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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 260

Le lundi 10 décembre 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le lundi 10 décembre 2018

La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale des droits de l’homme

L’honorable Wanda Elaine Thomas Bernard : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour souligner le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Aujourd’hui, je prends la parole en faveur de l’égalité et de la protection contre la discrimination pour tous.

En tant que sénateurs, nous devons défendre les droits de la personne et apporter des changements réels au moyen de recommandations et de politiques.

De nombreuses personnes sont victimes de discrimination fondée uniquement sur leur identité. Il peut s’agir des motifs suivants : la race, l’ascendance, le pays d’origine, l’accent, le sexe, l’identité de genre, l’âge, l’orientation sexuelle, le handicap, la religion ou tout chevauchement de ces identités.

Le Comité sénatorial des droits de la personne a entendu des témoins parler d’enjeux nationaux et internationaux touchant la discrimination et les injustices. Les identités qui se recoupent ont fait partie des thèmes qui sont revenus souvent.

À l’occasion de la Journée des droits de l’homme, le comité a tenu une séance le 5 décembre afin d’évaluer les progrès réalisés dans la défense de l’égalité, de la justice et de la dignité humaine.

Robyn Maynard nous a parlé du racisme systémique dont sont victimes des gens d’origine africaine au sein des systèmes de justice, d’éducation et d’aide à l’enfance.

Cheryl Knockwood a souligné que les nations autochtones sont en état de crise et que leurs droits fondamentaux ne sont pas respectés.

Alice Kim a pris la défense des Nord-Coréens qui souhaitent vivre libres. Avec courage, elle a demandé au gouvernement du Canada d’agir dans ce dossier.

Marie-Claude Landry a fait état de l’augmentation récente des crimes haineux dont a fait rapport la Commission canadienne des droits de la personne.

Honorables collègues, ce ne sont là que quelques-unes des violations des droits de la personne qui surviennent encore aujourd’hui. À l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, souvenons-nous que nous devons continuellement défendre ces droits fondamentaux. Il ne suffit pas d’écouter les nouvelles et de secouer la tête lorsque nous entendons parler du dernier crime haineux qui a été commis et de la dernière famille qui a été déchirée. Respectons notre engagement à défendre les Canadiens et à protéger les gens par delà nos frontières qui cherchent à vivre une vie à l’abri de toute discrimination.

Honorables sénateurs, le silence n’est pas une option. Nous devons tous nous servir de nos voix pour défendre les droits de la personne. Utilisez le mot-clic #StandUp4HumanRights. Merci.

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’occasion de la Journée des droits de l’homme et du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme pour aborder le sujet du droit à l’éducation des enfants et des jeunes réfugiés.

L’éducation n’est pas un privilège, mais bien un droit fondamental garanti par l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de même que par de nombreux autres instruments internationaux.

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, les guerres, les conflits et la persécution ont forcé un nombre sans précédent de personnes de fuir leur foyer pour aller se réfugier ailleurs. À l’heure actuelle, ce nombre s’élève à 68,5 millions de personnes à travers le monde. Plus de la moitié d’entre elles sont des enfants et des jeunes.

Les réfugiés sont absents de leur pays d’origine pendant 10 à 17 ans en moyenne. C’est donc dire que des millions d’enfants et de jeunes risquent de ne pas recevoir une éducation adéquate ou de ne recevoir aucune éducation pendant la majeure partie de leur enfance et de leur adolescence.

Malgré les efforts des organismes internationaux, le manque d’accès à l’éducation pour les réfugiés a atteint des proportions de crise, surtout au niveau de l’enseignement secondaire et chez les filles. Qui plus est, l’aide humanitaire affectée à l’éducation diminue chaque année depuis six ans, ce qui n’aide en rien la situation. Les enfants rohingyas qui sont dans des camps de réfugiés, par exemple, n’ont aucune possibilité de recevoir une éducation adéquate à l’heure actuelle.

À cet égard, l’UNICEF a indiqué que, s’il n’y a pas d’investissement immédiat dans l’éducation, une génération complète d’enfants rohingyas risquent fort de ne pas acquérir les compétences essentielles requises pour affronter leur situation actuelle et pour contribuer à la société à l’avenir.

L’éducation permet d’échapper à la pauvreté et elle constitue une voie vers un avenir prospère et autonome. Il est indispensable d’avoir de la nourriture, un abri et des soins de santé, mais il faut que l’éducation devienne la prochaine priorité sur la liste.

L’éducation protège les enfants et les adolescents réfugiés contre le travail forcé, la traite destinée à la prostitution, le mariage forcé ou le recrutement pour servir au combat. Comme nous le savons, ces dangers sont omniprésents dans les camps de réfugiés. Fréquenter l’école permet aussi de surveiller les jeunes et les adolescents dans les camps.

L’ancien haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a déclaré ceci :

Dans le contexte difficile des conflits mondiaux et des déplacements de population, l’éducation donne de l’espoir aux jeunes et aux adolescents afin qu’ils puissent imaginer et bâtir un avenir sûr.

Honorables sénateurs, à l’heure actuelle, seulement 2,7 p. 100 de l’aide humanitaire internationale est consacrée à l’éducation.

Par conséquent, afin d’assurer l’éducation de tous les jeunes réfugiés, il faudra que la communauté internationale s’engage à trouver de nouvelles façons novatrices de veiller à ce que l’on respecte le droit inaliénable à l’éducation des filles et des garçons réfugiés. Merci.

L’honorable Kim Pate : Honorables collègues, dans cette enceinte qui se trouve sur les terres ancestrales des Algonquins-Anishinabe, qui n’ont été ni cédées ni abandonnées par ce peuple, je prends la parole pour vous souhaiter à tous une heureuse Journée des droits de l’homme. En effet, nous soulignons aujourd’hui le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, et nous avons souligné hier le 70e anniversaire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Nous soulignons aujourd’hui également la fin des 16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le sexe et de la campagne menée tout au long de l’année par les Nations Unies et représentée par le mot-clic #StandUp4HumanRights. Le mot d’ordre de cette campagne est le suivant :

Passez à l’acte pour plus de liberté, de respect et de compassion pour les droits de l’homme.

La déclaration des Nations Unies à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme nous rappelle que cette dernière a été conçue pour nous sensibiliser. Le principe fondamental de la Déclaration des droits de l’homme est que tous les droits de chaque être humain doivent être respectés et que nous avons tous la responsabilité de défendre les droits fondamentaux de ceux qui sont susceptibles d’être victimes de discrimination et de violence. En assumant cette responsabilité, nous réaffirmons notre humanité.

[Français]

Il y a deux ans, je me suis levée pour prononcer ma première allocution en cette Chambre. En l’honneur de la Journée des droits de la personne, nous avions entrepris une étude sur la surreprésentation des femmes autochtones dans les prisons canadiennes.

Il s’en est passé des choses depuis.

(1810)

[Traduction]

La statistique troublante que je vous ai citée en 2016, selon laquelle 36 p. 100 des femmes incarcérées dans les pénitenciers fédéraux sont des femmes autochtones, est maintenant passée à 40 p. 100.

De plus, le Bureau de l’enquêteur correctionnel a désigné la surreprésentation des Autochtones dans les prisons canadiennes comme l’un des enjeux les plus pressants en matière des droits de la personne au pays.

Beaucoup de choses se sont passées au cours des deux dernières années, mais la croissance inadmissible de la marginalisation, du nombre de victimes, de la criminalisation et, par conséquent, du taux d’incarcération est une réalité qui touche de trop nombreuses personnes et est scandaleusement immuable.

Par ailleurs, comme Irwin Cotler l’a déclaré aujourd’hui, « les droits de la personne ont été violés à un degré pratiquement sans précédent en 2018, au beau milieu d’une culture de l’impunité » à l’échelle internationale.

Honorables sénateurs, nous devons respecter les droits de la personne au Canada, ainsi que partout dans le monde. En cette Journée des droits de la personne, unissons-nous pour continuer notre travail avec ceux dont la voix est trop souvent ignorée et que nous voulons défendre sans oublier ceux qui ont subi un sort encore pire en étant réduits au silence pour toujours. Merci. Meegwetch.

Les vœux de Noël

L’honorable Pamela Wallin : Honorables collègues, le temps des Fêtes est une période pour profiter de moments spéciaux avec ses proches, célébrer avec ses amis et sa famille, et être reconnaissants de tout ce que nous avons. C’est une période empreinte de joie et parfois de nostalgie, une période pour donner à ceux que nous aimons et aux plus démunis, et s’engager davantage dans nos communautés.

C’est aussi le moment de s’arrêter pour rendre hommage aux militaires et aux premiers intervenants qui travaillent sans relâche pour assurer la sécurité des Canadiens tout au long de l’année. Ce ne sont pas tous les Canadiens qui ont le luxe de passer les Fêtes en famille; bon nombre des membres des Forces canadiennes en particulier n’ont pas cette chance. Ces derniers mettent leur vie en péril pour nous protéger tous les jours, ici et à l’étranger. À l’heure actuelle, plus de 100 000 membres de la Force régulière, de la Force de réserve et de la force civile représentent le pays. Ces personnes courageuses protègent également la liberté d’autres populations, de pays alliés, de ceux qui sont dans le besoin dans le monde entier, en participant à l’aide humanitaire, à la formation, au renforcement des capacités et, bien sûr, aux opérations de sécurité.

Les membres des forces terrestre, navale, aérienne et spéciale représentent le pays avec honneur et respect, en étant porteurs des valeurs canadiennes reconnues dans le monde entier.

Dans les localités de tout le Canada, nous avons la chance d’avoir des milliers de premiers intervenants qui assurent notre sécurité et celle de nos proches, de nos voisins et de nos maisons. Qu’on parle des policiers, des ambulanciers ou des pompiers, la façon dont ils servent la population dans leur localité me remplit — et remplit les autres Canadiens — d’un sentiment très profond de fierté.

Je les remercie et je remercie le Service de protection parlementaire et les membres de la GRC qui non seulement nous protègent jour après jour, mais deviennent aussi nos amis au fil des ans.

En cette période des Fêtes, remercions ceux qui servent notre pays et soulignons et rappelons leurs sacrifices et leur détermination à assurer notre sécurité. Depuis plus de 100 ans, ces hommes et ces femmes rendent la démocratie possible.

Honorables collègues, joignez-vous à moi pour souhaiter aux militaires, aux anciens combattants et aux premiers intervenants ainsi qu’à leurs familles un très joyeux Noël, des fêtes chaleureuses et une bonne et heureuse année. À ceux qui risquent leur vie, nous leur souhaitons de passer les Fêtes en sécurité à la maison.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mercredi 12 décembre 2018, à 14 h 15.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à autoriser la photographie et l’enregistrement vidéo de la cérémonie de la sanction royale

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que des photographes et caméramans soient autorisés à avoir accès à la salle du Sénat pour photographier et enregistrer sur vidéo la prochaine cérémonie de la sanction royale, d’une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

L’Union interparlementaire

La session du Comité exécutif de l’Union interparlementaire, l’Assemblée de l’Union interparlementaire et les réunions connexes, tenues du 12 au 18 octobre 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne concernant sa participation à la 281e session du Comité exécutif de l’Union interparlementaire (UIP), à la 139e Assemblée de l’UIP et aux réunions connexes, tenues à Genève, en Suisse, du 12 au 18 octobre 2018.

[Français]

Affaires juridiques et constitutionnelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mercredi 12 décembre 2018, à 15 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le revenu national

Les déductions pour activités de bienfaisance et politiques

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur le projet de loi C-86, un projet de loi omnibus d’exécution du budget, et plus particulièrement sur la partie du texte qui élimine le plafond de 10 p. 100 lié aux activités politiques menées par les organismes de bienfaisance enregistrés.

Selon les modifications prévues, ces organismes pourraient utiliser jusqu’à 100 p. 100 de leurs revenus pour influencer les décisions politiques avant la tenue des élections fédérales en 2019.

[Traduction]

Dans les rapports aux actionnaires de la fondation Tides des États-Unis, on se vante de l’influence fructueuse de celle-ci sur les élections canadiennes de 2015, grâce aux contributions importantes versées à Leadnow et à d’autres groupes tiers, qui ont influé sur les résultats de certaines circonscriptions des quatre coins du Canada. La fondation Tides est également un groupe d’opposition aux oléoducs et à l’exploitation des sables bitumineux, qui cherche à fermer le secteur canadien de l’énergie.

Sénateur Harder, pourquoi le gouvernement facilite-t-il les choses pour des groupes comme la fondation Tides, qui veulent employer leurs fonds pour influer sur nos élections et nuire à notre économie?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il doit savoir, après les débats que nous avons eus sur le projet de loi sur les élections, que certaines contraintes sont imposées aux tierces parties; cela fait partie de la solution. J’espère qu’ici, dans cette enceinte, nous appuierons ces contraintes au cours du débat sur ce projet de loi.

Le sénateur Smith : En supprimant le plafond de 10 p. 100, le projet de loi C-86 ouvre la porte non seulement à un plus grand militantisme financé par des donateurs étrangers, qui s’ingèrent ainsi dans nos élections et font campagne contre notre secteur énergétique, mais également à ce que ces donateurs reçoivent un traitement fiscal favorable. C’est tout simplement insensé.

Sénateur Harder, les particuliers canadiens sont limités quant à la somme des contributions politiques qu’ils peuvent donner. Pourquoi donc le gouvernement pense-t-il que c’est correct de ne pas imposer de limite aux organismes de bienfaisance?

(1820)

Le sénateur Harder : Encore une fois, comme le sénateur le sait, pendant le débat au sujet du projet de loi sur le budget, le sénateur Pratte, le parrain de celui-ci, a parlé du financement des organismes de bienfaisance et des réformes proposées par le projet de loi. Cela rejoint très bien l’approche adoptée par le gouvernement dans le projet de loi sur les élections, qui imposera d’autres contraintes sur le financement par des tiers.

Les affaires étrangères et le commerce international

La Chine—Les États-Unis—La détention de Meng Wanzhou

L’honorable Thanh Hai Ngo : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

L’arrestation de la directrice des finances de Huawei, Meng Wanzhou, pendant une escale à Vancouver, fait la une des journaux depuis la semaine dernière. La Chine a prévenu l’ambassadeur canadien qu’il y aurait des conséquences graves si Mme Meng n’était pas libérée. Si elle est extradée vers les États-Unis, Mme Meng fera face à des accusations de complot visant à escroquer plusieurs institutions financières ou d’avoir eu recours à l’entreprise officielle Skycom pour accéder au marché iranien de 2009 à 2014, en violation des sanctions imposées par les États-Unis. Pour ce chef d’accusation, elle serait passible d’une peine maximale de 30 ans.

Pourriez-vous nous dire si le gouvernement procédera à son extradition, conformément au traité d’extradition entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis, et comment le gouvernement répondra aux menaces de représailles de la Chine?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Le Canada est un État de droit, et le processus d’extradition qui fait partie du régime juridique du pays se déroule comme il se doit, sans ingérence politique. Les conséquences seront déterminées par les tribunaux.

Le sénateur Ngo : Merci, sénateur Harder.

Cette arrestation prend des proportions de querelle diplomatique entre les États-Unis et la Chine, et voilà que le Canada se retrouve au milieu d’un différend entre les deux plus grosses économies du monde. Encore une fois, cela devrait nous dissuader de laisser Huawei s’introduire dans les réseaux mobiles de nouvelle génération au Canada.

Comment le gouvernement s’y prend-il pour expliquer à la Chine que nous respectons la primauté du droit et que l’indépendance de notre magistrature est la meilleure garantie contre les atteintes aux droits de la personne, ce qui n’est pas le cas en Chine?

Le sénateur Harder : Sénateur, je viens de dire que le gouvernement du Canada a fait des déclarations en public et en privé par rapport à ses obligations juridiques, que le traité d’extradition fait partie de notre régime de droit et que l’affaire que vous soulevez est traitée conformément aux obligations et aux pratiques juridiques du Canada. Voilà le message que le gouvernement du Canada transmet publiquement et par d’autres moyens.

Je suis d’avis que notre relation avec la Chine est complexe et que tous ceux qui y prennent part peuvent se parler en toute franchise par rapport à des questions sur lesquelles les points de vue divergent. C’est ce que fait le gouvernement du Canada.

Les finances

Le déficit fédéral—L’économie

L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les engagements électoraux du gouvernement qu’il représente. Nombre d’entre eux n’ont pas été remplis. Cependant, je crois que c’est la promesse brisée à l’égard du déficit qui risque d’avoir les plus lourdes conséquences pour les Canadiens.

