains sénateurs — nous permettra d’axer le débat sur d’autres aspects du projet de loi qui sont très importants.
Encore une fois, je remercie les sénateurs d’avoir soulevé la question. Comme c’est le cas pour les dispositions portant sur les projets désignés, le gouvernement a indiqué qu’il est ouvert à toute amélioration qu’on pourrait y apporter. Je ne crois pas que quiconque désire que le processus d’approbation soit lourd. En fait, le gouvernement a constamment fait preuve d’une ouverture à l’idée de collaborer avec les parties intéressées, y compris l’industrie, les groupes environnementaux, les Premières Nations et la population canadienne, pour trouver les mesures de protection et les contrôles adéquats.
Voici ce qu’en dit Preston Manning dans une lettre d’opinion publiée récemment dans le Globe and Mail. Selon lui, nous devons :
[...] permettre aux autorités réglementaires, aux gouvernements et aux tribunaux de recevoir les évaluations aussi bien environnementales qu’économiques dont ils ont besoin pour établir en temps opportun un équilibre adéquat entre les deux.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-68 contribue à permettre au gouvernement de s’acquitter de son engagement à mieux protéger les pêches canadiennes en eau douce et en milieu marin, en les pérennisant sur les plans économique et environnemental.
En plus de rétablir les protections relatives au poisson et à son habitat et d’instaurer des mesures de sauvegarde écologique, le projet de loi C-68 reconnaît également le droit de pêche des Premières Nations.
Depuis la présentation du projet de loi, les Canadiens ont exprimé leur appui à l’égard des modifications, qui garantiront la protection des cours d’eau, des côtes et du poisson au Canada pour les générations futures.
J’invite tous les honorables sénateurs à se joindre à moi pour appuyer ce projet de loi et le renvoyer au comité, où nous pourrons l’améliorer davantage, de concert, pour le bien des pêcheurs canadiens.
Le sénateur Plett : Le sénateur Harder accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Harder : Je serais ravi de la faire.
Le sénateur Plett : Sénateur Harder, vous avez fait l’éloge de l’ouverture et de la transparence du gouvernement libéral, de même que de sa volonté de tous nous aider. Vous avez cité Brian Mulroney et Preston Manning. J’aimerais bien pouvoir citer un chef libéral pour ses propos judicieux comme vous l’avez fait avec des chefs conservateurs.
Sénateur Harder, seriez-vous ouvert — vous et non le gouvernement —, seriez-vous prêt à appuyer l’amendement suivant : le retrait du projet de loi de la disposition visant le nouvel article 2(2)? En voici le texte :
Assimilation — habitat. Pour l’application de la présente loi, sont assimilés à l’habitat la quantité, l’échelonnement dans le temps et la qualité du débit d’eau qui sont nécessaires à la durabilité des écosystèmes d’eau douce ou estuariens de cet habitat.
Seriez-vous en faveur du retrait de cette disposition du projet de loi?
Le sénateur Harder : Sénateur, en tant que représentant du gouvernement au Sénat, je viens d’indiquer que le gouvernement est ouvert aux amendements. J’ai parlé précisément de l’article 2(2). Sans vouloir juger à l’avance du résultat des délibérations du Sénat, j’espère que nous renverrons le projet de loi au comité de sorte que l’amendement que vous proposez, ainsi que d’autres, puissent être étudiés. Ceci dit, aux yeux du gouvernement, l’objectif consiste à remédier aux préoccupations telles que celles que vous soulevez, avec raison. Évidemment, en tant que représentant du Sénat, je présenterai au gouvernement tout amendement adopté et je le défendrai, conformément à l’engagement que j’ai pris aujourd’hui.
Le sénateur Plett : Je me risque à dire que j’appuierai cet amendement. Je comprends que vous ne pouvez pas parler au nom de tous les sénateurs de votre côté de la Chambre. Ma question était la suivante : si cet amendement est adopté au comité, l’appuierez-vous, personnellement, dans cette enceinte?
Le sénateur Harder : J’appuierai au Sénat un amendement à la disposition visant le nouvel article 2(2) de la loi, si cet amendement est adopté par le comité.
Le sénateur Plett : Merci.
L’honorable Percy Mockler : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Harder : Certainement.
Le sénateur Mockler : On trouve, au Feuilleton et Feuilleton des préavis, l’interpellation no 56 présentée par le sénateur Richards. Cette interpellation :
[...] [attire] l’attention du Sénat sur la décimation des frayères du saumon atlantique sur la Miramichi, la Restigouche et leurs affluents.
Ma question s’adresse à vous, sénateur Harder. À titre de représentant du gouvernement, vous savez, comme nous tous, que les décisions doivent être fondées sur des données probantes.
(1910)
Le projet de loi C-68 est très problématique. Que fera-t-il pour soutenir le saumon atlantique?
Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de poser cette question et d’exprimer ses préoccupations.
Le gouvernement est d’avis que ce projet de loi clarifie et encadre la façon de répondre aux préoccupations concernant les pêches, où qu’elles soient — que ce soit sur la Restigouche ou d’autres cours d’eau —, en tenant compte des causes de la diminution des stocks et en prenant des décisions dans le cadre d’évaluations transparentes qui rendent le ministre apte à prendre les mesures nécessaires pour assurer la gestion adéquate de cette importante ressource.
J’espère que, lorsque le projet de loi sera étudié au comité, nous pourrons traiter de préoccupations régionales précises de manière à ce que les questions concernant les données scientifiques, les changements climatiques et les effets à long terme sur diverses espèces puissent être perçues comme les éléments d’un cadre qui permet de répondre à ces préoccupations, que vous avez à juste titre soulevées.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
[Français]
Les travaux du Sénat
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :
Que la séance soit suspendue jusqu’à nouvelle convocation de la présidence, la sonnerie se faisant entendre pendant cinq minutes avant la reprise de la séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(La séance du Sénat est suspendue.)
(Le Sénat reprend sa séance.)
(1930)
Le Code criminel
La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents
Projet de loi modificatif—Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
Projet de loi no 2 d’exécution du budget de 2018
Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-6(1)f) du Règlement, je propose que la deuxième lecture du projet de loi soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
(À 19 h 35, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)