Aux dernières élections, le parti actuellement au pouvoir a promis que le déficit ne dépasserait pas les 10 milliards de dollars, que le déficit serait contrôlé, et que l’équilibre allait être rétabli en 2019. Or, sur une très courte période, la taille du déficit a triplé, et nous savons, évidemment, que 2019 approche. Le leader du gouvernement pourrait-il nous donner un engagement ferme quant au moment où le gouvernement compte rétablir l’équilibre budgétaire?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question, qui me donne l’occasion de lui rappeler, ainsi qu’à ses collègues, que, dès la présentation de son premier budget, le gouvernement a fixé pour cible budgétaire une baisse du ratio dette-PIB au fil des ans. Je suis d’ailleurs heureux d’annoncer que le Canada affiche encore la dette globale la moins élevée parmi les pays du G7, et que le ratio dette-PIB continue de baisser.

Quant à ce que l’honorable sénateur a dit au sujet de l’engagement à équilibrer les budgets, c’est un engagement qu’il n’a pas honoré pendant 10 ans.

Le sénateur Housakos : Je remercie le leader du gouvernement de me donner l’occasion de lui signaler que notre parti a légué au gouvernement actuel un léger excédent, et que nous l’avons fait lors d’une période économique très difficile. Le gouvernement que représente le leader s’est laissé porter par cette vague. Malheureusement, comme nous le savons tous, il y a des hauts et des bas dans une économie de libre entreprise. Alors tandis qu’il se laisse porter par cette vague et qu’il profite des fruits du travail accompli par le gouvernement précédent, le gouvernement actuel ne doit pas oublier qu’il pourrait y avoir des problèmes imminents. Il accumule des déficits que les générations futures devront éponger. Je tiens aussi à signaler au leader du gouvernement que les investissements étrangers ont diminué presque de moitié depuis 2015 et que la compétitivité du Canada a également été considérablement affaiblie, tandis que le gouvernement a alourdi le fardeau fiscal des petites et moyennes entreprises canadiennes.

Nous sommes lourdement endettés. Le directeur parlementaire du budget dit qu’il faudra des décennies pour rétablir l’équilibre budgétaire. Que fera le gouvernement si nous sommes frappés prochainement par une récession inattendue?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il a mentionné le léger excédent que le Parti conservateur a dégagé dans son dernier budget. Il a oublié de dire que nous avons dû vendre l’argenterie pour atteindre cet équilibre budgétaire. À divers égards, il s’agissait d’un excédent fantôme, ce qui explique pourquoi aucun analyste ne le prend au sérieux. Je dirai simplement que la prémisse de sa question est absurde.

Pour ce qui est de la partie de la question à laquelle je peux répondre, le gouvernement a pris des mesures qui ont mené à une baisse du taux de chômage à son niveau le plus bas des 40 dernières années et à une croissance du PIB de 3 p. 100. L’an dernier, le Canada a enregistré la plus forte croissance parmi les pays du G7. Le gouvernement a amélioré l’équité du régime fiscal grâce à un crédit d’impôt pour enfants.

Je me ferais un plaisir de continuer encore et encore. Toutefois, je donne raison à l’honorable sénateur sur un point : au cours de l’année prochaine, les citoyens du Canada auront la possibilité de choisir entre la croissance durable et soutenue du gouvernement actuel et la misère du passé.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 9-6 du Règlement, je dois interrompre les travaux. La sonnerie retentira afin de convoquer les sénateurs pour le vote reporté sur la motion d’amendement à la motion no 410 et sur la motion d’amendement au projet de loi C-76, sous sa forme modifiée.

(1840)

Le Sénat

Motion tendant à réaffirmer l’importance des deux langues officielles comme fondement de notre fédération compte tenu des coupes faites par le gouvernement de l’Ontario aux services en français—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, appuyée par l’honorable sénateur Klyne,

Que le Sénat, compte tenu des décisions prises par le gouvernement de l’Ontario en ce qui a trait au Commissariat aux services en français et à l’Université de l’Ontario français :

1.réaffirme l’importance des deux langues officielles comme fondement de notre fédération;

2.rappelle au gouvernement du Canada sa responsabilité de défendre et de promouvoir les droits linguistiques, tels qu’exprimés dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi sur les langues officielles;

3.exhorte le gouvernement du Canada à prendre toutes les mesures nécessaires, conformément à ses compétences, pour assurer l’épanouissement et le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Housakos, appuyée par l’honorable sénateur Mockler :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution du point 1 par ce qui suit :

« 1.réaffirme l’importance de la dualité linguistique, français et anglais, que nous ont léguée nos deux peuples fondateurs comme pierre angulaire de notre fédération et élément essentiel de notre identité canadienne; ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénateur Housakos propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Mockler :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée par substitution du point 1 par ce qui suit :

« 1.réaffirme l’importance de la dualité linguistique, français et anglais, —

Puis-je me dispenser de lire la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Housakos, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Batters Ngo
Beyak Oh
Boisvenu Patterson
Carignan Plett
Doyle Smith
Housakos Tannas
MacDonald Tkachuk
Maltais Wells
Martin White—20

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Greene
Bernard Griffin
Black (Ontario) Harder
Boehm Hartling
Boniface Joyal
Bovey Klyne
Boyer LaBoucane-Benson
Brazeau Lankin
Busson Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Christmas Massicotte
Cormier McCallum
Coyle Mégie
Dalphond Mercer
Dasko Mitchell
Dawson Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Dean Munson
Downe Omidvar
Duffy Pate
Dyck Petitclerc
Forest Pratte
Forest-Niesing Simons
Francis Sinclair
Gagné Verner
Galvez Wetston
Gold Woo—54

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Ataullahjan Mockler
Dagenais Neufeld
Eaton Poirier
Frum Richards
Marshall Stewart Olsen—11
McIntyre

(1850)

Projet de loi sur la modernisation des élections

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Rejet de la motion d’amendement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dawson, appuyée par l’honorable sénateur Munson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, tel que modifié.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénatrice Frum, appuyée par l’honorable sénateur Housakos,

Que le projet de loi C-76, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 223 :

a)à la page 117, par adjonction, après la ligne 33, de ce qui suit :

« a.1) d’un particulier qui ne réside pas au Canada; »;

b)à la page 121 :

(i)par substitution, aux lignes 21 à 24, de ce qui suit :

« a) s’agissant d’un particulier, d’une part, il n’est pas un citoyen canadien ou un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ou, d’autre part, il ne réside pas au Canada;»,

(ii)par substitution, aux lignes 34 à 38, de ce qui suit :

« c) s’agissant d’un groupe, il n’exerce pas d’activités au Canada. ».

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion suivante : L’honorable sénatrice Frum propose, avec l’appui de l’honorable sénateur Housakos :

Que le projet de loi C-76, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 223 :

a) —

Puis-je me dispenser de lire la motion, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Frum, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan Mockler
Batters Neufeld
Beyak Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Eaton Richards
Frum Smith
Greene Stewart Olsen
Housakos Tannas
MacDonald Tkachuk
Maltais Verner
Marshall Wells
Martin White—32

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Gagné
Bernard Galvez
Black (Ontario) Gold
Boehm Harder
Boniface Hartling
Bovey Joyal
Boyer Klyne
Brazeau LaBoucane-Benson
Busson Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Christmas McCallum
Cormier Mégie
Coyle Mercer
Dalphond Mitchell
Dasko Miville-Dechêne
Dawson Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Munson
Dean Omidvar
Downe Pate
Duffy Petitclerc
Dyck Pratte
Forest Sinclair
Forest-Niesing Woo—47
Francis

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Griffin McIntyre
Lankin Simons
Massicotte Wetston—6

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture du projet de loi C-76, suivie de l’étude du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, suivie de la troisième lecture du projet de loi C-86 et du projet de loi C-90, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Français]

Projet de loi sur la modernisation des élections

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dawson, appuyée par l’honorable sénateur Munson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, tel que modifié.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, tel que modifié.

Le projet de loi C-76 est un immense projet de loi de 256 pages qui touche le cœur de notre démocratie, plus précisément le processus électoral fédéral. Le projet de loi C-76 modifiera plusieurs règles qui gèrent la vie démocratique des Canadiens et des Canadiennes. Comme je crois qu’une réforme était nécessaire, j’appuie certains de ces changements.

Cela dit, je suis convaincu que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles aurait dû prendre plus de temps pour étudier sérieusement ce projet de loi d’une très grande ampleur.

J’aimerais cependant m’adresser à vous en ce qui concerne le droit de vote des Canadiens qui vivent à l’étranger.

Comme vous le savez sûrement, les Canadiens expatriés depuis moins de cinq ans ont le droit de vote. Ce droit existe depuis 1993. Cette règle permet même à un Canadien ou à une Canadienne de s’absenter moins de cinq ans, de retourner au pays, de repartir à l’étranger et de voter dans un autre délai de cinq ans, et ainsi de suite.

La loi électorale actuelle accorde en effet ce droit dans la section 3 intitulée « Électeurs résidant temporairement à l’étranger ». Je porte à votre attention le mot « temporairement » car, selon la version en vigueur de la loi électorale, au moment où je vous parle, il faut résider temporairement à l’étranger moins de cinq ans afin de se prévaloir du droit de vote aux élections fédérales.

(1900)

En particulier, le paragraphe 222(1) de la Loi électorale du Canada précise que le directeur général des élections du Canada tient un registre des électeurs résidant temporairement à l’étranger où il inscrit notamment les noms et adresses des électeurs canadiens qui satisfont certaines conditions.

Le projet de loi C-76 éliminera le critère de l’intention de rentrer au Canada en plus de permettre le droit de vote à tout Canadien résidant à l’étranger, et ce, peu importe le nombre d’années passées à l’extérieur du Canada. Un Canadien qui n’habite plus au pays depuis 10, 15, 20, 40 ou 50 ans pourra donc voter. Bref, on dépassera la limite de 5 ans.

Honorables sénateurs, lors de l’étude en comité, j’ai été surpris de découvrir que cette question du droit de vote des Canadiens qui vivent depuis plus de cinq ans à l’étranger faisait l’objet d’un litige qui se trouve actuellement devant la Cour suprême du Canada. En effet, l’audition de la cause, qui s’intitule Frank c. Procureur général du Canada, a eu lieu le 21 mars dernier. La Cour suprême a pris la cause en délibéré et rendra sa décision au cours des mois ou des semaines à venir.

J’ai été encore plus surpris de constater que, comble de l’absurde, la position du gouvernement du Canada dans l’affaire Frank est de s’opposer à la demanderesse, donc de s’opposer à ceux qui demandent le droit de vote même s’ils ne résident plus ici depuis cinq ans ou plus. Dans cette cause, deux étudiants qui ont dépassé la période de cinq ans demandent le droit de vote. D’ailleurs, un de ces deux étudiants a obtenu le droit de vote aux États-Unis.

Bref, pendant que la procureure générale du Canada, Mme Wilson-Raybould, demandait à ses avocats de déposer un mémoire en cour pour s’opposer au droit de vote des Canadiens vivant hors du pays depuis cinq ans ou plus, la même Mme Wilson-Raybould, ministre de la Justice, avait recours à des légistes pour rédiger le projet de loi C-76 qui propose exactement le contraire de la position gouvernementale devant la Cour suprême, à savoir autoriser aux Canadiens vivant hors du pays depuis cinq ans ou plus de voter aux élections fédérales.

J’ai aussi découvert que le gouvernement du Québec est un intervenant dans cette affaire. Devant la Cour suprême, le gouvernement du Québec s’est opposé au vote des expatriés de plus de cinq ans. Donc, je défends ici la position du gouvernement du Québec. Le procureur général du Québec s’oppose d’abord à l’abolition du principe des cinq ans maximum en raison du rôle central du lien qui rattache un citoyen électeur et une citoyenne électrice et sa circonscription électorale. Est-ce que le lien d’attachement d’un Canadien habitant à l’étranger après plus de cinq ans est le même que pour un Canadien résidant au Canada? Il y a lieu d’en douter.

En effet, contrairement à plusieurs pays comme la France, où le président est au cœur du lien d’attachement, la circonscription électorale est au cœur de notre régime électoral. Tous les Canadiens votent sur la base d’un lien avec une circonscription. De toute évidence, ce lien s’atténue au fil des années passées à l’étranger. En France, les électeurs votent d’abord et avant tout pour un président. Nous aurions tort de suivre le modèle républicain. Au Canada, nous votons pour un député et non pas pour un premier ministre.

[Traduction]

J’ai aussi été étonné de lire, dans le mémoire de la procureure générale, que la période choisie par le Parlement pour définir objectivement la notion de « temporaire », c’est-à-dire cinq ans, n’a rien d’arbitraire. C’est aussi le laps de temps retenu par les autres régimes parlementaires comparables au nôtre.

[Français]

D’autres pays qui suivent le modèle de Westminster utilisent aussi cette règle des cinq ans.

Selon le procureur général du Québec dans l’affaire Frank, et je cite son mémoire :

La notion de résidence est primordiale dans la mise en œuvre concrète de notre système. La notion de résidence module l’exercice du droit de vote et constitue le facteur de rattachement historiquement reconnu liant l’électeur à la circonscription dans laquelle il vote.

Nous vivons dans une fédération constituée de régions où la résidence est le lien d’attachement par excellence d’un électeur ou d’une électrice à la circonscription où il exerce son droit de vote.

Pourquoi 100 électeurs ayant vécu plus de cinq ans aux États-Unis auraient-ils le droit de changer les résultats serrés d’une élection dans une circonscription précise représentée par un député qui défend les intérêts de cette circonscription? Au-delà de cinq ans, la notion de la connexion d’intérêts est plutôt faible, n’est-ce pas?

Comme le dit le procureur général du Québec, à la page 6 de son mémoire en appui au procureur général du Canada, et je cite :

Le vote de non-résidants dans une circonscription donnée pourrait ainsi affecter le processus démocratique en interférant sur la composition de la communauté que le député doit représenter.

La loi électorale est fondée sur ce principe d’attachement, et c’est pourquoi le Québec s’oppose à un régime comme celui du projet de loi C-76 qui dénaturerait ce lien. D’ailleurs, au Québec, la loi utilise le concept de « domicile » plutôt que de « résidence » pour mettre l’accent sur le lien d’attachement plus permanent au territoire. Il faut un point d’ancrage. Ce point d’ancrage est le domicile et la circonscription. Je dirais que le Québec serait touché à long terme par ce changement de paradigme, car des recours juridiques contestant la loi québécoise seraient à prévoir.

Le procureur général du Québec souligne aussi ce qui suit, et je cite :

Le droit de vote n’est suspendu qu’à partir d’une durée d’absence supérieure à cinq (5) ans et renaît dès le retour au pays du citoyen.

C’est pourquoi l’intention de revenir au pays est aussi un facteur important. Le projet de loi C-76 retire malheureusement l’obligation de l’intérêt de revenir au pays comme facteur permettant le droit de vote. C’est aussi une erreur qui se trouve dans le projet de loi C-76.

Dans son mémoire, le procureur général du Québec explique aussi que la limite imposée est rationnellement liée à l’objectif pressant et fondamental du gouvernement qui est de préserver le contrat social du Canada. Au terme de ce contrat social, les citoyens résidants se soumettent aux lois adoptées par les représentants élus parce qu’ils ont voix au chapitre dans l’adoption de telles lois. Est-ce qu’un Canadien qui n’habite plus au pays depuis 20 ou 30 ans sera exposé de la même façon et au même degré aux lois adoptées qu’un Canadien qui habite ici? Il faut en douter.

Est-ce que la règle des 5 ans pourrait être élargie à 10 ans? Peut-être. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut une limite sans quoi on perd le lien d’attachement avec le territoire et la notion d’intérêt commun avec le pays. Un intérêt commun devrait vouloir dire davantage qu’un intérêt dans un sujet particulier. Un intérêt commun et un lien d’attachement devraient continuer d’être liés à une limite de temps passé à l’étranger.

Je propose donc de retirer du projet de loi C-76 le texte des articles qui abrogeraient la limite des cinq ans et la notion d’intention de revenir au pays. Le registre des électeurs étrangers continuera d’exister, mais il sera régi par la règle des cinq ans et la notion d’intention de revenir au pays.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-76, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a)à l’article 152, à la page 80 :

(i)par substitution, aux lignes 11 et 12, de ce qui suit :

«152 L’article 221 de la même loi est remplacé par ce qui suit. »,

(ii)par suppression des lignes 21 à 27;

b)à l’article 153 :

(i)à la page 80, par suppression des lignes 28 à 31,

(ii)à la page 81, par suppression de la ligne 1;

c)à l’article 154, à la page 81, par suppression de la ligne 2.

Son Honneur le Président : En amendement, il est proposé par l’honorable sénateur Boisvenu, appuyé par l’honorable sénateur Patterson, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 152, à la page 80...

Des voix : Suffit!

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 17 h 25.

Convoquez les sénateurs.

(1920)

[Traduction]

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Boisvenu, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Neufeld
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Frum Richards
Griffin Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Verner
Martin Wells—34

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Hartling
Black (Ontario) Joyal
Boehm Klyne
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Lankin
Boyer Lovelace Nicholas
Busson Marwah
Campbell Massicotte
Christmas McCallum
Cormier Mégie
Coyle Mercer
Dalphond Mitchell
Dasko Miville-Dechêne
Dawson Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Munson
Dean Omidvar
Downe Pate
Dyck Petitclerc
Forest Pratte
Forest-Niesing Ravalia
Francis Saint-Germain
Gagné Simons
Galvez Sinclair
Gold Wetston
Greene Woo—51
Harder

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bernard White—2

(1930)

[Français]

Le Code criminel
La Loi sur le ministère de la Justice

Projet de loi modificatif—Message des Communes—Rejet des amendements du Sénat

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que j’ai reçu le message suivant de la Chambre des communes :

Le lundi 10 décembre 2018

Il est ordonné,—Qu’un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que la Chambre rejette respectueusement les amendements 1 et 2 apportés par le Sénat au projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi, étant donné qu’ils sont incompatibles avec l’objectif du projet de loi de codifier la jurisprudence de la Cour suprême du Canada sur un aspect précis du droit relatif aux agressions sexuelles, et cherchent plutôt à légiférer sur une question juridique différente et beaucoup plus complexe, en l’absence d’orientations cohérentes de la part des tribunaux d’appel ou de différents points de vue des intervenants.

ATTESTÉ

Le Greffier de la Chambre des communes

Charles Robert

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le message?

(Sur la motion du sénateur Harder, l’étude du message est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

Projet de loi sur la modernisation des élections

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dawson, appuyée par l’honorable sénateur Munson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, tel que modifié.

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi C-76, qui modifierait les règles encadrant la manière dont les Canadiens peuvent exercer le plus fondamental et le plus démocratique de leurs droits, celui de voter, comme vous l’aurez deviné. Notre rôle, à nous parlementaires, consiste à protéger ce droit et à protéger le régime électoral du Canada afin que les élections y demeurent libres, justes et démocratiques.

Cette question devrait nous intéresser tous autant que nous sommes, surtout dans le contexte politique mondial actuel. Dans de nombreux pays, la sécurité électorale et les allégations d’ingérence étrangère et d’immixtion dans les élections nationales sont des sujets de préoccupation pour bien des citoyens. L’émergence de nouvelles puissances mondiales et l’arrivée de nouvelles technologies ont facilité la vie de ceux qui souhaitent manipuler les régimes électoraux démocratiques. Comme l’a dit le journaliste et commentateur politique David Frum au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles :

Un des éléments propres à la politique au XXIe siècle, par opposition à la politique au XXe siècle, c’est que les régimes autoritaires font plus attention qu’avant en ce qui concerne le recours à la violence, mais ils disposent de pouvoirs et de moyens de surveillance et d’ingérence comme jamais auparavant. Il est moins probable qu’un régime hostile s’en prenne à vous au moyen de missiles et de tanks, mais il est plus probable qu’il se serve de ces nouveaux moyens pour tenter d’orienter votre gouvernement. Le but de la guerre est de changer la volonté de votre adversaire. Qu’arrive-t-il s’il est possible de changer cette volonté en évitant les dépenses et les risques liés à la guerre et en s’en prenant directement au système électoral de votre adversaire? C’est un défi de taille.

Alors que les grands pays du monde sont aux prises avec ce problème, le gouvernement Trudeau présente un projet de loi concernant les élections qui laissera la porte grande ouverte à l’ingérence étrangère dans les élections au Canada. Comme il nous l’a si souvent montré déjà, le gouvernement libéral est fort pour les belles paroles, mais les mesures qu’il adopte sont en demi-ton et elles ne parviendront pas à endiguer l’ingérence étrangère et l’influence des dépenses encourues par tiers dans les processus démocratiques canadiens.

Pourquoi se traînent-ils les pieds dans ce dossier alors que des droits démocratiques aussi fondamentaux, voire la sécurité nationale, sont en jeu? Sacrifieront-ils ces principes afin de créer le résultat le plus avantageux pour eux?

Loin de moi l’idée d’être cynique, honorables sénateurs, mais, une fois de plus, le gouvernement Trudeau ne fournit pas de réponses satisfaisantes à ces questions importantes. Plutôt, il a tardé à présenter un projet de loi et, maintenant, fait anxieusement pression pour le faire adopter rapidement avant la prochaine élection.

Le Comité sénatorial des affaires juridiques n’a pu tenir que trois réunions au sujet du projet de loi C-76, une mesure de près de 300 pages. Néanmoins, le gouvernement Trudeau insiste pour le faire adopter à toute vapeur. L’idée d’étendre le droit de vote aux citoyens vivant à l’étranger fait présentement l’objet d’un pourvoi devant la Cour suprême dans une affaire intitulée R. c. Frank. La Cour d’appel de l’Ontario a confirmé la loi en vigueur, établissant que les limites actuelles imposées aux électeurs expatriés vivant à l’extérieur du Canada depuis moins de cinq ans et ayant l’intention d’y revenir sont appropriées.

Toutefois, la question fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour suprême du Canada, laquelle devrait rendre sa décision sous peu. Étrangement, le gouvernement Trudeau insiste pour faire adopter le projet de loi avant que la Cour suprême ne rende sa décision.

S’il n’est jamais sage de préjuger de l’issue des délibérations de la Cour suprême, il n’est pas courant que celle-ci renverse des décisions rendues par la Cour d’appel de l’Ontario. De toute façon, il ne serait pas prudent de la part du gouvernement Trudeau de se fier à ce que le cour fasse cela.

Ne nous y trompons pas. Ce projet de loi comporte de graves lacunes. Il laisse des trous béants dans le système électoral en diminuant de façon draconienne les critères d’identification et de vérification, et en proposant des échappatoires qui permettront à des tiers et à des instances étrangères d’influencer l’issue de nos élections. La ministre des Institutions démocratiques a admis elle-même qu’il serait pratiquement impossible d’empêcher l’ingérence étrangère pendant les élections de 2019.

En même temps, le gouvernement Trudeau affaiblit les dispositions de la Loi électorale relatives à la vérification de l’identité. Il élargit en outre le droit de vote accordé aux citoyens canadiens qui vivent à l’étranger. Cet ensemble de mesures expose notre système électoral démocratique aux manipulations et aux abus. La Loi électorale actuelle stipule qu’un citoyen canadien qui vit à l’étranger ne peut voter que s’il a quitté le Canada depuis moins de cinq ans et qu’il a l’intention d’y revenir. En d’autres termes, il s’agit d’un Canadien non résident à court terme. Cependant, le projet de loi C-76 supprimerait les restrictions de façon à ce que tous les citoyens canadiens vivant à l’étranger, même ceux qui habitent à l’extérieur du pays depuis 25 ou 30 ans ou pendant presque toute leur vie, soient admissibles à voter aux prochaines élections canadiennes.

(1940)

De plus, même si les électeurs canadiens doivent avoir résidé au Canada à un moment donné dans leur vie, il n’y a aucune durée de résidence minimale à satisfaire pour avoir le droit de voter. L’idée qu’un Canadien non résident qui habite à l’étranger, qui n’a aucun lien avec le Canada et qui a peut-être seulement vécu au Canada pendant un mois il y a des décennies de cela puisse voter aux élections fédérales et déterminer l’avenir politique de notre pays me semble absurde.

Même le procureur général du Canada a plaidé devant les tribunaux qu’un lien de résidence au Canada est d’une importance vitale pour le système électoral canadien, qui repose sur les circonscriptions. L’exigence en matière de résidence représente un moyen de confirmer qu’un citoyen canadien adhère au contrat social entre un gouvernement démocratique et les électeurs. Les électeurs choisissent un représentant local qui sert leur collectivité et qui crée des lois sur des questions ayant une incidence sur leur vie quotidienne dans leur région.

Si un Canadien expatrié n’a vécu qu’un mois au Canada pendant toute sa vie, ou s’il vit à l’étranger depuis longtemps, il semble peu raisonnable qu’il puisse influer sur les résultats électoraux dans une région éloignée de la sienne. Pour quelle raison devrait-il avoir son mot à dire dans le choix du législateur qui fera des lois auxquelles il ne sera pas tenu de se conformer?

On estime que 11 000 électeurs non résidents ont voté aux élections de 2015. En gros, 2 millions de Canadiens vivent à l’étranger. Si le projet de loi C-76 est adopté, le bassin potentiel d’électeurs expatriés augmentera considérablement, ce qui pourrait faire toute la différence dans les élections canadiennes, honorables sénateurs, dans les cas où un petit nombre de votes à l’échelle nationale pourrait déterminer quel parti formera le gouvernement et le nombre de ses députés. En 2015, par exemple, si les libéraux n’avaient obtenu que 15 000 votes de moins, ils auraient formé un gouvernement minoritaire.

Aux élections de 2015, l’organisme étranger Leadnow a fortement ciblé la circonscription de Regina—Lewvan, en Saskatchewan. Le candidat néo-démocrate a remporté la victoire par une marge très mince de 100 votes. Comme nous l’avons récemment découvert, il y a eu 24 votes de Canadiens non résidents dans cette circonscription. Vous pouvez donc voir que les votes de non-résidents peuvent avoir une grande influence sur les résultats des élections quand la course est serrée.

Le processus d’inscription aux listes électorales pour les Canadiens non résidents est vulnérable aux abus. Afin de s’inscrire, un Canadien expatrié n’a qu’à remplir un formulaire, en y indiquant sa dernière adresse résidentielle au Canada, ce qui détermine la circonscription dans laquelle son vote sera comptabilisé. Aucune preuve de cette dernière adresse n’est requise. Élections Canada ne mène aucune vérification sauf si une plainte précise est déposée. L’électeur potentiel présente sa demande en ligne et clique sur un bouton, ce qui transmet une attestation qui ne décrit même pas les peines sévères en cas de votes frauduleux.

L’électeur est alors inscrit et il reçoit un bulletin de vote postal, le tout sans rencontre ni même discussion avec un membre du personnel électoral et sans aucune forme de vérification. Cet aspect est particulièrement préoccupant parce qu’il ouvre la porte à l’ingérence étrangère dans les élections canadiennes.

Malheureusement, le projet de loi C-76 ne prévoit pas de mesures de protection adéquates à ce sujet.

Compte tenu de l’importance de la question de l’ingérence étrangère pendant les élections aux États-Unis, le Canada doit être extrêmement vigilant pour empêcher qu’une situation similaire ait lieu ici. Malheureusement, le gouvernement et les responsables des élections adoptent une attitude incroyablement blasée à cet égard. Récemment, on a demandé au premier ministre Trudeau à quel point la Russie s’était ingérée dans les dernières élections canadiennes. Il a répondu « pas beaucoup ».

À la Chambre des communes, le député conservateur Blaine Calkins a fait inscrire une question au Feuilleton afin d’obtenir des détails au sujet du commentaire du premier ministre Trudeau. Bien sûr, le premier ministre refuse maintenant de répondre sous prétexte qu’il s’agit d’une question de sécurité nationale. Pourtant, lorsque nous avons questionné le directeur général des élections à ce sujet au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, il nous a dit qu’il n’était pas du tout au courant de l’ingérence russe confirmée par le premier ministre. Comme l’a souligné l’un de mes très sages collègues, il est incroyable que le directeur général des élections du Canada, la personne chargée d’assurer la sécurité du système électoral du pays, s’intéresse si peu aux renseignements relatifs à la sécurité électorale nationale.

Un système électoral précaire engendré par cette mesure législative est particulièrement inquiétant pour les électeurs canadiens vivant à l’étranger sous un régime répressif ou coercitif. David Frum, qui a témoigné devant le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, a déclaré ceci :

Pendant votre étude de ce projet de loi, je vous invite à tenir compte d’autres réalités. Supposons que, au lieu de vivre dans un pays libre et démocratique comme les États-Unis, un expatrié comme moi habite dans un pays qui n’est ni démocratique ni libre et qui surveille tous les aspects de mon comportement, selon ce qu’on appelle un système de crédit social. Un pays qui se rend compte que j’ai reçu un bulletin pour voter dans une élection tenue dans un pays étranger et qui possède la technologie et la volonté nécessaires pour savoir pour qui j’ai voté. Un pays qui ne croit pas aux élections libres ni aux droits à la vie privée. Un pays qui pourrait déterminer régulièrement la réussite ou l’échec de mon entreprise ou de ma vie professionnelle ou ma capacité d’emprunter de l’argent, de louer un appartement ou d’acheter un billet d’avion, selon ma fiabilité sur le plan politique. Un pays qui considère toute personne qui y est née ou qui y réside comme étant exclusivement et à jamais assujettie à cet État, peu importe les autres passeports qu’elle possède. Un pays qui, dans son intérêt national, souhaite vivement façonner la politique et la gouvernance d’autres pays, dont le Canada. Un pays qui possède le pouvoir militaire et économique nécessaire pour faire fi des protestations et des remontrances du gouvernement du Canada et qui, en fait, incite sérieusement celui-ci à se demander s’il osera protester ou faire des remontrances.

Il a ajouté ce qui suit :

Qu’on parle d’expatriés à court ou à long terme, les failles inévitables liées à la sécurité des bulletins de vote à l’extérieur du Canada constituent un problème. Cependant, dans le cas des expatriés à court terme, le nombre de bulletins de vote est relativement restreint et ne changera probablement pas grand-chose aux résultats. Toutefois, si on en venait à passer de quelques dizaines de milliers de votes à des centaines de milliers ou de millions de votes à l’extérieur du Canada — on ne parle pas ici des États-Unis ou de la Grande-Bretagne, mais d’autres pays —, on donnerait à des gouvernements ayant des politiques étrangères très ciblées et souhaitant avoir une influence dans d’autres pays — le Canada figurant bien sûr sur la liste — la possibilité d’exercer des pressions sur des électeurs, voire de falsifier les bulletins de vote. Les mesures de sécurité du Canada n’arriveraient jamais à suivre le rythme des interventions imaginées et réalisées par les gouvernements étrangers. On donnerait à ces gouvernements l’occasion de profiter des élections canadiennes pour façonner les gouvernements canadiens avec lesquels ils travaillent.

Dans le projet de loi C-76, c’est l’aspect de la loi qui nous préoccupe, M. Frum et moi. Ce serait essentiellement la même chose que de donner un tas de bulletins de vote à des gouvernements étrangers pour qu’ils s’immiscent dans les élections canadiennes. Si vous pensez que les Canadiens vivant à l’étranger ne sont pas assez nombreux pour avoir ce genre d’effet, je vous encourage à réfléchir au fait qu’environ 300 000 citoyens canadiens vivent à Hong Kong seulement.

Au-delà du problème de l’ingérence étrangère, le projet de loi C-76 a aussi comme faiblesse grave de ne pas éliminer les dépenses abusives des tiers. Lorsque le directeur général des élections a comparu devant le Comité sénatorial des affaires juridiques, je lui ai soumis le scénario suivant. Supposons qu’un citoyen canadien, qui pourrait être un célèbre multimillionnaire de la musique rock habitant aux États-Unis depuis plus d’une dizaine d’années, décidait d’organiser un concert rock en guise de rassemblement contre les pipelines au Madison Square Garden, afin de ramasser de l’argent pour sa cause, dans un élan de ferveur antipipeline. Il appellerait alors les Canadiens résidant à l’étranger à voter contre un parti politique en particulier.

Selon le directeur général des élections, le défaillant projet de loi C-76 permettrait l’organisation d’un tel événement sans que s’appliquent les restrictions relatives au financement des activités partisanes.

De même, le directeur général des élections nous a confirmé qu’un gouvernement étranger pourrait acheter une pleine page de publicité dans un journal ou diffuser une annonce à la télévision pour inciter les Canadiens à voter pour ou contre un candidat ou un parti. Aucune disposition des lois canadiennes ne limiterait la publicité ainsi faite par un gouvernement étranger, et ce pourrait être la Russie, la Chine ou l’Iran, par exemple.

J’ai aussi fait une autre découverte étonnante au cours de l’étude du projet de loi par le Comité sénatorial des affaires juridiques : le gouvernement Trudeau a mis fin à l’indépendance du commissaire aux élections par rapport au directeur général des élections. Le bureau du commissaire se trouve actuellement dans les locaux du Service des poursuites pénales du Canada, compte tenu de son rôle de principal responsable des sanctions contre les violations de la loi électorale. Or, le projet de loi C-76 aurait pour effet de remettre le bureau du commissaire aux élections sous la responsabilité du directeur général des élections.

Dans le pire des scénarios, qu’arriverait-il si le directeur général des élections du Canada commettait des infractions électorales graves à la loi? Le commissaire aux élections fédérales serait dans une position intenable. Il serait tenu d’enquêter, de poursuivre son propre patron, de décider de ne pas le contraindre à témoigner et de le sanctionner.

Quand j’ai attiré l’attention de la ministre des Institutions démocratiques, Karina Gould, sur cette situation alarmante, et on ne s’en étonnera sans doute guère, cela ne semblait pas l’inquiéter.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-76 va faire du commissaire aux élections fédérales un employé du directeur général des élections. Certaines dispositions du projet de loi prévoient que le directeur général des élections embauche, congédie et fixe la rémunération du commissaire aux élections. Le directeur général des élections doit également définir les critères de bonne conduite du commissaire aux élections et choisir l’emplacement de son bureau. Si ce n’est pas une relation d’employé à employeur, j’ignore bien ce qui en est une. On peut en dire bien des choses, mais on ne peut certainement pas dire qu’il y ait une réelle indépendance.

Comme je l’ai dit au Comité des affaires juridiques, il semblerait que le gouvernement Trudeau ait besoin qu’on lui donne une définition du mot « indépendance » qui ressemble un peu plus à la réelle définition d’indépendance.

(1950)

Honorables sénateurs, tous les jours, il y a des reportages dans presque tous les médias sur la possible ingérence russe dans les dernières élections américaines. Quand on voit toute cette couverture médiatique, on peut se demander si une telle situation pourrait se produire au Canada. En réalité, c’est ce qui s’est passé lors de nos dernières élections fédérales. Le premier ministre Trudeau l’a admis. Or, malgré cet aveu, les mesures prévues dans le projet de loi C-76 du gouvernement pour nous protéger contre l’ingérence étrangère sont nettement insuffisantes. Au lieu d’exclure complètement la possibilité d’une telle ingérence, elles y ont laissé la porte grande ouverte.

Alors que le gouvernement Trudeau permet la participation aux élections canadiennes de 2 millions d’électeurs supplémentaires qui n’ont que peu de liens avec le Canada, voire aucun, et qui sont peu au courant de l’actualité ou des politiques canadiennes, je ne peux m’empêcher de penser qu’il crée réellement une tempête parfaite. Auparavant, il était difficile de mobiliser 2 000 expatriés autour d’un enjeu donné. Maintenant, à une époque où l’utilisation des médias sociaux est répandue, c’est beaucoup plus facile. Toutefois, en même temps, il y a une base électorale...

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre, sénatrice Batters, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Batters : J’ai besoin de deux minutes de plus.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Batters : Merci.

Toutefois, en même temps, il y a une base électorale dont l’identité des membres est difficile à vérifier à cause de l’anonymat que procure Internet, avec un accès à 2 millions de bulletins de vote pour déterminer l’issue des prochaines élections. Nous pouvons certainement trouver un compromis, honorables sénateurs, afin de réduire ce bassin d’électeurs en le réservant aux expatriés qui ont résidé au Canada pendant au moins cinq ans, ce qui laisserait supposer un lien plus étroit avec le Canada et notre système électoral démocratique.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Denise Batters : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-76, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 152, à la page 80, par substitution, à la ligne 26, de ce qui suit :

« titre de la présente section et qui ont résidé au Canada pendant au moins cinq ans au total ».

Je vous demande d’appuyer cet amendement sensé. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Maintenant.

La motion d’amendement de l’honorable sénatrice Batters, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk Mockler
Ataullahjan Neufeld
Batters Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Frum Richards
Housakos Seidman
Lankin Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Tkachuk
Martin Verner
McInnis Wells—31
McIntyre

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Harder
Bernard Hartling
Black (Ontario) Joyal
Boehm Klyne
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Lovelace Nicholas
Boyer Marwah
Campbell Massicotte
Christmas McCallum
Cormier Mégie
Coyle Mercer
Dalphond Mitchell
Dasko Miville-Dechêne
Dawson Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Munson
Dean Omidvar
Downe Petitclerc
Dyck Pratte
Forest Ravalia
Forest-Niesing Saint-Germain
Francis Simons
Gagné Sinclair
Galvez Wetston
Gold Woo—49
Greene

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs
Aucun

[Français]

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dawson, appuyée par l’honorable sénateur Munson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, tel que modifié.

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, tel que modifié.

À mes yeux, la Loi électorale du Canada est l’une des plus importantes pour notre pays. Tout comme la Constitution canadienne qui intègre la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi électorale du Canada est l’une des pierres d’assise de notre démocratie, une loi fondatrice sur laquelle s’appuie l’exercice même de notre parlementarisme, de notre vie démocratique et de la légitimité de nos institutions.

(2000)

De coutume, les modifications à la loi électorale se font avec la collaboration des différents partis politiques, et le gouvernement cherche un consensus, autant que faire se peut. De plus, la réforme de cette loi doit se faire avec sérieux, minutie et diligence.

[Traduction]

À la suite de la 42e élection générale de 2015, le directeur général des élections a formulé des recommandations en vue d’une réforme législative. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes a étudié ces recommandations et en a fait rapport à la Chambre.

[Français]

Voici un extrait du trente-cinquième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre des communes qui a été présenté le 20 juin 2017. Il se lit comme suit :

Conformément à la Loi électorale du Canada, le directeur général des élections (DGE) doit, après chaque élection générale fédérale, remettre au Président de la Chambre des communes un rapport dans lequel il présente toute modification qui, à son avis, est souhaitable pour assurer une meilleure application de la Loi. Ce rapport du DGE aux termes de l’article 535 de la Loi a été déposé à la Chambre des communes le 27 septembre 2016. Conformément au paragraphe 32(5) du Règlement, il a été renvoyé au Comité le jour même.

Au cours de la 42e législature, 1re session, le Comité a consacré 19 réunions à l’étude du rapport du DGE et a adopté deux rapports provisoires sur la base de cette étude. Le premier a été présenté à la Chambre le 6 mars 2017 et le second, le 20 mars 2017.

[Traduction]

Le 17 mai 2017, le comité a reçu une lettre de la ministre des Institutions démocratiques qui réclamait que le comité traite en priorité l’étude du rapport du directeur général des élections afin de soumettre au gouvernement des commentaires sur certaines recommandations, des commentaires « essentiels au processus de prise de décision [qu’entreprendra le gouvernement] cet été ». On parle de l’été 2017.

[Français]

Je vous rappelle, honorables sénateurs, que le directeur général des élections par intérim, M. Stéphane Perrault, a clairement indiqué au Parlement et au comité que, afin de permettre à Élections Canada d’apporter les changements nécessaires à temps pour les prochaines élections de 2019, la mesure législative devait recevoir la sanction royale au plus tard à la fin avril 2018.

Le 24 avril 2018, lors de sa comparution devant le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre, Stéphane Perrault, directeur général des élections par intérim, a déclaré ceci, et je cite :

Lors de ma dernière comparution en février, j’ai indiqué que la fenêtre d’opportunité pour mettre en œuvre des changements majeurs à temps pour les prochaines élections générales rétrécissait rapidement. Ce message n’avait rien de nouveau: M. Mayrand et moi-même avions déjà indiqué que les changements législatifs devaient être adoptés avant avril 2018. Cela signifie que nous sommes maintenant au point où la mise en œuvre de nouvelles dispositions législatives comportera vraisemblablement certains compromis.

[...] Toutefois, j’ai aussi la responsabilité de vous informer qu’il ne reste vraiment plus beaucoup de temps. Les Canadiens font confiance à Élections Canada pour assurer l’intégrité et la fiabilité des élections, et nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où la qualité du processus électoral serait compromise.

Le directeur général des élections a attiré l’attention de ce comité, notamment sur deux points techniques. À l’heure actuelle, l’article 91 de la Loi électorale du Canada prévoit ceci :

Publication de fausses déclarations concernant le candidat

91 Il est interdit de faire ou de publier sciemment une fausse déclaration concernant la réputation ou la conduite personnelle d’un candidat ou d’une personne qui désire se porter candidat avec l’intention d’influencer les résultats de l’élection.

Comme vous le constatez, chers collègues, c’est assez large. Le projet de loi C-76 a voulu préciser de quel type de fausses déclarations il était question, et on ajoute de façon restrictive les éléments suivants :

a) [...] le candidat, [...] a commis une infraction à une loi fédérale ou provinciale ou à un règlement d’une telle loi, a été accusé d’une telle infraction ou fait l’objet d’une enquête relativement à une telle infraction;

b) une fausse déclaration concernant la citoyenneté, le lieu de naissance, les études, les qualifications professionnelles ou l’appartenance à un groupe ou à une association d’un candidat, d’une personne qui désire se porter candidat, du chef d’un parti politique ou d’une personnalité publique associée à un parti politique.

Le problème avec cette modification, c’est que, en précisant le type de fausses déclarations, on en exclut certains autres, par exemple, lorsqu’un candidat aurait déjà été incarcéré ou aurait été accusé de pédophilie.

Le commissaire aux élections fédérales, en faisant cette observation dans ses déclarations à la Chambre des communes, a dit ce qui suit :

Le projet de loi spécifie de façon plus claire les comportements qui seraient prohibés. Toutefois, les allégations de turpitude morale qui ne sont pas des actes criminels cesseraient d’être couvertes. Cela pourrait mener à une réduction de la protection offerte par la loi, telle qu’interprétée par les tribunaux au cours des années, à un moment où les « fausses nouvelles » sont devenues un problème dans plusieurs démocraties à travers le monde. De sérieuses allégations ayant un grave impact sur une élection pourraient être faites sans que le bureau puisse prendre des mesures d’observation et de contrôle d’application de la loi.

Il faut donc modifier cet article pour lui donner une portée plus large et réduire les risques de « fausses nouvelles », comme l’a fait remarquer le directeur général des élections au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, où il a mentionné ceci :

Il y a eu quelques cas devant les tribunaux, effectivement, où on a donné une interprétation très restrictive de cela, au nom d’une liberté d’expression, au nom d’une conception de la joute électorale, peut-être. On n’en a pas donné une interprétation très large. Ça devient très difficile d’application. Alors, je pense que c’est très bien de le clarifier. Est-ce que c’est trop étroit? Je sais que le commissaire a, de son côté, proposé des amendements qui, possiblement, présenteraient un compromis; ils augmenteraient la clarté tout en assurant une couverture un peu plus large, et, si c’est possible, je l’appuierai.

Par conséquent, chers collègues, par souci de cohérence et à la demande du commissaire aux élections fédérales, qui a le soutien du directeur général des élections, je propose d’ajouter le terme « notamment » à la liste afin qu’elle soit non limitative.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Claude Carignan : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-76, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 61, à la page 35, par substitution, aux lignes 11 et 12, de ce qui suit :

« la période électorale, de faire ou de publier, avec l’intention d’influencer les résultats d’une élection, une fausse déclaration concernant un candidat, une personne qui désire se porter candidat, le chef d’un parti politique ou une personnalité publique associée à un parti politique, notamment : ».

Son Honneur le Président : En amendement, il est proposé par l’honorable sénateur Carignan, appuyé par l’honorable sénatrice Andreychuk, que le projet de loi C-76...

Des voix : Suffit!

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Quinze minutes.

Son Honneur le Président : À l’ordre, s’il vous plaît. Le vote aura lieu à 20 h 24. Convoquez les sénateurs.

(2020)

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Carignan, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Neufeld
Boisvenu Ngo
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Forest Richards
Frum Seidman
Griffin Smith
Housakos Stewart Olsen
MacDonald Tannas
Maltais Tkachuk
Manning Verner
Marshall Wells
Martin White—36

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Harder
Bernard Hartling
Black (Ontario) Joyal
Boehm Klyne
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Lankin
Boyer Lovelace Nicholas
Busson McCallum
Campbell Mégie
Christmas Mercer
Cormier Mitchell
Coyle Miville-Dechêne
Dalphond Moncion
Dasko Munson
Dawson Omidvar
Deacon (Nouvelle-Écosse) Pate
Downe Petitclerc
Duffy Pratte
Dyck Ravalia
Forest-Niesing Saint-Germain
Francis Simons
Gagné Sinclair
Gold Wetston
Greene Woo—48

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Dean Massicotte—2

(2030)

[Français]

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Dawson, appuyée par l’honorable sénateur Munson, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-76, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à d’autres textes législatifs, tel que modifié.

L’honorable Pierre J. Dalphond : Avant que nous en terminions avec le projet de loi C-76, j’aimerais faire quelques commentaires à l’égard de deux points importants qu’a soulevés la sénatrice Frum dans son discours de vendredi dernier.

Le premier a trait à l’utilisation de la carte d’électeur comme preuve d’adresse.

[Traduction]

Lors des élections fédérales de 2015, 49 600 Canadiens se sont rendus à leur bureau de scrutin et se sont vu refuser le droit de voter, parce qu’ils n’avaient pas en main deux pièces d’identité acceptées. De plus, 123 000 autres personnes ont affirmé ne pas s’être rendues au bureau de scrutin, parce qu’elles croyaient ne pas être en mesure de répondre aux exigences relatives à l’identification. Il est temps de corriger cette situation. Ce n’est pas une question de bonté, c’est une question de respect du droit de vote que confère la Constitution à tous les Canadiens.

C’est pourquoi le projet de loi C-76 rétablit l’utilisation de la carte d’information de l’électeur comme l’une des pièces d’identité acceptées aux bureaux de scrutin. Présentement, pour pouvoir voter, une personne doit présenter une pièce d’identité munie d’une photo sur laquelle figurent son nom et son adresse. Dans la plupart des cas, ce n’est pas un problème. D’ailleurs, lors des élections de 2015, 93 p. 100 des électeurs ont pu présenter une pièce d’identité délivrée par le gouvernement comme un permis de conduire sur laquelle figuraient leur nom, leur adresse et leur photo.

Cependant, cela signifie que 7 p. 100 des Canadiens n’ont peut-être pas une telle carte d’identité à portée de main. Ces personnes doivent présenter une autre carte, habituellement leur carte d’assurance-maladie, qui, vous le savez, ne comporte pas l’adresse du titulaire, du moins, pas en Ontario ni au Québec. Pour prouver leur lieu de résidence, ces personnes doivent également présenter un autre document comme un relevé de compte des services publics, un relevé bancaire ou un relevé de carte de crédit. Cependant, elles ne peuvent se servir de la carte d’information de l’électeur. À mon avis, c’est absurde.

Premièrement, pour certains, notamment les personnes âgées, les jeunes et les Autochtones, il peut être difficile de produire un des autres documents acceptés. Prenez, par exemple, les factures de services publics et les relevés bancaires, qui ne peuvent être envoyés par la poste qu’à un seul membre d’un couple.

Deuxièmement, cette règle semble ne pas tenir compte que, pour la plupart des gens, il sera naturel d’apporter la carte d’information de l’électeur au bureau de scrutin, mais pas une facture de service public ou une copie de leur bail.

En réintroduisant la carte d’information de l’électeur, le projet de loi C-76 fait qu’il est plus facile pour beaucoup de gens de prouver leur adresse et je répète que, pour voter, la personne doit présenter une autre pièce d’identité et son nom doit déjà figurer sur la liste des électeurs au bureau de scrutin. Il n’y aucun danger d’imposture.

[Français]

Le deuxième point concerne les citoyens canadiens qui vivent à l’étranger. Je rappelle que le droit de vote basé sur la citoyenneté, indépendamment du lieu de résidence, est reconnu sans limites dans la plupart des États démocratiques modernes. C’est le cas notamment aux États-Unis, où un citoyen américain non résident, même depuis 40 ans, peut voter à l’élection présidentielle et au congrès. S’il peut voter pour choisir l’homme le plus important du monde, il peut sans doute voter pour élire un député au Canada.

Très peu de pays imposent une limite de cinq ans semblable à celle du Canada. Celle-ci ne s’applique pas aux membres des Forces armées canadiennes ni aux fonctionnaires fédéraux, provinciaux ou internationaux qui travaillent à l’étranger; ceux-ci n’ont aucune limite. Ainsi, un employé des Nations Unies qui vit à New York depuis 30 ans a le droit de vote au Canada, la restriction de cinq ans ne s’appliquant pas. Pourquoi l’employé de Bombardier qui vit depuis 10 ans à Paris ou ailleurs dans le monde n’aurait-il pas le droit de voter?

En fait, seuls deux pays démocratiques restreignent le droit de vote en imposant une période de temps : l’Australie, avec une période de six ans, et le Royaume-Uni, qui a une période non pas de cinq ans, mais de 15 ans. Le Canada est donc le pays le plus restrictif en matière de droits démocratiques. De plus, je le souligne encore une fois, il y a des débats dans ces deux pays, autant en Australie qu’en Angleterre, pour retirer la limite de six ans et de 15 ans.

En somme, il s’agit d’un droit tout à fait normal à reconnaître aux citoyens des pays démocratiques. Pourquoi est-ce normal? Parce qu’il est rare qu’un citoyen qui vit à l’étranger ne maintienne pas de contacts avec son pays. Un Canadien qui vit à l’étranger a souvent de la famille qui habite encore au pays ou des enfants qui fréquentent un collège ou une université ici. Il se peut aussi qu’il soit un Canadien retraité qui a décidé de vivre désormais dans une partie du monde où il fait plus chaud.

Saviez-vous qu’il y a plus de 186 200 Canadiens qui sont résidents permanents à l’étranger et prestataires du Régime de pensions du Canada, et que 149 400 sont prestataires de la pension de la Sécurité de la vieillesse et vivent en permanence à l’étranger? Ces gens ne volent pas le Canada, car ils y ont travaillé toute leur vie. Ils reçoivent une pension qu’ils ont le droit de recevoir parce qu’ils ont travaillé 20 ans et plus au Canada. Ces citoyens n’ont-ils pas encore un lien suffisant avec le Canada? N’ont-ils pas un intérêt à ce qu’on paie leur pension de la Sécurité de la vieillesse? N’ont-ils pas un intérêt à ce qu’elle soit indexée? N’ont-ils pas un intérêt à ce qu’elle continue d’être payée et reçue?

Que dire de tous ces citoyens qui vivent à l’étranger, dont une partie des revenus sont de source canadienne? C’est le cas des gens qui reçoivent des dividendes de sociétés canadiennes ou encore une pension privée. Ils paient tous des impôts au Canada, perçus à la source. N’ont-ils pas un intérêt à l’égard des budgets canadiens et de la taxation canadienne?

Finalement, qu’est-ce qui justifie le fait d’exclure tous les Canadiens qui vivent à l’étranger et qui rêvent de revenir un jour au Canada lorsqu’ils prendront leur retraite? C’est bien tout cela que les rédacteurs de la Charte canadienne ont compris en 1982 et qu’il nous faut reconnaître aujourd’hui en retirant cette restriction de cinq ans, adoptée en 1993. Alors, pourquoi hésiter? Ceux qui s’y opposent mentionnent la peur que nos élections soient viciées par des Canadiens qui ne savent plus ce qui se passe au pays ou qui sont contrôlés par une puissance étrangère qui les manipule. Regardons les faits avant de lancer des campagnes de peur.

(2040)

Il n’existe pas de chiffre précis quant au nombre de Canadiens vivant à l’étranger. Les évaluations varient entre moins de 1 million et près de 2 millions. Il est à espérer, avec l’adoption du projet de loi C-21, Loi modifiant la Loi sur les douanes, que nous aurons à l’avenir des données plus fiables.

Par ailleurs, nous savons qu’un citoyen canadien vivant à l’étranger ne peut voter que s’il a fait tout ce qui était nécessaire pour s’inscrire sur la liste électorale et qu’il a démontré qu’il vivait dans une circonscription électorale canadienne avant son départ. De plus, les statistiques démontrent que, aux États-Unis, à peine 10 p. 100 des non-résidants américains font les démarches nécessaires pour s’inscrire afin de voter lors de l’élection présidentielle, le poste le plus important au monde.

Il y a tout lieu de croire que pas plus de 10 p. 100 des Canadiens qui vivent à l’étranger se prévaudront de leur droit d’élire un député dans une circonscription canadienne. Si le projet de loi C-76 est adopté, le directeur général des élections estime qu’à peine 30 000 Canadiens le feront lors de la prochaine élection. Si on se fie aux estimations les plus basses du nombre de Canadiens à l’étranger qui ont le droit de voter, soit près de 1 million de Canadiens, seule une proportion de 2 p. 100 de ces citoyens a voté aux dernières élections et votera au prochain scrutin.

Lors de la dernière élection fédérale, 14 000 citoyens vivant à l’étranger, y compris des fonctionnaires et des membres des Forces armées canadiennes, ont fait l’effort de s’inscrire en temps opportun auprès du directeur général des élections afin de faire partie de la liste électorale. En 2015, parmi ces 14 000 citoyens inscrits, seulement 11 000 se sont donné la peine de voter. Ce n’est pas facile, car ils reçoivent un bulletin de vote en blanc sur lequel ils doivent inscrire à la main le nom du candidat pour lequel ils votent.

Selon les données fournies par le directeur général des élections, des citoyens non résidants ont voté dans des dizaines de circonscriptions différentes lors de la dernière élection. En moyenne, moins de 200 personnes vivant à l’étranger ont voté dans une même circonscription. Un seul cas est plus élevé, soit la circonscription d’Ottawa—Vanier, comme par hasard, dans laquelle beaucoup de fonctionnaires ont habité avant d’aller à l’extérieur et où 496 Canadiens vivant à l’étranger ont voté. Dans cette circonscription, le candidat libéral élu avait une avance de 24 280 voix sur son plus proche rival. Je ne vois aucun danger de fraude dans Ottawa—Vanier ou dans l’immédiat. On entend dire que, éventuellement, « un jour », cela pourrait se produire. Je crois que ce jour est encore lointain.

Chers collègues, n’hésitez pas à voter en faveur du projet de loi C-76 à l’étape de la troisième lecture afin de redonner aux citoyens canadiens la possibilité d’exercer pleinement un droit constitutionnel.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? Sénatrice Batters, vous avez une question?

L’honorable Denise Batters : Le sénateur Dalphond accepterait-il de répondre à quelques questions?

Sénateur Dalphond, j’aimerais revenir sur certains points abordés dans votre discours. Comme le Comité des affaires juridiques disposait d’un temps limité pour son étude du projet de loi, nous n’avons peut-être pas été bien informés du nombre de pièces d’identité qui sont acceptables à l’heure actuelle selon la Loi électorale du Canada. Il y en a une quarantaine, je crois. La liste des pièces d’identité qu’on peut utiliser est donc assez longue; elle ne se limite pas à un choix restreint. Je me demande si vous le saviez.

J’aimerais aussi savoir ce que vous avez pensé du témoignage fascinant du professeur Ian Lee, qui a comparu devant le Comité des affaires juridiques. Il a parlé des différentes pièces d’identité que les personnes pauvres et vulnérables du Canada détiennent, puisqu’elles en ont besoin pour s’inscrire à différents programmes d’aide sociale. Il nous a dit, en fait, que les personnes pauvres et vulnérables disposent d’un plus grand nombre de méthodes d’identification que les autres.

Par ailleurs, j’aimerais savoir s’il est juste, selon vous, de comparer les électeurs canadiens non résidents aux électeurs américains non résidents, qui sont tenus de payer de l’impôt aux États-Unis alors que le Canada n’a pas d’exigences semblables. Diriez-vous que l’exigence imposée par les États-Unis constitue une différence considérable?

Le sénateur Dalphond : Merci, chère collègue, de votre question.

Je vais commencer par parler du temps qu’a passé le comité sur l’étude du projet de loi. Il est vrai que le temps était limité et que nous n’avons eu que quelques réunions. Nous avons tout de même eu des discussions très productives. Ma collègue, la sénatrice Batters, a participé à ces échanges très intéressants.

Je tiens à souligner que nous nous sommes formés en comité plénier pour tout un après-midi afin de préparer les travaux du comité, ce qui est très inhabituel au Sénat. Je tiens à ajouter que la ministre elle-même et son personnel ont organisé non pas une, mais deux séances d’information technique, qui était ouverte à tous les sénateurs. Ceux qui souhaitaient en apprendre davantage sur ce projet de loi et connaître son contenu ont eu amplement le temps de le faire. Toutefois, je reconnais que j’ai parfois eu besoin de travailler le weekend pour y arriver.

En ce qui concerne le professeur Lee, je me rappelle de la question que je lui ai posée à la toute fin de son témoignage. Quand je lui ai demandé s’il pensait qu’il était nécessaire d’exiger deux pièces d’identité, il a dit « non ». Une pièce devrait suffire. Si une personne a sa carte d’assurance-maladie avec son nom et sa photo, même si l’adresse n’y figure pas, et que son nom est sur la liste, elle devrait avoir le droit de voter. Il a dit : « La deuxième pièce d’identité n’est pas nécessaire. » Je suis d’accord. Il pense que, la prochaine fois, il faudrait peut-être modifier la loi pour indiquer qu’une seule pièce d’identité suffit lorsque le nom de la personne figure sur la liste. J’appuierais cette proposition du professeur Lee.

Enfin, en ce qui a trait aux impôts, les Canadiens en question qui touchent des prestations du Régime de pensions du Canada, la Sécurité de la vieillesse ou des dividendes paient tous des impôts au Canada puisque ces derniers sont retenus à la source. Ce sont des Canadiens qui paient leur juste part des dépenses engagées par le gouvernement pour le pays, et ils contribuent au quotidien aux services financés par leurs impôts. Ils sont donc traités comme les Américains. Merci.

La sénatrice Batters : J’ai une brève question complémentaire. Saviez-vous qu’on permet à des électeurs de ne présenter qu’une seule pièce d’identité — un permis de conduire avec photo, par exemple — si celle-ci contient la photo, le nom et l’adresse de l’électeur? C’est ce qui se passe dans nombre de provinces. Je crois que c’est à ce genre situation que le professeur Ian Lee faisait allusion. Saviez-vous que ce serait permis dans la situation actuelle?

Le sénateur Dalphond : Merci, sénatrice Batters. Ma question au professeur Lee portait sur la carte d’assurance-maladie. Je lui ai signalé que ce ne sont pas tous les Canadiens qui peuvent répondre à l’exigence de présenter une pièce d’identité qui contient à la fois la photo, l’adresse et le nom de l’électeur, puisque 7 p. 100 des Canadiens n’ont pas ce genre de pièce d’identité. Cependant, tout le monde possède une carte d’assurance-maladie. Lorsque je lui ai demandé si la carte d’assurance-maladie était suffisante, il a répondu que c’est suffisant et qu’une deuxième pièce d’identité n’est pas nécessaire.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Dawson, avec l’appui de l’honorable sénateur Munson, propose que le projet de loi modifié soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le vote aura lieu à 21 h 3. Convoquez les sénateurs.

(2100)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Griffin
Bernard Harder
Black (Ontario) Hartling
Boehm Joyal
Boniface Klyne
Bovey LaBoucane-Benson
Boyer Lankin
Busson Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Christmas Massicotte
Cormier McCallum
Coyle Mégie
Dalphond Mercer
Dasko Mitchell
Dawson Miville-Dechêne
Deacon (Nouvelle-Écosse) Moncion
Dean Munson
Downe Omidvar
Duffy Pate
Dyck Petitclerc
Forest Pratte
Forest-Niesing Ravalia
Francis Saint-Germain
Furey Simons
Gagné Sinclair
Gold Wetston
Greene Woo—54

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk Mockler
Ataullahjan Neufeld
Batters Ngo
Beyak Oh
Boisvenu Patterson
Carignan Plett
Doyle Poirier
Eaton Richards
Frum Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Manning Tannas
Marshall Tkachuk
Martin Wells
McInnis White—31
McIntyre

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Dagenais Wallin—3
Maltais

(2110)

Projet de loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux

Adoption du quinzième rapport du Comité des transports et des communications

Le Sénat passe à l’étude du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent des transports et des communications (Projet de loi C-64, Loi concernant les épaves, les bâtiments délabrés, abandonnés ou dangereux et les opérations d’assistance, avec des amendements et des observations), présenté au Sénat le 7 décembre 2018.

L’honorable David Tkachuk propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j’aimerais, à titre de président du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, dire quelques mots au sujet du projet de loi C-64, Loi concernant les épaves, les bâtiments délabrés, abandonnés ou dangereux et les opérations d’assistance.

Ce projet de loi ferait en sorte que les épaves de même que les bâtiments et les embarcations de plaisance délabrés, abandonnés ou dangereux soient enlevés ou réparés, aux frais du propriétaire. Il permettrait aussi aux autorités d’avoir la garantie que les propriétaires de navires ont les moyens financiers d’honorer leurs obligations, puisqu’il obligerait les propriétaires de bâtiments d’une jauge brute égale ou supérieure à 300 tonnes à souscrire un contrat d’assurance ou à obtenir les garanties financières relatives à l’enlèvement d’épaves.

Le comité a entendu 15 témoins répartis sur trois séances. Même si cela peut sembler peu aux yeux de certains, c’était suffisant pour convaincre le comité qu’il devait amender le projet de loi — le sénateur Manning a présenté les motions nécessaires — et y annexer des observations.

Les amendements que le comité recommande d’apporter au projet de loi C-64 lui ont été suggérés par certains des témoins entendus, dont le capitaine Paul Bender, qui a fait la Seconde Guerre mondiale. Son témoignage a été déterminant. Il a aussi comparu devant le comité de la Chambre des communes qui a étudié cette mesure législative.

Bien que le comité de la Chambre des communes n’ait pas amendé le projet de loi C-64, il a accepté d’étudier la question et de produire un rapport qui a été publié en mai 2018, qui s’intitule Les sépultures de guerre marines du Canada. Dans ce rapport, le comité recommande que le gouvernement du Canada rédige une mesure législative similaire à celle du Royaume-Uni afin de protéger les sépultures de guerre marines, mais qu’il explore l’ensemble des options qui permettraient d’offrir une protection juridique immédiate aux sépultures de guerre marines.

Dans sa réponse au rapport, publiée en septembre, le gouvernement indique :

Le gouvernement est ouvert à appuyer un amendement au projet de loi C-64 [...] de façon à permettre au régime législatif qui protège actuellement les épaves à valeur patrimoniale de s’appliquer aux épaves de navires ou d’aéronefs des forces armées canadiennes et étrangères [...]

Les amendements que le comité a adoptés à l’unanimité et qu’il soumet au Sénat sont également appuyés par le sénateur Campbell, le parrain du projet de loi au Sénat. Le sénateur Manning parlera plus précisément des amendements qu’il a proposés.

Les amendements que le comité a apportés portent sur la reconnaissance et la protection des sépultures de guerre marines dans les eaux canadiennes. Bien que Parcs Canada soit autorisé à protéger les épaves à valeur patrimoniale, les épaves militaires sont spécifiquement exclues. Les amendements apportés au projet de loi C-64 conféreront à Parcs Canada le pouvoir de prendre des règlements relatifs aux sépultures de guerre marines et de protéger le lieu de dernier repos des personnes qui ont perdu la vie dans le cadre de leur effort de guerre.

Passons maintenant aux observations qui ont été formulées. Des témoins ont informé le comité qu’ils étaient préoccupés par le nouveau pouvoir accordé au ministre des Transports et au ministre des Pêches et des Océans qui leur permet d’ordonner à un tiers de prendre des mesures concernant des épaves et des navires délabrés ou abandonnés. Ils craignent qu’un tel ordre crée un fardeau pour les administrations portuaires. Ces groupes sont souvent formés de bénévoles et disposent rarement de la capacité financière ou de l’expertise nécessaire pour s’occuper d’une épave ou d’un navire abandonné de fort tonnage. S’ils ne suivent pas une directive du ministre, ces groupes pourraient être poursuivis et condamnés à payer une amende de 100 000 $ à 6 millions $et les administrateurs pourraient être passibles d’amendes supplémentaires ou d’une peine d’emprisonnement maximale de trois ans.

Même s’il ne s’agit pas de l’intention du gouvernement, le projet de loi accorde des pouvoirs très vastes aux deux ministres en plus de prévoir des sanctions considérables en cas de non-conformité. Nous encourageons le gouvernement à décrire dans un règlement ou une directive appropriée les circonstances urgentes et exceptionnelles dans lesquelles il propose de recourir à ces pouvoirs.

Merci beaucoup, honorables sénateurs.

L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-64, Loi concernant les épaves, les bâtiments délabrés, abandonnés ou dangereux et les opérations d’assistance.

Tout d’abord, permettez-moi de dire qu’il s’agit d’une question cruciale pour les collectivités côtières et que j’appuie entièrement ce projet de loi. J’ai été ravi d’agir à titre de porte-parole pour ce projet de loi et je tiens à profiter de l’occasion pour remercier le sénateur Larry Campbell de son travail en tant que parrain du projet de loi C-64. Dès le début du processus, nous étions tous les deux sur la même longueur d’onde et nous souhaitions mettre en place une mesure législative concrète en vue de régler ce problème persistant.

Pour résumer rapidement, ce projet de loi a reçu un appui multipartite solide parce qu’il s’agit d’une mesure sensée. Beaucoup de Canadiens des collectivités côtières, moi y compris, ont vécu de la frustration à cause de propriétaires irresponsables ayant laissé leur bateau pourrir à leurs quais.

Par exemple, en décembre 2001, deux navires lituaniens rongés par la rouille, le Sekme et le Treimani, sont entrés au port de Bay Roberts, à Terre-Neuve-et-Labrador. Deux mois plus tard, on a saisi les navires parce que les propriétaires devaient de l’argent en salaires impayés et en frais de carburant. Les propriétaires ont abandonné les navires, au grand dam des habitants de la ville, et on n’a pas réclamé les navires pendant de nombreuses années.

Au départ, les deux tas de ferraille — comme les surnomment les gens de la région — sont rapidement devenus un cas de pollution visuelle importante, mais, peu de temps après, ils sont devenus un risque environnemental considérable.

À titre de député de la circonscription d’Avalon, j’avais travaillé à l’époque en étroite collaboration avec le conseil municipal, l’administration portuaire et le ministère des Pêches et des Océans pour trouver une solution à cet agaçant problème. Finalement, après presque sept ans de tentatives infructueuses, le gouvernement du Canada a payé pour l’enlèvement et l’élimination de ces deux bâtiments le 30 août 2008, une tournure pour le moins incroyable.

Il y a beaucoup trop d’exemples de ce type de comportement répréhensible au Canada. Dans la plupart des cas, comme dans l’exemple que je viens de vous donner, l’enlèvement d’un bâtiment prend des années et, souvent, l’administration locale doit débourser des coûts exorbitants pour mener à bien cette opération et pour payer les honoraires des avocats. Les localités ont souvent les mains liées parce qu’il n’existe pas de moyen simple d’amorcer le processus d’enlèvement. À l’heure actuelle, on n’inflige pas de pénalités sévères aux responsables de ces situations problématiques.

Le projet de loi C-64 marque un progrès dans la lutte contre ce problème. Les localités pourront maintenant prendre des mesures pour enlever les bâtiments abandonnés au lieu de perdre des années en litiges qui mèneront au même résultat.

L’imposition de nouvelles pénalités importantes, y compris des peines d’emprisonnement pour les particuliers et des amendes de plusieurs millions de dollars pour les personnes morales, est un excellent moyen de prévenir l’abandon des bâtiments. Les graves conséquences auxquelles on s’expose empêcheront au moins certaines personnes d’abandonner des bâtiments au Canada. C’est du moins mon avis.

(2120)

Voilà l’essence du projet de loi C-64, qui donne aux collectivités les outils permettant de régler ce vieux problème à partir du principe fondamental de responsabilité personnelle.

Le plus important élément nouveau à propos de ce projet de loi concerne la question des sépultures de guerre marines, dont j’ai parlé à l’étape de la deuxième lecture. Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être qu’à l’époque, j’avais loué les efforts du capitaine Paul Bender. Le capitaine Bender est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui a passé des années à lutter pour que l’on reconnaisse les sépultures de guerre marines, qui sont la dernière demeure de centaines de marins canadiens ayant perdu la vie pendant la guerre.

Actuellement au Canada, ces dernières demeures n’ont pas la même protection que les cimetières militaires terrestres ou, même, les cimetières ordinaires. En effet, des plongeurs peuvent pénétrer dans ces épaves et en retirer des artéfacts, y compris des restes humains. Je pense que tous les sénateurs conviendront que ce n’est pas convenable.

J’ai eu l’honneur de proposer un amendement au projet de loi C-64 qui permettrait aux autorités chargées de prendre des règlements d’étendre la protection des épaves ayant une valeur patrimoniale aux bâtiments ou aéronefs de forces militaires canadiennes ou étrangères. Cette approche permettrait d’offrir une protection juridique aux bâtiments militaires, y compris ceux qui renferment des restes de marins. L’amendement a été adopté à l’unanimité par le comité.

L’amendement a été formulé de manière à clarifier les exclusions prévues à l’article 5 du projet de loi et à faire en sorte que les dispositions de l’article 131, qui concernent la prise de règlements visant les épaves à valeur patrimoniale par les autorités responsables, puissent s’appliquer aux navires canadiens et étrangers, aux navires utilisés à des fins gouvernementales et non commerciales et aux navires utilisés à des fins d’exploration de ressources minérales.

Par ailleurs, l’amendement qui inclut dans le libellé le terme « sépultures de guerre marines » vise à ce que l’intention derrière les infractions et les sanctions qui sont imposées par les autorités responsables de la réglementation concernant les épaves à valeur patrimoniale, au titre de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, se reflète dans le projet de loi C-64, y compris dans les dispositions de l’article 131, qui portent sur la prise de règlements visant les épaves à valeur patrimoniale par les autorités responsables.

Pour conclure, chers collègues, j’aimerais dire qu’il s’agit là d’une excellente occasion de rappeler l’importance du Sénat et du travail qu’il mène avec diligence lorsqu’il étudie des projets de loi en comité. Plus important encore, cette étude nous a permis de mener à bien le long combat du capitaine Paul Bender pour que la loi tienne compte des sépultures de guerre marines.

Je tiens à remercier le capitaine Bender, qui a été un témoin formidable lors de l’étude du projet de loi C-64 au comité. Je le remercie de la compassion, de la détermination et de la persévérance dont il a fait preuve dans le cadre de l’étude de ce projet de loi très important.

Mission accomplie, capitaine Bender.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Troisième lecture

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

L’honorable Larry W. Campbell : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi modifié soit lu pour la troisième fois maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Campbell : Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir prendre la parole à l’occasion de la troisième lecture du projet de loi C-64, Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux. C’est une loi qui serait utile pour protéger et préserver les écosystèmes aquatiques du Canada et qui rendrait les voies navigables plus sûres.

Permettez-moi de commencer en soulignant l’excellent travail accompli, lors de l’étude du projet de loi, par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui est présidé par le sénateur Tkachuk. Fidèle à la réputation qu’il s’est acquise parmi nous, le comité s’est une fois de plus très bien acquitté de ses fonctions.

Bien que la vaste majorité des propriétaires de bâtiment au Canada se comportent de manière responsable et disposent de leur bâtiment comme il se doit, certains voient l’abandon comme une solution peu coûteuse et peu risquée pour se débarrasser d’un bâtiment délabré. Toutefois, ce faisant, ils créent, dans les voies navigables du pays, des problèmes sérieux constituant un risque pour l’environnement, l’économie et la société. Remédier à ces problèmes peut être complexe et coûteux et, jusqu’à maintenant, c’est aux contribuables canadiens qu’il revenait de payer la facture.

Grâce à ce projet de loi, le gouvernement fédéral aura le pouvoir de prévenir les dangers causés par les bâtiments abandonnés et les épaves plutôt que de devoir gérer après le fait les risques qui en découlent. Le projet de loi interdit aux propriétaires d’abandonner leur bâtiment et, dans le cas d’un bâtiment faisant plus de 300 tonneaux de jauge brute, il les oblige à avoir une police d’assurance qui couvre le coût de l’enlèvement de l’éventuelle épave. Le projet de loi précise en outre que les propriétaires doivent assumer les coûts lorsqu’une épave dangereuse leur appartenant doit être enlevée ou que le danger doit être éliminé.

En exigeant des propriétaires de navires qu’ils localisent, marquent et, si nécessaire, enlèvent toute épave dangereuse issue d’un accident, le Canada remplirait ses obligations à l’égard de la Convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves de 2007, lorsqu’il deviendra partie à la convention.

De plus, les propriétaires de navires de 300 tonneaux de jauge brute ou plus seront contraints de souscrire à une assurance ou d’offrir d’autres garanties financières pour couvrir les coûts de l’enlèvement de bâtiments abandonnés devenus dangereux.

Pour ce qui est de la prévention, le projet de loi s’attaque au problème de la gestion irresponsable des navires qui risque de mener à l’abandon ou au naufrage du bâtiment. Le gouvernement fédéral sera en mesure d’ordonner aux propriétaires de réparer leurs bâtiments délabrés ou dangereux, faute de quoi les travaux seront entrepris par le gouvernement fédéral aux frais des propriétaires. Le projet de loi interdit l’abandon d’un bâtiment ainsi que le fait de le laisser à la dérive pendant plus de 48 heures sans prendre de mesures pour le sécuriser ou de laisser un bâtiment délabré au même endroit pendant plus de 60 jours consécutifs sans autorisation.

Plusieurs modifications importantes ont été apportées pour protéger et conserver les droits des propriétaires des épaves trouvées, de même que les droits des assistants. Par exemple, le projet de loi C-64 prévoira notamment qu’un avis public indiquant qu’une épave a été signalée devra être affiché pendant au moins 30 jours. Le « receveur d’épaves » ne pourra pas prendre de mesures avant que ce délai ne soit écoulé. Advenant l’échec de toute autre tentative d’identifier le propriétaire ou d’entrer en communication avec lui, l’avis public augmente les chances de trouver le propriétaire légitime et donne à ce dernier l’occasion de revendiquer l’épave.

Le projet de loi met en place un cadre d’application qui établit des infractions réglementaires et des sanctions importantes pour punir les cas de non-respect. L’application de cette nouvelle loi relèvera du ministère des Transports, du ministère des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne. Ce modèle permet de tirer parti des forces, des rôles, des mandats et des capacités propres à chaque organisme.

Depuis la présentation du projet de loi en octobre dernier, le gouvernement du Canada a consulté les groupes qui sont les plus touchés par la question des navires abandonnés et des épaves pour entendre leurs points de vue et leurs préoccupations. Il s’agit notamment de gouvernements provinciaux et territoriaux, de collectivités côtières, de groupes autochtones, de propriétaires et d’opérateurs de ports et de marinas, de services de police locaux, de propriétaires de navires et d’organismes communautaires qui protègent fièrement les eaux côtières où ils sont situés.

Honorables collègues, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a apporté un amendement relativement léger, mais important, à ce projet de loi. Cet amendement porte sur la protection des sépultures de guerre marines. Je félicite le sénateur Manning d’avoir présenté cet amendement.

Il s’agit des lieux où se trouvent les épaves de navires militaires dans les eaux canadiennes et qui, parfois, constituent l’endroit où reposent des soldats et des marins canadiens qui sont morts au service de notre pays. Comme on l’a dit plus tôt, des défenseurs comme le capitaine Paul Bender, un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale, militent en faveur d’une modification de la loi canadienne pour faire en sorte que ces lieux soient désignés comme ayant une valeur patrimoniale et bénéficient des protections rattachées à une telle désignation, telle que l’interdiction de récupérer les épaves. Les progrès technologiques des dernières années facilitent l’accès à ces lieux, il devient donc plus urgent d’agir.

Il existe déjà des mesures de protection semblables dans d’autres pays, dont certains pays d’Europe dont les eaux renferment les épaves de navires canadiens. Il est grand temps que le Canada prévoie de telles protections dans ses lois.

L’amendement adopté par le comité sénatorial des transports précise clairement que les pouvoirs de prise de règlement concernant les épaves ayant une valeur patrimoniale s’étendent aux épaves de bâtiments et d’aéronefs militaires, de bâtiments utilisés à des fins gouvernementales et non commerciales et de bâtiments utilisés dans le cadre d’activités d’exploration de ressources minérales canadiens et étrangers.

En outre, l’amendement fait mention des « sépultures de guerre marines », indiquant clairement que tout ce qui est ou qui a été à bord d’une telle épave, y compris les restes humains, sera protégé, tout comme les épaves coulées dans les eaux canadiennes et les restes qu’on y retrouve.

À titre de parrain du projet de loi C-64, je tiens à remercier le sénateur Manning d’avoir élaboré cet amendement et d’avoir tenu fermement à ce qu’il soit adopté tel qu’il a été libellé.

Honorables sénateurs, nos côtes ainsi que les cours et les étendues d’eau du Canada constituent des ressources et un patrimoine pour tous les Canadiens. Ils sont primordiaux pour notre environnement, nos collectivités, notre économie et notre mode de vie.

(2130)

J’espère que vous voterez en faveur du projet de loi C-64, qui contribuera grandement à protéger efficacement ces ressources précieuses. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

[Français]

Projet de loi no 2 d’exécution du budget de 2018

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Pratte, appuyée par l’honorable sénateur Greene, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, mon propos d’aujourd’hui concerne le projet de loi C-86. Compte tenu de l’ampleur de ce projet de loi qui comporte plus de 800 pages, des nombreux éléments qu’il contient et de notre charge de travail individuelle en tant que sénateurs, nous manquons de temps pour étudier en profondeur des projets de cette envergure.

[Traduction]

Dans son intervention à l’étape de la troisième lecture, le sénateur Pratte a fait ressortir six éléments clés du projet de loi C-86 : la nouvelle loi sur l’équité salariale; la modernisation du Code canadien du travail; le régime de protection pour les clients des banques; le remboursement comme incitatif à agir pour le climat qui viendra compenser la redevance fédérale sur le carbone, là où elle s’applique; les modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions; et les modifications à la Loi sur la gestion des terres des premières nations et à la Loi sur la gestion financière des premières nations.

Même si tous les éléments de ce projet de loi omnibus sont importants, j’ai choisi de parler de deux d’entre eux : l’équité salariale et la modernisation du Code canadien du travail.

[Français]

Le 27 février dernier, le ministre des Finances, Bill Morneau, publiait dans son rapport intitulé Égalité et croissance : Une classe moyenne forte, les informations suivantes :

Au Canada, les femmes gagnent aujourd’hui 31 % de moins que les hommes. Autrement dit, le revenu médian des femmes est de 28 120 $, tandis que celui des hommes est de 40 890 $. […]

L’une des principales causes de l’écart salarial entre les sexes est la sous-évaluation du travail fait traditionnellement par les femmes.

Le projet de loi C-86, à la section 14, édicte la Loi sur l’équité salariale qui a pour objectif de remédier à ce problème en réduisant l’écart salarial entre les hommes et les femmes. La nouvelle loi, qui s’inspire des modèles de l’Ontario et du Québec, oblige les cabinets ministériels et les employeurs du secteur public et privé sous réglementation fédérale et qui comptent au moins 10 employés à adopter et à mettre en œuvre une politique sur l’équité salariale. Dans la même veine, le projet de loi modifie la Loi sur les relations de travail au Parlement en y intégrant les dispositions de la nouvelle Loi sur l’équité salariale afin que les nouvelles dispositions sur l’équité salariale s’appliquent au Parlement, dans le respect des privilèges parlementaires.

[Traduction]

La Loi sur l’équité salariale crée le poste de commissaire à l’équité salariale, lequel aura la responsabilité de renseigner les gens, de mener des enquêtes et de faire appliquer la loi. À cette fin, il aura le pouvoir de conduire des enquêtes, de délivrer des ordonnances et d’infliger des sanctions administratives pécuniaires.

[Français]

Notons que la Loi canadienne sur les droits de la personne reconnaît déjà, depuis 1977, l’équité salariale comme un droit pour les employés des secteurs de compétence fédérale. Le projet de loi C-86 modifie le régime fondé sur les plaintes de manière à déplacer le fardeau de l’employé à l’employeur, en obligeant l’employeur à effectuer une analyse du régime d’équité salariale, plutôt que d’obliger l’employé à déposer une plainte pour obtenir réparation. En d’autres mots, le projet de loi intègre les dispositions de la nouvelle Loi sur l’équité salariale au cadre législatif des droits de la personne afin de créer un régime proactif, plutôt que réactif, en matière d’équité salariale.

[Traduction]

Ce projet de loi ne propose pas de changement de fond. Il soumet toutefois les employeurs à de nouvelles obligations qui varient en fonction du nombre d’employés.

Alors que la sous-section A de la section 15 du projet de loi C-86 porte sur le Code canadien du travail, la Loi sur l’équité salariale s’appliquera à la fois aux lieux de travail sous réglementation fédérale et à ceux du secteur privé. La Loi sur les relations de travail au Parlement sera également modifiée de sorte que les obligations prévues par la Loi sur l’équité salariale s’appliquent aussi aux employeurs parlementaires, par exemple aux bureaux des sénateurs et des ministres.

Cette partie du projet de loi a donc une portée considérablement plus vaste que celle du projet de loi visant à modifier le Code canadien du travail. Toutes les entités fédérales sont touchées, essentiellement.

[Français]

La nouvelle Loi sur l’équité salariale octroie un délai de trois ans suivant la date à laquelle l’employeur est devenu assujetti à la législation afin qu’il mette sur pied un plan d’équité salariale. Elle prescrit la substance du plan d’équité salariale qui doit être élaboré, la diffusion d’informations en milieu de travail des obligations et objectifs atteints en matière d’équité salariale, les exigences relatives à la consultation des employés en ce qui a trait au plan d’équité salariale, et l’obligation de remettre au commissaire à l’équité salariale un rapport annuel sur le plan d’équité salariale.

Bien que nous soyons heureux de retrouver cette loi dans le projet de loi C-86, nous aurions préféré qu’elle fasse l’objet d’une étude distincte, ce qui nous aurait permis d’étudier plus en profondeur cette composante et d’y intégrer des modifications qui n’auraient fait qu’améliorer le cadre de fonctionnement de la Loi sur l’équité salariale.

[Traduction]

Je vais maintenant me pencher sur le Code canadien du travail. Le projet de loi C-86 modifie le Code canadien du travail afin de fournir aux employés du secteur privé sous réglementation fédérale de meilleures normes minimales d’emploi. Il est principalement axé sur les employés qui occupent des emplois précaires dont les conditions d’emploi dépendent de la loi. Le projet de loi ne cible pas le secteur public fédéral ni la réglementation des relations syndicales. Par conséquent, il ne nuit d’aucune façon à l’objet du projet de loi C-62. La partie du projet de loi C-86 en question touche seulement 6 p. 100 de la main-d’œuvre canadienne, ou 904 000 employés. Du nombre, 67 p. 100 sont ciblés plus directement et représentent la proportion d’employés non syndiqués dans le secteur privé sous réglementation fédérale.

[Français]

De manière générale, le projet de loi C-86 vise à améliorer la situation des employés dont les conditions de travail sont précaires, qui n’ont pas d’avantages sociaux, qui occupent des postes temporaires ou occasionnels et qui sont souvent mal rémunérés. Les femmes, les Autochtones, les minorités visibles, les nouveaux immigrants et les jeunes sont surreprésentés parmi ces travailleurs.

Le projet de loi vise principalement les employés non syndiqués, dont les conditions de travail dépendent des lois et de la bonne volonté de l’employeur. Notons que les conditions d’emplois de ces employés ne sont pas négociées de manière ponctuelle comme c’est le cas pour les employés syndiqués.

La sous-section A de la section 15 de la partie 4 du projet de loi C-86 modifie les parties II et III du Code canadien du travail dans l’objectif de moderniser les normes de travail pour les employés du secteur privé sous réglementation fédérale. La partie II du Code du travail établit les règles en matière de santé et de sécurité au travail, et la partie III établit les normes minimales d’emploi, comme les heures de travail, le salaire minimum, les congés annuels, les congés, la cessation d’emploi et l’indemnité de départ.

[Traduction]

La modernisation du régime de travail est rendue nécessaire par la stagnation de l’évolution des normes minimales au Canada depuis les années 1960, normes qui ont été développées dans un contexte où la plupart des emplois étaient des emplois permanents à temps plein bien rémunérés et liés à de bons avantages sociaux. Les lois n’ont pas évolué pour refléter les conditions de travail actuelles. Le projet de loi C-86 tente de remédier à la situation.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-86 découlent des consultations menées auprès du public, de syndicats, d’organismes de défense des travailleurs, d’employeurs et de regroupements d’employeurs, d’universitaires, de spécialistes et de différents groupes. Les modifications proposées sont fondées sur les normes provinciales en matière d’emploi, particulièrement celles de l’Ontario. Les consultations ont révélé que, en règle générale, les employeurs du secteur privé sous réglementation fédérale suivent des normes minimales en matière d’emploi, qui respectent ou dépassent les exigences concernant les conditions de travail énoncées dans le projet de loi C-86.

Les modifications du code n’affecteront en rien la législation provinciale concernant les normes de travail ou les secteurs public et privé sous réglementation provinciale.

[Français]

Les modifications à cette loi toucheront environ 18 500 employeurs dans le secteur privé fédéral. Les entreprises du secteur privé sous réglementation fédérale, qui sont régies par les parties II et III du Code du travail, comprennent les sociétés d’État, les entreprises qui œuvrent dans le domaine des télécommunications, de la radiodiffusion, du camionnage, de la marine marchande, des chemins de fer, des moyens de transport interprovincial, de l’aviation, des banques, de l’énergie nucléaire, des activités connexes à la navigation maritime et à la marine marchande, et certaines activités des Premières Nations, comme l’extraction d’uranium, la protection des pêches et les entreprises locales au Yukon, au Nunavut et aux Territoires du Nord-Ouest.

(2140)

Les grandes modifications au projet de loi touchent l’admissibilité des employés aux congés de maternité, aux congés parentaux, aux congés en cas de maladie grave, de décès ou de disparition en éliminant la période de service obligatoire. Elles touchent les pauses non rémunérées et les circonstances spécifiques qui entourent leur octroi. Elles élargissent le champ d’application des professionnels de la santé et réglementent les préavis en matière d’horaires de travail, les congés pour les victimes de violence familiale, les congés personnels, les congés annuels, les congés pour fonctions judiciaires et les congés pour les membres de la Force de réserve. Elles comportent des interdictions quant à la différenciation des salaires sur la base de la situation d’emploi et des règles quant à l’âge minimum pour faire un travail dangereux, et protègent les employés des agences de placement temporaire. Elles encadrent les normes relatives au licenciement en matière de compensation financière et de préavis.

[Traduction]

Encore là, même si nous appuyons les modifications présentées, nous regrettons de ne pas avoir eu assez de temps pour étudier davantage cette partie du projet de loi C-86.

[Français]

À titre de membre du Comité sénatorial permanent des finances nationales, j’ai eu la responsabilité de revoir le projet de loi C-86 dans son intégralité. De ce projet de loi d’envergure de plus de 800 pages, j’ai choisi d’approfondir deux composantes : l’équité salariale et les normes d’emploi. En tant qu’ancienne chef d’entreprise, je voulais m’assurer que les changements proposés étaient acceptables pour les petites et moyennes entreprises.

J’appuie le projet de loi C-86 et je voterai en faveur de son adoption. Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, le projet de loi d’exécution du budget de 2018 présente un certain nombre de politiques qui ont été énoncées dans le budget de 2018 et comprend plusieurs dispositions progressistes, qui ont été bien reçues, en particulier celles qui portent sur l’amélioration de la situation de l’emploi au Canada. Ma collègue la sénatrice Moncion a parlé des modifications liées à l’équité salariale et au Code canadien du travail, dont je veux également parler. La bonne nouvelle est que je vais raccourcir de beaucoup mes observations.

Comme vous l’avez entendu, en ce qui concerne la Loi sur l’équité salariale, le projet de loi crée un régime proactif d’équité salariale pour les employés sous réglementation fédérale. Nous attendons cela depuis longtemps. C’est une bonne chose. Cette modification offre un cadre à différents milieux de travail qui pourront former des comités pour élaborer des plans et prendre des mesures pour parvenir à l’équité salariale. Plus important encore, il prévoit la nomination d’un commissaire à l’équité salariale, qui aura un mandat plutôt large et les pouvoirs nécessaires pour qu’il puisse s’atteler à la tâche à accomplir, notamment l’application de la législation, le règlement des différends et la réalisation d’examens approfondis. Néanmoins, le projet de loi ne va pas assez loin sur un certain nombre d’aspects essentiels.

Ces inquiétudes figurent dans des observations annexées au rapport présenté au Sénat par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. J’espère que le gouvernement donnera suite à notre demande voulant qu’il examine ces questions dans un délai de six ans. La ministre responsable m’a informée que, en fait, elle est en faveur de cet examen.

Sénateurs, sachez que j’espère présenter bientôt une motion, avec l’appui de la sénatrice Andreychuk, qui, je crois, prendra la parole après moi. Cette motion donnerait instruction à un comité du Sénat d’examiner la loi encore plus tôt. Une fois que le commissaire à l’équité salariale aura été nommé, je pense que cet examen pourra l’aider à rédiger des notes d’interprétation et de mise en pratique qui aideront à orienter les personnes intéressées.

Le projet de loi d’exécution du budget contient aussi d’autres mesures sur l’égalité entre les sexes, dont la Loi sur la budgétisation sensible aux sexes, laquelle, paraît-il, permettra d’assurer une application plus générale et plus cohérente de l’analyse comparative entre les sexes plus aux programmes fédéraux. La sénatrice Dasko examine de très près cette question. J’ai bien hâte de collaborer avec elle pour passer en revue les dispositions du projet de loi, surveiller leur mise en application et déterminer si elles permettent d’atteindre l’objectif que nous nous sommes tous fixé en matière d’analyse comparative entre les sexes plus au sein de l’administration fédérale.

Le ministère des Femmes et de l’Égalité des genres élèvera Condition féminine Canada au statut de ministère à part entière, et les modifications à deux autres lois permettent un congé parental plus long lorsqu’il est partagé entre les parents.

Comme vient de vous le décrire la sénatrice Moncion, le projet de loi apporte en outre de solides améliorations au Code du travail. À bien des égards, il est très louable et progressif, et je l’appuie entièrement. Je répète qu’il pourrait y avoir des ambiguïtés. Par exemple, en ce qui concerne la définition de « salaire ». Dans le Code du travail, « salaire » est défini comme toute forme de compensation ayant une valeur pécuniaire, ce qui inclut donc les pensions, les cotisations à un REER, les cotisations à un régime de pension, par exemple. Dans le projet de loi C-86, la comparaison pour les employés à temps partiel, occasionnels ou saisonniers, c’est-à-dire les emplois les plus précaires, se restreint à l’examen et à l’égalité de traitement du taux de salaire. Le terme « taux de salaire » n’est pas défini. Est-ce que l’emploi de termes différents produira un résultat différent ou est-ce que la définition de « salaire » sera prééminente dans la réflexion des arbitres et des instances judiciaires lorsqu’ils se pencheront éventuellement sur la question?

Enfin, j’aimerais parler d’un aspect que vient d’aborder la sénatrice Moncion. C’est le fait que ces mesures législatives, et bien d’autres, sont comprises dans un projet de loi omnibus. La complexité de certaines de ces mesures est impossible à traiter pleinement et de manière exhaustive dans le court délai que nous avons pour en traiter dans le cadre d’un projet de loi omnibus.

À titre de comparaison, je tiens à vous donner un exemple relativement à l’équité salariale. En Ontario — je faisais du lobbying auprès du gouvernement de l’époque afin qu’il adopte une mesure législative proactive sur l’équité salariale —, le ministre responsable a publié un livre vert en novembre 1985, puis, en février 1986, on a présenté un premier projet de loi, suivi d’un projet de loi de remplacement ayant une portée plus vaste en novembre 1986. La Loi sur l’équité salariale a reçu la sanction royale en juin 1987.

Pendant deux ans, on a étudié des amendements et on a débattu de ce projet de loi. Je ne dis pas qu’il faut procéder de la même manière. Tant l’Ontario que le Québec peuvent servir d’exemple de chef de file en matière de mise en œuvre de mesure législative proactive sur l’équité salariale, et ces deux provinces ont beaucoup à nous apprendre. Une bonne partie de ce que nous avons appris ne se reflète pas adéquatement dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

Au Québec, la Loi sur l’équité salariale a été présentée à l’Assemblée nationale en mai 1996. Elle a été adoptée six mois plus tard. Pendant ce temps, le projet de loi C-86, dans lequel l’équité salariale occupe une très petite place, a été présenté à l’autre endroit il y a six semaines. C’est un cercle vicieux. Indépendamment du parti au pouvoir, le va-et-vient du gouvernement qui cherche souvent à accélérer le processus, alors que l’opposition cherche à le retarder, est rarement dans l’intérêt des Canadiens. On peut s’y attendre dans le contexte d’une Chambre partisane comme la Chambre des communes, mais dans un système bicaméral comme le nôtre, je suis d’accord avec le Comité sur la modernisation du Sénat pour dire que la pratique des projets de loi omnibus, jumelée aux pressions pour accélérer leur étude découlant des manœuvres dont je viens de parler, empêche le Sénat de remplir sa fonction et de mener à bien un examen complet, une analyse, des délibérations et une réflexion complètes.

Honorables sénateurs, je suis heureuse d’avoir pu faire ces observations. Merci beaucoup.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je parlerai moi aussi de la loi d’exécution du budget, c’est-à-dire du projet de loi C-86. Avant d’aller plus loin, je rappelle que, quand je suis arrivée au Sénat, les lois d’exécution du budget se rapportaient directement à ce qui figurait dans le budget, mais qu’il a fallu très peu de temps pour qu’on y retrouve des dispositions qui cadraient plus ou moins avec le budget.

On nous a dit qu’il s’agissait de dispositions d’ordre administratif qui avaient été mises là par souci pratique, pour plus d’efficacité. Bref, lorsque le gouvernement constatait des lacunes dans certains projets de loi, il profitait du projet de loi d’exécution du budget pour les corriger en prétextant qu’il agissait à la première occasion, même si les dispositions en question n’étaient pas liées au projet de loi lui-même. Du moment qu’elles y étaient connexes. Cette explication semblait fondée, alors nous l’acceptions.

Petit à petit, ce ne sont plus de simples dispositions d’ordre administratif qui s’ajoutent aux lois d’exécution du budget, mais des projets de loi tout entiers. C’est ce que disaient les sénatrices Moncion et Lankin. Personnellement, j’ajouterais que c’était plutôt mesquin de la part de la presse d’affirmer aujourd’hui que le Comité des finances avait mis à peine 19 minutes pour adopter le projet de loi, quand en réalité, nous en avions divisé l’étude parmi les comités en fonction du sujet abordé. Le Comité des finances a étudié le projet de loi. Que ce soit de façon individuelle ou en comité, nous avons consacré de nombreuses heures au débat et à l’étude. Je crois qu’il est injuste de dire que nous y avons consacré 19 minutes.

(2150)

Ce qu’il faut retenir, c’est que le recours à un projet de loi omnibus est très injuste. Que le gouvernement change ou non, il faut remédier à cette tendance à vouloir présenter des projets de loi d’exécution du budget toujours plus volumineux. Cette Chambre est peut-être celle qui pourrait s’opposer fermement à cette pratique.

J’aimerais parler plus particulièrement de mes préoccupations à l’égard de la section 14 de la partie 4, qui vise à édicter la Loi sur l’équité salariale. Le moment est bien choisi pour en parler, car nous soulignons aujourd’hui la Journée internationale des droits de l’homme. C’est aujourd’hui le 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations Unies. Tout en célébrant les progrès réalisés jusqu’à présent, nous sommes conscients que le combat pour la liberté, l’égalité et le respect des droits universels de la personne n’est pas terminé. L’équité salariale est une étape importante vers l’atteinte de ces objectifs.

La section 14 de la partie 4 du projet de loi C-86 vise à mettre en place des mesures législatives proactives en vue d’atteindre l’équité salariale. Ce projet de loi exigerait que tous les employeurs assujettis à la réglementation fédérale élaborent un plan d’équité salariale, et je suis heureuse que mes collègues aient fourni des explications à ce sujet.

Je suis en faveur de l’équité salariale et j’appuie les objectifs de la section 14, mais les dispositions que renferme cette section ne répondent pas assez bien aux problèmes de l’inégalité salariale, selon moi. Je trouve tout particulièrement préoccupant le fait que le gouvernement ait choisi d’enchâsser les dispositions législatives sur l’équité salariale dans un projet de loi omnibus d’exécution du budget de près de 900 pages. Des témoins qui ont comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales dans le cadre de l’étude du projet de loi ont exprimé la même préoccupation.

Je me permets de citer les propos de M. Derrick Hynes, président et directeur général de l’association des Employeurs des transports et communications de régie fédérale, communément appelée ETCOF. Il a dit :

L’équité salariale est une question cruciale et un engagement électoral du gouvernement. Nous y avons consacré beaucoup de temps. Il est déconcertant de la voir cachée à la fin d’un projet de loi d’exécution du budget [...] Il y a aussi des modifications au Code canadien du travail, que nous devons également gérer. Je dirais que la situation est pour le moins compliquée.

Chers collègues, les mesures législatives qui traitent de politiques publiques majeures méritent un examen parlementaire rigoureux. Lorsqu’elles sont insérées dans un projet de loi omnibus, il devient très difficile pour les parlementaires de remplir leurs devoirs de manière adéquate.

En se fondant sur les rapports d’autres comités du Sénat, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a examiné sans tarder le projet de loi C-86. Néanmoins, un enjeu aussi important que l’équité salariale aurait dû faire l’objet d’un projet de loi distinct qui aurait permis un débat et un examen appropriés afin de sensibiliser les employeurs et le public aux questions clés qui en découlent.

Nous savons peut-être ce qu’est l’équité salariale, mais je tiens à vous assurer que ce n’est pas une discussion que l’on peut avoir avec les Canadiens moyens. Le concept semble solide, mais lorsque l’on veut savoir de quoi il retourne exactement, une brève définition ne suffit pas. Le concept s’applique de façon différente et mérite de susciter l’attention du public.

De plus, un examen approfondi aurait pu permettre d’apaiser les craintes les plus graves des intervenants, soit dans le cadre d’un débat plus rigoureux, soit sous la forme d’amendements. Au comité, de graves préoccupations ont été exprimées concernant le libellé et l’interprétation de certains articles du projet de loi. On remarquera en particulier l’énoncé « tout en tenant compte des divers besoins des employeurs » qui figure sous la rubrique « Objet ».

Dans son témoignage au comité, Monette Maillet, avocate générale principale pour la Commission canadienne des droits de la personne a affirmé :

Il est difficile de prévoir l’usage qu’on en fera dans les poursuites ou peu importe sur quelle tribune. Pour l’instant, c’est pour nous un signal d’alerte. Cet article est censé décrire l’objet du projet de loi, mais il va plus loin que cela.

Autrement dit, cette formulation pourra être interprétée de façon large ou étroite. Il est impossible de le prédire. Elle pourrait entraîner des litiges et des pertes de temps, bref, s’avérer nuisible.

Le Congrès du travail du Canada s’est aussi dit préoccupé par les formulations concernant le vote du comité d’équité salariale, au paragraphe 20(1), et les écarts de rémunération exclus, à l’alinéa 46f).

En raison des différentes préoccupations exprimées, dont celles que je viens de mentionner, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a adopté des observations. Je m’en réjouis. J’aurais préféré des amendements, mais je crois que ces observations étaient nécessaires et s’inscrivaient dans notre champ d’action. Elles demandent au gouvernement d’entreprendre un examen parlementaire au plus tard dans six ans. Cette période m’apparaît toutefois terriblement longue, car l’inertie a tendance à s’installer dans les bureaucraties et les gouvernements.

Les observations que nous avons présentées mettent en évidence huit domaines de préoccupation qui devront faire partie de l’examen parlementaire. Il s’agit d’enjeux cruciaux qui concernent l’équité salariale et que le gouvernement aurait déjà dû régler par voie législative afin que le processus et la procédure soient connus. Il ne suffit pas de faire une belle déclaration ou des vœux pieux à propos de l’équité salariale, ni de prendre un engagement en ce sens. C’est toujours dans les détails d’une mesure législative qu’on peut voir que la volonté exprimée par le gouvernement ne tient pas tout à fait la route.

Même si j’ai accepté ces observations, je crains qu’elles ne contribuent pas beaucoup à faire progresser l’équité salariale au Canada. Je crois que des amendements au projet de loi auraient été un meilleur moyen de régler ces enjeux.

Encore une fois, si on examine les observations, nous avons indiqué que nous devrions connaître dans six ans les répercussions et les effets discriminatoires. Autrement dit, nous sommes conscients qu’un programme d’équité salariale sera mis en place. Cependant, nous ne savons pas dans quelle mesure il sera fonctionnel, efficace et pratique, et s’il remplira réellement l’objectif énoncé par le gouvernement.

Honorables sénateurs, je ne crois pas que ce soit le rôle du Sénat d’élaborer et de mettre en œuvre des procédures et des pratiques. C’est ce que le gouvernement aurait dû faire dans ce dossier fort important. Puisqu’il ne l’a pas fait, nous avons adopté ces observations, et je me joins à la sénatrice Lankin pour dire que le Sénat a peut-être un rôle à jouer pour régler adéquatement le problème d’équité salariale. Ce n’est donc pas la faute du Sénat s’il est saisi d’une mesure législative de 800 pages, mais les sénateurs feront de leur mieux dans le cadre de leur mandat parlementaire.

Merci, honorables sénateurs.

[Français]

L’honorable Percy Mockler : Dans mon esprit, il n’y a aucun doute que le projet de loi C-86 suscite beaucoup de questions qui sont sans réponse, et entraîne des problèmes sans solution.

[Traduction]

Je tiens à parler de quelques-unes des questions auxquelles touche le projet de loi C-86.

[Français]

Je prends la parole ce soir à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

[Traduction]

En mon nom personnel et au nom des deux vice-présidents du Comité des finances, la sénatrice Jaffer et le sénateur Pratte, je tiens à remercier les membres du comité qui ont participé à de longues heures de séances d’information et de réunions pour étudier cet énorme projet de loi, et qui ont interrogé les fonctionnaires et les témoins de façon judicieuse et approfondie.

Nous remercions également les sénateurs qui ne sont pas des membres réguliers du comité, mais qui ont participé à quelques réunions pour examiner des éléments particuliers du projet de loi.

Les comités ont déjà présenté leurs rapports au Sénat. Nous tenons à profiter de cette occasion pour les remercier du travail qu’ils ont fait sur le projet de loi C-86.

(2200)

Nous avons consacré de nombreuses heures à l’examen du projet de loi C-86. Nous espérons que le gouvernement prendra le temps de lire attentivement les observations et les recommandations formulées, puisque ces dernières ont été présentées dans l’intérêt de tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, j’aimerais souligner quelques sujets de préoccupation. Les Canadiens sont préoccupés par les sections 3 et 10, qui apportent des changements considérables aux lois suivantes : la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d’assurance, la Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada, la Loi sur la révision du système financier, la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières et la Loi sur l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Honorables sénateurs, la perception de dividendes par le gouvernement est une nouveauté. Cette pratique a commencé avec le gouvernement actuel. Nous n’avons pas oublié que la sénatrice Eaton a interrogé à de nombreuses reprises des fonctionnaires, et même des ministres, sur les questions du logement dans le Nord, de la nourriture et de la sécurité, des inégalités importantes en matière de santé, des établissements d’enseignement, pour ne nommer que quelques sujets.

Cependant, examinons la nouvelle approche pour les dividendes. Je vais vous donner quelques exemples de ce que fait actuellement le gouvernement du Canada. En mai 2017, le gouvernement du Canada a reçu 145 millions de dollars en dividendes de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. En juin 2017, il a reçu une autre somme de 4 milliards de dollars. En novembre dernier, le gouvernement a touché 1 milliard de dollars en dividendes. Examinons aussi les dividendes qu’il a reçus d’Exportation et développement Canada. Elle a versé 969 millions de dollars en dividendes au gouvernement pour un total de 4,8 milliards de dollars jusqu’à présent.

[Français]

Honorables sénateurs, nous avons aussi d’autres préoccupations. La section 7 modifie les lois suivantes : la Loi sur le droit d’auteur, la Loi sur les brevets, la Loi sur les marques de commerce ainsi que les dispositions sur le bureau du registraire des marques du commerce.

[Traduction]

Honorables sénateurs, permettez-moi d’insister sur un autre point : la section 14 édicte la Loi sur l’équité salariale. Je crois que le véritable défi de cette loi résidera dans la mise en œuvre, qui nécessitera un virage et un changement de culture dans tous les milieux de travail de compétence fédérale, et non seulement au sein d’un organisme qui chapeauterait tous les autres. Je m’inquiète du fait que le gouvernement ne soit pas à l’écoute. Je vais vous donner quelques exemples.

Nous avons présenté 56 amendements à la Chambre des communes, qui portaient principalement sur cette section. Un grand nombre des amendements découlaient de recommandations suggérées par la Coalition pour l’équité salariale de l’Ontario, le Congrès du travail du Canada, le Syndicat canadien de la fonction publique, Teamsters Canada et l’Alliance de la Fonction publique du Canada. Honorables sénateurs, vendredi dernier, la sénatrice Lankin a présenté quelques observations au sujet de la Loi sur l’équité salariale lors d’une réunion du Comité des finances nationales. Elle a notamment dit :

Compte tenu des inquiétudes exprimées par un certain nombre de témoins, le comité exhorte le gouvernement du Canada à effectuer un examen parlementaire dans six ans...

— et elle a proposé de nombreux changements à certains aspects de la loi.

Je vous félicite, sénatrice Lankin, mais nous devrons être extrêmement prudents à l’avenir.

Honorables sénateurs, les sections 11 et 12 modifient la Loi sur la gestion des terres des premières nations et la Loi sur la gestion financière des premières nations. Elles permettent l’ajout de terres aux terres des Premières Nations par arrêté et le transfert des sommes d’argent provenant du compte en capital, et elles offrent aux Premières Nations une autre option pour accéder aux fonds détenus par Sa Majesté à leur usage et à leur profit. Nos collègues ont expliqué les détails de cette section. Je dirai simplement que je suis tout à fait d’accord avec eux quant à l’importance des véritables consultations. Les gouvernements ont trop souvent ignoré les Premières Nations.

Honorables sénateurs, c’est ce qui conclut mes observations au sujet du projet de loi C-86. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Avec dissidence?

Une voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Quand le vote aura-t-il lieu?

Le sénateur Plett : Dans 30 minutes.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote aura lieu à 22 h 36.

Convoquez les sénateurs.

(2230)

La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Harder
Bernard Hartling
Black (Ontario) Joyal
Boehm Klyne
Boniface LaBoucane-Benson
Bovey Lankin
Boyer Marwah
Busson Massicotte
Campbell McCallum
Christmas Mégie
Cormier Mercer
Coyle Mitchell
Dalphond Miville-Dechêne
Dasko Moncion
Deacon (Nouvelle-Écosse) Omidvar
Dean Pate
Duffy Petitclerc
Forest Pratte
Forest-Niesing Ravalia
Francis Saint-Germain
Furey Simons
Gagné Sinclair
Gold Wetston
Greene Woo—49
Griffin

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk Martin
Ataullahjan McInnis
Batters McIntyre
Beyak Mockler
Boisvenu Neufeld
Carignan Oh
Dagenais Patterson
Doyle Plett
Eaton Poirier
Frum Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Manning Tkachuk
Marshall Wells—30

ABSTENTION
L’honorable sénatrice

Wallin—1

(2240)

[Français]

Projet de loi de crédits no 3 pour 2018-2019

Troisième lecture

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-90, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2019, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, je serai très brève dans mes propos. Je n’ai pas envie de reprendre le discours que j’ai fait la semaine dernière.

Bref, il s’agit du troisième projet de loi de crédits. Dans ce cas-ci, on vous demande d’approuver une valeur de 7,5 milliards de dollars, soit des dépenses qui n’étaient pas prévues dans les budgets précédents. Il y a donc une liste de ces dépenses. Si vous avez des questions, je serai heureuse d’y répondre. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je n’égalerai sans doute pas la sénatrice Bellemare, mais je tâcherai quand même d’être brève. Le projet de loi dont le Sénat est saisi aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture — le projet de loi de crédits no 3 — prévoit l’octroi des crédits prévus au Budget supplémentaire des dépenses et demande l’autorisation du Parlement pour 7,5 milliards de dollars supplémentaires en dépenses votées. On y constate également une hausse de 555 millions de dollars des postes législatifs.

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a préparé une brève analyse, que vous trouverez annexée à notre trente-cinquième rapport, sur le Budget supplémentaire des dépenses (A). Nous avons devant nous le troisième projet de loi de crédits de l’année, qui prévoit l’octroi de crédits en fonction des besoins figurant au tableau des crédits parlementaires joint au projet de loi C-90, ainsi qu’à l’annexe du Budget supplémentaire des dépenses (A).

Le comité a étudié le Budget principal des dépenses pour l’exercice et les budgets supplémentaires subséquents, car il faut savoir que les besoins financiers sont réévalués tout au long de l’exercice.

Le comité a entendu plusieurs représentants de 10 ministères et étudié la manière dont 83 p. 100 des fonds prévus dans le projet de loi de crédits seront dépensés.

Pour résumer, si on tient compte du Budget supplémentaire des dépenses (A), les dépenses du gouvernement s’élèvent à 285 milliards de dollars pour l’exercice en cours, mais ce montant devrait augmenter, car d’autres projets de loi de crédits suivront.

On ne s’attend pas à ce que les recettes de l’État soient suffisantes pour assumer les dépenses prévues. Par conséquent, le gouvernement devra emprunter 35 milliards de dollars cette année. Le coût du service de la dette augmente au même rythme que la dette et les taux d’intérêt. En fait, le coût du service de la dette passera de 24 milliards de dollars cette année à 34 milliards de dollars dans cinq ans. En dépensant plus d’argent pour assurer le service de la dette, le gouvernement nuit au financement d’autres programmes.

Refiler la dette aux générations futures n’est pas une solution viable. En tant que sénateurs, nous devons, au nom des Canadiens, exiger que le gouvernement établisse un équilibre entre les dépenses et les recettes prévisibles. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

Projet de loi de 2018 sur la convention fiscale Canada—Madagascar

Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Greene, appuyée par l’honorable sénateur Gold, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-6, Loi mettant en œuvre la Convention entre le Canada et la République de Madagascar en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu.

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-6, Loi mettant en œuvre la Convention entre le Canada et la République de Madagascar en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu. Je serai bref.

Les relations commerciales entre le Canada et Madagascar sont de taille plutôt modeste. Les investissements directs du Canada à Madagascar totalisent 28 millions de dollars, dont une grande partie provient de la société minière Sherritt International, de Toronto. Chaque année, nous exportons pour 16 millions de dollars de produits à Madagascar. Ce sont surtout des machines et des produits mécaniques ou électriques. À l’inverse, nous importons environ 99 millions de dollars de produits de Madagascar, principalement des produits minéraux, des aliments et des textiles.

Deux témoins ont comparu devant le Comité des affaires étrangères et du commerce international lors de l’étude du projet de loi S-6. Ils étaient tous les deux fonctionnaires au ministère des Finances du Canada.

Ted Cook, qui est directeur général de la législation de l’impôt, a expliqué au comité que ce projet de loi vise deux principaux objectifs. Le premier est d’éviter la double imposition, ce qui devrait favoriser le commerce bilatéral et les investissements entre le Canada et Madagascar. Le deuxième consiste à prévenir l’évasion fiscale et l’évitement fiscal, en particulier par des échanges d’information.

M. Cook a aussi indiqué aux membres du comité que cette convention fiscale s’inspire du modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l’OCDE, mais que des adaptations ont été faites par rapport à ce modèle pour tenir compte de certaines particularités de la fiscalité canadienne.

Le modèle de l’OCDE est, apparemment, celui qui est le plus souvent employé dans le monde pour conclure des conventions fiscales.

(2250)

Puisqu’elle a déjà été ratifiée par Madagascar, la convention entrera en vigueur dès qu’elle sera ratifiée par le Canada. La convention initiale a été signée en novembre 2016. Cela a pris au Canada près de deux ans pour présenter ce projet de loi au Parlement. On se demande pourquoi le gouvernement a pris autant de temps pour le faire.

Je pense en tout cas qu’il s’agit d’un projet de loi non controversé et assez simple. Ce sera la 94e convention ratifiée par le Canada.

Je tiens également à souligner que le comité a fait rapport du projet de loi en apportant l’observation suivante :

Le Comité encourage le gouvernement à continuer de surveiller la situation politique à Madagascar tandis qu’il met en œuvre la Convention.

Dans le discours que j’ai prononcé à l’étape de la deuxième lecture, j’ai dit — et vous vous en souviendrez certainement — que le pays était au milieu d’une élection présidentielle, qu’il y avait beaucoup d’instabilité politique et que le taux de criminalité est resté élevé au fil des ans. Je pense que le comité a fait une observation judicieuse et j’espère que le gouvernement la prendra au sérieux.

En dépit de ces réalités, j’appuie le projet de loi et je recommande qu’on passe sans tarder à l’étape de la troisième lecture. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Plett : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

(À 22 h 52, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)

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